MEMOIRE PROFESSIONNEL Dans le cadre de la formation à l’Habilitation à la Maitrise d’Œuvre en Nom Propre
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UN REGARD SUR LES LOGIQUES ORGANISATIONNELLES DE LA FABRIQUE AJN -
Architecte ADE : Alexandre Braleret Ecole Nationale Supérieure d’Architecture Paris-Malaquais (ENSAPM) Enseignant référent : Gilles Delalex
Agence : Ateliers Jean Nouvel Tuteur : David Fagart Formation 2012-2013 Date de remise du mémoire : 3 Septembre Soutenance : 23 Septembre 2013
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Remerciements / Je souhaite avant tout remercier Les Ateliers Jean Nouvel pour leur accueil et l’opportunité qu’ils m’ont donné de travailler à leur côté, Egalement, Narjis Lemrini et David Fagart pour les précieux conseils qu’ils ont su me prodiguer au quotidien, Mon tuteur Gilles Delalex pour son accompagnement et ses jugements avisés tout au long de cette mise en situation professionnelle, Et enfin, ma famille pour le temps et le soutien qu’elle a su me donner durant cette période.
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" Il faut que les gens se disent que l’illusionniste a encore frappÊ ! "
- Jean Nouvel, 06/02/2013 -
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PLAN / PREAMBULE ................................................................................................................................. 6 Expériences passées ................................................................................................................. 6 Pourquoi cette agence ? ............................................................................................................ 7 Que représente une HMO chez Jean Nouvel ? ......................................................................... 7 Problématique ............................................................................................................................ 8 GLOSSAIRE INTRODUCTIF ......................................................................................................... 9 Introduction à la structure d’accueil ......................................................................................... 10
I. LA FABRIQUE DES SYMBOLES : UNE STRUCTURE AU SERVICE DE LA FILIATION D’UNE ŒUVRE ......................................................................... 11 a. i. ii. a.
Mutation hiérarchique : de la pyramide aux instances mobiles .................................. 11 Crises et révolutions : le cycle de vie AJN ..................................................................... 11 Le statut « intermédiaire » .............................................................................................. 13
Autonomie et singularité de la cellule transversale....................................................... 15 i. L’hyperspécialisation des compétences - le projet « clé en main » ............................... 17 MSP / Philharmonie de Paris : 3D & EXE, duo gagnant ? ....................................................... 17
a. i. ii.
Ecriture interne et contrôle distancié du projet : .......................................................... 18 Une culture auto-générée............................................................................................... 18 Entre «idée» et «produit» .............................................................................................. 19
II.
L’ARCHITECTE ARTISTE ET MAITRE D’OEUVRE ............................. 21
a.
Commande, signature et pouvoir .................................................................................... 21 MSP / Problématiques contractuelles : Lyon Confluence ........................................................ 22
b.
« Servir l’œuvre » : de la poule aux œufs d’or au gouffre financier .......................... 24
III. DANS «L’OMBRE» DU CREATEUR........................................................ 25 a.
Les ateliers ou grand-messe architecturale ................................................................... 25 MSP / Dépôt du Permis de Construire R4 – Île Seguin ........................................................... 25
b.
Des risques de la surproduction… .................................................................................. 27
c.
...aux dérives de la séduction .......................................................................................... 28
OUVERTURE SUR LE PROJET PROFESSIONNEL .................................................................. 31 Retour sur expérience .............................................................................................................. 31 Mes orientations pour l’avenir .................................................................................................. 32
Curriculum Vitae ......................................................................................................................... 33 Bibliographie ............................................................................................................................... 34 Index des noms cités.................................................................................................................. 35
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PREAMBULE Ce mémoire professionnel souhaite rendre compte de l’évolution de mon état d’esprit vis-à-vis de la profession d’architecte et de son rapport à la notion de responsabilité. Je commencerai dans un premier temps par expliciter mes attentes de cette formation au regard de mon précédent parcours professionnel et les raisons qui m’ont poussé à choisir ce type de structure. J’expliquerai ensuite la manière dont j’ai choisi d’analyser ma mise en situation professionnelle (comment s’est forgée mon opinion sur une pratique de l’architecture aux regards du travail effectué et de mes observations personnelles), pour finalement énoncer la problématique qui me servira de fil rouge dans ce mémoire. Je tenterai enfin de formuler le bilan de cette formation en explicitant mes futures orientations en tant qu’architecte. Expériences passées Au cours des trois dernières années, j’ai pu collaborer avec des agences et structures très diverses : En 2010 déjà, avec l’agence parisienne Smoothcore qui m’a donné mes premières responsabilités sur des concours d’idées ainsi que sur le suivi d’un chantier d’une librairie (la taille réduite de l’équipe - entre deux et quatre personnes - impliquait une prise d’autonomie rapide). Puis en 2011, avec l’agence Lendager Arkitekter basée à Copenhague (elle de taille moyenne - une dizaine de personnes) : en charge d’un concours restreint pour une durée de 4 mois, j’ai pu affûter mon expérience de suivi de projet tout en me nourrissant de la culture du design et du rapport à la matière propre au Danemark. De la même manière, le fait d’être immergé dans une culture qui n’est pas la mienne fût un véritable déclic pour moi. La même année, j’ai également collaboré avec l’institut de recherche CITA (également basée à Copenhague) qui est un laboratoire de recherche intégré à la Royal Danish Academy of Fine Arts : au-delà de l’expérience que j’ai pu accumuler sur des questions d’optimisation formelle et de procédés de fabrication numériques, j’y ai découvert les possibilités que peuvent offrir un dialogue avec le monde académique. Ces trois approches très distinctes de la profession d’architecte m’ont alors conforté dans la nécessité de garder une posture transversale vis-à-vis du projet et d’assumer la dualité entre « l’idée première» du projet et les contraintes de sa réalisation. En 2012, mon travail de diplôme reflétait cette dimension hybride du projet que je souhaite défendre : portant sur un scénario de développement économique pour le Groenland, le projet était constamment à la brèche entre puissance fictionnelle et potentiel économique réel, imaginaire et données concrètes, évocations et recherches constructives. La dualité de ce projet est en parti le résultat de mes expériences professionnelles passées qui m’ont amené à cultiver cet art, si ce n’est besoin, du basculement . Toutefois, je me suis rendu compte que l’espace (en terme de projet) qui sépare ces deux extrêmes pouvait être largement optimisé et que pour continuer à donner force à mon propos de manière générale, il faudrait affirmer ma maîtrise des codes et contraintes qui régulent le projet d’architecture. De la même façon, j’ai compris qu’une meilleure compréhension des relations qui lient les différents acteurs d’un projet était indispensable pour rompre avec la vision trop souvent naïve que je pouvais avoir de ces enjeux. Avant de poursuivre mes investigations personnelles, le bagage de la maitrise d’œuvre en nom propre me semblait donc obligatoire.
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Pourquoi cette agence ? J’ai donc décidé de venir travailler aux Ateliers Jean Nouvel pour plusieurs raisons : Déjà, pour observer les mécanismes d’une agence colossale : disséquer sa façon de faire pour mieux comprendre les processus en place et maitriser les outils « nontechnique » qui font naître le projet. Egalement, pour son environnement international, un point que je juge crucial depuis mon expérience passée à l’étranger. De plus, l’agence possède un avantage évident par rapport à d’autres : elle continue à être très active malgré la crise (les raisons de cette longévité m’intriguant naturellement). Enfin, j’ai jugé que les Ateliers Jean Nouvel pourraient m’apporter une base solide pour affuter mon regard sur la profession (au sens de référent). En intégrant cette agence, je me suis naturellement demandé si j’allais éprouver des difficultés à obtenir un statut et des responsabilités stimulantes ou encore pouvoir explorer tous les domaines que je souhaitais aborder. AJN étant une agence très structurée, il me semblait difficile de ne pas se retrouver avec une étiquette et encore plus de pouvoir s’en détacher. Malgré l'absence de réponse à ces interrogations, je saisis l'opportunité qui m'était offerte de m’engager pour six mois au sein des Ateliers Jean Nouvel. Que représente une HMO chez Jean Nouvel ? Ainsi durant ces six mois de « Mise en Situation Professionnelle », les Ateliers Jean Nouvel furent pour moi un microcosme riche, une machine fascinante dont j’ai pu étudier les mécanismes et mouvements avec attention. Etant donné le caractère hors-norme de cette agence, j’ai choisi de me concentrer sur les fondements de cette « fabrique » et d’en disséquer les logiques organisationnelles sur lesquelles repose le mythe de « l’architecte créateur ». Ayant été rouage de cet organisme pendant tout ce temps, ce mémoire professionnel me donne la possibilité de prendre de la distance sur mon expérience et d’en tirer les enseignements nécessaires à ma formation d’architecte maître d’œuvre. Relater ma mise en situation professionnelle chez AJN de façon chronologique n’aurait que peu de sens : j’ai donc plutôt tenté de porter un regard critique sur les situations et objets qui, à mon sens, font l’essence d’AJN (pour cette même raison, on trouvera un peu plus tard dans ce document un glossaire qui recompose le visage de l’agence).
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Problématique
En me basant sur l’évolution tout à fait singulière de sa hiérarchie ainsi que du rapport singulier qu’entretiennent les cellules internes de l’agence avec Jean Nouvel, j’ai souhaité me demander si la liberté de création pouvait encore s’accorder avec le poids de la responsabilité, ce qui revient à se demander : l’architecte peut-il être à la fois auteur et responsable ? Cette question m’est apparue comme évidente au fur et à mesure de mon expérience chez AJN, l’agence tentant au quotidien d’assurer la pérennité de l’œuvre de son créateur tout en s’assurant de la justesse des projets délivrés. Au fond, comment la structure et l’organisation de l'agence peuvent-elles permettre d'associer ces deux aspects? (et le peuvent-elles vraiment ?) Pour cela, j’ai articulé mon questionnement autour de trois grands chapitres, ciblant chacun un aspect particulier du travail en agence d’architecture : commande, production et communication. En utilisant le terme de « fabrique », je souhaite également faire un lien entre le type de production architecturale qui est faite chez AJN et la gestion de l’entreprise elle-même. Comprendre la nature des projets en cours chez AJN est un moyen fiable pour comprendre l’agence elle-même. Avoir cette ligne directrice comme toile de fond me permit d’étudier à différentes échelles les éléments concrets de la pratique chez AJN, comme explicitée dans le plan de ce mémoire. Plutôt que de segmenter mon discours en grands chapitres « présentation », « expérience(s) » et « analyse(s) », j’ai choisi de les entremêler tout au long de mon questionnement, les trois étant intimement liés. Cette façon de procéder m’a permis de faire dialoguer données objectives et vécu pour illustrer au mieux mon propos (trois analyses de missions sont ainsi distillées dans les différentes parties du mémoire - les passages concernés seront ainsi signalés par un encart « MSP»)
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GLOSSAIRE INTRODUCTIF
A / «Agence» ……………………………………………………………………………… p.8, 9 A /« Actualités» ………………………………………………...…………………………..p.8, 9 C/ « Cellule(s) » ………………………………………………..……………………… p.13, 15 C/ « Commande» ………………………………………………..………………… p. 8, 19, 20 C / « Cycle(s) » …………………………………………………………………………. p. 9, 25 C/ « Créateur » ……………………………………………………..……………………… p.23 C/ « Chantier» …………………………………………………….………………. p.15, 16, 20 C/ « Culture (auto-générée)» ……………………………………..……………………… p.16 C/ « Communication» …………………………….……………….…………..… p. 23, 24, 25 D / « Délais » ……………………………………………………………………………..… p.17 F / « Flou» ………………………………………………………………………………….. p. 17 G / « Gouffre » ………………………………………………………………………….. p. 8, 22. G / « Grand-messe» ………………………………………………………………….……. p.23 H / « Hiérarchie » ………………………………………………………………………. p.12, 13 I / « Information (contrôle) » ……………………………………………….…………. p.12, 23 I / « Intermédiaire »………………………………………………………...……………..… p.11 M / « Microcosme »……………………………………………………………………...… p. 28 N / « Non-style »……………………………………………………………………....….… p.25 O / « Ombre(s) » ……………………………………………..……………….…… p.12, 13, 14 P / « Politique(s)» ……………………………………………………………………... p. 21, 22 P / « Personnel» …………………………………………………..………….…………… p. 14 R / « Règles (de formation) » ……………………………………………………..……… p. 16 R / « Responsabilité» ……………………………………………..………….….. p. 26, 27, 29 S / « Sectorisation » ………………………………………………..……………..…….… p. 15 S / « Surproduction » ……………………………………………….…...…………………p. 25 S / « Statut(s) » ……………………………………………………………………..… p. 10, 11 S / « Séduction»……………………………………………………..…………………….. p. 26 S / « Sensation(s) »………………………………………………..………………………. p. 16 S / « Symbole»……………………………………………………...………………………. p.17 S / « Sélection» ……………………………………………………………………………. p. 19 T / « Transversale »…………………………………………..…………………..……..... p. 11 V / « Vision» ……………………………………………………………….……..………... p. 17
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Introduction à la structure d’accueil Les Ateliers Jean Nouvel sont l’aboutissement d’une série d’agences d’architectures dirigées par Jean Nouvel depuis 1970. Considéré comme un des cabinets d’architectes les plus médiatiques de France avec plus de 40 projets en cours dans 15 pays, un chiffre d’affaires de 30 Millions d’Euros pour l’année 2011, AJN est une équipe multiculturelle de plus de 180 professionnels (issus des domaines de l’architecture, de l’urbanisme, du paysagisme, du graphisme, du dessin industriel, de l’architecture d’intérieur). Le cap de l’agence est avant tout fixé sur l’international : en à peine 20 ans (de 1994 à 2013 pour être précis), le pourcentage de commandes venant de l’international est passé d’un maigre 2% à plus de 80%. Cette tendance s’illustre actuellement par des projets comme la tour MoMA à New York, le musée du Louvre à Abu Dhabi ou le Musée National du Qatar. Cette activité à l’étranger n’entrave en rien celle qui s’exerce sur le territoire français comme le montre le projet de la Philharmonie de Paris (en cours de construction), ou encore l’aboutissement des consultations sur le projet de l’île Seguin (solution retenue par référendum en décembre dernier) Jean Nouvel a également créé dès 1995 une société autonome (bien qu’accolée à l’agence) destinée à la promotion de son activité de designer (JND, Jean Nouvel Design). Il y a encore peu, l’agence AJN s’organisait autour d’une structure « à deux têtes » : Jean Nouvel (la source de la conception architecturale » et Michel Pélissié (PDG et garant de la bonne santé économique de l’agence). Leur « parfaite complémentarité » jusque-là mise en avant 1 a pris fin courant Novembre de cette année ; la raison évoquée : une divergence trop prononcée sur la stratégie à long terme de l’agence. En discutant avec les personnes d’AJN, on se rend compte que ce « clash » entre les deux personnages était prévisible depuis plusieurs années, l’un et l’autre évoluant dans des sphères bien différentes. Jean Nouvel souhaite en effet poursuivre son « entreprise » intellectuelle dans une quête de postérité, en se donnant corps et âme pour des projets prestigieux mais qui se transforment également parfois en des gouffres financiers. A l’opposé, Michel Pélissié cherchait lui à consolider une entreprise (au sens économique du terme pour le coup) en privilégiant, quand cela était nécessaire, des projets moins intéressants mais plus lucratif de manière à maintenir la barque à flot. Au final, l’équipe managériale s’arrangeait pour qu’un projet rembourse le suivant. Jean Nouvel est ainsi son propre associé depuis décembre 2012 (en détenant toute les parts de l’entreprise) et mène à présent la barque, seul. Ont été appelés pour l’aider dans sa lourde tâche deux nouveaux directeurs généraux délégués, Philippe Meurisse (qu’il aime appeler son ministre de l’intérieur, chargé des opérations internes à l’agence) et Pascal de Thomasson (son ministre de l’extérieur, chargé de l’étranger). Egalement, le rejoint à son côté, Olivier Schmit, ancien grand reporter au journal « Le Monde » en devenant son conseiller. A l’âge de 67 ans et toujours bien entouré, Jean Nouvel devient pour la première fois seul à la tête de son empire (refusant ainsi toute association avec un fond d’investissement).
1 […] un équilibre essentiel entre la conception au plus haut niveau et le service professionnel qui ne tolère pas de compromis. Tandis que Jean accompagne nos clients tout au long du processus de conception architecturale, Michel s’assure qu’ils bénéficient de la meilleure prestation professionnelle qu’AJN puisse leur offrir. » - Extrait de la plaquette officielle de l’agence AJN 2011 -
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I.
LA FABRIQUE DES SYMBOLES : UNE STRUCTURE AU SERVICE DE LA FILIATION D’UNE ŒUVRE
a. Mutation hiérarchique : de la pyramide aux instances mobiles i.
Crises et révolutions : le cycle de vie AJN
Pour savoir si l’on pouvait établir un lien entre les changements de statuts d’AJN et l’organisation de son environnement, j’ai tenté de reconstruire l’évolution des différentes structures gérées par Jean Nouvel : Le début (1960-1972) Jean Nouvel débute sa carrière dans l’agence de Claude Parent pendant les années 1960. Il rencontre François Seigneur et Gilbert Lézénes qui deviendront plus tard ses premiers associés. En 1970 les deux jeunes quittent l’agence avec la bénédiction de Claude Parent qui leur propose du travail puisé de ses propres commandes. Les jeunes associés sont invités à concourir pour une école expérimentale et travaillent sur quelques petits projets de maison. Premières commandes (1972-1985) En 1972 l’agence emménage rue Beaubourg et remporte le premier concours Pan parrainé par le Ministère de l’Equipement. Avec le scénographe Jacques Le Marquet, ils collaborent sur le projet de la rénovation du théâtre Gaieté Lyrique. La fin des années 1970 voit se construire plusieurs grands projets dont la clinique de Bezons, le collège d’Antony, et le Théâtre de Belfort. En 1980 l’agence déménage rue Lacuée et gagne le concours de l’Institut du Monde Arabe en équipe avec Pierre Soria et Architecture Studio. Le bâtiment sera inauguré en 1987 et remportera le prix de l’Equerre d’Argent. . Jean Nouvel & Associés (1985-1990) En 1985 Jean Nouvel monte une SARL (Société à Responsabilité Limitée) avec ses nouveaux associés Emmanuel Blamont, Jean-Marc Ibos, et Myrto Vitart. Au sein de JNA seront conçus et réalisés entre autres l’INIST à Nancy, les logements Nemausus à Nîmes, La Tour Sans Fins, le Centre de Conférence de Tours, le Centre Culturel Onyx à St. Herblain, et l’Opéra de Lyon, Equerre d’Argent 1993. Nouvel recherche un homme d’affaires capable d’ouvrir de nouvelles perspectives pour l’agence et lui donner une nouvelle impulsion. En 1990 il signe un protocole avec l’ingénieur Suisse Emmanuel Cattani. Emmanuel Blamont, Jean-Marc Ibos, et Myrto Vitart quittent JNA et démarrent des carrières indépendantes. L’ère Cattani (1990-1993) Emmanuel Cattani est constructeur d’usines et associé dans de nombreuses sociétés de consulting et d’ingénierie. Il met au service de l’agence son carnet de contacts dans l’industrie et la politique. La nouvelle agence emménage cité Griset près de Ménilmontant. Cattani informatise l’agence, l’internationalise, la consolide financièrement, et signe de nouveaux contrats comme l’usine chocolat Poulain à Blois. La taille de l’agence dépasse 100 personnes. Puis vient la crise économique et en 1993, l’agence est mise en redressement judiciaire. Architectures Jean Nouvel (1993-2002) Contrairement à ce que l’on pourrait croire, 'Ateliers Jean Nouvel' est un bureau d’étude technique et non pas une agence d’architecture, son statut est donc celui d’une société SAS « lambda » mais qui est peuplée d’architectes. Ce changement de statut a eu lieu après que l’agence ait connu un redressement judiciaire en 1993 : Jean Nouvel perdit en effet son droit d’exercer pour 5 ans. Aux termes de ces 5 ans, il n’a pas souhaité reprendre le statut d’agence. Architectures Jean Nouvel (SA) est ainsi établie en 1994 par Michel Pélissié avec du capital injecté par le Gan, le Fipar, et la 11
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Société Cartier. Sous l’impulsion de Michel Pélissié et grâce à la renommée grandissante de Jean Nouvel et à la fin de la crise, l’agence se stabilise et prend son envol. Depuis 1994 la société est en progression permanente. Avec 25 employés en 1994, la société en compte environ 150 aujourd’hui. Le nom de l’agence est modifié en Ateliers Jean Nouvel en 2002 pour des raisons juridiques. Les Ateliers Jean Nouvel (2002-2012) Ateliers Jean Nouvel a été dirigé par Jean Nouvel et Michel Pélissié jusqu’en décembre 2012. Leurs rôles étaient complémentaires : Jean Nouvel se consacre à la création architecturale, Michel Pélissié au projet d’entreprise qui sous-tend cette création. Leur projet commun est de promouvoir une architecture innovante en fournissant une prestation professionnelle de qualité. C’est également à cette époque que Jean Nouvel décide de recourir aux services de Fabrice Lextrait (ancien directeur de la Friche de la Belle de Mai à Marseille) afin de réfléchir à une organisation capable d’absorber la croissance. Ce qui ressort en premier de cette analyse, est la constance avec laquelle JN a su s’entourer pour financer l’architecture qu’il désirait et trouver les associés (ou associations) qui lui permettraient de s’agrandir. L’accroissement progressif de son capital nous permet également de nous interroger sur les stratégies développées jusqu’à ce jour pour perpétuer son entreprise intellectuelle. ii.
Le statut « intermédiaire »
Les architectes associés occupent un rôle essentiel au sein de l’organisation. Anciens architectes de l’agence, possédant désormais leur propre structure, ils ont parfois des difficultés à accéder à la commande et acceptent volontiers les projets que les Ateliers Jean Nouvel leur délègue, permettant ainsi à ces-derniers de réguler la croissance dans les périodes très chargées. Ils travaillent en direct avec Jean Nouvel mais développent les projets au sein de leurs propres structures2. Hiérarchiquement en-dessous des associés et au-dessus des chefs de projets, on trouve les partenaires. Ces-derniers ont, pour la plupart, une ancienneté reconnue dans l’agence ainsi que des compétences très variées. Certains sont designers, d’autres organisateurs, d’autres encore sont spécialisés dans le suivi de chantier. Ils supervisent les équipes et assument des tâches de responsabilité managériale. Certains sont également installés à l’étranger d’où ils pilotent les antennes de l’agence (États-Unis, Barcelone, Copenhague, Doha…). Les partenaires font ainsi le lien entre la création architecturale (Jean Nouvel), l’administration et la production. Le statut « intermédiaire » de ces-derniers n’a pas été quelque chose de facile à faire admettre lors des remaniements de 2002 : alors que traditionnellement les collaborateurs de JN avaient facilement accès à lui, il y a plus de cloisonnement aujourd’hui dans l’entreprise et moins d’accès « au créateur », plus de barrières qui sont autant de sources de tensions. Concrètement, il faut faire la queue et jouer des coudes, voire même « tendre des pièges » pour obtenir une audience de Jean Nouvel. "En 2002, Jean m’a demandé de venir travailler avec lui afin de faire évoluer l’organisation du travail, d’améliorer la productivité de nos équipes et de créer une plus grande fluidité entre l’administration et la création. Pour rester au plus près des exigences de Jean, nous avons créé l’échelon des partenaires, à égalité fonctionnelle et salariale. Aujourd’hui, nous disposons d’un outil d’une puissance formidable, doté d’une éthique, d’une ambition politique et artistique cohérente. Le défi majeur est de conserver On compte parmi eux HW Architectures à Paris, METRA + Associés à Paris, LEPLAE Xavier à Toulouse, DJURIC-TARDIO Architecte à Paris, RIBAS et RIBAS Arquitectos à Barcelone, MARIA Eric à Genève, MEDEM Alber to Arquitecto à Madrid, et CARBONE Alessandro à Rome.
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son œuvre, sans l’affadir ou la diluer. Nouvel, ce n’est pas un style mais une méthode de pensée, c’est plus difficile à apprendre…"3 Le fonctionnement de l’agence est également rendu plus couteux en raison de ce très grand nombre de « chefs » (21 partenaires en tout), et encore plus de chef de projets. L’agence se définit elle-même comme « lourde, mais d’une force de frappe époustouflante, capable de sortir un concept en un temps record, et avec des documents décoiffants »4 -Les instances mobiles : un système productif ou pénalisant? – Le plus grand risque pour cette grande famille avec un père si souvent absent, c’est la perte (ou déformation) de l’information. En effet, l’ancien système pyramidal faisait que l’information s’appauvrissait au fur et à mesure qu’elle était transmise, mettant ainsi l’essence même du projet en péril. Pour pallier à cela, a été mise en place en 2008 autour de JN une équipe jeune et mobile qui répond au doux nom des « ombres » (constituée de Samuel Nageotte et Aurélien Coulanges). Le rôle de ces « assistants architecturaux personnels » est clairement celui de relais entre JN et les ateliers où s’élabore le projet. Ils l’accompagnent à tour de rôle dans chacun de ses déplacements et rapportent (s’il le faut, interprètent) chacune de ses paroles pour faire avancer le projet de la façon la plus juste possible. Connaissant bien les équipes, ils sont plus à même d’adresser à la personne la plus compétente les problèmes rencontrés. De la même manière, ils assurent une forme de filiation des projets AJN en sachant réutiliser un vocabulaire et des codes éprouvés dans les projets phares de l’agence. « Après quelques concours lamentablement perdus et des projets se développant sans qu’il ne soit satisfait, JN a souhaité reprendre le contrôle de ses projets et être plus au courant de ce qui se passe dans son agence. Le système a donc été complètement changé sans qu’aucune réunion n’en ait informé les employés. »5 Grâce à cette organisation, les parties du corps peuvent rester en perpétuel mouvement même si la tête ne donne que de rares consignes (lorsque celle-ci ne subit pas de jet lag…). Le fait que cette mutation dans l’organisation de l’agence apparaisse au lendemain de la crise financière n’est pas une coïncidence : l’agence a basculé brutalement d’une période faste à une période troublée (40 personnes ont été contraintes de quitter l’agence, la gestion des locaux fût perdue et la politique commerciale a dû être entièrement revue). AJN réalisait 40 % de son chiffre d'affaires en Espagne et avait signé d'importants contrats aux États-Unis (ces derniers ont été tout simplement annulés à la suite de la faillite de Lehman Brothers). La mise en place des « ombres » est ainsi un symbole fort d’une gestion recentrée et optimisée. L’instauration des « instances mobiles » décrites plus haut est sans aucun doute un plus pour une agence de cette taille : on pourrait utiliser l’image de l’huile qui vient graisser les rouages d'une mécanique lourde à mettre en marche. Toutefois, ce système peut se révéler pervers à plusieurs égards : tout d’abord, cette organisation crée un climat ambigu où l’on ne sait plus vraiment à qui rendre des comptes sur sa production ; la hiérarchie est ainsi temporairement « mise à plat », effacée et les initiatives individuelles sont encouragées au dépend de l’unité de l’équipe. Sans parler de compétition interne entre cellules, les affinités qu’entretiennent les ombres avec telle ou telle personne varient grandement : si certains reçoivent accolades LEXTRAIT, Fabrice, ancien directeur de la Friche de la Belle de Mai à Marseille TRINCAL, Alain, Jean Nouvel et ses ateliers, séminaire création « Les amis de l'école de Paris », séance du 16 décembre 2008, compte rendu rédigé par Elisa Révah, p.4 5 GIULIANI, Laura, architecte en charge de la cellule paysage au sein d’AJN, Extrait de conversion, février 2012 3 4
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et sourires complices, d’autres ne bénéficient que d’un accueil mitigé. A titre personnel, la visite des ombres s’apparentait à une prise de température, savoir si l’on bénéficie des faveurs de la hiérarchie... De ce point de vue, la mise en place des « ombres » dans le monde AJN incite grandement à se démarquer du lot et à s’assurer de rester « au haut du panier », plutôt que de créer une réelle synergie entre les équipes : une vraie « dream team » en soi.
a. Autonomie et singularité de la cellule transversale La conception qui est faite de la hiérarchie chez AJN est à plus d’un titre intéressante : s’affichant comme l’extension directe d’un seul homme à la base, l’agence existe pour donner vie aux visions et intuitions de Jean Nouvel. En découle une organisation pyramidale avec à son sommet, l’homme cité plus haut. Cependant, en raison de la cadence et du nombre croissant de commandes (qui a parlé de la crise ?), AJN a dû faire évoluer son mode de fonctionnement en devenant plus flexible et mobile dans sa conception du projet architectural : la pyramide est ainsi devenue ramification en mettant en place un système de cellules transversales et plus ou moins autonomes qui assure la pérennité du projet. Ces cellules se répartissent en quatre principales: conception 3D, images, graphisme et paysage (avec pour chacune, un chef de cellule à sa tête). Les chefs de projet travaillent en étroite relation avec ces cellules pour mieux guider leurs équipes dans des débuts de projet parfois nébuleux. J’ai pour ma part travaillé un moment dans la cellule 3D qui alimente chaque phase du projet et plus souvent la phase de lancement. Elle est le premier organe à se mettre en branle lorsque les projets débutent, une machine lourde qui s’active vite et propose un grand nombre de propositions en prenant appui la plupart du temps sur un croquis en pièce jointe d’un mail, une esquisse de coin de table photographiée où les bribes d’une conversation rapportée entre JN et son équipe proche. Considérée comme la plus autonome des cellules (et bras armé de JN), elle est souvent amenée à prendre l’initiative voire à devancer les équipes « archi » de manière à mettre en lumière les points forts du projet et désamorcer ses possibles faiblesses. A l’agence, on la désigne comme la seconde cabine du « capitaine » d’où il peut piloter ses projets avec plus de sérénité. C’est également dans ce lieu que sont amenés en premier les clients étrangers, fraîchement arrivés et en quête d’émotion. A noter que cette cellule possède le turn-over le plus important de l’agence en raison de l’intensité et cadence du travail demandé.
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« Les ombres », centre névralgique d’AJN :
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i.
L’hyperspécialisation des compétences - le projet « clé en main »
Les différentes cellules de l’agence sont autant de spécialités internes, elles interviennent sur différents projets et les alimentent de leur savoir-faire : paysagisme, design intérieur, détail, infographie, création d’image, maquette, économie du projet…L’agence tient à ce que ces-dernières soient parfaitement intégrées afin de proposer une prestation complète au client, un projet « clé en main » avec cohérence comme maître-mot. L’agence sous-traite en effet très peu et assume de répondre seule à de nombreuses candidatures. Mais quel est l’impact réel en termes de gestion de projet ? Un tel fonctionnement implique en effet d’avoir à temps complet des salariés spécialisés et d’en assumer l’impact financier et la gestion. De même, cette situation peut entraîner des tensions en termes de management : des périodes de vides ne pouvant être évitées, l’administration pèse longuement le pour et le contre avant de proposer ne serait-ce qu’un rallongement de durée de contrat. La seconde conséquence sur l'organisation des charges de travail en dent-de-scie est que chaque cellule possède un calendrier interne qui permet de gérer au mieux son personnel (jours de récupération, RTT…). Les affectations pour les différents projets s’organisent en équipes pluridisciplinaires, en fonction des compétences et des expériences de chacun. Une équipe « type » peut ainsi être constituée d’un chef de projet, un assistant chef de projet, un ou plusieurs jeunes architectes (HMO, jeune diplômé) et un ou plusieurs stagiaires. Les équipes sont établies en fonction de la complémentarité des savoir-faire (spécialités, logiciel, aisance particulière dans un domaine…). D'une part, cette sectorisation des compétences est très efficace mais peut vite devenir gênante tant elle force à cataloguer les individus. D’autre part, la structure très hiérarchisée de l’agence ne permet pas vraiment de répartir les tâches de façon verticale, ce qui va à l’encontre d’une implication plus large et d’une formation interne épanouies. Toutefois, cette hyper-spécialisation est un avantage précieux lorsqu’il s’agit de développer des aspects très spécifiques du projet en interne : en exemple, le projet de la Philharmonie de Paris pour lequel la complexité formelle de plusieurs portions du bâtiment a nécessité des études très poussées en cellule 3D. MSP
Philharmonie de Paris : 3D & EXE, duo gagnant ?
Le projet de la Philharmonie de Paris est le plus gros chantier en cours à l’agence : c’est Mathieu Forest (un des partenaires) qui a la charge de piloter les équipes sur le terrain depuis les locaux annexes d’AJN ainsi que Brigitte Metra, en qualité d’architecte associé. L’atmosphère autour de ce projet est quelque peu pesante compte tenu des tensions politiques qu’il génère : le dépassement de budget de près de 215 millions d’euros et les 2 ans de retard pris sur la livraison ne facilitent en rien les choses. La complexité de l’équipe de maîtrise d’œuvre fait également que les retards s’accumulent : en effet, un document comme un plan d’exécution ou une fiche de travaux modificatifs doit être visé par AJN, puis Métra, pour ensuite passer par le bureau d’étude et la synthèse, avant d’être finalement validé. Bien que le chantier soit bien entamé au Parc de la Villette, il y a encore de nombreux éléments du projet qui sont discutés et modifiés. Cette situation donne lieu à des navettes permanentes entre l’équipe en place sur le chantier et les cellules internes de l’agence pour valider ou infirmer les hypothèses développées. Lors de ma MSP, j’ai ainsi pu suivre trois des sujets questionnés : le détail des « nuages acoustiques » dans l’auditorium, le suivi du prototype de la façade « tourbillon » ainsi que l’application d’un 17
nouveau motif « nuée d’oiseau » sur l’ensemble du projet (voir annexes documents graphiques). La cellule 3D a été largement réquisitionnée sur ces trois sujets étant donnés leur importance formelle et leur impact sur la perception du projet. La modélisation est devenue le vecteur de dialogue entre notre équipe et celle sur le chantier. Compte tenu de la taille du projet, le modèle du projet fût scindé en portions sur lesquelles travaillaient en simultané des équipes distinctes : j’ai ainsi pu découvrir l’utilisation des xref 6 , un outil fondamental pour la gestion informatique de projets colossaux. Au-delà d’un simple rôle « d’illustration », la cellule de conception développe également les outils informatiques nécessaires à la création du projet. Devoir générer des solutions formelles allant parfois jusqu’à la précision d’un document d’exécution est rapidement devenu un véritable casse-tête pour l’équipe de conception. Un prototype à l’échelle 1 fût également réalisé en étroite collaboration avec l’atelier Banneel (voir annexes documents graphiques). Ajoutant à cela la nécessité de faire des réunions journalières avec l’équipe de chantier, on comprend vite que la cellule conception dépassait de loin ses fonctions initiales.
a. Ecriture interne et contrôle distancié du projet : i.
Une culture auto-générée
« N’y a-t-il pas une contradiction entre la logique de marque et la volonté de Jean Nouvel de faire pour chaque projet une architecture spécifique ? Si c’est à chaque fois différent, alors Jean Nouvel n’est pas le seul à pouvoir intervenir ? Les partenaires semblent une réponse possible, comme relais du créateur…L’entreprise possède-t-elle des processus clés pour déployer les manières de faire de Jean Nouvel ? » Les « règles de formation » sont très souvent utilisées au début de chaque projet lorsqu’il s’agit de définir les éléments qui définiront le projet dans ses grandes lignes. Ces « règles sensibles et poétiques basées sur l’analyse structurelle d’un paysage vécu »7 sont convoitées par tous puisque distillées au compte-goutte par le maître JN. Ces références sont absolument nécessaires pour les chefs de projet afin de ne pas dévier de l’inspiration initiale. Lorsque Jean Nouvel est à l’agence, les chefs de projet qui n’ont pas de réunions prévues avec lui disposent des maquettes, des plans, des images à l’entrée, vers les escaliers enfin vers tous les points stratégiques de son passage pour essayer de glaner quelques informations. La plupart du temps, ces stratagèmes fonctionnent. Lors des réunions, cela produit des échanges souvent improbables où fusent dans la bouche de Jean Nouvel des expressions savoureuses : " Si tu fais des poteaux, on va encore se fâcher, tu n’as qu’à les remplacer par des gaines porteuses… " ; " Quand je vois ça, je n’ai aucune émotion… ", « Le problème avec vous c’est que vous n’avez aucune idée de ce qu’est la préciosité », En termes de fonctionnement pour l’agence, ces « règles » sont un gain de temps énorme et la mise en place d’un intranet qui recense tous les projets de l’agence depuis les années 90 permet de monter un dossier de référence extrêmement rapidement : le
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Références externes NOUVEL, Jean, « Manifeste de Louisiana », publié par Louisiana Museum of Modern Art/Rosendahls Bogtrykkeri (June 1, 2008) 7
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véritable enjeu devient alors de combiner ces références pour donner lieu à une solution unique, de réinventer un processus de projet sur des fondations existantes. ii.
Entre «idée» et «produit»
« Avec lui, tout commence toujours par une histoire, une parole. Aux équipes de comprendre où il veut en venir. »8 En reprenant l’outil d’analyse développé par Weld Coxe dans son ouvrage « Success Strategies for Design Professionals », on souhaite détailler ici le mode de production quelque peu paradoxal des Ateliers Jean Nouvel. En effet, il est assez évident d’écarter la notion de « service »9 pour décrire la prestation qu’offre AJN mais beaucoup moins de distinguer celle « d’idée » et de « produit ». Les Ateliers Jean Nouvel se désignent comme un producteur de solutions spécifiques pour des projets uniques, du « sur-mesure » architectural qui s’oppose à priori à toute forme de « branding » identifiable. Et pourtant, les clients affluent pour avoir « du Jean Nouvel ». Weld Coxe parle ainsi de « Brain firms » pour désigner ces agences créatives auprès desquelles s’adressent les clients qui souhaitent rester « the smartest kid on the block » 10 et ainsi se distinguer d’autres services plus standards... Dès lors, des composantes essentielles du projet comme la fonctionnalité, le budget et les délais passent en second plan pour faire primer le « concept ». Parce qu’il est en quelques sortes déconnecté des réalités de l’architecture, le secteur de « l’idée » ne concerne qu’un pourcentage restreint d’agences, celui-ci étant monopolisé par les stars de l’architecture (cf. diagramme plus bas) L’effet « produit » est une composante indissociable de l’effet Pritzker, mais pas seulement : à travers la mise en place d’un vocabulaire spécifique, l’agence a réussi à développer une grille de figures qu’elle peut réutiliser, voire combiner dans différents projets. L’utilisation récurrente de reflets, jeux de miroir, effets caustiques, effet moiré sont autant de symboles qui sont distillés dans chacun des projets de manière à susciter une vision typique d’AJN. Il n’est pas évident de maîtriser ce vocabulaire en quelques mois et le dialogue entre les équipes n’est pas toujours simple compte tenu du turn-over fréquent : il s’agit de réapprendre ces figures à chaque renouvellement d’équipe et la maitrise du « flou suggestif » n’est pas chose aisée... En intégrant cette notion d’apprentissage propre à l’agence, les règles de formations prennent bien vite des allures de mantras. L’effet « produit » est également intensifié par les nombreuses associations que fait Jean Nouvel avec le milieu artistique (on pense tout de suite à ses nombreuses collaborations avec l’artiste Anish Kapoor par exemple) : ces « featurings » sont autant d’effets d’annonces qui reposent sur la notoriété des artistes invoqués. Tout cela fait que l’accès à la commande est compliqué à gérer car c’est en refusant les projets qui ne le motivent pas que Jean Nouvel préserve son image. Image, qui elle, attire de nouveaux clients qui à leur tour, devront être prêts pour l’expérience Jean Nouvel.
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LARROCHELLE, Jean-Jacques, « La maison nouvel vacille sur ses fondations », paru dans « Le monde » (06.05.2013), p3 9 DUMESGES, Cédric, “ Nous attendons une écoute et une disponibilité qu’un architecte en jet lag ne peut apporter… », responsable du service immobilier de l’assistance publique-Hôpitaux de Paris, dans LE MONDE - CULTURE ET IDEES, daté du 16.05.2013 10 COXE, Weld, “Charting your course master strategies for organizing and managing architecture firms”, publié par Architectural Technology, (Mai/Juin 1986)
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Evolution des marchés en fonction des processus de projet (d’après Weld Coxe)
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II.
L’ARCHITECTE ARTISTE ET MAITRE D’OEUVRE
a. Commande, signature et pouvoir « En choisissant un concepteur, non pas au vu d’un projet correspondant à sa demande, mais sur la conviction qu’il sera faite par sa rencontre avec un homme de l’art, le maître d’ouvrage doit être conscient de la double dimension technique et humaine de sa décision. En effet, elle l’engage pour la durée d’un projet non encore formalisé à l’heure où il fait son choix »11 Comme le souligne un de ses proches collaborateurs, « Jean Nouvel est un architecte artiste, conteur, pas un technicien », et c’est pour cette raison que la cellule développement est si importante à l’agence… Cette dernière est dirigée par Alain Trincal qui s’occupe de la commande et de la mise au point des contrats de maitrise d’œuvre. C’est ici également que sont gérés la relation client, l’élaboration de l’offre, le calcul des coûts prévisionnels, le suivi du contrat et sa révision. Ariane Dienstag, collaboratrice et directrice commerciale de cette cellule a plusieurs tâches : elle est chargée de mener des enquêtes sur les marchés publics (« en épluchant le moniteur de fond en comble» comme elle aime à dire) à la recherche de marchés qui pourraient convenir à l’agence soit en raison du montant des travaux, soit si le sujet est susceptible d’intéresser Jean Nouvel. Elle s’occupe également des prospects, en d’autres termes des personnes qui viennent directement demander Jean Nouvel. Pour ce cas de figure précis, un profiling est préalablement ?. Tout passe plus ou moins par elle, elle reçoit tous les jours, des quatre coins du monde, trois ou quatre demandes de maîtres d’ouvrage qui sont filtrées lors de réunions régulières. Les clients de la MOA retenus sont ensuite reçus puis testés pour savoir s’ils peuvent rencontrer Jean ou pas. « Après quinze ans de collaboration, on sait un petit peu ce qui peut l’intéresser », citait Michel Pélissié avant de démissionner. Quand ce premier filtre est passé, l’architecte dialogue avec le client puis réunit les collaborateurs qui sont à ses yeux les mieux armés pour répondre à la commande : un premier budget prévisionnel ainsi qu’un planning en fonction des différentes données (situation géographique, type de mission, taille du projet, budget). C’est également à ce moment que sont négociés le contenu du contrat et plus précisément, la limite de prestation (les contrats sont élaborés au sein de l’agence à l’aide d’un service juridique interne). D’après ce que j’ai pu comprendre, les marchés publics ne sont pas la « tasse de thé » de l’agence : l’incertitude des concours et l’expérience parfois peu concluante financièrement parlant - de projets précédents (tels que le concours du stade de Nice) ont fait que l’agence est plutôt réticente à ce type de marché. Ainsi en 2008 avec les difficultés de la crise, l’agence a souhaité se tourner vers les marchés privés et les privilégier au détriment des marchés publics qui n’étaient plus stables. Les nombreuses relations que possède l’agence lui permettent de recevoir en moyenne six nouvelles demandes de marchés par semaine. Les programmes sont riches et très divers, de la réhabilitation d’une ferme en Suisse à la construction de complexe hôtelier en Chine. Ces demandes sont minutieusement étudiées pour savoir si elles sont sérieuses, si le budget est réaliste et si le client a vraiment envie de gérer un projet avec l’agence Nouvel. Avec le réseau légué par Michel Pélissié (entrepreneur et anciennement affilié aux collectivités publiques du côté des maîtres d’ouvrage) l’agence est capable de stimuler 11
MIQCP (Mission interministérielle pour la qualité des constructions publiques), Organiser une consultation de maîtrise d’œuvre – concours et autres procédures de choix d’un maître d’œuvre, collection guides, édition Lemoniteur, p.24.
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les commandes. Ils ont su fidéliser des clients tels que Hinse, Cartier ou encore Samsung qui font appel régulièrement à l’agence pour des projets de tailles diverses. L’agence est aussi associée à de nombreux promoteurs qui font très souvent appel à ses services comme par exemple Bouygues, ou bien François Fontès. Grâce à toutes ses connexions l’agence s’assure un nombre de marchés privés plus ou moins constant. Aujourd’hui les pourcentages entre marché public et marché privé sont très clairs à l’agence : en termes de chiffre d’affaire, 70% de marchés privés contre 30% pour les marchés publics et en termes de nombres de projets, de l’ordre de 80% de marchés privés et 20% de marchés publics. Pour la quasi-totalité des projets à l’international, AJN collabore avec des architectes locaux qui se chargent de l’exécution de l’ouvrage. Les phases chantiers sont très mal rémunérées car souvent peu négociées. Comme il arrive souvent qu’un projet s’arrête en cours de route, la direction essaie toujours de négocier un maximum d’honoraire sur les phases de conception, afin d’assurer une bonne rentrée d’argent. Cela devient souvent problématique pour les projets qui sortent réellement de terre car il ne reste plus que les miettes d’honoraires pour les phases d’exécutions (l’agence devenant ainsi de moins en moins performante dans les phases de chantier). Les honoraires à l’agence sont calculés sur un pourcentage par rapport au coût de construction avec un prorata en fonction de la mission (auquel s’ajoute naturellement le prix d’une signature par un architecte lauréat du Pritzker). Les Ateliers Jean Nouvel obtiennent de nombreux contrats d’esquisses, JN impose souvent une idée : soit le client accepte, soit le projet s’arrête. Il arrive souvent que les clients qui viennent chercher du « Jean Nouvel » prennent peur petit à petit au vu de la complexité du projet « proposé », mettant ainsi souvent un terme au projet. Ceci explique d’ailleurs pourquoi les phases d’esquisses sont souvent beaucoup mieux négociées que les phases de chantier. MSP
Problématiques contractuelles : Lyon Confluence
Au cours de mon expérience chez AJN, j’ai eu la chance de suivre en continu le développement d’un projet de logements sur le site de Lyon Confluence (voir pièces graphiques) : l’équipe réduite mise en place pour l’occasion contribua ainsi largement à l’augmentation de mon expérience en terme de suivi de projet. Les réunions avec la maitrise d’ouvrage, représentée par le groupe Cardinal 12 , furent également des moments clés pour apprécier les rapports de forces qui se mettent en place lors des réunions de projet. Le projet étant une commande privée, la maîtrise d’ouvrage a souhaité donné carte blanche à Jean Nouvel pour les premières esquisses. Cette période fût particulièrement stimulante pour moi dans la mesure où il fallait monter une première ébauche en dialoguant avec la SAEM de la ZAC Lyon-Confluence ainsi que l’équipe d’Herzog&Demeuron en charge du masterplan pour l’opération. L’idée était de proposer une version épurée des contraintes du projet à JN pour qu’il puisse commencer à « mettre la patte » dessus. Les premières esquisses ont ainsi été proposées un mois plus tard lors d’une réunion se tenant à Lyon et réunissant Les Ateliers Jean Nouvel ainsi que le groupe Cardinal : l’approbation fût générale et le projet pu continuer tranquillement. Les choses se compliquèrent quelque peu au cours des réunions suivantes : alors que l’idée générale du projet avait été validée, la maitrise d’ouvrage commença petit à petit à émettre des réserves sur les aspects forts du projet, à savoir : une répartition sur deux 12
1er promoteur indépendant régional en immobilier professionnel et société holding de JeanChristophe Larose, le Groupe Cardinal est spécialisé dans la promotion, l’investissement immobilier et la gestion de résidences.
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noyaux de circulation qui permettait des variations de hauteurs dans les différents appartements et qui permettait d’apporter de la plus-value aux logements à loyer modéré. A noter que ces réunions se déroulèrent en comité plus restreint et sans la participation de JN ou du président de Cardinal, Jean-Christophe Larose. L’incompréhension fût générale lors de la troisième réunion lorsque le groupe Cardinal se dit déçu du projet en général et demanda une nouvelle esquisse au plus vite. Le projet fût gelé pendant un moment étant donné que la maitrise d’ouvrage refusait de mettre par écrit les remarques fournies sur le projet et de les faire suivre par courrier, laissant la phase d’esquisse non-validée et privant ainsi l’agence de ses honoraires. Pendant plus de deux mois, le projet se poursuivit donc dans un rapport schizophrène où Jean Nouvel se montrait tout à fait satisfait de l’avancée du projet dans ses ateliers et où la maitrise d’ouvrage se montrait de moins en moins emballée à chaque réunion. J’ai pu observer à ce moment la difficulté du rôle de chef de projet qui devait d’une part prendre des pincettes en essayant d’alarmer JN sur les réserves du groupe Cardinal et qui d’une autre part, devait se faire porte-parole et tenir la position de l’agence lors des réunions avec la MOA. Lorsque ce bras de fer eut fini de mettre le projet au point mort, les « ombres » décidèrent qu’il était temps de débloquer la situation en invoquant les instances politiques : une réunion « off » entre Jean Nouvel et Gérard Collomb, actuel maire de Lyon, fût ainsi organisée pour faire entendre les arguments défendus par l’agence. J’ai ainsi pu comprendre que vouloir innover en prônant une maitrise d’œuvre active sur le projet n’est pas chose aisée tant celle-ci va à l’encontre de forces commerciales et financières. Le rapport entre les acteurs de la maitrise d’œuvre et celle d’ouvrage est rendu encore plus délicat lorsqu’il s’agit d’une commande de « signature » : en effet, la maitrise d’ouvrage n’étant pas sollicitée aux prémices du projet, le dialogue est rendu très difficile et l’on peut facilement aboutir à une guerre de tranchée où l’incompréhension atteint des sommets.
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b. « Servir l’œuvre » : de la poule aux œufs d’or au gouffre financier « Notre organisation n’a de sens que parce qu’elle est au service de Jean Nouvel, qui poursuit une entreprise intellectuelle, la création d’une œuvre architecturale forte, qui restera à la postérité. Jean Nouvel n’est pas prioritairement intéressé par la croissance de l’entreprise. Celle-ci, paradoxalement, s’enrichit de cette attitude : la poule aux œufs d’or, pour elle, c’est l’œuvre de Jean Nouvel. Si, au cas par cas, les intérêts de l’entreprise créative ne sont pas nécessairement les mêmes que ceux de l’entreprise managériale, globalement, tout le monde s’y retrouve »13 La manière dont sont abordés les projets chez AJN est un aspect déterminant de l’organisation. Jean Nouvel considère que chacun d’entre eux est unique, conçu sur mesure pour un lieu, une culture, un climat. Pour savoir quelle attitude adopter, encore faut-il faire l’état des lieux. Chaque projet débute donc par un travail de recherche approfondi sur lequel Jean Nouvel pose un concept, la plupart du temps nourri d’une référence artistique. Le mode de vie de JN est également un facteur important dans l’organisation de l’agence : partageant son temps entre Nice et Paris sans compter le reste des déplacements à l’international, ce sont souvent des équipes minimes de proches collaborateurs qui effectuent des sessions « workshops » avec lui dans son lieu de résidence. Dans une seconde phase, proche du rendu cette fois-ci, il n’est pas rare qu’une partie extrêmement importante de l’agence soit mobilisée sur un seul et même projet. Au final, la dichotomie qui existe entre l’architecte-artiste et le chef d’entreprise est intimement liée au fait que le rythme de vie de « l’homme » prime sur celui de l’agence. Ce mode de production devient toutefois très instable lorsque le projet tourne au marathon, comme ce fût le cas pour le concours du NAMOC14 (bouclé fin Novembre) : Pour rappel, le concours débuta en Décembre 2010 pour finir courant Juillet 2012 et s’étala sur quatre phases successives. A la fin de la troisième phase, Les Ateliers Jean Nouvel remportèrent l’offre mais aucune annonce officielle ne fût prononcée par le gouvernement Chinois. Le caractère nébuleux de ce concours tenait avant tout au changement de gouvernement qui était en train de s’opérer en Chine (l’illustration la plus frappante de ces conditions atypiques reste l’instauration d’une 4eme phase officieuse durant laquelle les proches du futur gouvernement en place furent envoyés dans les locaux pour retoucher les images qui furent proposées aux plus hautes instances politiques). A peu près 2 millions d’euros furent dépensés dans ce projet pour une esquisse payée 200 000 euros et 40 millions potentiels si l’affaire se finalisait. Toutefois, Pékin n’a pas encore déboursé le moindre dollar, laissant aujourd’hui l’agence dans une situation difficile financièrement parlant.
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TRINCAL, Alain (directeur du développement AJN) extrait de la séance du 16 Décembre 2008 du Séminaire Création organisé par « Les amis de l’école de Paris » 14 National Art Museum of China
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I.
DANS «L’OMBRE» DU CREATEUR
a. Les ateliers ou grand-messe architecturale Que Jean Nouvel ait choisi de rebaptiser son agence « Ateliers » en 2002 n’est pas chose anodine. En effet, tout comme lorsque Edouard François décide de refonder son agence en utilisant le terme de « Maison », c’est avant tout une méthode de communication pour se démarquer du lot, une bannière facilement identifiable à l’international, qui s’appuie sur l’histoire du mot, son appartenance au domaine du luxe, et à un procédé de fabrication « artisanal ». Il en va de même donc pour le terme « d’ateliers » qui renvoie dans l’inconscient collectif à une pratique inspirée des BeauxArts « où assistants, élèves et apprentis travaillent en groupe pour produire une pièce qui à son achèvement sera signée par la main du maitre ». C’est donc avant tout une stratégie de communication qui revendique une relation avec le milieu de l’art et qui insiste sur le savoir-faire propre à l’agence. La gestion du projet à l’agence va également de pair avec cette définition : ainsi, les différentes phases de sa création sont ponctuées de « corrections » de la part de JN qui donnent lieu à de grands rassemblements à l’agence, tel le maitre d’atelier qui vient rectifier la courbure d’un trait sur un nu. Ces moments, bien qu’étranges au début, se révèlent être une bonne façon de souder les équipes et surtout de distribuer l’information de façon uniforme (chose rare). En terme de suivi de projet, ces « corrections » ne sont pas vécues comme des ruptures dans le projet mais plus comme des « check-points » où tout est remis à plat (et ce, potentiellement jusqu’à la veille du rendu). C’est donc volontairement que le projet chez AJN se construit de manière saccadée. En terme de management, cette façon de faire reste épuisante pour les équipes du fait du caractère imprédictible de ces rencontres, de même qu’elles réduisent grandement les marges de manœuvre des ressources humaines. La ferveur et le dévouement qui peuvent animer les équipes du plateau dans ces moments avec JN ne compensent qu’un temps la somme phénoménale de travail à reprendre. Au cours de mon expérience, j’ai ainsi pu voir certains chefs de projet avancer les dates de rendu de concours, de manière à se dégager du temps après les dernières réunions avec JN. Ce qui devient plus dangereux, c’est quand les véritables informations ne sont pas transmises en ce sens aux équipes en charge du concours : ainsi, le calendrier mis en place pour la production des documents est rendu obsolète et les responsables d’équipe se sentent démunis face à une hiérarchie qui fait de la rétention d’information. Toutefois, ce relatif « chaos » dans l’organisation est grandement compensé par une rigueur à toute épreuve dans la constitution des étapes décisives de certains projets. MSP
Dépôt du Permis de Construire R4 – Île Seguin
Ayant pris part au développement du projet de l’île Seguin au commencement de mon stage, j’ai naturellement demandé à participer à l’élaboration du permis de construire pour le R4 (un projet d’hôtel sur l’île). Comme la majorité des permis de construire, celui du R4 s’apparente à une démarche parallèle au projet : l’équipe a ainsi été scindée en deux, une partie qui continue la conception (composée de 3 architectes) et une seconde qui se met « dans la peau d’un bureau d’étude » (Vincent Chaineau et moi). Le dialogue entre les deux équipes n’a jamais été rompu pour autant, et jusqu’au dernier moment des modifications ont été fournies à l’équipe PC pour actualisation. J’ai pu apprendre au cours de cette période comment les documents créés pour l’APD sont retransformés pour être rendu intelligibles pour l’administration. Etant donnés la complexité du projet ainsi que son 25
caractère controversé, c’est en tout 27 exemplaires du PC qu’il a fallu remettre à différentes instances. Pour rappel, le conseil municipal avait adopté, le 21 février dernier, le lancement de la procédure de mise en conformité du PLU avec le projet choisi, issu du vote des habitants de Boulogne-Billancourt. Le dépôt de ce premier permis de construire pour l’île Seguin est une étape clé du projet : le projet a ainsi essuyé plusieurs procédures judiciaires qui ont à chaque fois retardé sa concrétisation. La dernière en date était celle d’un groupement d’association qui déposa un recours contentieux contre la révision du PLU (cette opposition concernait la densité et la morphologie du projet urbain de l’île). A ceci s’ajoutent les procès de particuliers de plus en plus fréquents qui voient dans ces énormes projets une manne financière importante : en invoquant divers préjudices, ces-derniers demandent à être dédommagés en conséquence. Ce genre d’opération ne pouvant souffrir de retard étant donnés les énormes enjeux financiers (les banques ne débloquant les fonds qu’à la signature d’un permis – autrement le projet n’a aucune existence à leurs yeux), il y a dans 90% des cas un arrangement qui est convenu. J’ai ainsi été confronté au cas d’un directeur de concessionnaire auto qui demandait à être dédommagé en invoquant le fait que le nouveau projet du R4 lui boucherait la vue sur la tour Eiffel (ce même directeur ayant récemment investi dans un show-room dont l’attraction phare était celle de la vue sur la dame de fer). Il aura fallu en tout une semaine pour s'assurer de la mauvaise foi de ce concessionnaire à l’aide de modélisation 3D et de repérage très précis sur le terrain. Réunion avec le commissaire instructeur : Ce moment fût particulièrement important puisque c’est là que se fixe l’entente sur la nature des pièces à fournir (en reprenant minutieusement la notice du CERFA). Chaque projet étant particulier, il est crucial de s’assurer de la bonne communication du projet tout en restant dans la nomenclature de l’administration. J’ai également compris qu’il était important de ne pas juger ces réunions futiles de manière à ne pas heurter les égos et s’attirer les foudres de la personne qui donnera son aval final pour le projet. Paradoxe de la pièce annexe : Une première constatation évidente : la description demandée du projet par le CERFA n’adopte en aucun cas la même logique que celle d’une agence d’architecture. Au-delà du vocabulaire et des tournures, c’est sur la hiérarchisation des pièces à fournir que cette idée s’illustre clairement. Ainsi, un document qui paraitrait évident comme des plans ne figure pas dans la liste : cette pièce pourtant cruciale pour la communication du projet sera ainsi ajoutée en pièce annexe (réaffirmant une fois de plus l’importance des premières réunions avec le commissaire chargé de l’instruction du dossier pour dresser l’ensemble des documents nécessaires) Permis modificatif : Bien que le dépôt d’un permis de construire ne fige jamais le projet de façon définitive, je n’imaginais pas que des éléments clés du projet puissent être encore changés à l’aide d’un permis modificatif : Vincent Chaineau me relate ainsi le cas de la Tour Horizon (immeuble de bureau qui se situe en face de l’île Seguin) où les façades du projet ont été changées entre le PC et le permis modificatif (au prix d’une longue discussion avec la SAEM, le service instructeur et le maire de la ville sur les qualités apportées par cette modification). Cependant, les choses ne se sont pas toujours passées aussi bien pour ce projet : en raison d’un dépassement de 6cm de la limite de terrain, le projet entier à
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dû être modifié (à l’aide d’un permis modificatif colossal), amenant ainsi le promoteur associé à payer une délicate facture de 200 000 euros. b. Des risques de la surproduction… « […] Une relative complexité pour répondre au cahier des charges de l'agence qui travaille sur une cinquantaine de projets par an, très majoritairement à l'étranger, dont trois, en moyenne, seront finalisés. »16 Cette surproduction de documents est due à plusieurs facteurs : d’une part, parce que le projet se construit à travers les réactions de Jean Nouvel. Une somme plus importante de documents et d’images équivaut donc naturellement à un plus grand nombre de réponses, d’indications sur la voie à suivre. Le peu de temps qu’a chaque chef de projet pour discuter avec JN l'oblige à mettre toutes les chances de son côté en multipliant les propositions et les méthodes de représentation, dans l’espoir d’avoir un « gagnant » et enfin – avoir une direction pour le projet. La déclinaison du projet est donc une méthode à part entière de l’agence (par exemple sur le projet de Lyon Confluence, j’ai été amené à développer un nombre impressionnant d’options). Typiquement, cela se traduit par une démarche en 4 étapes clés : . Une production intensive et quelque peu stressante de modèles (la date des rendezvous avec JN est souvent fixée la veille pour le lendemain) . Des captures d’écran et zooms « violents » (y comprendre pixellisé) des essais . L’Impression et la création d’un dossier éclair, à remettre au chef de projet qui doit déjeuner avec JN . Un débriefing avec le chef de projet (un dessin sort parfois du lot, la plupart du temps avec les retouches dessinées dessus) Durant le cycle de vie du projet, l’idée est constamment mise en balance avec la représentation de cette dernière, un document peut ainsi être décliné un nombre incalculable de fois de différentes manières pour trouver l’expression « juste », le document « sensible » (voilà pourquoi le travail des graphistes est si important dans l’agence : ils ne se contentent pas d’intervenir dans les documents finaux mais travaillent également en amont du projet, à sa naissance). Une autre raison qui explique ce phénomène de surproduction : la volonté qu’a Jean Nouvel de renouveler l’expression et le style de ces documents pour se démarquer de la concurrence. Le cap est mis sur des images inachevées, « concepts », qui assurent une dimension poétique au projet pour trancher largement avec les rendus hyperréalistes souvent proposés. L’agence est donc à la recherche d’une stratégie qui sera la plus à même d’affirmer le « non-style » de son créateur et par la même occasion, prendre le marché à contre-pied. Cette communication du « non-style » est une stratégie qui a fait ses preuves à l’agence mais qui reste profondément chronophage pour les équipes qui doivent déployer sans cesse de nouveaux outils de communication en interne. La dernière raison qui pourrait expliquer cette surproduction est celle de la très grande segmentation des activités au sein de l’agence. J’ai notamment pu constater à certains moments comme une incompréhension entre les équipes d’architectes 2D et celle de la cellule 3D : le va-et-vient successifs de documents favorise l’apparition d’erreurs dans les dessins – au début minimes puis de plus importantes. Lors de charrettes, il était possible que certains documents Autocad soient repris de zéro par l’équipe 3D tant les 16 LARROCHELLE, Jean-Jacques, « La maison nouvel vacille sur ses fondations », paru dans « Le monde » (06.05.2013)
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incohérences bloquaient l’avancée du projet. A ceci s’ajoute une séparation physique des différentes équipes : la plupart des conversations se font de poste à poste pour éviter de monter deux étages à la moindre question. Cette situation cache peut être au final une crise de la communication au sein des ateliers ? c. ...aux dérives de la séduction Rappel : Il existe plusieurs niveaux de responsabilité à l’agence: Jean Nouvel signe les permis de construire mais - hors cas exceptionnel - c’est l’agence qui endosse les responsabilités telles que la biennale et la décennale17 (seule l’agence est civilement responsable des actes professionnels accomplis pour son compte). Pour les projets en France, l’assurance de l’agence est le département construction AXA, AJN dispose aussi d’une assurance de responsabilité civile « Maître d’œuvre et ingénieur », ainsi que d’une assurance de responsabilité civile. Jean Nouvel est également assuré à titre personnel. A l’étranger, la donne est différente : l’’assurance française ne fonctionnant pas à l’étranger, soit le client contracte une assurance totale dont il répartit les frais entre différents acteurs (architectes, BET…), soit l’agence souscrit à une assurance spécifique pour le projet en question. De nombreuses procédures sont en cours pour les bâtiments comme l’opéra de Lyon, la piscine du Havre ou encore le Palais de Justice de Nantes, il faut alors démontrer les responsabilités de chacun et s’assurer que c’est un problème de mise en œuvre et non pas un problème de conception. Par exemple pour le bâtiment de la piscine du Havre, l’agence a été considérée comme responsable du fait que l’ensemble des mosaïques des façades tombe. Aujourd’hui, après plusieurs mois de débat, c’est la colle qui est remise en question, dégageant par la même occasion l’agence de toute responsabilité.
J’ai souhaité parler ici de « séduction » pour mettre en lumière les dangers de l’architecte au statut de « guru » : en effet, devant le stress que peuvent susciter certaines deadlines, il peut arriver que le chef de projet ait à déployer des stratégies de communication interne pour « plaire » à Jean Nouvel. Dans ces moments, la maitrise d’ouvrage et le projet lui-même passent au second plan : il s’agit de convaincre l’architecte en chef JN que son projet lui plaît (une mise en abyme parfois déroutante). Le vocabulaire et figures mis en place dans l’agence peuvent devenir autant de moyens de se dédouaner de sa propre production, en déclinant des solutions puis en s’en remettant entièrement à une décision « du dessus ». Il existe donc une double prise de distance par rapport au projet : celle du chef de projet qui s’en remet au regard de Jean Nouvel, et celle de Jean Nouvel qui découvre un projet et le réinterprète continuellement. Il n’est pas question ici de commenter la qualité des projets développés au sein d’AJN mais simplement le processus quelque peu décousu qui leur donne naissance. Cette organisation questionne aussi directement la responsabilité des chefs de projet, et par extension des chefs de cellule. 17
Selon l’ordre des architectes la responsabilité biennale correspond « à une durée de deux ans à partir de la réception de l’ouvrage durant laquelle l’architecte est responsable du bon fonctionnement des éléments d’équipement de cet ouvrage mais en aucun cas de l’ouvrage luimême...La responsabilité décennale concernent les dommages qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui le rendent impropre à sa destination pendant les dix années qui suivent la réception des travaux17 (art. 1792 du Code civil). Cette responsabilité est importante car elle met en avant la présomption qu’une faute a été commise et le simple faite de constater qu’il y un dommage suffit à évoquer la responsabilité. Il s’agit ensuite de définir qui est responsable. L’architecte doit recourir à une assurance, selon l’ordre « tout architecte, personne physique ou morale, dont la responsabilité peut être engagé à raison des actes qu’il accomplit à titre professionnel ou des actes de ses préposés, doit être couvert par une assurance. »
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Cette façon de faire n’a cependant pas que des mauvais côtés : en effet, on peut la juger décousue mais elle maintient une forme de surprise dans le processus du projet, on ne sait jamais vraiment comment Jean Nouvel va réagir à la découverte de nouveaux documents, et c’est peut être une des raisons qui explique la longévité de l’agence : en distillant une part d’aléatoire dans des processus de projets éprouvés. En ce sens, le créateur et sa machine vivent en symbiose, se nourrissant l’un l’autre, se prenant tour à tour à contre-pied dans le but de maintenir un état de surprise et d’alimenter la « fabrique des symboles ».
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OUVERTURE SUR LE PROJET PROFESSIONNEL
Retour sur expérience Au final, quel bilan puis-je tirer sur la profession à travers une expérience aussi atypique ? Pour répondre à cette question, je souhaite partir du principe que l’on peut parfaitement se nourrir du travail produit dans une agence sans forcément adhérer à l’idéologie de cette dernière. Plutôt que d’en décrire les aspects positifs et négatifs (tout comme on donnerait des bons et des mauvais points à un élève parfois sage, parfois turbulent), je retirerai trois points cruciaux de mon expérience : La première force de mon expérience chez Jean Nouvel réside dans la pluralité des commandes auxquelles j’ai pu être confronté. J’ai ainsi réalisé que l’architecte devait réunir des savoir-faire très différents en fonction non seulement de son interlocuteur, mais également des différentes étapes du projet, qui demandent d’adopter des postures bien spécifiques : les différences sont énormes entre celle de l’’architecte urbaniste coordonnateur pour le marché public de l’île Seguin et celle de l’architecte-auteur pour la commande privée de logements dans la ZAC Lyon-Confluence. Savoir jongler entre ces différents rôles en usant aussi bien de souplesse que de fermeté n’est pas chose évidente. Cette attitude « souple » à posséder reste la deuxième leçon que je retire de mon expérience aux Ateliers Jean Nouvel : ce que l’on pourrait prendre au premier abord comme de « l’instinct » ente les équipes dans l’exécution de nombreuses tâches au sein de l’agence repose en fait sur l’application à la lettre de stratégies implacables et sur une maitrise totale des codes de la maitrise d’œuvre. Encore une fois, cette excellence est mise au service d’un seul et même homme, mais elle pourrait parfaitement être transposée dans un autre milieu. Maîtriser les contraintes, c’est avant tout pouvoir s’en détacher, les réinterpréter et c’est dans ces interstices que savent dégager « les ateliers » que le projet commence à se faire autrement. Le dernier point sur lequel je me suis questionné au cours de ma mise en situation professionnelle, c’est celui de la conviction de l’architecte. Il est évident que l’architecte a une responsabilité éthique, vis à vis de son comportement et de sa démarche, mais à quel niveau peut-elle s’exprimer dans une mécanique aussi vaste qu’AJN ? La distinction entre mission de conception et mission de réalisation, l’importante spécialisation des compétences ou encore la multiplication des secteurs dans les agences montrent bien aujourd’hui une forme d’éparpillement - si ce n’est un délitement - de la responsabilité de l’architecte. Comment imprimer sa posture ou son engagement dans un environnement où l’on peut virer du tout au tout au cours du projet ? Cette flexibilité des compétences décrite plus haut comme un atout semble donc aller de pair avec une flexibilité morale dangereuse, celle-ci pouvant s’apparenter dans certains cas à une forme de lâcher-prise.
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Mes orientations pour l’avenir J’ai bien conscience qu’il me reste encore de l’expérience à acquérir avant de maîtriser l’ensemble des compétences qui feront de moi un architecte. Cette formation m’a toutefois permis de les appréhender tout en renforçant ma maturité sur des problématiques autre que la conception pure. Aujourd’hui, il me semble indispensable de continuer à accumuler de l’expérience pour gagner en autonomie sur de nombreux terrains (direction, gestion financière, management, négociation des contrats, résolution des conflits…) afin de pouvoir choisir en tout état de cause le mode d’exercice qui me conviendra le mieux. Il n’existe pas véritablement un « avant » et un « après » dans la formation à la profession d’architecte mais plutôt différents degrés et modes d’implications : en ce sens, cette expérience de l’HMONP m’a ouvert les yeux sur la richesse du dialogue tout comme sur la lourdeur des outils avec lesquels maitrise d’œuvre et maitrise d’ouvrage doivent composer. Pour cette même raison, mener des activités parallèles en simultanés - qu’elles soient de l’ordre de la recherche ou de l’éducation - me semble aujourd’hui plus que jamais nécessaire pour contrebalancer la logistique « lourde » du projet en architecture et continuer à porter des projets avec justesse. La pluralité et spécialisation des compétences sont aujourd’hui une réalité en architecture, la question qui reste en suspens est celle du choix du mode d’exercice qui déterminera comment et dans quel but les compétences peuvent être mutualisées. Pour les Ateliers Jean Nouvel, bien qu’il soit question de servir les desseins d’un seul et même homme, il subsiste cette idée que plusieurs fragments d’une même pièce, plusieurs rouages s’assemblent pour porter une idée, chacun apportant son expertise à l’autre. Cependant, le fait que cet univers fonctionne en vase-clos réduit à mon sens les potentiels qui pourraient y être développés. Puisque par le projet professionnel il s’agit d’évoquer ce qui fait sens pour soi, je souhaiterais m’investir dans une approche prospective de l’architecture, un environnement où la maitrise d’œuvre serait l’aboutissement d’un travail de recherche poussé et de processus innovants. Toujours en ce sens et par rapport à mon expérience aux Ateliers Jean Nouvel, je souhaite relativiser la figure de l’architecte-auteur pour mieux exploiter celle de l’architecte-collaborateur. A long terme et si possible, j’aimerais donc développer une pratique basée sur un principe collaboratif : de longue durée, temporaire, en interne et/ou externe, les compétences y seraient convoquées selon la nature des projets sans pour autant faire appel à des codes préétablis (pour rester mobiles à tout prix). L’image de la « plateforme d’échange » et du système « open source » sont deux modèles avec lesquels je souhaite composer pour façonner ma future pratique. L’idéal de pratique que je tente de dépeindre plus haut est forcément influencé par le mode d’exercice du studio « Lateral Office » avec lequel je suis en contact au moment où j’écris ces lignes. En effet, entre agence et laboratoire, ce studio étudie et produit sur le thème des futurs potentiels des territoires Arctiques. L’enjeu de recherche y nourrit celui de maitrise d’œuvre et les projets qui en découlent illustrent à mon sens cette nécessité pour l’architecture de composer en dépassant les codes préétablis de la profession. Leurs travaux s’inscrivant exactement dans les thèmes développés au cours de mon diplôme, j’espère avoir la chance de collaborer avec eux dans les mois à venir.
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Curriculum Vitae
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Bibliographie
Articles : LARROCHELLE, Jean-Jacques, “ La maison nouvel vacille sur ses fondations “, paru dans “Le Monde “ (6 Mai 2013) NAMIAS, Olivier, « Les agences d’architecture doivent devenir des entreprises comme les autres », paru dans Les Echos n°21105 (19 Janvier 2012) TRINCAL, Alain (directeur du développement AJN), extrait de la séance du 16 Décembre 2008 du Séminaire Création organisé par « Les amis de l’école de Paris » LE MONDE - CULTURE ET IDEES (16 Mai 2013)
Textes d’auteurs : CHADOUIN Olivier, EVETTE Thérèse, Ecole Nationale Supérieure d’Architecture Paris La Vilette, « Statistique de la profession d’architecte », 1998-2007, Socio-démographie et activité économiques », Ministère de la Culture et de la Communication, Février 2010 COXE, Weld, “Success strategies for design professionals – Superpositioning for architectural & engineering firms”, publié par Mcgraw-Hill (Tx), (Avril 1987) COXE, Weld, “Charting your course master strategies for organizing and managing architecture firms”, publié par Architectural Technology, (Mai/Juin 1986) MIQCP, “ Mission interministérielle pour la qualité des constructions publiques Organiser une consultation de maîtrise d’œuvre “, concours et autres procédures de choix d’un maître d’œuvre, collection guides, édition Lemoniteur, p.24. NOUVEL, Jean, “ Manifeste de Louisiana “, publié par Louisiana Museum of Modern Art/Rosendahls Bogtrykkeri (Juin 2008)
Magazines : ABITARE n°158, “Being Jean Nouvel”, éditeur « Maria Giulia Zunino », Janvier 2012
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Index des noms cités BLAMONT Emmanuel / architecte, partenaire AJN CATTANI Emmanuel / entrepreneur, sociétés de consulting et d’ingénierie CHAINEAU VINCENT / architecte, chef de projet AJN COLOMB GERARD / actuel maire de Lyon COULANGES Aurélien / assistant architectural 2, « ombre » COXE Weld / écrivain, conférencier, spécialiste en marketing et communication DE THOMASSON Pascal / directeur général délégué AJN DIENSTAG Ariane / assistante directeur développement AJN FAGART DAVID / architecte, partenaire AJN, tuteur de stage FONTES François / architecte FOREST Mathieu / architecte, partenaire AJN FRANCOIS Edouard / architecte GULIANI LAURA / architecte/paysagiste AJN IBOS Jean-Marc / architecte KAPOOR ANISH / artiste plasticien LAROSE Jean-Christophe Larose / président du groupe Cardinal LEMRINI NARJIS / architecte, chef cellule 3D LE MARQUET Jacques / scénographie, ancien collaborateur Jean Nouvel LEXTRAIT Fabrice / ancien directeur de la Friche de la Belle de Mai, conseiller com’ LEZENES Gilbert / architecte (décédé), ancien collaborateur Jean Nouvel METRA BRIGITTE / architecte, associé AJN MEURISSE, PHILIPPE / directeur général délégué AJN NAGEOTTE Samuel / assistant architectural 1, « ombre » PARENT Claude / célèbre architecte PELISSIE Michel / ancien associé AJN SCHMIT Olivier / ancien grand reporter au journal « Le Monde », conseiller AJN SEIGNEUR François / architecte français contemporain, scénographe et plasticien. SORIA Pierre / architecte (décédé), ancien collaborateur Jean Nouvel TRINCAL Alain / directeur développement AJN VITART Myrto / architecte
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