Entretien le rythme des choses

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En préparation à l’exposition Le Rythme des Choses (Les Ateliers, Clermont-Ferrand, novembre 2014) et pour le communiqué de presse, un entretien entre Josselin Vidalenc et Alex Chevalier a été réalisé. Ce dernier sert le propos de l’exposition et donne des clefs de compréhension de l’exposition.

Josselin Vidalenc (JV) : Quels artistes penses-tu choisir pour réaliser l’ exposition où tu mettras quelques-unes de leurs œuvres en dialogue avec l’une des tiennes ? Pourquoi te sens-tu proche d’eux ? Alex Chevalier (AC) : Au vu de ma pratique et de ce dessin que je présenterai, je pense sélectionner des artistes qui ont une pratique différente de la mienne, mais qui parlent tout de même de choses qui me sont chères ; la picturalité, le geste, l’importance des matériaux… Aussi je pensais demander à Corentin Massaux, Sébastien Maloberti, Hervé Bréhier et David Blasco. Je crois que dans le travail de chacun de ces artistes ainsi que dans mes propres recherches, il y a un certain rapport à la contemplation et au temps (temps de réalisation, temps de regard) qui est important et qui m’intéresse vraiment. JV : Tu considères donc que la sculpture n’est pas que de l’espace, qu’elle est aussi du temps. Tu parles notamment de temps de réalisation et de temps de regard. Peux-tu préciser quels sont ces temps (temporalités) de la sculpture ? Je pense, par exemple, qu’un geste pour réaliser une sculpture ou un objet est effectivement un mouvement du corps dans l’espace, et qu’il s’inscrit également dans une durée. Peux-tu développer cette idée qu’un objet figé est aussi du temps. De quelle(s) manière(s) ? AC : La conception d’une sculpture (mais c’est aussi valable pour une peinture), s’inscrit dans une certaine temporalité. Toute œuvre possède son propre rythme qui demande à être expérimenté dans l’espace et dans le temps. Aussi, rester devant un monochrome, se confronter à lui pendant des heures en le regardant devient une véritable expérience physique et temporelle. C’est avec cette idée en tête que s’est opérée la sélection des œuvres qui seront exposées. Il y a chez chacun des cinq artistes présents un travail qui s’inscrit dans une certaine lenteur ; une énergie concentrée dans des formes stoïques qui deviennent dès lors des œuvres véritablement contemplatives. La lenteur. Adopter un autre comportement face à une œuvre qui s’inscrit dans la durée. JV : J‘ai remarqué que certaines pièces étaient faites de matériaux recyclés. Je dirais que ces matériaux ont eu d’autres vies avant d’être employés dans une œuvre. Je pense au bois issu de meubles, au bois de palettes, aux plaques de plastique, par exemple. Cette pratique est très fréquente dans ton travail et chez certains artistes que tu as sélectionnés. Quelle importance y a-t-il pour toi à travailler avec des matériaux qui ont eu d’autres vies (qui ne sont pas neufs) ? La volonté est-elle de relier « en souterrain » ces réalisations à l’espace de la rue, à l’espace domestique, ou l’espace industriel ? Serait-il juste de penser que ces œuvres, bien qu’ayant leur autonomie, leur propre logique plastique, et leur équilibre interne, communiquent avec des espaces hors (au-delà) du white cube et avec des temps précédant la réalisation de l’œuvre ? En quoi ce lien avec l’espace (et le temps) de la vie est-il important? Le jaunissement, le changement de couleur, les rayures, etc. sont des indices du vieillissement d’un matériau. À propos de temporalité, peut-on dire que certaines sculptures sont du temps dans la mesure où les matériaux ont eu d’autres vies avant et portent des traces de ces vies antérieures ? AC : En ce qui me concerne, je crois que plusieurs envies sont à l’origine du fait de travailler avec des matériaux qui ont eu une première vie avant de devenir des supports à une pratique artistique. Tout d’abord, je suis animé par l’envie de développer une économie de travail. Je veux dire, les matériaux qui sont utilisés ont un vécu, des traces, des textures qui deviennent autant de facteurs et de contraintes que je peux prendre en considération afin de réaliser mes dessins. La picturalité qui se trouve dans ces différents matériaux est importante pour moi, et il n’y a que dans cette écologie de travail que je peux la trouver. Comme tu le pointes assez justement, il y a également une volonté de relier l’espace quotidien (la rue, l’espace industriel et domestique) à une recherche plastique, mais aussi l’envie de le relier à l’espace du white cube. Chacun de ces deux espaces possède sa propre autonomie et sa temporalité. Dans un espace quotidien, tout se passe avec une certaine rapidité, et l’oeil ne fait plus forcément attention à ce qui l’entoure, alors que dans le white cube, c’est le contraire, le passant est véritablement invité à la contemplation et à la lenteur. Aussi, que ce soit pour l’histoire des matériaux, manufacturés et ayant un passé dans l’espace quotidien, mais aussi dans une perspective de projection dans le temps (dégradation d’une œuvre due aux matériaux utilisés), je crois qu’il est possible de dire que certaines sculptures sont du temps, à leur façon - ce qui est également vrai pour des dessins ou des peintures. JV : Presque toutes les œuvres que tu as choisies sont abstraites, constructivistes comme la plupart de tes réalisations. Pourquoi ce choix ? Qu’est-ce qui t’intéresse dans l’abstraction et le constructivisme ?

AC : D’un point de vue historique, il est intéressant de noter que le constructivisme russe a été instauré


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