The United States of Latin America, MOCAD « If you don’t know what the south is - it’s simply because you are from the north. » Le propos de l’oeuvre de Runo Sagomarsino, un poster que chaque visiteur peut se saisir, est une bonne façon de comprendre et d’appréhender l’exposition The United States of Latin America (USLA), actuellement présentée au Museum Of Contemporary Art Detroit (MOCAD). L’exposition met en avant les oeuvres de 34 artistes originaires d’Amérique Latine dont certains sont présents dans les collections de la Kadist Art Foundation, qui pour l’occasion, a prêté un bon nombre des oeuvres exposées. L’exposition née d’une conversation longue de près de dix ans entre deux commissaires, Jens Hoffmann (head curator au MOCAD et Deputy director, Exhibitions and Programs au Jewish Museum de New York) et Pablo León de la Barra (UBS MAP curator au Guggenheim). The United States of Latin America est en quelque sorte une étape marquante dans le dialogue et les échanges menés entre les deux commissaires. De cette conversation nait une exposition collective réunissant des pratiques et des esthétiques très différentes puisque le spectateur peut très bien se retrouver confronté à des oeuvres conceptuelles, des oeuvres relevant de l’artisanat ou encore directement héritières de certaines pratiques ancrées dans les cultures sud-américaines. Mais USLA ne se contente pas de montrer une sélection d’artistes provenant d’une même région géographique. En effet l’exposition, par le choix des oeuvres présentées, fait d’une certaine façon écho à la situation de renouveau dans laquelle se trouve Détroit actuellement - une ville en plein éveil et en plein renouveau culturel et urbain, après une longue période économique compliquée. C’est peut-être là que se joue la réussite de cette exposition, puisqu’elle permet à des artistes émergents d’exposer pour la première fois sur le territoire étasunien et donc d’obtenir une ouverture et un regard international sur leurs pratiques. L’exposition met également en regard la situation passée et actuelle de la ville de Détroit à la pratique d’artistes qui n’ont, à première vue, aucun liens avec cette ville. Dans l’exposition, deux oeuvres rappellent néanmoins les liens étroits entretenus entre Ford (mais plus généralement, Détroit) et le Brésil. Une peinture murale de Minerva Cuevas, America, où l’on peut voir l’Oncle Picsou, personnage Disney avide d’argent, plonger dans un tas de pièces d’or. Cette scène (représentée en couleur) est elle-même peinte sur une scène amazonienne (en noir et blanc) où un animal semble regarder la scène, presque amusé. Cette peinture murale fait écho à l’oeuvre de Clarissa Tossin qui présente, sur le sol du musée, un ensemble de vues aériennes et de cartes mêlants ainsi la forêt amazonienne brésilienne et la géographie de Détroit. Fordlândia Fieldwork participe avec America à rappeler un chapitre sombre de l’histoire Ford qui, dans les années 1920, avait fait construire une ville (désormais ville fantôme) appelée Fordlândia, afin d’exploiter le caoutchouc nécessaire à la construction de ses voitures et de profiter d’une main d’oeuvre peu coûteuse. Un projet qui échoua dès sa création ; la ville, inutile, s’est très rapidement transformée en ville fantôme. Un destin qui n’est pas sans rappelé celui qu’a également connu et traversé Détroit bien des années après. Par cette mise en avant d’artistes et d’esthétiques différentes - allant de la vidéo au dessin, de la sculpture à la photographie, ou encore de l’impression à l’installation - The United States of Latin America, crée une occasion unique pour ces artistes d’être, non seulement, mis en avant sur la scène internationale, mais les place également dans le rôle de modèles pouvant entrainer et participer à la reconstruction des lieux émergents par la pratique des arts, de l’autogestion et de la révolution, un modèle que la ville de Détroit semble actuellement suivre. Alex Chevalier, novembre 2015