PFE ENSAG juin 2016 de la trace antillaise au port de pêche saintois, réhabilitation du monument historique de la poterie Fidelin pour un patrimoine en mouvement aux Antilles pour un port de pêche à Terre-de-Bas pour un autre tourisme aux Saintes
La pêcherie Fidelin Alexandre Lahaye / Gauthier Martinez / Steven Saulnier
Directeur d’études et Responsable du Master Aedification-Grands territoires-Villes:
Patrick Thépot
Maître-assistante associée :
Luna d’Emilio Assistantes :
France Laure Labeeuw, Halimatou Mama Awal
Flore Belin
PFE ENSAG juin 2016
15. la mer par beau temps
de la trace antillaise au port de pêche saintois, réhabilitation du monument historique de la poterie Fidelin
1.10 m x 80 cm huile sur carton 2004
pour un patrimoine en mouvement aux Antilles pour un port de pêche à Terre-de-Bas pour un autre tourisme aux Saintes
La pêcherie Fidelin Alexandre Lahaye / Gauthier Martinez / Steven Saulnier
membres du jury : Aysegül Cankat Bénédicte Chardon Hubert Guillaud Xavier Guillot France Laure Labeeuw Cécile Léonardi Halimatou Mama Awala Jean-François Parent Sophie Paviol Patrick Thépot Françoise Very
Directeur d’études et Responsable du Master Aedification-Grands territoires-Villes:
Patrick Thépot
Maître-assistante associée :
Luna d’Emilio Assistantes :
France Laure Labeeuw, Halimatou Mama Awal
SOMMAIRE 00 Un diplôme À la poterie fidelin? p.5 01 histoire du diplôme p.6 02 prise du site p.8 03 en quoi la réhabilitation de la Poterie Fidelin permet-elle de participer à redonner à Terre-de-Bas une place dans le territoire Saintois? p.12
10 Les Saintes, deux îles, un territoire p.14 entre condition tropicale, insularité et cyclicité, retour sur un site en mouvement.
11 La condition tropicale saintoise p.16 les Saintes , l’insularité comme spécificité p16 le feu qui transforme p18 face au cyclone p22 l’île sous le vent p24 à l’ombre du carbet p26 sur la trace des saintois p28 la case créole reflet de son territoire p30
12 la pêche, vivre l’insularité p.34
la pêche aujourd’hui p38 la rue au service de la pêche p40 la pêche activité noyée p42 les Saintes, un développement touristique inégal p44 la triple-insularité comme actrice du projet p46 quel avenir pour Terre-de-Bas dans les Saintes? p48
13 Grande Baie en mouvement, crises & renaissances p.50
temps 0, la formation géologique p54 temps 1 :de la Poterie Fidelin au cyclone p56 temps 2: de la distillerie à la friche industrielle p60 temps 3: la redécouverte d’un site de production et de mémoire p62 penser le temps suivant, s’inscrire dans le cycle du site P67
p.68
20 Temps 4, la pêcherie Fidelin de la trace antillaise au port de pêche saintois, réhabilitation du monument historique de la poterie Fidelin
p.70 21 temps 4: stratégie et programmation p.70 stratégie p.72 références p.75 programme p.76 l’avant voyage p.78 l’après voyage
p.82 22 la Pêcherie Fidelin p.92 23 un saintois le dimanche, un touriste de passage p.108 24 un pêcheur saintois p.122 25 un tourisme en immersion
p.138
30 L’impulsion de la pêcherie les saintes en projet
p.138 temps 4: la Pêcherie Fidelin, catalyseur de connexions saintoises p.142 temps 5: de la pêche au pescatourisme, dynamique d’un savoir-faire local p.144 temps 6: la mer trait d’union des Saintes
p.146
40 retours personnels & remerciements 50 Bibliographie & iconographie
cuba
mer des caraïbes
amérique du sud 0
600 km
un diplôme à la poterie fidelin?
guadeloupe
océan atlantique
histoire du diplôme
L’
histoire commence un matin de décembre. Une enseignante du master vient nous voir, nous demande « vous faites quoi pour le PFE ? », nous de répondre « on pensait travailler sur les villes thermales mais… », « parce que l’on peut vous proposer de le faire sur une petite île en Guadeloupe !? Alors? ». Ni une, ni deux, pas d’hésitation, nous voici embarqués dans l’aventure sans même savoir où elle allait nous mener: aucun de nous trois n’avait jamais traversé l’Atlantique. Entre un projet sur la métropole Grenobloise qui se termine, un mémoire en cours, nous commençons à prendre quelques ouvrages, à lire des articles sur le peu que nous savions: « c’est au sujet d’une ancienne poterie d’esclaves. » nous a-t-on dit. Après avoir trouvé rapidement le site, on
s’attache au sujet, on appréhende l’ampleur du chantier passionnant qui s’annonce… Puis le partenariat qui supporte le projet s’annule. C’est trop bête, en plus d’avoir travaillé quelques semaines pour rien, nous voici sans le sujet porteur de notre diplôme. C’est un choix que nous avons fait ensemble. Partenariat ou pas, la poterie existe, les problématiques spatiales et territoriales restent les mêmes, et notre intérêt pour ces questions ne s’en est en rien trouvé amoindri. Au contraire, il a été extrêmement intéressant de renouer les contacts - et ce grandement grâce à nos professeurs - avec la DAC qui nous a aidé et suivit, notamment en nous mettant en contact avec l’actuel propriétaire de la Poterie, monsieur Sainte Luce. article de journal paru suite à une interview sur le site France Antilles, mercredi 20 avril 2016
L’architecte et enseignante à l’ENSAG, membre du laboratoire MHAVT Sophie Paviol, suite à l’écriture de son ouvrage sur l’architecte moderne, Ali Tur, en Guadeloupe, (PAVIOL Sophie, Ali Tur, un architecte moderne en Guadeloupe, Gollion, Infolio, 2014), nous a permis de travailler sur ce territoire en nous mettant en relation avec les différents interlocuteurs clefs.
8
00 introduction
mer des caraïbes
grande terre basse terre océan atlantique
Marie galante
Les saintes
carte des Saintes
îlet cabrit Anse du Bourg
Grande Anse
Terre de haut
hameau de Grande Anse
Terre de bas
poterie fidelin
bourg de Petite Anse
Grand îlet
Grande Anse
Prise du site
D
état exceptionnel de conservation, par rapport aux sites similaires des Antilles, qui montre parfaitement le fonctionnement d’un tel site.
Le site est celui de la Poterie Fidelin. Située dans la Grande Baie, sur l’île de Terre de Bas dans l’archipel des Saintes (14 km des côtes australes de la Guadeloupe) cette friche industrielle a été classée en 1997 au patrimoine des monuments historiques, grâce au fait qu’elle était un site de travail esclavagiste, témoin de la traite négrière, mais aussi grâce à son
Il faut imaginer cette Baie, 200 m de large, 600 m de long. Elle est entourée de petites falaises de rochers et terres ocres, en son extrémité nord, une petite plage la lie au hameau de Grande Anse. Les voiliers mouillent dans le sein protecteur de ces eaux turquoises qui varient entre 2 et 10 mètres de profondeur. Sur un plateau en bord de mer sur son côté ouest, en bas d’un bassin versant, les murs d’andésites de la Poterie Fidelin trônent d’une gloire passée. Parallélépipédique, de 50m de long et presque 12 de large, l’atelier, organise de sa spatialité le reste du site. Les fours, la citerne, la maison du géreur, et les autres bâtiments, l’entourent, s’alignent, le suivent, lui font face. Au dessus, grimpe le morne Paquette coiffé d’une forêt de bois d’inde, mancenilliers, bois pelé, gommiers. Cette forêt sèche donne à l’île des couleurs vertes, les troncs bruns lient roches, terre sèche, et couvert végétal.
ans les différents exercices du master aedification - grands territoires - villes, nous avons pris l’habitude d’entrer sur un site par son territoire. Le projet naissait du croisement des problématiques et forces de ce territoire dans ses différentes échelles. L’étude de stratégies préopérationnelles et les réflexions qu’elles soulèvent nous menaient à choisir un site d’application, et proposer une spatialisation possible de ces stratégies. Ce projet de diplôme commençait donc différemment. C’est par la le site, le monument de la poterie, ses murs, sa foret, sa lumière, que nous entrions sur le territoire.
hameau de petite anse
morne sec 285 m
poterie fidelin hameau de grande anse
anse des muriers grande baie
3,5 km
morne Paquette
bassins de décantation
fours
citerne
maison du géreur atelier
50
m
fondations de cases d’esclaves
Grande Baie
la Poterie Fidelin aujourd’hui 11
la Grande Baie depuis la trace du Carbet
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00 introduction
la Poterie Fidelin à l’ouest de l’atelier 13
en quoi la réhabilitation de la Poterie Fidelin permet de participer à redonner à Terre de Bas une place dans le territoire Saintois?
L’
étude et la compréhension du site dans son contexte, depuis la métropole, nous a permis d’en saisir les dimensions techniques, spatiales, économiques. Mais, le voyage, après trois mois d’analyse, était une étape nécessaire. Saisir les dimensions culturelles, paysagères et sensibles, en arpentant le site, les Saintes, la Guadeloupe, a été dans le processus de projet un moment privilégié. Cette visite a notamment été possible grâce au soutien architectural d’Hélène de Kergariou, architecte des bâtiments de France de Guadeloupe, mais aussi celui de Pierre et Corinne Sainte Luce, actuels propriétaires du site qui travail lent actuellement à sa réhabilitation avec l’architecte Michael Marton, et l’architecte en chef des monuments historiques Pierre Bortolussi. Le voyage qui s’est déroulé en avril s’est décomposé en deux temps forts: 9 jours sur le continent guadeloupéen, et 4 jours dans les Saintes, durant lesquels monsieur et madame Sainte Luce nous ont accueillis. La partie Guadeloupéenne a été l’occasion de comprendre l’île, la visiter, pratiquer ses sites touristiques. Se saisir de l’urbanité et de la ruralité pour comprendre ce qu’est habiter la condition tropicale. Le séjour dans les Saintes a permis une visite, un arpentage approfondi du site. Comprendre la poterie et le
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00 introduction
territoire dans lequel elle est inscrite pour palper ce qui fait le quotidien des Saintois. Nous pouvons noter ici déjà les nombreuses différences qu’il existe entre le continent Guadeloupéen et les Saintes. Dans un premier temps, le climat y est beaucoup plus aride du fait des ses reliefs certes escarpés, mais bas, qui ne retiennent que rarement les nuages. Le rapport à l’eau y est radicalement différent. Si en Guadeloupe l’eau représente pour beaucoup le traumatisme de l’esclavage, elle est aussi le théâtre de croyances animistes remontant aux origines africaines des Guadeloupéens. Les Saintois en revanche, peuple de pêcheurs, ont développé un rapport amoureux avec la mer, à tel point que leur connaissance et représentation du territoire ne s’arrête pas aux côtes, mais se prolonge dans le monde sous-marin. Le parti à l’échelle territoriale consiste à s’appuyer sur une force en présence, réduit aujourd’hui à l’état de potentiel pour des raisons que nous développons plus loin: la pêche. Ce potentiel étant un caractère spécifique saintois, l’objet est de venir le révéler par une offre touristique, qui n’est pas en rivalité avec celles présentes sur Terre de Haut, mais qui vient en complémentarité, et qui s’appuie notamment sur le caractère préservé de l’île de Terre de Bas. La Pêcherie Fidelin devient site fédérateur de l’histoire de l’île et de son futur, en redevenant un lieu de production, repère à Terre de Bas. Lieu de mouvement, où l’ancrage de la promenade muséographique rencontre l’écotourisme, et l’atelier des pêcheurs, lieu de travail. Pour comprendre la Poterie Fidelin,
il nous faut comprendre son environnement, à la fois naturel (géologique, climatique, terrestre et marin), social (construction de l’espace vernaculaire, triple insularité, ressources et savoirs faire, et enfin, l’histoire du site (tous les temps qui ont fait ses phases, déclins et renaissances), pour pouvoir nous demander: en quoi la réhabilitation de la Poterie Fidelin permet de participer à redonner à Terre de Bas une place dans le territoire Saintois?
matière(s) à toucher Le site de la Poterie Fidelin est un site de matières. Les éléments se composent sous les alyzés constantes qui les mettent en mouvement. Roches, limon, tessons de poteries, pommes de mancenilliers, ombre, eau, feuilles, sous bois...
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Les saintes, deux îles, un territoire entre condition tropicale, insularité, et cyclicité, retour sur un site en mouvement
11 La condition tropicale saintoise Les Saintes, l’insularité comme spécificité
L
es tropiques sont peut-être une zone clairement définie géographiquement mais la condition tropicale ne l’est pas. Ce qui fait le tropical, c’est avant tout une situation. De ce point, il est impensable de généraliser sur cette question. Il s’agit dans notre cas de faire une étude spécifique du lieu concernant des injonctions macroscopiques ayant un impact direct sur l’habitat. Pour l’archipel des Saintes, c’est sa situation insulaire qui génère de nombreuses variables de ce milieu. L’objectif de cette étude n’étant pas exhaustif, nous nous attarderons sur trois points que nous considérons les plus importants dans la constitution d’un habitat tropical : la variable géologique qui a généré la formation initiale de l’archipel, la variable climatique qui anime le mode de vie insulaire et enfin la variable temporelle qui rythme la vie Saintoise. Nous pouvons considérer ces trois points comme immuables, ils ne 18
11 la condition tropicale saintoise
peuvent se modifier qu’à des échelles de temps extrêmement longues et sont aussi générateur de variables aux temporalités plus courtes qui rendent à l’habitat un confort cohérent avec le quotidien tropical. Il est important de préciser que la condition tropicale des Saintes n’est pas aussi extrême que nous pourrions l’imaginer, bien entendu il y a des cyclones, des séismes, de fortes chaleurs, et la liste peut continuer. Seulement, ce n’est pas le quotidiens saintois. La condition tropicale des Saintes se conçoit par la complexité et la variété des éléments présents. Pour cette étude, la situation tropicale invite au changement de paradigme métropolitain, nous revenons aux données fondamentales que sont les sciences naturelles pour comprendre leurs impacts directs sur une petite île de 7 kilomètres carré, qu’est Terre de Bas aux Saintes.
Entre terre et mer Une condition tropicale spĂŠcifique le large depuis le sud de Grande Baie - Terre de Bas
Le feu qui transforme
Q
ue ce soit sur le continent Guadeloupéen ou sur ses archipels, nous comprenons très rapidement la contingence géologique. Entre la Soufrière, volcan de 1 467 mètre de haut, les orgues basaltiques du pain de sucre (Terre de Haut), ou le sable noir de l’anse Crawen, l’énergie de la terre est perceptible absolument partout. Cette roche sombre est l’émergence encore visible de ce qui a construit et continue de modifier les îles de la Guadeloupe et de la Caraïbe en général. Son caractère archipélique né de la tectonique des plaques lui donne son identité paysagère. Sur terre comme en mer, il est possible de naviguer à vue tant les repères sont nombreux. Au delà de la composition paysagère, la tectonique a des manifestations bien plus dramatiques. L’arc antillais s’est construit sous l’effet de la
subduction des plaques Amérique et Caraïbe depuis 50 millions d’années, donnant naissance par volcanisme et sédimentation aux différentes îles. Ce contexte valorise malheureusement la présence de séismes et de volcanisme encore de nos jours. C’est en un sens déconnecté de la situation Saintoise elle-même : aucun lieu de la planète n’est à l’abri des risques de tremblement de terre ou d’éruption volcanique. Pourtant ce chapelet d’îles est fortement contraint par la présence à proximité de nombreuses micro-failles qui le prédisposent à en subir les conséquences; comme en 2004, lors d’un violent séisme faitsant trembler les terres avec une puissance mesurée à 6,3 sur l’échelle de Richter1. Il provoquera de nombreux blessés, la destruction ou la fragilisation de routes, d’équipements ou de maisons dont l’une provoqua la mort d’une fillette de 5 ans.
500 km
L’arc des Caraïbes // Failles majeures un territoire contraint par la géologie 1
http://www.seisme.prd.fr (mai 2016)
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11 la condition tropicale saintoise
3 km
Les Saintes // Micro-failles en première ligne des catastrophes
Micro-failles
Failles majeures
1 -34 MA La Grande-Terre : formation de l’arc volcanique
2 -15 MA
La Grande-Terre : érosion et déplacement tectonique
3 -5 MA La Basse-Terre : formation volcanique La Grande-Terre : formation coralienne
4 -250KA La Basse-Terre : érosion et sédimentation océanique La Grande-Terre : baisse du niveau de l’océan 21
«
interview de Dani marin saintois
Toute la falaise s’est écroulée avec le séisme. Quand j’étais gamin, je venais crapahuter ici, les arbres venaient jusque sur la falaise, maintenant tout est tombé. Vous ne trouvez pas que ça ressemble au Grand Canyon maintenant ? interview réalisée pendant le tour en bateau de l’île de Terre-de-Bas
Falaise du Gros Cap : le «grand canyon de Terre-de-Bas»
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11 la condition tropicale saintoise
»
La rupture des failles de subduction est plus rare mais beaucoup plus intense. Aux Saintes, une moyenne de 60 séismes est enregistré chaque année et ils sont principalement dus aux micro-failles présentes à l’ouest et au sud de l’archipel. Pour la plupart ils ne provoquent pas ou très peu de dégâts. Cependant, les sismologues prévoient un fort séisme de magnitude supérieur à 8 sur l’échelle de Richter dans les années à venir2. Bien entendu, cela ne peut être plus précis, il s’agit de prévenir et de mettre en sécurité bien avant la manifestation de ce type d’événement provocant des dégâts humains et matériels mais aussi des effondrements de terrain et des tsunamis, pourraient accentuer les risques sur ces îles éloignées du continent. 2 TERRIER M., Réalisation d’un zonage sismique de la plaque caraïbe préalable aux choix de scénarios de tsunamis aux Antilles françaises, Rapport intermédiaire, BRGM, 2007
L’église Saint Nicolas de Petit Anse n’aura pas résisté au séisme de 2004 Source : BRGM
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Face au cyclone
Ouragan de 1928
«
Un désastre pour l’archipel
En quelques instants, les routes étaient coupées, les tables et les communications télégraphiques détruits, les maisons s’abattaient, les cultures étaient saccagées, les côtes couvrant les maisons volaient arrachées des toitures, pendant que tombait une pluie diluvienne et qu’un raz de marée enlevait les appontements éventrant les maisons situées sur le rivage, balayait les îles, venant jusque dans les villes et les bourgs consommer la destruction en engloutissant de nombreuses victimes PAVIOL Sophie, Ali Tur, un architecte moderne en Guadeloupe, Gollion, Infolio, 2014
C
et extrait du discours prononcé par Monsieur Tellier, gouverneur de la Guadeloupe et Dépendances, à l’occasion de l’ouverture de la session extraordinaire du conseil général le 11 octobre 1928, donne une représentation des effets destructeurs du cyclone du 11 septembre 1928
»
qui fit 1 500 mort et laissa derrière lui un archipel dévasté. L’architecte moderne Ali Tur sera envoyé de métropole pour participer à la reconstruction qui prendra plusieurs dizaines d’années avant de suturer les blessures causées par la catastrophe.
Il y a 25 ans le cyclone Hugo dévaste la Guadeloupe
«
Milady Production, Guyancourt, 2014 https://www.youtube.com/watch?v=W8QpXP3cAtU (Mai 2016)
Hugo était un traumatisme […] une expérience d’immense vulnérabilité, les fragilisations extrêmes, l’espace est bousculé. Raphael Speronel, psychologue, 2:59min
»
Guadeloupe
Hugo : de Cape Verde à la Caroline du Sud la Guadeloupe au plus fort de la tempête 500 km 24
11 la condition tropicale saintoise
Les vents ont atteint 250 km/h en traversant le continent guadeloupéen. Les dégâts sont considérables, 22 personnes perdront la vie et 22 000 se retrouvent sans abris. Le dernier grand ouragan (nommé Hugo) a touché les terres guadeloupéennes en septembre 1989. Seulement d’une manière générale, la situation tropicale prédispose la Guadeloupe aux risques cycloniques forts tous les 20-30 ans et tous les 3-4 ans avec des effets moindres. Plus de la moitié des cyclones tropicaux touchant les Caraïbes proviennent de l’ouest africain. Ils se forment par la présence d’eau chaude (environ 27°C) et de vent fort provenant de toutes les directions. Cette équation favorise une importante évaporation océanique, ce qui créés le nuage du cyclone. Par la suite, la rotation de la Terre dévie les vents, lui donnant sa forme de spirale mais surtout une forte inertie qui concentre l’énergie.
Ces conditions sont remplies particulièrement entre juin et novembre et marquent le début de la saison cyclonique. Ce phénomène est parmi les plus violents sur terre car il conjugue vent, précipitation et montée des eaux (jusqu’à 10 mètre). Ces trois éléments étant incontrôlables par l’homme, rendent terrifiant pour la population l’expérience du cyclone et poussent à l’extrême la résistance des habitations. La trajectoire erratique des cyclones font qu’ils ne passent pas toujours au dessus de la Guadeloupe ou plus particulièrement les Saintes. Seulement, leur puissance fait que même à plusieurs kilomètres, les vents forts peuvent y être ressentis. Tout comme le risque sismique, les cyclones modifient régulièrement le paysage guadeloupéen. Il s’agit avant tout de pouvoir prévenir un tel phénomène afin de mettre en sécurité la population.
Au lendemain du cyclone, place de la victoire à Pointe-à-Pitre Source : FranceAntilles
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L’île sous le vent
D
ans les Antilles, l’année est découpée en deux grandes saisons : une saison sèche nommée le Carême et une saison humide dite hivernage ou cyclonique. Dans les deux cas, la chaleur est toujours élevée, entre 25°C et 30°C tout comme l’humidité qui peut atteindre 85%. Cela rend la température plus élevée qu’elle n’en est dans les mesures. Durant l’hivernage, les Antilles sont particulièrement vigilantes concernant les cyclones. Les vents sont plus forts que le reste de l’année et plus localement, la topographie implique de fortes précipitations. Cela est particulièrement marquant en Basse-Terre ou les montagnes accrochent les nuages qui se vident de leur humidité sur la région. Les vents viennent principalement de l’est, ce sont les alizés, des vents chauds qui touchent l’arc caribéen après avoir parcouru l’Atlantique. Contrairement au continent guadeloupéen, les Saintes accrochent peu les vents. La terre n’étant que ponctuelle, les nuages n’ont pas la distance nécessaire
pour se former. Il n’y a donc que très peu d’humidité (entre 55 et 70%) par rapport au continent et peu de précipitation. Sur l’île de Terre-deBas et particulièrement sur le site de la poterie qui fait face à l’est, le vent vient brasser les arbres de manière continue. Bien qu’il fasse certains jours jusqu’à 40°C en plein soleil, le vent vient diminuer la sensation de chaleur et rend plus agréable la vie extérieure. L’archipel saintois peut donc perdre de vue pendant plusieurs jours le continent qui ne dessine plus qu’une ombre derrière les nuages et cela est aussi valable dans l’autre sens. Dans le paysage, les Saintes peuvent se retrouver seules dans l’océan. Cette sensation d’indépendance se ressentait d’autant plus avant l’arrivée du pipeline alimentant les îles en eau potable à la fin des années 60. Auparavant, il fallait restreindre la consommation d’eau potable durant ces périodes sèches, où les saintois peuvent être plusieurs mois, sans avoir de pluie. La notion de ressource se ressent dans le quotidien de l’île.
Le continent fait face au vent La Soufrière arrête les nuages qui se déchargent dans une forêt tropicale luxuriante Alizés
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11 la condition tropicale saintoise
La Soufrière la tête dans les nuages Création des nuages au dessus des terres plates de Grande-Terre
«
interview de Georges Garçon chef du restaurant 1 Ti Bo Doudou
Je me souviens, quand j’étais petit, on stockait l’eau dans des bidons de 20L, il fallait se restreindre. Certains jours, on avait le droit à un verre ou deux, alors qu’il faisait 40°C dehors. On faisait attention à ce que l’on faisait à ce moment là interview réalisée sur Terre-de-Haut
Les Saintes sont sous le vent Le peu de précipitation forme un paysage plus aride mais les alizés traversent à chaque instant l’archipel Alizés
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»
«
interview de Dani marin saintois
On allait pêcher le poisson le matin dans la anse à chaux et on remontait la falaise pour cuisiner sur le plateau de la pointe à vache. On était avec les amis et toute la famille. On mangeait ensemble et l’après midi on remontait vers le bourg par la forêt interview réalisée pendant le tour de l’île de Terre-de-Bas en bateau
A l’ombre du Carbet
A
ux Saintes, à la latitude 15° Nord, le rayonnement du soleil frappe quasiment à la verticale au solstice d’été, il ne traverse par conséquent qu’une faible épaisseur d’atmosphère comparée au continent européen par exemple. Le rayonnement est plus concentré, ce qui mène à de fortes températures toute l’année, entre 25 et 30°C, pouvant grimper jusqu’à 40°C les jours où aucun nuage ne se forme. En ajoutant à cela la réverbération du sol, en béton pour les routes par exemple, être au soleil devient vite invivable. L’ombre apparait comme un refuge, ceci est valable sur le continent aussi, mais est plus présent aux Saintes avec l’absence régulière de couche nuageuse que nous avons remarquée précédemment. L’ombre définit dans l’espace un lieu de rencontre, de vente, de vie. L’espace qui ne se protège pas du soleil devient vite inhospitalier au point que les rues, les places minérales sont des espaces de passage où l’on va le plus efficacement possible d’un point A à un point B. La dérive ne fait pas partie des pratiques des espaces publics. Les terrasses de café sont rares, les 28
11 la condition tropicale saintoise
personnes vont préférer se retrouver sous un arbre, sous la véranda (galerie) de leur voisin ou sous les quelques équipements publics couverts comme le marché de Basse-Terre. La végétation est un refuge quotidien, l’évapotranspiration qu’elle produit sous l’effet des rayonnements solaires et de l’humidité qu’elle contient, font baisser la température ressentie de 3-4°C, et ces quelques degrés sont d’importance majeure dans le quotidien. Le carbet est une tradition très présente en Guadeloupe. Cela prend la forme de grand pique-nique en famille et entre amis, sur la plage ou dans les parcs. Tout le monde apporte la nourriture et participe à la cuisine le matin pour partager ensuite le repas. Cette tradition n’existerait pas sans les carbets, un abris d’une grande simplicité constitué de quatre poteaux soutenant une charpente en bois et une couverture généralement en tôle mais initialement en bois ou en feuillage. La grande surface d’ombre créée permet une nouvelle fois de faire baisser la température ressentie.
»
2m
La véranda de la case créole
1.5 m
Le dispositif informel de vente
10 m
l’espace public du manguier
Le carbet : une tradition du dimanche mais pas seulement
L’ombre : l’espace tropical
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Sur la trace des Saintois
S
ur Terre-de-Bas, de nombreuses traces traversent de long en large l’île et relient le bourg de Petit Anse et le hameau de Grand Anse. Ces traces sont des sentiers, aujourd’hui de randonnée, mais qui auparavant, étaient marquées par les amérindiens qui habitaient l’île puis par le pas des esclaves qui traversaient l’île pour rejoindre les habitations, lieu de travail comme la poterie Fidelin ou la l’habitation Létang, lieu d’excavation de l’argile. Certaines traces, notamment sur Basse-Terre étaient les chemins de fuite que les esclaves empruntaient pour échapper à leur situation.
La majorité des forêts sont protégées et n’ont plus été exploitées depuis des dizaines d’années, ce qui rend les lieux à leur état sauvage. Sur Terrede-Bas, le bois d’inde s’est d’ailleurs diffusédans toute la forêt bien qu’il ne soit que peu exploité, aujourd’hui pour son huile essentielle. Nous pouvons aussi visiter la ruine de l’habitation des étangs, anciennes carrières d’argile. Les gommiers et les mancenilliers ont repris leur droit sur la maison de maître.
De nombreuses traces sur Terre-de-Bas Une ressources qui profite moins de l’héliotropisme mais permet de s’évader très rapidement
carte des Saintes
Anse du Bourg Grande Anse Grande Anse
Terre de bas
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11 la condition tropicale saintoise
Terre de haut
La trace jaune : au coeur d’une forêt peu dense sur les hauteurs du morne Sec
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La case créole, reflet de son territoire
F
ace aux éléments de la condition tropicale de la Guadeloupe et particulièrement des Saintes, la case créole est un exemple de génie du lieu. Pour s’adapter aux risques, les habitations étaient construites sur un modèle qui a évolué avec le temps et les catastrophes. La case créole correspond aussi à un mode de vie particulier, où la propriété du sol n’a que peu d’importance par rapport à la propriété de la case, cela provient de l’histoire de l’oppression par l’esclavagisme, la case étant le seul bien de la personne esclave, cet habitat certes minimal mais était aussi son seul lieu d’intimité face à l’oppression. Même après l’abolition de l’esclavage, le modèle de la case est resté et a continué à évoluer. Unité de base 3x3m Véranda sur rue
Cours improvisé sur la case créole par Monsieur Georges Garçon pendant notre séjour
Véranda sur case Ajout de pièce
Un ornement unique par famille
Une aération verticale
3m Une aération transversale 32
11 la condition tropicale saintoise
«
lorsque l’on déménage, on change de lieu mais non pas de maison. BERTHELOT J., GAUMÉ M., L’Habitat populaire aux Antilles, Pointe-à-Pitre, Perspectives créoles, 1982
La case est toujours construite en bois et se développe sur une trame carrée de 3m appuyée sur des pierres. Elle n’était pas fondée, juste posée afin de pouvoir la modifier ou simplement la déplacer tout en s’exemptant de l’ancrage au sol. A l’intérieur, il ne s’agit pas d’avoir de l’espace mais d’avoir des commodités et de l’intimité, c’est le foyer. La clôture traditionnellement marquée du blason familial (une forme simple et colorée; taillée directement dans le bois) ou une frise de couleur sur la véranda. Les seules ouvertures sont des portes se font face pour permettre l’aération. La toiture participe aussi au rafraîchissement de l’habitation grâce aux lucarnes qui évacuent l’air chaud. La case n’est jamais complètement
« L’habitant n’est en quelque sorte qu’un locataire de son île » (D. Maximin, Les fruit du cyclone, p.47)
close pour toujours permettre un courant d’air par un tressage ou un grillage fin. En cas de cyclone, où les portes sont bloquées par les bascules. Le corps principal présente sur un côté au minimum la véranda: une galerie mettant à l’ombre les façades et proposant un espace ombragé pour accueillir amis et famille. En effet, plus on entre dans la case, plus l’espace est considérer comme intime. La case est un modèle évolutif, elle n’est jamais vraiment terminée. Dans le passé, en fonction des besoins et des moyens, la famille ajoutait des pièces toujours sur la trame de 3m mais du côté opposé à la rue. Aujourd’hui elles sont abandonnées et détruites, pour construire des maisons «en dur», copies du modèle créole sans, bien souvent, le génie du type.
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La case créole s’accompagne toujours d’un jardin créole. Plus qu’un ornement, ce jardin permet aux habitants de subvenir aux besoins primaires de nourriture mais aussi de médication et de construction. Ce verger est une représentation forte de l’attachement à la terre comme ressource et fait preuve d’un grand savoir de culture du sol dans un soucis de préservation mais aussi d’autonomie face aux éléments. Cette pratique fait écho à ce que l’on nomme aujourd’hui agro-foresterie soucieux des contraintes naturelles mais surtout qui s’exempte de réflexion productiviste au service d’une pensée de sécurité alimentaire en cohésion avec le milieu. La condition tropicale saintoise, et plus largement guadeloupéenne, impose en un sens ce mode d’habiter pour vivre l’insularité et l’éphémérité du paysage.
«
La condition tropicale Les habitants des basses latitudes pratiquaient, surtout avant la colonisation, une économie respectueuse de l’environnement qui leur permettait de vivre avec peu, mais de vivre bien. A notre époque, les pays tropicaux, dont le niveau de vie a dangereusement baissé, sont trop souvent soumis à la misère, mais ils continuent de n’exercer qu’une pression minime sur les ressources de la planète. HALLÉ Francis, La condition tropicale, Arles, Actes Sud, 2014, p. 629
34
11 la condition tropicale saintoise
»
Le jardin créole de la Grivelière, entre les chataigners et les caféiers 35
12 la pêche, vivre l’insularité P
lus qu’une activité économique quelconque présente dans le territoire des Saintes (environs 14% de l’activité économique en 2008 selon l’INSEE), la pêche a permis à cet archipel d’être peuplé malgré sa triple insularité. Elle est source des traditions saintoises, de sa gastronomie, elle trouve ses racines à la fois dans les savoirs faire des charpentiers marines venus de l’ouest français durant la colonisation, mais aussi dans la richesses du monde sous-marin, véritable ressource naturelle et vivrière de l’archipel.
la pêche dans les saintes un savoir faire spécifique en caraïbe Parler de pratiques halieutiques dans les Saintes, c’est parler de l’histoire des deux îles soeurs, les seules habitées de l’archipel: Terre de Haut, et Terre de Bas. Ile de garnison aux du XVI eme au XIX eme siècle, pendant les guerres qui affrontent Britanniques et Français, Terre de Haut est un site stratégique. 36
12 la pêche, vivre l’insularité
Sa large baie est protégée par l’îlet à Cabrits, avant poste qui a aussi pour vertu de garantir le calme aux navires qui y mouillent. Terre de Bas quant à elle, éloignée de 700 m, est une île forteresse. Rares sont ses baies ou plages, et ses côtes sont bordées de falaises abruptes, allant de 10 à 60 mètres. Ses caractéristiques en ont fait pour les saintois une île refuge, où les populations allaient en temps de conflit. Les reliefs escarpés et les sécheresses récurrentes n’ayant pas permis de développer l’agriculture, peu d’esclaves ont été amenés sur ces îles. Le peuplement est donc historiquement constitué de Bretons, de Normands et de Poitevins qui se sont installés pour pratiquer la pêche. La pêche à Terre de Bas n’apparaît vraisemblablement qu’après l’abolition de l’esclavage (1848). Les pratiques de pêche saintoises, en fort lien avec leurs origines, ont su évoluer avec le temps, le territoire, et s’adapter aux Hommes et aux matériaux qui le composent. On peut observer un certain nombre d’équipements qui puisent leurs origines en métropole, mais aussi dans les caraïbes, et jusqu’en Asie.
des pêcheurs à Terre de Haut P. Gardalon - date inconnue
des pêcheurs à Terre de Bas P. Gardalon - date inconnue
le casier à langoustes
aussi appelé nasse caraïbe, il peut adopter des formes variées. Dans les Saintes, celle ci est liée à deux paramètres: la ressource et la mise en oeuvre. La structure (les gaules) est en bois dur susceptible de résister plusieurs mois à l’immersion (bois d’Inde, merise, bois rouge), dont les sections très droites peuvent atteindre 2 mètres de long. Le remplissage en grillage emprisonne les poissons.
le filet
sennes ou filets sont les autres instruments du pêcheur saintois, aujourd’hui en nylon. Le premier, attrape les poissons en surface quand le second permet la pêche à bord de la saintoise.
Biosphoto/Wilfried Louvet/AFP
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12 la pêche, vivre l’insularité
le salako
le couvre chef typique des Saintes. Sa particularité tient dans le fait qu’il n’est présent nul part ailleurs dans la Caraïbes. Il est une adaptation Saintoise des chapeaux des Annamites Indochinois arrivés à la fin du XIX ème siècle à Terre de Bas dont leurs gènes sont encore présents dans la population Saintoise. Ce chapeau, constitué d’une structure en vannerie couverte de tissus madras, permet aux pêcheurs de rester sous une large ombre. Il n’est quasiment plus porté aujourd’hui.
LA SAINTOISE
tirant ses origines des bateaux de pêcheurs que l’on trouve aujourd’hui encore sur la côte atlantique de métropole, elle montre encore une fois de plus que les saintois sont des habitants uniques de la Caraïbe, où l’on retrouve plutôt des embarcations de type Indiens Caraïbes , issues du gommier. La Saintoise en revanche, longue de 6 à 9 m, possédait des membrures en poirier pays, et une coque en planches changées régulièrement. L’arrivée des moteurs et du plastique, a vu disparaître les voiles triangulaires, et la majorité des charpentiers marine qui peuplaient les Saintes. Les Saintoises traditionnelles ne sont plus utilisées que pour des courses qui se déroulent pendant les fêtes. La Saintoise en plastique est utilisée quotidiennement par les pêcheurs, qui vivent de leur territoire sous marin.
2-3m
6-8m
Anse des Mûriers Terre de Bas des saintoises amarrées
39
L
es pêcheurs et leurs activités, si ils représentent une part des traditions et des origines des saintois, sont aussi et surtout une ressource pour leur territoire. Leurs savoirs faire sont reconnus dans toute la Caraïbe, et la Saintoise répandue partout en Guadeloupe. Dans leur mise en oeuvre traditionnelle, les saintoises, les filets et les casiers sont les exemples mêmes de la prise en considération de la ressource, de son optimisation. La pratique de la pêche aussi, qui prend en considération saisons et courants en adaptant ses pratiques tout au long de l’année, participe à cet symbiose qui fait que le pêcheur, conscient de son milieu, l’entretien, et le construit. Une vraie pratique durable du territoire.
la pêche aujourd’hui L’espace saintois dans sa forme traditionnelle, entre usages et
contraintes, est une synthèse de l’adaptation des pratiques, de la culture et des savoirs-faire à la question de l’insularité. Aujourd’hui, la pêche à l’échelle des Saintes est une activité économique minoritaire par rapport à d’autres comme le tourisme. Les pêcheurs vendent le fruit de leur travail aux restaurants et aux locaux. Les touristes de passage pendant la journée ne font pas -ou très rarementpartie des clients. Malgré tout, cette activité traditionnelle doit aujourd’hui sa survie grâce au tourisme, raison d’être des restaurateurs qui font vivre les pêcheurs. A l’échelle du territoire Saintois, la répartition des pêcheurs est inégale, puisque Terre de Haut, concentre la plupart des actifs dans le secteur, environs 85 pêcheurs sur les 108 pratiquant (selon INSEE 2008). Terre de Bas en revanche, elle, ne compte qu’une vingtaine de pêcheurs, pour une île de taille équivalente, mais moins peuplée et touristique.
carte des principaux mouillages aux Saintes
anse du bourg
Terre de haut Terre de bas
anse à dos
grande anse
anse des muriers
petite anse
poterie fidelin
site spontané de réparation de filets et casiers
ocean antlantique
Mer des caraïbes
40
12 la pêche, vivre l’insularité
0
2 km
interview de monsieur duval maire de Terre de Bas
Daniel Rollé pour îles du sud de Guadeloupe - janvier 2016 photo Jean Luc Goubin
« «
“Les Saintois résidant à Terre-de-Bas sont viscéralement attachés à leur terroir. Ils en sont fiers, malgré les difficultés de toutes sortes.” Le ton est donné par Emmanuel Duval, l’actuel maire de Terre-de-Bas. Pas question de douter de la farouche volonté, manifestée de longue mémoire par ses habitants, de défendre les atouts de leur île (ses plages, ses pistes de randonnées, ses sites de plongée, son patrimoine cultuel, sa gastronomie…), d’en vanter le calme, la sérénité même qu’elle génère, et le sentiment de sécurité évident qui y règne. Côté pêche, secteur pourtant consubstantiellement associé au savoir-faire saintois, seuls s’activent encore en mer une vingtaine de marins déclarés et une dizaine d’occasionnels. Les carences d’infrastructures dédiées sont, il est vrai, nombreuses : sans port de pêche, maison de pêcheurs, ni chambre froide pour la conservation du poisson, sans point d’eau ni d’accastillage et sans réparateurs, difficile de susciter les jeunes vocations.
secteurs d’activités aux Saintes pêche - 108
principale activité sur Terre de Bas
administrations - 288
hôtellerie - 384
construction -120
industrie - 40
L’absence de touristes (10 à 20 par jours) est la première explication de cette disparité sur le territoire. On lit dans cette interview les autres raisons qui font le déclin de la pêche à Terre de Bas: le manque d’infrastructures, d’espaces, qui impacte directement la pratique des pêcheurs. Malgré ce fait, les Saintois de Terre de Bas étant proche de leurs traditions, la fête des pêcheurs, fête communale la plus importante des Saintes qui amène beaucoup de visiteurs, se déroule sur Terre de Bas depuis plusieurs années consécutives. Dans ce système, l’ancienne poterie Fidelin sert dans son histoire contemporaine, comme un espace de la pêche: occasionnellement, des pêcheurs viennent y réparer casiers et filets. 41
» »
terre de haut nombre d’habitants: 1780 surface de l’île (km/2): 5,2 densité (hab/km2): 286 nombre de pêcheurs: 88 nombre touristes/jour: 445 Nombre de restaurants: 24
la rue au service de la pêche
S
i Terre de Haut vit essentiellement du tourisme, c’est bien le long de sa baie et de ses anses que l’on retrouve une grande partie des pêcheurs des Saintes. La construction urbaine de cette île est directement liée à la pratique halieutique. On constate sur la coupe l’importance du lien physique qu’il existe entre les activités commerciales de la rue principale et l’espace de travail que sont la plage et la mer. De la rue à la baie, les maisons de propriétaires, anciennement sur le modèle de la maison créole, laissent ensuite place à des maisons de pêcheurs, reconstruites sur d’anciennes cabanes de tôle ou de
coupe sur la rue Benoit Cassin Terre de haut cadrages entre la rue et la plage rue Benoit Cassin
EP
maisons de propriétaires 42
12 la pêche, vivre l’insularité
maisons de pêcheurs
cadrage entre la rue et l’espace de travail
bois, constituent le front de mer. Elles sont aujourd’hui souvent des restaurants. Enfin, l’espace de la plage est lui entièrement dédié à la pêche, avec dans sa première séquence, une bande de plusieurs mètres de stockage du matériel. Après une seconde bande de sable laissée vide mais entrecoupée des amarres des bateaux, qui se trouve la baie et les saintoises en mouillage. Le long de la rue, les cadrages réguliers des ruelles font le lien entre espace de la ville, social, et celui de la mer, du travail. Terre de Haut a vu pendant les 50 dernières années son environnement évoluer complètement avec l’arrivée de l’eau depuis Basse Terre, et celle de l’électricité. Mais les pratiques halieutiques de l’île, à l’instar de Terre de Bas, sont restées assez traditionnelles par leur échelle.
espaces de stockage des pêcheurs saintoises au mouillage
plage de la Anse du Bourg 43
terre de BAS nombre d’habitants: 1100 surface de l’île (km/2): 9 densité (hab/km2): 147 nombre de pêcheurs: 20 nombre touristes/jour: +/- 12 Nombre de restaurants: 4
la pêche, activité noyée
L
’espace dédié à la pêche à Terre de Bas est beaucoup moins lisible que celui de Terre de Haut. On peut l’expliquer par deux facteurs : d’une part l’histoire de la pêche y est plus récente que sur l’île sœur, d’autre part, l’absence de baie abritée possédant une mise à l’eau évidente (plage). En effet, La seule baie assez grande serait Grande Baie, dont la situation est exceptionnelle, mais qui ne possède aujourd’hui pas de mouillage suffisant pour une pratique professionnelle de la pêche. Grande Anse quant à elle, par sa grande plage, est exposée aux vents et houles. Les pêcheurs occupent donc la Anse
coupe sur la Anse des Mûriers Terre de Bas entrepôt de gravats pour la construction décharge
EP
maisons de propriétaires Pointe a Nègre 44
12 la pêche, vivre l’insularité
maisons de pêcheurs
des Mûriers. Embarcadère, espace commerçant, port de pêche, entrepôt de matériaux, station service, décharge: ce qui était encore une plage paradisiaque il y a 50 ans est devenu un espace organique, technique, où se mélangent la majeure partie des espaces économiques de l’île. Cependant, elle ne porte pas la valeur d’espace public, sauf quand elle est le théâtre de la fête de la pêche. On voit sur cette coupe la succession des espaces techniques dans un ordre qui ne tient qu’à la topographie, et non à une spatialité d‘usages.
vue sur la Anse des Mûriers depuis le large
espace des pêcheurs (plage) : cabanons, saintoises, carcasses de bateaux, filets... embarcadère jusqu’à 3 bateaux de passagers
plage de la Anse du Bourg
restaurant commerces pour touristes
Pointe du Fer à Cheval 45
Les saintes, un développement touristique inégal
S
i Terre de Haut a subi un développement touristique exponentiel ces 50 dernières années, elle le doit surtout à la qualité de ses plages, dont l’une est considérée comme la troisième plus belle baie du monde. On pourrait le qualifier de tourisme pendulaire. Arrivés à 9h du matin, les touristes repartent à 17h pour la plupart. Leurs activités sont de l’ordre de la contemplation, la balade familiale, dans un environnement exceptionnel. Malgré une politique locale qui se dirige aujourd’hui vers l’autonomie énergétique et la préservation du milieu (notamment par le contrôle de l’urbanisation), Terre de Haut a pu voir dans le passé son schéma de développement entrer en contradiction avec la durabilité de son environnement naturel. Terre de Bas, en revanche, qui est le
des îles, un territoire
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12 la pêche, vivre l’insularité
support d’un tourisme beaucoup plus discret, reste extrêmement préservée. On y trouve de belles randonnées sur les traces qui la parcourent, un potentiel culturel autour de la poterie Fidelin, et un grand nombre des criques et baies qui proposent une grande variété et qualité de fonds marins. L’île, qui cherche aujourd’hui à trouver de l’attractivité touristique, levier économique évident, ne doit pas la chercher dans une imitation de sa sœur. D’abord parce que ses paysages ne se prêtent pas à un tourisme de masse, mais aussi parce que son potentiel est ailleurs. Elle doit profiter de sa préservation pour la conserver et la mettre en valeur. Dans le même schéma, la mise en lumière de savoirs-faire comme la pêche, peut emmener à créer des offres de tourisme actif, vert, et haut de gamme. Terre de Bas profiterait ainsi de ses spécificités humaines et paysagères pour trouver son propre développement, qui ne serait pas opposable à celui de Terre de Haut, mais bien complémentaire, et acteur du renouement des Saintes.
Terre de Haut depuis le Morne Chameau
Terre de Bas depuis le Morne Chameau
Grande Baie
bourg de Terre de Haut
hameau de Grande Anse
Anse des Mรปriers
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la triple insularité comme actrice du projet
L
a triple insularité, contrainte dans la pratique de l’archipel, peut aussi en être sa valeur première. Dans un premier temps nous pouvons définir ce terme, par un témoignage.
interview de Cindy et thierry
«
employés à la Poterie Fidelin
Ici, tout est plus cher qu’en métropole. Quand tu fais une maison, ça te coute 3 fois plus. Il faut que les matériaux viennent de métropole par Jarry (ndla: zone industrielle principale de Guadeloupe), puis, du continent (ndla: l’île principale est appelée comme ça par les saintois), il faut attendre que la navette les apporte aux mûriers, et enfin, tu dois louer un camion pour aller les chercher! C’est la triple, c’est même la quadruple insularité! Et pendant ce temps tu dois payer des ouvriers... Du coup, il vaut mieux te faire aider par des potes et leur offrir des bières et du cassoulet, et même si c’est plus cher qu’en métropole. Ca se fait beaucoup ici, ça s’appelle le coup de main. interview réalisée pendant notre séjour à la Poterie
Nous lisons ici l’impact de cette situation géographique sur les projets, les modes de vie, les savoirs faire et l’entraide. Mais, si l’eau divise les îles, elle peut aussi les lier. Dans ce territoire, la question de ce qui est local et du rayon de provenance des matériaux devient plus qu’ailleurs un positionnement éthique. Les Indiens Caraïbes ont résolu cette question par la navigation. Ils naviguaient à vue, donc la limite du territoire se trouvait à l’horizon. Dans cette vision des caraïbes, on peut tout à fait considérer qu’importer du bois de Guyane et du tabac de Cuba, c’est travailler avec le local. 48
12 la pêche, vivre l’insularité
»
20 km
0
Guadeloupe une interdépendance des îles des Caraïbes
Nord-Caraïbe États-Unis
zone industrielle Jarry
Pointe-à-Pitre
la Désirade
Guadeloupe Europe
Basse-Terre
Trois Rivières Saint Louis
Les Saintes
Sud-Caraïbe Amériques du sud
Sud-Caraïbe
Portsmouth
Dominique
49
Quel avenir pour Terre de Bas Dans les saintes?
E
ntre pêche, tourisme, insularité, traditions et renouveau, où placer le futur de Terre de Bas par rapport à sa soeur Terre de Haut et par rapport à elle même? Ce territoire saintois a aujourd’hui les capacités d’écrire son avenir commun, avenir dans lequel Terre de Bas devra retrouver de l’emploi pour stopper la fuite de ses jeunes vers le continent ou vers la métropole, et Terre de Haut continuer son chemin vers une plus grande durabilité de son développement. Terre de Bas, comme nous l’avons précédemment dit, possède les outils pour se diriger vers une activité touristique qui fasse que le client soit acteur dans le paysage social et culturel de l’île. Le voyage nous a apporté de nombreuses rencontres, et notamment permis de naviguer avec Dani, marin saintois qui est
aujourd’hui le capitaine du bateau de passager de la poterie Fidelin. Dani, fort de son expérience sur beaucoup des mers du globe, et de son enfance passée sur les rochers des falaises saintoises avec son père pêcheur, nous a fait faire le tour de Terre de Bas. Une expérience forte qui nous a montré la pluralité des paysages terrestres et sous marin de ces côtes d’environ 13 km de long. Si quelques plongeurs métropolitains ont monté des clubs sur Terre de Haut, les fonds de Terre de Bas ne sont exploités que par quelques pêcheurs. Leurs connaissances et leurs savoirs faire, combiné à la beauté des fonds, pourraient être support à une filière de pescatourisme basée sur l’experience de plongée des saintois. La préservation des terres et l’histoire des forets, de la poterie, des polycultures et des jardins créoles pratiqués sur l’île, pourraient compléter la filière pescatouristique par une exploration botanique, des randonnées, de la muséographie autour de l’histoire esclavagiste et industrielle de la Poterie Fidelin.
le carbet à Pointe à Vache selon l’expérience de Dani
05
plan du tour effectué avec Dani Terre de Bas
06
04
01
03 02
01 au large de Terre de Bas
02 des grottes sous marines
03 orgues basaltiques qui plongent dans l’eau
04 vue sur Petite Anse
05 par 15 mètres de fond l’eau reste limpide
06 connus de tous, les coraux de l’îlet Pâté abritent nombre de poissons
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13 Grande baie en mouvement, crises & renaissances « Ce n’est qu’à la mort de l’occupant que l’on ouvre les volets à tous les vents.1
Un site, des temps : De l’éphémèrité antillaise
L
e site de l’ancienne poterie Fidelin à Terre-de-Bas, incarne le territoire Saintois et ses enjeux, entre créolité, tropicalité, insularité. Situé le long de Grande Baie, le site de projet est avant tout pour les Saintois et plus largement pour les Caribéens, un lieu de mémoire. En effet, classé aux Monuments Historiques depuis 1997, l’ancienne Poterie Fidelin est témoin d’une histoire saintoise mouvementée, marquée par l’esclavagisme et la force des éléments. Poterie d’escalves, distillerie de bois d’inde, abandon progressif, lieu de rassemblement pour le traditionnel pique-nique dominical ( carbet), le site de Grande Baie vit au rythme des séismes et cyclones qui transforment l’appropriation du lieu. Par ailleurs, la formation géologique de Grande Baie explique en majeure partie l’importance du site dans l’installation
»
humaine sur l’île, son développement et maintenant son avenir. Plus qu’un point d’ancrage local, l’ancienne poterie Fidelin renvoie à une mémoire partagée par les antillais : celle du commerce triangulaire, de la traite négrière, du travail forcé dans les paysages tropicaux. À ce titre, elle s’inscrit dans le réseau mémoriel guadeloupéen de «la route de l’esclave» dans lequel les différents lieux représentatifs de l’histoire, longtemps passée sous silence, ont retrouvé un nouveau départ. Finalement, à l’instar de l’Habitation Grivelière, la connaissance du passé peut être source de projet, de redécouverte des savoirs-faire et des paysages, mais aussi d’impulsion de nouvelles dynamiques pour le site et son territoire. Nous interrogeons alors le récit de ce site encore exceptionnellement préservé, où les murs portent encore les stigmates d’une succession de crises, de renaissances, de vies, d’usages; en somme, de l’éphémérité caribéenne.
1 : BERTHELOT Jack, GAUMÉ Martine, L’Habitat populaire aux Antilles, éd. perspectives créoles, Pointe-àPitre, 1982, p.82
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13 Grande baie en Mouvement, crises et renaissances
Restitution à l’identique du bâti
La Grivelière, vers l’authenticité Au cœur de la vallée de la Grande Rivière, dans l’épaisse jungle tropicale surplombant Vieux Habitants, l’habitation «La Grivelière», site historique de l’exploitation caféière en Guadeloupe, constitue un piler de ce territoire. Étant issu de l’époque esclavagiste des Antilles, il représente aujourd’hui un témoignage exceptionnel des conditions de vie, de travail, et de connaissances du paysages. Au mise en scène du savoir-faire
sein, de «la route de l’esclave», la Grivelière offre un potentiel territorial par la représentation de la mémoire. Le projet de réhabilitation comporte deux points essentiels. D’une part, la remise en l’état et en fonctionnement du bâti autour de la production du café, origine même du site, permet de rendre l’histoire vivante et de conserver de savoirsfaire spécifiques. D’autre part, la préservation du patrimoine paysager par le jardin créoles (basé sur la complémentarité des essence)- induit une réappropriation des vocations liées à la terre. Par «le retour aux sources», la Grivelière génère une dynamique territoriale le long de la vallée par le levier du tourisme. Proposant des événements, une immersion paysagère, une gamme de produits de qualité et locaux, le projet de réhabilitation de la Grivelière est une posture de re-investissement de l’histoire du site en la rendant immersive et authentique.
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Un site support d’usages au fil de l’histoire
l’éphémère dans la matière: stratification des temps du site
Une rencontre entre terre et mer
Des ruines qui structurent encore le site
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Temps 0: la formation géologique
un nouveau bassin versant en transformation à Terre-de-Bas
L’
arc antillais dans lequel se situe les Saintes est , comme nous l’avons vu précédement, né de l’action du volcanisme et de l’érosion des sols, entre précipitations et action de la houle. À ce titre, l’archipel des Saintes, et plus particulièrement Terre-deHaut et Terre-de-Bas, témoigne de la force des éléments. De ce fait, étant issues de deux ères de formation différentes, les îles sœurs présentent des spécificités géoligiques bien distinctes. D’une part, Terre-de-Haut emergeant il y a 4,5 millions d’années présente des reliefs secs et escarpés ( dont sont le témoignage morne Chameau et Pain de Sucre) qui se sont érodés jusqu’à la formation de plages de sable blanc qui caratérisent les anses de l’île. D’autre part, Terre-deBas, plus jeune ( 2 millions d’années.) résulte d’une sédimentation progressive des reliefs. Cette dernière implique un processus de création des sols par ruisselement et stratification des substrats au niveau de la mer. Le site de l’ancienne Poterie Fidelin est né de ce processus. Au pied du morne Paquette, le site s’est formé en trois étapes majeures qui expliquent sa particularité et sa situation privilégiée à Terre-deBas. La visite de l’île a permis de comprendre la formation géologique, la composition du sol, l’hygrométrie et donc, par extension sa réaction face aux séismes, aux fortes pluies et enfin à la végétalisation. Non loin du site, le long de la Trace Sud nous avons étudié un site actuellement en phase 2, c’est-à-dire en cours de sédimentation.
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13 Grande baie en Mouvement, crises et renaissances
Phase 1
Phase 2
le couvert végétal du morne forme le substrat par sédimentation les rochers dévallent la pente les rochers, roulés par l’eau créent une digue par accumulation
Phase 3
les sédiments enrichissent les sols par ruissellement les roches se stabilisent avec la sédimentation
densification de la végétation et stabilisation du morne formation d’un site plat et fertile en bord de mer protection de la houle par consolidation de la digue
création d’un plateau par effet de bassin-versant
3
2
1
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Temps 1: De la Poterie fidelin au cyclone
L’
histoire de la Guadeloupe, et plus largement des Antilles,est marquée par la colonisation et l’arrivée massive d’esclaves africains pour l’exploitation agricole, notamment pour la canne à sucre. Au milieu du XVIIème siècle, débute l’industrialisation du sucre en Guadeloupe par les plantations de canne. Dans ce premier temps, cette dernière, cultivée par les esclaves, est acheminée brute jusqu’en Europe où le sucre sera raffiné à Bordeaux puis mis sur le marché européen. Cependant, production de matières premières grandissant, le besoin de raffiner sur l’île amorce le début de l’industrie sucrière en Guadeloupe. Dès 1672, apparaît la première raffinerie de sucre à Basse-Terre. La raffinerie étant à ses balbutiements, le matériel est importé directement de Bordeaux. Le surcoût dû à la casse des formes à sucre, poterie servant à la filtration, et au voyage impose la fabrication sur place des outils en poterie. En 1703, naissent les premières poteries Guadeloupéennes de formes à sucre et c’est en 1760 qu’apparait la Poterie de Jean-Pierre Fidelin sur Terre-de-Bas2. Par ses caractériques topographiques et géologiques, le site rassemble les conditions idéales pour l’implantation d’une poterie. En effet, connecté directement à une zone de mouillage (Grande Baie) tout en étant protegé des tumultes de la mer des Caraïbes, plat et le lieu, unique sur Terre-deBas offre des qualités intrinsèques qui n’exigent pas de modification
profonde du paysage. Par ailleurs, l’île de Terre-de-Bas, issue de l’érosion de différents temps géologiques, présente de nombreux sites argileux sur les reliefs, les mornes. Le site de Grande Baie bénéficie de la ressources (bois et argile), de l’interface avec la mer pour l’envoi de la production, et de la protection contre la houle.
Reconstitution d’une forme à sucre
2 :Selon PARISIS Denise & Henri, La Guadeloupe industrielle, Généalogie et histroire de le Caraïbe, n°spécial septembre 2010
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13 Grande baie en Mouvement, crises et renaissances
Lieu de vie la trace sud : chemin à travers la forêt, entre les rochers et surplombant la mer cases d’esclaves: lieu de vie organisé par la trame créole 3x3m, ossature bois sur 4 appuis en pierre du site
Gestion
Production citerne: enduit par un mélange de chaux et de sable, collecte et stockage des eaux pluviales
fours
stockage des denrées alimentaires maison du contremaître, citerne et cachot
moulin à bête bassin de décantation
débarcadère : interface avec le commerce
atelier pièce maîtresse de la poterie
50
m
59
bâtiments machines
approvisionnement
Process vs. Site Le processus de fabrication de la poterie répond directement à des contraintes techniques comme la disponibilité de la ressource, sa transformation et sa commercialisation. Aussi, ce sont les vies des esclaves/ouvriers à gérer au travail comme dans leur sphère intime. Le site offre les qualités spatiales et techniques à ce schéma programmatique de la poterie.
le sol comme ressource, la Poterie en écho avec le site
commercialisation
ouvriers potiers
logements pour les ouvriers
La Poterie Fidelin de Terre-de-Bas fabrique dans une première phase les outils en poterie nécessaires à la raffinerie du sucre. Faisant travailler jusqu’à 130 esclaves en 1837 (soit 25% de la population de Terre-de-Bas de l’époque3) la poterie a une production industrielle dont l’implantation et la gestion des flux, les conditions de travail et de vie des esclaves restent avant tout gérées à des fins productivistes. La Poterie Fidelin , bien implantée devient rapidement importante : «1100 formes et 2560 pots, 550 pièces de poterie verte, dans la savane, 2300 pots et autant de formes, dans le four, 79 faîteaux de terre, 150 carreaux de terre du pays, et 240 gueules , 8650 formes et 5803pots» 4. De plus, la poterie Fidelin génère un lien entre différentes échelles, de l’habitation de maître sur le morne voisin au site d’extraction de l’argile et du kaolin (Terre-deHaut et Terre-de-Bas), de la raffinerie guadeloupéenne au port marchand de Bordeaux.
Crise 1 : du sucre à l’objet
En 1815, le marché du sucre blanc des colonies s’effondre. La demande européenne s’effaçant au profit du sucre de betteraves, mais aussi la multitudes de révoltes d’esclaves rendent la production de sucre de plus en plus maigre. Indirectement impactée par cette baisse de régime, la Poterie Fidelin, jusqu’alors très spécialisée, doit se renouveler et diversifie sa production. Ainsi, jarres, carreaux d’argiles, pots domestiques, sont autant de «nouveaux produits» que propose la poterie pour subsister.
vestige de poterie signée sur site
Crise 2 : ABOLITION DE L’esclavage
Mobilsant une force de travail conséquente à faible coût par le système de l’esclavage, la Poterie Fidelin n’a pu faire face à l’abolition définitive de l’esclavage en 1848 proclamée par Victor Schoelcher. La main d’oeuvre étant trop coûteuse, les effectifs se réduisent et annonce le déclin progressif de l’activité.
Crise 3 : La force des éléments
Bien que protégée des vents violents et des furieuses vagues de la mer des Caraïbes par les îlets des Saintes et la topographie de Grande Baie, le site de la poterie est, au même titre que l’ensemble de l’archipel, balayée par le cyclone de 1865. Cases créoles, toitures en essentes, charpentes et éléments légers de productions sont soufflés et ne restent debout, face aux vents, que les vestiges de la Poterie Fidelin à présent définitivement fermée.
3 : ibid. 4: ibid.
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Temps 2 : De la distillerie à la friche industrielle
A
près la fermeture et la destruction partielle du site par le passage du cyclone, la poterie Fidelin reste néanmoins le support d’un renouveau pour Terre-de-Bas : la distillerie de bois d’inde. Essence d’arbre prolifique sur l’île, le bois d’inde est exploité à la fin du XIXème siècle dans les forêts tapissant les mornes de Terre-de-Bas. Par ailleurs, le passage de «la cueillette à la récolte»5 du bois d’inde amorce la transformation en huiles essentielles de cette matière première de qualité et proliférant. Par conséquent, le site, en plus de ses qualités intrinsèques déjà mentionnées pour la poterie, devient un espace libre à réhabiliter et où certaines structures servent d’assiette pour l’implantation d’une nouvelle activité de production. Ainsi, la distillerie de bois d’inde habite les vestiges de la maison du contremaître, ainsi que les unités de stockage. Le reste des vestiges (fours, citerne, bacs de décantation...) demeure trop spécifiques à la poterie pour être investis. Finalement, au travers des crises le site offre une base à habiter, laissant un potentiel d’avenir en jachère. Jusque dans les années 1920, le site, en connexion avec les fôrets de l’île, distillera les feuilles de bois d’inde, et cessera face à la concurrence dominicaine, productrice d’huiles essentielles. Cependant, le temps 2 du site a su suciter des vocation au delà du site et mettre en lumière la richesse paysagère et végétale de
Terre-de-Bas. Aujourd’hui l’huile de l’île est reconnu pour sa qualité et est portée par l’initiative de Gérard Beaujour qui renoue et développe les savoirs-faire autour de cette essence bois d’inde encore présent sur site G.Beaujour dans son exploitation
www.guadeloupe-tourisme.com
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5 : propos de Gérard Beaujour lors d’une interview à la Anse des Muriers
62
13 Grande baie en Mouvement, crises et renaissances
Renouveau productif
site en jachère la trace reste utilisée comme chemin de traverse le long de la Grande Baie
les cases ne sont pas reconstruites et il ne reste au sol que les traces d’un site habité
les vestiges de la poterie ne sont que partiellement ré-investis. Seuls les bâtiments nécessaires à la nouvelle vie du site sont réhabilités
stockage de denrées et four à pain restent utiles à la nouvelle vie du site la maison du contremaître est reconstruite et accueille l’alambic. La connexion directe avec la route du Sud permet d’acheminer les récoltes de bois d’inde
50
m
63
Temps 3: la redécouverte d’un site de production & de mémoire
À
partir de la fermeture de la distillerie de bois d’inde, le site retrouve une nouvelle vocation : un lieu de rassemblement et de repère pour les habitants de Terre-deBas. En effet, le site ayant marqué l’histoire de l’île, il demeure un lieu connu de tous et, à son abandon, est approprié par les Saintois. Cependant ce sont plus les espaces interstitiels, aménagés naturellement entre présence de l’ombre et de la mer, que viennent chercher les habitants plus que le potentiel des vestiges. Les témoignages récoltés sur place durant le voyage nous ont permis de véritablement saisir l’importance du site dans les traditions créoles comme notamment celle du picnic dominical. Par ailleurs, Terre-de-Bas étant divisée en un hameau et un bourg (Petite et Grande Anse) dont les espaces publics sont relativement restreints, le site de l’ancienne Poterie Fidelin s’est trouvé être, par ses dimensions et sa situation géographique, un lieu idoine au rassemblement et à l’événement. Cependant, le site n’étant animé que ponctuellement et n’accueillant plus d’activité dans ses murs, tombe progressivement en friche et la destruction due à l’abandon menace la stabilité des ruines encore relativement bien préservées. Ainsi, dans le cadre de la redécouverte de l’histoire antillaise -amorcée en 1980 par les début de l’archéologique guadeloupéennele site de l’ancienne poterie d’esclave présente un témoignage unique. Des études archéologiques et des fouilles marquent les débuts d’une prise de 64
conscience de la richesse patrimoniale des vestiges qu’il faut alors préserver. En 1997, la poterie Fidelin est classé au Monuments Historiques et suscite de ce fait un intérêt nouveau : le site comme un lieu de mémoire. Vestiges et paysage retrouvent une complémentarité non plus dans un usage productif, technique, mais dans l’histoire, dans les vies qui ont ruines et traces de la mémoire
travaillé la terre argileuse, qui ont faconné les poteries et qui les ont cuites pour les commercer. Mais le site reste un patrimoine fragile, qui entre la végétation et les séismes (celui de 2004) tend à perdre son potentiel de ré-appropriation et de transmission de la mémoire.
Un nouveau temps amorcé
En 2014, Pierre Sainte-Luce, médecin et sociologue natif de Terre-deBas, devient propriétaire du site de la Poterie Fidelin. L’acquisition
13 Grande baie en Mouvement, crises et renaissances
repère saintois
lieu de mémoire le plan des cases n’est quasiment plus lisible et ne restent que les trace de certaines fondations
les vestiges déjà délaissés ont subi une dégradation rapide et nécessite une stabilisation mais rendent la mémoire vivante
l’ancien atelier reste encore lisible et structure encore le site par la prégnance des murs de pierre volcanique
l’espace interstitiel est devenu l’espace public de l’île, entre picnic et contemplation des ruines la ruine sert de support, d’ombre au rassemblement et l’appropriation du site par les Saintois
50
m
65
l’atelier organise l’axe est-ouest
les traces des cases marquent le sol
66
13 Grande baie en Mouvement, crises et renaissances
site de mémoire, déambulation entre les ruines
les picnics du dimanche, rassemblement à l’ombre
67
s’accompagne de la volonté de redonner de la visibilité à ce lieu mémoire à l’échelle de l’île, des Saintes mais aussi des Antilles, tout en redonnant un point d’impulsion pour Terre-de-Bas. Les travaux préliminaires de gestion de l’accès sur le site et du défrichement sont assurés par des locaux, et la gestion quotidienne du site s’effectue par des salariés habitants et natifs de l’île. La volonté est ainsi de remettre le site de la poterie en connexion avec les activités de Terre-de-Bas et de fédérer les habitants autour d’un lieu de vie publique. Ainsi, le site, dans ce nouveau temps, est matière à projet. À ce titre, Pierre SainteLuce est accompagné dans son projet par Michael Marton, architecte guadeloupéen, Hélène de Kergariou, Architecte des Bâtiments de France, représentant la DAC (Direction des Affaires Culturelles) de Guadeloupe. Dans ce cadre, la programmation envisagée par le propriétaire se tourne essentiellement sur la valorisation des arts du feu, en écho avec l’histoire du site, ainsi que sur e
potentiel d’accueil du site pour créer des événements, du rassemblement. sur l’île (diffusion de match de foot, exposition d’artistes, festivals de musique...). Entre muséographie et événementiel, le site tend à se bâtir de nouveau et, qui sait, à réinvestir les ruines de la poterie. consolidations actuelles des ruines
les fours aujourd’hui
68
13 Grande baie en Mouvement, crises et renaissances
penser le temps suivant, s’inscrire dans le cycle du site
F
voyage sur site, faire l’expérience du cycle, vivre au rythme des Saintes
inalement, le site connaît dans son histoire une succession de crises desquelles il tire de nouvelles dynamiques pour son territoire. Tirant son potentiel de regénération de ses qualités géographiques et paysagères, le site demeure marqué par l’implantation de la Poterie Fidelin, véritable support physique des différents temps du site. Par ailleurs, à l’instar de l’ensemble du site, les vestiges de la poterie sont une ressource à préserver et à laisser à dispositions pour les temps à venir. Par conséquent, le site est un patrimoine vivant témoignant du genius loci saintois et du dynamisme territorial. Penser à l’avenir du site, c’est considérer les temps passés, l’état actuel du site et surtout le potentiel de réappropriation du temps projeté. Dans la dynamique amorcée par Pierre Sainte-Luce et son équipe, nous avons eu l’opportunité de travailler sur l’avenir du site dans le cadre de notre projet de fin d’étude. Ainsi, l’appréciation du cycle, de l’éphémèrité, de la métamorphose devient matière à projet au delà de l’arrêt sur image de la mémoire. Accompagnés d’un bagage théorique acquis depuis la métropole, nous avons pu se confronter directement au site, aux acteurs, à la réalité saintoise lors d’un voyage d’étude en Guadeloupe. Prendre la mesure du site, vivre la présence de la pierre, sentir la fraîcheur de l’air à l’ombre d’un bois d’inde, arpenter les traces, nous ont fourni les outils pour écouter la poésie du lieu. 69
20
temps 4 la pĂŞcherie fidelin
de la trace antillaise au port de pĂŞche saintois, rĂŠhabilitation du monument historique de la poterie Fidelin
21 temps 4, stratégie et programmation L
e projet que nous développons ici s’inscrit dans les cycles éphémères de vie du monument de la Poterie Fidelin. Édifice, il se propose aussi comme une successions de liens immatériels tissés dans le territoire saintois et dans les Petites Antilles.
Stratégie La réhabilitation de la friche de la Poterie a pour vocation première de répondre aux impératifs et aux forces du site; - donner une nouvelle visibilité à ce vestige de l’histoire caribéenne, pour qu’il deviennent un lieu d’appropriation de leur mémoire par les saintois. Cette mise en valeur participera à refaire de ce lieu un repère, site du carbet, événementiel, fête des pêcheurs... - éternel site de production dans ses reconvertirons passées, sa réhabilitation permet de lui ré-insufler une vocation technique, productive, devenant ainsi amplificateur d’un savoir faire en crise; la pêche. - entre Grande Baie, trace sud et 72
21 temps 4 - stratégie et programmation
hameau de Grande Anse, la Pêcherie Fidelin est un lieu fédérateur, une interface entre les différents milieux, le monde marin à travers la baie et la pêche, la préservation de la foret de par la trace, et véritable lieu d’usage par son aspect événementiel et les visites historiques qu’il permet. Une offre d’écotourisme, qui serait un projecteur sur cette interface, par les activités et la situation exceptionnelle qu’elle propose, permet de proposer un tourisme d’immersion dans le paysage naturel et humain, les savoirs faire et la culture qui anime les Saintois. Ainsi, quatre grands usagers cohabitent sur le site de la Pêcherie Fidelin, dans des temporalités qui leurs sont propres, qui se croisent dans des temps et des lieux, qui partagent et s’approprient le site. Ces quatre grands usagers sont représentés par les programmes qui leurs sont dédiés tout au long du site: - La promenade muséographique, qui donne à voir les ruines de ce monument historique, rassemble les visiteurs d’un jour, piétons ou marins, et les saintois. Le carbet est support de la convivialité et de
cyclique
l’appropriation du site par ces usagers - l’atelier des pêcheurs, avec le ponton qui lui fait face et le marché aux isolé poissons, sont le domaine des pêcheurs. Entre poésie et technique, l’espace de travail de l’atelier garde son indépendance en s’abritant des regards entre les murs de la poterie. - les cabines (chambres d’hôtel),
sont le domaine de l’immersion des touristes en séjour sur le site site - le suvage bar et le restaurant, font le lien entre saintois, produits des pêcheurs, touristes revenant d’une plongée ou d’une randonnée, ou d’autres de passage finissant la visite guidée sur friche la promenade.
site suvage
vestige
monument
isolé
cyclique
ruine poterie fidelin
friche
monument
vestige
ruine poterie fidelin pêcherie fidelin
pêcherie fidelin
mémoire
monument
lieu de production
amplificateur repère saintois mémoire
immersion paysagère
73 monument
L
e référencement de stratégies architecturales nous permet d’analyser des postures tant pour les questions de détail, que pour celles de la relation de sens entre édifice et parti. Les références présentées à droite traitent de l’attitude architecturale qui est adoptée sur une ruine. Couvrir, couper, habiter, retracer la ruine sont autant de postures qui construisent la façon dont l’usager futur va regarder le site. La première référence concerne le parti territorial et stratégique.
Endémico Resguardo Silvestre
Jorge Garcia – Graciastudio Mexico - valle de Guadalupe, Ensenada Niché dans une des principales vallée viticole du Mexique, le projet travaille autour de la mise en valeur d’un savoir faire, potentiel existant du territoire. Par l’installation d’une offre de tourisme de luxe organisée autour du principe de l’écolodge, Endemico fait d’une force en présence, une étape d’excellence. La résolution 74
21 temps 4 - stratégie et programmation
architecturale s’impose comme un élément en fort discours avec le paysage, autant dans les cabines qu’au niveau du chai. Les espaces de l’hébergement sont en lien direct et constant avec ceux de la production vinicole et viticole: par la vue du paysage terrassé par les vignes, et jusque dans l’assiette, où la table s’accompagne des vins du terroir. Une mise en lumière par le tourime haut de gamme, d’un travail de production agricole.
RECONSTRUIRE LA RUINE
COUVRIR LA RUINE
Château en ruine, le site n’est plus occupé par les Hongrois. Le projet se propose de non pas refaire un pastiche du château, mais d’en retracer les murs, circulations, et autres, par un matériaux qui contraste avec la matérialité existante du site. Un belvédère permet de rendre lisibles ces tracés par le public.
L’objet ici n’est pas la ré-appropriation du site, mais sa préservation et sa mise en valeur. Couverture et passerelle contrastent par leurs matérialités, s’élèvent et offrent un toit au site. La couverture joue avec les vestiges, en proposant des appuis ponctuels sur les murs romains.
couper LA RUINE
habiter LA RUINE
Sur la waterline, chaine de défenses militaires néerlandaise, Atelier de Lyon dégrade la ruine. Ils la coupent, marquent sa traversée. Entre land art et architecture patrimoniale, le projet détourne les codes pour une reconversion totale du site.
Dans une ruine de ferme, le projet de maison individuelle se contient dans les vestiges. Parfois, elle les touche, d’autre fois, elle s’en écarte acceptant qu’ils puissent disparaitre. L’édifice devient une étape dans le cycle de vie des ses murs.
Szathmáry Palace MARP Hongrie
BUNKER 599 Atelier de Lyon Pays Bas
deck over a roman site Amann-Canovas-Mauri Cartagena - Espagne
E/C House SAMI - ARQUITECTOS Portugal
diagramme programmatique de la relation des éléments entre eux et avec le site
laverie
10 cabines 2 bâteaux
trace sud
20+ amarres
2 ammarres
mise à l’eau
réception intendance
maison des pêcheurs
local de plongée cuisine 20 couverts
atelier
bar évènement 20 couverts parcours muséo
marché aux poissons frigos
belvédère
trace du carbet
stockages
carbets
accueil
site Fidelin 76
traces et foret < 500m
21 temps 4 - stratégie et programmation
hameau et foret > 500m
Programme
L
e programme de la Pêcherie Fidelin se décline donc en trois grandes parties: la promenade muséograhique, l’atelier des pêcheurs, et la Pension de la Pêcherie. Ils s’organisent et se croisent à la manière de l’organigramme présenté à gauche. L’ensemble des éléments de programme, bâti ou non, occupe quasiment la totalité de la surface de la Poterie Fidelin. Organisant le site, ils sont spatialisés comme suit. L’analyse nous a permis de comprendre à quel point, dans l’espace tropical, la place, le minéral, ne font pas espace. C’est l’ombre, qu’elle soit bâtie ou végétale, qui fait espace. La large couverture du projet tient donc à plusieurs faits, énoncés du plus rare au plus essentiel: la prise en charge
surface perçue du site 31 900 m2
des rares pluies qui tombent sur les Saintes, l’amplification des courants d’air constants du site, la gestion des problèmes d’arrachement lors des cyclones, et surtout, la création de l’espace par l’ombre. Cette dernière est génératrice de spatialités et d’ambiances qui varient en fonction de l’assemblage des matériaux; textile, vannerie, tressage,... Un touriste du monde entier qui vient pour l’offre de lodge immersif, se confronte d’abord au paysage et à la mémoire saintoise. Le paysage sousmarin pratiqué, il peut comprendre les pêcheurs et leurs savoirs faire par le partage d’espaces, de connaissances, ou simplement par la présence sur un le même site des différents usagers et programmes. Cette conscience du territoire, des circuits et des savoirs faire, se poursuit jusque dans l’assiette d’une cuisine locale en cohérence avec l’offre éco-touristique.
parcours muséographique 2210 m2 pêcherie 1380 m2 pension immersive 1010 m2
poterie Fidelin 6000 m2
total 4624 m2
77
L’avant voyage
L
e processus du projet peut nettement être divisé en deux parties distinctes; l’avant et après voyage. Après l’analyse générale effectuée depuis Grenoble sur base d’ouvrages, articles, analyses par le dessin et recherches en tout genre, le voyage nous a permis de confronter des informations, à des sensations. Expérimenter le site par la chaleur, l’air, la matérialité, c’est offrir au projet et à la réflexion qui le tend le palpable du réel. De janvier à avril (avant le voyage), les intentions sont nées, ont grandies, mais ont aussi rencontrées leurs limites. L’évidence dans le
tests volumétriques en maquette masse
78
21 temps 4 - stratégie et programmation
projet qu’apporte l’imprégnation des lieux par le voyage, le croquis, les rencontres, nous faisaient défaut. Les intentions programmatiques étaient sensiblement les mêmes puisque basées sur l’analyse des potentiels du territoire saintois, et les retours des acteurs locaux nous ont invités à radicaliser ces intentions. Les intentions d’implantations quant à elles se sont révélées incomplètes ou incohérentes. Mais, c’est grâce à ces dernières que les regards du voyage ont pu être éclairés par des essais sur site des volumétries. Les intentions premières nous ont permis de regarder le site avec des yeux avertis et attentifs.
perspectives d’intentions d’ambiances et de spatialités avant le voyage, le projet prévoyait de stabiliser les ruines et de ne pas les donner à voir
organiser le site par une succession de murs 79
L’après voyage
L
es rencontres et interviews sur site, l’échantillonnage des sensations et des épaisseurs, de la lumière, fait projet. Voici mêlés quelques dessins d’ambiances, de sentiments, et d’intentions architecturales produits sur site.
les couleurs du site à gauche, côté terre, à droite mer
l’ombre du salako
chaque arbre a son ombre, et impacte le site. Il semble évident que dans les conditions de chaleur du site, malgré la bise constante, l’ombre est d’importance. Le salako par sa structure joue au biomimétisme, et semble être une référence idoine dans l’artificialistion des ambiances du site par l’ombre.
80
21 temps 4 - stratégie et programmation
porosités de l’atelier
côté mer - vers Grand îlet
81
côté terre, paysage du morne Paquette
côté terre, détail de l’hétérogénéité du mur de l’atelier
82
21 temps 4 - stratégie et programmation
Ali Tur - quand le claustra est ornement
maison de Terre de Bas quand le claustra est limite
projet - quand le claustra est façade. bâtons de meurisiers pour les casiers détournables en éléments de vannerie
de l’exemple au projet la case créole, gérer la condition tropicale: air et ombre
interprétation du projet: l’aile inversée qui allie principes de la case créole et gestion de la contrainte cyclonique
83
rou te d u
sud
hameau de Grande Anse
0
100 m
22 la pĂŞcherie fidelin 85
Génèse
01 retracer l’axe naturel
02 révéler les ruines
03 prolonger le volume de l’atelier
04 découper les programmes
86
22 temps 4 - La pêcherie Fidelin
05 espaces d’appropriation et cadrages
06 créer l’ombre du front de baie
07 adapter aux programmes
87
Rencontre entre terre et mer
À
la jonction entre la mer des Caraïbes et les mornes Terre-de-Bas, le projet de la Pêcherie Fidelin joue l’entremetteur entre la terre et la mer. Pour faire rencontrer ces deux éléments, le projet s’inscrit dans le site grâce à différentes postures s’appuyant sur les potentiels, les forces paysagères, les vestiges. Connecter les traces : Chemins de traverse ancestraux, les traces aujourd’hui morcelées sont des potentiels de connexions terrestres et d’immersion paysagère que le site remet en réseau. Effacer la limite entre terre et mer: le ponton, longeant la digue permet l’ancrage depuis la mer, l’échappée vers le large mais aussi de toucher terre et de parcourir Terre-de-Bas. Les connexions permettent la pratique de la pêche mais aussi la déambulation, la baignade, la contemplation d’un couché de soleil caribéen. Habiter la maison du contremaître: partiellement détruite, elle retrouve sa volumétrie par la reconstruction de ses murs pour être directement investie par le marché aux poissons. Elle trouve l’ombre sous le «Salako» qui organise des relations entre extérieur et intérieur. Couvrir l’atelier : les murs stabilisés soutiennent l’ombre de l’atelier des pêcheurs. Détachée des murs ,la plateforme décollée du sol est l’assiette des équipements qui organisent l’espace dans l’enceinte ainsi que la pratique de la pêche.
88
22 temps 4 - La pêcherie Fidelin
Reconstruire la trace: les vestiges stabilisés se découvrent par le parcours. Des installations ponctuelles permettent de les parcourir, de révéler des points de vue inédits, de rendre lisibles les traces de l’histoire de la poterie. Éphémères, les dispositifs laissent le site disponible pour une appropriation future. Bâtir une structure adaptable: le Grand Carbet au sud de l’atelier, comprenant l’offre touristique et les espaces de rencontre, est une plateforme enjambant les traces au sol, ombragée par la toiture textile. À l’instar de l’atelier, les équipements en vannerie, supports de programmes, organisent l’espace et les cadrages, les porosités vers la mer. Tenu par le front de mer et la forêt du morne Paquette, spécificité du rapport saintois à l’eau, l’axe naturel Nord Sud est l’interface entre terre et mer. Il permet de naviguer entre les différentes situations d’usages. Des programmes du projet, la rencontre entre terre et mer se met en scène par le ballet des multiples usagers. En effet, la Pêcherie FIdelin est le prétexte du croisement entre des usagers à priori peu enclins à la rencontre. Ce sont des trajectoires individuelles, des pratiques dans le site vers des programmes spécifiques qui enrichissent l’expérience immersive par le partage du lieu. Les différents usagers sont les fils qui permettent de tisser les liens entre terre et mer, entre mémoire et avenir, entre local et visiteur. Nous tisserons ainsi l’histoire du projet de la Poterie Fidelin: à partir des usagers, de la pratique personnelle du programme aux lieux de partage, le projet comme mise en scène de la rencontre.
la Trace sud chemine sous les arbres, entre les roches et surplombant la falaise.
l’Atelier des pêcheurs réinvestit les murs de cet ancien lieu de production. le Grand Carbet est le support du restaurant, du bar , du départ de plongée et surout des évenements de l’île. le Parcours muséographique met en scène la mémoire en rendant lisible les vestiges.
le Marché aux poissons habite la ruine et organise à partir de l’intérieur et de l’ombre la place du marché.
Le Ponton est l’interface entre la mer et la terre. De la pratique à la déambulation il révele le mouvement, les couleurs turquoises de la mer. 89
Horizontales repères
F
aisant signal depuis la Grande Baie, les toitures de la Pêcherie Fidelin révèlent les grandes lignes du paysage. En écho avec l’horizontalité de la mer et soulignant le relief du morne Paquette, les lignes accompagnent le rythme des porosités des masses au sol. Un repère paysager à l’arrivée par bateau, entre terre et mer.
90
22 temps 4 - La pêcherie Fidelin
la pêcherie depuis la baie arrivée en bateau des pêcheurs et touristes
0
20 m
91
la Pêcherie Fidelin entre «côté mer» et «côté terre», le front de baie
B’
B
AA’
92
22 temps 4 - La pêcherie Fidelin
A
A’
BB’
0
30 m
93
23 un saintois le dimanche, un touriste de passage
hameau de Grande Anse
rou te d u
sud
1
2
3
4
0
100 m
la mémoire au delà du site
A
u fil des temps, le site a toujours été en connexion avec le reste de Terre-de-Bas. Ainsi, la Pêcherie Fidelin s’étend au delà du site pour retranscrire les liens, les chemins, les réalités de la pratique du territoire. La mémoire et l’usage ne se limitent pas au découpage parcellaire. Ce sont alors l’accroche et la mise en lumière de lieux déjà existants comme la trace du carbet, les carbets eux-même et la séquence paysagère depuis Grande Anse. Prendre la trace du carbet c’est découvrir progressivement Grande Baie bordée par le site de la Pêcherie Fidelin. De la situation en surplomb à l’arrivée plongeante dans le site, du tableau paysager sur le plateau dégagé aux cadrages ponctuels entre les poiriers pays et les rochers
de la trace, l’arrivée sur le site est un «plan-séquence» de l’immersion mémorielle. Pour le touriste de passage, ce travelling permet de rentrer dans l’histoire du site par le monde de la mer et de la terre par la compréhension de la cyclicité du site jusqu’à vivre l’expérience de la matière du site. Pour le saintois, déjà usager des traces et des carbets, la séquence «hors-des-murs» révèle des potentiels, donne à voir de nouvelles perspectives, assoit des pratiques du lieu. Le projet est alors repère à Terrede-Bas offrant les qualités d’un espace de rassemblement, d’événements, de festivités. La Pêcherie Fidelin comme véritable espace public de Terre-deBas qui se découvrent au fil de la trace.
1
la trace du carbet lie le hameau de Grande Anse et la Pêcherie
2
déjà sur site, les carbets du plateau accompagnent la trace
3
à la croisée de la route et la trace, un pavillon permet d’accueillir le public
4
le parcours muséographique met en valeur l’histoire du site 97
des vestiges encore préservés moulin à bête et citerne
la mémoire dans la matière maison du contremaître
98
23 temps 4 - un saintois le dimanche, un touriste de passage
un site repère vue depuis le plateau de la trace du Carbet
entre terre et mer à l’ombre du mancenillier, le site surplombé
99
Qui?
L
a Pêcherie Fidelin, dans sa valeur événementielle et mémorielle, est parcouruE par deux usagers distincts. D’une part, le touriste de passage dans les Saintes qui désire visiter un lieu de mémoire antillaise et arpenter les paysages saintois. D’autre part, le saintois qui, à l’occasion du «piquenique du dimanche» ou d’une fête, retrouve ses amis et sa famille sur le site à l’ombre du Grand Carbet. Ces deux acteurs du site empruntent des trajectoires différentes sur le site. Néanmoins, leurs pratiques du site se rencontrent tant spatialement que sensiblement. En effet, les perspectives offertes par le parcours muséographique sur le site, la lisibilité du patrimoine ainsi que le partage
du Grand Carbet les rassemblent dans l’expérience de la Pêcherie Fidelin. Par ailleurs, les accroches aux traces existantes (trace sud et trace du carbet) mêlent les parcours d’arrivée mais aussi d’échappée dans le paysage. Aussi, ce sont le marché aux poissons, le bar et le restaurant, ou encore le bassin d’eau de mer qui créent des situations d’échange entre expériences, culture et personnalités.
0
6
24 h
18
6
0
24 h
18
usages et temporalités du site
12 acheter
12
nager
rencontrer
s’immerger
décembre 0
6
18
24 h1 an
décembre
6
12juin 100
23 temps 4 - un saintois le dimanche, un touriste de passage
décembre
se restaurer
1 an
juin
6
101
la promenade muséographique longer le mur, traverser le four, contourner le bassin de décantation, observer la citerne, s’élever, contempler les fondations
Parcourir les fondations restitution du plan des cases d’esclaves pour les rendre visibles et en prendre la mesure par le corps.
102
contempler depuis la citerne finir le parcours muséographique en s’élevant sur le site et lire les connexions entre mer et terre, entre projet et mémoire.
23 temps 4 - un saintois le dimanche, un touriste de passage
pénétrer l’ombre marches suspendues aux dessus des rochers qui invitent le visiteurs sous le couvert végétal et découvrir le site à travers le filtre de l’ombre.
revenir sur les pas le bassin de décantation est stabilisé. Une installation permet de retrouver le niveau d’origine et de faire l’expérience de son usage d’antan.
traverser les fours stabilisation des fours en ruine pour rentrer dans l’univers de la poterie, traverser les murs épais de briques réfractaires. 0
15 m
103
4.2 m
104
23 temps 4 - un saintois le dimanche, un touriste de passage
belvédère de la citerne La découverte de l’histoire du site se poursuit, guidée par un membre du site Fidelin. L’apogée de la promenade, la fin de la visite propose une élévation. Prendre du recul sur les informations données, le site, la matérialité des murs. S’élever pour se retourner, mais aussi pour pouvoir contempler les fondations de case créoles retracées. La construction légère, peu fondée, décollée des murs est une étape sur le site. Si la citerne vient a être réhabilitée lorsque le site s’intensifie, le belvédère peut être démonté, réutilisé.
0
2m
105
Révéler la trace Le plan des cases d’esclaves aujourd’hui difficile à lire car largement dégradé est retracé. Au delà d’un simple tracé au sol, la reconstitution de la mémoire propose des usages en lien avec les vestiges. Assises, prises de hauteurs, lieu d’arrêt et de rencontre, la trace reconstituée rend visible et donne la mesure spatiale de cet ancien lieu de vie.
106
23 temps 4 - un saintois le dimanche, un touriste de passage
0
1m
Reconstruire la trace
portique acier 80x80mm
lice acier traverse 80x80mm acier 80x80mm
planche bois 27x150mm
À l’image de la case créole, éphémère et ponctuellement ancrée, le système constructif du parcours muséographique est une structure en portique d’acier qui soutient un platelage bois, support d’usage, par des traverses. Les sections d’acier sont identiques, manuportables et facilement démontables. Ainsi, le parcours laisse le site disponible et préservé. Aussi, la structure est modulable en fonction de l’usage proposé et du site. Le belvédère est une mise à l’échelle des portiques pour prendre la hauteur.
107
en haut du belvÊdère
24 un pĂŞcheur Saintois
hameau de Grande Anse
rou te d u
sud
1
2 3 4
0
100 m
L
e port de pêche de Terre-de-Bas tisse des liens entre la terre et la mer. Face à la pointe-à-nègre, le port s’élance dans la baie protégée de la houle par les îlets voisins comme une interface active où les produits de la mer y rencontrent les saintois et les visiteurs d’un jour ou de séjour. La pêcherie étant le nouveau repère pour l’activité de la pêche, la plage retrouve son usage de loisir pour profiter des
paysages verdoyants du morne à coq et des eaux turquoises de la Grande Baie. Il n’est pas impossible d’y croiser un pélican ou deux se nicher dans les falaises. Déjà reconnue comme une baie de mouillage par les plaisanciers, les infrastructures de la pêcherie Fidelin reconnectent les deux univers de la mer et de la terre pour offrir une rencontre avec Terre-de-Bas.
Grande Baie une baie protégée de la houle venant principalement de l’est Grande Baie une baie de mouillage
1
route carrossable : maintenance des bateaux et accès des pêcheurs
2
marché aux poissons de Terre de Bas: étendard de la vocation du site
3
ponton, lien entre l’atelier et la mer pour les pêcheurs
4
atelier des pêcheurs: lieu de réparation et de stockage des pêcheurs 113
Qui ? Le port de la pêcherie Fidelin accueille chaque jour 20 pêcheurs saintois enrôlés. Le site matérialise les besoins primaires du bon fonctionnement de l’activité de la pêche à l’échelle de l’archipel des Saintes, de la mise à l’eau jusqu’à l’atelier de charpente marine. Le marché aux poissons devient la dernière place du hameau de Grande Anse. Il cristallise les liens entre terre et mer, entre le pêcheur et les saintois dans leur quotidien. Les restaurateurs du hameau, Chez Eugenette ou La belle étoile, trouvent ici la matière première pour leur carte du jour. Le marché habite la ruine par une nouvelle strate d’histoire mettant en lumière la mémoire du site avec l’intégration des tessons de poterie. L’ombre du salako couvre l’atelier de charpente marine et la maison des pêcheurs. Un espace entièrement
dédié aux outils du pêcheur, il y répare ses filets, stocke ses caisses à poissons ou répare sa saintoise. La porosité transversale de l’atelier, de la terre à la mer, rend lisible le travail des pêcheurs et laisse entrer les vents pour rafraîchir le volume de la halle. Une ambiance semi-industrielle qui abrite un lieu fédérateur de la pêche. Au pied de la digue, une ligne souligne la pêcherie Fidelin qui fait face à la mer. Jusqu’à 20 saintoises peuvent s’amarrer au site avec un accès direct aux activités de la pêcherie. La journée le ponton foisonne de pêcheurs, d’odeurs de poissons frais, de filets, de nasses, quand le soir arrivant, il devient une balade pour digérer les dîner du restaurant0 du grand carbet à base de poisson coffre, de dorade, de balaou ou de langouste, toujours accompagnés de gratins de fruits et légumes locaux.
18
0
6
24 h
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24 h
usages et temporalités du site
12 pêcher
réparer
vendre
24 h
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se restaurer
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241han
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24 temps 4 - un pêcheur saintois
décembre
décembre
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115
116
24 temps 4 - un pĂŞcheur saintois
0
15 m
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poteaux bois bois massif section carrée 20mm mise en lumière indirecte de l’atelier
chaînage horizontal en béton de poterie ligne de démarcation, support de la couverture
plancher décollé plancher sur plots solivage 70x150mm plancher massif 27x150mm
l’aile inversée
la prise au vent d’une aile lui permet de s’envoler l’inverser permet de s’appuyer
118
24 temps 4 - un pêcheur saintois
vannerie de l’aile lame bois massif 27x150mm support du fuselage, transfert des charges de vent dans la totalité de l’aile
fuselage de l’aile textile imperméable et imputrescible qui abrite, assure la continuité du fuselage pour faire face aux pressions de vent
ombre du salako l’ombre sous l’aile varie en fonction de l’heure avec la lumière et l’ambiance de l’atelier, elle diffuse aussi la lumière artificielle la nuit, devenant un repère dans la baie
atelier des pêcheurs coupe perspective 0
2m
119
fuselage textile résistant aux intempéries et aux UV mais translucide vannerie tressage de lame bois projetant son ombre sur l’intrados et l’espace couvert nervure poutre reconstituée de section I âme en OSB et aile en bois massif hauteur variable, max. : 60cm contreventement câble acier entre-axes dans la hauteur de l’aile lisse en bois massif 45x120mm rail du fuselage support du fuselage et mise en tension du textile
Provenance des matériaux Il est considéré en Guadeloupe et plus largement dans les Antilles que le circuit court se joue à l’échelle de la Caraïbe. N’ayant de filière bois stable et développé, le bois utilisé aux Saintes vient principalement des forêts de Guyane Française, gérées durablement et accessibles
mur en moellons de pierre volcanique
120
par voie maritime. Le circuit court n’est plus une question de distance mais d’accessibilité. Compte tenu de la triple insularité, l’utilisation de matière est mesurée. D’autre part, cette situation implique une mise en œuvre ne nécessitant pas de matériel spécifique encombrant, la préfabrication est aussi un recours nécessaire pour certains éléments.
mise en scène de la mémoire par un béton de tessons de poterie
24 temps 4 - un pêcheur saintois
stabilisation du mur par chargement
Tessons de poterie le sol en est recouvert sur une grande partie du site
Mur de la poterie un appareillage de pierres érodées de toute dimension
Détournement de la ruine usage des éléments du site détruit par les forces de la nature, tradition du Wa Pan
musée d’histoire de ningbo, Wang Shu source : archdaily.com (Mai 2016) 121
la place du marchĂŠ le matin
25 un touriste en immersion
une cabine sâ&#x20AC;&#x2122;immerger le long de la trace sud pour dĂŠcouvrir la vue depuis les chambres
rou te d u
sud
hameau de Grande Anse
1 2 3 0
100 m
qui?
L
es 20 touristes en immersion ne sont à priori pas familiers de l’île. Ils peuvent être attirés par la qualité de l’offre de logement qui les mènera finalement à repartir en ayant vécu plus qu’un simple séjour à la plage. Parcours de l’histoire et du paysage saintois, excursion sur Terre-de-Haut, plongée, partage avec les pêcheurs et les locaux, sont autant d’usages qui vont se développer avec et en marge de l’activité écotouristique.
0
18
24 h
6
Plus que des «consommateurs de site», qui viendraient pour un usage spectateur en échange d’argent, la Pension de la Pêcherie propose au touriste d’être acteur de son séjour dans un site porteur de valeurs. Les espaces de la Pension s’organisent dans le sud du site Fidelin, jusqu’à la trace Sud, au long de laquelle s’organisent les 10 cabines, chambres de la pension plongées dans le paysage.
0
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24 h
usages et temporalités du site
12 pêcher
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embre
an
s’immerger
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rencontrer
se restaurer
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241 an h
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12 juin
1
baignade pour les visiteurs, amarre pour les annexes, extension du site
2
Le Grand Carbet, restaurant, bar, carbet, accueil des clients de l’immersion
3
cabines perdues en foret le long de la trace sud
décembre
1 an
décembre
1 an
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6
18
déambulation sur la trace Sud
N
ous voyons sur l’axonométrie à droite la succession des espaces dédiés à cet usager. Les autres espaces et le restaurant sont les lieux de frottement entre le touriste en immersion et les autres usagers du site. Le local de plongée est en lien avec la partie production du ponton pour pouvoir profiter des amarres pour ses bateaux. Aussi abrités par le Grand Carbet, la place, le bar, le restaurant se succèdent et communiquent, s’ouvrent et se referment pour se diviser ou ne faire qu’un. Le ponton se rapproche et s’écarte du plancher surélevé du Grand Carbet permettant des descentes à l’eau, une piscine de mer pour les locaux ou les touristes, des amarres pour les annexes des bateaux mouillés dans la baie qui viennent coupe schématique d’une cabine sur la trace amplification de la bise et protection au soleil
128
25 temps 4 - un touriste en immersion
passer une soirée au restaurant ou visiter le site historique de la Poterie Fidelin. Les panneaux de vannerie jouent avec la lumière et les limites des équipements. La réception, local du Gardien de Rêve se situe de l’autre côté de l’axe qui organise le site par rapport au restaurant, organisant avec ce dernier une porte qui ouvre sur le paysage de la forêt de la trace Sud. Le pensionnaire du site après avoir traversé la Pêcherie Fidelin, rencontré les pêcheurs, mangé un bout, se retrouve plongé en foret pour rejoindre sa cabine, monolithe de vannerie parmis les roches, puis y penetrera, s’avancera dans le courant d’air, vers la vue que l’architecture révèle.
129
plafond OSB 1250 x 3000 x 30 mm affirmer le cadrage sur le grand paysage
wc
dressing SDB
aligner les baies à l’instar de la case créole, les baies occultées par la vannerie, alignées permettent le courant d’air 130
25 temps 4 - un touriste en immersion
semelle béton armé ancrage au site
une cabine
vue sur le grand paysage
coupe perspective complexe vannerie étanchéité faire monolithe par la coque étanchéité mono-couche synthétique
toutes les cabines sont orientées vers la mer, surplombant les arbres, offrant un cadrage qui n’existe pas encore
charpente acier galvanisé section carrée 200 mm
plancher massif lames 22 x 88 mm
poutrelles galvanisées 80 x 40 mm
0
2m
131
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25 temps 4 - un touriste en immersion
0
15 m
133
le site Fidelin depuis la trace Sud
L
e Grand Carbet et sa place est le théâtre de l’événementiel sur le site de la Pêcherie. Le restaurant est isolé au sud du bâtiment, c’est un lieu privilégié tourné vers la mer, où les visiteurs, saintois ou pêcheurs peuvent partager un repas. Le bar est l’espace de transition entre l’intimité du restaurant et la place publique du Grand Carbet. Il s’ouvre d’ailleurs sur elle. Le local de plongée est un mur sur lequel vient s’adosser l’espace de la place, potentiellement carbet, scène de théâtre, de concert, de la fête des pêcheurs. Le ponton vient lier le Grand Carbet à la mer, en s’ouvrant, s’écartant. Il repousse la terre, avance la mer, permettant au usagers de profiter d’une véritable piscine de mer, départ de randonnée aquatique ou de simple baignade. 134
25 temps 4 - un touriste en immersion
«
interview d’un saintois dans le grand carbet
Ici, sur le mur de la plongée, on va accrocher une toile pour projeter le match. On fait ça à tous les grands match, c’est vraiment sympa parce que tout le monde apporte son coussin pour s’assoir sous l’aile, on prend un verre au bar. Parfois ça se prolonge même la nuit, on danse!
»
charpente structurelle des équipements cadres démontables de vannerie profilés U 50 x 50 mm dans lesquels sont glissées les bois bois de merisiers comme ceux des casiers glissés dans les U, leurs imperfections font leur écartement, et sont remplacés aisément ils sont ramassés sur l’île
les équipements
Les équipements sur le plancher du Grand Carbet et de l’Atelier des Pêcheurs sont conçus pour être légers et démontables. Leur charpente en acier galvanisé soutient les cadres de vannerie qui se boulonnent en façade. Un cadre est constitué d’un rythme de 3 sections U écartées d’un mètre, dans lesquels viennent se glisser les bâtons de merisier. En cas de cyclone, ou d’une casse de l’un d’eux, il suffit de déboulonner le L qui ferme les U en haut de l’équipement, et d’en glisser d’autres.
poteau massif soutient de l’aile et du plancher cadres de plancher pannes et voliges sont sur le même plan et constituent un cadre. Leur largeur égale à 4 m correspond à l’entraxe de deux poteaux, et sont moisés sur ces derniers platelage porté entre solives écartés de 60 cm dimensions 27 x 160 x 27 mm
les planchers
Le sens du plancher est d’une importance primordiale dans le projet. Il propose un nouveau rapport au sol sur le site plus proche des origines de la case créole. Survolant le sol à 45cm, il peut être une assise côté promenade, ou simplement laisser passer l’air et l’eau qui dévalent le bassin versant du Morne Paquette. Il constitue avec l’aile une plateforme habitable, modulable à volonté grâce aux équipements, aux réseaux qui peuvent être tirés dessous, etc... 135
équipements équipements en vannerie et OSB
plancher surélevé h = 0.45 m cadres de solives moisés sur les poteaux bois
le restaurant coupe perspective 136
25 temps 4 - un touriste en immersion
poutre poutre I reconstituée en panneaux âme 0SB et ailes bois massif
transparence sur la mer le restaurant, bar, carbet, le front de baie est le lien entre Terre et Mer, l’interface par laquelle on change de monde
panneaux de vannerie panneaux amovibles qui peuvent offrir plusieurs espaces radicalementdifférents suivant leur degré d’ouverture
0
2m
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bal sur la place du Grand Carbet 138
25 temps 4 - un touriste en immersion
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30
l’impulsion de la pêcherie: les Saintes en projet Temps 4: la pêcherie fidelin, catalyseur de connexions saintoises
L
FF
a Pêcherie Fidelin amorçant un nouveau temps pour le site, elle s’inscrit dans son territoire pour lui insufler de nouvelles dynamiques. Elle questionne alors les autres savoirs-faire des Saintes et permet une impulsion économique pour Terre-de-Bas. D’une part, le fonctionnement des différents programmes génère non seulement de l’emploi sur un territoire en crise, mais elle développe les activités et
les initiatives par la demande. Par exemple, les services, sortis du site Fidelin, viennent tisser des liens entre le «Gardien de Rêve» des cabines ou encore entre une nouvelle laverie à Grande Anse et l’intendance de l’offre touristique (cabines, restaurant, bar). Aussi, l’exploitation de bois d’inde de G.Beaujour permet de fournir les touristes et de donner la visibilité aux huiles essentielles. D’autre part, la mise en lumière de la richesse paysagère, entre terre, mer et ciel, par la diffusion touristique permet un nouveau regard sur elle : ouvrir au public pour préserver. Soit, une préservation contemplative ou active par une ouverture scientifique. Finalement, à partir du site, le projet questionne l’avenir dynamique de l’île.
140
30 l’impulsion de la pêcherie
l’ombre partagée La Pêcherie Fidelin est le support du frottement entre des usagers qui, de prime abord , ne se rencontrent pas ou peu. En finesse et par l’organisation spatiale des programmes, les trajectoires du pécheur, du saintois, du promeneur, du touriste se croisent en des lieux de rassemblement, à l’ombre du «Salako». Renforçant
l’expérience du site Fidelin, le frottement est vecteur de mise en valeur des savoirs-faire mais aussi des parcours personnels entre un Ti’ punch ou autour d’un poissoncoffre fraîchement pêché. Au delà de l’anecdote, la rencontre des mondes rend exceptionnels les potentiels du territoire des Saintes par sa visibilité et sa lecture active.
141
Visibilité des vestiges de l’époque esclavagiste par la réhabilitation architecturale et paysagère de l’Habitation L’Étang le long des traces. Mise en valeur des essences locales (bois d’inde, aloès...)
sur les Traces de la mémoire
centre océanographique caribéen
Ré-investissement par un pôle scientifique du collège de Petite Anse aujourd’hui delaissé. Valorisation par la connaissance des fonds marins (cétacés, tortues).
L’interface des muriers
F
Intensification du port comme lien entre Terre-de-Bas et les îles. La Anse des Muriers devient la porte de l’île.
Observatoire des Pélicans
Valorisation du patrimoine faunistique de Terre-de-Bas au Morne à Coq près du site de nidification des pélicans bruns.
Temps 5: de la pêche au pescatourisme, dynamique d’un savoir-faire local
A
vec la mise en valeur de la pêche saintoise par la Pêcherie Fidelin, lieu véritablement dédié à ce savoir-faire spécifique, Terre-deBas offre la possibilité aux nombreux pêcheurs «non-enrôlés» (c’est-àdire amateurs ou non régularisés.) de s’investir pleinement dans l’activité halieutique. Ainsi, du constat actuel de perte de vocation, le projet porte un nouveau regard sur la mer: au delà de la production, un milieu de contemplation et de loisirs. Néanmoins, la préservation des richesses marines amorcée par l’offre de plongée, induit des pratiques encadrées par des guides expérimentés. Quoi de mieux que l’expérience des pêcheurs saintois qui, contre vents et marées, ont pratiqué en tant que professionnels et en tant que saintois ce monde maritime ? Le pescatourisme se positionne alors comme une évolution de la pêche. Une transformation certes, mais mettant en dynamique l’expérience de la pêche par la connaissance ancestrale et continuelle de la mer à la transmission et au récit de la poésie des fonds. Nous avons nous-mêmes pu faire l’expérience de cette activité porteuse grâce à Dani Beaujour, capitaine du bateau de passagers de la Poterie Fidelin. Nous avons, à travers son récit d’enfance, ses escalades de falaises pour plonger dans les anses de l’île, ses chasses sous-marines sublimées par les pique-niques en famille, reçu plus qu’une leçon sur la biodiversité et la chasse au harpon, mais sentis l’émotion et la culture
144
30 l’impulsion de la pêcherie
saintoise. Une expérience immersive tant physique que sensible. En définitive, le projet porte le spotentiels pour suciter les vocations des jeunes pêcheurs, la reconversion des anciens, et surtout les liens dynamiques entre eux, avec pour catalyseur le touriste. Cependant, nous admettons une possible dérive de la translation des savoirs-faire. Développer le pescatourisme pourrait mobiliser toutes les ressources humaines et les forces des pêcheurs au dépend de l’activité première. D’une part, le guide de pêche pourrait remplacer, hélas, le véritable pêcheur, témoin du savoir-faire saintois. D’autre part, malgré la vonlonté de préservation et d’authenticité de l’expérience immersive, demeure le risque de prolifération d’offre plus opportunistes sur Terre-deBas, menant à un «Marineland», une folklorisation des savoirs-faire, évidemment regrettable.
Fédérer
Réhabiter amplifier démonter
Flexible
éphémère Le système constructif des équipements étant léger, démontable et manuportable, la platerforme est réappropriable en fonction du nouvel usage, à l’ombre de la toiture.
Ancrage la citerne devient support de nouveaux programmes. Le belvédère démonté et laissant un site préservé, il laisse place à un espace muséographique retraçant l’histoire du site.
L’atelier des pêcheurs accueille désormais des expositions sur le thème des éléments caribéens, entre feu et eau, entre poterie et pêche. La platerforme reste facilement modulable au fil des scénographies sans dégrader le site. Le marché aux poissons, rentré dans la vie des saintois, est devenu un lieu de rassemblement dominical pour pique-niquer, regarder un match de foot...
Repère
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30 l’impulsion de la pêcherie
ec la Dominique connexion directe av
F
directe connexion
Finalement, l’eau, élément fondamental des Antilles, est le liant de la relation archipelique des Saintes. Outre la condition insulaire, c’est à partir des richesses de la mer des Caraïbes et de son duo amoureux avec les saintois que l’eau ne divise plus mais génère des usages qui rapprochent les îles et les hommes. Ainsi, par le pescatourisme, les Saintes forment un terroir marin à découvrir, à nager, à naviguer. Aussi, la mer invite à la complémentarité entre les îles. Le projet de la Pêcherie Fidelin interroge à partir du site, l’île de Terre-de-Bas, et par la démarche prospective, la place d’un nouveau tourisme dans les Saintes en écho (et non en contradiction) avec le développement et le patrimoine présent. En considération des différences et des potentiels, Terre-de-Bas non plus dépendante de sa soeur Terre-de-Haut, mais complémentaire.
ontinentale c e p u lo e d a avec la Gu
Temps 6: la mer trait d’union des saintes
sites de plongée liens existant liens générés
147
40 retours personnels
«
«
Steven Dire : ce projet de fin d’études sur la poterie Fidelin est enrichissant, ne serait pas à la mesure de ce que nous avons vécu tous les trois. L’expérience se caractérise principalement par le fait qu’il a fallu revoir tous mes paradigmes dans lesquels, j’apprends à être architecte. J’avais des outils, un référentiel, des références! Il a fallu tous les redéfinir pour appréhender le territoire insulaire, la condition tropicale et la culture caribéenne, etc. Par ce fait, le travail, même en métropole, ne sera pas le même. Ce projet m’a formé non pas pour le territoire Guadeloupéen spécifiquement, mais à la conscience du lieu, à l’adaptation. Après le voyage d’étude en Guadeloupe et aux Saintes, je découvre un univers sensible que je n’avais auparavant jamais vécu. Ce voyage outre-atlantique était une première. Quand vous voyez ces paysages, ces couleurs, ces fleurs, c’était hors de mon commun, j’y serais bien resté. J’ai appris à aimer ce lieu et cette passion a nourri le projet de la pêcherie Fidelin accompagné de mes deux compères, j’en suis persuadé. J’y ai pris la mesure de l’archipel guadeloupéen, de l’archipel des Saintes, de Terre-de-Bas, du site Fidelin, sur terre comme en mer.
»
Gauthier Le sujet de diplôme est un mythe de l’étudiant architecte. On le construit, on l’aime, on s’en rappelle, on en parle. Quelle plus belle opportunité que de pouvoir le faire sur un sujet qui nous a permis de découvrir la Guadeloupe, les Caraïbes, et leur histoire. Parce que cette histoire, c’est aussi la nôtre. Mais c’est aussi un terreau fabuleux pour faire du projet. Les Saintes, paradis sur terre, est un territoire de contraintes, multiples, qui se contredisent, s’additionnent, s’amplifient les unes aux autres. Entre condition tropicale, poids fondateur de l’histoire, insularité et ressources, culture d’un habité qui s’est bâti autour du territoire, les Saintes font projet. Construire l’architecture dans ce cadre c’est apréhender la contrainte comme le moteur de la réflexion, autant à l’échelle du territoire qu’à celle de l’édifice. La prise en compte de cette complexité m’a certainement appris... qu’elles ne peuvent pas l’être toutes. Et que les choix du degré de prise en compte de chacune d’entre elle sont motivés par l’éthique qui fait l’architecte que nous sommes. En tout cas, c’est une belle aventure, un fabuleux voyage, qui nous porte, et qui donne envie de continuer de placer la raison dêtre de l’architecture dans l’essentialité d’habiter un lieu, avec son génie, ses contraintes, ses usagers et ses ressources.
148
40 retours et remerciements
»
«
AlexandrE Un diplôme sous les tropiques? Une chance pour faire le bilan le parcours personnel et scolaire qui m’ont mené à la porte de la pratique de l’architecture. La contrainte tropicale m’a permis de déconstruire les acquis théoriques, les processus de conception entre espace et territoire enseignés durant ces 5 dernières années. Ce sont les outils de projet et de représentation qui ont permis de composer un nouveau champ de pensée et de conception. Remettre à plat ses certitudes pour les bousculer. Un diplôme dans les Antilles? Changer de référentiel sensible pour se confronter à l’inconnu. La puissance des éléments, la notion de confort, l’intensité des couleurs, le rythme antillais, sont autant de matières impalpables qui font projet. Leur retranscription sous-entend un affinement du regard et des sens qui guident la main sur le carnet. Un diplôme sur le site Fidelin? Pouvoir se frotter à la question patrimoniale -et surtout à une telle mémoire- pour le diplôme, c’est la possibilité de prendre position sur cette question d’actualité. Concevoir dans le site pour un patrimoine en mouvement, imaginer sa valeur ajoutée territoriale. Un voyage pour un diplôme? Mesurer l’espace, arpenter le territoire, éveiller ses sens, apprendre des locaux, s’émerveiller tout en gardant l’œil averti et critique, ce n’est que par le voyage j’ai pu m’ouvrir à une architecture et à des ambiances encore inconnues et surtout à ré-investir. Une invitation à une pratique sensible à l’écoute du terrain.
remerciements pour votre lecture! Et, à Patrick Thépot, directeur d’étude, pour son suivi à Sophie Paviol, pour sa confiance en nous proposant ce diplôme à Marie Wozniac, directrice de l’ENSAG, sans qui ce voyage n’aurait pu être à Pierre et Corinne Sainte Luce qui nous ont chaleureusement accueillis à Hélène De Kergariou, Architecte des Bâtiments de France, pour son suivi à Halimatou Mama Awal et Luna D’Emilio pour leur accompagnement à J. Martin, A. Karolak, et JC.Grosso, pour leurs expertises à Michael Marton qui a su nous transmettre sa passion des lieux à l’équipe de la Poterie Fidelin pour leur participation à l’agence icmArchitectures pour son soutien logistique à la rhumerie Bologne pour son sa transmission sensible Nous souhaitons aussi remercier nos parents et nos amis, qui ont su nous accompagner, soutenir, conseiller, supporter! 149
»
50 bibliographie Ouvrages et articles scientifiques ARGAILLOT Janice, « Nouveaux tourismes caribéens : expériences et conséquences », Études caribéennes, p. 31-32 | Août-Décembre 2015, consulté le 23 mai 2016 : http://etudescaribeennes.revues.org/7599 ASHBY Soyini, « La Caraïbe est une histoire, quelle que soit la langue », Caribbean Atlas, consulté le 23 mai 2016 : http://www.caribbean-atlas.com/fr/thematiques/ qu-est-ce-que-la-caraibe/la-caraibe-est-une-histoire-quelle-que-soit-la-langue. html AUDEBERT Cedric, « Régionalisme et migrations dans la Caraïbe », La Caraïbe dans la mondialisation : Quelles dynamiques régionalistes ?, Paris : L'Harmattan, 2011, p.23-37 BERTHELOT Jack, GAUMÉ Martine, L’Habitat populaire aux Antilles, Pointe-à-Pitre, Perspectives créoles, 1982 CRUSE R., « La géologie des îles de la Caraïbe et son influence sur les sociétés humaines », Caribbean Atlas, 2014, consulté le 23 mai 2016 : http://www. caribbean-atlas.com/fr/thematiques/geographie-physique-et-ressourcesnaturelles/la-geologie-des-iles-de-la-caraibe-et-son-influence-sur-les-societeshumaines.html GANDILHON Nadège, LOUIS M. & ADAM O. (sous la direction de), « Contribution au recensement des cétacés dans l’archipel de Guadeloupe », Thèse de doctorat en océanographie, Université des Antilles et de la Guyane, 2012 HALLÉ Francis, La condition tropicale, Arles, Actes Sud, 2014 PARISIS Denise & Henri, « La Guadeloupe industrielle », Généalogie et histroire de le Caraïbe, n°spécial septembre 2010 JACQUES D., MAURY RC, « L'archipel des Saintes (Guadeloupe, Petites Antilles) géologie et pétrologie », Géologie de la France, n°2-3, 1988 JALLET Marc, L’urgence, l’échéance, la durée, Paris, Archibook, 2009 Maison de l’architecture de Guadeloupe, « art, architecture et citoyenneté dans la Caraïbe », Regard sur la ville, Baie-Mahault, PLB Editions , 2013 PAVIOL Sophie, Ali Tur, un architecte moderne en Guadeloupe, Gollion, Infolio, 2014 PNUE, « Les principes généraux et les lignes directrices pour la protection des mammifères marins lors de leur observation dans la grande région caraïbe », Atelier Régional sur l'Observation des Mammifères Marins dans la Grande Région Caraïbe, Panama, Programme des Nations Unies pour l'Environnement, 19-22 octobre 2011 TERRIER M., Réalisation d’un zonage sismique de la plaque caraïbe préalable aux choix de scénarios de tsunamis aux Antilles françaises, Rapport intermédiaire, BRGM, 2007 VASLET Amandine (UAG, DYNECAR), CHEVRY Laury (PNG), ALLONCLE N., BRUGNEAUX S. (AAMP), Analyse régionale Guadeloupe : Synthèse des connaissances, UAG, Laboratoire DYNECAR, 2013
150
40 bibliographie et iconographie
Articles de journaux PONET Maéva Myriam, GUIOLET-OULAC Ludivine, « La pêche tente de se structurer dans les îles du sud », Guadeloupe 1ère (Pointe à Pitre), 22 février 2016 ROLLÉ Daniel, « Terre-de-Bas : la résistance économique au quotidien », îles du sud de Guadeloupe, n°291, 22 Janvier 2016, consulté le 23 mai 2016 : www. ilesdusudguadeloupe.com « Trois étudiants en architecture en immersion », France Antilles (Baie-Mahault), 20 avril 2016 « Il y a 25 ans le cyclone Hugo dévaste la Guadeloupe », Milady Production, Guyancourt, 2014, consulté le 23 mai 2016 : https://www.youtube.com/watch?v=W8QpXP3cAtU (mai 2016) « Terre de Bas préserve son patrimoine », Coconews Guadeloupe, 11 octobre 2015, consulté le 23 mai 2016 : http://guadeloupe.coconews.com/actualite-guadeloupe/ terre-de-bas-preserve-son-patrimoine.html Site internet (consulté le 23 mai 2016) etudescaribeennes.revues.org/ www.caribbean-atlas.com/fr/ www.guadeloupe-tourisme.com www.lesilesdeguadeloupe.com/ www.paysagesdeguadeloupe.com/ www.sanctuaire-agoa.fr www.seisme.prd.fr www.shom.fr/
iconographie tous les documents graphiques sont des auteurs sauf mentionné en légende
151
en quoi la réhabilitation de la Poterie Fidelin permet-elle de participer à redonner à Terre-de-Bas une place dans le territoire Saintois?
P
lus qu’un projet de diplôme, le travail présenté est une invitation au voyage dans les Caraïbes. Qu’il soit d’étude, temporel, ou bien sensoriel, le voyage s’imagine à travers le site de la Poterie Fidelin sur l’île de Terre-de-Bas dans l’archipel des Saintes, à 14 km des côtes australes de la Guadeloupe. En guise de bagage, il nous faut appréhender sa condition tropicale, entre ombre et vent, séisme et cyclone, terre et mer. Tirer parti de ces contraintes liées aux éléments, où tous les phénomènes naturels sont exacerbés et rythment la vie caribéenne, devient outil de projet. Il faut aussi prendre la mesure de la mer comme facteur d’isolement à travers la construction de l’espace vernaculaire, la triple insularité, mais aussi comme ressource créatrice de savoirs faire, de potentiels, de projets. Fort d’un héritage historique représentatif des âges de la Guadeloupe par les programmes qu’elle a soutenu jusque dans ses murs de pierres volcaniques et de tessons de poteries, le site est une entrée privilégiée pour questionner la force génératrice du patrimoine dans les dynamiques actuelles : la contemporanéité composant avec la trace. Donner une nouvelle visibilité à ce vestige de l’histoire caribéenne pour qu’il devienne un lieu d’appropriation de la mémoire par les saintois. Ré-insufler une vocation productive pour s’inscrire dans l’histoire du site en amplifiant un savoir-faire en crise: la pêche. Révéler un lieu fédérateur, une interface entre la mer à travers pêche dans la baie, la terre par la mise en lumière du paysage, la mémoire à parcourir au fil des murs, et l’avenir à partager sous les carbets du site. En somme, le voyage est prétexte à la rencontre entre les usagers et le territoire pour que ce dernier renaisse.