Mémoire alice dalle

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Alice Dalle, sous la direction de Roxane Enescu Mémoire réalisé en vue de l’obtention du grade de Master en architecture Faculté d’architecture La Cambre-Horta de l’ULB Année Académique 2014-2015, session de septembre

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Merci à ... Roxane Enescu, ma promotrice, pour son suivi, son soutient et ses conseils. Bettina Boon Falleur, pour m’avoir suivi tout au long de ce travail, conseillée, corrigée soutenue. À tout mon entourage pour leur soutien et leurs encouragements.

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Introduction Repères théoriques

L’architecture émotionnelle Les émotions 1. Définition 2. Historique des théories

Théories des émotions dans l’antiquité grecque Théorie du dualisme Théorie des émotions au cours de l’évolution Théories sur la séquence des émotions Théories du déclenchement et des différenciations des émotions Théorie des réactions aux émotions Théories contemporaines

3. Fonctionnement scientifique 4. Conclusion générale 5. Analyse des émotions de base

6. Les émotions dans l’architecture

La lumière

1. Définition 2. Répercussions psychologiques Lumière et temps Lumière et santé Lumière et sensation Lumière et divinité

9 13 15 20 20 21 21 22 23 24 26 28 30 34 36 39 42 45 45 46 46 46 47 49

3. La stratégie architecturale

53 53 55 59

4. Les ambiances lumineuses

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Capter Transmettre Distribuer

Lumière et forme Lumière et structure Lumière et matière Lumière et frontière Lumière et espace Lumière qui dirige Lumière et couleur La signification de la lumière

63 65 67 67 69 73 75 77

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Analyse de la lumière sur les émotions Le Rolex Learning Center de Sanaa

1. Sanaa 2. Processus du projet et ambitions des architectes 3. La lumière 4. Le sondage 5. Les émotions 6. L’influence de la lumière

Le musée Juif de Berlin de Daniel Liebeskind

79 81 81 87 91 97 101 105 111

1. Daniel Liebeskind 2. Symboliques du projet et ambitions de l’architecte 3. La lumière

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4. Le sondage 5. Les émotions

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6. L’influence de la lumière

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Les Thermes de Vals de Peter Zumthor

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1. Peter Zumthor 2. Processus et ambitions du projet 3. La lumière 4. Le sondage 5. Les émotions 6. L’influence de la lumière

Conclusion Annexes

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«La construction c’est pour faire tenir; l’architecture, c’est pour émouvoir.» Le Corbusier

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Introduction Sourire, pleurer, méditer, froncer les sourcils, toutes ces réactions sont une réponse physique à une émotion. Il est fréquent de pleurer de joie ou de tristesse mais on ne pleure jamais sans raison. Les émotions chez l’homme sont déclenchées de multiples façons par nos sens; entendre quelque chose qui nous rend triste, voir quelque chose qui nous surprend, manger quelque chose qui nous dégoute, etc. La plupart du temps, nous sommes conscients de l’élément déclencheur de notre émotion. Nous savons que c’est la bonne odeur d’un plat qui a engendré notre satisfaction, curiosité, et qui a provoqué l’écartement de nos narines. Cependant il existe des manières plus subtiles et inconscientes pour déclencher des émotions. Nous oublions trop souvent l’importance qu’a notre environnement sur nos ressentis. C’est là qu’intervient l’architecte dont le métier dessine notre environnement. Il existe diverses méthodes en architecture ayant comme objectif d’influencer le ressenti de la personne traversant ou vivant dans un espace défini. Depuis quelques années, cet aspect de l’architecture nous interpelle. N’est-il pas fascinant de pouvoir gérer le bien-être de l’homme grâce à l’architecture? Nous avons donc décidé, au moment du choix du sujet de mémoire, de travailler sur les émotions dans l’architecture. Cependant, un travail similaire avait déjà été présenté. Ce dernier ayant traité du lien entre les émotions et l’architecture d’un point de vue englobant, nous avons opté pour un aspect plus précis de l’architecture : la lumière. Cette dernière qui, depuis toujours, joue un rôle primordial pour l’homme ; lui permet de survivre, a-t-elle également la possibilité d’influencer le bien ou mal-être d’un homme dans un bâtiment ? Il nous a semblé intéressant de conclure cinq années d’études sur un thème qui n’appartient pas uniquement au domaine de l’architecture. Ajouter à l’architecture la psychologie nous permet de se rappeler que l’architecture ne peut être ostracisée d’autres disciplines, ainsi que de relever l’impact que

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peuvent avoir les choix d’un architecte sur le bien-être d’une personne. Avec, notamment le développement de l’architecture dite «émotionnelle », le débat sur le rapport entre le moral et l’architecture prend de l’importance. Notre envie, à travers la rédaction de ce mémoire, est de voir si un type de lumière peut être associé à une émotion. Le cas échéant, il pourrait devenir judicieux d’étudier au mieux la lumière lors de la conception de bâtiments ayant un rôle psychologique important tels un hôpital, une prison, un palais de justice, etc. Lors de nos premières réflexions sur « la lumière et l’architecture », de nombreuses questions nous sont apparues. Nous en avons retenues plusieurs auxquelles nous allons tenter de répondre tout au long de ce travail. Les ambitions d’architectes sont elles ressenties de la même manière par les visiteurs? Ressentent-ils ces émotions voulues par l’architecte? La lumière joue-t-elle un rôle dans ces émotions? Comment les architectes l’ont-ils manipulée afin d’obtenir un résultat voulu? Pour ce faire, nous nous assurerons dans un premier temps de la bonne compréhension du lecteur en réalisant un état de l’art sur « l’architecture émotionnelle » puis en étudiant et définissant plus précisément les termes « émotions » et « lumière ». L’analyse des émotions se fera en six parties : une définition de dictionnaire ; les différentes théories émises sur le sujet ; le fonctionnement scientifique ; une rapide conclusion en guise de définition générale ; une grille d’analyse des émotions dites « de base » ; et, enfin, le lien possible entre les émotions et l’architecture. L’analyse de la lumière se fera quant à elle en quatre parties : une définition générale du terme ; les répercussions psychologiques ; la stratégie architecturale ; et, enfin, les ambiances lumineuses.

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Dans un deuxième temps, nous analyserons trois bâtiments en profondeur, à savoir: Le Rolex Learning Center du bureau d’architecte « Sanaa », Le Musée Juif de l’architecte Daniel Liebeskind et les Thermes de Vals de l’architecte Peter Zumthor. Après une brève introduction sur les philosophies des architectes, l’intérêt se portera sur le lien entre les ambitions des architectes de transmettre certaines émotions et sur les émotions ressenties par les visiteurs. Pour ce faire, nous avons exposé les ambitions de chacun de ces architectes, décrit l’analyse de la lumière dans les bâtiments, réalisé un sondage nous permettant d’analyser les différentes émotions des visiteurs dans chaque lieu et de les comparer aux ambitions initiales des architectes, et, finalement, analysé l’influence de la lumière sur les émotions ressenties par les visiteurs. Une petite note, cependant, avant d’entrer dans le vif du sujet. Il semble important de rappeler les limites d’une telle recherche. Si tout le monde s’accorde pour dire que la lumière est importante pour l’homme, peu de personnes ont traité du rôle de la lumière naturelle sur les émotions dans l’architecture. Très souvent les écrits venant de l’architecture manquent d’informations théoriques sur l’une ou l’autre notion. Cela nous a poussé à vouloir regarder le sujet sous un angle plus analytique et à tenter d’appliquer des notions théoriques de psychologie en architecture. Ce mémoire a pour but de tisser des liens plus étroits entre théorie et pratique.

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Repères Théoriques

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L’architecture émotionnelle Dans ce mémoire nous allons analyser trois bâtiments considérés faisant partie de l’ « architecture émotionnelle ». Afin de mieux comprendre cette notion, nous allons commencer par voir ce que certains architectes ont dit, écrit, pensé sur le sujet et que nous trouvons pertinent pour la suite. Aujourd’hui le terme ‘émotionnel’, se retrouve partout. Submergeant l’espace médiatique et publicitaire, adopté par le discours politique ainsi que scientifique, il gagne même le monde financier1. Mais qu’en est-il de l’architecture? Ce n’est pas la première fois que les mots ‘architecture’ et ‘émotions’ sont mis en relation. Déjà dans son « Manifeste pour une architecture émotionnelle », Mathias Goeritz, peintre et sculpteur mexicain d’origine allemande, écrivait en 1953: «J’ai travaillé en totale liberté pour réaliser une œuvre dont la fonction serait l’émotion: il s’agit de redonner à l’architecture son statut d’art.»2 (Goeritz) Goeritz décide de construire un musée, El Eco à Mexico, en réponse au fonctionnalisme dominant au Mexique. Cette nouvelle construction expérimente l’architecture-sculpture, l’oeuvre d’art, et l’espace promenade3. Elle est scénographiée afin de provoquer des émotions au visiteur, « à l’image du temple grec ou de la cathédrale gothique »4. Luis Barragan poursuit l’idéologie de Goeritz en 1980 lorsqu’il reçoit son prix Pritzker. Nicolas Gilsoul dans son doctorat « Emotionnal Architecture Scenographic studies in the works of Barragan (1940-1980) » nous informe sur Luis Barragan: « Il explique alors que le rêve qui porte toute son œuvre est d’offrir un refuge d’enchantements inspirants qui permettent à l’homme de se retrouver en lui-même et de se reconstruire dans une atmosphère de Sérénité. Cette position vise une alternative à la déshumanisation en reconsidérant l’homme dans toutes ses dimensions à commencer par l’émotion. »5. On comprend là que Barragan

1 COEN, Lorette, « l’architecture gagnée par l’émotion », le Temps, 21 janvier 2011, p.11 2 GOERITZ, Mathias, « Manifeste de l’Architecture émotionnelle » in Cuahonte de Rodriguez, 2003. Mathias Goeritz (1915-1990). L’art comme prière plastique, collection les arts d’ailleurs, éd. L’Harmattan, Paris. 3 http://dessarmopauqam.blogspot.be/2010/08/le-musee-experimental-el-eco.html 4 GOERITZ, Mathias, op.cit. 5 GILSOUL, Nicolas, Emotionnal Architecture Scenographic studies in the works of Barragan (1940-1980) (thèse de doctorat 2009)p.15

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décide de remettre l’homme au centre de l’architecture. «Je me suis rendu compte qu’une proportion consternante de textes consacrés à l’architecture ignore les mots beauté, inspiration, magie, fascination, enchantement, ainsi que les concepts de sérénité, de silence, d’intimité et de surprise. Tous sont incrustés dans mon âme et, bien qu’étant pleinement conscient de ne pas leur avoir fait complètement justice dans mon œuvre, ils n’ont jamais cessé de me guider.» Luis Barragan 6. Cette notion s’évapore malheureusement dans la décennie suivante, laissant place aux « starchitectes » et aux années 2000 plutôt centrées sur une idée de développement et de mouvement7. Le terme ‘architecture émotionnelle’ réapparait ces dernières années avec la fondatio de l’Association suisse pour l’architecture émotionnelle en 2009 et la sortie d’un ouvrage collectif dirigé par Paul Ardenne et Barbara Polla « Archi-

tecture émotionnelle, matière à penser » en 2010. Ces derniers organisaient à Genève le premier colloque international et interdisciplinaire sur le sujet en janvier 2011.8 Certains paradoxes se font tout de même ressentir quant à la relation entre architecture et émotion. En effet, pour Jean-Louis Genard et Judith le Maire, deux grands paradoxes en ressortent. Premièrement, si l’on considère que ce sont les qualités de l’architecture elles-mêmes qui induisent l’émotion, cela supposerait donc que ceux qui n’y sont pas sensibles, souffrent d’un certain déficit de sensibilité9. « Bref, l’idée d’architecture émotionnelle pourrait renvoyer à des conceptions universalisantes qui méconnaîtraient la nature psychologique et/ou sociale, c’est-à-dire située, de l’émotion esthétique. Elle serait induite par l’architecture et non produite par la perception qu’à de l’architecture un sujet sensible. »10. Le second paradoxe selon eux considère que 6 ibidem 7 VAUCHER, Anna, « adorée ou détestée l’architecture nous émeut », magazine TRIBUNE DE GENEVE, 15-16 janvier 2011 p.24 8 https://archiemo.files.wordpress.com/2011/05/dossier_archi-emo_ardenne-polla.pdf 9 POLLA, Barbara,& ARDENNE, Paul, architecture émotionnelle, La muette, 2010, p.31 10 ibidem

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si l’émotion est un concept de spontanéité, alors, lorsqu’une architecture est faite dans le but d’émouvoir il se crée une notion de manipulation de l’émotion remettant en question la qualité de cette dernière. La critique pourrait donc accuser l’architecte « d’user de recettes, de facilités ». Et du côté du spectateur, l’accuser de se laisser avoir, de céder à la facilité.11 De plus pour Genard et le Maire, les émotions s’atténuent dans le temps par rapport à un même objet et selon les circonstances. « Ainsi, la surprise ressentie devant une architecture qui rompt avec un principe ou un style précédent, s’efface par la force de l’habitude. L’innovation en architecture relèverait donc pour une part de la volonté du concepteur de surprendre son public, de rompre avec ce qu’il attend, au lieu d’améliorer et de réinterpréter un héritage formel, structurel. » 12 Nous apprenons par ces derniers que les émotions s’atténuent avec l’habitude. Genard et le Maire introduisent ici l’architecture de surprise en tant qu’architecture émotionnelle. Effectivement cette dernière représente une grande partie de l’architecture émotionnelle qui comprend pour la plupart des bâtiments de passage tels que des musées, des lieux où nous ne revenons pas quotidiennement. Mais il existe toutes sortes d’architectures émotionnelles comme celle qui nous renvoie à nos souvenirs, qui réutilise des savoir-faire d’hier qui nous émeuvent. Car les émotions fixent les souvenirs. Nous faire ressentir une émotion déjà vécue rentre dans le registre d’architecture émotionnelle. La familiarité s’associe au bien être, à l’aisance. Dans l’exposition de B. Rudofky « Architecture sans architectes » en 1964, c’est la beauté du banal qui est marquée. Elle nous montre la redécouverte de l’architecture banale, du savoir faire constructif et de l’émerveillement devant l’architecture du quotidien13. Quant à la suspicion de manipulation de la part de l’architecte, il est vrai que 11 12 13

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certains procédés sont connus et utilisés par les architectes. La luminosité ou la matérialité sont utilisées afin de pousser les émotions (positives en général), mais n’est-ce pas là la beauté de l’architecture? Réussir à mettre les visiteurs dans une sensation de bien-être, de joie grâce à son architecture? D’autre part, si l’on considère, comme vu plus haut, que les émotions de chacun dépendent de ce en quoi il croit ou de ses connaissances personnelles, alors, même si l’architecte ‘pousse’ nos émotions, chacun le ressentira à sa façon. Aujourd’hui nous sortons doucement d’une période prônant le fonctionnalisme où tout acte architectural devait être justifié de manière rationnelle. La population est maintenant en quête de nouvelles sensations par d’autres formes et par de nouveaux matériaux qui s’adressent aux sens14. L’architecture est faite avant tout pour l’homme, un être qui, en plus de sa conscience intellectuelle est fait d’émotions. L’architecture ne doit pas simplement être pensée pour être belle ou juste fonctionnelle. Elle doit être pensée pour l’homme. 14 https://archiemo.files.wordpress.com/2011/05/dossier_archi-emo_ardenne-polla.pdf

Fig. 1 Olafur Eliasson, the Weather project, 2003, © http://www.bbc.co.uk/news/10099565

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Pour lui susciter une sensation de confort, de bien être. Elle est une des clefs au bon fonctionnement de l’être humain. « L’architecture émotionnelle implique le concepteur autant que le sujet dont il attend une participation sensible consciente et/ou inconsciente» Nicolas Gilsoul. Tadao Ando précise: «L’architecture n’est jugée achevée que par l’intervention de celui qui l’expé-

rimente»15. Nous pensons que c’est cette définition qui caractérise le mieux l’architecture émotionnelle. Selon nous, l’architecture émotionnelle est un art. L’art a pour but de toucher les personnes, leur donner des émotions. En effet, elle se rapproche plus spécifiquement d’un art contemporain, l’ « art phénoménal » du light and space lancé par Robert Irwin dans les années 60 et qui se poursuit encore de nos jours avec, par exemple, Olafur Eliasson16. C’est un art qui est élaboré pour ses qualités perceptibles, il est activé par le spectateur. Ce dernier devient un élément majeur lors de la conception de l’oeuvre. Ce sont donc les actions entreprises par les spectateurs qui achèvent l’oeuvre. Olafur Eliasson par exemple, dans son projet « the weather project » met en scène un énorme soleil jaune orangé dans la majestueuse entrée du Tate Modern à Londres et recouvre le plafond d’une surface miroitée. Lorsque les gens entrent dans le musée et voient l’oeuvre, la plupart se couchent sur le sol, se tiennent la main, les pieds, composent des figures,… L’oeuvre est alors achevée, activée par l’action humaine. Beaucoup de choses sont dites à propos de cette architecture émotionnelle cependant, il persiste un manque d’information au niveau scientifique et psychologique des émotions. Que sont elles concrètement?

15 POLLA, Barbara,& ARDENNE, Paul, op.cit. 16 http://charlottebeaufort.fr/fr/textes-charlotte-beaufort/ecrits2/art-phenomenal

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Les émotions En vue de comprendre et de définir cette notion commune et pourtant complexe qu’est l’émotion, nous allons dans ce premier chapitre créer un aperçu général de l’approche psychologique sur les émotions. Pour ce faire, nous étudierons dans un ordre chronologique les plus grandes théories réalisées sur ce sujet de l’antiquité jusqu’à l’aube du XXIème siècle. Ainsi, nous nous attaquerons dans l’antiquité grecque à Platon et Aristote, avant de se pencher sur la théorie du dualisme de Descartes. Ce sera ensuite au tour de Darwin de nous éclairer grâce à sa théorie de l’évolution. Puis, nous aurons affaire à un grand débat sur la séquence des émotions opposant la théorie de JamesLange à celle de Cannon-Bard qui donnera naissance à la théorie de Schachter et Singer. Magda Arnold nous apportera ensuite un grand apport avec sa théorie sur l’appraisal ou l’évaluation cognitive. Nous apprendrons par après la théorie des « émotions de base » selon Paul Ekman puis différentes théories contemporaines. C’est enfin grâce à Stéphanie Dural que nous comprendrons comment fonctionnent scientifiquement les émotions.

1.

Définition

Le nouveau petit Robert de la langue française 2009: - « Etat de conscience complexe, généralement brusque et momentané, accompagnés de troubles physiologiques (pâleur ou rougissement, accélération du pouls, palpitations, sensation de malaise, tremblements, incapacité de bouger ou agitation). »

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2.

Historique des Théories

« Il est important de souligner que, comme pour beaucoup d’autres termes en psychologie provenant de la psychologie populaire ou de la psychologie scientifique, l’émotion est un concept hypothétique qui ne peut être observé directement , mais dont on infère l’existence à partir d’un nombre d’indices.» David Sander 17

Théories des émotions dans l’antiquité grecque Théorie de Platon (427- 358 av. J-C) Platon offre une vision plutôt négative de l’émotion. D’après lui, elle ne fait que pervertir la raison et l’empêche de se développer de manière fructueuse. Selon Platon, les émotions proviennent des possessions humaines considérées négatives. C’est pour cela qu’il promeut de contrôler et d’éviter de montrer ses émotions18.

Théorie d’Aristote (384-324 av J.C) Aristote offre une vision beaucoup plus optimiste. Il pense que l’homme ne subit pas ses états émotionnels comme des manifestations biologiques face auxquels il se sent impuissant, au contraire, il construit un univers émotionnel à partir de ses croyances et de ses attitudes19. L’élément le plus important que nous pouvons retenir de l’analyse des émotions d’Aristote est l’importance de considérer leur dimension cognitive, que ce que nous ressentons subjectivement dépend fortement des choses auxquelles nous croyons et de nos connaissances personnelles20. L’analyse de ce philosophe nous prouve également que les émotions possèdent une valence, c’est-à-dire qu’on distingue des états qui sont perçus subjectivement comme plaisants ou agréables de ceux qui sont déplaisants ou désagréables21. Il nous montre enfin que les 17 18 19 20 21

SANDER, D., & R.SCHERER, K., Traité de psychologie des émotions, Paris, Dunod, 2009, p.9 LUMINET, Olivier, Psychologie des émotions: Confrontation et évitement, lieu, De Boeck, 2008, p.17 ibidem ibidem ibidem

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émotions impliquent un besoin d’action qui se présente sous forme de comportements. Par exemple dans la colère, on exprime un désir de revanche plus ou moins fort. Pour finir, les émotions ressenties face à un évènement affecteront plus tard les jugements et les actions que nous entreprendrons. C’est de cette manière qu’Aristote nous montre qu’en plus de posséder des déterminants cognitifs, les émotions exercent des effets sur le fonctionnement cognitif22.

Théorie du dualisme Théorie de Descartes (1596-1650) Ce philosophe mathématicien et physicien, apportera dans son ouvrage en 1649, «des passions de l’âme», une apologie de la dualité entre le corps et l’esprit. Il affirme que les émotions ont lieu dans la partie pensante de notre être, à savoir son âme : « les perceptions qu’on rapporte seulement à l’âme sont celles dont on sent les effets comme en l’âme même, et desquelles on ne connaît communément aucune cause prochaine à laquelle on puisse les rapporter; tels sont les sentiments de joie, de colère, et autres semblables. »23. Et à l’opposé, les sensations corporelles se restreignent à des états motivationnels: « les perceptions que nous rapportons à notre corps ou à quelques unes de ses parties sont celles que nous avons de la faim, de la soif et de nos autres appétits naturels; à quoi on peut joindre la douleur, la chaleur, et les autres addictions que nous sentons comme dans nos membres, et non pas comme des objets qui sont hors de nous. »24(Descatres). Pour Descartes, l’âme et le corps constituent donc deux entités différentes qui n’entretiennent pas de relations entre elles lors des émotions.25 Malgré sa tendance à donner une domination de la pensée sur le corps, Descartes nous offre de nombreuses pistes intéressantes au niveau des conceptions contemporaines de l’émotion. Par exemple, il nous montre que 22 23 24 25

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ibidem ibid. pp.19-22 ibidem ibidem


l’intensité et les effets des émotions sont déterminés par la manière dont nous pensons aux évènements qui les ont causés, ce qui explique son souci de la dimension cognitive de l’émotion26. Il met également en avant l’émergence de tendances à l’action ainsi que l’apparition de sentiments précédés par une évaluation cognitive de la situation. De plus, il nous montre que les émotions ont un pouvoir informatif, qu’elles nous renseignent sur les éléments de notre existence auxquels nous attachons de l’importance. Enfin, les émotions selon Descartes ont également un pouvoir de fixer les souvenirs en mémoire27.

Théorie des émotions au cours de l’évolution Théorie de Charles Darwin (1809-1882) Le père de la théorie de l’évolution, Charles Darwin, développe dans son ouvrage sur l’expression des émotions chez l’homme et chez l’animal, «The expression of emotions in man and Animals», le fait selon lequel l’émotion a des fonctions utiles pour l’organisme28. Premièrement, l’émotion permet la préparation d’un comportement qui s’adapte dans le cadre des interactions avec l’environnement physique29. Deuxièmement, l’émotion sert également à réguler les interactions sociales. Darwin a tenté de montrer comment chacune des émotions principales peut être analysée en termes de patterns de comportements adaptatifs de base, particulièrement ceux du visage et du corps en se concentrant sur la fonctionnalité de l’expression émotionnelle30. Par exemple, lever les sourcils améliorerait l’acuité visuelle, ou encore le fait de retrousser le nez permettrait d’éviter une odeur désagréable31. Les travaux de Darwin ont été un apport de qualité pour les études actuelles sur les émotions. Nous retiendrons surtout la théorie synthétique ou néodarwinienne (née suite à la théorie de l’évolution de Darwin) «qui considère le système de traitement des informations émotionnelles de l’homme moderne comme rem26 27 28 29 30 31

ibidem ibidem SANDER, D., & R.SCHERER, K., op.cit. pp.11-13 ibidem ibidem ibidem

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plissant une fonction adaptative spécifique et s’appuyant sur un héritage phylogénétique»32. Martin Seligman, chercheur en psychologie à l’origine d’une problématique de recherche capitale aux approches modernes de l’émotion, propose dans les années 1970, «le concept de « préparation » biologique pour expliquer pourquoi les phobies de certains stimuli sont tellement plus probables que d’autres, en particulier les phobies de serpents et d’araignées. La logique de l’argumentation est que nous serions préparés à avoir peur de certains stimuli qui étaient dangereux pour nos ancêtres»33.

Théories sur la séquence des émotions

Le fait de savoir si la réponse corporelle précède ou non l’émotion est au coeur d’un débat animé encore aujourd’hui. Deux grandes théories s’opposent depuis des décennies, celle de James-Lange et celle de Cannon-Bard.

Théorie de William James et Carl Lange: (1842-1910) Cette théorie tente de démontrer que les changements corporels sont à l’origine de l’émotion. Elle est également connue comme la position « périphérique » ou « périphéraliste », parce qu’elle suggère que la cause de l’émotion vient de changements au sein du système nerveux périphérique34. James s’est posé une question simple: fuyons-nous lorsque nous voyons un ours parce que nous avons peur ou avons nous peur parce que nous fuyons? Il posa que la réponse évidente: nous fuyons parce que nous avons peur, était fausse, et défendit le fait que nous avons peur parce que nous fuyons35. C’est donc la perception de l’activation corporelle qui contribue à l’arrivée de sentiments subjectifs. Alors, selon cette proposition, le processus émotionnel peut être caractérisé par la séquence suivante: un stimulus suivi des réponses corporelles puis la sensation de ces changements périphériques et, enfin, l’émotion36. Pour reprendre une phrase célèbre « De manière naturelle 32 33 34 35 36

24

ibidem SANDER, D., & R.SCHERER, K., op.cit. pp.11-13 ibid. p.5 LEDOUX, J., « the emotional brain, fear and the amygdala », cellular and molecular neurobiology n°23, oct 2003 SANDER, D., & R.SCHERER, K., op.cit


nous pensons que la perception de certains faits provoque une réaction que nous appelons l’émotion, et que cet état particulier de l’esprit déclenche à son tour des réponses corporelles. Ma théorie postule, au contraire, que les changements corporels suivent directement la perception de certains faits et que le sentiment subjectif qui accompagne ces changements EST l’émotion.» William James

Théorie de Cannon-Bard, réfute cette théorie (1871- 1945) Cannon et son collaborateur Bard ont, via les résultats de leurs travaux neurophysiologiques sur des animaux, remis en question la théorie de James et Lange. Ils ont ainsi pu proposer comme théorie alternative la théorie dite « centraliste » qui accentue le rôle du système nerveux central, et en particulier le thalamus, dans le déclenchement de l’émotion37. Cannon et Bard ont également émis quatre grandes critiques sur la théorie de James et Lange. Tout d’abord, selon leurs études chez l’animal, Cannon et Bard ont vu que le comportement émotionnel n’est pas changé lorsque les viscères sont déconnectées du cerveau. Un résultat pareil suggère que la réponse viscérale n’est pas nécessaire au comportement émotionnel, arguent qui est à l’opposé de la théorie de James-Lange. Ils remarquent également que des variations viscérales similaires naissent dans des états émotionnels différents et dans des états non émotionnels (digestion, fièvre), ce qui reconsidère l’idée de James-Lange selon laquelle une émotion spécifique serait causée par une activation corporelle spécifique. De plus, le fait que les viscères ne soient pas sensibles et que les variations viscérales soient relativement lentes suggère à Cannon et Bard que la réponse viscérale ne peut pas être la cause principale des émotions. Finalement, selon leurs travaux, une induction artificielle de variations viscérales n’induit pas d’émotion, ce qui irait également à l’encontre des prédictions de James38. 37 38

ibid. pp.7-8 ibidem

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Théories du déclenchement et des différenciations des émotions Théorie de Stanley Schachter et Jérôme Singer: (1922-1997) Par la suite, les objections de Cannon et Bard ont elles mêmes été critiquées. Par rapport aux deux derniers points, Schachter (1964) montre que le système viscéral représente une condition essentielle pour l’activation d’une émotion mais que ce déclanchement ne suffit pas pour la différentiation de l’émotion39. Pour la différenciation des émotions, ils ont attribué une fonction décisive aux cognitions qui résulte de la situation immédiate interprétée sur la base des expériences du passé. Deux facteurs sont donc nécessaires au déclenchement et à la différenciation d’une émotion40: 1. La perception d’une activation physiologique. 2. une cognition concernant l’interprétation de la situation déclenchante de l’activation physiologique. Selon cette notion, appelée « théorie bi-factorielle de l’émotion », le déclanchement physiologique, ne serait pas spécifique à une émotion: elle en évaluerait l’intensité mais non la qualité. La cognition déterminerait quelle émotion est ressentie; comme le disent Schachter et Singer « c’est la cognition qui détermine si l’état d’activation physiologique sera labellisé comme ‘colère’, ‘joie’, ‘peur’ ou autre »41.

Théories de l’évaluation cognitive (1960): Selon les théories de l’évaluation cognitive, aussi appelées théories de l’appraisal, l’émotion est le fruit d’évaluations cognitives faites par un individu sur un événement, qu’il soit externe ou interne, ou d’une situation, qui provoque une émotion. Cette théorie a été élaborée en tentant de résoudre le conflit James-Cannon42. 39 ibid. pp.17-19 40 ibidem 41 ibidem 42 NUGIER, Armelle, « Histoire et grands courants de recherche sur les émotions », Revue électronique de Psychologie Sociale, 2009, No. 4

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Magda Arnold dans le début des années 60 fut l’une des premières psychologues à évoquer explicitement que la signification d’un évènement qui induit une émotion est amenée par un processus d’évaluation (appraisal) de l’évènement basé sur un ensemble de critères qui sont propres à la personne43. Elle nous fait enfin sortir du débat James-Cannon pour nous amener à une approche cognitive qui domine aujourd’hui. Ce concept veut rendre compte des différences qualitatives entre les émotions et offrir ainsi une explication logique du fait qu’un même évènement peut entrainer l’arrivée de différentes émotions chez différents individus ou parfois chez un même individu à différents moments44. «Six ans plus tard, Richard Lazarus apporta une contribution majeure en proposant l’existence d’un processus d’évaluation mais également d’un processus de réévaluation pouvant modifier les premières impressions ainsi que l’émotion déclenchée. Par exemple dans une expérience classique, Lazarus, Speisman, Mordkoff et Davidson en 1962 ont montré qu’il est possible de modifier les réponses physiologiques des participants face à un même film émotionnel. Par exemple, un documentaire concernant une cérémonie avec incision corporelles. En modifiant le commentaire verbal, soit en mettant l’accent sur l’expérience douloureuse de la personne incisée, soit en insistant sur la fonction sociale du rite cérémonial en question.»45. Cette expérience permet aux chercheurs de prouver que les émotions que nous ressentons sont déterminées par la signification personnelle que nous attribuons à la situation dans laquelle nous nous trouvons. « D’après la théorie de l’appraisal, chacun d’entre nous repère en permanence, de manière consciente ou inconsciente, ce qui est pertinent pour lui, dans un contexte donné. Une petite structure logée dans le lobe temporal de notre cerveau, l’amygdale, aurait un rôle critique dans cette estimation. Selon David Sander, dont les recherches testent la théorie de l’appraisal, elle 43 44 45

SANDER, D., & R.SCHERER, K., op.cit p.20 ibid. pp.17-19 NUGIER, Armelle, op.cit.

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fonctionnerait comme un système d’alerte qui s’activerait lorsque l’on évalue un événement comme pertinent par rapport à nos motivations importantes, que ce soit dans les situations de peur, bien sûr, comme cela a longtemps été considéré en littérature , mais pas seulement. L’amygdale pourrait aussi nous aider à détecter des odeurs ou des goûts agréables ou encore à repérer les visages particulièrement attractifs ou au contraire particulièrement laids, c’està-dire ceux qui nous marquent. En revanche, les visages quelconques, intermédiaires qui apparaissent moins socialement pertinents, retiennent moins son attention. »46

Théorie des réactions aux émotions Théorie des émotions de base (1982): Dans leur ouvrage ‘traité de psychologie des émotions’, David Sander et Klaus Sherer nous informent sur cette théorie: « Pendant les années 1960, se basant principalement sur l’oeuvre de Darwin, Tompkins a postulé qu’il existe un nombre limité d’émotions de base ou fondamentales et a suggéré qu’un programme neuro-moteur inné est exécuté quand l’émotion est induite par une stimulation appropriée. Ces programmes neuronaux sont censés produire, en complément d’expressions faciales typiques, des patterns de réactions différenciées de la voix et du système nerveux périphérique. Son approche théorique a fortement influencé le travail d’Ekman et Izard sur les expressions faciales spécifiques pour chaque émotion. Ces deux chercheurs affirment qu’il existerait un petit nombre d’émotions universelles ayant des patterns de réponses expressifs et psychologiques assez spécifiques. (…) Les composantes majeures des réponses émotionnelles seraient; les expressions motrices, les changements du système nerveux autonome et les sentiments. L’expression émotionnelle a une fonction majeure dans la communication et dans les réactions émotionnelles à travers le visage, le corps et la voix. » 47 46 47

28

ibidem SANDER, D., & R.SCHERER, K., op.cit p. 28-29


Les six émotions de base selon Paul Ekman seraient: la joie, la tristesse, la peur, la colère, le dégout et la surprise. Selon lui, une émotion primaire48 : 1. possède un signal universel distinct 2. est présente chez d’autres primates que l’homme 3. a une configuration propre de réactions physiologiques 4. est associée à des évènements déclencheurs universels distincts 5. a des réponses émotionnelles ou des composantes convergentes 6. est rapidement déclenchée 7. est de courte durée 8. est évaluée automatiquement 9. apparaît spontanément Dans leurs études, des individus ne connaissant pas l’écriture et n’ayant pas été influencés par le cinéma, reconnaissent correctement les expressions faciales correspondant à ses six émotions. Ceci tendrait à prouver l’universalité des émotions49. Les émotions secondaires sont des mélanges d’émotions de base, on parle même d’émotions mixtes. Par exemple, selon Paul Ekman, la honte est une émotion mixte, un mélange de peur et de colère50.

48 49 50

ibid. p.87 ibidem ibidem

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Théories contemporaines Robert Plutchick et les émotions dérivées ou mixtes (1980): Pour Plutchick, le système émotionnel est régulé selon trois dimensions: l’intensité, la similarité et la bipolarité. Il structure sa pensée en créant un volume de forme ovoïde dans lequel « les huit dimensions des émotions fondamentales sont disposées en quelque sorte comme une orange coupée en deux, avec au sommet les termes qui désignent chaque émotion à son intensité, ou le niveau d’éveil; les émotions s’ordonnent du sommet à la base suivant un état d’excitation maximal à un état de profond sommeil. »Plutchick51. 51

DE BONIS, Monique, Connaitre les émotions humaines, Sprimont, édition Madraga, 1996, p.15

Fig. 2 Robert Pultchick, la roue des émotiosns, ©http://massilia-coaching.com

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Si nous regardons bien le volume, on observe que sur la coupe horizontale, sont représentées les émotions intenses telles que la rage, l’extase, l’adoration, la vigilance, la terreur, l’étonnement, le chagrin et l’aversion. Ensuite sur les axes verticaux toutes les émotions fondamentales se subdivisent en trois émotions dérivées qui changent en fonction de leur intensité. Nous passerons donc du chagrin à la tristesse à la songerie ou encore de l’étonnement à la surprise à la distraction. Plus nous descendons dans le solide, plus il est difficile de discriminer les nuances. Son modèle lui permet d’observer les émotions mixtes. En effet, il observe trois sortes de composés; primaire, secondaire et tertiaire. Par exemple, deux émotions adjacentes de son modèle comme la peur et la surprise forment un composé primaire: l’alerte. La peur et la tristesse forment un composé secondaire qui sera le désespoir et enfin un composé tertiaire sera l’association de la peur et du dégout et qui donne la honte. De la même manière nous pouvons arriver à la gêne ou la déception en combinant la surprise et la tristesse. Bien entendu certaines associations ne sont pas faisable telles que la joie avec le dégout,…52

Damasio et la différentiation entre émotion et sentiment (1995 2003): Le Dr. Antonio Damasio connu comme neuroscientifique qui dirige « the USC

Brain and creativity institute» nous informe, dans ses travaux, sur la différentiation entre deux phénomènes que le langage confond fréquemment; les émotions et les sentiments. Dans son ouvrage «Spinoza avait raison; joie et tristesse, le cerveau des émotions” Damasio nous explique le rôle du langage dans la démarche scientifique, ainsi que les rapports entre le langage scientifique et le langage courant53 « Sentir une émotion et avoir une émotion sont deux choses différentes. Avant de comprendre ce qu’est un sentiment il faut d’abord comprendre ce qu’est 52 53

ibid. p.18 « Comptes rendus. », Natures Sciences Sociétés 3/2005 (Vol. 13) , p. 335-349

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une émotion. Une émotion est une exécution de différents programmes d’actions. Actions qui peuvent être des mouvements comme de réels mouvement que je fais, changer de visage par exemple avec la peur, ou mouvements internes qui peuvent arriver dans le coeur par exemple , ou d’autres mouvements tel que la relâche de molécules,… mais ce sont tout le temps de réels mouvements. Nos émotions nous permettent de survivre en se rendant compte d’un danger ou d’une opportunité. Elles sont innées en nous, mais sont modifiables selon nos expériences, selon nos différents patterns. Une personne exprimera sa joie d’une façon différente d’une autre, mais l’essence du système sera identique. Les sentiments sont l’étape suivante. Si nous avons juste une émotion, nous ne le sentirions peut être pas. Pour ressentir une émotion, nous devons la représenter dans le cerveau et comprendre ce qu’il se passe dans l’organisme lorsqu’on a une émotion. C’est le processus qui perçoit ce qu’il se passe lorsqu’on a une émotion. Lors de notre existence, nous sommes constamment confrontés à toutes sortes de choses, et inconsciemment nous réagissons au monde, nous y pensons, nous agissons. Les émotions nous aident face aux menaces telles que le mauvais temps, prédateur, un précipice, un trou,… mais aussi face aux opportunités telles que la nourriture ou le sexe. Au lieu de vous faire penser au problème les émotions vous font agir de la bonne façon, c’est notre auto pilote dont nous avons hérité depuis des milliers d’années d’évolution. Donc si il y’a une opportunité, les émotions vont faire en sorte que vous sachiez que c’est là et que vous allez réagir en conséquence. »54

Frijda et les composantes de l’émotion (1986 - 2006) Pour Frijda les émotions sont formées par trois grandes composantes. A com54 http://bigthink.com/videos/how-our-brains-feel-emotion

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mencer par le cognitif appraisal qui est l’évaluation de la situation. Frijda propose cette interrogation: Cette situation est-elle pertinente par rapport à mes buts, eux-même jugés comme importants pour moi? Deuxièmement, il y a une préparation à l’action; c’est-à-dire que les actions en cours sont interrompues et l’individu trouve un moyen d’urgence pour répondre à la situation. Troisièmement, selon lui, l’épisode émotionnel est accompagné d’une expérience subjective, un état mental différent de notre état mental habituel. C’est par l’apparition de changements corporels (sueur, fréquence cardiaque, larmes,…) ainsi que des manifestations comportementales et expressives comme le visage qui se crispe, l’intonation qui varie, la posture,… que nous nous rendons compte de celui-ci55.

David Sander 2014: Après avoir obtenu un doctorat dans les sciences cognitives, il devient professeur de psychologie à l’université de Genève et dirige également le laboratoire « émergence et expression de l’émotion ». Il base ses recherches sur les mécanismes impliqués dans le déclenchement de l’émotion et leur impact sur l’attention, la mémoire et la prise de décision56. David Sander nous informe: «l’émotion est un processus dynamique qui évolue dans le temps, avec un début et une fin très marqués et une durée compromise entre quelques secondes et quelques minutes. Au-delà, on ne parle plus d’émotion mais plutôt d’humeur. Autre spécificité capitale: l’émotion est toujours rattachée à un objet: on a peur de quelque chose, on est en colère contre quelqu’un. Voilà pourquoi on peut ressentir des émotions à la fois très différentes et très rapprochées dans le temps: elles concernent alors des objets différents.»57 De plus dans son interview sur la fabrique de l’opinion, il nous informe que l’émotion comprend deux grandes étapes; le déclenchement et la réponse. 55 56 57

LUMINET, Olivier, op.cit.pp.26-27 MARCHAND, Stephane, « interview de David Sander », La fabrique d’opinion ibidem

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«Il y a 2 grandes étapes dans l’émotion: le déclenchement et la réponse. Le même stimulus sur la rétine (un but dans un match de foot par exemple) peut provoquer des émotions radicalement opposées. Car les objectifs, les besoins, les valeurs, bref les motivations, sont très différents. L’émotion n’est pas un réflexe. Elle est la rencontre d’une motivation et d’un évènement. La subjectivité y tient une place prépondérante et la rend particulièrement interessante scientifiquement. Une fois connues, les motivations du sujet, il y a une réelle rationalité dans le déclenchement de l’émotion. La réponse émotionnelle a plusieurs composantes. D’abord, la réaction physiologique du système nerveux périphérique: par exemple, le coeur bat plus vite, la sueur, et le rougissement augmente. La deuxième composante, c’est l’expression musculaire, sur le visage bien entendu mais également dans la voix ou encore au niveau de la posture. La troisième composante, c’est la tendance à l’action, qui va préparer l’organisme à réagir. La peur prépare l’organisme à l’évitement du danger. La colère prépare l’organisme à l’attaque. Bref, l’émotion est un moteur de l’action. Finalement, la dernière composante est celle dite du sentiment subjectif qui correspond à un ressenti conscient de l’émotion pouvant éventuellement être labellisée, permettant ainsi de communiquer verbalement ses émotions.»58

3.

Fonctionnement scientifique

Stéphanie Dubal, chercheur CNRS, nous prouve que selon des tests d’électro encéphalogramme qui servent à mesurer l’activité électrique du cerveau, nous détectons nos émotions bien avant d’en avoir conscience. En effet, le test consiste à montrer consécutivement des images de personnes souriantes ou des visages neutres, à un patient recouvert de capteurs, et qui doit appuyer sur un bouton dès qu’il aperçoit un visage souriant59. Lorsqu’on analyse les résultats, on observe que la courbe représentant un vi58 59

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ibidem Vidéo C’est pas sorcier -Joie, peur, tristesse, colère... QUE D’EMOTIONS !


sage joyeux offre, après un millième de seconde, un pic plus important que la courbe au visage neutre, notre cerveau est donc plus intensément activé lorsqu’on est face à une personne souriante qu’à une personne neutre. L’émotion est donc détectée dès ce moment là. 200 millisecondes plus tard, un nouveau pic apparait, celui de la reconnaissance. Nous détectons donc d’abord l’émotion sur un visage avant de reconnaitre si c’est un visage d’homme ou de femme. Une demie seconde plus tard, le patient appuie sur le bouton, il y a donc la reconnaissance de l’émotion. Nous détectons donc nos émotions bien avant d’en avoir conscience. Ce sont des réactions automatiques, comme des réflexes60. D’un point de vue scientifique, on observe que nos émotions prennent forme au plus profond de notre cerveau. Sous les circonvolutions du cortex, dans le système limbique avant même qu’on ait conscience de ce qu’il se passe. Un sens (une image, goût, odeur, même un toucher) stimule cette partie du cerveau, l’information arrive d’abord au niveau du thalamus (c’est un peu comme une gare de triage). L’information est dirigée vers la zone spécialisée du cortex qui va la traiter, il y a une zone pour chaque sens. Parallèlement le thalamus envoie l’information vers une amygdale, une par hémisphère, qui fait office de gendarme, elle détecte les évènements nouveaux. Celle-ci se trouve dans l’hippocampe qui joue un rôle essentiel dans la mémoire. C’est à ce niveau qu’apparaissent les émotions. Ensuite les données sont dirigées vers l’hypothalamus, zone qui contrôle le système nerveux autonome, c’esta-dire le système qui commande les réflexes vitaux, les battements du cœur, la respiration, etc. L’hypothalamus va donc répercuter sur notre organisme les effets des émotions. Les émotions permettent de donner une valeur à nos souvenirs, par exemple, tout le monde se souvient de ce qu’il faisait le 11 septembre lors de l’attentat sur les tours jumelles de New-York. Nous mémorisons beaucoup plus facilement un évènement lié à une émotion forte. Les émotions permettent la communication avec l’autre, comprendre et détecter ses émotions afin de savoir comment y répondre61. 60 61

ibidem ibidem

35


4.

Conclusion

Suite à ces différentes théories sur les émotions nous allons tenter, en guise de conclusion de donner une définition concise des émotions. Ceci afin de permettre au lecteur d’avoir une idée claire de ce terme pour la suite de la lecture. Reprenons d’abord les définitions d’émotions primaires et secondaires selon Ekman Les émotions primaires Nous sommes tous munis de six émotions de base; la joie, la colère, le dégoût, la peur, la tristesse et enfin la surprise. Nous partageons ces émotions avec les animaux. Toutes ces émotions dites primaires sont innées, nous les exprimons toutes depuis la naissance (tous les bébés pleurent lorsqu’ils naissent). Nous les exprimons très souvent pour réagir face à une situation d’urgence. La peur par exemple, permet à l’homme depuis sa création à fuir face au danger. Pareil pour le dégoût, il nous permet de repousser tout ce qui est mauvais pour l’organisme. La colère peut elle aussi être vitale, c’est elle qui fournit à l’homme l’énergie nécessaire pour franchir un obstacle. Même chose pour la surprise, dans cette situation tous nos sens sont mis en éveil pour faire face à une situation inconnue. L’homme ne peut pas survivre s’il ne fait pas partie d’un groupe, la joie lui permet de mieux s’intégrer au groupe, même chose pour la tristesse, les larmes attirent l’attention du groupe afin que celui qui pleure soit réintégré au groupe62. Les émotions primaires sont un véritable langage du corps, on peut les retrouver sur tous les visages aux quatre coins du monde, elles sont universelles. Tout le monde est capable de sourire de joie ou pleurer de tristesse, mais l’expression de nos émotions dépend aussi beaucoup de notre culture. Par exemple au Japon, la colère et la tristesse sont complètement intériorisées, alors qu’elles s’expriment beaucoup plus sur les bords de la méditerranée63. 62 63

36

ibidem ibidem


Les émotions secondaires Au delà de nos six émotions de base, nous sommes capables d’avoir une multitude d’autres émotions, communément appelées les émotions secondaires ou les émotions mixtes telles que la honte, la fierté, la gratitude ou la timidité. Celles-ci sont issues de mélanges d’émotions primaires comme par exemple la tristesse mélangée à la surprise qui donne la déception ou encore la peur mélangée au dégoût qui donne la honte. Ces émotions secondaires seraient plus dépendantes de la culture que les émotions de base64. Nous retiendrons ensuite la théorie de Damasio qui exprime la différence entre sentiment et émotion: Les émotions et les sentiments sont présents quotidiennement et nous accompagnent lors de nos différentes actions sans que nous en soyons toujours conscients65. «Les sentiments sont l’étape suivante de l’émotion. Si nous avons juste une émotion, nous ne le sentirions peut être pas. Pour ressentir une émotion, nous devons la représenter dans le cerveau et comprendre ce qu’il se passe dans l’organisme lorsqu’on a une émotion. C’est le processus qui perçoit ce qu’il se passe lorsqu’on a une émotion. » nous dis Damasio. L’émotion est donc la première étape, avec son expression physique face à un évènement. L’émotion est de courte de durée, intense et se rapporte toujours à quelque chose, un objet, une personne, une situation. Le sentiment, lui, est comme la prolongation de l’émotion, il se situe au niveau de la pensée, c’est notre état. Il est donc plus long, moins intense et ne se rapporte pas forcément à quelque chose. Les composantes Nous avons observé que malgré les divergences d’opinion sur la séquence d’apparition de l’épisode émotionnel, toutes les théories se rejoignent pour dire qu’une émotion est un système de réponses, fait de plusieurs compo64 NUGIER, Armelle, op.cit. 65 http://egalite.epfl.ch/webdav/site/egalite/shared/sentiments_%C3%A9motions.pdf

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santes. En effet, aujourd’hui les théoriciens la qualifie de « phénomène multicomponentiel adaptatif »66 c’est-à-dire à plusieurs composantes, qui est déterminé par l’expression motrice comme le sourire, par la réaction du système nerveux périphérique tel que l’accélération cardiaque, par la tendance à l’action comme la fuite, par l’évaluation cognitive comme la pensée de trouver quelqu’un de beau; et enfin par le sentiment subjectif, c’est à dire ce que l’on ressent67. La fonction Les émotions agissent sur nous comme un système de radar, elles nous sont très utiles afin de comprendre notre interlocuteur ou une situation. De plus les émotions fonctionnent à la manière d’un moteur, elles nous permettent d’utiliser l’énergie nécessaire pour répondre à une situation. 68 Elles affectent notre perception du monde, simplifient la communication, permettent de nous exprimer, aident à l’apprentissage depuis notre plus jeune âge, influencent les interactions sociales,69nous protègent des menaces, et enfin nous poussent à profiter des opportunités.70 En conclusion, nous ne pourrions décider et survivre sans nos émotions.

66 67 68 69 70

38

NUGIER, Armelle, op.cit. ibidem Vidéo C’est pas sorcier -Joie, peur, tristesse, colère... QUE D’EMOTIONS ! LUMINET, Olivier, op.cit.p.29 « Comptes rendus. », Natures Sciences Sociétés 3/2005 (Vol. 13) , p. 335-349


5.

Analyse des émotions de base

Nous allons analyser 6 différentes émotions : - tristesse - joie - peur - surprise - plaisir - dégoût Selon 5 composantes: - l’expression motrice - la réaction du système nerveux périphérique - la tendance à l’action - l’évaluation de la personne ou de la situation qui déclenche l’émotion le ressenti ou le sentiment

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La joie

La tristesse

La peur

l’expression motrice

les joues se tendent vers le haut, les yeux se plissent en patte d’oie à leur extrémité extérieure (comme des petites rides autour des yeux), la bouche s’ouvre comme pour esquisser un sourire.

Le visage se détend, les sourcils se froncent avec une élévation des sourcils internes, abaissement des commissures de lèvres, abaissement des paupières, les yeux tournés vers le bas.

l’ouverture marquée des yeux, du nez, de la bouche. Les sourcils remontent sauf à leur extrémité intérieure qui, elle, s’abaisse. Les bras partent vers l’arrière, tout le corps se recule, devient blanc. (lorsqu’on a peur, ce sont le cerveau et les muscles qui ont besoin d’énergie et non la peau du visage)

Réaction du système nerveux périphérique

accélération cardiaque

modification cardiaque « avoir le coeur brisé »

se figer, avoir le souffle coupé (changement de fréquence cardiaque), avoir une boule au ventre (baisse d’activité dans les régions gastriques.)

Tendance à l’action

vouloir serrer les gens dans les bras, vouloir jouer, sauter, chanter

Pleurer, s’isoler, comportement d’orientation vers la source de peine.

Arrêt de l’activité en cours, comportement d’orientation vers la source menaçante, fuir, se cacher

Evaluation de la personne ou de la situation

Trouver une personne ou une situation drôle, paisible, heureuse

Trouver une situation qui nous touche, nous attriste.

Trouver quelque chose ou quelqu’un d’inattendu, d’effrayant

Ressenti ou sentiment

Etre heureux, joyeux, euphorique

Etre triste, désemparé, mélancolique.

Etre effrayé

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La Surprise

Le dégoût

La Colère

l’expression motrice

La bouche s’ouvre, les yeux s’écarquillent et les sourcils (extrémités intérieures et extérieures) remontent.

Les deux canaux qui encadrent verticalement le nez se creusent et remontent, la bouche peut s’entrouvrir( la partie supérieure remonte), contraction des paupières.

les sourcils se froncent, les narines se dilatent, la bouche se pince

Réaction du système nerveux périphérique

Avoir le souffle coupé (variation cardiaque), être bouche bée, se figer

Avoir le ventre retourné

tensions musculaires

Tendance à l’action

Orientation de l’attention sur l’objet, et attitude comportementale d’approche, de réduction de la distance par rapport à l’objet, et d’exploration de celui-ci

rejet

s’énerver, vouloir franchir l’obstacle

Evaluation de la personne ou de la situation

Trouver l’objet intriguant, hors du commun.

Trouver quelque chose d’écoeurant, de repoussant

trouver quelque chose de révoletant

Ressenti ou sentiment

Etre étonné, surpris.

Etre dégouté, répugné, écoeuré.

énervé

41


6.

Les émotions dans l’architecture

Nous allons dans cette sixième partie, reprendre les grands points abordés par les théories qui pourraient trouver leur place dans l’architecture. 1. Ce que nous ressentons subjectivement dépend de ce en quoi nous croyons et de nos connaissances personnelles. Les émotions nous renseignent sur les éléments auxquels nous apportons de l’importance. Les émotions en architecture sont en général de l’ordre de l’esthétique71 mais pas seulement, elle peuvent être d’ordre morale ou politique. En effet, chaque individu porte son propre bagage de connaissances et de croyances personnelles qui le mène à ressentir les choses à sa manière. Prenons par exemple, deux individus différents visitant un édifice sans rampes PMR. Le premier est sans difficultés motrices, l’autre est à mobilité réduite. Le premier n’ayant pas de problème pour déambuler, pourra porter son entière attention à l’édifice et être émerveillé par celui-ci tout en le parcourant. Le deuxième au contraire, ne pouvant pas circuler à sa guise, pourra ressentir de la colère ou de l’écoeurement envers cette architecture qui ne prend pas en compte les personnes à mobilité réduite. De plus, si nous considérons que les émotions dépendent de notre bagage personnel, les états psychologiques peuvent entrer en compte. Une personne souffrant de claustrophobie ou d’agoraphobie par exemple, pourra ressentir le malaise, l’angoisse ou la peur alors que son voisin ne souffrant pas de phobies, ne ressentira aucune de ses émotions. 2. Les émotions ont une mémoire, nous sommes préparés à avoir peur de certains stimuli qui étaient dangereux pour nos ancêtres. Peut-être pourrons nous mettre cette théorie en relation avec la lumière dans l’architecture, lorsqu’il n’y a pas beaucoup de lumière, nous ne nous sentons 71

42

GOERITZ, Mathias, Manifeste de l’architecture émotionnelle, 1954


pas à l’aise, nous n’aimons pas, car pour nos ancêtres le noir était une forme de danger, ils n’avaient aucun moyen de s’éclairer pour apercevoir une menace. 3. Un même évènement peut entrainer l’arrivée de différentes émotions chez différents individus ou parfois chez un même individu à différents moments. Par exemple, l’arrivée de la cité des arts et des sciences de Calatrava à Valence. Plusieurs émotions se sont dégagées à l’arrivée de cet édifice dans la troisième ville d’Espagne. Il y a d’abord le point de vue des habitants qui ont éprouvé de la colère à la vue du bâtiment et de son coût considérable pour la ville déjà en crise. Et le point de vue des touristes, émerveillés devant une telle prouesse architecturale et futuriste. Deux émotions très différentes à la limite de l’opposé, face à un même évènement chez différents individus. Concernant l’opinion de certains habitants, leurs émotions ont cependant changé avec le temps. En effet, à la vue de la montée touristique qui émanait de la construction, certains ont fini par en éprouver une certaine fierté. 4. Il est possible de modifier les réponses physiologiques face à un même film émotionnel selon le point de vue sur lequel on met l’accent. L’architecture a cette capacité de pouvoir guider les émotions en accentuant certains phénomènes auxquels l’humain est sensible. Pour cela l’architecture fait généralement appel aux sens. Prenons l’exemple de Peter Zumthor qui part du concept afin de guider et contrôler la perception du visiteur72. En effet, dans son architecture le suisse fait appel à tous les sens, l’ouïe, l’odorat, le toucher, la vue, et même le goût afin de faire découvrir une expérience émotionnelle. De plus, un exemple probant, que nous analyserons en détail plus tard, est celui du musée juif à Berlin de Libeskind. L’architecte a pour but de faire res72

HARFI, Kamélia, Architecture et émotion, (thèse de fin d’étude, 2014) p.99

43


sentir l’horreur de la Shoa et le vide qui en a résulté en Allemagne. 5. Les émotions conduisent à une tendance à l’action Dans l’architecture, l’action qui résulte de l’émotion est une des composantes les plus importantes. En effet, c’est celle-ci qui qualifiera l’architecture. On s’encoure de l’endroit car on ressent un malaise, nous le parcourons de tout son long car nous sommes surpris, émerveillés, nous y restons car on s’y sent bien, nous y retournons car l’émotion nous en a fait garder un bon souvenir ou au contraire n’y retournons pas car nous n’avons pas aimé. 6. Les émotions fixent les souvenirs Cet aspect est également très intéressant et important à tenir en compte pour l’architecture car c’est de cette manière qu’on retiendra le bâtiment. Plus l’émotion est forte, plus on s’en souvient. Qu’elle soit positive ou négative c’est l’intensité qui nous fixera le souvenir. Sa nature, guidera nos actions futures; y retourner ou pas, le conseiller ou pas,… 7. Les émotions sont courtes L’émotion est donc une notion de temps, de présent. Certaines architectures sont considérées d’ « architecture émotionnelle » car elles privilégient le moment présent, par exemple les pavillons de thé au japon ou toute la scénographie et l’architecture sont tournées autour de ce rituel.73 8. Les émotions sont toujours rattachées à un objet L’architecture pouvant être considérée comme objet, des émotions peuvent donc y être rattachées. Nous avons donc un sujet percevant et une architecture perçue74.

73 74

44

ibidem POLLA, Barbara, ARDENNE, Pierre, Architecture émotionnelle, Lormont, La muette, 2010,p18


La lumière Maintenant que nous comprenons bien les émotions, nous allons voir les aspects de la lumière afin de pouvoir analyser par après son influence sur les émotions dans les trois bâtiments.

1.

Définition

Le Larousse décrit la lumière comme suit : - « Rayonnement électromagnétique dont la longueur d’onde, comprise

entre 400 et 780 nm, correspond à la zone de sensibilité de l’œil humain, entre l’ultraviolet et l’infrarouge. »75 - « Clarté émise par le soleil, qui éclaire les objets et les rend visibles : Laisser

pénétrer la lumière dans la pièce. »76 Nous apprenons depuis notre tendre enfance que la lumière est la source de la vie sur terre. Sa nécessité vitale est une évidence de même que son influence sur la plupart des aspects de la vie. La lumière permet de dévoiler notre environnement mais également de le modéliser, nous permettant de composer avec le monde physique. L’homme a tant bien que mal tenté d’inventer toutes sortes de lumières artificielles en complément de la lumière naturelle, mais aucune ne peut remplacer notre besoin d’exposition à la lumière naturelle.77

75 http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/lumi%C3%A8re/48043 76 ibidem 77 PLUMMER, Henry, Architectes de la lumière, Hazan, 2009, p.6

45


2.

Répercussions psychologiques

L’homme étant dépendant de la lumière afin de percevoir le monde qui l’entoure, il en est ainsi psychologiquement affecté.

Lumière et temps Depuis toujours, l’homme perçoit l’écoulement du temps grâce à la lumière solaire. En effet, l’alternance des périodes diurnes et nocturnes permet de délimiter les périodes de veille et de repos. Ensuite, à plus grande échelle, la perception du temps se réalise grâce au cycle des saisons. Durant ces cycles, la lumière solaire change d’intensité, d’orientation et de qualité78. Dès lors, être coupé de soleil et donc de lumière naturelle, c’est être hors du temps. L’expérience du gouffre berger en 1968 durant laquelle une personne a vécu plusieurs semaines sans lumière naturelle, juste avec de l’éclairage artificiel a démontré que sans les cycles de la lumière solaire, nous ne pouvons ressentir le passage du temps79.

Lumière et santé Comme dit précédemment, l’homme est biologiquement réglé pour vivre le jour et dormir la nuit. La lumière naturelle à comme rôle de rythmer notre « horloge biologique » via l’hypothalamus et de réguler nos cycles de sommeil, d’appétit, de température du corps, de libido et même notre humeur. En effet, la lumière solaire nous met de bonne humeur, elle sollicite la joie et le dynamisme80. La lumière est en lien direct avec la sécrétion de l’hormone du sommeil ap78 79 80

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GOUJET, Marine, lumières d’architectes, lumière de cinéastes, ENS louis lumière,( mémoire de fin d’étude, 2007) ibidem SAVIC, Sanja, Lumière et espace, (Master création et technologie contemporaines, ENSCI)


pelée la mélatonine. Plus la lumière diminue, plus le taux de mélatonine augmente, le corps se met donc au repos. A l’inverse, plus la lumière naturelle est intense, plus le taux est faible, le corps se réveille et s’énergise81. Dans les années 80, des chercheurs des National Institute of Health (NIH) ont observé que le manque de lumière provoquait des troubles de l’humeur pendant l’hiver, de baisse de moral et de dépression saisonnière82. D’autres chercheurs se sont alors penchés sur la question des effets de la lumière sur l’homme en observant si les couleurs avaient une influence. Il en ressort que le bleu aurait une efficacité supérieure. En effet, selon eux, la lumière bleue serait en grande partie responsable de la régulation de notre horloge biologique. Par exemple, des niveaux très faibles de lumière bleue induise une réaction équivalente ou supérieure à des niveaux élevés de lumière blanche83.

Lumière et sensations Certaines études sur la vision humaine ont montré que ce sont les zones les plus lumineuses qui attirent l’oeil en premier. Ce dernier balaye une image en allant des zones les plus claires vers les plus sombres. Cette simple observation permet de montrer notre fascination pour le soleil84. Henri Alekan, directeur de photographie pour le cinema, nous dit dans son ouvrage «des lumières et des ombres» que l’homme est sensible à la dichotomie lumière/obscurité dû à sa relation de dépendance au soleil qui est la source de vie, de chaleur, de visibilité et par conséquent de bien-être et de sécurité85. Ainsi, la répercussion de la lumière solaire n’est pas uniquement visuelle mais également émotionnelle. En effet, comme nous l’avons vu précédemment, les émotions ont une mémoire. En été, la lumière est intense, 81 ibidem 82 http://www.psioplanet.com/download/lumino/BlueLightWhitePaper-FR.pdf 83 ibidem 84 GOUJET, Marine, op.cit. p.9 85 ibidem

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les gens sont de bonne humeur, dynamiques. En hiver, la lumière est faible, et cette faiblesse augmente le taux de mélatonine nous rendant ainsi plus ‘mous’. Nos émotions associent ces états à la lumière. Des phénomènes physiques tels que l’ensoleillement, l’obscurité ont donc des correspondances psychiques telles que la tristesse, la gêne, la joie, la peur86. 86

ibidem

Fig. 3. Basilique Sainte Sophie, ©http://blogs.paris.fr/moisdelaphoto/page/46/

Fig. 4. Le Corbusier, Chapelle de Ronchamp, 1950-1955 © http://www.lankaart.org

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Lumière et divinité Depuis des siècles, les hommes confèrent à la lumière solaire une charge symbolique de manifestation divine. En effet, en construisant des toits pour se protéger des éléments naturels tels que la pluie ou le vent, l’homme perd de vue le ciel mais ne cesse de trouver des moyens pour retrouver cette lumière divine à travers l’architecture87. Tout commence en Mésopotamie, avec la construction de ‘voûtes célestes ‘ ainsi que des dômes. A cette époque, l’homme y incorpore des fresques de ciel et de paradis. De plus, il fait souvent coïncider dans ses constructions la forme du soleil à la structure qui la supporte. S’en suit de nombreux édifices byzantins avec des coupoles représentant le ciel. Nous pouvons l’observer, par exemple, dans le dôme de la basilique Sainte Sophie à Istanbul, encerclé de fenêtres latérales qui permettent d’éclairer la fresque du soleil à la base de la coupole88. Durant la période gothique, les architectes ouvrent les cathédrales de manière majestueuse afin de laisser entrer la lumière divine au sein du bâtiment. La religion ne cesse d’assimiler la lumière à la croyance. Si nous avançons un peu dans le temps, nous pouvons voir que les architectes continuent à donner de la symbolique à la lumière dans les édifices religieux. Dans la chapelle Ronchamp de Le Corbusier par exemple, la lumière pénètre l’espace depuis de multiples directions et à travers des alvéoles colorées de dimensions et de profondeurs irrégulières, offrant à l’édifice des qualités poétiques et spirituelles se faisant une des icônes de l’architecture moderne. Nous pouvons regarder également la chapelle de la lumière à Osaka d’un architecte plus contemporain, Tadao Ando. Il utilise la lumière comme pièce maîtresse et la charge symboliquement. En effet, la chapelle est un cube de béton avec pour unique éclairage une ouverture cruciforme derrière l’autel. Cette dernière laisse entrer la lumière au sein de la chapelle à une heure précise et dessine une croix de lumière sur le mur opposé. La simplicité de l’espace est contrastée uniquement 87 88

GOUJET, Marine, op.cit. ibidem

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Fig. 5, Tadao Ando, la chapelle de la lumière, 1989 © http://www.egodesign. ca/fr/article.php?article_id=356

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par l’intense luminosité de cette croix.89 Pour ces deux derniers architectes, la lumière naturelle intérieure est l’essence même du bâtiment, l’élément central du concept. L’action directe de la lumière solaire nous permet de percevoir l’image extérieure d’un bâtiment. L’architecte ne peut éviter les changements climatiques, les saisons, la rotation du soleil. La perception des façades de son édifice sera donc continuellement changeante. L’addition des différentes perceptions, des différentes images qu’offrira le bâtiment selon ces changements donnera la vision globale, objective de l’édifice. Par contre, l’éclairage intérieur n’est plus influencé par la nature mais bien par la forme du bâtiment, la position des ouvertures et la scénographie. L’architecte est libre de mettre en place des procédés soigneusement choisis afin de mettre l’espace en lumière et offrir des ambiances lumineuses. Nous allons voir dans les deux prochains chapitres d’une part, la stratégie architecturale qui permet de capter, transmettre et distribuer cette lumière et d’autre part différentes ambiances lumineuses.

89

SAVIC, Sanja, op.cit. p.13

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Fig. 6, Claude Monet, la cathédrale de Rouen, de 1892 à 1894, © http://www.ac-orleans-tours.fr

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2.

La stratégie architecturale

« Pour l’architecture, la lumière est de façon évidente un facteur externe que l’artiste ne peut modifier. Mais s’il ne peut agir sur sa source, il peut agir sur l’écran : c’est-à-dire qu’il peut étudier le contour et l’arrangement des formes dans l’objectif d’un effet lumineux spécifique.» Giulio Carlo Argan 90

Capter Capter la lumière du jour c’est la récolter afin d’éclairer naturellement un bâtiment91. La lumière naturelle n’est jamais fixe ni égale dans son intensité et sa qualité. Elle dépend de sa localisation (la latitude et l’altitude du site en question) ainsi que de la pollution de l’air à cet endroit92. La fonction capter se rapporte donc plus à l’environnement du bâtiment et comment s’y implanter. Pour un bâtiment donné, la quantité de lumière naturelle disponible dépend:

Du type de ciel La lumière naturelle révèle les fluctuations de l’état du ciel. Elle est composée de la lumière directe du soleil et de la lumière diffuse du ciel. Il est important de tenir compte de cette différence pour accroitre la luminosité intérieure d’un bâtiment93. Il ne faut pas négliger le fait que les climats méditerranéens ont des conditions de soleil direct beaucoup plus fréquentes (70% du temps) que les climats plus nordiques (30% du temps)94.

Du moment de l’année

« La lumière du soleil change de qualité avec l’écoulement du temps. Elle 90 91 92 93 94

historien et critique d’art, Elìas TORRES TUR dans Zenithal Light, COAC, Barcelona, 2005, p.96 DE HERDE, André, Reiter, Sigrid, l’éclairage naturel des bâtiment, architecture et climat, 2001, p.62 ibidem ibid. p.63 ibidem

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peut doucement imprégner l’espace à un moment et le transpercer telle une lame l’instant d’après. Certaines fois, on pourrait presque tendre la main et la toucher. Elle active l’espace, nous rend conscient des saisons et nous enseigne une plus grande sensibilité. » Tadao Ando95

De l’heure Le soleil, change de position et d’intensité selon l’heure de la journée.

De l’orientation de l’ouverture L’organisation spatiale d’un édifice supposerait être toujours pensée en fonction du moment d’occupation des locaux, de l’activité qui s’y déroule et de la course du soleil96. Dans nos pays nordiques, il est bien entendu préférable de placer des fenêtres de manière à ce que la lumière puisse pénétrer l’espace lorsque celui-ci est le plus occupé. Suivant cette logique, les locaux occupés le matin devraient être orientés à l’est, ceux occupés pendant la journée, au sud et ceux où l’on se tient en soirée à l’ouest. Pour la lumière du nord, mieux vaut y installer des pièces de travail qui nécessitent une lumière constante97. 95 96 97

ibid. p.65 ibid. p.67 ibidem

Fig. 7 Dimensionnements et formes d’ouvertures

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De l’environnement physique de l’édifice: bâtiments voisins, type de sol, végétation,… La lumière disponible dépend de l’environnement direct du bâtiment: les constructions voisines, le relief du terrain, le coefficient de réflexion du sol, la végétation,…. Travailler l’architecture d’un édifice sans étudier son environnement est impensable. Un gratte ciel, un arbre, un canal, peuvent entièrement changer la lumière d’un lieu98. Nous avons donc vu les caractéristiques qui font varier l’intensité et la qualité lumineuse, celles dont il faut tenir compte pour éclairer au mieux son bâtiment.

Transmettre Le principe de transmission de la lumière naturelle tend entre autres à favoriser sa pénétration à l’intérieur d’un espace99. La fonction de transmission se réalise donc grâce à la peau du bâtiment. Cette pénétration de lumière peut être influencée par:

Les caractéristiques de la l’ouverture Les dimensions et la forme de l’ouverture: Les 8 configurations de fenêtres ci contre sont classées selon leur capacité à transmettre la lumière naturelle à l’intérieur d’un espace. La première image correspond à la meilleure transmission de lumière naturelle. Plus on s’éloigne de cette image, moins la transmission est bonne100. La position de l’ouverture: La position de l’ouverture dans la façade offre une grande influence sur l’in98 99 100

ibid. p.72 ibid. p.78 ibid. p.79

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flitration de la lumière dans un espace. Plus la fenêtre est élevée, mieux le fond du local est éclairé et plus la zone éclairée naturellement est profonde101. L’inclinaison de l’ouverture: Plus une ouverture est perpendiculaire aux rayons du soleil, plus elle captera de rayonnement solaire direct. Mais, lorsque le ciel est couvert, les performances de la fenêtre sont avant tout liées à la proportion de ciel visible depuis l’ouverture. De ce fait, une fenêtre zénithale horizontale amortit une partie de ciel plus importante qu’une ouverture verticale et amène ainsi une plus grande part de lumière naturelle diffuse dans la pièce. De la même manière, une ouverture oblique orientée vers le ciel apporte un flux lumineux diffus plus important qu’une fenêtre verticale102. Le matériau de transmission: La qualité et la quantité de lumière naturelle émise à l’intérieur d’un espace 101 102

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ibid. p.83 ibid. p.70


varie en fonction du type de vitrage (simple, double, absorbant, réfléchissant,…), de sa rugosité, de son épaisseur, de son état de propreté et du nombre de couches de verre utilisées103.

La répartition des ouvertures La lumière qui accède à l’espace peut être unilatérale ou zénithale104. L’éclairage unilatérale est limité en profondeur mais est directionnel ce qui favorise la perception du relief. Il engendre de forts contrastes dans l’espace et peut provoquer l’éblouissement105. L’éclairage zénithal permet une distribution de la lumière uniforme et un niveau d’éclairement identique dans l’espace. Cependant, il ne permet pas une bonne perception du relief106.

D’autres zones de transmission lumineuse Les puits de lumière: Ils sont utilisés pour transporter et distribuer la lumière naturelle, par réflexion sur leurs parois réfléchissantes, vers des espaces sombres car éloignés des ouvertures traditionnelles107. Les serres: Elles sont une extension d’un édifice par la construction d’un espace vitré, récepteur privilégié de la lumière naturelle108.

103 104 105 106 107 108

ibid. p.86 ibid. p.96 ibidem ibidem ibid. p.99 ibid. p.100

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Les atria: Un atrium est une cour intérieure couverte par une verrière. C’est une percée réalisée sur toute la hauteur d’un bâtiment qui accroit les possibilités de pénétration de la lumière naturelle au sein de tout l’édifice109. 109

ibid. p.101

Le type de transmission lumineuse La lumière naturelle peut pénétrer de manière directe ou indirecte dans un espace. L’éclairage naturel direct Il permet un flux lumineux plus important qu’un éclairage indirect de la même taille. Ainsi qu’un contact visuel direct avec l’environnement extérieur. Cependant, il a pour inconvénient le risque d’éblouissements et une répartition irrégulière de la lumière110. L’éclairage naturel indirect Il utilise les réflexions des rayons lumineux sur une surface afin d’obtenir une distribution lumineuse adéquate. Ce mode d’éclairage permet une bonne répartition de la lumière ainsi qu’une protection contre l’éblouissement111.

110 111

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ibid. p.95 ibidem


Distribuer Distribuer la lumière naturelle c’est diriger et transporter les rayons lumineux de façon à créer une bonne répartition de la lumière naturelle à l’intérieur du bâtiment112. Une bonne répartition de la lumière naturelle dans un édifice peut être favorisée par:

Les dimensions du local Plus une pièce est large, plus le niveau d’éclairement est élevé, à condition que le rapport de la surface vitrée sur la surface au sol soit constant113. Au delà une certaine profondeur, les niveaux d’éclairements baissent au fond de la pièce. Il est donc préférable d’avoir une pièce peu profonde afin d’éclairer toute la surface. De plus, pour des locaux de dimensions différentes, plus leurs parois seront foncées, plus l’écart entre les niveaux d’éclairement des pièces est grand114. La hauteur sous plafond induit de très faibles différences dans la répartition lumineuse pour une même fenêtre. Cependant, le niveau d’éclairement est un tout petit peu plus élevé dans une pièce avec un plafond bas115.

L’aménagement intérieur du local L’éclairage naturel est directement influencé par la nature et la couleur des surfaces intérieures (parois et mobilier). C’est pourquoi, l’utilisation de couleurs claires pour les murs améliore la distribution de la lumière116. Les coefficients de réflexion des murs, du plancher et du mobilier situés à proximité de l’ouverture, jouent un rôle principal dans le jeu des réflexions intérieures. Les réflexions sur le plafond et sur les parois plus éloignées de 112 113 114 115 116

ibid. p.94 ibid. p.90 ibidem ibidem ibid. p.91

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l’ouverture sont moindre mais peuvent également améliorer la distribution lumineuse117.

L’agencement des parois intérieures L’agencement des cloisons et des ouvertures entre les pièces est un autre paramètre de la distribution lumineuse dans un espace. La géométrie et la taille du local influencent la luminance due aux réflexions intérieures. Utiliser par exemple, des cloisons transparentes ou translucides aide la lumière à se répandre dans deux pièces séparées par la cloison vitrée118.

Le matériau des surfaces du local La nature et la couleur des parois influencent fortement la distribution de la lumière. Des parois plus claires offrent une répartition de la lumière plus homogène que des parois sombres. En outre, elles offrent un confort visuel car la différence entre la luminance des parois et la clarté extérieure est moindre119. La propriété de réflexion spéculaire de certains matériaux est particulièrement intéressante dans la mesure où elle aide fortement à rediriger la lumière et à la transporter aux endroits où l’on en a le plus besoin120.

117 118 119 120

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ibid. p.92 ibid. p.97 ibid. p.98 ibidem


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Fig. 10. La lumière souligne la forme ©http://ffffound.com/home/m9dfukc/found/

Fig. 11. La lumière dématérialise la forme. Le Corbusier, Chapelle de Romchamp, 1950-1955 © http://arpc167.epfl.ch/alice/WP_2011_S3/kawamura/page/3

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3.

Les ambiances lumineuses

Dans cette partie, nous allons observer différentes façons qu’ont les architectes d’amener la lumière naturelle dans le bâtiment.

Lumière et forme Toutes les formes de bâtiment expriment une attitude envers la lumière. Les formes que l’on voit dans un édifice, et la façon dont on les perçoit, sont dues à la manière dont la lumière est admise par la forme121. La lumière souligne la forme Il semble assez évident que la lumière souligne ou accentue la forme. Mais en réalité ce n’est pas toujours le cas. Prenons l’exemple d’une écriture en relief sur une façade; elle peut être visible au soleil grâce aux ombres projetées, en revanche elle perd son impact lorsque le ciel est nuageux122. La lumière dématérialise la forme La lumière semble dématérialiser les formes lorsque celles-ci sont juxtaposées. Le résultat arrive à des formes qui paraissent créées par et pour la lumière plutôt que par la matière ou pour la structure123.

121 122 123

ibid. p.154 ibid. p.155 ibid. p.156

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Fig. 12. La lumière révèle la structure. E. Fay Jones, Thorncrown Chapel, 1921 © https://openhousebcn.wordpress.com

Fig. 13. La lumière dissimule la structure. Le Corbusier, Chapelle de Romchamp, 1950-1955 © https://www.flickr.com

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Lumière et structure La structure influence de façon déterminante le caractère d’une ambiance lumineuse. Lors du choix de la structure, l’architecte décide en même temps de la lumière qu’il offrira à son édifice124. La lumière révèle la structure Une des relations les plus évidentes entre la lumière et la structure est celle d’une corrélation entre les parois non structurelles et les ouvertures à la lumière125. La structure définit alors les ouvertures: la lumière pénètre entre les éléments de la structure. La lumière peut également souligner la structure lorsqu’elle accentue un aspect constructif. 126 La lumière dissimule la structure Il semble difficile à croire que la lumière pourrait dissimuler la structure, alors que la lumière éclaire ce qui existe et la structure d’un bâtiment est forcément toujours présente. Toutefois, il arrive que celle-ci brouille la perception de la vision. Effectivement, parfois, les motifs et les rythmes qu’elle induit sont en contradiction avec ceux de la structure127.

124 125 126 127

ibid. p.157 ibidem ibidem ibid. p.158

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Fig. 14. La lumière accentue le matériau. Zumthor, les thermes de Vals, 1993-1996 © http://www.presidentsmedals.com/Entry-11800

Fig. 15, La lumière connecte l’intérieur et l’extérieur. Sanaa, Le Rolex learning Center © http://johannwatzke.ch/Ski-Learning

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Lumière et matière Lumière et matière sont mutuellement dépendantes. Les matériaux sont la clé pour comprendre la lumière en architecture car ils influencent directement la quantité et la qualité de la lumière. Le choix des matières est très important au point du vue émotionnel. L’échange entre matière et lumière est dominant. Un scintillement d’or, un éclat de verre, la profondeur d’un bois, tous émettent leur propre message, lié à un cadre culturel ou à une expérience personnelle128. La lumière accentue le matériau Un travail de la lumière peut permettre d’attirer l’attention sur un matériau. Pourvu qu’une des caractéristiques typique de l’interaction entre la lumière et un type de matériau soit mis en évidence. Alors, la réflexion de son environnement sur une surface résulte de sa caractéristique spéculaire129.

Lumière et frontières La lumière définit la différence entre l’intérieur et l’extérieur. Nous attendons de l’intérieur qu’il nous protège des conditions extérieures et qu’il nous fournisse une expérience différente de l’extérieur. Nous attendons qu’il crée une forme distincte et un environnement qui favorise les activités prévues à cet endroit130. La lumière connecte l’intérieur et l’extérieur La lumière peut être utilisée afin de supprimer la barrière entre intérieur et extérieur, en utilisant une grande paroi entièrement vitrée par exemple131.

128 129 130 131

ibid. p.159 ibid. p.160 ibid. p.146 ibid. p.147

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Fig. 15, La lumière sépare l’intérieur et l’extérieur. Yann Roinel, la maison emmeraude © http://www.architectes-paris.com

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Fig. 16, La lumière unifie l’espace. Richard Meier, le musée d’art contemporain © http://nicolasbarcelona.canalblog.com

Fig. 17, La lumière divise l’espace. Richard Meier, le musée d’art contemporain © http://locusiste.org


La lumière sépare l’intérieur et l’extérieur Il semble évident que la séparation de l’intérieur et l’extérieur la nuit est la lumière. Paradoxalement, la lumière du jour peut également créer une séparation métaphorique entre un espace intérieur et son environnement. Prenons par exemple une fenêtre qui encadre un paysage à la manière d’un tableau; l’environnement apparait alors éloigné. Un doublement de façade marque également la transition entre intérieur et extérieur. De même pour tous les éléments mis en place afin de gérer la lumière tels que le brise soleil, un vitrage translucide132,…

Lumière et espace La lumière contribue à la définition de l’espace. En effet, elle peut permettre toutes sortes d’arrangements spatiaux selon sa dilatation, son intensité, etc133 La lumière unifie l’espace Le jeu simultané des formes et de la lumière renvoie au caractère d’un espace. Prenons l’exemple d’une pièce qui apparait d’une extrême simplicité. C’est que l’espace a été étudié et modelé dans la lumière afin d’obtenir cet effet. Par exemple de grands murs blancs afin de refléter la lumière uniformément. Une lumière homogène qui unifie l’espace134. La lumière divise l’espace Un jeu subtil sur les variations d’intensités lumineuses offre une perception différenciée des lieux et des objets. Ainsi, il est possible d’exploiter la lumière pour structurer l’espace et mettre en place des gradations135.

132 133 134 135

ibid. p.148 ibid. p.150 ibid. p.151 ibidem

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Fig. 18, La lumière connecte les pieces. Sanaa, le pavillon de verre © http://www.shifta.fr

Fig. 19, La lumière rythme l’espace. © http://art-tech.over-blog.com

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Fig. 20, La lumière sépare les pieces. Sverre Fehn, centre ivar Aassen © http://art-tech.over-blog.com


La lumière rythme l’espace Un jeu sur la variation entre ombre et lumière offre une sorte de rythme dans l’espace afin de le structure ou de le dynamiser. La lumière connecte les pièces Des pièces de bureaux peuvent être séparées les unes des autres physiquement, thermiquement, accoustiquement, mais toujours être reliées par la lumière à l’aide de partitions vitrées136. La lumière sépare les pièces La différence de qualité ou de quantité de lumière naturelle dans des pièces adjacentes peut, dans certains cas, les séparer137. 136 137

ibid. p.149 ibid. p.150

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Fig. 21, La lumière crée un lieu focal. © http://art-tech.over-blog.com

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Fig. 23, La lumière influence du mouvement. © http://art-tech. over-blog.com

Fig. 22, La lumière développe une hiérarchie. Chapelle de la résurection © https://fr.wikipedia.org

Fig. 24, La lumière influence du mouvement. © http://art-tech. over-blog.com


Lumière qui dirige En tant qu’humain, nous sommes phototropiques, c’est à dire que nous répondons à la lumière. Le point le plus lumineux dans une scène attire généralement notre attention en premier lieu138. La lumière crée un lieu focal A l’échelle urbaine, de nombreux bâtiments lorsqu’ils sont éclairés constituent les points d’attraction des villes; la tour Eiffel, le pont de Brooklyn, piazza Navona139,… De la même manière, les différences de formes, de matériau, de couleur, etc. entre une façade et son voisinage, attire l’oeil sur celle-ci lorsqu’elle est éclairée par le soleil140. La lumière développe une hiérarchie L’architecte peut utiliser la lumière pour créer une hiérarchie de l’espace. Il peut dessiner chaque partie du bâtiment avec sa lumière propre, qui la distingue et la positionne par rapport à l’ensemble141. La lumière influence du mouvement Nous avons tendance à suivre la lumière. Par conséquent, un point lumineux marqué accentue une direction et incite au mouvement.

138 139 140 141

ibid. p.152 ibid. p.153 ibidem ibid. p.154

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Fig. 25, Les surfaces colorées. Fernando Botero, Park Library, © http://www.archdaily.com

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Fig. 26, La lumière colorée par transmission. Stained Glass Door Made Of Pantone Swatches © http://www.archdaily.com


Lumière et couleur La relation entre la lumière et la couleur est fondamentale. La couleur est liée à trois réalités: la nature de l’objet, la lumière qui l’éclaire et l’oeil qui en perçoit le message. « La couleur amplifie ou réduit un espace, ajoute une touche de magie que requiert tout site » Barragan. Les couleurs nous affectent au plan émotionnel de façon indiscutable. A travers les âges, l’homme a trouvé des significations affectives et symboliques aux couleurs; elles varient selon la culture et l’époque142. Les surfaces colorées Nous avons vu que la couleur est inconcevable sans la lumière pour l’éclairer mais les jeux d’ombres et de lumière s’aperçoivent également différemment selon la couleur de la surface éclairée. Les ombres se dessinent plus nettement sur un écran blanc mat alors qu’une ombre grise se profile confusément sur un solide gris143. La lumière colorée par réflexion L’environnement extérieur influence énormément les caractéristiques de la lumière naturelle qui entre dans un édifice. Prenons l’exemple d’une construction entourée de pelouses, surface de réflexion verte, il y aura alors une lumière légèrement verte qui pénétrera à l’intérieur du bâtiment. Notre oeil s’y adapte mais les rapports mutuels des couleurs en sont influencés144. La lumière colorée par transmission La lumière naturelle peut prendre une coloration lorsqu’elle passe par un matériau transparent ou translucide coloré. Une propriété utilisée par le travail du vitrail145. 142 143 144 145

ibid. p.162 ibidem ibid. p.164 ibid. p.165

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Fig. 27, La lumière scénographique. Gaudi, La Sagrada Familia © http://www.barcelonapoint.com

Fig. 28, La lumière contemplative. Louis Kahn, kimbell art museum © http://www.wsj.com

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La signification de la lumière La lumière peut être porteuse de sens. La lumière scénographique Elle pose le décors architectural, elle établit une mise en scène. Elle permet d’attirer l’attention sur certains points et en laisser d’autres dans l’ombre. Elle peut créer des illusions, des jeux d’optique146. La lumière contemplative Elle favorise la concentration et l’intériorisation. La lumière contemplative est souvent délicate et apaisante afin de nous extraire de l’espace et du temps familier147. La lumière symbolique La lumière symbolique représente généralement une idée connue telle que la vie, la mort ou l’infini148. Toutes ces ambiances lumineuses nous permettent de qualifier la lumière afin de voir si elle peut, dans l’analyse de nos trois bâtiments être associée avec une émotion. Lumière diffuse, tactile, spatiale, unifiante, traversante, dynamique, colorée,…. Nous avons vu maintenant les différents procédés lumineux mis en place par les architectes afin de créer des ambiances lumineuses. Mais ces ambiances influencent-elles des émotions?

146 147 148

ibid. p.169 ibidem ibid. p.170-171

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Analyse de l’influence de la lumière sur les émotions 79


Fig. 29, Sanaa, New Museum of Contemporary Art , 2008 © http://www.tillotsondesign.com

Fig. 30, Sanaa, Musée du louvre Lens, 2012 © http://www.archi-europe.com

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Le Rolex Learning Center (RLC), Sanaa Afin de pouvoir vérifier notre hypothèse selon laquelle un architecte est capable d’influencer les émotions des visiteurs de son bâtiment et cela en jouant avec la lumière, nous avons analysé trois bâtiments. Nous avons d’une part, porté notre attention sur les désirs des architectes et d’autre part crée un questionnaire nous permettant de récolter les émotions ressenties par les visiteurs. Nous allons commencer par Le Rolex Learning Center, et continuer avec le musée juif de Berlin suivi des Thermes de Vals.

1.

Sanaa

Commençons par faire un court aperçu de la « philosophie » du bureau Japonais afin de mieux comprendre leurs ambitions et leur traduction architecturale dans le Rolex Learning Center. Si nous regardons l’ensemble de leurs projets, il apparait que l’agence à un style très épuré et très précis. «une architecture à la fois délicate et puissante, précise et fluide, (…) où

chaque projet interagit avec son contexte et les activités qu’il contient et ce, en révélant une forme de plénitude.» reconnaît Lord Palumbo président du jury du Prix Pritzker qu’ils remportent en 2010149. « Ils ont un style qui se reconnait immédiatement qui se distingue par des

surfaces minimalistes, une géométrie plane, un squelette structurel mince, une utilisation subtile de la peau de verre, légèreté, luminosité et une attention particulière à son environnement naturel.»150 nous renseigne William Curtis dans ‘The architectural review’. Les deux architectes fondateurs; Kazuyo Sejima et Ryue Nishizawa expliquent que leur vision de l’architecture est empreinte de leur culture japonaise et in149 http://www.lecourrierdelarchitecte.com/article_141 150 http://www.architectural-review.com/view/ellis-island-new-york-usa-masters-of-simplicity-sanaa-win-the-pritzkerprize/8600493.article

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Fig. 31, Sanaa, RLC vue de l’extérieur 2012 © Christian Richters, < http://www.szs.ch >

Fig. 32, Sanaa, RLC, photo personnelle

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fluencée par les besoins de leur ville natale: Tokyo. Cette ville subit un climat très humide et chaud, ce qui fait que les gens aiment pouvoir ouvrir leur porte et laisser l’air entrer. L’architecture à Tokyo est donc très légère, les japonais aiment avoir une relation intérieur/extérieur très équilibrée151. Ces éléments se traduisent fréquemment dans leurs constructions par une architecture ouverte vers l’extérieur via la transparence, la réflexion ou l’ouverture directe sur l’extérieur afin d’avoir une transition douce avec l’environnement. Le fait de ne pas savoir où le paysage s’arrête et où le bâtiment commence est une de leurs intentions presque constante152. Ici on le voit dans le Rolex car le bâtiment est ceinturé d’une grande paroi en verre qui s’ouvre directement vers l’extérieur, et par les jeux de transparences et réflexions des patios ainsi que l’aménagement intérieur. Au Japon, dans les maisons traditionnelles, tous les éléments sont liés de manière naturelle, quand on ouvre la porte coulissante qui donne sur le jardin, cette porte est toujours recouverte par un toit qui crée un lien avec le jardin153. Les deux architectes ont grandi avec cette vision de continuité naturelle entre les éléments selon eux contraire à la vision occidentale qui «coupe d’abord

l’espace pour bien le définir, on sépare pour éviter les ambiguïtés». Kazuyo Sejima.154 Cette caractéristique est flagrante dans le Rolex où aucune paroi, aucun obstacle ne coupe la continuité visuelle. De plus, la ville de Tokyo souffre énormément de séismes, de telle manière qu’il s’est créé une méfiance japonaise envers les fondations. La ville évite l’ancrage au sol et préfère l’évanescence par des structures légères155. Dans la bibliothèque cette évanescence est très reconnaissable par son autonomie vis-à-vis du sol. 151 EL CROQUIS, S.L, Sanaa (Sejima + Nishizawa), 2008-2011 152 http://www.lemoniteur.fr/article/sanaa-une-architecture-simple-mais-pas-severe-23496313 153 EL CROQUIS, op.cit 154 video ARTE: http://rolexlearningcenter.epfl.ch/cms/lang/fr/pid/117799 155 http://www.lecourrierdelarchitecte.com/article_141

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Fig. 33, Sanaa, RLC, plan, Š http://sixosixh.com/?p=3023

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Et enfin, on ne peut nier apercevoir une once d’influence moderniste dans l’architecture contemporaine Japonaise. En effet, chez Sanaa, le plan domino de Le Corbusier est assez reconnaissable à travers son squelette structurel pour un plan libre. L’influence de Mies van der Rohe avec ses cadrages et ses transparences se ressent également dans les constructions du bureau japonais. Ainsi que la révision des courbes biomorphiques d’Oscar Niemeyer156. 156 http://www.architectural-review.com/view/ellis-island-new-york-usa-masters-of-simplicity-sanaa-win-the-pritzkerprize/8600493.article

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Fig. 34, Sanaa, croquis du RLC © El Croquis

Fig. 35, Sanaa, RLC vue intérieure 2009 © Hisao Suzuki < http://www.dac.dk/en/service-sider/press/2010/sanaa/>

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2. Processus du projet et ambitions des architectes Le projet leur demandait de répondre à un programme multiple: un restaurant, une bibliothèque, un espace d’exposition, des bureaux, des salles de travail, etc. Ils commencèrent par faire un schéma de plusieurs étages empilés qui abritaient les différents programmes. Mais cette solution ne leur convenait pas car le plan était trop conventionnel. En effet, il se constituait d’étages tous similaires, carrés, avec un patio au centre. Cela leur faisait penser à un immeuble de bureaux et mettre un programme par étage leur semblait très étrange157. Selon leurs observations, les architectes attribuent trop souvent une fonction à un espace, comme les couloirs par exemple qui sont à priori uniquement fait pour se déplacer, ou les salles d’étude pour travailler. Mais pour eux, les étudiants dorment et travaillent dans les salles d’étude, échangent des informations et discutent avec les professeurs dans les couloirs158. Selon Sanaa, la fonction d’un espace est très souvent transformée par l’usage qu’en font les étudiants. C’est de cette observation que l’agence est partie. Pour le duo japonais, c’est aux hommes d’inventer la fonction d’un espace; plus on leur laisse de la liberté, plus ils auront d’imagination, plus une fonction intéressante pourra y voir le jour159. Il ont donc pensé à une forme architectonique plus attractive qui abrite tous les programmes distincts dans un espace unique, et dont la continuité est interrompue par des patios de tailles différentes. Ils ont ensuite déformé cet espace avec des ondulations afin de créer des niveaux différents pour les occupants. Cette distorsion leur permet également d’offrir une bonne distance entre les programmes. De plus, cette formation de collines et vallées dans le bâtiment permet une séparation entre ces mêmes programmes. Mais la séparation n’est pas totale, les relations et la continuité se maintiennent toujours. 157 158 159

EL CROQUIS, op.cit. Vidéo ARTE video ARTE: http://rolexlearningcenter.epfl.ch/cms/lang/fr/pid/117799

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Fig. 36, Sanaa, RLC, vue sur l’entrée principale, photo personnelle

Fig. 37, Sanaa, RLC, vue sur un pation, photo personnelle

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Il ne faut pas oublier que le bâtiment est énorme, conçu pour être une bibliothèque de campus étudiant ouverte 24h sur 24 et accessible aux étudiants de tous les départements universitaires. Le fait d’étaler le bâtiment sur un seul étage leur donne donc une immense empreinte au sol. Leur problème était par conséquent l’entrée. S’ils la mettaient d’un côté, certains départements en seraient proches et d’autres éloignés. Ils ont donc décidé de la placer au centre de l’édifice, et ont soulevé en coupe certaines parties du bâtiment afin que tout le monde puisse y accéder de manière équitable160. De plus, les architectes ont décidé de faire suivre en parallèle le toit et le sol. Ainsi, les gens peuvent monter et regarder en bas, mais ils ne peuvent pas voir tout l’espace. Les limites visuelles sont différentes où que l’on se situe dans le bâtiment. On peut sentir l’amplitude et la continuité du grand espace, mais on ne peut pas voir l’autre extrémité du bâtiment161. Pour Kazuyo Sejima, la lumière naturelle est l’un des éléments les plus basics lorsqu’elle pense à l’architecture. Elle aime créer un espace où les gens peuvent bouger librement. Pour le Rolex Learning Center, les architectes voulaient faire un espace proche de l’homme, sans hiérarchie, où la circulation est libre. Selon eux, pour réaliser un tel espace, il est important d’apporter de la lumière naturelle de façon homogène partout. Ouvrir l’architecture comme on ouvrirait une porte, une fenêtre, afin d’avoir de la lumière fraiche. Comme nous l’avons dit, leur idée majeure était d’avoir un open-space, une seule pièce dans laquelle les gens peuvent marcher librement. Il n’y aurait pas de murs, pas de barrières. Pour cela, il faudrait toujours de la lumière venant de l’extérieur afin de donner une continuité à l’espace. Leur idée était d’utiliser le moins possible de lumière artificielle pendant la journée afin que les étudiants se sentent confortables. Ils avaient également pour but de créer un meeting-room où les gens pourraient échanger mais également des endroits calmes et plus privés afin de se concentrer pour étudier. Il était important 160 161

EL CROQUIS, op.cit. ibidem

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que chaque espace jouisse de lumière naturelle162. En conclusion, l’agence Sanaa avait pour ambition que les gens viennent dans le Rolex Learning Center comme s’ils venaient se promener dans un parc. Tout le monde serait le bienvenu et l’espace pousserait à l’échange, à l’appropriation personnelle de l’espace. 162

ibidem

Fig. 38, Sanaa, RLC vue intérieure 2009 © Hisao Suzuki < http://www.dac.dk/en/service-sider/press/2010/sanaa/>

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3.

La lumière

Reprenons les catégories de lumière utilisée dans notre définition.

La stratégie de la lumière Capter L’ambition des architectes étant de bénéficier de la lumière à tout endroit du bâtiment, ils l’ont simplement ouvert sur tout son long, entourant l’édifice d’une paroi de verre. L’espace capte donc la lumière de façon différente selon l’heure, la période de l’année ou encore le ciel, mais la capte toujours. Le bâtiment se trouve assez écarté des autres bâtiments, il peut donc pleinement bénéficier de la lumière naturelle. De plus, il se trouve à proximité du lac Léman qui a une forte capacité de réflexion. Nous pouvons qualifier ces ouvertures de lumière englobante.

Transmettre Caractéristiques des fenêtres: Les architectes ont réagit en toute simplicité et avec efficacité. Ils ont vitré toute la paroi longeant le bâtiment afin de transmettre une lumière maximale, avec une zone d’éclairement plus profonde, et dans tout l’espace. La répartition des ouvertures se fait de manière unilatérale afin d’avoir une meilleure perception du relief. D’autres zones de transmission lumineuse: Sanaa a créé des puits de lumière, quatorze en tout, afin de transporter et transmettre la lumière naturelle vers des espaces plus sombres, au centre, éloignés de la paroi de verre. Type de transmission lumineuse: Sanaa a opté pour la distribution naturelle directe afin d’avoir un contact visuel direct avec l’environnement extérieur et d’avoir un flux lumineux plus impor91


Fig. 39, Sanaa, RLC vue intérieure du mobilier © http://theredlist.com

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tant.

Distribuer Dimensions du local: Dans cette architecture particulière, les architectes ont enlevé toute forme de paroi. Le bâtiment en lui même est un seul local. Mais il n’y a jamais d’espace avec une profondeur trop importante pour ne pas bénéficier de la lumière. Aménagement intérieur: Sanaa a opté pour un intérieur de couleur très sobre afin de générer la sérénité en reflétant de façon homogène la lumière. Tout le mobilier est blanc, les seuls éléments structurels tels les colonnes et le plafond sont également blancs. Quand au sol, il est recouvert d’une moquette dont la couleur a été soigneusement choisie par Sanaa en le créant pigment par pigment afin de reproduire la couleur du béton à savoir gris clair163. Cet intérieur nous permet d’avoir une lumière diffuse dans l’ensemble du bâtiment. Agencement des parois: Les architectes ont décidé de ne pas mettre de cloisons, aucune. Ainsi la lumière peut se propager partout sans être arrêtée par un mur. Cependant, il existe des parois de verre à l’intérieur du bâtiment ( celles des puits de lumière ou encore des bulles de travaux de groupe) qui aident la lumière à se répandre. Matériau des surfaces: Comme énoncé plus haut, l’agence japonaise propose dans son édifice une ambiance sobre: tout dans les tons blancs et gris afin d’avoir une répartition de la lumière plus homogène et une différence moindre entre l’ambiance intérieure et la clarté de l’extérieur. De plus le mobilier est fait de bois ou d’acier peint en blanc afin de rediriger la lumière.

163

Vidéo ARTE

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Fig. 40, Sanaa, RLC, vue intĂŠrieure, photo personnelle

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Les ambiances lumineuses Lumière et forme La lumière accentue la forme: La lumière ici étant unilatérale, elle permet de faire ressortir le relief, c’est-à-dire ici, de faire ressortir la forme de colline qu’ont voulu exprimer les architectes lorsqu’il ont dessiné le bâtiment. Nous pouvons la qualifier de lumière qui modèle.

Lumière et frontière La lumière connecte l’intérieur et l’extérieur: Ici, l’ambition était clairement de connecter l’intérieur à l’extérieur, supprimer la barrière entre les deux par une paroi entièrement vitrée. Nous pouvons la qualifier de lumière traversante.

Lumière et espace La lumière unifie l’espace: La lumière dans le RLC unifie l’espace. Conformément aux intentions premières du bureau japonais. Nous la qualifierons de lumière unifiante.

La signification de la lumière La lumière contemplative: La lumière contemplative ressort fortement de l’édifice. En effet la lumière favorise la concentration et l’intériorisation car elle est délicate et apaisante. Résumons les différents types de lumière dans l’édifice: lumière englobante, lumière unilatérale, lumière naturelle directe, lumière diffuse, lumière qui modèle, lumière traversante, lumière unifiante, lumière contemplative.

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4.

Sondage

Nous avons réalisé un sondage nous permettant d’observer premièrement si les ambitions des architectes sont véritablement transmises aux visiteurs, et secondemant d’en ressortir les différentes émotions grâce à la grille d’analyse vue dans notre chapitre sur les émotions. Cette grille se constitue de cinq composantes; l’expression motrice, la réaction du système nerveux périphérique, l’évaluation de la situation, le ressenti ou le sentiment subjectif et enfin la tendance à l’action. Dans notre cas, seuls l’évaluation de la situation, le sentiment subjectif et la tendance à l’action nous importeront. Le sondage comporte onze questions. Nous commençons par demander l’âge, le statut et si la personne a un lien avec l’architecture afin d’avoir un aperçu de cette personne. Ensuite, concernant le bâtiment visité, nous lui demanderons le cadre dans lequel il/elle a visité l’édifice et s’il/elle l’a apprécié et pourquoi. Suite à cela, nous lui demanderons une description afin de voir son évaluation, ses ressentis et s’il/elle peut associer ce ressenti à un endroit précis du bâtiment, et enfin leurs réactions afin de voir leurs actions entreprises dans l’édifice. Nous finirons enfin par lui demander s’il/elle recommande la visite. Nous avons réalisé le sondage via internet et l’avons propagé sur les plateformes sociales telles que Facebook. Nous avons également imprimé le questionnaire afin de le donner aux visiteurs. Dans ce sondage, nous observons d’abord que sur 26 personnes, seulement 4 n’ont pas apprécié le RLC. Ces quatre personnes ne sont pas du domaine de l’architecture mais connaissent bien le Rolex car elles s’y rendent pour étudier. La raison de leur déception est la même pour chacune d’entre elles. Un problème thermique. En effet, en discutant avec les étudiants, nous avons 97


appris que les architectes n’avaient pas mis de climatisation dans l’édifice. Le RLC étant ceinturé d’une grande paroi en verre, les conditions thermiques ne sont pas optimales. Il fait très chaud en été et très froid en hiver. Ce détail influence malheureusement le bien-être de la fonction première du Rolex Learning Center: être une bibliothèque agréable pour y étudier. Malgré cela, lorsque nous regardons leurs descriptions, ressentis et actions, qui sont la traduction de l’émotion, ce sont la surprise, le plaisir et la sérénité qui en ressortent. Si nous regardons les réponses des six autres personnes se rendant au RLC pour y étudier ou y travailler, nous constatons qu’une seule personne affirme que le lieu n’est pas optimal pour y étudier. Cepedant, elle ne nous en donne pas la raison et nous en sommes d’autant plus perplexes quant au reste de son sondage qui nous dit qu’elle s’y sent apaisée et qu’elle veut y retourner. Les personnes ayant rempli le questionnaire ont ajouté un intérêt à ce dernier. Nous avons une égalité dans les sondés avec une moitié de personnes travaillant dans ou étudiant l’architecture et l’autre moitié des personnes externes à ce domaine. Cette hétérogénéité enrichie le sondage car les personnes n’ayant pas étudié l’édifice expriment généralement les mêmes évaluations/ ressentis/actions que ceux ayant été informés sur la conception de l’édifice. Les ambitions des architectes touchaient principalement les actions entreprises par les visiteurs. En effet, ils désiraient que les gens viennent au RLC comme ils iraient dans un parc. Que l’espace soit proche de l’homme, qu’il pousse à l’échange et à l’appropriation personnelle de l’espace. Lorsque nous regardons les réactions (tendances à l’action), nous pouvons voir que les ambitions des architectes se sont bel et bien réalisées. En effet, la grande diversité des réponses s’y rapportent. Avec une majorité qui s’y balade comme dans un parc suivi d’un certain nombre qui échange, s’approprie le bâtiment, 98


l’explore, se détend… De plus, pour les personnes ayant apprécié le bâtiment, les raisons se rapportent majoritairement au caractère novateur de l’édifice. Les descriptions les plus fréquentes sont; prouesse architecturale, nouveauté spatiale, nouveau monde, novateur, nouvelle expérience, innovant, peu commun, … Le mot nouveau revient où se décline dans presque tous les témoignages. Nouvel enjeu donc réussi pour le duo japonais désireux d’offrir un espace nouveau, de changer des bibliothèques conventionnelles afin de se rapprocher de l’homme.

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5.

Les émotions Le plaisir

La sérénité

La surprise

la La gène déception

Evaluation de la situation

élégant (2), lumineux (2), agréable, beau, fluide (3), ergonomique, intéressant (2), bonne atmosphère, clair, joli

apaisant, aéré (2), formes douces, tranquille,

impressionnant (3), extravagant, atypique, insolite, ovni, unique, original (3), désorientant, spectaculaire, extraordinaire, fascinant

trop fortes pentes pas efficaces

Ressenti ou sentiment

bien-être (10), séduit (6), content (5)

serein (6), repos (4), relaxé (5), apaisé (4), flottement atmosphérique (3)

impressionné (12), curieux (11), fasciné (6), surpris (1)

Tendance à l’action

s’approprier le bâtiment (9), échanger (8), vouloir y retourner (9), se promener comme dans un parc (15), flâner dans les différents espaces, se lover dans un coin, lire, discuter, écouter de la musique, grimper, s’arrêter, observer, dévaler

se détendre (6)

arpenter tous les recoins (8), explorer (10), expérimenter (5)

pas de climatisation

déstabilisé (2), perdu (5) trop chaud, trop froid

Les () signifient le nombre de fois que le mot à été utilisé dans les différents sondages. S’il n’y en a pas c’est que le mot n’a été cité qu’une seule fois.

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Observons à présent les différentes émotions décrites dans le sondage. Lorsque l’on décode tous les témoignages grâce à la grille des émotions, nous pouvons en ressortir cinq qui sont à l’origine des actions entreprises par les visiteurs ainsi que de leurs sentiments. Nous avons vu plus haut, qu’il existe six émotions de base et une infinité d’émotions mixtes issues d’elles. Pour le Rolex Learning Center, trois émotions sont très présentes dans les sondages: le plaisir, la sérénité et la surprise et deux autres sont plus discrètes: la déception et la gène. Nous avons donc une émotion de base: la surprise, et quatre émotions composées; le plaisir ainsi que la sérénité qui découlent de la joie selon la roue des émotions de Plutchick, la gène, mélange de dégout et de surprise et, enfin, la déception provenant de la tristesse et de la surprise. Comme nous l’avons vu dans le chapitre des émotions, une émotion est constitutée de cinq composantes: l’expression motrice, la réaction du système nerveux périphérique, l’évaluation de la situation, la tendance à l’action et le sentiment subjectif ou le ressenti. Seules les trois dernières caractéristiques nous intéressent pour cette analyse. Dans le questionnaire, nous retrouvons trois questions qui nous permettent de connaître ces caractéristiques. L’évaluation de la situation s’est faite grâce à la description du bâtiment dans le questionnaire. Ces descriptions expriment majoritairement la surprise et le plaisir, suivie par la sérénité et la déception avec: 15 personnes sur 26 qui expriment le plaisir, 12 sur 26 la surprise, 6 sur 26 la sérénité et 2 sur 26 la déception. Pour l’analyse des tendances à l’action nous avons vu plus haut que c’est cet aspect qui résume le mieux les ambitions des architectes avec: 25 personnes sur 26 qui exprime du plaisir, 6 personnes sur 26 qui évoquent la sérénité par la détente, et enfin 15 sur 26 qui parlent de la surprise en explorant, expéri102


mentant ou arpentant tous les recoins. Lors de l’analyse du ressenti, nous voyons qu’il y a beaucoup d’homogénéité dans les émotions avec la surprise qui prime (22/26 personnes), suivi du plaisir (16/26 personnes), la sérénité (15/26 personnes) et en dernier la gène (7/26 personnes). Nous pouvons observer que les personnes ayant été au RLC se rejoignent fort dans leurs sentiments. Nous avons ici une gamme bien plus restreinte de sentiment que pour le musée juif de Berlin que nous verrons par la suite.

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Fig. 41, Sanaa, RLC vue intérieure © https://arch5541.wordpress.com/2012/11/08/white/

Fig. 42, Sanaa, RLC vue intérieure © http://www.archdaily.com

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6.

Influence de la lumière

Nous allons voir si la lumière joue un rôle dans les émotions ressenties par les passants. Comme nous l’avons vu, le Rolex Learning Center fait ressentir cinq émotions. Elles débutent par une évaluation de la situation puis engendrent toutes sortes d’actions et de sentiments/ressentis. Nous avons donc; la surprise, le plaisir, la sérénité, la déception et la gène. Le bâtiment étant assez homogène dans tout son ensemble, il n’en ressort pas une grande diversité d’émotions. Tous s’accordent et se rejoignent sur une de ces émotion. Il ne faut pas oublier que les émotions sont de courte durée et intenses, elles génèrent ensuite des états ‘je suis calme, curieux, déprimé,…’ qui sont stables, contrairement aux émotions qui sont continuellement mouvantes164. Nous allons les prendre une par une, analyser les composantes de l’émotion et tenter de trouver les influences de la lumière. Le Plaisir Nous avons vu plus haut, que l’émotion ‘plaisir’ était causée par l’ambiance de parc émanant du bâtiment ainsi que son élégance. Les actions qu’engendre le plaisir ici sont: s’approprier le bâtiment, venir comme dans un parc, échanger, grimper, s’arrêter, observer, dévaler, flâner dans les différents espaces, se lover dans un coin, lire, discuter, écouter de la musique et vouloir y retourner. Si on y pense ce sont toutes des actions qui se font également dans un parc. Prenons maintenant les types de lumière qui pourraient engendrer ces actions. Très clairement c’est la lumière unilatérale qui permet aux visiteurs de bien percevoir le relief. Ensuite les lumières englobante, naturelle directe et traversante, qui traduisent l’idée de lumière fraiche du duo japonais, donneront cet effet de parc car la lumière nous entoure et nous baigne ou que nous soyons dans la bibliothèque. De plus nous ne perdons jamais le lien avec l’ex164

LARIVEY, Michelle, La lettre du psy, Vol. 2 No. 7, juillet 1998

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Fig. 43, Sanaa, RLC vue intérieure © http://www.archdaily.com

Fig. 44, Sanaa, RLC détente dans les poufs © Pedro Kok. < http://www.metalocus.es/content/en/blog/rolex-learning-center-epfl-sanaa>

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térieur, ce qui renforce le caractère de parc. L’élégance qui engendre le plaisir se retrouve plus dans la forme générale du bâtiment. Il n’est pas possible de l’associer principalement à la lumière, car, si elle permet d’augmenter la beauté du lieu, ce sont aussi ses ondulations, sa silhouette et ses formes qui rendent le bâtiment élégant. Ceci dit, la lumière diffuse, en créant une lumière blanche, calme et subtile accentue l’élégance du RLC. La Surprise La surprise se fait sentir par le caractère innovant et surprenant du bâtiment. C’est dans l’évaluation de la situation que cette émotion ressort principalement, mais se fait moins sentir dans les actions. Nous pensons que cette émotion est moins caractérisée par la lumière. Elle y joue certainement un rôle mais c’est ici plus le caractère innovant de l’architecture qui importe. Cependant, Sanaa utilise la lumière subtilement afin d’accentuer ce caractère innovant en utilisant, par exemple une lumière traversante qui n’est jamais bloquée et une transparence visuelle grâce à ses parois et patios vitrés. La Sérénité La sérénité est l’émotion suscitée ici par la légèreté et la tranquillité du bâtiment. Dans le sondage, on la trouve principalement dans les ressentis « serein, reposé, relaxé, apaisé, sentiment de flottement atmosphérique » et qui se traduisent toujours par la même action: se détendre. Prenons de nouveau les types de lumières qui pourraient engendrer ces sentiments et cette détente. La sérénité se ressent très clairement grâce à la lumière diffuse qui baigne dans le RLC dès l’entrée des visiteurs. Les trois lumières diffuse, unifiante et contemplative offrent une lumière homogène à tout le bâtiment, une lumière douce, blanche, délicate et apaisante. Tout l’aménagement intérieur contribue à ce ressenti, le mobilier blanc, la moquette grise, le plafond et les colonnes blanches, permettent cette diffusion homogène ainsi que le fait de n’avoir aucune paroi intérieure qui fait que la lumière ne bute jamais sur un obstacle. 107


La Gêne Nous avons ici deux sortes de gênes, une positive qui bouscule nos sens, et une négative qui nous contrarie. La première est caractérisée par les pentes et le caractère de labyrinthe qu’ont induit les architectes dans la bibliothèque. En effet, les gens se sentent perdus, déstabilisés comme le désiraient les architectes, qui voulaient offrir une nouvelle expérience aux visiteurs. Ici, la lumière ne semble pas apporter un avantage autre que celui d’illuminer l’endroit permettant au visiteur d’être positivement gêné par le dessin unique du RLC au lieu de négativement gêné s’il devait trébucher dans la pénombre sur les différences de niveaux. La mauvaise gêne, comme nous l’avons déjà souligné provient des conditions thermiques. Les architectes en vitrant tout le bâtiment offrent de mauvaises conditions de froid en hiver et de chaud en été. Ici la lumière est en lien indirect avec cette émotion. En effet, au détriment d’une mauvaise condition thermique, le bâtiment baigne de lumière naturelle à tout endroit. La Déception C’est une émotion très discrète car elle ne ressort que dans un témoignage. Celui d’un(e) étudiant(e) en architecture qui voit d’un mauvais oeil les pentes du Rolex. De nouveau c’est un aspect plus technique, s’associant à la forme plus qu’à la lumière.

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Tout le monde ne s’accorde pas à dire que le RLC est une parfaite réussite. Comme nous l’avons vu plus précédement, l’émotion est de courte durée et se déforme par l’habitude. En partant de ce point de vue, nous pensons que le Rolex Learning Center se traduit de deux façons; premièrement il induit des émotions fortes et « bonnes » telles que la surprise, la sérénité ou le plaisir lors de la première visite. Mais lorsque nous nous attardons sur la durée, sur l’efficacité de cette architecture pour combler la fonction, les avis sont mitigés et induisent de la gêne ou de la déception. Les personnes ayant travaillé et passé du temps dans le RLC nous prouvent toutes dans leurs témoignages qu’elles ont éprouvé à un moment donné une de ces bonnes émotions. Nous pensons donc que, si l’on ne considère que la première visite du RLC, les émotions sont généralement positives et c’est une réussite pour les architectes. Par contre, lorsque les émotions sont déformées par l’habitude, et deviennent des états, des sentiments, alors ce n’est qu’une demie réussite pour le duo japonais en vue des réponses à moitié négatives sur les conditions thermiques de l’édifice. Nous voyons également dans le sondage que les personnes n’associent pas une émotion à un endroit précis, c’est plutôt une sensation d’ensemble. Effectivement, les architectes ont créé un espace général, un open space avec comme inspiration un parc. Il y règne la même ambiance dans tout l’édifice.

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Le Musée Juif de Berlin de Daniel Libeskind 1.

Daniel Libeskind

L’architecte d’origine juive, vient de la ville de Lodz en Pologne. À ses 11 ans, il quitte avec sa famille la Pologne d’après guerre pour s’installer en Israël. Deux ans plus tard, ils déménagent à New-York, qui restera sa ville de prédilection. Son enfance, remplie de déménagements, aura une répercussion sur son parcours d’adulte car il déménagera lui même avec son épouse et ses enfants 14 fois en l’espace de 35 ans165. «Plusieurs mondes coexistent dans mon esprit, et tous participent aux projets

que j’entreprends.»166 Daniel Libeskind L’architecte ne construit aucun bâtiment jusqu’à ce qu’il remporte le concours pour le musée juif de Berlin à 43 ans. Avant ça, il se dévouait à l’enseignement et à la théorie de l’architecture. Lors de ses études à la Cooper Union for the Advancement of Science and Art, il comptait parmi ses professeurs plusieurs architectes célèbres tels que Richard Meier et Peter Eisenman, pour lesquels il avait beaucoup d’admiration. S’il s’est vite détaché de l’influence de Meier, il n’en sera pas de même pour Eisenman. En effet, les deux architectes partagent une nouvelle conception de l’homme au sein de l’architecture167. «Auparavant, dans la tradition moderniste, l’homme est au centre de la

construction et il en régit les proportions et les formes, ainsi, les hauteurs de plafonds, la lumière, les formes et les proportions dites harmonieuses se formalisent. Mais chez des architectes comme Libeskind ou Eisenman, cette régularisation, n’est plus en accord avec l’homme d’aujourd’hui qu’ils consi165 http://zebrezou.canalblog.com/archives/2009/01/11/12049780.html 166 LIEBESKIND, Daniel, Construire le futur, d’une enfance polonaise à la Freedom Tower, Albin Michel, 2005. p.16 167 http://zebrezou.canalblog.com/archives/2009/01/11/12049780.html

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Fig. 45, Daniel Libeskind, Royal Ontario Museum © http://archidialog.com/tag/daniel-libeskind/

Fig. 46, Daniel Libeskind, Félix Nussbaum Museum © http://architizer.com/blog/daniel-libeskind-on-the-emotionality-of-architecture/

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dèrent instable, perdu, fragmenté et complexe »168. «Mies Van Der Rohe, Walter Gropius et les autres grands maîtres du moder-

nisme soutiennent qu’un édifice devrait montrer au monde un visage neutre. Une telle philosophie est un peu surannée à mon goût. De la neutralité ? Après les cataclysmes politiques, culturels et spirituels qui ont marqués le XXème siècle, peut-on vraiment aspirer à une réalité aseptisée ? A-t-on sincèrement envie de s’entourer de bâtiments neutres et sans âme ? Ou préférons-nous affronter nos histoires, les complexités et les désordres de la réalité qui est la nôtre, nos émotions les plus pures, afin d’inventer une architecture pour le XXIème siècle ? » Daniel Liebeskind169 Dans sa biographie « Construire le futur, d’une enfance Polonaise à la Freedom Tower», Daniel Libeskind nous montre à quel point l’histoire et surtout la mémoire lui tiennent à coeur. Avec des parents survivants de l’Holocauste, son passé est chargé émotionnellement. Il choisit donc, par son architecture, de montrer au monde l’horreur de son histoire tout en intégrant un espoir nouveau. Il refuse de faire une architecture vide de sens qui se contente du ‘beau’, il opte pour le message fort. Il est très possible, que c’est pour cette raison que Daniel Libeskind ait consacré tant d’années à la théorie plutôt qu’à la construction170. Libeskind a une vision de l’architecture assez précise. Pour lui, l’architecture ne détermine pas le bâtiment mais l’art de concevoir, l’étude préalable à la construction. Sa philosophie montre un intérêt pour la lumière très différent que pour Sanaa. En effet, pour ces derniers, leur culture japonaise influence fortement leur apport de lumière dans un édifice. Pour Libeskind, rien ne doit être formalisé. La lumière accompagne son raisonnement et l’appuie. En effet, l’architecte use dans la plupart de ses édifices de procédés lumineux pour 168 http://zebrezou.canalblog.com/archives/2009/01/11/12049780.html 169 LIEBESKIND, Daniel, op. cit. p.22 170 http://zebrezou.canalblog.com/archives/2009/01/11/12049780.html

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attirer notre attention sur un point précis, mettre dans une ambiance recherchée. Même si l’on retrouve souvent les lignes qui ‘strient’ ses bâtiments, l’architecte cherche toujours à trouver la lumière la plus appropriée sans avoir peur de privilégier l’émotion à l’esthétique.

Fig. 47, Daniel Libeskind, Le musée juif de Berlin © http://hda-twinger.org/fiche18.html

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2. Symboliques du projet et ambitions de l’architecte Le musée juif se situe à côté d’un ancien bâtiment baroque qui, après la guerre, faisait office de musée de la ville de Berlin. Si les deux édifices paraissent bien séparés de l’extérieur, il n’en est rien. En effet, le musée juif ne possède pas d’entrée à proprement parler. Il nous faut passer par l’ancien bâtiment baroque pour accéder au nouveau. Cette imbrication n’est pas dénuée de sens: «Il n’y a pas de porte parce qu’il est impossible d’accéder à l’histoire du judaïsme et à celle de Berlin par les voies traditionnelles. Pour comprendre l’histoire des Juifs de Berlin, ainsi que l’avenir de Berlin, vous serez amené à suivre un itinéraire beaucoup plus complexe. Vous devrez replonger dans les profondeurs de l’histoire berlinoise, dans sa période baroque, et donc, dans le bâtiment baroque lui-même»171. Daniel Liebeskind De plus, l’entrée du musée juif ne correspond pas aux codes habituels d’espaces d’entrée qui se voudraient vastes et très lumineux. Au contraire, le visiteur s’enfonce vers les fondations par un escalier sombre qui descend à douze mètres sous terre au lieu de monter vers les étages comme le font habituellement les escaliers de musée172. Comme nous l’avons vu plus haut, la forme du bâtiment est elle aussi chargée de sens. En effet, elle représente une étoile de David démantelée. Ce qui nous donne en plan une sorte d’éclair, « Blitz » pour les berlinois, avec des angles pointus, agressifs, qui pour l’architecte incarne toutes les violences, toutes les cassures dans l’histoire des juifs en Allemagne173. Si le plan nous montre une ligne continue mais cassée et torturée, nous pouvons également en voir une autre. Une ligne cette fois-ci discontinue et linéaire. Ce sont les 171 172 173

LIEBESKIND, Daniel, op. cit. p.124 ARTE Architecture : Le musée juif de Berlin entre les lignes ibidem

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Fig. 48, Daniel Libeskind, Le musÊe juif de Berlin Š http://arts-plastiques.ac-rouen.fr/grp/architecture_musees/architecture_xxe.htm

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vides. Nous avons un espace linéaire qui traverse l’ensemble du bâtiment mais qui n’offre que des impasses, des lieux vides faiblement éclairés par leurs toitures174. «Je me sens poussé à explorer le vide –la présence de cette vacance insoutenable qui se manifeste lorsqu’une communauté est exterminée, ou lorsqu’on foule aux pieds la liberté individuelle ; quand le continuum de l’existence humaine est brisé avec tant de violence que la structure même de la vie reste à jamais distordue et bouleversée »175 Daniel Liebeskind La ligne tortueuse n’est pas le seul élément extérieur qui constitue le musée. En effet, deux autres éléments s’y ajoutent sans la toucher. Il s’agit de la tour de l’Holocauste, très haute et éclairée d’une minuscule fente dans un coin supérieur et des jardins de l’exil, extérieurs, composés de 49 colonnes dans lesquelles sont plantés des oliviers, symbole de la paix176. En observant les façades extérieures, nous sommes de nouveau surpris. Car Libeskind est une fois de plus sorti des sentiers battus. L’architecte a enveloppé son bâtiment d’une mince peau de métal, du zinc monoxydé. Le choix du matériau n’est pas laissé au hasard, le zinc change dans les dix années à venir et devient bleuté. Libeskind ne voulait pas d’un bâtiment brillant mais désirait plutôt que sa silhouette s’estompe avec le temps. Que les entailles qui forment les fenêtres deviennent plus marquées177. « Ses cicatrices qui ne sont pas de simples fenêtres mais des plans qui traversent le volume. Je voulais qu’elles deviennent encore plus lisible avec le temps. »178 Daniel Libeskind

174 http://zebrezou.canalblog.com/archives/2009/01/12/12058968.html 175 ARTE Architecture : Le musée juif de Berlin entre les lignes 176 http://zebrezou.canalblog.com/archives/2009/01/12/12058968.html 177 ARTE Architecture : Le musée juif de Berlin entre les lignes 178 ARTE Architecture : Le musée juif de Berlin entre les lignes

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Fig. 49, Daniel Libeskind, Le musée juif de Berlin, carrefour des axes Fig. 50, Daniel Libeskind, Le musée juif de Berlin, Tour de l’holocauste © http://fr.mobilytrip.com/guide/allemagne/berlin/musee-juif-de-berlin,338020/ © http://talonsaiguilles.over-blog.fr/2014/07/i-love-berlin.htmlW

Fig. 51, Daniel Libeskind, Le musée juif de Berlin, Jardin de l’Exil, © https://commons.wikimedia.org

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Lorsqu’enfin nous rentrons dans le bâtiment après avoir emprunté l’entrée de l’édifice voisin et descendu l’escalier sombre et profond, nous arrivons à un carrefour. Le carrefour des trois axes; l’axe de l’Holocauste, l’axe de l’exil et l’axe de la continuité. Nous sommes dans le sous-sol, il n’y a donc pas de lumière naturelle. Seules des lignes de lumière artificielle nous guident le long des axes. Si nous prenons d’abord le chemin de l’Holocauste, nous arrivons au fond du couloir devant une grande porte qui ne laisse entrer qu’une personne à la fois. C’est l’entrée de la tour de l’Holocauste. A travers l’expérience de la tour de l’Holocauste, le visiteur est obligé d’effectuer une introspection personnelle sur les conditions de vie des victimes de la Shoah. Le visiteur traverse un enchaînement brutale. Il passe d’abord d’un espace chaud, lumineux, à échelle humaine, à un espace froid et démesuré179. Cette transition se réalise par le son lourd de la porte qu’il franchit pour entrer. Le visiteur entre dans l’obscurité et la froideur du béton. Il s’y retrouve perdu dans l’immensité de la tour avec pour seul repère, un rail lumineux dans le coin suppérieur de la tour180. L’axe de l’Holocauste est une impasse. Nous empruntons alors le chemin de l’exil. Ce chemin nous attire à son extrémité avec un appel de lumière naturelle. En effet, au bout du chemin, nous arrivons à l’extérieur, dans le jardin de l’exil. Le jardin de l’exil représente la sortie hors d’Allemagne et le déracinement par des arbres plantés dans des piliers en béton. Libeskind représente ici l’exil comme perte de repères. Le jardin est un labyrinthe de piliers penchés afin de déstabiliser le visiteur. Comme la tour de l’holocauste, le jardin est une impasse. Contrairement aux apparences il est complètement coupé de l’extérieur par des douves. L’échappée à l’air libre n’est qu’une illusion. L’exil est aussi un enfermement, il n’y a pas d’autres issues que de retourner dans les axes souterrains181. Libeskind veut faire comprendre le malaise de l’exilé. Nous empruntons enfin le dernier axe, celui de la continuité. Il représente 179 http://skildy.blog.lemonde.fr/2007/03/05/le-musee-juif-de-berlin-de-daniel-libeskind-une-etude-de-jerome-charel-etjulien-mortet/ 180 ibidem 181 ARTE Architecture : Le musée juif de Berlin entre les lignes

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Fig. 52, Daniel Libeskind, Le musée juif de Berlin, L’escalier de la continuité,Fig. 53, Daniel Libeskind, Le musée juif de Berlin, Les vides, © http://arpc167.epfl.ch © http://arpc167.epfl.ch

Fig. 54, Daniel Libeskind, Le musée juif de Berlin, L’expo, © http://letourdeuropeen81jours.blogspot.be

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la continuité d’une présence juive en Allemagne. Il est le seul à mener vers les salles du musée. L’axe débouche sur un escalier qui semble à première vue de proportions modestes. On découvre soudain une perspective prodigieuse, la seule de cette ampleur dans tout le bâtiment, une ligne droite qui monte du souterrain jusqu’au troisième étage. Après avoir comprimé l’espace, l’architecte le dilate. Cette dilatation baignée de lumière naturelle donne une impression d’infini182. Mais Libeskind ne libère l’espace que dans une seule direction, vers le haut. L’escalier, pas plus large que l’espace souterrain, reste enserré par les deux parois. De grandes poutres de béton servant à soutenir la structure semblent difficilement les maintenir écartées. Ce qui est mis en valeur ici, c’est l’effort, la difficulté du chemin qu’il faut se frayer pour revenir au grand jour183. L’axe de la continuité n’est qu’un lieu de passage pour mener aux salles du musée. Les deux autres axes souterrains sont des lieux d’exposition. Nous arrivons donc aux salles de musée. Pendant longtemps Daniel Libeskind avait refusé d’avoir un espace d’exposition, seule l’architecture pouvait parler. Mais après deux ans, la voix de l’architecte ne s’est plus faite entendre et des salles d’expositions avec une collection de plus de 4000 objets et retraçant 2000 ans de présence juive en Allemagne ont été montées. Même si ces salles ne font pas plaisir à l’architecte et à certains visiteurs, une continuité dans l’architecture persiste. Le parcours muséal est perturbé à plusieurs reprises par des blocs noirs et nus où l’exposition s’arrête. Ce sont des tours de béton qui traversent le bâtiment sur toute sa hauteur: les vides. Il y en a six, tous de formes différentes. Leur seul éclairage vient des verrières du toit, elles ne contiennent rien, on n’y entre pas. L’architecte les appelle les vides, ils incarnent la dernière figure du judaïsme allemand; celle de l’absence184. Un seul des vides est accessible aux visiteurs, c’est le plus grand. Il s’appelle le vide de la mémoire. C’est une pièce à l’allure de couloir, aux murs bruts 182 http://skildy.blog.lemonde.fr/2007/03/05/le-musee-juif-de-berlin-de-daniel-libeskind-une-etude-de-jerome-charel-etjulien-mortet/ 183 ARTE Architecture : Le musée juif de Berlin entre les lignes 184 ARTE Architecture : Le musée juif de Berlin entre les lignes

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Fig. 55, Daniel Libeskind, Le musée juif de Berlin, Le vide de la mémoire, © http://www.universtorah.com

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en béton, le visiteur traverse la salle en empruntant un sol hors du commun. Une installation de Menasche Kadishman appelée ‘Fallen Leaves’; ce sont de nombreux de visages métalliques posés les uns sur les autres; des visages qui expriment la douleur. Les visiteurs sont appelés à traverser la salle. Ils empruntent donc le passage des visages métalliques. L’écho des visages qui s’entrechoquent sous leurs pas s’amplifie dans la tour et semble être celui de cris185. Daniel Libeskind veut que le visiteur ait des sensations fortes et dures. Qui le perturbent, le poussent à sortir de son quotidien, et à méditer sur l’histoire. L’architecte ne cherche pas à faire du beau et du confortable, au contraire, il veut pousser à la réflexion. Ces années en tant que théoricien se ressentent dans son architecture. Rien n’est laissé au hasard, tout est réfléchi. Il ne veut pas d’un musée classique et aux bonnes conditions lumineuses, mais un musée dicté par son architecture, qui fasse ressentir l’histoire pour en préserver la mémoire.

185 http://skildy.blog.lemonde.fr/2007/03/05/le-musee-juif-de-berlin-de-daniel-libeskind-une-etude-de-jerome-charelet-julien-mortet/

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Fig. 56, Daniel Libeskind, Le musée juif de Berlin, Les fenêtres de bureau et de service, © http://www.jacquesbonnet.fr

Fig. 57, Daniel Libeskind, Le musée juif de Berlin, Les fenêtres de l’intérieur, © Pascal Davodeau < http://asd2010.victoire.free.fr >

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3.

La lumière

La stratégie de la lumière naturelle Capter Dans son bâtiment, Libeskind n’a pas eu un grand travail à faire quant à l’orientation des ouvertures, les fonctions intérieures ne demandant pas d’orientations spécifiques. En effet, il place des ouvertures sur toutes les façades, s’orientant ainsi de chaque côté, mais de façon assez aléatoire. Quant à l’environnement, l’ancien musée baroque est placé à son nord, ne lui gâchant donc aucune lumière. Au sud, il bénéficie d’une grande étendue verte, lui permettant de capter toute la lumière qu’il désire.

Transmettre Les caractéristiques de la fenêtre: Daniel Libeskind le spécifie: « ces cicatrices ne sont pas de simples fenêtres, mais des plans qui traversent le volume»186. Les ouvertures du bâtiment en forme d’entailles, coupures, cicatrices, rompent avec tout système de composition classique ou moderne. Elles résultent de la superposition de deux logiques distinctes; une logique fonctionnelle pour les bureaux du dernier étage avec des fenêtres horizontales et les espaces de service, pour lesquels l’architecte leur a donné des formes très particulières187. Mais les percements linéaires qui strient le corps même du bâtiment procèdent d’une logique «qui ne doit plus rien à l’architecture”188. Pour les générer, Libeskind a tracé sur une carte de Berlin des lignes reliant entre elles les adresses réelles ou imaginaires des figures emblématiques du judaïsme allemand. Puis il a projeté les diagrammes ainsi obtenus sur les volumes du bâtiment. Créant un dessin totalement aléatoire.189 186 187 188 189

ARTE Architecture : Le musée juif de Berlin entre les lignes ibidem ibidem ibidem

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Fig. 58, Daniel Libeskind, Le musée juif de Berlin, La lumière zénithale © http://arpc167.epfl.ch

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La répartition des ouvertures: L’éclairage unilatérale est utilisé dans la majorité du bâtiment afin de provoquer de forts contrastes excepté dans les ‘vides’ où la lumière zénithale unique source lumineuse sera préférée afin de distribuer de la lumière dans toute la profondeur. Type de distribution lumineuse: Daniel Libeskind utilise l’éclairage naturel direct afin d’avoir un flux lumineux plus important ainsi qu’un contact direct avec l’extérieur.

Distribuer L’aménagement intérieur: Les parois du bâtiment sont blanches ce qui permet, lorsqu’il y a de la lumière naturelle, d’améliorer la distribution. Le plafond des trois axes sont noirs, diminuant un peu la distribution de la luminosité des axes qui se fait principalement de manière artificielle dans un rail de lumière au plafond. Le matériau des surfaces du local: C’est le béton brut qui est utilisé comme matériau pour tout l’intérieur. La clarté du béton aide le peu de lumière à avoir une meilleure répartition et distribution dans l’espace.

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Fig. 59, Daniel Libeskind, Le musée juif de Berlin, La lumière rythme l’espace © http://longvie-w.skyrock.com

Fig. 60, Daniel Libeskind, Le musée juif de Berlin, La lumière crée un point focal © http://arpc167.epfl.ch

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Fig. 61, Daniel Libeskind, Le musée juif de Berlin, La lumière qui influence le mouvement © http://sgou.blogspot.be


Les ambiances lumineuses Lumière et Espace La lumière rythme l’espace: dans le jardin de l’exil, la lumière qui se faufile entre les piliers de béton posés orthogonalement rythme l’espace. Le rythme change selon le moment de la journée. Nous la qualifierons de lumière rythmique.

Lumière qui dirige La lumière crée un lieu focal: dans la tour de l’holocauste, on est face à un espace démesuré, très haut, sombre, entre des parures de béton froides. Nous sommes comme perdus. Mais notre regard est alors très vite dirigé vers la seule entrée de lumière naturelle, une fine fente dans le coin supérieur. Libeskind crée un lieu focal avec ce rail de lumière afin de représenter la lueur d’espoir. Nous la qualifierons de lumière focale. La lumière qui influence du mouvement: l’axe de l’exil et l’axe de la continuité sont tous deux dirigés par la lumière. En effet, même s’il y a la présence d’un rail de lumière artificielle qui guide le spectateur, c’est l’appel de la lumière naturelle qui guidera celui-ci vers la fin du couloir. Pour l’axe de la continuité, ce sont les escaliers qui sont plongés dans la lumière grâce à la grande fenêtre en bande qui attirent le visiteur. Quant à l’axe de l’exil c’est tout simplement l’appel à l’extérieur grâce à l’ouverture vers la lumière naturelle. Nous la qualifierons de lumière directrice.

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Signification de la lumière La lumière symbolique: Dans l’escalier de l’axe de la continuité, nous passons d’un espace des axes comprimés en hauteur à un espace dilaté sur toute la hauteur du bâtiment. Cette dilatation accompagnée d’une lumière naturelle intense donne une impression d’infini. De plus, la remontée de l’escalier paraît difficile, elle incarne l’avancée perpetuelle de la culture juive190. Les différents types de lumière dans l’édifice sont: lumière aléatoire, lumière unilatérale, lumière zénithale, lumière rythmique, lumière focale, lumière directrice, lumière symbolique. 190 http://skildy.blog.lemonde.fr/2007/03/05/le-musee-juif-de-berlin-de-daniel-libeskind-une-etude-de-jerome-charel-etjulien-mortet/

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4.

Sondage

Dans ce sondage, réalisé sur 30 personnes, seulement 3 n’ont pas apprécié le bâtiment. Ces trois personnes sont étudiants en architecture. Les raisons pour lesquelles elles n’ont pas apprécié sont: la circulation n’est pas intuitive, il n’y a pas beaucoup de dialogue avec la scénographie, de longs couloirs et des escaliers, l’ambiance recherchée est totalement ratée. Les avis négatifs de deux de ces personnes nous importent peu car ils portent sur le contenu du musée et non pas sur le bâtiment lui-même. « Le bâtiment peut avoir un intérêt mais la collection n’en a pas réellement. Autant la Shoah m’intéresse, mais l’histoire du peuple juif pas tant que ça ». La troisième personne par contre, nous montre bien qu’elle n’a pas été touchée par les ambitions de Libeskind; « Les combles sous les escaliers avec des coussins et des dessins animés diffusés sur un écran, des stands d’expositions dans des lieux non pensés à cet usage (le bâtiment n’était pas sensé accueillir d’expo à la base), tous les espaces non réguliers, difformes, vraiment curieux et intriguant à aucun moment angoissants ou oppressants. » Elle nous parle d’ambiance ratée. Cette dernière personne nous permet de dire que le musée juif de Libeskind n’est pas une réussite unanime. Comme pour le Rolex Learning Center, il est intéressant de voir que pour les sept personnes n’étant pas dans le domaine de l’architecture, leurs descriptions/ressentis/réactions, sont assez similaires aux autres sondés travaillant ou étudiant l’architecture. Cela montre qu’en choisissant de ne respecter aucune règle de l’architecture, Libeskind parvient à perturber même l’oeil d’amateur, n’ayant aucune connaissance architecturale. 131


Pour les 27 personnes qui ont apprécié le bâtiment, nous leur avons demandé d’expliquer la raison. Dans ces réponses, ce qui ressort majoritairement sont les mots: ambiance, émotions fortes, puissance dans le propos, atmosphère particulière, sentiments, sensations, identité forte. Cette étape nous a surtout permis de voir que le pari de l’architecte a été gagné.

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5.

Les émotions

Tendance à l’action

La tristesse

La peur

pleurer (3)

vouloir partir(1)

Evaluation de la situation Ressenti ou sentiment

triste (6)

La sérénité

grave, brutal(2), angoissant, dure

paisible

angoissé (7)

apaisé (2), repos (1), relaxé(1), sentiment de flottement (3)

La surprise

le plaisir

La gène

la songerie

Evaluation de la situation

ambiance étonnante, surprenant (3), original(2), impressionnant(2), extravagant, étrangeté, développement de sensations, spectaculaire

intéressant(2), impressionnant(2), prenant, grandiose, labyrinthe à travers l’histoire, beau concept, réussi, interactif, amusant

sentiment de perdition, étouffant, déséquilibre, tordu, oppressant, déstabilisant, tortueux, imposant(2), bruyant,lourd, froid(2)

comprendre les sentiment de cette période noire

Tendance à l’action

expérimenter(4), arpenter tous les recoins (8), explorer(6)

s’approprier le bâti(1), échanger(5), vouloir y retourner (3), se promener comme dans un parc (4)

vouloir partir(1)

méditation (12), introspection personnelle (9), réflexion (2), confronté à soit même(1), comprendre les sentiment de cette période noire (1)

Ressenti ou sentiment

surpris (10), fasciné (7), impressionné (17), curieux(16), étonné (6)

séduit (3), content (3), impressionné(17)

oppressé(14), perdu (8), malaise(4), déstabilisé (20)

inspiré (12)

Le nombre entre () signifie le nombre de fois que le mot à été utilisé par les sondés. L’absence de () veut dire que le mot n’a été utilisé qu’une seule fois.

Le but du mémoire étant de voir l’influence de la lumière sur les émotions dans l’architecture, nous allons commencer par faire sortir du sondage les

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différentes émotions véhiculées. Lorsque l’on décode tous les témoignages grâce à la grille des émotions, nous pouvons dégager sept émotions qui sont à l’origine des actions entreprises par les visiteurs ainsi que de leurs sentiments. Nous avons vu antérieurement, qu’il existe six émotions de base et une infinité d’émotions mixtes, issues des émotions de base. Pour le musée juif, notre sondage met en évidence d’abord quatre émotions; la surprise, le plaisir, la gène et la songerie. Ensuite trois émotions plus discrètes; la tristesse, la peur et la sérénité. Nous avons donc trois émotions de base; la tristesse, la surprise et la peur. Et quatre émotions composées; le plaisir qui découle de la joie selon la roue des émotions de Plutchick, la songerie qui découle de la tristesse, la gène, qui est un mélange de dégout et de surprise et enfin la sérénité qui vient elle aussi de la joie. L’analyse de l’évaluation de la situation qui s’est faite par la description du bâtiment, se révèle sans grande surprise. En effet, les descriptions se partagent entre la gène, la surprise et le plaisir avec : 13 personnes sur 30 qui expriment de la gène, 12 personnes sur 30 la surprise, 11 personnes sur 30 le plaisir, 5 personnes sur 30 la peur, et enfin 1 personne sur 30 la sérénité. Pour l’analyse des tendances à l’action: 16 personnes sur 30 expriment la songerie ce qui est une réussite donc pour Daniel Libeskind pour qui le but était que les visiteurs ressentent l’histoire et la mémoire et par conséquent qu’ils y réfléchissent.13 personnes sur 30 expriment de la surprise, qui vient de la nouvelle façon de voir l’architecture qu’a Libeskind. 9 personnes sur 30 évoquent le plaisir, émotion qui traduit un enthousiasme par rapport à l’édifice, 3 personnes sur 30 manifestent de la tristesse en pleurant, conséquence d’une réflexion sur les conditions de vie pendant la Shoah, 1 personne sur 30 134


la peur et 0 personnes sur 30 la sérénité. Ce qui est intéressant c’est de voir qu’il n’y a pas une multitude d’actions différentes entreprises. Les sondés répondent de manière assez unanime entre la méditation (et ses dérivés; introspection personnelle,…) et l’exploration (et ses dérivés) du bâtiment. Il y a donc un pattern de tendances à l’action et donc d’émotions dans ce bâtiment. C’est lors de l’analyse du ressenti que nous observons une plus grande diversité d’émotions. En effet: 25 personnes sur 30 expriment de la surprise, 24 sur 30 de la gêne, 17 sur 30 de la songerie, 12 sur 30 le plaisir, 6 sur 30 la tristesse, 7 sur 30 la peur, et enfin 7 personnes sur 30 la sérénité. C’est dans cette analyse que les sondés ont été les plus généreux en réponses, beaucoup de ressentis en sont sortis. Les visiteurs semblent donc très touchés par cet édifice et l’on observe toute l’importance du bagage culturel et personnel dans le ressenti des émotions.

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Fig. 61, Daniel Libeskind, Le musée juif de Berlin, L’entrée © http://skildy.blog.lemonde.fr

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6.

Influence de la lumière

Nous allons tenter de voir si la lumière joue un rôle dans les émotions ressenties par les passants. Comme nous l’avons vu, le musée juif fait ressentir sept émotions. Elles débutent par une évaluation de la situation puis engendrent toutes sortes d’actions et de sentiments/ressentis. Nous avons donc; la surprise, le plaisir, la gêne, la songerie, la tristesse, la peur et la sérénité. Nous allons les prendre une par une, analyser les composantes de l’émotion et tenter de trouver les liens avec la lumière. Ici, contrairement au Rolex Learning center, les émotions n’engendrent pas énormément d’actions. Nous pourrions penser que la fonction du bâtiment y joue un rôle. En effet, le Rolex étant une bibliothèque, les gens viennent pour y rester, pour se l’approprier. Par contre, les gens viennent au musée juif pour visiter, se laisser guider, les actions sont donc moindres. Mais il n’en est pas de même pour les sentiments. La surprise: La surprise se retrouve de façon récurrente dans les ressentis des visiteurs. Daniel Libeskind arrive tout au long du parcours à surprendre avec son architecture. Comme nous l’avons vu, l’architecte déroge aux codes du musée ‘agréable’ à visiter où c’est le contenu qui est mis en avant. Ici l’architecte met son architecture au coeur de la visite. Offrant de nouvelles sensations, de nouvelles expériences aux visiteurs. Le manque de lumière dès l’entrée interroge déjà le visiteur. Ensuite, après avoir emprunté l’axe de l’Holocauste, le visiteur se retrouve dans cette tour démesurée, vide, froide, noire. Seul un point focal de lumière situé sur une extrémité de la haute tour lui apparaît comme une lueur d’espoir dans la pièce sombre et appelle sa curiosité. La surprise est bien présente, personne ne s’attend à cet espace derrière la porte. Nous voyons d’ailleurs dans les témoignages que cet espace est le deuxième le

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Fig. 62, Daniel Libeskind, Le musĂŠe juif de Berlin, La songerie

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plus marquant pour les visiteurs. On voit bien par cet exemple que les émotions fixent les souvenirs. Par après, Libeskind surprend le visiteur dans les escaliers de la continuité baignés d’une lumière naturelle abondante qui représente l’infini après avoir été plongé tout au long de la visite dans des couloirs sombres et obscurs. De plus, la lumière étonne par sa transmission; des ouvertures en formes de cicatrices hors du commun. Pour la surprise, nous avons donc la lumière sombre, la lumière focale, la lumière symbolique, la lumière aléatoire. Le plaisir: Le plaisir se décèle dans les témoignages lorsque les personnes nous décrivent l’architecture générale et l’expérience qu’elle procure. Le plaisir apparait d’avantage en conclusion de la visite. Ce plaisir semble exprimer une émotion générale et concluante. Cependant ce plaisir est plutôt une forme de contentement du satisfaction d’avoir vu un monument représentant une période de l’histoire terriblement manquante. En effet, on lit les mots tels que «impressionnant», «beau concept», et «réussi» qui traduisent du plaisir. Ici, nous ne pensons pas que la lumière ait d’influence sur l’émotion. La songerie: La songerie est certainement provoquée par l’histoire que raconte ce musée, l’histoire de la Shoah, de la vie des Juifs. La particularité de ce musée est qu’il ne semblait pas nécessaire pour l’architecte d’y mettre une exposition, seule l’architecture serait le musée. Ce qui nous indique que ce n’est pas seulement l’exposition qui pousse les gens à se recueillir et à méditer mais bien l’architecture en elle-même. En examinant bien les témoignages, il en ressort que la songerie est souvent ressentie dans les vides dessinés par l’architecte. Dans ces tours, l’architecte a préféré y installer une lumière zénithale afin de distribuer la lumière dans toute la profondeur. Les tours étant très hautes, la lumière n’a pas la même intensité qu’on soit en haut ou en bas. Nous pensons 139


Fig. 63, Daniel Libeskind, Le musÊe juif de Berlin, le sous-sol Š http://c2r4a1.blogspot.be/2006_10_01_archive.html

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qu’avoir une lumière qui s’estompe au fur et à mesure pousse le visiteur dans sa songerie et ses réflexions. Plutôt que d’avoir une lumière unilatérale qui risque d’éblouir et de gêner ou encore une lumière trop abondante. La gène: La gène se ressent très fort dans les témoignages surtout lors de la description (évaluation de la situation) et du ressenti. Aucune tendance à l’action ici, sauf une personne qui voulait partir. Dans le musée Juif, c’est le caractère froid et l’architecture qui bouscule les sens qui procurent généralement de la gène. Le caractère froid se retrouve dans l’ensemble du bâtiment qui baigne d’une lumière froide car les ouvertures sont peu nombreuses et très étroites, il n’y a pas d’homogénéité, une mauvaise distribution de lumière due aux emplacements aléatoires des ouvertures et donc non optimale. Quant au fait de bousculer les sens, la gène s’est surtout ressentie dans le jardin de l’exil. En effet, le sol de travers entouré de colonnes bouscule les sens des passants. La lumière aide-t-elle le processus? Nous avons vu que la lumière du jardin est une lumière rythmique. En effet, elle se faufile entre les piliers de béton mis à l’orthogonale. Nous ne pensons pas qu’ici la lumière joue un rôle important. Certes, elle offre un certain caractère, mais elle n’influence pas la gène. Certains témoignages expriment que le fait de n’avoir aucune parallèle, aucune droite dans les axes souterrains leur donnent des sensations de malaise. Ils ne font peut-être pas attention, mais l’absence de lumière naturelle accentue certainement l’émotion. Seuls des rails de lumière artificielle ainsi que deux petits appels de lumière aux extrémités sont présentes. De plus dans le sondage, les ressentis de malaise, d’oppression se rapportent également à la tour de l’Holocauste qui, comme vu plus haut, est démesurée, vide, froide, sombre avec un appel de lumière par une fente en haut de la paroi.

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Fig. 64, Daniel Libeskind, Le musée juif de Berlin, le vide de la mémoire © http://ecriture-en-chantier.over-blog.com

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La peur: Lorsque nous lisons les témoignages, il ressort distinctement que la peur apparaît de manière presque systématique dans l’espace du vide de la mémoire. Si nous observons ce vide, il apparait clairement que c’est la sonorité des plaques de métal qui s’entrechoquent et qui résonnent dans cette gigantesque tour qui génère la peur récurrente des passants. Mais qu’en est-il du rôle de la lumière? Nous pensons qu’ici la lumière joue également un rôle. En effet, cette tour n’est éclairée qu’au zénith ce qui donne une lumière très légère au sol, juste ce qu’il faut pour voir autour de nous, elle donne cette impression d’être comme dans un puit ou la seule issue se trouve au plafond: inaccessible. De plus, le visiteur doit traverser la tour, sans avoir d’appel de lumière de l’autre côté. Il avance vers un trou noir. C’est la que le visiteur ressent un malaise, de la peur, de l’angoisse dus à l’absence de lumière. La tristesse: La tristesse s’exprime peu dans les témoignages, seules 6 personnes affirment avoir été tristes et 3 avoir pleuré. Mais aucune description nous en informe. Cependant, deux d’entre elles peuvent associer cette émotion à un endroit, le vide de la mémoire. Nous pensons que cette émotion est comme la surprise ou le plaisir, une émotion générale. L’ambiance froide et sombre que l’architecte a choisi pour traduire l’horreur vécue par le peuple juif influence cette émotion. D’ailleurs pour trois d’entre elles, elles estiment ne pas pouvoir associer d’endroit spécifique pour ce ressenti. Ce qui montre bien que c’est l’atmosphère générale qui induit cette émotion. La sérénité: Dans le sondage, la sérénité est en général associée à l’espace de musée. Nous en tiendrons peu compte car cet espace n’a pas été dessiné par l’architecte, il ne l’a pas scénographié et cette partie ne rentre pas dans son architecture. Nous ne ferons ainsi pas de lien avec la lumière. 143


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Les Thermes de Vals 1.

Peter Zumthor

Le suisse né à Bâle ne fut jamais diplômé en tant qu’architecte191. En effet, il suivit d’abord une formation dans une école d’arts appliqué puis il étudia le design industriel au Pratt Institute, à New-York192. (2) Il revint ensuite en Suisse pour travailler au sein du département pour la préservation des monuments historiques dans le canton des Graubünden, là où il vit toujours. Dans ce domaine, il reçut un enseignement pointu des structures et des matériaux. Il apprit à prendre son temps afin de bien faire les choses. C’est à ce moment là que naissent les fondations de son architecture: la « slow architecture »193. En 1979, Peter Zumthor monta son agence dans le village de Haldenstein, loin de l’agitation urbaine. Ses oeuvres sont peu visibles dû au manque d’ouvrages et l’absence de site internet. En effet, pour l’architecte suisse, se montrer, être au devant de la scène, est à l’opposé de sa philosophie. Pour lui, l’architecture est là pour toucher les gens194. Dans son ouvrage ‘Atmosphère’, il nous dit: « La qualité architecturale, ce n’est pas d’avoir sa place dans un guide d’architecture ou dans l’histoire de l’architecture ou encore d’être cité ici ou là. Pour moi, il ne peut s’agir de qualité architecturale que si le bâtiment me touche. » Peter Zumthor rentre donc bien dans le cadre de l’architecture émotionnelle car pour lui, l’architecture se vit, se ressent. Il cherche donc à transmettre des sensations, des sentiments, pour plonger les gens dans une atmosphère recherchée195. «Il existe une interaction entre nos impressions et les choses qui nous entourent. C’est ce dont je m’occupe comme architecte. Mon travail porte sur les formes, les conceptions formelles (physionomie), les 191 http://www.lecourrierdelarchitecte.com/article_4210 192 http://www.lecourrierdelarchitecte.com/article_4210 193 ibidem 194 http://www.pointsdactu.org/article.php3?id_article=1374 195 ibidem

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présences matérielles qui constituent notre espace de vie. Par mon travail, je contribue à façonner la réalité, à donner à l’espace construit une atmosphère où nos sensations puissent s’enflammer. » Peter Zumthor196. L’approche de Zumthor est considérée comme « phénoménologique », le visiteur prend conscience de l’édifice grâce et à travers ses sens197. Dans ses écrits et à travers de ses oeuvres, nous pouvons observer que l’architecture de Peter Zumthor donne priorité aux ambiances intérieures, à la lumière, au son, au toucher et à l’odeur, à une démarche sensorielle198. Dans son ouvrage ‘Atmosphère’, l’architecte nous décrit en neuf points le savoir-faire pour créer des atmosphères architecturales. « 1. Le langage de

l’architecture est anatomique, 2. Le langage de l’architecture est physique, 3. Le langage de l’architecture est acoustique, 4. Le langage de l’architecture est thermique, 5. L’espace architectural doit ménager des seuils; 6. L’espace architectural doit créer des « palmiers d’intimité », 7. L’espace architectural doit accueillir un monde de corps laissés libres de déambuler, 8. L’espace architectural doit accueillir un monde d’objets choisis et placés pour renforcer la présence tranquille de la matière. »199 Et enfin le dernier point qui nous intéresse: la lumière et les choses. Dans cette dernière partie, Zumthor nous montre à quel point la lumière tient un rôle primordial dans le choix des matériaux. Pour lui, elle offre la profondeur aux objets par leur matériaux200. Sans lumière, il n’y a pas d’ombre et sans ombres, il n’y a pas de reliefs. Zumthor qui, comme nous l’avons vu, porte un grand intérêt aux matériaux, nous dit que la lumière doit être domestiquée afin de servir ce dernier et d’en révéler toute sa qualité201. 196 ibidem 197 ibidem 198 http://www.lecourrierdelarchitecte.com/article_4210 199 http://www.laviedesidees.fr/IMG/pdf/20090529_zumthor.pdf 200 ZUMTHOR, Peter, Penser l’architecture, édition Birkhauser, 2006 201 ibidem

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2.

Processus et ambitions du projet

« La légèreté du commencement. Faire un retour en arrière dans le temps, se baigner comme il y a mille ans, créer un édifice, une structure construite encastrée dans la pente, qui soit, dans son attitude et son rayonnement architectural, plus ancien que tout ce qui est déjà construit autour; inventer un bâtiment qui aurait pu, d’une certaine manière, être là depuis toujours, qui interagisse avec la topographie et la géologie du site, qui réagisse aux masses de pierre de la vallée de Vals, écrasées, soulevées et parfois brisées en milliers de pierres plates – voilà quelles furent nos intentions pour ce projet. Mais n’y avait-il pas encore quelque chose avant – des idées, des images, plus fragmentaires et moins cohérentes que celles que je résume par écrit aujourd’hui en me remémorant nos intentions projectuelles ? » Peter Zumthor Dans son ouvrages ‘Les thermes de Vals’ Peter Zumthor se souvient des débuts du projet. Il se rappelle s’être promené dans le village de Vals et voir les pierres plates des toits qui lui apparaissaient comme ‘les reflets de la lumière sur l’eau’. Il finit par ne voir plus que ça; les pierres. Celles des murs, des murets, les carrières environnantes. L’hésitation ne fut pas longue avant que Zumthor ne s’intéresse au Gneiss et le regarde de plus près, afin de tester le matériau. Dans la recherche du langage architectural pour les bains, l’agence suisse avait des modèles dans les environs; de nombreuses galeries de protection contre les chutes de pierres et avalanches, et le mur de retenue de Zevreilasee. Des architectures puissantes qui s’ancrent dans la montagne. Zumthor avait d’autres modèles, comme une photo accrochée dans le bureau des bains turcs Rudas à Budapest. « La lumière tombe en rayons à travers les ajours percés dans le ciel étoilé de la coupole et éclaire un espace comme fait pour le bain: bassins de pierre remplis d’eau, vapeur montant dans l’air, semi- obscurité traversée de rais lumineux, une atmosphère calme, tranquille, des espaces qui se perdent

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Fig. 65, Peter Zumthor, les thermes de Vals, croquis de carrières © Peter Zumthor

Fig. 66, Peter Zumthor, les thermes de Vals, croquis de carrières © Peter Zumthor

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dans la pénombre, on croit entendre l’espace résonner de mille bruits d’eau tous différents. On sentait là quelque chose de calme, d’originel, de méditatif qui nous enthousiasmait. Culture orientale du bain. Nous nous mîmes à apprendre. » Peter Zumthor Après avoir appris de ses modèles, Zumthor se mit à faire ses premiers schémas. « Des blocs de roche dans l’eau. ». « J’amenai l’esquisse à une séance de projet. L’un d’entre nous a dû alors faire la réflexion que c’était comme une carrière. Par la suite, nous avons dessiné beaucoup d’images de carrière. » Peter Zumthor Les multiples dessins de carrières se transformèrent vite en étude de blocs. Un jeu d’extraction et création se blocs se mit vite en place à la manière d’une carrière dans la pente du terrain devant l’hôtel. « Des failles, des creux, des rigoles apparurent, dans lesquels l’eau se mit à couler ou à s’amasser. Masse et cavité, ouverture et condensation, rythme, répétition et variation – ce furent là les thèmes qui nous intéressèrent alors que nous dessinions les images de carrière. Et l’excavation virtuelle de la masse fit apparaître un vaste espace intermédiaire, un immense réseau relationnel, un continuum spatial qui nous fascinait de plus en plus. Nos bains, un grand continuum spatial, un espace que je perçois comme un tout dès que j’y pénètre mais que je ne peux jamais englober du regard. Je dois le parcourir, le découvrir en marchant. J’en fais l’expérience image par image, comme une séquence spatiale. » Peter Zumthor Il fallu ensuite à l‘architecte passer des dessins de carrières à l’image d’un bâtiment de pierre. L’image d’un grand monolithe de pierre émergeant de la pente s’est assez vite imposée. Le principe s’est rapidement mis en place, une masse de pierre évidée par endroit; devant, derrière, en son intérieur afin d’offrir des cavernes fermées et des cavités ouvertes. 149


Fig. 67, Peter Zumthor, les thermes de Vals, croquis en coupe © Peter Zumthor

Fig. 68, Peter Zumthor, les thermes de Vals, l’extérieur © http://pergame-shelter.blogspot.be

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« excavations imaginaires produisant d’énormes «tables de pierre», quasiment «taillées» dans la masse du rocher, de grands piliers de pierre avec des dalles en porte-à-faux. » Peter Zumthor Le bâtiment se constitue donc d’une quinzaine de volumes simples, des parallélépipèdes de pierres avec un toit en porte-à-faux. Les toits s’ajustent comme un puzzle en couvrant toute la parcelle. Tandis qu’en dessous, les blocs plus petits ne remplissent pas tout l’espace afin de laisser la place pour circuler dans le bâtiment. Ces blocs dessinent également les façades. De plus, les pièces de puzzle du toit ne se touchent jamais, elles sont séparées d’un interstice de 8cm de large. Des joints de verre qui protègent de l’infiltration et donne un effet double à l’intérieur. En effet, le toit semble très lourd et pourtant chaque morceau cerné de ligne de lumière semble flotter dans le vide. Comme nous pouvons le voir sur les premiers schémas des études de blocs, il y avait déjà des espaces entre ceux-ci et dans lesquels Zumthor pu directement insérer certaines fonctions comme les bassins, les bains chauds et froids, les chutes d’eau etc… « Côté montagne, ces études montrent des blocs de grande taille, disposés plus près les uns des autres avec des interstices étroits, là où ils se «confondent» presque avec la masse rocheuse imaginée de la pente. Côté vallée, la densité des pierres diminue et le vide entre les blocs s’agrandit. Au cours de l’élaboration du projet, nous avons trouvé des règles géométriques pour la disposition des blocs. Les volumes, d’abord librement juxtaposés, commencèrent à suivre certaines lois. » Peter Zumthor Les blocs eux-même sont creusés afin d’y contenir des espaces intérieurs. Cette configuration offre donc aux baigneurs deux espaces différents; un premier entre les blocs qui les relie et des espaces introvertis, intimes presque comme des cachettes à l’intérieur des blocs. Zumthor appelle ‘méandre’ cet espace qui entoure les blocs. Pour lui cet espace à un caractère collectif dans lequel les gens circulent. La circulation est libre, chacun est libre de former 151


Fig. 69, Peter Zumthor, les thermes de Vals, organisastion du méandre © Peter Zumthor

Fig. 70, Peter Zumthor, les thermes de Vals, travail des blocs © Peter Zumthor

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son propre chemin. « C’est dans le méandre que l’on expérimente les bains. Il m’accueille dans les étroits passages du côté de la montagne (a), il me mène dans les cabines des vestiaires aux parois de bois où j’abandonne mes habits de tous les jours et me transforme en hôte du lieu (b); Il me mène ensuite sur la galerie de pierre où je découvre avec curiosité ce qui s’offre devant et sous mes yeux (c), et il m’invite enfin à flâner à mon gré pour découvrir le paysage des blocs et des bassins (d). Ce faisant, je me déplace de la montagne vers la vallée, de l’ombre vers la lumière (e), des passages intérieurs vers les magnifiques panoramas en aval du bâtiment (f), où l’alignement des blocs ménage de vastes échappées sur l’au-dehors. Paysage encadré (g). La pente du versant opposé, le paysage, pénètre dans le bâtiment. On voit de grands tableaux calmes. » Peter Zumthor Il a fallu ensuite à l’architecte de faire le travail des blocs. Les évidés afin d’offrir de nouveaux refuges et de nouvelles utilisations pour le plaisir des baigneurs. Dans chacun des blocs Peter Zumthor a créé des surprises. D’abord par le volume intime qui contraste avec l’aspect massif de l’extérieur. Ensuite par l’usage de la couleur, le béton teinté des parois qui rompt avec le gris de la pierre du grand volume. Enfin, par une rencontre à chaque fois unique avec l’eau. L’architecte met en scène une sensation et une seule dans chaque bloc. Par exemple, le bain très chaud à 42° celscius, qui est la température de l’eau sur la peau que l’architecte associe à des parois de couleur rouge. Dans les autres blocs on peut découvrir l’eau qui tourbillonne, l’eau avec des pétales de fleur, on peut gouter l’eau, prendre un bain de vapeur ou se baigner dans un bain d’eau froide à 14°celscius. D’un bloc à l’autre chacun s’invente son parcours et peut vivre dans un ordre librement choisi, toutes les expériences de l’eau. «Au cours de notre travail, nous étions guidés par une idée que nous avons pu formuler toujours plus concrètement, à savoir que faire l’expérience de l’eau à différentes températures et dans différents espaces, dans des lumières, 153


Fig. 71, Peter Zumthor, les thermes de Vals, la lumière Š Peter Zumthor

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des couleurs, des sonorités, des climats et des matériaux variés, devait être un plaisir; faire l’expérience de la proximité du corps, de l’eau et de la pierre; s’immerger dans l’eau pour se détendre, comme rituel. Purification. Calme. Tranquillité. Pas d’attractions bruyantes, renoncement aux excitations exagérées, afin de ressentir les nuances les plus minimes de son propre corps. » Peter Zumthor « Dans la structure en pierre à laquelle nous travaillions, nous avons peu à peu appris à différencier entre la lumière latérale (a), pénétrant dans le bâtiment du côté de la vallée et vécue moins comme un éclairage naturel que comme une vue majestueuse, les classiques points lumineux (b), que nous nous réservions pour le Bain intérieur, et les joints de lumière (c), dans le plafond, à travers lesquels des rais lumineux illuminent certains murs, baignant l’espace dans une atmosphère particulière. » Peter Zumthor Zumthor et son bureau ont réalisé différents types de maquettes; d’implantation, des maquettes en carton pour vérifier ses esquisses, des études de blocs en trois dimensions, puis une maquette des blocs en béton et, enfin, une maquette en pierre de gneiss afin de tester les effets de l’eau et de la lumière sur les parois de pierre naturelle. « A l’aide de grandes maquettes placées sous la lumière du jour, nous avons étudié quelles ambiances particulières l’eau dans le sol et la lumière naturelle pénétrant par les interstices du toit permettent de créer; nous voulions apprendre à utiliser leurs effets dans une scénographie efficace. Et comme nous pensions que dans la masse d’ombre des cavités méandreuses, l’air serait toujours humide et les sols de pierre toujours mouillés, nous avons construit nos maquettes en pierre ou en béton cellulaire et les avons mises sous l’eau pour observer les effets lumineux apparaissant dans de telles conditions: pierre et eau, ombre et lumière. » Peter Zumthor « Dans l’architecture, l’eau et la pierre peuvent établir une relation naturelle, 155


voire peut-être magique. La pierre aime l’eau. Et l’eau aime la pierre, peut-être plus que tout autre matériau. Les photographies des maquettes le montrent: les pierres forment un espace; l’espace de pierre retient l’eau; la lumière s’infiltre par certains endroits déterminés et la pierre luit; et l’eau commence à briller, parfois à la façon d’un miroir, parfois comme une masse – et voilà que cette ambiance, cette atmosphère particulière est déjà là. Il faut juste la voir. Un cadeau. Et pour que la pierre caresse le corps, on doit la chauffer, afin que, lorsqu’on la touche, on ait l’impression qu’elle a été réchauffée par le soleil. Et on doit la laisser agir comme masse, ne pas lui imposer trop de formes architecturales ou de visions sculpturales, mais la laisser être imposante et calme, pour qu’elle soit présente comme pierre et puisse déployer ses effets sur notre corps. Plus nous faisions confiance à la pierre et lui laissions jouer le rôle principal, plus elle nous montrait sa finesse, ses dessins et ses structures, sa beauté. » Peter Zumthor

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Fig. 72, Peter Zumthor, les thermes de Vals, les fenêtres © http://aasid.parsons.edu

Fig. 73, Peter Zumthor, les thermes de Vals, l’implantation © https://arhitecturez.files.wordpress.com

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3.

Lumière

La stratégie de la lumière naturelle Capter Comme pour chaque édifice, capter la lumière dépend évidemment du type de ciel, du moment de l’année et de l’heure, caractéristiques qui ne peuvent être modifié par l’architecte. Cependant il peut jouer avec l’environnement qui l’entoure, choisir l’inclinaison des ouvertures ainsi que leur orientation. Ici, Peter Zumthor a pris le parti de s’insérer dans la montagne existante afin de prolonger le paysage et de s’ouvrir vers le Sud-Est qui bénéficie d’une vue inouïe et d’une lumière intense de la matinée jusqu’à l’après-midi pour les parties de relaxation et une lumière zénithale sur la plupart du bâtiment pour une plus grande part de lumière naturelle diffuse dans les pièces.

Transmettre caractéristiques de la fenêtre: Lorsque l’architecte place des fenêtres sur la seule façade visible, il en fait deux sortes; toutes deux sont des cadres carrés mais de dimensions différentes. L’une, est très grande, dessinée par la structure de l’édifice. Cette fenêtre recouvre la surface entière de la pièce et permet donc un entrée majestueuse de la lumière. L’autre, plus petite, permet surtout de cadrer les vues. Carrée, placée un peu plus haut que le centre de la paroi afin d’éclairer de façon plus optimale. Type de transmission lumineuse: Zumthor fait usage de deux types de distribution; l’éclairage naturel direct lorsqu’il ouvre très franchement ses façades vers les montagnes par exemple, mais utilise également l’éclairage naturel indirect en utilisant les réflexions

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Fig. 74, Peter Zumthor, les thermes de Vals, lumière zénithale © http://www.veluxstiftung.ch

Fig. 75, Peter Zumthor, les thermes de Vals, les fenêtres cadrées © http://ideasgn.com

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des rayons lumineux sur l’eau ou la pierre humide. Répartition des ouvertures: L’architecte ne se limite pas à une seule manière de répartir la lumière. Dans les espaces de bains où chacun se crée son propre chemin et déambule à son rythme, Zumthor utilise la lumière zénithale afin de procurer du mouvement. Tandis que dans les espaces de repos, où l’on prend une pause, l’architecte nous met face à la nature en cadrant les fenêtres vers la nature et ce avec un éclairage unilatéral.

Distribuer les dimensions du local: Les dimensions sont toujours à l’échelle de l’humain, peu profondes mais assez larges afin d’éclairer toute la surface. l’aménagement intérieur: Ici il n’y a pas beaucoup d’aménagement intérieur, la fonction étant des bains thermaux, seule la présence de l’eau et de la pierre s’y retrouve. L’eau des bains permet de faire un jeu de lumières et de reflets qui baignent la pièce dans une certaine atmosphère. La pierre, grise, n’améliore pas forcément la distribution lumineuse afin d’avoir l’effet espéré par l’architecte; une lumière plus tamisée. Matériau des surfaces du local: « De la pierre, de l’eau et un soupçon d’or ... C’est avec un mélange de plaisir et de retenue que nous avons apposé des touches de lumière en certains points de notre masse de roche, comme des bijoux sur un habit de pierre: bronze, laiton, une note d’acier noir et du verre bleu; du mahagoni et du cuir pour les vestiaires et les espaces de repos, de l’acier chromé étincelant dans les petites pièces en béton noir servant aux soins du corps et puis, un peu plus théâtral, béton teinté en rouge, en bleu ou en noir dans les univers plus petits au sein des blocs; basalte noir pour les blocs de sudation, effets d’éclairage artificiel dans l’eau, tourbillon des pétales de soucis. » Peter Zumthor 161


Fig. 76, Peter Zumthor, les thermes de Vals, © Hélène Binet

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Fig. 77, Peter Zumthor, les thermes de Vals, les clairs obscurs,© http://www.presidentsmedals.com


Les ambiances lumineuses Lumière et structure La lumière révèle la structure: En effet, dans le bâtiment des thermes les rails de lumière permettent de comprendre la structure en ‘blocs’ de l’architecte, de voir son assemblage de puzzle.

Lumière et matière La lumière accentue le matériau: Comme nous pouvons l’observer sur les photos, les rails de lumière zénithale permettent de mettre en évidence le matériau, ici le jeu d’empilement des pierres de la région.

Lumière et frontières La lumière sépare l’intérieur et l’extérieur: Lorsque Peter Zumthor met en place les fenêtres qui sont cadrées sur la vue à la manière d’un tableau, l’environnement nous apparait alors éloigné et nous sépare.

Lumière et espace La lumière divise l’espace: Le jeu subtil des thermes avec ses contrastes et clairs obscurs, les variations d’intensité lumineuse structure l’espace et met en place des gradations.

Lumière qui dirige La lumière influence du mouvement: L’utilisation des rails lumineux en toiture permet de donner du mouvement et d’inciter le visiteur à aller faire son expérience et tester chaque bain. Ils guident notre corps dans l’espace. La lumière développe une hiérarchie: L’architecte utilise la lumière pour créer une hiérarchie de l’espace; il dessine chaque partie, fonction, avec sa lumière propre.

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Fig. 78, Peter Zumthor, les thermes de Vals, la lumière bleue Š Peter Zumthor

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Lumière et couleur Les surfaces colorées: L’architecte Peter Zumthor utilise du béton teinté dans certains bains afin de rompre avec le gris de la pierre et créer un atmosphère. Par exemple, dans le bain à 42° c’est la couleur rouge qui a été choisie afin de représenter la chaleur. La lumière colorée par réflexion: L’environnement extérieur influence énormément les caractéristiques de la lumière naturelle qui entre dans un édifice. Ici la construction est entourée d’herbe, surface de réflexion verte, il y a donc une lumière verte qui pénètre à l’intérieur. Notre oeil s’y adapte mais les rapports entre les couleurs en sont influencés. - La lumière colorée par transmission: Au centre du bain principal intérieur, l’architecte a placé des vitres zénithales teintées en bleu. La lumière naturelle prend alors une coloration bleutée lorsqu’elle pénètre par le matériau.

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4.

Sondage

Pour les Thermes de Vals, nous n’avons pas réussi à récolter autant de réponses que pour les deux bâtiments précédents. Ceci est probablement dû au fait que l’architecte n’accepte que peu de publications. Les personnes ne travaillant pas dans l’architecture n’en entendent donc que très rarement parler. De plus, l’édifice est caché dans un petit village au coeur de la montagne dont l’accès est difficile. Malgré le peu de réponses, il est intéressant de voir que pour les thermes de Vals, tous les visiteurs ont apprécié la visite ou le séjour. Tous les commentaires à propos de l’édifice sont positifs. De nouveau, nous pouvons voir que les répondants n’étant pas dans le domaine de l’architecture, ont donné des descriptions/ressentis/réactions qui sont assez similaires aux autres sondés travaillant ou étudiant l’architecture. L’homogénéité des réponses nous montre que l’architecte à touché ses visiteurs, tous, de la même façon. Observons à présent si les émotions des visiteurs s’alignent avec les ambitions de Zumthor. Lorsque nous leur avons demandé les raisons pour lesquelles ils apprécient le bâtiment, trois caractéristiques ressortent fréquemment; la parfaite implantation dans la montagne, le côté magique et l’efficacité des ambiances. Nous pouvons voir que ces caractéristiques et ces ressentis se rapprochent fortement des intentions de Zumthor. En effet, si nous reprenons ses mots: « inventer un bâtiment qui aurait pu, d’une certaine manière, être là depuis toujours, qui interagisse avec la topographie et la géologie du site, qui réagisse aux masses de pierre de la vallée de Vals, écrasées, soulevées et parfois brisées en milliers de pierres plates – voilà quelles furent nos intentions pour 166


ce projet. » Cette intention parait être bien ressentie par les visiteurs dans leurs réponses: « parce que c’est un moment agréable de baigner dans ces thermes qui sont comme creusés dans le flan de la montagne» , «L’architecte a su donner un sens à son implantation à Vals.» ou encore « parce-qu’il se fond bien dans le paysage. » Ensuite, pour le caractère magique et la recherche d’ambiances, c’était bien une ambition de Peter Zumthor car comme vu plus haut, ce dernier est un architecte très poétique et à la recherche de l’expérience des sens dans la plupart de ces constructions. Par cette quête, l’architecte travaille beaucoup sur la recherche d’ambiances, également sujet d’un de ces ouvrages. « L’espace de pierre retient l’eau; la lumière s’infiltre par certains endroits déterminés et la pierre luit; et l’eau commence à briller, parfois à la façon d’un miroir, parfois comme une masse – et voilà que cette ambiance, cette atmosphère particulière est déjà là. Il faut juste la voir. Un cadeau. » Peter Zumthor

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5.

Les émotions Le plaisir

La sérénité

La surprise

Evaluation de la situation

magique (3), oeuvre, plaisir, efficace, intéressant, superbe, perfection des espaces, magnifique(3), merveilleux (2), super, génial, beau rapport à la nature, beau, agréable, belle expérience

protecteur, détente, pureté, havre de paix, douceur, sobre,

expérience sensationnelle, mystère

la songerie

Ressenti ou sentiment

bien-être (11), séduit (6), heureux (5), content (2)

serein (8), relaxé (9), sentiment de flottement atmosphérique (3), repos (5), apaisé (5)

surpris (1), curieux (6), impressionné (8), fasciné (3)

inspiré (5)

Tendance à l’action

vouloir y retourner (5), arpenter tous les recoins (5)

se détendre (13)

expérimenter (3), explorer (2)

méditation (6), introspection personnelle (4)

Les () signifient le nombre de fois que le mot à été utilisé dans les différents sondages. S’il n’y en a pas c’est que le mot n’a été cité qu’une seule fois.

Le but du mémoire étant de voir l’influence de la lumière sur les émotions dans l’architecture, nous allons commencer par faire ressortir du sondage les différentes émotions véhiculées. Lorsque l’on décode tous les témoignages grâce à la grille des émotions, nous pouvons en ressortir quatre qui sont à l’origine des actions entreprises par les visiteurs ainsi que de leurs sentiments. Comme nous l’avons déjà répété, il existe six émotions de base et une infinité d’émotions mixtes. Ici, notre interprétation met en évidence d’abord trois émotions très présentes dans les sondages; le plaisir, la sérénité et la surprise. Puis, une émotion un peu plus discrète mais tout de même très présente dans les actions; la songerie. Nous avons donc une émotion de base; la surprise. Et trois émotions composées; le

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plaisir ainsi que la sérénité qui découlent de la joie selon la roue des émotions de Plutchick, et la songerie qui découle de la tristesse. L’analyse de la situation qui se fait grâce à la description du bâtiment, fait ressortir de manière dominante le plaisir avec 12 personnes sur 18 qui l’expriment, suivi par la sérénité traduite dans 3 sondages et enfin la surprise dans 2 sondages. La songerie n’est pas exprimée. Le résultat des tendances à l’action est intéressant car pour chaque émotion pas plus de deux termes sont utilisés et de manière récurrente. Nous voyons donc que ces quatre émotions sont chacune importante, car le but de l’architecture émotionnelle est bien que le visiteur participe, vive l’architecture donc par conséquent agisse. L’émotion dominante ici est la sérénité avec 13 personnes sur 18 qui se détendent, suivie par la songerie et le plaisir avec chacun 10 personnes qui méditent, se baladent ou veulent y retourner. Nous avons en dernier la surprise avec 5 personnes sur 18 qui expérimentent ou explore le bâtiment. Lors de l’analyse du ressenti, nous pouvons voir plus de diversité de manière générale dans les différentes émotions ce qui est plutôt bon signe pour l’architecte désireux de faire passer de multiple sensations. Une majorité de 15 personnes sur 18 ayant ressenti de la sérénité, 12 personnes sur 18 qui expriment le plaisir, 12 personnes également qui traduisent la surprise, et 5 personnes la songerie.

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Fig. 79, Peter Zumthor, les thermes de Vals, la vue Š Peter Zumthor

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6.

Influence de la lumière

Nous allons à présent tenter de voir si la lumière joue un rôle dans les émotions ressenties par les passants. Comme nous l’avons vu, les Thermes de Vals font ressentir quatre émotions. Elles débutent par une évaluation de la situation puis engendrent toutes sortes d’actions et de sentiments/ressentis. Nous avons donc; le plaisir, la sérénité, la surprise et la songerie. Nous allons les prendre une par une, analyser les composantes de l’émotion et tenter de trouver les influences de la lumière. Le Plaisir Le plaisir ressenti par les visiteurs se détecte fortement dans les descriptions. En effet, ces derniers apprécient l’implantation générale du bâtiment tant au rapport physique que moral. Il en ressort aussi le plaisir éprouvé par les différentes ambiances mises en place. De plus, la majorité des sondés ont répondu que les thermes leur procuraient du bien-être. Nous allons voir maintenant si la lumière joue un rôle dans cette émotion. L’implantation du bâtiment est clairement appréciée car elle est insérée dans la montagne, comme si elle en faisait partie. Au premier abord nous aurions tendance à croire que c’est la forme, l’architecture seule qui pourrait provoquer ce plaisir. Cependant, nous pouvons trouver des influences de la lumière. En effet, lorsque nous sommes à l’intérieur de l’édifice, nous ne pouvons réellement voir cette implantation physique. Néanmoins, l’architecte Peter Zumthor, perce son bâtiment à un endroit stratégique afin de donner une vue imparable sur la montagne. Par cette lumière unilatérale et séparatrice, nous bénéficions de cadrages majestueux permettant de profiter de la vasteté du paysage. De plus, nous parlions d’implantation morale. Nous voulons dire par là que Peter Zumthor s’intègre également aux techniques et matériaux de la région. Cette caractéristique lui tient fort à coeur. Il utilise régulièrement la lumière afin de mettre en exergue le matériau, ici, la pierre. La lumière qui

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Fig. 80, Peter Zumthor, les thermes de Vals, les clairs obscurs Š http://www.flickriver. com

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accentue le matériau comme nous l’avons analysé précédemment aide donc à la création du plaisir. Ensuite, nous avons vu que les sondés étaient séduits et ont éprouvé du plaisir à découvrir toutes les ambiances diverses. Pour cet aspect là, nous pensons que c’est le fait de travailler chaque lumière pour chaque espace, le travail de précision qui le met en avant et incite le visiteur à arpenter tous les recoins. Nous pensons également que le plaisir est une fois de plus ressenti grâce à l’impression générale, le souvenir que les personnes en gardent. Nous pouvons le voir dans les tendances à l’action qui sont souvent le fait de vouloir y retourner. La Surprise C’est dans les ressentis des sondés que l’on ressort le plus facilement la surprise. En effet, c’est l’expérience nouvelle des sens que leur propose Zumthor et la magie qui en ressort qui touche les visiteurs et leurs sentiments. L’état de curiosité dans lequel ils sont dès lors plongés, les pousse à expérimenter et explorer tous le bâtiment. La lumière joue-t-elle un rôle dans cette émotion? Nous pensons que la lumière joue un rôle très important dans le côté magique ressenti par les visiteurs. Premièrement parce-que certains en parlent dans le sondage : « l’intérieur a une ambiance magique rendue par la luminosité » , deuxièmement certains nous parlent de mystères: « comme un château avec plein de pièces

et de mystères ». Nous pensons que c’est la lumière de clairs obscurs qui procure cette sensation. En effet, Zumthor met en place cette lumière qui fait que nous voyons des silhouettes d’ombres se dessiner devant nous, des appels de lumières qui nous suggèrent le relief et la profondeur qui font naître notre curiosité et nous invitent à explorer. « Je suis là mais déjà plus loin, à l’angle, quelque chose m’attire déjà, une lumière qui tombe, et alors je poursuis ma flânerie »Peter Zumthor De plus, les longs rails de lumière qui découpent le toit et divulguent la struc173


Fig. 81, Peter Zumthor, les thermes de Vals, le bain central Š Peter Zumthor

174


ture font également naître notre curiosité. Zumthor crée également un effet de surprise lorsqu’il joue avec des murs colorés dans certaines alcôves contenant des bains spécifiques, après n’avoir utilisé que de la pierre dans l’ensemble du bâtiment que se soit extérieur ou intérieur. Nous pouvons dire que la lumière accompagne donc bien la surprise qu’éprouve le baigneur tout au long de sa visite. La Sérénité La sérénité se retrouve tout aussi bien dans les ressentis que dans les tendances à l’action. Comme nous l’avons dis plus haut, une architecture est dite émotionnelle lorsque le visiteur la vit; ici les sondages nous montrent bien que l’action dominante est de se détendre. Le défit est donc réussi pour Peter Zumthor dont une des ambitions était de « faire l’expérience de la proximité du corps, de l’eau et de la pierre; s’immerger dans l’eau pour se détendre, comme rituel. Purification. Calme. Tranquillité » Analysons maintenant les types de lumière qui pourraient engendrer cette détente. Beaucoup de sondés nous disent que c’est dans le bassin central intérieur que se ressent cette sérénité. Nous pensons que deux lumières peuvent y jouer un rôle. D’abord, la lumière reflétée par l’eau qui a un caractère beaucoup plus doux et texturé qu’une lumière directe et qui est toujours mouvante. De plus, nous avons la lumière bleue qui passe à travers les vitres zénithales colorées et qui comme nous l’avons vu dans le chapitre des lumières, est une couleur qui aurait une efficacité supérieure sur les émotions. Nous avons vu qu’un niveau faible de lumière bleue induit une réaction équivalente à des niveaux élevés de lumière blanche. Il est donc très intéressant de voir que, si pour le Rolex Learning Center, c’est la lumière diffuse abondante baignant dans un environnement tout blanc qui procure de la sérénité, pour les thermes de Vals, la faible lumière bleue suffit à produire la même sensation.

175


La Songerie Il est ici plus difficile d’analyser la songerie car elle n’est pas fort présente dans les sondages. Elle se retrouve très discrètement dans les ressentis mais se sous-entend dans les actions. Nous pensons que la songerie est un peu la dérivée de la sérénité, qu’elle est induite par cette dernière. Se serait donc les mêmes lumières qui induiraient cette émotion.

176


Conclusion A travers l’analyse de trois bâtiments, à savoir; le Rolex Learning Center, le musée juif de Berlin et les thermes de Vals, l’on peut affirmer que les trois architectes sont parvenus à communiquer aux visiteurs l’ambiance qu’ils désiraient créer dans leurs œuvres. Dans ces trois analyses il n’y a eu qu’une faible proportion des sondés ayant affirmé ressentir des émotions très différentes de celles désirées par les architectes. Ces émotions ne sont qu’au nombre de quatre et nous n’avons, dans nos analyses, pas trouvé de lien direct avec l’utilisation de la lumière. Concernant le Rolex Learning center, la gène et la déception viennent de mauvaises conditions thermiques et pour le musée juif de Berlin, le plaisir et la sérénité dépeignent la satisfaction générale d’avoir été visiter un lieu ayant une telle importance symbolique. Zumthor semble avoir complètement réussi son pari car toutes les émotions exprimées sont en accord avec l’ambiance qu’il recherchait. Ce qui est frappant de voir ici, c’est que les architectes sont parvenus, malgré le bagage culturel de chacun, à trouver un terrain d’entente pour quasiment tous les visiteurs. Les architectes sont-ils donc capables de, par leur architecture et particulièrement par leur travail de la lumière, passer outre l’héritage culturel de chacun et de transmettre des émotions communes à tous les visiteurs ? En effet, comme nous avons tenté de le démontrer tout au long de ce travail, nous pensons que la lumière est un outil indispensable dans la transmission d’émotions. Qu’importe l’espace, s’il n’y a pas de lumière nous perdons tous nos repères et nous ne pouvons délimiter cet espace202. Prenons un espace exigu qui serait pensé pour être oppressant ; s’il baigne dans une lumière abondante, le ressenti sera sans doute très différent. A l’inverse, un espace pensé pour que le visiteur s’y sente bien et serein ne pourra l’être lorsqu’on lui 202 http://www.psychologies.com/Moi/Problemes-psy/Anxiete-Phobies/Articles-et-Dossiers/Comment-vaincre-mapeur-du-noir

177


enlève tout accès à la lumière. En effet, plongé dans le noir, l’homme réveille ses instincts et se prépare inconsciemment à un possible danger203. Pourtant rien n’a changé excepté la lumière. L’homme est un animal diurne, nous sommes régulés par la lumière naturelle, elle a de nombreuses répercussions psychologiques sur notre mental. Observons à présent les émotions que nous avons considérées être influencées par la lumière, pouvons-nous y trouver un pattern, un modèle ? Est-il possible d’associer une émotion à une manière d’apporter la lumière? Une même émotion est-elle véhiculée par la même lumière dans les différents bâtiments? Pour le plaisir qui se retrouve dans nos trois édifices étudiés, nous observons que deux maniements de la lumière semblent l’influencer. Premièrement, la lumière naturelle directe qui offre un contact avec l’environnement comme chez Sanaa et Zumthor. Deuxièmement, le travail sur les différentes ambiances lumineuses comme chez Libeskind et Zumthor. Regardons maintenant la surprise. A nouveau cette émotion se retrouve dans les trois édifices. Il apparait que le jeu de changement entre obscurité et luminosité influence beaucoup cette émotion. Excepté chez Sanaa où la lumière, omniprésente, accompagne et éclaire le caractère unique et innovant de l’architecture. Ensuite, observons la sérénité également présente dans chaque bâtiment mais dont nous ne tenons pas compte pour le musée juif. Nous avons pu observer que l’abondante lumière homogène blanche du RLC à crée le même sentiment de sérénité que la discrète lumière bleue dans les thermes. Cette dernière, malgré le fait d’avoir une ampleur beaucoup plus faible que la 203

178

ibidem


première peut pourtant avoir autant de répercussions sur les émotions. Qu’en est-il de la songerie? Cette dernière se retrouve dans deux édifices : le musée juif de Berlin et les thermes de Vals. Nous pensons que c’est la lumière zénithale qui a une grande influence sur cette émotion car elle permet aux personnes de bénéficier de lumière naturelle sans être gênées par l’éblouissement. Elle permet la réflexion personnelle sans désagrément. Il ne nous reste plus qu’à observer trois émotions suscitées seulement dans le musée juif. Ces trois émotions sont chacune guidée par le manque de lumière; la gêne, la peur et la tristesse. Pour la gêne, nous avons vu qu’elle était induite par une lumière froide et non homogène dû à une mauvaise distribution dans les parties inférieures du bâtiment. La peur, elle, vient également du manque de lumière, mais aussi du fait d’avancer vers un trou noir, que l’on associe facilement au danger. Et enfin, pour la tristesse, c’est de nouveau l’ambiance sombre qui accompagne les propos forts du musée. Cependant, il est difficile d’être certain de l’influence de la lumière dans ces cas ci car nous n’avons pas d’autres exemples. On peut ainsi conclure nos analyses en affirmant que la lumière d’un édifice influence les émotions ressenties lors de sa visite d’une part, et d’autre part, qu’un architecte est capable de transmettre une émotion à travers son travail. Cependant, nos conclusions restent approximatives dues aux limites du projet. En effet, le questionnaire ne s’est réalisé que sur un petit échantillon de la population. Peut-être aurions nous eu une plus grande diversité d’émotions ressenties avec plus de sondés. De plus, dans notre questionnaire, nous ne voulions pas influencer les réponses, c’est pourquoi nous ne demandons jamais clairement quelle émotion est ressentie et si la lumière y joue un rôle. Nous trouvions plus intéressant de ‘masquer’ les questions afin que la 179


personne remplissant le sondage le fasse sans être influencée. Ceci a laissé beaucoup de marge aux répondants et nous avons reçu des réponses parfois trop imprécises ou hors sujet. De plus, dû aux limites de temps et de financement, nous avons limité la recherche avec une analyse de seulement trois bâtiments. En effet, l’étude empirique réalisée à travers les questionnaires fut très chronophage et les déplacements pour visiter les trois bâtiments très onéreux. Si ici, nous concluons en disant que les architectes ont atteint leur but en transmettant des émotions aux visiteurs et que la lumière y joue un rôle très important, il est cependant impossible d’évaluer avec justesse le rôle de la lumière. En effet, pour y parvenir il faudrait isoler la lumière. Notre envie première en commençant la rédaction de ce mémoire était de conclure avec un tableau net et carré dans lequel seraient associées une lumière avec une émotion. Au fur et à mesure de l’avancée du travail, nous nous sommes rendus compte qu’un tel tableau ne serait pas réalisable. Afin d’avoir de tels résultats, il serait préférable de faire une expérience plus précise. Ce travail sert en quelque sorte de prémices d’une recherche approfondie permettant une définition précise de l’influence de la lumière sur les émotions en architecture. Afin de définir plus justement l’influence de la lumière, ne serait-il pas intéressant de faire une expérience dans laquelle les visiteurs passeraient dans plusieurs pièces totalement identiques où seule la lumière varierait? Les visiteurs devraient alors noter la ou les émotion(s) ressentie(s) dans chacune des pièces. Nous aurions enfin la clef pour savoir si la lumière influence les émotions et le cas échéant, quelle lumière influence quelle émotion. Notre hypothèse pourrait être confirmée ou infirmée avec beaucoup plus de certitude. Ce projet pourrait être très modeste, une dizaine de containers, avec une scénographie simple et identique dans chacun d’eux. Cette dernière nous permettrait d’avoir en main les mystères que lie la lumière naturelle avec nos les émotions. 180


181


Annexes Questionnaire - Quel âge avez-vous? How old are you? Wie alt sind Sie ? 1) moins de 18 ans/ under 18 years old/ Unter 18 Jahre alt 2) entre 18 et 35 ans/ between 18 and 35 years old/ Zwischen 18 und 35 Jahre alt 3) entre 35 et 50 ans / Between 35 and 50 years old / Zwischen 35 und 50 Jahre alt 4) entre 50 et 75 ans / Between 50 and 75 years old/ Zwischen 50 und 75 Jahre alt 5) Plus de 75 ans / Above 75 years old / Über 75 Jahre alt - Que faites-vous? What is your occupation? Welcher beruflichen Tätigkeit gehen Sie nach? 1) Etudiant / Student / Student/in 2) Salarié / Employed / Angestellte/r 3) Autres/Other/ Sonstige: - Votre domaine concerne-t-il l’architecture? Does your occupation have a link with architecture? Haben Sie beruflich mit Architektur zu tun? 1) Oui / Yes / Ja 2) Non / No / Nein - Lequel de ces bâtiments avez-vous visité?/ Which one of these buildings have you visited?/ Welche/s der folgenden Gebäude haben Sie bereits besichtigt? 1) La Rolex Learning Center de Sanaa / The Rolex Learning Center of Sanaa 2) Le musée Juif de Liebeskind/ The Jewish museum of Libeskind 3) Les thermes de Vals de Peter Zumthor/ The thermal bath at Vals of Zumthor - Dans quel cadre l’avez-vous visité? For which reason did you visit this building? Aus welchem Grund haben Sie dieses Gebäude besichtigt? 1) Tourisme / Tourism / Tourismus 182


2) Pour le bâtiment / For the building itself / Wegen des Gebäudes an sich 3) Autre/ Other/ Sonstige: - Avez-vous apprécié le bâtiment? / Did you appreciate the building? / Hat Ihnen das Gebäude gefallen? 1) Oui / Yes / Ja 2) Non / No / Nein - Pourquoi / Why / Warum ?

- Comment décrieriez-vous le bâtiment? How would you describe the building? Wie würden Sie das Gebäude beschreiben?

- Quel(s) étai(en)t votre/vos ressenti(s) durant la visite? / How would you qualify your feeling(s) during the visit? / Wie würden Sie ihre Gefühle während der Besichtigung beschreiben? 1) Déstabilisé / Unsettled / Unruhig 2) Serein / Serene / Gelassen 3) Triste / Sad / Traurig 4) Impressionné / Impressed / Beeindruckt 5) Oppressé / Oppressed / Beklemmt 6) Curieux / Curious / Neugierig 7) Bien-être / Well-being / Gut 8) Séduit / Seduced / Verführt 9) Sentiment de flottement / Feeling of space and airness / Gefühl von Freiraum und Unbekümmertheit 10) Repos / Rest / Ruhig 11) Etonné / Astonished / Erstaunt 12) Surpris / Surprised / Überrascht 13) Fasciné / Fascinated / Fasziniert 14) Inspiré / Inspired / Inspiriert 15) Perdu / Lost / Verloren 183


16) Angoissé / Distressed / Bekümmert 17) Mal-aise / Uneasy / Unbehaglich 18) Relaxé / Relaxed / Entspannt 19) Apaisé / Appeasement / Besänftigt 20) Heureux / Happy / Glücklich 21) Content / Pleased / Sonstige 22) Autre / Other / Sonstige: - Pouvez-vous associez votre/vos ressenti(s) à un/des endroit(s) précis du bâtiment? / Can you associate your feeling(s) with one particular area of the building? / Können Sie ihre Gefühle mit einem bestimmten Bereich des Gebäudes assoziieren? 1) Oui / Yes / Ja 2) Non / No / Nein - Si oui, pouvez-vous expliquer? / If yes, could you explain? / Ja, mit Folgendem

- La visite vous a-t-elle poussé à une réaction? Did the visit make you react in any way? Hat der Besuch eine bestimmte Reaktion bei Ihnen ausgelöst? 1) Pleurer / Cried / Weinen 2) méditation / Meditated / Mediteren 3) introspection personnelle / Personal introspection / Selbstbeobachtung 4) Arpenter tout les recoins / Walked and wondered around and everywhere / Herumirren 5) Se détendre / Relaxed / Entspannen 6) Expérimenter / Experiment / Etwas ausprobieren 7) Explorer / Explored / Auskundschaften 8) S’approprier le bâtiment / Owned the building / Gefühl das Gebäude zu besitzen 9) Echanger / Exchange / Veränderung 10) Vouloir y retourner / Wanted to come back / Wunsch zurückzukommen 11) Me promener comme dans un parc / walked around as if in a park / Herumwandern wie in einem Park 12) Autre/ Other /

184


- Recommanderiez la visite du bâtiment? / Would you recommend visiting the building? / Würden Sie anderen empfehlen das Gebäude zu besuchen? 1) Oui / Yes / Ja 2) Non / No / Nein Merci pour votre précieuse aide ! Thank-you for your precious help! Vielen Dank für Ihre Hilfe! Alice

185


Réponses ROLEX Age

que faites vous

concerne l’archi?

quel cadre de visite?

Apprécié?

1

entre 18/35

etudiant

oui

bati

oui

2

entre 18/35

étudiant

oui

bâti

oui

3

entre 18/35

étudiant

oui

bâti

oui

4

entre 18/35

etudiant

oui

bâti

oui

5

entre 18/35

salarié

oui

bâti

oui

6

entre 18/35

etudiant

oui

bâti

oui

7

entre 18/35

salarié

non

bâti

oui

8

entre 18/35

indépendant

oui

bâti

oui

9

entre 18/35

etudiant

oui

bâti

oui

10

entre 18/35

entrepreneur

non

Y travailler quand j étudiais à l'ehl

oui

11

entre 18/35

etudiant

non

pour étudier

oui

12

entre 18/35

étudiant

oui

bâti

oui

13

entre 18/35

étudiant

oui

tourisme

oui

14

entre 18/35

étudiant

oui

bâti

oui

15

entre 18/35

étudiant

oui

bâti

oui

16

entre 35/50

réinsertion

non

pour étudier

oui

17

entre 18/35

étudiant

non

pour étudier

oui

18

entre 18/35

etudiant

non

travail à l’accueil

oui

19

entre 50/75

mère de famille

non

pour le bâtiment

oui

20

entre 50/75

salarié

non

pour le bâtiment

oui

21

entre 50/75

salarié

non

y travailler

oui

22

entre 35/50

salarié

non

pour le travail

non

23

entre 18/35

étudiant

non

pour étudier

non

24

entre 18/35

étudiant

non

pour étudier

non

25

entre 18/35

étudiant

non

pour les révisions

non

26

entre 18/35

étudiant

oui

bâti

oui

186


Pq?

description

ressentis

associé à 1 endroit?

réaction?

très original, contente de l'avoir vu en vrai après tant d'année vu sur photo

très élégant, impressionnant,

serein, bien être, séduit, impressionné, sentiment de flottement, heureux

très surprise par la prouesse structurelle, sinon c'est l'ambiance générale qui est très sereine

arpenter tous les recoins, se détendre, explorer, s’approprier le bâtiment, échanger, vouloir y retourner

super bibliothèque, structure impressionnante, objet architectural à voir

Lumineux, agréable mais de trop fortes pentes et pas efficace

impressioné, curieux, perdu, étonné

oui, Perdu parce que quand on ne connaît pas, c'est un labyrinthe

Arpenter tout les recoins Se détendre Explorer, Vouloir y retourner, Me promener comme dans un parc

car il a la capacité de changer notre manière de nous déplacer , finalement ce bâtiment est une inspiration a la flemme, non sérieusement , il invite le visiteur à flâner dans les différents espaces et ce lover dans un coin pour lire, écouter de la musique ou discuter... pour moi c'est une réussite du point de vue de la relation du corps à l'espace

serein, curieux, bienêtre, séduit, sentiment de flottement, repos, apaisé

non

se détendre, expérimenter, explorer, s’approprier le bâti, échanger

prouesse architecturale

beau, impressionnant, fluide, ergonomique, élégant

serein, impressionné, curieux, bien-être, séduit, fasciné, inspiré

non

expérimenter, explorer, vouloir y retourner, promener comme dans un parc,

5

originalité du parti pris et nouveauté spatiale mais au jour le jour ca doit etre lassant de devoir monter et descendre comme des collines

un rectangle dont le sol se siulève pour former des espaces parsemés de patios ouverts sur l'extérieur

déstabilisé, impressionné, curieux, Mal-aise

oui, l'architecture met en place des espaces différents qui font ressentir des émotions variées.

arpenter tous les recoins, expérimenter, s’approprier le bâtiment, me promener comme dans un parc

paysagé grande dalle trouée

serein, curieux

non

me promener comme dans un parc

6

C’est un bâtiment paysagé qui invite le visiteur à un comportement de promeneur; on grimpe les collines pour arriver à un sommet et s’y arrêter, observer, reprendre son souffle. Ensuite on dévale la pente pour revenir dans la vallée.

extravagant, fascinant

7

ce bâtiment nous plonge dans un nouveau monde, une bibliothèque hors du commun qui pousse la curiosité

déstabilisé, serein, impressionné, curieux, perdu

oui, les mini-salles de reunion transparentes + les coins isolés avec seulement quelques poufs ici et là éparpillés

experimenter, explorer, échanger, se promener comme dans un parc

8

novateur

souple, apaisant

impressioné, curieux, bien-être, séduit, repos, fasciné, relaxé, apaisé

oui, les pentes intérieures

arpenter tous les recoins, se détendre, s’approprier le bâtiment

1

2

3

4

187


Dynamique du sol

Impressionnant structurellement

impressionné, curieux, perdu, content

non

arpenter tous les recoins, explorer, vouloir y retourner, se promener comme dans un parc

10

Le relief et l'originalité

atypique, insolite, massif mais discret

impressionné, séduit, fasciné

oui, gâteau dans les vagues

échanger, explorer

11

L'Architecture est belle mais il n'est pas vraiment un bon lieu pour étudier

Aéré

appaisé

non

échanger, vouloir y retourner, se promener comme dans un parc

Nouvelle experience spatiale

OVNI, extraordinaire

serein, impressionné, curieux, bien-être, séduit, sentiment de flottement, repos, fasciné, relaxé, apaisé

non

arpenter tous les recoins, explorer, s’approprier le bâtiment, vouloir y retourner, promener comme dans un parc

Il est beau, simple et il paraît léger

Comme une vague ou un tapis devant le lac, vraiment spectaculaire

serein, impressionné, curieux, bien-être, sentiment de flottement, repos, perdu, relaxé, apaisé, content

non

arpenter tous les recoins, explorer, se détendre, promener comme dans un parc

perspectives uniques

interessant, unique, bonne atmosphere

bien-être, perdu

non

se détendre

15

Sa flexibilité d'aménagement.

Open Space avec des vagues

déstabilisé, impressionné, curieux, perdu

non

arpenter tous les recoins, échanger

16

design, innovant, formes douces

formes douces, pas ou presque pas de coin, fluide, aéré, espace

serein, bien être, séduit, fasciné, content

non

vouloir y retourner, me promener comme dans un parc

sa forme, son aménagement

original

17

impressionné, curieux, bien-être, séduit, fasciné, content

oui, à la bibliothèque car je trouve que c’est un endroit très calme et reposant

vouloir y retourner, s’approprier le bâtiment

18

architecture peu commune

bâtiment très lumineux, en forme de vague

impressionné, bien-être, fasciné

non

me promener comme dans un parc

19

originalité, beaucoup de lumière

« soucoupe volante » intéressant

impressionné, bien-être, relaxé

non

se détendre,

20

original

un paquebot tranquille

serein, sentiment de flottement

oui, sous le bâtiment. impression de protection

arpenter tous les recoins, me promener comme dans un parc

tout en courbe, désorientant

impressionné, bien-être

non

s’approprier le bâtiment, échanger

trop chaud

clair

impressionné, curieux, surpris

non

s'approprier le bâtiment, me promener comme dans un parc

pas de clim

joli, original

curieux, bien-être, repos

non

me promener comme dans un parc, s’approprier le bâtiment

9

12

13

14

21

22 23

188


pas de climatisation

original

curieux

oui, l’espace silence à l’endroit où il y a des poufs sont extraordinairement spacieux

vouloir y retourner, échanger, se promener comme dans un parc, s’approprier le bâtiment

serein

non

experimenter, s’approprier le bâtiment

curieux, séduit, relaxé, content

non

explorer, se promener comme dans un parc

24

25

pas de climatisation, trop froid en hivers

26

c’est différent, clair, et en continuel mouvement

fluide

189


MUSEE JUIF Age

que faites vous

concerne l’archi?

quel cadre de visite?

Apprécié?

1

entre 18/35

étudiant

non

tourisme

oui

2

entre 18/35

étudiant

oui

bâti

oui

3

entre 18/35

étudiant

non

tourisme

oui

4

entre 18/35

étudiant

oui

bâti

oui

5

entre 18/35

étudiant

non

tourisme

oui

6

entre 18/35

étudiant

oui

tourisme, bâti

oui

7

entre 18/35

étudiant

oui

bâti

oui

8

entre 18/35

étudiant

oui

bâti

oui

9

entre 18/35

étudiant

oui

bâti

oui

10 entre 18/35

étudiant

oui

tourisme

oui

11 entre 18/35

étudiant

oui

tourisme

oui

12 entre 18/35

étudiant

oui

tourisme

oui

13 entre 18/35

étudiant

oui

bâti

oui

14 entre 18/35

étudiant

oui

tourisme, bâti

oui

15 entre 50/75

indépendant

oui

tourisme, bâti

oui

16 entre 18/35

étudiant

oui

tourisme

non

17 entre 18/35

salarié

non

tourisme, bâti

oui

18 entre 18/35

étudiant

oui

bâti

oui

19 entre 18/35

étudiant

non

tourisme

oui

20 entre 18/35

salarié

oui

bâti

oui

21 entre 18/35

étudiant

non

tourisme

oui

22 entre 18/35

étudiant

oui

bâti

oui

23 entre 18/35

salarié

non

tourisme

oui

24 entre 18/35

étudiant

oui

tourisme, bâti

non

25 entre 18/35

architecte indépendant

oui

tourisme, bâti

oui

26 entre 18/35

étudiant

oui

bâti

oui

27 entre 18/35

étudiant

oui

bâti

oui

28 entre 18/35

étudiant

oui

tourisme

oui

29 entre 18/35

étudiant

oui

bâti

non

190


Pq?

description

ressentis

associé à 1 endroit?

réaction?

1

ambiance étonnante dû en parrie a l architecture du batiment

sentiment de perdition, surprenant

déstabilisé, surpris, fasciné

oui,

méditation, arpenter tous les recoins,

2

la lumière

un parcours

déstabilisé, impressionné, séduit, surpris, fasciné, inspiré, appaisé,

non

expérimenter, echanger, vouloir y retourner

original

intéressant

serein, impressionné, curieux, repos, surpris

non

méditation, introspection personnelle, promenade,

impressionant

émouvant, fort, prenant,

déstabilisé, triste, impressionné, oppressé

non

méditation, introspection personnelle,

il n'est pas trop imposant, mais reste grandiose

Sobre mais a la fois complexe, une sorte de labyrinthe a travers l'histoire.

impressionné, séduit, curieux, fasciné, inspiré

oui, Le dernier etage avec l'abre, qui est un symbole de continuité et une inspiration .

méditation, arpenter tous les recoins, introspection personnelle, explorer

Scénographie, concept. Mais pas pour son architecture en soit.

Une cicatrice

déstabilisé, curieux, étonné, surpris, inspiré, perdu

oui, L entrée par le tunnel à partir du vieux bâtiment. La salle de l artiste avec les têtes en métal sur lesquelles on marche. La salle noire et haute avec un trou de lumière. Le grand escalier

méditation, introspection personnelle, arpenter tous les recoins, explorer

car il procure des émotions fortes en relation avec l'histoire des personnes qui ont vécu ces évènements

puissant

déstabilisé, triste, perdu

non

introspection personnelle

émotion liée a l'architecture extravagante.

parcours architecturale a travers les méandres les plus sombres de l'histoire contemporaine. le visiteur se trouve par moment complètement déstabilisé et confronté à lui même.

Déstabilisé, triste, oppressé, perdu, angoissé

oui, couloir interminable jonché par des millier masque en metal émettant un horrible cliquetis résonnant dans l'infinité de l'espace.

méditation, introspection personnelle

puissance dans le propos et l'objet

grave, brutal, plein de sens, reussi, impressionnant

déstabilisé, triste, impressionné, oppressé, curieux, surpris, fasciné, inspiré, angoissé

non

méditation, introspection personnelle

atmosphère, lumière.

introvertie, presque etoufant.

déstabilisé, oppressé, relaxé

oui, l'espace au masque de métal.

arpenter tous les recoins, s’approprier le bâti

Pour son architecture, ses plans complexes, les émotions qu'elle réussit à faire véhiculer...

angoissant par endroits, paisible à d'autres

déstabilisé, triste, oppressé, curieux, inspiré, perdu, angoissé, mal-aise

oui, La "tour" sombre et uniquement éclairée par une ouverture en hauteur je crois, mon souvenir le plus marquant.

arpenter tous les recoins, expérimenter, explorer, echanger, vouloir y retourner

3 4 5

6

7

8

9 10

11

191


Son architecture particulière et le parcours du visiteur suscite des émotions particulière

brutal

déstabilisé, oppressé, curieux, angoissé, fasciné

oui la descente de l’entrée

méditation

Je pense qu'on ne peut comprendre le bâtiment qu'avec l'aide d'un guide, mais j'ai aimé retrouver une vraie histoire et un vrai parti architectural.

Au premier abord austère. Mais à l'intérieur, on retrouve les trois choix qu'un juif pouvait faire; résister, se résigner ou mourir. Les trois parties du bâtiment représentent ces choix;

déstabilisé, impressionné, curieux, fasciné

oui, J'ai ressenti un malaise en traversant le premier couloir (où le sol n'est pas droit) et dans la partie où les visages en métal "crient". Mais curieuse lorsque j'ai vu le "jardin" en hauteur.

méditation

tres interessant au niveau de l'architectonique de l'oeuvre

une ligne brisée

déstabilisé, impressionné, oppressé, curieux, étonné, surpris, content

oui, le jardin de l'exil, destabilisé de pars l'inclinaison du terrai et des colonnes

pleurer, arpenter tous les recoins, explorer, promener,

Etrangeté, ambiance, déséquilibre

mausolé

déstabilisé, impressionné, curieux, sentiment de flottement, étonné, inspiré

oui, l'impression de visiter une grotte

expérimenter, echanger, vouloir y retourner

la circulation n’est pas intuitive

tordu

oppressé, curieux, perdu

non

Le batiment peut avoir un interet mais la collection n'en a pas réellement. Autant la Shoah m'interesse, mais l'histoire du peuple juif pas tant que ca.

L'esthétique des lignes

Froid ét dur

déstabilisé, impressionné, curieux, sentiment de flottement, étonné, inspiré

non

réflexion

Seulement les pièces d'architecture « pure », la scénographie était plutôt médiocre dans les salles normales.

Puissant, mais déforcé par la scénographie des plateaux compliquée et aux couleurs discutables.

curieux, surpris, mal-aise

oui

méditation

Discret de l'extérieur, imposant de l intérieur, lourd car en béton, oppressant car plafond bas dans le 'labyrinthe', vide et noir dans la tour, déstabilisant car escaliers très raides

déstabilisé, impressionné, curieux, sentiment de flottement, étonné, inspiré

oui, Le vide de la tour

méditation

19

Il parvient a mettre les visiteurs dans une atmosphère particulière qui permet de comprendre les sentiments de cette période noire

un musée tortueux complexe ou l'on suit la scenographie et le batiment a la fois

déstabilisé, triste, impressionné, oppressé, fasciné, inspiré, mal-aise

oui, chaque espace est réalisé pour enclencher des sensations particulieres et pour moi exprimer toute la tragédie de lextermination des juifs : on a des fois pas envie de rester mais ca donne a reflechir.

pleurer, introspection personnelle, vouloir partir

20

un développement de sensations spatiales incroyables en cohérence avec l'exposition du musée : le batiment comme totale partie de l'exposition, qui se suffit a lui même

12

13

14

15

16

17

18

192


bâtiment original, grands espaces

très grand bâtiment, architecture de type contemporain, couleurs sobres, formes complexes

serein, impressionné, curieux, surpris, perdu

non

explorer

22

sentiment fort

didactique et émotionnel

angoissé

oui, espoir vain impuissance

Pleurer

23

pousse à la réflection sans jugement

austère

déstabilisé, impressionné, oppressé, repos, inspiré, perdu, mal-aise, apaisé

non

méditation

Il n'y a pas beaucoup de dialogue avec la scénographie, de longs couloirs et des escaliers

spéctaculaire

impressionné, curieux, perdu, content

oui, perdu dans les étages, dans l'expo...

explorer

Identité forte du bâtiment et rapport avec l'histoire juive. L'ensemble donne un effet plastique surprenant ! La séquence des espaces et le parcours museal confortable, efficace et surprenant. L'architecte a traité chaque pièce de façon différente leur donnant une identité propre et créant ainsi la surprise et la mise en scène

voire pq

déstabilisé, impressionné, oppressé, étonné, surpris, perdu

oui, La salle avec les visages en metal

expérimenter, échanger

26

sa particularité d'évoquer en nous des sentiments

imposant

Triste, impressionné, oppressé, curieux, séduit, étonné, surpris, fasciné, inspiré, angoissé

oui, la chambre avec les têtes sous les pieds

échanger

27

/

froid, bruyant, imposant

déstabilisé, oppressé, angoissé, fasciné

oui, la salle ou se trouvent les scultures de visage en fer

arpenter tous les recoins

surtout la partie du sous sol, celle où la l'architecture joue avec la lumière

sensible

déstabilisé, impressionné, oppressé, fasciné, inspiré, angoissé, mal-aise

oui, dans la tour de l'aulocost je pense que c'est suffisament clair

introspection personnelle, arpenter tous les recoins

21

24

25

28

193


29

L'ambiance recherchée totalement râtée.

194

Interactif et amusant.

curieux

Les combles sous les escaliers avec des coussins et des dessins animés diffusés sur un écran, des stands d'expositions dans des lieux non pensés à cet usage (le bâtiment n'était pas sensé accieuillir d'expo à la base), tout les espaces non réguliers, difformes vraiment curieux et intriguant à aucun moment angoissants ou oppressants.

me promener comme dans un parc


THERMES Age

que faites vous

concerne l’archi?

quel cadre de visite?

Apprécié?

1

entre 18/35

étudiant

oui

bâti

oui

2

entre 18/35

étudiant

oui

bati

oui

3

entre 18/35

étudiant

oui

bâti

oui

4

entre 18/35

indépendant

oui

bâti

oui

5

entre 35/50

gérant

oui

week-end

oui

6

entre 35/50

salarié

non

tourisme/ bâti

oui

7

entre 18/35

salarié

oui

bâti

oui

8

entre 18/35

étudiant

non

tourisme/ bâti

oui

9

entre 50/75

salarié

non

j’habite dans les environs

oui

10 entre 35/50

salarié

non

j’habite dans les environs

oui

11 entre 50/75

sans profession

non

tourisme/ bâti

oui

12 entre 18/35

salarié

non

tourisme/ bâti

oui

13 moins de 18

étudiant

non

tourisme/ bâti

oui

14 entre 50/75

/

non

j’habite dans les environs

oui

15 entre 50/75

/

non

j’habite dans les environs

oui

16 entre 18/35

étudiant

oui

bâti

oui

17 entre 18/35

étudiant

oui

bâti

oui

18 entre 18/35

étudiant

non

tourisme/ bâti

oui

195


1

2

3

4

5

Pq?

description

ressentis

associé à 1 endroit?

réaction?

parce que c'est un moment agréable de baigner dans ces thermes qui sont comme creusés dans le flan de la montagne

protecteur

serein, bien-être, séduit, relaxé, heureux,

non

se détendre, explorer, vouloir y retourner

peter zumthor, what'else

magique

serein, impressionné, bien-être, séduit, sentiment de flottement, repos, fasciné, inspiré, relaxé, apaisé, heureux, content

non

méditation, introspection personnelle, se détendre

parcequ'il est magique

le batiment est une oeuvre, au delà du plaisir des bassins, l'architecture ménerale avec un charactere theatrale procure un pure moment de plaisir, les espaces sont agencés d'une ingéniosité remarquable où le visiteur est invité à passer d'un bassin à l'autre dans une demarche de decouverte et de detente, le cadrage des vues est remarquable aussi où le jeu interieur exterieur te permet une experience sensationnelle nouvelle, ajouter à cela la matérialité en pierre sobre et cuivre decorant des elements de l'ensemble, tout simplement magique!!

impressionné, curieux, bien-être, séduit, repos, fasciné, inspiré, relaxé, apaisé, heureux

oui, bassin central

méditation, introspection personnelle, arpenter tous les recoins, se détendre, vouloir y retourner

C'est une œuvre majeure de zumthor. L'architecte a su donné un sens à son implantation a val. Le bâtiment est parfait

idem

serein, impressionné, curieux, bien-être, sentiment de flottement, apaisé

oui, On se balade en nageant tranquillement d'une pièce à l'autre tout détendu

méditation, introspection personnelle, se détendre

pureté des lignes et efficacité des ambiances

strict et efficace

impressionné, curieux, bien-être, séduit, surpris, fasciné

oui, compression/ dilatation

arpenter tous les recoins, vouloir y retourner

196


Pq?

description

ressentis

associé à 1 endroit?

réaction?

design très intéressant

superbe ensemble de pierre naturelle

serein, impressionné, relaxé

oui, l’intérieur a une ambiance magique rendue par la luminosité

se détendre

la perfection des espaces

des modules cubiques imbriqués les uns dans les autres

serein, bien-être

non

se détendre, méditation, introspection personnelle

architecture magnifique

impressionné, relaxé

non

se détendre

un peu blockhaus

serein

oui, avec la lumière intérieure

arpenter tous les recoins, expérimenter

une magnifique architecture, de belles pierre longitudinales

impressionné, repos

non

se détendre, méditation

bâtiment cubique, moderne, se fond dans le paysage

serein, bien être

non

se détendre

super

bien être, repos

non

se détendre

comme un château avec plein de pièces et de mystères

curieux

oui le bain à bulles

arpenter tous les recoins

14 -

génial

curieux, relaxé

non

se détendre, méditation

15 il se fond bien dans le paysage, bon choix de matériau

jeu de lumière, de matériau, et beau rapport à la nature

impressionné, bien-être, sentiment de flottement, relaxé

non

se détendre, expérimenter

16 c’était atmosphérique

beau

serein, impressionné, bien-être, séduit, inspiré, relaxé, apaisé, heureux, content

non

vouloir y retourner

Une atmosphère très agréable, surprend les sens

un havre de paix, une douceur dans le bâtiment, très sobre s'installe parfaitement dans le paysage. Très belle expérience grâce à l'architecture de Zumthor

serein, bien-être, séduit, repos, relaxé, apaisé, heureux

oui, sérénité dans les bains et tout au long du parcours. Repos dans les espaces de détentes avec la vue sur les montagne

se détendre, explorer, vouloir y retourner

la lumière

ouvert

curieux, bien-être, inspiré

non

arpenter tous les recoins, expérimenter, explorer

6 7

8 bains merveilleux 9

son côté moderne

10 magnifique ensemble pour les thermes, les alentours sont très décevants 11

modernité

12 merveilleux 13

17

18

parce qu’il est magique

197


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199


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ARTE Architectures : Le Rolex Learning Center - EPFL ARTE Architecture : Le musée juif de Berlin entre les lignesSANAA win Daylight Award for Rolex Learning Center. Interview with Sejima + Nishizawa (SANAA) C’est pas sorcier -Joie, peur, tristesse, colère... QUE D’EMOTIONS ! ARTE Architecture : les thermes de vals

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Radio

émission radio CQFD Didier Grandjean professeur associé en neuropsychologie au centre interfacultaire en sciences affectives de l’université de Genève.

203


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