JEWELRAW
Alice Humbert L3 - Diplome National des Métiers d’Art et du Design Mention Matériaux - Spécialité Textile éthique Cité scolaire Raymond Loewy 2021 Couverture - Lorenzo Pepe Jewelry, porcelaine et oxyde de cuivre
JEWELRAW L’éco-joaillerie Mémoire de 3ème année de licence. Sensibiliser le consommateur aux conséquences du marché de la bijouterie actuel au travers d’une réappropriation des savoir-faire traditionnels.
Brooch, Tarja Tuupanen, 2011, Cacholong (opale) et argent
En vous souhaitant une séduisante lecture,
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Pendentif rupture, Thierry Jean Vendome, , 1990, bois flotté et argent >
SOMMAIRE Préface p.7
La face cachée de la bijouterie-joaillerie p.8 Des éco-systèmes irremplaçables p.9 L’or, métal aimé et détesté p.10 Des alternatives existent p.11
Histoire de l’ornement corporel p.13
Chronologie de l’ornement p.14 Interview de Fabien Montassier, archéologue p.23 L’ornement dans le monde p.25 Matériaux et typologies de bijoux p.36
Le bijou contemporain p.39
Bijoux d’artistes p.40 Étude philosophique de la fonction du bijou p.42 Sondage à propos du bijou d’aujourd’hui p.45
Le bijou, un objet précieux p.49
Les pierres et leurs vertus p.50 Étude littéraire sur la notion de préciosité p.52 Micro-trottoir «Qu’est-ce qui est précieux à vos yeux ?» p.55
Le minimalisme de la bijouterie engagée p.57 Étude marketting p.58 Carnet de tendances p.62
Le moins est-il plus ? p.65 L’Arte Povera p.66 «Ornament is crime» ? p.68
Ouverture p.73
Synthèse p.74 Cahier des charges p.78
Remerciements p.79 Glossaire p.81 Ressources documentaires p.85
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PRÉFACE
La société consumériste actuelle, je dois l’avouer, m’a bien embarqué dans cette spirale d’achat, à laquelle nous sommes tous confrontés. Vêtements, chaussures, sacs, bijoux, maquillage, rien a été épargné et aujourd’hui je possède des monticules d’articles dont la provenance m’est totalement inconnue. Cependant, au cours de ces trois années, mon souci environnemental s’est extrêmement développé, au point de revoir mon mode de vie dans son entièreté. Le point le plus important à revoir dans mon cas fut donc bien évidemment, mon vestiaire qui est complété par des dizaines, voire centaines d’accessoires, mais notamment de bijoux. Malheureusement, si acheter raisonnablement des vêtements fut facile (friperies, petits créateurs ou petites entreprises engagées, plateformes comme WeDressFair, etc.), il m’est aujourd’hui impossible de trouver des ornements abordables, à mon goût et éthiques.
Arrière plan - Entrepôt d’une entreprise inconnue participant à la Fast Fashion
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La Face cachée de la Bijouterie-Joaillerie Le bijou que l’on connaît aujourd’hui est bien différent, notamment en termes de fonction, de ce qu’il pouvait être il y a plusieurs siècles. Son pouvoir d’attraction en fait l’un des accessoires les plus demandés actuellement, ce qui a de ce fait, considérablement augmenté l’exploitation des métaux rares et des pierres précieuses1 tels que l’or, l’argent, l’émeraude, le diamant ou encore le saphir. Le nombre de mines dans le
2500
monde ( mines sans compter toutes celles illégales et artisanales) n’a fait que croître au cours de ces dernières années engendrant des conséquences catastrophiques pour l’environnement. Effectivement, pour extraire ces matériaux précieux, il faut les dissocier des roches qui les emprisonne, par des procédés chimiques, notamment à l’aide du mercure pour l’or. Durant toute la chaîne de fabrication d’un seul bijou, plusieurs produits toxiques sont alors employés et c’est ce qui conduit à la destruction de milieux naturels, à l’appauvrissement de la biodiversité locale ou encore à la contamination de nombreuses sources d’eau. Les impacts sont donc également humains; les populations de certaines régions se retrouvent forcées de partir et sont chassées ou disséminées. D’autres désastres majeurs sont les conditions de travail des mineurs. Dans les plus grosses mines, il n’est pas rare de retrouver des enfants qui travaillent sans protections, sans droits et sans libertés au même titre que des ouvriers plus âgés mais pour un salaire beaucoup plus petit. Malheureusement, la plupart du temps, il n’y a aucune traçabilité et les bijoutiers/joailliers2 eux-mêmes ne savent pas d’où proviennent leur or et leurs pierres. C’est pourquoi nous achetons souvent des produits dans l’ignorance totale de ce qui se cache derrière. Mais voici la plupart du temps la vérité de ce marché aussi fascinant que révoltant... 1-2
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Se référer au glossaire p.82
«Près de 46.000 masses d’eau de surface dans l’UE, sur environ 111.000, ne respectent pas les niveaux de mercure fixés pour protéger les oiseaux et les mammifères piscivores» «Le mercure peut circuler dans l’air, la terre, l’eau et les animaux pendant des milliers d’années», or, «l’exposition à de petites quantités de mercure peut causer de graves problèmes de santé affectant les systèmes nerveux, cardiovasculaire, immunitaire et reproducteur»
Révèlations de l’Agence européenne de l’environnement (AEE) dans un rapport publié le 19 septembre 2018, suite à une étude sur les conséquences de l’extraction de l’or
Mines d’or artisanales, Burkina Faso
Enfant travaillant dans une mine d’or artisanale au Nigéria
Travailleurs dans la mine de diamants de Banengbele, Boda,Centrafrique
Eau contaminée au Mercure
Travailleurs dans une mine, Dakar, Sénégal
Orpaillage illégal, Amazonie, Guyane
Des écosystèmes irremplaçables Les Guyanes sont considérées comme le territoire le plus touché par la déforestation minière. Entre 2001 et 2015, au moins
177 000 hectares de forêts ont disparu
du fait de l’orpaillage. L’ensemble des ressources naturelles locales subissent les conséquences des méthodes d’extraction, comme la déforestation pour l’installation des camps d’exploitation, la destruction des sols, l’intensification de l’érosion, la destruction du lit des rivières, ou encore la pollution aux matières en suspension. L’orpaillage se développe aux abords des zones montagneuses, dans les terres, là où la plupart des cours d’eau prennent leur source. Or, les techniques d’extraction utilisées, à base de mercure, sont à l’origine d’un rejet important de cet élément chimique dans les cours d’eau. Cette pollution environnementale se répercute sur les populations locales, tributaires des ressources forestières et aquatiques. En effet, de très fortes concentrations de mercure sont retrouvées chez les grands poissons prédateurs. Base du régime alimentaire des populations amérindiennes, la consommation de ces poissons est à l’origine de graves problèmes de santé et de nombreux décès. Actuellement, l’orpaillage légal en Guyane, emploie près de 500 personnes pour une extraction de 1 à 2 tonnes par an, alors que la production illégale avoisinerait les 10 tonnes
15 000
d’or, pour orpailleurs clandestins. Sachant que les mines clandestines ne sont pas assujetties aux normes nationales, et qu’il faut 1,3kg de mercure pour 1kg d’or, il est facile de calculer la quantité astronomique de mercure employé et rejeté dans la nature sans aucun scrupule. Malgré cela, cette activité illégale reste fondamentale pour la survie de nombreux mineurs et de leurs familles. N’ayant aucune notion de préservation de l’environnement, ils
conduisent doucement leurs proches vers la mort au lieu de leur promettre une vie stable. Malheureusement, les risques sanitaires qu’encourent les orpailleurs eux-mêmes sont tout aussi dramatiques que l’impact qu’ils ont sur l’environnement : • Éboulements des talus entraînant les hommes. • Chutes à différents niveaux occasionnant des blessures et fractures graves. • Inhalation des gaz toxique provoquant la contamination de certains organes vitaux.
80 000
D’ailleurs, de 1868 à 1995, mineurs ont péri dans les mines d’or (424 morts en 1994) pour la seule Afrique du SUD. Le danger de la conquête de l’or est réel. Nul n’est à l’abri des répercussions qu’elle engendre; c’est pourquoi il est urgent et primordial de trouver des solutions pour que même de l’autre coté du globe, personne n’ait les mains sales en portant un beau bijou.
«Est-il possible d’établir une carte d’identité des grains d’or, permettant de caractériser et de s’assurer de leur provenance géographique ? En RDC, environ 40 t d’or ont été produites en 2010 mais la moitié a quitté le pays de façon illégale. Ainsi, la problématique de la traçabilité des minerais doit maintenant viser l’or et, in fine, le secteur de la bijouterie.» Extrait de l’étude technique sur la faisabilité technique d’une traçabilité physico-chimique de l’or de Guyane, Octobre 2015.
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L’or, métal aimé et détesté dans le monde Selon l’USGS (United States Geological Survey), la production mondiale d’Or est estimée, en 2018, à 3260 tonnes d’Or. Elle atteignait 3230 tonnes en 2017, soit une croissance de l’ordre de 1% par an. Le WGC (World Gold Council) estimait fin 2017 que
190 000 tonnes d’or ont été extraites
depuis la découverte du métal jaune, dont les deux tiers après la «ruée vers l’or» américaine. Depuis la préhistoire, la production mondiale totale d’or serait ainsi répartie : • Avant la fin de l’empire romain = 10 000 t • Au Moyen-Âge = 2 500 t • Au XVII – XVIIIe siècle = 4 000 t • Au XIXe siècle = 12 000 t • De 1900 à 1996 = 110 500 t • De 1997 à 2018 = 60 500 t Ce matériau jaune et brillant a donc toujours fait l’objet d’admiration et de curiosité. Toutefois, l’USGS évalue les réserves encore
54 000
enfouies à tonnes, soit environ 16 ans au rythme de production actuel. Il est estimé que, 80% de l’or disponible aurait déjà été extrait et par de nombreux pays qui s’arrachent les meilleurs profits. Il est donc possible de deviner comment se dérouleront ces dernières années de recherches... Malheureusement, les différentes entreprises d’extraction vont rivaliser d’ingéniosité et privilégier des procédés rapides et efficaces au détriment des normes imposées. Des techniques comme l’amalgamation, qui consiste à allier l’or avec du mercure et à décomposer l’alliage par distillation, ou encore l’extraction hydrométallurgique risquent d’être utilisées à répétition. 3 Se référer au glossaire
10
p.82
Cet or, tant adulé par les joailliers et orfèvres3 du monde entier, s’expose à être détesté par de nombreuses populations, jusqu’à son épuisement total de la surface de la terre. Il est quand même pitoyable de se dire que nous ne serons jamais parvenus à faire de ce métal si noble, une ressource saine pour l’environnement et pour les hommes, malgré ses nombreux bienfaits médicinaux (reconnu notamment pour traiter les orgelets). Jusqu’à son dernier gramme d’extraction, l’or sera probablement un marché destructeur, pernicieux et mortel, comme l’explique le Dr Margaret Chan, directrice générale de l’OMS : ‘’Le mercure, utilisé pour extraire l’or, se disperse dans les écosystèmes et y demeure pendant des générations, entraînant de graves problèmes de santé et des déficiences intellectuelles pour les populations exposées’’. Effectivement, les femmes enceintes et les enfants sont particulièrement vulnérables, car le mercure compromet le développement du fœtus et du jeune enfant. Cela démontre bien que les intoxications restent présentes et transmissibles, même après les extractions au mercure. Alors est-ce nécessaire de trouver une solution pour proposer des alternatives aux bijoutiers, dont la consommation d’or correspond à plus de la moitié de celle extraite dans le monde ou estce peine perdue car le mal est fait ? Je pense sincèrement qu’il est intéressant de regarder les possibilités qu’il existe déjà car rien n’est jamais trop tard.
«Il n’est jamais trop tard pour devenir ce que nous aurions pu être.» George Eliot, artiste écrivaine, 1819- 880
Principales exploitations d’or dans le monde
1- Vue spaciale, Goldstrike gold mine, Nevada, EU 30,84T d’or produit en 2011
3-Lagunas Norte gold mine, Santiago de Chuco, Peru 21,83T d’or produit en 2011
2-Boddington gold mine, Perth, Australie 21T d’or produit en 2011
4-Grasberg gold mine, Papua, Indonésie 40,94T d’or produit en 2011
3
2
1
4
Des alternatives existent Malgré tous ces faits démoralisants énoncés précédemment nous pouvons quand même agir en devenant des consom’acteur4 et non plus de simples consommateurs. Je m’explique, de nos jours, lorsque l’on entreprend des recherches, il est possible de trouver des marques respectueuses de l’environnement et de l’Homme. Adhérer et participer à ce type de commerce équitable et éthique5 permet de ne participer ni de prêt ni de loin à ces catastrophes sociales et environnementales. Effectivement, de nombreux acteurs du marché de la bijouterie utilisent à présent de l’or recyclé. Il est estimé mondialement
1 304,1 t
à , en 2019, soit 33 % de la consommation totale d’or. L’or recyclé a atteint un record de 1 728 t soit 42 % de la consommation en 2009, lors de la crise financière. Il est obtenu à 90 %, par la fonte de bijoux, de lingots et de monnaie et à 10 % par les déchets industriels, principalement ceux des équipements électriques (qui ne sont actuellement recyclés qu’à environ 20 %). Des entreprises comme Héloïse & Abélard partent d’un constat simple, «l’or est partout et se recycle à l’infini.» pour créer leurs collections en or 18 carats recyclé (labellisé RJC, Responsible Jewellery Council), ornées, de plus, d’anciens diamants issus du marché circulaire. Ainsi, ils évitent également les «diamants de sang», extraits sous la coupe de groupes armés. Toutefois, depuis 2003, une certification existe : SCPK, (processus de Kimberley) qui garantit le contrôle des zones de production par l’administration. Malheureusement, pour beaucoup cela ne suffit pas (les régimes corrompus ne respectent pas toujours ces contrôles) et c’est pourquoi certains privilégient Se référer au glossaire p.82 Arrière plan : Lingot d’or marqué du label Fairmined
les diamants de synthèse. Le président de la maison de joaillerie Courbet, Manuel Malien a d’ailleurs opté pour cette option, car «Pour trouver 1 carat de diamant, soit 0,2g, il faut détruire entre 250 et 350T de minerais», ce qui est pour lui démesuré. La Fabrication du diamant de synthèse se fait entre 2 à 4 semaines dans un réacteur à haute température, il est ainsi vendu 30% moins chers que ceux naturels. Malgré tout, consommer de la copie n’est pas au goût de tout le monde, c’est pourquoi quelques créateurs s’attaquent au problème de l’orpaillage et de l’extraction à sa source. Ainsi la bijouterie Paulette à Bicyclette, est la première en France, à avoir opté pour un or et des pierres labellisés FAIRMINED. Ce label émanant d’une ONG colombienne, garantit le respect de l’environnement et des droits de l’homme dans les mines, en ordonnant l’abolition maximale des agents chimiques, l’absence absolue d’enfants, la totale égalité salariale entre les hommes et les femmes ou encore, la possibilité d’avoir un système de retraite et une sécurité sociale pour les travailleurs. En dépit de toutes ces démarches, les métaux précieux, ainsi que les pierres précieuses restent des ressources épuisables, dont l’extraction est génératrice de conséquences. La copie semblerait donc être la meilleure option; malheureusement, les divers procédés techniques n’engendreront-t-ils pas de nouvelles conséquences écologiques ? De plus, créer des matériaux de synthèse, ne supprimerat-il pas le caractère précieux et unique, tant apprécié et recherché dans le port d’un bijou ? Pour interroger cette dernière question et peut-être même y répondre, il semble judicieux de reconstituer l’histoire de l’ornement, afin d’étudier sa ou ses fonction(s) principale(s). De cette manière, il serait éventuellement possible de définir si le matériau joue un rôle fondamental dans le bijou.
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HISTOIRE DE L’ORNEMENT CORPOREL
Le bijou actuel, majoritairement précieux, est source de lourdes catastrophes humaines et écologiques. Le manque de traçabilité ne permet certes pas, de changer les habitus, mais comment en sommes-nous arrivés à une telle surconsommation et pourquoi avons-nous privilégié l’usage des matériaux rares et précieux ? Je suis persuadée que des cultures, autres que celle occidentale, ont su être plus respectueuses et n’ont pas réduit en poussière leur environnement en raison de leurs croyances. Il est indispensable de me plonger dans l’histoire de la bijouterie et de me transporter dans un voyage mondial pour découvrir les enjeux de cet accessoire, grâce à l’étude de différentes civilisations, de la Préhistoire à nos jours, en passant par tous les continents. Il me sera ainsi possible de découvrir des valeurs, des matériaux, des techniques singulières, exploitables pour créer de l’éco-joaillerie6 et donner une nouvelle alternative à ce marché désastreux.
Se référer au glossaire p. Arrière plan - Jeune fille de la tribu Suri, Éthiopie 6
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Chronologie de l’ornement Le bijou, est un objet décoratif chargé d’intentions, qui encadre souvent une partie du corps. Les traces historiques retrouvées témoignent d’une pérennité incertaine selon les matériaux employés. Effectivement, malgré l’emploi de métaux tels que l’or, la refonte ou le retrait des pierres de certains bijoux, s’effectuaient déjà à travers les siècles pour faire des économies de matières sur les nouvelles créations. À chaque période historique ont donc été détruits des centaines, voire milliers de témoignages culturels riches et variés. C’est pour cela que la plupart des pièces emblématiques ont été retrouvées dans des tombeaux, où les bijoux, placés ici pour témoigner du statut social du défunt dans l’audelà, étaient à l’abri de tout pillages.
1. Origines préhistoriques de la bijouterie
Les premiers bijoux découverts, ont donc, bien évidemment, été extraits de sépultures datant du Paléolithique moyen. D’ailleurs, les bijoux étaient parfois plus présents que les ossements, dont il ne restait que des fragments. La plupart du temps, ce sont des pendeloques7, pendentifs, colliers, bracelets réalisés à partir de pierres, coquillages, fragments osseux, cornes, ivoire, dents qui sont retrouvés pour cette période. L’aspect était plutôt brut, les techniques employées pour tailler, creuser, percer, étant rudimentaires. Ce n’est qu’à la découverte du métal que le bijou va devenir un objet
14
transformé, porteur de croyances animistes et de vertus prophylactique8. Durant le Paléolithique et le Néolithique, la question du matériau ne se posait donc pas et les parures étaient réalisées avec les ressources qu’offrait la nature. Aujourd’hui, les éléments que fournit la nature sont surexploités ou à l’inverse, totalement méprisés. Peut-être serait-il ainsi bénéfique pour l’environnement, de mieux l’observer pour entrevoir d’autres sources, variées et multiples, de richesses.
2. Varna, le premier or de l’humanité
Ce n’est qu’au début du Ve millénaire avant JC, que le travail de l’or apparaît massivement. Sur le territoire de la civilisation Varna (actuelle Bulgarie), 294 sépultures avec parures de pierres, de coquillages, de perles d’or, de malachite9 et de céramique ont été découvertes. Les bijoux étaient disposés sur les squelettes ou cousus sur des restes de supposés vêtements. L’or fut ici retrouvé en grosse quantité et travaillé de manière différentes : martelage10, emboutissage11, etc. Dès sa découverte, l’or s’utilisa en masse pour sa couleur jaune, évoquant le soleil, symbole de vie, permettant ainsi de parvenir à l’immortalité. C’est donc au nom de croyances spirituelles, que ces peuples ont exploité l’or, contrairement à notre culture qui l’utilise à des fins financières. 7-8-9-10-11
Se référer au glossaire p.82
Perles façonnées dans des coquillages, Grotte de Blombos, 75000 ans, Afrique du Sud
La parure de l’enfant de la Madeleine, Paléolithique supérieur, Perony, dents, os et coquillages
Reconstitution de la sépulture d’un chef, bijoux en or, Varna, 4400-4100 av JC
Reconstitution d’une parure de têtes, Tombe d’Ur, Sumer, Feuilles d’or, perles de lapis-lazuli, cornaline.
Pectoral au scarabée ailé, Tombeau de Toutankhamon, 1350 av. JC, or cloisonné, pierres
3. Les tombes d’Ur
Des fouilles colossales à l’emplacement de la cité des Sumériens, peuple mésopotamien de 2550 à 1760 av. JC, ont mis au jour un important cimetière dont les tombes royales d’Ur. Elles témoignent d’une richesse exceptionnelle d’objets précieux, notamment grâce à la découverte d’une sépulture de 74 individus, dont des gardes du corps parés de leurs armements en or repoussé et ciselés12. Mais de ces somptueux caveaux ont également été révélés des bracelets, boucles d’oreilles ou encore colliers, aussi bien portés par les hommes que par les femmes. Cette volonté d’enterrer les défunts avec de telles témoignages de pouvoir, a pour objectif d’affirmer leur statut social dans l’au-delà et ce même pour les hommes, qui dans notre société actuelle ne portent que très peu de bijoux.
Bague-sceau au nom du roi Horemheb, Nouvel Empire, 1550 av JC
4. L’É L’Égypte : l’or «chair des Dieux»
Témoignage photographique de la fouille, crâne d'une femme et couronne en or
Les bijoux sont les objets les plus remarquables retrouvés de l’Égypte ancienne. Utilisés pour honorer la quête de l’éternité et la croyance d’une vie après la mort, ils témoignent d’une forte de richesse et sont imprégnés de symboles religieux, magiques et prophylactiques. De ce fait, ils étaient portés au niveau des organes vitaux et ornés de pierres curatives (Turquoise, agathe, ambre, améthyste, etc.) pour sublimer les motifs symboliques, mythiques tels que le scarabée, symbole de résurrection. Encore une fois, la notion spirituelle est extrêmement importante, ce qui rend, de plus la demande de bijoux bien plus élevée que l’offre; le manque de pierres conduit donc les égyptiens à la recherche de matières semblables : cristaux de roche transparents, ciments colorés, verre. 12
Se référer au glossaire p.82
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5. Civilisations Égéennes
La civilisation crétoise, appelée minoenne, a édifiée notamment le palais de Cnossos, dont les salles sont décorées de fresques qui représentent la vie quotidienne. Ces fresques datant de 1600 av. JC montrent d’élégantes et souriantes dame en bleu, à la coiffure richement décorée et portant de nombreuses parures13 autour du cou et aux bras. Pour cette civilisation, les témoignages sont davantage picturaux. Toutefois, le pendentif en or aux abeilles14, caractérise la bijouterie minoenne, marquée par l’abondance d’objets inspirés de la nature environnante. Aux alentours de 1600 ans avant j-c, la culture minoenne se propage sur la partie méridionale de la Grèce et fonde la civilisation mycénienne, dans laquelle des masques en or stylisés, qui recouvrait le visage de défunts, ont été retrouvés. Le travail de l’or est également privilégié, mais le bijou est plus rare du fait de croyances différentes. Jusque là, l’ornement15 semble donc être intimement lié aux convictions de chacune des civilisations. Mais à l’époque actuelle, que sont-elles ces convictions ?
Masque d'Agamemnon, masque funéraire en or, Mycènes
6. Les Scythes : parure pour hommes et chevaux
Les Scythes, peuple de nomades et de guerriers, ont développé un art original caractérisé par la dominance des représentations animales. Leur attrait pour l’or se retrouve dans les tombes monumentales où l’aristocratie guerrière est inhumée avec des objets de petite taille, que l’on porte sur soi ou qui décorent les vêtements et parures de guerre. Les chevaux des guerriers étant inhumé avec eux, il a été possible de retrouver un grand nombre de plaque frontale16 et de pendeloques sculptées dans du bois et recouvert d’or. Dans cette civilisation, le bijou était principalement didactique, servant à raconter des scènes de chasse, de combat de guerre et d’activités de la vie quotidienne.
Plaque-agrafe en or, fauve ailé, IV-IIIe siècle av JC
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16
Se référer au glossaire p.82 Références historiques à venir
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Pendentif en or aux abeilles, Palais de Malia, Crète, 1 700 1550 av JC
Torque scythe, Kourgane de Koul-Oba, IVe siècle av. JC, or incrusté d’émail bleu et vert.
Torque en or, tombe princière de Vix, art celte du premier âge du fer, 550-480 av JC.
Boucles d’oreilles en barillet étrusques, or, bossettes lisses et granulés, fin VIe av. JC
7. Les celtes : de fer …. Et d’or
La civilisation celtique coïncide avec l’Âge de fer qui débute vers 700 ans av. JC. Chaque tribu celte est régie par un pouvoir princier. Les forgerons y occupent une place importante : ils connaissent l’emploi du bronze et popularisent celui du fer, maîtrisant avec art le fer forgé. Le bronze et le fer, utilisés pour les armes, le sont aussi pour les bijoux, mais le matériau de prestige reste l’or, symbole du pouvoir des princes. Cependant, la sépulture d’une femme à Vix, a permis de découvrir huit fibules17, dont plusieurs étaient incrustées de corail et d’or, mais aussi un collier de perles d’ambre18, deux bracelets de lignite19, deux anneaux de chevilles en bronze et une torque en or, disposée autour du crâne comme un serre-tête. De ce fait, au travers de cette civilisation, le bijou est utilisé comme moyen de reconnaissance de la hiérarchie et des différents clans. L’or est donc le matériau représentant la plus haute classe, contrairement au bronze qui est privilégié pour les femmes et personnes de bas rang.
Torques et bracelets, VIIe av. JC, or
Collier à pendentif en forme de tête d’Achéloos, or estampé avec granulé, fin Vie siècle av JC.
8. Les Étrusques : splendeurs de la granulation20
C’est en échange du fer et du bronze que les phéniciens et les grecs, fournissaient aux étrusques l’or du Proche-Orient. La richesse qu’acquière grâce à cela l’aristocratie étrusque, s’observe par de grandes sépultures richement décorées. Une attention particulière est d’ailleurs portée aux ornements personnels, fibules, bracelets, boucles d’oreilles et pectoraux, toujours décorés, selon la technique très raffiné de la granulation, dont ils sont maîtres. Dans ce cas précis, la civilisation a comme première volonté, d’étaler son savoir-faire aux autres peuples de cette époque afin de promouvoir leurs richesses matérielle (grâce à l’or) et immatérielle (techniques).
Se référer au glossaire p.82 Voir Les pierres et leurs vertus p.50, du chapitre -Le bijou, un objet précieux - p.49
17-19-20 18
17
9. Motifs Hellénistiques
Durant la période hellénistique, Alexandre le grand donne accès à de nombreuses mines d’or, grâce à son expansion politique. Le travail des orfèvres est ainsi stimulé et un style commun est imposé à tous les territoires, marquant ainsi l’apogée de la bijouterie grecque. De nouveaux motifs sont alors créés, dont ceux du serpent et du nœud d’Héraclès. Des symboliques fortes y sont d’ailleurs associées : le serpent symbolise Asclépios, le dieu de la médecine ; le nœud symbolise Héraclès, héros mythique représentant l’idéal de la force combative. Les ornements sont alors davantage portés pour protéger des maladies ou apprendre à les vaincre. Par ailleurs, grâce aux nombreux chignons, en vogue à cette époque, le port de boucles d’oreilles se démocratise ce qui diversifie les typologies de bijoux existants. Cela prouve que le bijou se développe et évolue selon les traditions vestimentaires et selon les codes esthétiques.
pour l’ostentatoire.21 Les camées, inventés par les romains pour immortaliser l’image de la plupart des empereurs, sont des pierres ornementales22, fines ou précieuses, à décor sculpté en relief. De nombreuses pièces ont été précieusement conservées, notamment grâce à l’intérêt massif pour l’Antiquité, quinze siècles plus tard, à la Renaissance, qui remettra ce type de bijoux à l’honneur. Comme le vêtement, l’ornement est traité comme un article de mode.
10. Rome, des camées à la gloire de l’empereur
Rome est à l’origine une cité pauvre sans réserve intérieure ; l’approvisionnement en or a donc été un problème préoccupant dès le début, ce qui a influencé la production d’orfèvrerie et de bijouterie qui furent longtemps considérées comme un luxe condamnable. Jusqu’au Ier siècle av. JC, l’usage de l’or comme parure est réglementé par des lois somptuaires qui fixent la quantité d’or que l’on peut porter sur soi. Le développement de la bijouterie est ainsi plus que limité : le port de bijoux reste l’apanage des riches. Toutefois, grâce aux butins de guerre, l’or, mais aussi de grandes quantités de perles et de pierres précieuses affluent ; le port du bijou se démocratise alors. Caractérisée par un goût prononcé pour les pierres colorées et pour l’or, la bijouterie manifeste ainsi le goût des romains, 21-22
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Se référer au glossaire p.82
Portrait de Fayoum, femme portant de nombreux bijoux en or et pierres précieuses.
Collier de perles d’or étrusques et perles de verre phéniciennes, début VI av JC (Témoigne des échanges fructueux entre les étrusques et les phéniciens.)
Collier à pendeloques avec nœud d’Héraclès, or et pâte de verre, 323 av JC
Camée antique de l’empereur Auguste, placé au centre de la croix dite de Lothaire, Rome, An mil
Boucles d’oreilles mérovingiennes, argent doré, filigranes, almandines et grenats, Ve - VIIIe siècle
11. Les Barbares
Cette civilisation, étrangère à l’empire romain, impulse un art nouveau et bénéfique pour l’Occident. La bijouterie traduit une volonté farouche d’unification politique, économique et religieuse. Les barbares transmettent la technique du cloisonné23 et développe la technique du niellage24. Les invasions ont donc été, la majeure partie du temps, propice à l’évolution de l’art de la bijouterie.
12. Le bijou, symbole de l’unité chrétienne
Avec l’apparition de Constantinople, la bijouterie prend une nouvelle dimension : les bijoutiers et joaillier doivent travailler en l’honneur du dieu. Leur art reflète un monde christianisé, adoptant des représentations auxquelles se rattachent des symboles précis : la croix, la vierge, la colombe; tous symbole de l’esprit-saint. Le sens symbolique est privilégié par rapport à la représentation, ce qui explique la fracture parfois plus réaliste des images figurées. Le bijou devient alors didactique et se doit de rappeler aux fidèles l’existence de la parole divine; aucune notion d’esthétique est alors présente.
En général, le port de la bijouterie est souvent associé à la signification symbolique qu’on attribue au joyau lui-même. Jusqu’au 13e siècle, le vêtement de forme relativement simple, est fait de lourds habits de laine allant jusqu’à la cheville, ce qui n’inspire pas le développement de la bijouterie. La boucle de ceinture et la broche constituent alors les ornements les plus répandus. La ceinture, est l’accessoire indispensable au vêtement médiéval qui ne comporte pratiquement aucune poche : on y prend alors clefs ou petites bourses. La broche, très répandue, sert à fermer un vêtement. Au milieu du XIVe siècle, une révolution de vêtements s’opère : il devient plus ajusté, le décolleté féminin fait son apparition, les colliers et les pent-a-col (pendentifs) se multiplient.
13. Bijoux au contenu sacré
Au Moyen-Âge, de nombreux bijoux ajoutent à leur fonction de parure un contenu sacré. Durant le règne de Charlemagne, la bijouterie se répartit essentiellement dans deux directions : l’art impérial et l’orfèvrerie religieuse. Le pouvoir impérial encadre et contrôle la fabrication, le port et les usages des bijoux par des lois très strictes. Les bijoux deviennent alors le symbole des valeurs élitistes et autoritaires, représentatives du pouvoir en place.
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Talisman de Charlemagne, or en filigranes, grenats, émeraudes, cabochon, France, IXe siècle
Se référer au glossaire p.82
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14. La Renaissance
14. Le XVIIe siècle
Pendentif Agneau Pascal, or émail perles fines, France, XVIe siècle
Ornement de corsage, France, début XVIIIe, or argent émeraudes, améthystes diamant taille rose
Au Moyen Âge et à la Renaissance, les bijoux sont la plupart du temps ornés de sujets religieux, qu’il s’agisse de pièces en émail peint ou de bijoux utilisant les formes fantaisistes des perles baroques, tel ce pendentif du XVIe siècle représentant l’Agneau mystique.
15. Le XVIIIe siècle
Au XVIIe siècle, les bijoux de tête et les épingles sont très en vogue ; les ornements de corsage peuvent être portés en pendants, suspendus ou cousus au vêtement. Les pierres étant rares et les bijoux représentant un investissement financier important, les nouvelles parures comportent souvent des bijoux anciens réutilisés ou réadaptés.
Le XVIIIe siècle voit le triomphe de la joaillerie. Le diamant, matériau rare, réservé pendant des siècles aux rois, aux princes et aux trésors de l’Église, se démocratise. Avec la prospérité qui s’installe en Europe au Siècle des Lumières, la vogue des bijoux se répand au-delà du cercle restreint des nobles et des richissimes dignitaires. L’invention du strass, verre au plomb très brillant, ouvre le marché du bijou à une clientèle moins fortunée.
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16. Le XIXe siècle
Tous les types de bijoux sont présents au XIXe siècle, mais les femmes se plaisent tout particulièrement à porter des ensembles harmonieux où dominent les mêmes pierres et les mêmes ornements. Ainsi apparaissent les parures avec collier et les demi-parures comprenant uniquement une broche et une paire de boucles d’oreilles. À travers l’historicisme et la redécouverte des œuvres du passé national ou de civilisations lointaines, les artisans retrouvent des techniques oubliées, et tout particulièrement celles de l’émail, qu’il soit peint, champlevé, cloisonné, de ronde-bosse ou de basse-taille. La diversité des formes est plus remarquable encore que celle des techniques et des matériaux employés.
Pendentif Le réveil, Maison Vever, 1900, Paris, ivoire, or émaillé, perle baroque, diamant
17. L’Art Nouveau
Bracelet, Louis René Duplessy, 1828-1838, France, or et émail
Les pièces de bijouterie se végétalise et Réné Lalique, bijoutier emblématique de cette période va réaliser de nombreuses parures toutes inspirées des formes organique de la nature. Sensible à l’historicisme, aux influences des siècles passés mais aussi à l’art japonais, il est le précurseur d’une panoplie de bijoux aux teintes verdâtres et brunes.
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18. L’Art Déco
Après l’Art nouveau, dans les premières années du XXe siècle les formes naturelles se simplifient et se synthétisent, annonçant les figures géométriques des années 1920. Les bijoutiers s’inspirent des styles Empire et Louis XVI pour réaliser des parures souvent composées de platine et des montures plus fines et plus souples. Le noir et le blanc, l’onyx et le cristal introduisent des oppositions plus franches, tandis que l’utilisation du lapis-lazuli, du jade et du corail permet de créer une joaillerie haute en couleurs. Les créateurs aiment conjuguer le mat et le brillant, le transparent et l’opaque au service d’une bijouterie très contrastée par les couleurs, les matières, mais aussi les thèmes. Les formes géométriques, issues du mouvement cubiste, donnent des plans nets et tranchés que favorisent les nouvelles tailles des pierres : en baguette, trapézoïdale… À la polychromie des années 1920 succède la monochromie des bijoux des années 1930.
Clip, Jean Fouquet, or, lapis lazuli et diamants Broche, Raymond Templier, 1937, Platine, onyx, cristal dépoli, diamants
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Interview Fabien Montassier, archéologue
Quel est votre parcours professionnel ? J’ai effectué des chantiers de toutes périodes mais plus particulièrement de la Préhistoire et du Néolithique, le but étant principalement de comprendre l’organisation spatiale, l’architecture, la culture matérielle et d’apporter de nouvelles données grâce aux différents chantiers. Comment décririez-vous votre métier d’archéologue ? Un métier passion demandant de la patience et beaucoup d’énergie. Que retrouvez-vous le plus lors de fouilles ? Des morceaux de contenants en céramique, des objets en pierre, soit des matériaux extrêmement pérennes.
Retrouvez-vous régulièrement des bijoux ou ornements ? Malheureusement non, car sur les périodes pour lesquelles je travaille le plus, ces objets étaient souvent réalisés dans des matériaux décomposables. Quelles informations donne ce type de trouvailles (période, contexte, statut social, etc.) etc.) ? Les bijoux sont principalement retrouvés en contexte funéraire et indiquent un statut social élevé dans la société, peu importe l’époque. Pouvez-vous me raconter une ou plusieurs découvertes de bijoux, que vous avez effectué ? Sur le chantier de la Rue de la Résistance à Amiens, lors de la fouille du cimetière de l’Hôtel Dieu, j’ai retrouvé deux bagues en or dont l’une sertie d’une améthyste datant du XVIIe siècle. Sur le diagnostic de Boréalia à Amiens et Pont-de-Metz, j’ai retrouvé une plaque-boucle carolingienne en bronze, lors de la fouille d’une sépulture.
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Fabien Montassier, archéologue spécialisé de l’Antiquité, m’a permis, grâce à cette entrevue, de confirmer certaines déductions à propos du bijou. Malgré ce qu’il est aujourd’hui, il y a effectivement eu un temps où ce dernier était un bien primordial, qu’il était indispensable d’avoir avec soit lors de sa propre sépulture. Ces traditions laissent penser que l’esthétique du bijou n’était donc pas le plus important, mais que son sens ou ses motifs devaient traduire le sentiment souhaité du porteur. C’est donc grâce à ces multiples sépultures au travers les siècles, que des exemples de bijoux ont été retrouvés, témoignant ainsi du rôle qu’il occupait dans la société : -liturgique -hiérarchique -prophylactique -spirituel -décoratif Tout au long des siècles, son usage fut changeant selon le pouvoir politique en place et selon le contexte historique, mais qu’en est-il actuellement dans d’autres régions du monde ? Localisation de la ceinture dans la tombe 38 du diagnostic de Borélia
Plaque-boucle et contreplaque carolingienne, reconstitution des motifs, bronze
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L’ornement dans le monde La peau est une fine enveloppe entre soi et les autres, mais une fois décorée elle peut faire office de barrage, de tribune, de communication. Dans certaines ethnies, les motifs d’ornements corporels, font souvent office de langage sans paroles qui permettent d’établir des liaisons entre les créatures terrestres et surnaturelles. Au-delà du message esthétique, se lit un alors langage métaphorique, instrument de rite et médiateur entre les esprits et puissances sur terre. Les bijoux peuvent alors posséder des vertus magiques (chasse esprits maléfiques, capte génies bienveillants) soit grâce aux sons qu’ils peuvent émettre, aux odeurs qu’ils peuvent diffuser ou encore grâce aux pierres. Toutefois, le bijou possède toujours une double fonction dont il est difficile de discerner la frontière entre le talisman et l’ornement. En général, les bijoux idéogrammes sont porteurs de messages et de symboles. Il peuvent être le témoin des différentes étapes de la vie et servir de carte d’identité à l’individu qui se pare. Le bijou raconte alors les naissances, les deuils, immortalise les mariages, trahit le rang et la fortune, exalte l’ardeur virile, souligne ou corrige la beauté, etc. La parure serait donc aussi gage de séduction et de beauté; le corps se fait palette et sert de monture ou d’écrin aux différents ornements. Paul Valéry indique par ailleurs «que la parure ne cache la peau que pour donner plus envie de la voir ou la toucher». Elle ferait donc office vêtement, dont les limites avec le bijou sont tangibles. Effectivement, à mi-chemin entre le costume et le bijou, la parure resplendit et subjugue le spectateur le temps d’une parade. La distinction entre cette dernière et le bijou, est d’ailleurs, ambiguë. En comparaison le bijou serait l’objet de soins trop minutieux pour transmettre une sensation alors que la parure,
plus narrative pourrait permettre de s’adresser à la masse. La parure serait donc plus de l’ordre du paraître, de la séduction, de la question de beauté; alors que le bijou, serait plutôt l’élément protecteur, porteur de messages et symboliques fortes. Cette conception du bijou qu’ont certaines cultures, suscite fréquemment l’admiration. Malheureusement, la culture occidentale, en s’appropriant le style des bijoux dits «ethniques», réduit le sacré à des accessoires que la mode s’empresse d’oublier. C’est pourquoi à travers l’étude à suivre, des ornements selon les cultures, le but n’est pas de reprendre l’esthétique mais bien de comprendre la fonction, le rôle, la symbolique du bijou, qui ce sont tant perdus dans notre culture européenne.
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Peuple d’Amérique
Peuples d’Afrique
Peuples d’Asie
Peuples d’Océanie
Peuples de la Région Artcique
Matériaux et typologies de bijoux à travers le monde et les époques Grâce à l’étude historique et géographique de l’ornement, il est possible d’établir une liste de matériaux non «précieux» utilisés pour créer toutes sortes de parures ou bijoux : -plume -cheveux, poils -raphia, sisal, jute -feuilles -fleurs -bois -bronze -aluminium -ossements -coquillages, nacre, etc. -perles de verres -perles de pierres -laine Cette liste non exhaustive, est la preuve qu’il est possible de créer des ornements à forte valeur avec des matériaux dits «pauvres».
Pendentif cure-dent et cure-oreille, XVe siècle
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De plus, contrairement à ce qu’il est possible de voir dans la culture occidentale, de nombreuses typologies de bijoux existent et ont pourtant été totalement oubliées voir abandonnées : -couvre-cheffe, diadèmes, bandeaux, coiffes, chapeau, couronne -colliers, chaîne, pendentifs, bulla, lunula, médaille -Boucles d’oreilles, écarteurs -Labret, plateau labiale -Septum -Ceinture, châtelaine -Écharpe de perle, de pierres, etc. -Bagues -Bracelets, manchettes, montre, armille -Chevillère -Broche, fermail, fibule -Bouton-bijou -Plastron -Cure-dents -Implants Certains de ces objets paraissent étonnants mais ont bien été à un moment donné considérés comme des ornements. Malheureusement, la culture actuelle a métamorphosé le bijou, que ce soit dans sa fonction, ou dans son apparence et quasiment plus aucun codes historiques n’ont été perpétués, mis à part les techniques spécifiques de bijouterie et de joaillerie.
Le bijou, même s’il a toujours été objet d’art selon les époques et les cultures, perd tout son sens et devient vraiment œuvre d’art à partir de la seconde guerre mondiale.
Pendentif soleil lune, Jean Lurçat, 1959, or 37
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LE BIJOU CONTEMPORAIN
Depuis des siècles, à travers le monde, le bijou est porteur de significations essentielles. Même si au cours de l’histoire, l’usage de l’or était mondial, actuellement, il est quasiment exclusivement le propre de la culture occidentale. Effectivement, dans d’autres cultures, une richesse de matériaux organiques, minéraux, industriels est déployée dans les parures corporelles. Ces civilisations là, n’ont pas besoins d’éléments dits «précieux» pour créer des bijoux emprunts de valeurs, car dans leur cas, le sens et la fonction sont les éléments notoires de ces différents accessoires. Toutefois, le bijou contemporain suit-il ce schéma de pensée, ou est-il seulement le détenteur d’une richesse matérielle apparente, exubérante, vide de symbolique et de sémantique ?
Arrière plan - Leonor Fini, Collier, or 18 carat et pierre
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Bijoux d’artistes La confrontation des artistes à l’art du bijou prend dans les années 1950 une importance nouvelle. Certains s’investissent dans ces créations grâce à la rencontre d’un orfèvre de talent ou, plus rarement, réalisent eux-mêmes leurs œuvres comme Alexandre Calder.
« Ce n’est pas assez de faire voir ce que l’on peint, il faut encore le toucher »
« Les meilleurs collections ne sont pas les plus exhaustives, les plus chères, les plus obsessionnelles : les plus belles collections sont celles où une sensibilité singulière se conjugue au goût, à l’originalité et a beaucoup d’amour. »
Georges Braque, 1961
Comme Braque, de nombreux artistes cherchent à produire des oeuvres tridimensionnelles pour leur donner une nouvelle valeur. Grâce à des étroites collaborations, les gouachés de Braque ou encore les dessins de Dali prennent vie grâce aux mains de joaillers et orfèvres réputés. Ce travail mena d’ailleurs Dali à une réflexion sur la place du bijou dans l’art : « Nous avons essayé de découvrir si le bijou a été fait pour la peinture ou si la peinture a été faite pour le bijou, cependant nous sommes convaincus qu’ils ont été faits l’un pour l’autre, c’est un mariage d’amour. » Le bijou d’artiste permet donc une approche peut-être plus singulière et personnelle d’une oeuvre d’art. Toutefois, la fonction principale reste celle de l’ornementation. Il est difficile de s’approprier ce genre de bijoux de collections et d’y imprégner un sens, une sméantique car l’image et le message qu’il reflète sont avant tout ceux de l’artiste. Il s’agit donc clairement, dans ce cas, d’objets de monstration.
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« Le bijou d’artistes est un élan du cœur ou une exploration empirique, entre vision première et bricolage sublime. » Olivier Gabet, directeur du musée des Arts décoratifs
Cependant, Giuseppe Penone prouve que le bijou et lui-même sont constitués d’une histoire dont la marque reste imprimée d’une manière ou d’une autre. C’est pourquoi, dans son collier Folga, on retrouve l’empreinte des lignes de sa main car «l’empreinte de la peau , les lignes de la main, le dessin des ongles et des veines est littéralement et métaphoriquement un réseau qui nous relie à des feuilles et à des arbres, à l’eau et aux pierres».
La Persistance du son, Salvador Dali, 1949, Boucles d’oreilles, or, rubis, émeraudes, diamants
Foglia, Giuseppe Penone, 2011, Collier, bronze et or jaune 24 carats
Asteria, Georges Braque, 1963, Broche, or 18 carats et émeraude
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Étude philosophique sur la fonction du bijou Après avoir étudié le rôle de la parure, au travers de l’histoire et des différentes cultures dans le monde, il semble nécessaire d’interroger ce dernier dans la société actuelle. Effectivement, l’action de se parer est un geste universel, dont les premières preuves d’usages s’observent dès la Préhistoire. Cette longue période historique qui fait apparaître la frontière entre l’Homme et l’animal, peut-être, dans ce cas, le point de départ d’une nouvelle réflexion. Au premier regard, la parure, et, par extension le bijou, ne semblent pas être des facteurs de beauté à proprement dit. Utilisés dans la majeure partie des cas comme objet apotropaïque et prophylactique, il est légitime de se demander si la parure d’aujourd’hui répond ou non à son origine lexicale, parëure, se montrer. Toutefois, il est probable que cette action ne soit pas le propre de l’homme. Se montrer ou se cacher ne sont-ils pas des enjeux communs à tous les êtres vivants ? De ce fait, le bijou contemporain répond-t-il à ces besoins primaires ou est-il un caprice, une excentricité, une extravagance de l’homme ? Au travers d’un extrait de l’essai de Thomas Golsenne, Généalogie de la Parure, paru en 2011, mais également d’une adaptation de la réflexion de Simmel sur La Parure, il va être possible de définir les fonctions principales du bijou. Dans un premier temps, ce dernier apparaîtra comme un objet de séduction puis dans un second temps, comme un objet de construction de soi. D’une part, la parure dont l’objectif est de se montrer, de sa parer, sert, dans de nombreuses cultures, de démonstration de richesse et de pouvoir. Seulement, pour rendre à un objet une telle capacité, l’image qu’il renvoie doit être interprétée comme telle. Monstration, exhibition, déploiement, sont alors les clés servant à éblouir et à séduire celui dont on
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souhaite contrôler le point de vue. Mais quel est le réel objectif de séduction ? L’homme a-t-il besoin de plaire pour survivre ? Est-il le seul à employer des stratagèmes pour être vu ? Premièrement, il est possible d’interroger la relation de l’animal avec la parure. En effet, comme certains éthologues l’affirment, l’animal, paré naturellement pour certaines espèces, redouble souvent d’efforts pour ornementer son corps ou son environnement. Comme le dit Golsenne, ils « se servent de la décoration corporelle ou artéfactuelle pour séduire ». L’homme, dépourvu d’éléments notoires distinctifs, est lui-même souvent amené à transformer son corps, dont l’apparence dans son plus simple appareil, n’est considérée seulement comme une négation de la beauté. Alors que l’animal peut se substituer de parure et se suffire à ce que la nature lui offre pour attirer le regard ou au contraire l’éloigner, de nombreux exemples témoignent d’une démarche de recherche d’ornements. En Nouvelle-Guinée, il est possible de retrouver des oiseaux « connus pour aménager des sortes de berceaux ouverts, tressés avec grande ingéniosité, dans lequel le mâle fait sa parade nuptiale en tenant dans son bec un leurre ou un coquillage », affirme Golsenne. Il est alors possible d’envisager l’existence d’un art animal dont la fonction hypothétique peut-être celle de la reproduction. Effectivement, comme le cite Golsenne, d’après Claude Gudin, « La séduction est biologique, avec ses émetteurs, ses récepteurs, et évolue avec la vie. Elle est le produit de notre histoire naturelle et de l’histoire culturelle de l’homme. Quand nous séduisons, comment distinguer notre animalité de notre culture ? ». Si l’animal parade, comme le paon par exemple, pour attirer les femelles et ainsi perpétuer l’espèce par cet instinct primitif de reproduction, il est fort probable que comme l’énonce Gilles Boëtsch dans son ouvrage Anthropologie et Beautés, l’homme fasse de même pour « valoriser le corps humain,
l’exhiber, le glorifier » afin d’assurer sa propre descendance. De ce fait c’est peut-être parce que l’homme est un animal qu’il se pare, pour répondre ainsi à son instinct primordial. Dans la société occidentale actuelle, il est vrai que le bijou n’est plus autant le témoin d’une hiérarchie sociale. Même si la parure portée semble coûteuse et laisse signifier, comme l’explique Golsenne, « celui qui me porte le mérite », elle n’a plus pour fonction de montrer à une civilisation entière la détention d’un quelconque pouvoir comme c’était le cas au XIXe siècle par exemple, avec la Parure de la Reine Amélie, exposée au Louvre. Il serait alors possible de considérer que le seul objectif d’un tel attirail est la reproduction ; mais comme l’écrit si bien Georg Simmel dans son essai sur La Parure, « la parure, l’agir par amour » est peut-être, également porteuse d’une symbolique forte. Vouloir plaire par amour, et non seulement par besoin primitif est-ce envisageable ? Pour terminer, il est vrai qu’au travers de l’ouvrage Parures, co-écrit par Jean-Paul Barbier et Michel Butor, l’ornementation n’est pas du tout conçue comme un besoin, mais plus comme un jeu qu’il va de partager avec l’autre. Effectivement, dans certaines cultures, la parure va jusqu’à cacher la peau et cela pour donner plus envie de la voir ou de la toucher. La parure alimenterait donc un certain mysticisme afin d’ériger le corps en objet de culte pour permettre de repousser les frontières du beau et du bizarre. La beauté est une notion difficile à définir, mais il est certain que cette dernière occupe une place prépondérante dans le monde. La parure n’est alors peut-être qu’un élément de plus pour construire le beau et faire du corps un écrin, une monture valorisante. Ainsi, la parure, art animal instinctif ou réfléchi, est un outil de séduction permettant aux êtres vivants de se reproduire, mais également de créer des liens psychiques forts. L’homme, que l’on distingue généralement de l’animal par sa capacité à penser, se pare alors pour plaire mais pas uniquement pour séduire
celui ou celle qui assurera l’espèce. De manière plus implicite, l’homme cherche à se montrer sous son plus beau jour aux personnes dont le ressenti est important. Il apparait donc clairement que le bijou sert de frontière entre deux espaces ; physique et spirituel. D’autre part, si l’Homme peut être séduit par un autre grâce à l’image qu’il reçoit, cela veut dire que le bijou contemporain joue un rôle très important dans la construction des relations sociales. Être attiré par quelqu’un selon ce que son aspect extérieur laisse entrevoir, signifierait qu’intérieur et extérieur sont intrinsèquement liés. Toutefois, l’apparence qu’un individu donne à voir aux autres estelle vraiment représentative de son identité ? L’apparence n’est-elle pas utilisée comme un leurre pour camoufler la réalité ? L’image qu’un individu cherche à construire n’est-elle pas le reflet de sa propre construction de soi ? Premièrement, il est possible d’envisager le bijou comme une véritable carte d’identité. Effectivement, dans de nombreux cas, notamment dans la culture Arabe, les bijoux sont des idéogrammes porteurs de messages et de symboles. Comme l’énonce Simmel dans son essai, « la parure est le lieu de «rayonnement» d’une personnalité, d’une «radioactivité» de l’être humain, d’une «fulguration» spirituelle ». Cela laisse entendre que le bijou est un réel moyen d’expression de soi et que selon le style affiché au travers des ornements, la personnalité peut être nuancée. Le bijou contemporain est alors, d’après Simmel la « revendication d’être soi-même et le souci affiché d’être agréable aux autres ». Mais ces autres qui sont-ils ? Le bijou ne doit-il pas permettre à un individu de se plaire à lui-même avant de convenir à un autre individu ? Malheureusement cela est peutêtre impossible ; la construction de soi comme l’indique à nouveau Simmel « ne peut se faire que par le détour du regard qu’autrui porte sur nous : devoir nécessairement se construire sous le regard de l’autre, s’en remettre à l’autre
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pour prendre forme, tel est le tragique de l’âme moderne ». En effet, si une distinction entre le bijou et la parure doit être faite, force est de constater dans de nombreuses références de design, que le bijou est narratif mais que le discours qu’il traduit n’est pas profond car il s’adresse plutôt à la masse, contrairement à la parure qui elle fait l’usage de codes pour ne s’adresser qu’à un groupe en particulier. Ce qui insinue que le bijou peut être plus personnel contrairement à la parure, qui crée un sentiment communautaire. De ce fait, comme le cite Golsenne dans son essai Généalogie de la Parure, « LeroiGourhan réduit l’esthétique des apparences corporelles à une question d’identification sociale ». Malheureusement, il est difficile de nier qu’un style de bijou ou un motif spécifique, peut être utilisé comme langage permettant d’identifier une appartenance à un groupe, et ce même de nos jours et dans notre culture occidentale. Par exemple, la symbolique des couleurs que Michel Pastoureau étudie dans Le petit livre des couleurs, est un véritable élément distinctif d’un ornement. Un bijou noir ne dira pas la même chose qu’un blanc pur et éclatant. Revêtir un bijou est donc, comme l’explique Simmel, une « manière de s’intégrer au groupe et de se distinguer ». Il s’agit ainsi d’un entre-deux qui conduit à l’inclusion comme à l’exclusion. Cette exclusion peut par ailleurs, être la source d’un nouveau genre d’ornement. Comme il est expliqué dans le livre Parures rituelles des peuples du monde, « la peau est une fine enveloppe entre soi et les autres ». Cela laisse sous-entendre qu’une frontière existe entre le moi et l’autre. Cette frontière peut cependant être renforcée grâce au bijou. Une fois décoré, orné, habillé, le corps est protégé de cette exclusion infligée par la loi du paraître. Toutefois, certains bijoux ne laissent rien transparaître. Effectivement, le monde de l’ornement s’appauvrit de jour en jour ; peut-être car il s’agit justement d’un moyen d’expression et que l’homme cherche
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aujourd’hui à se faire discret en privilégiant la sobriété, le minimalisme « l’impersonnalité de la parure qui réside dans son élégance », d’après Simmel. Ainsi, il est possible d’affirmer que le bijou peut-être un outil de construction de soi. Qu’il soit employé afin de renforcer un style vestimentaire ou afin de communiquer ce qui ne peut-être dit, il permet d’offrir un nouveau langage à l’autre. Le bijou peutêtre un moyen de dialoguer ce qui peut ainsi créer un phénomène d’exclusion ou d’inclusion. Malheureusement l’adhésion à une communauté, bienveillante, rassurante, épanouissante, ne peut se faire sans rejeter une poignée d’individus. C’est pour cela que le bijou peut être un refuge matériel, une forteresse, ne laissant passer aucun élément susceptible d’atteindre et d’affaiblir le psychique. La frontière entre les espaces physique et spirituel est donc fragile. Finalement, le bijou contemporain revêt donc plusieurs fonctions oscillantes entre l’instinct primitif de reproduction, au même titre que les animaux et la construction sociale. S’il peut être porteur d’un message et d’une symbolique servant à fédérer un groupe, il peut également être le moyen d’expression d’un individu. Le bijou constitue donc un langage à proprement parlé ; codé, secret, mystique, il peut être un jardin secret servant d’ouverture à l’autre ou alors un moyen de se dissimuler. Effectivement, malgré ce que beaucoup d’écrits laissent sous-entendre, grâce à Boëtsch, le bijou n’apparait pas seulement comme une excentricité dont l’homme peut se passer, mais également comme une protection : « L’histoire nous apprend qu’il existe - pour le corps – des périodes de dissimulation totale (Moyen Âge occidental, début de l’ère industrielle), absolue (islamisme radical) ». Il est donc possible de se demander à présent quel est l’usage le plus courant du bijou. Est-il majoritairement protecteur, messager ou bien véritable accessoire de paraître servant à plaire ?
Sondage à propos du bijou d’aujourd’hui Afin de savoir dans quel but la plupart des personnes portent des bijoux et afin de comprendre le comportement des consommateurs de bijoux actuels, j’ai décidé de réaliser un sondage conséquent dont vous pouvez retrouver le questionnaire en scannant ce QR code :
1/ Si vous portez des bijoux, pourquoi les portezvous ? «Car je trouve qu’ils apportent de la féminité et renseignent sur notre personnalité. personnalité Les bijoux sont comme un code.» «Pour soigner mon apparence, apparence mettre une touche de bonne humeur, et me faire plaisir, car j’aime mes bijoux.» «Pour moi les bijoux sont un signe ostentatoire de ma personne, on ne parle plus de style mais d’identité, chacun de mes accessoires sont un moyen pour les gens de me reconnaître»
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Ce sondage a récolté réponses dont 93,2 % ont été effectué par des femmes contre seulement 6,8% par des hommes. Cela indique d’ores et déj à que l’intérêt porté au bijou n’est malheureusement pas le même selon le genre d’une personne. Par ailleurs, je tiens à soulever qu’au cours de l’histoire, il a été vérifié que ce sont les hommes, détenteurs du pouvoir, qui portaient le plus de bijoux. Effectivement, grâce à ces ornements, ils pouvaient affirmer leur statut. Aujourd’hui, alors que nous sommes dans une société plus que patriarcale, ce sont les femmes qui se parent le plus mais malheureusement, sûrement parce que le bijou n’est plus le symbole de puissance.
Il est déjà important de relever que 94,3% des sondés portent des bijoux. Dans le cas contraire, les personnes qui ne mettent pas de bijoux, sont contraints par un manque de moyens ou alors par une culture dont ce n’est pas la coutume.
«Le côté esthétique, créatif, l’histoire qu’ils peuvent raconter mais aussi les souvenirs qu’ils contiennent» «Ce sont pour moi des accessoires qui habillent autant que les vêtements» vêtements «Pour finir de m’habiller... mettre une touche de lumière, ou d’originalité...à ma tenue tout en coordonnant l’ensemble...me différencier des autres...»
Si l’on synthétise les réponses, il est possible de les classer dans quatre parties distinctes : Raisons symbolique, esthétique, identitaire ou de plaisir. Certaines raisons sont, par ailleurs, proches du rôle du bijou traditionnel. Seule une réponse semble être novatrice : le bijoua autant d’importance que le vêtement et habille tout autant le corps.
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2/ Comment choisissez-vous les bijoux que vous achetez ?
4/ D’après vous, quelles valeurs peut transmettre un bijou ? «Extérieurement, je pense que voir quelqu’un avec des bijoux signifie qu’il a de l’argent. Je ne pense pas qu’au premier abord la personne se dise «waw elle porte ce bijou en symbole de telle personne»» «Pour moi c’est un canalisateur d’émotions, un objet qui rappelle et transmet l’optimisme, la foi, l’espoir, l’amour, et surtout le partage» «Un bijou pour moi, c’est comme un tatouage : il peut avoir l’histoire qu’on décide de lui donner.»
Cette fois-ci, il apparaît clairement que l’esthétique est ce qui pousse le plus à l’achat d’un bijou. Toutefois, il reste à préciser, que la majeure partie du temps, les bijoux sont offerts et que c’est plutôt dans ces situations là que la symbolique surpasse l’esthétique. Par ailleurs, il semblerait que la majorité des personnes (85%) soient prêtes à dépenser plus pour offrir un bijou plutôt que pour l’acheter pour soi. 3/ Quelle est la fonction principale d’un bijou ?
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Le bijou peut transmettre plusieurs valeurs. Effectivement, il peut être vecteur d’une certaine sémantique pour le porteur, mais simplement paraître comme un objet de monstration pour les autres. Toutefois, le plus important est le message que la personne qui porte son bijou décide de lui attribuer. La création sur-mesure permet vraiment de développer une singularité dans l’ornement. 5/ Votre bijou est-il ?
6/ Vos bijoux ont-ils une histoire ? «Premier week-end en amoureux au début de notre relation. Il a décidé de m’offrir une bague de la bas pour me prouver qu’il croyait en nous. On a ensuite décidé qu’à chaque nouveau voyage à deux, on achèterait un bijou.»
8/ Si je vous dis que la consommation d'or, d'argent et de pierres précieuses, détruisent de nombreuses vies et de nombreux écosystèmes chaque année, seriez-vous prêts à changer votre manière de consommer ?
«Certains viennent de petits créateurs et m’évoquent donc leurs rencontres et leurs personnalités. Il y en a aussi qui sont des souvenirs de voyages. «Mon collier en or avec 3 émeraudes est un cadeaux que j’ai eu à mes 18 ans, mais qui en réalité est un cadeau que mes 4 arrières grands-parents m’ont acheté quand je suis née. Ils avaient, à l’époque, dit à ma mère de me le donner le jour de ma majorité comme un cadeau d’eux 4 car ils savaient qu’ils ne seraient plus là pour me l’offrir» Le bijou peut ainsi être fédérateur de rituels et porteurs de souvenirs multiples. Il est vrai qu’acheter une pièce chez un artisan donne plus de valeur au bijou qui sert de prétexte à une rencontre humaine.
Malheureusement, les personnes ayant répondu non, pensent que les bijoux en matériaux nobles sont les seuls résistants, de bonne qualité et précieux. Il serait vraiment important de prouver le contraire en requestionnant la notion de préciosité.
7/ Savez-vous comment sont fabriqués les bijoux que vous possédez ?
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LE BIJOU, UN OBJET PRÉCIEUX
D’après le sondage effectué précédemment, le bijou apparaît souvent comme un objet précieux dont il faut prendre soin. Mais qu’est-ce qui, de nos jours, fais la préciosité d’un article quelconque, produit en grande quantité ? Les bijoux achetés par les consommateurs semblent être précieux à leurs yeux pour leurs valeurs symboliques. Toutefois, l’analyse historique m’a apprise que la richesse d’un ornement était multiple. Que ce soit matériel ou immatériel, le bijou possède une âme, une valeur, qu’il est indispensable de considérer lors de la fabrication.
Arrière plan - Bijoux de la collection de H.RH, Couronne d’anniversaire de la princesse Margaret, comtesse de Snowdon
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Les pierres et leurs vertus Dès le paléolithique, des ornements et bijoux, découverts dans les sépultures, témoignent de la fascination de l’homme pour les minéraux. Des livres sacrés (la bible, l’historia naturalis ou l’orphei lithica) relatent leurs vertus merveilleuses parfois réelles, parfois imaginaires. Le 16e siècle voit s’éveiller en Europe un intérêt inédit de l’esprit humain envers les objets naturels. Une pièce leur est réservé : les cabinets de curiosités, où sont exposées des merveilles, telles que les pierres ou œuvres de la nature que l’homme n’a jamais observé. Ses curiosités sont recherchées pour leur forme, matières et couleurs. Jusqu’au début du 18e siècle, le diamant domine le monde des pierres précieuses. Sa suprématie est écornée en 1545 lorsque les conquistadors s’emparent des mines. En 1729, un riche gisement de diamants est découvert et de nouvelles pierres sont extraites. Toutes les pierres présentées ci-après, se sont distingués des cailloux car elles ont au moins l’une des trois qualités suivantes : colorée, transparente, brillante.
Collection de minéraux du musée des Confluences, Lyon
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Étude littéraire sur la notion de préciosité Après avoir étudié le rôle de la parure à travers l’histoire, mais également l’effet que produit l’action de se parer dans la société actuelle, un point d’interrogation subsiste. Grâce à ces divers constats, il apparaît très clairement que plusieurs types de bijoux existent. Par type, il est question de typologies (bague, bracelet, collier, broche, etc.), mais également de manufactures. Effectivement, en observant les bagues volumineuses des dignitaires ashantis26 , qui illustrent des proverbes, il est évident que la lecture du message renvoyé par ces bijoux, n’est pas la même que si l’on contemple la couronne de Louis XV, dessinée par le joaillier Claude Rondé au XVIIIe siècle. À l’évidence, la manufacture participe à ces interprétations variées ; dans le premier cas, il s’agit d’or fondu à la cire perdue, puis dans le second d’un travail de sertissage précis de 282 diamants, 64 pierres (dont 16 rubis, 16 saphirs et 16 émeraudes) et 237 perles. Les résultats étant drastiquement différents, la culture, l’époque ou encore le sens peuvent être identifiés. Toutefois, un point commun entre ces deux artefacts est identifiable. En effet, chacune des productions a la volonté de transmettre une prestance, un certain pouvoir ou une richesse grâce au choix des matériaux dits « précieux ». Cependant, il semble légitime de se demander ce qu’est réellement le précieux et si son emploi est nécessaire dans la confection d’articles de bijouterie. Ainsi, grâce au sonnet La Belle Matineuse, composé en 1635 par Vincent Voiture et grâce à un extrait de la nouvelle Les Bijoux, de Maupassant, publiée le 27 mars 1883 dans le quotidien Gil Blas, il sera possible d’étudier la préciosité au cœur de l’art littéraire et artisanal. C’est pourquoi, pour définir le physique.
précieux, il sera d’abord possible d’interroger sa relation avec la figure féminine, avant de questionner son aspect intellectuel et pour finir, physique. Premièrement, malgré les études éthologiques vues précédemment, à propos du comportement animal vis-à-vis de la parure, il est certain que depuis des siècles (l’historique de la bijouterie en témoigne), les personnes qui se parent le plus sont les femmes. Effectivement, hormis les hauts dirigeants masculins et contrairement au règne animal, ce n’est pas l’homme qui déploie le plus d’artifices pour plaire et être vu. C’est pourquoi il est possible d’affirmer que la femme entretient une relation privilégiée avec le bijou et donc par prolongation, avec le précieux. Cela s’observe dans le sonnet de Vincent Voiture, où la femme, dont la beauté rayonne et surpasse celle du monde, est éblouissante. Elle est ici réifiée et présentée comme le bijou de l’auteur. Vincent Voiture, fait d’elle sa préciosité et, en utilisant un champ lexical de la lumière, il place ainsi l’amante dans un écrin : « brilla », « éclairait », « éclat », « rayons », « s’allumaient ». Cette réification est possible grâce à l’hyperbole « Nymphe divine », employée par l’auteur pour désigner la femme dont il est épris. Effectivement, c’est grâce à cette allusion à la mythologie et donc à ce statut de « Nymphe », que la femme semble avoir accès à la préciosité dont elle seule est maîtresse. Au sein de la nouvelle de Maupassant, la femme dépeinte, amatrice de théâtre a « le besoin de se parer ». Elle se couvre de « pacotilles » superflues car selon le mari, une femme « ne se montre parée que de sa beauté et de sa grâce » si les moyens l’empêchent d’acquérir des « bijoux véritables ». La femme est donc à nouveau perçue comme un bijou qui se suffit à elle-même et donc comme une préciosité à choyer et à conserver. De plus, dans
L’empire Ashanti (1670-1957) est un empire et royaume du peuple Akan situé dans l’actuel Ghana 26
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cet extrait, la femme est l’unique personne à avoir l’accès au précieux, puisqu’elle dupe son mari depuis des années, en étant la seule à connaître la véritable valeur des bijoux qu’elle possède et à déceler le vrai du faux. Ainsi, il est possible de penser que la femme a l’exclusivité sur le précieux et qu’elle seule, est à même de le mettre en valeur. Cette idée se renforce de plus par l’étude du courant littéraire de la Préciosité, qui marque la société française à partir du début du XVIIe siècle. C’est également, à cette époque que l'adjectif « précieuse » est employé pour la première fois, pour désigner avec ironie les femmes de l'aristocratie affectant dans leurs manières, leurs discours et leurs sentiments une délicatesse excessive. De ce fait, le précieux, oscillant entre sens et symbolique, semble alors être principalement intellectuel. D’une part, du fait de la recherche excessive d’un langage raffiné, complexe, surchargé par des descriptions et figures de style, il apparait clairement que l’objectif du courant de la Préciosité est de ne s’adresser qu’à un groupe restreint et élitiste. Effectivement, dans le sonnet de Vincent Voiture, les deux premiers vers du premier quatrain résultent d’une inversion poétique, difficile à comprendre. Ce genre de procédés très peu ordinaire, est donc ainsi une source de rareté qui conduit à la préciosité. Mais ce n’est pas tout, un champ lexical de l’élévation est clairement identifiable tout au long du sonnet « airs », « cieux », « Univers », « astre », ce qui laisse penser que seule la haute sphère peut avoir accès à la préciosité. L’accès au précieux peut donc être à l’origine d’une scission dans la société en apportant jalousie, rivalité et cupidité, comme en témoigne le dernier tercet de La Belle Matineuse, où Philis, du fait de son extrême beauté, surpasse le soleil.
D’autre part, pour atteindre cet idéal de préciosité à la fois inaccessible et idolâtré, des stratagèmes peuvent être mis en place. Accéder au précieux intellectuel, c’est un signe de supériorité et donc de pouvoir, ce qui explique cette volonté d’y prétendre et ce par tous les moyens. En effet, les procédés utilisés dans le courant de la Préciosité comme l’accumulation, les hyperboles, ou encore les périphrases peuvent être des outils de tromperie pour donner cette impression de préciosité. Considérées comme des fioritures ou des ornements servant à embellir la réalité, les longues énumérations de bijoux que l’on retrouve dans la nouvelle de Maupassant peuvent être le moyen de donner l’illusion du précieux par l’opulence : « pendre à ses oreilles deux gros cailloux du Rhin qui simulaient des diamants, et elle portait des colliers de perles fausses, des bracelets en similor, des peignes agrémentés de verroteries variées jouant les pierres fines ». Cette manière d’orner le fond en l’exagérant se retrouve également au travers de la périphrase « l’astre du jour », dans le sonnet de Voiture, qui désigne le soleil. Ainsi, il est possible de se dire que, ce qui n’est pas ordinaire et accessible seulement à une poignée d’individus, créée un sentiment de jalousie qui conduit à préciosifier27 le réel, pour tenter de combattre l’exclusion, que provoque cet accès au précieux. Malheureusement, si combattre c’est adhérer par l’illusion, il est alors possible de se demander si cette recherche de l’idéal se matérialise également physiquement, et si cela a toujours pour objectif d’augmenter et d’asseoir davantage, cette notion de monstration, induite par le courant de la Préciosité. Effectivement, l’admiration suscitée par la préciosité intellectuelle, laisse penser qu’un courant de pensée peut être précieux du fait de sa rareté, de son opulence et de sa complexité.
Néologisme – L’action de préciosifier serait de donner une valeur d’exception à des éléments réels et concrets au travers de codes et d’outils prédéfinis, tels que l’énumération, l’hyperbole, la périphrase en littérature, ou encore l’accumulation, l’opulence, l’exubérance dans le domaine de la création 27
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Seulement, matériellement, la notion de préciosité est-elle issue de l’emploi de matériaux rares, ou au contraire, opulents ? Quel est réellement l’aspect physique visible du précieux ? Comment est-il possible de le définir mais surtout existe-t-il vraiment un précieux tangible ? Le précieux n’est-il qu’une image préfabriquée servant à séduire, mettre en valeur le porteur et à faire du bijou un simple objet d’apparat ? D’une part, dans l’extrait de la nouvelle de Maupassant, pour décrire les bijoux, un champ lexical extrêmement particulier est employé : « cailloux », « diamants », « perles », « similor », « verroteries », « pierres », « cristaux », « émeraudes », « saphirs », « or » ; tant de mots s’apparentant aux minerais, ce qui laisse penser que les matériaux cités, sont le propre et l’exclusivité du précieux. Or, il apparait également dans cet extrait, tout comme dans le sonnet, un champ lexical riche de la lumière « clinquant », « joyau », « miroiter », « brillants », qui oriente la compréhension du précieux vers quelque chose de « tape à l’œil » qui reflète et redistribue la lumière. Cette idée de reflet est très importante à souligner, car elle est également présente dans le deuxième tercet de La Belle Matineuse, grâce à la métaphore « éclat de ses yeux », qui met indirectement en relation le soleil et les yeux, qui sont le miroir de l’âme. S’il paraît évident de parler d’image et d’apparence pour aborder l’aspect tangible du précieux, c’est qu’il ne peut en être dissocié. Le reflet de l’apparence qu’un individu obtient d’un autre portant un bijou, est ce qui sera interprété ou non précieux. En effet, comme le texte le souligne, il faut l’intervention d’une tierce personne pour obtenir ce sentiment de préciosité. Malheureusement, un reflet n’est pas systématiquement la réalité, ce qui revient à dire que le précieux est toujours un concept abstrait façonné pour détourner la réalité. Toutefois, il existe peut-être un précieux immuable, un précieux singulier dont l’image sera considérée comme telle uniquemement par le propriétaire. En effet, la notion de goût et la
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symbolique peut rendre une production précieuse aux yeux d’une personne, « Que veuxtu ? J’aime ça » alors qu’elle ne sera que mépris, voire dégoût pour une autre personne « Tu as des goûts de Bohémienne », répond Mr Landrin à sa femme dans la nouvelle Les bijoux. Le précieux n’aura donc dans ce cas, aucun aspect défini, mais bien un aspect singulier et propre à chaque personne. Ainsi, il semble important de soulever que le précieux peut-être une notion traduite matériellement, mais de manière relative. Si par définition, il semble actuellement appartenir aux matériaux rares, notamment dans le domaine de la gemmologie, il se pourrait que cela soit beaucoup plus complexe et qu’un aspect sémantique rentre en jeu dans la lecture de l’image de la préciosité. Finalement, le précieux est un concept dont il est facile d’en définir les bases rhétoriques grâce à l’étude de multiples ouvrages. Malheureusement, au même titre que le bijou, il semble être restreint à l’utilisation féminine. À la fois fédérateur et facteur d’exclusion, il scinde ainsi la société en plusieurs parties : les hommes/les femmes, les personnes aisées/la classe moyenne ou encore la haute société/le petit peuple. Cette différence de rapports au précieux peut conduire à de la rivalité et donc à l’utilisation d’illusions pour créer des faux-semblants à l’image précieuse. Par ailleurs, ce phénomène est facilement identifiable de nos jours à travers la quantité massive de contrefaçons de grandes marques, produites chaque année pour tenter de réduire les écarts entre les différentes classes de la société. Le précieux serait donc des subterfuges, des ruses, des astuces pour renvoyer à l’autre une image d’excellence lorsqu’il est impossible de revêtir les attributs réels des manufactures précieuses, telles que les gemmes. Cependant, cette image extrêmement critiquée de la préciosité au sein des deux références étudiées, peut sûrement
être nuancée. En effet, il parait probable qu’un précieux sémantique et symbolique soit moins néfaste, n’étant pas à la recherche d’un phénomène d’apparat et d’opulence. Il semble ainsi, que le précieux puisse être un concept extrêmement subjectif et non pas un concept à définir à tout prix par des codes ou des procédés clés. Mais cela reste à vérifier, notamment grâce au micro-trottoir organisé pour obtenir des témoignages spontanés et variés à la question « Qu’est-ce qui est précieux à vos yeux ? ».
Veuillez trouver ci-joint, les textes ayant servis la réflexion.
Micro-trottoir «Qu’est-ce qui est précieux à vos yeux ?» Veuillez trouver ci-joint, les nombreux témoignages répondant à cette question en scannant ce QR code.
«Pour moi, quelque chose de précieux, c’est ce qui a une histoire, un périple, une valeur.» Il est possible de définir deux grands groupes de précieux; le précieux matériel, qui a une valeur monétaire et le précieux immatériel qui est éphémère et subjectif. Toutefois, de nos jours, la plupart des personnes préfèrent s’attarder sur les valeurs sentimentales, plutôt que celles esthétiques. Il est donc possible d’en déduire qu’il n’existe pas une préciosité mais des multitudes selon les personnalités. Celà montre bien à quel point l’appellation «précieux» ne peut être attribué universellement comme cela a été fait avec les
pierres. En réalité, le précieux fait intervenir les notions de beauté, de richesse qui sont tant de concepts variables selon l’environnement. Malgré qu’il ne soit donc pas possible d’en donner une définition précise, il est indéniable que cette notion est à conserver tout du long du travail de création d’éco-joaillerie.
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LE MINIMALISME DE LA BIJOUTERIE ENGAGÉ
Contrairement à la joaillerie, qui se veut ostentatoire et extrêmement précieuse, la bijouterie engagée cherche à se faire discrète. Peut-être est-ce un moyen de distinguer clairement les deux commerces, mais je ne suis pas certaine qu’il existe une frontière nette et infranchissable entre ces deux marchés. Qu’elle soit éthique, équitable ou écologique?, la bijouterie s’efface et reste dans l’ombre de son concurrent principal, la hautejoaillerie, dont les coûts sont semblables aux bijoux responsables. Pourtant, je reste persuadée que ces deux marchés distincts peubent cohabiter et ne former plus qu’un grâce à l’éco-joaillerie; qui devrait par ailleurs permettre de rendre ce savoir-faire plus accessible grâce à l’emploi de matériaux moins chères.
Arrière plan - Alliance martelée, Paulette à Bicyclette Se référer au glossaire
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Etude marketting Le marché de la bijouterie engagée en France 1-Analyse de la demande Tendances des achats de bijoux
Extraits sondage Creatests 1
Types de bijoux achetés par les consommateurs
31%
48%
6%
Extraits sondage Creatests 1
58
13%
Le marché de la bijouterie est un marché de biens secondaires. Il n’occupe pas une part aussi importante que les produits de première nécessité, mais il ne cesse de croître. Ici, il apparaît que le marché de la joaillerie participe plus à l’économie, mais ce type de bijoux étant plus chère, il est possible de se demander si quantitativement le nombre de bijoux fantaisies et de joailleries vendus ne sont pas équivalents. Grâce à l’histogramme ci-contre il semble que les bijoux les plus achetés sont ceux en argent massif et en or et donc, que malgré les désastres écologiques et humains qu’engendre l’extraction des métaux précieux, les bijoux en or, argent et avec pierres restent les plus consommés. Il s’agit ici d’un comportement d’achat contradictoire à la société consumériste, qui laisserait penser que les consommateurs préfèrent acheter plus à moindre coût en se tournant davantage vers la bijouterie fantaisie.
Répartition de la valeur des bijoux achetés par les ménages pour un bijou
En observant ce diagramme, il apparaît que dans 50% des cas, l’acheteur n’est pas l’utilisateur du produit. Ce comportement explique peut-être celui étudié précédemment, car il est très probable qu’offrir de la qualité soit primordiale, ce qui revient donc à acheter de la bijouteriejoaillerie et non de la bijouterie fantaisie. En général, si l’analyse du diagramme est juste, les consommateurs dépensent une somme élevée pour l’achat d’un bijou mais pourquoi ? Extraits sondage Creatests 1
Demandes d’un consommateur pour l’achat de produits éthiques Malgré que la plupart des consommateurs se procurent des bijoux en or et en argent qui ne sont pas respectueux de l’environnement, certains ont des attentes particulières quant aux bijoux éthiques. La qualité est un facteur essentiel ce qui peut expliquer jusque là, la préférence pour les bijoux en matériaux précieux. Toutefois le prix est toujours un élément important qui doit être raisonnable. Mais quelles solutions plus écologiques et économiques existe-t-il déjà en bijouterie ?
Rémunération équitable des acteurs 10,3% Traçabilité du produit 10,3%
Respect de l’environnement 11,3%
Produits de qualité 38%
Ordre moyen de priorités
Respect des conditions de travail 5,7%
Extraits sondage Creatests ²
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2-Analyse du micro-environnement Concurrents créateurs de bijouterie-joaillerie engagée
Marché de luxe
Production de profit
Bon marché
Après analyse de quelques marques de créateurs bijoutiers/ joailliers, on observe qu’il y a un énorme manque en termes de bijoux engagés bon marché (- de 100€). Les seules marques qui peuvent se situer dans ce marché spécifique sont les marques de bijouterie fantaisie utilisant autre chose que du métal (ex : bois, cuir, papier, etc…). On s’aperçoit alors que la plupart des marques qui s’engagent pour produire des bijoux respectueux de l’homme et de l’environnement, sont souvent réservés à une cible aisée; peut-être à cause de l’utilisation de matières premières extrêmement contrôlées.
Législations Il existe un Label (Fairmined), permettant de traçabiliser la provenance de l’or pour contrôler et être certain de ses conditions d’extractions. De plus en plus d’entreprises qui se veulent éthique décident d’adhérer à cet organisme et de labelliser leur bijoux. Cette alternative permet une amélioration de nombreux points sociaux et environnementaux mais, rend cependant, l’ensemble des bijoux, beaucoup plus chères.
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Aujourd’hui la plupart des entreprises de bijouterie-joaillerie françaises ont également la volonté et le devoir d’utiliser un un or certifié RJC-COC (Responsible Jewelry Council Chain of Certification) certifié 100% français, extrait en Guyane Française dans des conditions de traçabilité (de l’extraction à la transformation) et de responsabilité morale et éthique rigoureusement établies. Malheureusement, cette certification n’est pas optimale car «français» ne veut pas dire irréprochable.
Alternatives de fournisseurs Ces labels, vu ci-dessus, donnent lieu à un prix de revient très élevé. Toutefois en cherchant des fournisseurs français de matériaux locaux, il serait peut-être possible de diminuer le prix de revient et ainsi le prix de vente mais tout en gardant une production raisonnée et engagée. Malheureusement, après de longues recherches aucun fournisseur de ce type n’existe. Les créateurs qui veulent utiliser des matériaux locaux, les récoltent au gré de leurs promenades et de leurs balades pour se construire une réserve évolutive qui constitue par ailleurs l’univers de leurs collections. Toutefois, il est possible de se tourner vers des industries pour récupérer des chutes de métaux comme le font Here Bijoutiere (aluminium de pièces navales) et MarjorieCia (chrome cobalt de prothèses dentaires). 3-Conclusion Les 4P (marketing mix) produit (descriptif), prix, place/distribution, promotion (communication). L’objectif du projet de diplôme pourrait donc être de proposer une collection de bijoux engagés accessibles à tous en revoyant par exemple les notions de préciosité et en utilisant ainsi des pierres plus courantes (ardoise, quartz, etc.) et des rebuts de métaux ou autre matériaux. Ma collection serait donc située sur un segment de marché novateur : «l’Eco-joaillerie» pour répondre à une demande de bijoux éco-responsables, de qualité à des prix compétitifs.
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Carnet de tendances
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En effectuant mes recherches d’entreprises de bijouterie éco-responsable afin de trouver des exemples de ce qui se fait déjà, j’ai pu distinguer trois types de bijouterie : 1/La bijouterie qui utilise des éléments de la nature non «précieux» tels que du bois flotté, des coquillages, des galets, etc. 2/La bijouterie qui utilise des matériaux recyclés ou recyclables ainsi que des rebuts. 3/La bijouterie éthique qui utilise des ressources précieuses labellisées. Pour ma part, la première me semble être la plus adaptée à la fabrication d’écojoaillerie. Effectivement, celle-ci permet de réaliser des pièces uniques qui s’adaptent aux éléments offerts par la nature. La richesse de la pièce produite pourrait ainsi se créer surmesure, selon les particularités des «joyaux naturels» sélectionnés au préalable.
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LE MOINS EST-IL PLUS ?
Cette volonté de pureté est extrêmement présente dans les styles de bijoux actuels et encore plus dans le marché de la bijouterie engagée. Cela s’explique peut-être par l’évolution des consciences et des mentalités qui conduisent à une consommation raisonnée, peu importe le domaine d’achat. Adopter un mode de vie responsable, c’est admettre un retour à la simplicité, où la surconsommation et l’opulence n’ont plus du tout lieu d’être. Porter des bijoux éco-responsables, mais exubérant serait-il donc contraire aux valeurs de la consommation raisonnée ? L’ornement serait-il un frein ou une barrière à un message sémantique ? Le minimalisme est-il privilégié pour laisser plus de place à l’interprétation et à l’imagination ou est-ce vraiment une question de mode ?
Arrière plan - Marine Dominiczak, Collier Magma
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L’Arte Povera Les artsistes de l’Arte Povera, refusent de se prêter au jeu de l’assignation d’une identité et rejettent pour la plupart la qualification de «mouvement», pour lui préférer celle «d’attitude». Être un artiste Arte Povera, c’est adopter un comportement qui consiste à défier l’industrie culturelle et plus largement la société de consommation, selon une stratégie pensée sur le modèle de la guérilla. Dans ce sens, Arte Povera est une attitude socialement engagée sur le mode révolutionnaire. Ce refus de l’identification et cette position politique se manifestent par une activité artistique qui privilégie elle aussi le processus, autrement dit le geste créateur au détriment de l’objet fini. En somme, en condamnant aussi bien l’identité que l’objet, Arte Povera prétend résister à toute tentative d’appropriation. C’est un art qui se veut foncièrement nomade, proprement insaisissable. L’expression «Arte Povera» est utilisée pour la première fois en septembre 1967 par Germano Celant pour intituler une exposition présentée à Gênes. Elle emprunte le prédicat «pauvre» pour suggérer l’utilisation des matériaux comme des objets de rebus ou des éléments naturels. Mais de nombreuses œuvres réfutent cette interprétation en intégrant des matières plus sophistiquées comme le néon. La référence fréquente à la nature est plutôt à considérer comme un point d’appui à la réflexion sur la dialectique entre la nature et la culture. L’artiste doit idéalement renoncer au besoin d’un équipement lourd qui le rend dépendant de l’économie et des institutions culturelles. La pauvreté de l’art est une notion négative qui pose une interdiction de moyens quant à la réalisation des œuvres, mais qui requiert une richesse théorique afin de se guider.
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Spacio di luce, Penone, 2008 Les résultats obtenus par les artistes de l’Arte Povera, semblent dénués de recherche esthétique, privilégiant ainsi l’efficacité de transmission du sens. Toutefois, cette attitude créatrice témoigne d’une volonté de richesse de l’esprit. Ici, tout est réalisé pour profiter du processus créatif; l’aspect physique paraît peut-être minimaliste, mais si l’on considère la sémantique et la conception, les oeuvres apparaissent d’une lourde complexité.
Struttura che mangia, Giovanni Anselmo, 1968, Granit, fils de cuivre et laitue fraîche
Composée de deux blocs de granit polis et d’une laitue fraîche, cette œuvre repose sur l’opposition des matériaux (un solide et durable contre un organique et éphémère) qui sont ici assemblés et maintenus en équilibre. Le contraste entre l’élément minéral, en l’occurrence du granit souvent utilisé dans l’art funéraire, et la laitue fraîche, signe de vitalité, souligne l’effet de l’altération du temps et la fragilité du monde vivant. En effet, cette œuvre nécessite de changer fréquemment l’élément végétal pour maintenir l’équilibre précaire de cette sculpture. Pourtant, en dépit de son caractère éphémère, c’est lui qui préserve l’unité de la structure grâce à son potentiel énergétique.
(Sans titre), Jannis Kounellis, 1969, Plaque d’acier et cheveux, 100,5 x 70,5 x 5 cm
Kounellis refuse généralement tout titre à ses œuvres, parce qu’il entend revenir, en deçà des mots et des symboles culturels, à l’immédiateté des sensations. L’image de cette plaque de métal d’où surgit une tresse de cheveux offre à la fois une dimension théâtrale et une invitation au toucher. En assemblant ces matériaux opposés par leur texture (le froid, le chaud), l’artiste reconstitue une unité par la teinte, comme si ces éléments avaient été liés au-delà de leur stade iconographique. Kounellis propose alors un champ de perception, autre que celui du regard cultivé.
Igloo de Giap, Mario Merz, 1968, Armature de fer, sacs de plastique remplis de terre, tubes de néon, batteries
Cet igloo, qui fait partie d’une série réalisée par l’artiste entre 1968 et 1969, est constitué d’une structure métallique en forme de demi-sphère, sur laquelle sont fixés des treillages de métal ligaturés par des fils d’acier. L’armature est recouverte de petits sacs de plastique remplis de terre glaise. Pour Mario Merz, l’igloo incarne la forme organique par excellence. Il est à la fois «le monde» et «la petite maison». Il est l’image de la survivance, à la fois une édification nomade et un abri. Ici, il est utilisé par l’artiste comme support d’une revendication tant politique qu’artistique.
Le penne di Esopo, Pino Pascali,1968, Armature en bois, laine d'acier tressée, plumes
Cette œuvre est à la fois un programme d’imitation parodique de la nature et une tentative de reconstruction des gestes élémentaires de l’homme dans sa lutte pour la survie.
Soffio 6, Giuseppe Penone, 1978, Terre cuite
Cette œuvre témoigne de la volonté du sculpteur d’inscrire son geste au plus proche de la permanence des mythes. Réalisée en terre cuite et constituée de trois sections superposées, cette jarre est à la mesure du corps dont l’empreinte y est pétrifiée. L’artiste fige dans le matériau la fluidité fondamentale du temps. «Dans ce moment de prise de possession de la réalité, comment vivre le processus si ce n’est de l’intérieur ?», écrit Germano Celant. Penone, attaché à vouloir renouveler son expérience, a réalisé six grands vases semblables, faisant clairement apparaître une figure pétrifiée dotée d’un cou et d’une bouche s’ouvrant sur une véritable trachée. Preuve, s’il en faut, qu’il s’agit d’abord de signifier la relation physique du sculpteur à l’œuvre. Mais plus largement c’est aussi de la relation empathique de l’homme à la nature en général dont parlent ces œuvres.
L’Arte Povera c’est donc l’emploi de matériaux contrastés symbolisant la relation nature/culture. Mais au-delà de ces choix symboliques, l’artiste se doit de vivre l’expérience du geste et du processus créatif. L’éco-joaillerie pourrait s’inspirer de cette caractéristique pour offrir au porteur le moyen de s’exprimer en devant l’acteur/créateur de sa propre parure.
«La nature, le paysage européen qui nous entoure est artifice, il est fait par l’homme, c’est un paysage culturel. L’action de l’homme a modifié la nature préexistante, en en créant une nouvelle, produit de son action, de son art. La valeur culturelle la plus immédiate d’une œuvre humaine tient souvent à ce qu’on la reconnaît. On a tendance à séparer l’action de l’homme de la nature comme si l’homme n’en faisait pas partie. J’ai voulu fossiliser l’un des gestes qui a produit la culture.» 1977 (p.91)
Textes extraits de Respirer l’ombre, Giuseppe Penone, Ecole Nationale Supérieure des Beaux Arts, Paris, 2000. Mappamondo (Globe), Michelangelo Pistoletto, 1966-1968, Newspaper and wire
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« Ornament is crime » ? Extract from Ornament and crime, Adolf Loos
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«The Papuan tattoos his skin, his boat, his rudder, his oars; in short, everything he can get his hands on. He is no criminal. The modern man who tattoos himself is a criminal or a degenerate. There are prisons in which eighty per cent of the prisoners are tattooed. Tattooed men who are not behind bars are either latent criminals or degenerate aristocrats. If someone who is tattooed dies in freedom, then he does so a few years before he would have committed murder. (...) But what is natural for, a Papuan and a child, is degenerate for modern man. I have discovered the following truth and present it to the world: cultural evolution is equivalent to the removal of Ornament from articles in daily use. I thought I was giving the world a new source of pleasure with this; it did not thank me for it. People were sad and despondent. What oppressed them was the realization that no new ornament could be created. (...) We have conquered ornament, we have won through to lack of ornamentation. Look, the time is nigh, fulfilment awaits us. Soon the streets of the town will glisten like white walls. Like Zion, the holy city, the metropolis of heaven. Then we shall have fulfillment. (...) ll right, then, the plague of ornament is recognized by the State and subsidized by State finds. But I look on this as retrogression. I do not allow the objection that ornament heightens a cultivated man’s joy in life; I do not allow the objection: «but what if the ornament is beautiful...» As far as I am concerned, and this goes for all cultivated people, ornament does not give zest to life. If I want to eat some
gingerbread, I choose a piece that is quite plain, and not in the shape of a heart or a baby or a horseman, and gilded all over. The man from the fifteenth century will not understand me. But all modem people will. The advocate of ornament believes that my urge for simplicity is equivalent to a mortification of the flesh.»
Loos used the essay as a vehicle to explain his distain of «ornament» in favour of «smooth and previous surfaces,» partly because the former, to him, caused objects and buildings to become unfashionable sooner, and therefore obsolete. This—the effort wasted in designing and creating superfluous ornament, that is—he saw as nothing short of a «crime.» However, thanks to the previous study, the ornament can be aesthetically superfluous, but it can also be the means to take advantage of the creative process. The ornament is not what is currently privileged in the creation of jewelry; however, if the consumer could claim to participate in the creative process, everyone would perhaps understand the benefits of ornament and pomp.
Conference of Tarja Tuupanen Below, you can find the notes from Tarja Tuupanen’s conference : ° Stone - material, method, jewelry ° Finland - 20 years ° Stone = only once material ° School materials were boring to her —> easier, more accesive, more interesting, more rich ° 1999 beginning of collaboration ° She uses smoky quartz ° 2000 : Passage, Watercups ° 2003 : Onyx & granit & kimberlite ° Cacholong ° Material worked in slices —> less material but more atypical ° Whiteness, emptiness, minimalism, quietness : what defines her work ° Where is the limit to the expression and the form of stone ? ° Really different image through stone’s slice ° Work is slower with stone, but this is the specificity, the charm of this material ° Slate : Germany’s local stones / 2 months residency ° Less delicacy than white, but a strongest structure ° Beauty through minimalism because deeper ? Inner ? ° Less is more ° 2013 : Marble ° Intimate work with the material ° Sometimes several years before the material becomes friendly ° Considered as poor material, but a piece of art ° Use of the left-over : any defect becomes usable detail ° Construct / Deconstruct what exists ° Emotional approch of stone ° Hard to find colors —> Monochrome creations
This is a great source of technical inspiration. The slice cut completely metamorphoses the minerals, leaving them raw despite everything.
Necklace, Tarja Tuupanen, 2016, marble tableware Necklace, Tarja Tuupanen, 2003, granite, steelwire, silver Brooch, Tarja Tuupanen, 2009, cacholong, silver
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In the jewellery history, we can notice that ornaments can be used to show affiliations to a tribe or a clan, to reflect a social status and to exhibit religion. But now jewels have become objects of appearance, power and affirmation of wealth. It may be the reason why more ethical, ecological, and fair jewellery has appeared. So, to know what it is, I made some research about the meaning of contemporary jewels and about preciousness, because wealth is not only material but maybe meaningful. Today, several ethical jewellery workshops in France produce minimalist jewellery, that’s why I want to examine the famous citation “ornament is crime” of Loos through his book and the conference of Tarja Tuu Panen, a jewel designer, who came to school.
semantic intensity to the jewels. In conclusion, I agree with Tarja Tuu Panen because imagination can produce some interpretations and significations of one pared-down accessory but aesthetically, this minimalist aspect is not suitable for everyone. That’s why I would like to create an ecological but ostentatious jewel collection for my degree project through this question: How can I create a collection of tops of the range fancy ecological pieces of eco-jewellery with a lot of stones ?
On the one hand, in his book Ornament and crime, Adolf Loos defines the rules of his opinion about the superfluous. For him, the ornament is associated to delinquency and to the degeneration in our society. To build an ideal society he was convinced that the “cultural evolution is equivalent to the removal of Ornament from articles in daily use”. In this case, plainess is not an aesthetic choice but a necessary step toward a better society. Indeed, to him, ornament is wasted labour and hence wasted health. However, it is also wasted material, and together they add up to wasted capital. The ornament, that I love so much, is considered by Adolf Loos as a source of joy, welcomed by uncultivated people. On the other hand, the jewellery designer Tarja Tuu Panen, creates minimalist jewels for other reasons. She does not mean to teach us lessons, but advocates that “less is more” as Mies van der Rohe affirmed in the 20th century. She creates whiteness, emptiness, and quiet productions to push the limit of expression back. Thanks to a minimalist work, the beauty of stone is glorified because every flaw becomes exploitable details, which give
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Collier de Chrysoprase, Inconnu, 2019
Arrière-plan : Pierres de la plage de Jard-Sur-Mer, Vendée
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OUVERTURE
En tant que créatrice, toutes ces recherches me confortent dans la volonté de créer une gamme d’éco-joaillerie, pour offrir une alternative écologique et opulente aux consommateurs de bijoux. Les enjeux principaux, déduits de chacune des études précédentes doivent impérativement être soulevés afin de définir les diverses contraintes.
Arrière plan - Inlaid Skin Accessories, Andrea Mandrescu
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Synthèse En cette période si mouvementée, comme de nombreuses personnes, j’ai dû faire face à de multiples revirements et déceptions. Fort heureusement, l’amertume s’est transformée en douce plume et j’ai ainsi pu trouver un stage, qui est aujourd’hui la source de ce qui m’anime. Grâce à la découverte du métier de bijoutier auprès de Marine Nigri, créatrice à l’atelier Here Bijoutière de SaintNazaire, des portes se sont ouvertes à moi : celle de la bijouterie écologique dans un premier temps, puis celle de l’entreprenariat dans un second temps. Pour concrétiser cette envie folle d’ouvrir mon propre atelier, il m’a fallu faire des recherches sur la bijouterie engagée et c’est ainsi que j’ai trouvé l’impulsion et le postulat de ce mémoire. Le marché actuel est effectivement extrêmement néfaste1, mais est-ce vraiment nécessaire que la bijouterie responsable soit de style minimaliste pour pouvoir être plus respectueuse de l’homme et de l’environnement ?2 Ce questionnement de départ, mêlé d’incompréhension, de désillusion et de stupéfaction, m’a conduit vers diverses interrogations dont les objectifs sont de définir ce que je souhaiterai appeler l’éco-joaillerie3. Cette exploration, orientée autour de deux directions primordiales, permet de questionner d’une part les concepts de rareté et de préciosité et d’autre part, le sens et la symbolique du bijou. L’enjeu principal, au travers de cette étude, est de répondre à cette volonté de création de joaillerie responsable à partir de matériaux bruts : JEWELRAW.
D’une part, si le marché du bijou est si néfaste aujourd’hui, c’est qu’il exploite des ressources naturelles rares dont l’extraction est dangereuse pour l’environnement et périlleuse pour les mineurs. Malheureusement, toute cette facette négative de la bijouterie n’est pas médiatisée et donc inconnue pour la plupart des consommateurs, pour qui un beau bijou se résume à l’emploi d’or, de diamants et autres pierres ou perles. Seulement la rareté des matériaux utilisés pour la conception d’un bijou précieux, est ce qui fait de ce dernier son atout majeur. Il est donc important de ne plus se reposer sur cette définition de la préciosité qui conduit droit au désastre écologique et humanitaire, mais de plutôt prendre en compte l’explication du terme précieux : adjectif qui démontre une grande valeur. Par ailleurs, cette valeur-ci, est-elle immuable ou peut-elle différer selon les personnes et les croyances ? Premièrement, pour comprendre cet attrait pour les matériaux (métaux et pierres) dits précieux, il est nécessaire de s’y intéresser plus en profondeur et de remonter le temps. À travers l’étude de l’histoire de l’ornement4, il m’a été possible de découvrir que dès la Préhistoire, en cas de blessures ou de maladies, seules les ressources brutes offertes par la nature, pouvaient être utilisées comme remèdes. Certaines pierres et certains métaux, comme l’agathe, talisman contre le poison ; la malachite, protection contre le mal ; ou encore l’or qui soigne les orgelets, sont ainsi devenus des éléments à impérativement avoir sur soi. Au fil des siècles, certains de ces minéraux, étaient plutôt utilisés en prévention, et porté pour repousser le danger (turquoise), assurer la fertilité (le jais) ou encore assurer la grâce divine
Se référer au préface p.8 Se référer au carnet de Tendance p.62, du chapitre - Le minimalisme de la Bijouterie engagée - p.57 3 Se référer au glossaire p.82 4 Se référer à la chronologie de l’ornement p.14, du chapitre - Histoire de l’ornement corporel - p.13 1 2
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(aigue-marine). Ainsi, il est possible de comprendre pourquoi certaines pierres et certains métaux ont été privilégiés. Souvent utilisés pour leurs vertus prophylactiques, voire médicales, leur valeur était telle qu’il n’y avait rien de plus précieux que ces minéraux selon les époques. Malheureusement, la surconsommation liée à la Révolution Industrielle a fait disparaître ces vertus au profit d’une seule esthétique éclatante, brillante et luminescente.5 Cependant, il existe un mouvement dans l’histoire de l’art qui a cherché à défier cette industrie culturelle et cette société de consommation pour donner une nouvelle valeur aux matériaux. Il s’agit de l’Arte Povera6, qui privilégie le processus, dont le geste créateur, au détriment de l’objet fini, afin de rendre signifiants des objets insignifiants. Ils font ainsi l’éloge du « pauvre », du « banal », du « brut », du « sauvage ». La notion de « beauté » est alors chamboulée, car comme l’exprime Kounellis, il est nécessaire de transgresser les mots et les symboles culturels, pour privilégier l’immédiateté des sensations. De cette manière, les artistes du courant de l’Arte Povera, ont, comme la créatrice Tarja Tuupanen7, la volonté de laisser les sens et l’imagination, donner la valeur et la richesse à l’artefact. De ce fait, l’art, souvent définit maladroitement comme ce qui est « beau », au même titre que le bijou, devient précieux par la cérébralité qu’il provoque. Le matériau employé n’est plus celui qui donne de la valeur à l’artefact mais sert de support à cette nouvelle valeur, cette fois-ci sémantique. Enfin, la notion de préciosité semble effectivement être interprétée différemment
selon les individus. Ce qui a de la valeur aux yeux de chacun est vraiment singulier et déterminé par les vécus et les croyances propres à toutes et à tous. Effectivement, grâce au micro-trottoir8 réalisé auprès d’individus variés, j’ai pu me rendre compte qu’il était impossible de définir un seul « précieux » ; il en existe autant que d’individus sur terre. Mais il est vrai que le point commun que l’on peut soulever, est l’éphémèrité de chacune des raretés que le monde offre, telles que le temps, la vie, le souvenir ou bien encore les relations humaines. Il apparaît alors clairement, que de nos jours, plus qu’au XVIIe siècle par exemple, la préciosité ne réside plus seulement dans les matériaux ou subterfuges permettant de renvoyer à l’autre une image d’excellence9, mais davantage dans des faits immatériels pourtant tout aussi rares ; les valeurs communes étant en voie de changement ou de mutation. D’autre part, s’il apparait possible d’utiliser des matériaux dits non précieux pour réaliser des bijoux respectueux de l’environnement, car l’immatérialité peut s’avérer plus riche, il est impératif de comprendre l’expansion de la bijouterie à travers l’histoire et le rôle qu’elle a pu jouer dans la construction de différentes civilisations, pour ajouter une plus-value à l’éco-joaillerie10. Effectivement, même si l’objectif principal est de supprimer l’or, l’argent, le platine et toutes les pierres fines des futures créations, qui dit éco-conception, dit respect des principes du développement durable, donc de la dimension sociale. Mais comment cet aspect là peut-il
Se référer à Bijoux d’artistes p.40, du chapitre - Le bijou Contemporain - p.39 Se référer à l’Arte Povera p.66, du chapitre - Le moins est-il plus ? - p.65 7 Se référer à la conférence de Tarja Tuupanen p.69, du chapitre 4 - Le moins est-il plus ? - p.65 8 Se référer au micro-trottoir p.55, du chapitre - Le bijou, un objet précieux - p.49 9 Se référer à l’étude littéraire sur la préciosité p.52, du chapitre - Le bijou, un objet précieux - p.49 10 Se référer au glossaire p.82 5 6
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rentrer en jeu, en plus de la dimension écoresponsable ? Avant toute chose, donner une fonctionnalité différente de celle essentiellement esthétique actuelle, serait un moyen de bouleverser les codes et ainsi d’offrir une alternative plus saine pour les individus ne souhaitant pas entrer dans le cercle vicieux du paraître pour les autres, qu’induit le bijou.11 En effet, le bijou peut être une véritable carte d’identité et être le lieu de « rayonnement » d’une personnalité, pour reprendre le terme de Georg Simmel. Malheureusement, bien trop souvent, un accessoire est porté comme une
« revendication d’être soi-même et un souci affiché d’être agréable aux autres »12. De ce
fait, l’éco-joaillerie pourrait donc être le moyen de passer du « paraître » au « par-être », pour apprendre à se plaire à soi-même avant de plaire aux autres. Développer un univers singulier où le bijou n’est autre qu’un outil de construction et d’affirmation de soi, plutôt qu’un outil aidant à être plus à l’aise face au regard condamnable des autres. Par ailleurs, le bijou n’existe-t-il pas pour des raisons précises qui dépassent celles matérielles et sémantiques ? Effectivement, l’aperçu des typologies de bijoux13 existants, indique que ces derniers avaient pour fonction principale, une simple question technique liée à l’habillement ; servant ainsi de fibules, ils permettaient notamment d’attacher les vêtements. Ce n’est qu’au milieu du XIVe siècle, lorsqu’une révolution s’opère et que les tenues deviennent plus ajustées et décolletées, que les colliers et pendentifs font leur apparition. Cela laisse entendre que l’ornement, avant d’être un
objet de décoration corporelle, était bel et bien (et l’est toujours dans certaines cultures14) un accessoire fonctionnel aidant à se vêtir. Cette idée de retourner à une fonction plus primitive du bijou me paraît être essentiel pour correspondre à l’idée que je me fais de l’écojoaillerie. Il pourrait ainsi, à nouveau servir le vêtement ou peut-être même le substituer, afin d’offrir à l’homme une réappropriation totale de son corps et de son ornement ; et ce, tout en indiquant clairement une coupure définitive avec la joaillerie « traditionnelle » qui se veut extrêmement sophistiquée et habillée. De ce fait, concevoir de l’éco-joaillerie est un enjeu inédit qui conduit à revoir tous les codes. Ce savoir, dont l’art est de façonner et de monter des pierres précieuses pour en faire des joyaux, doit se réinventer pour répondre aux enjeux environnementaux existants. Réparer les dommages engendrés par le marché de la bijouterie actuel paraît difficile, toutefois c’est en revenant aux sources qu’il sera possible de trouver les nouvelles richesses à travailler et valoriser pour « dessiner demain et habiter
poétiquement la terre en reconsidérant le beau » 15. Si le bijou d’aujourd’hui a complètement
perdu de son sens pour totalement devenir un objet de paraître, il est temps d’inverser la situation. Le rôle initial de la joaillerie, et ce qui séduit les femmes et les hommes depuis l’Antiquité, est sa volonté d’être ostentatoire et luxuriante, grâce à l’emploi de toutes ces pierres, qui se sont distinguées des cailloux par leur couleur, transparence ou brillance. Cette exubérance et cette surcharge, tant appréciées dans la joaillerie, se retrouvent peu dans le style
Se référer à l’étude philosophique sur la fonction du bijou p.42, du chapitre - Le bijou Contemporain - p.49 Citation extraite de L’essai sur la parure, Georg Simmel 13 Se référer aux matériaux et typologies de bijoux p.36, du chapitre - Histoire de l’ornement corporel - p.13 14 Se référer à l’étude de l’ornement dans le monde p.25, du chapitre - Histoire de l’ornement corporel - p.13 15 Sujet du projet pluridisciplinaire de terminale Arts Appliqués, 2017 11 12
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des marques de bijouterie engagée. Il est d’ailleurs possible que ces enseignes se soient posées la même question que moi : pourquoi ne serait-il pas possible de créer un bijou qui rayonne par la simple symbolique qu’il abrite et émet ? Cependant, il me paraît à présent possible d’aller plus loin et de donner naissance à une collection respectueuse de l’environnement, par l’emploi de matériaux locaux glanés ici et là. Elle sera ainsi empreinte de sens, tout en étant exubérante. C’est pourquoi, pour le projet de diplôme, je souhaiterai créer une collection de bijoux non genrés16, servant à se vêtir, réalisés à partir de pierres offertes par la mer, hybridées aux techniques de broderie et de bijouterie actuelles 17 . Plus que de simples bijoux, je souhaite ainsi réaliser, comme la créatrice Giulia Tavani, de la joaillerie qui enveloppe le corps tels des habits mystiques. Toutefois, une nouvelle étude approfondie du corps et de ses mouvements dans des situations précises sera nécessaire afin de déterminer les zones à parer.
Suite aux réponses obtenus pour le sondage p.(à définir), il me semble nécessaire de donner davantage à l’homme, l’accès au bijou. 17 Se référer au cahier des charges juste à suivre 16
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Cahier des charges
Cible/contexte
- Mixte. - Usage évenementiel pour de grandes occasions. - Entre haute-éco-couture et haute-éco-joaillerie.
Symbolique/sémantique
- Réintroduction de symboliques singulières. - Sensibilisation à la consommation responsable et engagée.
Usage/fonction
- L’ornement substitue le vêtement. - Le bijou sert comme moyen de langage.
Matières/matériaux
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- Matériaux «pauvres» naturels laissés bruts. -Pierres glanées ici et là (voir échantillons du coffret). coffret). -Soie sauvage et/ou laine brute.
Technique/fabrication
- Production artisanale entièrement manuelle, car le geste est primordiale. - Techniques de bijouterie apprises durant mon stage.
Formes/esthétique
- Formes brutes construites à partir des pierres ramassées. -Formes évolutives selon les mouvements du corps. -Esthétique organique.
REMERCIEMENTS
Je remercie les professeurs de l’équipe pédagogique de DNMADE matériaux, spécialité textile éthique pour leur accompagnement durant l’élaboration de ce mémoire ainsi que mes camarades pour leur solidarité. Je remercie également les différents professionnels dont Fabien Montassier, qui m’ont donné des éléments clés supplémentaires pour la rédaction de ce sujet qui me tient à coeur. Je souhaite avoir une pensée particulière pour ma famille et mes proches, notamment pour ma soeur Marie-lou et mon ami Maxime Duchesne, sans qui cet ouvrage n’aurait pu voir le jour.
Arrière plan - Projet digital artifacts, Bart Hess
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GLOSSAIRE
Pour comprendre davantage les termes techniques de ce sujet, je vous laisse découvrir ces quelques explications, qui je l’espère, sauront vous aiguiller.
Arrière plan - Photo de la Haute Ecole de Joaillerie de Paris
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Accessoire : Objet non essentiel, dont la fonction n’est pas vitale, mais dont le port peut permettre l’ornementation.
Champlevé : Technique qui consiste à repousser le métal, puis à remplir les cavités d’émail, matière vitrifiable au four.
Adularescence : Effet graphique à l’aspect laiteux et miroitement bleuté par interférence.
Châtelaine : Parure agrémentée de différents objets décoratifs ou utiles qui s’accroche à la taille ou à la ceinture à l’aide d’une griffe ouvragée. Elle est parfois montée sur chaîne et se porte en pendentif.
Amulette : Objet auquel on accorde des vertus magiques. On peut le porter sur soi, l’implanter dans une maison. Apotropaïque : Ce qui conjure le mauvais sort et vise à détourner les influences maléfiques. Bijouterie : Désigne le travail des métaux plus ou moins précieux : l’or, l’argent, le platine mais aussi le bronze et le laiton. Elle se distingue de la joaillerie par son objectif de reproductibilité. Son maître-mot : la standardisation. Elle emploie donc des pierres calibrées, aptes à intégrer les montages conçus au préalable. Bijouterie fantaisie : Cet adjectif permet ni plus ni moins de différencier le travail d’un bijoutier, qui utilise principalement des métaux précieux tel que l’or, le platine, l’argent, d’un créateur qui utilisera les même techniques, mais avec des matériaux dits moins nobles tels que le bois, la céramique, la résine, le verre etc. Bijoutier : Artisan, artiste qui fabrique des bijoux à partir de métaux et de pierres. Cabochon : Pierre précieuse polie mais non taillée. Cacholong : Opale blanche opaque. Carat : Unité qui sert à mesurer la pureté de l’or. De l’arabe qîrât qui signifie «caroube», fruit du caroubier, dont les graines, d’une masse remarquablement constante de 0,2g, servaient à peser l’or et les pierres précieuses dans les bazars orientaux.
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Chatoyance : Phénomène lumineux qui se traduit par un trait blanc à la surface d’une pierre taillée en cabochon. Ciselure : Métal frappé pour donner un relief en creux ou en bosses. Cloisonné : Technique de décor réalisée à partir de minces bandes de métal soudées perpendiculairement à une plaque métallique, pour former des cavités ; dans chacune d’elle prend place de l’émail ou une Pierre. Consom’acteur : Mot-valise constitué à partir des mots « consommateur » et « acteur » pour désigner un consommateur qui préfère agir plutôt que de rester passif face aux biens et services qui lui sont proposés. Cela désigne une personne exigeante qui n’hésite plus à contester le pouvoir des marques et à les boycotter. Naturellement plus engagé, il est plus sensible aux caractéristiques responsables, éthiques et équitables des produits qu’il consomme. Cornaline : Variété de calcédoine translucide, rouge. Damasquinure : Technique consistant à poser à chaud sur une plaque de fer, des feuilles d’argent ou des incrustations de fils d’argent, de laiton.
Dichroïsme : Phénomène optique qui se caractérise par la variation de couleur d’une pierre selon l’orientation par rapport à une source lumineuse. Éco-joaillerie : Joaillerie à partir d’éléments non «précieux» bruts, assemblés à la main, respectant les codes sémantiques de l’acheteur. Écologique : Qui respecte l’environnement. Emboutissage : Technique de fabrication permettant de façonner les parties concaves et convexes des bijoux. C’est une technique de mise en forme d’un flan de métal pour obtenir une forme en creux. Équitable : Partage des ressources, des bénéfices d’un article de manière juste entre tous les acteurs. Éthique : Qui respecte les conceptions morales, dont les droits de l’homme. Fibule : Agrafe, boucle ou broche servant à fermer un vêtement. Filigrane : Technique de décoration qui consiste en l’application par soudure, sur un support métallique, de fils d’or lisses ou torsadés afin de créer un dessin. Gemmes : Nouvelle appellation pour les pierres fines et précieuses transparentes. Glyptique : Art de graver un motif sur pierres dures. En gravant en creux, on obtient une intaille, en gravant en relief, on obtient un camée. Granulation : Cette technique de décoration consiste à appliquer sur la surface du bijou de minuscules grains de métal. Les granules sont soudés suivant un dessin ornemental ou figuratif.
Gravure : Permet de reproduire un dessin par incision du métal à l’aide de burins, instruments tranchants en acier. Inclusion : Corps (cristallisé ou vitreux, liquide ou gazeux) contenus dans un cristal, un minerai. Iridescence : Phénomène optique par diffraction et interférences. Se traduit pour une pierre, par l’apparition de couleurs vives suivant les zones et l’orientation de la pierre par rapport à la lumière. Joaillier : Artisan ou artiste qui fabrique des joyaux, objets de matière précieuse de grande valeur. Joaillerie : La joaillerie est l’art de façonner et de monter des pierres précieuses pour en faire des joyaux. Le travail du joaillier n’est pas tant celui du métal que de mettre en valeur la pierre précieuse. En joaillerie donc, le point de départ est la pierre, taillée à la main, contrairement à la bijouterie où le point de départ est le métal. Lapidaire : Artisan qui taille des pierres précieuses. Mais également livre ancien qui décrit les vertus magiques et médicinales des pierres. Lignite : Roche sédimentaire composée de restes fossiles de plantes. C’est une roche intermédiaire entre la tourbe et la houille. Malachite : Pierre d’un beau vert diapré, carbonate de cuivre naturel. Martelage : Action de frapper le métal à coups de marteau pour le façonner. En bijouterie, le travail du marteau est laissé apparent alors qu’il est effacé en joaillerie. Niellage : Technique de gravure, consistant à intégrer la nielle, matière noire composée de plomb, argent, soufre et sel d’ammoniaque, dans
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des sillons gravés au burin préalablement. Orfèvre : Du latin Aurifaber, l’ouvrier qui travaille l’or, désigne le forgeron qui travaille le fer dans les sociétés ancienne. L’église médiévale se méfie des matériaux arrachés au ventre de la terre et soupçonne les orfèvres d’être détenteurs de pouvoirs relevant de la sorcellerie. Aujourd’hui, il désigne simplement l’artisan qui fabrique des objets de parure ou d’ornement en métaux précieux exclusivement. Ornement : Ce qui orne ou s’ajoute à un ensemble pour l’embellir. Ostentatoire : Désigne ce qui est excessif et apparent à la monstration. Parure : Ensemble de d’ornements corporelles. Pendeloque : Ornement suspendu, souvent en forme de poire. Pierres précieuses : En France, jusqu’à la parution du décret n° 2002-65 le 14 janvier 2002, le terme pierre précieuse était employé pour désigner des pierres rares, de grande qualité et dont les couleurs et la brillance magnifiaient la beauté. Aujourd’hui, uniquement utilisé lorsqu’il s’agit de parler de diamant, de saphir, d’émeraude ou de rubis. Pierres fines : L’expression de pierres fines désigne les pierres transparentes encore plus rares, plus demandées et/ou plus difficiles à extraire que les pierres précieuses. Les principales sont l’aigue-marine, le chrysobéryl, la topaze, le grenat, la tourmaline, l’améthyste, la citrine et l’opale. Pierres ornementales : L’appellation de pierre ornementales s’applique aux pierres opaques : quartz, cornaline, sardoine, chrysoprase, agate, jade, jaspe sanguin, etc.
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Plaque frontale : Pièce plate et rigide recouvrant le chanfrein d’un cheval. Platine : Métal gris pâle aux reflets satinés. Son nom trouve son origine à l’époque des conquistadors espagnols, qui passaient au tamis les sables des rivières pour recueillir les paillettes d’or. Ils étaient continuellement gênés, dans les batées, par la présence d’un métal gris blanc nommé platina, diminutif péjoratif signifiant «petit argent». Il est dix fois plus rare que l’or. Prophylactique : Qui prévient la maladie. Repoussé : Technique de mise en forme d’une feuille de métal, dont les reliefs sont produits en repoussant la plaque de l’envers sur l’endroit à l’aide de bouterolles frappées au marteau. Sertissage : Action d’enchâsser une pierre dans une monture. De la qualité d’un sertissage dépend la mise en valeur de la pierre et la solidité de sa fixation. Talisman : Objet marqué d’un signe auquel on attribue la vertu de protéger celui qui en est porteur ou de lui conférer un pouvoir magique.
RESSOURCES DOCUMENTAIRES
Veuillez trouvez ci-joint, toutes les ressources qui m’ont été nécessaires pour l’élaboration de cette réflexion.
Arrière plan - Couverture Parure, Jean-Paul Barbier, 1994
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[Le monde selon Hulot] Diamants synthé-
tiques, or éthique… L’industrie minière peut briller autrement. (s. d.). Consulté à l’adresse https://www. novethic.fr/actualite/entreprise-responsable/ isr-rse/le-monde-selon-hulot-diamants-synthetiques-or-ethique-l-industrie-miniere-peut-briller-autrement-146292.html L’orpaillage, un fléau aux conséquences multiples et désastreuses | OMVS. (s. d.). Consulté à l’adresse http://www.omvs. org/content/l%E2%80%99orpaillage-unfl%C3%A9au-aux-cons%C3%A9quences-multiples-et-d%C3%A9sastreuses Mines d’or artisanales, l’autre réalité du Burkina Faso. Le Point. (s. d.). Consulté à l’adresse https:// www.lepoint.fr/afrique/mines-d-or-artisanales-l-autre-realite-du-burkina-faso-28-12-2019-2355035_3826.php# Novethic. (2018). Des diamants synthétiques écologiques Place Vendôme | La vidéo des solutions. [Youtube] Consulté sur https://www.youtube.com/ watch?v=vqBIhF5auy0&feature=emb_logo
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Or. (s. d.). L’Élémentarium. Consulté à l’adresse https://www.lelementarium.fr/element-fiche/or/ Orpaillage illégal, quelles conséquences ? (s. d.). WWF France. Consulté à l’adresse https://www.wwf.fr/ espaces-prioritaires/guyane/orpaillage-illegal Synthèse critique des connaissances sur les conséquences environnementales de l’orpaillage en Guyane. RP-56652-FR.pdf. (s. d.). Consulté à l’adresse http://infoterre. brgm.fr/rapports/RP-56652-FR.pdf
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Delobbe, G., & Biardeau, S. (2006). L’art du bijou en Occident. PEMF.
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Merci pour votre attention. 4 ème de couverture - Lorenzo Pepe Jewelry, porcelaine et oxyde de cuivre
Jewelraw, l’art joailller du travail de matériaux bruts, est la réponse optimale pour concevoir un marché de la bijouterie respectueuse de l’homme et de l’environnement. L’éco-joaillerie ou l’art de fabriquer des joyaux, par la mise en valeur de pierres et autres éléments naturels pauvres et par une réintroduction d’une symbolique.