mémoire de fin d'étude| Avez vous déjà squatté un aéroport?

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AVEZ VOUS DÉJÀ SQUATTE UN AÉROPORT ? De

l’architecture

nazie

au

parc

urbain



« Contrairement à l’histoire, la mémoire n’a rien à voir avec l’exactitude factuelle de la connaissance du passé. La mémoire est une affaire du présent où le passé se présente comme enjeu. » Régine ROBIN


Mémoire de fin d’études en vue de l’obtention du grade de master en architecture. Année académique 2014-2015


SOUS LA DIRECTION DE

CHRISTINE SCHAUT

AVEZ-VOUS DÉJÀ SQUATTE UN AÉROPORT ? De

l’architecture

nazie

au

ALINE DAUSQUE

parc

urbain


Les pistes d’atterrissage et les cerfs-volants © B. Nauleau (http:// www.benjamin-nauleau. com/)

« Les maîtres-nageurs » de Tempelhof. © Flughafen Tempelhof


AVANT PROPOS

Ma première visite de Berlin était en plein hiver, je me munis d’un plan de la ville, et commence à l’arpenter à pied. Je croise, alors, ces lieux « emblématiques », tels que le Reichstag, le mémorial de l’holocauste, l’île aux musées, j’emprunte l’avenue Under den Linden, jusqu’à la gendarmenmarkt platz… convaincue que j’avais visité le centre de Berlin, je reprends ma carte, et regarde l’étendue que j’ai parcourue… rien. Je décide alors de jeter un œil aux transports en commun, je remarque que le S-Bahn 46 fait le tour de la ville en aérien. Je l’emprunte pour avoir une idée de cette ville trop vaste que je n’arrivais pas à cerner à pied. Les paysages changent au fur et à mesure, en allant des tours, au périphérique, ou lieux plus résidentiels, je n’arrive pas à comprendre si je suis dans la ville, à sa périphérie... Puis tout à coup l’espace de dégage. Des cerfs-volants se dessinent dans le ciel, des skaters tractés par ces immenses voiles glissent sur le tarmac. L’étendue est grande, sans relief, en fond de perspective une masse de béton. Intriguée, je demande à mon voisin qu’est ce que c’est, il me répond : C’est Tempelhof, vous devriez y aller ! Je descends au prochain arrêt : Berlin-Tempelhof. Mon regard est rapidement attiré sur la gauche, un bâtiment circulaire en béton orné d’une structure métallique s’érige devant moi, de l’autre côté l’horizon brumeux. Deux pistes de goudrons rectilignes traversent le champ, des gens courent, font du vélo, rollers… derrière eux, un vieil avion semble attendre pour décoller. Je comprends, alors, que c’est un aéroport désaffecté devenu un immense parc urbain. Un grillage se dessine devant moi je le franchis par une porte d’accès. Un plan du lieu m’explique l’espace dans lequel j’entre. Plusieurs zones sont définies, telles que des aires de pique-


Photos personnelles Š B. Nauleau (http:// www.benjamin-nauleau. com/) Š Flughafen Tempelhof


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nique, des jardins potagers que l’on peut louer pour un euro symbolique, des espaces pour promener son chien sans laisse, un point information… J’ai l’impression d’être à la mer. Au loin, la silhouette de la tour de télévision me rappelle que je suis pourtant bien à Berlin. Je me laisse porter par la foule de personnes, et j’emprunte une piste d’atterrissage, et laisse cette énorme masse en béton derrière moi. Je croise un père qui apprend à son fils à faire vélo, puis un jeune garçon pratiquant un sport que je ne connais pas, il est sur son longboard et se fait tracter par une immense voile. Sur ma gauche, j’aperçois des cabanes, réalisées avec des bouts de bois, des palettes, je me rapproche. Quelques légumes sont plantés dans des grosses caisses en bois, quelques personnes boivent une bière, un couple est perché sur un banc surélevé construit par leur propre soin, tels des maîtres-nageurs surveillant la plage. Ils doivent avoir une sacrée vue sur le champ. Je continue ma promenade, quelques personnes sont regroupées avec leurs chiens derrière une clôture. Je dois partir, le temps passe vite à Tempelhof, la nuit tombe, le coucher de soleil est magnifique. Je décide de retourner à Berlin, et bien sûr à Tempelhof. J’ai appris que l’on pouvait visiter le bâtiment. Je me gare, j’ai 15 min d’avance, je préfère marcher un petit peu. Je me retrouve devant l’entrée, j’achète mon ticket pour la visite guidée. J’attends dans le hall, qui est en réalité l’ancienne porte C, le lieu de transition entre l’aéroport et le tarmac. Les panneaux d’informations, de directions sont encore tous présents, j’ai le sentiment que je vais prendre l’avion et quitter Berlin. Le guide, un énorme trousseau de clefs à la main, nous conseille de bien suivre le groupe, la visite commence. J’ai l’impression que nous traversons le bâtiment de part et d’autre, un dédale d’escaliers, d’ascenseurs, de couloirs… tout en écoutant l’histoire captivante de ce lieu. Érigé sous le nazisme dans l’optique de Germania, la capitale mondiale rêvée d’Hitler, occupé par les Américains lors de la division de l’Allemagne, il est le théâtre du pont aérien, puis il sera un aéroport civil, à la réunification allemande, il tentera de survivre, pour finalement fermer en 2008. Chaque temporalité est illustrée. On découvre les caves, qui ont servi d’abris aériens aux quartiers avoisinants durant la Seconde


Barbecues © Carsten Koall/Getty Images

Sports extrêmes © B.Nauleau (http://www. benjamin-nauleau.com/)


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Guerre mondiale. Puis les aménagements des Américains, une salle de réception fut transformée en terrain de basket, une salle de tennis. Ce lieu est rempli de surprises et d’étonnement, chaque temporalité a laissé une empreinte. La visite se termine. Je souhaite qu’une chose : retourner à la mer. Je sors de la salle d’embarquement, le soleil est de plomb ce jour-là. Je décide de faire le tour du bâtiment afin de pouvoir rentrer dans le parc. Berlin et ses distances incommensurables, j’en suis de nouveau la victime. Il me faut 20 min pour rejoindre une entrée du parc. On est un samedi midi, les anciennes pistes d’aviations sont remplies de barbecues. Leurs fumées s’échappent et se mêlent aux cerfs volants dans le ciel. Faute d’arbres, les Berlinois ont installé leur parasol, tonnelle pour se protéger du soleil abondant. Je m’installe, partage une bière avec quelques Berlinois. La nuit tombe, je me demande quels sont les horaires de fermeture. Un Berlinois m’explique qu’il n’y en a pas, seulement à partir de 21 h plus personne ne peut rentrer. La nuit tombe, nous voilà plongé dans le noir, aucune lumière, rien. Au loin la ville et ses éclairages offrent des reflets orangés au ciel. Je suis stupéfaite, des enfants font une course de vélo. Il est 23 h, je décide de partir, le temps passe vite à la mer.



SOMMAIRE

0/INTRODUCTION

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1/TEMPELHOF ET SES DIFFÉRENTES TEMPORALITÉS De 1936 à nos jours

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1.1 Tempelhof de1936 – 1941 : sous le régime totalitaire.

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1.1.1Le système totalitaire 1.1.2 L’architecture : un outil de propagande Référence au style classique Référence à l’architecture vernaculaire Référence au modernisme

1.1.3 Tempelhof II : les prémices de l’architecture érigée sous le nazisme Description du bâtiment. THF II Intégration dans le contexte urbain Un bâtiment alliant modernité et monumentalité Une architecture fonctionnelle remarquable Un aéroport inachevé Tempelhof, une architecture issue d’un régime totalitaire ?

1.2 Lendemain de la chute du régime nazi : de 1945 à 1948

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1.3 De 1948 à 1989 : La guerre froide

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1.3.1 Le pont aérien de Berlin et les impacts sur Tempelhof 1.3.2 Après le pont aérien : le développement de Tempelhof pendant la guerre froide 1.4 La réunification : 1989 à 2014

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2/LA PÉRIODE CONTEMPORAINE Les grands projets de reconversion de l’aéroport

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2.1 Système de Planification de Berlin

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2.1.1 Architecture du système de planification berlinois Le système Les outils

2.1.2 Mobilisation et participation citoyenne dans les grands projets à Berlin 2.2 Le projet proposé par la ville de Berlin

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2.2.1 Le processus du projet de requalification 2.2.2 Proposition définitive du sénat : Master plan 2013 2.3 Le projet de reconversion pour les pistes d’atterrissage : un projet participatif ? 2.3.1 Analyse de la stratégie du Sénat 2.3.2 Le jeu des acteurs 2.3.3 Le projet participatif : un cadre prédéfini par la ville de Berlin Concours pour le parc paysager La participation citoyenne La force de la participation citoyenne d’après le collectif d’architecte Raumlabor : La force de la participation citoyenne d’après le sénat L’illusion citoyenne de leur participation pour le projet définitif de reconversion. Une différence d’idéologie

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3/TEMPELHOF, UN VIDE AU CŒUR DE MULTIPLES ENJEUX

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3.1 L’enjeu mémoriel

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3.1.1 Berlin, l’effacement de ses traces. 3.1.2 THF : une trace de l’histoire, un patrimoine, un lieu de quotidienneté. Une conception architecturale Une architecture érigée sous le nazisme Un symbole de l’amitié Un patrimoine de la vie quotidienne

3.1.3 Comment entretenir la mémoire de THF ? Quand les avis divergent ! Point de vue du sénat et des habitants

3.2 L’enjeu socio-économique

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3.2.1 Contexte berlinois Assumer un rôle politique Assumer un rôle économique Un rayonnement culturel

3.2.2 Tempelhof un enjeu socio-économique Point de vue du sénat et des habitants

3.3 L’enjeu typologique

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3.3.1 Historique de la nature à Berlin 3.3.2 La friche appropriable à Berlin 3.3.3 Les caractéristiques spatiales de Tempelhof : une friche immense Point de vue du sénat et des habitants

3.4 L’enjeu écologique

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3.4.1 Contexte berlinois : Les espaces verts à vocation climatique Les espaces verts comme réserve de la biodiversité

3.4.2 Tempelhof une friche écologique Point de vue du sénat et des habitants

4/CONCLUSION

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5/BIBLIOGRAPHIE

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Tempelhof du ciel. À l’est le quartier de Neukölln, au nord Kreuzberg, Schöneberg à l’ouest et au sud le quartier Tempelhof. © Bing maps


INTRODUCTION

Lors de mon Master I, j’ai eu l’occasion de parcourir l’Europe de l’Est, alors que je faisais mon Erasmus en Pologne, à Wroclaw. J’ai ainsi pu découvrir Berlin, ses rues, ses friches emblématiques, dont, et à ma grande surprise, son aéroport désaffecté : Tempelhof devenu un parc urbain. Plus tard en master 2, j’ai de nouveau eu l’occasion de partir en voyage d’études à Berlin avec l’atelier Mutation. Le choix de Tempelhof, comme cas d’étude pour le TFE, m’a paru évident, ce vide en pleine ville m’avait intrigué dès ma première visite, je me suis depuis lancée à la quête de son histoire. J’ai d’abord appris qu’il s’agissait d’un aéroport érigé sous le nazisme par l’architecte E.Sagebiel. Ceci m’a fortement interpellée et m’a amenée à me poser une première question : comment un bâtiment construit sous le 3e Reich devient-il un parc urbain ? J’ai effectué alors quelques recherches sur les architectures issues du régime nazi, notamment sur leurs caractéristiques, et leur importance au sein d’un régime totalitaire. Ensuite, je me suis demandée comment cet héritage a été géré, étant donné tout ce qu’il représentait à la chute du régime, et comment l’Allemagne se l’est appropriée. J’ai alors constaté que certains de ces bâtiments avaient été abandonnés, détruits, transformés, ou encore muséifiés. Mais d’autres sont réappropriés par simple nécessité, dont l’exemple le plus évident est l’aéroport Tempelhof. En effet, à la chute du régime nazi, il se révèle comme un véritable atout dû à sa fonction aéroportuaire, dès lors s’en suivront diverses appropriations, temporalités à travers le 20e siècle, dont il en accumulera les traces. Au fil de mes recherches, la temporalité actuelle s’est révélée être au cœur d’un débat contemporain ; en effet, elle semble être animée d’une controverse autour de la reconversion des pistes d’atterrissage. En 2008, l’aéroport historique de Tempelhof voit son dernier avion décoller. Dès lors de grands projets de reconversion, et notamment pour ses pistes d’atterrissage, instrumentalisée par la ville de Berlin on vu le jour, jusqu’à la publication d’un master plan en 2013. Mais


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en 2014, un référendum d’initiative populaire a lieu, organisé par l’association 100 % Tempelhof. Les Berlinois se sont exprimés contre la proposition de la ville de Berlin pour la reconversion des pistes d’atterrissage. La fermeture du complexe aéroportuaire en 2008 pose question sur son devenir pour la première fois dans son histoire : que faire de ce vide de 300 hectares porteur d’autant de souvenirs situés à 4 km du centre de Berlin ? Comment les anciennes temporalités de l’aéroport prennent-elles place dans un contexte contemporain animé d’une controverse autour du projet de reconversion des pistes d’atterrissage ? Pour répondre à ces questions, il paraît nécessaire dans un premier temps de retracer les différentes temporalités de l’aéroport, de l’érection de son complexe sous le régime nazi jusqu’au parc urbain d’aujourd’hui. Il sera donc exposé dans quelles conditions le complexe fut érigé, c’est-à-dire dans quel contexte il fut pensé, dessiné, puis construit. Dès la chute du régime nazi, sa fonction lui permet de ne pas être détruit et même d’être réutilisé. Il devient, alors, un point stratégique de Berlin Ouest, sous l’occupation des alliés occidentaux. Il fut le théâtre du pont aérien, puis l’unique aéroport civil de cette partie de la ville jusqu’en 1974. Il devient, alors, un véritable symbole de liberté, s’en suivent alors différents événements, tels que la détente entre les alliés de la guerre froide, la construction d’un 2e aéroport civil à Berlin-Ouest, jusqu’à la réunification allemande. Ces événements auront un impact important sur la survie de l’aéroport, jusqu’à engendrer sa fermeture en 2008. Cette partie met donc en évidence la répercussion de l’histoire de Berlin, voir mondiale, sur l’aéroport Tempelhof lors du 20e siècle. Elle relève, de plus, l’importance et la proximité, générée par l’histoire si particulière, entre les Berlinois et ce lieu. La deuxième partie a pour vocation de comprendre la période contemporaine, ceci en mettant en évidence la naissance de la controverse, comment elle s’est déployée et les divers acteurs qui prennent part à celle-ci. Pour cela un point théorique sur le système de planification allemand et la place du citoyen dans celui-ci semble être nécessaire afin de comprendre le processus mis en place par la ville pour la reconversion du complexe aéronautique. Ceci étant exposé, nous verrons comment deux idéologies portant sur le processus


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de reconversion des pistes d’atterrissage se sont affrontés, jusqu’à générer l’épreuve finale : le référendum. Dans une dernière partie nous verrons les différentes argumentations des deux parties qui s’opposent lors du référendum, et ainsi, quelle place l’histoire a-t-elle au sein de ce débat ? Et plus précisément quel est l’impact de l’enjeu mémoriel au sein de la controverse actuelle ? Cette partie mettra également en évidence une réalité qui s’avère plus complexe. En effet, Tempelhof se révèle comme un vide au cœur de multiples enjeux contemporains, tels qu’économiques, sociologiques, écologiques, typologiques. Chaque enjeu sera donc exposé, précédé d’un point de contextualisation à l’échelle de la ville de Berlin. La méthodologie mise en œuvre pour construire mon mémoire répond directement à la structure et à l’enchaînement logique du plan précédemment cité. Pour les diverses temporalités du Tempelhof à travers le 20e siècle, le mémoire de C. Heeb : « A multifaceted monument - the complex heritage of Tempelhof Central Airport » fut ma principale source de référence, que j’ai étoffée par diverses lectures. Puis pour les 2e et 3e parties, sur la période contemporaine, plusieurs visites de l’ex complexe aéronautique, son bâtiment et ses pistes d’atterrissage, mais également les quartiers jouxtant le site m’ont éclairé sur les caractéristiques de la temporalité actuelle du site. À cela se sont ajoutées des rencontres, qui m’ont permis de mieux comprendre la ville de Berlin et la controverse actuelle autour de l’aéroport. La première personne rencontrée est Marion Payet, journaliste à Berlin, qui réalise actuellement un documentaire sur l’aéroport de Tempelhof. Elle a été une personne ressource pour ce travail que j’ai pu rencontrer à Berlin dans ce cadre. J’ai également pu avoir un échange par mail avec les principaux acteurs de la controverse, à savoir le sénat de Berlin, le collectif d’architecte Raumlabor, et le projet pionnier allemand Kontor. Puis, les entretiens téléphoniques avec Hélène Bernard, architecte urbaniste à l’AUDIAR (Rennes), m’ont éclairé d’une part de manière générale sur la notion d’architecture participative, sur la question du logement à Berlin, « la pensée des Allemands », mais aussi plus précisément sur la controverse actuelle autour de l’aéroport de Tempelhof et la position du sénat par rapport à celle-ci. En effet, H. Bernard fut architecte pendant 10 ans à Berlin, spécialiste de l’architecture participative, elle s’est intéressée de près à la controverse qui anime la reconversion des pistes d’atterrissage. Elle a ainsi assisté à diverses conférences organisées par la ville de


Photomontage


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Berlin. Enfin, le site internet de la ville de Berlin, ainsi que divers sites internet d’acteurs (architectes, association, etc.) et les articles de presses allemandes m’ont fourni une grande ressource. De manière évidente, l’accessibilité au cas d’étude fut la principale limite pour ce travail, malgré une relation avec les acteurs par mails et téléphone. De plus, j’ai découvert un mémoire réalisé sur l’aéroport Tempelhof en 2012 par deux étudiantes au sein de la faculté : B. Herr et J. Moret. La partie historique est fortement semblable, mais il semblait important de l’exposer, pour ainsi comprendre son importance dans la controverse actuelle. Puis, évidemment, l’événement du référendum en 2014 influe sur le développement du complexe et souligne le fait que la population veuille prendre place dans la planification du lieu. Il semblait alors intéressant de comprendre cette controverse, et l’implication de l’histoire si particulière du complexe dans celle-ci. Une précision sur l’organisation du mémoire semble nécessaire. Les pages de couleurs peuvent être considérées comme un apport théorique, ou une contextualisation afin de mieux comprendre le sujet. Leur lecture peut se faire de manière indépendante à la lecture générale du mémoire.



1/TEMPELHOF ET SES DIFFÉRENTES TEMPORALITÉS De 1936 à nos jours

Cette partie historique a pour vocation de retracer les différentes temporalités de l’aéroport Tempelhof de 1936 à nos jours. Dans un premier temps, il paraît nécessaire de préciser le choix de commencer l’historique de ce lieu en 1936. Tempelhof est un aéroport commercial depuis 1923, mais c’est sous le régime nazi que l’architecte Ernst Sagebiel dessina le projet pour le réaménagement de l’aéroport qui lui conférera son identité et ses caractéristiques architecturales actuelles. Dès la chute du 3e Reich, Tempelhof connu d’autres temporalités, il se révèle comme un lieu stratégique de Berlin-Ouest, et oscille entre une utilisation civile et militaire. La chute du mur de Berlin, ainsi que sa situation géographique, à 4 km du centreville, auront des répercussions importantes sur son avenir, jusqu’à engendrer sa fermeture en 2008.


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1.1 Tempelhof de1936 – 1941 : sous le régime totalitaire 1.1.1Le système totalitaire Avant de présenter une architecture érigée sous un régime totalitaire, en l’occurrence l’aéroport Tempelhof sous le nazisme, il paraît important de comprendre le système totalitaire. Tout d’abord d’un point de vue étymologique, le totalitarisme signifie : « Système tendant à la totalité. » D’après le dictionnaire des sciences humaines1, le concept de « totalitarisme » constitue l’un des termes les plus ambigus du vocabulaire politique. En effet, il fut utilisé par tous les courants politiques du XXe siècle en allant du fascisme à l’antifascisme, du marxisme au libéralisme, de l’anarchisme au conservatisme, chacun lui attribuant une consonance aussi bien positive que négative, soit une signification différente. Les régimes fasciste, nazi, soviétique furent, donc, l’objet de comparaison dans de nombreux écrits, thèses en vue de définir ce terme ambigu. Ces différents écrits ont une part de subjectivité, plus ou moins grande en fonction de l’époque de leur analyse, de l’évolution de ces régimes dans le temps, puis de l’appartenance des auteurs à un ou l’autre des blocs économicopolitiques. De manière générale, ils s’appuient en particulier sur l’analyse développée par Hannah Arendt dans son ouvrage constitué de 3 tomes « Les origines du totalitarisme » dont la première édition fut publiée en 1951. En effet, le totalitarisme est un concept analysé et étudié pour la première fois par Hannah Arendt, on s’appuiera donc sur cet ouvrage majeur pour développer la notion de totalitarisme. Le 1er volet de son triptyque est « L’antisémitisme », l’histoire juive en Europe centrale et occidentale y est retracée. Le 2e volet nommé : « L’impérialisme » met en évidence la première phase d’une domination politique de la bourgeoisie, due notamment à l’expansion coloniale et la crise de la l’état nation. Le 3e volet s’intitule : Le système totalitaire, c’est ce tome qui retiendra notre attention. L’auteur y décrit l’idéologie, l’organisation et l’évolution du totalitarisme au cours du temps, et ceci à travers le système nazi et le système stalinien. Hannah Arendt caractérise le totalitarisme – en englobant sous ce terme le communisme et le nazisme – « comme un système entièrement original qui repose sur la transformation des classes en masses, fait de la police le centre du pouvoir et met en œuvre une 1.  S. Mesure et P. Savidan : « Le dictionnaire des sciences humaines » - éditions PUF – 2006.


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politique étrangère visant ouvertement à la domination du monde. Animé par une logique de la déraison, il tend à la destruction complète de la société — comme de l’individu. »2 Dans un premier temps, H.Arendt met en évidence, le concept de masse qui serait le fruit de l’automatisation de la société et du déclin des systèmes de partis et des classes. « Les mouvements totalitaires visent et réussissent à organiser les masses. »3 L’auteur définit les masses de la façon suivante : « Le terme de masses s’applique seulement à des gens qui, soit du fait de leur seul nombre, soit par indifférence, soit pour ces deux raisons, ne peuvent s’intégrer dans aucune organisation fondée sur l’intérêt commun, qu’il s’agisse de partis politiques, de conseils municipaux, d’organisations professionnelles ou de syndicats. »4 L’homme de masse peut être donc n’importe qui, c’est un individu isolé qui fait l’expérience du déracinement social et culturel. Il trouve alors dans le totalitarisme une cohérence dont est dépourvue la réalité à laquelle il est confronté, et s’identifie alors au leader du mouvement totalitaire. Une fois la masse organisée, le mouvement totalitaire peut se développer, par la propagande. L’auteur précise que « cette propagande n’est qu’un des instruments, peut-être le plus important, dont se sert le totalitarisme contre le monde non totalitaire. »5 La propagande est donc un instrument pour répandre dans le public par les moyens les plus divers les idées, les tendances, les doctrines idéologiques que le régime veut voir triompher6. « Ainsi, pour remodeler l’individu et la société, ces régimes utilisent des techniques modernes de domination, l’instrumentalisation de tous domaines permettant d’avoir la mainmise sur l’imaginaire, ce qui inclut donc l’urbanisme et l’architecture. » 7 On peut donc en déduire que dans une société totalitaire, il n’y a aucune forme de neutralité possible de la culture, tous les moyens de communication sont réquisitionnés dans le sens de la propagande. Il y a donc un contrôle total de la culture. L’artiste, c’est-à-dire le peintre, écrivain cinéaste et par extension l’architecte, est instrumentalisé et 2.  H.Arendt : tome 3 : « Les origines du totalitarisme » : « Le système totalitaire » - Éditions du

Seuil - 1972 3.  Ibid. – P 29 4.  Ibid. – P 32 5.  Ibid. – P 42 6.  Une fois les masses conquises, le mouvement totalitaire remplace la propagande par l’endoctrinement. La violence se développe alors constamment afin de réaliser les doctrines idéologiques et les mensonges politiques. 7.  URL : http://www.orgueiletpatrimoine.fr/le-patrimoine-totalitaire/ (consulté : 11-2014)


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devient un propagandiste du régime au même titre que les hommes politiques ou journalistes. « Le message de ces architectures, adressé en premier lieu au peuple dominé, mais aussi au monde entier, se veut l’expression de la Puissance et de l’éternité. »8 Le rôle de l’urbanisme et l’architecture est, donc, de rappeler en permanence la présence et la force du pouvoir, de marquer la pérennité de celui-ci, et de symboliser la vitalité et la confiance en l’avenir. 1.1.2 L’architecture : un outil de propagande. Dans le contexte de ce mémoire, on se penchera spécifiquement sur l’architecture comme un outil de propagande au sein du régime totalitaire nazi. « Qu’est-ce que l’architecture totalitaire ? Est-ce l’architecture d’un régime totalitaire ? Une architecture où prime la monumentalité ? Une architecture qui sélectionne certains styles au détriment d’autres ? » 9 Sous le 3e Reich, l’architecture est, donc, un élément de persuasion à l’égard des futurs adhérant aux partis, mais est également un moyen d’affirmer la puissance du pouvoir. « Elle emploie un vocabulaire du passé fournissant au peuple allemand des images sur son identité propre. »10 Pour cela, le régime nazi puise ses références dans divers courants architecturaux. Référence au style classique : Tout d’abord, l’architecture totalitaire emprunte à l’histoire architecturale tout ce qu’elle a su fabriquer de plus durable et plus grand, tel que les pyramides égyptiennes, des temples grecs, les tracés de la Rome renaissante, elle fait donc référence au style classique. En effet, le style classique s’apparente à un code international et intemporel, il fut et reste une référence stylistique et une source d’inspiration de la production architecturale. Il a su se révéler comme étant « ... la source mythique de toutes les patries, l’enfance de l’humanité, la trace des origines ancestrales »11. Ainsi, « la référence à des formes historiques 8.  Y. Tsiomis : « Architecture totalitaire ou discours totalitaires sur l’architecture » issus de

l’ouvrage : « L’architecture des régimes totalitaires face à la démocratisation » – IOSA IONA – collection aujourd’hui l’Europe - Édition l’Harmattan – Le Mesnil sur l’Estrées – 2008 9.  Ibid. – P32 10.  B.Herr et J.Moret : « THF » - mémoire LaCambreHorta-2012 11.  F.Borsi - « L’Ordre monumental, Europe 1929-1939 » - Hazan - 1998


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classiques permet d’ancrer un nouveau bâtiment dans un style connu par le peuple et rappelle ainsi une puissance antérieure appartenant à l’identité de la nation. »12 En Allemagne, un vaste programme de construction fut érigé par le IIIe Reich, pour assoir le régime politique dans l’espace et dans le temps, afin que l’architecture et l’urbanisme soient représentatifs de grandeur mondiale du IIIe Reich. « Hitler pensait que l’architecture avait un rôle important à jouer dans la constitution de l’Allemagne nazie. L’idéologie et la puissance du parti et de l’état devaient pouvoir s’affirmer par la taille, le style et le matériau des édifices. Hitler a d’ailleurs toujours veillé à paraître dans un cadre architectural grandiose, et tous les futurs lieux de rassemblement de l’Allemagne devaient représenter le régime et constituer une tribune pour les nouveaux dirigeants. »13 Ainsi, la volonté principale, que cherche à transmettre une partie de l’architecture érigée sous le régime nazi, peut se résumer en deux points essentiels : la domination spatiale et la pérennité absolue. L’espace construit, projeté est donc pensé en terme de grandeur et de durabilité. La grandeur est nécessaire pour accueillir la masse, pour intimider le peuple, voir le monde, en suscitant des émotions profondes, et également pour la concentration du pouvoir en un même lieu. La pérennité, quant à elle offre à la postérité l’écho d’un message politique, la trace, la 12. B.Herr et J.Moret : « THF » - mémoire LaCambreHorta-2012 13.  L. Lasson : « Albert Speer : Le plan de Berlin 1937 –

1943 » - AAM édition - Stockholm – 1978 – P 13

Photo de la maquette générale pour le plan de Berlin. (L.O. Larsson ; P73)


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Photo de la maquette générale pour le plan de Berlin : La grande avenue (L.O. Larsson ; P73)

mémoire, du grand dirigeant de la nation. « Les bâtiments monumentaux nouvellement construits pour l’état et le parti, la rénovation des villes et la création des autoroutes servirent d’instruments de propagande ; ils devaient symboliser la vitalité et la confiance en l’avenir de la “nouvelle Allemagne”. Le troisième Reich voulait s’affirmer comme l’ère de la construction et la puissance du parti national-socialiste devait être matérialisée par des œuvres architecturales. »14 Ceci se retrouve précisément dans les intentions d’Hitler pour le plan de Berlin. Dès son ascension au pouvoir en 1933, A. Hitler présente à la municipalité de la ville, ses propositions pour le nouveau Berlin, elle deviendrait la capitale du monde et la nomme « Germania ». Ces plans sont élaborés bien avant 1933, il qualifie la ville comme étant chaotique où se succèdent, sans hiérarchie, commerces et logements. « Hitler était fermement résolu à doter la capitale du Reich d’un nouveau centre monumental. »15 Ses idées majeures sont donc la création d’un grand axe nord-sud qui viendrait croiser un axe est-ouest16 au niveau de la porte de Brandebourg (centre-ville historique), ainsi la ville aurait été divisée en quatre secteurs (est-ouest-nord-sud). Ces deux axes, qui traversent la ville de part en part, coupent 4 rings routiers pour finalement rejoindre un ring extérieur. Le tronçon central de l’axe nord-sud retient plus particulièrement l’attention du Führer. Cet axe n’est pas présent dans la structure existante de la ville, il propose, alors, un boulevard de 7 km sur une largeur de 120 m, A. Hitler le nomme : la grande avenue. Cette grande avenue est flanquée d‘un certain nombre d’édifices représentatifs du pouvoir, dont le principal devait être la Grosse Halle, situé à l’extrémité nord de l’avenue. Au sud, la fin de la perspective devait mettre en valeur 14.L. Lasson : « Albert Speer : Le plan de Berlin 1937 – 1943 » - AAM édition - Stockholm – 1978-

P28 15.  Ibid.- P13 16.  Déjà partiellement existant avec l’avenue Under den Linden et Charlottenburg


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la grande gare Südbahnhof17. Les caractéristiques architecturales, définies par Hitler, des édifices présents sur cet axe majestueux sont claires : ils doivent être jonchés d’une taille gigantesque et inhumaine, conçue pour impressionner le peuple. Cette avenue devait être le lieu des parades, des démonstrations de foule. L’architecture se veut donc monument, mémorial, et ceci est renforcé par son langage et les matériaux qu’elle emploie. C’est seulement, en 1938 que ces propositions seront concrétisées dans un master plan élaboré avec Albert Speer, devenu l’architecte du Führer sous le statut d’inspecteur de la construction en 1937.18 Mais, la référence au classicisme est-elle une caractéristique propre à l’identification d’une architecture issue du régime totalitaire nazi ? Le classicisme dans les années 30 est une référence architecturale qui ne touche pas uniquement les régimes totalitaires, Jean-Louis Cohen19 nous en fait part avec justesse : « les régimes autoritaires sont loin d’être les seuls commanditaires des monuments classiques, comme les aménagements de la colline de Chaillot à Paris, du Triangle fédéral de Washington et les grands bâtiments publics britanniques en font foi. » En effet, dans les années 30, on assiste à l’éclatement d’une forte contradiction stylistique sur le plan architectural. On observe un regain de l’architecture issue du style classique, qui se fit dans un contexte socio-économique marqué par la crise de 1929. La dialectique ancien/moderne n’a probablement jamais eu autant d’importance qu’à cette époque. En effet, on remarque un surcroit d’architecture classique face au mouvement moderne20. Ce retour au classicisme se généralise dans tous les pays développés, démocratiques ou victimes de dictatures naissantes. C’est bien l’association du style classique marqué par la grandiloquence qui peut être vu comme une caractéristique d’une architecture totalitaire, à laquelle on ajoute des signes du régime tel que croix gammée, aigle, pour le régime nazi. En effet la Maison du Peuple de Bucarest érigée dans les années 80 répond architecturalement au style classique et à la grandiloquence des régimes totalitaires. Pourtant, elle est érigée dans les années 80, et n’est donc plus sous l’influence d’un regain du style classique. Quant au palais de justice de Bruxelles, sa référence au style classique est 17.  Situé à proximité de l’aéroport Tempelhof 18.  Notion développée ci-après. 19.  J. Cohen : « Les Années 30, l’architecture et les arts de l’espace entre industrie et nostalgie »

- Paris - Éditions du patrimoine - 1997. 20.  Est définie comme un style international, sans racine, sans contexte, sans histoire.


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évidente, sa grandiloquence est flagrante, pourtant notre imaginaire ne l’associe pas à un bâtiment érigé sous le totalitarisme. Ainsi, en connaissant le contexte politique et historique, l’imaginaire peut associer la grandiloquence du style classique à de l’architecture issue d’un régime totalitaire ou non. Référence à l’architecture vernaculaire : De plus, le régime nazi ne s’est pas seulement inspiré du style classique. En effet, l’architecture vernaculaire régionale est également une source d’inspiration pour le régime nazi : « En province, le 3e Reich s’inspire principalement du régionalisme, tendance apparue à la fin du 19e siècle, et puise ainsi dans les formes d’architectures vernaculaires en réinterprétant ces dernières de manière stéréotypée. »21 Référence au modernisme : L’architecture érigée sous le régime nazi prend également comme référence le modernisme, dans les premières années au pouvoir. Cela transparaît dans le Ministère de l’aviation du Reich, dessiné par E.Sagebiel, et achevé en 1936. « Le libre assemblage des volumes et la mise en valeur des grands pans de mur nu de la façade sont caractéristiques de l’architecture moderne. Ce n’est que par les décorations que l’empreinte du nouveau régime transparaît dans cet édifice22 ». Ce bâtiment atteste davantage de la doctrine émise par le mouvement moderne dont les adhérents prônent une expression rationnelle de l’architecture. Cette influence sera d’ailleurs poussée à l’extrême dans son projet de l’aéroport Tempelhof, que nous découvrirons ci-après. « En Allemagne, le pouvoir assume les contradictions de manière magistrale : les projets d’architecture oscillent entre un populisme médiocre et un langage fonctionnaliste. Et les bâtiments de l’aéroport de Tempelhof renforcent cette thèse. »23 21.  B.Herr et J.Moret : « THF » - mémoire LaCambreHorta-2012 22.  L. Lasson : « Albert Speer : Le plan de Berlin 1937 – 1943 » - AAM édition - Stockholm – 1978

– P28 23.  Y. Tsiomis : « Architecture totalitaire ou discours totalitaires sur l’architecture » issu de l’ouvrage : « L’architecture des régimes totalitaires face à la démocratisation » – Édition


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Pourtant, il est important de préciser que l’architecture moderne n’est pas tolérée en tant que telle sous le 3e Reich, en effet d’après l’ouvrage de L.O.Larson24 : En 1933, une purge des architectes fut lancée, et ce dès l’arrivée au pouvoir d’Hitler. Il ordonne alors la fermeture du Bauhaus25 et interdit aux défenseurs du fonctionnalisme, du mouvement moderne d’exercer leur profession. En 1935, Joseph Goebbels déclare : « J’ai trouvé dans le Bauhaus l’expression la plus parfaite d’un art dégénéré. » De nombreux architectes s’exilent aux États Unis. D’un côté, se trouve donc, les architectes défendant l’identité culturelle germanique (conservateur) qui adhèrent au national - socialisme 26 et d’autre part les architectes du mouvement moderne. Ainsi, « toute construction envisagée était une commande de l’état confiée à des professionnels formés par l’état, ne travaillant que pour l’état. Il en découle, incidemment, un autre corollaire : les formes adoptées par l’architecture était conditionnée par les postulats idéologique du moment »27 Hitler désigne en 1937 Albert Speer au poste d’inspecteur général de la construction sous le 3e Reich : « Le GBI28 fut doté de pouvoirs considérables. Il devait élaborer un plan d’ensemble pour Berlin et veiller à ce que « toutes les places, rues et édifices représentatifs soient conformes aux directives”. Il était directement subordonné à Hitler, et tous les fonctionnaires et employés de la ville devaient s’engager à l’assister inconditionnellement. Il avait le pouvoir sur toutes les constructions de Berlin. »29

l’Harmattan – Le Mesnil sur l’Estrées – 2008 – P34 24.  L. Lasson : « Albert Speer : Le plan de Berlin 1937 – 1943 » - AAM édition - Stockholm – 1978 – P28 25.  La pensée du Bauhaus se développe autour de l’engagement social, s’adaptant à une industrie axé sur la production de masse, le Bauhaus crée un style convenant à la grande masse, en allant du mobilier jusqu’à l’habitat : c’est le cœur du mouvement moderne. 26.  Plus couramment désigné en Français par : nazisme. 27.  F. Chaubin : « CCCP : Cosmic Communist Construction Photographed » – édition Taschen – 2011 - Paris 28.  General Bau Inspecteur : inspecteur général de la construction 29.  L.O.Larsson : « Albert Speer : Le plan de Berlin 1937 – 1943 » - AAM éditions - Stockholm – 1978 - P40

Ministère de l’aviation réalisé par E.Sagebiel (L.O. Larsson ; P73)


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Comme vu précédemment, dès son ascension au pouvoir, en 1933, Hitler présente ses idées pour la planification de Berlin. Or, quelques projets sont déjà en cours de construction30, telles que la voie ferrée nord-sud, l’aménagement d’une gare centrale au sud du Landwehrkanal. Par contre, certains des projets réalisés sous le nazisme résultent d’une planification antérieure à 1933. Il est donc difficile de déterminer le degré d’influence du Führer sur ces architectures. On y retrouve : l’extension de la Reischbank, le stade olympique pour les jeux de 1936, le ministère de l’air (1935) et l’aéroport Tempelhof de Sagebiel dont la construction débute en 1936. Ces projets s’inscrivent dans une volonté de recherche d’un vocabulaire à l’image du pouvoir. Ce sont les prémices de l’architecture érigée sous le nazisme, qui mèneront au monumentalisme exagéré d’A. Speer en 1937. De plus, certaines de ces architectures érigées dans les premières années du régime nazi oscillent entre une expression à la fois classique et moderne, comme mentionné précédemment les projets d’E.Sagebiel sont des exemples explicites. En effet, « Les édifices construits à Berlin après 1937 sont cependant bien marqués du sceau du GBI. Les procédés transmis par le fonctionnalisme, qui consistaient à créer des bâtiments aux volumes très distincts, aux murs lisses et rectangulaires (tels que le ministère de l’Air de Sagebiel, et les bâtiments de l’aéroport) tendent à diminuer après 1937 ; les édifices deviennent alors plus “homogènes” et offrent le plus souvent des façades symétriques, semblables à celles d’un palais. L’influence du GBI se traduit en l’occurrence par un retour au style de construction et aux méthodes de composition hérités du XIXe. »31 Sagebiel fait partie des rares architectes à avoir conquis le Führer par ses propositions qui mettent en relation ces deux courants architecturaux radicalement opposés. Ci-après la description de l’aéroport de Tempelhof, et la mise en évidence de cette dualité de style.

30. L.O.Larsson : « Albert Speer : Le plan de Berlin 1937 – 1943 » - AAM éditions – 1978 -P30 31.  Ibid. – P 32


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1.1.3 Tempelhof II : les prémices de l’architecture érigée sous le nazisme Le passé aéroportuaire de Tempelhof remonte au début du 20e siècle, mais dès 1930 les bâtiments présents sur le terrain32 ont atteint les limites de leurs capacités, en raison du volume croissant du nombre de passagers. L’aéroport (THF I) a donc désespérément besoin d’une mise à niveau. E.Sagebiel, connu pour la construction du ministère de l’aviation, est l’architecte retenu pour le projet de ce nouvel aéroport. Ce complexe doit répondre aux volontés du 3e Reich : (a) il doit être un aéroport international important, et donc servir à la nouvelle capitale comme aéroport civil, et notamment être une (b) porte d’entrée de la ville prestigieuse. Mais il doit également pouvoir (c) accueillir les salons aéronautiques annuels présentant les nouvelles forces aériennes du régime nazi. « Tempelhof est le premier projet qui exprime les conceptions d’Hitler sur l’avenir de Berlin, et qui permet également de saisir le contexte de la mission de Speer. »33 C’est en novembre 1935 qu’E.Sagebiel présente au Führer une première proposition pour l’aéroport de Tempelhof, et en mars 1936 Hitler donne son approbation pour la version finale du projet, dès lors la construction du complexe peut commencer34. Plan de Berlin : l’aéroport Tempelhof relié à la grande avenue par l’axe Columbanium. Au nord : le centre-ville. http://www.loc.gov/

Description du bâtiment. THF II Tempelhofer Feld se situe à 4 km au sud du centre-ville historique de Berlin, la proposition d’E.Sagebiel se situe au bord nord-ouest du terrain d’aviation. L’axe « Columbiadamm », situé au nord du complexe, reliant le quartier de Neukölln à la grande avenue, sera créé après 1938. 32.  Érigés en plusieurs étapes entre 1923 et 1929 33.  L.O.Larsson : « Albert Speer : Le plan de Berlin 1937 – 1943 » - AAM éditions – 1978 -P30 34. Le bâtiment d’E.Sagebiel s’impose donc au master plan conçu par A. Speer en 1938 pour

Berlin. En effet la construction de l’aéroport est antérieure au Speer Plan. Ainsi l’inspecteur général de la construction a dû modifier ses plans d’origines afin d’introduire le bâtiment d’E. Sagebiel dans la planification générale qu’il avait imaginé pour Berlin


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L’ensemble architectural réalisé par Sagebiel, est un assemblage de volume symétrique, dont on peut en distinguer trois parties : *un ensemble formant un quart de cercle délimite l’actuelle Platz der Luftbrücke au nord du site. *Un élément central rectangulaire fait office de lien physique entre l’avant (la ville) et l’arrière (terrain d’aviation) *un volume courbe d’une longueur de 1.2 km s’ouvre vers le tarmac en épousant la forme ovale du terrain aéronautique. Intégration dans le contexte urbain L’ensemble du complexe est aligné dans l’axe du monument érigé par K.F.Schinkel sur Kreuzberg, mont situé au nord-est. À l’origine cet axe devait être renforcé par une cascade d’eau coulant à flanc de colline, se déversant ainsi dans un bassin circulaire situé au centre de la place. Deux obélisques flanqués de part et d’autre de la dernière chute d’eau en marquent la limite. Le reste de cet aménagement serait bordé de quatre bâtiments courbes dont deux appartiennent au complexe de l’aéroport. Ces deux bâtiments s’écartent afin d’offrir une place carrée, bordée à gauche comme à droite d’une colonnade. En fond de perspective se dresse le bâtiment du hall d’entrée de l’aéroport, qui ferme la place. La mise en scène, ainsi que la hauteur de ce bâtiment, par rapport à l’ensemble du complexe, soulignent son importance. L’aérogare est accessible par le hall d’entrée qui s’ouvre sur le hall de départ situé 5 mètres plus bas. La salle de départ offrait une large vue de l’aérodrome aux passagers, mais également aux visiteurs. Depuis cette salle les passagers peuvent atteindre les

Les trois bâtiments du complexe aéroportuaire (L.O. Larsson) Projet initial complet de l’aéroport (L.O. Larsson)


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portes d’embarquements, situées dans le bâtiment formant un arc de cercle de 380 mètres de long. Deux pistes en herbes permettent aux avions de décoller, elles sont ceinturées par une voie de circulation en béton, une taxiway, où les avions en attentent de décollages peuvent stationner. De plus, le projet de Sagebiel devait répondre à la volonté de créer un lieu pouvant accueillir un public important, pour cela le toit de l’aéroport devait être rendu accessible au public, et devenir ainsi les tribunes spectatrices des démonstrations aériennes. Un bâtiment alliant modernité et monumentalité :

Place devant l’entrée de l’aéroport. http://www.thf-berlin.de

« En 1936 débuta la construction de Tempelhof, qui, dans son genre, constitue l’un des plus grands aéroports du monde. Ses bâtiments furent dessinés par Ernst Sagebiel. L’emplacement des fenêtres, les proportions des façades et des volumes leur confèrent une allure classique, sans qu’elles soient pour autant ornées de motifs antiques. »35 La caractéristique majeure concernant l’architecture de l’aéroport est l’ambivalence de ses emprunts à la fois de la modernité et de la monumentalité. On peut remarquer, que toutes façades faisant face à la ville sont revêtues de pierre calcaire, allant des cadres de

35.  L.O.Larsson : « Albert Speer : Le plan de Berlin 1937 – 1943 » - AAM éditions – 1978 -P30


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fenêtres, corniches, porches d’entrée, arcades, sculptures. Alors que le système portatif de l’ensemble architectural est en béton armé. Par contre lorsque l’on se situe sur les pistes d’atterrissage, c’est un arc de cercle en métal qui s’érige devant nous. Les 380 mètres du terminal sont recouverts d’un toit en porte à faux, une réelle prouesse technique. Cette ambivalence peut se retrouver également à l’intérieur du bâtiment où les ailes de bureaux sombres et fonctionnels jouxtent les espaces de transports monumentaux. Une architecture fonctionnelle remarquable : « Pour la première fois, un terminal d’aéroport aligne de nombreuses portes d’embarquement — vingt en tout — correspondant à des espaces de stationnement pour plusieurs avions en attente et permettant ainsi un grand nombre de passagers pour embarquer ou débarquer simultanément. »36 Le concept se caractérise par la séparation des flux de passagers et du transport de marchandises. Comme vu précédemment, les passagers arrivent dans la salle de départ, puis se dirigent vers les portes d’embarquement d’où ils descendent quelques marches et ainsi accèdent à la zone d’embarquement couverte37. Par contre, la manutention des bagages a lieu dans le niveau juste en dessous du hall de départ. Ce niveau est relié aux zones de fret connecté au système ferroviaire, par le croisement de deux voies ferrées sous l’aérogare, et au système routier par la Berliner Strasse (axe longeant Tempelhof à l’ouest) et l’avenue Columbiadamm. Ce système d’organisation verticale permet de relier en un point le trafic routier, ferroviaire et aérien, et ceci indépendamment du trafic du passager. C’est un concept innovant et remarquable pour l’époque. Un aéroport inachevé Mais en 1939, la Seconde Guerre mondiale éclate, l’aéroport de Sagebiel (THF II) est encore en construction. Il n’a pu être achevé conformément à la conception originale de l’architecte à cause des 36.  C.Heeb : « A multifaceted monument - the complex heritage of Tempelhof Central Airport » -

Brandenburg University of Technology - mémoire de master - 2007 37.  Par un système de porte à faux révolutionnaire pour l’époque


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pénuries de matériaux et de mains-d’œuvre causées par la guerre38. Il sera terminé en 1942. Par contre l’ancien aéroport (THF I) est fermé à l’aviation civile, il est utilisé uniquement comme aéroport militaire. Il en sera de même pour les quelques bâtiments terminés du complexe THF II qui seront utilisés à des fins militaires. En effet à partir de 1940 et jusqu’à 1944, ces bâtiments seront utilisés comme lieu d’assemblage et de contrôle de nouveaux avions de combat. Finalement Tempelhof II ne servira jamais comme aéroport sous le nazisme. Ernst Sagebiel a conçu un ensemble de bâtiments qui impressionne encore aujourd’hui, dû à son architecture, son articulation au contexte urbain, ses proportions, l’utilisation de différents styles et de matériaux, sa conception et ses techniques de construction. Il a, ainsi, respecté les exigences du gouvernement nazi pour construire le plus grand bâtiment du monde39. Il a utilisé des méthodes et styles architecturaux appropriés, disponibles à cette époque (modernisme), pour créer un bâtiment impressionnant. En outre, il a répondu à l’objectif de fournir un ensemble de bâtiments qui ne devait pas seulement servir d’aéroport, mais aussi comme lieu de démonstration du pouvoir pour conquérir la « masse ». De plus, à l’époque, le concept fonctionnel de Tempelhof est à la pointe de la technologie des aéroports en Europe, si ce n’est dans le monde entier. L’ensemble du système de construction fut décrit en détail et publié dans les principales revues professionnelles allemandes d’ingénierie architecturale. On peut donc, dire que le concept fonctionnel et les techniques de construction furent une réelle innovation dans les années 1930. Tempelhof, une architecture issue d’un régime totalitaire ? Mais, il paraît important de nuancer le propos. Malgré le fait que Tempelhof soit la première réalisation exprimant les conceptions d’Hitler sur l’avenir de Berlin, il paraît important de souligner l’ambivalence des styles classique et moderniste. Cela s’explique par la date de la réalisation du complexe, en effet entre 1933 et 1937, on assiste à une recherche d’une « architecture nazie », et également 38.  Les travaux de construction sont ralentis, mais continuent, ceci grâce au camp de travail

situé près du terrain d’aviation. 39.  La volonté d’Hitler était de construire le plus grand bâtiment du monde pour Germania.


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par la singularité de son architecte. Tempelhof est un complexe qui représente les prémices de l’architecture qui sera érigée après 1937, où l’Inspecteur General de la construction, représenté par Albert Speer, aura un tournant radical dans la manière de penser l’architecture. De plus, le complexe n’a pu être terminé sous le régime nazi, les bâtiments THF I servaient toujours comme aéroport, tandis que les locaux de THF II étaient utilisés par une autre fonction. Ainsi, aucun vol civil ni militaire, ni de démonstrations aéronautiques n’ont pu être orchestré à partir du nouvel aéroport THF II.


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1.2 Au lendemain de la chute du régime nazi : de 1945 à 1948. Lors des conférences de Potsdam et Yalta, les grands vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale se sont réunis. Les Alliés ont divisé l’Allemagne en quatre zones d’occupation militaire — France dans le sud-ouest, la Grande-Bretagne dans le nord-ouest, États-Unis dans le sud, et l’Union soviétique à l’est. L’objectif est d’anéantir le militarisme et le nazisme allemands et de faire en sorte que l’Allemagne ne puisse plus jamais troubler la paix mondiale. L’ancienne capitale de l’Allemagne, Berlin, est située dans la zone soviétique, elle a été également divisée de manière uniforme en quatre zones d’occupation militaires. Berlin est une ville dévastée, on peut noter une chute importante de la population au lendemain de la guerre et plus de la moitié des habitations sont détruites. La première mesure est donc de déblayer les gravats, ensuite de reconstruire la ville, en suivant les planifications élaborées avant en 1920, le plan Speer est bien entendu abandonné. La priorité est donnée aux logements par des réhabilitations et des reconstructions. Face, aux bâtiments érigés sous le nazisme, la dénazification est en marche : tout signe de l’ancien régime est retiré, tels que les croix gammées et les aigles. Différentes stratégies émergent face à ces architectures au statut ambigu : (a) la réutilisation des édifices qui n’avaient aucune vocation politique, comme le Parc olympique utilisé pour les jeux de 1936 (b) l’abandon, il paraît inconcevable de réutiliser les architectures qui ont eu une fonction institutionnelle, ceci s’inscrit dans un but d’éloignement de la centralisation des pouvoirs (c) la démolition, comme la chancellerie du IIIe Reich. (d) l’acceptation par nécessité : comme l’aéroport Tempelhof II. Il faut souligner que les bâtiments de l’ancien aéroport THF I ont été presque détruits dans leur totalité pendant la guerre. Par contre le nouveau complexe de Sagebiel a subi peu de dommages majeurs, en effet il fut épargné des bombardements des alliés, ceci s’explique par sa fonction aéroportuaire qui se révèlera comme un atout dans l’avenir. La réappropriation de l’aéroport se fait donc directement au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, dans un premier temps par les soldats russes. Ils l’ont occupé dès la fin du mois d’avril 1945, mais le 4 juillet il est remis à l’US Air Force suite à la Conférence de Yalta,


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Mur de Berlin

SECTEUR FRANÇAIS ZONE SOVIÉTIQUE SECTEUR BRITANNIQUE

SECTEUR AMÉRICAIN

REALISE PAR UN PRODUIT AUTODESK A BUT EDUCATIF Berlin sous l’occupation des alliés

REALISE PAR UN PRODUIT AUTODESK A BUT EDUCATIF

REALISE PAR UN PRODUIT AUTODESK A BUT EDUCATIF

Tempelhof se situe à l’ouest de Berlin donc dans le secteur américain de Berlin. Sous l’occupation américaine, il devient alors TCA, Tempelhof Central Airport et 60 % du complexe est utilisés. Quelques aménagements, modifications sont effectués afin de rendre possible son occupation par les Américains, tels que la réparation des quelques dommages causés par la guerre, ceci en réquisitionnant une main-d’œuvre allemande civile. Ils terminent, ainsi, la construction de quelques bâtiments et rendent les pistes d’atterrissage praticables40. Ceci permet l’exploitation de l’aéroport. C’est d’ailleurs, à partir du 1er septembre 1945, que le bâtiment d’E.Sagebiel sera utilisé pour la première fois en tant qu’aéroport, sa fonction d’origine. Dans un premier temps, comme un aéroport militaire, puis dès le 18 mai 1946 l’Overseas American Airlines propose un vol hebdomadaire à REALISE PAR UN PRODUIT AUTODESK A BUT EDUCATIF destination de Francfort, c’est le début du trafic civil.

40.  Jusqu’à la fin de la guerre l’aéroport de Tempelhof avait des pistes d’atterrissage en pelouse,

l’US Air Force a, alors, construit des bandes de roulement provisoire avec des planches d’aciers percés afin de permettre aux avions plus lourds d’atterrir, plus tard elles seront recouvertes d’asphalte.


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1.3 De 1948 à 1989 : La guerre froide Dès le début de l’année 1947, la situation politique en Allemagne, et surtout à Berlin, commence à devenir de plus en plus difficile. En effet, les quatre puissances mondiales, dont les 3 alliés occidentaux d’un côté et de l’Union soviétique de l’autre, ont des opinions diamétralement opposées sur le développement futur de l’Allemagne. La première grande étape vers la guerre froide est la proclamation de Berlin Est comme la capitale de l’Allemagne sous l’occupation soviétique malgré les accords convenus. En réponse à cela, les alliés occidentaux ont, alors, créé une bizone, c’est-à-dire une fusion de leurs zones d’occupation, ceci dans l’optique d’une réforme monétaire, et de la formation d’un État ouest-allemand indépendant : la République fédérale allemande RFA. Les Soviétiques prennent cela comme une violation de l’Accord de Potsdam. Ainsi le 24 juin 1948, jour où la nouvelle monnaie ouest-allemande, le DMark, a été distribuée à Berlin-Ouest, les Soviétiques ont bloqué tout accès terrestre et fluvial à Berlin-Ouest pour les 3 secteurs occidentaux. De plus ils ont stoppé l’approvisionnement en électricité. Ce blocus a duré jusqu’au 11 mai 1949. Par la suite la RDA, la République démocratique d’Allemagne sera créée par les Soviétiques. Le point culminant de cette guerre froide sera l’érection du mur de Berlin en 1961, qui approfondit la discorde entre ces diverses idéologies. 1.3.1 Le pont aérien de Berlin et les impacts sur Tempelhof41 Le 25 juin 1948, le commandant de la zone américaine d’occupation en Allemagne, le général Lucius D. Clay, en accord avec les alliés britanniques et français, a donné l’ordre de démarrer le pont aérien avec des avions militaires et civils. L’opération a débuté le 26 juin 1948 et a duré jusqu’au 30 septembre 1949. L’objectif était de soutenir les 2,1 millions d’habitants de Berlin-Ouest et les forces occidentales sur le territoire allemand. Les aéroports berlinois impliqués dans le pont aérien sont les aéroports Gatow et Havel dans le secteur britannique, l’aéroport de Tempelhof dans le secteur américain, et l’aéroport 41.  R. Miller : “To Save a City : The Berlin Airlift, 1948 – 1949” - US Government Printing Office –

2000 cité dans C.Heeb : « A multifaceted monument - the complex heritage of Tempelhof Central Airport » - Brandenburg University of Technology - mémoire de master - 2007


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de Tegel réalisé en 49 jours dans le secteur français. Tempelhof joue un rôle particulièrement important, dû à sa situation en centre-ville et sa connexion au réseau routier et ferroviaire. Il devient, alors le théâtre du pont aérien. Ainsi, grâce à l’aménagement de pistes d’atterrissages en asphalte, Tempelhof accueille l’atterrissage de 277 569 vols, les avions décollaient et atterrissaient jusqu’à toutes les 90 secondes42. L’ensemble de l’opération du pont aérien est un chef-d’œuvre de la logistique et des compétences opérationnelles. Moins connu que l’importation de fournitures lors du blocus aérien, mais pourtant, c’est quelques milliers de personnes qui se sont échappés de Berlin par les avions de ravitaillement vides. En guise d’exemple, en une semaine, 5536 personnes provenant principalement de l’est de la ville ont quitté Berlin en passant par l’aéroport de Tempelhof. Le pont aérien rapprocha définitivement les Berlinois de l’ouest de leurs troupes d’occupation, dorénavant protectrices43. De plus, dû à sa situation en centre-ville, l’aéroport Tempelhof devient le théâtre du pont aérien, où les spectateurs, les habitants de Berlin-Ouest, viennent admirer l’aller-retour incessant des avions. L’aéroport et son lourd passé hérité du régime nazi, dont son architecture témoigne encore de cette époque, devient le symbole de liberté de Berlin !

1.3.2 Après le pont aérien : le développement de Tempelhof pendant la guerre froide Dès juillet 1950, Tempelhof ouvre de nouveau ses portes pour le trafic aérien civil, et les sociétés aéroportuaires française, 42.  R. Miller : “To Save a City : The Berlin Airlift, 1948 – 1949” - US Government Printing Office –

2000 cité dans C.Heeb : « A multifaceted monument - the complex heritage of Tempelhof Central Airport » - Brandenburg University of Technology - mémoire de master - 2007 43. Une petite anecdote : Le pilote américain Gail Halvorsen jetait depuis son cockpit des sucreries attachées à des mouchoirs, ressemblant ainsi à de petits parachutes. Les enfants berlinois se les arrachaient. Les avions cargos alliés furent dès lors surnommés « Rosinenbomber » (les bombardiers à bonbons) par la population.

Le pont aérien http://www.thf-berlin.de/


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américaine et anglaise y proposent des vols vers l’Europe. De 1951 à 1961, on assiste à une véritable augmentation du trafic civil. De ce fait, les États unis se voient obligés d’agrandir le service civil de l’aéroport, en restaurant et utilisant l’ensemble du bâtiment. Tempelhof devient une porte vers l’Europe pour les Berlinois, et surtout pour ceux en provenance de la partie soviétique. L’aspect symbolique de l’aéroport est de nouveau renforcé. Suite à cet exode croissant de ses habitants, la République démocratique allemande (RDA) érige un mur en plein Berlin la nuit du 12 août 1961. Ce mur, qui sépare physiquement la ville pendant plus de 28 ans, est une composante de la frontière intérieure allemande mise en place par les Soviétiques, appelée le rideau de fer. La partie est de la ville ne peut plus donc accéder à Tempelhof, les conséquences sont immédiates pour l’aéroport, son trafic baisse fortement. Pour cela le gouvernement RFA offre une subvention à l’aéroport, et permet des vols à prix réduit. Le trafic augmente à nouveau, pour atteindre un pic de 6 121 406 voyageurs en 197144 (qui ne sera jamais battu). De nouveau, dû à sa situation en centreville, l’aéroport Tempelhof devient un moyen pour les Allemands de l’ouest de s’échapper le temps d’un weekend, de cette île encerclée par l’ennemi, pour rejoindre l’Allemagne de l’Ouest par exemple. Puis, à partir de 1972 Tempelhof connaît une succession de fermeture à l’aviation civile. En effet, la première raison est l’ouverture de l’aéroport Tegel à l’aviation civile, la base militaire française à Berlin-Ouest. Les pistes d’atterrissage de Tempelhof sont trop courtes pour les nouveaux avions sur le marché, et la situation de l’aéroport en centre-ville ne permet pas leur agrandissement. Tegel ouvre donc ses portes en 1974, et c’est ainsi qu’une partie des compagnies aériennes basées à THF déplacera ses vols au profit du nouvel aéroport. La deuxième raison est la signature des accords d’Helsinki45 par, entre autres, les USA, URSS, la France et l’Angleterre. Ces accords 44.  R. Miller : “To Save a City : The Berlin Airlift, 1948 – 1949” - US Government Printing Office –

2000 cité dans C.Heeb : « A multifaceted monument - the complex heritage of Tempelhof Central Airport » - Brandenburg University of Technology - mémoire de master - 2007 45.  Ces accords sont signés le 1er août 1975 à Helsinki en Finlande, par 35 états. Ce texte est une tentative d’amélioration des relations entre blocs communiste et l’Occident, par une conférence sur la sécurité et la coopération en Europe.


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permettent la coopération entre les États, la libre circulation des personnes et le respect des droits de l’homme. Ainsi les conditions du transport terrestre, ferroviaire et routier, se simplifient et leurs coûts réduits attirent les Allemands, au détriment du trafic aérien. Les répercutions sur Tempelhof sont alors immédiate : il ferme ses portes au trafic civil, et devient à nouveau une base militaire jusqu’en 1984. C’est finalement en 1985 que les États unis rétablissent les vols civils dans l’enceinte de Tempelhof, dans un premier temps par des connexions régionales, et principalement vers le sud de l’Allemagne, et par la suite le trafic est élargi à d’autres villes européennes.


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1.4 La réunification : 1989 à 2014 Suite à la réunification officielle de l’Allemagne le 3 octobre 1990, l’occupation militaire de Berlin prend fin. Le traité de paix final — signé le 12 septembre 1990 par les quatre puissances de guerre et les deux gouvernements allemands — a rétabli la souveraineté de l’Allemagne, y compris sur son espace aérien. Cela relance la croissance du réseau aéroportuaire de Berlin, constitué de 3 aéroports : Tempelhof – Tegel – Schöneberg. Le nombre de passagers est passé de 151 000 en 1991 à un pic de 1,124 millions en 1993. Cette même année, les US Air Force a officiellement remis la partie militaire de l’aéroport Tempelhof aux autorités allemandes, Flughafen Berlin devient le propriétaire de l’ensemble du complexe. Tempelhof devient, alors, un aéroport régional ce qui permet d’alléger le trafic dans les deux autres aéroports, et le nombre de passagers chute à nouveau pour atteindre 635 000 en 2006.46 De plus, dû à la réunification, en 1996 né la volonté de créer un aéroport unique pour la ville de Berlin, l’aéroport BERLIN-SCHONEFELD. Cette chute du trafic est également liée au statut incertain de l’avenir de l’aéroport. En effet, les premières études pour la reconversion des pistes d’atterrissage, orchestré par la ville de Berlin47 apparaissent dès 1991. Il faut attendre 1994 pour que l’avenir de Tempelhof se concrétise. En effet les architectes Hentrich-Petschnigg et les paysagistes Seebauer et Wefers en collaboration avec la ville de Berlin proposent un concept visant la reconversion future du terrain d’aviation en parc urbain : « Von Flughafen zum Park der Luftbrücke ». Cette volonté s’intègre dans le programme formulé par le FNP 9448. Il fait part de la nécessité de subvenir de manière préventive aux besoins d’espace vert au sein de la ville en tenant compte de l’essor démographique prévu de la ville, en lien avec son nouveau statut de capitale de l’Allemagne réunifiée. Cette étude met également en évidence le bâtiment d’E.Sagebiel et les pistes d’atterrissage comme étant les seules entités à conserver. 46.  C.Heeb : « A multifaceted monument - the complex heritage of Tempelhof Central Airport » -

Brandenburg University of Technology - mémoire de master – 2007 – P44 47.  Berlin est ville- état le Département du Sénat pour le développement urbain. Explication du système de planification allemand dans la deuxième partie du mémoire. 48.  Équivalent au plan d’affectation du sol bruxellois.


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C’est ainsi qu’en 1995 THF est inscrit à la liste des monuments et sites de Berlin en tant qu’ensemble, par son articulation à la ville, le bâtiment, la transition vers les pistes de vol et une partie du tarmac. Puis, en 2004 la ville de Berlin exprime sa volonté de créer un pôle urbain. L’aéroport Tempelhof est, alors, identifié comme un pôle urbain à part entière et imaginé comme décor paysager pour la ville. Entre temps au début des années 2000, un débat né autour de la fermeture de l’aéroport, qui engendrera en 2004 un recours en justice des compagnies aériennes basées à Tempelhof. Un référendum de la « dernière chance » est organisé en juin 2008, pour sauver l’aéroport. Malgré l’opposition citoyenne, le taux de participation n’atteint pas les 25 %, ce qui engendre la fermeture de l’aéroport au mois d’octobre cette même année. Le plus étonnant est que les personnes habitant près du site ont voté davantage pour le maintien de l’activité, malgré les nuisances sonores qu’un aéroport peut engendrer en centre-ville.49 C’est alors que le 1er septembre 2009, la ville de Berlin devient le propriétaire de l’ancien complexe aéronautique, c’est ainsi qu’elle pourra mettre en exergue ces années d’étude pour la reconversion du lieu. Mais une protestation citoyenne née pour l’ouverture du parc urbain à la population, il semble important que le site reste public et ouvert à tous aux yeux de nombreuses personnes. En réaction à cela, la ville de Berlin exprime la volonté de mettre en place une approche originale pour le développement de ses principes directeurs, en proposant une planification urbaine axée sur l’usage du lieu. Ce qui résultera à l’installation de projets pionniers dans le nouveau parc urbain, qui ouvrira ses portes en 2010 à la population à l’occasion de la célébration des 65 ans de la chute du 3e Reich. En résulte un master plan publié par la ville de Berlin en 2013 pour la reconversion du terrain d’aviation. Mais en 2014, un deuxième référendum d’initiative populaire a lieu contre le projet de développement : dès la publication du master plan par les autorités en septembre 2013, une réaction se fait entendre. Une controverse50 née entre les Berlinois et la ville de Berlin à propos 49.  Première mobilisation citoyenne concernant l’aéroport et premier signe que l’aéroport est

devenu une partie intégrante de l’identité du quartier, les Berlinois se sont approprié ce lieu par l’histoire. 50.  Débat, contestation sur une question, polémique


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de la reconversion des pistes d’atterrissage. En septembre 2013 une pétition est lancée par une association citoyenne nommée 100 % Tempelhof. En janvier 2014, elle compte déjà 174 000 signatures, c’est un véritable succès. Ce qui engendrera l’organisation d’un référendum, application de la démocratie directe, il sera organisé le 25 mai 2014. Le résultat est sans appel : près de 65 % des Berlinois se sont prononcés contre le projet de réaménagement de l’aéroport abandonné de Tempelhof.

Cette partie retrace les diverses temporalités de l’aéroport de la période nazie jusqu’à la période contemporaine. À travers cellesci, on peut remarquer l’importante répercussion des événements historiques du 20e siècle sur Tempelhof qui se retrouve au cœur de l’histoire de Berlin, voire de l’histoire mondiale. Ces différentes appropriations ont laissé leur empreinte, leur trace sur le complexe aéronautique aussi bien physique que symbolique. Ces différentes segmentations lui confèrent un statut ambigu. Malgré l’érection du complexe sous le régime nazi, son rôle dans la guerre froide, et principalement l’événement du pont aérien, lui a conféré une image de liberté, et devient un élément de l’identité locale. On peut dire que Tempelhof est un bâtiment palimpseste51.

51.  Définition : Parchemin dont la première écriture, grattée ou lavée, a fait place à un nouveau

texte. (D’après le Larousse)




2/LA PÉRIODE CONTEMPORAINE Les grands projets de reconversion de l’aéroport

Depuis la réunification allemande, l’avenir de Tempelhof en tant qu’aéroport est incertain. En effet dès 1991, des études portant sur la reconversion du site voient le jour, jusqu’à la fermeture de l’aéroport en 2008. Comme vu précédemment un référendum d’initiative populaire est organisé le 25 mai 2014. En effet dès la publication du master plan par le sénat en septembre 2013, une réaction se fait entendre. Miseptembre une pétition est lancée par l’association 100 % Tempelhof contre le projet de construction. En janvier 2014, elle compte déjà 174 000 signatures, un véritable succès ! Le résultat du référendum est sans appel : près de 65 % des Berlinois se sont prononcés contre le projet de réaménagement de l’aéroport abandonné de Tempelhof. Cette partie a la vocation de retracer la naissance de cette controverse, de comprendre comment elle s’est déployée et d’identifier les acteurs prenant part à celle-ci. Tout d’abord, l’explication du système de planification allemand et l’implication citoyenne dans celui-ci permettront de mieux comprendre le processus de planification pour la reconversion de l’aéroport, et également la volonté des Berlinois à prendre part dans les grands projets. Ces outils permettront de comprendre le projet de reconversion mis en place par la ville de Berlin et l’implication citoyenne dans celui-ci. Les différentes étapes de ce grand projet autour des pistes d’atterrissage seront exposées dans une deuxième partie. La transparence du Sénat sur l’avancement des plans, les comptes rendus des réunions publiques, les résultats des concours d’architectures via le site internet de la ville de Berlin52 et des communiqués de presse, m’ont permis de disposer très facilement de tous les matériaux communiqués au grand public. De plus l’échange avec Hélène Bernard, en relation 52.  Http://www.thf-berlin.de, https://tempelhofer-feld.berlin.de et http://www.stadtentwicklung.

berlin.de. (consulté 07-2014)


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avec le sénat m’a permis d’éclaircir certain point, notamment le point de vue du sénat post référendum. Cette partie éclairera sur la volonté de la ville de faire de Tempelhof un pôle urbain à part entière. Dans un deuxième temps, cette base de données « officielle » est mise en relation avec les points de vue de divers acteurs, tels que les projets pionniers Allmend-Kontor, les architectes Raumlabor, l’association 100 % Tempelhof, la presse, à propos du projet de reconversion des pistes d’atterrissage. Les informations sont récoltées par des questionnaires (au collectif Raumlabor, les projets pionniers, le sénat), des articles de presse, et sur le site internet créé par l’association 100 % THF. En ressortira une réaction de la part de ces divers acteurs de faire de Tempelhof un lieu d’expérimentation au cœur de la ville avec la mise en place d’un usage pionnier comme prémices du système de développement du site. L’exposition des différents points de vue des différents acteurs à propos du processus de reconversion du site permet de comprendre l’histoire de la controverse et met en évidence comment la controverse s’est déployée. Malgré une volonté des acteurs de travailler ensemble, avec des enjeux communs, se cachent en réalité des intérêts différents. Par la suite, la controverse se polarise, certaines personnes engagées vont devenir un véritable contre-pouvoir grâce aux recours démocratiques propres à l’Allemagne, jusqu’à l’organisation du référendum d’initiative populaire. Ce schéma est représenté d’un côté par l’association 100 % Tempelhof et l’autre le sénat. Dans une dernière partie exposera les divers enjeux que soulève la reconversion de Tempelhof, ainsi que la position de chaque partie par rapport à ceux-ci.


Une ancienne piste, la tour de télévision dans le dos, à l’aérodrome de Tempelhof, Berlin le 20 mars 2014. © Krisztian Bocsi/ Bloomberg



Schwartz Plan © Sénat de Berlin


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2.1 Système de Planification de Berlin 2.1.1 Architecture du système de planification berlinois La subdivision de la République fédérale d’Allemagne s’organise en cinq échelles administratives53. L’Allemagne est en effet un état fédéral : Bund, constitué d’états : Länder, qui comprend en outre des régions Regionalverbände, des communautés de commune Kommunalverbände et des communes Gemeinde. Le législateur allemand prévoit, par rapport à l’aire du territoire à aménager, différentes échelles de planification. Par conséquent, les tâches et les échelles des outils de planification se différencient. Il existe un principe de hiérarchie et d’opposabilité : une planification à l’échelle inférieure ne doit pas contredire l’échelle supérieure : c’est le principe de l’animation réciproque54. C’est-à-dire que les différents niveaux de décision sont toujours en accord, l’étage inférieur discute avec l’étage supérieur, il y a une réelle articulation entre les diverses institutions. Est réfléchi à quelle échelle il est important de planifier et de détailler la planification mise en place Berlin est depuis le 3 octobre 1990 un état de la République fédérale d’Allemagne, et de fait une ville état. Les compétences de l’administration municipale et celles de l’état de Berlin coïncident sur le même territoire. L’initiative des lois revient, donc, au Parlement du Land de Berlin (Abgeordnetenhaus von Berlin), tandis que l’exécutif est exercé par le Sénat de Berlin. Les députés du Parlement du Land de Berlin élisent le bourgmestre gouverneur (Regierender Bürgermeister), maire de la commune et ministre-président de l’état (Land), ainsi que les huit sénateurs formant l’administration sénatoriale (Senatsverwaltung). La ville dispose de pouvoirs administratifs et législatifs étendus dans de nombreux domaines : l’éducation, les finances, la santé, l’intérieur, les affaires sociales, la justice, l’urbanisme et l’économie.55 Le land et, donc la ville de Berlin sont dirigée par un Regierender 53.  B.Birkholz sous la direction de L.Perrin : « Rapports entre forme et fond dans les documents

de planification à différents échelons territoriaux. Analyse comparative entre l’Allemagne et les Pays-Bas. » - Iaurif – 2014 – P 5 – URL : http://www.iau-idf.fr/fileadmin/Etudes/etude_144/ Rapport_entre_forme_et_fond_echelons_territoriaux_Bade_Wurttemberg___Pays-Bas.pdf (consulté le 11-14) 54.  Interview Hélène Bernard. 55.  http://www.berlin-en-ligne.com/berlin_en_bref/portrait/bezirke.html (consulté le 11-14)


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Bürgermeister – Maire Gouverneur – qui est à la fois Marie de la ville et ministre président du Land de Berlin. Actuellement la fonction est occupée par Klaus Wowereit. Le schéma ci-après est un panorama d’ensemble des niveaux de planification et de ses outils. Commentaires schéma : Ainsi à chaque échelle administrative correspond un outil de planification. On peut remarquer également la spécificité du système de planification allemand, les communes ont une compétence presque totale en matière de planification, ce qui réduit d’autant les pouvoirs de tous les niveaux supérieurs d’administration et de gestion. Les relations entre les plans établis par les niveaux supérieurs et ceux qu’établissent les communes sont régies par le principe d’animation réciproque. Une autre caractéristique importante est le besoin de « recalibrer « les objectifs de développement en fonction des contraintes qu’ils impliquent visà-vis d’intérêts publics ou privés, et en fonction des lignes directrices fixées par les niveaux supérieurs de planification.


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Ainsi à chaque échelle administrative correspond un outil de planification. On peut remarquer également la spécificité du système de planification allemand, les communes ont une compétence presque totale en matière de planification, ce qui réduit d’autant les pouvoirs de tous les niveaux supérieurs d’administration et de gestion. Les relations entre les plans établis par les niveaux supérieurs et ceux qu’établissent les communes sont régies le principe d’animation réciproque. Une autre caractéristique importante est le besoin de « recalibrer « les objectifs de développement en fonction des contraintes qu’ils impliquent vis-à-vis d’intérêts publics ou privés, et en fonction des lignes directrices fixées par les niveaux supérieurs de planification.

C À R T O G R A P H I E

État fédéral d’Allemagne - Bund P L A N D E D E V E L O P P E M E N T

constitué de 16 états - Länder -

Raumplanung des Bundes : Aménagement du territoire permettant d’assurer protection, entretien et développement des principes d’environnement, d’encourager l’épanouissement individuel de chaque région en leur proposant les mêmes conditions de vie. L’état fédéral n’est doté que d’un cadre de compétences d’aménagement.


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Steglitz-Zehlendorf

Friedrichshain Kreuzberg

Tempelhof Schöneberg

Marzahn Hellersdorf

Treptow-Köpenick Neukölln

Berlin, ville état constituée de 16

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LEPeV - LandesEntwicklungsPlan für den engeren Verflechtungsraum (zone étroite indépendante) : Plans partiels qui différencient les zones à bâtir des espaces libres.

Charlottenburg Wilmersdorf

arrondissements

BEP - BereichsEntwicklungsPlan : Plan déterminant l’utilisation du bâti d’îlot en îlot et illustrant les voiries, les espaces verts ainsi que les infrastructures communales. Friedrichshain Kreuzberg

Tempelhof Schöneberg

Neukölln

Spandau

Lichtenberg

Mitte

Friedrichshain Kreuzberg

Charlottenburg Wilmersdorf

Steglitz-Zehlendorf

Tempelhof Schöneberg

Les16 arrondissements sont subdivisés en 95

Marzahn Hellersdorf

Treptow-Köpenick Neukölln

quartiers.

Städtebauliche - Rahmenplanung : plan d’urbanisme illustrant l’implantation, la hauteur et l’alignement du bâti ainsi que l’orientation des bâtiments existants et planifiés, l’utilisation des surfaces publiques et privées ainsi que les parkings et les chemins.

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FNP : FlächenNutzungsPlan : Plan déterminant l’utilisation ou l’affectation des sols selon les besoins futurs des différentes communes. BBP - BeBauungsPlan : Plan déterminant l’utilisation du bâti, sa densité, les hauteurs maximales ainsi que les alignements par rapport à la rue (recul nécessaire) StEP - Sektorale EntwicklungsPlan : développement spatial de la ville reconverti en mesures pour le secteur du logement, le secteur industriel, la zone de services, le transport, le service communal, le traitement des déchets, les espaces libres.

Mitte

Spandau

Pankow

Reinickendorf

LaPro - LandschaftsProgramm : Programme créé en 1994 déterminant les mesures et impératifs pour la réalisation des principes et objectifs de la protection de l’environnement et l’entretien du paysage. Landschaftsplan & Grünordnungsplan : Landschaftsplan complète le FNP, Grünordnungsplan complète le BBP; plan illustrant le programme paysager décrit ci-dessus, tout particulièrement les biotopes et autres zones vertes ou objets à protéger.

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LEPro - LandesEntwicklungsProgramm : Structure spatiale définissant les infrastructures maîtresses, les zones à bâtir, les zones protégées, les centres de développement ainsi que certaines zones d’extraction.

Lichtenberg

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Berlin : une ville état

Planification commune : Zone étroite/zone élargie

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Land de Berlin et de Brandenburg

Pankow

Reinickendorf

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Les outils : Concept pour le développement urbain de Berlin : StEK Les plans de développements explicités dans la page précédente sont les résultats des concepts de planification formulés auparavant par la ville de Berlin, plus particulièrement, comme vus précédemment par la Senatsverwaltung für Stadtentwicklung (Département du Sénat pour le développement urbain). Le concept pour le développement urbain se nomme Le StEK (StadtEntwicklungskonzept Berlin). Le sénat détermine les stratégies de développement à adopter dans un champ d’application particulier. Jusqu’à aujourd’hui, la ville se basait sur le StEK 2020 présenté en novembre 2004 en tant que processus de développement. L’idée de la ville de la jeunesse, ville sociale, le tourisme, la culture, les infrastructures, le transport, les espaces publics sont les thèmes proposés par le StEK 2020. Ces thèmes se retrouvent dans différentes zones d’application définies, regroupées sous le nom de Planwerke (plan de travail). Il s’agit de plans informels qui complètent les plans particuliers de développement décrit dans le tableau cijoint. Ces plans dépassent les limites des arrondissements, et les limites administratives de la ville pour plus de cohérence spatiale et structurelle. 4 planwerkes dont le Planwerk Innere Stadt (secteur ville

Exemple plan de stratégies de développement. © Sénat de Berlin


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intérieure) formule des stratégies de développement pour le centre de Berlin (à l’intérieur du S-Bahn ring) L’aéroport Tempelhof en fait ainsi parti. IBA – Internationale BauAustellung comme outil de planification Nous venons d’exposer le système de planification allemand et les divers outils permettant l’application de celui-ci. Un autre outil semble important dans la réalisation des grands projets allemands : IBA – Internationale BauAustellung : « Les IBA allemande s’intéressent à un vaste territoire et s’attachent à lui apporter une valorisation durable par le biais de projets qui contribuent à toutes les dimensions – sociale, économique et environnementales – du développement. »56 L’IBA est un concept fédérateur autour d’une stratégie qui se concrétise par la réalisation dans un temps limité, de projets concrets, innovants et durables. Les acteurs de cette IBA sont le Land, les collectivités locales et des représentants de la société civile. Ensemble, ils construisent la stratégie à adopter et sélectionnent les projets qui seront concernés par l’IBA. Pour cela une structure légère, flexible est mise en place afin de faciliter les projets qui sont portés par leurs maîtres d’ouvrage légitime, qui peuvent être : communes, groupements de communes, investisseurs privés ou associations locales. La force de l’IBA réside également dans son principe de subsidiarité, ce qui permet à chaque acteur d’y jouer son rôle et d’y trouver son intérêt. Le principe de pilotage d’une IBA est une mise en synergie des initiatives locales au bénéfice d’une stratégie métropolitaine. L’IBA fonctionne sur une stratégie de projet et non pas par une planification traditionnelle hiérarchisée et sectorielle. « L’IBA est mise en place lorsque ce présente un défi qu’on ne sait pas résoudre par les outils de planification disponible. L’IBA peut donc être déterminée comme un outil de planification. Mise en place d’une équipe pluridisciplinaire pour définir des lignes directrices, des principes directeurs, qui seront pris en compte tout au long de la rénovation. Ces principes permettent de travailler de manière transversale, c’est-à-dire sans les systèmes hiérarchiques. Ces principes-là furent réengrangés 56.  P.Lecroat, JP.Palisse, Y.Berltrando : « Initier des projets métropolitains : l’IBA, une pratique

féconde. » – Institut d’Aménagement et d’Urbanisme – n° 479 – juin 2009 – URL : http://www. iau-idf.fr/fileadmin/Etudes/etude_603/NR_478_web.pdf (consulté le 11- 2014)


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dans le code de l’urbanisme national. »57 IBA 202058 s’inspire des stratégies de développement existantes et les complète en proposant des solutions et des réalisations concrètes. Ses champs d’applications se situent à l’intérieur du S-Bahn ring et coïncident fortement avec le Planwerk Innere Stadt. Plusieurs pôles de développement sont identifiés dans cette zone, et feront partie des zones d’étude de l’IBA 2020 : le centre historique, la city west, le nord de la gare Centrale, schöneberg-Südkreuz, secteur Obere Stadtspree, et le site de l’aéroport Tempelhof est également identifié en tant que pôle urbain à part entière et imaginer comme décor paysager pour la ville. Il fut retenu, entre autres, comme lieu d’exposition telle que l’IGA Internationale GartenAustellung (exposition internationale d’horticulture) prévue en 2017.

2.1.2Mobilisation et participation citoyenne dans les grands projets à Berlin Le référendum de 2014 montre une réelle mobilisation de la population contre la modification des pistes d’atterrissage de Tempelhof. Dans un premier temps, il paraît important de retracer l’implication de la population dans la fabrique de la ville au cours de l’histoire, ce qui exposera les outils qui permettent aux habitants de prendre part à la planification de la ville. « La ville de Berlin dispose d’une expérience déjà ancienne d’implication des habitants dans les politiques urbaines : les mouvements urbains, et plus particulièrement le mouvement de squats des années 1980, ont débouché sur la formulation de 12 principes qui ont fait de la participation l’une des conditions essentielles de la “rénovation douce”, c’est-à-dire d’une rénovation qui ne déstructure pas les sociétés locales et les tissus urbains. » 59 Dans la capitale allemande, la participation est prônée de longue 57.  Hélène Bernard interviewée dans la vidéo de l’association doléance : « Doléances

Berlinoises – Initiatives citoyennes innovantes à Berlin » - 2014 – URL : http://www.participationet-democratie.fr/fr/node/1657 (consulté de 12-2014) 58.  http://www.stadtentwicklung.berlin.de/staedtebau/baukultur/iba/en/peripherie.shtml (consulté le 11-2014) 59.  C.Cuny : « Changement urbain et démocratie participative à Berlin – Ethnographie du grand ensemble de Marzahn » - Éditions de la maison des sciences de l’homme – 2014 - P191


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date comme alternative à la restructuration lourde des quartiers. Dans les années 1970, Berlin est encore marqué par les dommages de la guerre, notamment dans sa structure urbaine, et dans la dégradation des constructions anciennes. La solution urbaine qui a été adoptée pour pallier à ce problème fut la « kahlschlagsanierung » que l’on peut traduire par l’assainissement à coup de rasoir. Le renouvellement urbain s’est traduit par la démolition des bâtiments vétustes et la construction de nouveaux quartiers. Ceci a entraîné la destruction de logements, mais également des structures sociales existantes, ceci a engendré de grandes protestations, les habitants ont eu peur de l’anonymat et de la perte des liens socioculturels. Ces protestations se sont traduites par des manifestations, des squats… Face à cela, les objectifs urbanistiques ont été redéfinis, et ceci en concertation étroite avec les habitants. C’est ainsi qu’au début des années 1980, le parlement berlinois a adopté les principes de la « behutsame stadterneuerung » que l’on peut traduire par la rénovation en douceur. Qui consiste à un renouvellement urbain, mis en œuvre avec les habitants, visant à sauvegarder le tissu urbain. Un organisme public est alors chargé d’organiser une « exposition internationale d’architecture » (Internationale Bauausstellung ou IBA) sur le thème de la préservation des quartiers. Celui-ci se transforme plus tard en une entreprise privée appelée « Stern » (Gesellschaft der behutsamen Stadterneuerung) chargée d’appliquer les principes de rénovation en douceur. Les pratiques développées dans l’IBA par Stern sont significatives de la culture participative berlinoise. Celleci défend le « démêlage » (Bernard 2004, p. 180), c’est-à-dire la concertation en amont du projet. Il s’agit de reconnaître et de régler les conflits avant de lancer la procédure. Dans les années 2000, avec la mise en place du programme « Ville sociale » (Soziale Stadt), équivalent de la politique de la ville en France, des expérimentations comme les jurys citoyens berlinois et leurs tirages au sort sont également testées. La participation s’institutionnalise au niveau législatif : dans les zones de réhabilitation, le Code de l’urbanisme allemand prévoit la création de comités de quartier réunissant les personnes concernées par la réhabilitation, c’est-à-dire les locataires et les propriétaires, mais aussi les industriels, commerçants et employés du quartier. Ces principes de « rénovation en douceur » et de participation sont réaffirmés lors des profondes mutations de la ville qui suivent la réunification.


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L’ouverture à l’Est et le déménagement du gouvernement de Bonn à Berlin entraînent de rapides et lourdes transformations dans la nouvelle capitale. Ainsi, la ville de Berlin a érigé la concertation locale comme un axe fort de développement à long terme. La loi sur l’administration des quartiers de Berlin votée en 2005 a renforcé les droits et devoirs des citoyens dans les domaines de la participation et de la concertation, obligation d’informations de la population sur les plans, sur les avant-projets, obligation d’informations sur la situation financière du quartier... « Le premier niveau de la participation du public dans le système de planification allemand est la diffusion de l’information sur les intentions d’une planification. L’information renseigne sur les objectifs globaux et les objectifs de la planification, des alternatives possibles, et l’impact probable de la planification. Puis, les plans sont exposés au public, ainsi les citoyens ont l’occasion de discuter avec des représentants de l’administration des intentions de la planification. Sous forme de débat ou de réunions. Cela est annoncé dans la presse quotidienne, ou sur le site internet de la ville de Berlin. » 60 Le schéma ci-joint résume les différents niveaux de la participation citoyenne.

60.  http://www.stadtentwicklung.berlin.de/planen/b-planverfahren/de/fruehbb/index.shtml


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L’échelle de la participation

Pouvoir effectif des citoyens

Contrôle citoyen : une communauté locale gère de manière autonome un équipement ou un quartier. Délégation de pouvoir : le pouvoir central délègue à la communauté locale le pouvoir de décider un programme et de le réaliser. Partenariat : la prise de décision se fait au travers d’une négociation entre les pouvoirs publics et les citoyens.

Coopération

symbolique

Conciliation : quelques habitants sont admis dans les organes de décision et peuvent avoir une influence sur la réalisation des projets. Consultation : des enquêtes ou des réunions publiques permettent aux habitants d’exprimer leur opinions sur les changements prévus. Information : les citoyens reçoivent une vraie information sur les projets en cours, mais ne peuvent donner leur avis.

participation

Thérapie : traitement annexe des problèmes rencontrés par les habitants, sans aborder les vrais enjeux. Manipulation : Information biaisée utilisée pour « éduquer » les citoyens en leur donnant l’illusion qu’ils sont impliqués dans le processus.

Non

-

d’après S.Arnstein : « A Ladder of Citizen Participation » - Journal of the american Planning association - vol 35n° 4- 1969-P216-224


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2.2 Le projet proposé par la ville de Berlin : Comme vu précédemment, le gouvernement de l’État de Berlin est représenté dans toutes les questions relatives à l’ancien aéroport par le ministère Sénat de Berlin pour le développement urbain. 2.2.1 Le processus du projet de requalification En 1991, le Département du Sénat pour le développement urbain demande une étude de probabilité : un projet de densification pour Tempelhof voit le jour. D.Hoffman-Axthelm et B.Strecker, les chargés d’étude mettent en avant la présence d’une zone de loisir située au nord du complexe, ainsi la volonté d’étendre ces terrains de sport sur Tempelhof s’impose ceci induira alors à restreindre la densité prévue sur le site. En 1994, les architectes Hentrich-Petschnigg en collaboration avec les paysagistes Seebauer et Wefers présentent un premier rapport attirant sur la forme de l’aéroport lui-même. Ils préconisent ainsi la conservation du bâtiment d’E.Sagebiel et les pistes d’atterrissage comme seules entités présentent sur le site. Ils proposent de créer un parc central de 170 ha. De plus, toute utilisation ultérieure doit prendre en compte l’importance du microclimat que génère l’espace ouvert pour les districts voisins : Friedrichshain-Kreuzberg, Neukölln et Tempelhof-Schöneberg. C’est ainsi qu’en 1995, le bâtiment d’E. Sagebiel est inscrit à la liste des monuments et sites de Berlin en tant qu’ensemble : par son articulation à la ville, son bâtiment, la transition vers les pistes de vol et une partie du tarmac. Malgré cela, les experts ont convenu que la représentation symbolique du pouvoir et de l’autorité des bâtiments de l’aéroport devaient être « brisées ». Puis, en 1999, un premier master plan, proposé par les paysagistes D.Kienast et G. Vogt et l’architecte B.Albers, a enfin abouti et a contribué à donner les objectifs de la planification qui sont devenus la base du futur plan directeur. L’ancienne utilisation du complexe comme un aéroport resterait inscrite sur le site, ainsi un « boulevard de l’anneau », sur l’ancien « taxiway », délimiterait un vaste espace ouvert au centre. L’anneau servirait également au développement de nouveaux espaces au bord du site, en relation avec l’espace libre


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au centre et les quartiers adjacents. Les anciens bâtiments de l’aéroport, classés monuments historiques, seront réhabilités pour accueillir des activités de loisirs, une zone développement technologique et un pôle culturel. Ceci est renforcé en 2004, par le lancement du StEK 202061, à travers celui-ci le sénat détermine les stratégies de développement à adopter dans un champ d’application particulier. Ainsi dans le planwerk innere stadt différents thèmes sont abordés, dont le complexe de l’aéroport, d’une part ces pistes d’atterrissage ainsi que son bâtiment d’E.Sagebiel. « Le thème de Tempelhofer Freiheit sur le site de l’aéroport Tempelhof est également identifié en tant que pôle urbain à part entière et imaginé comme décor paysager pour la ville. » Puis, en 2007, un an avant la fermeture de l’aéroport, des séminaires ouverts à la population sont organisés par le Sénat de Berlin sous le nom de Tempelhofer Freiheit. Ainsi, les Berlinois ont pu exprimer leurs opinions quant à la future appropriation des terrains d’aviation de Tempelhof sur base du master plan de 1999, et de discuter à propos du processus de développement de la zone de l’aéroport. Grâce à de nombreuses discussions et d’entretiens avec des experts, notamment par un dialogue en ligne et une série d’événements publics, tels que des excursions en bus, des expositions et des conférences, de nombreuses idées ont pu être recueillies, discutées et concrétisées. Deux phases peuvent être identifiées : 1re phase entre mai et juillet 2007, une question est posée : comment Berlin devrait-elle gérer la fermeture prévue de l’aéroport ? 62 Sera retenu l’idée d’un processus visant à stimuler le potentiel créatif de la ville, et à intégrer l’usage pionnier dans le développement de Tempelhof. Le sénat commande au collectif d’architecte Raumlabor une réflexion sur ces projets pionniers (explication ci-après) 2e phase entre octobre et novembre 2007, une deuxième question est soulevée : quel rôle les terrains d’aviation prennent-ils au cœur de la ville ? Sur base du plan directeur Kienast /Voigt et Albers établi en 61.  Concept de développement urbain. 62.  36.000 personnes ont consulté les propositions exposées dans l’aéroport encore en activité

et 1400 utilisateurs ont donné leurs opinions via le formulaire mis en ligne.

Table ronde autour de Tempelhof © Raumlabor


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1999, 32 000 visiteurs et 1000 internautes inscrits ont participé à ce débat, générant environ 900 idées. Dont la création d’un espace vert au milieu des environs densément construits arrive en tête de liste. En second lieu, la prolongation de l’activité aéroportuaire de Tempelhof (l’aéroport de Tempelhof est à ce moment encore en activité) Puis, des activités sportives, de loisirs et l’éducation étaient les autres modes de réutilisation proposées. Ainsi, de ce bassin important d’idées, 4 thèmes se distinguent, qui demeurent des éléments du plan aujourd’hui : Tempelhof comme espace vert, sports et exercices, industries créatives et logement. Ainsi, cette phase de consultation de la population a permis de (a) confirmer le concept du master plan de 1999 et ainsi de lancer ainsi le processus de modification du plan d’occupation des sols. (FNP), mais, également (b) d’intégrer activement l’usage pionniers dans le développement de Tempelhof. En juin 2009, suite à la fermeture de l’aéroport, la ville de Berlin devient le propriétaire de l’ancien complexe aéronautique. La société Tempelhof Projekt est fondée par le département de l’urbanisme du Sénat de Berlin. C’est une agence de développement pour le complexe de Tempelhof. Elle est donc chargée d’analyser les idées et les plans existants, et d’organiser les concertations avec les habitants et d’en faire des propositions concrètes d’utilisation. Le modèle de développement du projet de Tempelhof est étudié économiquement par l’agence Adlershof Projekt Gmbh. Suite aux séminaires organisés avec la population, et à la manifestation citoyenne pour l’ouverture des pistes, l’agence Tempelhof Projekt adopte une approche inhabituelle pour le développement de ses principes directeurs. Plutôt que de poursuivre les méthodes traditionnelles de planification urbaine, ce processus unique est axé sur l’usage du lieu. Cette méthode de développement ascendante représente une grande opportunité pour le site. Les principes directeurs du projet sont préparés en étroite concertation avec différents acteurs dont, les responsables politiques et économiques, et bien sûr avec les habitants des quartiers voisins et les Berlinois de manière générale. Après de nombreuses interviews, et des séminaires organisés dans le hangar 1 de l’aéroport, afin de déterminer les désirs des utilisateurs potentiels, les idées ont été examinées et regroupés par thèmes, et


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ainsi après des études complémentaires, par des ateliers, des forums de discutions, les premiers projets viables furent développés : les projets pionniers sont nés. Ainsi, lors de l’ouverture des pistes d’atterrissage en tant que parc urbain en 2010, 25 projets pionniers furent sélectionnés et invités à s’implanter sur trois zones définies du parc, en collaboration avec le collectif d’architecte Raumlabor. Ils ont signé un contrat de trois ans (+1 en réalité, de 2010 à 2014) avec la ville63. Ces usages expérimentaux et temporaires prennent place entre l’ouverture des pistes d’atterrissage au public et le début de la construction du projet immobilier et paysager. (2014) La société Grün Berlin, responsable de l’entretien des espaces verts à Berlin, s’occupe désormais du nouveau parc urbain Tempelhof. En parallèle à cela, un concours d’idée est lancé par le Sénat pour le parc paysager : Parklandschaft Tempelhof en mars 2010. C’est un parc paysager intérieur entouré d’un ring urbain extérieur faisant la liaison avec les nouveaux quartiers adjacents.64 Trois thèmes directeurs ont été retenus pour le lancement du concours : Efficacité des ressources et du climat – la ville durable : « zéro foot print »/Économie urbaine orientée vers le futur – la ville entrepreneuriale : économie locale lancée à l’initiative des citoyens et des milieux associatifs/Intégration – la ville de partenariat : espaces libres artistiques, culturels, sportifs. (détaillé programme) En juin, lors de la 2e phase du concours, six lauréats sont désignés par un jury. Ils sont soumis par la suite aux critiques des citoyens, lors d’une exposition en août65. Le concours est remporté par l’équipe Gross Max. En 2011, lancement de l’IBA 2020 à Berlin, le site de l’aéroport Tempelhof est identifié en tant que pôle urbain à part entière et imaginé comme décor paysager pour la ville. Inspiré par le concours lancé en 2010 pour le parc, le terrain d’aviation de Tempelhof est défini comme un grand espace vide à proximité d’une ville compacte. Elle considère cet espace comme lieu propice à une nouvelle réflexion sur la ville. 63.  « Zwischen Nutzung » : ce sont des usages intermédiaires et éphémères des espaces non

utilisés pour une durée déterminée (baux de 1 à 3 ans) 64.  Sur base du master plan réalisé par les paysagistes D.Kienast et G. Vogt et l’architecte B.Albers, en 1998. 65.  http://www.stadtentwicklung.berlin.de/aktuell/pressebox/archiv_volltext.shtml?arch_1008/ nachricht3995.html (consulté 11/2014)


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Plusieurs concepts sont à prendre en compte : La faune et la flore, la biodiversité du site : le parc paysager, l’espace durable : Abri pour certaines espèces animales : c’est un réservoir naturel qui doit être protégé. Le climat : le parc paysager est aussi une poche nocturne d’air frais dans la ville, ceci doit être conservé voir amélioré. Le vide et le sport : Le parc paysager, un espace de détente collective : Invention de nouveau sport, pique-nique, jardin des Berlinois. Être à la mer à Berlin en prenant le S-Bahn. Les pionniers : c’est un lieu de sociabilité à travers les espaces pionniers, prendre part à l’animation du parc en proposant de nouveaux services par exemple.

2.2.2 Proposition définitive du sénat : Master plan 2013 Lors d’une exposition du 26 septembre au 1er novembre 2013, le master plan par le Sénat est présenté. De plus des débats publics sont organisés au sein de l’aéroport avec le sénateur, M. Müller. Implantation « Leur emplacement à la périphérie du paysage du parc central — en collaboration avec le bâtiment de l’aéroport, un lieu d’intérêt historique — offre la possibilité de combiner des sites résidentiels et commerciaux ainsi que des activités de culture et de loisirs dans le centre-ville du sud de Berlin. C’est un endroit spécial doté d’une identité unique. »66 En continuité avec les études réalisées depuis 1994, et comme nous pouvons le voir sur le master plan, les zones urbanisées se développent à la périphérie du parc d’aviation, prolongeant ainsi en ellipse l’arc de cercle du bâtiment d’E.Sagebiel. Au centre un parc dessiné par les paysagistes Gross max met en évidence les pistes d’atterrissage. Les travaux seront pris en charge par les sociétés privées Degewo, Stadt und Lund et de Die Ideal. 67 http://www.thf-berlin.de/en/about-tempelhofer-freiheit/planning-development/master-plantempelhofer-freiheit/ (consulté 11/2014) 67.  Url : http://www.lagazettedeberlin.com/7312/referendum-de-tempelhof-crash-annonce (consulté 11/2014) 66.


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D’un point de vue de la communication graphique, il est intéressant de noter que le plan-masse publié par le Sénat est assez ténu. L’urbanisation et la végétation du parc sont représentées dans des teintes très proches, favorisant ainsi l’image d’une urbanisation modérée, voire inexistante. De plus, le cadrage des vues 3D est pris de haut, et non du point de vue de l’homme. Cette remarque étant faite, qu’en est-il du programme ? Le projet consiste à la transformation d’une partie des 380 hectares de Tempelhof en centres commerciaux, bureaux, 4700 logements, et équipements publics, tels que des terrains de sport et un plan d’eau, sur environs un tiers de la surface totale.

Master plan phase 3 © Sénat de Berlin


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Quatre nouveaux quartiers s’articulent autour de l’espace vert : Le quartier Tempelhofer Damm : Le quartier de la connaissance. (390 000 m², dont 150 000 m², bureaux et services et 140 000 m² d’habitations.) Ce nouveau quartier qui jouxte le bâtiment d’E.Sagebiel, est une zone mixte. Elle accueillera une partie résidentielle (30 %), en relation directe avec le parc. La bibliothèque centrale sera implantée et fonctionnera en relation avec des entreprises et institutions. Vers l’avenue située à gauche du plan, se développeront des services ainsi que des commerces. Le quartier Süduring : Vivre et travailler sur Süduring. (370 000 m², dont 260 000 m², commerces et 110 000 m² d’habitations) Cette zone est actuellement séparée du reste du quartier, et donc de la ville. Pour pallier à ce problème d’isolement, un pont sera créé (pour voiture, vélo, piéton) et relira ainsi la nouvelle zone urbanisée au centre du quartier situé au sud de la zone. L’organisation du quartier se découpe en trois zones : commerciale, résidentielle, entre les deux une zone mixte. Le quartier de l’Oderstrasse : Quartier de logement. (225 000 m², dont 210 000 m² d’habitations et 15 000 m², commerces de proximité et bureaux pour indépendants.) Principalement résidentielle ainsi que des commerces de proximité, et des infrastructures. Le quartier Columbiadamm : Le plan directeur met cette zone en avant comme lieu à fort potentiel, mais son développement, à des fins peut-être sportives et de loisir, est prévu pour 2025. (Concours 2008) Master plan phase 3 © Sénat de Berlin


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Qu’en est-il du bâtiment de l’aéroport ? Avec une surface totale de 300 000 m², il est le troisième bâtiment le plus grand au monde. Inscrit aux bâtiments classés de la ville de Berlin depuis 1995, il est dès 2009, utilisé par l’agence de mode Bread & butter. (bail de 10 ans minimum) De plus des événements ponctuels ont lieu, tel que le salon du design DMY, l’événement sportif Vital Berlin, des fêtes universitaires et des concerts. Une petite partie du bâtiment est également loué à la direction de la police de Berlin. Des visites guidées du bâtiment sont organisées par l’agence Tempelhof Projekt, sous différents thèmes. Nous pouvons en conclure que le bâtiment est utilisé principalement de manière éphémère. Le master plan ne prévoit aucune modification, intervention sur le bâtiment de l’aéroport. Les grands projets pour le complexe architectural sont prévus dans l’IBA 2020 sous la thématique : Les grands bâtiments vides. Une utilisation pérenne du bâtiment intéressante aurait pu être l’implantation de la bibliothèque centrale.

Festival Bread & Butter dans l’ex-aéroport Tempelhof © Flughafen Tempelhof


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2.3 Le projet de reconversion pour les pistes d’atterrissage : un projet participatif ? L’analyse du projet mis en ligne par le sénat de Berlin et l’échange avec les projets pionniers, l’association 100 % THF, le sénat, Raumlabor et la presse allemande m’ont permis de croiser les différents points de vue et exposer la naissance de la controverse. 2.3.1 Analyse de la stratégie du Sénat :

Concertation des divers acteurs © Raumlabor

Dans la version officielle mise en ligne par le sénat, nous pouvons remarquer que dès 1999 le master plan est défini, et les systèmes de planification tels que le STEK et l’IBA définissent les lignes directrices pour la reconversion des pistes d’atterrissage. Ainsi la volonté majeure de ce projet est de construire sur les anciennes pistes d’atterrissage, selon une forme définie : l’urbanisation se fera de manière elliptique dégageant ainsi en son centre un parc urbain. Ce projet est le résultat d’un long processus de planification faisant appel à différents acteurs, experts, architectes, économistes, société de construction, citoyens, pionniers. Ce projet semble donc être respectueux de l’ambiance du site, mais également des citoyens berlinois, par la participation des habitants au processus de planification. Les décisionnaires ont donc proposé une participation de différents acteurs, mais leur rôle semble être prédéfini, un cadre de réflexion est donné : bâtir 150 ha en ellipse et ainsi préserver l’espace central en parc urbain. 2.3.2Le jeu des acteurs Comme nous l’avons vu précédemment dans le projet proposé par le sénat de Berlin, nous pouvons identifier différents acteurs prenant part à ce grand projet : Le sénat de Berlin, et plus précisément le département de l’urbanisme et de l’environnement, représenté par le sénateur M. Müller.


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Cet acteur principal fait appel à différents consultants, dont l’agence Tempelhof Projekt, qui est la maîtrise d’œuvre. Elle s’occupe donc de la partie administrative, soit des appels d’offres, de l’exécution de la coordination et du contrôle des travaux. Elle organise, également le processus de concertation par la participation des habitants, à travers un site internet, des réunions publiques, des questionnaires, des lieux d’informations… Grün Berlin est une société berlinoise qui gère les espaces verts de la ville, dont les anciennes pistes d’atterrissage. La société Adlershof Projekt a effectué une étude économique du master plan. Les sociétés privées de construction, promoteur immobilier : Degewo, Stadt und Lund et de Die Ideal, Les architectes et paysagistes, ont joué un rôle important également soit par la mise en œuvre d’architecture associative temporaire (dites pionnières) par le collectif d’architecte Raumlabor. Également par leur réponse au concours, tel que celui pour la définition du parc paysager que l’agence Gross Max remportera. Les citoyens, qui ont pris part au grand projet de reconversion dans un premier temps en 2007. Puis par des réunions de concertation jusqu’en 2013. Leur participation se concrétise en 2010 par l’installation des 25 projets pionniers, et par l’appropriation spontanée des habitants des pistes d’atterrissage. Plus tard ils seront représentés par le collectif 100 % Tempelhof au sein de la controverse, et auront un véritable poids face aux autorités. 2.3.3 Le projet participatif : un cadre prédéfini par la ville de Berlin Concours pour le parc paysager Un premier exemple représentatif de ce cadre défini est le concours lancé en 2010 pour la définition du parc central sur base du master plan de 1999. Comme nous l’avons vu précédemment 3 thèmes directeurs ont été retenus : *Efficacité des ressources et du climat – la ville durable : « zéro foot print » *Économie urbaine orientée vers le futur – la ville entrepreneuriale : économie locale lancée à l’initiative des citoyens et des milieux associatifs


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The Berg © Jakob Tigges

*Intégration – la ville de partenariat : espaces libres artistiques, culturels, sportifs Ainsi le cahier des charges pour le lancement du concours est très complet et détaillé. Un contre-projet interpelle par sa radicalité, c’est celui de Jakob Tigges nommé : The Berg68 ! Cet architecte berlinois est consterné par le programme du concours et par les propositions des architectes qui y répondent « simplement », est-ce ceci l’avenir de Tempelhof ? « Berlin ne peut pas perdre un site qui représente autant symboliquement et culturellement, juste pour y construire toujours les mêmes programmes immobiliers médiocres. » Jakob Tigges Il invite la ville de Berlin, et les architectes qui travaillent pour le concours de Tempelhof, à réfléchir aux possibilités qu’offre ce vide en pleine ville, sans tombé dans le cliché des zones résidentielles, les tours, bureaux, ou autres centres commerciaux. Jakob Tigges propose la construction d’une montagne de près de 1000 mètres de hauteur, c’est un sommet de type alpin, peuplé de plantes et d’animaux, sillonnés de sentiers proposant de larges vues sur la ville. Comme celui de beaucoup d’auteurs compétiteurs, le projet de Tigges met l’accent sur les espaces verts et les pratiques de loisirs. Il veut faire de Tempelhof, et ce par l’implantation de cette montagne, un repère pour la ville de Berlin à l’échelle mondiale. Mais toute fois Jakob Tigges précise que « Berlin ne doit toutefois pas la construire pour la posséder. » Ce projet manifeste dénonce le programme du concours proposé par le Sénat qui porte uniquement sur l’espace paysager, mais également il met en évidence le manque de risque des paysagistes conviés à prendre part au projet de reconversion de Tempelhof. 68.  URL : http://www.the-berg.de/index.html (consulté 11-2014)


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La participation citoyenne

REALISE PAR UN PRODUIT AUTODESK A BUT EDUCATIF

REALISE PAR UN PRODUIT AUTODESK A BUT EDUCATIF

Un deuxième exemple représentatif est celui de la participation citoyenne, sur lequel nous nous attarderons étant donné ses répercussions sur le master plan. En effet, la ville de Berlin a proposé dès 2007 des infrastructures permettant d’informer la population du processus de planification69, notamment par le lancement des projets pionniers. Pourtant un référendum a lieu en 2014 contre le master plan publié par le sénat. L’association 100 % Tempelhof est contre une urbanisation de la zone, qui ne réponde pas à leurs attentes. Lancée en 2013 REALISE PAR UN PRODUIT AUTODESK A BUT EDUCATIF par l’association 100 % Tempelhof, la pétition a obtenu davantage que les 174 000 signatures nécessaires (7 % du corps électoral) pour l’organisation par la mairie de Berlin d’un référendum70. Ce référendum a eu lieu le 25 mai 2014, le même jour que les élections européennes. La proposition des

REALISE PAR UN PRODUIT AUTODESK A BUT EDUCATIF

défenseurs de Tempelhof, représentés par l’association 100 % Tempelhof a été validée à près de 65 % par les votants. La proposition d’aménagement du Sénat de Berlin a été repoussée à 59,5 %. La participation (46,5 %) était suffisante pour valider le résultat du référendum. Les résultats de la participation au référendum en 2014 par quartier, nous donne une première information : Les quartiers en contact direct avec Tempelhof, à savoir : Neukölln, Tempelhof Schöneberg, Friedrichshain Kreuzberg, sont favorables à la proposition de l’association 100 %

69.  En accord avec l’obligation de la participation de la population dans le processus de

développement. 70.  La démocratie directe permet au peuple, et pas seulement à ses représentants élus, d’abroger ou d’adopter des lois.

Taux de participation au référendum et résultat par quartier. © berliner-zeitung


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Tempelhof, c’est-à-dire contre la proposition actuelle d’urbanisation du sénat. Comment expliquer l’événement du référendum ? Un bref rappel de la concertation des citoyens dans le processus de requalification des pistes de Tempelhof : 2007 : juin : dialogue par internet : 68 000 citoyens se sont mobilisés Août : envoie de questionnaire 2009 : concertation populaire/petits groupes de discutions au sein de l’aéroport pour les projets pionniers 3200 citoyens ont participé. 2010 : Début des usages expérimentaux entre le temps de la fermeture et le début de la construction du projet immobilier et paysager (3ans) Weekend de concertation autour des propositions du concours public d’agences internationales projet paysager. 2011-2012 : Discussion des citoyens pour le projet du parc workshop organisé par Tempelhof Projekt 2013 : conférences explication du projet La force de la participation citoyenne d’après le collectif d’architecte Raumlabor : Les trois zones des projets pionniers situés à l’extérieur du taxiway © Raumlabor

Dès 2007 le département pour le développement urbain de Berlin commande le projet Aktivierende Stadtentwicklung /Flughafen Tempelhof71 . À l’origine, ce projet éphémère doit être considéré comme un laboratoire d’expérimentations concrètes pour le projet définitif. Il est mis en place par le collectif d’architecte Berlinois Raumlabor (dont C.Mayer et M. Bader) en coopération avec K. Overmeyer, M. Braum. La stratégie met l’accent sur les premières étapes du développement urbain prévues sur 4 ans (de 2010 à 2014), mais suggère une stratégie de développement pouvant conduire à une transformation sur le long terme. Pour Raumlabor, il ne s’agissait pas de trouver des solutions pérennes, mais de proposer des usages « pionniers », c’est71.  Trad : Activation du développement urbain/Tempelhof airport. (2007, 2008, 2009) URL :

http://raumlabor.net/aktivierende-stadtentwicklungflughafen-tempelhof/ (consulté 12-14)


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Tempelhof dessiné par Raumlabor © Raumlabor

à-dire des premières potentialités d’occupation après la fermeture capables d’évoluer en fonction des besoins de Berlin. « Dans le cadre de notre projet Tempelhofpionniere, nous avons développé un concept qui est partiellement en train de se réaliser et vise à mettre en place une stratégie pour rendre cet immense terrain de l’ancien aéroport Tempelhof disponible au public. Des personnes pourront occuper ce terrain, elles seront considérées comme des pionniers ; ce qui constitue le premier fondement de projets à long terme. Cependant, ils ne sont pas obligés de rester, car pour certains s’installer longtemps n’est pas forcément souhaité. Avec le projet des pionniers au Tempelhof, on tente d’intégrer deux pôles temporels, mais nous en sommes encore au stade de l’expérimentation. L’idéal serait que le projet démarre doucement avec des personnes qui commencent quelque chose de façon spontanée, puis en découvrant qu’il y a un potentiel dans cet ancien aéroport, elles pourraient adapter éventuellement le niveau économique de leur projet. »72 Ainsi, les projets pionniers choisis devaient être temporaires (sans fondations et facilement démontables), très peux couteux (matière recyclée). Ces projets ont été répartis dans l’espace, et précisément à l’extérieur du « taxiway » La planification imaginée par Raumlabor, sur la demande du Sénat de Berlin, est donc un concept de développement intégré, c’est-à72.  Interview de M.Bader dans : A.Urlberger : « Habiter les aéroports : paradoxes d’une nouvelle

urbanité »- éditions MetisPresses- 2012 - P62


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dire que les utilisations temporaires novatrices sont utilisées dans le développement du site, c’est-à-dire à la planification. L’activation du site est générée par les pionniers et par les initiatives culturelles, cette action liée depuis le début avec les concepts de développement urbain pour le long terme fait partie intégrante du processus de développement. Ces activités, ces réseaux prennent « racine » sur le site, et peuvent se manifester structurellement et durablement par la suite. Pour cela il faut un dialogue actif et ouvert entre le planificateur et l’urbain.

Master plan dynamique © Raumlabor

Par rapport à un master plan classique, ce master plan dynamique intègre les paramètres de conception « dur et mou », illustration ci-contre. C’est-àdire que le développement urbain est compris entre les masses urbaines présentes, mais également des activités, programmes et réseaux, qui peuvent également se transformer progressivement structurellement. « À Tempelhof, nous avons envie de proposer une plate-forme qui permette ces différentes stratégies pour que le développement d’une sensibilité urbaine devienne envisageable. Dans une situation classique, un concours aurait été organisé. Celui-ci aurait produit une proposition d’aménagement qui aurait été ensuite réalisée. Puis, on présente la réalisation à la population pour usage. Mais qu’est ce que la population souhaite réellement et quel aménagement serait le plus adapté ? Peut-être certains usages sont plus adaptés et d’autres moins ? Personne ne peut le dire. […] Cette volonté des habitants doit d’abord se former. Je ne crois pas du tout à cette forme de participation où il s’agit de se déplacer avec un microphone et de demander aux personnes la façon dont elles aimeraient voir se transformer l’espace urbain. […]


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Nos projets tentent, à travers ces implications, de travailler collectivement, de développer des attitudes qui ont pour objectif de poser une question sans connaître d’emblée la réponse. Puis, il s’agit de se donner du temps pour travailler cette question. Bien sûr, je peux trouver ensuite le résultat idiot, mais je ne crois pas que la ville, si j’étais le seul à la produire, serait idéale. Je pense que la ville est une négociation. Ma voix et ma position existent parmi d’autres, un modèle monolithique est d’emblée voué à l’échec. »73 La force de la participation citoyenne d’après le sénat : Hélène Bernard, en relation avec le sénat de Berlin nous renseigne sur ce point : « Le lancement des projets pionniers a permis d’occuper le site, car la réflexion autour du projet pour la réhabilitation risquait de prendre du temps. Le lancement des pionniers a donc permis de répondre à la question : qu’est ce qu’on pourrait faire dans ce lieu, en termes d’usage et d’espace ? En parallèle au lancement des projets pionniers, au sein du sénat, beaucoup de réflexions ont été faites sur le type de construction qu’il pourrait y avoir… Ces workshops ne se sont pas forcement déroulés avec les habitants, il me semble que ce n’est pas la bonne échelle pour le faire. Il paraît plus intéressant et juste de le faire dans un processus continu : par exemple l’appropriation des Berlinois des pistes d’atterrissage a permis de révéler leurs usages, et donc a confirmé l’utilité de leur conservation dans le schéma directeur. Une planification avec les habitants peut se révéler productive, mais il faut déjà avoir une base de travail pour un site aussi grand. (C’est-à-dire avoir déjà défini un master plan, ici celui de 1999, et le concours pour l’intervention paysagère en 2010) Le fait d’avoir ouvert la planification à la population est positif, en effet les Berlinois s’approprient le lieu, et l’appréhendent, ainsi un dialogue peut naître entre la population et les responsables. La population comprend et expérimente les usages. »74 Ainsi, l’appropriation éphémère des pistes d’atterrissage par la population, notamment par les projets pionniers, permet une révélation des usages qui ont pu être intégré dans le processus de requalification de Tempelhof établi au sein du sénat.

73.  Interview de M.Bader dans : A.Urlberger : « Habiter les aéroports : paradoxes d’une nouvelle

urbanité »- éditions MetisPresses- 2012 - P64 74.  Interview H.Bernard


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L’illusion citoyenne de leur participation pour le projet définitif de reconversion.

La volonté de participer © B. Nauleau

Ils avaient imaginé le projet pionnier et le master plan définitif comme deux projets liés, l’un générant le suivant, et finalement ils ont le sentiment que ce sont deux projets presque totalement indépendants. Dès lors, deux temporalités peuvent être distinguées dans la participation citoyenne, la première pour l’occupation temporaire des pistes d’atterrissage et la deuxième pour le projet définitif. Vu l’ampleur des projets pionniers sur Tempelhof, dont les jardins d’Allmend Kontor, ainsi que le nombre de personnes mobilisées aux divers workshops, nous pouvons prétendre la réussite de cette première participation. Comment s’est déroulée cette « deuxième participation citoyenne » ? Pour le projet définitif, comme vu précédemment, de 2007 à 2013 l’agence Tempelhof Projekt a organisé plusieurs réunions de concertations avec différents acteurs tels que les citoyens, les pionniers, l’agence Grün-Berlin pour la reconversion des pistes d’atterrissage. Marion Payet75, journaliste berlinoise réalisant un documentaire sur l’aéroport de Tempelhof, s’est rendue à ces workshops, elle témoigne : « Je suis allée aux réunions organisées, le Sénat de Berlin te répondra qu’ils ont organisé des consultations, mis des infos à la disposition des habitants, mais en réalité il s’agissait plutôt de réunions d’information et non pas de consultation. »76 Beaucoup d’interviews, retranscrites dans des articles de presse, sont similaires à ce témoignage, dont voici quelques exemples : « Depuis 2007, les Berlinois sont impliqués dans le processus de planification des pistes d’atterrissage de Tempelhof, par des séances de concertation, des ateliers, des concours d’idées. Mais à travers ces réunions le sénat de Berlin nous a présenté leur projet de reconversion, ceci est la version minimale de la participation citoyenne. (À savoir l’information) Si seulement nous parlions ensemble, nous pourrions 75.  URL : http://www.kisskissbankbank.com/le-beton-de-la-honte (consulté 11/2014) 76.  Interview Marion Payet


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faire quelque chose ensemble. »77 De plus : « Les sessions organisées n’avaient qu’un but informationnel, les questions participatives concernaient à 90 % l’organisation des espaces verts sans jamais aborder la question fondamentale des constructions. »78 « Si on regarde les grands fiascos cités, les responsables politiques ont soit renoncé à recourir à la participation, soit travesti cette participation en simple information du public »79 Le témoignage d’un membre de l’association 100 % Tempelhof80 : « Pendant l’année 2012, Tempelhof Projekt a organisé plusieurs réunions de concertation, à travers ces réunions ils ont présenté ce qu’ils souhaitaient pour les champs de Tempelhof. Grün Berlin, la société qui s’occupe du champ, a demandé les répercussions du master plan sur le champ de Tempelhof. Nous étions présents, également, mais comme citoyen. Nous avons essayé de discuter des autres aspects du projet, mais le dialogue était impossible. Le cadre était très restreint et les propositions étaient déjà faites. Malgré tout une dame sympa a tout écrit sur un papier, ils ont pris des photos… pour eux tout était près pour la préparation des plans. À mon sens, une véritable participation des habitants ressemble complètement à autre chose. Elle utilise plus de moyen de communication, de média… nous avons participé à toutes les réunions, mais finalement très peu de changements peuvent être observés sur le master plan. Ils nous ont demandé conseil pour la couleur des bancs, des panneaux… Mais aucune question n’était fondamentale : par exemple la variante 0 n’a pas été proposée : la variante sans aucune construction. C’était une participation cadrée, pas une participation libre » D’après ces témoignages, il semblerait que la participation des habitants se soit réalisée au niveau de l’information qui est la première étape de la participation citoyenne dans un projet.

URL : http://www.zitty.de/die-aktivisten-vom-tempelhofer-feld-der-zwischennutzer.html (consulté 11/2014) 78.  URL : http://www.latribune.fr/regions/smart-cities/20141103tribc9c2b6045/berlin-face-audefi-des-citoyens-en-colere.html (consulté 11/2014) 79.  URL : http://www.latribune.fr/regions/smart-cities/20141103tribc9c2b6045/berlin-face-audefi-des-citoyens-en-colere.html (consulté 11/2014) 80.  L. Bourdier : « Une place publique sur une piste d’atterrissage : La reconversion de l’aéroport de Tempelhof : Un projet politique à l’épreuve des Berlinois. » - École d’architecture de Nantes - 2014 77.


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Une différence d’idéologie : Nous pouvons remarquer une grande différence entre ces deux idéologies autour de la participation citoyenne. Le lancement concours paysager par le sénat traduit bien que les projets pionniers n’ont pas été la base directe d’un développement urbain, comme l’imaginé le collectif Raumlabor, les pionniers et les habitants. De plus, comme nous pouvons le remarquer sur la carte ci-contre, lors de l’ouverture des pistes en 2010 les projets pionniers sont répartis selon trois zones. Ces zones correspondent à la zone d’urbanisation prévue depuis 1999 et concrétisée sur le master plan de 2013. Ainsi, les projets éphémères installés sur THF devront être déplacé au centre du parc, et d’autre seront détruit pour laisser place à l’élaboration du master plan. « Champs de pionniers ou occupation de courte durée ? La période d’utilisation des champs pionniers est limitée à seulement 3 ans. Au terme de ce bail, les utilisations temporaires devront céder leur place au projet d’urbanisation. Ainsi, le laboratoire spatial développé par un master plan dynamique est remis en question. »81 De plus, on peut noter que le Sénat désigne les projets pionniers par le mot : « Zeitweiligen Besetzung », qui signifie occupation temporaire et non Pionier qui peut être défini une Personne qui ouvre la voie à quelque chose, qui est la première à faire quelque chose82. L’implantation des projets pionniers comme occupation éphémère, permet donc une transition d’une appropriation à une autre. Cette brèche temporelle accueillant des activités temporaires permet l’exploration d’un nouveau terrain de jeux pour les pionniers et les Berlinois, mais offre surtout une solution intéressante pour les autorités. Cette occupation permet l’entretien du site aussi bien d’une manière physique (entretien de la végétation, etc.) que d’une manière psychique (le lien social est créé, le lieu reste connecté à la ville) ce qui est primordial pour la réussite de l’appropriation suivante du site. L’avenir du site est créé dans les esprits, les conversations, les actions des hommes. C’est primordial de reconnecter le lieu à la ville, le lien social est créé, Tempelhof devient un lieu de vie. De plus, cette 81.  Urbanophil - 8HA FÜR PIONIERE DER ZWISCHENNUTZUNG – 2010 - URL http://www.

urbanophil.net/stadtentwicklung-stadtpolitik/8ha-fur-pioniere-der-zwischennutzung/ 12- 2014) 82.  Dictionnaire Larousse.

(consulté


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appropriation spontanée révèle également les possibilités d’usages de ce lieu. Alors que le collectif Raumlabor prône une approche Bottum -up, c’est-à-dire un projet intégré pour le développement de Tempelhof., c’est-à-dire que « les notions politiques sont intégrées dans le discours urbanistique, jusqu’à rendre ces champs d’action contingents, en d’autres termes : l’utilisateur devient un acteur en partie décisionnel dans l’aménagement de l’espace dans lequel il évolue. » 83 Le sénat propose un processus de planification hybride entre l’approche Bottum -up et top Down. Soit, une planification « classique » par un cadre prédéfini avec un master plan, où les différents usages possibles du site, révélé par l’appropriation des habitants, est intégré au processus de planification. En effet, il semblerait que « l’approche top down convient pour de vastes portions de territoire et l’approche bottom-up émerge généralement de situations locales, grâce à l’implication d’une communauté engagée. Cette conclusion peut être validée puisque dans certaines situations, les aires étudiées sont tellement étendues qu’elles deviennent un no man’s land exclu de leur contexte. Cependant, certaines pratiques dérivées de ces tendances apparaissent, nuançant les tendances théoriques. Même pour des sites dont la superficie dépasse l’échelle locale, des stratégies d’acupuncture sont la preuve qu’il est possible de s’écarter d’un master plan figé dont en est l’usage dans l’urbanisme de composition »84. En effet, pour la reconversion d’un site dont l’envergure est celle de Tempelhof, il paraît compliqué de proposer une architecture participative de la population85, ainsi cette approche hybride semblait être un bon compromis, afin d’impliquer l’usager à la planification.

83.  C. Foubert : La planification urbaine : un perpetuum (Im) mobile – mémoire la cambre Horta-

2014 – P21 84.  Ibid. – P22 85.  Hélène Bernard nous en fait d’ailleurs part, par sa question : « Je pense que la question : construire ou pas sur THF ne peut pas être posé aux habitants. Ont-ils tous les outils et les informations pour décider ? »


Étude de probabilité réalisée pour une densification de Tempelhof. Mise en évidence de zone de loisir situé au nordest du complexe. La volonté d’étendre ces terrains de sport sur Tempelhof s’impose, ceci induira alors à restreindre la densité prévue sur le site.

Le bâtiment d’E. Sagebiel et les pistes et les définissent comme étant les seules entités présentent sur le site, afin de créer un parc central de 170 ha. Mise en évidence du microclimat que génère le champ aux quartiers alentour.

THF inscrit à la liste des monuments et sites de Berlin en tant qu’ensemble. Par son articulation à la ville, le bâtiment, la transition vers les pistes de vol et une partie du tarmac. Volonté de préserver l’espace central, idée de le ceinturer d’espaces bâtis.

1997 1999

1996 1998

1995 1997

1994 1996

1993 1995

1992 1994

Décision de créer un grand aéroport à Berlin BERLIN-SCHONEFELD

Ligne du temps des grands projets de reconversion des pistes d’atterrissage de Tempelhof


REFERUNDUM NON AU PROJET DU SÉNAT

2012 2014

2010 2012

2011 2013

Naissance de l’association 100 % Tempelhof, contre le projet développé par le sénat.

2009 2011

OUVERTURE DE THF COMME PARC//LANCEMENT DES PROJETS PIONNIERS

2008 2010

Mobilisation citoyenne : Avez vous déjà squatté un aéroport ?

2007 2009

le Land de Berlin est le propriétaire de l’ancien aéroport de Tempelhof.

FERMETURE AÉROPORT THF

2006 2008

2005 2007

2004 2006

2003 2005

2002 2004

2001 2003

2000 2002

1999 2001

1998 2000

IBA 2020 : grand bâtiment vide et neukôlln mixité sociale (piste)

conseil consultatif régulier avec les habitants

Un premier master plan, proposé par les paysagistes D.Kienast et G. Vogt et l’architecte B.Albers, a enfin abouti et sera la base d’un plan directeur. Un "boulevard de l’anneau" décrit la frontière de l’ancien aérodrome, et délimiterait ce vaste espace ouvert qui serait encerclé par de nouveaux espaces au bord du site.

StEK 2020 comme processus de développement pour la ville de Berlin. Dans le plawerk InnereStadt différent thèmes sont abordés dont THF : Il est identifié en tant que pôle urbain à part entière et imaginé comme décor paysager pour la ville. Il fut également retenu pour l’expo IGA- internationale GartenAustellung en 2017

Séminaires organisés sous le nom de Tempelhof Freiheit, avec la population et les experts. 1er élément de participation des Berlinois pour l’avenir de Tempelhof, sur base du master plan proposé en 1999. La question qui anime le débat : « De quoi Berlin a-t-elle besoin à cet endroit ? » 900 idées ont émergé et principalement : un parc, sport, loisirs, industries créatives et logements. Confirmation du master plan de 1999 et modification du FNP. Sera retenu l’idée d’un processus visant à stimuler le potentiel créatif de la ville, et à intégrer l’usage pionnier dans le développement de THF.

Création de Tempelhof Projekt (créé par le Sénat de Berlin urbanisme) Lancement d’un développement innovant : C’est une planification ascendante basée sur l’usage du lieu. Concertation entre différents acteurs : économie, politique, architecture, population. ->projets pionniers. Usage temporaire. RAUMLABOR

Mars : Lancement du concours Parklandschaft Tempelhof, redéfinition de l’espace vert central créé par l’ellipse urbanisée. 3 thèmes : la ville durable (efficacité des ressources et climat)- la entrepreneuriale économie locale par l’initiative des citoyens et associations) - la ville de partenariat : espaces libres, artistiques, sportifs. Juin : 6 lauréats : soumis à la critique des citoyens.

MISE EN PLACE DES PROJETS PIONNIERS/COLLECTIF RAUMLABOR

Publication du master plan par le sénat de Berlin. Intégration du gagnant du concours paysager Gross Max et de l’urbanisation de l’ellipse.


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Malgré la mise en place de ce compromis, on souligne un faible degré d’influence des acteurs extérieurs et principalement des pionniers et des habitants au projet de reconversion comme générateur de la controverse. Cette partie met donc en évidence avec quel degré de démocratie fut réalisé le projet de reconversion. Ainsi malgré des enjeux communs des deux parties, se cachent en réalité des intérêts différents. Alors que le sénat prône le développement de Tempelhof en tant que pôle urbain, et rendre ce vide attractif, voire Berlin, la réaction des habitants se base sur un modèle autocentré, une ville faite par ses habitants et pour ses habitants. Le mouvement de la controverse est renforcé par la capacité des Allemands à se mobiliser pour les grands projets. Hélène Bernard nous en fait part : « Il y a une méfiance par rapport au grand projet. L’exemple de gare de Stuttgart est explicite le débat avec les habitants a permis de se demander si le projet est vraiment pertinent, et ainsi permettent d’éviter de grandes erreurs. » On assiste à une mobilisation des habitants, car d’une part, ils se sentent concernés et donc ils ont un intérêt à la participation, d’autre part ils pensent que cette procédure sera effective, ce qui renvoie à l’idée de crédibilité de la procédure. Ainsi, certaines personnes engagées au sein de l’association 100 % THF vont devenir un véritable contre-pouvoir grâce aux recours démocratiques propres à l’Allemagne, tels que l’organisation du référendum d’initiative populaire. Ainsi l’association 100 % THF est née, et on assiste à une polarisation de la controverse. Ce schéma bipolaire est représenté d’un côté par l’association Tempelhof et de l’autre par le sénat. C’est alors que certains acteurs ont rejoint le coté de l’association 100 % THF tel que le collectif Raumlabor : « A quel point la planification par le haut de Tempelhof est-elle vraiment participative et proche du citoyen ? peut-on croire au projet social ? On veut que le dialogue sur le développement de la ville qui ne soit pas une perte de temps. »86 Cette réflexion de Raumlabor pose la question des enjeux de la reconversion. Cette controverse est renforcée par une proposition de la ville de Berlin pour le projet de reconversion qui ne semble pas répondre aux attentes des habitants. 86.  Propos recueillis sur le site internet de Raumlabor URL : http://raumlabor.net/tempelhof-2014/

(consulté le 12-2014)


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La reconversion de Tempelhof soulève effectivement des enjeux aussi bien historiques que contemporains. Dans une dernière partie, nous exposerons les divers arguments des acteurs de la controverse pour comprendre comment ils répondent aux multiples enjeux de ce vide rempli d’histoire.



3/TEMPELHOF, UN VIDE AU CŒUR DE MULTIPLES ENJEUX

La première partie de ce mémoire retrace l’histoire des diverses temporalités de l’aéroport à travers le 20e siècle. Elle met en évidence la complexité de son patrimoine, le caractère palimpseste du lieu, ainsi que sa participation à la définition de l’identité locale des habitants. La deuxième partie s’attarde sur la période contemporaine, et tente d’éclaircir la naissance de la controverse, de la comprendre, et d’identifier les différents acteurs prenant part à celle-ci. Au sein de la controverse les acteurs ont eu tendance à se polariser, en effet une alliance objective s’est créée, d’une part le sénat et d’autre part les habitants, dont les alliés, sont, entre autres, l’association 100 % Tempelhof, la presse, le collectif d’architecte Raumlabor. Alors que le sénat de Berlin prône un développement d’un pôle urbain pour la reconversion des pistes d’atterrissage, l’association 100 % Tempelhof défend un modèle de développement autocentré. Cette controverse est animée de divers enjeux contemporains. Cette partie a pour vocation de les exposer. Chaque sous-partie est introduite par un point théorique permettant de comprendre le contexte de la ville de Berlin par rapport à l’enjeu abordé. Il sera exposé comment les anciennes temporalités de l’aéroport, identifiées dans le premier chapitre de ce mémoire, prennent place dans la temporalité actuelle, soit quel est l’enjeu historique du site dans la controverse contemporaine. Dans un premier temps, l’enjeu mémoriel sera présenté. Une précision de termes semble nécessaire. L’enjeu historique est un enjeu passé, l’enjeu mémoriel est un enjeu contemporain. En effet, R. Robin écrit : « Contrairement à l’histoire, la mémoire n’a rien à voir avec l’exactitude factuelle de la connaissance du passé. La mémoire est une affaire du présent où le passé se présente comme enjeu. » Soit comment l’enjeu mémoriel prend-il place au sein de la controverse actuelle. Pour cela un point théorique permettra de mettre en évidence le rapport entre


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les Berlinois et leur passé. Puis, en rapport avec le premier chapitre de ce mémoire, seront explicitées les valeurs patrimoniales du complexe aéronautique. Enfin, nous verrons comment l’enjeu mémoriel est présent dans la proposition du sénat et dans l’argumentation de 100 % contre celle-ci. Puis, l’enjeu socio-économique sera abordé. Tempelhof, comme vide de 380 ha situé à 4km du centre-ville d’une capitale européenne, représente une véritable opportunité économique pour Berlin. Dans la deuxième partie, nous avons exposé la volonté de la ville d’en faire un pôle urbain. En effet, une introduction théorique sur le contexte économique de Berlin démontra la volonté des autorités de rendre Berlin plus attractive économiquement. Il sera exposé le point de vue des habitants, et la dimension sociale que génère l’enjeu économique. Tempelhof due à sa superficie, sa topographie est un espace libre, vide, une friche. Il représente un enjeu typologique. La superficie elliptique des anciennes pistes d’atterrissage de 380 ha offre aujourd’hui à la ville de Berlin un vaste parc urbain, à 4 km du centre historique. Cette friche à la végétation sauvage, mêlée à l’appropriation libre et spontanée des Berlinois, est devenue un lieu de liberté où le vide est perceptible en pleine ville. Un point théorique exposera la relation entre les espaces verts et le développement de la ville, puis l’évolution de ces espaces verts que l’on pourrait appeler aujourd’hui les friches vertes. Il sera exposé la volonté du Sénat de conserver cet espace en proposant une urbanisation modérée. Tempelhof comme friche verte représente également un enjeu écologique. Un point théorique permettra de mettre en évidence la volonté de la ville d’intégrer à son processus de développement une dimension écologique. Les pistes d’atterrissage, friche verte, représentent un réservoir important pour la faune et la flore, la biodiversité et permet la ventilation interne de la ville. Nous verrons quels arguments sont exposés par la ville et l’association 100 % THF pour cet enjeu écologique. Ainsi, comment l’enjeu historique éclairé des enjeux contemporains prend-il place dans la controverse actuelle pour la réappropriation de Tempelhof ?



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3.1 L’enjeu mémoriel 3.1.1 Berlin, l’effacement de ses traces. D’après d’A.Huyssen dans son ouvrage « The voids of Berlin »87: « Berlin est une ville texte sans cesse écrite et réécrite. Berlin s’évertue à se voir en nouvelle capitale de la nation réunifiée, la ville est devenue quelque chose comme un prisme au travers duquel se posent les questions de l’architecture et de l’urbanisme contemporains, de l’État et de l’identité nationale, de la mémoire historique et de l’oubli. L’architecture a toujours été profondément impliquée dans la formation des identités politiques et nationales, et la reconstruction de Berlin en Capitale de l’Allemagne donne des indices significatifs sur l’état de la nation allemande après la chute du mur et la manière dont elle projette son avenir. » Berlin est une ville historique, marquée par la présence de son passé, mais aussi par son absence. Comme nous l’avons constaté dans la première partie du mémoire, elle est au cœur des événements du XXe. En effet sous la montée du fascisme, elle devient la Germania imaginée par Hitler, puis victime des bombardements de la Seconde Guerre mondiale, et de la guerre froide. À la chute du mur, Berlin semble saturée de mémoires, mais les années s’écoulent, et révèlent des stratégies d’oubli volontaire, tel que : les changements de noms de rues de Berlin-Est, le démantèlement de monument érigé à la gloire du socialisme, la reconstruction du Château de Berlin de l’époque prussienne… etc. en sont des exemples. De plus, les événements du 20e ont généré des cicatrices dans la ville, la chute du mur qui fit apparaître un Berlin jonché de vides. La volonté d’Hitler de faire de Berlin la capitale du monde la transforma en un vide littéral. Les bombardements britanniques et américains se sont alliés aux équipes destructrices d’Albert Speer pour faire tabula rasa de Germania. Puis dans les années 1950, le renouvellement urbain à « coup de rasoir » engendre la destruction des logements fragilisés pendant la guerre, pour laisser place aux grands ensembles modernistes caractéristiques de cette époque. La construction du 87.  A.Huyssen – « The voids of Berlin » - Critical Inquiry 24, n° 1, 1997. Cet article est repris et

traduit par P.Mesnard dans « La hantise de l’oubli » – Essai sur les résurgences du passé » éditions kimé – 2011 – p.128-150


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mur en 1961 nécessite un autre vide qui serpentera à travers toute la ville, accompagné de son no man’s land. À la chute de celui-ci, le seuil entre les deux Berlin était marqué par un terrain vague, parsemé d’herbe, de détritus et de souvenirs… Les Berlinois l’appelaient, d’ailleurs, les « prairies d’histoires ». Au lendemain de la réunification, la planification de la ville de Berlin, devenue capitale de l’Allemagne, vise à donner un caractère homogène à la ville, et donc ces vides doivent être comblés le plus rapidement possible. Berlin devient une ville en chantier, terme emprunté à Régine Robin. W. Sewing, sociologue et architecte allemand88 explique : « Dès le départ, la politique de construction de la ville était très claire et très conservatrice : on devait essayer de reconstruire la vieille ville telle qu’elle était auparavant, avec une architecture un peu plus moderne. […] Il fallait également éliminer toutes les traces […] Berlin aurait pu être, en principe, un laboratoire. Mais les architectes qui y ont travaillé étaient plutôt conservateurs : la ville est donc aussi conservatrice […], puisque tous les concepts innovants échouent, il faut reconstruire la ville avec le modèle du XIXe siècle. » En effet, la planification de Berlin mise sur une reconstruction qui reprend les formes de l’architecture berlinoise traditionnelle du XIXe siècle. On assiste alors à un retour à un style architectural antérieur au 20e siècle. Cette référence à une architecture passée constitue pour le Sénat chargé de l’urbanisme de la ville, un moyen privilégié pour affirmer la stabilité politique de l’Allemagne réunifiée, une sorte de retour aux sources, pour ainsi recréer une continuité urbaine et historique. Cette décision a fait l’objet d’un débat entre les architectes qui imaginaient la réunification comme une nouvelle fracture dans l’histoire contemporaine de la ville, et ceux qui sont sélectionnés par le sénat cherchent à recréer une continuité historique. « En Allemagne de l’Ouest, un débat est né entre les historiciens : normaliser l’histoire allemande. Le tournant conservateur de la politique allemande depuis le début des années 1980, le débat public sur la proposition d’ériger des monuments nationaux et des musées d’histoire nationale à Bonn et à Berlin. Tout ceci se produisit dans un climat culturel et politique où, pour la première fois depuis la guerre, ressurgissaient les questions de l’identité nationale. Différentes 88.  Cité dans : E.Muhidine : « D’un passé encombrant à l’utopie urbaine : poids mémoriel

et perspectives pour Berlin » - Essai - Revue d’histoire de l’université de Sherbrooke - 2013. URL : http://www.academia.edu/9521537/Dun_pass%C3%A9_encombrant_%C3%A0_lutopie_ urbaine_Berlin_RHUS_Sherbrooke_2013 (consulté le 12-14)


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fractions du conservatisme allemand cherchaient alors un “passé acceptable”. Leur but était de “normaliser” l’histoire allemande et de libérer le nationalisme allemand des ombres du fascisme – une sorte de blanchiment du passé allemand au bénéfice du projet idéologique des conservateurs. »89

Potsdamerplatz, avant et après la chute du mur © http://www.allemagne. diplo.de/

Cette volonté a abouti à la mise en place d’une politique d’effacement systématique de toutes ces traces de l’histoire. Une ellipse temporelle, une brèche apparaissent entre l’Allemagne prussienne et celle d’aujourd’hui. L’image de Berlin est, aujourd’hui, tiraillée entre la volonté d’apparaître comme une ville moderne, tournée vers l’avenir, mais ayant des difficultés de se débarrasser d’un passé encombrant. « Face à la gravité des événements qui s’y sont déroulés, la ville de Berlin n’a semble-t-il pas trouvé d’attitude du “juste milieu” pour sa reconstruction. L’aspect le plus difficile semble avoir été la réécriture du tissu urbain et l’effacement des ruptures afin de créer une sensation d’unité indispensable à la nouvelle nation allemande. »90 Quelques exemples nous permettent d’illustrer ce débat, tels que le concours pour la Potsdamerplatz. En effet, l’orientation architecturale choisie pour la reconstruction de cette place, qui est un vide lors de l’effondrement du mur de Berlin, est représentative de la planification mise à l’œuvre dans le Berlin des années 1990, par l’intention de combler le vide et par son style architectural. L’historien Denis Bocquet la décrit comme91 : « la recherche d’une évocation efficace et sûre, qui restaure l’impression urbaine sans affronter le passé, et pose la ville contemporaine sans trop ouvrir, justement, au contemporain »

89.  Op cit. E.Muhidine 90.  Ibid. 91.  D. Bocquet : « Hans Stimmann et l’urbanisme berlinois » cité dans : E.Muhidine : « D’un passé

encombrant à l’utopie urbaine : poids mémoriel et perspectives pour Berlin » - Essai - 2013.


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La destruction du palais de la république considéré comme la maison du peuple en RDA pour la reconstruction de l’ancien château de Berlin de l’époque prussienne est un autre exemple. Le château de Berlin se trouvait à l’emplacement du palais de la république, mais il fut très fortement endommagé pendant la seconde guerre mondiale, les Soviétiques l’ont donc totalement détruit, et érigée à sa place la maison du peuple. Aujourd’hui, alors que le mur est tombé, la question s’est posée de conserver ou pas ce vestige de l’ère communiste : constituet-il un patrimoine ? Pour certains oui, pour d’autres non, il faut reconstruire le château de Berlin. C’est finalement cette dernière solution qui sera appliquée, on a donc détruit le palais de la république, et aujourd’hui on reconstruit le Schlöss, à l’intérieur il accueillera le temple du capitalisme : un centre commercial, cinéma, hôtel de luxe… Berlin joue avec son passé, Berlin joue avec le temps. Mais on peut se demander si ces traces, ces vides, dont quelquesuns sont encore visibles aujourd’hui dans la ville, ne constituent pas justement l’essence, la caractéristique même, du Berlin actuel. « Les Berlinois se reconnaissent dans ces vides qui font la ville. Le vide Berlinois à une certaine poétique en ce sens qu’il n’est pas uniquement un vide physique, mais un souvenir rappelant les anciennes couches historiques et utopiques qui ont façonné la ville. C’est l’histoire de Berlin qui est écrite dans ces vides. »92 Comme nous l’avons dans la première partie du mémoire, l’aéroport Tempelhof qui a fermé ses portes en 2008, constitue aujourd‘hui un vide parsemé d’histoire. 92.  A.Collaud et G.Pfefferle : « Schizophrénie urbaine : des mondes entrelacés » - énoncé

théorique de master - 2013 – P 93 – URL : http://archivesma.epfl.ch/2013/016/collaud_ pfefferle_enonce/Collaud_Pfefferle_%C3%A9nonc%C3%A9%20th%C3%A9orique.pdf (consulté le 11-2014)

Le palais de la république et le projet pour la reconstruction du Schlöss de Berlin © www.allemagne. diplo.de/


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3.1.2 THF : une trace de l’histoire, un patrimoine, un lieu de quotidienneté93. Quelques réflexions d’Yves Robert à propos du patrimoine, du processus de patrimonialisation, seront un support pour définir le statut de l’ensemble architectural que constitue l’aéroport Tempelhof. Une première définition semble importante : Étymologiquement, le mot patrimoine vient du latin pater signifiant le père. Le patrimoine désigne alors : l’ensemble des biens, et des droits hérités du père. Aujourd’hui, le mot définit plus généralement : « les biens matériels et intellectuels hérités par une communauté. On peut rétrécir ce champ à l’architecture, dont la convention de Grenade offre une définition européenne du « patrimoine architectural », et plus précisément des ensembles architecturaux : groupements homogènes de constructions urbaines ou rurales remarquables par leur intérêt historique, archéologique, artistique, scientifique, social ou technique et suffisamment cohérent pour faire l’objet d’une délimitation topographique. « Le patrimoine se donne comme “profondeur” dans le rapport qu’il entretient avec le temps et plus particulièrement avec la notion de mémoire. Selon cette considération, le patrimoine apparaît comme une archéologie de nous-mêmes, une quête de notre authenticité plus ou moins enfouie qu’il s’agit de ne pas perdre et qui impose à la société une responsabilité, un devoir de mémoire, vis-à-vis des générations futures (impératifs de transmission) » 94 Quelles sont les caractéristiques patrimoniales du complexe aéroportuaire ?

93.  C.Heeb : « A multifaceted monument - the complex heritage of Tempelhof Central Airport » -

Brandenburg University of Technology - mémoire de master - 2007 94.  Robert Y : “Théorie de la conservation et de la restauration des patrimoines”- syllabus la

cambre Horta- p.9


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Une conception architecturale Tout d’abord, Tempelhof s’inscrit comme une innovation dans l’histoire des typologies des aéroports. En effet des prouesses techniques sont à remarquer dans le transport des bagages, le flux des passagers, leur accueil ainsi que dans la transition de la zone d’embarquement vers les pistes de vol. C’est d’ailleurs en 2004 que N.Foster, architecte anglais, désigne l’aéroport Tempelhof comme : « The mother of all airports ». Yves Robert parle de patrimoine de savoir-faire : « Le concept de patrimoine historique se bâtit autour d’un triple idéal, dont celui de la formation des architectes, en privilégiant un dialogue pédagogique entre les bâtisseurs anciens et les architectes contemporains incités à redécouvrir les témoins du passé pour se former l’œil et la main. Dans cette perspective, la notion de patrimoine historique apparaît comme un espace de savoir où les connaissances s’édifient, mais aussi comme lieu de référence, où la culture trouve des modèles pour se développer. »95

Hall d’entrée © Flughafen Tempelhof

95.  Robert Y : “Théorie de la conservation et de la restauration des patrimoines”- syllabus la

cambre Horta- p.9


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Une architecture érigée sous le nazisme De plus, l’aéroport de Tempelhof fut érigé sous le 3e Reich, il est le premier bâtiment qui révèle les intentions d’Hitler pour Berlin. Il est alors un témoin de cette époque et également de la grandiloquence d’Hitler. Il fait partie de ces lieux qui attestent de l’époque nazie, ces témoins sont importants dans le travail de la transmission de la mémoire aux générations futures. « Les réalisations les plus monumentales (issues d’un régime totalitaire) jusque dans leurs délires dimensionnels ou fonctionnels méritent d’être préservées quitte à changer résolument leur sens et leur usage. Il convient par ailleurs de trouver les moyens de conserver toutes les traces archivistiques précieuses pour en reconstituer le sens initial, et se donner ainsi les moyens de mesurer le chemin parcouru par la société et son espace au cours des siècles. »96

Aigle, symbole du nazisme © http://www.allemagne. diplo.de/

96.  J. Frey : « Du bon usage de la monumentalité dictatoriale » dans : « L’architecture des régimes

totalitaires face à la démocratisation » – IOSA IONA – collection aujourd’hui l’Europe - Édition l’Harmattan – Le Mesnil sur l’Estrées – 2008


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Un symbole de l’amitié Par la suite, il fut le théâtre du pont aérien, qui est un des événements les plus importants pour la ville de Berlin pendant la guerre froide. Les alliés occidentaux, jusqu’alors identifiés comme « les ennemis de l’Allemagne », ont mis en place ce pont aérien qui a permis de ravitailler en vivre BerlinOuest pendant un an. Le spectacle et l’assistance offerts par le pont aérien aux Berlinois transformèrent le sentiment et la perception des Berlinois envers les alliés. De plus l’aéroport Tempelhof est le lieu central et stratégique du pont aérien dû à sa situation en centre-ville et sa connexion au réseau routier, ce qui renforcera d’ailleurs son image symbolique. Cet événement a fortement marqué les Berlinois, c’est alors, toute l’image, la symbolique du lieu qui change dans l’esprit des gens. On peut parler d’un glissement de la mémoire, d’une période horrible et honteuse (le régime nazi) à un événement heureux (le pont aérien). Une porte de liberté pendant la guerre froide Son rôle pendant la guerre froide ne s’arrête pas la, en effet pour des milliers de personnes du bloc soviétique, avant la construction du mur du Berlin et pour ceux qui ont réussi à le franchir, l’aéroport Tempelhof était une passerelle vers la liberté. Cette image symbolique est renforcée par le fait que Tempelhof est l’aéroport principal de Berlin-Ouest jusqu’en 1975 (ouverture de Tegel au trafic civil) Un patrimoine de la vie quotidienne Ces événements ont contribué à inscrire Tempelhof comme un élément de la quotidienneté des Berlinois. En effet, en tant qu’unique aéroport à Berlin-Ouest jusqu’en 1974, il fut le lien entre la ville et le monde. Un sentiment d’importance a été créé par la population locale face à l’aéroport, dû à son rôle pendant la guerre froide, sa situation en ville,

Mémorial du pont aérien devant le bâtiment de l’ex-aéroport © internet


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Avion décollant de Tempelhof, aéroport en centre-ville © http://www.allemagne. diplo.de/

les événements organisés au sein du complexe. Ainsi Tempelhof est devenu une partie de l’identité locale97. C’est un lieu inscrit dans la mémoire collective, qui peut être défini comme la résultante des croyances et des valeurs du corps social, de ses rituels et de ses institutions. Cette mémoire peut être édifiée par des lieux tels que des musées, mémoriaux, monuments. Ce sentiment peut être renforcé par le fait qu’il ne fut pas utilisé en tant qu’aéroport sous le 3e Reich. Ainsi cette période ne prend pas place dans la quotidienneté des Berlinois et ainsi dans la mémoire collective. Érigé sous le régime nazi, point stratégique de Berlin pendant la guerre froide, et finalement fermé du, entre autres, à la chute du mur de Berlin, Tempelhof est un témoin des événements marquants du 20e siècle. Ses diverses temporalités à travers les époques constituent une accumulation de trace. Tempelhof est devenu au fil du temps, un « bâtiment palimpseste », où les strates de l’histoire y sont perceptibles. Lors de la visite du bâtiment, on croise d’anciens aigles nazis côtoyant le terrain de basket construit par les Américains… Toutes ces traces accumulées lui donnent le statut de « monument98 » aujourd’hui. H.Bernard : « Il faut noter la capacité des Allemands à accepter leur passé, en effet THF n’est pas un bâtiment renié, une sédimentation s’est opérée depuis le nazisme, par notamment l’événement du pont aérien. Aujourd’hui le bâtiment sert à l’industrie de la mode, salon… Etc. » Depuis sa fermeture Tempelhof apparaît comme un vide saturé d’histoire et de mémoire, il est une page blanche mémorielle. En effet, l’architecture impressionnante du complexe de Sagebiel, qui prend place dans le contexte urbain, renforcé par les nombreux événements historiques qui ont lieu, offre à l’aéroport Tempelhof un statut patrimonial. Ces valeurs tangibles sont conservées par le statut historique du complexe. L’héritage intangible du lieu peut 97.  C.Heeb : « A multifaceted monument - the complex heritage of Tempelhof Central Airport » -

Brandenburg University of Technology - mémoire de master – 2007- P 71 98.  Du latin monumentum, dérivé du verbe moneö « se remémorer »


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être représenté par le rôle de l’aéroport dans la vie quotidienne des Berlinois. Une question se pose, comment sont conservées ces valeurs ? 3.1.3 Comment entretenir la mémoire de THF ? Quand les avis divergent ! L’impact de l’histoire dans la controverse actuelle. « La remémoration forge notre lien au passé, et les manières de se remémorer définissent ce que nous sommes dans le présent. De façon individuelle et collective, nous avons besoin du passé pour construire et pour ancrer nos identités et pour nourrir notre vision du futur. » Comment l’enjeu mémoriel est-il présent dans la proposition du Sénat ? L’un des premiers principes qui nous viennent à l’esprit pour entretenir la mémoire d’un lieu est sa conservation par le système de patrimonialisation. Y.Robert nous offre une définition : « c’est le processus de constitution du patrimoine, autrement dit l’ensemble des mécanismes engendrant des évolutions de statut permettant à tout artefact et écofact de notre environnement d’acquérir le cas échéant un statut patrimonial. » Ce fut l’une des premières mesures appliquées à Tempelhof, par le Sénat de Berlin, avant même la fermeture de l’aéroport. Sa reconnaissance comme un élément du patrimoine a lieu en 1995, par son inscription aux monuments historiques de Berlin, en tant qu’ensemble, par son articulation à la ville, le bâtiment, la transition vers les pistes de vol et une partie du tarmac. Par la suite, le sénat expose l’idée de fermer l’aéroport et de réhabiliter ses anciens bâtiments pour accueillir, une zone développement urbaine, avec un pôle culturel, des activités de loisirs… Ainsi comme le décrit Yves Robert : « la patrimonialisation peut conduire à une réévaluation de

Tempelhof, bâtiment classé aux monuments de Berlin © le sénat de Berlin


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la culture présente par un processus de réinterprétation de l’histoire au service du développement (stratégie du patrimoine comme levier de développement). » Concernant les pistes d’atterrissage, les pistes seront conservées et insérées dans un projet de réaménagement : un parc nommé le parc du pont aérien ceinturé d’une urbanisation en ellipse modérée permettent de conserver les caractéristiques du lieu, tel est le projet proposé par le master plan publié en 2013. Sur le site internet de Tempelhof Projekt, nous pouvons lire : « L’aéroport Tempelhof, son histoire unique et son architecture extraordinaire, en font un endroit vraiment particulier, il est le lieu idéal pour la présentation de nouvelles idées. »99 Ce caractère exceptionnel, promu par son histoire et son architecture, offre un rayonnement à l’ancien aéroport et le rend attractif pour de nouvelles idées, appropriations. Ainsi la mémoire du lieu est instrumentalisée en faveur du développement urbain. F.Bielka, de la société de construction Dewego100 ajoute : « Cela nous rend fiers de participer à l’avenir de cet endroit berlinois historique et de perfectionner cet ancien aéroport. »101 Ainsi d’après la théorie de Boltanski, l’inscription du complexe aéronautique est une démarche qui s’apparente à la cité domestique, dans l’optique de transmettre cet héritage aux générations suivantes, et également à la cité civique. Puis, il semblerait que l’instrumentalisation de l’histoire au service du développement s’apparente à la cité industrielle ce qui est relevé est l’efficacité et productivité du lieu. De plus, la volonté de ce développement s’inscrit dans le but de rendre cette zone, voire la ville, attractive. En réaction à cela et comme vue dans le 2e chapitre, Jakob Tigges propose un projet utopique : The berg.102 Ce projet manifeste s’inscrit contre le concours lancé par le sénat pour le parc paysager, et dénonce ainsi la banalisation du lieu par l’implantation de bureaux, logements, parc urbain. « Berlin ne peut pas perdre un site qui représente autant symboliquement et culturellement, juste pour y construire toujours les mêmes programmes immobiliers médiocres. » Bien que totalement utopique, l’image de cette montagne reste ancrée dans la mémoire collective, c’est un projet qui interpelle les Berlinois, et le monde entier. 99.  http://www.thf-berlin.de/en/organize-events-rent-invest/tenants/ (consulté le 12-14) 100.  Acteur identifié dans le chap.2 101.  http://www.stadtentwicklung.berlin.de/aktuell/pressebox/archiv_volltext.shtml?arch_1309/

nachricht5063.html (consulté le 12-14) 102.  La montagne.


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Comment l’enjeu mémoriel est-il présent dans la proposition de l’association ? Mais justement, Tempelhof n’est-il pas en train de devenir la montagne « imaginaire » pensée par Jakob Tigges ? En 2010 les anciennes pistes d’atterrissage se sont vues envahir par les cerfs volants, les rollers, les jardiniers… Tempelhof est devenu un de ces endroits incontournables de Berlin, il est maintenant répertorié dans de nombreux guides touristiques. Les utilisateurs des pistes d’atterrissage se sont exprimés lors du référendum, et rejoignent ainsi Jakob Tigges, est-ce ceci l’avenir de Tempelhof ? Un quartier résidentiel autour d’un parc ? Comme explicité précédemment, Tempelhof a acquis une valeur unique à travers ses diverses temporalités durant le 20e siècle, c’est un bâtiment un vide palimpseste, où les strates de l’histoire sont perceptibles. Sur le site de l’association 100 %, on peut lire : « L’aérodrome de l’aéroport de Tempelhof est dans son ensemble un témoignage culturel et historique de l’histoire de Berlin. » De plus : « Il est important de garder Tempelhof comme un site historique pour commémorer les choses importantes qui se sont produites il y a des décennies. À long terme, nous allons regretter d’avoir pris un espace comme celui-ci à construire. » Tempelhof, monument de la quotidienneté © B. Nauleau


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Tempelhof, monument de la quotidienneté © B. Nauleau

Tempelhof fait partie de ces lieux vides mémoriels qui constituent l’essence même de Berlin, c’est un lieu qui transmet l’histoire du 20e. Cette mobilisation peut s’expliquer également par le fait que l’ancien aéroport, par son histoire, est devenu un élément de la quotidienneté de ses riverains et fait ainsi partie intégrante de l’identité locale. Il prend ainsi part dans la mémoire collective. Ceci est confirmé par le taux de participation au référendum qui révèle une mobilisation importante des quartiers jouxtant le champ. Mais également par la mobilisation face à la fermeture de l’aéroport lors du premier référendum en 2008. Pour reconnecter à la ville ce vide saturé d’histoire et de mémoire, l’appropriation libre et spontanée semble être une alternative à une urbanisation immédiate. Ainsi, occuper Tempelhof avec des cerfs volants, des jardins potagers, des barbecues… semble être un bon moyen de se réapproprier le lieu, de le conserver dans leur quotidienneté, ainsi d’entretenir sa mémoire, et le transmettre aux générations futures. « Le terrain d’aviation de Tempelhof doit rester ouvert sans restriction et gratuit à tous les habitants de Berlin, à l’avenir. Il ne peut être privatisé, il doit rester en la possession des pouvoirs publics. Ces conditions


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garantissent la jouissance du lieu pour les générations futures. »103 Pour l’association 100 % THF, Tempelhof est un lieu de mémoire qui doit être et rester accessible à tous. De plus, il est considéré comme un élément de la quotidienneté des résidents locaux. Tempelhof est un vide, un marqueur, un révélateur des strates de l’histoire. Les différentes temporalités de Tempelhof à travers le 20e ainsi que sa situation en centre-ville lui ont conféré le statut de « monument ». De plus, son histoire l’inscrit à l’identité locale, il constitue un élément de la quotidienneté des Berlinois, et ainsi prend part dans la mémoire collective. Alors que le sénat prône le patrimoine comme tremplin pour une nouvelle appropriation, les habitants entretiennent la mémoire du lieu par l’appropriation libre et spontanée, en conservant Tempelhof comme élément de leur identité. Ce sont des lectures différentes du patrimoine. Le témoignage d’une Berlinoise croisée sur Tempelhof nous confirme l’importance de ces lieux historiques pour les Berlinois : « Les Berlinois sont vraiment attachés à tous les lieux qui font “office de mémorial”. Pour une bonne partie des Berlinois d’origine, c’est super important, car ça a vraiment marqué une partie de leur vie. Ça doit faire partie d’un sentiment de nostalgie commune. Je pense que l’idée que le marché immobilier qui est sacrément carnassier s’attaquant à un élément du patrimoine historique est assez choquant et limite irrespectueux pour certains. Un autre exemple, tout le monde a très mal pris l’abattement d’un tronçon de l’East Side Gallery104 pour construire des logements de luxe. Surtout que la ville de Berlin vend le terrain pour trois francs six sous » Ce témoignage éclaire non seulement sur le fait que les Berlinois sont contre une modification d’un élément du patrimoine faisant partie de 103.  http://www.thf100.de/das-wiesenmeer-schuetzen.html (consulté le 12-14) 104.  Morceau du mur qui était l’ancienne séparation des deux Berlin : Un pan de l’histoire de

l’Allemagne a été détruit mardi. L’East Side Gallery, un tronçon du Mur de Berlin de 1,3 kilomètre décoré par des artistes, a été retiré pour laisser la place à un projet immobilier. Au total quatre blocs du mur, représentant une ouverture de cinq à six mètres de large, ont été enlevés et remplacés par une porte. Les travaux, effectués à la demande d’un promoteur immobilier qui veut construire une tour d’habitation de grand luxe de 63 mètres de haut sur les berges de la rivière Spree, ont démarré à 5 heures du matin et sont désormais achevés ce vestige de la Guerre froide doit faire l’objet de deux percées sur une trentaine de mètres, car la municipalité veut également assurer l’accès à un pont pour piétons et cyclistes qui doit enjamber la rivière d’ici 2015 http://www.nouvelle-europe.eu/node/735 (consulté le 12- 2014)


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la mémoire collective. Mais surtout qu’ils sont contre la méthode et le but de cette modification. Il s’avère que la controverse autour de la réappropriation de Tempelhof se révèle plus complexe, et semble être motivée par de multiples enjeux contemporains. Ils sont exposés ci-après.


L’hiver à Tempelhof © B. Nauleau


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3.2 L’enjeu socio-économique 3.2.1 Contexte berlinois Au lendemain de la réunification allemande, le 3 octobre 1990, Berlin devient la capitale de ce « nouveau » pays. Elle se situe à seulement 80 km de la frontière polonaise, c’est le symbole d’un pays qui se tourne vers l’Europe centrale, à l’image de ce que va devenir l’Europe élargie. Le choix de Berlin est fait par consensus. Berlin comme nouvelle capitale de l’Allemagne réunifiée doit : Assumer un rôle politique : Le retour des institutions consacre le nouveau rôle politique de Berlin. On assiste, alors, aux transferts des institutions de Bonn, ancienne capitale de la RFA, à la nouvelle capitale du pays réunifié. Le nouveau quartier des institutions est construit de part et d’autre de la Spree (fleuve de Berlin), la où passait autrefois le mur de Berlin. Il se compose de la Chancellerie fédérale, du quartier parlementaire, et de l’ancien Reichstag. Le nouveau quartier gouvernemental affirme par son urbanisme la réunification de l’Allemagne, et également la réconciliation entre les deux parties de la ville. Par souci d’économie, certaines institutions se sont installées dans d’anciens bâtiments érigés sous le nazisme ou sous le communisme. Deux cas isolés : ministère de l’air, maison des ministères de la RDA, aujourd’hui le siège du ministère des Finances. Et l’ancien siège de la Cour suprême de la RDA accueille aujourd’hui le ministère de l’Économie. Sur la Pariser Platz, les ambassades font également leur retour dans la ville après la chute du mur, dont celle de la France, du Royaume-Uni, les États-Unis. Et de même presque tous les partis politiques ont déplacé leur siège, CDU, SPD, FDP, à Berlin. Pourtant, toutes les institutions ne furent pas pour autant transférées dans la nouvelle capitale. Six des quatorze ministères fédéraux ont leur siège principal à Bonn, dont les ministères de la Défense, de l’Environnement ou de la Santé. De plus, tous les ministères disposent d’un siège dans chacune des deux villes, on assiste à un véritable dédoublement des institutions. Ainsi Berlin ne s’impose pas comme l’unique centre politique de l’Allemagne.


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Assumer un rôle économique : L’Allemagne est devenue la première puissance économique européenne. Afin d’épanouir son rayonnement économique, plusieurs chantiers ont été lancés pour créer des centres d’affaires et attirer les entreprises allemandes comme étrangères. L’exemple le plus représentatif est la Potsdamerplatz, ancien no man’s land abandonné, aujourd’hui elle est un pôle urbain important. Les entreprises telles que Sony et Daimler ont acheté des milliers de m² afin d’y construire leurs sièges respectifs. La Potsdamer Platz est devenue le plus grand chantier d’Europe dans les années 1990. Grâce à cette stratégie économique, le nombre d’entreprises installées à Berlin est passé de 75 000 en 1991 à 262 000 en 2009. Malgré cela, en 2009 le PIB de Berlin s’élève à 96 milliards d’euros, contre 101 milliards pour Stuttgart et 200 milliards d’euros pour Frankfurt. Revenu par habitant à Berlin est de 16 000 €, en dessous de la moyenne nationale (19 000 €/hab). Quelles en sont les raisons ? En réalité, et comme on s’en doute, les 40 ans de division et d’isolement ont pesé sur l’économie berlinoise qui n’a pas pu se développer au même rythme que les villes qui étaient en RFA. Donc au moment de la réunification les entreprises de Berlin se révèlent moins compétitives que celles situées en Allemagne de l’Ouest. Au lendemain de la réunification, le nombre d’entreprises a certes augmenté à Berlin, mais peu d’entre elles y ont installé leur siège social. En effet, en 2007 sur les 500 sièges sociaux des plus grosses entreprises allemandes, 17 sont implantés dans le land de Berlin, 33 à Hambourg, 76 pour Essen, 90 en Bavière, 141 en Rhénanie du Nord. Donc Berlin doit faire face à la concurrence d’autres villes allemandes, telles que Francfort métropole financière et siège de la banque centrale européenne, Munich capitale de l’édition, ou encore Hambourg le premier port d’Allemagne. Berlin est aujourd’hui endetté à hauteur de 60 milliards €, pour pallier aux inégalités entre Landers, les impôts sur le revenu sont redistribués à l’ensemble des divers Landers, notamment en fonction de leur situation économique. Sur la période 1995- 2012, le land de Berlin est le land à avoir reçu le plus d’aide par ce système (46 milliards €), et les länder du sud sont ceux qui ont le plus donné. Par ailleurs le land de Berlin est celui qui connaît le taux de chômage le plus élevé d’Allemagne avec un pourcentage de 12,3 %. Contre 6,8 % de moyenne nationale. (Chiffre relevé en 2012)


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La réunification aurait dû marquer le début de la renaissance économique de Berlin, or depuis la ville a perdu de son attractivité sur ce terrain-là. Un rayonnement culturel : Un signe majeur de l’attractivité de la ville est le tourisme. Berlin est la ville la plus visitée d’Allemagne avec près de 11 millions de visiteurs en 2012 contre 3 millions en 1993. Aujourd’hui les revenus liés au tourisme représentent environ 10 milliards d’euros annuels. Cet attrait touristique s’explique pour diverses raisons : *un nombre important de monuments historiques (témoins du 3e Reich, Shoah, de la division de l’Allemagne) *une vie culturelle très intense, salle de concert, musées, opéra… c’est la conséquence inattendue de 40 ans de divisions de la ville, années durant lesquelles les autorités de l’est comme de l’ouest se sont efforcées de faire de Berlin une ville culturelle. * Des loyers peu élevés *la présence de friches a attiré une population jeune et de nombreux artistes, des défenseurs de la contre-culture *un haut lieu de la musique électronique.



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3.2.2 Tempelhof un enjeu socio-économique : Tempelhof due sa taille 380 hectares et son emplacement dans le ring intérieur à 4 km au sud du centre-ville est un vide très convoité. Grâce à son ancienne fonction d’aéroport, c’est une poche vide autour de laquelle la ville s’est développée. Elle représente une véritable opportunité pour la ville de Berlin. Quelle est la valeur d’un vide de 386 hectares au cœur d’une nouvelle capitale européenne réunifié, d’un Land, d’un quartier ? Comme nous l’avons vu dans le chapitre 2, la première réaction fut de remplir ce vide, pour en créer un nouveau quartier. Très rapidement, cette idée est abandonnée notamment dû à l’inscription de l’ensemble au patrimoine architectural de la ville, ses qualités écologiques, ainsi que la situation économique de Berlin. Le master plan du Sénat propose une urbanisation modérée, en effet uniquement l’extérieur de l’ancienne « taxiway » sera construit. La volonté est de créer un nouveau pôle urbain à part entière à l’échelle de la ville. Son ambition est d’allier la culture avec la bibliothèque centrale et le bâtiment de E.Sagebiel, un quartier résidentiel avec un total de 4700 logements, et des équipements tels que bureaux, commerces de proximités. Ce nouveau pôle s’articule autour d’un espace de loisir, un parc urbain d’environ 200 hectares. Ainsi, pour une superficie totale de 985 000 m² : les logements représentent 460 000 m² soit 4700 Unités de logement et 425 000 m² sont consacrés en bureaux et services. Un pôle économique : Manfred Kühne105, responsable au sein du département d’urbanisme de Berlin : « La ville compte encore beaucoup de chômeurs et pas assez d’emplois. La ville de Berlin a acheté l’aéroport de Tempelhof dans le but d’y créer une zone de développement économique, un nouveau pôle urbain. Pour cela, nous avons besoin d’espace pour les nouvelles entreprises. » Comme vu dans la partie contextuelle de l’enjeu socio-économique, le rayonnement économique de Berlin est limité en comparaison avec d’autres villes d’Allemagne, telles que Munich ou Francfort. De plus, le taux de chômage de la ville de Berlin est supérieur à la moyenne 105.  Interview par D.Borden - « Tempelhof : Don’t fence me in ! »- 2014-URL : http://www.

exberliner.com/features/lifestyle/tempelhof dont-fence-me-in/(consulté 10-2014) May 21, 2014


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nationale. Le projet de reconversion de l’ancien aéroport constitue ainsi une réelle opportunité pour l’attractivité économique de la ville. Mais d’après Johannes Kühn, architecte à Berlin106 dont l’avis est partagé par l’association 100 % Tempelhof : « Il y a trop d’immeubles de bureaux à Berlin : on compte 1,6 million de m2 de bureaux inoccupés. On pense même en reconvertir en logement. Alors est-ce vraiment nécessaire de construire 425 000 m² de bureau sur Tempelhof ? » Un pôle culturel : Le projet pour la bibliothèque centrale107 : « Dans le projet pour la bibliothèque centrale, les habitants se demandent ce que vont devenir leurs bibliothèques de quartiers, si tout l’argent va dans ce nouveau bâtiment. » Étant donné que le bâtiment d’E.Sagebiel fait partie de la planification de reconversion des grands bâtiments vides de l’IBA 2020, il pourrait être réinvesti en partie en bureaux et pourrait prendre place également la bibliothèque centrale Un pôle résidentiel : On peut remarquer que plus de la moitié des constructions prévues sur Tempelhof est réservée au logement. Berlin attire. 48 000 personnes108 se sont installées à Berlin en 2013 et notamment dans les quartiers autour de Tempelhof. De ce fait, la ville fait face à une crise du logement. Ces dernières années les prix des locations augmentent. (+ 14 % courant 2013, et 30 % depuis 2010109) Sachant que 85 % des Berlinois sont locataires, ils sont très attentifs au prix du loyer. 106.  Interview sur France Culture par Marie Charton. http://www.franceculture.fr/emission-

sur-les-docks-allemagne-14-%C2%ABquand-les-loyers-s%E2%80%99envolent-a-berlin%C2%BB-2013-09-16 (consulté le 11- 2014) 107.  Interview H.Bernard 108.  Les chiffres donnés sont issus du site http://www.wohnungsboerse.net/mietspiegelBerlin/2825 109.  http://info.arte.tv/fr/la-flambee-des-loyers-berlinois (consulté le 10- 2014)

Augmentation des loyers à Berlin. © Berlin statistik


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Le Master Plan proposé par le Sénat pour Tempelhof prévoit 4700 appartements qui vont permettre, d’après Michael Müller110, « d’amorcer une solution au manque de logement, qui sera renforcé par l’immigration de 250 000 personnes durant les 15 prochaines années ». Le communiqué de presse du 15 octobre 2013, invitant la population à une discussion autour du logement Tempelhof, par le Sénat de Berlin expose les informations suivantes :111 « Le terrain de Tempelhof est un grand espace en plein cœur de Berlin, que nous voulons développer de manière durable. Le terrain de Tempelhof est précieux, c’est pourquoi un grand espace ouvert de 230 hectares restera disponible pour l’ensemble des Berlinois. Les habitants de Berlin et particulièrement les résidents locaux apprécient ce site depuis des années, et notamment aujourd’hui pour les loisirs, les sports et la proximité avec la nature. Pour cela, uniquement les bords de la zone seront urbanisés, et offriront de nouveaux logements qui sont importants dans le centre-ville. Nous savons tous que Berlin grandit, la pression sur les logements monte et ainsi monte avec eux le loyer. Conformément aux politiques du logement, les bords du champ doivent offrir de nouveaux logements et surtout des logements abordables. Cela soulage le marché du logement, réduit la pression de loyer et donc bénéfique pour tous. » En effet : « le ministre du Développement urbain et de l’Environnement ainsi que les sociétés de logements appartenant à l’État ont signé un contrat dans lequel au moins 50 % des appartements auront un loyer allant de 6 à 8 euros du mètre carré. »112 Suite à cette discussion autour de Tempelhof, un deuxième communiqué de presse fut publié par le sénat le 9 décembre 2013 : Logements abordables pour Tempelhof terrain113. Il précise le taux de logements à loyer abordable. Sur la zone Tempelhofer Damm, 1700 appartements seront construits, dont 50 % de ceux-ci auront un loyer allant de 6 à 8 euros du m². Ceci en accord avec les revenus moyens correspondant au quartier de Neukölln. 110. Sénateur du développement urbain et environnemental propos recueilli sur http://www.

stadtentwicklung.berlin.de/wohnen/wohnungsbau/index_en.shtml (consulté le 11- 2014) 111.  Ibid. 112.  Ibid. 113.  http://www.stadtentwicklung.berlin.de/aktuell/pressebox/archiv_volltext.shtml?arch_1309/ nachricht5063.html (consulté le 12- 2014)


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Comparons les informations mises à disposition par le sénat dans le communiqué de presse : Le premier communiqué de presse qui invite les Berlinois à une discussion autour de Tempelhof, ne précise pas le nombre de logements à loyers modérés, mais donne un pourcentage : « au moins 50 % des appartements auront un loyer allant de 6 à 8 euros du mètre carré ». Le deuxième communiqué de presse, publié à la suite de la discussion avec les habitants, précise : « Sur cette zone (Tempelhofer Damm) est créée jusqu’à 1700 appartements, 50 % de ces appartements auront un loyer correspondant à des catégories de revenus moyens correspondant au quartier de Neukölln, soit de 6 à 8 m². » Ainsi, la précision apportée par le deuxième communiqué de presse éclaire sur la volonté du Sénat à propos du type de logements construits sur le site de Tempelhof. Dans un premier temps, si on traduit l’information du sénat en termes de nombre de logements construits, 2350 appartements auront un loyer modéré, mais en réalité ce sont les logements d’une des 4 zones d’urbanisation soit 1700 divisés par deux soit 850 logements ayant un loyer entre 6 et 8 euros du m². H. Bernard nous éclaire sur la volonté du sénat : « la ville de Berlin a besoin de logements haut standing, il n’y en a très peu pour cette classe de personne. Une ville a aussi besoin de ce genre de logement pour être attractive, et ainsi redistribuer les richesses, elle ne peut pas rester avec une population si pauvre. » Alors que le Sénat prône une urbanisation modérée sur le champ de Tempelhof, par des logements neufs et abordables avec une différenciation des loyers en fonction de la zone, contribuant ainsi à un assouplissement du marché du logement. L’association 100 % THF craint le renforcement du phénomène de gentrification qui touche les quartiers jouxtant Tempelhof. Sur le site internet de l’association 100 %, on retrouve l’enjeu socio-économique de manière prépondérante. En effet sur la page d’accueil, les onglets : Logement pour tout le monde ? Et Prévisions de la population 2030 sont en 3e et 4e position. On remarque un très fort intérêt porté à cet enjeu. Les résultats de la participation au référendum en 2014 par quartier, nous donne une première information : Les quartiers en contact direct avec Tempelhof, à savoir : Neukölln, Tempelhof Schöneberg, Friedrichshain Kreuzberg, sont favorables à la proposition de l’association 100 % Tempelhof, c’est-à-dire contre la proposition actuelle d’urbanisation du sénat.


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Taux de pauvreté par quartier et Taux d’immigration par quartier © Berlin Statistik

Marion Payet ayant assisté aux réunions entre les habitants et les planificateurs nous éclaire sur ce point : « Les autorités n’ont jamais accepté de signer un accord pour un minimum de logements moyens (environs 7euros/m²). Il est fixé à 9 % de la surface construite. Ce serait l’une des raisons pour lesquelles les Berlinois ont demandé ce référendum. » Ce qui signifie que 800 logements sur 4200 auraient un « loyer abordable ». C’est-à-dire 88 650 m² serait construit en logements accessibles, sur 460 000 m² de zone résidentielle et 985 000 m² de zone construite. Ce qui correspond bien à l’information publiée par le sénat dans le communiqué de presse du 9 décembre 2013. Comme l’indique les cartes ci-jointes, « le taux de pauvreté » et le « taux d’immigration » de Neukölln est le plus élevé de Berlin (plus foncé), ensuite Kreuzberg et pas très loin derrière Schöneberg. De plus le prix des loyers fluctue entre 6,51 à 8 euros et 8 à 10 euros114. Heike Thomas, Marie Schubenz et Hans-Jürgen Steffin115, vivant à Neukölln, et membres d’un collectif de locataires nous font part de leur situation. Aujourd’hui, la crise du logement à Berlin ne touche pas tout le monde, elle touche principalement les quartiers de Neukölln et Kreuzberg, soit les quartiers les « plus pauvres ». En effet depuis deux ans, les actions se multiplient dans ces quartiers pour protester contre l’augmentation des loyers, la crainte de l’expulsion de ceux qui ne peuvent plus payer vers l’extérieur de la ville augmente. Elles mettent en évidence le phénomène de gentrification qui a commencé vers 2010. Pourtant, M. Kühne116, responsable au sein du département d’urbanisme de Berlin, explique que pour la première fois depuis 10 ans, la ville de Berlin dispose du budget pour la construction de logement à loyer abordable. Pourquoi être contre leur construction à Tempelhof ? 114.  http://www.wohnungsboerse.net/mietspiegel-Berlin/2825 (consulté le 12- 2014) 115.  Interview par M. Charton – « Quand les loyers s’envolent à Berlin » - France

Culture - 2013- URL : http://www.franceculture.fr/emission-sur-les-docks-allemagne-14%C2%ABquand-les-loyers-s%E2%80%99envolent-a-berlin-%C2%BB-2013-09-16 (consulté 09/2014) 116.  Interview par D.Borden - « Tempelhof : Don’t fence me in ! »- 2014 - URL : http://www. exberliner.com/features/lifestyle/tempelhof-dont-fence-me-in/ (consulté 10/2014) May 21, 2014


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De plus H.Bernard nous expose les outils mis en place par l’Allemagne contre l’augmentation des loyers : - Impossibilité de changer la destination du logement : par exemple acheter un appart et le louer en air BnB transforme la surface en loisir. - Bail à duré indéterminé : soit : vendre avec le locataire, ou pour récupérer “son” appartement il faut attendre 10 ans. Ceci est un frein important à la spéculation étrangère. - Dans certains quartiers : Interdiction de rénover les anciens bâtiments en logement de luxe. Mais pour les Berlinois, le pourcentage de construction de logements à loyers modérés prévus dans le master plan reste trop faible, cela augmente la crainte des habitants de voir se renforcer le phénomène de gentrification qui touche déjà cette partie de la ville. Quelles sont les conséquences de ce référendum sur la crise du logement ? Le responsable du sénat117 y répond : « Berlin n’a pas besoin de THF pour construire du logement, il y a assez de dents creuses, réserve foncière pour pallier à ce manque. » En effet, une étude commandée par le Sénat, réalisée par Empirica en 2012, informe que 2900 ha d’espace est disponible pour la construction de logement118 (alors que 80 ha de logement sont prévus à Tempelhof). Berlin est une ville où les cicatrices urbaines sont encore présentent malgré la reconstruction de la ville depuis la réunification de l’Allemagne. Ces dents creuses, friches… sont des réserves financières importantes au cœur de la ville. Pour le sénat, les anciennes pistes de Tempelhof deviennent alors une réelle opportunité pour renforcer l’attractivité de la ville de Berlin, d’une part avec un pôle culturel (bibliothèque centrale), un pôle économique (bureaux) et un pôle résidentiel. (construction de logements haut standing) Par contre, l’association 100 % Tempelhof mets en avant l’argument d’un logement pour tous et dénonce l’impact social du master plan avec une gentrification accélérée. Cet argument est cité de manière récurrente dans les interviews, les articles de presse, le site internet de l’association. La volonté du sénat de créer un pôle urbain pour la ville est totalement compréhensible pour rendre la ville attractive, mais elle aurait peut-être dû prendre plus en considération la situation socio-économique des quartiers aux alentours, afin 117.  Interview H.Bernard : citation de Tilmann Heuser (07- 2014) 118.  http://www.stadtentwicklung.berlin.de/ (consulté le 12- 2014)


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d’éviter le référendum. La rapidité de la proposition du master plan, 4 ans seulement après l’ouverture du parc, semble être réalisé dans un but de rentabiliser l’espace au plus vite. Le master plan proposé par le sénat ne semble pas correspondre aux caractéristiques sociales et économiques défendues par l’association 100 % Tempelhof, qu’en est-il du respect des caractéristiques typologiques du site ?



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3.3/Enjeu typologique 3.3.1 Historique de la nature à Berlin.

Berlin c’est : Une superficie de 892 km² Une densité de 3878 hab/km²

FNP mai 2014 Espaces verts © http://www. stadtentwicklung.berlin.de/

40 % du territoire sont des espaces verts dont : 43 % forets et bois 14 % Friches 11 % Jardins ouvriers 10 % Parcs urbains. Soit un ratio de 26 m²/hab


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D’après l’article “Berlin, métropole naturelle”119 La planification de Berlin a toujours eu une forte relation avec les espaces verts. Aujourd’hui la réglementation des espaces verts intervient à différents niveaux du système de planification120, ainsi un véritable intérêt des espaces verts est associé au développement de la ville. La verdure a contribué à la particularité de la capitale tout au long de son histoire. Entourée de forêts, elle se positionne telle une île au milieu du land de Brandenburg. Le développement et l’histoire de Berlin sont étroitement liés à la nature, aux espaces verts. Schinkel, au XIXe siècle, alternait les espaces verts et construisait pour faire de la ville une composition. Il « peignait » in situ le paysage urbain comme l’aurait fait un peintre du XVIIe siècle sur sa toile. La nature et l’architecture se complétaient par pondération. Les bâtiments étaient des pièces autonomes posées sur le sol d’une manière rappelant l’acropole d’Athènes, où les bâtiments sont implantés sur une plateforme vide. Les bâtiments sont également implantés de manière à produire une perspective où ils dialoguent avec la nature. Au XVIIIe siècle, les jardins à l’anglaise se concentraient également sur ces points de vue pour former un paysage pittoresque. La théorie du paysagiste prussien, Peter Joseph Lenné, s’inspirant de ces peintures pittoresques se rapproche également de celle de Schinkel, mais se voit moins catégorique. En 1840, lors de la planification pour le GrandBerlin, le plan étoilé d’Hobrechts fut remplacé par celui de Lenné. Ce dernier proposa un plan où il chercha à créer une nature pure, à l’antithèse de l’ordre des jardins à la française. Il « peignit » Berlin à l’aide d’une route contournant la ville, des places, des canaux et des parcs comme étant des instruments indispensables à la « composition » de la ville. Seulement, dans le contexte de l’époque, Berlin voyait préférablement les canaux comme outils du développement économique plutôt que comme caractéristique esthétique. En 1915, Berlin acquit 10’000 hectares de forêt en annexant les « villages » de Grünewald, Tegel, Spandau et Köpenick. La proportion de nature devint encore plus importante dans l’agglomération berlinoise. Au début du XXe siècle, Bruno Taut changea la façon d’habiter à travers les nombreuses Siedlungen qui virent le jour entre 1920 et 1927. La verdure façonnant la ville et accompagnant ces Siedlungen devint la 119.  “Berlin, métropole naturelle” – Trame verte et bleue, expériences des villes étrangères –

fiche n° 3 – Certu – 2012 – URL : http://www.environnement-urbanisme.certu.equipement.gouv. fr/IMG/pdf/fiche_tvb3_Berlin_version_courte.pdf (consulté 12-14) 120.  Comme vu dans le système de planification chap. 2


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nouvelle spécificité de la capitale. Avec la même idée que Schinkel ou Lenné, ces Siedlungen formèrent des unités éparpillées dans la verdure. Dans les années noires du XXe siècle, Albert Speer imagine la ville absorbée par une « main verte » s’estompant au rapprochement du centre de la capitale. Hitler ne voulait pas d’une ville gigantesque, mais d’une ville qu’il pourrait contrôler. Chacune des habitations se situait ainsi à moins de quinze minutes à pied d’une zone forestière. Ces espaces permettaient non seulement d’offrir de la tranquillité pour les habitants, mais constituaient également un moyen efficace de protéger des bombardements les installations militaires s’y cachant. Ainsi, le conglomérat de « villages-îles » formant la ville découle de son histoire. Contrairement à la planification de Speer, on n’a, actuellement, plus besoin de se cacher. Entre ces îles, à la lisière des quartiers, se trouvent les espaces résiduels comme les routes ou les parties verdoyantes de la ville. Ils agissent comme une frontière entre différents espaces, naturels ou construits. Les espaces verts servent de limite des zones bâties dans ce cas-là, mais ils peuvent également inverser leur rôle en devenant à leur tour « île » limitée par le bâti, « Berlin as a green archipel » d’Ungers en est l’illustration la plus juste. Berlin compte des espaces verts qui peuvent être répertoriés comme des parcs et des jardins, dont l’exemple majeur est Tiergarten, en plein centre de la ville avec une superficie de 210 hectares, elle compte aussi des jardins ouvriers qui représentent 10 % du territoire. Mais les espaces verts ne se limitent pas aux parcs et aux jardins, mais incluent également les friches et la végétation sauvage. Ces vides, comme vus précédemment furent générés par les événements du 20e siècle. Les différentes planifications éphémères qui se sont superposées sur la ville de Berlin de manière radicale, sans prendre conscience du calque précédent, ont généré une ville hétérogène, une ville parsemée de vide. Berlin est génératrice de vide, de dents creuses, de terrains vagues et de friches. La chute du mur a induit un dédoublement des infrastructures ainsi des zones industrielles désaffectées, des gares de triage obsolète (Park Gleisdreick), des vides sont apparus. Mais, ces espaces définis comme des résidus fournissent en réalité de véritables réserves pour verdir les quartiers, et c’est le cas de Tempelhof.


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3.3.2La friche appropriable à Berlin : Selon P. Oswalt, il faut noter une mise en parallèle des sites en friches des villes et de l’usage intermédiaire de certains lieux. Comme si, cette phase d’attente était nécessaire pour voir s’opérer un possible fonctionnement des lieux et pouvoir réfléchir à des planifications urbaines différentes. Le vide devient essentiel à la ville, comme un champ en jachère dans l’assolement triennal. Le champ laissé sans culture est primordial à la régénération du terrain, tout comme les zones urbaines délaissées donnent lieu à un renouvellement de la ville. « Berlin est confrontée à des lieux, qui au fil des époques, ont cessé de fonctionner. La ville a malgré tout su poursuivre son développement au-delà de ces lieux initial, créant ainsi des vides et des silences. Dans ces lieux on peut trouver le silence et le sens de la liberté, sans fuir forcément de la ville. Intéressant de voir que dans le cas de cette ville, c’est en se promenant toujours droit devant soi que l’on ne retrouve pas la structure familière de la ville ordonnée, mais que l’on est confronté à des vues calmes alternées aux lieux plus vivants de la ville. Intéressant aussi de comprendre comment certains tentent de proposer des alternatives à la fermeture et à la mise en attente de ces lieux. »121 À Berlin, les exemples sont nombreux quand il s’agit d’appropriation d’espaces résiduels. Elles sont temporaires, parfois pérennes. Les usagers deviennent parfois les planificateurs de ces espaces et développent ainsi des usages intermédiaires, ils réalisent des expériences culturelles d’une grande force. Ce sont des espaces d’expérimentation pour la ville. Comme en témoigne M.Bader du collectif Raumlabor : « À Berlin, c’est une situation classique pour ce genre d’usage de l’espace. Un exemple intéressant a eu lieu à Friedrichshain, à Berlin, sur le terrain RAW, une ancienne zone ferroviaire avec beaucoup de bâtiments occupés. Ce terrain a été utilisé par une multitude d’initiatives et de groupes différents comme des associations de danse, des groupes culturels, des scénographes pour le théâtre, des ateliers divers. Un groupe de skateurs s’est installé dans une grande halle dans laquelle beaucoup de jeunes se rencontrent, paye une entrée mineure pour pouvoir faire du skate. Les organisateurs ont maintenant 121.  A. Sgrò-Gennaro – « Friches urbaines vs ville, Berlin, archipel d’usages intermédiaires »-

Énoncé théorique de Master d’Architecture - Lausanne - 2009


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envie d’évoluer. Ils n’ont plus envie d’être les sous-locataires des souslocataires, mais ils aimeraient acheter une partie et continuer à se développer. Un mouvement d’émancipation a pu se mettre en place à travers l’usage de ces bâtiments abandonnés. L’espace devient un potentiel, un élément important qui génère l’urbain. Ici, les personnes qui ont expérimenté un lieu se transforment en investisseurs. Il est aussi possible que la personne qui expérimente reste un expérimentateur. Dans une telle situation, l’économie n’a pas forcément de l’importance, mais d’autres formes de qualité s’engagent. Dans ce cas, il faut aussi proposer un espace. Et finalement, il existe aussi la situation dans laquelle l’expérimentateur n’a plus envie de s’investir parce que son objectif de vie a changé. Par exemple, quelqu’un a l’idée de planter des tulipes pour qu’une partie de Tempelhof soit toute rouge l’année suivante en espérant que Google le survole. Être obligé de faire ça pendant vingt années serait probablement insupportable. »122

122.  Interview du collectif Raumlabor le 17 février 2011 dans A.Urlberger – « Paradoxes d’une

nouvelle urbanité : Habiter les aéroports » - éditions MetisPresses - 2012 – P63


Le projet pionnier Allmend Kondor sur Tempelhof Š B.Nauleau


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3.3.3 Les caractéristiques spatiales de Tempelhof : une friche immense Au centre des pistes d’atterrissage, nous perdons tout repère. Il est difficile à notre échelle humaine de saisir ce vaste espace, ainsi la notion de vide né. Les quartiers aux alentours sont denses, ce vaste espace offre une pause dans la ville. Ce vide, envahi dès son ouverture par les cerfs volants, les vélos et les barbecues, est devenu un espace de détente collective. Différents usagers jouissent du même espace, tels que les amateurs de sports extrêmes, les familles pour un pique-nique, les groupes d’amis pour boire une bière ou entretenir leurs jardins. En effet, des projets pionniers ont également envahis les pistes d’atterrissage dès leur ouverture. Tempelhof est alors devenu un lieu de sociabilité à travers l’appropriation libre et spontanée des Berlinois et des projets pionniers. Ainsi, les aspects typologiques mêlés à l’appropriation libre et spontanée des friches berlinoises sont soulignés et pris en compte dans la proposition de projet par le Sénat123, notamment à travers les principes pour l’IBA 2020. Afin de respecter ces caractéristiques spatiales et d’usage, le sénat propose une urbanisation modérée, avec un parc central de 280 ha et la conservation de certains projets pionniers124. Par contre, l’association 100 % THF prône ce sentiment de liberté et d’appropriation spontanée des pistes d’atterrissage. En effet : « L’ex terrain d’aviation offre un espace unique pour les utilisations temporaires, les événements culturels et l’expérience directe de la nature et de l’espace. Nous, Berlinois, nous voulons continuer à profiter librement de l’immensité de Tempelhof, en faisant du kite surf, du vélo, du roller, sentir le vent souffler à travers nous, ou tout simplement en partageant un pique-nique avec nos amis. » Sur le site internet de l’association, un court métrage est réalisé pour mettre en évidence les caractéristiques spatiales remarquables du site. Wiesenmeer – la mer intérieure – est le surnom donné par les Berlinois aux pistes d’atterrissage. Ainsi, nous retrouvons de manière récalcitrante le mot : « liberté ». De plus sous l’onglet : Loisir et Sport pour tous : nous pouvons lire que les citoyens utilisent cet espace 123.  Comme vu précédemment dans le chap.2 124.  Les projets pionniers ne sont pas les prémices directes d’une urbanisation sur Tempelhof,

comme imaginée par Raumlabor, désillusion exposée dans le chapitre 2.


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vert comme un lieu de liberté, détente, ils y ressentent la sensation du vide. Mais les habitants craignent que les caractéristiques particulières de la typologie de l’espace des anciennes pistes d’atterrissage ne s’envolent par l’urbanisation en ellipse proposée par le Sénat. Les Berlinois semblent très attachés à cet endroit de liberté, ce nouveau terrain de jeu. Ils craignent que le nouveau master plan, et principalement la construction en ellipse autour du parc, qui le réduira de 100 hectares, retire ce sentiment de vide. De plus, une grande partie de l’espace vert restant est prévue pour une importante cure de rajeunissement dessiné par les architectes paysagistes écossais Gross Max. Leur projet propose des plantations décoratives, un bassin, et un pic de montagne artificiel. Dans la presse berlinoise, nous pouvons lire : « Tempelhof ne sera pas seulement mis en cage, mais apprivoisé, castré et cisaillé comme un caniche français. » Tempelhof une friche verte, qu’en est il de l’enjeu écologique ? Quelle dimension écologique ?

La sensation du vide à Tempelhof © B.Nauleau



Tempelhof, un vaste espace. Š B.Nauleau


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3.4 Enjeu écologique 3.4.1 Contexte berlinois : Comme vu précédemment, dans le système de planification allemand puis dans l’enjeu typologique, 40 % du territoire municipal berlinois est réservé aux parcs, espaces verts et espaces naturels. Des outils d’aménagements contribuent à conforter ce système de ceintures vertes. Par exemple le plan La Pro propose des actions sur la nature et le paysage et prend en compte les écosystèmes, la protection des biotopes et des espèces, le paysage, les loisirs de plein air dans les espaces publics ainsi que les mesures compensatoires des incidences des projets sur la nature et le paysage. Les espaces verts à vocation climatique : Depuis la réunification allemande, la ville de Berlin reconnaît le rôle important de l’eau et du végétal dans la réduction des îlots de chaleurs urbains125. Berlin se préoccupe de l’aération interne de la ville. Soit le végétal en ville agit comme un régulateur naturel de la température généré par les îlots densément bâtis. Ils sont considérés comme des climatiseurs naturels, économiques et non polluants. Les espaces verts comme réserve de la biodiversité : Depuis les années 1990, la ville de Berlin dispose également d’un inventaire de la faune et de la flore qui s’étoffe au fur et à mesure par des recherches universitaires et associatives menées sur des sites naturels et biotopes remarquables. « Les biotopes identifiés en habitats précieux pour la biodiversité ont été intégrés dans le La Pro dans la perspective de préserver les continuités écologiques et de maintenir les capacités d’évolution des zones sous l’angle de leur taille critique et de leur trajectoire urbaine. »126 L’approche du milieu est favorisée, tels que les prairies humides, 125.  Microclimat artificiel dans les villes créant des élévations des températures de manière

localisées. 126.  “Berlin, métropole naturelle” – Trame verte et bleue, expériences des villes étrangères – fiche n° 3 – Certu – 2012 – URL : http://www.environnement-urbanisme.certu.equipement.gouv. fr/IMG/pdf/fiche_tvb3_Berlin_version_courte.pdf (consulté 12-14)


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les rives des lacs, les terres en jachère, les prairies ouvertes, les lotissements de jardins familiaux, les friches industrielles. De plus les Berlinois s’impliquent dans cette politique de renforcement de la biodiversité induite par la ville, en jardinant les pieds d’arbres… etc.

04

Analysekarte Grün- und Freiflächen Bedeutung und Empfindlichkeit

Stadtklimatische Bedeutung von Grün- und Freiflächen sehr hoch mittel bis hoch gering Kaltluft Austauschgebiete Potenziell empfindlich gegenüber Niederschlagsrückgang im Sommer Grün- und Freiflächen Stadtbäume im Siedlungsraum Potenziell empfindlich gegenüber Änderungen des Grundwasserstands Grün- und Freiflächen grundwasserabhängige Biotope Stadtbäume im Siedlungsraum übrige Siedlungsräume Gewässer S-Bahn-Ring

Datengrundlage Umweltatlas Berlin: 02.07 Flurabstand des Grundwassers 2009 (Ausgabe 2010) 04.11.2 Klimamodell Berlin – Planungshinweise Stadtklima (Ausgabe 2009), Grundwasserabhängigkeit der Biotope, SenStadt, Abt. I (Stand 2009), Layer Straßenbäume der Automatisierten Liegenschaftskarte – ALK, SenStadt Abt. III (Stand Nov. 2009) Kartengrundlage Land Berlin: Blockkarte 1:5.000 (ISU5) des Informationssystems Stadt und Umwelt (ISU) von SenStadt, III F, Stand 31.12.2005, Land Brandenburg: abgeleitet aus ATKIS DLM, Ausgabe 2011

Classification des espaces verts berlinois et leur influence sur la ville © le sénat de Berlin


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3.4.2 Tempelhof une fonction climatique dépolluante et maintien de la biodiversité. La ville de Berlin considère les pistes d’atterrissage de Tempelhof comme une poche nocturne d’air frais dans la ville. En effet ce vide, jouxté par des quartiers densément construits, influe sur la température de ces derniers. Ainsi, les 386 hectares libérés de Tempelhof sont une qualité d’espace ayant une fonction climatique dépolluante : il est considéré comme un climatiseur naturel. Dès lors, tout projet pour les pistes d’atterrissage doit prendre en compte l’importance du microclimat que génère l’espace ouvert pour les quartiers avoisinants : Friedrichshain-Kreuzberg, Neukölln et Tempelhof-Schöneberg. Tempelhof génère un effet venturi, cette immense surface permet de refroidir l’air et ainsi les quartiers aux alentours. Si l’on construit sur ce lieu, l’effet disparaitra. De plus le parc urbain Tempelhof est un abri pour certaines espèces animales, c’est un réservoir naturel devant être protégé.

Relevé des Biotopes à Tempelhof Relevé chaleur au sol Berlin, Tempelhof, poche rafraîchissante © le sénat de Berlin

L’association 100 % THF dénonce le plan du sénat comme étant une atteinte à la protection de la faune et de la flore, et à l’effet venturi. Sur le site de l’association 100 % Tempelhof l’enjeu écologique est défendu sous 3 onglets : 5. Planifications écologiques de la ville 6. Protections de la flore et de la faune 7. Important pour le climat. L’association dénonce l’urbanisation du site, même modérée comme un non-respect de l’enjeu écologique du site.


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Les diverses argumentations des acteurs impliqués dans la controverse peuvent être identifiées en suivant la grille analytique mise en place par L.Boltanski et L.Thevenot dans leur ouvrage « De la Justification : les économies de la grandeur ». En effet, l’apogée de cette controverse, de cette dispute en justice est le référendum soit l’épreuve de justification, termes empruntés aux auteurs. Lors de la dispute en justice chaque acteur défend son intérêt personnel par une argumentation, qui fait appel à des principes généraux supérieurs, opposables à autrui, et ce de manière publique, c’est ce qu’on appelle la montée en généralité. Le schéma, ci-joint, définit ce principe. Les arguments mis en avant par les différents acteurs et exposés dans cette dernière partie font référence à des principes supérieurs généraux différents. Cité domestique, civique, par projet pour les habitants par contre le sénat fait référence principalement aux cités industrielle et marchande. Ceci rejoint le point de vue du représentant du sénat, interviewé par H. Bernard : « La communication de l’information a été mal gérée. Nous nous sommes basés sur des informations techniques (telles que le manque de logements, la volonté de faire un pôle attractif), alors que la population était plus sur un débat émotionnel (sensible à l’histoire du lieu, la gentrification…) Face au référendum, pour prendre sa décision le citoyen doit être informé : il l’a été uniquement par l’association 100 % Tempelhof127. Nous étions sûrs que les gens diraient oui à notre proposition, car il y a un problème de logement à Berlin ». À cela, s’est ajouté, des stratégies sur la communication de l’information. Les habitants sont contre une urbanisation du site, et accordent une grande importance à la valeur historique et spatiale du site, et donc aux enjeux mémoriel, typologique et écologique. Pour répondre à cela, le sénat a mis en avant l’argument suivant : la préservation de la plus grande partie du champ. Ainsi, le sénat joue sur la communication de l’information B. Nauleau photographe engagé à Berlin, témoigne : « À aucun moment durant la campagne le Sénat n’ont mis en avant l’argument « construction partielle du Champ ». Le plus flagrant se trouvait sur le bulletin de vote du référendum. Ils basaient au contraire leur argumentaire sur « la préservation de la plus grande partie du Champ ». C’est une tromperie : ils ont tenté ce coup de Com malhonnête, car ils savaient parfaitement que les électeurs étaient très majoritairement contre la construction partielle, ce que le référendum a bien prouvé. C’était donc une tentative de manipulation. 127.  Site internet/flyers/mobilisation/réunion/manifestations/Pétitions


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Nous attendons d’une démocratie que les représentants élus écoutent et servent la majorité électorale, pas qu’ils tentent de faire passer des réformes sous une couverture trompeuse. » Mais, de son côté l’association 100 % Tempelhof a renforcé ce phénomène en divulguant une information erronée. Le représentant du Sénat témoigne : « A cela s’est ajouté une divulgation d’information fausse, en effet l’idée s’est rependue que la construction de l’ellipse était la première étape d’urbanisation, et que par la suite tout le champ serait construit, ce qui est bien évidemment faux… » En cause, un tract polémique contenant des informations erronées ou mensongères, comme la construction au centre du parc d’élégantes villas non polluantes » ou d’immeubles absents du projet. En plein débat sur la gentrification, il n’en fallait pas moins pour convaincre de nombreux indécis. Ainsi, les arguments sont caricaturés. Le sénat par subterfuge utilise les mêmes cités que les habitants (cités par projet, civique et domestique), pour la conservation et développement du parc, mais en réalité se cache la cité industrielle, urbanisation. Quant à l’association 100 % THF, elle a exagéré le propos tenu par le sénat, en dénonçant le projet comme les prémices d’une urbanisation totale du site.


LA DISPUTE EN JUSTICE Il s’agit d’une dispute qui s’appuie sur la nécessité d’une justification, et donc d’une recherche d’équivalence entre les acteurs.

Acteur 1

Acteur 2

ÉPREUVE DE JUSTIFICATION moment

les

acteurs

s’affrontent

ARGUMENTATION faisant appel à des PRINCIPES SUPÉRIEURS COMMUNS

ARGUMENTATION faisant appel à des PRINCIPES SUPÉRIEURS COMMUNS

supposés

supposés

c’est

C

opposables

MONTÉE

une

I

T

E

à

EN

l’interlocuteur,

GÉNÉRALITÉ

c’est

une

opposables

MONTÉE

à

EN

l’interlocuteur,

GÉNÉRALITÉ

S

chacune de ces cités est l’élément central d’une logique de justification

CIVIQUE

DOMESTIQUE

INDUSTRIELLE

DE L’OPINION

INSPIRÉE

Objet b

Objet c

Objet d

Objet e

PAR PROJET

MARCHANDE

O B J E T S établissent les points de repère qui permettent de discuter de la validité des différents arguments

Objet a

Objet f

Objet g

UN MONDE

cité + objet

L’argumentation se déroule en SITUATION composée d’objets - personnes - axiomes

De la justification de L.Boltanski et L. Thevenot Schéma personnel



4/CONCLUSION

Afin de conclure sur ce travail de fin d’études, il convient d’en rappeler la problématique : Comment les anciennes temporalités de l’aéroport prennent-elles place dans un contexte contemporain, animé d’une controverse autour d’un projet de reconversion des pistes d’atterrissage ? Pour répondre à cette question ; Dans la première partie, l’exposition des diverses temporalités de l’aéroport a permis de mettre en évidence les caractéristiques patrimoniales de ce vide à l’histoire si particulière. Il en est également ressorti que le complexe aéronautique est un élément de la quotidienneté des habitants et prend part à l’identité locale des Berlinois. La deuxième partie expose la naissance de la controverse autour de la reconversion des pistes d’atterrissage. Il est alors possible de comprendre comment elle s’est déployée, et permet d’identifier les acteurs qui ont pris part à celle-ci. Finalement, la dernière partie expose les divers enjeux contemporains ; mémoriel, social, économique, typologique et écologique, que soulève le projet de reconversion au sein des deux parties : d’une part les autorités de la ville de Berlin, représenté par le sénat de Berlin et d’autre part, l’association 100 % Tempelhof, constitué des habitants du quartier, d’architectes, etc. Ainsi l’exercice de ce travail de recherche a permis de révéler comment l’histoire prend place au sein de la controverse. Il semble nécessaire de rappeler une définition de vocabulaire entre ces termes : l’enjeu mémoriel peut être défini comme la perception de l’histoire par les habitants, alors que l’histoire relate des faits exacts du passé. Il en ressort que le sénat, dans sa proposition et dans la communication


Couché de soleil sur Tempelhof © B. Nauleau


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de celle-ci, se sert de l’enjeu mémoriel pour élaborer un projet pour la ville, ainsi l’histoire est au service du développement d’un pôle urbain. Alors que les habitants revendiquent l’enjeu mémoriel au sein de leur quotidienneté, davantage liée à l’affect, et prônent un développement autocentré. Sur les deux sites internet, tout comme dans les interviews, et dans la presse, l’histoire du lieu n’apparaît pas de manière claire et évidence. Mais la mémoire semble être en filigrane dans les enjeux économique, sociologique, typologique, écologique. Pour le sénat, l’enjeu mémoriel apparaît comme instrumentalisé au service du développement d’un pôle urbain. Les arguments employés, au sein des divers enjeux, par les autorités font appel principalement aux cités industrielle, marchande et civique (L.Boltanski et L.Thévenot). Ainsi, l’enjeu mémoriel est sous-jacent à l’enjeu économique. La reconversion des pistes de l’aéroport Tempelhof apparaît comme un projet révélateur des enjeux de Berlin, capitale de l’Allemagne réunifié. En effet, l’enjeu typologique généré par ce vide offre à la ville la possibilité d’en faire un pôle urbain, en intégrant la culture, le logement, l’espace de loisirs et des bureaux, et permet ainsi de renforcer l’attractivité de la ville. Par contre, l’association fait appel à des principes supérieurs communs, qui font référence majoritairement aux cités civique, domestique et par projet. (L.Boltanski et L.Thévenot) L’association semble défendre les mêmes valeurs de manière transversale dans les divers enjeux exposés, tels que ; (a) la liberté d’appropriation, la mixité sociale, et le sentiment de vide dans l’enjeu typologique (b) la mixité sociale et l’appropriation du lieu dans l’enjeu socio-économique, où la crainte d’une gentrification est mise en avant. Les diverses temporalités de Tempelhof à travers le 20e siècle ont révélé que l’ancien complexe aéronautique était une partie de l’identité locale, un élément de la quotidienneté des Berlinois. Aujourd’hui, nous pouvons dire que l’enjeu mémoriel est en quelque sorte vécu par les habitants par l’appropriation libre et spontanée de ce lieu historique, dont la typologie offre un sentiment de libertée au coeur de la ville.


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Préservation de l’écologie du site (climat-biodiversité)

Une friche urbaine appropriée Les projets pionniers

Lieu de quotidienneté Espace de détente collectif

P R O J E T TEMPORAIRE

2008-2014

LES ACTEURS DU PROJET

Maîtrise d’œuvre

Berlinois Mixité sociale

Les pionniers

Organisation de consultation institutionnelle des habitants

Les usagers

Tempelhof Projekt ENJEUX CONTEMPORAINS Écologique

OBJECTIFS DE LA RECONVERSION

A s s o c i a tion 100 % T e m p e l h o Symbole f

de liberté

Social

E N J E U MÉMORIEL

Représentants institutionnels

Économique

La mairie et le sénat de Berlin

K. Wowereit M. Müller

Consultants Architectes :

Typologique

P R O J E T DÉFINITIF 2014-2020

Strates de l’histoire perceptibles

Projets pionniers Raumlabor // Concours paysager et architecture

Étude économique Adlershof

Projekt

Grün

Berlin

entretien espace vert

Promoteurs immobiliers Dewego

-

Ideal

Parc urbain de 280 ha

Quelques projets pionniers conservés

Urbanisation modérée Privatisation d’un tiers du site Développement d’un pôle urbain à l’échelle de la ville

Schéma récapitulatif

Bibliothèque centrale 4700 logements

Berlin : ville attractive

Bureaux Commerces


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Ainsi, nous avons pu remarquer que, les enjeux de reconversion de Tempelhof sont communs aux acteurs prenant par à la controverse, mais les cités prisent en référence démontre que les intérêts de chaque acteur sont différents. Mais, la mobilisation citoyenne a démontré que l’équilibre des intérêts n’a pas été respecté par le sénat dans la volonté d’urbaniser le site puis par le projet proposé. H. Bernard offre une définition de vocabulaire : « Il faut noter une différence entre l’équilibre des intérêts et l’intérêt général. Dans le deuxième principe, la minorité est écrasée au profit de l’intérêt collectif, alors que dans le premier principe on assiste à un équilibre entre ce que veut la collectivité, les habitants, les économistes, etc.… Il y a une prise en compte des différents points de vue des divers acteurs. Le système allemand se base sur l’équilibre des intérêts.» En effet, les plans d’urbanisme ont pour but, d’après le code fédéral de la construction, de « servir au bien commun et d’établir l’équilibre entre les divers intérêts en rapport avec les usages des sols ». La notion de bien commun est formulée en termes généraux dans le Code fédéral de la construction. Celui-ci stipule que « les plans d’urbanisme doivent viser à assurer la durabilité du développement des zones urbaines et garantir que, d’un point de vue social, les sols sont correctement utilisés au bénéfice de l’ensemble de la collectivité, de façon à offrir un cadre de vie où l’homme puisse se sentir à l’aise et à protéger ou à améliorer les bases de la vie naturelle. Les clefs sont avant tout dans les mains des communes ; sur le territoire de la commune, l‘extension précise de l’urbanisation dépend de leurs décisions politiques. » Ainsi la capacité de la mobilisation citoyenne allemande et les outils démocratiques disponibles à celle-ci, ont permit d’agir sur ce déséquilibre des intérêts, avec l’organisation du référendum. Comme le témoigne H.Bernard : « Finalement, le référendum est vu comme un enrichissement dans le processus de planification pour Tempelhof, et dans le processus de la fabrication de la ville. » Au lendemain du référendum, le département du sénat pour le développement urbain a dû se repositionner quant au projet d’urbanisation des anciennes pistes d’atterrissage. En effet la loi votée à l’issue du référendum prévoit un plan de développement (PPE) en lien avec une participation citoyenne. Pour cela, dans


un premier temps divers acteurs ont été invités pour réfléchir au processus de développement. Aujourd’hui le site internet du Sénat pour le développement urbain de Berlin est mis à jour. Sur la page d’accueil, un lien nous permet de prendre part à une discussion en ligne, et ainsi proposer des solutions quant au développement des anciennes pistes d’atterrissage à travers différents thèmes, dont la mémoire, la nature, le temps libre, la gestion et la participation. Ainsi, une nouvelle participation des acteurs se dessine pour l’avenir de ce lieu à l’histoire si particulière.




5/BIBLIOGRAPHIE

OUVRAGE : H.Arendt : tome 3 : « Les origines du totalitarisme : Le système totalitaire » - Éditions du Seuil - 1972 H. Bernard : « Paroles d’acteurs : Participation des habitants au renouvellement urbain à Berlin » - Collection « recherche » - PUCA 2006 F.Borsi - « L’Ordre monumental, Europe 1929-1939 » - Hazan – 1998 F. Chaubin : « CCCP : Cosmic Communist Construction Photographed » – Edition Taschen – 2011 - Paris J. Cohen : « Les Années 30, l’architecture et les arts de l’espace entre industrie et nostalgie » - Paris - Éditions du patrimoine - 1997. S.Combe, T.Dufrêne, R.Robin : « Berlin, l’effacement des traces » Fage Editions - 2009 C.Cuny : « Changement urbain et démocratie participative à Berlin – Ethnographie du grand ensemble de Marzahn » - Éditions de la maison des sciences de l’homme – 2014 G. Germann et D. Schnell : « Conserver ou démolir ? Le patrimoine bâti à l’aune de l’ethnique » - inFolio – Clermont-Ferrand - 2014 A.Huyssen – « The voids of Berlin » - Critical Inquiry 24, n° 1, 1997. Article repris et traduit par I. Iosa : « L’architecture des régimes totalitaires face à la démocratisation » – collection aujourd’hui l’Europe - Edition l’Harmattan – Le Mesnil sur l’Estrées – 2008


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PUBLICATIONS ET ARTICLES DE RECHERCHE : « Doléances Berlinoises – Initiatives citoyennes innovantes à Berlin » 2014 – URL : http://www.participation-et-democratie.fr/fr/node/1657 “Berlin, métropole naturelle” – Trame verte et bleue, expériences des villes étrangères – fiche n° 3 – Certu – 2012 – URL : http://www. environnement-urbanisme.certu.equipement.gouv.fr/IMG/pdf/fiche_ tvb3_Berlin_version_courte.pdf D. Bocquet : « Hans Stimmann et l’urbanisme berlinois (1970-2006) : un tournant conservateur de la reconstruction critique ? » - Citta e Storia - 2010 - p.467-487 A.Collaud et G.Pfefferle : « Schizophrénie urbaine : des mondes entrelacés » - énoncé théorique de master - 2013 – P 93 – URL : http://archivesma.epfl.ch/2013/016/collaud_pfefferle_enonce/ Collaud_Pfefferle_%C3%A9nonc%C3%A9%20th%C3%A9orique.pdf P.Lecroat, JP.Palisse, Y.Berltrando : « Initier des projets métropolitains : l’IBA, une pratique féconde. » – Institut d’Aménagement et d’Urbanisme – n° 479 – juin 2009 – URL : http:// www.iau-idf.fr/fileadmin/Etudes/etude_603/NR_478_web.pdf E.Muhidine : « D’un passé encombrant à l’utopie urbaine : poids mémoriel et perspectives pour Berlin » - Essai - Revue d’histoire de l’université de Sherbrooke - 2013. URL : http://www.academia. edu/9521537/Dun_pass%C3%A9_encombrant_%C3%A0_lutopie_ urbaine_Berlin_RHUS_Sherbrooke_2013 Projet de M. Payet : Le béton de la honte – 2013 - URL : http://www. kisskissbankbank.com/le-beton-de-la-honte SITE WEB CONSULTES : http://www.berlin-en-ligne.com/ http://www.orgueiletpatrimoine.fr https://tempelhofer-feld.berlin.de Http://www.thf-berlin.de http://www.the-berg.de/index.html http://www.thf100.de/ http://raumlabor.net


http://www.stadtentwicklung.berlin.de http://www.urbanophil.net/ http://www.wohnungsboerse.net/ PRESSE : la gazette de Berlin zitty la tribune Berliner Zeitung Interview par D.Borden - « Tempelhof : Don’t fence me in ! »- 2014URL : http://www.exberliner.com/features/lifestyle/tempelhof dontfence-me-in/(consulté Interview sur France Culture par Marie Charton. http://www. franceculture.fr/emission-sur-les-docks-allemagne-14%C2%ABquand-les-loyers-s%E2%80%99envolent-a-berlin%C2%BB-2013-09-16 http://info.arte.tv/fr/la-flambee-des-loyers-berlinois DICTIONNAIRES : S. Mesure et P. Savidan : « Le dictionnaire des sciences humaines » éditions PUF – 2006. Dictionnaire Larousse SYLLABUS : Robert Y : “Théorie de la conservation et de la restauration des patrimoines”- syllabus la cambre Horta- p.9




REMERCIEMENTS

Je tiens à remercier en premier lieu Christine Schaut pour sa disponibilité, qui m’a guidé et su m’aider à cadrer ce travail de recherche. Mes remerciements vont ensuite aux personnes que j’ai pu rencontrer à Berlin dans le cadre de mes recherches, notamment Marion Payet et Hélène Bernard. Pour terminer, je remercie vivement toutes les personnes, amis, et famille, ayant contribué de près ou de loin à la réalisation de ce mémoire ; pour leur aide, et leur patience. Et tout particulièrement mes parents pour m’avoir soutenu pendant ces études.



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