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© Buonomo & Cometti
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Dr Woo, l’Art du tattoo / Marine Serre / Loverboy / Cara Delevingne / L’ heure Pantone Emmanuel Tarpin / Audrey Fleurot X Julien Fournié / Melissa George / Polyamour
Un autre regard, par Isabelle Cerboneschi « Et la beauté? Elle existe, sans que nullement sa nécessité, au premier abord, paraisse évidente. Elle est là, de façon omniprésente, insistante, pénétrante, tout en donnant l’impression d’être superflue, c’est là son mystère, c’est là, à nos yeux le plus grand mystère. » François Cheng, Cinq méditations sur la beauté. Un objet ne naît jamais par hasard. Un magazine non plus. Les choses qui nous entourent, nous protègent, nous émerveillent, nous inspirent, nous parfument, nous donnent l’heure, nous emportent, nous invitent à papillonner, nous embellissent, ou pas, sont nées dans l’esprit de créateurs qui observent le monde à la fois de l’intérieur et de l’extérieur afin de se faire une vision de l’époque dans laquelle ils naviguent. Ces innovateurs prennent le pouls de la société et donnent une réponse esthétique à cette vie qui avance. Il n’est pas étonnant que leurs créations soient en adéquation avec les questions sociétales du moment. Depuis quelques années, la question du genre et du non-genre a commencé à se poser dans le monde de la mode, conduisant les designers à faire défiler ensemble hommes et femmes, dans des vêtements qu’ils pourraient s’échanger. Ce n’est pas qu’un phénomène de mode. En faisant ainsi, les créateurs traduisent les évolutions de la société dans leur propre langage. En Suède, aux Etats-Unis, des parents ont choisi de ne pas révéler le sexe de leur enfant afin de lui laisser le choix de s’autodéterminer plus tard. Sans être aussi extrême, on peut se demander si, à terme, les objets « genrés » seront toujours nécessaires? Le parfumeur Francis Kurkdjian a trouvé une manière poétique de répondre: avec une même liste d’ingrédients, il a créé deux parfums différents en modifiant les dosages, souhaitant prouver qu’avec un même ADN on peut être multiple. Un objet n’est jamais anecdotique. Il peut même donner une leçon de tolérance. La question corollaire qui se pose naturellement à celle du genre est celle du pouvoir, ou plutôt de son expression. Quels sont les nouveaux attributs du pouvoir et ceux des femmes en particulier? Dans un monde où les identités sont de plus en plus floues, il est des objets auxquels on a envie de se raccrocher. La dernière collection de haute joaillerie Louis Vuitton, baptisée à juste titre Regalia, tout comme la dernière montre Twenty-4 Automatique de Patek Philippe sont une manière de réponse. Il est des objets statutaires qui disent bien plus que leur simple apparence et qui parlent en silence de celui ou celle qui les porte.
On s’interroge beaucoup sur la pérennité des talents et des savoir-faire. Parce que si l’humain a su développer un talent inouï de destruction, il a su cultiver un talent de création nettement plus considérable. Les hommes et les femmes sont capables de gestes qui confinent à l’utopie poussant le souci de la « bienfacture » à son paroxysme. Lorsque, dans les ateliers horlogers par exemple, on découvre des artisans d’art qui s’emploient à décorer des pièces invisibles cachées au coeur des garde-temps, on se dit que tant qu’il restera des individus qui ont la passion chevillée au corps et aux mains, tant qu’il existera des rêveurs de l’impossible, tout peut encore être réinventé. Ce sont tous ces créateurs et créatrices, ces iconoclastes, ces inventeurs, ces personnalités à la trajectoire pas toujours linéaire, qui rêvent de réenchanter le monde par des actes immenses ou minuscules à qui nous avons donné la parole dans ce premier numéro d’ALL-I-C. Ce magazine est le fruit de rencontres non fortuites et d’une passion partagée pour le savoir-faire et le savoir être. ALL-I-C, c’est un autre regard.
Photo: © Stéphanie Page
Another look, by Isabelle Cerboneschi “What about beauty? It exists, while, at first glance, its necessity doesn’t seem obvious. It is there, omnipresent, insistent, penetrating, while giving the impression of being superfluous, this is its mystery, this is, in our view, the greatest mystery. François Cheng, Five meditations on beauty.
An object is never born by chance. Nor is a magazine. The things that surround us, protect us, amaze us, inspire us, perfume us, give us the time, take us away, invite us to flutter, beautify us, or not, are born in the minds of creators who observe the world both from the inside and the outside to get a sense of the times they are sailing on. These innovators take the pulse of society and give an aesthetic answer to this life that is moving forward. It is not surprising that their creations are in line with the societal issues of the moment. In recent years, the question of gender and non-gender has begun to arise in the world of fashion, leading designers to put men and women together on the same catwalks, in clothes they could exchange. It’s not just a fashion phenomenon. By doing so, creators translate the evolutions of society into their own language. In Sweden, in the United States, parents chose not to reveal the sex of their child in order to give them the choice to self-determine later. Without being so extreme, one may wonder if, in the long run, “gendered” objects will always be needed? The perfumer Francis Kurkdjian found a poetic way to answer: with the same list of ingredients, he created two different flavors by modifying the dosages, wishing to prove that one can be multiple with the same DNA. An object is never anecdotal. It can even give a lesson in tolerance. The corollary question that naturally arises from that of gender is that of power, or rather of its expression. What are the new attributes of power and those of women in particular? In a world where identities are increasingly blurred, there are things you want to hang on to. The latest Louis Vuitton fine jewelry collection, aptly named Regalia, as well as the latest Patek Philippe Twenty-4 Automatic watch are a response. They are statutory objects that say more than just their appearance and speak silently about who wears them.
We wonder a lot about the durability of talents and know-how. Because if the human has been able to develop an incredible talent for destruction, he knew how to cultivate a much more considerable talent for creation. Men and women are capable of gestures that border on utopia, pushing the concern for “goodfacture” to its climax. When, in watchmaking workshops for example, we discover craftsmen who work to decorate invisible pieces hidden in the heart of timepieces, we say that as long as there will be individuals who have passion ingrained in their body and hands, as long as there are dreamers of the impossible, everything can still be reinvented. It is all these creators (male and female), these iconoclasts, these inventors, these personalities whose trajectory is not always linear, who dream of re-enchanting the world with immense or tiny acts, to which we gave the floor in this first issue of ALL-I-C. This magazine is the result of non fortuitous encounters and a shared passion for knowhow and know-how-to-be. ALL-I-C is another look.
Dessin: © Marc-Antoine Coulon
Sommaire 18
82 Cara Delevingne face à son image
Dr Woo, star du tattoo
24 Les sacs bijoux de Maison Ravn
88 Emmanuel Tarpin, star montante de la joaillerie
26 Haute couture automne-hiver 2018/19: le chic c’est chic !
92 Portfolio: Natural Beauty
30 Portfolio: La vie rêvée des anges
100 Mazal U’ Bracha “ces mots qui engagent les diamantaires”
38 Audrey Fleurot X Julien Fournié
104 Le Participe Passé, parfum autobiographique de Serge Lutens
48 Secrets de collection dans les ateliers du brodeur Montex
106 Francis Kurkdjian invente le parfum transgenre
53 Marine Serre, une nouvelle vague
110 Boy, un parfum et une ligne de maquillage pour homme
57 London Fashion Week: l’homme exposé
114 Se réinventer avec le nouveau maquillage de Marc Jacobs
60 La mode militante de Loverboy
116 Portfolio: sur le billard
64 Patek Philippe lance la Twenty-4 Automatique
121 La Bouche Rouge, une nouvelle maison de maquillage
66 Le futur de l’horlogerie contemporaine
126 Le retour de Melissa George sur les écrans: interview
72 Le poli noir, la beauté de l’invisible
136 Luc Bruyère: la vie d’un polyartiste en polyamour
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Portfolio: l’heure pantone Wallpaper: © Charlotte Jade
Fondatrice & Rédactrice en chef Isabelle Cerboneschi isabelle.cerboneschi@all-i-c.com
Editeur Solal Publishing Directrice artistique
Jo Phillips .Cent Creative jo@centmagazine.co.uk
Studio PAO
Alina Barisani, Amina Valentini, Jessy Rodriguez pao@@all-i-c.com
Secrétariat de rédaction Virginie Vivès virgine.vives@all-i-c.com
Ont participé à ce numéro : Photographes Buonomo & Cometti Michèle Bloch-Stuckens Denis Hayoun Scott McDermott Stéphanie Page Jounalistes Isabelle Cerboneschi Vincent Daveau Jo Phillips Lily Templeton Illustrations Marc-Antoine Coulon Kezia Mary Hessam@cent
Traductions
Cent Magazine
Publicité Directrice commerciale
Laurence Chalvet laurence.chalvet@all-i-c.com
Abonnements
abos@all-i-c.com
Coordinateur de production
Régis Chamberlin rchamberlin@chamberlinprod.com
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Contributeurs Buonomo & Cometti
Jo Phillips
Angelo Buonomo et Didier Cometti ont quitté la Suisse pour Paris lorsqu’ils avaient 16 ans. Après deux années d’assistanat pour divers magazines, ces photographes/stylistes/créateurs/ maquilleurs se sont lancés comme stylistes freelance. Ils ont collaboré avec Tyen, Helmut Newton, Albert Watson, Giovanni Gastel. Après 19 ans de collaboration avec Tyen et Dior pour réaliser les campagnes de publicité parfum et beauté, ils ont pris leur envol. En 1993 ils ont lancé leur propre marque de prêt-à-porter DIDIERANGELO. En 2005 ils ont réalisé leur premier shooting révélant un univers délicat et onirique.
Jo Phillips travaille dans l’industrie de la mode depuis plus de 30 ans, en tant que styliste, puis directrice artistique. Elle a créé le magazine Cent, à Londres. Il y a huit ans, elle est tombée amoureuse du monde digital et à transformé Cent en magazine online, célébrant la mode, les arts, le design, la musique, le cinéma. Puis elle a commencé a créer des sites pour des marques, et ainsi que d’autres plateformes d’expression sur le Net, dont ALL-I-C.com. Tout naturellement, c’est à elle que nous avons fait appel pour être la directrice artistique du magazine ALL-I-C. Elle passe le reste de ses journées à diriger son magazine Cent.
Michèle Bloch-Stuckens
Denis Hayoun
Michèle Bloch-Stuckens a eu plusieurs vies: elle est née à Bruxelles, a fait des études d’art à Genève, puis a étudié la gemmologie à Los Angeles. Elle a travaillé chez un grand joaillier à New York avant que la photo lui tombe dessus en 2000. Quatre ans plus tard elle s’installe à Paris pour se spécialiser dans la photo de mode. 2017 fut une année charnière. Après avoir vécu une mutation, elle aspire à plus de poésie, à plus de simplicité et fait ses premiers pas dans la photo d’art. Elle a longtemps tourné autour de son sujet: la femme. Ce qu’elle cherche à montrer de la féminité, c’est l’architecture d’une liberté.
Denis Hayoun photographie avec une rare élégance les joyaux de la cité du Temps. Il est né, vit, s’agite et travaille à Genève où il se forme à la photographie d’art et d’objets avant de se spécialiser dans la joaillerie et l’horlogerie. Au sein de son studio Diode, un atelier d’une dizaine de personnes, il enrichit chaque image de son art de la mise en scène et orchestre un éclairage sophistiqué autour de montres, parures et pierres. Fort de 26 ans de clichés, reportages et travaux personnels, il sublime de son regard, avec toujours autant de fougue, les créations de la planète Horlogère et les chefsd’oeuvre du monde de la haute joaillerie.
Lily Templeton
Vincent Daveau
Lily Templeton aurait pu rester dans l’ingénierie, mais le digital lui a donné la possibilité de publier vite et beaucoup. Journaliste installée à Paris, elle parcourt le monde à la poursuite des fashion weeks les plus exotiques, chronique les podiums des capitales de mode, dévoile les dessous du milieu, décrypte ses courants d’idées et rencontre ses icônes. Passionnée par l’histoire de la beauté et de la parfumerie, elle a des choses à nous dire sur cette manière d’être soi, au superlatif. A ses heures perdues, elle enseigne également le storytelling, cet art millénaire de raconter des histoires sur tout et aussi sur rien.
Vincent Daveau a débuté sa carrière en France comme enseignant d’histoire géographie. Mais sa passion pour l’artisanat d’art l’ont amené à découvrir le monde de l’horlogerie. Souhaitant découvrir les arcanes de cet univers il retourne à l’école durant trois ans afin d’obtenir son diplôme d’horloger. Désireux de partager sa passion, il devient journaliste horloger dans les années 1990. Historien, restaurateur et concepteur de montres, auteur d’ouvrages sur les instruments de mesure du temps, il écrit pour différents supports classiques ou digitaux. Ce fanatique de voile travaille à associer ces deux secteurs historiquement liés.
Interview Chapitre premier
18.
Dr Woo, quand le tatouage devient un art
Dr Woo, star du tattoo
La première fois que j’ai rencontré Brian
Dr Woo est l’un des plus célèbres tatoueurs du monde et une star des réseaux sociaux. Ses motifs géométriques et ses fins dessins évoquant des gravures de Dürer, sont immédiatement reconnaissables. Virgil Abloh, Cara Delevingne, Drake, Brad Pitt, lui ont confié leur peau. Il a récemment dessiné des motifs pour la collection printemps/été 19 de Sacai et pour une Datejust 41 de Rolex. Conversation sur un peu tout. Isabelle Cerboneschi Dr Woo, portraits © Alexandra Utzmann
Woo, alias Dr Woo, c’était dans le restaurant de Château Marmont Marmont, après Los Angeles. J’étais la seule personne dans la salle à ne pas être tatouée. Quand je le lui ai fait remarquer, il m’a répondu: « c’est devenu tellement mainstream de se faire tatouer que vous appartenez à une contre-culture. Vous devriez conserver votre unicité!» Je l’ai écouté. Dr Woo (36 ans) grandit à Los Angeles. Ce qu’il aime? Le violon, le skateboard, les motos - passion qu’il partage avec ses amis de toujours - et les tatouages. Lorsqu’il atteint l’âge légal pour se faire encrer la peau, il se tourne vers l’une des légendes vivantes du tatouage: Mark Mahoney, au Shamrock Social Club. En 2007, Dr. Woo passe de l’autre côté de la scène et de client il devient apprenti. Il apprend à la dure, nettoyage du sol compris, pendant trois ans. Il développe peu à peu son propre style et utilise la technique des single needle fine lines, le tatouage à une seule aiguille, qui donne des contours d’une extraordinaire finesse. Pour prendre rendez-vous avec lui, il faut être patient: jusqu’à 2 ans d’attente. Drake et Cara Delevingne lui ont confié leur peau (lire page 82). Sur son Instagram, suivi par 1,4 million de followers, on découvre le serpent qui s’enroule sur la main gauche de Cara Delevingne, et toute une faune diverse, des utopies architecturales, des planètes ou des dessins géométriques qui ressemblent à des mondes inconnus. C’est beau comme un tableau que l’on aurait sur soi, toujours. Ses dessins, immédiatement reconnaissables lui ont permis de multiplier les collaborations avec notamment Nike, l’ex-concept store Colette, Converse, Nyden, une marque de H&M et plus récemment Sacai. Dr Woo a aussi eu l’honneur de recréer le logo de Los Angeles, son dessin est d’ailleurs exposé à la mairie de la ville. Et en collaboration avec les ateliers parisiens de customisation MAD, il a dessiné des motifs gravés sur la lunette, le boîtier et les maillons d’une Datejust 41 de Rolex. I.C: Depuis notre première rencontre à Los Angeles, il y a presque 2 ans, beaucoup de choses ont changé dans votre vie. Avezvous le sentiment que tout cela a eu une influence sur votre manière de travailler? Je voyage énormément tout autour du monde et je ne suis donc pas aussi présent dans mon studio de tatouage à Los Angeles. Je vais de ville en ville pour créer différents projets, or être comme cela sur les routes m’oblige à rester motivé et très focalisé.
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Vous avez tatoué Virgil Abloh, le directeur artistique des collections masculines de Louis Vuitton, qui vous a invité à son premier défilé pour la marque. Comment avez-vous vécu ce moment? C’était fou! C’était un moment d’émotion intense, à la fois pour Virgil, pour ses parents et ses amis proches, qui étaient présents.
C’est très inspirant d’observer chez un créateur jusqu’où son imaginaire, ses pensées, peuvent le mener, surtout dans le monde de la mode. C’est un poste auquel il n’aurait jamais accéder auparavant, du fait de ses origines, du domaine dans lequel il a évolué. Ses amis étaient fiers. C’était un moment crucial, un peu comme si un nouveau mouvement s’était mis en marche. Virgil Abloh vient du monde de la musique, vous venez du monde du tatouage, or tous les deux êtes sollicités, à des degrés divers, par le monde de la mode. La frontière entre les différents domaines de création - la musique, l’art, la mode - s’amenuisent. Un créateur peut-il tout faire? Je pense que oui. Les arts se mêlent. On observe plus en plus d’expériences transculturelles: un rappeur peut devenir chef de cuisine, un joueur de tennis ou de football peut dessiner des vêtements… Les frontières ont bougé et les règles ont été partiellement réécrites. Cela prouve finalement que tout ce qui compte, c’est l’imaginaire, la passion et les idées. Quel que soit le domaine d’expression choisi, chaque acte a pour but de provoquer, d’inspirer, de faire débuter une conversation entre l’artiste et celui qui regarde, ou entre les artistes eux-mêmes. Vous avez dessiné des motifs animaliers et végétaux pour Chitose Abe, la fondatrice de la marque de mode Sacai pour sa dernière collection printemps/été 19. Comment s’est passé cette collaboration? Je l’avais rencontrée à Paris l’année dernière et je l’ai revue à Tokyo. Nous sommes restés en contact. Elle m’a demandé de dessiner des motifs inspirés de la nature pour être brodés sur certains vêtements de sa collection printemps/été 2019. Elle aimait ma manière de dessiner des animaux, des insectes et de me les approprier, en y ajoutant quelques détails subtils qui correspondent à mon univers graphique. Mes dessins vont assez bien avec son style fait de collages et de vêtements hybrides. Cela donne un mélange assez cool. Il est devenu de plus en plus difficile de se faire tatouer par vous. Est-ce que le fait de posséder une veste avec vos dessins est une alternative? Dans un sens, cela rend mon univers beaucoup plus tangible. Le tatouage ne permet d’exploiter sa créativité que dans un seul domaine, or il est bon de l’étendre et d’explorer d’autres champs d’action. C’est une manière de montrer qu’on ne peut pas mettre les idées créatives dans une seule boîte: elles peuvent s’exprimer différemment, selon les terrains d’expression. Vous avez customisé une Datejust 41 de Rolex pour les ateliers parisiens MAD qui est vendue en exclusivité dans la boutique Maxfield à Los Angeles. Comment cette histoire est-elle venue à vous? C’est un ami qui travaillait chez Maxfield, qui m’a fait cette proposition. Je me suis rendu
à Paris pour rencontrer l’équipe de MAD et découvrir comment ils travaillent, comment ils customisent ces objets de luxe avec une précision quasi chirurgicale. Quand j’étais gosse, une montre Rolex était un symbole de réussite sociale. On se disait: « Wow, il porte une Rolex, il a réussi dans la vie! » J’adore l’idée qu’un dessin que j’ai fait pour la peau existe désormais sur une telle montre de luxe, mais sans que ce soit déplacé. Son design est intemporel, la maison Rolex est intemporelle. Je suis un fan de cet héritage. Portez-vous une montre? Je ne suis pas vraiment le genre d’homme à porter des montres, mais je porterais celle-là. Je l’ai dessinée comme j’aurais aimé qu’elle soit, pour pouvoir la porter. C’est une montre qui me représente. Les motifs que vous avez utilisés sur ce modèle sont géométriques. Or justement, vous êtes reconnu pour vos tatouages géométriques et ces lignes très fines. Comment avez-vous construit votre style? Ce n’était pas une construction consciente: je voulais simplement faire de très bons tatouages. Mark Mahoney, mon mentor et maître, une des légendes vivantes du tatouage, m’a tout enseigné: c’est un monde très compétitif et je voulais être aussi bon que les grands. Au début vous commencez à réunir des éléments de style, jusqu’au jour où, une fois tout mis ensemble, cela donne
un résultat identifiable, au même titre que l’on reconnaît votre voix, ou votre façon de marcher. Vos tatouages semblent s’inspirer des gravures d’Albrecht Dürer ou des formes géométriques de Vassily Kandinsky. A mes débuts, je ne connaissais pas vraiment Kandinsky. Mais quand j’ai commencé à faire des tatouages, des gens me disaient que mon travail leur rappelait son style, en moins spontané. Le travail de Dürer en revanche est une référence dans le monde du tatouage: sa manière de graver, ses lignes très fines, ses dessins très expressifs et sa façon spectaculaire de rendre les ombres. Je ne savais pas que Dürer pouvait avoir influencé le monde du tatouage. Le tatouage est très souvent inspiré de l’art qui nous environne. Actuellement vous verrez beaucoup de tatouages inspirés des sculptures de Bernini, par exemple. De nombreuses personnes se font tatouer de grandes statues sur le corps. Les idées se recyclent et se transmettent d’artiste en artiste, chacun réinterprétant et créant quelque chose de nouveau à partir d’une influence. Quand vous dessinez sur du papier, vous utilisez un support bidimensionnel, qui ne bouge pas, mais la peau est un médium
tridimensionnel et mobile, comment gérez-vous cette difficulté? J’explique toujours aux gens, quand ils viennent se faire tatouer, qu’il est très difficile d’obtenir certains effets sur la peau qui bouge et qui tourne. Vous devez vivre avec l’idée que les tatouages respirent. Ils ne peuvent pas être symétriquement parfaits. Une fois que les dessins sont sur la peau, ils sont mobiles et tridimensionnels. C’est difficile de faire comprendre à certaines personnes qui veulent un cercle sur une partie du corps trop galbée, que le cercle risque de prendre une forme ovale. La plupart du temps, je fais de petits tatouages, car plus ils sont petits, mieux il sont proportionnés. Une fois que vous commencez à en augmenter la taille, le tatouage absorbe la peau tout autour, les formes changent et se déforment avec le temps. Comment faites-vous face à cet effet de distorsion? Vous vivez avec! Cet art d’injecter de l’encre dans une peau avec une aiguille est finalement assez rudimentaire: il n’y a pas de perfection possible. Au fur et à mesure que vous vieillirez, votre peau s’étirera et votre dessin aussi. Pourquoi avez-vous choisi de faire du tatouage en noir et gris? Je suis très monochromatique. C’est intemporel. Les couleurs sont très émotionnelles, or les émotions, elles vont et elles viennent. L’orange par exemple est une superbe couleur, mais vous ne voulez peut-être pas avoir de l’orange sur vous pour toujours. Un tatouage est-il une façon de porter une sorte de protection virtuelle sur sa peau? Oui, les gens s’intéressent aujourd’hui à différents systèmes de croyance et cela s’exprime aussi dans les tatouages qu’on me demande, comme par exemple les dessins des runes celtique, l’oeil protecteur ou la Hamsa, la main de Fatima. Je suppose que si un dessin signifie quelque chose de vraiment important pour une personne, et que nous le créons ensemble, il est porteur d’une certaine énergie. Le tatouage est une tradition très ancienne, qui était basée sur les croyances de certains peuples, sur leur foi. Je pense que cette connexion spirituelle existe encore. Le tatouage et la prostitution sont les métiers les plus anciens dans le monde. Qui sont les tatoueurs du passé que vous admirez? Sailor Jerry est probablement l’un des tatoueurs les plus modernes et contemporains qui soient. Vous connaissez sans doute ses dessins old school: des marins, des oiseaux, des sirènes. Matt Hardy, Freddy Negrete et Mark Mahoney ont permis de redécouvrir les tatouages à la ligne fine en noire et gris, qui sont à la base de ce que je fais. J’aime aussi le style traditionnel japonais qui remonte aux temps des samouraïs. Quel est le style des tatouages qui sont sur vos mains?
C’est très « style traditionnel américain ». J’ai commencé par là. Avez-vous déjà dit non à un client? Oui, bien sûr! Vous devez éduquer les gens. Certains veulent parfois se faire tatouer sur des endroits qui ne vieillissent pas bien. Mon travail, c‘est aussi de leur expliquer que l’on porte notre peau un peu comme une veste en cuir: elle vieillit et se modifie avec le temps. Ce n’est pas le tatouage qui change, mais la peau. Y a-t-il des motifs spécifiques que vous refusiez de tatouer? Oui, je ne veux rien dessiner qui puisse affecter négativement la vie et le regard que les gens portent sur la personne tatouée: un motif qui encouragerait la haine par exemple. Cela n’a rien à voir avec mes croyances personnelles ou ma philosophie de vie, mais si quelqu’un prend une décision qui me paraît être irresponsable, il est de ma responsabilité de l’aider à s’orienter envers une meilleure décision. Vous avez des tatouages sur tout votre corps. Vous sentez-vous protégé? Quand j’étais plus jeune, étrangement, mes tatouages me servaient d’armure, comme s’il y avait un mur autour de moi, mais à mesure que je vieillis, je commence à me regarder autrement. Ils ne sont plus une protection: ils dont devenus ma peau. Je ne les remarque même plus. Ils sont juste là. Si vous m’en enlevez un, je ne m’en rendrai peut-être même pas compte. Même mes enfants n’y prêtent pas attention: leur regard passe par dessus. Ils sont habitués à ce que cela fasse partie de moi. Est-ce un moyen pour les gens de parfaire leur beauté? Bien sûr! Si des tatouages réalisés avec goût et dans les règles de l’art vous aident à vous sentir mieux, plus beau, protégé, alors, c’est fabuleux! Mais il y a des extrêmes en tout. Le tatouage, c’est un peu comme la chirurgie esthétique: vous devez savoir dire “stop” à un moment donné et pouvoir contrôler la situation. Tout le monde ou presque, s’est fait tatouer aujourd’hui. Ce qui était une exception est devenu mainstream. Que pensez-vous de cette évolution? Le tatouage était tabou par le passé. Mais quand cette pratique s’est répandue, elle a perdu un peu de son mystère, ce côté secret. Mais le tatouage est l’une de mes passions, et une passion, c’est tout ce que l’on possède.
À gauche: tatouage © Dr Woo Page 21 de haut en bas: Le dessin d’un aigle signé Dr Woo sur un blouson Sacai Dessins de Dr Woo gravés sur la lunette, le boîtier et les maillons du bracelet d’une Date just 41 customisée par MAD. @MAD.
changed in your life. Do you feel that all this has influenced your way of working? I enormously travel around the world and I am therefore not as present in my tattoo studio in Los Angeles. I’m going from city to city to create different projects, and being on the road forces me to stay motivated and focused. You have tattooed Virgil Abloh, Artistic director of mens ear collections of Louis Vuitton, who invited you to his first show for the brand. How did you feel that moment? It was crazy! It was a moment of intense emotion, both for Virgil, for his relatives and close friends who were present. It’s very inspiring to observe how far a creator’s imagination, thoughts, can lead him, especially in the world of fashion. It is a position he could never have reached before, because of its origins, the field in which it has evolved. His friends were proud. It was a crucial moment, as if something was obviously being set in motion.
Dr Woo, star of the tattoo Dr. Woo is one of the most famous tattoo artists in the world and a social media star. His geometric patterns and fine drawings evoking Dürer’s engravings are immediately recognizable. Virgil Abloh, Cara Delevingne, Drake, Brad Pitt, entrusted him with their skin. He recently designed designs for Sacai’s 19 spring / summer collection and for a Rolex Datejust 41. Conversation on a little everything. The first time I met Brian Woo, aka Dr. Woo was in the restaurant of Château Marmont, in Los Angeles. I was the only person in the room not to be tattooed. When I pointed that out to him, he said, “it has become so mainstream to get a tattoo that you belong to a counter-culture. You should keep your uniqueness!” I listened. Dr. Woo (36 years old) grows up in Los Angeles. What he likes? The violin, the skateboard, the motorcycles - a passion he shares with his old friends - and tattoos. When he reaches the legal age to get his skin tatooed, he turns to one of the living tattoo legends: Mark Mahoney at the Shamrock Social Club. In 2007, Dr. Woo goes on the other side of the stage, and after having been
a client he becomes an apprentice. He learns the hard way, including floor cleaning, for three years. He gradually developed his own style and uses the single needle fine lines technique, which gives an extraordinary fineness to the contours of the models. To make an appointment with him, be patient: up to 2 years of waiting. Drake and Cara Delevingne entrusted him with their skin. On his Instagram account, followed by 1,4 million followers, we can discover the snake that winds on the left hand of Cara Delevingne, and all a diverse fauna, architectural utopias, planets or geometric drawings that look like unknown worlds. It’s as beautiful as a picture that one would have on oneself, always. His drawings, instantly recognizable allowed him to expand collaborations including Nike, the previous concept store Colette (it was closed this year), Converse, Nyden a brand of H&M and more recently Sacai. Dr. Woo also had the honor to recreate the LA logo, its design is also exposed into the Town Hall of the city. And in collaboration with Parisian workshops customization MAD, he drew etched patterns on the bezel, the case and the bracelet of a Rolex Datejust 41. Since our first meeting in Los Angeles, almost 2 years ago, many things have
Virgil Abloh comes from the world of music, you come from the world of tattoos, and both of you are solicited, to varying degrees, by the fashion world. The border between different areas of creation music, art, fashion - are dwindling. Can a creator do everything? I think so. Arts mingle. We observe more and more cultural experiences: a rapper may become chef, tennis or football player can design clothes ... The borders have moved and rules were partially rewritten. This finally proves that all that matters is the imagination, passion and ideas. Whatever the aera of expression chosen, every act is meant to provoke, to inspire, to start a conversation between the artist and the viewer, or between the artists themselves. You have drawn animal motifs and plants on outfits shown in Paris by Chitose Abe, the founder of the fashion brand Sacai for
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her latest spring / summer collection 19. How was this collaboration? I met her in Paris last year and I saw her in Tokyo. We stayed in touch. She asked me to draw patterns inspired by nature to be embroidered on some clothes from her spring / summer collection 2019. She liked the way I draw animals, insects and appropriating me, by adding some subtle details that match my graphic universe. My drawings match pretty good with her style made of collages and hybrid clothing. This gives a pretty cool mix. It became increasingly difficult to get tattooed by you. Does owning a jacket with your drawings is an alternative? In a sense, this makes my universe more tangible. A tattoo artist can exploit their creativity in only one area, but it is good to expand and explore other areas of action. It’s a way to show that you can not put creative ideas into one box: they can express themselves differently according to the fields of expression. You have a customized a Rolex Datejust 41 for the Parisian workshops MAD which is sold exclusively in the Maxfield store in LA. How did this story come to you? A friend who worked at Maxfield, made me this proposal. I went to Paris to meet the team of MAD and discover how they work, how they customize these luxury objects with almost surgical precision. When I was a kid, a Rolex watch was a status symbol. We thought, “Wow, he wears a Rolex, he succeeded in life! “I love the idea that a drawing I did for the skin is now on such a luxury watch, but without it being inappropriate. Its design is timeless, the Rolex house is timeless. I’m a fan of this legacy. Do you wear a watch? I’m not really the kind of man to wear watches, but I would wear this one. I drew as I would have liked it to be, to be able to wear. This is a watch that represents me. The patterns you have used on this watch are geometric. You are known throughout the world for your geometric tattoos and those fine lines. How did you build your own style? It was not a conscious construction: I just wanted to make great tattoos. Mark Mahoney, my mentor and teacher, one of the living legends of the tattoo, taught me everything: it’s a very competitive world and wanted to be as good as the big guys. Initially you start to gather elements of style, until, when all put together, this provides an identifiable outcome, just as we recognize your voice, or the way you walk. Your tattoos seem to be inspired by engravings of Albrecht Dürer or geometric shapes Vassily Kandinsky. When I started, I did not really know Kandinsky. But when I started doing tattoos, people told me that my work reminded them of his style, in a less spontaneous way.
Dürer’s work, however, is a reference in the world of tattooing: his way of engraving, his very fine lines, his very expressive drawings and his spectacular way to draw shadows. I did not know that Dürer may have influenced the world of tattooing. Tattooing is often inspired by the art that surrounds us. Currently you’ll see a lot of tattoos inspired by Bernini’s sculptures, for example. Many people get tattoos of large statues on the body. The ideas are recycled and are passed from artist to artist, each reinterpreting and creating something new from an influence. When you draw on paper, you are using a two-dimensional support, which does not move, but the skin is a three-dimensional medium, that moves, how do you handle this problem? I always tell people when they come to get a tattoo, it is very difficult to get certain effects on the skin that moves and rotates. You must live with the idea that tattoos breathe/live. They can not be symmetrically perfect. Once the designs are on the skin, they are mobile and three-dimensional. It’s hard to explain to some people who want a circle on a curved body part, the circle may take an oval shape. Most of the time, I make small tattoos because as they are small, there are better proportioned. Once you start to increase its size, the tattoo absorbs the surrounding skin, its shape changes and distorts over time. How do you deal with this distortion effect? You live with it! This art of injecting ink into skin with a needle is actually quite rudimentary: there is no possible perfection. Gradually, as you grow older, your skin will stretch and your design too. Why did you choose to tattoo in black and grey? I am very monochromatic. It’s timeless. The colors are very emotional, and emotions, they go and they come. Orange is such a beautiful color, but you do not perhaps want to have orange on you forever. Is a tattoo a way to wear some kind of virtual protection on one’s skin? Yes, people today are interested in different belief systems and this is also expressed in tattoos that I am asked to design, such as the Celtic runes, protective eye or the Hamsa, the hand of Fatima. I guess if a drawing means something really important to a person, and that we create it together, it carries a certain energy. Tattooing is an ancient tradition, which was based on the beliefs of some people, their faith. I think this spiritual connection still exists. Tattooing and prostitution are the oldest professions in the world. Who are the tattoo artists of the past that you admire? Sailor Jerry is probably one of the most modern and contemporary tattoo artists ever. You probably know his old school drawings:
sailors, birds, mermaids. Matt Hardy, Freddy Negrete and Mark Mahoney helped rediscover the art of fine line black and grey tattoos, which is the basis of what I do. I also like the traditional Japanese style dating back to the time of the samurai times. What is the style of the tattoos that are on your hands? It is very “traditional American style”. I started there. Have you ever said no to a client? Yes of course! You have to educate people. Some may want to get tattoos on places that do not age well. My job is to explain that we wear our skin a bit like a leather jacket: it ages and changes over time. This is not the tattoo that changes, but the skin. Are there specific reasons you refused to tattoo? Yes, I do not want to draw anything that could adversely affect the life of the tattooed persons and the way people look at them: a pattern that encourages hatred for example. This has nothing to do with my personal beliefs or my philosophy of life, but if someone makes a decision that seems to me to be irresponsible, it is my responsibility to help them move towards a better decision. You have tattoos all over your body. Do you feel protected? When I was younger, strangely, my tattoos were my armor, as if there was a wall around me, but as I get older, I start looking at me differently. They are no longer protection: they have become my skin. I don’t even notice them anymore. They are just there. If you take one away from me, I might not even realize it’s gone. Even my children do not pay attention their gaze passes over. They consider that it’s part of me. Is it a way for people to perfect their beauty? Of course! If tattoos done tastefully and in workmanlike help you feel better, more beautiful, protected, then it’s fabulous! But there are extremes in everything. Tattoos are a bit like plastic surgery: you need to know how to say “stop” at a given moment and be able to control the situation. Everyone or almost got a tattoo today. What was the exception has become mainstream. What do you think of this development? The tattoo was taboo in the past. But when this practice is widespread, it has lost some of its mystery, it’s secret side. But tattoo is one of my passions, and passion, that’s all we have.
Hideaway, At Suite X, Roosevelt Hotel Hollywood, Los Angeles
Mode Chapitre deux 24. 26. 30. 38. 48. 53. 57. 60.
Les sacs bijoux de Maison Ravn Haute couture automne-hiver 2018/19: le chic c’est chic Portfolio: La vie rêvée des anges Audrey Fleurot X Julien Fournié Secrets de collection dans les ateliers du brodeur Montex Marine Serre, nouvelle vague London Fashion Week: l’homme exposé La mode militante de Loverboy
All I see… Découverte d’un sac à main qui pourrait avoir été créé pour ce magazine. Isabelle Cerboneschi
Quand j’ai vu ce sac créé par Maison Ravn, avec ce motif peint par l’artiste parisienne Albina de Montmort, comme un clin d’œil, je me suis dit qu’il était très ALL-I-C. Que voit-il, que vit-il, cet œil arrimé au bras de sa propriétaire? Il a été créé comme un objet d’artisanat taillé dans des matières précieuses, parfois brodées chez Lesage. Chaque pièce est numérotée - celle-ci porte le numéro 1742 - et a été réalisée dans des ateliers parisiens. Maison Ravn est une marque née en Suisse. Il est bon de rappeler que ce pays sait faire autre chose que des montres, du chocolat, du fromage ou des capsules Nespresso. Ce sac est d’aujourd’hui mais il a des racines: il porte en lui le passé, comme un trésor. Quand on l’ouvre, on découvre un pan de tissu ancien chiné par Claudia Ravnbo, la directrice artistique et fondatrice de la marque. Elle chine depuis des décennies des tissus provençaux du XVIIIème siècle, des
soieries lyonnaises, des indigoTsugukaki, des dentelles italiennes, des broderies chinoises… Claudia Ravnbo est née en Norvège et à étudié au Goldsmiths College à Londres et à la Glasgow School of Art. « J’ai suivi mon ex-mari en Suisse où j’ai passé quatorze ans, dit-elle. L’aventure des sacs a commencé en 2015. J’étais en Turquie et j’ai trouvé un petit morceau de broderie ottomane. J’avais tous les sacs dont on peut rêver mais j’avais envie de quelque chose de spécial.» A Genève, elle remarque que pendant les dîners, toutes les femmes portent les mêmes accessoires signés des mêmes marques. « Je n’avais pas besoin de ça. Je me suis donc fait faire un petit sac en rajoutant à l’intérieur la fameuse broderie. J’en étais très fière. Je le portais quand j’ai rencontré le mannequin Kate Moss, à Bodrum. Elle l’a vu, m’a dit qu’elle l’adorait, et sur une impulsion, je l’ai vidé et le lui ai donné. Après cet épisode, j’ai commencé à faire des collections: si elle aimait mes sacs, d’autres
femmes aillaient les aimer ». « Je n’y connaissais rien en maroquinerie, dit encore Claudia Ravnbo. Je voulais juste que ce soit très luxueux et le vrai luxe pour moi, c’est que ce soit beau dedans et dehors. J’ai trouvé des artisans à Paris qui réalisent des pièces uniques. Chaque modèle est orné à l’intérieur d’un tissu historique qui est garanti à vie. Si il vient à s’abimer, nous le changeons. Mais cela ne sera jamais le même tissu. Notre premier revendeur fut la boutique Colette, aujourd’hui nous sommes chez L’Eclaireur. Nous recherchons des points de vente très sélectifs. » Distribution sélective, respect du savoir-faire, fait-main, intemporalité, volonté d’unicité, cela me rappelle quelqu’un, ou plutôt quelque chose…
Photos: © Maison Ravn
All I see... The discovery of the handbag that could have been created for this magazine. When I saw this bag created by Maison
Ravn, with a motif painted by the Parisian artist Albina de Montmort, I thought it was very ALL-I-C. What does it see, what life does it live, this eye sown in its owner’s arm? It was created as a unique piece of craftsmanship, carved in precious materials, often painted by an artist, sometimes embroidered at Lesage. It’s handmade work. Each piece is numbered - this one is numbered 1742 - and was made in Parisian workshops. Maison Ravn is a brand born in Switzerland. It is worth remembering that this country knows how to do something other than watches, chocolate, cheese, Nespresso capsules (and a thousand other things ...) This bag is of today but it roots are carried from the past, like a treasure. When we open
it, we discover a piece of old fabric that has been salvaged by Claudia Ravnbo, the artistic director and founder of the brand. Fabrics that have been used throughout the world for decades; 18th century Provençal fabrics, Lyon silks,Tsugukaki indigo, Italian lace, Chinese embroidery and Scandinavian finery of the 19th century. Claudia Ravnbo was born in Norway and studied at Goldsmiths College in London and the Glasgow School of Art “I followed my ex-husband to Switzerland where I spent fourteen years,” she says. My adventure with bags started in 2015. “I was in Turkey and I found a small piece of Ottoman embroidery. I had all the bags I could dream of, but I wanted something special. In Geneva, during a lunch or dinner, all women wear the same accessories designed by the same brands. I did not want that. So I made myself a little bag just for me by adding inside this famous embroidery. I was very proud of it. I wore it when I met the supermodel Kate Moss in Bodrum. She saw it, told me that she adored it, and on an impulse, I emptied it and gave it to her. After this episode, I started making
collections: if she liked my bags, other women surely would too. “I did not know anything about leather goods,” says Claudia Ravnbo. I just wanted it to be very luxurious and the real luxury for me is that it’s beautiful inside and out. I found craftsmen in Paris who make unique pieces. Each model is adorned within a historic fabric that is guaranteed for life. If it gets damaged, we change it. But it will never be the same fabric. Our first retailer was the shop Colette, today we are at L’Eclaireur. We are looking for very selective points of sale. Selective distribution, respect for knowhow, hand-made, timelessness, desire for uniqueness, it reminds me of someone, or rather something ...
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Le chic, c’est chic Chic. Voilà un mot que l’on n’avait plus entendu depuis les années 1960 et qui a fait son retour sur les podiums parisiens. Les défilés haute couture de l’automne-hiver 2018/19 ont remis au goût du jour ces mots passés de mode: l’élégance, l’allure, la délicatesse, la grâce, le style… Isabelle Cerboneschi, Paris
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« Je suis chic, tellement chic », chante la bande son du défilé Jean Paul Gaultier tandis qu’un mannequin déboule sur le podium, une cigarette coincée entre l’index et le majeur. Du 25e degré, bien sûr, chez le couturier, mais, trop tard, le mot a été lâché dans l’arène de la mode. Il a tournoyé autour de tous les défilés haute couture de la saison 2018/19. Presque tous. Car il faut bien des exceptions, sinon ce serait louche, cette envie générale de beauté qui vient s’abattre comme un tsunami de satin duchesse sur le normcore et la mocheté trendy. Pendant la semaine de la haute couture, en juillet dernier, on a entendu des mots qui n’ont sans doute plus été proférés depuis les années 1960, sous peine d’anachronisme embarrassant. Sauf que cette saison, c’est devenu chic de dire chic. La palme de l’élégance revient à Clare Waight Keller qui, avec sa collection Caraman, a rendu un hommage appuyé à Hubert de Givenchy. En parfaite héritière du couturier, elle a revisité certains modèles que le maître avait créé pour sa muse Audrey Hepburn, tout en les ancrant dans un présent en mal de beauté. Après le final, la créatrice a laissé saluer la première d’atelier, les brodeuses, les petites mains, et tous ceux qui travaillent dans l’ombre, avant de se présenter devant un public ému presque malgré lui. «Il m’a semblé que c’était juste, de rendre cet hommage à Monsieur de Givenchy », me confiait-elle juste après le défilé. Juste et sublime. Le chic parisien, tel que Karl Lagerfeld l’imagine, c’était le propos de la dernière collection Chanel haute couture qui rendait hommage à la ville lumière, à ses gris changeants, ses roses de soleil levant, ses verts des toitures, sa culture, et bien sûr sa couture, avec des robes qui dévoilaient la jambe gauche (pourquoi la gauche?). Les clientes de la haute couture n’ont qu’à bien se muscler, même si Karl Lagerfeld a tout prévu: le zip de côté qui couvre tout et change l’allure. Contre toute attente, la robe de mariée était vert céladon comme la structure de la nef du Grand Palais, comme les bancs de Paris, ornée d’une broderie de tulle en mille feuille réalisé par les ateliers Montex (lire page 48), d’une délicatesse qui méritait d’être vue de près. Chez Dior, Maria Grazia Chiuri s’est inspirée des archives de Monsieur Dior. L’exposition qui se tient à Granville jusqu’au 6 janvier (voir all-i-c.com) n’est sans doute pas étrangère à cet intérêt pour l’héritage de la maison. Ses silhouettes étaient presque dénuées d’ornementation, à l’image de cette petite robe noire, très stricte, à la taille prise dans une ceinture étroite, qui pourrait résumer l’ensemble de la collection par sa pureté. Pierpaolo Piccioli, chez Valentino, s’est tourné vers le passé, a puisé dans la mémoire de la haute couture: il a regardé du côté de Valentino, bien sûr, mais pas seulement. Il a emprunté le rose Shocking de Schiaparelli,
maison où officie Bertrand Guyon qui a travaillé chez Valentino avec lui de 2007 à 2015, des verts Yves Saint Laurent, des roses poudrés, et sa collection à la belle opulence, révélait tout son art de la couleur. En parlant de Bertrand Guyon, le directeur artistique de Schiaparelli, s’est inspiré du vestiaire personnel d’Elsa Schiaparelli, sa fantaisie, son amour des animaux et son paradoxal amour de la fourrure, pour créer sa collection automne-hiver, onirique à souhait. Mais la collection, ne saurait être sans une touche du fameux rose Shocking (lire page 126)
Automne-hiver 2018/19 Page 26 à gauche: Iris Van Herpen couture © Iris Van Herpen. Valentino haute couture © Valentino Ci-dessus : Dans les coulisses du défilé Chanel haute couture automne-hiver 2018/19. © Chanel Dior haute couture automne-hiver 2018/19 © Emma Summerton Page 28 de haut en bas: Schiaparelli haute couture © Schiaparelli Alexandre Vauthier haute couture © Alexandre Vauthier Franck Sorbier haute couture © Franck Sorbier
« L’élégance? C’est ce que je prône depuis mes début!», lance Julien Fournié après son show « Premier Crime », inspiré des héroïnes d’Alfred Hitchcock. Une allure folle, des corsets mais conçus pour des femmes du XXIe siècle, dans lesquels elles pourraient presque faire du yoga tant ils sont confortables et ne contraignent pas. Ils se contentent de dessiner une silhouette, ajouter des formes lorsqu’il n’y en a pas. Et pour ouvrir ce bel épisode une robe entièrement réalisée en plumes noires par le jeune plumassier Julien Vermeulen, qui lui a demandé 2 mois et demi de travail. (lire page 30) « Ce sont toutes les femmes élégantes qui m’ont élevé, qui m’inspirent. Je suis né dans les années 1970, j’ai grandi dans les années 1980, et j’ai ces images de femmes gravées en moi, des femmes qui sont tout le contraire de la victime », confiait Alexandre Vauthier, après le défilé. De fait, sa collection évoquait des silhouettes des années 1970-1980. Le meilleur de ces années-là. « Il faut oser reprendre ce qui a été fait et qui est bon et juste. La règle d’or existe pour tout, y compris pour les vêtements et j’essaie de travailler de manière intemporelle». Les filles portaient des canotiers de chez Maison Michel, de gros ceinturons, des vestes de smoking. Impossible de ne pas penser à Yves Saint Laurent. En regardant le show, je me suis surprise à me demander pourquoi on n’avait pas confié les clefs de la maison à Alexandre Vauthier… Chez Elie Saab, moins de robes de princesses surbrodées de cristaux pour tapis rouge, mais plus de robes sculpturales, dans des matières mates qui, loin de flouter, définissaient une ligne. Idem chez Georges Hobeika qui s’est inspiré du monde de la danse, faisant la part belle au tulle. Elégance du geste, chez Franck Sorbier. Son défilé dansé était une ode à la beauté de ces chef-d’œuvres en péril que sont le Paresseux, l’Ibis Rouge, la Luciole d’Humanité, le Colibri d’Arica ou le Rhinocéros Blanc, qui était paré des atours de la mariée, une robe en applications de dentelles précieuses. « J’appelle mes consœurs et confrères au boycott de la souffrance animale pour que perdure la beauté du monde», écrivait Franck Sorbier dans sa note d’intention... On y vient doucement: même Fendi, dont le métier d’origine est fourreur, a fait défilé de la fausse fourrure. Et pour terminer sur une note de pure grâce: la collection Syntopia d’Iris Van Herpen. Une réflexion autour de l’organique et l’inorganique. Des sculptures en mouvement, évoquant le vol des oiseaux. Une ode à la fragilité du vivant. À droite de haut en bas: Dior haute couture © Dior Elie Saab haute couture © Elie Saab Givenchy haute couture collection Caraman © Isabelle Cerboneschi
Chic is Chic Chic. This is a word that we had not heard since the 1960’s yet it has made its return to the Parisian catwalks of the 2018/19 Autumn / Winter haute couture. These collections have revived fashion words from the past like: elegance, allure, delicacy, grace and style ... “I’m chic, so chic”, sings the soundtrack of the Jean Paul Gaultier show while a model careers down the catwalk, a cigarette stuck between her index and middle finger. Taking it to the nth degree, of course, but, too late, the word is out within the fashion arena. It had revolved around the haute couture fashion shows from the Autumn/Winter 18/19 collections. Almost all. Because there are of course, exceptions, otherwise it would be fishy, this general desire for beauty that falls like a duchess satin tsunami on normcore and trendy junk.During the week of haute couture we heard words that have no doubt not been uttered since the 1960’s, on pain of using an embarrassing anachronism. Except that this season, it has become chic to say chic. The pinnacle of elegance goes to Clare Waight Keller who, with her Caraman collection, paid tribute to Hubert de Givenchy. The perfect heiress to the to the grand couturier, she revisited some styles that the master had created for his muse Audrey Hepburn, while anchoring them in the present day: a time in need of beauty. After the finale, the designer lead those from her workshop, the « première d’atelier », the tailors, the embroiderers, the fine detail workers, and all those who work in the shadows, before appearing to an audience moved almost in spite of itself. “It seemed to me that it was right, to pay this tribute to Monsieur de Givenchy,” she confided to me just after the show. It was perfect and sublime. Parisian chic, as Karl Lagerfeld imagines it, was the subject of his latest haute couture collection for Chanel that paid tribute to this city of light, its changing greys, its rising rosy sun, its green roofs, its culture, and of course its couture, with dresses revealing the left leg (why the left?). Haute couture customers only have to have a good figure, even if Karl Lagerfeld has thought of everything, a side zip can reveal a leg or not therefore changing the feel. Against all odds, the wedding dress was celadon green like the structure of the nave of the Grand Palais, and like the benches of Paris, adorned with an embroidery of tulle layered in a thousand sheets made by the Montex workshops, a delicacy that deserved to be viewed closely. At Dior, Maria Grazia Chiuri was inspired by Mr. Dior’s archives. An exhibition (see on all-i-c.com) held in Granville is open until 6th January which highlights the interest in the
heritage of the house. Her silhouettes were almost devoid of ornamentation, like the little black dress, very strict, narrow at its waist a thin belt, which could sum up the purity of the whole collection. Pierpaolo Piccioli, at Valentino, turned to the past, and drew on the history of haute couture: he looked at Valentino, of course, but not only that. He borrowed the Shocking rose from Schiaparelli, (the house where Bertrand Guyon worked, from 2007 to 2015 at Valentino), and from Yves Saint Laurent greens, powdered pinks, and an opulence which revealed all his artistry and colour. Speaking of Bertrand Guyon, the artistic director of Schiaparelli, who was inspired by the personal wardrobe of Elsa Schiaparelli, her fantasy, her love of animals and her paradoxical love of fur, to create the dreamlike autumn-winter collection. But the collection, could not be without a touch of her famous shocking pink. “Elegance? That’s what I’ve been advocating since I started! “Julien Fournié enthused after his show «Premier Crime”, Inspired by the heroines of Alfred Hitchcock. A chaotic allure: corsets but designed for women of the twenty-first century, in which they could almost do yoga as they are comfortable and don’t constrain. They are designed to create a silhouette, add shapes when there is none. And to open his beautiful collection; a dress entirely made in black feathers by the young plumassier Julien Vermeulen, which took two and a half months of work. “It’s all the elegant women that raised me, who inspire me. I was born in the 1970’s, I grew up in the 1980’s, and I have these images of women engraved within me, women who are quite the opposite of a “victim”, confided Alexandre Vauthier, after his show. In fact, his collection evoked silhouettes of the 1970’s to the 1980’s. The best of those years. “We must dare to take back what has been done before, what is good and true. The golden rule exists for everything, including clothing, and I try to work in a timeless way”. The girls wore home-made boaters, big belts, and tuxedos. It’s impossible not to think of Yves Saint Laurent. Watching the show, I surprised myself in wondering why the keys of the house have not been entrusted to Alexandre Vauthier... At Elie Saab, there were fewer princess dresses embroidered with crystals for the red carpet, but more sculptural dresses, in matte materials that, far from blurring, actually defined lines. Ditto for Georges Hobeika who was inspired by the world of dance, highlighting the noble dance material, tulle. Elegance of gesture, was seen at Franck Sorbier. His show with dancers was an ode to the beauty of animals in peril, such as the Sloth, the Red Ibis, the Firefly of Humanity, the Arica Hummingbird or the White Rhinoceros, a dress in precious lace
application which was adorned with all the finery of a bride. “I call on my sisters and brothers to boycott animal suffering so that the beauty of the world will endure”, wrote Franck Sorbier in his show notes... And slowly, it has happened: even Fendi, whose original occupation was initially a ‘furrier’, presented fake fur at their show. And to finish on a note of pure grace: the Syntopia collection by Iris Van Herpen. A reflection on the organic and the inorganic. Sculptures in motion, evoking the flight of birds. An ode to the fragility of the living.
De haut en bas: Viktor & Rolf haute couture © Viktor & Rolf Georges Hobeika couture © Georges Hobeika
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La vie rĂŞvĂŠe des anges Style & Photos: Buonomo & Cometti
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Photo/Style: Buonomo & Cometti Models: Alberte Mordenden @ Elite Lea Petanovic @ Elite Make-up: Dior Viktor & Rolf haute couture, collection automne-hiver 2018/19 Julien Fournié haute couture, collection « Premier Crime » automne-hiver 2018/19 Dior haute couture, collection automne-hiver 2018/19 Elie Saab haute couture, collection automnehiver 2018/19 Alexandre Vauthier haute couture, collection automne-hiver 2018/19 Iris Van Herpen couture, collection automnehiver 2018/19
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Sous la jupe d’Audrey Fleurot Audrey Fleurot a rencontré le grand couturier Julien Fournié sur le tournage du film La fête des mères et depuis il l’habille à la scène comme à l’écran. A l’occasion d’un shooting haute couture, elle explique le rôle très particulier que joue le costume dans le processus d’appropriation d’un personnage.
Isabelle Cerboneschi, Paris
Photos: Michèle Bloch-Stuckens Audrey Fleurot a des yeux turquoise.
Comme les eaux des mers du Sud mais en encore plus beaux. Elle a les cheveux roux et les taches de rousseur qui vont avec, la peau diaphane, des pieds de danseuse. Je l’ai observée pendant la séance photo au Montana, à Paris, en ce 9 septembre, lorsqu’elle jouait des femmes qu’elle n’est pas, à chaque changement de robe. Comme si elle improvisait une pièce pour chaque tenue. Elle racontait l’histoire du moment et forcément, on y croyait. Elle a même dansé la sévillane dans une robe rouge signée Julien Fournié. J’avais envie de réaliser un shooting avec elle depuis que j’ai vu le film La fête des mères où elle jouait le rôle de la présidente de la République française. Un rôle de composition puisque la France n’a pas encore eu l’honneur de vivre cette réalité. De la première à la dernière scène elle portait des vêtements du couturier Julien Fournié qui la rendaient crédible, car élégante et forte. « Empowered », comme on dit en anglais. J’avais envie de parler avec elle du rôle du costume, dans son métier. On ne met pas assez en lumière les costumières de théâtre et de cinéma qui réalisent des merveilles avec des moyens de plus en plus limités. Il y a de moins en moins de films d’époque, les temps de préparation sont courts et l’on n’est plus à l’époque d’Edith Head, la célèbre costumière de la Paramount, qui avait remporté 8 Oscars, ni en 1931, lorsque Samuel Goldwyn proposait un contrat d’un million de dollars à Gabrielle Chanel, pour réaliser les costumes de la United Artists… I.C: Comment avez-vous rencontré le couturier Julien Fournié? Audrey Fleurot: Grace à une costumière de cinéma sur le film La Fête des Mères. Ça a été un coup de foudre immédiat! J’étais hyper contente qu’un grand couturier nous prête si facilement des robes de haute couture alors que c’est devenu extrêmement compliqué. Les grandes marques ne prêtent plus rien. Les budgets sont restreints, tout comme
les temps de préparation. Les costumières font appel aux bureaux de presse, mais ne réussissent pas toujours à avoir les pièces ou les tailles qu’il faudrait et l’on se retrouve à incarner des personnages avec ce qui est disponible et les vêtements dans lesquels on rentre. Ça limite un peu. Pour incarner la présidente de la France, c’était particulier car nous n’avions pas d’éléments de comparaison. C’était forcément quelqu’un d’un peu hors norme et il fallait qu’elle porte une marque française. La rencontre avec Julien était parfaite. Il a un vrai goût pour le cinéma, le théâtre. Je l’imagine très bien dessiner des costumes pour le cinéma. Il nous a ouvert les portes de son stock et nous a prêté très gentiment des pièces de ses collections. Il a même retravaillé certaines robes qui étaient un peu trop décolletées pour une présidente. Le costume est-il un médium pour devenir quelqu’un d’autre? Le costume est très important pour moi dans la création des personnages car j’ai besoin de me sentir quelqu’un d’autre immédiatement. C’est une carapace, c’est ce qui permet de se prendre au sérieux. Et Julien, avec ses robes, aide à accéder à un tout autre univers. Est-ce que ses vêtements font sentir les femmes qui les portent plus puissantes? Oui bien sûr et c’est ce qui me plaît! Paradoxalement, les acteurs sont souvent des gens qui n’ont absolument pas confiance en eux. Je fais ce métier pour être quelqu’un d’autre. J’ai un rapport très ludique au jeu. C’est comme quand j’étais petite fille et qu’on jouait à « on dirait que ». « On dirait que tu es un indien et que je suis un cowboy. » Le costume aide à construire un personnage. Julien m’habille aussi pour mon travail de représentation. Ses robes m’aident à être moi sans être moi, à me cacher, tout en me montrant dans ses tenues exceptionnelles. Je me sens à la fois protégée et sublimée. C’est aussi un jeu. Quand on enlève le costume du rôle, estce que l’on redevient soi?
Quand on dit « coupez », je redeviens moi. Sinon c’est de la schizophrénie. Quand on joue, on fait semblant. Et quand on enlève le costume, heureusement, on revient à la normalité. Bien sûr que l’on reste avec le personnage, que l’on y pense, et dans le cas d’une série, l’attachement est encore plus fort car le tournage dure 9 mois. Vous grandissez avec le personnage, alors qu’avec un long métrage, il ne s’agit que de deux mois de vie commune. Quel est votre rapport personnel avec les vêtements? Vous amusez-vous avec votre garde-robe? J’ai un grand dressing car j’aime le côté « il y a mille et une femmes en moi ». J’ai un rapport au vêtement très enfantin, qui est de l’ordre du déguisement. Cela me plaît de me dire qu’aujourd’hui j’ai envie d’être telle femme et que demain j’aurai envie d’en être une autre. Il m’est impossible de définir mon style. Il en a plein! Tout dépend de l’image que j’ai envie de renvoyer ce jour-là. J’assume totalement les notes de mauvais goût que l’on peut vouloir me donner. Un vêtement, finalement, c’est un rôle que l’on endosse? Oui. Pour moi en tout cas. Cela dépend de mon état d’esprit. Je peux être en jogging, ou complètement sophistiquée, m’habiller avec humour… Financièrement c’est un gouffre car si j’avais un style bien défini, cela me limiterait dans mes achats. J’adore les pyjamas d’extérieur par exemple, je dois en avoir une dizaine. Je trouve cela hyper élégant. Mais j’aime aussi avoir la liberté de porter une paire de jeans et un T-shirt comme aujourd’hui. J’aime aussi les vêtements vintage. Je suis la spécialiste du total look! Je sais qu’il faut faire un choix entre le haut, le bas, les chaussures et le sac à main, mais ça me plaît tellement d’avoir le haut, le bas, les chaussures et le sac à main exactement dans le même motif, voire de mélanger des motifs qui piquent les yeux, que je pousse l’effet jusqu’à ce que cela en devienne conceptuel.
Au théâtre, le vêtement joue un autre rôle qu’au cinéma. Au théâtre, vous mettez le même costume pendant plusieurs mois d’affilé. Ce n’est pas évident pour moi, parce que je me lasse. Mais remettre le même costume fait partie du processus et aide à rentrer dans le personnage. C’est une autre dynamique, sur la continuité. C’est une répétition. Le théâtre est beaucoup plus ritualisé que le cinéma. J’ai besoin d’un petit rituel et enfiler le costume en fait partie. C’est la dernière chose que je fais avant d’entrer en scène, après les assouplissements, la respiration, le maquillage, la coiffure. C’est une sorte d’armure que je mets pour aller affronter les 900 personnes qui sont en face. Et aujourd’hui, poser pour une série photo, est-ce un rôle que vous jouez? Oui. Je n’aime pas beaucoup faire des photos en tant que moi-même. Cela ne m’intéresse pas de m’exposer en tant qu’Audrey Fleurot parce que j’ai fait ce métier pour être plein d’autres gens! Je n’ai pas envie de parler de moi car je ne trouve pas cela très intéressant. Il y a beaucoup de fantasmagorie autour des actrices, or j’ai une vie très normale. Dans les robes de Julien, j’ai l’impression de me mettre au service d’un personnage et je me sens plus à l’aise dans un rôle que dans le mien. C’est moi, sans être moi.
Under the skirt of Audrey Fleurot Audrey Fleurot met the grand couturier Julien Fournié on the set of the film La fête des mères and since then, he has dressed her both on stage and on screen. On this occasion of an haute couture shoot, she explains the very special role played by costumes in the process of appropriating a character.
Audrey Fleurot has turquoise eyes. Like the
waters of the South Seas, but even more beautiful. She has red hair and freckles that go with her diaphanous skin and her dancer’s feet. I watched her during the photo shoot in The Montana Hotel, Paris, on September 9th, when she was playing a women who changed her personality with every dress she wore, as if she improvised a new character with every new outfit. She was totally believable in every story she told. She even danced La Sevillane in a red dress designed by Julien Fournié. I wanted to do a shoot with her since I saw the movie La fête des mères where she played the President of the French Republic. A role that was a fantasy since France has not yet had the honour to live with this reality. From the first to the last scene she wore the grand couturier Julien Fournié’s clothes which made her credible, elegant and strong.
“Empowered” as they say in English. I wanted to talk to her about the role of costumes in her job. We do not shed enough light on theatrical and film costume, of the designers who perform wonders with increasingly limited budgets. There are fewer and fewer period films, the preparation time is short, and we are no longer in the days of Edith Head, the Paramount costume designer, who won 8 Oscars, or the likes of in 1931, when Samuel Goldwyn was proposing a million-dollar deal with Gabrielle Chanel, to create the costumes for United Artists ... How did you meet Julien Fournié? Audrey Fleurot: Thanks to a movie costume designer on the film La Fête des Mères, it was instant ,love at first sight! I was so happy that a grand couturier was so generous in lending us his couture dresses when this has become so complicated a process. Big brands do not lend anything anymore. Budgets are limited, as is preparation time. Costumers use the press offices, but do not always succeed in acquiring the pieces or the sizes that would be necessary so one finds oneself trying to incarnate characters with what is available and what one can fit into. It limits things a little. To embody the role of the President of France was difficult because we had nothing to compare to. It was inevitably a role that was out of the ordinary, yet the character had to, of course, wear a French brand. The meeting with Julien was perfect. He has a real taste for cinema and theatre. I can very easily imagine him designing costumes for the cinema. He opened his doors to us and lent us very gracefully, items from his collections. He even reworked certain dresses that were a bit too low cut at the bust for a President. Is a costume a medium to become someone else? The costume is very important to me in the creation of the characters because I need to feel like someone else immediately. It’s a shell; it’s what makes you take yourself seriously. And with Julien’s dresses, it helps one to access a completely different universe. Do his clothes make a women feel more powerful? Yes of course and that’s what I like! Paradoxically, actors are often people who have absolutely no confidence in themselves. I do this job to be someone else. I have a very playful relationship with acting. It’s like when I was a little girl and we pretended to be cowboys and Indians. The costume helps to build a character. Julien also dresses me personally. His dresses help me to be me without being me, to hide, while showing me in his exceptional outfits. I feel both protected and revealed It’s all part of the game. When we take off the costume of a role, do we become our self again? When we hear “cut”, I become myself again. Otherwise it’s like schizophrenia. When we play, we pretend. And when we take off the
costume, fortunately, we return to normality. Of course, we stay with the character, we think about it, and in the case of a series, the attachment is even stronger because the shoot lasts nine months. You grow with the character, while with a feature film, it’s only two months of life together. What is your personal relationship with clothing? Do you have fun with your wardrobe? I have a large walk in dressing room because I like the idea that “there are one thousand and one women within me”. I have a very childlike relationship to clothing, which are elements of disguise. I like to say that today I want to be such a woman and that tomorrow I will want to be another. I cannot define my style. I have a plethora of them! It all depends on the image I want to give out that day. Some may say I have bad taste but for me that’s ok. An outfit, is it a role that one utilises to validate oneself? Yes. For me anyway. It depends on my state of mind. I can be in a jogging outfit, or a completely sophisticated, playful dress… Financially it is a black hole because if I had a well-defined style, it would limit me in my purchases. I love outdoor pyjamas for example; I must have a dozen pairs. I think they are super stylish. But I also like the freedom to wear a pair of jeans and a T-shirt like today. I also like vintage clothes. I am a specialist when it comes the total look! I know you have to choose between the top, the bottom, the shoes and the handbag, but I like it so much when I have a top, bottom, shoes and a handbag in exactly the same pattern or even mixing patterns that hurt the eyes that I can push for a conceptual effect. In the theatre, clothing plays a different role to that of the cinema. At the theatre, you put on the same costume for several months in a row. It’s not easy for me, because I get tired. But wearing the same costume is part of the process and helps to get into the character. It’s another dynamic, it’s about continuity. It’s a repetition. Theatre is much more of a ritual than cinema. I need a little ritual and putting on the costume is one of them. This is the last thing I do before going on stage, after the stretches, breathing, makeup, hairstyle. It’s a kind of armour that I put on in order to go face the 900 people who are in the audience. And today, modelling in a photo-shoot, are you playing a role? Yes. I do not really like to have pictures taken as myself. I’m not interested in exposing myself as Audrey Fleurot because I do this job to be other people! I do not want to talk about me because I do not find it very interesting. There is a lot of fantasy around actresses, but I have a very normal life. In Julien’s dresses, I feel like I’m living a character and I feel more at ease in this role than playing myself. It’s me, without being me.
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Page 39: le grand couturier Julien Fournié et l’actrice Audrey Fleurot posent dans une suite du Montana à Paris. Audrey Fleurot porte une robe haute couture de la collection « Premier Crime » de Julien Fournié.
Photos: Michèle Bloch-Stuckens Direction artistique: Isabelle Cerboneschi Style: Julien Fournié Muse: Audrey Fleurot Make-up: Fanny Martin Hair: Caroline Bufalini @Capsule Agency Paris Style Assistant: Clément Réthoré Photo Assistant: Janusz Klepacki
Post production: Stéphanie Herbin @alimage.com Location: Le Montana Paris Tous les vêtements: Collection haute couture « Premier Crime » de Julien Fournié Tous les bijoux: Vanrycke All jewelry by Vanrycke
La mariée était en vert… Quelques jours avant le défilé haute couture automne-hiver 2018/19 de Chanel, nous avons visité les ateliers de broderie Montex où une partie de la collection avait été ornée. Les brodeuses s’affairaient sur les métiers pour terminer à temps. Sur l’un d’eux reposait des feuilles de tulle de soie couleur vert céladon destinées à orner la robe de mariée. Il faut les avoir vues de près pour en découvrir toute la délicatesse. Isabelle Cerboneschi Paris
Photo ateliers: Buonomo & Cometti
« La haute couture, c’est Paris!», affirmait Karl Lagerfeld dans la note d’intention du défilé. En juillet dernier, sous la coupole du Grand Palais, un quai de Conti reconstitué, jusqu’à ses kiosques de bouquinistes et l’Institut de France en guise de fond, donnait l’illusion d’être Rive Gauche, par un jour ensoleillé.
explique Aska Yamashita, la directrice artistique de Montex. L’une des techniques qui nous est propre, c’est la Cornely: une machine guidée à la main, qui permet de réaliser au point de chaînette des broderies variées, mais il n’y en a pas dans cette collection.»
Les décors des défilés Chanel relèvent toujours de la mise en scène: on s’y promène comme sur un plateau de cinéma en attendant le début du tournage, sauf qu’ici, le tournage était un défilé qui a duré 20 minutes. Et pendant ces vingt précieuses minutes, la maison de couture a dévoilé l’étendue de son savoir-faire tandis que Karl Lagerfeld a laissé entrevoir l’ampleur de son imaginaire, avec Paris en guise de muse (lire page 26…). Il en a exploré toutes les nuances: les gris des toits de zinc, du ciel ou des pavés, l’or des soleils couchant sur les façades de pierre, le vert doux des bancs publics ou des structures métalliques. Le nom donné à la collection, High Profile, fait référence aux vêtements vus de profil: les jupes, fendues sur le côté, dévoilent la jambe gauche. Mais si un vent de pudeur venait à souffler, la jupe, munie d’un zip, se refermerait sagement.
Pour la collection haute couture automnehiver 18-19, Chanel avait besoin d’une broderie donnant l’aspect du tweed. « Nous en avons proposé diverses interprétation, certaines réalisées avec un amalgame de matières différentes, des tulles grillagés et brodés d’or qui rappellent ces petits cadenas qui étaient accrochés sur le Pont des Arts, ou encore les pavés de Paris», explique Aska Yamashita Les Métiers d’art travaillent directement avec le studio de création: « Virginie Viard, (la directrice du studio Chanel) nous fait part des demandes pour la collection: elle nous
Contre toute attente, la mariée - incarnée par le mannequin Adut Akech - était en vert céladon. Elle portait une robe longue et droite sous une veste à effet redingote qui rappelait l’habit des Académiciens. La veste ornée de feuillages en tulle de soie empillés comme un millefeuille et brodés par les ateliers Montex, était d’une délicatesse qui méritait d’être vue de près… Justement. Paris, quelques semaines auparavant. Dans un immeuble parisien des années 1930, il faut d’abord passer le service de sécurité pour pouvoir accéder aux ateliers situés sur sept étages. Les pièces aux larges baies vitrées sont baignées de lumière, une nécessité pour les brodeuses, tout comme l’air qu’elles respirent. Cinquante six personnes travaillent ici, tous domaines confondus. Le jour de notre visite, elles étaient environ vingt de plus: en période de collection, un besoin de renfort se fait nettement sentir. L’atelier de broderie Montex, qui appartient à la société Paraffection, une filiale de Chanel où sont regroupés les Métiers d’Art, est complémentaire à Lesage, le brodeur historique qui existe depuis 1924. Lesage, c’est la maîtrise parfaite du Lunéville, ce sont les broderies de Madeleine Vionnet, d’Elsa Schiaparelli, des plus belles pièces d’Yves Saint Laurent, quand il était vivant. La maison possède des archives qui racontent l’histoire de la mode. Montex, lui, est un atelier plus jeune, il a commencé a répondre à une demande de broderie spécifique dans les années 1980. Pour se démarquer des autres ateliers de brodeurs, on y réalise surtout des motifs en volume, comme des sculptures en bas relief. Les matières utilisées sont souvent iconoclastes: tout peut servir à orner un vêtement. C’est d’ailleurs chez Montex que furent développées les broderies en résille de béton qui ressemblaient à des petites mosaïques, pour la collection haute couture automne-hiver 2014-15. « Nous essayons d’expérimenter, d’intégrer de nouvelles matières ou de transformer les matériaux existants pour leur faire raconter autre chose,
donne des indications de couleur ou d’effets de matière. » Et Montex se fait l’interprète du désir de Karl Lagerfeld. « Le plus grand challenge de cette collection c’est la robe de mariée, confie la directrice artistique. Elle est un peu à part de tout ce que l’on a réalisé d’autre. Elle a un côté très classique, mais, à la demande du studio, cette broderie devait avoir une certaine puissance. Nous avions déjà réalisé une première série d’échantillons, mais quand le studio a reçu le tissu définitif de la robe, nous avons dû les retravailler: la matière interfère beaucoup dans une broderie. Celle-ci est ton sur ton: il s’agit d’un volume discret mais lisible. Il nous a fallu trouver l’assemblage de bonnes couleurs, les jolis dessins, la technique la plus adéquate: un mélange de travail d’aiguille et de superpositions de même fourniture dans des tailles, des qualités et des teintes différentes.
The bride wore green ... L’association de tout cela fait vibrer la matière. Nous avons également utilisé des feuilletés de tulle de soie. Les motifs des feuilles sont brodés en planche, découpés, superposés et mis en volume ». Il aura fallu deux semaines et demi pour broder la robe de mariée. Le résultat est d’une délicatesse infinie et seule la propriétaire de la robe s’en rendra compte, car pendant le défilé, nul n’a le temps de s’attarder sur la sophistication des techniques de broderie utilisées. Chez Montex, la pièce où sont rangées les fournitures ressemble à la caverne d’Ali Baba. Dans un sac transparent a été glissé un ensemble de matériaux couleur vert céladon: ce sont tous les ingrédients nécessaires à la réalisation de la fameuse broderie de la robe
de mariée « Au moment de l’échantillonnage, c’est ici que l’on vient choisir les fournitures, explique Aska Yamashita. Ensuite, l’équipe en place va préparer toutes les matières, par rapport aux échantillons choisis: il peut y en avoir 3 comme des vingtaines. Tous ces matériaux sont pesés et répertoriés sur une fiche technique avant de passer au stade de la broderie. » Sur le mur du bureau de la directrice artistique est épinglé un dessin signé Karl Lagerfeld - la robe de mariée - ainsi qu’un échantillon qui révèle toute la beauté de ce millefeuille de tulle de soie vert céladon. Quelques semaines plus tard, ces délicats feuillages brodés s’ébattront au rythme des pas d’Adut Akech, comme des ailes de papillon
A few days before the Chanel haute couture autumn-winter 2018/19 show, we visited the Montex embroidery workshops where part of the collection had been adorned. The embroiderers were busy with their skills to finish on time. On one of them they laying sheets of celadon green silk tulle to adorn the wedding dress. You have to have seen them closely to understand the art, the delicacy. « Haute couture is Paris! » Said Karl Lagerfeld in the show notes Last July, under the dome of the Grand Palais, the restored whafr of quai de Conti, with its bookstall kiosks and the Institut de France by way of background, gave the illusion of being Rive Gauche, on a sunny day. The sets of the Chanel shows are still staged: we walk there as though on a film set while waiting for the start of the filming, except that here, the shoot was a show that lasted 20 minutes. And during these precious twenty minutes, the fashion house unveiled the extent of its expertise while Karl Lagerfeld had hinted at the extent of his imagination, with Paris as a muse (read page ...). He explored all the nuances: the zinc grey roofs, the sky or cobblestones, the gold of the sun lying on the stone facades, the soft green public benches or metal structures. The name given to the collection, High Profile, refers to the clothes seen in profile: the skirts, slit on the side, reveal the left leg. But if a modesty wind was blowing, the skirt, with a zip, could wisely be closed. Against all odds, the bride - embodied by the model Adut Akech - was in celadon green. She wore a long, straight dress under a coat with a frock coat effect reminiscent of the dress of the Academicians. The jacket adorned with silk tulle foliage piled up like a millefeuille and embroidered by the Montex workshops, was of a delicacy that deserved to be seen closely ... Precisely. Paris, a few weeks ago. In a Parisian building from the thirties, you must first pass the security service to be allowed access the workshops located on on seven floors. Rooms with large windows are bathed in light, a necessity for embroiderers, just like the air they breathe. Fifty-six people work here, across all fields. The day of our visit, they were about twenty more: during the period of making the collection, there is a need for reinforcements.. The Montex embroidery workshop, which belongs to the Paraffection company, a subsidiary of Chanel where are grouped the Métiers
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d’Art, is complementary to Lesage, the historical embroiderer that exists since 1924. Lesage is the perfect mastery of Lunéville which is the embroidery used by Madeleine Vionnet, Elsa Schiaparelli, and seen on the most beautiful pieces of Yves Saint Laurent, when he was alive. The house has archives that tell the story of fashion. Montex, he is a younger workshop. he began to respond to a request for specific embroidery in the eighties. To stand out from the other embroidery workshops, it mainly makes patterns in volume, like sculptures in low relief. The materials used are often iconoclastic: everything can be used to adorn a garment. Montex also developed the concrete mesh embroidery that resembled small mosaics for the 2014-15 autumn-winter couture collection “We try to experiment, to integrate new materials or to transform existing materials to make them tell something different,” says Aska Yamashita, Montex’s artistic director. One of the techniques we have is the Cornely: a machine guided by hand, which allows you to make a variety of embroideries in a chain stitch, but there are none in this collection. “ For the 18-19 fall-winter haute couture collection, Chanel needed embroidery that looked like tweed. “We have proposed various interpretations, some made with an amalgam of different materials, wire mesh and gold embroidery reminiscent of those little
padlocks that were hanging on the Pont des Arts, or the cobblestones of Paris,” says Aska Yamashita. The Métiers d’art work directly with the creative studio: “Virginie Viard, (the director of the Chanel studio) informs us of the requests for the collection: it gives us indications of colour or effects of matter” And Montex is the interpreter of Karl Lagerfeld’s desire. “The biggest challenge in this collection is this wedding dress,” says the artistic director. She is a little apart from everything else. It has a very classic side, but, at the request of the studio, this embroidery had to have some power. We had already made a first series of samples, but when the studio received the final fabric for the dress, we had to rework them: the material interferes a lot with the embroidery. This one is your on tone: it is a discreet but legible volume. We had to find a balance of good colours, the pretty designs, the most appropriate technique: a mixture of needle work and overlays of the same supply in different sizes, qualities and colours. The combination of all this makes the material vibrate. We also used puffs of silk tulle. The motifs of the leaves are embroidered in plank, cut out, superimposed and add volume “. It took two and a half weeks to embroider the wedding dress. The result is infinite delicacy and only the owner of the dress will realise, because during the show, no one has time to
dwell on the sophistication of the embroidery techniques used. At Montex, the room where the supplies are arranged looks like Ali Baba’s cave. In a transparent bag have been arranged a set of green celadon materials: these are all the ingredients necessary for the achievement of the famous embroidery for the wedding dress “At the time of sampling, this is where we come to choose the supplies, says Aska Yamashita. Then, the team in place will prepare all the materials, compared to the selected samples: there may be 3 or twenty All these materials are weighed and listed on a technical sheet before getting to the stage of embroidery. “ On the wall of the office of the artistic director is pinned a sketch signed by Karl Lagerfeld - the wedding dress - as well as a sample that reveals all the beauty of this millefeuille of celadon green silk tulle. A few weeks later, these delicate embroidered foliage will frolic at the pace of Adut Akech’s footsteps, like butterfly wings.
Photos défilé Chanel haute couture automne-hiver 2018/19: © Chanel Photos ateliers: © Buonomo & Cometti
Marine Serre, comme une fusée Marine Serre a présenté sa deuxième collection à Paris, mais son nom est partout, dans toutes les discussions, tous les magazines de mode, toutes les émissions. En deux saisons, elle a déferlé comme un tsunami sur le monde de la mode, imposant ses humeurs, ses goûts, bons et mauvais, et sa manière constructive de recycler pour créer. Marine Serre est celle que la mode attendait. Isabelle Cerboneschi, Paris.
Photographies © Marine Serre
Elle n’a que 26 ans mais elle a tout compris de ce métier, tout, et bien plus vite que les autres. On sent une urgence chez elle qui emporte tout comme un tsunami. Elle entend révolutionner la manière de produire de la mode, elle a commencé d’ailleurs, en pratiquant le recyclage qu’elle préfère appeller « upcycling ». Marine Serre est celle que la mode attendait. Parce qu’on est fatigué de revoir chez certains nouveaux créateurs les mêmes références, assister aux mêmes retours en arrière. Si Marine Serre pousse sur le bouton Rewind, c’est pour rendre hommage à sa propre histoire. Sa mode vient de qui elle est, de ses racines à Brive-la-Gaillarde, en Corrèze où elle est née, de la famille dans laquelle elle a grandi, de son père contrôleur de la SNCF et elle, petit gabarit destinée à devenir une joueuse de tennis professionnelle. Sauf que les destins sont souvent faits pour être contrariés. Changement d’aiguillage. C’est la mode qui l’emporte, ou plutôt elle qui emporte la mode, car Marine Serre ne suit pas. Elle est devant. Parce que tout était trop grand pour elle - « 1m50 mais une volonté d’acier », comme la décrit Karl Lagerfeld, la créatrice a pris l’habitude d’acheter des fripes et tout recouper à sa taille, et du coup, tout repenser à son goût, ses besoins, son confort. La mode, elle l’a apprise à La Cambre, à Bruxelles. Elle ne dessine pas mais travaille directement en trois dimensions, sculptant la matière de manière instinctive. Elle a fait des stages chez Dior, Margiela, Alexander McQueen et Balenciaga, ère Demna Gvasalia. Il y a pire comme références. Et puis il y a eu cette première collection, “Radical Call for love” montrée au Festival de Hyères en 2016. Et en 2017 elle a gagné le LVMH Prize assorti d’une bourse de 300’000 euros qui lui ont permis de monter sa marque. Tout est allé très vite. Karl Lagerfeld l’adore. Sans doute parce qu’il sent en elle la force de ceux qui peuvent tout réinventer, aller loin et longtemps, habités d’un feu qui fut aussi le sien, une rage, une hyper créativité. Au fond Marine Serre pourrait bien être la Gabrielle Chanel du XXIème siècle. La couturière avait construit un empire sur un terreau infertile, qu’elle avait engraissé à haute dose de résilience. Elle avait inventé le « genderless » avant l’heure, en empruntant les vestes de tweed de son amant le duc de Westminster et une forme d’upcycling lorsqu’elle devait tailler ses robes dans les rebuts des anciennes orphelines d’Aubazine, où elle a grandi. Marine Serre, elle, a choisi de faire du beau avec des matières destinées à la poubelle. Les résidus des uns deviennent le trésor des autres. Magnifique acte alchimique en phase avec une époque qui étouffe sous le trop: trop de production, trop de déchets, trop de n’importe quoi. La mode de Marine Serre a un sens car elle raconte une histoire: la sienne déjà.
Le manteau « brodé » de cadenas de la collection printemps-été 19 porté par Elfie Semotan, l’égérie d’Helmut Lang, est un hommage à son grand-père: « il collectionnait les cadenas par couleurs et par style, sur un panneau de bois dans son garage. Et je trouvais ça beau. ». On n’oublie jamais ses émois d’enfant. Sa première collection, qui a défilé en mars dernier à Paris, était un mélange douceur et de vêtements protecteurs. Les vestes multipoches ont des trous pour les écouteurs, un emplacement pour le pass Navigo, un porte-clef, des manches détachables, un emplacement pour la bouteille d’eau, le Stabilo Boss et le rouge à lèvres. Les robes sont taillées dans des foulards de soie récupérés. Il lui arrive de manquer de matière première, mais « comme ces tissus étaient destinés à finir à la poubelle, c’est un acte vertueux, » dit-elle. Pour présenter sa collection printemps/été 19, elle a choisi une sorte de podium naturel, surplombant les rails du RER, dans le 19e arrondissement de Paris, sur lequel elle a fait défiler des filles, certaines amies, Amalia, le mannequin favori d’Yves Saint Laurent, d’autres castées sauvagement, des enfants aussi, parce qu’ils sont l’avenir et la vie et parce que dans la vraie vie, les femmes ont souvent des enfants. Toutes avaient l’air de passer là par hasard et le public les regardaient, avec les rails en guise de décor. Le père de Marine Serre était présent. Elle dit qu’il préférait regardait passer les trains. Elle ne croit pas vraiment à ce qu’elle dit. Marine Serre s’est tellement facilement imposée sur l’échiquier de la mode que l’on a tendance à oublier qu’elle n’a que vingt-six ans et derrière elle seulement trois collections: la première présentées à Hyères, la seconde à Paris en mars et la troisième, en septembre. En trois collections elle a réussi à définir son propre vocabulaire, compréhensible par tous, car il n’exclu ni les genres, ni les âges, ni les conditions. La seule condition? Adhérer à cette mode qui est une réponse extrêmement fine à nos problématiques. Au problème envahissant de la surproduction textile, elle répond par de l’upcycling, réutilisant des matières pour éviter de produire plus. Résultat: chaque pièce est unique. Dans un seul défilé, elle met tout le monde d’accord, homme et femme. I.C: Vous réussissez à allier sportswear et romantisme, radicalité et sensibilité, tous genres confondus. Est-ce que ces mots, d’apparence contradictoires, seraient une définition possible de la mode de ce début de XXIème siècle? Marine Serre: J’essaie au maximum de m’inspirer des gens autour de moi et je ne me pose pas la question de savoir si c’est cela, la définition de la mode d’aujourd’hui. J’essaie de répondre à des questions, résoudre des problèmes, surtout en ce qui concerne la production. La collection printemps/été que vous avez vue aujourd’hui
est une proposition de ce que pourrait être le futur. Il y a beaucoup de pièces très pratiques, du tayloring pour la femme, du flou, des hybridations de couleurs ou de formes, des choses étranges, mais qui me semblent intéressantes, et surtout pas du tout « boring ». On voit beaucoup de choses ennuyeuses aujourd’hui.
après les avoir lavés. Nous avons aussi utilisé des combinaisons de plongée dans la collection printemps/été que nous avons achetées une par une sur ebay. C’est le fruit d’un questionnement: comment construire une collection? Il y a des choses que l’on peut produire, mais il y en a déjà des milliers qui ont été déjà produites!
Pendant ce défilé, les mannequins semblaient vivre naturellement dans vos vêtements, comme si c’était les leurs. Oui, c’est très important pour moi que les filles se sentent bien dans mes pièces. Même les enfants avaient la pêche et envie de défiler. Je voulais que l’on retienne aussi cela du show: que tout le monde passe un bon moment. L’important était d’être inclusive.
Vous avez fait défiler votre collection printemps/été sur une passerelle qui surplombe une voie ferrée. Pourquoi ce choix? C’est mon quartier. Je vis tout près d’ici et je passe sur cette passerelle parfois. Un jour, je me suis dit que je devrais faire mon show ici parce que ça ressemble à un vieux podium (rire). Et qu’avec un peu de chance, j’aurai un peu de soleil. C’était risqué, mais j’aime la façon dont on peut défiler ici. Comme si tous ces personnages passaient là pour se rendre à leur travail. C’est un peu comme si c’était le catwalk de tous les jours sur lequel on a tous notre place, je pense.
Vous avez fait un casting sauvage? Oui et J’avais aussi des amies: Amalia? Cordula? La mode, ce n’est pas juste pour le mannequin qui mesure 1m80. C’est pour cela que j’ai fait défiler des filles qui font 1m60.C’est cela la réalité! On l’oublie trop souvent: on est tout le temps arrêté par une image irréelle. Est-ce que la mode aujourd’hui peut être un acte politique? Tout est politique aujourd’hui. La mode aussi, forcément. Même faire une robe couture avec une couverture. Comme celle qui a fermé le défilé printemps/été? Oui, la dernière robe a été faite avec quatre couvertures. La même matière a été utilisée pour le petit blouson. L’idée était de définir ce qu’est la couture aujourd’hui. Qu’est ce que ce terme signifie? Créer une pièce couture demande du temps. Or cela nous a pris du temps de trouver ces matières. La robe que portait Amalia par exemple, était faite en anciens T-Shirts blancs. Tout était dans le drapé. Comment rendre une femme extraordinaire même si sa robe est faite de T-Shirts blancs que l’on a tous dans son placard? Le monde de la mode produit plus que le public ne peut consommer. L’upcycling est-il pour vous devenu une nécessité? C’est un exercice fantastique! Derrière la scène, on abat un travail monstrueux mais c’est passionnant. On ne s’en rend pas compte, quand on regarde les collections, mais c’est très difficile de produire de cette façon. C’est pour cela que j’ai ajouté le mot hardcore dans le titre de la collection. Si personne n’est là pour ouvrir une ou deux portes, ce monde ne changera jamais. Quand vous évoquez les difficultés que vous rencontrez en faisant de la récupération, voulez-vous parler de la manière dont vous trouvez les matériaux? En fait, on ne trouve jamais deux fois les mêmes choses et donc tout ce que nous créons sont des pièces uniques. Par exemple, tous nos jeans sont recyclés. Rien n’est vraiment neuf. Nous ajoutons les impressions
Comment voulez vous que les femmes se sentent en portant vos vêtements? Protégées et puissantes..
Marine Serre, like a rocket Marine Serre presented her second collection in Paris, but her name is everywhere, in all the discussions, all the fashion magazines, all the TV shows. In two seasons, she has swept the world of fashion like a tsunami, imposing her moods, her tastes, good and bad, and her constructive way of recycling to create. Marine Serre is the one that fashion was waiting for.
She is only 26 years old, yet she understood
everything about this job, everything, and much faster than others. We feel an urgency with in her that rises like a tsunami. She intends to revolutionise the way we produce fashion, she started practicing recycling that she prefers to call “upcycling”. Marine Serre is the one that fashion was waiting for. Because we are tired of seeing some new creators with the same references, witnessing the same setbacks. If Marine Serre pushes the button Rewind, it is to pay homage to her own background. Her fashion comes from who she is, from her roots in Brive-la-Gaillarde, in the Corrèze where she was born, from the family that she grew up in, from her supervisor father of the SNCF where she, from a young age was destined to become a professional tennis player. Except that fate often gets in the way. A change of direction. With fashion prevailing, or rather she decided on fashion, because Marine Serre is not a follower: she is in front. Because everything was too big for her - “1m 50 but with a will of steel”, as described by Karl Lagerfeld, she used to buy second-hand clothes and cut everything to size, and suddenly, rethought her taste, her needs, her comfort. She learned fashion in La Cambre,Brussels. She does not draw but works directly in three dimensions, sculpting the material instinctively. She did internships at Dior, Margiela, Alexander McQueen and Balenciaga, during the Demna Gvasalia era. And then there was this first collection, “Radical Call for Love” shown at the Hyères Festival in 2016.And in 2017 she won the LVMH Prize with a reward of €300’000 that allowed her to build her own brand. Karl Lagerfeld loves her. No doubt because he feels in her the strength of those who can reinvent everything, go far and long, inhabited by a fire that was also like his own, a rage, a hyper creativity. In the background Marine Serre could be the Gabrielle Chanel of the 21st century, the « couturière » who had built an empire on barren soil, which she had fattened with a ton of resilience. She had invented “genderless” before its time and a form of upcycling when she had to alter all her dresses at her waist from the orphanage Aubazine, where she grew up. Marine Serre chose to make beautiful items with materials destined for the bin. The residues of some become the treasure of others. Magnificent acts of alchemy in tune with an era that suffocates: too much production, too much waste, too much of everything. The fashion of Marine Serre makes sense because it tells a story: her own. The “embroidered” padlock coat from the spring/summer 19 collection worn by Elfie Semotan, Helmut Lang’s muse, is a tribute to her grandfather: “he collected padlocks by colour and style, on a panel of wood in his garage. And I found it beautiful.”. One never forgets the emotions of child.
Her first collection, which was held last March in Paris, was a mix of softness and protective clothing. The multi-pocket jackets have holes for headphones, a slot for a travel pass, a keychain, detachable sleeves, a water bottle slot, a Stabilo Boss pen and a a lipstick pocket. The dresses are cut in salvaged silk scarves. Sometimes she runs out of raw material, but “as these fabrics were destined to end up in the trash, it’s a virtuous act,” she says. When she presented her spring / summer 19 collection, she chose a sort of natural podium, overlooking the rails of the RER, in the 19e arrondissement of Paris, on which she had, some of her friends, modelling. Including Amalia, the favourite model of Yves Saint Laurent, a wildly varied cast, children too, because they are the future and because in real life, women often have children. All seemed to be happening naturally with the audience watching, with the train tracks as a backdrop. Her father was present. She said he preferred to watch the trains go by. She does not really believe what she says. Marine Serre has so easily imposed herself on the chessboard of fashion and we tend to forget that she is only twenty-six years old and behind her she has only three collections: the first presented in Hyères, the second in Paris in last March and the third, last September. In three collections she has managed to define her own vocabulary, understandable by all, because it does not exclude genres, ages or conditions. The only condition? Adhere to this fashion which is an extremely fine answer to our problems. To the pervasive problem of textile overproduction, she utilises upcycling, reusing materials to avoid producing more. The result: each piece is unique. In one show, she brings together, men and women . IC:You manage to combine sportswear and romanticism, radicalism and sensitivity, all genres combined. Would these seemingly contradictory words be a possible definition of fashion at the beginning of the 21st century? Marine Serre: I try to inspire people around me as much as possible and I do ask myself if this is the definition of fashion today. I try to answer questions, solve problems, especially with regard to production. The spring / summer 19 collection you saw today is a proposal of what the future might be. There are many very practical pieces, tailoring for woman, blur, hybridisations of colours or shapes, strange things, but that seem interesting to me, and especially not at all “boring”. We see a lot of boring things today. During this show, the models seemed to live naturally in your clothes, as if they were theirs. Yes, it’s very important to me that women feel good in my pieces. Even the children were excited and wanted to be in the show. I wanted the audience to feel this that everyone was having a good time. The important thing
was to be inclusive. You had a very diverse casting? Yes, and I had friends too: Amalia? Cordula? Fashion is not just for models that measures 1m 80. That’s why I choose girls measuring 1m60. That’s the reality! We forget it too often: we are constantly prsented by an unreal image. Can fashion today be a political act? Everything is political today. Fashion too, obviously. Even to make a dress out of a blanket. Like the one that closed the spring / summer show? Yes, the last dress was made with four covers. The same material was used for the little jacket. The idea was to define what couture is today. What does this term mean? Creating a piece takes time. But it took us a while to find these materials. The dress worn by Amalia, for example, was made of old white T-Shirts. Everything was in the drape. How to make a woman look extraordinary even if her dress is made of white T-Shirts that we all have in our closets? The world of fashion produces more than the public can consume. Is upcycling for you a necessity? It’s a fantastic exercise! Behind the scene is a monstrous job, but it’s exciting. We do not realise it when we look at the collections, but it’s very difficult to produce that way. That’s why I added the word hardcore in the title of the collection. If no one is there to open one or two doors, this world will never change. When you talk about the difficulties you face in finding recyclable materials, do you want to talk about how you find these materials? In fact, we never find the same things twice and so all the items we create are unique pieces. For example, all our jeans are recycled. Nothing is really new. We add the impressions after washing them. We used diving suits in the spring / summer 19 collection that we bought one by one on ebay. It is the result of a questioning: how to build a collection? There are things that can be produced, but there are already thousands that have already been produced! You have chosen to present your spring/ summer 19 collection on a walkway that overlooks a railway line. Why did you make his choice? It’s my neighbourhood. I live near here and I pass this bridge sometimes. One day, I thought I should do my show here because it looks like an old catwalk (laugh). And with a little luck, I’ll have some sun. It was risky, but I like the way we can model here. As if all these characters were going there to get to work. It’s a bit like it’s the everyday catwalk on which we all have our place, I think. How do you want women to feel by wearing your clothes? Protected and powerful.
L’homme exposé Si la mode a le pouvoir de transcrire les évolutions d’une société donnée à un moment T, les collections automne hiver 18/19 qui ont défilé à Londres ont révélé un homme en rupture avec l’archétype du mâle exprimant sa toute puissance. Les défilés ont dévoilé un être plus sensible, plus en phase avec la poésie de la vie Jo Phillips, Londres
Quel serait l’archétype de « l’homme moderne »? Et quand on parvient à le définir, sait-on ce que cela signifie à notre époque? Les défilés londoniens ont offert une tentative de réponse. Les lignes définissant la masculinité ont été tellement floutées ces dernières saisons que la plupart des hommes ont du mal à définir ce que recouvre la notion de « mâle » aujourd’hui. Une fluctuation des genres, pas forcément confortable d’ailleurs. La masculinité a été ébranlée: et pas seulement par les multiples plaintes pour harcèlement sexuel qui ont déferlé en début d’année. La mode est un grand miroir de la vie et de notre subconscient et pour savoir ce qui flotte dans notre esprit et dans nos cœurs, il suffit parfois de regarder les défilés et de lire entre les lignes. Et qu’est-ce que les collections automne-hiver 18/19, qui ont défilé à Londres, avaient à nous dire sur notre présent? Cela fait un moment déjà que l’on assiste à l’effacement des genres sur les podiums, et ce qui était un trend il y a quelques années est devenu un non évènement que la société a intégré de facto. Cette saison, on peut suivre le fil de cette nouvelle esthétique masculine directement des podiums jusqu’au public venu regarder les shows. La fluidité était l’un des maîtres mots à Londres: depuis les savants drapés jusqu’aux tailles élastiques, enpassant par les costumes en matériaux industriels et les pièces fonctionnelles, sans oublier le kilt. Ce ne sont d’ailleurs pas uniquement les formes qui parlent d’un adoucissement, mais aussi les couleurs et le stylisme: on a vu apparaître du velours arc-en-ciel et des costumes sans manche. L’acception
traditionnelle du costume a pris un sérieux coup dans la manche. On sent une volonté des créateurs de se distancer du modèle patriarcal. Un vêtement plus fluide offre à l’homme la liberté d’afficher sa délicatesse. Ce dernier se définit autrement: un pantalon cargo et une veste fonctionnelle valent costume. On s’interroge d’ailleurs sur son rôle dans ce monde masculin mouvant. On sent une volonté des créateurs de se distancer du modèle patriarcal, fortement pris à partie depuis quelques mois. Un vêtement plus fluide offre à l’homme la liberté de se sentir plus relax et afficher sa délicatesse. Il lui permet d’être qui il souhaite être, sans se fondre dans l’image que l’on attend de lui, un message dont on pouvait déjà sentir les prémices durant les défilés londoniens des saisons passées. Les précédentes extravagances et les expérimentations transgenre de Charles Jeffrey ou de Rottingdean Bazaar, se retrouvent désormais dans de nombreux shows, de manière atténuée et plus subtile. Alors qu’ironiquement la Grande-Bretagne a choisi de s’extraire de l’Union Européenne et d’avancer seule vers son avenir, l’une des manières qu’elle a trouvé d’exprimer son unicité s’affiche sur les podiums: les jupes et les drapés qui frôlent le sol ne sont plus l’apanage d’une poignée de jeunes garçons en marge, mais commencent à s’immiscer dans l’uniforme masculin au quotidien. La Grande-Bretagne forme certains des meilleurs créateurs de mode en devenir du monde, qu’ils viennent de l’Est ou de l’Ouest, de l’Extrême-Orient ou du Moyen-Orient, autant de pays où il n’est pas rare de voir des hommes porter des jupes ou des costumes ressemblant à des robes, du fait de leur culture. Il est intéressant de noter que, jusqu’à il y a peu, les étudiants étrangers venus étudier la mode en Europe ou aux Etats-Unis, étaient en quête d’un vestiaire masculin idéal «westernisé »: des costumes structurés avec des influences militaires comme point de départ. Mais si l’on observe les collections dessinées par les étudiants du London College of Fashion, on note que les drapés et les jupes ont été totalement intégrés dans les garde-robes, non pas comme l’expression d’un particularisme culturel, ni par volonté de flouter les genres, mais plutôt comme faisant partie de manière intrinsèque du vestiaire global de l’homme moderne. C’est un tournant à la fois intéressant et subtil. Et sinon, quelles étaient les autres pistes suivies à Londres pour cet automne hiver? De l’imprimé écossais partout – des plus petits jusqu’aux plus grands – en couleur ou en ton neutres. De même que l’on a vu apparaître des poches gigantesques sur les pantalons cargo, ou suspendues aux vestes comme des sacs de sports, certaines étaient même attachées aux chevilles, assorties aux
bottes Wellington. On a vu aussi des foulards de footballeurs et des liens un peu partout. Les pantalons arboraient tous les détails vus ci-dessus: poches XXL, liens, tartan, etc… L’esprit sportswear, toujours présent, semble s’inspirer de plus en plus des vêtements de sports outdoor: marche, alpinisme, voile, et c’est tout un attirail trendy qui s’offre aux hommes, lorsqu’il s’agira de pratiquer ces activités pour de vrai. Les tissus arborent des effets mouillés, les matières ont des reflets brillants, métalliques, plus flashy que les saisons précédentes. On a vu des rembourrages et des références au look Cowboy dans de nombreux shows, de même que l’on assiste au retour du velours côtelé revisité, en lignes fines ou extra-larges. Et comme lors de la saison précédente, les couleurs unies prennent le pas sur les imprimés, avec une forte présence de l’orange, de l’ocre et du taupe, teintes qui viennent compenser la forte présence du noir, du blanc et des teintes pastel. Les dos présentaient des détails intéressants eux aussi, comme si l’arrière des vêtements était devenu aussi important que le devant: des plissés inversés, des ajouts, des ornements. Il semblerait qu’avec la saison automne-hiver 18/19 vienne le temps de se regarder dans le miroir, devant, comme derrière, et que les dos ornés, enfin mis en lumière, symboliseront quelque chose d’intéressant quant à l’avenir de l’homme.
The exposed man If fashion is a great mirror to a near future society then the autumn/winter 18/19 men’s collections shown in London highlight that men are breaking away from the all-powerful archetypal male. shows revealed a more sensitive being, one more in tune with the poetry of his own life. What is the archetypal “modern man”? If we are able to define it? The A/W 18-19 London shows offered a glimpse. The lines defining masculinity have been so blurred in recent seasons that most men find it difficult to define what makes a “man” today. Masculinity has been shaken: not only by the multiple complaints of sexual harassment that swept through at the beginning of the year, but on every male level and to its very core. Fashion is a great reflection of our lives, of our subconscious and it mirrors what we
carry in our minds and hearts, it is sometimes enough to watch the catwalk shows and read between the lines. If so what did the 18 / 19 A/W collections, in London, tell us about where we are now? It has been a while since we have seen the transcending of gender on the catwalks, and what was a trend a few years ago has become a norm that society has just accepted (it). This season, we can follow the thread of this new masculine aesthetic directly from the clubs, to the catwalks seeing it clearly manifested in suiting trends. Fluidity was one of the key words in London: from draping fabrications to elasticated waists to suits in industrial materials and utilitarian pieces, all the way to the kilt. It is not only the forms that speak of a softening, but also the colours and the fabrications: we saw rainbow velvet and shirtless suits. The traditional meaning of the suit has been drastically altered. There seems to be a desire from designers to distance themselves from the patriarchal male. A more fluid garment offers the man the freedom to display his sensitivity. The style of a suit is now defined differently: cargo pants and a functional jacket are worthy of being called a suit. One wonders moreover about its role in this evolving male world. We have seen a willingness from designers to distance themselves from the patriarchal model, over the past few months. A more fluid garment allows a man the freedom to feel more relaxed and be able to display his sensitivity. It allows him to be who he wishes to be, without giving in to what is expected of him. This message which we had already seen, had its beginnings during the London shows of past seasons. The previous transgender trend presentations by Charles Jeffrey or Rottingdean Bazaar, are now found in many shows, all-be-it in a subdued and more subtle way.
not as a cultural expression, nor by the desire to blur genres, but rather as part of the global wardrobe of the modern man. It is a turning point at once interesting and subtle. So what are the other trends on show in London for AW18/19? Tartan and checks were everywhere - from the smallest to the largest - in colour or in neutral tones. Just as gigantic pockets appeared on the cargo pants, or hung off jackets like sports bags, some were even attached to the ankles, or paired with Wellington boots. We also saw football scarves and ties everywhere. The trousers were all about the added details: XXL pockets, ties, and more... The sportswear spirit, always present, seems to be inspired more and more by outdoor sportswear: walking, mountaineering or sailing, and it’s all a bit of trendy paraphernalia not necessarily ready for practical use for these activities. The fabrics are textured, there are shiny, or metallic, seeming more flashy than previous seasons. We have also seen paddings and Cowboy references in some shows, as well as the return of the corduroy fine or jumbo. And as in the previous season, solid colours take precedence over print, with a strong presence of orange, cumin and taupe, hues that offset the strong presence of black, white candy tones and hits of rainbow. The backs of the outfits presented interesting details too, as if these had become as important as the front: inverted pleats, detailing, and ornamentation. It seems that the AW18/19 season will be a time for looking in the mirror both front and back, and maybe just maybe what reflects at us will symbolise something interesting about the future of the Male.
While Britain has chosen to extricate itself from the European Union and move alone towards its future, one of the ways it has found to express its uniqueness is on the catwalk: the skirts and floor length draping are no longer the preserve of a handful of young boys on the side-lines, but are part of the daily male uniform. Britain is one of the best fashion educators, whether students come from the East or the West, the Far East or the Middle East, places where it is not uncommon for men to wear skirts because it is part of their culture. It is interesting to note that, until recently, foreign students who came to study fashion in Europe or the United States, were looking for a “westernized� ideal male wardrobe: structured costumes with military influences as a starting point. But if we look at the collections by the students of say the London College of Fashion, we note that drapery and skirts were totally integrated in the wardrobes,
Page de gauche de haut en bas, Per Gotesson Alex Mullins Pronounce Bobby Abbley Ci-contre: Craig Green Oliver Spencer Astrid Andersen Photos: DR
La mode militante de Charles Jeffrey Charles Jeffrey faisait partie des 20 finalistes du LVMH PRIZE 2018. Sa mode est la revendication de son mode de vie et de celui de la communauté gay. Rencontre parisienne. Isabelle Cerboneschi, Paris
Sa marque - Charles Jeffrey Loverboy - est le fruit d’une époque, d’une génération et d’une communauté: la communauté gay. Charles Jeffrey le revendique en paroles et en actes. Il a fait partie des 20 finalistes du LVMH PRIZE 2018, sur 1300 participants. Ce n’est pas anodin. Participer à la finale de ce prix est l’occasion de rencontrer les patrons des grandes marques, d’avoir un feedback, d’engager des discussions. Cela débouche même sur des collaborations, parfois… Sa collection automne-hiver 18/19 qu’il a fait défiler à Londres en début d’année, était une interrogation sur l’appartenance à une communauté, mais loin de l’image caricaturale des nuits à paillettes. Charles Jeffrey s’est interrogé sur ce que cela voulait dire être gay en 2018 et a puisé en lui, en ses propres tréfonds, des réponses possibles. I.C: Vos collections révèlent un homme à la fois décomplexé et fragile. Est-ce un message que vous aviez à cœur de transmettre? Charles Jeffrey: Je me suis inspiré du livre The Velvet Rage, d’Alan Downs qui explore la difficulté pour les homosexuels de grandir dans un monde d’hommes hétérosexuels. Pourquoi se présente-t-on d’une certaine manière aux yeux du monde et de la société? Cette interrogation me concerne. J’avais besoin d’explorer la part la plus obscure de mon âme et portraiturer cela dans ma collection. Jusqu’à présent tout ce que j’ai fait était tellement joyeux, retentissant et fou! Or cette saison, j’avais envie de montrer autre chose. Je travaille avec mes émotions et elles m’aident à définir des métaphores visuelles. J’aimerais d’être heureux en tout temps, mais ce n’est pas possible: je ne peux pas
seulement montrer des collections qui sont des odes à la fête. La vie d’un homosexuel ne se résume pas à cela. En même temps, je dois faire attention de ne pas me fondre corps et âme dans ce que je fais. En quel sens? Le dernier défilé a eu sur moi un effet de purge. Quelques jours après je me suis senti très faible. On construit une collection, on travaille comme des fous, on reçoit beaucoup de soutien, et on doit apprendre à traverser cet état d’accalmie créative qui suit le show. Cette fois, ce fut plus difficile que d’habitude car ce projet était très personnel. Je dois trouver une manière d’explorer ces endroits obscurs de mon être autrement. Qu’avez-vous découvert dans ces endroits obscurs? Une grande énergie, un pouvoir, un feu. Mais aussi une fragilité. Cette énergie m’a poussé à faire, à créer, mais quand le show a pris fin, avec cette musique écossaise et ces chants gaéliques qui entouraient le tout comme un fin duvet doux, je me suis mis à à pleurer. Certains créateurs sont avant tout intéressés par la logique d’un vêtement, sa structure, ses proportions, mais dans mon cas, le processus créatif est plus viscéral et relève de l’instinct. Avez-vous le sentiment que l’homosexualité devient de plus en plus acceptée dans nos sociétés occidentales? Nous avons de la chance car nous sommes beaucoup mieux acceptés par la société aujourd’hui, mais il reste des résistances. Quand on vit dans une capitale et que l’on travaille dans la mode, tout cela semble normal, mais quand on sort de notre bulle, on se heurte a beaucoup d’ignorance. Si l’on
réussi à transformer cette collection et qu’elle fasse partie un jour de la culture populaire, alors on aura commencé à faire changer les choses. Le vestiaire masculin a évolué drastiquement depuis quelques années: une multitude de possibilités s’offre à l’homme aujourd’hui. N’avez-vous pas le sentiment que le champs des possibles est devenu immense? Absolument! Le vestiaire masculin s’est fortement modifié depuis quelques années. On peut s’offrir le luxe d’une totale créativité. Je me souviens d’un documentaire sur Yohji Yamamoto qui disait que le corps de la femme est en constante évolution, comme le désert du Sahara. C’est un homme qui aime les femmes. Moi qui suis gay, je vois aussi le corps des hommes comme un désert en évolution. Et j’ai envie d’explorer toutes les facettes des hommes avec mes vêtements, en y ajoutant de la sensualité, de la même manière que Yohji Yamamoto le fait pour les femmes.
something else. I work with my emotions and they helped me to define visual metaphors. I would love to be happy at all times, but it’s not possible: I cannot just show collections that are odes to the party. The life of a homosexual is not just that. At the same time, I must be careful not to throw my body and soul in what I do. In what sense? The last show had a purging effect on me. A few days later I felt very weak. We build a collection, we worked like crazy, we got a lot of support, but we must learn to live with this state of creative calm that follows a show. This time it was more difficult than usual because this project was very personal.
I have to find other ways of exploring these dark places of my being. What did you discover in these dark places? Great energy, power, fire. But also, a fragility. This energy pushed me to do, to create, but when the show ended, with that Scottish music and those Gaelic songs that surrounded the whole thing like a soft down, I started to cry. Some creators are primarily interested in the logic of a garment, its structure, its proportions, but in my case, the creative process is more visceral and instinctual.
Toutes les photos: © Charles Jeffrey Loverboy
The activist fashion of Charles Jeffrey A Charles Jeffrey was one of the 20 finalists for the LVMH PRIZE in 2018. His fashion is about claiming back his way of life and that of the gay community. A Parisian meeting.
His brand - Charles Jeffrey Loverboy - is
the product of an era, a generation and a community: the gay community. Charles Jeffrey claims it in both word and deed. He was part of the 20 finalists for the LVMH PRIZE 2018, out of an initial 1300 participants. This is not trivial. Participating in the final of this prize is the opportunity to meet the bosses of the great houses of fashion, to gain feedback, to start discussions. It even leads to collaborations, sometimes ... His Autumn/Winter 18/19 collection, which he showed in London earlier this year, was a question about belonging to a community, but far from the caricature of glittering nights. Charles Jeffrey wondered what it really meant to be gay in 2018 and so drew from within himself, from his own depths, for possible answers.
IC: Your collections reveal a man at once uninhibited and yet also fragile. Is this a message that you wanted to transmit? Charles Jeffrey: I was inspired by Alan Downs’ The Velvet Rage, which explores the difficulty for homosexuals growing up in a world of heterosexual men. Why do we present ourselves in a certain way to the world and to society? This question concerns me. I needed to explore the darkest part of my soul and portray it in my collection. So far everything I’ve done was so happy, loud and crazy! But this season, I wanted to show
Credits
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Do you feel that homosexuality is becoming more and more accepted in Western societies? We are lucky because we are much better accepted by society today, but there is still resistance. When we live in a capital city and work in fashion, all of this seems normal, but when we come out of our bubble, we come up against a lot of ignorance. If we succeed in transforming this collection and that one day it becomes a part of popular culture, then we will have begun to change things. The men’s wardrobe has evolved drastically in recent years: a multitude of possibilities are offered to men today. Do you not feel that the field of possibilities has become limitless? Absolutely! The men’s wardrobe has changed significantly in recent years. We can afford the luxury of total creativity. I remember a documentary about Yohji Yamamoto saying that the body of the woman is constantly evolving, like the Sahara Desert. He is a man who loves women. I, who am gay, also see the bodies of men as a changing desert. And I want to explore all facets of men with my clothes, adding sensuality, in the same way that Yohji Yamamoto does for women.
Horlogerie Chapitre trois
64. 66. 72. 76. 82.
Patek Philippe lance la Twenty-4 Automatique Le futur de l’horlogerie contemporaine Le poli noir, la beauté de l’invisible Portfolio: L’heure Pantone Cara Delevingne face à son image
Wallpaper © Charlotte Jade
Une montre pour une femme qui en a…(du pouvoir) Patek Philippe vient de lancer une nouvelle montre dame: la Twenty-4 Automatique. Elle possède le même bracelet que la Twenty-4, lancée il y a presque 20 ans, mais c’est tout ce qui les rattache. Elle est ronde, elle est dotée d’un beau mouvement automatique, elle en impose et elle plaira sûrement aux femmes qui ont du pouvoir et entendent le garder. Un garde-temps qui invite également à l’interrogation autour du genre. Petite conversation avec Sandrine et Thierry Stern, la directrice de la création et le Président de Patek Philippe. Isabelle Cerboneschi, Milan Le secret a été bien gardé: aucune
information n’est sortie avant le lancement de la Twenty-4 Automatique de Patek Philippe le 10 octobre, à Milan. Pour éviter toute indiscrétion, Sandrine Stern, la directrice de la création et épouse du Président, ne l’a pas portée de la journée et les détaillants avaient reçu pour consigne de ne pas ouvrir les colis. La Twenty-4 Automatique fut dévoilée vers 20 heures, dans les jardins des bureaux milanais de Patek Philippe. Ce nouveau garde-temps a gardé de la Twenty-4 son bracelet, mais c’est à peu près tout. Si la première possédait un mouvement à quartz, la version automatique est dotée d’un mouvement mécanique à remontage automatique, le calibre 324 S C avec spiral Spiromax® en Silinvar®, visible à travers un fond saphir transparent. Elle est belle, puissante, autonome, comme les femmes qui la comprennent. Mais celle qui en parle le mieux, c’est sans doute Sandrine Stern… «Quand nous avons commencé à créer cette montre, les premiers dessins étaient un peu idéalisés, mais au fur et à mesure du processus, nous avons renforcé l’identité de la montre et nous lui avons donné plus de caractère, explique Sandrine Stern. Cela s’est fait petit à petit. C’est un avantage d’avoir du temps pour créer une nouvelle montre: nous pouvons lui donner plus de force, ajouter plus de détails, et quand nous la lançons enfin, elle est accomplie et elle nous correspond. » La nouvelle Twenty-4 Automatique devait
cohabiter avec la Twenty-4 sans risque de cannibalisation. « L’identité de la Twenty-4 tient dans son bracelet manchette, alors que celui-ci est en dégradé, poursuit Sandrine Stern. Nous avons voulu une boîte ronde et non pas rectangulaire: il y a quelque chose de plus affirmé dans ce modèle. C’est une montre pour la femme d’aujourd’hui, qui sait ce qu’elle porte et qui veut montrer qu’elle possède sa Patek Philippe. Cela passe aussi par la dimension du garde-temps. Il fait 36 millimètres. Si nous l’avions fait plus petit, nous serions retombés dans un produit discret, un peu effacé. Nous voulions offrir un modèle plus imposant, avec un mouvement automatique dedans. Ce n’est pas une montre bijou, mais une montre que l’on a envie de porter tous les jours. » Il a fallu cinq années de développement a la manufacture pour lancer ce garde-temps, mais, avec un sens du timing étonnant, il arrive pile à une époque où l’on s’interroge sur le genre. Cette interrogation s’exprime dans la mode notamment. Lors des présentations des collections de prêt-à-porter printemps/été 2019, les créateurs se sont interrogés sur une garde-robe pouvant-être être indifféremment utilisée par l’homme ou par la femme. La maison Patek Philippe évoque malgré elle cette question du féminin/masculin. La Twenty-4 Automatic pourrait être d’un genre non défini, du fait de sa forme, de sa force, mais aussi de son cadran, avec ses chiffres arabes appliqués qui évoquent un peu ceux
de la Pilot. Mais l’intention de départ était clairement de créer une montre dame.« C’est une montre pour une femme qui exprime sa puissance, souligne Thierry Stern, le Président de Patek Philippe. Son mouvement, le 324, est l’un des plus beaux au monde, l’un des plus précis. Nous avons créé cette montre pour une connaisseuse. Une montre faite pour durer. » Quand je fais remarquer à Sandrine Stern que ce modèle, c’est un peu comme une chemise d’homme qu’une femme aurait volé à son amant, Sandrine Stern réfute: « Non, elle ne porte pas une chemise d’homme car elle n’en a pas besoin! Elle possède une montre dame qui est imposante, qui en jette, qui a autant de force qu’une montre masculine, mais c’est la sienne: elle ne l’a piquée à personne!»
Photo: ©Patek Philippe
A watch for a woman who has got …power Patek Philippe has launched a new lady watch: the Twenty-4 Automatic. It has the same bracelet that the Twenty-4 launched nearly 20 years ago, but everything else is new. It is round, it has a beautiful automatic movement, it has a presence and it surely will appeal to women who have power and intend to use it. A timepiece that also invites the question around gender. Conversation with Sandrine and Thierry Stern, the creative director and the President of Patek Philippe The secret was well kept: there was no leak before the launch of the Twenty-4 Automatic from Patek Philippe on October 10 in Milan. To avoid any indiscretions, Sandrine Stern, the creative director and wife of the President, did not wear it the whole day and retailers were instructed not to open the package. The Twenty-4 Automatic was unveiled at 8pm in the gardens of the Milan offices of Patek Philippe. This new timepiece has kept the Twenty-4 bracelet, but that’s about all. If the first had a quartz movement, the automatic version
is equipped with a mechanical automatic movement, calibre 324 SC with spiral Spiromax® in Silinvar® visible through a transparent sapphire back. It is beautiful, powerful, autonomous, like the women who understands it. But the person who talks about it best is Sandrine Stern ... “When we started to create this watch, the first drawings were a little idealised, but as the works progressed, we reinforced the identity of the watch and gave it more character, explains Sandrine Stern. It was done little by little. It is an advantage to have time to create a new watch: we can give it more strength, add more details, and when we finally launch it, it is accomplished, and it sits perfectly within the brand.” The new Twenty-4 Automatic can live with the Twenty-4 without risk of cannibalization. “The identity of the Twenty-4 sits within its cuffed bracelet, which narrows with the new model, says Sandrine Stern. We wanted a round, not rectangular case: there is something more assertive in this model. This is a watch for the woman of today, who knows what she wears and wants to show she has her Patek Philippe. This also dictates the size of the timepiece. It is 36 millimeteres. If we had made it smaller, we would have fallen into a too discrete product, somewhat unimposing. We wanted to offer a more imposing model with automatic movement inside. This is not a jewel piece, but a piece that we want to wear every day.“
It took five years of development to manufacture this timepiece, with its launch having a wonderful sense of timing: launched at a time when everyone is discussing what gender means. This question is particularly riff in fashion. During the collections for spring / summer 2019, the designers have addressed the question as to whether a wardrobe can be equally worn by men or women. Patek Philippe evokes despite itself the question of male / female. TheTwenty-4 Automatic could be for either gender because of its shape, strength, but also its dial with applied Arabic numerals that evoke some of those of the Pilot model. But the original intention was clearly to create a ladies watch. “It’s a watch for a woman who wants to express her power, says Thierry Stern, President of Patek Philippe. Its movement, the 324, is one of the finest in the world, one of the most accurate. We created this watch for a connoisseur. A watch made to last. When I point out to Sandrine Stern that this model is a bit like a man’s shirt that a woman stole from her lover, she disagrees: “No, she does not wear a man’s shirt because she does not need to! She has a lady’s watch that is imposing, which holds its own, which has just as much force as a men’s watch, but it’s hers and she did not take it from anyone! “
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Quel avenir pour la nouvelle horlogerie ? La question, toutes périodes confondues, s’est toujours posée de savoir quel était l’avenir des produits extrêmes et du travail des visionnaires. Dans le cas de la nouvelle horlogerie - secteur de niche agissant comme un incubateur de dissidence -, son futur est conditionné à sa faculté de faire rêver les passionnés et de convaincre une clientèle élitiste et versatile. Vincent Daveau
L’intégration au Salon international de la Haute
Horlogerie (SIHH) d’une partie des horlogers indépendants et pour la plupart membre d’une communauté que les professionnels du métier appellent « la nouvelle horlogerie » ne change rien au problème de cette famille d’artisans, qui est finalement le même depuis toujours: trouver des financements pour exister et un public réceptif à ses créations. Les cycles de l’histoire Trouver une clientèle a toujours été le problème numéro un des créateurs de montres. Pierre Jaquet-Droz, au Siècle des Lumières déjà, partait en quête de nouveaux clients en voyageant de ville en ville dès que revenait la belle saison, pour vendre ses productions de l’hiver et présenter ses automates qui lui tenaient lieu de publicité. A la même période et dans le même esprit, Jean-François Bautte (maison reprise en 1906 par GirardPerregaux), dont la spécialité était la fabrication d’instruments horlogers aux formes inspirées d’insectes ou d’objets du quotidien (pistolet à parfum, coccinelle, etc.) bataillait pour se faire connaître et distribuer plus ou moins bien ses œuvres en fonction des modes du moment. Mais ces célébrités n’avaient pas l’exclusivité de devoir faire du « porte à porte » pour vendre leur marchandise. Voltaire devait, lui aussi, redoubler d’ingéniosité et emporter dans ses bagages les créations réalisées par les artisans de ses ateliers de Ferney-Voltaire, lors de ses voyages. L’écrivain-philosophe, en fin commerçant, devait également trouver les bons mots pour inciter ses amis, dans les différentes cours d’Europe, à acheter les produits qu’il leur proposait, souvent à des prix supérieurs à la concurrence. N’était pas François-Marie Arouet qui veut ! Mais combien de ces créateurs de génie sontils parvenus à faire perdurer leurs activités jusqu’à ce jour? Dans l’absolu, seul le fameux cabinotier de Genève Jean-Marc Vacheron y est arrivé, si l’on se réfère à la chronologie de la maison Vacheron Constantin. Pour le reste, les plus talentueux des fabricants du passé ont vu leur nom conservé dans la mémoire du métier, tandis que les autres ont vu le leur s’évanouir dans les limbes de l’histoire. L’heure du second souffle L’effondrement des grandes manufactures dans les années 1980 puis le renouveau de l’aventure horlogère mécanique dans le courant des années 1990-2000 a permis à la montre mécanique survivante de la crise du quartz d’accéder à la dimension de bijou. « Existet-il encore dans notre secteur, où la montre mécanique en tant que telle est déjà un luxe, un produit qui puisse par essence incarner une valeur supplémentaire? », s’interroge Laurent Graire, restaurateur parisien de montres et d’horloges anciennes de haute facture. La réponse est positive et s’incarne dans les montres de créateurs
que les grands groupes de luxe ont achetées en vue d’en faire un luxe accessible à un plus grand nombre. Dans ce mercato horloger du début des années 2000, un certain nombre d’artisans ont tiré leur épingle du jeu et sont parvenus à se faire connaître d’un public d’initiés grâce à leur talent et leur originalité de construction. Dans la lignée de maîtres comme George Daniels, des horlogers indépendants à l’image de Franck Muller, FrançoisPaul Journe, Vianney Halter ou Felix Baumgartner, se sont lancés à la conquête d’une nouvelle clientèle en quête de gardetemps exceptionnels. Ces artisans, dont la plupart sont passés par les ateliers de Pascal Courteault -l’ancien propriétaire de THA (Technique Horlogère Appliquée) à SainteCroix en Suisse, et longtemps propriétaire de la marque Leroy, ont vite compris qu’ils s’inscrivaient dans la lignée des grandes figures de l’histoire du métier. François-Paul Journe dont la devise Invenit & Fecit est inspirée des signatures d’Antide Janvier, l’un des plus grands horlogers du Siècle des Lumières, sait combien il doit à ses pairs d’antan. Seulement, ce concepteur, qui a été l’un des premiers à lancer son propre réseau de boutiques pour se distribuer aux quatre coins du globe, sait aussi que le nom d’un créateur horloger peut être éphémère s’il ne sait pas donner à temps une pérennité à son entreprise. Conscient de l’importance de transmettre et faute d’un potentiel repreneur au sein de son propre foyer, François-Paul Journe a choisi de faire appel à Chanel pour qu’elle le soutienne et à la fois l’accompagne dans cette future succession, comme des artistes faisaient appel à des mécènes dans le passé. En septembre dernier, on apprenait que Chanel avait pris une participation à hauteur de 20 % chez F.P. Journe, tout comme la maison avait pris une participation chez Romain Gauthier en 2011. Mais ces signatures connues des initiés ne sont pas les premières à avoir été épaulées. La manufacture Greubel Forsey avait reçu un même renfort de la part de Richemont en 2006. Asphyxié par un marché oxydant Ces mutations reflétant les tensions existentielles du moment, comme les désaffections du Swatch Group et d’autres de Baselworld ou le retrait prochain de Richard Mille et d’Audemars Piguet du SIHH, font s’interroger sur l’avenir du métier. De toute évidence, les salons ne sont plus un modèle économique pour les entreprises connaissant de très fortes croissances, mais ne sont pas non plus une solution pour les maisons qui peinent à payer leur stand sur ces mêmes salons. L’horlogerie, que l’on savait plurielle, mais qui connaissait jusqu’à il y a peu la même dynamique de croissance, est en train de
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se scinder en trois groupes distincts. Le premier recoupe les maisons qui réalisent une croissance à deux chiffres que rien ne semble vouloir arrêter, le second réunit des marques cherchant des débouchés sur tous les marchés afin de durer et enfin le groupe des entreprises qui, loin d’être parvenues à atteindre la masse critique, tentent de trouver des solutions pour perdurer face aux poids lourds industriels inscrits de longue date dans l’économie mondiale. Dans cette nébuleuse de petits indépendants qui gravitent autour de ce noyau central qu’est l’industrie du luxe, qui se comporte avec eux un peu comme un trou noir avec la lumière, certains ont l’impression d’avoir eu la chance de pouvoir intégrer le SIHH. S’il s’agit d’une opportunité formidable de promotion pour eux de se trouver dans leur carré réservé, la question se pose de savoir pourquoi la plupart de ces entités microscopiques font également acte de présence à Baselworld. De toute évidence, les salons se comportent comme de véritables univers et génèrent un phénomène d’attraction auquel aucun système n’échappe, surtout les plus petits et ceux qui, fragiles, comptent sur l’effet de groupe pour exister. Seulement, le volume ne fait pas la qualité et l’immense majorité des petites structures de la nouvelle horlogerie sont aujourd’hui dans une situation où elles doivent s’interroger sur le principe même d’indépendance. Entretenir la créativité Pour assurer son avenir, la nouvelle horlogerie - l’extension contemporaine d’un métier sacralisant le geste et la technique-, doit transformer la tension créatrice en une impulsion productive afin d’entraîner le reste de la profession vers un renouveau qui s’impose. Cette dynamique, Urwerk, maison animée par une vision futuriste depuis 1997, la possède dans ses gènes. Conscient du sursaut à donner au métier, Félix Baumgartner et Martin Frei - ses fondateurs ont choisi de revisiter la pendule Sympathique mise au point par le grand Abraham-Louis Breguet à l’heure du troisième millénaire. Le principe? L’une des montres Urwerk est remise à l’heure et remontée par une pendule atomique enfermée dans un container digne des meilleurs films de James Bond. Futuriste, cet objet s’inscrit dans la lignée de ce que fut l’horlogerie mécanique à son apogée, en matière de créativité, il y a maintenant près de trois siècles. Baptisé AMC, cette nouveauté, dévoilée il y a peu, fait partie des pistes potentielles pour électriser un univers qui semble manquer furieusement de cette petite étincelle qui génère l’envie. Mais cette entité n’a pas l’exclusivité de la créativité et d’une projection dans le futur. La marque HYT veut offrir des solutions neuves à un problème de lecture du temps finalement vieux comme le monde, avec son mécanisme sophistiqué permettant l’affichage fluidique des heures. Elle inscrit le
principe des clepsydres dans la modernité, pour le plus grand plaisir des passionnés désireux de voir s’écouler le temps, au sens propre. Christophe Claret, génie de la pure mécanique propose également à travers chacune de ses créations sa vision du temps avec une dimension ludique qui capte l’attention, qu’elle soit à affichage magnétique ou sonore. La jeune maison française Phenomen avec son premier modèle baptisé Axiom, œuvre à sa façon pour entretenir cette richesse mécanique et propose un vaisseau horloger qui semble inspiré de celui de Star Trek. Lancés sur les routes de la création, les deux fondateurs de la marque, Alexandre Meyer et Sylvain Nourisson, qui semblent ne pas s’être soucié de la rentabilité, proposaient sur un coin de table lors de Baselworld un produit original, mécaniquement attractif dont l’avantage premier était de propulser son porteur dans une autre dimension horlogère. A sa façon, la maison belge Ressence, dont les constructions ont quelque chose d’OVNI horlogers, fait aussi la démonstration par son inventivité qu’il est possible d’être petit et d’avoir des idées énormes en matière de potentielles retombées. Présente au SIHH dans le Carré des horlogers en janvier, elle a offert aux amateurs une nouvelle expérience temporelle à la fois plus intuitive, plus fonctionnelle, plus ludique et, au final, plus pure. Partant du postulat que le cadran est « le visage de la montre », Ressence – la contraction de renaissance et d’essentiel - a présenté la montre Type 2 e-Crown® Concept : une pièce équipée d’un système embarqué électromécanique « maison » capable d’enregistrer, de contrôler, d’ajuster et surtout de régler l’heure de la Type 2 e-Crown® Concept sans intervention humaine. Ainsi, cette référence mécanique, alimentée par un générateur cinétique et des cellules photovoltaïques, peut être contrôlée sans utiliser la couronne, mais en tapotant le verre pour sélectionner le menu et ainsi choisir de régler le second fuseau à partir de l’application de géolocalisation du téléphone. Ultime, cette technologie se charge également de faire passer la montre seule à l’heure d’hiver ou d’été. Révolutionnaire, elle offre une piste pour les montres du futur et prouve que les toutes petites maisons d’horlogerie sont de vrais laboratoires à idée et qu’à ce titre elles doivent être soutenues dans un monde où leur simple présence tient encore du miracle. Le mécénat, la voie du salut Evidemment, dans ce monde industriel dont le luxe est le moteur et où la concurrence fait rage comme partout ailleurs, soutenir une maison horlogère produisant entre 200 et 700 montres par an pour le plaisir de lui donner de l’air et les moyens de tenter ses expériences
créatives, semble incongru et contreproductif d’un pur point de vue capitalistique. Mais le vrai luxe des maisons ayant la prétention de travailler dans l’univers de la création est aussi de savoir être à la fois évergète et mécène. Elles doivent d’une certaine façon tenir leur rang et le rôle qu’avaient les grands aristocrates des temps jadis. Aussi, il ne suffit pas pour un milliardaire, un groupe industriel ou une structure financière internationale de créer de belles fondations pour y rassembler tous leurs beaux objets. Dans un monde où le mercantilisme est la nouvelle profession de foi de ceux qui entendent réussir, il est impérieux de rappeler l’importance de la dimension du don en matière artistique. N’est pas mécène qui veut. Il faut pour le devenir avoir de l’esprit, de la grandeur et une vraie distance par rapport aux choses pour savoir donner sans avoir l’ambition d’absorber. Dans bien des domaines, le don devrait faire partie intégrante du devoir des sociétés. Pour ce qui est de l’horlogerie, ce don va devenir impératif pour permettre aux petites marques créatives, disruptives et canalisatrices d’idées neuves d’exister. Ce ne sont pas elles qui mettront en danger les poids lourds de l’industrie, car elles n’ont pas vocation à remettre en cause l’ordre naturel du progrès ou de la croissance des actions. En revanche, ces entités catalysant le génie d’un métier, offrant à des visionnaires de se réaliser sans avoir à nécessairement capitaliser sur la production de masse pour exister, sont la respiration d’un métier que les professionnels voient doucement perdre son âme et sa substance faute, à mesure qu’il se mondialise, de prendre le temps d’une profonde respiration et de s’interroger sur les aspirations profondes des consommateurs.
Quand Urwerk repense la montre sympathique… Le projet AMC (Atomic Master Clock), dévoilé lors du dernier Salon International de la haute horlogerie (SIHH), est un pont entre le passé et le futur de l’horlogerie. Isabelle Cerboneschi
Cela fait plus de 8 ans que les co-fondateurs d’Urwerk, Felix Baumgartner et Martin Frei, travaillent sur ce projet: revisiter la Pendule Sympathique d’Abraham Louis Breguet, mais à leur manière, avec tous les savoirs acquis en 2018.
« La Pendule Sympathique de Breguet est à mes yeux le sommet de la complication horlogère, note Felix Baumgartner, cofondateur d’Urwerk. En la créant, l’horloger a fait preuve d’une vision avant-gardiste incroyable! Les pendules de l’époque étaient plus précises que les montres de poche. Il avait donc créé une pendule mère sur le dessus de laquelle il y avait un logement où l’on plaçait la montre de poche: celle-ci était remontée et remise à l’heure tous les jours par l’intermédiaire d’une tige métallique qui sortait de la pendule et entrait dans la montre. La fréquence du battement de son balancier s’ajustait au fil du temps. La pendule mère transmettait une sorte d’intelligence mécanique à la montre. » Comment cela se traduit-il aujourd’hui? « Avec le projet AMC nous avons transformé le concept de Breguet, - en un couple qui comprend une horloge atomique fabriquée à Zurich, et une montre bracelet. Quand on ôte sa montre du poignet et qu’on l’arrime à la pendule, celle-ci « apprend » à la montre le temps le plus précis possible», explique-t-il. Et ce, sur trois paramètres: le réglage de la fréquence, le remontage des deux barillets (80 heures de réserve de marche, ndlr), et la synchronisation des aiguilles des minutes et des secondes. Sans rentrer dans les détails techniques, pour effectuer le réglage de la montre, lorsque celle-ci a été portée pendant une journée, elle est arrimée à la montre mère. De même que pour la Pendule Sympathique de Breguet, Urwerk a utilisé un système de tige. La montre possède un bouton à l’extérieur du boîtier comme sur un chronographe. L’horloge atomique, lorsqu’elle passe à une minute pleine, va actionner ce bouton. Et c’est la mécanique à l’intérieur du mouvement de la montre bracelet qui va donner l’information: est-ce qu’elle avance ou recule par rapport à l’horloge mère? Si il y a une variation, la pendule atomique va effectuer un réglage de précision. La montre sera donc de plus en plus précise au fur et à mesure que le client mettra sa montre bracelet en lien avec la montre mère. « Une montre mécanique aujourd’hui, c’est presque un anachronisme dans un monde connecté comme le nôtre, relève Martin Frei, co-fondateur d’Urwerk, mais nous continuons à en fabriquer. L’alliance de l’horloge atomique et de la montre mécanique est une manière d’allier les deux mondes et les deux technologies. C’est une interface entre les humains et la machine. L’AMC est aussi un projet qui relève entièrement de l’horlogerie contemporaine. Quand on se relie à l’histoire de l’horlogerie et que l’on essaie le plus possible de se projeter dans son futur, avec
une vision, il devient possible de créer un objet pour aujourd’hui, qui sache exprimer notre temps. » La pendule mère pèse 25 kilos, elle a une variation d’une seconde pour les prochains 317 ans et a été conçue pour fonctionner à n’importe quel voltage. Elle peut donc partir dans le monde entier, dans un musée, ou chez un collectionneur passionné par l’histoire de l’horlogerie et par son futur.
What is the future for the watchmaking industry? The question, has always arisen as to what the future of extreme products and the work of visionaries was. In the case of the new watchmaking-niche sector acting as a dissent incubator, its future is conditioned in its ability to create desire for the enthusiasts and elitist clientele
The integration inside the Salon International
de la haute Horlogerie, SIHH, of some of the Independent watchmakers and for the most part a community of professionals in the trade call “new watchmaking” does not change the problem of this family of craftsmen, which is still the same since it always has been: find financing as well as to find a receptive audience for their creations. The cycles of history Finding a clientele has always been the number one problem for watch creators. Pierre Jaquet-Droz, in the Age of Enlightenment, started out in search of new customers by travelling from city to city as soon as the summer time arrived, to sell his winter productions and to present his automatons which he was using as an advertisement. At the same time and in the same spirit, Jean-François Bautte (the house has been revived in 1906 by Girard-Perregaux), whose specialty was the manufacture of watchmaking instruments with shapes inspired by insects or everyday objects (pistol spraying perfume, Ladybird, Etc.) He battled to make himself known and distribute more or less the fashion of the moment. But these celebrities were not the only ones having to go door to door to sell their merchandise. Voltaire also had to multiply his ingenuity and whilst travelling has to carry in his luggage the creations made by the craftsmen of his workshops in Ferney-Voltaire. The writer and philosopher, as a good businessman, had also to find the right words to entice his friends, in the various courts of Europe, to buy his products often at prices higher than the Competition. Everyone cannot be François-Marie Arouet (the real name of Voltaire).
But how many of these genius creators have managed to continue their activities to this day? The only one is Jean-Marc Vacheron the famous « cabinotier » of Geneva if we refer to the chronology of the house Vacheron Constantin. For the rest, the names of the most talented manufacturers of the past have been preserved in the memory of the craft, whereas other names have vanished into History. The second wind The collapse of some of the major watch manufactures in the 1980’s and then the revival of the mechanical watchmaking industry in the course of the 1990’s-2000’s allowed the survival of the mechanical watch, who survived the quartz crisis, to access the world of jewellery. “Is there still in our sector, where a mechanical watch as such that is already a luxury, a product that can by its very essence embody an additional value?”, asks Laurent Graire, a Parisian conservator of watches and old clocks that are highly valuable The positive answer can be seen in the designer watches that sit in the forefront of the old industrial factories which the large luxury groups bought in order to make these watches an extravagance accessible to far larger number In the merchant world of watchmaking at the beginning of the 2000’s, a number of craftsmen have turned the tables and have managed to make themselves known to an insider audience thanks to their talent and their originality of construction. In keeping with masters like George Daniels, we think of Independent watchmakers like Franck Muller, François-Paul Journe Vianney Halter or Felix Baungartner who have embarked on the conquest for a new clientele who are in search of exceptional timepieces. These artisans, most of whom went through the workshops of Pascal Courteault-the former owner of THA (Technique Horlogère Appliquée) at Sainte-Croix in Switzerland, and long-time owner of the brand Leroy, this group quickly realised that they were part of a line of the great figures in the history of the trade. François-Paul Journe whose motto - Invenit & Fecit (invented and made) - is inspired by the one of Antide Janvier, one of the greatest watchmakers of the enlightenment period, knows how much he owes to his peers of yesteryear. Only this master in watchmaking, who was one of the first to launch his own network of shops and to distribute to the four corners of the globe, knows that the name of a watchmaker can be ephemeral if he does not know to maintain a continuity for his company. Aware of the importance of this yet lacking the potential in his own family, François-Paul Journe chose to call on Chanel to support him and accompany him in this future succession, as artists were supported by patrons in the past. Last September, it
was announced that Chanel had taken a 20% stake in F.P.Journe, just as the house had taken a stake before at Romain Gauthier in 2011. But these watchmakers known to watch enthusiasts were not the first to have been supported. The manufacture Greubel Forsey had received a financial support from Richemont in 2006. Asphyxiated by a reactive market These mutations reflected the existential tensions of the moment, like the fact that the Swatch Group and others took the decision to quit Baselworld or the forthcoming withdrawal of Richard Mille and of Audemars Piguet from the SIHH, are questioning the future of the Trade. Obviously, trade fairs are no longer economic models for companies with very strong growth, but are also not a solution for houses that are struggling to pay the cost of the stands in these same fairs. The watchmaking, which we knew to be multi-faceted, but which experienced until recently the same growth dynamics of growth, is now splitting into three distinct groups. The first group involves houses with double-digit growth that seems unstoppable, the second brings together brands seeking all opportunities in every available market in order to last and finally the group of companies that, far from reaching critical mass, are trying to find solutions to endure against the industry heavy weights already established within this world economy. In this nebula of small independents who gravitate around this central nucleus that is the luxury industry, which behaves a bit like a black hole with light, some of them feel they had the chance to be able to integrate into the SIHH. If this is a great opportunity to promote themselves to exhibit in what is called the « Carré des Horlogers » a dedicated space for contemporary watchmaking, the question arises as to why most of these microscopic entities are also present in Baselworld. Clearly, the fairs behave like a true universe and generate a phenomenon of attractiveness to which no system can escape, especially the smaller ones and those who are fragile, and rely on the group effect to exist. However, the volumes does not make up the qualities needed and the vast majority of the small brands of this new watchmaking world are now in a situation where they have to wonder about the very nature of being independent. Nurturing creativity To ensure its future, this new watchmaking group - a contemporary extension of a trade that sacralises know-how and techniquemust transform the creative tension into a productive impulse in order to train the rest of the profession towards a renewal that Is much needed. A dynamic that, Urwerk, known for its futuristic vision since 1997, has in it’s DNA. Aware of the impetus it gives to the trade, Its founders Félix Baumgartner and Martin Frei chose to revisit the Sympathique pendulum
developed by the great Abraham Louis Breguet at the time of the third millennium. The principle? One of the Urwerk watches adjusts the time and is reassembled by an atomic clock which is enclosed in a container worthy of a James Bond film. This futuristic object is part of the lineage of mechanical watchmaking at its peak, in terms of creativity, which is now nearly three centuries ago. Named AMC, this novelty, unveiled recently, is part of the potential tracks to electrify a universe that seems to miss a powerful spark that generates envy. But this entity does not have exclusivity of creativity and a projection for the Future. The brand HYT wants to offer new solutions to a problem of time reading that is as old as the world, with its sophisticated mechanism allowing the fluid display of hours. It encases the principles of water clocks in modernity, to the delight of enthusiasts eager
Page 66: “Dreamer” © Rob Walsh Page 67: HYT H0 X Eau Rouge. © HYT Ressence Type 2 e-Crown Concept 4. © Ressence Romain Gauthier Insight Micro-Rotor Lady. © Romain Gauthier
to see the time flow, in the proper sense. Christophe Claret, the genius of pure mechanics, also proposes through each of his creations his vision of time with a playful dimension that captures the attention, whether it is magnetic or it is an audible display. The very young French house the Phenomen with its first model called Axiom, works in its own way to maintain this mechanical richness and puts forward a watchmaking vessel that seems inspired by Star Trek. Launching their creative path, the two founders of the brand, Alexandre Meyer and Sylvain Nourisson who seem not to care about profitability, put themselves forward in a corner of the fair at Baselworld, to show a mechanically attractive product whose first advantage was to propel its owners in another watchmaking dimension. In its own way, the Belgian house Ressence, whose constructions have something of a watchmaking OVNI, also demonstrated by its inventiveness that it is possible to be small and to have huge ideas in terms of potential effect. Present at the SIHH in the ‘Carré des Horlogers’ in January, it offered to fans a new temporal experience at the same time more intuitive, more functional, more playful and, ultimately, purer.Starting from the postulate that the dial is “the face of the watch”, Ressence - whose name is a shrinkage of Renaissance and essentialpresented the watch Type 2 E-Crown ® Concept: a piece equipped with a home made electro mechanics embedded system capable of recording, control,adjust and above all set the time of Type 2 E-Crown ® Concept without human Intervention. This mechanical reference, powered by a kinetic generator and photovoltaic cells, can be controlled without using the crown, but by tapping the glass to select the menu and thus choose to set the second time zone directely from the geolocalisation application on the Iphone. This technology is also responsible for changing the watch from winter to summer or vice versa. This revolutionary piece offers a path that leads to the evolution of the industry in the future and proves that these small watchmaking houses are real laboratories for idea and that as such they must be supported in a world where their mere presence is still a miracle. Sponsorship, the way of salvation Obviously, in this industrial world where luxury is the engine and where competition rages as everywhere else, to support a watchmaking house producing between 200 and 700 watches a year for the pleasure of giving it the ressources that enable them to try out creative experiences, seems incongruous and counterproductive from a pure capitalist point of view. But the real luxury of the houses with the pretension to work in the universe of creation is also to know to be both benefactor and patron. They must in some way maintain the position and play as the supportive a role as they can, like the great aristocrats from the Past did.
Also, It is not enough for a billionaire, an industrial group or an international financial structure to create beautiful foundations to gather all their beautiful objects. In a world where commercialism is the new profession of faith of those who intend to succeed, it is imperative to recall the importance of giving, in the artistic world. A good sponsor is not just a person, or an entity, who gives money. It is about being witty, some majesty, and a real distance from things to know how to give without the ambition to get something back.
How does this translate today? “With the AMC project we have transformed the concept of Breguet - mother clock and pocket watch - into an atomic clock, made in Zurich, and a wristwatch. When you remove the watch from your wrist and attach it to the clock, it ‘teaches’ the watch the accurate time », he says. It does this on three levels: the adjustment of the frequency, the rewinding of the two barrels (80 hours of power reserve), and the synchronization of the minute and second hands.
In many areas, giving should be an integral part of corporate responsibility. As for watchmaking, this donation will become imperative to enable small, creative, disruptive and channelling brands to exist. They are not the ones who will endanger the heavyweights of the industry, because they do not call into question the natural order of progress or growth of actions. On the other hand, these entities able to catalyse the genius of thetrade, allowing visionaries to survive without necessarily having to rely on mass production to still exist, are the fresh breath of air in a trade that is being seen as gently losing its Soul and its substance as it becomes global. A trade who needs to take a deep breath in order to ask itself about profound aspirations of consumers.
Without going into the technical details – to make the setting of the watch, it was worn for a day and then docked to the mother watch. As with the Breguet Sympathetic Pendulum, Urwerk used a stem system. The watch has a button on the outside of the case as on a chronograph. The atomic clock, when it passes a full minute, will activate this button. And it’s the mechanics inside the movement of the wristwatch that will interpret the information: does it move forward or backward from the mother clock? If there is a variation, the atomic pendulum will retune the mechanism. The watch will be more and more accurate as the wearer continues to put his wristwatch in connection with the mother watch.
When Urwerk reimagines the classic watch... The question, has always arisen as to what the future of extreme products and the work of visionaries was. In the case of the new watchmaking-niche sector acting as a dissent incubator, its future is conditioned in its ability to create desire for the enthusiasts and elitist clientele For more than 8 years, Urwerk’s co-founders Felix Baumgartner and Martin Frei have been working on this project: to revisit Abraham Louis Breguet’s Sympathetic Pendulum, but in their own way, with newly-acquired knowledge. “The Sympathetic Pendulum of Breguet is, in my eyes, the pinnacle of horological complication,” says Felix Baumgartner, co-founder of Urwerk. By creating it, the watchmaker has shown us an incredible avant-garde vision! The classic clock was more accurate than the pocket watch. Breguet therefore created a mother clock on top of which there was a housing where the pocket watch was placed: it was rewound and put back on time every day by means of a metal rod which connected the clock to the watch. Over time the two frequencies fell into rhythm. The mother clock transmitted a kind of mechanical intelligence to the watch ».
“A mechanical watch today is almost an anachronism in a connected world like ours says Martin Frei, co-founder of Urwerk, « but we continue to make it ». The alliance of the atomic clock and the mechanical watch is a way of combining the two worlds and the two technologies. It’s an interface between humans and the machine. The AMC is also a project entirely in the field of contemporary watchmaking. When we connect to the history of watchmaking and try to project ourselves as much as possible into our future, with a vision, it becomes possible to create an object for today, which knows how to express our time ». The mother clock weighs 25 kilos, it has a variation of one second for the next 317 years and has been designed to work at any voltage. It can belong anywhere in the world – a museum, or in the collection of one who is passionate about the history of watchmaking and its future.
Page 68: Rebellion-weap-one-asymetrical Flying Tourbillon. © Rebellion Urwerk UR210 Black Platinum. © Urwerk François-Paul Journe Octa Quantième Perpétuel. © F.P. Journe Page 70: Urwerk mouvement AMC. © Urwerk
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L’acier poli bloqué, signe intérieur de richesse S’il est courant de parler des anglages, des perlages et autres finitions visibles des calibres comme le bleu des aciers réalisés au feu, certains savoir-faire horlogers sont moins souvent évoqués. C’est le cas du poli bloqué, plus connu sous la terminologie de poli noir. L’occasion rêvée de se pencher sur la beauté cachée de ce savoir-faire qui rend le luxe horloger inaltérable. Vincent Daveau
La nouvelle génération d’horlogers et
de rhabilleurs destinés à travailler en manufacture au montage des calibres génériques « maison », ou appelés à intervenir sur les mécanismes de retour en service après vente, n’apprennent plus toutes les opérations nécessaire à la création d’un mouvement de montre de haute volée. Le but des écoles est de les rendre opérationnels rapidement pour des tâches souvent répétitives. Aussi, il n’est pas rare de voir de jeunes diplômés ne pas savoir quelle opération effectuer pour parfaire les finitions de tel ou tel composant d’une montre en cours de réalisation, ou d’ignorer les racines historiques d’une terminaison dont le propos n’est pas seulement cosmétique. Améliorer les caractéristiques de l’acier Aujourd’hui, il suffit de se pencher sur un manuel destiné aux futurs ingénieurs pour mesurer combien la science a permis d’améliorer leurs conditions de travail, grâce à la mise au point d’aciers alliés capables de répondre à différentes sollicitations, sans qu’il soit nécessaire de passer par de nombreuses et fastidieuses opérations de transformations. Seulement, dans un passé pas si lointain, les aciers disponibles pour les horlogers n’étaient pas aussi nombreux qu’aujourd’hui. Avant la révolution industrielle et les expériences de désulfurisation de l’acier par une fusion
complète obtenue à partir des hauts fourneaux chauffés au coke, les aciers étaient souvent d’assez médiocre qualité et pour cette raison, prompts à rouiller. La faute au soufre! Pour palier ce défaut rédhibitoire pour un horloger, les hommes de l’art utilisaient des aciers dont les modes de fabrication permettaient de réduire, voir d’annuler cette présence. Les noms de ces aciers différaient en fonction des provenances et des procédés d’obtention. On parlait, dans le passé, d’acier anglais, un métal fin au gris et au beau poli obtenu par carroyage. Ce procédé permettait de désulfuriser le métal et de lui garantir une belle tenue dans le temps. Ce mode de traitement par martelage pour rendre cohérent le métal était courant. L’acier fondu est un procédé de laminage à chaud arrivé au XVIIIème siècle (Monsieur de Buffon pour la France dans sa forge près de Montbard et les ingénieurs anglais du Kent). Aujourd’hui, les aciers employés en horlogerie sont habituellement à haute teneur en carbone pour ce qui est de l’intérieur du mouvement et en acier inoxydable 316L ou 904L pour les boîtiers, quand ces derniers ne sont pas en matériaux précieux, alliages contemporains ou matériaux de synthèse. L’art du polissage Hormis quelques nouveau alliages aux formulations gardées secrètes pour les rendre amagnétiques, les aciers horlogers sont plus ou moins toujours les mêmes. A haute teneur en carbone, ils sont proposés aux artisans sous différentes formes, mais arrivent le plus souvent en barres ou en fils. Laminés et souvent écrouis, ils doivent parfois être recuits (chauffés entre 500 et 800 °c pour pouvoir être travaillés au tour sans grande difficulté). Le bon compromis étant une dureté suffisante pour conserver des plans de coupe parfait, mais pas trop dur non plus pour garantir un bel enlèvement de copeaux. Une fois les opérations de façonnage obtenues, l’horloger doit procéder à un patient polissage pour permettre au métal de rester dans les plus belles conditions possibles. Les maîtres avaient compris que plus le métal était poli, mieux il résistait aux environnements humides. La raison en est simple: l’humidité n’accroche pas ou peu sur ces surfaces, si tant est que rien ne vient à être déposées dessus. En effet, chaque élément entrant en contact avec la surface, sert de catalyseur et à terme, fera rouiller l’acier. Ainsi, quand on touche avec les doigts un axe poli, le gras déposé reste sur l’acier et fait office de catalyseur permettant aux molécules d’eau, en interaction avec l’oxygène de l’air, d’avoir une prise sur la surface du métal. Pour limiter encore l’action de l’air et des molécules d’eau sur l’acier trempé, les horlogers ont procédé à un traitement consistant à écraser fortement la surface du métal à l’aide d’un matériau plus dur que l’acier trempé lui-même (agate, corindon etc.). Une opération qui permet de refermer
les pores de l’acier, en particulier celles des surfaces plates, afin de limiter encore les interactions moléculaires. Ce procédé est également employé par les forgerons japonais pour polir le dos de leurs sabres, afin de favoriser la pénétration de la lame, et surtout de la préserver de la corrosion dans une atmosphère chargée d’humidité comme peut l’être celle du pays du Soleil-Levant. Pour les horlogers, le problème provenait de la condensation, susceptible de se déposer sur les surfaces froides en acier, lorsque la montre non étanche était sortie de la douce chaleur de la poche de son porteur pour être consultée. Ces artisans ont trouvé la parade en polissant toutes les surfaces plates, comme les têtes de vis, les bascules des complications et surtout les composants des sonneries des montres (bascules, râteaux et surtout marteaux) afin que ces pièces conservent pour toujours le brillant inimitable de cet acier poli miroir et écroui en surface. Vu de face, apparaît un noir profond et de côté, un blanc brillant absolument saisissant. La marque des grands.
Le poli noir chez Greubel Forsey Visite dans les ateliers à la rencontre des artisans d’art. Isabelle Cerboneschi
Tous les possesseurs d’une montre Greubel Forsey devraient prendre rendez-vous pour visiter la manufacture à La Chaux-de-Fonds. Ainsi ils comprendraient ce qui anime leur garde-temps. Ainsi ils saisiraient à quel point la beauté visible de leur montre possède un équivalent dans le monde invisible. Pour bien s’en rendre compte, il faut se rendre dans l’atelier de décoration, où
s’effectue le polissage des pièces. C’est ici que l’on rencontre des passionnés qui poussent le souci de la perfection aussi loin que la technique le leur permet. C’est aussi ici que l’on découvre la beauté de ces pièces minuscules qui sont polies jusqu’à l’extrême, alors même qu’on ne les verra plus une fois le boîtier refermé. Tous les éléments contenus dans un gardetemps Greubel Forsey sont repris à la main sur toutes leurs surfaces, jusqu’à atteindre le plus haut degré de finition possible: le poli noir. Pour obtenir ce fameux poli noir, un gage de préciosité, la surface de la pièce est polie jusqu’à ce que le reflet qui la traverse devienne noir. Et quand on doit polir des ponts bercés, ce n’est pas simple d’obtenir un reflet qui sache se tenir droit. Il faut compter des heures de polissage pour obtenir ce résultat. « Depuis deux ans nous venons finir le polissage avec ceci, dit-elle encore en montrant une petite branche qui ressemble à du bambou. C’est une plante régionale: une tige de gentiane sur laquelle on dépose de la pâte à polir. La moelle est très tendre et ne raye pas du tout. C’est un vieil horloger qui nous a confié ce secret. » Il faut compter des heures de polissage pour obtenir ce résultat. L’artisan d’art doit savoir, sentir, entendre quand il doit s’arrêter, sinon il risque de rayer la pièce. Ce savoir relève presque de tous ses sens: la vue et le toucher bien sûr, mais aussi l’ouïe. Un bruit qui pourrait paraître infime, indique si le geste est allé trop loin. C’est une question de savoir-faire aussi, bien sûr. « On ne se satisfait jamais », explique une amoureuse de son métier en montrant un pilier de cage tellement minuscule que le client ne le verra jamais. Et pourtant, elle aura passé une heure à le polir à la perfection. Quand on lui demande à quel moment elle sait qu’il faut s’arrêter, elle répond: « c’est la main qui sait. »
Black polished steel; insider signs of wealth While it is common to talk about chamfering, beading and other visible finishes of the calibre of a watch such as the blue of fire-engineered steels, some watchmaking know-how is less often mentioned. This is the case of blocked polish, better known as black polish. This is the perfect opportunity to look at the hidden beauty of this know-how that makes luxury watchmaking indestructible.
The new generation of watchmakers and
repairers destined to work in the manufacture and building of generic home-made calibres or called upon to work on pieces for an after-sales service, no longer learn all the operations necessary for the creation of a high-end watch movement. The goal of schools is to make them operational quickly and for often repetitive tasks. Also, it is not uncommon to see young graduates not knowing what operations to perform to complete the finishing of a particular component of a watch in progress, or to ignore the historical roots of a termination of a component whose use is not solely aesthetic Improving the characteristics of steel Today, it is enough to look at a manual intended for future engineers to measure how science has improved its working conditions, thanks to the development of alloy steels capable of responding to different demands, without it being necessary to go through numerous and tedious operations of transformation. Only, in the not-so-distant past, the steels available to watchmakers were not as numerous as they are today. Before the industrial revolution and desulphurization experiments of steel, using a complete fusion obtained from a blast furnace heated with coke, meant the steels were often of rather poor quality and for that reason, quick to rust. It was the fault of the sulphur! To overcome this crippling defect for a watchmaker, those skilled in this art and who used steel, utilised manufacturing methods that made it possible to reduce or even cancel its presence. The names of these steels differed according to their sources and the processes used to create them. In the past there was talk of English steel, a fine grey metal with a fair polish obtained by square cross hatching. This process made it possible to take the sulphur out of the metal and to guarantee a good performance over time. This mode of treatment by hammering to make the metal malleable was common. Molten steel is a hot-rolling process that started in the 18th century (Monsieur de Buffon for France at his forge near Montbard
and the English engineers of Kent). Today, the steels used in watchmaking when utilised for the mechanism often have large amounts of-carbon materials. But when used for the watch casing the materials will be stainless steel 316L or 904L when the case is not made from precious materials, contemporary alloys or synthetic materials. The art of polishing Apart from a few new alloys with formulations that are buried so that they do not become magnetic, watchmaking steel is more or less always the same. High carbon, they are offered to artisans in various forms, but usually arrive in bars or wire form Laminated and often hardened, they must sometimes be re-heated (between 500 and 800 ° C so that they can be worked on more easily. The right compromise is enough hardness to keep the cut perfect, but not too hard
so that any chips can’t be removed. Once the shaping operations are finalised, the watchmaker must proceed to a patient polishing so as to allow the metal to remain in the best possible conditions. The masters understood that the more polished the metal, the better it withstood wet environments. The reason is simple: humidity does not settle on these surfaces, or at all, so long as nothing comes to be deposited on them. Indeed, each element coming into contact with the surface, serves as a catalyst and eventually will rust the steel. Thus, when one touches a polished axis with the fingers, the deposited fat remains on the steel and acts as a catalyst allowing the molecules of water, interacting with the oxygen in the air, to grip the metal surface. To further limit the action of air and water molecules on hardened steel, watchmakers
have proceeded with a treatment of strongly crushing the surface of the metal with a harder material than the hardened steel itself (agate, corundum etc.). An operation which allows the pores of the steel to be closed, in particular those of the flat surfaces, in order to further limit the molecular interactions. This process is also used by Japanese blacksmiths who polish the backs of their sabres, in order to promote the penetration of the blade, and especially to preserve it from corrosion in a humid atmosphere such as the one in the country of the Rising Sun. For the watchmakers, the problem came from condensation, likely to be deposited on the cold steel surfaces, when the non-waterproof watch was taken out of the soft heat of the pocket of the wearer in order to check the time. These craftsmen found the solution was to polish all flat surfaces. Such as screw heads, scales of complications and especially the components of the ringtones of watches (rockers, rakes and especially hammers) so that these pieces retain forever the inimitable brilliance of this mirror polished steel and hardened surface. Seen from the front, it appears as a deep black colour and from the side, it appears a brilliant and absolutely striking white. The signature of the greats.
Black polish at Greubel Forsey Visit in the workshop, to meet the passionate artisans
All owners of a Greubel Forsey watch should make an appointment to visit the manufactory in La Chaux-de-Fonds. So they can understand what animals their time pieces. So they can grasp how the visible beauty of their watch also has an equivalent in the invisible parts. To realise this, you have to go to the decoration workshop, where the polishing is done. It is here that we meet passionate people who push to perfection and as far as the technique allows them. It is also here that we discover the beauty of these tiny pieces that are polished to the extreme, even when we will not see them once the case is closed. All the elements contained in a Greubel Forsey timepiece are worked by hand until they reach the highest possible degree of polishing: the black polish. To obtain this famous black polish, which is a pledge of preciousness, every element is polished until it reflects back. And when you have to polish the curved bridges, it’s not easy to get a reflection that stays straight. It takes hours of polishing to get this result. The craftsman of this art must know, feel, and hear when he must stop, otherwise he may scratch the element. This knowledge is almost a sense: from the sight and the touch of course, but also ones hearing. A noise that might seem small, indicates if the gesture went too far. It’s a question of know-how, of Course. “you never get satisfied,” explains a
lover of her craft by showing a pillar of cage so tiny that the client will never see it. And yet she will have spent an hour polishing it to perfection. When asked how she knows to stop, she says, “it’s the hand that knows.” “We have been finisng the poliosh this way for two years with a little brush that looks like Bamboo.It is a regional plant: a gentian stem on which we put some polishing paste. The medulla is very tender and does not scratch at all. It’s an old watchmaker who entrusted us with this secret. »
Page 72, 74 et 75 (bas): différentes étapes du poli noir chez Greubel Forsey. © Greubel Forsey. Page 73: Polissage chez Christophe Claret © Christophe Claret Page 74 haut: Profil de la DB28 Dark Shadows De Bethune. © De Bethune
L’heure Pantone Photos et retouches: Studio Diode - Denis Hayoun
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page 76 Royal Oak Offshore Lady Chronograph cadran rose, Audemars Piguet page 77, de haut en bas DB28 Kind of Blue Tourbillon, De Bethune Aquanaut Chronograph RĂŠference 5968A, Patek Philippe page 78 Monaco Bamford, Tag Heuer page 79 Big Bang Unico Red Magic, Hublot page 80 Admiral 45 Squelette, Corum
Cara Delevingne, retour sur image L’image de la campagne Tag Heuer où l’on voit Cara Delevingne faisant face à l’objectif de David Yarrow, avec un lion posté quelques mètres dans son dos a été vendue deux fois au profit de sa fondation caritative, le 22 octobre, à la Maddox Gallery à Londres, pour la somme de 240’000 livres. Lors d’un entretien, elle raconte les conditions de réalisation de cette image emblématique. Isabelle Cerboneschi, Londres Le 22 octobre dernier, le soir du vernissage
de l’exposition des photographies de David Yarrow « It’s Five O’clock somewhere », la Maddox Gallery à Londres était surpeuplée. Il fallait jouer des épaules et des hanches, pour se faufiler jusqu’à l’image qui avait attiré ici de grands collectionneurs. Cette photo, un tirage exclusif de la dernière campagne de Tag Heuer où l’on voit Cara Delevingne tournant le dos à un lion posté à trois mètres d’elle, a été mise aux enchères. Elle a été réalisée en Afrique du Sud, dans le refuge pour lions Wildlife Sanctuary, près de Pretoria. Deux secondes auront suffi pour capturer ce moment hypnotique où tout est exacerbé: les regards, la lumière, la sensation de danger, la présence de Cara Delevingne, le rugissement du lion. « Il aurait été plus facile de faire un photomontage, mais vous n’auriez jamais obtenu cette intensité dans le regard: Cara tournait le dos au lion, elle ne pouvait pas le voir, mais moi si. Et pourtant elle me regardait, sans aucune crainte», explique David Yarrow, un ancien financier devenu le plus grand des photographes animaliers. Pour réaliser cette image, il a fait appel à Kevin Richardson, le zoologiste et comportementaliste animalier connu comme « The Lion Whisperer », celui qui murmure à l’oreille des lions. « Quand on m’a proposé de réaliser cette campagne, je savais que le seul endroit où je pouvais la shooter, c’était dans le refuge pour lions Wildlife Sanctuary, avec Kevin. Lui seul peut contrôler ce lion. Sans lui, Cara serait morte. » L’actrice-mannequin n’avait que deux secondes pour poser devant son objectif, avant de devoir se mettre à l’abri d’une cage qui la protégeait du fauve. « Nous avons réalisé cette photo lors des dernières prises de vues, juste avant qu’elle parte pour l’aéroport », explique David Yarrow avant la vente. Parce qu’il s’agit d’une vraie collaboration
entre l’ambassadrice de la marque et la manufacture horlogère, les échanges de bons procédés sont allés dans les deux sens: elle a risqué sa peau pour une campagne,Tag Heuer a cédé les droits de cette image afin que le produit de la vente soit reversé à la récente Cara Delevingne Foundation afin de mettre sur pied des projets pour éduquer les jeunes filles. «Nous ne devons pas oublier que le XXIe siècle sera le siècle du partage, et si nous apprenons à partager, nous serons capables de survivre. (…) Et en tant que marque de luxe, nous avons des responsabilités», souligne Jean-Claude Biver, le président non-exécutif de la division Horlogerie de LVMH. «Cette image va être vendue au profit de l’association caritative de Cara Delevingne. Donc je vous préviens: sans vouloir me montrer impoli, si nous n’atteignons pas un certain montant, je rachèterai l’image moimême», lance encore Jean-Claude Biver, avec le panache qui le caractérise. Au final, l’image aura été vendue deux fois pour un montant total de 240’000 livres. Cara Delevingne était extatique, imaginant déjà tous les projets qui pourraient être mis en œuvre. I.C: Dans cette image, vous tournez délibérément le dos à un lion situé à quelques mètres derrière vous. Vous deviez avoir totalement confiance dans le photographe et le fixeur Kevin Richardson pour leur confier votre vie! Cara Delevingne: Extrêmement. J’ai confié ma vie à David, ce qui est une expérience très particulière. Mais j’étais aussi dépendante de Kevin et de toute mon équipe qui était autour de moi. C’est tout un chemin pour arriver à cette image: nous avons commencé la veille, nous nous sommes rapprochés du lion, pour qu’il s’habitue à mon odeur, qu’il s’habitue à moi. Je devais me souvenir de ne pas ressentir de la peur et de
faire face au lion mais pas trop, de manière à ne pas me sentir à égalité. C’est une expérience qui vous remet à votre place. Qu’avez-vous ressenti quand on vous a expliqué que vous aviez deux secondes pour poser et qu’ensuite vous deviez rentrer dans la cage entre chaque prise de vue? Je n’ai pas nécessairement ressenti quelque chose. J’étais dans un état semblable à un vol en chute libre, prête à prendre une décision en une fraction de seconde. On vous dit de courir et vous courez, vous ne vous posez pas de question. Je me suis sentie honorée d’être simplement là. Je ne ressentais pas la peur, plutôt une forme d’exaltation. Poser en photo avec un lion est le rêve de nombreuses personnes. Etait-ce aussi le vôtre? Oui, à cent pour cent! Travailler avec des lions, en être entourée, les regarder se mouvoir dans leur milieu naturel, réaliser une image avec eux, c’était un rêve devenu réalité. Vous avez un lion tatoué sur votre doigt. Qu’est-ce qu’il symbolise? C’est le premier tatouage que je me suis fait faire. Quand j’étais enfant, je me sentais en lien avec les lions, j’étais courageuse, je n’avais pas peur, et j’adorais expérimenter de nouvelles choses: on n’a qu’une vie! Ce lion symbolisait ma liberté, ma bravoure. Je l’ai fait tatouer quand j’ai commencé à prendre le contrôle sur ma propre vie. J’ai toujours aimé les félins: les chiens vous aiment parce que vous leur donnez à manger, les félins, en revanche, vous ne savez jamais pourquoi il vous aiment (rires). Ils sont imprévisibles. Avez-vous eu le sentiment que cela vous a donné symboliquement de la force? Ce tatouage m’a donné une forme d’autonomie parce c’était une manière pour
En parlant de tatouage j’ai rencontré l’artiste tatoueur Dr Woo (lire page 18) qui a tatoué le serpent qui s’enroule autour de votre main gauche. Qu’aimez-vous dans ses dessins? C’est plus un motif qui tourne autour de ma main et mon poignet, qu’un serpent. J’aime les dessins géométriques que réalise Dr Woo et tous les animaux qu’il dessine. C’est un artiste incroyable.
Que ressent-on quand on a un lion dans son dos? Rien. On est dans un état de pleine conscience, on peut sentir l’énergie du lion, on peut l’entendre, mais on perçoit un sentiment de calme très bizarre. Quand je regardais les membres de mon équipe dans les yeux, je les voyais complètement terrorisés! Mais pas moi. Toutefois, je ne recommanderais à personne de faire cela au quotidien pour pouvoir se plonger dans un état de pleine conscience. Il y a d’autres moyens. Je fais du yoga tous les jours.
Vous êtes mannequin, actrice, vous avez commencé à chanter. Avez-vous le sentiment qu’aujourd’hui une personne créative peut s’exprimer dans tous les domaines d’expression et qu’il n’existe plus de frontière entre eux? Oui. Personne ne devrait se sentir limité, aujourd’hui. Nous ne pouvons pas laisser les autres nous définir en fonction de ce que nous faisons: nous ne sommes pas notre travail. Tout ce que je fais relève d’une même expression artistique, que je danse, que je chante, que je joue un rôle dans un film. Et je n’aurais pas envie de choisir une seule chose entre tout cela.
Sur la précédente campagne Tag Heuer, on vous voit faire une certaine grimace or sur la nouvelle campagne, c’est le lion qui semble faire exactement la même grimace en rugissant. Qu’avez-vous pensé en voyant cette image? C’était très étrange: je me suis demandé pourquoi je n’avais pas fait cette grimace moi aussi? Mais bien sûr, c’était impossible: David a capturé ce moment en quelques secondes. Je préfère d’ailleurs que ce soit ainsi: c’est un peu comme si le lion jouait un rôle.
Le slogan de Tag Heuer est « Don’t crack under pressure » (ne craquez pas sous la pression), qu’est-ce qui vous fait craquer? La vie est une suite de fêlures, nous sommes vulnérables et cette vulnérabilité, qui peut être magnifique, c’est ce qui nous rend humains. Certains ne l’acceptent pas. Pour Tag, cela signifie surtout que l’on ne doit pas laisser quelque chose ou quelqu’un nous briser. Se fissurer est une chose, se briser, c’est autre chose.
Quel est votre prochain rêve? J’ai l’impression de le vivre… Dans tous ce que je fais, je suis convaincue que l’on doit donner plus de pouvoir aux femmes. Les hommes sont mieux représentés dans la majorité des industries et ce sont souvent eux qui occupent les postes à responsabilité. Les femmes doivent pouvoir occuper ces postes de plus en plus. J’aimerais voir plus de femmes dans l’industrie du cinéma, les voir raconter des histoires incroyables. J’aimerais travailler avec des femmes de qualité.
moi de revendiquer la propriété sur mon propre corps, et quand je le regarde, je me souviens de cela.
Cara Delevingne, facing her image The image from the last Tag Heuer campaign featuring Cara Delevingne facing David Yarrow’s, with a lion sitting a few meters behind her, was sold twice, for the sum of £240,000 for her charity foundation, on the 22nd of October at the Maddox Gallery in London. During this interview, she talks about the conditions surrounding this enigmatic image Last October the 22nd, at the opening night of David Yarrow’s photography exhibition “It’s Five O’clock somewhere”, the Maddox Gallery in London was overpopulated. We had to push our way through, shoulders and hips, to be able to see the image that had attracted such great collectors. This photo, an exclusive print from Tag Heuer’s latest campaign featuring Cara Delevingne turning her back on a lion three metres away from her, was auctioned off. It was photographed in South Africa, at a lion refuge: Wildlife Sanctuary, near Pretoria. Two seconds, after days of preparation, was all that was needed to capture this hypnotic moment where everything is exacerbated: the look, the light, the feeling of danger, the roar of the lion, the presence of Cara Delevingne. “It would have been easier to do a photomontage, but you would never have gotten the intensity in the eyes of the lion, and Cara’s stare: Cara turned her back to the lion, she could not see it, but me, I could. And yet she looked at me, without any fear, “explains David Yarrow, a former financier who became the greatest of all wildlife photographers. In order to create this image, he called on Kevin Richardson, the zoologist and animal behaviourist known as “The Lion Whisperer”. “When I was offered this campaign, I knew that the only place I could shoot it was at the Wildlife Sanctuary lodge, with Kevin. He alone can control this lion. Without him, Cara would have been dead. The actress-model had only two seconds to pose in front of David Yarrow’s lens, before having to take shelter in a cage that protected her from the wild beast. “We shot this photo during last part of the shoot, just before she left for the airport,” says David Yarrow before the sale. Because it is a true collaboration between the brand’s ambassador and the watch manufacturer, the exchanges of goodwill went both ways: she risked her life for a campaign, Tag Heuer gave away the rights of this image
so that the proceeds of the sale be donated to the recent Cara Delevingne Foundation, in order to set up projects that educate girls. “We must not forget that the twenty-first century will be the century of sharing, and if we learn to share, we will be able to survive. (...) And as a luxury brand, we have responsibilities, “says Jean-Claude Biver, the non-executive president of the LVMH Watchmaking division. “This image will be sold for the benefit of Cara Delevingne charity. So I warn you: without wanting to be rude, if we do not reach a certain amount, I will buy back the image myself, “says Jean-Claude Biver, with panache. In the end, the image will have been sold twice for a total amount of £240,000. Cara Delevingne was ecstatic, already imagining all the projects that could be implemented. I.C: In this image, you deliberately turn your back on a lion a few metres behind you. You had to have complete confidence in the photographer and fixator Kevin Richardson to entrust them with your life! Cara Delevingne: Extremely. I gave my life to David, which is a very special experience. But I was also dependent on Kevin and all my team around me. It’s a long way to come to get this picture: we started the day before, we got closer to the lion, so that he got used to my smell, that he got used to me. I had to remember not to feel fear and to face the lion but not too much, so as not to try to be his equal. It’s an experience that puts you back in your place. How did it feel when you were told that you had two seconds to pose before having to get back into the cage between shots? I did not necessarily feel anything. I was in flight mode, ready to make a decision in a split second. You are told to run, and you run, you do not ask any questions. I felt honoured to just be here. I did not feel fear, rather a form of exaltation. To pose in a picture with a lion is the dream for many people. Was it also yours? Yes, one hundred percent! To work with lions, to be surrounded by them, to watch them move in their natural environment, to create an image with them, it was a dream come true. You have a tattooed lion on your finger. What does it symbolise? This is my first tattoo. When I was a child, I felt connected with lions, I was courageous, I was not afraid, and I loved experimenting with new things: we only have one life! This lion symbolised my freedom, my bravery. I had it tattooed when I started taking control of my own life. I’ve always loved felines: dogs love you because you feed them, but with felines, you never know why they like you (laughs). They are unpredictable.
Did you feel that it symbolically gave you strength? This tattoo gave me a form of autonomy because it was a way for me to claim ownership over my own body, and when I look at it, I am reminded of that. Speaking of tattoos, I met the tattoo artist Dr. Woo who tattooed the snake that wraps around your left hand. What do you like in his work? It’s more a pattern that revolves around my hand and my wrist than a snake. I like the geometric designs Dr. Woo makes and all the animals he draws. He is an incredible artist. On the previous Tag Heuer campaign, we see you making a certain grimace and on the new campaign, it is the roaring lion who seems to make exactly the same roaring grimace. What did you think when you saw this picture? It was very strange: I wondered why I had not made that grimace too? But of course it was impossible: David captured that moment in
seconds. I preferred it that way: it’s a bit like the lion playing a role. What did you feel when you had the lion behind you? Nothing. We are in a state of awareness, we can feel the energy of the lion, we can hear it, but we perceive a very strange feeling of calm. When I looked the members of my team in the eyes, I saw them completely terrorized! But not me. However, I would not recommend anyone do this on a daily basis just to be able to immerse themselves in a state of mindfulness. There are other ways. I do yoga every day. Tag Heuer’s slogan is “Don’t crack under pressure”, what makes you crack? Life is a succession of cracks, we are vulnerable and this vulnerability, which can be beautiful, is what makes us human. Some do not accept it. For Tag, it means above all that we should not let something, or someone break us. To crack is one thing, to break, it’s something else.
You are a model, an actress, you started to sing. Do you feel that today a creative person can express themselves in all areas of creativity and that there is no longer any boundaries between them? Yes. Nobody should feel limited today. We cannot let others define us according to what we do: we are not our job. All I do is the same artistic expression: I dance, I sing, I play a role in a film. And I would not want to choose one thing out of all of these. What is your next dream? I feel like I live it ... In all that I do, I am convinced that we must give more power to women. Men are better represented in the majority of industries and they are often in positions of responsibility. Women must be able to occupy these positions more and more. I would like to see more women in the film industry, to see them tell incredible stories. I would like to work with inspirational women.
Photos de la campagne Tag Heuer et du making of: © David Yarrow
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Joaillerie Chapitre quatre
88. 92. 100.
Emmanuel Tarpin, star montante de la joaillerie Portfolio: Natural Beauty Mazal U’ Bracha » ces mots qui valent contrat dans le négoce des pierres précieuses
Wallpapers: Charlotte Jade
Les jardins enchantés d’Emmanuel Tarpin Il a créé son entreprise en 2017 et quelques mois plus tard, en décembre, il vendait une paire de boucles d’oreilles chez Christie’s à New York. Emmanuel Tarpin n’a pas trente ans et il a réussi à se faire connaître dans le monde très fermé de la joaillerie. Ses bijoux, inspirés de la nature, sont des pièces uniques, comme autant d’histoires à raconter. Isabelle Cerboneschi
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Photos: © Emmanuel Tarpin
Emmanuel Tarpin n’est pas de ce monde, enfin, pas tout à fait. Il semble relié à la puissance de la Terre, aux énergies de la nature par un lien ténu et ancien, qui lui confère le pouvoir de rendre sa beauté à travers des matières précieuses. Pour ce faire il utilise de l’or, des pierres fines et précieuses, ou d’autres matière plus faciles à dompter, comme l’aluminium. Son visage angélique dissimule la détermination qui l’anime. Détermination qui l’a poussé à débarquer chez Christie’s alors qu’il venait de créer sa marque, pour proposer une paire de boucles d’oreille. C’est peut-être ce mélange de fausse naïveté, de confiance en soi et en la qualité de son travail, ainsi qu’une bonne pincée d’audace qui lui ont ouvert les portes de la fameuse maison de vente aux enchères. Emmanuel Tarpin a créé son entreprise en 2017 et en décembre de la même année, il vendait l’un de ses bijoux chez Christie’s, à New York, pendant les ventes « Magnificent Jewels ». C’est ce qu’on appelle une reconnaissance express. Le 6 décembre 2017, très exactement, un acquéreur a emporté sa première paire de boucle d’oreilles - des feuilles de géranium en or et aluminium anodisé vert sombre, serties de diamants - pour la somme de 25’000 dollars. La nature est une source d’inspiration infinie pour cet ex-étudiant de la Haute Ecole d’Art et de Design (HEAD) de Genève: un géranium à demi fané, un escargot, une plume, croisés au fil d’une promenade suffisent pour mettre le feu à son imaginaire. Le travail de l’artiste écossais Andy Goldsworthy, spécialisé dans le Land Art est également une source à laquelle il aime puiser. Certaines de ses pièces évoquent aussi l’art cinétique, mais de manière subtile, pas ostentatoire: Emmanuel Tarpin crée des bijoux, pas encore des œuvres d’art. Encore que, la frontière entre les deux est parfois très ténue. Le grand joaillier Joel H. Rosenthal alias JAR, croisé dans les couloirs du salon Gem Genève en mai dernier, où le jeune joaillier exposait, suit son travail d’assez près. On le comprend. I.C: Comment vos boucles d’oreilles se sont-elles retrouvées en vente chez Christie’s à New York en décembre 2017 alors que votre société venait de naître? Emmanuel Tarpin: Je recevais souvent les catalogues de vente que je regardais par curiosité, il y a parfois des pièces assez extraordinaires! Or j’ai remarqué qu’on y trouvait peu ou pas de designers contemporains. Je me rends assez régulièrement à New York et je me suis dit qu’il pouvait être intéressant de présenter une de mes créations - les boucles d’oreille feuilles de géranium - afin d’avoir un avis. Elles leur ont beaucoup plu. Comme ils souhaitaient montrer des nouveautés et qu’ils ont été touchés par mon travail, ils m’ont proposé de les mettre dans la vente Magnificent Jewels de décembre. C’était une belle marque de confiance.
Qu’avez-vous ressenti au moment de la vente en découvrant qu’elles avaient été vendues pour la somme de 25’000 dollars? J‘étais présent lors de la vente et je reconnais avoir été très ému… et angoissé, car il s’agissait également d’un risque que je prenais, n’étant pas connu des clients. Connaissez-vous la personne qui les a emportées aux enchères? Non, je ne connais pas l’identité de la personne qui a acquis cette pièce. En mai dernier vous avez participé à GemGenève: qu’est-ce que ce salon joaillier vous a apporté? Cela a été un beau tremplin pour faire des rencontres, que cela soit avec d’autres designers, nous offrant l’occasion d’échanger et de découvrir des univers différents, mais aussi avec des marchands, journalistes et amateurs de joaillerie. L’événement à été très couvert, permettant une visibilité non négligeable. Une expérience enrichissante. Quelles histoires racontent vos bijoux? Prenez la broche Hortensia par exemple. Je suis né à Annecy et mes arrière-grandsparents avaient fait construire une maison au bord du lac. Les premières fleurs qui ont été plantées dans le jardin, c’étaient des hortensias. Ils y sont toujours car ils sont comme l’essence de la maison. C’est notre fleur familiale: elle traverse bien les temps. À la fin de l’été, quand ils commencent à faner, une partie du pompon sèche tandis que l’autre partie devient de plus en plus pourpre. C’est ce moment-là, juste avant que la fleur ne fane, que j’ai voulu rendre avec cette broche. J’ai utilisé des spinelles et des rubis birman, l’arrière du bijou est en or vert et les pétales fanés sont en or rose. Certains pensent qu’une broche est un bijou désuet, mais ce n’est pas mon cas. Dans les cheveux, c’est très, très beau! Vos sources d’inspiration semblent inépuisables… L’inspiration me vient assez spontanément. J’ai une idée, je la réalise et c’est tout. C’est pour cela que je ne crée que des pièces uniques car quand j’ai fait quelque chose, j’ai envie de passer à autre chose. Pour moi, un bijou est unique et la personne qui le porte doit être la seule à pouvoir le posséder. Lors de notre première rencontre vous avez évoqué l’influence du land artist Andy Goldworthy. En quoi vous inspire-t-il? Andy Goldsworthy réalise un travail empli de poésie et de légèreté. Il use de la nature pour créer des œuvres en harmonie avec elle, en travaillant sur la notion de couleur, de dégradé, d’ergonomie, tout en gardant en tête cette idée du précieux éphémère et volatile. Un travail manuel, réfléchi et en même temps spontané. Un paysage, une atmosphère, un arbre, une lumière, voilà ce qui fait sens et qui apportera toute son essence à l’oeuvre. Vous utilisez beaucoup l’aluminium qui n’était pas un matériau traditionnel dans
la haute joaillerie, mais qui s’est imposé. Pour quelle raison? J’ai un grand plaisir à utiliser l’aluminium pour certaines de mes pièces. Un matériau peu commun, je vous l’accorde, mais exaltant. Je l’utilise principalement pour travailler sur les dégradés, les couleurs sombres. Chaque pièce correspond a une nouvelle expérimentation. La texture est également une part importante de mon approche du métal: le rendu d’une pièce va totalement changer si l’on passe d’un sablage à un poli miroir. L’aluminium permet enfin aux bijoux d’acquérir une grande légèreté, m’offrant la possibilité de développer des pièces dont les volumes sont importants. Apprendre à créer des bijoux, c’était une passion? Absolument! Mes deux parents son notaires! Depuis que je suis enfant, j’ai l’impression d’avoir suivi un chemin qui m’a mené au bijou. Tout petit, j’allais au marché avec mon père voir des vendeurs de minéraux. J’étais fasciné: ça brillait, c’était beau! J’ai toujours été très manuel: j’ai étudié le hautbois pendant 15 ans, la sculpture sur argile pendant 13 ans. Après mon baccalauréat j’ai fait une école préparatoire en joaillerie, puis j’ai été reçu à la HEAD où j’ai passé un bachelor. Par la suite, j’ai travaillé pendant 3 ans et demi dans un atelier de sous-traitance pour Van Cleef & Arpels où j’ai appris la technique, avant de créer ma société en 2017.
Est-ce que vous faites un gouaché ou une sculpture avant de réaliser le bijou? Cela dépend de la pièce. Souvent je fais une maquette en papier ou en cire. Pour la broche Hortensia, j’avais pris des empreintes en silicone des fleurs qui poussaient dans notre jardin. C’est un travail assez fastidieux, mais je travaille avec l’un des plus anciens ateliers à Paris où les joailliers et les artisans d’art ont la même sensibilité que moi. Qui admirez-vous dans ce métier? JAR! Lui, c’est un artiste! Nous nous voyons régulièrement. Il est très sensible, très encourageant. Nous avons quelques traits de caractères assez similaires: nous faisons ce qui nous plaît. J’admire aussi Victoire de Castellane: elle a insufflé un esprit nouveau dans le monde de la joaillerie et ose mixer les couleurs de manière fascinante. N’avez-vous pas envie parfois de reproduire vos bijoux au lieu de créer des des pièces uniques? Un bijou, c’est à la fois précieux et intime, car c’est un objet en rapport direct avec le corps. Il doit posséder un côté rare. Ce n’est pas simplement une pierre sertie, c’est tout une recherche, tout une histoire, un bijou.
The enchanted gardens of Emmanuel Tarpin He started his business in 2017 and within few months, he sold a pair of earrings at Christie’s in New York.Emmanuel Tarpin is not even thirty years old, yet he has managed to make himself known in the very closed world of jewellery. His jewels, inspired by nature, are unique and tell a story that has never been told before. Emmanuel Tarpin is not of this world. Well,
not quite. He seems connected to the power of the Earth, to the energies of nature by a tenuous and ancient bond, which gives him the power to create beauty through precious materials. To do this he uses gold, fine stones, precious metals, and aluminium easier to work with. His angelic face conceals the determination that drives him. A determination that pushed him to sell a pair of earrings at Christie’s when he first created his brand. It is perhaps this mixture of false naivety, confidence in himself and the quality of his work, as well as a good pinch of daring that have opened the doors to the famous auction house. Emmanuel Tarpin created his company in 2017 and in December of the same year, he sold one of his pieces at Christie’s, in New York, during their sale “Magnificent Jewels”. This is called express recognition. On the 6th of December 2017, exactly, a buyer bought Tarpin’s first pair of earrings - geranium leaves in gold and dark green anodized aluminium, set with diamonds - for the sum of $25’000. Nature is an infinite source of inspiration for this former student of the Haute Ecole d’Art et de Design (HEAD) in Geneva: a half-faded geranium, a snail, a feather, seen whilst walking in the countryside were enough to set fire to his imagination. The work of the Scottish artist Andy Goldsworthy, who specializes in Land Art is also a source he likes to draw from. Some of his pieces also evoke kinetic art, but in a subtle, not ostentatious way: Emmanuel Tarpin creates jewellery, not yet works of art. Still, the border between the two is sometimes very tenuous. The great jeweller Joel H. Rosenthal aka JAR, follows his work closely. He passed by Emmanuel Tarpin’s corner in GemGenève, the vintage and high jewellery fair held in Geneva last May. I.C: How did your earrings come to be on sale at Christie’s in New York in December 2017 when your company had only just started? Emmanuel Tarpin: I often received sales catalogues that I looked at out of
curiosity, sometimes there are some rather extraordinary pieces! But I noticed that there were few or no contemporary designers. I go to New York quite regularly and I thought it might be interesting to present one of my creations - geranium leaf earrings - to get an opinion. They liked them a lot. As they wanted to show new ideas and they were moved by my work, they offered to put them in the sale “Magnificent Jewels” in December. It was a beautiful mark of confidence. What did you feel like at the time of the sale when you discovered that they had been sold for the sum of $25’000? I was present at the sale and I admit to being very moved ... and anxious, because it was also a risk that I took, not being known to customers. Do you know the person who bought them at the auction? No, I do not know the identity of the person who acquired this piece. Last May you took part in GemGeneve: what did this jeweller’s fair do for you? It has been a great launching pad for meetings, be it with other designers, giving us the opportunity to exchange and discover different worlds, but also with merchants, journalists and jewellery lovers. The event was very well covered, allowing significant visibility. An enriching experience for me. What stories does your jewellery tell? Take the Hortensia brooch for example. I was born in Annecy and my great-grandparents had a house built by the lake. The first flowers that were planted in the garden were hydrangeas. They are always there because they are like the essence of the house. It is our family flower: They are timeless. At the end of the summer, when they start to fade, some of the petals dry while the other part becomes more and more purple. It was that moment, just before the flower fades, that I wanted to capture with this brooch. I used spinel and Burmese rubies, the back of the jewel is in green gold and the faded petals are in pink gold. Some think that a brooch is an old-fashioned piece of jewellery, but that’s not my thought. In the hair it looks very, very beautiful! Your sources of inspiration seem inexhaustible ... The inspiration comes to me quite spontaneously. I have an idea, I create it and it’s done. That’s why I only create unique pieces because when I’ve done something, I want to move on. For me, a jewel is unique and the person who wears it must be the only one who can possess it. At our first meeting you talked about the influence of the land artist Andy Goldworthy. What inspires you about his work? Andy Goldsworthy performs a work filled with poetry and lightness. He uses nature to create works in harmony with nature, working
on the notion of colour, gradient, ergonomics, while keeping in mind this idea it’s all precious ephemeral and volatile. Manual work, thoughtful and at the same time spontaneous. A landscape, an atmosphere, a tree, a light, that is what makes sense to and brings all the essence of to the work together. You use a lot of aluminium that was not a traditional material in fine jewellery, which has become essential. Why? I have great pleasure using aluminium for some of my pieces. An uncommon material, I grant you, but exhilarating. I use it mainly for colour work; to work on difficult things like shading or dark colours. Each piece corresponds to a new experiment. Texture is also an important part of my approach to metal: the rendering of a piece will change completely if we go from sandblasting to mirror polishing. Aluminium finally allows jewellery to acquire a great lightness, offering me the opportunity to create voluminous pieces. Learning to create jewellery, was it always a passion? Absolutely! My two parents were my notaries! Since I was a child, I felt like I have followed a path that led me to jewellery. When I was a little boy, I went to the market with my father to see stone sellers. I was fascinated: the stones shone, it was beautiful! I have always been very hands on: I studied the oboe for 15 years, clay sculpture for 13 years. After my bachelor’s degree I went to a preparatory school in jewellery, then I was accepted at HEAD where I passed my bachelor’s degree. Subsequently, I worked for three and a half years in a subcontracting workshop for Van Cleef & Arpels where I learned techniques, before creating my company in 2017. Do you make a painting or a model before making a piece? It depends on the piece. Often I make a paper or wax model. For the Hortensia brooch, I had made silicone prints of flowers growing in our garden. It is a rather tedious job, but I also worked with one of the oldest workshops in Paris where jewellers and craftsmen have the same sensitivity as me. Who do you admire in this job? JAR! He is an artist! We see each other regularly. He is very sensitive, very encouraging. We have some pretty similar traits: we do what we like. I also admire Victoire de Castellane: she has she has breathed new life into the world of jewellery and dares to mix colours in a fascinating way. Do you sometimes not want to reproduce your jewellery instead of creating only unique pieces? A jewel is both precious and intimate, because it is an object directly related to the body. It must have a rarity about it it’s not just a set stone, it’s all the study, the craft, and the history of the piece.
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Natural Beauty Photos, style, tableaux floraux: Buonomo & Cometti
Photos, style et compositions florales: Buonomo & Cometti Fleurs Herve Chatelain Mavaro @ Elite Samuele Page 93 Manchette de la collection de haute joaillerie « Regalia » de Louis Vuitton. Collier de la collection de haute joaillerie « Dior Dior Dior », de Dior. Page 95: Collier de la collection de haute joaillerie « Coromandel », de Chanel Page 96: Bracelet-manchette de la collection de haute joaillerie « Coloratura » de Cartier Collier de la collection de haute joaillerie « Quatre contes de Grimm », de Van Cleef & Arpels Page 98: Boucle d’oreille Buccellati
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“Mazal U’Bracha”, ces deux mots qui valent contrat dans le négoce des pierres précieuses C’est une tradition unique au monde, elle n’existe que dans l’industrie du diamant et des pierres précieuses: deux mots qui valent plus qu’un contrat signé. La valeur de la parole donnée est l’un des fondements de ce commerce si discret depuis le XIXe siècle. Mais d’où vient cette tradition appliquée par tous les marchands, tous les négociants, quelle que soit leur religion ou leur nationalité? Isabelle Cerboneschi, New York
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Photos: © Scott McDermott
La scène s’est déroulée en avril, dans
les bureaux d’Emco Gem Inc, à New York, une société spécialisée dans le négoce d’émeraudes colombiennes. Sur la table de gauche, Oren Nhaissi me présente une suite d’émeraudes, sur la table de droite, Thomas Faerber, négociant en pierres précieuses et bijoux anciens et co-fondateur du salon GemGenève, admire une pierre et parle avec Yaron Nhaissi. Ils discutent à voix basse. – Vous l’avez achetée?, lui demandé-je? – Non, je n’ai pas dit « Mazal », répond Thomas Faerber. – Mazal? – Je n’ai pas dit « Mazal U’Bracha ». Ce sont les mots que l’on prononce quand on conclut un marché dans notre métier, cela a valeur de contrat, poursuit-il. Depuis ce jour, je n’ai eu de cesse de comprendre d’où venait cette tradition qui ressemblerait à une utopie si elle n’était pas réelle et ancrée dans la tradition depuis plus d’un siècle. Dans l’industrie des pierres précieuses, Mazal U’Bracha fait partie de ces règles non écrites qui régissent le commerce. Donner sa parole avec une poignée de main suffit pour s’échanger une pierre. « On donne sa parole. On n’a pas besoin de signer un contrat. C’est fantastique! C’est une industrie étonnante, basée sur la confiance», explique Lili Goldberg, la veuve de William Goldberg qui fut l’un des rois du Diamond District, à New York. En effet, des milliards de dollars passent chaque année d’une main à une autre, ou plutôt d’un compte à un autre, sur la seule valeur de la parole donnée. « Quand vous dites Mazal U’Bracha, la vente est faite, explique Jacob Gueron, de Heritage Gems, L.L.C. Vous ne pouvez plus dire « je regrette » ou revenir en arrière. » Mais que signifie cette expression? « Mazal veut dire “bonne chance” et Bracha: “je te donne ma benediction en Yiddish”. La pierre est passée chez toi et avec tout mon coeur, je souhaite que tu aies de la chance avec cette pierre, que tu puisses la vendre et je te bénis », explique le rabbin David Leybel, de Leybel-Elieli Diamonds Ltd. « Il y a beaucoup de superstition dans ce négoce, poursuitil. Quand on dit de quelqu’un qu’il a « une mauvaise main », cela veut dire que lorsqu’on achète une pierre chez lui, on ne gagne pas. Quand on dit « j’ai une bonne main avec toi », cela veut dire qu’entre l’acheteur et le vendeur, une chimie s’est installée et que chaque fois que l’un achète chez l’autre, il gagne. Il faut donner la pierre avec tout son coeur pour qu’elle puisse être vendue, donc Mazal U’Bracha, c’est une manière de dire: « tu vas bien vendre ta pierre car je te l’ai donnée de tout mon coeur. » Mais qui a prononcé cette phrase en premier? Selon les sources, les opinions divergent. «Certains affirme que la phrase viendrait de Maïmonides, mais il ne travaillait pas dans le diamant, souligne le rabbin David Leybel. Il paraît que cette phrase apparaît déjà au XVIIIe siècle, dans certains contrats.
Les juifs se sont beaucoup investis dans ce commerce, à commencer par les exilés qui se sont rendus en Hollande après avoir été expulsés d’Espagne en 1492. A l’origine, la bourse du diamant était basée en Hollande. La communauté juive d’Amsterdam était très ouverte, elle était formée de juifs qui étaient venus d’Italie, d’Espagne, du Portugal, comme la famille de Spinoza qui avait fui l’Inquisition. Il y régnait une grande ouverture d’esprit. Ensuite la bourse est passée à Anvers. Du fait que celle-ci était tenue par des juifs, cette phrase est entrée dans la tradition. C’est une manière de dire: « marché conclu ». Et si celui qui a dit Mazal se rétracte, il peut être poursuivi car c’est comme s’il avait signé un contrat. Quand j’ai commencé dans ce commerce, on disait « Mazal », on déchirait un petit morceau de papier, on écrivait dessus le nombre de carats, le prix, et on signait. La parole valait contrat. » « Cette phrase est utilisée depuis le XIXe siècle, et cela a commencé à la bourse du diamant à Amsterdam, là où étaient coupés les diamants, explique Eli Nhaissi, de DDI Diamond Distributors, Inc, à New York. A l’époque, le Gemmological Institute of America (GIA) n’existait pas encore, ni le Rapaport Diamond Report (utilisé comme base pour établir le prix des diamants blancs taillés, ndlr). Il y avait beaucoup d’incertitude autour des bruts. C’était un métier très spéculatif. On pouvait faire de gros profits ou de grandes pertes avec un brut. Donc les négociants ont commencé à utiliser le mot « Mazal », afin de ne pas perdre de l’argent. Puis est venu « Bracha “, qui était une bénédiction. Quand on vous vendait un diamant, on vous souhaitait tout d’abord d’avoir de la chance, de ne pas perdre de l’argent, et ensuite de savoir utiliser cette somme en pleine santé, avec joie et générosité, de la dépenser en faisant du bien autour de vous, de donner à une oeuvre de charité, à votre famille, à vos amis… Voilà la raison pour laquelle ces deux mots ont été utilisés ensemble. » « Il y a peu de temps, et pour la première fois, nous avons dû faire appel à un cabinet d’avocat pour protéger notre licence sur la taille de diamants Ashoka et notre marque, explique Saul Goldberg, le président de William Goldberg. Mais j’ai travaillé dans cette industrie toute ma vie, toutes les transactions se sont toujours soldées par une poignée de main, et jusqu’à présent je n’avais jamais eu à faire avec des avocats. Cette formule, Mazal U’Bracha, représente tout! ” Je lui demande comment une telle chose est possible à une époque où les contrats font facilement une centaine de pages? « Je ne sais pas, répond-il. Nous avons fait je ne sais combien de foires de Bâle, sur notre stand nous avons passé des heures avec des clients qui venaient d’Arabie Saoudite, du Koweït, du Liban, de Syrie, d’Abou Dabi, du Japon, et à la fin nous nous serrions dans nos bras, nous faisions «Mazal U’Bracha» et nous tenions tous parole. Il n’y avait aucune animosité entre nous, aucune discussion
politique. Quand je pense à cela, à toutes ces interactions dans notre industrie, je me dis que le monde devrait être en paix! Cette phrase transcende les problèmes du monde. » Mais ces deux mots ne sont pas sans conséquence. Ne pas tenir sa parole, s’est risquer de se retrouver devant un tribunal, sans parler du fait que l’on perd sa réputation, qui est le nerf de la guerre dans ce métier. La confiance et la réputation, ce n’est pas comme un diamant, cela ne s’achète pas. Elles se gagnent tout au long d’une vie professionnelle et si on les perd, elle ne reviendront pas.
Mazal U’Bracha “, These two words are worthy of a contract in the world of trading gemstones It is a unique tradition in the world, and only exists in the diamond and gemstone industry: two words that are worth more than a signed contract. The value of the word given is one of the foundations of this trade, so discreet and around since the nineteenth Century. But where does this tradition come from? One used by all these merchants, all these traders, whatever their religion or nationality? The scene was held in April at the offices
of Emco Gem Inc. in New York, a company specialising in the trading of Colombian emeralds. On the left hand side of the table, Oren Nhaissi introduced me to a collections of emeralds, on the right, Thomas Faerber, a merchant of precious stones and antique jewellery and co-founder of the Salon GemGenève, admired a stone and spoke with Yaron Nhaissi. They talk in hushed voices. -you bought it?, I asked? -no, I did not say “Mazal”, replies Thomas Faerber. -Mazal? -I did not say “Mazal U’Bracha”. These are the words that are spoken when we conclude a deal in our trade, it has the value of contract , he continues. Since that day, I have never stopped thinking about where this tradition came from one that feels like utopia were it not real and rooted in tradition that has been around for more than a century. In the gemstone industry, Mazal U’Bracha is part of these unwritten rules that govern the trade. To give your word with a handshake is enough to exchange a stone. “We give our word. We don’t need to sign a contract. It’s fantastic! It’s an amazing industry, based on trust, “says Lili Goldberg, the widow of William Goldberg who was one of the kings of the diamond district in New York. Billions of dollars pass each year from one hand to another, or rather from one account to another, on only the value of these given words. “when you say Mazal U’Bracha, the sale is made,” explains Jacob gomez, of HeritageGems, L.L.C. You can no longer say “I regret it” or I go back. “ But what does this expression mean? “Mazal means” Goodluck “and Bracha:” I give you my blessing in Yiddish”. The stone has come to you and with all my heart, I wish you luck with this stone, so that you can sell it and
I bless you, “says rabbi David Leybel-Elieli Diamonds Ltd.” There is a lot of superstition in this trade, he continues. When you say someone has “a bad hand”, it means that when you buy a stone from him, you don’t win. When you say “I have a good hand with him”, it means that between the buyer and the seller, a chemistry has settled and that every time one buys from the other, both win. It is necessary to give the stone with all your heart so that it can be sold well, so Mazal U’Bracha, It is a way of saying: “you will sell your stone well because I gave it to you with all my heart. But who said this sentence first? According to sources, opinions differ. “Some say that the sentence would have come from Maimonides, but he did not work in the diamond, says Rabbi David Leybel. It seems that this sentence already appeared in the eighteenth century, in some contracts. The Jewish community had invested heavily in the trade, starting with the exiles who travelled to Holland after being expelled from Spain in 1492. The Diamod Exchange was originally based in Holland within the Jewish community in Amsterdam, it was very open, it consisted of Jews who had come from iIaly, Spain, Portugal, like say the Spinoza family who had fled the Inquisition. There was an openmindedness there. Then the stock exchange went to Antwerp. The industry there was mainly Jewish and this is where the phrase entered the tradition. It’s one way of saying, “done deal.” And if the one who said Mazal retracts, he can be sued because it is as if he had signed a contract. When I started in this business, we said “Mazal”, we tore a small piece of paper, we wrote down the number of carats, the price, and we signed it. The word was worth a contract.” “This phrase has been used since the nineteenth century, and it started at the Diamond Exchange in Amsterdam, where diamonds were cut,” explains Eli Nhaissi of DDI Diamond distributors, Inc. in New York. At the time, the Gemmological Institute of America (GIA) did not exist yet, nor did the Rapaport Diamond Report (used as the basis for establishing the price of cut white diamonds). There was a lot of uncertainty around rough diamonds. It was a very speculative trade. You could make big profits or big losses with a rough diamonds. So the traders started using the word “Mazal”, so as not to lose money. Then came “Bracha”, which was a blessing. When you sold a diamond, we wished you first to be lucky, not to lose money, and then to know how to use this sum in full health, with joy and generosity, to spend it by doing good around you, to give to a charity to your family, your friends... That is why these two words were used together. “ “Not long ago, and for the first time, we had to call in a law firm to protect our license on the size of Ashoka diamonds and our brand,” says Saul goldberg, President of William Goldberg. “But I’ve worked in this industry all my life, all the transactions have always
ended in a handshake, and so far I’ve never had to deal with Lawyers. This formula, Mazal U’Bracha, represents everything!” I asked him how such a thing is possible at a time when contracts easily make a hundred pages? “I don’t know”, he says. “I do not know how many fairs in Basel we have attended, but on our stand where we spent hours with customers who came from Saudi Arabia, Kuwait, Lebanon, Syria, Abu Dhabi, Japan, and in the end we all hugged and we all said “Mazal U’Bracha” and we all kept out word”. There was no animosity between us, no political discussion. When I think about this, all these interactions in our industry, I tell myself that the world should be at peace! This phrase transcends the world’s problems.” But these two words are not inconsequential. Not to keep his word, is likely to end up in court, not to mention the fact that one loses ones reputation, which is the nerve of this trade. Trust and reputation is not like a diamond, it cannot be bought. It is earned throughout a professional life and if lost, it will never be returned.
Beauté Chapitre cinq 104. 106. 110. 114. 116.
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Le Participe Passé, nouveau parfum autobiographique de Serge Lutens Le parfumeur Francis Kurkdjian invente le parfum transgenre Boy, un parfum souvenir et une ligne de maquillage pour hommes Se réinventer avec la nouvelle ligne de maquillage Marc Jacobs Portfolio: Sur le billard La Bouche Rouge, une nouvelle maison de maquillage est née
Wallpaper: Charlotte Jade
Un parfum comme un récit Lancé en même temps que L’Innomable, fleuron de la nouvelle ligne Gratte-Ciel, le Participe Passé est un parfum à l’accord résineux gourmand qui évoque sans singer et complète sans conclure un arc narratif majeur de l’œuvre de Serge Lutens. Lily Templeton, Paris
Malgré les transparences de la Collection Noire dont il fait partie, le Participe Passé est une énième énigme que nous livre Serge Lutens, sphinx olfactif. A chaque nouvel opus naît une de ces questions que redouterait le plus philosophe des candidats bacheliers. Celui-ci n’y déroge pas, avec des notes de caramel et de résine presque miellée : Le passé participe-t-il de nous, ou nous de lui ?
En inspirant cette odeur pleine de mysticisme et de sucres cuits, impossible d’oublier qu’avant la prière, fruits, plantes, résines et mêmes liqueurs étaient offertes au feu pour atteindre le divin, et que chez Serge Lutens plus que d’autres, le parfum a toujours valeur d’un revenant, une de ces évocations qui sont comme fumée au vent et qui rappellent ce « per fumum » de l’étymologie du mot. Comme à chaque fois, Monsieur Lutens nous entraîne dans un labyrinthe dont les murs sont des miroirs qui ne font pas que refléter un passé qu’il contemplerait à l’infini mais nous aussi à ce qui tressaille au fond de tous, toujours vivant, toujours présent. Étrange lieu d’exploration que ce participe passé, territoire liminal à l’existence figée et aux règles définies, venant d’un homme dont le travail ne se conjugue qu’au futur. Pont tendu entre l’image et le verbe, ce parfum symbolise le triumvirat fondateur de l’univers « lutensien ». Lui qui a toujours dit ne pas créer pour faire vivre une odeur mais pour exorciser une obsession, extirpe à son histoire ce Participe Passé.
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Si l’on pouvait se risquer à lire dans l’esprit d’un autre être, ce participe passé pourrait se lire « participe-passé » comme on dirait « passe-muraille ». Car dans ce flacon transparent où se prélasse un jus ambré, Serge Lutens étreint à pleins bras cet état fondamental que ceux qui font une thérapie finissent bon gré, mal gré à intégrer, c’est à dire le fait d’avoir participé et donc d’avoir été, parfois à corps défendant, acteur de ces
moments enfuis qui ont laissé une trace aussi indélébile que l’odeur fugace d’une madeleine pour Proust. Et parle-t-il seulement de lui-même ? Une image, aussi, celle de ce portrait double d’un Janus au visage qui semble féminin et pourtant révèle le profil du créateur. Une ligne, fugace dans la prose qui accompagne le parfum, offre une autre clef. « Peu de temps sépare ce moment de celui passé où plutôt que d’afficher la prise d’une vue sur l’écran d’un mobile, une photographie dépendait avant aperçu d’un relais de mains en bains, » écrit-il en ouverture. Plus tard, une sorte de champ lexical avec « prise de vues, mobile, lecture, projection, valeurs inversées, négatif, révélateur, immersion, épreuve, image, tirage ou fixateur ». Ah, le temps, ce révélateur qui n’a plus aujourd’hui sa place. Alors difficile de ne pas voir un cycle qui se termine, ou à défaut, qui va changer à la manière d’un mouvement symphonique, dans ce participe passé. Ce parfum offre une lecture de notes que les amateurs auront rencontrées dans les opus du passé de Serge Lutens, mais auxquels il donne une lecture pour une nouvelle époque. Peter Drucker, théoricien en management et auteur, disait que le meilleur moyen de prédire l’avenir est de le créer. Mais parions que Serge Lutens serait aussi un lecteur de T.S Eliot, pour qui « Temps passé et temps futur / Ne permettent que très peu de conscience. / Etre conscient, c’est ne pas être dans le flux du temps. » Être dans le présent, en somme, pour tout recommencer.
A perfume smelling of a narrative Launched in the shadow of the new line Gratte-Ciel and its Innommable flagship, Serge Lutens’ Participe Passé is a gourmand, resinous fragrance that evokes without mimicking and completes without concluding a major narrative arc in the work of the master perfumer. It may be in full view in the transparent confines of the glass monoliths of the Black Collection, but the Participe Passé is yet another enigma proffered by the olfactory sphinx, one of those questions that even a future First in philosophy would fear to answer carelessly. With hints of caramel and almost honeyed resin, this perfume begs to know whether the past participates in us, or us in it. A whiff of this new-yet-familiar scent full of mysticism and boiled sweets – a reminder of by-gone times where fruit, resins and even liquors were offered in prayer to the divine – reminds that for Mr Lutens more than others, perfume is a revenant, an apparition that is like smoke in the wind – a rejoinder on the “per fumum” etymology of the french word. He has always said that he doesn’t create for the sake of a scent but as a way to exorcise an obsession. So out of his life story comes this Participe Passé. It is a gateway to a strange liminal territory to be explored in the footsteps of a man whose work is conjugated only in the future tense. A labyrinth where the walls are mirrors that reflect not only his own past contemplated ad infinite, but ours too, calling to those depths that still beat within us all – ever alive, ever present. If one were to go out on a limb, this Participe Passé could be read as “participe-passé” as in the word “passe-muraille” (a walk-throughwalls). Through this amber liquid, Serge Lutens embraces to the fullest extent the fundamental notion – willingly understood or wilfully ignored by that those who partake in therapy – that one is a participant and therefore an actor, however unwilling, of these vanished moments that leave as indelible a trace as that fleeting smell of a madeleine for Proust. And is he truly speaking of himself? A line, found in the prose that accompanies the perfume, offers another clue. “Not much time separates this moment from that in the past when, rather than displaying a shot on a mobile screen, a photograph was passed from hand to hand in chemical baths before it was seen,” he writes in his notes, later adding a lexical field of sorts with “shoots, mobile, reading, projecting, inverted values, negative,
revealing, immersion, proof, image, print or fixing”. Ah, those instantaneous snaps meant to freeze time, the great revealing agent who no longer has a place today. So it is hard not to read the Participe Passé, in which Mr. Lutens offers gives a reading for a new era of notes that recall past opuses, as the end of a cycle. But this could just as easily be a new twist in a symphonic body of work. After all, management theorist and author Peter Drucker once said that the best way to predict the future is to create it. One can bet
that Serge Lutens is also a reader of T.S Eliot, for whom “Time past and time future / Allow but a little consciousness. / To be conscious is not to be in time.” To be present, in short, is to start anew.
Parfum © Serge Lutens Portrait Serge Lutens au Maroc: © Ling Fei
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Francis Kurkdjian invente le parfum transgenre Quand la question des « gender fluid », ces personnes qui ne se définissent pas selon leur sexe d’origine, a commencé à émerger il y a quelques années, le parfumeur s’est interrogé sur ce qui déterminait le genre en parfumerie. Il a donné la plus belle des réponses : avec une même liste d’ingrédients il a créé deux formules différentes, sans les attribuer à un sexe en particulier. Le lancement de ces deux eaux de parfum portant le même nom - Gentle Fluidity - aura lieu en janvier. Entretien exclusif. Isabelle Cerboneschi, Paris
Francis Kurkdjian fait partie de cette
première vague de parfumeurs indépendants qui ont décidé de créer leur marque en marge des grands groupes. Nous nous sommes rencontrés pour la première fois en 2001, lorsqu’il a créé son atelier de parfumerie sur mesure. Il avait déjà derrière lui de beaux succès de parfumerie, dont Le Mâle, de Jean Paul Gaultier, une senteur pour homme révolutionnaire car à la limite des genres, déjà. En 2009, il a co-fondé avec son associé Marc Chaya la Maison Francis Kurkdjian. Vingt ans plus tard, en 2019, il lance deux nouvelles eaux de parfum portant le même nom: Gentle Fluidity. Deux fragrances inspirées d’un phénomène de société.
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Quand on a commencé à parler des « gender fluid », ces personnes qui ne se reconnaissent pas dans leur genre d’origine, ou qui préfèrent balancer de l’un à l’autre, Francis Kurkdjian s’est demandé à quoi cela pourrait correspondre dans le domaine de la parfumerie. « Une eau de Cologne était un début de réponse. Mais cela ne me suffisait pas. Être gender fluid, c’est ressentir qu’avec le même ADN, on a deux identités différentes. Pour traduire ce concept en parfumerie, je me suis dit que j’allais créer un parfum qui soit comme la soie. La soie n’a pas de sexe.
Si j’en fais une cravate, par convention elle va être masculine et si j’en fait une robe, par convention elle va devenir féminine. Je me suis dit qu’il serait intéressant de faire deux parfums avec une même liste de matières premières qui me permettrait d’exprimer deux identités différentes.» Il existe une version or et une version argent de Gentle Fluidity, mais aucune ne mentionne un sexe: la première est un oriental-musqué et la seconde un aromatique boisé. « Dans les ingrédients majeurs on trouve une baie de genièvre, qui exprime la fraîcheur dans les parfums pour hommes mais on peut aussi en mettre une trace dans les parfums floraux, car cela leur apporte une « naturalité ». Il y a de l’essence de coriandre, elle aussi ambivalente: selon le dosage, elle est à la frontière entre une fleur épicée et une sauge. J’ai choisi la noix de muscade, qui n’a pas vraiment de genre. Une note d’ailleurs n’est pas féminine ou masculine: il y a du jasmin dans le parfum Eau Sauvage de Christian Dior, qui est l’archétype du parfum masculin. Tout est une question de concentration et d’équilibre entre les notes. Dans les deux Gentle Fluidity on retrouve un accord musqué, un boisé-ambré et un accord vanille. J’ai travaillé les deux parfums en parallèle et j’ai épuré la formule au maximum afin d’exprimer ce que je voulais. »
Avec ces deux fragrances sans genre, Francis Kurkdjian pousse les distributeurs à repenser la présentation en rayons. « Nous avons la chance d’avoir nos propres boutiques et nos propres corners au Printemps et aux Galeries Lafayette. Mais la conséquence de l’évolution du genre dans la société va être complexe pour la distribution. Si l’on décide demain que les objets ne sont plus régis par le genre féminin ou masculin où mettra-t-on les choses? », s’interroge le parfumeur. Cette question, la maison l’Artisan Parfumeur se l’est déjà posée: tous les packagings, toutes les boutiques ont été repensés et sont devenus « gender free », sans genre. Un client ou une cliente choisit le parfum qui l’attire intuitivement sans plus se demander pour qui il a été conçu. « Aux Etat-Unis, les jeunes générations revendiquent cette non séparation des genres, relève Francis Kurkdjian. La pression va devenir de plus en plus forte. Cela va être un énorme chantier à mettre en place. Dans ma collection j’ai Apom Homme et Apom Femme. Je vais en faire quoi? Un jour ou l’autre je vais devoir apporter une réponse.» La question que pose Francis Kurkdjian dépasse bien sûr le seul domaine de la parfumerie.
En 1994, Calvin Klein avait lancé l’eau de toilette CKOne, le premier parfum « unisexe » revendiqué comme tel. Le designer rêvait aussi d’une mode unisexe, taillée de la même manière pour l’homme et la femme. A l’époque il s’agissait surtout de faire des économies sur les coûts de production: il revient bien moins cher de tout fabriquer sur la base d’un seul patron. Sauf que le designer était en avance de presque trente ans sur l’époque. « Ce n’était pas la même revendication: dans les années 1990, on restait des filles et des garçons, même si on partageait des codes, des vêtements et des parfums, relève le parfumeur. Aujourd’hui, la complexité naît de la volonté d’effacer les genres. J’ai lu dans le New York Times l’histoire de parents qui élèvent leurs enfants dans un non genre: ils ne veulent pas révéler leur sexe biologique pour leur laisser le choix plus tard de s’autodéterminer. Aujourd’hui tout est « genré », mais peut-être que dans cinquante ans on sera un être humain qui sera homme ou femme et qui pourra avoir des enfants avec qui il veut, de la manière qu’il aura choisie.»
Francis Kurkdjian, © Nathalie Baetens
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Francis Kurkdjian’s gender fluid perfumes When the question of “gender fluid”, people who do not define themselves according to their original gender, began to emerge a few years ago, the perfumer wondered what made a genre in perfumery. He gave the most beautiful answer: with the same list of ingredients he created two different formulas, without assigning them to a particular sex. The launch of these two eaux de parfum with the same name - Gentle Fluidity - will take place in January. Exclusive story. Francis Kurkdjian is part of this first wave
of independent perfumers who decided to create their brand from the sidelines of the large groups. He trained at the ISIPCA, l’institut supérieur international du parfum de la cosmétique et de l’aromatique alimentaire at Versailles where he started 1990. In 1993, he created Le Mâle for Jean Paul Gaultier. At that time, the name of the perfumer was not mentioned, only that of the designer and yet, this fragrance, still on sale, was a smashing success. In 1995, the perfumer joined Quest International in New York. He returned to Paris in 1999 and 2001 he launched his own custom perfumery workshop. In 2009, he co-founded with Marc Chaya, the Maison Francis Kurkdjian. Twenty years later, in 2019, it launches two new eau du parfum with the same name: Gentle Fluidity. Two fragrances inspired by a social phenomenon. When we started talking about gender fluidity, people who do not recognize themselves in their original gender, or who prefer to swing from one to the other, Francis Kurkdjian wondered what it might be like in the field of perfumery. “An eau de Cologne was a beginning of an answer. But that was not enough for me. To be gender fluid is to feel that with the same DNA, we have two different identities. To translate this concept into perfumery, I thought that I would create a perfume like silk. Silk does not have sex. If I make a tie, by convention it will be male and if I make a dress, by convention it will become female. I thought it would be interesting to make two perfumes with the same list of raw materials that would allow me to express two different identities. “ There is a gold version and a silver version of Gentle Fluidity, but none mentions a gender: the first is an oriental-musky and the second an aromatic woody. “In the ingredients we find juniper berry, which expresses the freshness in men’s perfumes but we can also add a
trace of floral perfumes, because it brings with it a “naturalness”. There is coriander essence, which is also ambivalent: depending on the dosage, it is on the border between a spicy flower and a sage. I chose nutmeg, which does not really have a gender. A note is not feminine or masculine: there is jasmine in Eau Sauvage perfume by Christian Dior, which is the archetype of the masculine perfume. Everything is a matter of concentration and balance between the notes. In both Gentle Fluidity we find a musky accord, a woodamber and a vanilla accord. I worked on both perfumes in parallel and I refined the formula as much as possible to express what I wanted. “ With these two fragrances without genre, Francis Kurkdjian pushes distributors to rethink perfume presentation in departments. “We are fortunate to have our own boutiques and our own corners in Printemps and Galeries Lafayette. But the consequence of the evolution of gender in society will be complex for distribution. If we decide tomorrow that objects are no longer governed by the feminine or masculine gender where will things be put? “Asks the perfumer.
his opinion to the director Ciryl Teste, there was a misunderstanding. “I was talking to him about the concept of Gender Fluidity, but with our respective bad English accents, he understood Gentle Fluidity. It is therefore he who has unintentionally found the name of the perfume. It’s much better: in ten years, the concept of Gender Fluidity will be exceeded but I hope that perfumes will survive “ Creators are inspired by what they see, what they feel, to create. They do not necessarily change things, but they watch them. They take the pulse of society and give an aesthetic answer to life as it goes on. “A creator is connected to his time both from the inside, otherwise he cannot understand it, but also from the outside, which allows him to have a vision, says Francis Kurkdjian. This is the first time that a genuine social issue has challenged me with and that I wanted to confront it straight on. And I’m pretty proud of my story. “
This question, the house of LArtisan Parfumeur has already given an answer: all packaging, all shops have been redesigned and have become “gender free” without gender. A customer chooses the fragrance that attracts him intuitively without asking himself who it was designed for. “In the United States, the younger generations claim this non-separation of genders, says the perfumer. The pressure will become stronger and stronger. This is going to be a huge project to put in place. In my collection I Apom Homme et Apom Femme. What will I do with it? One day or another I will have to give an answer. “ The question raised by Francis Kurkdjian goes beyond the domain of perfume. In 1994, Calvin Klein launched the CK One eau de toilette, the first “unisex” fragrance, as such. The designer also dreamed of unisex fashion, cut in the same way for men and women. At the time it was mainly to save money on production costs: it is much cheaper to make everything on the basis of a single body type. Except that the designer was almost thirty years ahead of the time. “It was not the same statement: in the 1990’s, we were still girls and boys, even if we shared rules, clothes and perfumes, says the perfumer. Today, complexity comes from the desire to erase genres. I read in the New York Times the story of parents raising their children in a non-genre: they do not want to reveal their biological sex to give them the choice to self-determine later. Today everything is “gendered”, but maybe in fifty years we will be a human being who will be a man or a woman and who can have children with whom they want, in the way they choose. “ The two new eau de parfum of Maison Francis Kurkdjian should have been called Gender Fluidity, but when the perfumer asked
Gentle Fluidity fragrances will be on sale in January at Francis Kurkdjian boutiques in Paris, 5 rue d’Alger, 7 rue des BlancManteaux, on its corner at Printemps and Galerie Lafayette, and from February at authorized distributors.
Boy, la trace parfumée d’un homme aimé Le parfumeur Olivier Polge est entré dans la maison Chanel en 2013 et depuis il s’emploie à raconter des pans de la vie de Gabrielle Chanel avec des notes parfumées. En 2016, il lançait Boy, du nom du grand amour de la couturière. Mais comment faire entrer une histoire d’amour dans un flacon? Isabelle Cerboneschi
L’actualité parfumée de Chanel cette année,
c’est la sortie des eaux Paris-Deauville, ParisBiarritz, Paris-Venise. Des fragrances qui sont une sorte de biographie en raccourci de la vie de Gabrielle Chanel. Olivier Polge, le créateur des parfums Chanel, a choisi de saisir les moments clefs, ceux qui ont permis à la jeune femme qu’elle était de prendre l’ascenseur social et devenir le nom le plus connu de la mode. Il l’a saisie à ses débuts, trois ans après qu’elle a monté son premier atelier de modiste au 21 rue Cambon: il la personnifie lorsqu’elle crée sa première boutique à Deauville, puis celle de Biarritz avec ses ateliers, Il scande des moments heureux de sa vie, notamment ses voyages à Venise avec ses amis Misia et José Maria Sert. Des moments comme autant de paliers qui la mèneront au succès.
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Mais ce n’est pas cette histoire de réussite que j’avais envie d’explorer aujourd’hui. Il est un épisode plus personnel de sa vie, beau, douloureux et essentiel, sa plus belle et plus triste histoire d’amour, celle qu’elle a vécue avec Arthur Capel surnommé Boy et qui a donné lieu au parfum Boy, lancé en 2016. Au bord l’ancienne route nationale 7, à Pugetsur-Argens, en France, un monument
composé d’une croix posée sur trois marches et perdu dans une zone industrielle, arbore cette épitaphe : « A la mémoire du capitaine Arthur Capel, légion d’Honneur de l’armée britannique, mort accidentellement en cet endroit le 22 décembre 1919 ». Gabrielle Chanel et Boy Capel s’étaient connus à Royallieu, propriété d’Etienne Balsan. L’homme aimait la vie joyeuse et légère. Chez lui se côtoyaient le grand monde et le demimonde. Boy Capel partageait avec son ami l’amour des chevaux. Et rapidement, celui de Gabrielle Chanel. Balsan s’est effacé devant Capel. Ce dernier a donné à la jeune femme la culture qu’elle n’avait pas reçue: le goût de l’art, de la lecture, du monde des symboles et de l’ésotérisme. Le goût de l’amour aussi. « C’est le seul homme que j’ai aimé. (…). Je ne l’ai jamais oublié. Il fut la grande chance de ma vie; j’avais rencontré un être qui ne me démoralisait pas. Il avait une personnalité très forte, singulière, une nature ardente et concentrée; il m’a formée, il a su développer en moi ce qui était unique, aux dépens du reste. »* Boy Capel fut l’homme qui crut en elle. En 2010, il lui a prêté la somme d’argent nécessaire pour qu’elle installe son atelier de modiste à l’étage, au 21 rue Cambon, puis de quoi ouvrir sa première boutique à Deauville trois ans plus tard. Somme qu’elle lui a remboursé intégralement, ne souhaitant pas être entretenue par quiconque. « Je croyais t’avoir donné un jouet, je t’ai donné la liberté », lui dira-t-il alors. En 1918, malgré les sentiments qui les lient, il fait un mariage de raison et épouse Diana Wyndham, née Lister. qu’il épouse en 1918. Il lui fera un enfant. Le second est en route. D’après les rumeurs, Boy Capel était proche du divorce en décembre 1919, souhaitant s’installer avec la femme qu’il aime. Le 22 décembre, sur une route de campagne, une Rolls Royce roule à vive allure. Le pneu éclate. La voiture bascule dans le fossé. Le chauffeur est blessé mais Boy Capel perd la vie dans l’accident. Gabrielle Chanel, prévenue, prend immédiatement la route, mais arrive trop tard: le cercueil avait déjà été fermé. Les obsèques furent célébrées le lendemain, à Fréjus avec les honneurs militaires dus à un commandeur de l’Ordre de l’empire britannique. «Je perdais tout en perdant Capel», dira-t-elle des années plus tard. C’est elle qui a fait édifier la croix qui borde la RN-D7. Elle est venu la fleurir pendant des années. La stelle, longtemps laissée à l’abandon et ternie par les ans et l’oubli, vient d’être restaurée. Comment faire rentrer toute cette histoire d’amour qui finit mal, le souvenir de cet homme follement aimé, dans un flacon? Olivier Polge s’est inspiré des images de
l’époque, qui dévoilaient l’élégance d’Arthur Capel, son panache lorsqu’il monte à cheval, son corps musclé, à la virilité étonnamment contemporaine, qu’il laisse bronzer au soleil lorsqu’il se rend à la plage à Saint-Jean-deLuz avec Coco Chanel. Le parfumeur a choisi de créer une fougère, cet accord classique de la parfumerie, avec ses notes intemporelles de lavande et de géranium, de coumarine et de mousse, qu’il a réchauffées de notes orientales, boisées (santal) et musquées. Il s’est intéressé à la note du géranium rosat, qui a des aspects à la fois féminins (la rose) et masculins (son côté menthe). Le parfum Boy, malgré son nom, n’est ni homme, ni femme. C’est peut-être ainsi, en créant un parfum sans genre, que l’on peut raconter le mieux cette histoire d’amour fusionnelle. Boy pourrait être le souvenir, la trace laissée par la caresse d’un homme sur la peau d’une femme aimée… Citation de Gabrielle Chanel extraite de L’Allure de Chanel de Paul Morand, éditions Hermann, 1996.
B comme Boy, comme Beau Chanel lance en novembre une courte ligne de maquillage pour les hommes baptisée Boy, du nom de l’amant de Gabrielle Chanel. Une initiative en phase avec notre époque où le genre est devenu un enjeu économique et politique. Isabelle Cerboneschi Je ne sais pas si Boy Capel se maquillait
comme les stars du cinéma muet: sur les photographies, on le voit l’œil charbonneux et le cheveu laqué, mais cela ne veut rien dire. Ce que je sais, en revanche, c’est que quinze ans après le lancement par JeanPaul Gaultier de sa ligne de maquillage pour hommes « Tout Beau Tout Propre » sur un marché pas encore prêt à la recevoir, Chanel lance un fond de teint, un baume à lèvres et un stylo à sourcils pour les hommes, qui portent le nom de Boy.
Les hommes, ou les femmes, pourront l’acheter en ligne dès novembre, sur le site de la maison, puis dans les boutiques Chanel dès janvier. Ces produits aux effets minimalistes, pensés pour embellir plus que pour maquiller, ont pour but d’entrer en douceur dans les routines cosmétiques des pour habiller ses clientes de haute couture. On assiste à un curieux inversement des règles. Depuis quelques années Karl Lagerfeld fait défiler sur les podiums des hommes portant des vêtements qui ne sont pas vendus dans le commerce, Pharrell Williams est l’ambassadeur masculin de la marque, Chanel crée des parfums pour hommes, des montres pour hommes, des après-rasage pour hommes et désormais une ligne de maquillage pour hommes. A quand la ligne de prêt-à-porter masculine? On s’en rapproche par cercles concentriques. hommes. On ne risque pas grand chose avec un baume à lèvres ou un crayon à sourcils. La ligne, encore timide, est en totale adéquation avec cette époque où l’on a tendance à flouter les frontières séparant les genres, jusqu’à parfois vouloir les effacer. Il faudrait d’ailleurs redéfinir les rayons hommes et femmes de certaines boutiques. Quelques parfumeurs l’ont fait. (Lire page 106) En lançant cette ligne, c’est comme si la maison faisait le chemin à rebours. Gabrielle Chanel empruntait aux hommes aimés leurs vestes de tweed et s’en inspirait pour habiller ses clientes de haute couture. On assiste à un curieux inversement des règles. Depuis quelques années Karl Lagerfeld fait défiler sur les podiums des hommes portant des vêtements qui ne sont pas vendus dans le commerce, Pharrell Williams vient de co-créer une collection capsule pour la marque, Chanel crée des parfums pour hommes, des montres pour hommes, des après-rasage pour hommes et désormais une ligne de maquillage pour hommes. A quand la ligne de prêt-à-porter masculine? On s’en rapproche par cercles concentriques.
Legion of Honour of the British Army, accidentally died in this place on 22nd ecember 1919”.
Boy; a scent that is traced back to a beloved man The perfumer Olivier Polge joined the House of Chanel in 2013 and since then he has been trying to tell Gabrielle Chanel’s life story with scent. In 2016, he launched Boy, a fragrance named after the great love of the couturière But how do you get a love story into a bottle?
The scent stories from Chanel this year, are
the perfumes Paris-Deauville, Paris-Biarritz, Paris-Venice. Fragrances that are a sort of short biography of the life of Gabrielle Chanel. Olivier Polge, the creator of Chanel perfumes, chose to capture the key moments; those that allowed this young woman to climb the social ladder in order to become the most famous name in fashion. He captured her from her beginnings, three years after she set up her first milliner’s workshop at 21 rue Cambon: he personified her when she created her first shop in Deauville and then that of the Biarritz workshop. He tells of the happy moments in her life, especially her trips to Venice with her friends Misia and José Maria Sert. Moments from the many steps that lead to her success. But it’s not the success story that I wanted to explore today. It is a more personal episode in her life, beautiful, painful and essential, the most beautiful yet saddest of love stories, one where she lived with Arthur Capel nickname Boy and which eventually gave rise to the perfume Boy; launched in 2016. At the edge of the old national road NR7, Puget-sur-Argens in France, a monument composed of a cross placed on three steps and lost in an industrial zone, sports the epitaph: “In memory of Captain Arthur Capel,
Gabrielle Chanel and Boy Capel had met at Chateau de Royallieu owned by Etienne Balsan, where Coco was “the irregular,” as mistresses were called at that time. Balsan was born into a wealthy family, in Châteauroux, owners of the Balsan textile factories which he inherited when his parents died . The man loved a joyous and luxury lifestyle. At his home high society and demi-monde lived side by side. His Friend Boy Capel shared a love of horses with Balsan.And quickly, that of Gabrielle Chanel too, because Balsan faded in front of Capel. The latter gave the young woman the culture she had not received; a taste for art, for reading, the world of symbols and esotericism. And the taste for love too. “He’s the only man I loved. (...). I never forgot him. He was the greatest piece of luck in my life; I had met a being who did not demoralise me. He had a very strong, singular personality, a fiery and concentrated nature; he taught me, he knew how to develop in me that which was unique”. Boy Capel was a man who believed in her. In 1910, he loaned her the money needed to set up her milliner’s workshop on the floor, at 21 rue Cambon, and then going on to open her first shop in Deauville three years later. All he spent she paid back in full, not wishing to be kept by anyone. “I thought I had given you a toy he said to her but I gave you your freedom”
In 1918, despite feelings that bound them, Arthur Capel made a marriage of reason with Diana Wyndham, born Lister. He gave her a child. A second was on the way. According to rumours, Boy was close to divorce in December 1919, wishing instead to settle with the woman he loved. On the 22nd of December, on a country road, a Rolls Royce drove at a brisk pace. A tire burst. The car roled into a ditch. The driver, was injured but Boy Capel lost his life in the accident. Gabrielle Chanel, advised immediately, took to the road, but arrived too late: the coffin had already been shut. The funeral was observed the following day, at Fréjus with full military honours due to Boy Capel having been a commander of the Order of the British Empire. “I was lost when I lost Capel”, she would say years later. It is she who built the cross which sits on the RN-D7. She ensured it bloomed for years. The stele, long neglected and tarnished by years of oblivion, has recently been restored. So how to fit all this love story that ended so sadly, the memory of this madly loved man in a bottle? Olivier Polge was inspired by the images of the time, which revealed the elegance of Arthur Capel, his panache when he rode, his muscular body, his surprisingly contemporary manhood, tanning in the sun when he
went to the beach in Saint-Jean-de-Luz with Coco Chanel. The perfumer chose to create a fougère; a classic accord in perfumery, with timeless notes of lavender, geranium, and moss, which he warmed with oriental, woody (sandalwood) and musky notes. He was interested in the note of Geranium rosat, which has both feminine (pink) and masculine (mint) aspects. The perfume Boy, despite its name, is neither male nor female. It is perhaps thus, by creating a unisex fragrance, that one can best tell this story of a fusional love. Boy could be the memory, the trace left by the caress of a man on the skin of his beloved woman ...
B like Boy, like Beau Chanel launched in November a small make-up collection for men called Boy, named after Gabrielle Chanel’s lover. An initiative in line with our era where gender has become an economic and political issue.
I do not know if Boy Capel used make-up
like the stars of the silent screen: in the photographs, we see the smoky eye and the lacquered hair, but that does not mean anything. What I do know, however, is that fifteen years after Jean-Paul Gaultier launched his men’s makeup line “Tout Beau Tout Propre” to a market not yet ready for it, Chanel is launching a foundation, a lip balm and an eyebrow pencil for men named Boy.
Men, or women, will be able to buy it online in November, via the Chanel website and then in the Chanel stores from January. These products have a minimal effect, designed to embellish more than to make up, aimed at entering gently into the cosmetic regime of men. You do not risk much putting on a lip balm or even an eyebrow pencil. The collection is in its infancy, in total alignment of a time when one tends to blur the borders separating the genres, until sometimes wants
to erase them. It could also redefine the men’s and women’s departments of some shops. Some perfumers did it. In launching this line, it is as if the house was going backwards delving into its history. Gabrielle Chanel used to borrow the tweed jackets of her lovers, and was inspired to dress her high fashion clients likewise. We are witnessing a curious reversal of the rules. In recent years, Karl Lagerfeld
has shown on the catwalks some men’s outfits that are not commercially available, during the women collections fashion shows. Pharrell Williams has just created a capsule collection for the brand. Chanel creates men’s perfumes, men’s watches, shaving cream, and now a men’s makeup line. When will the men’s ready-to-wear line come? It is approaching in concentric circles.
Page 110: Boy Capel et Gabrielle Chanel sur la plage à Saint-Jean-de-Luz, 1917. Photo: © Chanel Page 111: Parfum Boy, Les Exclusifs de Chanel. © Chanel Page 112: Haut: Gabrielle Chanel avec Boy Capel, circa 1910. © Chanel. Bas: Ligne de maquillage pour homme Boy de Chanel. © Chanel Page 113: Haut: Gabrielle Chanel et Arthur Capel (à gauche) et Étienne Balsan devant la boutique CHANEL rue Gontaut-Biron à Deauville en 1913. Photo: © Chanel. Bas: Photo: © Buonomo&Cometti Model: Tommaso Granata Make up: Boy Chanel - Maquillage homme, par Buonomo & Cometti
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Transformations de boudoir Le maquillage permet chaque matin de choisir qui l’on veut prétendre être une journée durant, entre deux confrontations avec son miroir. Le dernière ligne de maquillage Marc Jacobs est le parfait complice de cette métamorphose. Petit jeu autour du « je ». Jo Phillips, Londres
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Je suis la star de mon spectacle. Je me
transforme en une autre dans mon boudoir, écrin de velours rouge luxuriant, lieu de toutes les duperies féminines. Il est aussi rouge que mon coeur et orné de dorures. Un endroit où mon tabouret cramoisi me sert de piédestal et où la magie opère. Mon ancien moi entre en écho avec ce nouveau moi que me renvoie le miroir. Le moi du jour. La transformation a commencé. Tout d’abord ma base, de texture crémeuse, fine et presque élastique, de sorte qu’elle ne se fissure pas et ne révèle jamais ce que je veux cacher. Le masque doit être léger et n’exposer que ce que j’ai choisi de mettre à nu. Il s’appelle Re(marc)able Full Cover Foundation Concentrate, en couleur bisque clair. Un mica doré donne à mon teint un éclat naturel. Les pigments sont enveloppés dans de la lécithine qui donne l’illusion de la peau. Rien n’a l’air faux. Ce n’est finalement qu’une histoire lumière: une pâleur qui attire. Suivent mes yeux, bien sûr, qui sont certes la fenêtre de mon âme, mais aussi l’outil qui me permet d’observer le monde. Précieux, il doivent éblouir. Le Magic Marc’er Precision Pen Waterproof Liquid Eyeliner, un eyeliner waterproof, ressemble à un stylo de calligraphies. Il ne sèche jamais ni ne s’effrite. Les larmes éventuelles ne causeront aucun dommage à mon masque du jour. Pour habiller les paupières de manière éclatante, je m’empare de la palette Eye-Conic Frost Eye, en édition limitée, dans son boîtier léopard. Les teintes vont du nude aux nuées les plus sombres. Les chocolats et les gris m’aident à créer des ombres hypnotiques. Je peux voir le monde et le monde me voit. Passons aux joues. Pour les réchauffer et définir le contour de mon visage, j’ai besoin de mon Air Blush Soft Glow Duo dans mes teintes favorites: Lush et Libido. Les deux teintes se mélangent, ce qui permet de personnaliser la nuance et de garantir que les joues sont angulaires et douces à la fois. Suivent mes lèvres. Le Marc Lip Frost à la couleur Cher-ished, leur confère un miroitement rouge métallique, tout en les soignant comme un baume. Une couleur pour donner des baisers, car il s’agit aussi de cela: embrasser. Je prolonge le dernier battement de cils par le mascara volumateur O! Mega Lash aux huiles essentielles, qui nourrit les cils avec de la vitamine B5 et C. Et enfin, la touche finale: une ligne de l umière que je dépose sur ma peau avec le surligneur doré O! Mega Glaze All-Over Foil Luminizer. Je suis prête pour le spectacle: celui de ma journée. Prête pour jouer un rôle, le mien, ou plutôt l’une des facettes de moi-même.
Boudoir de Marc I am the star of my own show… make myself a star in my very own boudoir, my lush rouge velvet womb of delightful ladylike trickery; as red as my heart and trimmed in gilt. A place where my red velvet stool is my pedestal and where the magic happens in the reflection of my former self echoed by the mirror back at the new me; t he me of today.
red shimmer which enriches my lips whilst adding ultimate desire. They look, they stare, they desire but can’t touch… or maybe? Now for that final flutter of the black butterflies that are my eyelashes, extended by Velvet Noir Major Volume Mascara. a A superconcentrated black pigment which delivers superb impact, its smudge-proof and holds my lashes in place for never ending flutters to flit and flirt via my lids around the room. I’m ready to finish with warmth. A warm reflection of the heat in my heart and soul. Dusted lightly with my golden highlighter O!Mega Glaze All-Over Foil Luminizer. The final light touch to add a shimmer as glowing as my aura. Ready, lights action. Let the play begin because tomorrow is another act.
Firstly my base, creamy-textured, fine and almost elastic so that it never cracks to reveal what I want to remain hidden. The perfect light mask to hide yet still expose what I choose to bare. It’s my Shameless Youthful-Look 24H Foundation in Fair R150 which is oil-free, it is weightless and blends seamlessly. And with its patented Infinity Milling process the super-fine pigments give me oh an so a natural-looking, self-setting finish.I never look fake; I just draw people towards the dazzling pallor that is my skin. Next my eyes, of course my eyes: they are, as we know the window to my soul, but they are also the mechanism I have to gaze back out to the world. They must draw in and dazzle out. Magic Marc’er Precision Pen Waterproof Liquid Eyeliner is where I start drawing people in, a liner inspired by a calligraphy pen, long-lasting and never dry or crumbly; any tears needed during the outing are safe and will not run black against my alabaster skin. And now, to dress the lids with full lustre, I need my leopard-cased limited edition eye-conic Frost Eye Palette. Here are the tones from nude to darkest rusts, chocolates and greys which help me create the facets needed to mesmerise. I can see the world but also the world sees me. To warm my cheeks and set off my jawline I need my Air Blush SoftGlow Duo , with my chosen ‘flavour’ being Lush and Libido of course. The two tones in the case merge together so I can customise my colour shade and ensure that the cheeks are as sharp as a cheese-cutter. Angular and softly warm all at the same time. And now, my lips. I need to indulge these pillows with rich colour ripe for kissing, because it all comes down to kissing after all. Again, I dip into my bag of Leopard Frost and pull from it Le Marc Lip Frost lipstick called cher-ished - a frosted metallic, earthy
Marc Jacobs Leopard Frost, en édition limitée. En vente en exclusivité dans les magasins Harvey Nichols. Image Kezia Mary Hessam for .Cent Marc Jacobs adds Leopard Frost, (eye palette and lipsticks) a limited edition range exclusive to Harvey Nichols stores and also available at Harvey Nichols from 11th October. ww.harveynichols.com www.marcjacobsbeauty.com
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Sur le billard Photographe: Michèle Bloch-Stuckens
Photos: Michèle Bloch-Stuckens Model: Victoria Olloqui Make-up: Delphine Goichon @backstage Hair: Michaelangelo Marenco using Label M Photo Assistant: Janusz Klepacki Post production: Stéphanie Herbin @allimage.com Location: Chaleureux remerciements au « Billard Club Parisien », Les Halles in Paris (www. parisbillard.fr) Warmest thanks to the « Billard Club Parisien » des Halles à Paris (www. parisbillard.fr) Toute la lingerie par: Yasmine Eslami Manteau d’intérieur en soie: collection particulière Interior silk coat: private collection
La Bouche Rouge, une nouvelle maison de maquillage est née… A l’ère où le luxe se dématérialise, La Bouche Rouge redonne sa place à ce qu’il y a de plus précieux : inventer le futur. Son fondateur prône une beauté durable au sein d’un écrin de cuir. Lily Templeton, Paris
Le tube de rouge à lèvres est un «
objet de compagnie », comme l’appelle Nicolas Gerlier, fondateur de La Bouche Rouge, à la fois jeune pépite de l’entreprenariat cosmétique français et première « maison de maquillage», que tous ou presque ont eu entre les mains sans qu’il ne laisse véritablement de trace de lui-même. Un simple conteneur, souvent en plastique, qui pourtant renferme plus qu’une couleur, mais aussi une image, un souhait, voire même la promesse qu’une femme se fait à elle-même. A 38 ans, cet ancien soliste de l’Opéra de Paris, diplômé en finance et en histoire de l’art, fait partie de cette génération qui a pris conscience des excès commis, qui « refuse le gâchis et réclame du sens. » Et qui, pour faire face à cette responsabilité qu’elle ressent profondément, n’hésite pas à retrousser les manches. Bien avant de fonder La Bouche Rouge, l’idée de réconcilier luxe et éco-responsabilité le taraudait, car père de 3 enfants, il se demande ce qu’il se passera, au train où vont les choses, dans 50 ans. Il a donc quitté une carrière prometteuse dans le marketing à la division luxe du groupe L’Oréal, où il a travaillé autour des marques Lancôme et Armani car « je ne ressentais plus l’alignement avec mon métier et l’exigence que je voulais y donner, » explique-t-il simplement, sans jugement. En septembre 2016, il fait la rencontre d’Ezra Petronio, un touche-à-tout de
génie ayant fondé le magazine culte SelfService, un esthète qui aime la technologie, le futur. Le projet prend forme autour d’une idée radicale: encourager une décroissance de la consommation en créant le « désir d’acheter moins pour acheter mieux ». Il faudra un nom, pour donner vie et forme à l’intuitif, et lui insuffler un pouvoir. Ce sera «la bouche», pour symboliser la prise de parole que représente une marque, puis « rouge », couleur de séduction, de prospérité, de vitalité. De révolution aussi. Le terme de « maison de maquillage», qu’il a déposé, n’est pas tant une référence au luxe qu’offre un écrin en cuir pour un produit de beauté, qu’une manifestation de cette volonté singulière d’installer. De ne pas être une marque, avec ce que cela peut comporter d’opportunisme. Il fallait un objet à la hauteur de la tâche. Ce sera le rouge à lèvres. « 22 milliards de chiffre d’affaires et personne n’en avait jamais fait un objet de luxe, » glisse-t-il volontiers. Si les magnifiques écrins en métal doré d’Estée Lauder, les écrins laqués de Chanel et de Dior, ou les créations joaillères serties de pierres précieuses que les femmes fortunées commandaient place Vendôme existent de longue date, personne n’avait encore imaginé un objet pour esthète éco-responsable à la quotidienneté bénéfique, pour l’humain comme l’environnement. Conscient du défi qui attend sa jeune entreprise, mais à plus grande échelle la société, Nicolas Gerlier n’est pas allé chercher le tremblement de terre d’une disruption visible, gageure si chère à la
technologie, préférant faire de l’argument d’éco-responsabilité une évidence qui séduit. « Ma volonté était de revenir à des objets de la vie quotidienne qui durent et d’arrêter d’avoir des objets de consommation courante, des jetables. » Le résultat n’a rien d’éphémère. Niché dans un coffret en papier blanc entièrement recyclable se trouve un élégant cylindre de métal gainé de cuir, qui au fil du temps sera marqué d’éraflures, « les marques d’une vie». Il se referme sur un raisin avec le claquement discret d’une voiture de luxe. Le cuir est donc patrimonial, travaillé par un
atelier alsacien qui fournit déjà les meilleurs sellliers. La gamme chromatique est développée avec la complicité des signatures comme la maquilleuse Wendy Rowe, les influentes Chloë Sevigny ou Anja Rubik car « demander à quelqu’un de réfléchir à un objet qui l’accompagne n’est pas anodin ». Les vrais changements sont invisibles et pourtant fondamentaux. Les recharges, développées en Bretagne, ne comportent pas ces micro-plastiques destructeurs d’océans. Les procédés de fabrication sont brevetés et inspirés de l’industrie pharmaceutique, comme il sied à une jeune maison hébergée au sein de Station F, l’incubateur du visionnaire Xavier Niel, soutenue par LVMH
Recherche et primée pour son innovation. Les pigments sont novateurs, infusés dans des huiles, dosés au microgramme près. Les formules sont émollientes, nourrissantes, saines car dépourvues de tout composé chimique soupçonné d’être un perturbateur endocrinien. « Je veux que plus on applique du rouge à lèvres, mieux c’est. » Plus tard, il y aura d’autres objets rechargeables, une application pour smartphone permettant de commander une couleur unique, mais aujourd’hui Nicolas Gerlier veut prendre le temps de bien faire. Parce qu’il est en train d’« inventer le futur de la tradition. » De remettre un meilleur futur entre nos mains, donc.
Le rouge du pouvoir Honni, vénéré, objet de culte et de thèse, jamais pommade n’aura autant déchainé les passions que ce qui se nomme communément le rouge à lèvres, qui continue après plusieurs millénaires d’existence à exciter convoitise, révulsion et symbolisme.
Lily Templeton, Paris si les français le nomment volontiers
bâton, voire raisin – en souvenir du fruit anciennement très utilisé en ingrédient – pour les discours les plus élégants, le terme « bullet » – balle de munition – utilisé par les anglo-saxons résume sans doute mieux toute la dangerosité de ce qui est moins produit cosmétique qu’un concept. Tous les vices et toutes les vertus ont été prêtés à ce trésor avec lequel la Dame d’Ur se faisant ensevelir plusieurs millénaires avant notre ère : signe de reconnaissance des prostituées, clause d’annulation de mariage, analogie à l’anatomie féminine, symbole de courage face à l’adversité, éternel féminin... et désormais, masculin et inclusif (lire page 110) Pour comprendre sa place sur nos lèvres, il faut peut-être remonter les méandres du temps,chercher au-delà de toute civilisation jusqu’à l’origine même de notre espèce, et à l’émergence de notre perception visuelle. Première couleur que nos yeux ont perçue, il forme avec le blanc et le noir, ses véritables opposés, la trichromie visuelle archaïque, un rare élément commun à toutes les civilisations. Et très vite, cette couleur suspendue entre lumière et obscurité concentre en elle toute l’ambivalence émotionnelle du sang, dès que les champs sémantiques remplacent les champs chromatiques. Pas étonnant que l’arborer sur ses lèvres transfère, au propre comme au figuré, toutes ces connotations et contradictions en plein milieu du visage. Dans les années 2000, Leonard Lauder, le président du conseil d’administration de la firme Estée Lauder, avait constaté une augmentation des ventes de cosmétiques, alors que l’économie était en récession. Il en avait déduit que les ventes de produits de maquillage, notamment de rouge à lèvres, pouvaient constituer un indicateur économique. Il l’a baptisé « l’indice rouge à lèvres » ou « lipstick index », un indice décrié comme étant sexiste. Mais plus qu’un indicateur économique, le alternant entre produit de luxe et subterfuge de catin, mixture d’alchimiste et symbole
consumériste. « Des talons et un rouge à lèvres rouge feront naître une crainte divine chez les gens, » disait Dita von Teese dans les pages du New York Times. Finalement, la reine Elizabeth 1ère d’Angleterre avait peut-être raison de prêter des vertus magiques à ce fil rouge qui vient dessiner nos lèvres.
A make-up house is born In an era when luxury is fading, La Bouche Rouge shines a light on something most precious: inventing the future. Its founder promotes lasting beauty inside a leather case. Nicolas Gerlier, founder of French cosmetics start-up and first “makeup house” La Bouche Rouge, calls the tube of lipstick a “companion object”, one of those invisible items that nearly everyone has handled without even noticing them. This cylinder often made of plastic holds more than just a colour: but also an image, a projected vision of the self, that feels like a promise a woman has made to herself. At 38 years old, this former Paris Opera soloist, a Finance and Art History graduate, is part of a generation that “refuses waste and demands meaning,” having become keenly aware of the environmental excess it has both inherited and committed. A generation that is not above rolling up its sleeves to do something about this self-appointed responsibility it feels deeply about. Before founding La Bouche Rouge, the need to reconcile luxury and environmental responsibility was on Gerlier’s mind. As the father of three young children, he was left wondering how things would be in 50 years, if we were to keep going down that road. So he left behind a promising marketing career at a luxury division of L’Oréal, where he handled brands like Lancôme and Armani, because “I no longer felt an alignment between my occupation and the high standards I wanted to set for myself”, he explains without an ounce of judgment. In September 2016, he met Erza Petronio, a polymathic genius who founded the cult magazine Self-Service, an aesthete who loves technology and the future. The idea of encouraging a decrease in consumption by creating the “desire to buy less but to buy better quality” became a project that would be called – since naming gives tangible life to an intuition but also confers power – “La Bouche Rouge” or the Red Mouth, after the organ that best symbolises the ability to speak up and a colour often associated with seduction, prosperity, vitality – revolution, too. The name “maison de maquillage,” meaning makeup house, an imitation of the original perfume houses, is not only a reference to the obvious luxury of a leather-covered
holder for cosmetic products. But it is also a manifestation of Gerlier’s desire to lay down foundations and to be more than just a commercial brand, smacking of opportunism. All he now needed was the perfect object to embody this purpose. He chose the lipstick. An industry with “A turnover of 22 billion, and no one had ever made this object into this kind of luxury item,” he said. The beautiful gold metal cases from Estée Lauder, the lacquered tubes by Chanel and Dior, and those fine jewelry creations encrusted in gemstones made by the Place Vendôme’s finest have long existed. But never had anyone imagined an everyday object that could appeal to ecologically-minded connoisseurs and contain a product with long-term benefits, for humans as well as the environment. Aware of the challenges facing his fledgling company, and on a larger scale society itself, Nicolas Gerlier didn’t seek out to visibly disrupt the industry, his preferred route being transformative high technologies, he instead sought to change the environmental responsibility argument into a fact already built into a wonderfully seductive item. “My desire was to return to everyday objects that last and to stop having disposable consumer products.” The resulting object is anything but disposable. Nestled in a fully recyclable paper white box is a sleek cylinder of metal wrapped in handsome leather that will bear, over time, “the marks of a lifetime.” It shuts with the same discreet click as that of a luxury car. The leather is of heritage grade, the work of an Alsatian workshop already supplying the best houses. The colour range is developed with the support of household names like British makeup artist Wendy Rowe, actress Chloë Sevigny and model Anja Rubik because “asking someone to think about an object that accompanies them is not a trivial question.” The real changes are invisible and fundamental. The refills, developed in the French region of Brittany, do not contain those destructive micro-plastics that devastate oceans. The manufacturing processes are patented and inspired by the pharmaceutical industry in keeping with the young award-winning house hosted by Station F, the incubator of tech visionary Xavier Niel, and supported by LVMH Research centre. The pigments are innovative, infused in oils, measured to the closest microgram. The formulas are emollient, nourishing, devoid of any chemical suspected of being an endocrine disruptor. “I wanted to make it so that the more lipstick you apply, the better.”Other rechargeable items are in the works, such as a smartphone application where a unique custom colour can be ordered, but they won’t be here overnight. Nicolas Gerlier wants to take the time to do things right. He is “inventing the future of tradition” by quite literally placing a better future in our hands.
Red Power Feared, revered, a must-have or thesis subject, never has another pomade matched the desire, revulsion and symbolism as the red lipstick has and still unleashes several millennia after its invention. If the French name is stick, or “raisin” (fresh grape) – harking back to the fruit that was once used as an ingredient – in elegant circles, the English term “bullet” better sums up the danger contained in what is less of a cosmetic product than a concept. Every possible vice and vertue has been ascribed to this treasure with which the Queen of Ur insisted on being buried thousands of years before our time: a scarlet mark of prostitutes, grounds for an annulment, a crude reference to the female anatomy, a sign of courage in the face of adversity, symbol of eternal femininity… and masculinity in our inclusive age It’s importance on our lips goes back to the dawn of time itself, predating any civilisation, to the very origin of humanity and our visual perceptions. The first colour detected by our evolving eyes, the trichromatic set it forms
with white and black, its true opposites, is a rare commonality between all civilisations. Soon, this hue suspended between darkness and light concentrated our species’ ambivalent emotional relationship to blood, expressed at the very moment semantic fields replaced chromatic ones. No wonder that wearing a slash of red on our lips throws its implications and complications right in our faces. Here’s one: in the early 2000s, Leonard Lauder, then chairman of Estée Lauder, noted that cosmetics – lipsticks in particular – were the one luxury women turned to when the economy flagged and coined the term “lipstick index” for this economic indicator which has since been discredited and lambasted as sexist. More than a sign of economic health, red lipstick would be more of a civilisational pointer, as it swings between a luxury product and harlot’s trick, alchemical potion and consumerist symbol. “Heels and red lipstick will put the fear of God into people,” said Dita von Teese in the New York Times. Maybe Elizabeth I of England had the right idea when she ascribed magical virtues to this red-hot commodity.
Page 122: Photo: Michèle Bloch-Stuckens Model: Claire Guéna @ OUI management Paris. Make-up: Angile Moullin @B-agency. Hair: Clément Nataf. Post-production: Stéphanie Herbin @alimage.com Page 124: © La Bouche Rouge
Arts Chapitre six
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Le retour de Melissa George sur les écrans. Interview Luc Bruyère, danseur, acteur, scénariste et mannequin: la vie d’un polyartiste en polyamour
wallpapers: © Charlotte Jade
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“I’m back!” Après une interruption de deux ans Melissa George revient en force sur les écrans. L’actrice australienne, qui est aussi l’une des ambassadrices de la maison de couture Schiaparelli, parle du rôle du costume dans le cinéma, mais pas que… Isabelle Cerboneschi, Paris Photos & Style: Buonomo & Cometti
Les trajectoires ne sont pas toujours linéaires et celle de Melissa George a connu une interruption de deux ans, « pour des raisons personnelles ». Cette rupture de ligne lui a permis mieux revenir: plus forte, plus sensible et « meilleure actrice », dit-elle.
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La comédienne australienne a choisi de s’épanouir dans le rôle de mère avant de se montrer sur les écrans. Cette année, elle revient en force: elle a tourné dans Don’t Go, dirigé par David Gleeson, un thriller psychologique, dans The Butterfly Tree, dans lequel elle joue une danseuse burlesque montée sur patins à roulettes (elle fut championne de patin) et The First, la série TV qu’elle a tournée avec Sean Penn et qui se déroule dans un futur proche, autour de la première mission humaine sur Mars.
Sean Penn joue le rôle d’un astronaute - Tom Hagerty - qui va être projeté à des millions de kilomètres de sa famille et de ses problèmes. Melissa Georges joue également un rôle dans le prochain Star Trek. Depuis plusieurs saisons, je la vois assise au premier rang des défilés Schiaparelli, dont elle est l’ambassadrice. Pour le premier numéro de ALL-I-C, Melissa George a accepté de poser dans les robes rose Shocking de la maison, sans maquillage, arborant simplement sa beauté, sans masque. Nous nous sommes retrouvées dans le jardin du Palais-Royal, mêlant l’anglais et le français, qui est devenue la langue de son quotidien. Au cours de la conversation, elle évoque le rôle que joue le costume au cinéma, mais pas que…
I.C: J’ai appris que vous aviez un rôle dans le dernier Star Trek? Melissa George: Tout ce que je peux vous dire c’est que je joue le rôle d’une Terrienne qui s’appelle Vina. Son vaisseau a eu un accident sur Talos: elle a survécu mais elle est entièrement défigurée. Les Talosiens lui rendent sa beauté et lui donnent le choix: soit elle reste sur Talos telle qu’elle est, soit elle repart sur Terre, mais comme elle fut, entièrement détruite. Je n’avais jamais vu de tels décors de ma vie! Dans certains films, vous vous appuyez contre le mur et il tombe! Dans Star Trek, tout était en acier et en marbre, magnifiquement réalisé. Je ne peux évidemment pas révéler l’intrigue mais quand j’ai vu Mr Spock et que j’ai dû dire mon texte devant lui, j’ai éclaté de rire. Je n’ai jamais pensé qu’un jour dans ma carrière je m’adresserais à Spock et à ses oreilles pointues! Vous avez interrompu votre carrière pendant deux ans: dans quel état d’esprit revenez-vous? Je me suis octroyé deux ans “off” pour des raisons personnelles. Pendant ces deux années j’ai eu peur, j’ai souffert, j’ai dû apprendre l’humilité. J’ai traversé beaucoup d’épisodes trop beaux pour être vrais. Et mon père me dit souvent: « quand c’est trop beau pour être vrai, c’est certainement le cas. » Mais en revenant sur les tournages, je me rends compte que je suis devenue une bien meilleure actrice, car je suis arrivée avec toutes ces émotions vécues ces derniers deux ans. Être une actrice, c’est transmettre des émotions, or si vous n’avez rien à donner, vous jouez dans le vide. Je suis beaucoup plus calme sur un plateau car j’ai pris le temps de prendre soin de mon cœur. «I’m back! », c’est tout ce que je trouve à dire.
Qu’est-ce que ces deux années ont fait de vous?
Je n’ai pas changé. Je fume toujours, car je vis à Paris et qu’ici tout le monde fume. Dans cette ville, on apprend à souffrir et à perdre avec style: il n’y a qu’à regarder toute cette beauté qui nous entoure. Ma plus grande force, ce sont mes deux enfants. Je les ai regardé grandir. J’adore les accompagner à l’école le matin, les préparer, les coiffer. On atteint une forme de bonheur quand on arrête de rêver pour soi et que l’on souhaite le meilleur pour ceux que l’on aime. Mon manager m’a donné un conseil magnifique: quand on l’appelait pour me proposer du travail, durant cette période, il répondait: elle est en train de réussir sa vie personnelle. Et étonnamment, cela a eu un effet positif sur ma vie professionnelle. Dans quel sens? Quand vous faites une pause, dans ce métier, vous arrêtez de vous inquiétez, de vous demander pourquoi vous n’êtes pas déjà montée au pinacle. Vous créez un mystère. Les personnes se demandent où vous êtes passée et c’est une forme de pouvoir. Quand je suis revenue, j’ai choisi de ne tourner qu’avec Sean Penn, l’un des plus grands
acteurs du moment, dans The First, une série extraordinaire. Il y joue le rôle d’un astronaute en mission pour Mars et je joue la femme qu’il aime depuis dix huit ans. Quand il revient sur Terre après dix huit ans, ils se retrouvent. C’est une histoire tendre, tragique, belle. Quand vous tournez, est-ce que le costume vous aide à entrer dans un rôle? Oui. Je travaille mes rôles à la maison, les dialogues, l’accent, mais le premier essayage est un grand jour pour une actrice. Selon le film sur lequel vous travaillez, vous côtoyez certains costumiers qui ont gagné un Oscar. Ce sont des personnes qui vont trouver le moyen de donner un contour au personnage, ce qui va vous aider dans votre rôle. C’est un processus qui peut durer des jours entiers car il faut attendre l’approbation du réalisateur, du producteur, des studios. Il arrive que le studio déteste tel costume, que le réalisateur adore, et que l’actrice refuse de le porter (rires). Pour Star Trek par exemple, cela fut un processus fastidieux: j’aurais personnellement préféré porter une autre tenue, plus adaptée à la forme de mon corps, mais j’accepte toujours le costume que l’on choisit pour moi car il y a une raison à cela. Et justement, le producteur a choisi une pièce qui correspondait parfaitement à la couleur du décor, et ce choix était finalement parfait. Le fait d’ôter le costume vous rend-il immédiatement à vous-même? Je suis toujours soulagée de sortir du personnage après une journée de tournage. J’accomplis toujours le même rituel: je quitte mon costume, j’enfile mes propres vêtements et je passe ensuite sur mon visage une serviette chaude parfumée à la lavande. Une manière de quitter mon costume mais aussi toutes les résidus du maquillage. Émotionnellement, le personnage m’habite encore, mais cela ne se voit plus de l’extérieur. Je suis de toutes les façons épuisée et je vais me coucher, mais je reste dans le rêve jusqu’à la fin du tournage: je n’ai pas envie de troubler le personnage. Au réveil, je retourne sur la chaise de maquillage, au bout de trois heures je suis prête, je me rends sur le plateau pour tourner, je me démaquille, je vais me coucher, et cela recommence pendant trois ou quatre mois. Vous êtes l’une des ambassadrices de Schiaparelli, quelle est votre perception de la marque? C’est une histoire d’amour. Bertrand Guyon est un génie: chaque vêtement qu’il dessine raconte une histoire. Bien sûr que j’aime aussi les pièces classiques et les sacs Hermès, mais de Schiaparelli je pourrais tout porter. J’adore me rendre aux essayages. C’est un comme une maison privée: vous passez la porte, vous montez à l’étage, et vous êtes reçue dans un appartement empli de souvenirs d’Elsa Schiaparelli par les couturières en blouse blanche. Une fois que l’on a fait le pas, on ne recule plus jamais: quand vous portez du Schiaparelli, c’est pour toujours. J’ai porté une robe longue asymétrique lors de la soirée de lancement
de la série « The First ». J’étais à Los Angeles et néanmoins, j’avais le sentiment d’avoir emmené Paris avec moi. Comment avez-vous rencontré Bertrand Guyon? Grâce à Connie Filippello, qui possède une agence de communication à Londres. C’est une grande: elle a représenté Gianni Versace, Jean-Paul Gaultier, George Michael et tant d’autres. Elle fait son métier d’une manière old school et prend soin de moi comme le ferait une mère. Elle m’a présentée à Bertrand Guyon, j’ai été conviée au défilé, et voilà comment tout a commencé. Quelle est votre relation personnelle avec votre garde-robe: jouez-vous avec vos vêtements? Tous les jours je trie, je plie, je joue à être la conservatrice de mon dressing. J’adore les pièces classiques et fortes des créateurs, et parfois je retrouve mes vêtements dans les musées, comme ce manteau de cuir, qui était exposé lors de la dernière exposition dédiée à Margiela. J’ai découvert que c’était une pièce de collection or je l’avais porté la semaine précédente pour aller à la ferme. Sur un portant, je place tous les vêtements que je vais mettre dans la semaine, et tous les matins, de lundi à dimanche, mon look est prêt. Quel vêtement un peu étrange aimez-vous particulièrement? J’adore porter des turbans! Je possède des pièces vintage de Pucci des années 1970. Quand je rencontre un homme, c’est un signe: si il n’aime pas mes turbans, qu’il trouve cela bizarre, je sais que la relation ne pourra pas durer (rires). Je possède aussi un manteau Chanel des années 1980, avec les épaules très larges, dans une couleur jaune fluo que j’adore. Je le porte avec mes turbans, mes lunettes de soleil, et du rouge à lèvres. En posant pour cette série d’images avec les photographes Buonomo & Cometti, était-ce comme jouer un rôle? J’adore raconter des histoires, dans mes films, mais aussi à travers des photos. C’est un défi car je dois transmettre une émotion sans bouger et sans parler. Travailler avec Buonomo & Cometti, c’est comme être en famille. J’adore leur travail, ils sont tellement créatifs, ils photographient tous les deux en même temps et réussissent ainsi à obtenir ainsi des images avec différents angles. Vous ne savez jamais qui favoriser de votre regard, ni qui aura fait la photo, à part eux-mêmes.
Photos & Style: Buonomo & Cometti Muse: Melissa George Page 128: Collection couture été 2016 Page 130: Collection couture automne/hiver 2015 Page 131 et 133: Collection haute couture automne/hiver 2018-19
After a two-year hiatus Melissa George is back on the screens. The Australian actress, who is also one of the ambassadors of the fashion house Schiaparelli has agreed to pose for the first issue of ALL-I-C. She talks about the role of costume in the cinema, but not only that ...
in the role of being a mother before returning to the screen. This year, she is back with force: she appeared in “Don’t Go” directed by David Gleeson, a psychological thriller, in “The Butterfly Tree”, in which she plays a burlesque dancer on roller skates (she was skating champion) and “The First”, the TV series she shot with Sean Penn, taking place in the near future, about the first human mission to Mars. Sean Penn plays the role of an astronaut - Tom Hagerty - who gets projected millions of miles away from his family and his problems. Melissa George is also playing a role in the next “Star Trek” .
Some paths in life are not always linear and in the case of Melissa George, hers has been interrupted for two years, “for personal reasons”. This break has allowed her to come back better: stronger, more sensitive and “a better actress,” she says.
For several seasons I see her sitting in the front row of the Schiaparelli shows, of which she is the ambassador. For the first issue of ALL-I-C, Melissa George agreed to pose in the house’s “Shocking” pink dresses, without makeup, without any mask.
The Australian actress has chosen to flourish
We ended up in the gardens of the Palais
“I’m back!”
Royal, mixing English and French, which has become the language of her daily life. During the conversation, she talks about the role that the costume plays in the cinema, but not just that … I. C: I learned that you had a role in the most recent Star Trek film. Melissa George: All I can tell you is that I played the role of an inhabitant of Earth, named Vina. Her ship had an accident on Talos: she survived but she is completely disfigured. The Talosians give her back her beauty and give her the choice: either she stays on Talos as she is, or she goes back to Earth, but as she was after the accident, completely destroyed. I had never seen set décor like it in my life! In some movies, you lean against the wall and it falls over! In Star Trek, everything was beautifully made of steel and marble. I obviously cannot reveal the plot but when I saw Mr Spock and had to say my lines in front of him, I burst out laughing.
I never thought that one day in my career I would talk to Spock and his pointy ears! You halted your career for two years: in what state of mind are you returning? I gave myself two years off for personal reasons. During these two years I was afraid, I suffered and I had to learn humility. I went through a lot of episodes too good to be true. And as my father often tells me, “When it’s too good to be true, it certainly is. But when I came back to filming, I realised that I had become a much better actress, because I came with all these emotions from the past two years. Being an actress means when we In what way? When you take a break, in this business, you stop worrying, wondering why you are not already at your peak. You create a mystery. People are wondering where you’ve been and it’s a form of power. When I came back, I chose to only shoot with Sean Penn, one of the biggest actors at that moment, in an extraordinary series “The First”. He plays the role of an astronaut on a mission to Mars and I play the woman he has loved for eighteen years. When he comes back to Earth after these eighteen years, they meet again. It’s a tender, tragic, beautiful story.
transmitting emotions, but if you have nothing to give, you are acting in a void space. I am very calm on the surface because I took the time to take care of my heart. “I’m back! That’s all I can say. What have these two years done for you? I didn’t change. I still smoke, because I live in Paris and here everyone smokes. In this city, one learns to suffer and to lose with style: all that is needed is to look at all the beauty which surrounds us. My greatest strength has been my two children. I have watched them growing up. I love to accompany them to school in the morning, to dress them, to do their hair. We reach a form of happiness stop dreaming for ourselves and we can wish the best for those we love. My manager gave me some wonderful advice: when people called him with work to offer me during this period of time off, he would reply: she is currently succeeding in her personal life. Surprisingly, it had a positive effect on my professional life.
When you act, does the costume help you get into a role? Yes. I work on my parts at home, the dialogues, the accent, but the first fitting is a great day for an actress. Depending on the movie you’re working on, you’ll get to work with some Oscar winning costume designers. These are people who will find a way to outline the character, which will help you in your role. It’s a process that can take days to complete because you have to wait for the approval of the director, the producer, the studios. Sometimes the studio hates a costume, which the director loves, and the actress refuses to wear it (laughs). For “Star Trek” for example, it was a tedious process: I would have personally preferred to wear another outfit, more adapted to the shape of my body, but I still accepted the costume that was chosen for me because there was a reason for it. And in fact, the producer chose an outfit that matched perfectly with the set, and his choice was, in the end, perfect. Does taking off the outfit, immediately bring you back to yourself? I am always relieved to leave the character after a day of filming. I always perform the same ritual: I take off my costume, I put on my own clothes and I then use a hot towel perfumed with lavender on my face. It is a way to leave my costume but also all the makeup residues. Emotionally, the character still lives in me, but that is not visible from the outside. In any case, I’m exhausted, and I go to bed, but I stay in this dream-world until the end of the production: I do not want to disturb the character. When I wake up, I return to the makeup chair, after three hours I’m ready, I go back on set to play a part, I remove the makeup, I go to bed, and it starts all over again for three or four months.
You are one of Schiaparelli’s ambassadors, what is your perception of the brand? It’s a love story. Bertrand Guyon is a genius: every piece of clothing he creates tells a story. Of course, I also like classic pieces and Hermès bags, but from Schiaparelli I could wear everything. I love going to fittings. It’s like a private house: you pass through the door, you go upstairs, and you’re welcomed into an apartment filled with memories of Elsa Schiaparelli. You are received by the tailors and dressmakers wearing white coats. Once you have taken that step, you never go back: when you wear Schiaparelli, it’s forever. I wore an asymmetrical long dress at the launch party of the series “The First”. I was in Los Angeles and still, I felt like I took Paris with me. How did you meet Bertrand Guyon. Thanks to Connie Filippello, who owns a public relations agency in London. She is part of the great ones: she represented Gianni Versace, Jean-Paul Gaultier, George Michael and so many others. She does her job wonderfully, in an old school way and takes care of me like a mother would. She introduced me to Bertrand Guyon, I was invited to the show, so that’s how it all started. What is your personal relationship like with your wardrobe: do you play with your clothes? Every day I sort, I fold, I play like I’m the curator of my dressing room. I love the classic and the strong pieces by designers, and sometimes I find my clothes in museums, like this leather coat I have, I saw exhibited during the last exhibition dedicated to Margiela. I discovered it was a collector’s item and I had worn it the week before, to go to a farm. Each week I curate my looks: I put all the clothes I want to wear on a hang rail and I chose one look per day, every morning from Monday to Sunday, my look is ready. What is the strangest garment you like that you can find in your wardobe? I love to wear turbans! I own vintage Pucci pieces from the 1970’s. When I meet a man, it’s a sign: if he does not like my turbans, and he finds it weird, I know that the relationship can never last (laughs). I also have a 1980 Chanel coat, with very wide shoulders, in a neon yellow colour that I love. I wear it with my turbans, my sunglasses, and lipstick. By posing for this series of images with photographers Buonomo & Cometti, was it like playing a role? I love telling stories, in my films, but also through photos. It is a challenge because I have to transmit an emotion without moving and speaking. Working with Buonomo & Cometti is like being with your family. I love their work, they are so creative, they both photograph at the same time and manage to obtain images with different angles. You never know who to look at, or who will have taken the picture, of course apart from them.
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Luc Bruyère, polyartiste en polyamour Danseur, comédien, scénariste, mannequin, Luc Bruyère a ajouté tellement de cordes à son arc que celui-ci ressemble plutôt à une lyre. Il en joue merveilleusement, mais de la main droite, seulement: il est né sans bras gauche. L’artiste s’est construit malgré ce membre absent, sans que le mot « impossible » vienne troubler ses plans, ni ses choix. Isabelle Cerboneschi, Paris Photos & Style: Buonomo & Cometti Quand on le rencontre pour la première
fois, sa « différence » est bien la dernière chose à laquelle on fait attention. On se demande qui est cette créature. On se dit qu’il a la beauté du diable, que la danse le traverse, qu’il pourrait tout jouer, les mauvais garçons, comme les bons, mais on ne se dit certainement pas qu’il lui manque un bras. La première fois que je l’ai remarqué, c’était en janvier dernier, à Paris, pendant le défilé Azzaro: il portait un long peignoir de laine à rayure tennis sur un pantalon à paillettes argentées. C’était un défilé et par définition Luc Bruyère ne faisait que passer, mais je n’ai vu que lui: il avait une telle densité, par rapport aux autres mannequins, qu’il attirait à lui les regards aimantés. Il aime aimanter, aimer aussi, à sa manière plurielle et libre, dont il me parlera à la terrasse de l’hôtel Amour. I.C: Vous avez un éventail de créativité très large. Aviez-vous une passion enfant qui vous animé au point de vous pousser à créer, coûte que coûte? Luc Bruyère: Je savais que je voulais travailler au service d’un art. J’ai fait de la danse très jeune et c’est elle qui m’a fait comprendre que mon corps, au delà d’être différent, était peut-être un vecteur au service de quelque chose de plus grand que lui. Très jeune, j’ai senti que je pouvais sortir de cette enveloppe qui posait problème à ma maman. Elle a eu beaucoup de mal à accepter qu’elle m’ait mis au monde sans bras gauche. Le regard de la société était cruel, les enfants avec moi étaient méchants, parce que sans filtre, et la danse m’a fait comprendre très vite que ce corps là pouvait devenir un atout. Je n’avais pas d’envie spécifique, je ne pensais
pas rester un danseur, je savais juste qu’il était question de créer un nouveau langage qui me soit plus approprié. Vous dites que cela posait un problème à votre mère, mais qu’en était-il de vous? Pour moi, il ne me manquait rien. Mon corps est complet, vu que je suis né comme cela. Il est juste différent. On manque de quelque chose quand on l’a perdu, mais mon bras, je ne le connais pas et il ne me manque pas. Ce sont les autres qui ont pointé du doigt cette différence. La danse vous a pris très jeune. Etait-ce un choix? La danse a été le premier moyen que j’ai trouvé pour m’affirmer. Cela me permettait de dire: « je suis là. » J’ai grandi dans une société de femmes maghrébines - ma maman et mes tantes - et j’étais une figure masculine rare. Vous n’aviez pas un modèle de figure paternelle? Mon papa avait divorcé de ma maman quand j’avais deux ans. Je ne l’ai retrouvé qu’à l’âge de 18 ans. J’étais entouré de figures féminines très fortes, avec beaucoup de caractère, ce qui m’a amené à admirer les femmes. La danse est-elle un langage sans parole? C’est un langage qui n’est pas de l’ordre du conscient. Même si la chorégraphie a été apprise, conscientisée, mon corps parle et je ne suis pas vraiment l’auteur de ces paroles. Quand je danse, j’ai plutôt l’impression d’être un vecteur: je suis traversé par une chorégraphie, par une énergie qui passe, mais qui me quittera très vite. J’aime l’idée
de cette éphémérité. Du coup je m’absente, quand je danse. Je laisse mon corps danser. Mais malgré la danse, il me manquait comme un appui, celui de la parole, qui m’aurait permis d’ailler au fond des choses. Je suis passionné de littérature et je me suis mis en quête de trouver un langage qui me soit propre et me permette de m’exprimer au mieux. J’ai eu beaucoup de chance car tout s’est fait au gré de rencontres. Je n’ai jamais voulu être danseur, ou acteur, ou mannequin. Ce sont les autres qui m’ont appris ce que je voulais. Comment en êtes vous arrivé à explorer d’autres formes d’art? J’ai grandi à Lille et à l’âge de 15 ans, je partis vivre en Belgique car le système éducatif là-bas est différent: il permet à celui ou celle qui a un besoin d’expression immédiat de pouvoir l’assouvir très vite, sans passer par un système général qui formate les gens. J’étais à l’école Saint Luc, à vingt minutes de Bruxelles, et j’ai choisi une formation en art conceptuel. J’y ai connu mes premiers maîtres. Mon professeur de fusain, l’artiste Jean-Marie Van Soye, m’a mené vers la littérature: il était l’ami de l’écrivain Christian Bobin, que j’aime énormément. Vous écriviez déjà? J’ai commencé à écrire de la poésie jeune: je travaillais sur un projet que j’avais appelé « La poésie des ruines », et qui était une compilation d’observations. Comme j’ai grandi en marge de la société, de par ma naissance, il fallait que je la comprenne pour m’y intégrer au mieux et y trouver ma place. Cet essai visait à répertorier toutes mes observations.
Les mots vous-ont-il permis de vous intégrer comme vous le souhaitiez? Non. J’ai analysé la société pour finalement choisir de me mettre en marge (rires), mais pour des raisons que j’ai choisies. Aujourd’hui, ce qui me met en marge, c’est loin d’être mon bras! Qu’est-ce-que c’est? Ma liberté! Je veux qu’elle soit sans limite, toujours. C’est mon cadeau à moi. Pourtant, la liberté absolue n’existe pas: vous avez des chorégraphies, des scénarios à apprendre. À partir du moment où ces contraintes sont les conséquences de mes choix, ce ne sont plus des contraintes. Je suis convaincu qu’une liberté peut être absolue. Est-ce que vous continuez à peindre? Je fais plutôt de la céramique. Des amis ont un atelier à Saint-Ouen qui s’appelle L’Atelier de Paname. C’est un lieu cher à mon coeur, comme une île des enfants perdus. Un endroit où tout est autorisé, où l’on voit des sculptures fleurir de partout. J’y ai appris la céramique. La danse, c’est faire naître une forme qui ne dure pas, contrairement à la céramique. Dans ma tête, il s’agit plus de tracer l’espace avec la danse: comme si l’on créait une installation totale qui définirait un espace donné dans lequel on trouverait une liberté d’expression. On nous donne une contrainte, qui est un plateau. Ensuite, vient le moment du travail où, ensemble, avec un chorégraphe, on définit un espace. Comme une architecture. En mars dernier, vous avez dansé Déambulation avec Olafur, une chorégraphie créée par Marie-Agnès Gillot pour la galerie Espace Muraille à Genève autour des œuvres d’Olafur Eliasson. Et dans un passage bouleversant, elle vous prêtait son bras gauche… Elle a fait plus que de me le prêter: elle me l’a offert. Elle m’a offert l’opportunité de ressentir ce bras en lui donnant vie. Elle a aussi donné vie à un mouvement que je ne connaissais pas, car l’impulsion venait d’un endroit de mon corps que je n’avais jamais étudié. Marie m’a fait un énorme cadeau. Ce fut une expérience incroyable: chaque répétition était une découverte. Tout s’est fait de manière instinctive: à un moment elle s’est placée derrière moi et nous avons dansé comme si j’avais deux bras. L’illusion était parfaite. Je me suis trouvé complètement désarçonné. Comment avez-vous rencontré MarieAgnès Gillot? Elle m’a vu danser dans le clip Turn to Dust de Cascadeur, elle m’a appelé et m’a dit qu’elle voulait danser avec moi. Elle est venue le soir même chez Madame Arthur, le cabaret de la Rue des Martyrs où je chantais. Elle est montée en loge et on s’est aimés tout de suite. Avant le professionnalisme de notre relation, il est question de beaucoup d’amour.
On s’est regardés et on s’est compris tout de suite. Et cela fait du bien car on a tendance à se sentir seul. C’est le prix de la liberté, la solitude. Et avec Marie, je ne me sens jamais seul, jamais. Est-ce que ce sont deux libertés qui se sont accordées ou une fusion d’êtres? C’est une fusion, quelque chose qui nous dépasse, une question d’énergie qui est plus forte que nous, qui nous réunit. Quand on est ensemble, on ne forme plus qu’un. Comment en êtes-vous arrivé à faire du mannequinat? Je vivais à Bruxelles, je finissais mes études et j’ai rencontré un homme qui organisait un défilé pour le magasin Le Printemps à Lille.Il m’a demandé si cela m’intéressait, j’ai répondu oui, je n’avais jamais pensé devenir mannequin: quand on naît sans bras gauche on ne se dit pas: «Un jour je serai mannequin». Et ce n’était pas un milieu qui m’attirait spécialement. En réalité, cet homme ne s’était pas rendu compte qu’il me manquait un bras, et quand je suis arrivé sur le casting, le lendemain, il l’a remarqué et il a éclaté de rire. J’étais extrêmement mal à l’aise. Il m’a pris quand même. Humberto Leon, le directeur artistique de la maison Kenzo m’a vu et m’a demandé de faire une expérience artistique pour Kenzo. J’étais entièrement nu sur un piédestal de 3 mètres de haut, immobile, le corps peint à la manière du marbre, et les mannequins tournaient autour de moi. Et après ce défilé Kenzo, comment les choses se sont-elles enchaînées? Tout est allé très vite: après cette performance, Kappauf, le fondateur du magazine Citizen K est venu me voir et m’a proposé de faire la couverture de son magazine. Mais les agences de mannequins ne voulaient pas de moi: elles pensaient que j’étais trop atypique pour le marché de la mode parisienne, qui est assez classique, contrairement à Londres ou New York où les esprits sont plus ouverts, Paris reste un marché de luxe. Ce n’est qu’après avoir été photographié dans de nombreux magazines et après une interview parue dans le Huffington Post que j’ai pu faire ce métier sereinement. Et cela vous plaît? Souvent je prends plaisir à y être, mais je ne comprends pas très bien les tenants et les aboutissants de ce milieu, ni le système, ni la hiérarchie, ni les égos surdimensionnés. C’est tellement loin de moi. Il n’y a pas de révolution sans révolte, et pour moi c’était un peu une révolte que de faire du mannequinat. J’ai bien conscience que les mentalités ne changeront pas tout de suite et que l’on se sert de mon image et de ce bras pour vendre une espèce d’hyper empathie de la mode. Je suis arrivé au bon moment, mais cela ne révolutionnera pas le milieu. En revanche, par le biais de l’image, je suis un exemple que je n’ai pas eu: celui d’une différence esthétique.
En quel sens êtes-vous un exemple? Aujourd’hui, ce n’est plus l’art qui définit les canons de beauté, mais la mode. J’aime l’idée de participer à ouvrir l’esprit des gens et espérer qu’un petit garçon qui naîtrait sans jambe ou sans bras puisse espérer lui-même être beau et l’être pleinement aux yeux de la société, sans avoir à se battre pour cela. La mode m’a permis de rencontrer de très belles personnes, mais ce n’est pas quelque chose que je prends très au sérieux. Quelles sont ces personnes qui vous ont le plus touchées dans le milieu de la mode? Le photographe qui m’a le plus touché c’est Craig McDean. J’ai travaillé avec lui à New York pour le magazine Vogue: il m’avait transformé en Robert Mapplethorpe. Je ne suis pas très fan, sauf de Mappelthorpe: j’admire son travail, sa personne, il s’est affirmé en tant qu’artiste, et en tant qu’homme, par le biais de sa sexualité. Et il a réussi à trouver ainsi sa beauté. Je me souviens d’une interview qu’il avait donnée: il venait d’emménager avec Patti Smith à l’hôtel Chelsea, à New York et on lui a demandé pourquoi il parlait autant de sexe. Il a expliqué qu’il s’était affirmé grâce au sexe et que cela l’avait rendu beau. C’est aussi ma vie sexuelle qui m’a fait prendre confiance en moi et m’a appris que je pouvais être beau au yeux de certaines personnes. Pourtant, rien en vous n’exprime votre différence au premier regard. C’est en cela que je dis que mon corps est complet. J’ai travaillé avec Kader Attia dans le cadre d’un travail autour de la perte, autour du symptôme du « membre fantôme », qu’il a essayé d’élargir à des sociétés entières ayant vécu un arrachement, tel l’arrachement d’un membre. Il en a fait une installation qui a été montrée au Musée Pompidou et il a gagné le prix Marcel Duchamps en 2016. Or dans le cadre de ses recherches, j’ai rencontré des personnes qui avaient vécu le traumatisme de la perte. Dans leur attitude, leur manque se voyait: soit elles cherchaient à cacher quelque chose, soit au contraire elles avaient besoin de l’exprimer. Moi, je suis né comme cela. Mon corps est accompli. Nous avons parlé de la danse, de la peinture, du mannequinat, et le cinéma, comment est-il venu à vous? A travers Abdellatif Kechiche. Je passais un week-end à Lille, on s’est croisés dans la rue, il m’a dit qu’il faisait un film qui s’appelait La vie d’Adèle et il m’a demandé si je pouvais jouer dans une scène très brève. Il m’a dit que j’étais cinégénique et que je devrais faire du théâtre. Je suis alors entré en Classe Libre au Cours Florent, à Paris. À partir de là, toutes mes rencontres ont été fortuites: j’ai travaillé sur Spleen - Les maudites Fleurs du mal, une série réalisée pour Studio 4 par Florian Beaume. Dans cette série sur la vie de Baudelaire, qui sort cette année, je joue un personnage fictif censé être son meilleur ami, un peintre qui a perdu son bras à la guerre. J’ai travaillé dans des films d’Anthony
Hickling: Where horses go to die et Frig, qui a ouvert cette année L’Étrange film Festival. C’est un cinéma plus indépendant, plus noir, plus trash. Ce fut une expérience difficile parce j’étais moins en distance avec mon personnage: il a écrit le rôle en pensant à moi. J’aime les contreemplois or là j’étais inconfortable. J’ai compris ce que je ne voulais pas faire au cinéma. J’ai aussi écrit des scénarios et j’ai fait un premier documentaire sur le polyamour. Qu’est-ce que le polyamour*? Une idée philosophique qui tend à croire que l’amour devrait évoluer avec la société. Notre vision de l’amour est très vieille et n’est plus adaptée à la société que je connais, celle de ma génération. On peut voyager facilement, on a à disposition de nouveaux médias de communication et de séduction. Est-ce que l’amour a encore besoin d’être légitimé, d’être contextualisé, d’être contraint dans une structure de couple? Force est d’admettre que notre génération se retrouve face à un choix multiple en comparaison à ma grand-mère qui n’avait pas de mobilité et qui ne pouvait prétendre aller sur internet pour entrer en contact avec quelqu’un vivant à New-York. Aujourd’hui nous vivons dans une société où tout est possible. Et pourquoi pas l’amour furtif? Ne serait-ce pas lui reconnaître son essence? La première question de mon documentaire était: pourquoi l’amour est-il un sentiment que l’on apprend alors que l’on n’apprend pas à avoir peur? On nous apprend à aimer bien. On nous apprend que là où il y a de l’amour, il y a une responsabilité. L’amour est un sentiment primitif, comme la peur, c’est quelque chose que l’on ne choisit pas, on le ressent sans jamais pouvoir l’expliquer, c’est pourquoi c’est une quête éternelle. La société est-elle capable de rendre à l’amour sa beauté et donc de lui rendre sa liberté? On ne peut peut pas être détenteur d’un amour, on ne peut pas le garder, on ne peut pas le cultiver. Je pense que l’amour est un sentiment sauvage par lequel on est traversé: il vient, il nous traverse et il s’en va… Comme la danse. Danser, c’est aimer.
* La première théorie sur le polyamour remonte aux années 1920. Il s’agissait d’une forme d’ «amourcamaraderie » qui a émergé au sein des mouvements marxistes et libertaires. La femme politique soviétique Alexandra Mikhaïlovna Kollontaï en a défini les trois principes: l’égalité des rapports mutuels, l’absence de possessivité et la reconnaissance des droits individuels de chacun des membres du couple, l’empathie et le souci réciproque du bien-être de l’autre. Le terme « polyamory » est lui apparu pour la première fois en 1961 aux ÉtatsUnis dans le roman « En terre étrangère » (Stranger in a Strange Land), de Robert Anson Heinlein, auteur américain de science fiction.
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Photos & Style: Buonomo & Cometti Modèle: Luc Bruyère Page 137: Spencer: Giorgio Armani Vintage Chemise et noeud: Charvet Pantalon: H.Ackermann Page 139: Costume noir et chemise: Givenchy Noeud: Charvet Souliers: Ch.Louboutin Page 141: Veste et chemise: Dior
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Luc Bruyère, Polyartist in polyamory
Dancer, actor, writer, artist, model, Luc Bruyère,/span> has added so many chords to her arc that it ressembles more of a lyre. He plays beautifully, but from his right hand, only: born without his left arm. The artist built himself up, even with this absent limb, and never that the word ‘impossible’ should trouble his plans, or his choices
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When we meet him for the first time, his “difference” is the last thing we pay attention to. One wonders who this creature is. We note that he has the beauty of the devil, that dance runs through him, that he could play at everything, the bad boys like the good ones, but we do not note that he misses an arm. The first time I noticed it was last January, in Paris, during the Azzaro show: he was wearing a long tennis-striped wool bathrobe on silver sequined pants. It was a catwalk show and Luc Bruyère passed by, but I only saw him: he had such a density, compared to other models, that he attracted to him loving eyes. He likes to love in his plural and free way, which he will explains to me on the terrace of the Hotel Amour.
IC: You have a very wide range of creativity. As a child did you have a passion that drove you to create, no matter what? Luc Bruyère: I knew that I wanted to work in the service of an art. I did dance at a very young age and it was that which made me understand that my body, beyond being different, was perhaps a vector in the service of something bigger than itself. Very young, I felt that I could leave this exterior cover, which posed problem to my mother. She had a hard time accepting that she gave birth to me without a left arm. The looks from society were cruel, the children were mean, without filter, and dance made me understand very quickly that this body could become an asset. I did not have a specific desire, I did not think
women- my mum and aunts - and I was a rare male figure. You did not have a paternal figure model? My dad had divorced my mum when I was two years old. I did not meet him until the age of 18. I was surrounded by very strong female figures, with a lot of character, which led me to admire women. Is dance a speechless language? It is a language that is not of the order of the conscious. Even though the choreography has been learned, my body is talking and I am not really the author of these words. When I dance, I have the impression of being a vector: I am crossed by a choreography, by a passing energy, but that which will leave me very quickly. I like the idea of this ephemerality. So I am absent when I dance. I let my body dance. But despite the dance, I lacked a kind of support, like that of speech, which would have allowed me to get to the bottom of things. I am passionate about literature and so I looked for a language that was my own and allowed me to express myself at best. I was very lucky because everything came about as a result of certain meetings. I never wanted to be a dancer, actor, or model. It was the others who taught me what I wanted. How did you come to explore other forms of art? I grew up in Lille and at the age of 15, I went to live in Belgium because the education system there is different: it allows the person who has a need for immediate expression to satisfy this very quickly, without going through a general system that formats people. I went to the Saint Luc school, twenty minutes from Brussels, and I chose to study conceptual art. That is where I met my first teachers. My teacher of charcoal, the artist Jean-Marie Van Soye, led me to literature: he was a friend of the writer Christian Bobin, that I like enormously.
to stay a dancer, I just knew that it was about creating a new language more appropriate for me. You said it was a problem for your mother, but what about you? For me, I did not miss anything. My body is complete, since I was born like this. It’s just different. We miss something when we have lost it, but my arm, I do not know it and I do not miss it. It is the others who have pointed with their fingers this difference. Dance took hold in you when you were very young. Was it a choice? Dance was the first way I found to assert myself. It allowed me to say, “I’m here”. I grew up in a North African household of
Already writing? I started writing poetry very young: I was working on a project that I had called “ La poésie des ruines “(the poetry of ruins), and which was a compilation of observations. As I grew up on the fringes of society, I had to understand it for myself in order to better fit and find my place there. This body of work was for listing all my observations. Did the words allow you to integrate as you wished? No. I analysed society, and finally chose to put myself on the sidelines (laughs), but for reasons that I chose myself. Today, what puts me on the sidelines, is far from being my arm! What is it? My freedom! I want it to be limitless, always. This is my gift to me. However, absolute freedom does not exist: you have choreographies, scenarios to learn?. From the moment that these constraints are
the consequences of my choices, they are no longer constraints. I am convinced that a freedom can be absolute. Do you continue to paint? I now create mostly ceramics. Some friends have a workshop in Saint-Ouen called The Atelier de Paname. It is a place dear to my heart, an island of lost children. A place where everything is permitted, we see sculptures bloom everywhere. That is where I learned ceramics. Dance is a form that does not last, unlike ceramics. In my head, it’s more about tracing the space with the dance: as if one were creating a total installation that would define a given space in which one would find a freedom of expression. We are given a constraint, which is a plateau. Then comes the moment of work where, together with a choreographer, we define a space. Like an architecture. In March, you danced Déambulation avec Olafur, a choreography created by Marie-Agnès Gillot to the gallery Espace Muraille in Geneva around works of Olafur Eliasson. And in a way, she lent you her left arm ... She did more than lend it to me: she gave it to me. She offered me the opportunity to feel this arm by giving it life. She also gave new life to a movement that I did not know, because the impetus came from a place of my body that I had never studied. Marie gave me a huge gift. It was an amazing experience: each repetition was a discovery. Everything was done instinctively: at one point she placed behind me and we danced like I had two arms. The illusion was perfect. I found myself completely taken aback. How did you meet Marie-Agnès Gillot? She saw me dancing in the video Turn to Dust from Cascadeur. She called me and said she wanted to dance with me. She came that same evening to Madame Arthur, the cabaret in the Rue des Martyrs where I sang. She came into the lodge and we loved each other immediately. Before the professionalism in our relationship, it was a matter of great love. We looked at and understood each other. And it’s nice because we tend to feel alone. Loneliness is the price of freedom. And with Marie, I never feel alone, ever. Are these two freedoms that have been granted or a fusion of beings? It is a fusion, something that is beyond us, a question of energy that is stronger than us, that brings us together. When we are together, we form one. How did you come to do modelling? I was living in Brussels, I finished my studies and I met a man who was organizing a fashion show for the store Le Printemps in Lille. He asked me if I was interested, I said yes, I had never thought of becoming a model: when one is born without a left arm one does not say, “Someday I’ll be a model.” And it was not an environment that attracted me especially.
In reality, this man had not realized that I was missing an arm, and when I got to the casting the next day he noticed it and laughed. I was extremely uncomfortable. He took me anyway. Humberto Leon, the artistic director of Kenzo saw me and asked me to make an artistic experience for Kenzo. I was naked on a pedestal 3 metres high, motionless, body painted in the style of marble and models revolved around me. And after this Kenzo show, how did things develop? Everything went very fast: after this performance, Kappauf, the founder of Citizen K magazine came to see me and offered me to be on the cover of his magazine. But the modelling agencies did not want me: they thought I was too atypical for the parisian fashion market, which is quite classic, unlike London or New York where the spirits are more open, Paris remains a market of luxury. It was only after being photographed in many magazines and after an interview published in the Huffington Post that I could do this job serenely. And you like it? Often I enjoy being there, but I do not quite understand the ins and outs of this environment, the system, the hierarchy, or the oversized egos. It’s so far from me. There is no revolution without revolt, and for me it was a bit of a revolt to do modelling. I am well aware that mentalities will not change immediately and that my image and this arm are used to sell a kind of hyper empathy of fashion. I arrived at the right time, but it will not change the environment. On the other hand, through the image, I am an example, on which I did not have: that of an aesthetic difference. In what sense are you an example? Today it is not just art that defines the standards of beauty, but fashion. I like the idea of participating in opening people’s minds and hope that a little boy born without legs or no arms can hope to be beautiful and to be whole in the eyes of society, without having to fight for it. Fashion allowed me
to meet some great people, but it’s not something I take very seriously. Who are the people who have most affected you in the world of fashion? The photographer who touched me the most is Craig McDean. I worked with him in New York for Vogue magazine: he had turned me into Robert Mapplethorpe. I’m not a big fan, except of Mapplethorpe: I admire his work, his person, he affirmed himself as an artist and as a man, through his sexuality. And he managed to find in this way his beauty. I remember an interview he gave: he had just moved with Patti Smith to the Chelsea Hotel in New York and someone asked him why he was talked so much of sex. He explained that he had found himself through sex and that had made him beautiful. It is also my sex life that allowed me to find confidence in myself and taught me that I could be beautiful in the eyes of some people. Yet nothing about you expresses your difference at first glance. This is why I say that my body is complete. I worked with Kader Attia as part of a work around loss and the symptom of a “phantom limb,” that he tried to allegorise to entire societies who experienced loss, like the loss of ‘a member. He made an installation that was shown at the Pompidou Museum and won the Marcel Duchamp prize in 2016. During part of his research, I met people who had experienced the trauma of loss. In their attitudes, their loss could be seen: either in the way they were trying to hide something, or on the contrary, in the way they needed to express it. Me, I was born like this. My body is accomplished. We talked about dance, painting, modelling, but what about film, how did this come to you? Through Abdellatif Kechiche. I spent a weekend in Lille, where we crossed paths in the street, he told me he was doing a film called La vie d’Adèle and he asked me if I could act in a very brief scene. He told me that I was cinegenic and that I should do theatre. I then entered the Classe Libre at
Photos & Style: Buonomo & Cometti Modèle: Luc Bruyère Page 142: Chemise et noeud: Charvet Page 144: Manteau: Versace Vintage Pantalon: H. Ackermann Boots vernies: Ch. Louboutin Page 146: Boots vernies à talon miroir: Ch. Louboutin Pantalon: H. Ackermann
the Cours Florent in Paris. From there, all my meetings were fortuitous: I worked on Spleen – Les maudites Fleurs du mal, a series made for Studio 4 Florian Baume. In this series on the life of Baudelaire, coming out this year, I play a fictional character supposed to be his best friend, a painter who lost his arm in the war. I worked in films by Anthony Hickling: Where horses go to die and Frig, which opened this year at L’Étrange film Festival. This is a more independent film, darker, and more trashy. It was a difficult experience because I was less distant to my character: he wrote the role with me in mind. I like being cast in roles unlike myself so here I was uncomfortable. I realised what I did not want to do in film. I also wrote scripts and I made a first documentary about polyamory. What is polyamory *? A philosophical idea that tends to believe that love should grow with society. Our vision of love is very old and is no longer suited to the society that I know, that of my generation. You can travel easily, new mediums of communication and seduction are available. Does love still need to be legitimized, to be contextualized, to be forced into the structure of a couple? One must admit that our generation is faced with multiple choices compared to my grandmother who had no mobility and could not go to the internet to get in touch with someone living in New York. Today we live in a society where everything is possible. And why not furtive love? Would this be not to recognize its essence? The first question of my documentary was: Why is love a feeling that one learns whilst we do not learn to be afraid? We are taught to love well. It teaches us that where there is love, there is responsibility. Love is a primitive feeling, like fear, and is something that we do not choose, we feel it without ever being able to explain it, and it is why it is an eternal quest. Is society able to give to love her beauty and thus making it free? We cannot hold a love, we cannot keep it, we cannot grow it. I think love is a wild feeling by which it is crossed: it comes, it passes through us and it goes ... Like dancing. Dancing is love.It teaches us that where there is love, there is a responsibility.
* The first theory about polyamory dates back to 1920. It was a form of “love-fellowship” that emerged in the Marxist and anarchist movements. The Soviet politician Alexandra Mikhaïlovna Kollontaï defined the three principles: equality of mutual relations, the absence of possessiveness and recognition of the individual rights of each member of the couple, empathy and mutual concern for the welfare of the other. The term “polyamory” appeared for the first time in 1961 in the United States in the novel “Stranger in a Strange Land” (Stranger in a Strange Land), Robert Anson Heinlein, American science fiction writer.
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The End