Patrimoine ordinaire & développement rural Les enjeux d’une prise de conscience L’exemple de St Thélo – Côtes d’Armor
Amaury PRUD’HOMME E.N.S.A-Versailles | février 2012 Mémoire de master sous la direction de Sawsan NOWEIR, Nadja MONNET, Barbara MOROVITCH & Gilles TEISSONNIERES (groupe « démarche en marge »)
Diffusion libre, gratuite et recommandée © Amaury PRUD’HOMME, février 2012
Patrimoine ordinaire et développement rural, les enjeux d’une prise de conscience
Mes remerciements vont à Roselyne BUSSIERE, pour m’avoir ouvert les yeux sur le patrimoine ordinaire et donné l’enthousiasme nécessaire pour en faire un mémoire ; à Sawsan NOWEIR, pour m’avoir amené à considérer le patrimoine comme un enjeu de l’avenir et non pas un objet du passé, et pour m’avoir soutenu et guidé tout au long de ce mémoire ; à Nadja MONNET, Barbara MOROVICH et Gilles TEISSONNIERES pour avoir développé mon intérêt pour les sciences sociales ; à Monsieur AÏT AOUDIA, pour avoir pris le temps de me relire et pour ses remarques pertinentes ; à mon grand-père, pour m’avoir sensibilisé à la problématique socio-économique des villages de campagne, et pour m’avoir relu et corrigé ; à mon père, pour m’avoir relu et corrigé ; t à Daniel LE GOFF, maire de S Thélo, ainsi qu’aux habitants que j’ai pu interviewer, pour leur accueil, leur aide et leurs remarques, sans quoi ce mémoire n’aurait pas été ce qu’il est ; au CAUE 22 et à l’association CPRB pour leur collaboration et leur documentation.
Patrimoine ordinaire et développement rural, les enjeux d’une prise de conscience
AVANT-PROPOS a France est un pays de tradition rurale forte, dont l’histoire et la culture doivent autant à ses villes qu’à ses campagnes. Les trois quarts des communes françaises ont moins de 1000 1 habitants , et notre pays compte à lui seule 40% des communes 2 de l’Union Européenne . L’habitat y est particulièrement réparti et diffus sur l’ensemble du territoire. Mais aujourd’hui, dans un contexte d’économie mondialisée et de modes de vie de plus en plus urbains, le milieu rural se retrouve marginalisé, tant socialement qu’économiquement.
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Si la campagne se situe en marge de la société, il en va alors de même pour l’histoire, la culture locale et le patrimoine qui composent tout village, aussi modeste soit-il. La conférence donnée par Roselyne BUSSIERE à l’Ecole d’Architecture de Versailles en octobre 2010, nous a fait prendre conscience de l’importance et de la richesse du patrimoine « ordinaire », trop souvent méconnu à l’unique profit du patrimoine dit « monumental ». Or, ne pas prendre en compte la culture « rurale » et « ordinaire », c’est se priver non seulement d’une part majeure de ce qui fonde la culture française, mais aussi d’un levier de développement non négligeable pour les villages. C’est pourquoi aujourd’hui, le développement rural comme le patrimoine ordinaire et les services réciproques que peut rendre l’un à l’autre, semblent être devenus de véritables enjeux de notre société actuelle. t
Le projet « mémoire en demeure » de S Thélo, dont nous avions connaissance depuis quelques années déjà, a été le déclencheur de notre réflexion. Il nous a semblé être le cas d’étude idéal, en cela qu’il rassemblait à la fois la problématique du développement rural et du patrimoine ordinaire, dans une dynamique artistique résolument contemporaine et optimiste.
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Recensement Insee 1999. Cf. l’article « Commune nouvelle » ; in Wikipédia.
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TABLE DES MATIERES : AVANT-PROPOS ................................................................ 3 INTRODUCTION ................................................................. 6 1.
LE PROCESSUS DE PATRIMONIALISATION .......................... 8 1.1. Mise en place d’une politique du patrimoine ............................. 8 1.1.1. La politique culturelle régionale 1.1.2. La Maison des Toiles et le Syndicat de la Route du Lin 1.1.3. Le projet « Mémoire en demeure » de T. KAWAMATA 1.1.4. Le label « Communes du Patrimoine Rural Breton » 1.1.5. La Zone de Protection du Patrimoine Architectural, Urbain et Paysager 1.1.6. Une politique éclairée au service d’un patrimoine ordinaire et rural t
1.2. Le patrimoine de S Thélo .................................................................. 20 1.2.1. Un patrimoine « ordinaire » 1.2.2. Un patrimoine rural 1.2.3. Inventaire des types de patrimoine 1.2.4. Le patrimoine, porteur de mémoire et d’identité
2. LES EFFETS DU PROCESSUS DE PATRIMONIALISATION ....... 40 2.1. L’impact sur la population locale ................................................... 40 2.1.1. La notion de déclassement / classement 2.1.2. Le contexte socio-historique 2.1.3. Les associations d’habitants 2.1.4. Vers une prise de conscience du patrimoine ordinaire ? 2.2. L’impact sur le développement rural .............................................51 2.2.1. Le contexte géographique et socio-économique 2.2.2. Vers une mise en place d’une véritable politique touristique locale ? 2.2.3. Développement rural et intégration
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3. BILAN .............................................................................. 64 3.1. Quel enseignement tirer de cette expérience ? ....................... 64 3.2. Patrimoine & développement ........................................................... 66
BIBLIOGRAPHIE ET OUVRAGES CITES ................................ 67 ANNEXES .......................................................................... 72 A. Glossaire ...........................................................................................................73 B. Photos du projet « mémoire en demeure » .................................. 74 C. Entretiens ......................................................................................................... 77 t D. Typologie des maisons de S Thélo ................................................... 84
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« Le patrimoine à St Thélo, c’est un peu comme une très belle femme, dont seul le mari ne se rendrait pas compte de la beauté. » un habitant de St Thélo
INTRODUCTION : t
e 2004 à 2006 ont eu lieu à S Thélo, petit village des Côtes d’Armor, des ateliers d’étudiants avec l’artiste japonais Tadashi KAWAMATA réhabilitant d’anciennes maisons de tisserands. Cette intervention artistique, appelée « Mémoire en Demeure » faisait écho au nouveau Musée de la Toile qui s’est ouvert dans ce même village en 2004. Le projet fut récompensé par le prix Architecture Bretagne 2008 et publié dans plusieurs journaux, revues et sites internet spécialisés. Ainsi ce petit village de 400 habitants du centre-Bretagne, que rien ne disposait à une telle médiatisation, s’est soudain retrouvé sous les projecteurs par la volonté de son maire Daniel LE GOFF et de ses habitants. Ce projet est intervenu sur le petit patrimoine thélotais que sont les maisonnettes des anciens tisserands de lin. En effet, aux e e XVII -XVIII s. la Bretagne a connu son apogée grâce à la fabrication et au commerce de toiles de lin dans le monde t entier. De cette époque, date tout le bâti ancien de S Thélo et sa région. Le projet « Mémoire en Demeure » a eu à cœur de faire évoluer les regards sur ce patrimoine « ordinaire » jusquelà non-reconnu du grand public et des habitants eux-mêmes. Nous verrons comment s’est effectuée cette patrimonialisation. Par ailleurs, de tels villages de campagnes se trouvent aujourd’hui confrontés à une problématique de survie économique et sociale, face à des phénomènes de rurbanisation ou de désertification. En quoi la prise en compte du patrimoine rural peut-il être le moteur d’un nouveau développement local ?
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Comment s’opère la prise de conscience du patrimoine ordinaire ? Et comment peut-elle s’intégrer au développement social et économique local ?
C’est à ces questions que ce présent mémoire tentera d’apporter des éléments de réponse. Au préalable, nous posons les hypothèses de travail suivantes : t
A. La politique active de la mairie de S Thélo en faveur du patrimoine aurait permis l’émergence d’une conscience du patrimoine ordinaire rural. Celui-ci, dès lors réapproprié par la société civile comme bien collectif, est conservé et protégé. B. Le processus de patrimonialisation se serait fait avec la coopération des habitants du village. Cette démarche participative renforçant la prise d’intérêt de la population. C. Cette politique patrimoniale et touristique aurait permis le t développement (même modeste) de S Thélo et des alentours.
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1.
LE PROCESSUS DE PATRIMONIALISATION
1.1. Mise en place d’une politique du patrimoine t
La mairie de S Thélo mène depuis quelques années une politique de patrimoine active, en cohérence avec les initiatives à plus grande échelle, sans forcément entretenir de lien direct avec celles-ci. 1.1.1. La politique culturelle régionale La politique culturelle et touristique de la Région Bretagne ère La Bretagne est la 1 région d’Europe en nombre d’édifices nde région de France (après l’Ile-de-France) en religieux, la 2 1 e nombre d’édifices classés « monuments historiques » , et la 4 région touristique du pays. Fort de ce patrimoine exceptionnel, le conseil régional de Bretagne a toujours eu à cœur, depuis sa création, de stimuler et porter l’attractivité touristique et économique de la région en menant une politique forte en matière de valorisation de la culture et du patrimoine, qu’il reconnaît comme étant un « puissant levier d’action » en faveur des territoires. Depuis 2007, dans son schéma régional « pour une nouvelle politique 2 du patrimoine en Bretagne » , la Région entend repositionner son action culturelle et reconnait désormais au patrimoine, non seulement une « valeur d’existence propre » qui justifie sa protection et sa conservation ; mais aussi et surtout une « valeur d’usage et de développement », qui permet une « valorisation sociale, environnementale, identitaire et économique » des territoires. Dans cette optique, le rapport préconise deux axes d’actions majeurs : territorial et thématique. Le « projet de territoire » répond à une demande précise et formulée du bénéficiaire. Celui-ci peut être un territoire géographiquement et culturellement délimité (pays touristique, intercommunalité, 1
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Par convenance, nous les appellerons par la suite simplement « M.H » ou « bâtiments classés ». DRAC BRETAGNE ; 2007
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département), mais aussi un réseau (Villes d’art et d’histoire, Communes du patrimoine rural breton…) L’action thématique est une initiative du conseil régional : elle regroupe tous les territoires et communes concernés autour d’un thème commun complexe qui ne peut être mis en valeur isolément par ces territoires. (ex : les phares et le patrimoine maritime). La politique de la Région est donc proactive, elle cherche à se remettre en question et à s’adapter aux nouvelles donnes du patrimoine. La Bretagne : une marque de territoire En janvier 2011, la Région Bretagne est la première de France à lancer sa propre « marque de territoire ». Le nom du territoire devient ainsi un gage de reconnaissance de la qualité et de l’identité du produit auquel il est accolé. Cette marque se veut élaborée autour de valeurs culturelles et humanistes, censées être le fondement de la culture bretonne moderne (valeurs en réalité tout autant fantasmées que réelles, ou bien trop vagues pour être spécifiquement bretonnes) et basée sur un vocabulaire volontariste (« ouverture d’esprit », « sens du collectif », « engagement », « imagination »…) L’objectif est de fédérer toutes les initiatives culturelles (festivals, musées, art, patrimoine, sport) autour d’une identité commune, en vue d’une meilleure visibilité et attractivité de la région sur la scène nationale, européenne, voire mondiale. Mais cette marque reste 1 un pur outil de « marketing territorial » qui confine à l’autopersuasion et qui trahit un manque de confiance en soi dans la course effrénée à l’attractivité touristique et économique. Quel que sera le résultat de cette démarche, cette manipulation de l’identité et de la culture régionale, nous montre à quel point le Politique a pris conscience des enjeux sociétaux qui y sont attachés.
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On parle aussi de regional branding.
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Le pays de Centre Bretagne Les pays d’accueil touristique (PAT) ont été créés en 1976 et sont sous la tutelle du Ministère de l’agriculture, de la ruralité et de l’aménagement du territoire. Ils sont les outils de promotion d’un tourisme pensé avant tout comme moteur de développement des territoires, privilégiant l’action locale. Un « pays » correspond à une aire géographique définie selon sa taille, mais aussi dans le respect d’une identité qui lui est propre. La Bretagne à elle seule en compte 21 (sur 120 PAT à l’échelle nationale !), dont le pays de Centre Bretagne ou se situe t S Thélo. Leurs objectifs communs sont définis dans une charte régionale : − Aide au développement et à l’aménagement de l’offre touristique − Organisation et valorisation de cette offre touristique − Commercialisation de l’offre touristique − Observation et recueil de données relatives au tourisme. 1.1.2. La Maison des Toiles et le Syndicat de la Route du Lin Dès les années 1980, émerge chez les historiens et érudits de la région un regain d’intérêt pour le passé industriel textile de la Bretagne. En 1988, le CAUE 22* réalise les premiers recensements du patrimoine thélotais, et un an plus tard, a lieu un colloque « Jeunesse et patrimoine » sous l’égide de l’UNESCO portant sur l’architecture rurale du « pays des Toiles ». En 2004, est inaugurée la Maison des Toiles, un éco-musée retraçant l’épopée du passé industriel textile du village et de sa région. Cette inauguration relance un processus vieux d’une t quinzaine d’années initié entre les villes de S Brieuc, t Moncontour, Loudéac, Uzel et S Thélo, mais qui n’avait jamais abouti à cause de divergence de vues et faute d’une volonté politique commune suffisante. Finalement, cette « patrimonialisation » se met en place à l’échelle communale : on assiste à un éparpillement des t initiatives et au chacun-pour-soi. S Brieuc, expose le passé textile dans les galeries permanentes de son musée d’art et
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d’histoire ; Quintin a son musée-atelier des tisserands et des toiles ; La Chèze, son centre culturel des métiers de Bretagne. t S Thélo et sa Maison des Toiles, bientôt rejoint par le village voisin d’Uzel et son Atelier-musée du tissage, se regroupent au 10 sein d’une structure commune : le Syndicat de la Route du lin. Ce nouvel organisme a pour vocation à mutualiser les moyens en vue d’une politique culturelle et touristique commune, afin de créer une offre touristique plus visible et plus attractive. Cela passe notamment par une signalétique routière et un circuit touristique reliant les deux communes. t Le musée de S Thélo s’installe dans une ancienne maison de marchand toilier, sauvée in extremis de la ruine et restaurée avec l’aide financière de la CIDERAL* et l’expertise du CAUE 22. Cette maison faisait à l’époque l’objet d’un permis de démolir, acceptée par la commune. Quelques années auparavant, ce genre de bâtisse était encore appelée « château » par la population qui en avait oublié la fonction d’origine. Cette patrimonialisation de l’histoire du lin en Bretagne n’est pas tant un travail sur la mémoire, que la redécouverte de savoir-faire et techniques traditionnelles liés à une filière industrielle aujourd’hui disparue. Ce projet n’est pas initié par le village, mais est pris en charge directement par les pouvoirs publics aux échelons supérieurs : communauté de communes, département, Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC*), CAUE 22. Aucune concertation réelle n’a donc lieu avec la population
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1.1.3. Le projet « Mémoire en demeure » de Tadashi KAWAMATA
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Dès 2001, le maire et quelques riverains décident d’accompagner et poursuivre la dynamique induite par la réhabilitation – alors en cours – de la future Maison des Toiles, pour une mise en valeur du bourg. Il ait fait appel au CAUE 22, qui connaît bien le patrimoine thélotais pour s’y être intéressé dès 1988. Tandis que la création du musée était un projet institutionnel et technocratique bénéficiant d’un budget confortable, le projet « mémoire en demeure » est piloté directement par la mairie et les habitants, et ne dispose pas d’une grande marge de manœuvre. L’idée initiale des commanditaires était assez vague et portait sur l’embellissement du bourg, son fleurissement (ce qui sera tout de même fait par les habitants et le jardinier du village, avec les conseils du CAUE 22), ainsi que des circuits pédestres en lien avec la botanique. l’artiste japonais Tadashi KAWAMATA est, lui, fortement marqué par l’architecture de granit du village. Mais alors que jusqu’à présent, l’attention s’était toujours portée sur les maisons de marchands, il décide d’intervenir sur trois modestes maisons de tisserands. Selon lui, la richesse de l’industrie toilière ayant permis la construction des maisons de maîtres provient aussi, pour une part, des tisserands. Il n’y a, dès lors, pas de raison d’ignorer ce patrimoine, aussi humble soit-il. C’est via un programme de mécénat culturel que KAWAMATA intervient sur quelques maisons de tisserands quasiment en ruine, et les réhabilite dans le cadre d’ateliers d’étudiants.
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Pour des illustrations du projet et des ateliers d’été, cf. Annexe B – Photos du
projet « mémoire en demeure »
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Les partenaires De nombreux acteurs sont intervenus à des degrés et étapes divers dans le projet « Mémoire en Demeure ». Face à cette diversité et cette complexité, la mise en place d’un organigramme s’est avérée nécessaire pour permettre un regard synthétique sur l’ensemble de ces protagonistes, afin de mieux appréhender leur(s) rôle(s), leur imbrication et leurs interactions. On voit l’ampleur qu’a pu prendre ce projet : aussi modeste fut-t-il, il a fait intervenir de nombreuses institutions portant dans des domaines aussi divers que le patrimoine, le tourisme, la gestion politique, l’art, l’architecture, le paysage, l’économie et la société. Selon leur nature, nous avons regroupé ces institutions en quatre grandes familles : administrative, culturelle, associative et économique. La famille « administrative » reflète le mille-feuille de l’administration étatique française : chaque maillon de la chaîne, de la commune au ministère, est intervenu dans le projet. Chacun apportant ses compétences propres : le Ministère de la Culture via la DRAC offrant expertise et conseil et le Fonds Régional d’Art Contemporain (FRAC*) soutenant l’initiative artistique ; les conseils régional et général et la communauté de communes CIDERAL apportant une aide financière dans le cadre de leur politique culturelle respective ; la mairie apporte un soutien politique aux commanditaires (le maire et quelques habitants). Elle a pour elle sa connaissance du terrain et de la problématique locale ainsi que l’avantage de la proximité. La famille « culturelle » concerne notamment la Fondation de France qui, via son programme des « Nouveaux Commanditaires », soutient les initiatives de particuliers qui souhaitent faire appel à l’art contemporain dans l’intérêt collectif. Auparavant, la région Bretagne, n’était pas éligible à ce programme. Le projet « Mémoire en demeure » en est la première intervention, et a ouvert la voie à beaucoup d’autres dans la région (à Plougonver, St Benoît-des-Ondes, Rennes, Trébédan…).
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Le médiateur culturel Eternal Network est délégué, et apporte conseil, aide logistique et technique. C’est lui qui, après étude de la demande et concertation avec les commanditaires, décide de faire appel à KAWAMATA. Le Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et d’Environnement des Côtes-d’Armor (CAUE 22) fournit aussi aide technique et conseil, via son paysagiste délégué Didier PIDOUX et son architecte délégué Mathieu LE BARZIC. C’est ce dernier qui assure la maîtrise d’œuvre du projet. 1 La famille « associative » a été analysée précédemment . La famille « économique et financière », quant à elle, sera vue 2 ultérieurement. On comprend donc que le projet « mémoire en demeure », né de la volonté politique et citoyenne locale, est loin de n’être qu’une intervention artistique démiurgique et donc stérile. Au contraire, il prend en compte tous les domaines qui fondent un 3 développement local intégré. Nous y reviendrons plus loin. Cependant, nous sommes en droit de nous questionner sur la pertinence et l’efficacité d’un tel nombre d’acteurs. Notre première crainte fut qu’une telle prolifération, non seulement se fasse au détriment du dialogue, mais aussi au préjudice des commanditaires, qui auraient pu voir leur projet être l’objet d’une récupération politique opportuniste. Mais après entretien avec M. le maire, on constate qu’il n’en fut rien. Les commanditaires ont gardé la place centrale, et il semblerait que le CAUE 22 et le médiateur culturel Eternal Network aient joué les rôles d’interlocuteurs de premier plan, assurant le lien entre la mairie et les autres acteurs.
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Cf. supra 1.1.1. La politique culturelle régionale ; 1.1.2. La Maison des Toiles et le Syndicat de la Route du Lin et cf. infra 1.1.4. Communes du patrimoine rural
2
Cf. infra 2.2.2. Vers une mise en place d’une véritable politique touristique
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Cf. infra 2.2.3. Développement rural et intégration
breton. locale ?
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Les chantiers d’étudiants La particularité du travail de KAWAMATA étant qu’il ne travaille jamais seul, mais en collaboration et dialogue avec les commanditaires, il décide de mettre en place des ateliers d’étudiants échelonnés sur trois étés. Ainsi, de 2004 à 2006, pendant trois fois deux semaines, des étudiants d’art et d’architecture de France et de l’étranger vont concevoir et construire une structure serpentant à travers deux anciennes maisons de tisserands abandonnées et un hangar attenant, juste en face du musée, au sud du village (voir carte). Quelques habitants sont très investis dans le projet : ils participent au 1 chantier et logent les étudiants chez eux. Chaque été, la fin du chantier est l’occasion de festivités et d’une réunion publique pour expliquer l’avancement du projet. En 2006, le village inaugure ce nouvel espace et le baptise en l’honneur de l’artiste. Toute une symbolique parsème la lecture de ce projet. La passerelle, partant des maisons, se dirige vers le sud en direction de l’étang. Elle accueille le visiteur par une promenade « lente » et lui permet de prendre le temps d’admirer la vue sur le village. Elle peut aussi se voir comme l’expression du lien qui unit le village à son paysage, aux champs et à l’étang situé au sud. La tour, dépassant du toit en polycarbonate est un rappel de la forme archétypale du métier à tisser et se veut un symbole fort de l’intervention artistique et du renouveau de l’architecture patrimoniale. La construction, en matériaux contemporains (structure bois et polycarbonate) affirme son caractère contemporain et son respect du bâti ancien. C’est elle qui maintient les maçonneries anciennes debout, et réciproquement celles-ci supportent les nouvelles structures en bois. C’est une belle métaphore du soutien mutuel de l’architecture contemporaine et du patrimoine. 2 Ce projet a fait l’objet d’une publication et d’un film , selon la volonté de l’artiste. D’après lui la dynamique du processus de projet, par essence éphémère, doit être fixée sur papier. 1
Ce dernier détail n’était d’ailleurs pas prévu au programme. Mais le foyer communal n’étant pas prêt à temps pour accueillir les étudiants, les habitants se sont retrouvés « contraints » de les loger. Ce qu’ils réitèreront très volontiers les étés suivants, bien que le foyer fut alors en mesure de les accueillir ! 2 ETERNAL NETWORK ; 2007
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En 2008, le projet « mémoire en demeure » a été récompensé du prix d’Architecture de la région Bretagne, ce qui a contribué à faire connaître le village au-delà de son pays. L’évolution de l’Espace KAWAMATA Jusqu’à l’intervention de l’artiste en 2004, le site était constitué de deux parcelles tout en longueur au sud de la Maison des Toiles. L’une d’elles était vide de bâti, l’autre présentait trois anciennes maisons de tisserands alignées à rue, et un hangar à l’arrière. Depuis longtemps inadaptés aux exigences d’habitabilité moderne, les bâtiments étaient abandonnés et menaçaient ruine. Il était prévu de les démolir pour y aménager le parking du nouveau musée. On voit ici à l’œuvre la méconnaissance du patrimoine ordinaire au profit d’un patrimoine plus « explicite », qui seul mériterait d’être conservé. Lors de ses premières visites en 2003, Tadashi KAWAMATA est séduit par le granit des constructions et décide d’intervenir dessus. Terrains et bâtis sont alors achetés par la commune. De 2004 à 2006 ont lieu les ateliers d’étudiants, qui vont réhabiliter le bâti et aménager les abords. Un élément vertical, la tour, est construit à travers le toit de la plus grande des maisons, reprenant la forme générique du métier à tisser. Un élément horizontal, la passerelle, relie les maisons et le hangar entre eux et avec l’arrière du terrain, Les abords directs sont aussi réaménagés : du mobilier urbain est installé, un parking est mis en place, un sentier pédestre part vers l’étang. Tout cela semble fonctionner, le village est ravi et lors de l’inauguration en 2006, le site est baptisé « Espace Tadashi KAWAMATA » en l’honneur de l’artiste. Mais en se rendant sur les lieux cinq ans plus tard, force est de constater que cela ne marche pas. Plusieurs modifications ultérieures ont été faites (voir schéma 3) pour mettre les bâtiments aux normes de sécurité et d’utilisation, afin de permettre un usage sans danger des bâtiments. De plus, le site reste très peu utilisé, et ce pour plusieurs raisons. N’étant jusque-là pas aux normes, ni raccordés aux réseaux d’eau et
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d’électricité, ils ne pouvaient que difficilement être utilisés par les habitants, entraînant une grande déception, notamment de la part des associations. S’ajoute à cela un effet psychologique : le site étant perçu comme le résultat de l’intervention d’un artiste, son appropriation par le village a été lente et timide. Enfin, aucune programmation n’avait été faite, aucune fonction n’avait été attribuée aux espaces réhabilités. C’était une volonté initiale de l’artiste : les lieux devaient être appropriés par les habitants. Lui ne faisant que poser la première pierre d’un processus que ceux-ci devaient continuer. En n’attribuant pas de fonction précise aux espaces, leur aménagement s’en trouvait moins contraint, et leur appropriation plus facile et plus spontanée. Théoriquement, cela est en cohérence avec la démarche de l’artiste, mais les années ont passé et nous révèlent que cette idée manquait de pragmatisme et de réalisme. Peut-être la culture japonaise et artistique de KAWAMATA s’est révélée ici être un défaut plus qu’un atout : il ne connaissait pas suffisamment la mentalité rurale locale pour 1 percevoir son caractère « terre-à-terre » .
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Selon les mots des habitants eux-mêmes.
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1.1.4. Le label « Communes du Patrimoine Rural Breton » (CPRB)
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En 1987, des maires de communes rurales bretonnes se sont réunis en association et ont fondé le label Communes du Patrimoine Rural Breton. St Thélo a été labélisé en 2002 et est désormais membre de l’association. Cette initiative est née de la prise de conscience par ces mairies de la richesse du patrimoine dont elles bénéficiaient, de la volonté de mutualiser leurs moyens pour protéger et mettre en valeur le patrimoine rural, et de mettre en commun leur voix pour peser auprès des institutions culturelles locales. Grâce au label, mairies et particuliers peuvent percevoir des aides financières du conseil régional et des conseils généraux (de l’ordre de 20 à 40% du montant des travaux suivant les départements) pour des travaux portant sur du bâti ancien. Comme son titre l’indique, le label ne concerne que les villages de campagne (exit donc les villes ou communes périurbaines) de la région Bretagne. L’adhésion doit être le fruit d’une véritable motivation des mairies, aucun moyen incitatif ou coercitif n’existant pour imposer la politique de l’association. Celle-ci porte sur quatre objectifs principaux, que sont : la sauvegarde, la mise en valeur et la sensibilisation au patrimoine rural ; l’information et l’accueil du public et la promotion des initiatives engagées ; l’animation de ce patrimoine (par des expositions, des visites guidées) ; et enfin l’aménagement des communes (par la mise en place de « circuits d’interprétation », de sentiers pédestres, de pistes cyclables…). Par ailleurs, pour guider les maires dans leurs démarches, l’association a mis en place – avec l’aide des CAUE, de la DRAC et des associations de restauration du patrimoine – un « cahier de recommandations paysagères » portant aussi bien sur l’aménagement du bourg que des paysages agricoles, ou des maisons et de leurs abords. Il faut ici saluer l’initiative prise par les décideurs politiques, qui offre une visibilité et une attractivité touristique accrue à ces communes. On assiste là à la mise en place (certes timide, et aux résultats encore très mitigés) d’un tourisme rural.
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Cf. infra Annexe C - Entretien avec C. HESRY.
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1.1.5. La mise en place d’une Zone de Protection du Patrimoine Architectural, Urbain et Paysager (ZPPAUP)* t
En 2010, la mairie de S Thélo décide de faire un pas de plus dans la protection de son patrimoine et d’aller au-delà des outils classiques déjà en place (zone de protection de 500m*, inventaire du patrimoine, règlements urbanistiques, et prochainement un Plan Local d’Urbanisme (PLU)*) en instituant une ZPPAUP sur tout le territoire de la commune. Cet instrument réglementaire remplace non seulement la zone de visibilité entourant tout objet classé « M.H. », en l’étendant de manière réfléchie et après une analyse fine du terrain, à un périmètre mûrement défini ; mais il entend aussi imposer tout un attirail de prescriptions architecturales et paysagères afin de protéger ce qui fait la spécificité du village. Par ailleurs, toute la phase d’analyse nécessaire en amont, co-réalisée par un architecte du patrimoine et un architecte-paysagiste, doit forunir aux élus notamment (mais aussi à tous ceux qui le souhaitent puisque le document final est d’accès public) une connaissance approfondie de leur territoire et des problématiques concrètes qui s’y appliquent, au niveau architectural, urbain et paysager. C’est une étape importante de la politique menée par la mairie de St Thélo, qui indique une ouverture d’esprit et une volonté politique forte et à long-terme en faveur du patrimoine. En effet, il faut voir qu’une ZPPAUP représente avant tout des contraintes supplémentaires d’ordre réglementaire, qui viennent se surajouter ou suppléer celles déjà existantes. 1 Cependant, et on l’a vu dans d’autres exemples , il est important de prendre garde à l’application littérale de ces prescriptions techniques, qui pourrait mener au pastiche, voire à une certaine « disneylandisation » du patrimoine. Il est certes important de prendre conscience des atouts d’un territoire (et des menaces qui y pèsent) mais cela ne doit pas être un facteur 2 d’inhibition de leur évolution.
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BUSSIERE Roselyne ; 10.2010 Cf. infra 1.2.1. Un patrimoine « ordinaire »
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Patrimoine ordinaire et développement rural, les enjeux d’une prise de conscience
1.1.6. Une politique éclairée au service d’un patrimoine ordinaire et rural Toutes ces initiatives dénotent une ambition forte de la mairie t de S Thélo, portée par un réseau de partenaires. On a ainsi observé le processus de patrimonialisation qui s’est opéré depuis une décennie maintenant, plaçant, malgré une marge d’action et des moyens limités, le patrimoine au centre de l’enjeu de développement du village. Cette démarche portant tout autant sur un travail de réappropriation collective de la mémoire et de l’histoire du lieu, que de la conservation d’un héritage en danger. Mais au service de quel patrimoine tout ceci est-il mis en place ? t
1.2. Le patrimoine de S Thélo De quoi parle-t-on quand on évoque le patrimoine du village t de S Thélo ? Nous serions bien déçus si nous nous en tenions à la définition courante et largement admise de patrimoine en t tant que « monument historique ». Il n’y a à S Thélo guère que le calvaire qui soit classé « M.H ». Pourtant, tout village a une histoire. Et pour peu qu’ils soient anciens, les éléments constitutifs de ce village – quels qu’ils soient : bâtiments, rues, toponymie, paysage…– sont porteurs des traces de cette histoire. Or, dès l’apparition de la notion de patrimoine (sous la 1 Révolution en France ), celle-ci s’est très vite définie comme « l’extraordinaire » en opposition à « l’ordinaire ». Ainsi donc, le patrimoine rural, et thélotais en particulier, contient en germe une richesse qui reste insoupçonnée, car trop quotidienne, trop ordinaire, trop rurale.
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CHOAY Françoise ; Le patrimoine en questions ; 2009
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Patrimoine ordinaire et développement rural, les enjeux d’une prise de conscience
1.2.1. Un patrimoine « ordinaire » Tout d’abord, intéressons-nous à la définition qu’en donne le 1 dictionnaire . Patrimoine : n. m. – 1160 ; lat. patrimonium « héritage du père » − Biens de famille, biens que l’on a hérité de ses ascendants − Ce qui est considéré comme un bien propre, comme une propriété transmise par les ancêtres.
Patrimoine archéologique, architectural, historique. (syn. fortune, héritage, apanage) Ordinaire : adj. – 1348 ; « juge » 1260 ; lat. ordinarius « ordre » − Conforme à l’ordre normal, habituel des choses ; sans condition particulière. − Dont la qualité ne dépasse pas le niveau moyen le plus courant, qui n’a aucun caractère spécial. − Qui n’a rien d’exceptionnel. (syn. banal, commun, standard ; contr. anormal, étrange, exceptionnel, extraordinaire, original, rare, remarquable) Le patrimoine se définirait donc comme un bien, un héritage transmis par les générations précédentes (patrimoine se dit d’ailleurs heritage en anglais). Deux notions interviennent ici : la propriété implique la responsabilité du détenteur vis-à-vis de son bien : il lui revient de l’entretenir, et de l’utiliser à bon escient. La transmission par les générations passées implique quant à elle une diffusion aux générations futures, et donc une bonne gestion de cet héritage et une propriété qui n’est que temporaire. Un patrimoine ordinaire serait un héritage commun, que rien ne distingue des autres héritages. Il se définirait a contrario comme ce qui n’est pas exceptionnel. Cette non-spécificité n’entraînant pas pour autant de non-qualité : le caractère ordinaire n’est ici justifié que d’un point de vue quantitatif et non qualitatif.
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Le Petit Robert de la langue française ; 2006
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Patrimoine ordinaire et développement rural, les enjeux d’une prise de conscience
Les origines du concept de « patrimoine ordinaire » 1 Nous reprenons cette notion de Roselyne BUISSIERE , chercheuse et chargée de mission au service de l’Inventaire Générale d’Ile-de-France, au sein duquel la construction intellectuelle de cette notion s’est forgée et fixée. Elle-même 2 récupère le terme de Julien DELANNOY , qui l’a théorisé dans ses mémoires de master d’architecture et de sciences sociales, et qui l’a choisi pour sa neutralité parmi un large champ lexical. Cependant le terme « patrimoine ordinaire » peut être retrouvé jusque chez l’architecte et historien de l’architecture italien 3 Gustavo GIAVANNONI . On peut aussi retrouver cette idée, mais sous d’autres acceptions et sans avoir fait l’objet d’une 4 définition aussi poussée chez l’historienne Françoise CHOAY et l’historien d’art et initiateur de l’Inventaire Général, André CHASTEL. Le patrimoine ordinaire selon R. BUSSIERE R. BUSSIERE a construit sa propre interprétation du terme en synthétisant deux définitions différentes : l’une, « spontanée », synthèse des mots associés par des personnes (non expertes dans le domaine) interrogées sur le sujet, et l’autre, « savante », élaborée à partir de références littéraires et de l’expérience de terrain. Selon la définition « savante », si la protection du patrimoine monumental est l’affaire de spécialistes et exprime une identité « universelle », le patrimoine ordinaire serait a contrario l’affaire de tous et serait porteur d’une identité locale. Alors que le patrimoine habituellement reconnu comme tel concerne tous les bâtiments ou sites classés ou inscrits « monument historique » – et est à ce titre protégé et entretenu directement ou indirectement par l’Etat ou les collectivités territoriales – le patrimoine ordinaire concerne tout ce qui n’entre pas dans cette catégorie. Les typologies d’objets concernés sont infinies :
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BUSSIERE Roselyne ; in AUDUC Arlette ; 2007 et BUSSIERE Roselyne ; 10.2010 DELANNOY Julien ; 2005 et DELANNOY Julien ; 2007. GIAVANNONI Gustavo ; 1931-1998. 4 CHOAY Françoise; L’allégorie du patrimoine ; 2009 2 3
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Patrimoine ordinaire et développement rural, les enjeux d’une prise de conscience
chapelles, croix, fermes, maisons, murs… mais aussi ensembles bâtis, structure villageoise, front urbains… ou bien encore tracés parcellaires, toponymie… Ce patrimoine n’est pas protégé, et il revient à la commune ou aux propriétaires privés de décider de son sort. Selon la définition « spontanée » : le patrimoine ordinaire se définit par « tout ce qu’on a sous les yeux et qu’on ne voit pas ». C’est ce qui est trop intégré à notre quotidien pour qu’on y prête attention. Tout un champ sémantique peut dès lors y être associé : quotidien/banal, disséminé/diffus, répétitif/sériel. En définitive, R. BUSSIERE synthétise ces deux définitions en une : le patrimoine ordinaire est « ce qui forge l’identité d’un territoire », l’essentiel de la culture matérielle et immatérielle qui compose le paysage des villes et des villages. C’est la protection de ce type de patrimoine qui est à l’origine du Service de l’Inventaire Général, fondé par André CHASTEL, qui voulait prendre en compte : « la ville dans sa substance la plus
modeste et caractéristique : l’architecture mineure. »1 Les caractéristiques du patrimoine ordinaire Bien que par définition quelque chose d’ordinaire n’ait pas de caractère spécial, et ne puisse se définir qu’a contrario, il est possible de dégager quelques critères discriminant le patrimoine ordinaire de l’architecture sans qualité aucune. R. BUSSIERE distingue dans le caractère ordinaire du patrimoine les critères suivants : l’auto-construction, la construction successive et continue, la liaison au contexte et la fragilité. L’architecture ordinaire est la plupart du temps le fruit de l’auto-construction : il n’est pas fait appel à un architecte, et ce sont les habitants eux-mêmes, qui, avec des matériaux tirés du site et des techniques traditionnelles, construisent leurs bâtiments. Le rapport à ceux-ci est donc nettement différent du mode de consommation actuelle d’une architecture « clé en main ». Cette architecture ordinaire, telle que nous la voyons aujourd’hui, est par ailleurs le résultat d’un enchaînement spontané et continu – mais jamais planifié – de constructions, 1
BUSSIERE Roselyne ; in AUDUC Arlette ; 2007 ; p. 75
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Patrimoine ordinaire et développement rural, les enjeux d’une prise de conscience
modifications et destructions. La ville se construit sans cesse sur elle-même : c’est un processus biologique vital et régénérant qui ne doit pas être condamné, mais seulement « contrôlé » et « soigné ». L’architecture ordinaire est aussi intrinsèquement liée à son territoire : elle est forgée par lui, et lui par elle. Elle fait véritablement territoire. En effet, le contexte géographique (hydrographie, relief, orientation, sol), paysager (vent, climat, végétation) et constructif (matériaux, systèmes constructifs) influence inévitablement le patrimoine bâti, mais aussi indirectement le patrimoine immatériel. Enfin, ce patrimoine est fragile car il n’est plus guère adapté aux modes de vie contemporains et aux exigences du confort moderne, ce qui entraîne des modifications lourdes et brutales qui le dénaturent. Parfois même, ces modifications peuvent n’être motivées par rien d’autre que par la volonté d’être « moderne ». Les menaces pesant sur le patrimoine ordinaire Le patrimoine ordinaire est fragile car soumis à diverses menaces pouvant entraîner sa dénaturation* voire sa disparition. A la lecture de R. BUSSIERE et J. DELANNOY, nous pouvons relever : la méconnaissance, une sensibilisation faible ou inexistante, une protection inefficace, et enfin un manque de volonté politique. Comme il a été vu précédemment, le patrimoine ordinaire ne se donne pas à voir tout de suite. Il est tellement « intégré » à la vie quotidienne des habitants qu’il devient « invisible » à des yeux non-avertis. Ce déficit de reconnaissance est par ailleurs accentué par les modifications profondes du bâti qui empêchent la lecture de la typologie architecturale d’origine. C’est cette « invisibilité » qui est dangereuse, car l’ignorance entraînant l’intolérance, des modifications profondes et inadaptées peuvent provoquer la disparition du patrimoine. Ce qui peut être résumé selon le schéma suivant :
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En effet, plus le patrimoine est « explicite », plus il est protégé et sa typologie architecturale originelle est respectée ; tandis que plus il est discret, plus il subit de modifications « négatives ». Par-là, on entend : le non-entretien, voire l’abandon du bâtiment, ce qui provoque sa ruine « naturelle » ; des modifications légères et réversibles qui le dénaturent et le rendent méconnaissable ; des modifications profondes et irréversibles ; la disparition pure et simple (le bâtiment est rasé) ou encore la « caricaturisation » ou « disneylandisation » du patrimoine, par collage d’éléments pseudo-anciens (nonauthentiques et scientifiquement faux) ou néo-rustiques de « mauvais goût ». t Pour illustrer notre propos, revenons à S Thélo, où en y arrivant pour la première fois en 2004, Tadashi KAWAMATA fut très impressionné par l’architecture de granit et de schiste. En effet, tous les bâtiments du village – même les plus modestes maisons – sont construits dans ces matériaux locaux. Ce qui paraissait évident et banal pour un Thélotais ne l’était certainement pas pour un Japonais. C’est ce décentrement du regard qui a permis de révéler une part du caractère du village. Les outils actuels de sensibilisation au patrimoine (ZPPAUP, CAUE, STAP*, DRAC, Journées du Patrimoine, Inventaire Général…) s’avèrent trop peu opérants pour faire prendre conscience du patrimoine banal, car ils sont soient insuffisamment portés à la connaissance du public, et donc sous-utilisés, soit focalisés sur le patrimoine extraordinaire au détriment de l’ordinaire. Les outils de protection quant à eux (PLU, zone de protection de 500m autour d’un « M.H », ZPPAUP…), en plus d’être largement perfectibles, sont perçus comme des contraintes urbanistiques supplémentaires, mais n’aident pas forcément à comprendre les enjeux patrimoniaux. Enfin, un manque de volonté politique d’intégrer le patrimoine dans les enjeux de développement, peut lui être fatal. En effet, associer « une importante activité de
conservation et une utilisation stagnante du patrimoine est peu soutenable à long terme ». 1 Si le potentiel du patrimoine
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GREFFE Xavier ; 2003 ; cité dans DRAC BRETAGNE ; 2007 ; p. 10
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Patrimoine ordinaire et développement rural, les enjeux d’une prise de conscience
monumental est clairement perçu et manipulé par le politique, celui du patrimoine ordinaire n’est pas encore reconnu. Celui-ci est au mieux perçu comme un décor urbain pittoresque de carte postale, au pire considéré comme une gêne pour le développement urbain ou rural. Cependant, il est important de distinguer « modification » et « évolution » du bâti. Par nature, l’architecture « ordinaire » est en constante évolution. Vouloir l’interdire, c’est lui dénier ce qui fait son caractère propre : elle doit pouvoir s’adapter aux besoins forcément changeant de ses habitants, dans le respect de la typologie architecturale d’origine. L’intérêt propre du patrimoine ordinaire Pourquoi serait-il si important de devoir prendre en compte le patrimoine ordinaire ? R. BUSSIERE reconnaît que celui-ci est un enjeu important car à l’heure du développement durable, du respect de la nature, et de la responsabilisation citoyenne, le patrimoine ordinaire apparaît plus que jamais comme une « leçon d’harmonie et d’écologie » : il se construit avec la nature et non contre elle. De plus, il apporte une plus-value à un village, un territoire. Par les valeurs culturelles et la mémoire qu’il véhicule, il procure une identité forte et spécifique à ces lieux, qui n’apparaissent pas comme étant dans un espacetemps homogène et neutre, mais complexe et riche. Par la compréhension qu’il apporte des modes de vies passées, et de l’histoire locale, il renforce directement l’identité locale et, indirectement, permet de mieux comprendre le monde présent. Connaître le patrimoine ordinaire, le substrat patrimonial, permet par ailleurs une meilleure appréciation du patrimoine monumental, l’un ne pouvant être pensé sans l’autre. « Le
patrimoine ne peut exister qu’à travers le patrimoine ordinaire »1 disait GIAVANONNI. Enfin, il doit permettre de mieux guider les politiques urbaines, en sensibilisant les décideurs politiques aux enjeux de développement durable du territoire qu’ils administrent.
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GIAVANONNI GUSTAVO ; 1931-1998 ; in BUSSIERE Roselyne ; 14.10.2011
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1.2.2 Un patrimoine rural Le patrimoine « ordinaire » n’est pas circonscrit à un espace donné : on le trouve aussi bien en ville, qu’en zone péri-urbaine ou rurale. Or, en plus d’être « ordinaire », le patrimoine de t S Thélo a la caractéristique d’être aussi « rural ». Cet épithète étant plutôt utilisé chez les géographes (par opposition à urbain), tandis que les folkloristes du XIXe – début XXe s. préféraient le terme de paysan. Les ethnographes parlent eux d’une architecture vernaculaire, qui serait l’expression d’une 1 culture traditionnelle locale à une époque donnée . Nous avons vu précédemment la définition de patrimoine, 2 intéressons-nous maintenant à la définition du terme rural : Rural : adj. – 1350 ; lat. tardif ruralis « campagne » Qui concerne la vie dans les campagnes, qui concerne les paysans (syn. campagnard, agricole ; contr. urbain) Un patrimoine rural serait donc un patrimoine qui ne serait pas urbain, et qui aurait essentiellement à voir avec la vocation historiquement agricole des campagnes. Ce qui pose tout de même la question de savoir si une architecture typiquement urbaine transposée à la campagne (par exemple un alignement de maisons de bourgs comme on t peut en voir à S Thélo) intègre cette définition. Le patrimoine rural selon la loi La loi définit le « patrimoine rural non protégé », comme étant composé « des édifices publics ou privés qui présentent un
intérêt du point de vue de la mémoire attachée au cadre bâti des territoires ruraux ; de la préservation de savoir-faire ; ou qui abritent des objets ou décors protégés au titre des monuments historiques, situés dans des communes rurales et des zones urbaines de faible densité 3 ». Via les départements, l’Etat participe à hauteur de 10 à 15% à leur conservation. Par ailleurs,
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GRODWOHL Marc ; 2008
Le Petit Robert de la langue française ; 2006 Article 8 du décret n° 2005-837 du 20 juillet 2005
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Patrimoine ordinaire et développement rural, les enjeux d’une prise de conscience
la loi reconnaît que « le territoire est le patrimoine commun de la Nation »1. Mais la législation reste assez simplificatrice et ne prend en compte que le patrimoine bâti, oubliant l’immatériel. Le patrimoine culturel rural selon Isaac CHIVA 2 Dans son rapport de 1994 intitulé « Le patrimoine rural », l’ethnologue Isaac CHIVA définit le patrimoine culturel rural comme étant un concept complexe : la France est historiquement un pays de tradition rurale, aux cultures locales les plus diversifiées d’Europe. Cela s’explique par le fait notamment que le contexte géographique (géologie, topographie, hydrographie, climat, végétation…) ne soit nulle part le même sur le territoire national. Ce patrimoine rural, que l’on peut aussi appeler patrimoine ethnographique, n’est pas seulement bâti, c’est une complexe imbrication de plusieurs couches (territoire, nature, technique, symbolique…). Ces caractéristiques particulières en sont la diversité et l’hétérogénéité des éléments constitutifs de son corpus. L’énumération ne saurait en être exhaustive : un bâti le plus souvent très modeste et rarement monumental (fermes, fours, lavoirs, chapelles, croix….) ; des ensembles bâtis et leur répartition dans les campagnes (villages, bourgs, hameaux) ; un paysage travaillé par l’Homme pour l’exploitation des ressources et l’organisation du territoire (parcellaires, réseaux viaires, forêts plantées, champs, talus et autres reliefs artificiels…) ; une culture immatérielle (langues et dialectes, gastronomie, chants, contes, musiques, techniques et savoirfaire artisanaux…). Mais tout ce patrimoine est aussi soumis à l’urgence, de son observation comme de sa protection, car très sensible à un processus permanent (et de plus en plus marqué) de disparition / création de ses éléments. En effet aujourd’hui, le monde rural se trouve profondément transformé par la suite de 3 l’accumulation de plusieurs facteurs : la rurbanisation (ou périurbanisation des campagnes) ; de manière générale la diminution de la population agricole, due à des mutations
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Article L. 110 du Code de l’Urbanisme ; 2009 CHIVA I. ; 1994 ; pp. 227-232 Cf. infra 2.2.1. Contexte géographique et socio-économique
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économiques et techniques profondes de l’agriculture ces 40 dernières années ; une décomposition des paysages agricoles, notamment due aux remembrements brutaux des parcellaires durant les années 1970 ; et enfin, pour certains villages, une chute dramatique de la population, ce qui entraîne un déséquilibre dans la pyramide des âges, un vieillissement statistique de cette population et accélère la désertification. Par ailleurs, I. CHIVA déclare que la protection de ce patrimoine rural nécessite non seulement la difficile mise en relation des disciplines scientifiques, architecturale et paysagère, afin d’appréhender dans sa globalité la complexité intrinsèque à la culture rurale ; mais aussi la mise en relation de la recherche avec les politiques culturelles (qu’elles soient publiques, associatives ou privées) et avec l’action concrète (les opérations de restauration et de protection) ; enfin, la mise en relation de cette protection avec une politique de conservation active, qui passe par la réappropriation , la réutilisation et l’intégration de 1 ce patrimoine. Le patrimoine rural selon l’ECOVAST 2 L’European Council for the Village And Small Town (ECOVAST*), utilise le terme de « paysage » (« landscape ») pour définir le territoire rural et reprend à son compte l’idée d’interrelation de plusieurs couches accumulées au fil du temps (voir schémas). En premier lieu, le paysage naturel originel, préexistant à toutes installations humaines, c’est-à-dire le contexte géographique : la topographie, le sol, la végétation, le climat, l’hydrographie… Cette nature a profondément influencé et continue d’influencer les différentes civilisations humaines. Rien qu’en Bretagne, un Malouin pouvait autrefois s’estimer différent d’un Bigouden, d’un Léonard, d’un Trégorois ou d’un Vannetais. Puisque chacun d’entre eux a eu à s’adapter à une situation géographique différente, ils ont développé une culture, et un 3 état d’esprit sensiblement différents.
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Cf. infra 2.2.2. Vers une mise en place d’une véritable politique culturelle locale ? ECOVAST ; 2006 ; p.7 Voir à ce propos ROHOU Jean ; 2005
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Viennent ensuite les artefacts humains. Soit tout ce qui, à la surface de la Terre, est l’œuvre de l’Homme : le bâti, les champs, la végétation plantée, les reliefs artificiels… En somme, 1 ce que William Morris définissait par « architecture ». C’est la preuve matérielle du passage de l’Homme sur Terre, les traces tangibles des générations passées. Enfin, vient s’ajouter à cela le champ du symbolique et du spirituel : la culture, l’histoire, la mémoire, l’identité d’une civilisation, sont constituées de ce que nous appelons aujourd’hui le patrimoine immatériel. Cet héritage est le plus fragile car non directement perceptible. Il est aussi par nature plus volatile : le temps ayant raison des mémoires plus facilement que de la pierre. Malgré l’atout qu’il peut représenter pour l’amélioration du cadre de vie et le développement d’un village de campagne, le patrimoine ordinaire rural s’avère soumis à de nombreuses menaces, dont paradoxalement, sa méconnaissance par les usagers eux-mêmes s’avèrent être la plus grande. D’où l’importance de la mise en place d’un processus de prise de conscience et de réappropriation collective de ce patrimoine par les habitants. 1.2.3 Inventaire des types de patrimoine Sont passés ici en revue les objets patrimoniaux qui sont le fruit de l’action réciproque de l’Homme sur son environnement. A savoir : l’organisation du territoire et le bâti. Cet inventaire ne se veut pas exhaustif, ce n’est pas le sujet de ce mémoire. Il vise à dresser une typologie succincte mais opérante du patrimoine t rencontré à S Thélo, afin de mieux saisir l’enjeu de sa prise de conscience, de sa sauvegarde et de sa mise en valeur. L’organisation territoriale et la structure villageoise La structure paysagère et urbaine du village est souvent peu prise en compte dans le corpus patrimonial. En effet, ne se remarquant pas directement sur le terrain, un lent travail
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« L’Architecture est l’ensemble des modifications et des variations introduites sur la surface terrestre pour répondre aux nécessités humaines » ; William Morris ; conférence à la London Institution ; 10 mars 1881.
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préalable de cartographie et de recoupement d’archives est nécessaire. Sa compréhension est pourtant cruciale pour appréhender le patrimoine ordinaire si étroitement lié à son territoire. Il convient de noter que l’organisation du territoire de St Thélo et l’éparpillement de ses hameaux dans les campagnes alentours participe aussi d’un fait culturel et patrimonial digne d’intérêt. Ceci est brièvement évoqué dans la carte ci-contre. Mais, pour des raisons pratiques, la suite de notre analyse se limitera au bourg. On remarque l’organisation polynucléaire du village, réparti sur un large territoire agricole traversé de vallées creusées par des cours d’eau. La route départementale parcourt la commune du nord au sud dans sa partie est, tandis qu’une autre passe par le bourg au sud-ouest (voir carte suivante). A partir de celui-ci, rayonnent les chemins vers les hameaux, essentiellement situés en fond de vallées ou en tête de plateaux. Le territoire se trouve ainsi finement maillé par les voies de circulation. Les croix de carrefours, la toponymie et les vues dégagées sur l’openfield facilitant le repérage. Dans le bourg, la trame viaire apparaît très clairement : la rue principale (auj. rue Maison des Toiles) contourne le village par le sud. A l’intérieur du bourg, une rue parallèle (auj. rue des tisserands) vient répéter ce schéma. C’est le long de ces deux voies circulaires que s’établissent la plupart des maisons de négociants et de tisserands. De nombreuses venelles et sentes bordées de talus ou de murs de clôture rayonnent depuis la place centrale et l’église vers les hameaux voisins. Plus tard au e milieu du XIX s. fut tracée l’actuelle route départementale qui contourne le bourg par le nord et sépare le bourg du hameau de Botidou, et le long de laquelle se trouve notamment l’école communale. On repère aussi au sud-est du village deux lotissements, témoins d’un développement urbain récent (mais 1 non d’un développement démographique ) qui se distinguent du reste du bourg par le découpage de leurs parcelles cadastrales et l’implantation de leur bâti, en totale négation du principe urbain du bourg et de l’intégration paysagère.
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Cf. infra Annexe C - Conversation avec P. LAUNAY
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Le patrimoine bâti t Le village de S Thélo présente un patrimoine architectural encore très présent, et en bon état. La croix du cimetière, aujourd’hui située en bordure de la place principale, date du e XVIII s. et est inscrite sur la liste des monuments historiques. Jusqu’à présent, une zone de protection de 500m autour de cette croix couvrait tout le bourg. La nouvelle ZPPAUP se propose d’étendre cette zone à tout le territoire communal. D’autres bâtiments ont été répertoriés par le Service Général de 1 l’Inventaire du Ministère de la Culture , ainsi que dans le cadre 2 de l’analyse préalable à la ZPPAUP : On observe la prédominance d’une architecture datée du e e 3 XVII - XVIII s., qui coïncide avec l’âge d’or du lin en Bretagne . e Le profond déclin économique qui s’ensuivit au XIX s. a fortement fait baisser le niveau de vie des habitants, limitant les transformations du bâti, et ne donnant lieu qu’à peu de constructions neuves. Seules quelques maisons de bourg, ainsi que la mairie et l’école communale ont été construites pendant e cette période de déclin, début XX s., notamment le long de la nouvelle route départementale. Cependant, la construction de cette école par le Ministère de l’Education Nationale dénote le t fait qu’à cette époque S Thélo était encore suffisamment peuplé pour justifier un tel investissement. Par ailleurs, il est intéressant de souligner que, bien qu’il n’y ait qu’un seul monument inscrit « M.H » (ce qui est déjà en soi t important pour une commune de cette taille !), S Thélo compte un patrimoine « ordinaire » très important mais diffus. Il faut recroiser différents types de documents complémentaires (dossiers d’analysse de ZPPAUP, du CAUE 22 et du CPRB), mais surtout parcourir soi-même le terrain pour prendre conscience de la richesse et la complexité de la relation patrimoineterritoire, richesse qui ne saurait être réduite à la dichotomie « monument historique / pas monument historique ».
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Service Général de L’inventaire – DRAC Bretagne ; 1996 KIENTZ-REBIERE Isabelle & GAROS Gilles ; 2010 Cf. infra 2.1.1. Contexte socio-historique
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Patrimoine ordinaire et développement rural, les enjeux d’une prise de conscience
Grâce à la zone de protection de 500 mètres qu’implique le classement d’un unique monument (le calvaire de la place), c’est tout le bourg ainsi que le lieu-dit Botidou qui se retrouve « protégé ». Ce qui a sans doute permis un relatif maintien global de ce patrimoine ordinaire, mais n’a pas empêché certaines transformations dénaturantes* du bâti. 1 Les erreurs les plus fréquemment rencontrées portent notamment sur : − les enduits au ciment sur des maçonneries de schiste ou des linteaux de pierre. Ou à l’inverse, le décroutage de maçonneries de schiste initialement enduites à la chaux, − les joints à la chaux des maçonneries visibles, − les modifications de gabarit (pente de toiture, débord de toiture, lucarne supprimée, verrue bâtie), − les modifications des ouvertures de façades, − la non-intégration des menuiseries et ferronneries neuves, − la non-intégration de volets roulants, − la non-intégration des descentes d’eaux pluviales. Le patrimoine immatériel Toponymie, chant, contes, spiritualité, superstition, musiques, outils et techniques de travail, savoir-faire et savoir-vivre… La liste du patrimoine immatériel ne saurait être exhaustive, tant il est vrai que tout ce qui constitue la vie quotidienne fait partie intégrante du patrimoine ordinaire rural. Cependant, il n’est pas dans notre compétence de l’étudier, et toute une littérature 2 d’ethnologues et d’historiens existant déjà , nous nous bornerons à cette énumération.
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KIENTZ-REBIERE Isabelle & GAROS Gilles ; 2010 Lire notamment : DE BEAULIEU François ; 2010 ; HELIAS Pierre-Jakez ; 1975 et ROHOU Jean ; 2005
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Patrimoine ordinaire et développement rural, les enjeux d’une prise de conscience
1.2.4 Le patrimoine, porteur de mémoire et d’identité Tout ce patrimoine ordinaire que nous venons de passer en e e revue est le témoin d’une époque – les XVII et XVIII s. notamment – lors de laquelle la Bretagne était à son apogée culturelle et économique. Mais les circonstances historiques ont fait que cet héritage a disparu peu à peu des mémoires, de la mémoire collective. Il en est d’autant plus menacé aujourd’hui de disparition. Pourquoi cet héritage est-il menacé ? Et quel impact réel exerce la politique actuellement menée en faveur du patrimoine ?
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Patrimoine ordinaire et développement rural, les enjeux d’une prise de conscience
2. LES EFFETS DU PROCESSUS DE PATRIMONIALISATION Nous avons passé en revue les différentes initiatives, parfois concertées, souvent isolées, prises en faveur du patrimoine t local à S Thélo et alentours. Analysons maintenant les conséquences réelles que cela a pu avoir, tant sur la population locale que sur le développement économique et social. 2.1. L’impact sur la population locale Pour mesurer la prise de conscience par la population locale de son patrimoine, il est nécessaire avant tout de comprendre les raisons qui l’ont amenée à oublier ce patrimoine au point que celui-ci soit menacé de disparition. 2.1.1. La notion de déclassement / classement Le processus de « patrimonialisation » consiste en la prise de conscience de l’intérêt patrimonial d’une chose (qu’elle soit matérielle ou immatérielle) et de ce fait, transforme cette chose, la sanctuarise, la rend intouchable. On parle aussi de 1 e « classement » . Aujourd’hui, et depuis le XIX s., en Europe d’abord, puis partout ailleurs dans le monde, ce processus est 2 entré dans les mœurs, et a été très étudié . Par exemple, selon l’intérêt qu’un édifice présente, celui-ci sera « classé » ou « inscrit » sur la liste de l’Inventaire Général du Patrimoine. Par 3 ailleurs, Aloïs RIEGL relevait cinq valeurs différentes qui distinguaient un monument de n‘importe quel édifice : valeurs d’histoire, d’art, d’ancienneté, de mémoire et d’usage auxquelles 4 il conviendrait d’ajouter les valeurs d’identité et d’économie.
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FABRE Daniel ; in FABRE Daniel & IUSO Anna (sous la direction de) ; 2010 ; p. 41 Voir notamment : CHOAY Françoise; L’allégorie du patrimoine ; 2009 RIEGL Aloïs ; 1903 - 2003 4 CHOAY Françoise ; op. cit. 2 3
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Un processus en trois étapes C’est suite à la lecture de l’introduction du livre de Daniel FABRE et Anna IUSO, et suite aussi aux entretiens avec la t population de S Thélo, que nous avons pris conscience que, si le « classement » a lieu, il s’opère préalablement ce que Daniel FABRE appelle un « déclassement ». L’auteur révèle un processus qui se déroule en deux temps : le déclassement, puis le classement (et éventuellement pour certains cas le surclassement, qui consiste en l’inscription au patrimoine mondial de l’UNESCO, établissant une hiérarchisation du patrimoine).
Pour expliciter ce schéma, nous prendrons l’exemple d’un patrimoine qui n’est certes pas ordinaire, mais qui illustre toutes les étapes du processus : les cathédrales gothiques. Construites e e à la fin du Moyen-Age (XIII -XV s.), elles étaient la concrétisation dans la pierre de la grandeur de Dieu, et de la ferveur chrétienne. Puis les Temps Modernes les ont rejetées, les qualifiant d’un péjoratif « gothique », car elles étaient devenues le symbole de l’obscurantisme religieux contre lequel se proposait de combattre la philosophie humaniste et scientifique e de l’époque. Ce n’est qu’au XIX s, suite aux destructions révolutionnaires en France et au mouvement romantique en Europe, que les intellectuels s’intéressent de nouveau au style gothique au point d’élaborer un style « néo-gothique ». Une fois le Service des Monuments Historiques créé, toutes les cathédrales gothiques françaises sont classées et protégées au titre des « monuments historiques », certaines d’entre elles e (Chartres, Bourges, Amiens) étant même inscrites au XX s. sur la liste du Patrimoine Mondial de l’UNESCO.
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Patrimoine ordinaire et développement rural, les enjeux d’une prise de conscience
Le déclassement Qu’entend-on par « déclassement » ? Laissons parler Daniel FABRE : Le déclassement est « [une] dégradation agressive,
presque insupportable, [qui] est nécessaire pour que le moment de la reconnaissance monumentale soit exalté en tant que saut historique par lequel le passé se trouve illuminé, reconnu, régénéré. »1 Le déclassement est donc l’état intermédiaire d’un objet patrimonial (quel qu’il soit), entre son usage normal et sa reconnaissance patrimoniale par le grand public. Au mieux c’est de l’indifférence, au pire du rejet viscéral. Appliqué à l’architecture, c’est au mieux un état de sous-utilisation sans entretien, au pire l’abandon, voire la ruine complète. (A vrai dire, il y a peut-être pire encore : la destruction du bâtiment, non motivée par des questions pratiques mais plutôt symboliques et politiques : la tabula rasa. Quelle plus grande déchéance en effet pour un bâtiment que de se voir reconnaître inapte, obsolète, laid ? ) C’est une étape cathartique par laquelle passe l’objet patrimonial, avant qu’il ne soit reconnu par la société et soit intégré au corpus patrimonial. L’objet patrimonial est d’abord rejeté, renié, frappé du sceau de la honte et de l’obscurantisme avant de pouvoir remonter à la surface, et susciter plus d’intérêt qu’il n’en avait initialement. Appliqué à l’architecture, le processus pourrait se résumer ainsi :
Ainsi par exemple, les maisons de tisserands et de marchands t e e de toiles de S Thélo ont été construites aux XVII – XVIII s. Au e cours du XX s. et surtout après la seconde guerre mondiale, ces maisons se sont retrouvées inadaptées aux nouvelles exigences 1
FABRE Daniel ; op. cit ; p. 41
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du confort moderne, et certaines d’entre elles devenant véritablement inhabitables, elles ont été petit à petit abandonnées ou rasées. L’histoire a été oubliée par la population à tel point, qu’avant que le CAUE 22 ne « redécouvre » le patrimoine du lin de la région, les maisons de marchands étaient appelées « château » ou « manoir » par les habitants. Mais aujourd’hui, le processus de « classement » est en cours. Tadashi KAWAMATA a réhabilité deux anciennes maisons de tisserands, une maison de marchand a été transformée en gîte rural, une autre en Maison des Toiles. Des t passionnés rachètent des maisons à S Thélo et alentours, et les restaurent avec leurs moyens. Le déclassement précède donc le classement, l’abandon précède la réhabilitation. Mais : « si l’ordre de succession des
deux phases […] est logiquement invariable, leur enchaînement narratif présente d’intéressantes nuances quant à la place et au rôle des habitants »1. Le rôle de la population L’une et l’autre de ces deux étapes peuvent être des décisions spontanées de la population, reflet du zeitgeist, des mentalités d’une époque, et sont donc légitimées démocratiquement. A l’inverse, ces deux étapes peuvent tout aussi bien être le fruit direct ou indirect d’une politique volontariste de la part d’institutions étatiques, intellectuelles ou identitaires… Chaque cas étant particulier. Nous analyserons par la suite le rôle qu’a t joué la population de S Thélo dans cet effet déclassement / classement. 2.1.2 Le contexte socio-historique Nous avons vu que pour comprendre le processus de t patrimonialisation en cours aujourd’hui à S Thélo, il est indispensable de comprendre comment et pourquoi ce qui constitue son patrimoine en est arrivé à être méprisé par sa population elle-même. L’étude du contexte socio-historique de t S Thélo et sa région va nous éclairer sur le processus de déclassement qui a précédé le classement. 1
FABRE Daniel ; op. cit ; p. 41
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Proto-industrie et richesse e Dès le XII s. les premières traces d’activités textiles basées sur e le lin et le chanvre sont relevées en Bretagne. Au XVII s, sous le règne de Louis XIV se développe une véritable proto-industrie : la Bretagne est alors au cœur d’un réseau européen de commerce : les graines sont importées des pays baltes via les t grands ports de commerce (Morlaix, S Malo, Nantes…) pour être cultivées dans les régions les plus fertiles : le Léon et le Trégor. Les récoltes sont ensuite traitées pour en faire des toiles dans les différentes « manufactures » qui se répartissent dans plusieurs régions de la Bretagne. On dénombre les toiles Olonnes, Canevas et Noyales faites à partir de chanvre, et les toiles Crées et Bretagnes faite de lin. Enfin, les toiles sont intégrées aux circuits commerciaux des ports bretons, pour être exportées vers l’Angleterre, la Hollande, l’Espagne et ses colonies d’Amérique. Cette économie textile fonctionne sur un système « mondialisé » avant l’heure. t S Thélo fait partie de la manufacture des toiles Bretagnes, qui t t s’étend au sud de S Brieuc, dans un quadrilatère S BrieucMoncontour-Pontivy-Corlay. On entend par « manufacture », non pas une usine industrielle qui centraliserait toute les opérations de traitements textiles, mais une production éclatée en un maillage diffus d’acteurs opérant sur un même territoire et travaillant à la production d’une même toile à l’origine et au nom étroitement contrôlés par l’administration royale. Ces opérateurs sont : les cultivateurs, les tisserands, les blanchisseurs, les négociants et les armateurs. Par ailleurs, on parle de « proto-industrie », car celle-ci ne peut être assimilée à une industrie moderne, telle qu’elle s’est e développée à partir du XIX s. La production n’est pas centralisée ni rationalisée : c’est une interrelation d’artisanats. Cette « proto-industrie » est issue des théories mercantilistes et de la politique colbertiste visant une balance commerciale excédentaire en favorisant l’essor industriel et commercial. Elle est donc étroitement surveillée par l’administration royale à qui négociants et exportateurs doivent rendent des comptes. Des bureaux de contrôle et des marques apposées sur les colis
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garantissent la qualité et l’authenticité des produits exportés, tels nos actuels « labels d’appellation d’origine contrôlée » Le succès des toiles bretonnes permet aux négociants d’intégrer la bourgeoisie lettrée et éclairée et offre aux ouvrierspaysans un revenu complémentaire à une agriculture bien maigre. Cet argent est à l’origine d’un patrimoine ordinaire méconnu parce que modeste, ou investi dans un patrimoine communautaire (tant religieux que civil) plus reconnu du grand public. Cette industrie du lin est aussi à l’origine de tout un patrimoine immatériel, (savoir-faire et techniques, chants, contes, proverbes, fêtes) lui aussi peu connu du grand public, malgré le fait qu’il ait tôt suscité l’intérêt des ethnographes et folkloristes. Déclin économique et exode Mais cette industrie textile n’est pas portée pas une vision prospective à long terme. Elle reste considérée comme un complément économique à l’agriculture dans une région où la terre est peu fertile, comme un palliatif à la misère des ouvriers pauvres (tisserands et blanchisseurs). Les capitaux engrangés servent un enrichissement personnel ou communautaire, mais sont peu réinjectés dans le développement et le e renouvellement des moyens techniques. Au XIX s. les manufactures bretonnes se révèlent incapables de s’adapter aux technologies modernes et à la concurrence. Par ailleurs, la vente se faisant majoritairement à l’exportation, elles sont soumises aux aléas commerciaux et diplomatiques internationaux : les multiples guerres, la concurrence grandissante du coton provenant du Royaume-Uni, puis l’indépendance des colonies espagnoles d’Amérique qui représentent le principal marché : tout cela aura raison de cette économie fragile. En 1830, la manufacture des toiles Bretagnes cesse d’exister, même si quelques tentatives isolées de relance ont lieu tout au e long du XIX s et jusque dans les années 1920, notamment à Uzel. Elles restent sans suite, écrasées par la concurrence
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des manufactures bien plus modernes du nord et de l’est de la France et du coton des colonies britanniques. S’ensuit une forte récession économique qui pousse les populations rurales à l’exode vers les grandes villes, le reste de la France, Paris, voire les Etats-Unis pour les plus courageux. t Dès lors, la population de S Thélo n’aura de cesse de diminuer : 1 on comptait 2225 habitants sous la Révolution , en 2008 la 2 population totale n’atteint que 432 habitants. La charge symbolique associée aux activités textiles du lin s’inverse alors : de richesse et fierté régionale, elle devient synonyme de misère, de honte et est peu à peu refoulée des mémoires. Le passé devient ringard et est rejeté dans les limbes de l’oubli. Place doit être alors faite à ce qui est « moderne » (dans le cas breton, à ce qui est « français », « parisien »). Les générations se suivent, mais le processus se renouvelle cycliquement avec plus ou moins d’intensité suivant l’époque, le contexte culturel et économique. e Ce processus est initié sous la III République avec sa volonté de négation des particularismes régionaux sous prétexte d’unité nationale. D’abord imposé par l’Etat (à travers différentes institutions que sont l’école, la mairie, le service militaire, les médias), ce processus de négation est ensuite intériorisé par la population elle-même, qui en vient à développer un complexe d’infériorité. Tout cela est renforcé par la profonde coupure culturelle et sociétale qu’opère la Grande Guerre 14-18 : les modes de vies évoluent, les mœurs changent, les goûts aussi. L’équilibre fragile de la société rurale traditionnelle – aux traditions profondément ancrées dans la vie quotidienne – se disloque. Après-guerre, cependant qu’au quotidien le processus de « déclassement » se poursuit, a lieu le « réveil breton » : la charge symbolique associée à la Bretagne s’inverse de nouveau : être breton semble alors être redevenu une fierté. Mais cette prise de conscience se focalise dans un premier 1 2
Annuaire Mairie.fr d’après l’INSEE.
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temps sur le folklore ; et reste circonscris, dans l’espace aux grandes villes, et dans le temps aux fêtes. Elle reste limitée au patrimoine immatériel ou au bâti monumental. Quant au patrimoine paysan il semble, lui, condamné à une éternelle indifférence. Mis à part le bâti, on ne retrouve aujourd’hui quasiment plus t de trace de l’ancienne activité textile de S Thélo : les doués ont été comblés ou sont recouverts de végétation, les granges ainsi que certaines maisons de tisserands sont rasées parce qu’en ruine, les métiers à tisser ont été brûlés. C’est une véritable « redécouverte » de l’histoire qu’ont permis les études du CAUE 22 et la mise en place du Musée des Toiles. 2.1.3 Les associations d’habitants Depuis quelques années, quelques associations ont été mises t en place par les habitants de S Thélo, qui dénotent une certaine prise d’intérêt dans le développement patrimonial de leur village. L’association Mémoire en Demeure, créée en 2007, est composée essentiellement des habitants qui avaient commandité le projet de KAWAMATA, dont Daniel LE GOFF, maire t de S Thélo et Francis BLANCHARD, président de l’association et par ailleurs historien. Elle se propose de prolonger la dynamique initiée par les workshops étudiants (2004-2006) en promouvant le patrimoine culturel et l’art contemporain et en organisant des activités culturelles à travers le village. En 2008, est organisée Ce que l’art tisse, à l’occasion du retour de Tadashi KAWAMATA en visite dans le village, et d’une exposition organisée par d’anciens étudiants en art ayant participé aux workshops. Mais depuis, l’enthousiasme semble s’être émoussé. En été 2011 cependant, une exposition d’art contemporain a eu lieu dans les maisons de tisserands réhabilitées par KAWAMATA. t L’association des Jeunes de S Thélo a elle aussi été créée en 1 2007 dans le but de rassembler tous les jeunes du village . Elle est assez active puisqu’elle organise tous les étés un festival de musique à l’échelle départementale.
1
Cf. infra Annexe C - Entretien avec B. FRABOULET
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2.1.4 Vers une prise de conscience du patrimoine ordinaire ? L’histoire du lin à St Thélo et dans sa région a longtemps été volontairement occultée et oubliée par les habitants, pour qui cela signifiait pauvreté, exode et honte. A tel point que les générations actuellement vivantes ne connaissent plus cette histoire. t A S Thélo, si la population n’a pas été impliquée dans la création du musée, on ne peut que se réjouir qu’elle l’ait été pour le projet « Mémoire en demeure ». Mais comment, avec le recul, perçoit-elle aujourd’hui le processus de patrimonialisation et quel impact cela a-t-il eu sur la prise de conscience de son patrimoine ? Nous avons cherché à comprendre cela en consultant les documents de l’époque 1 retraçant les projets et en effectuant des entretiens auprès des 2 habitants . Ils ont été interrogés sur le patrimoine textile de la région, sur les projets du musée et de l’espace Tadashi KAWAMATA, et sur les perspectives d’avenir du village. Cependant, l’échantillon étant assez restreint, et bien que nous ayons cherché à diversifier les interlocuteurs, nous ne pouvons en tirer que prudemment des conclusions. Le Musée des Toiles n’a pas suscité, à sa création, l’intérêt de la population. Les générations passées avaient rejeté cette part de leur histoire, et l’avait occulté de la mémoire collective. Si bien que les générations actuelles ne la connaissaient plus, voire perpétuaient elles aussi le processus de déclassement. Ce projet technocratique, fruit d’une politique administrative venue « d’en-haut », ne répondait pas à un besoin de la population thélotaise. Quant au projet « Mémoire en Demeure », lancé initialement par la mairie et quelques habitants et développé ensuite par l’intervention de Tadashi KAWAMATA, il présente un impact très mitigé et très partagé auprès de la population. A l’époque des ateliers d’été, l’enthousiasme semblait avoir gagné le bourg. Et la présence massive des habitants aux réunions et à l’inauguration permet de croire que cela fonctionnait très bien. 1 2
Documentation CAUE 22 et ETERNAL NETWORK ; 2007 Cf. infra Annexe C - Entretiens
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Mais aujourd’hui que la motivation est retombée, ce projet ne semble avoir été qu’éphémère. Si le processus collaboratif du chantier a certes enthousiasmé le village, le résultat final en laisse certains dubitatifs, voire déçus. Cependant, on constate qu’aujourd’hui la prise de conscience patrimoniale et la redécouverte de l’histoire locale semble avoir touché les habitants. Mais elle semble n’être que superficielle : une partie seulement du corpus patrimonial thélotais est concerné. Ni le paysage, ni les hameaux, ni le patrimoine immatériel n’ont été pris en compte, si ce n’est par la ZPPAUP pour les deux premiers (encore que nous soyons en droit de douter de l’impact auprès de la population d’un dispositif administratif si technocratique). Par ailleurs, les habitants restent dubitatifs quant à l’atout que représente leur patrimoine, notamment au plan touristique. Il semblerait même que les touristes de passage soient plus intéressés par le patrimoine thélotais que les riverains euxmêmes ! L’un d’entre eux disait d’ailleurs à ce propos que « le
patrimoine à St Thélo, [était] un peu comme une très belle femme, dont seul le mari ne se rendrait pas compte de la beauté. »1 Peut-on forcer une population à prendre conscience de son patrimoine si celle-ci n’y voit pas son intérêt propre, ni l’intérêt à long terme pour le développement social et économique du village ? Hélas, les considérations patrimoniales semblent être surtout le fait d’intellectuels et de passionnés, mais sont bien loin des préoccupations quotidiennes des habitants et des décideurs politiques. De nos jours, la notion de communauté et le sentiment d’appartenance collective ont laissé place à l’individualisme. Ainsi, ce qui autrefois appartenait à tout le monde, n’appartient plus aujourd’hui à personne. Dans ce contexte, on comprend mieux pourquoi le processus de patrimonialisation et de mise en valeur du patrimoine fonctionne lentement et à très long terme, et nécessite une prise de recul et une vision d’ensemble de la problématique patrimoniale qui font actuellement défaut.
1
Cf. infra Annexe C - Conversation avec P. LAUNAY
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La réforme territoriale de 2010 Visant une meilleure efficacité de la gouvernance politique et des économies de fonctionnement, la réforme territoriale de 1 cherche à limiter l’éparpillement des échelons 2010 institutionnels. Le regroupement des communes de moins de 2 1000 habitants au sein de communes nouvelles est ainsi encouragé. Or les trois quarts des villages français seraient 3 concernés . L’expérience a déjà été menée chez la majorité de nos voisins européens, dont l’Allemagne, qui a ainsi réduit de 40% le nombre de ses communes. Mais nous avons pu constater au cours d’un récent voyage effectué là-bas, une très mauvaise réception par la population rurale d’une telle initiative politique qu’elle considère comme technocratique et ne tenant pas compte des spécificités et identités communales. En France, un précédent dispositif de « communes associées » avait été mis en place sur la base du volontariat des 4 communes . Son échec et la mauvaise expérience allemande, nous donnent à croire que l’esprit communautaire et l’identité rurale ne sont pas totalement morts. Malgré un affaiblissement certain face à la modernisation de la société.
1
Voir la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales : « Commune nouvelle » ; in Wikipédia ; 27.11.2011 3 Recensement Insee 1999 ; cité dans Le Parisien ; 30.12.2011 4 Loi Marcellin du 16 juillet 1971 2
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2.2 L’impact sur le développement rural 2.2.1 Le contexte géographique et socio-économique Afin d’être en mesure de qualifier l’impact du processus de patrimonialisation sur le développement social et économique local, il est nécessaire au préalable d’étudier le contexte dans lequel il prend place. D’une part, nous analyserons les données t statistiques disponibles sur S Thélo, et d’autre part, nous tenterons de déterminer ce qu’est un village de campagne, et à quelle(s) problématique(s) il se trouve soumis. t
1
2.2.1.1 Analyse des données statistiques de S Thélo
Géographie Superficie : 14,56 km² Répartition sur le territoire : le bourg + 13 hameaux Bassin d’emploi le plus proche : Loudéac, à 14 km Comme nous avons pu le voir précédemment, la situation de t 2 S Thélo dans le département est relativement isolée . Le village est éloigné des grands axes ferroviaires (la gare la plus proche t t se trouve à S Brieuc), routiers (S Thélo est raccordé au réseau routier par des routes départementales mineures) et éloigné t aussi de la mer. Il se trouve à une demi-heure de S Brieuc (chef-lieu des Côtes d’Armor) et un quart d’heure de Loudéac (le bassin d’emploi le plus proche). Nous avons vu aussi que l’organisation de la commune sur son territoire administratif 3 était de type « éclaté » ou « polynucléaire » . Le bourg est décentré, et 13 autres hameaux ainsi que des fermes isolées sont disséminés dans les campagnes. Le territoire est donc essentiellement composé de terres agricoles, ce qui induit un certain poids politique des agriculteurs.
1 2 3
D’après l’INSEE, chiffres de 2008 et annuaire-mairie.fr Cf. supra Carte de situation (p. 10) Cf. supra Carte générale de la commune de St Thélo (p. 30)
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Démographie Population : 432 hab. Densité : 30 hab. / km² Habitants de la même commune (5 ans avant) : 79,7 % Variation démographique naturelle (1999 – 2008) : +0,2 % Variation démographique migratoire (1999 – 2008) : -0,5 % Depuis la Révolution, soit à peu près le début du déclin de l’industrie linière, la population thélotaise a chuté de 80,5 % ! t S Thélo n’est certes pas un cas isolé, et son évolution démographique a tendance à ralentir, voire à se stabiliser. Cette baisse spectaculaire peut être imputée à plusieurs facteurs : un e premier exode rural massif au XIX s. suite à la fermeture de la manufacture de lin, le remembrement des parcelles dans les années 1970 et la modernisation des techniques agricoles, et la lente érosion des commerces et des services publics. De ceci nous pouvons émettre plusieurs remarques : tout d’abord, la tendance s’est brusquement et brièvement inversée e dans la première moitié du XIX s. Peut-être ceci est-il dû à l’éphémère tentative de reprise de l’industrie linière à Uzel à la même époque. D’autre part, étrangement, les deux guerres mondiales n’ont pas contribué à accentuer la baisse démographique, mais constituent au contraire deux périodes de stabilisation. Enfin, le développement du logement t pavillonnaire au sud-ouest de S Thélo depuis les années 2000 a lui aussi contribué à ralentir cette baisse. t A noter qu’avec ses 432 habitants S Thélo n’est pas un cas isolé, puisqu’une commune française sur deux compte moins 1 de 426 habitants, regroupant 15% de la population . Ce qui signifie que, bien que la France est un pays de tradition rurale, composé d’un maillage important d’habitats répartis sur tout le territoire, sa population s’est fortement urbanisée depuis la fin nde de la 2 guerre mondiale, au détriment des campagnes.
1
Recensement Insee 1999 ; cité dans « Une commune sur deux compte moins de 426 habitants » ; in Le Parisien ; 30.12.2011
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Emploi Part des agriculteurs : 32 % Part des ouvriers : 32 % Chômage : 6,5 % Historiquement, les agriculteurs ont toujours été majoritaires t à S Thélo, les ouvriers constituant le reste de la population. Aujourd’hui, le rapport est à égalité. Et si les emplois dans le secteur agricole ont, comme partout en France, fortement baissé depuis le remembrement, la modernisation de l’agriculture, et la forte concurrence étrangère, ils représentent encore aujourd’hui un tiers de la population active, répartis dans 34 exploitations. Le chômage est relativement bas (6,5% contre 9% en 2008 dans le reste du département), ce qui pourrait s’expliquer d’une part par le faible nombre de logements sociaux (deux logements HLM d’après l’INSEE), et d’autre part, par l’exode des chômeurs vers la ville pour un meilleur accès à l’emploi. Logement Nombre de logements : 226 dont résidences secondaires : 8,5 % dont vacants : 9,7 % Bien qu’il soit deux fois moindre comparé au reste du département, le nombre de résidences secondaires est relativement élevé pour un village situé dans une région dont l’offre touristique n’est pas structurée. Malgré ceci, le village attire soit des habitants allochtones (dont quelques Britanniques) soit des natifs ayant quitté la région mais désirant garder un pied-à-terre. Par ailleurs, le taux de logements vacants est une fois et demie supérieur à celui du reste du département. En effet, en réalisant du porte à porte pour interroger les habitants [durant les mois d’avril puis d’octobre, donc hors période de vacances], nous nous sommes heurtés à beaucoup d’habitations fermées et inoccupées dans le bourg même.
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Or, au moins 18 nouveaux logements pavillonnaires ont été construits ces dernières années, et la mairie prévoit encore de commercialiser d’autres parcelles. Ce paradoxe est en partie dû à une mauvaise adéquation du logement ancien avec les exigences de confort moderne (isolation thermique, lumière, 1 jardin, pas de voisinage direct…). 2.2.1.2 Définition du village t Qu’est-ce qui fait de S Thélo un village ? Et quelles sont les problématiques particulières auxquelles il est soumis ? Tout d’abord, rappelons ici que la présente étude porte sur l’enjeu du développement des villages de campagne, et non des anciens villages ruraux ayant été peu à peu intégrés à la banlieue urbaine (phénomène appelé rurbanisation ou suburbanisation). Mais la notion même de village reste floue, tentons une définition. Dans un premier temps, la définition qu’en donne le 2 dictionnaire : Village : n. m. – bas lat. villagium « village » − Groupement d’habitations permanentes, dont la majeure partie de la population est engagée dans le secteur agricole. − Ensemble des habitants d’une telle localité. (syn. bourg, bourgade) Un village se définirait donc par des caractéristiques d’agglomération (par opposition à l’éparpillement des hameaux dans les campagnes, et d’économie majoritairement agricole, ce qui n’est plus vrai de nos jours. 3 La définition de l’INSEE n’est guère plus intéressante : Commune rurale : commune n’appartenant pas à une entité urbaine. Ce qui nous renvoie à la définition de la ville : Ville : commune dont la population agglomérée compte au moins 2000 habitants.
1 2 3
Cf. infra Annexe C – Conversation avec P. LAUNAY LAROUSSE Encyclopédie INSEE ; définitions & méthodes
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L’INSEE définit indirectement le village par un unique critère démographique. Ainsi, une première définition émerge : un village serait une agglomération de moins de 2000 habitants, et ayant une économie au moins fortement marquée par l’agriculture (à défaut d’être majoritaire). Mais cette définition nous semble t incomplète et inadaptée à S Thélo, et nous proposons d’aborder la notion de village à travers sa sociologie d’une part et sa morphologie d’autre part. Définition morphologique du village : 1 Suite à l’analyse cartographique réalisée , il est possible de proposer une liste de critères discriminant un village rural en t général et S Thélo en particulier : l’isolement des communes voisines : leur territoire administrativement déterminé est essentiellement composé de terrains non-construits (terres agricoles, forestières, plans d’eau…), les zones bâties ne sont donc pas continues d’une commune à l’autre et leur identité se trouve affirmée par cette distanciation ; la dissémination dans la campagne : ils sont constitués d’un bourg concentrant la majorité de la population, et d’un réseaux d’hameaux et fermes isolés ; la traversée par une (rarement plusieurs) route principale qui les relie aux communes avoisinantes, généralement la route la plus ancienne, autour de laquelle se sont agglomérées les premières constructions ayant formé le bourg. Cette route est constitutive de la structure villageoise. Les villages ruraux sont aussi maillés par un réseau de routes secondaires et de chemins vicinaux, qui relient le bourg et les hameaux et desservent les champs ; et découpés en un parcellaire répondant aux contraintes naturelles (hydrographie, relief, orientation) et fonctionnelles (suivant l’activité paysanne). Définition sociologique du village : Dans un premier temps, au cours de nos recherches, nous avions opéré la distinction entre deux types de villages ruraux : ceux soumis la rurbanisation et ceux subissant la désertification.
1
Cf. supra Carte générale de la commune de St Thélo (p. 30)
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1
Or, les entretiens effectués auprès de la population nous ont permis de comprendre que cette différenciation était à nuancer, t S Thélo tenant des deux situations à la fois. 2
La rurbanisation : définition théorique et appliquée Proche d’un bassin d’emploi, le village est soumis à l’assimilation ville/campagne. La hausse démographique est en fait un trompe-l’œil fonctionnant à court-terme : elle est peu créatrice d’emploi, le village se transforme en « dortoir » pour une population allant travailler en ville. Ces nouveaux arrivants sont peu intégrés à la vie villageoise (liens sociaux, engagement associatif, culturel ou politique), le tissu social se délite et l’identité locale s’amenuise. Ce qui a pour conséquences : l’étalement urbain (par la création de nouveaux quartiers d’habitations pavillonnaires) et la banalisation architecturale (la pression foncière attirant les promoteurs immobiliers, peu soucieux du respect d’une identité architecturale locale). Ce qui met le Politique face à une problématique de différenciation et d’affirmation d’identité. t Or, on ne peut dire que S Thélo soit à proprement parler soumis à la rurbanisation, car le village est situé en seconde couronne de Loudéac (concentrant 40% des emplois du pays 3 Centre Bretagne ) et on ne constate peu de perte du caractère rural. Cependant, l’étalement des zones bâties au détriment des terres agricoles et la banalisation architecturale des nouveaux lotissements sont tout de même à déplorer. Par ailleurs, le village doit faire face à un fort apport de populations t allochtones : en 2005, 20% de la population était nouvelle à S 4 Thélo (en contrepartie, peu de renouvellement naturel et beaucoup de départs font que les soldes démographiques et migratoires restent négatifs), alors que le nombre d’emplois, lui, n’augmente pas. Ce qui signifie que ces nouveaux arrivants travaillent pour la plupart à l’extérieur, où sont des estivants et ne contribuent pas à la vie du village. On parle de « résidentialisation ». 1
Cf. infra Annexe C - Entretiens Voir notamment : Région Nord-Pas de Calais ; 2009 3 INSEE ; Résumé statistique du pays du Centre-Bretagne ; 4 t Annuaire Mairie.fr ; Statistiques sur la population de S Thélo 2
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Désertification : définition théorique et appliquée Eloigné des bassins d’emplois et des infrastructures routières et ferrées, le village est soumis au départ de la jeune génération (exode rural) et au non-renouvellement de sa population (balance démographique négative). Cette diminution de la population est accentuée par la fermeture des services publics et des commerces, tous ces effets se renforçant dans un cercle vicieux. Ce qui a pour conséquences : l’abandon et la ruine des maisons, la perte de l’identité et le non-renouvellement de la mémoire locale et ce qui met le Politique face à une problématique de survie économique et d’attractivité. t On l’a vu précédemment, S Thélo est soumis à une 1 désertification quasi-continue depuis la Révolution . Suite à la fermeture de la taverne il y a quelques années, il n’y a plus aujourd’hui qu’un unique commerce – le Perroquet Vert – remplissant les fonctions d’épicerie, buraliste, boulangerie, bar et restaurant. Soumis à une baisse inéluctable de sa population et de son attractivité économique et sociale, St Thélo n’est cependant pas dénué d’atouts. On l’a vu, la mairie en a conscience et mise depuis plusieurs années sur l’amélioration du cadre de vie en agissant par le biais du patrimoine et l’aménagement du bourg. 2.2.2 Vers une mise en place d’une véritable politique touristique locale ? .La crise que traverse le secteur agricole français depuis les années 1970 (remembrement, motorisation, utilisation de produits chimiques, mondialisation de l’économie, surproduction, baisse d’effectif…), malgré son placement sous perfusion financière de l’Union Européenne, ne lui permet plus aujourd’hui de jouer son rôle traditionnel de peuplement et de 2 développement économique rural. Pour survivre, les campagnes doivent diversifier leur économie vers l’industrie et
1 2
t
Cf. supra 2.2.1.1. Analyse des données statistiques de S Thélo HOUSSEL Jean-Pierre ; 1996 ; pp.185-188
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les services. Pour un pays comme le Centre-Bretagne, disposant d’atouts paysagers et patrimoniaux non négligeables, le tourisme semble alors être une alternative crédible. Le tourisme « vert » Si jusque-là les vacances étaient synonymes de mer ou de montagne, depuis les deux dernières décennies se développe en France un tourisme dit « vert » qui vise des citadins cherchant le repos et « l’authenticité » à la campagne, ou une offre plus « culturelle » tournée vers la (re)découverte de l’extrême diversité des régions françaises. De nombreux labels de qualité ont d’ailleurs été créés en ce sens, que ce soit pour distinguer des villages (« Villes et pays d’art et d’histoire », « Commune du patrimoine rural breton », « Petite cité de caractère », « Plus beaux villages de France »…) ou des offres d’accueil (« Gites de France », « Accueil paysan »…). Le succès de cette nouvelle offre touristique trouve aujourd’hui un écho avec le développement durable et le besoin de plus en plus affirmé de retour à la nature. Mais cela s’explique aussi peutêtre par une baisse du budget consacré par les ménages aux vacances et une tendance de plus en plus forte à rester voyager à l’intérieur des frontières. Ainsi, des sentiers de randonnée sont balisés, des aires de camping sont aménagées, des « circuits d’interprétation touristique » sont mis en place autour d’une thématique… Dans ce contexte, le patrimoine acquiert un potentiel économique important, qui permet à un territoire d’affirmer sa spécificité culturelle et de se positionner sur le marché du tourisme. De telles actions existent déjà en Centre-Bretagne, notamment la Route du lin, créée en 2004, reliant Uzel et t S Thélo. Chez ce dernier, on peut aussi relever : un circuit d’interprétation du patrimoine dans le bourg, des sentiers pédestres balisés dans les campagnes, une aire d’accueil de camping-car aménagée à côté de l’Espace Tadashi KAWAMATA et une aire de loisir en bordure de l’étang au sud du bourg. Mais pour que de telles actions soient efficaces, « elles doivent être
coordonnées et institutionnalisées. L’engagement des pouvoirs
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publics est nécessaire. 1» L’enjeu se situe avant tout au niveau local. « L’Administration continue de mener des actions sectorielles par ministère et impose des thèmes […], plutôt que de mener une politique d’accompagnement des initiatives de terrain, qui souvent périclitent faute de moyens 2». Un enjeu commun, mais des actions divergentes t A S Thélo, et plus largement dans les Côtes d’Armor, les initiatives concernant l’histoire des toiles de lin sont éparpillées, et les outils déjà mis en place (comme le Syndicat de la Route du Lin ou le label CPRB) sont sous-utilisés. De plus, des difficultés politiques subsistent : les problèmes d’ego des politiques locaux bloquent la concertation, la question touristique reste marginale et est gérée individuellement à une échelle essentiellement communale, ou au mieux intercommunale. Si les prises de décision doivent rester au plus près du terrain, à un niveau local, il est indispensable qu’elles soient coordonnées aux échelons supérieurs. Et ce, afin de permettre une stratégie d’ensemble cohérente portant sur tout le pays, voire le département, et regroupant les communes autrefois liées par la Manufacture des toiles Bretagnes. Autrement dit, pour qu’une telle démarche fonctionne, elle doit respecter le principe de subsidiarité, et être appliquée à l’échelon où son efficacité trouve son optimum. En ce sens, l’action globale n’est pas antithétique, mais bien complémentaire de l’action locale. Si de telles lacunes sont à déplorer, le processus semble toutefois en bonne voie. Certes, il reste beaucoup d’efforts à faire, mais convertir au tourisme vert des campagnes jusque-là essentiellement tournées vers l’économie agricole est un processus qui nécessite du temps et de la réflexion. Les mentalités ont beaucoup d’inertie, elles sont lentes à évoluer. Les changements ne s’opèreront qu’à partir du moment où habitants et décideurs politiques auront compris pleinement l’enjeu et l’intérêt qui est le leur à voir une politique culturelle et touristique solide se mettre en place. La demande touristique 1 2
HOUSSEL Jean-Pierre ; pp.185-188
Op. cit.
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n’est pour l’heure peut-être pas assez forte pour permettre une mutation brusque de l’économie des villages de campagne, comme par exemple ceux du littoral ont su le faire dans le e courant du XX s. avec le développement des stations balnéaires. Mais veut-on vraiment en arriver là ? L’artificialisation des sols, l’extension urbaine incontrôlée, la spéculation immobilière ont abîmé les paysages littoraux. Ces villages ont sacrifié leur patrimoine naturel au profit d’un développement économique certain. Peut-être la lenteur n’estelle finalement pas une si mauvaise chose pour faire mûrir un projet politique réfléchi et respectueux des qualités du lieu. Gageons que les décideurs politiques sauront relever le défi. 2.2.3. Développement rural et intégration L’enjeu patrimonial doit être pensé comme composant essentiel d’un développement local pris dans une visée holistique, c'est-à-dire en tenant compte de tous les aspects que cela implique (économique, mais aussi social et environnemental). On parle d’intégration, au sens d’une « coordination des activités de plusieurs organes pour un fonctionnement harmonieux 1 » C’est pourquoi des projets européens et nationaux de soutien au développement rural sont aussi intervenus dans le projet « Mémoire en demeure ». 2
Le développement intégré et la mobilisation sociale En cohérence avec la philosophie du développement 3 durable , le développement intégré tente de répondre aux problématiques environnementale, économique et sociale qui se posent en milieu aussi bien urbain que rural. Le développement social cherche à valoriser la place du citoyen dans le processus politique local, afin de redonner de la fierté et de l’estime à une population par rapport à son lieu de vie. Ceci passe par plusieurs facteurs que sont entre autres l’amélioration du cadre de vie, l’encouragement des initiatives
1 2 3
Le Petit Robert de la langue française ; 2006 voir à ce propos BOUCHER Jacques ; 1999 telle qu’énoncée dans le Rapport Brundtland ; Commission mondiale sur l’environnement et le développement ; 1986
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citoyennes en tout genre, le désenclavement tant physique que social, la sensibilisation des habitants à leur patrimoine commun et leur concertation dans la mise en place de projets locaux. Le développement économique cherche à soutenir et à développer les activités économiques créatrices d’emplois, à relancer l’artisanat local et à attirer de nouveaux investissements. Cela passe par des incitations fiscales ou des aides au financement tel que le micro-crédit. Le développement de l’environnement urbain ou villageois vise à l’amélioration et la réhabilitation de l’habitat – en accord avec les nouvelles exigences de confort, d’écologie, et d’économie d’énergie – et à la requalification de l’espace public, par la création notamment de lieux de sociabilité et de proximité pour redonner du sens au « vivre ensemble ». A la différence de l’intervention politique classique, le développement intégré est pensé globalement pour une action locale. C’est un processus qui s’inscrit dans la durée, engrangé par des dynamiques multiples, complexes et parfois contradictoires. Là où l’action traditionnelle est ciblée et sectorielle, menant à une homogénéité des réponses apportées, hors de toutes considérations des particularismes locaux, le développement intégré se veut le fruit de l’implication citoyenne, menant par-là à des solutions par nature hétérogènes et adaptées au contexte. Il tente le défi de réintégrer des populations vivant sur un même territoire, mais dans des sphères économiques et sociales différentes, afin de retrouver les notions de communauté villageoise et le sentiment d’appartenance collective. Il se propose de rééquilibrer le trio « vie professionnelle – vie sociale – vie personnelle » au profit des deux premiers. Il fait le pari de la réappropriation politique et de la responsabilisation sociale et citoyenne de la société civile, dans un dialogue avec les acteurs de la politique et de l’économie locale. En effet, « habiter un lieu ne se limite pas à la simple résidence, mais
permet une appropriation intégrée des différentes dimensions du développement pour le présent et pour l’avenir.1» 1
Op. cit.
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Mais pour cela, une identification communautaire et/ou territoriale forte est nécessaire, et cela passe par la reconnaissance d’une histoire et d’une mémoire fondatrices de la communauté. Les programmes de développement rural 1 La famille « économique et financière » des partenaires du projet « mémoire en demeure » concerne les programmes de développement économique européens et nationaux qui ont apporté une aide financière dans le cadre de la politique de développement rural mené par l’U.E. En effet, outre sa mission première, qui est le soutien des marchés et des revenus agricoles, la Politique Agricole Commune (PAC) de l’Union Européenne veille au développement et à la diminution des disparités socioéconomiques des régions rurales. Elle s’organise autour de deux outils de financement que sont le Fond Européen Agricole de Garantie (FEAGA) et le Fond Européen pour le 2 Développement Rural (FEADER*) . Ce dernier s’articule autour de quatre axes : l’amélioration de la compétitivité du secteur agricole et forestier ; l’amélioration de l’environnement de l’espace rural ; l’amélioration de la qualité de vie en milieu rural et la diversification de son économie ; le soutien des actions de développement local via le programme de Liaison Entre Actions de Développements de l’Economie Rurale (LEADER*). Ce programme – dont « LEADER + » représente le troisième volet de mise en œuvre sur la période 2000-2006 – soutient des projets de développement portant sur des territoires ruraux restreints et gérés par des « groupes d’action locale ». Il met en relation des territoires ruraux pour une meilleure coopération économique et un partage des expériences en matière de développement rural.
1 2
Cf. infra 1.1.3. Le projet « Mémoire en demeure » de Tadashi KAWAMATA Ministère de l’Agriculture ; Fonds européen agricole pour le développement
rural.
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Cette politique communautaire s’appuie dans chaque pays sur une branche nationale du Réseau Rural Européen. Ce réseau rassemble toutes les organisations et administrations du monde rural, en vue d’une meilleure concertation et d’une optimisation des outils de travail. La mise en place d’un tel réseau est primordiale pour garantir « une approche transversale et multisectorielle » d’un développement intégré des campagnes. A terme, chaque région doit se doter d’un réseau régional. La Bretagne ayant créé le sien début 2011. Par ailleurs, il existe en France des programmes d’aide au développement des zones rurales en difficulté. Il s’agit notamment des Zones de Revitalisation Rurale (ZRR) – le pendant rural des Zones de Revitalisation Urbaine – et des Pôles d’Excellence Rurale. Mais ceux-ci ne s’appliquant pas au territoire considéré (le Centre-Bretagne), ils ne seront pas étudiés plus avant. Tous ces programmes, pensés au niveau communautaire et national et mis en place à l’échelon local, démontrent une prise de conscience des décideurs politiques de l’enjeu important que représente le développement économique des zones rurales. Mais cela trahit aussi quelque part la situation fragile et la marginalisation de ces campagnes, accélérée par la mondialisation et la modernisation à marche forcée de l’économie.
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3. BILAN 3.1 Quel enseignement tirer de cette expérience ? En partant de l’étude du projet « mémoire en demeure » de t S Thélo, nous avons pris connaissance de tout un faisceau d’actions politiques en faveur de la culture, du patrimoine et du développement rural, pensées et appliquées tant au niveau communautaire que national, régional ou local. Ce qui nous semblait initialement n’être qu’une initiative – certes vertueuse – mais isolée, s’est avérée en fin de compte être la partie émergée d’un iceberg, un composant d’un système global et bien plus complexe composé de nombreux acteurs œuvrant pour le développement social et économique du milieu rural. L’analyse effectuée permet de comprendre que la prise en compte du contexte (historique, social et économique) du territoire, et de tous les acteurs concernés (populations, associations, administrations…) s’impose comme un préalable essentiel avant toute initiative de politique culturelle. Aucune action ne saurait porter ses fruits si elle reste trop sectorielle, jacobine ou sourde aux spécificités de la problématique locale et aux attentes de la population. Dès lors, il est possible de répondre aux hypothèses de travail proposées en introduction. t
A. La politique patrimoniale en œuvre à S Thélo a bien permis l’émergence d’une prise de conscience du patrimoine ordinaire rural. Mais auprès de quelle population ? Il semblerait que ce soit surtout des érudits, des amateurs d’histoire et de patrimoine ou encore des touristes éclairés. Si la population autochtone a certes bien pris conscience de la spécificité culturelle de sa région et de son village, on ne peut guère parler de véritable « réappropriation », ni même de foi dans le potentiel de développement que ce patrimoine représente.
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t
B. La population de S Thélo, est restée spectatrice plutôt qu’actrice de la patrimonialisation. Elle n’a jamais vraiment pris part aux politiques patrimoniales ou aux projets. Il semblerait que ce soit là un des effets pervers qu’engendre 1 une telle politique « top-down » : né dans l’indifférence quasi-générale des habitants, elle répond uniquement à l’intérêt qu’un petit nombre d’intellectuels porte pour le patrimoine. Certes, les ateliers d’été de KAWAMATA ont vu la participation de quelques thélotais, mais celle-ci est restée marginale et ponctuelle dans le temps. C. Cela fait plus de 10 ans que la patrimonialisation est en t cours à S Thélo. Or on ne peut que constater que cela n’a pas permis un développement socio-économique : le village (comme les villages voisins) reste aujourd’hui soumis à une baisse démographique et une résidentialisation qui contribuent à une lente érosion de son identité locale et de la spécificité du lieu. Certes, on objectera que le développement rural est un processus fonctionnant à longterme et que par ailleurs les dimensions du projet étaient modestes. Mais au regard du résultat obtenu, la dépense de moyens et d’énergie semblent toutefois disproportionnée.
1
« du haut vers le bas », c’est-à-dire un processus technocratique imposé à la base, sans concertation. Par opposition à un processus « bottom up ».
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3.2 Patrimoine & développement Il serait intéressant de requestionner le vocabulaire utilisé 1 précédemment . Classer un édifice ne reviendrait-il pas en définitive à le déclasser , au sens de l’isoler du processus biologique de perpétuelle régénération qu’est le fait urbain ? Le débat serait trop long à développer ici, et sortirait du cadre de ce mémoire. Cependant cela amène à considérer le patrimoine – et à plus forte raison le patrimoine ordinaire, fortement ancré localement – comme un support de développement optimiste et prospectif du futur, et non comme la fossilisation angoissée et nostalgique d’un passé fantasmé. En effet, les communes rurales subissent de plein fouet à l’échelle micro les conséquences des aléas économiques et sociétaux de l’échelle macro. Dans ce contexte difficile, elles paraissent vouées, à terme, à devenir des villages-dortoirs, accueillant des populations repoussées toujours plus loin des villes par la hausse des prix de l’immobilier. Mais il n’y pas de fatalité. Et gageons que, via le patrimoine, la société saura prendre conscience du potentiel que représente le milieu rural. Cela pose plus largement la question de l’avenir des villages de campagnes et de leur place dans l’époque mondialisée qui est la nôtre.
1
Cf. supra 2.1.1. Notion de déclassement / classement
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t
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départementales des Côtes d’Armor ; Fonds iconographiques ; http://archives.cotesdarmor.fr/asp/fonds_icono.asp − DRAC Bretagne ; Glad, le portail des patrimoines de Bretagne ; http://patrimoine.region-bretagne.fr/main.xsp
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Géographique
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(IGN) ;
Géoportail ;
http://archives.cotesdarmor.fr/asp/fonds_icono.asp
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ANNEXES : A – Glossaire B – Photos du projet « mémoire en demeure » C – Entretiens D – Typologie des habitations de S t Thélo
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ANNEXE A – GLOSSAIRE CAUE 22 : Conseil d’Architecture d’Urbanisme et d’Environnement des Côtes d’Armor. Association départementale (type loi 1977) assurant un rôle de service public. Elle a un rôle de conseil, d’information, de sensibilisation et de formation auprès des particuliers comme des professionnels, des administrations et des collectivités locales. CIDERAL : Communauté Intercommunale pour le Développement de la Région et des Agglomérations de Loudéac. Dénaturation : Transformation du bâti l’ayant plus au moins profondément altéré. La dénaturation peut être : − « structurelle », ou profonde, si les changements sont irréversibles et qu’il est impossible de dater et lire le bâtiment d’origine. − « superficielle » si les changements sont réversibles mais mal intégrés et brouillent la datation et la lecture du bâtiment. DRAC : Direction Régionale des Affaires Culturelles. Service décentralisé en région du Ministère de la Culture. Doué : lavoir fait de palis de schiste et servant autrefois au blanchiment des toiles. Ces blanchisseries étaient la propriété des négociants en toiles. ECOVAST : European Council for the Village And Small Town, le Conseil européen du village et de la petite ville. Réseau de 500 partenaires (associations, organismes publiques locaux et nationaux) à travers 20 pays européens, œuvrant pour « le développement de la vie économique, culturelle et sociale […] des communautés rurales », ainsi que « la sauvegarde et
promotion du renouveau sensible de l'environnement naturel et bâti de ces communautés »1. 1
ECOVAST ; http://www.ecovast.org/francais/index.htm
Patrimoine ordinaire et développement rural, les enjeux d’une prise de conscience
FEADER : Fonds Européen Agricole pour le Développement Rural. Voir aussi 2.2.3. Développement rural et intégration. FRAC : Fonds Régional d’Art Contemporain. Organisme privé (type association loi 1901) assurant des missions de service public. A un rôle de constitution d’un fonds d’œuvres, de sensibilisation et de diffusion de l’art contemporain. LEADER : Liaison Entre Actions de Développement de l’Economie Rurale. Voir aussi 2.2.3. Développement rural et intégration. PLU : Plan Local d’Urbanisme. Document principal de l’aménagement urbain communal (ou intercommunal) remplaçant les Plans d’Occupation des Sols (POS) depuis la loi SRU de 2000. STAP : Service Territorial d’Architecture et du Patrimoine. Service décentralisé en département du Ministère de la Culture et rattaché aux DRAC. Zone de protection de 500 m : appelée aussi « zone de visibilité », c’est un périmètre défini arbitrairement autour de tout bâtiment classé ou inscrit « monument historique », dans lequel tout autre bâtiment (quel qu’il soit et quel que soit sa taille) est déclaré « visible » depuis le monument. De ce fait, il est soumis à certaines restrictions et recommandantions architecturales et paysagères. ZPPAUP : Zone de Protection du Patrimoine Architectural, Urbain et Paysager. Créée en 1983. A pour but de se substituer au périmètre trop arbitraire des zones de protection en l’adaptant à chaque cas, par une analyse approfondie du contexte du site. Suite à la loi du Grenelle de l’Environnement II (2010), elle est remplacée par l’Aire de Mise en Valeur de l’Architecture et du Patrimoine (AMVAP) qui prétend promouvoir les qualités architecturales du bâti, la mise en valeur du paysage et du patrimoine et l’intégration des équipements énergétiques.
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ANNEXE C – E NTRETIENS CONVERSATION AVEC S. DUAULT, T COMMERÇANTE A S THELO [21 AVRIL 2011] Mme DOUAULT tient l’unique commerce du village, le « Perroquet vert », qui fait office de boulangerie-épicerie-barrestaurant-buraliste. Ses parents et son mari font partie des commanditaires du projet « mémoire en demeure ». Leur restaurant-bar a notamment accueilli les conférences et les débats organisés lors des workshops. − Il y a eu un investissement de la population dans le projet « Mémoire en Demeure », mais aujourd’hui il y a une chute de la motivation. − Ces workshops furent avant tout une expérience humaine, et ils restent de très bons souvenirs. Ils ont constitué un « patrimoine humain » − Ces workshops ont été la rencontre entre deux mondes complètement différents : les commerçants, et les villageois, très cartésiens et très pragmatiques d’une part, l’artiste et les étudiants d’autre part. Il y avait un décalage parfois comique. C’était très enrichissant. − Aujourd’hui, « l’espace Tadashi KAWAMATA » est très peu utilisé, mais il y a parfois quelques utilisations par des associations locales. Une soirée « country » a notamment été organisée par l’association des jeunes du village. − Mais les bâtiments ne sont pas complètement tombés en désuétude. En ce moment, il y a une mise aux normes sécuritaires, un branchement aux réseaux d’eau et d’électricité, des chemins pédestres sont mis en place qui vont relier le site à l’étang. Il y a aussi un projet d’aménagement d’une aire de jeu pour enfant et d’un parking pour camping-car. − A leur inauguration, les bâtiments n’étaient pas aux normes de sécurité, et étaient dangereux pour les enfants. Ceux-ci risquaient de tomber ou de se blesser.
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− Il n’y a pas eu de programmation préalable, donc les bâtiments n’étaient pas équipés en eau et en électricité. Les associations locales, qui pensaient utiliser le site pour leurs activités ont été déçues. − Il y a eu un « moment de flottement » les premières années. Personne n’osait toucher à l’œuvre. Mais aujourd’hui, la timidité est tombée, les gens commencent à s’approprier le lieu. − Le projet n’a pas jamais vraiment fonctionné car il n’a pas été pensé dans le long terme. Or un tel projet nécessite autant d’argent pour l’investissement, le lancement (courtterme), que pour le fonctionnement continu (à long-terme). C’est, selon elle, la critique principale qu’on puisse faire. t − Deux musées du lin ont été créés à S Thélo et Uzel pour matérialiser la Route du Lin. Mais ils se font concurrence, ils ne sont pas complémentaires. L’investissement n’est pas judicieux. Bilan : Du projet « mémoire en demeure » elle évoque essentiellement de bons souvenirs (« expérience humaine », « patrimoine humain », « beaucoup de fous rires »). Avec le recul, elle perçoit cette expérience comme un bon moment (« une bouffée d’air frais », « une ouverture sur le monde ») aujourd’hui hélas révolu. Elle souligne aussi le décalage enrichissant et comique entre deux mondes (paysan et artistique). Cependant, on perçoit facilement que derrière ce discours convenu, se dissimule une certaine frustration, une déception. Comme si seuls les aspects positifs étaient dignes d’être évoqués pour décrire à un intervieweur ce qu’elle pense du projet.
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ENTRETIEN AVEC D. LE GOFF,
MAIRE DE
ST THELO
[06 MAI 2011]
Daniel LE GOFF est maire de St Thélo depuis une quinzaine d’années. Il est aussi l’un des commanditaires de T. KAWAMATA. D’où est venue l’idée du projet « Mémoire en Demeure » avec Tadashi KAWAMATA ? Il y a-t-il eu des précédents dans la région qui vous auraient inspiré ? Il y avait un projet de mise en valeur du patrimoine du lin t depuis une vingtaine d’année entre S Thélo, Uzel, Loudéac et St Brieuc. Mais de nombreux blocages et un manque de motivation politique ont fait que ce projet n’a jamais abouti. t Finalement en 2004, S Thélo a ouvert seul de son côté la t Maison des Toiles. Le processus s’est relancé à S Thélo et Uzel a suivi le mouvement. Ont été créé dans la foulée le syndicat de la Route du lin et un circuit touristique et culturel qui relie les deux villages. Pour l’inauguration de la Maison des Toiles, Didier Pidoux [paysagiste du CAUE 22] avait évoqué l’idée d’une intervention artistique en lien avec la Fondation de France. C’était une opportunité à saisir ! L’idée initiale portait sur la thématique de la botanique en relation avec des sentiers pédestres et les ruisseaux qui traversent la commune. Mais cela restait assez vague, on n’avait pas d’idées préconçues. Le choix de Tadashi Kawamata par le médiateur culturel fut excellent car il a apporté un regard neuf. En tant que japonais, il avait du recul par rapport à notre architecture. C’est notamment le fait que tous les bâtiments sont ici construits en granit qui l’a intéressé. Ça nous paraît évident pour nous, mais pas pour un Japonais. Ça a permis quelque part une prise de conscience d’une spécificité de la région. t
S Thélo est labellisé « Commune du patrimoine rural breton ». Pourquoi avoir fait le choix de ce label et depuis quand ? t Oui, S Thélo a reçu ce label en 2002. C’est un moyen pour les villages de conserver leur identité face à la rurbanisation. Les
Patrimoine ordinaire et développement rural, les enjeux d’une prise de conscience
gens qui travaillent à Loudéac viennent habiter ici parce que c’est moins cher, et puis la campagne offre un certain attrait. Mais les gens rachètent alors des maisons et les retapent sans respect des spécificités architecturales. Ça crée une banalisation des bâtiments. C’est surtout vrai pour les villages en première t couronne de Loudéac. Ça l’est un petit peu moins pour S Thélo qui se trouve en seconde couronne. Beaucoup d’institutions ont participé au projet « Mémoire en Demeure ». Quel fut leur rôle ? Il y a eu d’abord le CAUE 22 qui a été un interlocuteur précieux. Il a apporté une aide technique pour tout ce qui touchait aux domaines du paysage, de l’art et de la culture. Il y a eu aussi la DRAC qui représentait l’Etat, puis l’Union Européenne et la Communauté de Communes qui ont apporté une aide financière. La voix de la mairie a-t-elle été entendue ? Ne vous êtesvous pas fait « kidnapper » le projet ? Non, il n’y a pas eu de « dépossession » du projet. Il n’y a pas eu non plus de conflits, les différentes institutions étaient complémentaires. La mairie a gardé un rôle important, puisque ce genre de projet se gère avant tout à l’échelle locale. Mais cependant, par la suite, le succès de ce projet a suscité des rivalités. Il y a eu quelques conflits de postes. Je ne suis par exemple plus le président du Syndicat de la Route du Lin. En allant visiter le bâtiment réhabilité par KAWAMATA, je me suis aperçu qu’il y a quelques modifications qui ont été faites par rapport à ce que j’avais pu voir sur des photos et dans le DVD d’Eternal Network. Il y a d’ailleurs encore des travaux aujourd’hui. Pourquoi ces modifications ? Oui, effectivement il y a des travaux en ce moment sur « l’espace Tadashi KAWAMATA », essentiellement pour mettre le hangar aux normes de sécurité et d’accessibilité PMR. Le hangar a été mis hors d’eau (la toiture a été refaite récemment), et il va être raccordé aux réseaux d’eau et d’électricité pour y installer des sanitaires.
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Pourquoi la 3 maison de tisserand [la plus petite] a-t-elle été détruite ?
[Cette maison jouxtait celles réhabilitées par KAWAMATA, mais n’avait pas été rachetée par la mairie et donc pas intégrée au projet] Elle n’appartenait pas à la mairie. Le propriétaire a décidé de la détruire car elle menaçait ruine. La mairie a ensuite racheté le terrain et installe aujourd’hui une borne de branchement pour camping-car. Quels sont les projets de la mairie pour « l’espace Tadashi KAWAMATA » ? Il est prévu d’aménager une aire de jeux pour enfants et un parking pour les camping-cars. Une exposition gratuite d’une artiste, Anne GUIBERT-LASALLE, va être organisée pendant l’été 2011. Nous sommes en train de nettoyer les bâtiments. C’est la première exposition depuis l’inauguration des bâtiments en 2006. Jusque-là il n’y avait eu que des manifestations culturelles sporadiques. L’association des jeunes du village y organise aussi maintenant un « festival » de musique un jour par an. L’enthousiasme qu’on perçoit dans le livre et le DVD des workshops est assez frappant. S’est-il maintenu par la suite ? Hélas, non. Il faut savoir que dans ce genre de projet, on ne contrôle pas tout. Tout ne se déroule pas comme prévu. Dans un premier temps après les workshops, il y a eu un dégonflement, l’enthousiasme est retombé. Mais aujourd’hui il y a une réelle reprise en main, par les associations du village notamment. Je parlais des jeunes tout à l’heure… Mais une association « Mémoire en demeure » n’avait-elle pas été créée ? Qu’en est-il aujourd’hui ? Il faut avouer qu’elle n’a jamais vraiment été active jusqu’à aujourd’hui. Comme je l’ai dit la motivation est retombée. Elle n’a pas recherché d’artistes pour exposer dans les maisons réhabilitées, ce qui était son rôle à l’origine. Mais aujourd’hui elle se remet en route avec cette première exposition. Mais c’est
Patrimoine ordinaire et développement rural, les enjeux d’une prise de conscience
l’artiste elle-même qui a pris contact avec nous. Elle était intéressée par le lieu, ça collait bien avec ses œuvres textiles. Quel est le bilan que vous pouvez tirer de cette expérience, Sur la prise de conscience du patrimoine local ? Y a-t-il eu des résultats concrets ? Il faut savoir que jusqu’alors, le patrimoine du lin était associé dans la région au déclin industriel et à l’exode rural. C’était une honte, il y avait une perte d’intérêt pour tout ça. Mais quelques érudits d’histoire s’y sont intéressé et ont su faire prendre conscience de l’intérêt de ce patrimoine. Aujourd’hui, on a pu remarquer qu’il y a eu une appropriation du projet par les habitants. Ils ont eu un rôle actif et non pas passif. Cela a permis un rebond de la prise de conscience patrimoniale. Oui, il y a eu des résultats concrets. L’aménagement autour de la Maison des Toiles a été amélioré. Quelques maisons ont été rénovées. Il n’y a rien eu de spectaculaire. Il faut savoir que c’est un processus qui demande du temps, ça fonctionne au longterme. Il y a cependant un exemple « frappant ». C’est une ancienne maison de notable voisine de la Maison des Toiles et qui fait face à « l’espace Tadashi KAWAMATA ». [Appelée « Maison du sieur Glais », cette maison est inscrite sur l’Inventaire Général du patrimoine] Depuis les workshops, elle a été retapée et sert maintenant de chambre d’hôte. C’est un témoin intéressant de la prise de consciences du patrimoine : une verrue architecturale en parpaings et en tôle a été détruite, les anciens piliers en pierre du portail qui étaient effondrés ont été remontés, le muret à rue a été reconstruit. Sur le tourisme et l’attractivité du village : t Non, il ne faut pas exagérer, S Thélo reste un petit village. L’impact sur l’attractivité est faible. Quant au tourisme, cela fonctionne surtout au niveau local, cantonal. Par contre, l’ouverture de la Maison des Toiles, et le projet « Mémoire en Demeure » ont surtout permis de lancer l’initiative de la Route t du Lin, entre S Thélo et Uzel.
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Sur les retombées économiques : Non, là non plus n’exagérons rien. Il y a peut-être eu des effets à court-terme pour les commerces du village, le Perroquet vert et le bar L’Irlandais [fermé maintenant], mais c’est tout.
Avant de se quitter, j’aurais à mon tour une question : pourquoi t avoir choisi S Thélo ? Eh bien, parce que le sujet de mon mémoire étant choisi, il me fallait un objet d’étude pour concrétiser mon propos. Je cherchais un projet ― de préférence récent ― qui illustrait une mise en valeur du patrimoine intégrée à une politique locale de développement. Le projet devait être à la campagne, pour correspondre à la problématique, et en Bretagne, pour des raisons pratiques et affectives. Je connaissais déjà le projet « Mémoire en Demeure » depuis qu’il avait été primé en 2008, et je l’avais trouvé très t intéressant. Etudier S Thélo s’est donc avéré une évidence.
Patrimoine ordinaire et développement rural, les enjeux d’une prise de conscience
ENTRETIEN AVEC C. HESRY, CHARGEE ASSOCIATION CPRB [06 MAI 2011]
DE MISSION
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Mme HESRY est l’une des deux salariées de l’association « Communes du Patrimoine Rural Breton », qui délivre un label aux communes adhérentes. St Thélo a été labélisé en 2002. Quelle est l’origine de cette association ? En 1987, les maires de quelques villages de Bretagne ont pris conscience du petit patrimoine de leurs communes et ont décidé sa sauvegarde et sa mise en valeur. Ils se sont alors réunis pour fonder cette association.
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Quelle est la politique de l’association ? L’association a, dès sa création, négocié des aides financières sous forme de subventions publiques auprès du Conseil Régional et des quatre Conseils Généraux de la Bretagne. L’adhésion doit être volontaire et motivée, elle doit être le fruit d’une volonté politique forte. L’association se veut un levier de développement local, en permettant notamment la création de musées locaux. Des initiatives en lien avec le patrimoine doivent être développées dans chaque commune, et notamment un « circuit d’interprétation ». Les dossiers d’adhésions (et donc de labélisation) sont vérifiés par une commission technique composée d’experts des CAUE, de la DRAC, de l’association Tiez-Breizh [association bretonne de chantiers bénévoles et de sensibilisation au patrimoine]. En théorie, l’obtention du label est à réévaluer tous les 5 ans. Celuici peut être retiré en cas de non-respect du cahier des charges. Tous les 3 ans, un questionnaire doit être rempli qui permet d’évaluer l’efficacité de notre action. Mais dans la pratique, il y a une surcharge de travail, donc les réévaluations ne sont plus aussi systématiques. Quels sont les moyens incitatifs ou coercitifs dont vous disposez envers les communes labélisées ?
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Il n’y a aucun moyen juridique ou administratif. Seul le retrait du label est possible. Le système repose uniquement sur la motivation des mairies. Même si nous savons que certaines d’entre elles utilisent le label pour des motivations uniquement financières. Quelles sont les actions concrètes de l’association auprès de la population ? Aucune. C’est aux mairies d’agir à leur niveau. L’association se charge uniquement d’un travail de coordination et de mutualisation des efforts. Elle n’agit pas directement auprès de la population. Le lien est-il fait avec la nouvelle politique patrimoniale et culturelle de la Région Bretagne ? Oui. Notre action est considérée comme une « politique 1 patrimoniale territoriale » . A ce titre, nous percevons des subventions pour les investissements dans les nouveaux projets, mais pas ou peu de subventions pour le fonctionnement. D’où des difficultés financières à long terme. Quelles sont les différences avec d’autres labels similaires (« Petites cités de caractère » - « Villes et pays d’art et d’histoire ») ? Ces différences se lisent dans notre intitulé. D’une part, « rural » : nous nous intéressons au patrimoine des villages de campagne et qui gardent leur caractère rural. Par exemple, un village a récemment été déclassé car il avait peu à peu intégré la banlieue de Quimper. D’autre part, « breton » : nous ne visons donc que les communes basées dans les 4 départements bretons (22-29-35-56). Le label « Petites cités de caractère » vise quant à lui les villages médiévaux biens conservés, se sont donc des bourgs, non disséminés dans la campagne (ex : Rochefort-en-Terre, 56). Le label « Villes et pays d’art et d’histoire » ne concerne pas les villages de campagnes. Il ne s’intéresse qu’aux villes, ou aux « pays » (ex : Dinan, 22).
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Voir à ce titre : DRAC Bretagne ; Pour une nouvelle politique du patrimoine culturel en Bretagne ; 2007
Patrimoine ordinaire et développement rural, les enjeux d’une prise de conscience
ENTRETIEN AVEC R. BUSSIERE, CHERCHEUSE SERVICE INVENTAIRE & PATRIMOINE, REGION ILE-DE-FRANCE [15 NOVEMBRE 2011]
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Roselyne BUSSIERE est chercheuse et chargée de mission à l’Inventaire Général. Cet entretien fait suite à la conférence sur le patrimoine ordinaire donnée par elle à l’Ecole d’Architecture de Versailles1. Tout d’abord, pouvez-vous me dire précisément ce que vous entendez par « patrimoine ordinaire » ? L’architecture ordinaire c’est ce qui est omniprésent, invisible, « ce qu’on ne voit pas » car devenu trop banal. Pour la voir, il faut relever les traces d’interventions sur le bâti, il faut se référer aux anciens plans et faire des recoupements avec le cadastre actuel. Il faut travailler in-situ, c’est très important. Dans notre service nous avons mis en place une grille de lecture et un vocabulaire fixe à partir desquels nous inventorions le bâti. Pour chaque typologie de bâti, il faut un critère discrimant et des critères variables. Il est très important d’avoir des outils d’analyse normalisés sans quoi cette analyse est faussée car elle ne se rapporte pas au même vocabulaire, aux mêmes critères, etc… Vos précédentes conférences étaient illustrées par la ZPPAU(P) d’Andrésy (78) sur laquelle vous avez travaillé. Par la mise en place de cette ZPPAU, de sa révison en ZPPAUP, et par votre travail d’inventaire complet de la ville, les habitants ont-ils pris conscience du patrimoine qu’ils habitent ? Pas vraiment. Bien que la révision de la ZPPAUP il y a quelques années est le signe d’une politique parimoniale active, il y a eu peu d’appropriation du travail d’inventaire par les politiques. L’intérêt porte uniquement sur l’extra-ordinaire. Il y a un véritable problème de regard sur l’architecture ordinaire. 1
BUSSIERE Roselyne ; Le patrimoine ordinaire, l’exemple de la ZPPAU(P) d’Andrésy ; 10.2010 ; [conférence à l’ENSAV]
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Autrefois, le bâti subissait une évolution lente et réversible, tandis qu’aujourd’hui ces transformations sont brutales et irréversibles. Comment est perçue la ZPPAUP ? (comme une opportunité à saisir, une contrainte « top-down » ?) Cette ZPPAUP est un choix de la mairie. Elle est donc entièrement acceptée et même voulue. Elle émane d’un volontarisme fort en faveur du patrimoine, mais est aussi une source de contraintes élevées (notamment en terme de coûts) Vous disiez dans votre conférence qu’il fallait « contrôler le soin apporté aux modifications du bâti ». Qu’entendez-vous par « contrôler » ? Il s’agit de contrôler le choix des enduits, l’implantation du bâti, les gabarits, l’alignement, l’implantation des garages… Mais n’y a-t-il pas là un risque de « sanctuarisation » du patrimoine ? Non. Nous sommes conscients que le patrimoine ordinaire est amené à évoluer en permanence. C’est d’ailleurs une de ses caractéristiques propres. Mais la « patrimonialisation » vise à garder l’harmonie, le bon sens. Il y a d’une part une volonté d’être moderne. Et d’autre part, le désir d’un patrimoine rêvé qui amène à faire du pastiche, du « faux ancien » ou du « néorural ». Alexandre Chemetoff a dit en parlant du patrimoine, que si autrefois celui-ci était pensé comme l’exception par rapport à l’ordinaire, aujourd’hui tout constitue patrimoine. C’est le « déjà-là », à partir duquel doit se baser le projet 1 d’architecture . Qu’en pensez-vous ? Je ne suis pas tout à fait d’accord. Je ne pense pas que les banlieues pavillonnaires, par exemple, constituent du territoire. Or le patrimoine est par définition ancré dans son territoire. 1
CHEMETOFF Alexandre ; Lyon-St Etienne ou la globalité patrimoniale ; in MICHELIN Nicolas & PAOLI Stéphane (sous la dir. de) ; Entretiens du patrimoine et de l’architecture ; 09-10.11.2011 ; [colloque]
Patrimoine ordinaire et développement rural, les enjeux d’une prise de conscience
ENTRETIEN AVEC B. FRABOULET, MEMBRE DE L’ASSOCIATION DES JEUNES
DE
ST THELO
[26 NOVEMBRE 2011] t
Etes-vous originaire de S Thélo ? Oui. Notre famille est 100% thélotaise. Avez-vous eu des ancêtres ayant travaillé dans l’industrie linière ? Peut-être, on ne sait pas trop. En l’étudiant à l’école, on a retrouvé des tampons de tisserands d’Uzel portant ce nom, mais ce n’est sans doute pas la même famille. Pouvez-vous présenter en quelques mots votre association ? Elle a été créée en 2007, par mon frère, avec pour objectif t premier de rassembler les jeunes de S Thélo. On dispose d’un local dans une ancienne école que la mairie nous prête, qu’on a retapé nous même avec des financements de la mairie. On a monté un festival de musique [le festival Thélokalizé, chaque année fin août] à l’espace Tadashi Kawamata, qui se veut à l’échelle départementale. Enfin, on organise une fois par an un repas pour rassembler tous les gens du village. t
Comment percevez-vous le passé de la région de S ThéloUzel ? On le ressent comme loin de nous, il y a une certaine cassure générationnelle. Mais quand on commence à s’y intéresser, il y a une certaine surprise agréable à découvrir un tel passé. Même si on ne se sent pas concerné directement par ce passé, il y a une certaine fierté. t
Qu’est-ce qui, pour vous, représente le « patrimoine » de S Thélo ? Pour ma part, j’associe le patrimoine du village à l’histoire du lin. Au plan architectural, c’est d’abord aux maisons de marchands auxquelles on pense, et aussi à toutes les maisonnettes de tisserands dans le village.
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t
Que pensez-vous de l’intervention de Tadashi Kawamata à S Thélo ? Aviez-vous participé aux workshops d’été ? Non, je n’avais que très peu participé, j’étais trop jeune. Je ne comprenais pas vraiment ce qui s’y faisait. Il n’y a pas eu un grand enthousiasme de la population. C’est assez mitigé. Certains étaient à fond dedans, d’autres ne s’y intéressaient pas. En fait, je crois que les gens qui voient l’intervention artistique ne la comprennent pas. Mais quand on leur dit que la tour en bois fait référence à un métier à tisser, là seulement ils y voient un intérêt. Pensez-vous que le patrimoine (et le passé de manière générale) puisse être un atout, ou un défaut, pour un village t comme S Thélo ? C’est clairement un atout. On peut se dire que nous, ou moins, t on a tout un patrimoine du lin à S Thélo. Ça crée une identité, une mémoire. t
Comment voyez-vous l’avenir à S Thélo ? J’espère que ça ne va pas devenir une ville-dortoir, complètement déstructurée par la proximité des villes alentours. J’espère que le village ne va pas être victime du regroupement de communes, comme il est prévu de le faire pour les villages de moins de 1000 habitants. J’espère enfin qu’il va garder son caractère rural, que les liens sociaux et les valeurs humaines vont perdurer.
Patrimoine ordinaire et développement rural, les enjeux d’une prise de conscience
CONVERSATION AVEC P. LAUNAY, T DE S THELO [26 NOVEMBRE 2011]
ADJOINT AU MAIRE
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Etes-vous originaire de S Thélo ? Et avez-vous eu des ancêtres ayant travaillé dans l’industrie linière ? t Oui je suis originaire de S Thélo. Mes ancêtres étaient des ouvriers agricoles. Je ne pense pas qu’ils aient travaillé dans l’industrie linière. J’ai cependant un grand oncle, qui était ramoneur et qui habitait dans l’une des maisonnettes sur lesquelles KAWAMATA a travaillé. Aujourd’hui, il n’y a plus qu’un tiers de la population qui travaille dans le secteur agricole. Les fermes sont rachetées par les exploitants agricoles et rasées pour ne pas avoir de voisins, ou alors quelques-unes sont rachetées par des couples d’Anglais qui en font des résidences secondaires (bien qu’avec la crise, le phénomène s’est atténué, car il est devenu moins intéressant pour eux financièrement d’habiter en France. On a aussi quelques jeunes couples qui viennent s’installer, que ce soit dans du logement neuf, ou dans de l’ancien. t
La population de S Thélo a baissé, et pourtant j’observe qu’il y a des nouveaux lotissements. Comment cela se fait-il ? Effectivement, il y a une baisse démographique, mais on a construit et on continue à construire des logements neufs. Cela s’explique parce que les modes de vie ont changé. Autrefois, les grands parents, les parents et les enfants vivaient sous le même toit. Il y avait trois générations par maison. Aujourd’hui, c’est différent, on arrive à la fin d’un cycle qui est celui du babyboom. Mais la tendance devrait se ralentir, ce n’est qu’un changement de cycle. Il y a aussi des familles monoparentales, des personnes vivant seules. Les maisons sont beaucoup moins remplies. Et puis les logements anciens ne sont pas adaptés aux exigences d’aujourd’hui : ils sont petits, leur terrain est petit, ils n’ont bien souvent pas de jardin, les fenêtres sont petites, ce qui fait qu’ils ne sont pas très lumineux, à cela vient s’ajouter les prescriptions patrimoniales sur le bâti… Il y a aussi pas mal de t résidences secondaires, ce qui a tendance à transformer S Thélo en bourg fantôme.
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Il y a aussi une certaine incohérence dans notre politique de logement, il faut bien l’avouer. On subventionne l’achat de terrain pour y implanter des logements neufs dans les lotissements, alors que cet étalement urbain se fait au détriment de notre politique patrimoniale, de l’agriculture… Ces subventions, on pourrait tout aussi bien les mettre dans la restauration des vieilles maisons pour éviter que le bourg ne se vide, mais on attirerait moins de nouveaux habitants. Et puis c’est compliqué de restaurer ces vieilles maisons, ça coute très cher. Effectivement, j’ai vu beaucoup de maisons vides dans le bourg. Oui. C’est aussi dû au fait que beaucoup de gens qui habitaient ces maisons étaient de la même génération, et beaucoup d’entre eux sont hélas décédés assez jeunes. Le renouvellement ne s’est pas encore fait. Que pensez-vous de la politique récente en matière de t patrimoine à S Thélo ? Je pense avant tout que ça a été mal préparé. L’Histoire est effacée des mémoires, pourtant notre patrimoine est le témoin d’un passé riche. Mais il n’y avait pas de conscience de ce patrimoine par la population avant l’ouverture du musée [en 2004]. Ce musée s’est ouvert un peu dans l’indifférence générale, ce n’était pas un projet qui était porté par la population. Vous savez ici on a un caractère paysan, très terreà-terre, très pragmatique. Si on ne voit pas dès le départ l’intérêt que peut nous apporter tel projet, on ne le soutient pas. Quant au projet de Tadashi KAWAMATA, il y avait une incompréhension du public vis-à-vis de son intervention. Nous sommes des gens d’agriculture, pas de culture. Il y a bien eu un certain réveil de la mémoire, quelques habitants ont contribué, mais on ne peut pas parler d’enthousiasme collectif. C’était surtout monsieur le Maire et Francis BLANCHART [président de l’association « Mémoire en Demeure »] qui étaient à l’initiative de tout cela. A plus long-terme, il y a eu une certaine prise de conscience du village (son histoire, sa ruralité, son patrimoine, une certaine
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identité du pays Centre Bretagne). Mais au fond, la population ne croit pas à l’attrait touristique que peuvent avoir nos t campagnes. Le patrimoine à S Thélo, c’est un peu comme une très belle femme, dont seul le mari ne se rendrait pas compte de la beauté. On a encore beaucoup de progrès à faire en matière de politique culturelle et touristique, ce n’est pas dans nos habitudes. Par exemple, le Syndicat de la Route du Lin est un outil qui est absolument sous-utilisé. Et la mairie dispose de peu de moyens d’actions pour relancer la dynamique initiée en 2004. [Inauguration de la Maison des Toiles, et premier workshop de Tadashi KAWAMATA] Il y a beaucoup de problèmes avec les différents acteurs politiques, certains ont un ego démesuré, d’autres ne collaborent pas, d’autres enfin collaborent uniquement dans leur propre intérêt. La gestion de la politique culturelle est égoïste et individualiste. Il manque une vue d’ensemble, une cohérence. Par exemple, il y a une t concurrence des musées de S Thélo et d’Uzel, ce qui ne leur assure à chacun qu’un faible nombre de visites et donc une faible rentabilité. Ce genre de projet culturel se prépare à très long terme (environ 10 ans) pour qu’il crée un besoin et un enthousiasme de la population, pour qu’il apparaisse comme évident. C’est un processus. Il y a tout un échange qui doit se faire avec la population. Là, il n’y a pas eu de communication en amont. On ne peut pas arriver avec un projet tout fait, sans concertation, et demander après à la population ce qu’elle en pense.
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ANNEXE D – TYPOLOGIE DES HABITATIONS T DE S THELO D.1. Maison de tisserand Chaque unité fait office d’atelier et de logement pour la famille du tisserand, le métier à tisser prenant place près de l’unique fenêtre du rez. On les trouve le plus souvent regroupées en mitoyenneté, soit que les tisserands décidaient de construire ensemble leur maison, soit que le tout était mis en location par un unique propriétaire, lui-même négociant en toiles. D.1.1. Maison sans étage Elle comporte un rez et des combles. La façade est composée d’une porte – encadrée d’un arc en plein cintre, en anse de panier, ou d’un linteau de granit – d’une fenêtre – au linteau généralement de bois – et d’une lucarne en bois éclairant les combles. La maçonnerie est en tout-venant de schiste et les encadrements de granit sont irréguliers.
Maison de tisserand sans étage – XVIIe s. Schéma dossier ZPPAUP
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D.1.2. Maison avec étage Identique à la précédente avec un étage supplémentaire. Elle est un signe de richesse de celui qui l’habite. Encore assez e e rare au XVII s., elle est quasi-généralisée au XVIII s.
Maison de tisserand avec étage – XVIIe s. Schéma dossier ZPPAUP
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D.2. Maison de négociant e
D.2.1. Maison du XVII s. Peu de chose la différencie de la maison d’un tisserand, si ce e n’est qu’elle comporte un étage au moins dès le XVII s., et un escalier hors-œuvre. Le débord de toiture est supporté par une frise de modillons de granite. La façade présente une ébauche d’ordonnancement. Les lucarnes, s’il y en a, sont en pierre. Autour de la cour se distribuent de nombreuses annexes et équipements nécessaires au négoce de la toile : un puits, une blanchisserie et son doué, d’éventuels ateliers de tisserandssalariés, une pilerie où sont pliées et ensachées les toiles et un entrepôt.
Maison de négociant – XVIIe s. Schéma CAUE 22
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D.2.2. Maison du XVIII s. Elle comporte un rez – souvent surélevé de quelques marches, voire d’un escalier entier suivant le relief du terrain – d’un étage habitable, de combles, et quelquefois d’une cave sous la moitié de la surface. La façade est ordonnancée et symétrique, les encadrements de granit sont régulièrement taillés et disposés, les lits de maçonnerie de schiste sont réguliers. L’influence des t malouinières (demeure des armateurs de S Malo) du siècle précédent est manifeste. L’édifice gagne en grandeur et en noblesse. Il peut comporter 3 ou 5, voire 7 travées suivant la puissance de son propriétaire, disposées symétriquement à l’axe de composition central. Dans la travée centrale, à l’intérieur et dans l’axe de la porte principale, se trouve un escalier droit en bois. C’est aussi à cette époque que commencent à apparaître les statuettes de saints en faïence placées dans des niches en façade.
Maison de négociant à 5 travées – XVIIIe s. Schéma CAUE 22
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Diffusion libre, gratuite et recommandée © Amaury PRUD’HOMME, février 2012