LES MECANISMES SOCIAUX ET RELIGIEUX
A L’OEUVRE DANS LA VISION ET LA CONCEPTION TRADITIONNELLE
DE L’ESPACE A PORTO-NOVO -Du collectif à l’intime, du sacré au profane Amede Kemi
Mémoire de Master - Mention recherche Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Bordeaux
Mémoire de Master
Amede Kemi
Directrice de Mémoire : PARIN Claire Architecte DPLG / Docteur HDR Urbanisme et Aménagement, Enseignante à l’ENSAP Bordeaux
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Introduction
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Méthode de recherche et formation des hypothèses
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A. Conception du monde et tradition vodun B. Nécessité de déconstruire certains concepts occidentaux C. Mise en place d’un langage : démarche de recherche
Mécanisme de conception de l’unité familiale réduite : Etude de cas du Palais Honmê à Porto Novo
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A. L’espace est organique et structuré par la hiérarchie sociale et royale B. L’espace intègre plusieurs usages qui alternent dans temps C. L’espace lie l’homme à la nature et le protège de l’homme
La ville, le royaume et l’espace public Connexion spatio-temporelle A. L’espace est organique et structuré par la hiérarchie sociale et royale B. L’espace intègre plusieurs usages qui alternent dans temps C. L’espace lie l’homme à la nature et le protège de l’homme
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Conclusion
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Bibliographie 94
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Introduction
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"Il faut préciser que ce sujet m’intéresse pour plusieurs raisons. Tout d’abord il concerne le Bénin qui est mon pays d’origine et dans lequel j’ai vécu pendant 18 ans. Le travail de mémoire qui représente la synthèse des connaissances et des réflexions que j’ai pu mener lors de nos études me donnait l’opportunité de me positionner comme future architecte sur un sujet particulier et très personnel. Un sujet qui me permettait de me questionner véritablement sur un contexte culturel que je connais très bien. De me questionner également sur des réalités spatiales et urbaines qui m’ont souvent interpellée et déroutée tant elles paraissent confuses et incohérentes. Et plus particulièrement je souhaitais travailler sur une ville étonnante, au niveau historique et urbain, Porto-Novo. Une ville qui est aujourd’hui rattrapée par un développement urbain accéléré, qui fait disparaître encore plus les traces de son développement traditionnel. Il fallait donc chercher dans une autre dimension, appliquer un filtre d’analyse autre que sensoriel. Ne pas se fier à la réalité visuelle, matérielle. Avoir confiance, et comprendre qu’en regardant à travers cette autre dimension, je comprendrais enfin la richesse inestimable de cette conception spatiale traditionnelle que je croyais inexistante ou disparue. Ce mémoire m’a permis de reprendre confiance en ma culture et en ses richesses." Xogbonu, Ajachè, Porto-Novo ? Ces trois noms de Porto-Novo, nous indiquent déjà qu’il s’agit d’un carrefour entre plusieurs époques, plusieurs influences (brésilienne, coloniale), plusieurs cultures (Yoruba et Gun). Si elle ne se singularise pas d’autres villes d’Afrique noire elle possède en revanche une histoire qui l’en distingue radicalement. Elle a été fondée sans doute à la fin du XVIIème siècle et son histoire traduit les couches des différentes périodes : entre ville-royaume traditionnelle, économie de la traite, influence afro-brésilienne, domination coloniale… Cette diversité et cette originalité se lisent d’ailleurs à travers son organisation spatiale et les tissus urbains qui témoignent des calques superposés des différentes périodes historiques. Cependant l’organisation traditionnelle d’origine étant le calque le plus ancien, il a subi de nombreuses mutations, souvent radicales. Il est assez difficile de saisir les contours de cette organisation traditionnelle qui semble plus inscrite dans la mémoire collective que dans les habitations et les tissus urbains.
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L’ interrogation sur les mécanismes de conception spatiale traditionnelle, est partie du constat de la difficulté à identifier un patrimoine architectural caractéristique au Sud Bénin. Cependant, nous gardons à l’esprit que la notion de patrimoine culturel, et plus spécifiquement urbain, est difficile à projeter dans ce contexte culturel particulier. En effet, les grilles d’analyses et les méthodes employées pour définir ce qui caractérise ou non un patrimoine au niveau historique, sociologique et architectural renvoie à des concepts inventés par la culture occidentale et se référent à des patrimoines occidentaux. S’engage alors dans cette dynamique, une réflexion sur la procédure à adopter, les méthodes à mettre en place, les notions à questionner, pour comprendre les mécanismes d’un contexte culturel précis. Il est indispensable pour répondre à nos questionnements d’élaborer une méthode, un langage cohérent et référant au contexte culturel dans lequel ils s’inscrivent. Et seule cette démarche nous permettra d’avoir une vision réaliste et pertinente sur le site. Pour aller le plus loin possible dans cette recherche, cette réflexion de mise en place d’une méthode prendra une place importante dans cette étude. Nous considérons qu’elle est tout aussi importante que le développement et la réponse aux questionnements. Le processus de réflexion et la construction d’une méthode caractéristique et originale feront donc l’objet de notre première partie. Suite à ces observations, nous nous rendrons vite compte qu’au Sud du Bénin, et à Porto-Novo, le concept de patrimoine ne repose pas, comme dans la société occidentale, sur le culte d’objets et d’édifices dont l’état et l’esthétique signalent la valeur historique et marchande. Le patrimoine est avant tout un patrimoine religieux et spirituel rappelé non pas par des éléments matériels mais par les pratiques et des usages renouvelés sur ou dans ces éléments matériels. Le contenu et ce à quoi il se réfère ont plus d’importance que le contenant. Nous appellerons ce patrimoine, « tradition », et dans ce contexte culturel précis cette notion se réfère indubitablement au Vodun qui plus qu’une religion, est une culture à part entière. Des formes spatiales existent et sont le reflet de pratiques, d’usages caractéristiques à cette tradition, à cette culture. La conception spatiale semblant se structurer fondamentalement sur la manifestation de différents phénomènes d’ordre sociaux et religieux, nous nous interrogerons principalement sur sur ceux-ci. Nous en venons donc à la formulation de notre problématique : Sur quels mécanismes sociaux et religieux se fondent les agencements traditionnels de l’espace à Porto-Novo ? En particulier dans les transitions de l’espace (du collectif à l’intime, du sacré au profane). En quoi la lecture de l’espace, à travers un langage spécifique, et le processus de conception de ce langage, permet d’éclairer ces mécanismes ?
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L’espace qui nous intéresse et fonde nos questionnements ne se limite pas seulement à l’espace construit, il s’agit de l’espace habité, marqué, organisé, que ses limites soient matérielles ou non. Cet espace et ses mécanismes de conception nous intéressent à travers deux échelles d’analyse que nous développerons : - L’échelle de l’unité familiale réduite : l’espace habité, marqué, organisé, domestiqué par le groupe social minimum. Nous exposerons cette échelle à travers l’étude de cas du palais royal de PortoNovo, Honmè. Cette étude de cas se fondera sur l’expérimentation, le parcours répété de l’espace, la recherche de signes et d’indices susceptibles de traduire une réflexion sur l’espace. Signes que nous traduirons par des schémas et des diagrammes qui vont structurer nos propos. À travers la lecture de l’espace, nous essayerons de décrypter et de dégager les mécanismes de conception, mécanismes engendrés par des phénomènes d’ordre sociaux et religieux. - La deuxième échelle est celle de l’organisation urbaine d’ensemble de la villeroyaume dont la dynamique semble fondée sur des relations de parenté et de résidence, médiatisées elles-mêmes par des phénomènes d’ordre religieux et politiques. Cette analyse s’appuiera principalement sur des références bibliographiques traitant du sujet, dont nous avons dégagé les idées de formations spatiales et traduit par des schémas et diagrammes. Et de même que pour la première échelle, ces schémas et diagrammes et les idées qu’ils construisent ont servi de structure au texte. Cette échelle fera part des structurations spatiales et politiques des différents groupes sociaux (lignage étendu, lignée, clan, famille) mais également de l’organisation spatiale et sociale des cultes. Nous essayerons ensuite de comprendre la nature et la dimension des connexions spatiales et sociales dans la ville entière. Ces deux échelles d’analyse des mécanismes de conception de l’espace feront l’objet de nos parties 2 et 3.
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MÊthode de recherche et formation des hypothèses
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Ce premier chapitre traite de la mise en place d’une démarche de travail et en explique la nécessité. Il inscrit notre recherche à l’intérieur de thématiques plus larges comme celles des identités et des cultures, thématiques communément regroupées dans le terme « Cultural Studies ». Nous reviendrons également sur des notions anthropologiques à propos du contexte culturel particulier de Porto-Novo qu’il nous semble indispensable d’aborder avant de commencer ce travail : à savoir, la tradition Vodun et la conception du monde au Sud Bénin. Ces notions nous permettront de remettre en question l’adéquation de certains outils occidentaux à/pour notre analyse Enfin nous y expliquerons la méthode de recherche que nous emploierons tout au long de ce mémoire et les processus de construction de cette méthode.
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Tradition Vodun : Conception du monde
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Vodun Aborder ne serait-ce qu’un aspect ou tendre vers une définition du vodun semble chose difficile voire impossible. Religion ? Culture ? Mais surtout comment définir le concept vodun en dehors de son contexte linguistique, en négligeant la profondeur et la force des mots qui en sont la manifestation. Cependant, le vodun (culte et culture) imprègne la conception de l’espace, plus, elle la caractérise et en est indissociable. Nous aborderons donc la cosmologie vodun sous les angles qui nous intéressent pour notre axe de recherche, à savoir : la conception du monde, de la nature, du temps et de l’espace. Il nous semble indispensable de préciser ces notions au préalable car elles seront récurrentes à chaque étape de notre analyse Quelle est la conception du monde, de la nature, du temps et de l’espace dans la culture vodun ? Pour apporter des éléments de réponse nous nous baserons sur plusieurs textes en rapport direct avec le sujet que nous avions recueilli lors d’un précédent travail de recherche sur le même thème.1
1. Textes recueillis lors du travail de mémoire de S6 sur le thème du Vodun - Mémoires Croisées 2. Bernard Maupoil, La géomancie à l’ancienne Côte des Esclaves, Paris, Institut d’Ethnologie, 19. 3. Texte issu d’une communication personnelle de E.K. Tall, chercheuse à l’IRD/EHESS, propos recueillis pour -Mémoires Croisées-
« L’étymologie du terme vodun s’est perdue dans la nuit des temps, certains le font dériver des termes « vo » offrande et « hun » qui désigne à la fois le tambour utilisé dans le culte et le sang comme principe vital et ces deux éléments font incontestablement partie de la plupart des rites vodun. Néanmoins, il existe une telle variété d’explications étymologiques que nous retiendrons la définition généraliste de Bernard Maupoil2 qui relevait que le terme vodun désigne tout ce qui est mystérieux à l’entendement humain. Le vodun est une puissance qui manifeste les tensions et les alliances entre les êtres humains, leurs ancêtres et les éléments naturels et surnaturels. C’est grâce au vodun que s’établit la communication entre des êtres de nature différente. Basé sur une conception de l’univers où chaque être est interdépendant des êtres d’une autre nature, où le monde des morts et le monde des vivants sont en miroir et enfin où rien n’est le fruit du hasard, vodun désigne à la fois la matérialité d’un espace consacré et un système religieux. » 3
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Parole et mémoire La tradition à laquelle notre étude fait référence est fondé sur l’oralité, comme dans la plupart des régions d’Afrique. Les valeurs transmises d’une génération à une autre le sont par la parole, la mémoire joue alors un rôle fondamental dans la société. « Comme dans la culture judéo-chrétienne riche de plusieurs religions, la culture vodun possède elle-même un certain nombre de religions plus ou moins connues. Leur caractéristique commune repose sur la parole. Fluide comme le vent, elle se faufile dans tout et reste là, inaperçue. Et pourtant c’est elle qui nous forme, nous fabrique. C’est aussi elle, au-delà des objets, qui forme, qui fabrique les vodun, les légendes, les sciences, les techniques. Un des deux éléments fondamentaux de la culture vodun est la parole. »4 « La connaissance transmise oralement, a la valeur d’une véritable initiation par la parole agissante. L’initiation ne se passe pas au niveau mental de la compréhension, mais à celui du comportement. Elle est fondée sur les réflexes, et non sur le raisonnement, réflexes provoqués par des impulsions venant de fonds culturels qui appartient au groupe et vaut surtout pour lui. »5
Nature Dans la culture traditionnelle vodun, l’homme entretient une relation privilégiée avec la nature, sans que l’on fasse d’ailleurs une distinction entre nature et culture à la manière occidentale. « À la différence de la culture judéo-chrétienne qui veut la soumettre pour la dominer, la culture vodun veut agir avec elle. Elle la considère comme lui appartenant et considère l’individu humain comme le père, le gardien de la nature. La nature n’est donc pas à conquérir dans la culture vodun. Elle fait corps avec l’homme. » 6 Et cela se conçoit d’autant plus que la nature (climat, environnement, température, faune et flore) dans cette région est clémente envers l’homme et extrêmement fertile et généreuse. Elle donne tout sans attendre en retour. « L’abondance et la permanence de la faune et de la flore n’ont d’ailleurs pas semblé exacerber l’instinct de survie au point d’envisager des stratégies de réserve. Concomitamment, le climat, avec son amplitude thermique très faible et qui tourne autour de la température ambiante du corps humain, n’a pas drainé les énergies vers un développement de l’habitat. On comprend alors qu’il y ait plus de forêts sacrées que de temples. » 7
4. Communication personnelle de C. Amouro, propos recueillis pour -Mémoires Croisées5. In, P. Fatumbi Verger, Ewé - Le verbe et le pouvoir des plantes chez les Yorubas. p19 6. Communication personnelle de C. Amouro, propos recueillis pour -Mémoires Croisées7. Communication personnelle de C. Amouro, propos recueillis pour -Mémoires Croisées-
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Le monde matériel ne s’est donc pas construit en opposition avec la nature, mais plutôt avec elle, et ce en assimilant dans le départ cette idée d’inter-permanence. Ce type de cosmogonie engendre un rapport direct entre homme et nature dans la conception de l’espace.
Conception de l’espace et du temps Il nous a semblé nécessaire pour aborder les thèmes de la conception de l’espace et du temps, de rappeler les structures dont ils découlent. Il faut rapprocher la conception du temps et conception de l’espace de celle de la nature et ce dans une perspective d’une société fondée sur l’oralité. À la différence de la culture occidentale où la mémoire est entretenue grâce à des lieux et des édifices, on conçoit qu’une société qui fonde sa transmission historique sur la parole et la mémoire, n’attache pas la même valeur aux constructions matérielles. des constructions matérielles. La mémoire est rappelée par des usages et non par des édifices : les pratiques et des cérémonies rituelles effectuées lors des cultes créent des nœuds de mémoire qui connectent le présent au passé (les cérémonies passées) et au futur (les cérémonies à venir). Les lieux sacrés sont plus caractérisés par le dépôt d’énergie, de force vitale qu’ils contiennent (activés par les cérémonies et rituels), que par leur délimitation physique et matérielle. La valeur vient du contenu et non de l’état esthétique du contelnant. Il faut alors accepter la dimension métaphysique des lieux et la totalité irréductible de ce qu’ils contiennent. On pourrait tenter un rapprochement avec la définition du sacré en Inde que fait Alexandra David Niel.8 8. Cf A. David Niel, L’inde où j’ai vécu, Chapitre II, p32-33 : « Avant que l’idole soit considérée comme propre à être l’objet d’un culte, il est essentiel, qu’elle est été « animée » […] La statue ou l’objet quelconque ayant subi l’influence du rite devient individu digne de vénération et possédant une somme de forces actives ». « Ils savent [les fidèles], que ce n’est pas un dieu ou une déesse résidant dans un séjour céleste qui en descendra pour s’incorporer dans son image, mais que c’est eux-mêmes qui habiteront cette image et que lorsqu’ils s’adresseront à elle, ce sera à eux-mêmes, à l’énergie issue d’eux, qu’ils auront recours. »
9. Cf A. David Niel, L’inde où j’ai vécu, Chapitre II, p32-33 : « Nous rencontrons aussi, dans l’Inde, de simples pierres adorées comme des déités et les plus vénérées des idoles de l’Inde sont trois blocs de bois à peu près informes. »
Il faut comprendre dans cette dynamique que le sacré n’habite pas forcément des lieux systématiquement identifiables et matériellement définis (temples, etc.). Le marquage religieux de l’espace ne se limite pas à des constructions, mais se caractérise parfois par un objet quelconque qui a exactement la même valeur spirituelle qu’un temple9. Une multitude de signes discrets sont implantés dans l’espace habité et prennent une dimension bien plus importante que leur aspect esthétique, par exemple : des objets usuels, un tas de terre, des morceaux de bois plus ou moins sculptés. En termes d’espace, une des conséquences est que l’on rencontre plus de lieux naturels divinisés (mare sacrée, forêt sacrée) que de temples, lieux de cultes matérialisés. Les temples et « les couvents », où sont formés les initiés, ne sont pas identifiables morphologiquement et ne font pas l’objet d’un traitement architectural particulier comme il est d’usage dans d’autres cultures pour les lieux sacrés.
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La plupart du temps, ils sont intégrés aux concessions et seuls quelques indices discrets les identifient : autels, bannières, signes muraux. La forêt sacrée, lieu hautement sacré ne comporte pas de limites visibles. Et pourtant ces limites existent dans le conscient collectif de tous. Son entrée est marquée au sol la plupart du temps d’une simple feuille de palmier, ou une ligne tracée dans la terre qui indique la frontière entre deux mondes. Le franchissement d’un monde à l’autre est uniquement réservé aux initiés. Des fétiches sont installés dans la forêt sacrée et sont célébrés de façon cyclique par des rituels contribuant au dépôt d’énergie qui forme et définit l’espace. Quelquefois, ce sont les arbres eux-mêmes qui sont sacralisés10 et font l’objet du rituel, de l’offrande, de la cérémonie. On vérifie alors une fois de plus, ce rapport très tenu qu’entretient l’homme avec la nature. La conception du temps elle aussi se base sur la nature, et sur les cycles de celleci (lune, soleil, saisons). Il faut absolument comprendre cette dynamique du cycle dans la conception du temps. Les pratiques rituelles et les cérémonies, marquent le début et la fin d’une partie du cycle. «La religion vodun, si tant est qu’on puisse parler de religion, ne repose pas sur des dogmes, mais sur une pratique initiatique qui permet d’englober à la fois des cultes ancestraux multiples et toutes les nouveautés dont l’efficacité paraît avérée. En perpétuelle mutation, reconfiguration, le vodun n’existe pas comme un dogme, mais comme une pratique rituelle reposant sur une vision du monde où êtres humains, ancêtres et esprits de la nature sont interdépendants. […] On pourrait ajouter que l’univers comme un tout qui englobe et digère tout élément nouveau est en perpétuelle reconfiguration. Rappelons que les vodun, à l’instar des êtres humains ont une santé fragile et que leur pérennité dépend des cultes qui leur sont rendus. À l’instar des humains qui se reproduisent dans leurs enfants, perpétuant une lignée tout en étant singulier, les vodun se perpétuent et se reconfigurent à travers les rituels dont ils sont l’objet. La mémoire collective retient des noms génériques mais chaque individu et/ou collège d’initiés sait que son vodun est à la fois unique et pluriel. » 11 La culture traditionnelle accepte l’impact du temps et de la nature sur les constructions. Ces constructions sont peu pérennes car elles sont réalisées avec des matériaux précaires, suivant des techniques constructives limitées et sont souvent sujettes aux nombreuses intempéries et aux insectes destructeurs12. Dans cette dynamique cyclique qui structure et organise la société, le renouvellement des espaces endommagés par le temps, organise le calendrier par leur renouvellement saisonnier.
10. Notamment les Irokos et les fromagers 11. Communication personnelle de E.K. Tall, cheurcheuse à l’IRD/ EHESS, propos receuillis pour -Mémoires Croisées12. Notamment les termites.
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Ainsi se crée, une dynamique sociale lors de ces occasions : rassemblement de tous les membres de la communauté pour participer à une activité commune, donnant lieu à des fêtes, et à des cérémonies. L’éphémère, le non pérenne ne sont pas vécus comme fatalité mais comme une occasion voire une création d’événements sociaux La vision/conception du temps, de l’espace, de la nature, et du monde (société de parole et mémoire) sont interconnectés et agissent individuellement sur chaque autre élément comme l’indique la Figure 1.
Figure 1 : Interconnection entre conception du monde, de la nature, du temps et de l’espace.
VODUN
Conception du temps
Conception de la nature
Conception de l’espace
Parole et mémoire
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DĂŠconstruire les concepts occidentaux
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Identités et cultures Comment définir cette notion de patrimoine dans une culture pour laquelle la valeur esthétique et historique n’a aucune signification. Une culture qui accepte pleinement l’effet dévastateur du temps sur les constructions précaires et qui, plus est, fonde son organisation temporelle sur le renouvellement permanent de ces constructions. On comprend vite que le contenu prend plus d’importance que le contenant ; qu’à la différence de la culture occidentale où la valeur de l’objet dépend de son aspect esthétique et de son histoire, au Sud du Bénin, la valeur est dans les pratiques renouvelées sur l’objet. Le patrimoine est avant tout un patrimoine spirituel et religieux, rappelé de façon cyclique par des cérémonies, des rituels. Quelques vestiges de cette architecture traditionnelle, que le temps a épargné et surtout que la politique rapportée de conservation du patrimoine historique a su préserver, sont restés. Il s’agit surtout de ce que la vision occidentale, dans une démarche de coopération culturelle13, a jugé de plus intéressant historiquement parlant : deux palais au Sud Bénin, celui d’Abomey et le palais Honmê de Porto-Novo. Des palais donc, ou dans un souci de précision lexicale, plutôt ce que l’on pourrait appeler des résidences de rois. Car, encore une fois, ce que la culture occidentale entend par le mot « palais » ne correspond pas réellement à la réalité architecturale, esthétique, technique de ces édifices. À Honmê, des murs, des poteaux, des portes, certes, mais là rien d’esthétiquement spectaculaire, exceptionnel. La toiture de tôle actuelle,remplacée au cours du temps14 , nous conforte au contraire dans l’idée du peu d’importance donné à la valeur esthétique que la culture prête au lieu. 13. De nombreuses démarches de valorisation patrimoniale ont été initiées par la coopération française et européenne 14. Suite à de nombreux incendies, la paille qui recouvrait le palais initialement a été remplacée par de la tôle ondulée.
Pourtant ces espaces sont inhabituels, remarquables et surprenants par leur agencement, leur conception. Ils traduisent les processus de « penser l’espace » de la culture traditionnelle. Ils ne correspondent à rien de ce que l’on connaît, à aucune référence de notre patrimoine architectural occidental.
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Complémentarité et non dualité Comment procéder alors pour analyser l’espace et ses mécanismes de conception ? Un processus de déconstruction total s’impose. Tout d’abord il nous faut procéder à une déconstruction de l’espace pour le comprendre. Simultanément, il faut déconstruire les concepts occidentaux qui sont nos référents habituels. Enfin, une déconstruction des outils usuels d’analyse de l’espace (vision aérienne, plans, coupes, etc.) s’impose également dans un tel processus de pensée. Il faut nous re-questionner sur les notions de public/privé, sacré/profane, ordre/chaos, physique/métaphysique… Comprendre ces notions, ce qu’elles impliquent, puis les replacer dans une culture où elles ne correspondent pas nécessairement à des oppositions, où elles s’expriment non pas en dualité, mais peut-être en plusieurs entités. Nous entendons par là que dans la conception occidentale le public est l’opposé du privé, le sacré du profane, l’ordre du chaos, le physique du métaphysique. Ces forces s’opposent, et sont marquées par des passages très lisibles qui permettent la transition de l’une à l’autre. Il est alors évident de définir si l’on se situe d’un côté ou de l’autre. Nous avons cependant l’impression que ce n’est pas le cas dans la conception traditionnelle de l’espace à Porto-Novo. Bien que deux forces soient distinctes, on ne peut pas les séparer. L’espace ne se situe pas soit d’un côté, soit de l’autre, il inclut les deux forces et les dispose l’une comme le complément de l’autre. Si l’une n’existait pas, l’autre non plus. L’une est même la conséquence de l’autre. Nous formulons donc l’hypothèse suivante : Hypothèse 1 Chaque unité (d’habitation) comporte différents espaces dans un ordre de parcours précis. Chaque espace contient plusieurs potentialités complémentaires : public et privé, sacré et profane qui alternent dans le temps (selon les cycles et les cérémonies) de manière fertile. Les portes et passages marquent une transition vers les différents espaces , cette transition exprimant plutôt une graduation qu’un cloisonnement entre différents mondes. Cette hypothèse est extensible à la ville royaume et à la formation des secteurs quartiers : chaque secteur quartier intègre plusieurs mondes : il y a continuité résidentielle, artisanale, spirituelle et mortuaire. Les concessions sont à la fois l’espace de vie, l’espace de travail, l’espace de culte et l’espace des morts.
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Temps et espace – dimensions, système axial Notre travail, nos recherches, nos réflexions ? nous ont amenés à, car dans la culture vodun « le concept de centre ne se réfère pas obligatoirement à un point correspondant au milieu, mais plutôt à un point d’application des résultantes des forces diverses » 15. Cela amène automatiquement à la réflexion sur le système axial de référence et les directions. Il nous faut abandonner les repères du Sud/Nord, Est/Ouest et intégrer un nouveau système d’axes. Nous tenterons de comprendre le système de référence axial de cette culture, et ce en fonction des principales directions récurrentes remarquées dans le choix de l’orientation des espaces. Nous établirons ainsi de façon hypothétique notre propre système d’axes auquel nous référerons l’analyse. Ce système prend en compte la dimension temps qui est essentielle pour comprendre les mécanismes de fonctionnement de l’espace dans cette culture traditionnelle. « On est confronté à une deuxième dimension indissociable de l’espace : celle du temps. Ainsi que l’exprime Kevin Lynch : « Les rythmes, les objets et les événements sont une réalité mais le temps et l’espace sont des inventions humaines. Le temps est discontinu, lié à des événements particuliers. » Et Marc Augé souligne : « Donner un ordre à l’espace et se représenter le temps, donner un ordre au temps et se représenter l’espace est une constance de l’activité humaine»» 16 z (ciel)
x (palais)
y (temps)
15. Cf. Antongini G., Spini T., Le royaume du Danxomè : objets, signes, espaces de pouvoir, p. 3 16. Cf. Antongini G., Spini T., Le royaume du Danxomè : objets, signes, espaces de pouvoir, p. 5. qui citent : M. Augé, «Lo spazio e i suoi significati», Prometeo , 7, 28. K. Lynch, What time is this place? Massachusset Industry of Technology.
-x (toutes les autres directions) -z (terre)
Figure 2 : Hypothèse d'un système de référence dans la conception de l'espace et son rapport au temps
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Ce système traduit un systématisme dans la conception de l’espace, une référence permanente à la terre et au ciel, ce que l’on pourrait donc définir comme l’axe de la nature. Les espaces distributifs que sont les cours (éléments ouverts non couverts), tracent un axe vertical qui lie directement le sol au ciel, la nature aux éléments. L’axe qui relie l’espace de la cour au ciel sera donc l’axe z (voir Figure 1). Ces cours contiennent également la plupart du temps en leur centre (ou point d’application des forces diverses) un indice du sacré. Il peut s’agir d’un fétiche protecteur (on retrouve souvent le vodun Legba, divinité de la fertilité) et par les offrandes rituelles qui lui sont faites, ce dernier semble tracer une verticale opposée, dans la direction de la terre. C’est également le cas avec les autels des ancêtres dans les temples familiaux, les yoxo17, qui représentent une lignée passée qui est en connexion évidente avec la terre. Cet axe de la terre sera donc l’axe -z (Fig. 1). Pour ce qui est des directions en plan, peu d’éléments sont disponibles. Les éléments récurrents nous feront faire l’hypothèse suivante : les seuls indices d’une orientation déterminée dans la conception de l’espace dans le royaume semblent indiquer la direction du palais royal. À Abomey, les palais royaux sont orientés vers le premier lieu d’origine 18 « Regardant vers Tado, axe de référence, s’accomplit le destin que le Fa avait prédit à Hwégbaga19 – les palais iront jusqu’au dixième mur et pas plus loin ». Les palais sont donc orientés vers Tado, et le reste du royaume orienté vers le(s) palais : « Les palais princiers sont à la tête des secteurs quartier en orbite autour du site royal vers lesquelles leurs portails sont orientés ». 20 Aucun indice d’orientation n’est donné pour le royaume de Porto-Novo, cependant, en analysant le plan général de la ville, les secteurs quartiers semblent s’organiser autour du palais royal par couche d’arrivée successive. Le palais royal est alors le noyau de développement de la ville et donc son axe de référence principal. Il faut aussi noter que les rois de Porto-Novo font venir successivement les différents clans qui apportent avec eux leur hennuvodun 21, et l’ensemble des hennuvodun des différents lignages contribue à la force et puissance du royaume. Le palais et le royaume se nourrissent donc de la force qu’apporte chaque lignage correspondant spatialement à un secteur quartier. Cet axe directionnel semblant être la seule orientation de référence, elle correspond à x (Fig. 1) et tous les autres axes directions se définissent par -x. Enfin un dernier élément essentiel de ce rapport espace/temps que le système met en évidence est la permanence d’éléments indiquant des rythmes cycliques. La société s’organise sur les cérémonies, qui correspondent à des cycles plus ou moins larges : solaire, hebdomadaire, lunaire, mensuel, saisonnier, annuel, décennal, etc. Ces cycles donnent forme à l’espace puisqu’en leur occasion celui-ci revêt un nouvel usage qui inscrit le lieu dans une dynamique temporelle et énergétique rappelant le passé et le futur en certains points précis (la date de tous les cycles précédents et celle de tous ceux à venir).
17. Les yoxo sont les temples installés dans les concessions, ce sont des temples sanctuaires où sont installés les asen, autels portatifs, des ancêtres.
18. Le lieu d’origine d’où sont partis les fondateurs des villes d’Abomey, d’Alada et d’Abomey est la ville royaume d’Aja-Tado. 19. Hwèbadga est le 3ème roi d’Abomey, il est considéré comme le roi fondateur de la ville royaume d’Abomey. 20. Cf. Antongini G., Spini T., Le royaume du Danxomè : objets, signes, espaces de pouvoir, p. 6. 21. De Hennu : lignage. Ancêtre mythique d’un lignage censé s’être divinisé, devenu vodun il protège et apporte protection au lignage.
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Avec ce système de référence nous faisons l’hypothèse que l’espace se construit dans l’espace, dans le temps et en rapport avec la nature. Hypothèse 2 L’espace (la pièce) prend forme et usage (voir hypothèse 1) à un moment (dans le temps) et à un point (dans l’espace) précis lorsque les dimensions temps et espace s’alignent lors de la réalisation d’un rituel/cérémonie faisant partie d’un système cyclique (régulier ou étendu). Cela est réalisé à l’échelle de l’unité (concession/palais) avec les parcours quotidiens et réglés par le protocole, à l’échelle du quartier avec les cérémonies familiales, et à l’échelle du royaume entier lors des grandes cérémonies connectant les différents membres de l’ako. Les différents usages se produisent de façon alternée et successive dans le temps selon le rythme des cycles et cérémonies (régulier ou étendu). La connexion spatio-temporelle des différents usages crée l’entité (public, privé, sacré, profane) dans une ligne continue connectant le passé au présent, au futur. Hypothèse 3 L’espace met des barrières (physiques ou métaphysiques : murs, portes, enceinte, fétiches) dans l’axe directionnel (x ; -x) qui est la dimension de l’homme, l’horizontalité. Et il ouvre l’espace dans l’axe directionnel (y ; -y) qui est l’axe directionnel de la nature, la terre et le ciel, la verticalité. L’espace protège l’Homme contre l’Homme et non contre la Nature. Nous essayerons lors de notre analyse de sans cesse confronter nos observations spatiales aux dimensions temps et nature. Hypothèse 4 La porte, le passage (intégré ou non dans un mur) est le principal élément structurant de l’architecture traditionnelle, elle concentre plusieurs usages.
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Recherche d’un nouveau langage spatial : Mise en place d’une méthode de recherche
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Démarche Comment analyser l’espace sans se servir des outils fondamentaux dont l’on se sert le plus souvent ? Outils qui cependant, n’ont pas de sens dans ce contexte culturel précis. En effet en ayant remis en cause le système axial occidental, les outils de représentation de l’espace tels que le plan et la coupe n’ont plus grand sens. Il est intéressant de voir que dans la culture traditionnelle, le repérage dans l’espace traduit par une représentation aérienne n’est pas intégré. Le plan n’est qu’une résultante de la conception, il n’y prend pas part. Il nous revient donc de créer notre propre système de représentation, d’inventer notre propre langage. Nous notons cependant qu’il serait intéressant pour ce milieu culturel basé sur l’oralité, de décoder l’espace à travers une étude linguistique et un décryptage des mots utilisés pour désigner les espaces. Nous n’avons cependant pas la capacité de faire une telle recherche, nous nous baserons donc en particulier sur les éléments culturels graphiques relevés. En quête de pistes de représentation nous chercherons donc dans la culture artistique traditionnelle, des signes, des symboles, des outils. Dans l’aire régionale élargie, il existe également un système divinatoire Fa ou Ifa qui fait intervenir des structures de pensée, de conception, particulières à la culture traditionnelle. Ce patrimoine culturel immatériel pourrait notamment nous éclairer sur les mécanismes de conception de l’espace et nous aider à inventer pour le représenter un « langage spatial ».
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Un nouveau langage Dans la même aire culturelle, l’art traditionnel des tentures représente l’histoire des rois de la cité royaume d’Abomey. Effectué par une famille d’artisans au service du roi, cet art ancestral est fait de codes, signes et symboles. Dans les tentures, la représentation très « naïve » de l’espace nous donnera des indices sur la marche à suivre. Leur organisation nous renseigne par ce que l’on n’y trouve pas : toute notion de perspective quelle qu’elle soit. Cependant loin d’être désorganisées, les tentures montrent dans leur conception une forte importance hiérarchique entre les différents éléments représentés (plus un élément, un symbole ou un signe est considéré comme important dans l’histoire et la société, plus sa taille sur la tenture est imposante). La présence de la hiérarchie dans la conception de l’espace nous semblant être primordiale, nous nous emparerons de cet élément pour construire notre langage. Plutôt que représenter l’espace lui-même, il s’agit de représenter la hiérarchie, les connexions et les rapports de forces entre les différents espaces. L’espace que nous cherchons à analyser est l’espace habité, marqué, organisé, domestiqué… Nous occulterons consciemment le terme « construit » car l’espace nous intéresse dans sa globalité, que ses limites soient visibles et physiques ou invisibles et métaphysiques. « Tout espace culturalisé devient ainsi un lieu de concentration et de savoir, mais les manifestations de ce savoir ne sont pas toujours évidentes».22 À PortoNovo, notre intuition est que l’espace est une concentration de structures et pratiques religieuses et sociales dont l’organisation est traduite par un langage fait de signes et des symboles… Nous proposons de comprendre ces pratiques sociales et religieuses, par l’étude de ce langage, le décodage de ces signes et de ces symboles. En effet Stuart Hall grand théoricien des Cultural Studies parle de cette étude des signes et symboles et de la démarche à adopter pour les analyser. Il définit « l’idéologie » d’après Althusser comme « les thèmes, concepts et représentations à travers lesquelles les hommes et les femmes vivent, dans une relation imaginaire, leur rapport à leurs conditions d’existence réelle ». Le terme « idéologie » sera réduit dans cette étude à ses aspects qui nous intéressent principalement : les pratiques sociales et religieuses. Il dit alors que : « « les idéologies » sont ici conceptualisées non pas en tant que contenus et formes superficielles des idées, mais en tant que catégories inconscientes à travers lesquelles sont représentées et vécues les conditions concrètes ». On doit alors procéder à « une logique d’arrangements, de relations internes, d’articulation des parties à l’intérieur d’une structure ».23
23. Cf. Antongini G., Spini T., Le royaume du Danxomè : objets, signes, espaces de pouvoir, p. 6. 23. Stuart H., (2007), Identités et cultures - Politiques des Cultural Studies -, Paris : Editions Amsterdam. p. 46
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Clifford Geertz démontre que l’étude de l’idéologie des pratiques sociales manque « avant tout d’une conceptualisation» : « La théorie de l’intérêt comme celle de la tension vont directement de la source de l’analyse à la conséquence sans jamais examiner sérieusement les idéologies en tant que systèmes de symboles interactifs ou de schémas de significations interagissant. […] La question de savoir comment les idéologies changent le sentiment en signification et, ce faisant, rendent celle-ci socialement disponible se trouve ainsi court-circuitée […] » Il ajoute plus loin : « Non seulement la structure sémantique est une figure bien plus complexe qu’il n’y paraît à la surface ; mais une analyse de cette structure nous oblige à tracer une multiplicité de connexions référentielle entre celleci et la réalité sociale, si bien que l’image finale est celle d’une configuration de significations dissemblables, de l’inter-élaboration, de laquelle découlent le pouvoir expressif et la force symbolique du symbole final. Cette inter-élaboration est elle-même un processus social, une occurrence qui ne se fait pas « dans la tête », mais dans ce monde public où les gens parlent ensemble, nomment les choses, font des affirmations et, dans une certaine mesure, se comprennent les uns les autres».24 L’opération de décodage, de lecture de l’espace passe par le relevé des signes qui nous semblent susceptibles de traduire ces structures religieuses et sociales. Nous nous retrouverons souvent confrontés à « l’impossibilité de « rationaliser » certaines données dont la cohérence est moins logique qu’organique ».25 Lors de l’étude de cas, nous relèverons de façon systématique les signes suivants : Il s’agit de signes matériels : – Passages, franchissements : portes, portails, seuils, tunnels (taille, nombre, forme) – Objets dont l’homme peuple son environnement (objets sacrés, objets profanes) – Marches (montée, descente) – Espaces (nombre, taille, usage, ouvert/fermé couvert/non-couvert) Mais également d’indices de permanence dans les espaces : – Usages des lieux – Parcours quotidiens – Sens des parcours – Interdits – Gestualité liée aux espaces – Cycles, cérémonies, rituels 24. Clifford Geertz, «Ideology as a cultural system», in David Apter (dir.), Ideology and Discontent, New York, Free Press, 1964 25. Maupoil, B. (1989) La Géomancie de l’ancienne Cote des Esclaves, Paris : lnst. D’Ethnologie.
Ce processus de pensée est finalement assez rigoureux dans la méthode car il détache les éléments de leur contenant, non pas pour les appauvrir mais au contraire pour les décrypter individuellement et leur donner finalement leur pleine signification. La première étape du travail est donc la recherche du signe et de l’indice, relevés
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systématiquement en faisant abstraction du reste des éléments. Puis, nous chercherons les structures qui combinent et agencent ses signes entre eux. Ces structures sont traduites par des diagrammes et schémas adaptés. Enfin, ces schémas et diagrammes servent à l’interprétation des phénomènes et mécanismes sociaux et religieux en place. Nous nous appuyons principalement sur les diagrammes pour réaliser l’analyse spatiale, ils structurent le texte. Nous récapitulerons la méthode par un diagramme ci-contre. Il s’agit presque d’une écriture sous contraintes qui nous fait penser aux procédés inventés par l’OULIPO. En effet cette démarche nous fait penser à Tentative d’épuisement d’un lieu parisien de Georges Perec. L’outil utilisé n’est plus l’écriture mais le signe et la dimension graphique. On pourrait rapprocher cette démarche de ce que Roland Barthes décrit comme la sémiologie urbaine et, dans ce cas précis la sémiologie spatiale, dont les procédés consisteraient à : « Dissocier le texte urbain en unités, puis à distribuer ces unités en classes formelles, et en troisième lieu, à trouver les règles de combinaison et de transformations de ces modèles ».26 Le procédé évoqué est celui adopté pour l’étude de cas. « Si nous appliquons ces idées à la ville, nous serons sans doute conduits à mettre en lumière une dimension que, je dois dire, je n’ai jamais vu, tout au moins clairement, citée dans les études et les enquêtes d’urbanisme. »27 Il nous est cependant impossible d’appliquer à l’échelle urbaine, le processus d’analyse mis en place, car la ville ne possède plus de signes de son organisation spatiale traditionnelle. Nous nous appuierons donc sur des sources bibliographiques que nous traduirons par des graphiques, pour ensuite les analyser. Et ce en gardant à l’esprit les mécanismes mis en lumière à l’échelle du palais, que nous essayerons de retrouver analogiquement avec l’échelle urbaine. Nous éliminerons délibérément le plan, la coupe, la façade et la représentation en 3 dimensions.
26. Barthes R., (1967), Sémiologie et urbanisme, In : Conférence organisée par l’Institue Francais de l’Institut d’Histoire et d’architecture de l’université de Naples, et la revue Op. cit. Repris dans L’Architecture d’aujourd’hui, n°53, dec. 1970, jan.1971. 27. Ibid.
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ETAPES DE LA METHODE 1
VISITE / PARCOURS / EXPERIMENTATION Après une visite générale, identifier les permanences et les éléments récurrents. En dresser une listes de signes à relever.
2
PARCOURS / RELEVÉ DES SIGNES Parcourir le site en se concentrant sur le signe à relever et les éléments significatifs y étant associés en faisant abstraction du reste.
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STRUCTURATION ET COMBINAISONS DU SIGNE Essayer de comprendre les structurations et les combinaisons qui animent les signes relevés. Traduire par un document graphique adapté : schémas, diagrammes, arbres, ...
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ANALYSE ET INTERPRETATION Relier le diagramme au contexte et comprendre les phénomènes et mécanismes sociaux et religieux qu’ils traduisent.
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STRUCTURATION DU TEXTE Structurer l’analyse sur les éléments apportés par l’analyse graphique. Structurer le texte par les documents graphiques.
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Mécanisme de conception de l’unité familiale réduite, l’espace domestiqué, organisé, habité Etude de cas du Palais Honmê à Porto Novo
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L’étude de cas portera sur le palais Honmê, « à l’intérieur du portail »28 à PortoNovo. Comme il a déjà été exprimé, peu de vestiges sont restés de l’architecture traditionnelle à part les palais. Certaines rares concessions familiales de Porto-Novo demeurent et malgré quelques interventions architecturales (reconstruction en dur de certaines parties) elles ont conservé leur mode d’organisation traditionnelle. Cependant, pour la majeure partie, elles ont été désertées par les familles et ne servent qu’occasionnellement une à deux fois dans l’année pour les grandes cérémonies familiales, elles sont aujourd’hui plus les demeures des morts que celles des vivants. Peu entretenues, re-divisées et revendues en partie, elles conservent néanmoins le noyau familial, la maison mère qui abrite le temple du vodun et/ ou des ancêtres. Le palais Honmê, lui non plus n’est plus habité et est devenu un musée en 1988. Son aspect esthétique indique des influences extérieures car il présente des éléments et des formes à priori inconnues dans le vocabulaire traditionnel. Les galeries hypostyles, les systèmes à impluvium et les formes rectangulaires du plan indiquent des influences afro-brésiliennes et yoruba29. Cependant la structuration spatiale du palais, le système d’agencement des différents espaces ne semblent se référer à aucun style architectural rapporté, il reflète bien les systèmes de conception de l’espace de la culture traditionnelle du Sud Bénin. L’analyse spatiale se fera donc une fois de plus au niveau du contenu et non du contenant.
28. De Hon : portail, intérieur, dans
et Mê :
29. Palais dans les villes de Ilé-Ifè et Oyo Cf Yoruba Palaces Ibadan ; University of London Press LTD, 1966 Londres
Le palais Honmê, modèle d’anthropologie architecturale donne vie à travers l’espace aux besoins de sa communauté. Il s’agit certes de la communauté royale mais elle traduit néanmoins les modes d’habiter populaires. Le palais exagère les structures populaires, reflet de l’ego du roi, il amplifie les structures de conception spatiale, rendant plus visibles, plus marqués et ainsi plus interprétables pour nous les mécanismes spatiaux mis en place.
« L’impossibilité de «rationaliser» certaines données dont la cohérence est moins logique qu’organique » Maulpoil
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La hiÊrarchie sociale, royale, familiale structure et organise l'espace de façon organique
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Un système organique Organisme : ensemble d’éléments composant une structure fonctionnelle La première impression que donne l’espace du palais est d’être un espace organique, structuré selon les besoins de la communauté qui y vit, en l’occurrence ici celle du roi. Il y a un rapport de fonctionnalité hiérarchique royale à l’échelle de la ville (rapport spatial entre le palais et les quartiers), mais également à l’échelle familiale (rapport spatial entre les espaces du palais). La représentation en diagramme (Figure 3) accentue cette dimension organique, que l’on pourrait assimiler à un organisme vivant. Disposées en agglomérat, les cours sont les éléments structurants de l’ensemble. Véritables organes distributifs, elles n’ont pas la même importance et assurent chacune des rôles bien précis au service de la hiérarchie, du protocole royal. La hiérarchie spatiale traduit la hiérarchie familiale et sociale. En analysant la place et le rôle des différents espaces (et les personnes auxquelles ils sont associés), on comprend la structure familiale. Et étant donné que dans ce milieu, la famille constitue la vie sociale, nous comprenons par extension la structure sociale. En extrapolant, nous pourrions faire une analogie entre le palais et un organisme biologique (humain ou végétal). C’est une nouvelle hypothèse que nous formons en tenant compte du rapport que l’homme entretient avec la nature dans ce milieu culturel. Une première visite sur le site conduit à l’élaboration d’un diagramme complexe qui collecte toutes les informations, indices, signes observés lors d’un parcours à travers le palais. Il rapporte également les connexions entre les différentes pièces, espaces du palais (voir Figure 3, page suivante).
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Figure 3 : Diagramme des relations entre différents espaces à Honmê
EXTERIEUR - Concessions des lignages - Temple Kpakyaou, Arbre Ava - Bois sacré Ouelinda - Marché Oja omo
+
GALERIE
CHAMBRE
+
CHAMBRES (2)
CHAMBRES (5)
VESTIBULE
COUR DES REINES
COUR DE CONCERTATION VESTIBULE
COUR DU CONSEIL _
CHAMBRE NOIRE
TOILETTES
_
COUR D’INITIATION
SALLE D’ATTENTE
_
+ VESTIBULE
_
+
COUR DU PEUPLE
+ +
_
_ CHAMBRE
CHAMBRE DU ROI
COUR DU ROI
COUR DE LA REINE MERE PLACARD GRIS GRIS
VESTIBULE
SALLE DES GOZINS
_
+
COURS DE DETENTE ROI
CUISINE _
SALLE DE REPAS ROI
TOILETTES
FORET SACRE - Temple dangbé (python) - Yoxo ancêtres par lignée
+
+
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Une première visite sur le site conduit à l’élaboration d’un diagramme complexe qui collecte toutes les informations, indices, signes relevés lors des parcours à travers le palais. Il rapporte également les connexions entre les différentes pièces, espaces du palais. Le relevé des portes et passages montre que le palais porte bien son nom en référence au hon, qui signifie le portail. Il comporte dans son ensemble 41 portes, dont 2 assurent la connexion avec l’extérieur. Parmi les 39 autres à l’intérieur du palais, on distingue plusieurs types : 16 Grandes portes - 2m10, accès Roi et Reine Mère 16 Petites portes 1m60 (obligeant à s’incliner), accès Reines, serviteurs,, invités 9 Petites portes 1m (obligeant à se protesner et à ramper), accès invités
L’espace du palais comporte des espaces à des niveaux différents, la transition est d’une amplitude d’environ 1 m (entre l’espace le plus haut et le plus bas) : + _
Montée de marches Descente de marches
On retrouve plusieurs indices du sacré dans l’enceinte du palais avec la présence dans certains espaces de fétiches qui se présentent sous différentes formes (Gozin, asen, objet, autel, chaîne) : Fétiche impliquant limbations, rituels, céremonies Fétiche de sécurité contre la mal intention, l’empoisonnement, l’infidélité
Plusieurs espaces fonctionnent en fonction de différents cycles correspondants à des cérémonies (solaire, lunaire, mensuel, décennal, annuel) : Espace impliquant un cycle Cycle du soleil (jour/nuit) Cycle de la lune (21jours)
D’autres espaces sont accessibles seulement à une catégorie de personnes : Accès réservé aux femmes Accès réservé au roi Accès réservé aux initiés
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L’espace modulable au service de la hiérarchie et du protocole Lors des visites, nous avons eu l’impression que le palais, avec ses interdits et ses passages différents selon le statut de la personne qui l’emprunte permettait plusieurs visions de l’espace. C’est-à-dire que le même palais parcouru par des personnes de statut différent est perçu différemment. Ce qui signifie qu’un seul palais génère plusieurs espaces. Les cours sont les éléments structurant du palais certes, éléments distributifs qui organisent les autres espaces. Mais la circulation entre ces cours est définie par un nombre incroyable de portes : 39 pour seulement 7 cours (il y a une moyenne de 6 portes par pièces). Par leur forme, les portes donnent une idée de la hiérarchie interne qu’elle soit royale ou familiale. L’agencement de l’espace agit donc directement sur la structure sociale et impose le protocole. Les petites portes par leur forme (elles sont basses et comportent une marche), induisent le mouvement protocolaire : l’inclination par rapport au roi. Il existe trois types de portes qui traduisent trois statuts différents : - Statut haut : grandes portes réservées au roi et à la reine mère - Statut normal : petites portes réservées aux reines aux invités de marque et aux serviteurs - Statut bas : réservé aux invités, au peuple En fonction des accès interdits et de ceux privilégiés, nous dresserons une carte (Fig. 4, 5, 6, 7) des différents parcours possibles selon les différents membres habitués du palais (reines, invités, reine mère et roi). La première observation est que chaque parcours possible est différent selon la personne et son statut. Pourtant il s’agit du même espace. Nous affirmons alors que les portes qui rythment les parcours et rendent possibles ou non certains itinéraires structurent l’espace et le rendent modulable en fonction du statut social et de la hiérarchie royale.
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GALERIE
EXTERIEUR
COUR DES REINES
COUR D’INITIATION
(sécurité fétiche = mal intention)
CHAMBRE
Passage autorisé seulement tous les 21 jours
SALLE D’ATTENTE (sécurité fétiche = mal intention)
COUR DU ROI
CHAMBRE NOIRE
CUISINE (sécurité fétiche empoisonnement)
(sécurité chaîne infidélité)
CHAMBRE DU ROI
SALLE DE REPAS ROI
Figure 4 : Diagramme des parcours possibles des reines
- Les reines ( Figure 4 ) :
EXTERIEUR
Leur champ des possibles est assez réduit et très contrôlé. Leur espace s’organise sur COUR COURbien au clair FORÊT le cycle de la lune etCOUR celui des menstruations (21 jours), mettant ainsi DES REINES D’INITIATION DU PEUPLE leur rôle dans le palais, celui de procréer et d’assurer la descendance du roi. Tous les SACREE 21 jours la reine mère choisit 2 reines (fécondables) qui habiteront le palais pendant cette période et serviront le roi. Leur hiérarchie et rang social sont rappelés en œuvre des COUR DE par LA l’espace qui metCOUR DETENTEsans cesse MERE dispositifs (portesCHAMBRE et sécurité) pour lesREINE soumettre au roi. EllesDE sont contrôlées lors de leur parcours quotidien, contre les mauvaises intentions, contre l’empoisonnement envers le roi, contre l’infidélité. Par exemple une reine pour se rendre de la cour des reines à la chambre du roi, s’incline 2 fois et se fait contrôler 2 fois. CHAMBRE COUR CUISINE Cela se traduit DES spatialement par leur espace dédié : la cour des reines, qui est un GONZINS DU ROI espace étouffant (desservi par les petites portes qui empêchent l’air d’y circuler), caché, contrôlé et réglé. Même s’il est non couvert, la sensation est celle de l’enfermement, de cloisonnement. Dans notre analogie avec un organisme humain, 10 ans on pourrait l’associer tous auxlesorganes reproducteurs CHAMBRE utérins. COUR DU CONSEIL DU ROI
(XWEDÔ)
40
FORÊT SACRE TEMPLES
TOILETTES
SALLE DE REPAS (protégé contre les
COUR DE DETENTE
empoisonnements) (protection et force)
ement s
PLACARD DES GRIS GRIS
COUR DE LA REINE MERE
VESTIBULE
CHAMBRE DU ROI
COUR DU ROI
(protégé contre l’infidélité des reines)
(protégé contre les visiteurs mal intentionnés)
CHAMBRE NOIRE
COUR D’INITIATION
COUR DU PEUPLE
COUR DU CONSEIL (protégé contre les visiteurs mal intentionnés)
COUR DES REINES
EXTERIEUR
Figure 5 : Diagramme des parcours possibles du roi
COUR DU ROI
- Le roi ( Figure 5 ) :
COUR DE DETENTE
FORÊT SACREE
Le roi est le personnage le plus important VESTIBULE du palais et du royaume. Spatialement (sécurité fétiche = (tunnel obligeant mal intention) cela se traduit par plusieurs éléments : à ramper et se prosterner)
SALLE - L’accès à presque tous les espaces, avec lesD’ATTENTE grandes portes - La protection permanente contre les nuisances extérieures (fétiches de sécurité) (sécurité fétiche = - La cour du roi est l’endroit le plus haut du mal palais, intention)quel que soit le parcours emprunté pour les autres membres du palais, il faut monter pourCOUR atteindre le roi. CHAMBRES COUR DU
DES INVITES
CONSEIl
DES INVITES
La cour du roi est un espace contradictoire car il s’agit à la fois de l’espace le plus desservi (et le plus accessible à tous les membres, tous les parcours passent par la (sécurité fétiche = mal intention) cour du roi), et de l’espace le plus protégé du palais. EXTERIEUR
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30. Propos receuillis sur le site d’après les dires des guides 31. Les yoxo sont les temples installés dans les concessions, ce sont des temples sanctuaires où sont installés les asen, autels portatifs, des ancêtres.
La cour du roi représente l’espace central du palais, il dessert toutes les autres cours. On peut alors assimiler cet espace au cœur. Cependant il est intéressant de voir les espaces auxquels le roi n’a pas accès, on l’empêche d’y accéder en le desservant avec des petites portes. Le roi est donc protégé de la cuisine et de ce qu’elle représente : les activités profanes, en effet, les actions du roi sont sacralisés dans les paroles : « Il ne mange pas, il adore. Il ne dort pas, il voyage. Il ne se lave pas, il se rafraîchit. Et il ne meurt pas, mais un grand arbre est tombé »30. Cette volonté de protéger le roi des activités profanes met en lumière un élément intéressant. En effet, la cour de détente du roi comporte trois espaces: au centre, le lieu de détente, à une extrémité la salle de repas du roi et à l’autre extrémité la cuisine. Ainsi lorsque le roi « adore » (c.a.d. qu’il mange), pour le protéger visuellement et virtuellement des activités profanes se déroulant dans la cuisine, une porte est installée dans son champ de vision. Cette porte installée au milieu du vide nous conforte dans l’idée que la porte est le principal élément architectural utilisé dans la conception de l’espace. Elle a une dimension bien plus importante que le simple passage qui est son usage premier dans la culture occidentale. Ainsi, dans la conception traditionnelle on ne fait jamais l’économie d’une porte, au contraire on les multiplie pour donner une autre dynamique à l’espace. Enfin, deux espaces destinés au roi sont toutefois desservis par des petites portes : il s’agit de la forêt sacrée et de la chambre noire. La forêt sacrée renferme les temples des ancêtres royaux organisés par lignées, les Yoxo31. Cela montre que le roi s’incline devant les ancêtres et devant le sacré. La chambre noire est une pièce exclusivement accessible au roi en cas de déshonneur. C’est la pièce de la mort, la pièce du suicide. Le roi s’incline donc également devant la mort. Enfin il est intéressant de souligner que le roi malgré sa possibilité d’accéder à tous les espaces, est le seul membre de la famille royale à avoir un limité accès à l’extérieur. Il peut sortir du palais mais ses allées et venues sont filtrées.
(sécurité fétiche empoisonnement)
(sécurité chaîne infidélité)
CHAMBRE DU ROI
42
(proté visiteu
SALLE DE REPAS ROI
COUR DES REINES
EXTERIEUR
EXTERIEUR COUR DU ROI COUR DES REINES
COUR D’INITIATION
COUR DU PEUPLE
CO DE DE
FORÊT SACREE VESTIBULE (tunnel obligeant à ramper et se prosterner)
CHAMBRE
COUR DE LA REINE MERE
SALLE D’ATTENTE
COUR DE DETENTE
(sécurité fétiche = mal intention)
CHAMBRES DES INVITES CHAMBRE DES GONZINS
(sécurité fétiche = mal intention)
COUR DU ROI
CUISINE
CHAMBRE DU ROI
COUR DU CONSEIL (XWEDÔ)
COUR DU CONSEIl (sécurité fétiche = mal intention)
EXTERIEUR tous les 10 ans
Figure 6 : Diagramme des parcours possibles de la reine-mère
- La reine mère ( Figure 6 ) :
Ayant une place très privilégiée dans la hiérarchie familiale royale la reine-mère tanyinon32, a également accès à la majeure partie des espaces du palais. Elle a accès à plus d’espaces que le roi car elle est maîtresse des cultes et des vivres. Elle gère la vie quotidienne du palais, contrôle les activités profanes et sacrées. De même que le roi, la reine mère a un parcours privilégié marqué par les grandes portes. La reine mère est le deuxième personnage le plus important du royaume. Elle sous l’autorité du roi mais par sa position stratégique elle contrôle également celui-ci lui grâce : - aux reines (elle contrôle ainsi les nouveaux nés), - aux vivres (elle contrôle la cuisine, les vivres et vérifie les repas du roi) - aux cérémonies ( en particulier l’initiation) À la différence du roi, la reine mère entretient un rapport continu avec l’extérieur du palais, elle contrôle ainsi les serviteurs, les lari33, choisit et contrôle les reines dans un palais qu’elles occupent quand elles ne sont pas au service du roi.
32. La tanyinon est une femme ménopausée choisie dans le lignage, elle est chargée de l’organisation des cultes et de l’éducation des enfants du lignage. Au palais, la reine-mère est également appelée tanyinon. 33. Serviteurs ayant reçu une consecration, ils habitaient à l’extérieur du palais dans un secteur -quartier à proximité.
CO DES I
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Son espace dédié est la cour de relient les différentes activités des reines et des serviteurs. Le seul indice de subordination au roi est la montée des marches qu’elle doit emprunter pour accéder à la cour de ce dernier. La cour de la reine mère occupe une position stratégique de contrôle et de surveillance de ce qui se passe dans le palais. On pourrait associer cet espace aux reins dans un organisme humain. La lecture de l’espace et notamment celle des cours du roi et de la reine mère, de leur position entre elles et de leur rapport aux autres cours, les parcours qui y sont effectués, les accès facilités, ceux empêchés, les interdits, etc. nous permettent d’établir un diagramme de la hiérarchie entre les différents membres de la famille royale. La lecture de l’espace nous informe sur les mécanismes de la structure familiale et sociale. Nous illustrons ces mécanismes hiérarchiques par la figure 7.
CULTES Cérémonies ancêtres (passé et futur), Initiation et mort du roi, Protection du palais
soleil Lune
BESOINS
ROI
santé
VIVRES
aliments, bain, esclaves
REINE MERE
PROCREATION descendance
REINES choix
CONSEIL Ministres, Guerre, Royaume
Figure 7 : Diagramme de la hiérarchie de la famille royale
ciel Terre
visiteurs mal intentionnés)
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COUR DES REINES
EXTERIEUR
COUR DU ROI
COUR DE DETENTE
FORÊT SACREE VESTIBULE (tunnel obligeant à ramper et se prosterner)
(sécurité fétiche = mal intention)
SALLE D’ATTENTE (sécurité fétiche = mal intention)
CHAMBRES DES INVITES
COUR DU CONSEIl
COUR DES INVITES
(sécurité fétiche = mal intention)
EXTERIEUR Figure 8 : Diagramme des parcours possibles des invités
- Les invités ( Figure 8 ) :
Les invités (princes, ministres, prêtres, soldats, courtisans) sont souvent des invités privilégiés. Cependant, leur champ des possibles est assez réduit, ils ont accès à très peu d’espaces et leur statut inférieur est sans cesse rappelé par les sécurités dont ils font l’épreuve et les très petites portes où ils sont obligés soit de s’incliner, soit ramper pour accéder aux autres pièces. De même que tous les autres membres du palais, ils montent quelques marches pour accéder au roi. L’espace dédié aux invités est la cour du conseil où a lieu le Conseil des ministres tous les 8 jours. C’est un espace qui est un fort lieu de passage entre l’intérieur et l’extérieur, on y entend les bruits de l’extérieur au contraire des autres pièces. Grande cour ouverte et aérée, lieu de passage, on pourrait assimiler cet espace aux poumons dans un organisme humain. Il est précisé dans la conception spatiale que le palais est intentionnellement placé à côté du marché afin de s’informer des nouvelles du royaume, mais c’est aussi un moyen pour le roi de diffuser ses nouvelles. La spatialité met en place le réseau d’information du royaume.
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Une structure spatiale reflet de la structure sociale : la famille Au Sud Bénin, dans la tradition Vodun, la famille étendue représente la base de la structure sociale. « La famille négro-africaine est, essentiellement, l’unité sociale de base au triple point de vue économique, politique et religieux.»34 Assurant la vie sociale, politique, religieuse et économique, la famille, comporte une organisation très complexe et très structurée assurée par une hiérarchie très marquée entre ses différents membres. L’espace s’organise donc en fonction de la famille et se structure en fonction de ce qui maintient l’ordre de cette famille : la hiérarchie. Il s’agit d’une hiérarchie protocolaire très marquée que l’on retrouve à tous les niveaux de l’arbre familial. La famille est dirigée par un membre masculin qui a pouvoir sur toutes les décisions familiales politiques : le chef de famille (ici le roi), et codirigé par un membre féminin qui contrôle le culte, l’économie, et l’éducation des enfants : la tanyinon (ici la reine mère). Les autres membres de la famille ont des statuts plus ou moins inférieurs. L’espace est donc au service de cette hiérarchie organique, qu’il traduit par un agencement particulier des pièces en fonction des statuts et des rapports de forces. On comprend également par l’organisation des espaces la place de la femme au sein dans la structure familiale et sociale. La vie de la femme est divisée en trois parties : - L’enfance - L’âge adulte (18 - 35 ans) : lorsqu’elle est « fertile », elle a une situation hiérarchique très inférieure à celle de l’homme et à celle des autres membres de la famille. Son rôle est d’assurer la procréation. Elle se soumet à tous, et n’a aucune emprise sur les décisions de la famille, ni même sur l’éducation de ses enfants qui est assurée par la/les tanyinon. - L’âge mature : après la ménopause, la femme acquiert une position privilégiée au sein de la famille. Même si elle n’est pas choisie comme tanyinon, elle a néanmoins une position respectueuse d’ancienne, elle participe à l’éducation des enfants de la maison et à la vie spirituelle de toute la famille en participant aux cérémonies.
34. Cf P. Alexandre, Les Africains, Paris (1981) Lidis p68.
On retrouve deux éléments architecturaux principaux qui structurent et organisent l’espace en fonction de cette hiérarchie stricte et protocolaire : - Les cours : noyaux de développement, elles distribuent et organisent l’espace. Elles sont les principaux lieux de vie et d’activités de l’espace habité. Elles varient de taille et de forme selon le statut hiérarchique de l’occupant. - Les portes : elles permettent de rappeler le statut et la hiérarchie en fonction de leur taille et de leur forme, elles structurent l’espace car elles dessinent plusieurs espaces possibles dans le même édifice. Elles modulent l’espace habité.
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Chaque espace intègre plusieurs mondes et a diffÊrents usages en fonction du temps
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Public/privé, sacré/profane ? Avant de commencer ce travail de recherche nous avions amorcé le questionnement des notions de public/privé, sacré/profane, qui dans la culture occidentale expriment des dualités, des oppositions. Quels sont les espaces publics, privés dans l’architecture traditionnelle au Sud Bénin ? Les mots public et privé sont-ils applicables au contexte ? Quels sont les territoires de l’intimité dans cette culture traditionnelle ? Peut-être faut-il inventer de nouveaux mots pour définir les espaces, des mots plus adaptés, plus nuancés. En effet plutôt qu’opposer public à privé, ne faudrait-il pas opposer collectif à intime ? Néanmoins malgré cette nuance, lors de l’expérimentation sur le site, nous ne parvenons toujours pas à répondre aux questions posées. En effet il semble qu’au lieu d’avoir un espace public/collectif extérieur et un espace privé/intime intérieur, donc deux espaces avec des limites bien définies, nous ayons plutôt 10 (ou plus) espaces avec différents degrés d’intimité et, de la même façon, différents degrés de collectivité.
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On peut comprendre ce phénomène car si la famille représente l’unité sociale de base, la concession (petite ou élargie) représente différents aspects de la vie sociale et assimile plusieurs fonctions en son sein : la résidence, le travail, le monde spirituel. Contrairement de la culture occidentale qui fonctionne avec un zoning fonctionnel urbain : le monde résidentiel est séparé spatialement de l’espace du travail, et de l’espace spirituel. Nous comprenons alors la confusion pour l’œil occidental qui peine à analyser dans ce système qui regroupe tous les milieux en son sein, qu’est ce qui est de l’ordre du privé et qu’est ce qui est de l’ordre du public. Figure 9 : Unité familiale résidentielle occidentale, la maison est tournée vers l’extérieur, avec un zoning fonctionnel urbain qui sépare, le travail, le lieu de culte, le cimetière, et le marché
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3
Unité familiale résidentielle traditionnelle Xwè, la maison est tournée vers l’intérieur avec une cour qui regroupe les activités artisanales (travail), le lieu de culte et l’espace des morts. Seul le marché est extérieur.
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3
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1 : Travail 2 : Lieu sacré 3 : Cimetière 4 : Marché
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Analyse du palais On peut analyser les espaces selon les critères suivants : - Les espaces ayant une seule fonction définie : il s’agit d’espaces secondaires souvent très petits et sombres (2 m x 2 m maximum et sans aucune fenêtre) : les chambres, les toilettes, les réserves et la chambre noire. - Les espaces polyvalents : les cours et la chambre du roi Dans la structuration de l’espace il n’existe pas d’éléments distributifs (couloir, corridor). L’espace est organique et organisé en agglomérat. Ce sont donc les espaces de vie principaux (cour, chambre du roi) qui distribuent et organisent la circulation dans le palais et ce sont les accès empruntés qui déterminent la fonction de l’espace. Les espaces les plus stratégiques du palais sont également les plus accessibles (les portes) et les plus protégés (les fétiches). La Figure 10, qui schématise les accès en fonction des personnes, permet de visualiser la position centrale et stratégique de la cour du roi : elle est le cœur de Honmè.
Figure 10 : Espaces accessibles par les différents membres du palais
COUR DU CONSEIL CUISINE
SALLE DE REPAS
Accessible à la reine mère
CHAMBRE DU ROI COUR D’INITIATION
Accessible au roi
COUR DES REINES COUR DU ROI
COUR DE DETENTE PLACARD DES GRIS GRIS
COUR DE lA REINE MERE
Accessible aux reines
COUR DU PEUPLE CHAMBRE NOIRE
SALLE DES GOZINS
Accessible aux invités TEMPLES YOXO FETICHE XWEDO
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Nous avons fait l’expérience dans la Figure 11 de marquer dans chaque espace polyvalent du palais à quel moment de la journée celui-ci est plus intime/privé, et à quel moment il est plus collectif/public. Nous avons marqué également selon nos propres critères le degré d’intimité et de collectivité. Comme l’indique la Figure 11, tous les espaces polyvalents (cour et chambre du roi) sont à la fois des espaces collectifs, et des espaces privés en fonction du temps, en l’occurrence, en fonction de l’heure de la journée. De plus il y a une graduation de collectivité/intimité selon les moments de la journée. Les critères que nous avons établis, dans le cas précis du palais royal, sont les suivants : Degré de collectivité : - Plus de 10 personnes incluant des étrangers au palais (invités, ministres) : Très public - Plus de 5 personnes incluant des étrangers au palais (invités, ministres) : Public - Plus de 5 personnes incluant des serviteurs : Peu public Degré d’intimité : - Entre 2 et 4 personnes incluant des serviteurs : Peu intime - Entre 2 et 4 personnes, habitants du palais (roi, reines, reine mère) : Assez intime - 1 personne, habitant du palais (roi, reines, reine mère) : Très intime - Personne Les espaces sont donc soit intimes, soit collectifs selon le moment de la journée. L’emploi du temps du roi est très organisé et régulé, on sait à quel endroit du palais il se trouve en fonction du jour et de l’heure de la journée. C’est-à-dire que selon une décision protocolaire, sa position dans l’espace et les usages en résultant sont déterminés en fonction du temps. Il est intéressant de faire le rapprochement avec les moyens employés pour savoir l’heure. En effet les cours non couvertes en leur centre dessinent au fil de la journée sur le sol le parcours du soleil avec la lumière. Il est fort probable qu’étant dans un pays assez chaud et humide, les activités de journée se dessinent en fonction de l’ombre et du confort qui en résulte. L’alternance des usages des espaces entre collectif et intime se décide donc en fonction du temps et en fonction des heures de la journée, il s’agit de cycles réguliers : horaire, solaire. Parallèlement les mêmes espaces sont polyvalents, entre usage sacré ou profane, en fonction d’autres cycles moins réguliers : lunaire, mensuel, annuel, bi-annuel, etc. Par exemple la cour du conseil a un usage profane tous les jours et un usage sacré à l’occasion de la naissance des princes, princesses. Selon les cycles, des mondes différents se manifestent. Ces cycles fréquents ou larges, sont l’occasion de cérémonies (l’alternance espace sacré/profane) ou d’usages (l’alternance espace public/privé), et leur réalisation, crée un lien dans le temps entre les cérémonies passées et celles à venir.
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Figure 11 : Diagramme illustrant les degrés de collectivité ou d’intimité des différents espaces du palais en fonction de l’heure de la journée
PUBLIC
PUBLIC
CHAMBRE DU ROI
COUR DU ROI PRIVÉ
PUBLIC
COUR DETENTE PRIVÉ
PUBLIC
PRIVÉ
PUBLIC
COUR DU CONSEIL
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COUR D’INITIATION
PRIVÉ
PUBLIC
COUR DES REINES
PRIVÉ
PUBLIC
COUR DE LA REINE MERE
PRIVÉ
PALAIS PRIVÉ
PUBLIC
PRIVÉ
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Et c’est cette ligne métaphysique, cette connexion énergétique et mémorielle qui crée la dimension publique, privée, sacrée ou profane. cette ligne métaphysique, cette connexion énergétique et mémorielle qui crée la dimension publique, privée, sacrée ou profane. La conclusion de l’expérience de la Figure 11 est l’addition sur le même diagramme des degrés de collectivité/intimité de chaque espace du palais. Ainsi, Nous pouvons dire que le palais est globalement un espace public le jour (de 6 à 11 heures et de 14 à 19 heures) et un espace privé la nuit (de 21 heures à 5 heures). Mais cette conclusion ne satisfait que partiellement les questions de public/privé abordées dans les paragraphes précédents…
Figure 12 : Alternance collectif (trait gras), intime (trait fin) d’un espace au cours du temps : une journée
TEMPS
Connexion dans le temps de l’espace collectif au cours d’une journée :
TEMPS
TEMPS
Cycles quotidiens réprésentants un moment de l’espace intime et la connexion au futur et au passé de ce moment :
TEMPS
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Combinaisons multiples Cette analyse spatiale nous donne quelques éléments de réponse sur les mécanismes de conception de l’espace dans ce milieu culturel. Nous comprenons désormais que la culture traditionnelle ne conçoit pas les espaces en leur définissant une fonction, mais s’inspire de la nature et conçoit l’espace de façon organique, adaptable et modulable selon plusieurs variables (de temps, de climat, de nature). Il n’existe donc pas un espace public et un espace privé mais une déclinaison infinie d’espaces avec différents degrés de collectivité/intimité, et qui se modulent selon des variables naturelles adaptées aux rythmes environnants : de la nature, du climat, du temps, de la saison, de la société, etc. Cette formule est exactement la même pour la conception des espaces sacrés et des espaces profanes. Nous avons là un système que nous nommerons à combinaisons multiples. Nous présentons en Figure 13 (page suivante) un diagramme des combinaisons public/ privé, sacré/profane établi selon les critères recueillis au palais Honmè. La combinaison espace public/privé varie selon : le genre de l’occupant (nous verrons que les espaces réservés aux femmes sont réfléchis de façon plus intime et privée), l’ouverture ou la fermeture de l’espace (en toiture), le nombre d’occupants et leur place dans la famille, la durée de l’occupation par journée et le nombre de passages pour accéder à l’espace. Ainsi nous obtenons des milliers de combinaisons possibles, mais nous pouvons dire que l’espace le plus intime serait un espace de femmes, couvert, où il n’y a personne la majeure partie de la journée et avec une seule porte d’accès. Et l’espace le plus public serait un espace mixte, ouvert (une cour), occupé la majeure partie de la journée par 10 personnes ou plus incluant des étrangers à la maison et ayant plus de 8 portes d’accès.
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Figure 13 : Diagramme illustrant les différentes combinaisons (selon nos critères) conduisant à des différents degrés de collectivité/intimité :
GENRE DE L’OCCUPANT
OUVERTURE
NOMBRE ET TYPE DE PERS. OCCUPANT L’ESPACE
DUREE DE L’OCCUPATION
NOMBRE D’ACCÈS
DEGRE DE COLLECTIVITE/INTIMITE
+10 pers. (incluant étrangers à la maison) Mixte Ouvert Homme
GENRE DE L’OCCUPANT
OUVERTURE
+ PUBLIC
+ 5 pers. (incluant étrangers à la maison)
Tout le temps
+ 8 portes
+10 pers. (de la maison)
+ 8h par jour
Entre 5 et 8 portes
NOMBRE ET TYPE DE PERS. OCCUPANT L’ESPACE
DUREE DE L’OCCUPATION
NOMBRE D’ACCÈS
+ 5 pers. (de la maison)
Entre 4 et 8h par jour
3 ou 4 portes
2 ou 4 pers. (de la maison: couple polygame, enfants) +10 pers. (incluant étrangers à la maison)
Entre 1 et 3h par jour
2 portes
1 Personne
Jamais
1 porte
DEGRE DE COLLECTIVITE/INTIMITE
Fermé Femme
Mixte
Personne
Ouvert Homme
+ 5 pers. (incluant étrangers à la maison)
Tout le temps
+ 8 portes
+
PRIVE
+10 pers. (de la maison)
+ 8h par jour
Entre 5 et 8 portes
+ 5 pers. (de la maison)
Entre 4 et 8h par jour
3 ou 4 portes
2 ou 4 pers. (de la maison: couple polygame, enfants)
Entre 1 et 3h par jour
2 portes
1 Personne
Jamais
1 porte
+ PUBLIC
Fermé Femme
Personne GENRE DE L’OCCUPANT
TYPE D’ESPACE
TYPE DE CYCLE
DEGRE DE
Soleil (12h)
+ SACRE
Diagramme illustrant les différentes combinaisons (selon nos critères) SACRALITE conduisant à des différents degrés de sacralité/ caractère profane : Hebdomadaire (7 ou 8jours) Sacré (temple, forêt)
initié Non initié
Lune (21 jours) GENRE DE L’OCCUPANTIndice sacré
(fétiche) TYPE
D’ESPACE
Mensuel (27jours = 9côtes x 3)
TYPE DE CYCLE
DEGRE DE SACRALITE
Saisonnier (3 mois) Soleil (12h)
+ SACRE
Profane
Annuel initié Non initié
Sacré (temple, forêt)
Décennal
Hebdomadaire (7 ou 8jours) Lune (21 jours)
+ PROFANE
Indice sacré (fétiche) Mensuel (27jours = 9côtes x 3) Profane Saisonnier (3 mois) Annuel Décennal
+ PROFANE
+
PRIVE
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Oppositions fertiles Contrairement à la culture occidentale, la tradition vernaculaire conçoit les espaces publics/privés, sacrés/profanes non pas en dualité mais en oppositions fertiles, en complémentarités équilibrées. Le public et le privé se complètent dans le même espace, selon les besoins de la communauté. Nous conclurons ici qu’à l’image de la Nature, l’homme conçoit l’espace de façon organique avec les oppositions fertiles : public/privé, sacré/profane, féminin/masculin, etc. Un des exemples frappant de cet équilibre dans le palais Honmè est la cour d’initiation où sont pratiquées les cérémonies d’intronisation du nouveau roi. Ces cérémonies incarnent le renouveau, la naissance, l’initiation, la grandeur. Mais cette cour est également l’espace du palais où est située la chambre noire : espace où le roi s’enferme et se suicide en cas de déshonneur. Nous trouvons intéressant la juxtaposition permanente des opposés : la vie ne peut exister sans la mort, le masculin sans le féminin, le public sans le privé, le sacré sans le profane, etc.
Initié / non initié : seule vraie dualité Pourtant il existe dans les structures traditionnelles une vraie dualité : le monde des initiés et ceux des non-initiés. Cela se traduit spatialement par la conception d’espaces interdits et d’accès réservés à une seule catégorie de personne. Malgré l’omniprésence du culte et du sacré dans les espaces de vie, les lieux des ancêtres (Yoxo) et les temples vodun restent réservés au monde du secret auquel seuls peuvent accéder les initiés. Nous avons l’impression que ces espaces secrets destinés aux ancêtres et aux vodun représentent la vraie dimension de l’intimité, du secret. La vie sociale étant basée sur l’unité familiale, la vie permanente en communauté sous le contrôle et la hiérarchie familiale ne permet qu’une faible part d’intimité lors de la vie quotidienne. Et finalement est-ce que dans cette culture traditionnelle la vraie intimité ne s’acquiert-elle pas lors de la postérité, du passage dans l’au-delà ? Il faut préciser que cette dualité imprègne tous les aspects de la vie quotidienne qui se divise entre ces deux mondes. Ils se superposent comme deux mondes vécus de façon différente si l’ont en connaît les codes et détient les accès ou si l’on en a les interdits. L’espace est au service de cette modulation et doit rester adaptable et flexible pour rappeler à l’homme cette appartenance ou ce rejet du monde initiatique. L’initiation sépare la vie quotidienne entre ceux qui savent, détiennent les connaissances, codes et règles et ceux qui ne savent pas et reste dans les interdits. Et cela traduit bien la pensée de la culture vodun qui reste une tradition de secret et d’initiation. C’est sûrement la raison pour laquelle elle reste mal connue des non-initiés qui la réduisent aux seules manifestations de folklore qu’elle nous offre.
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L’espace lie l’Homme à la Nature et le protège de l’Homme
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Barrières horizontales Lors de l’analyse des parcours on retrouve un élément récurrent : le fétiche de protection. Dans le palais Honmê on trouve différentes dimensions, différentes échelles de protection de son personnage principal : le roi. Nous illustrerons ces différentes dimensions de protection par la Figure 15.
CHAMBRE DU ROI = Echelle 1 = pièce Protection contre infidélité, mal intention, empoisonnement -> Protection contre membres de la famille COUR DU ROI = Echelle 2 = cour Protection contre mal intention -> Protection contre invités, ministres PALAIS = Echelle 3 = unité d’habitation Protection contre mal intention -> Protection contre invités, ministres, peuple ROYAUME = Echelle 3 = ville Protection contre mal intention, sorcellerie -> Protection contre autres royaumes
roi protections physiques (murs, portes) et métaphysiques (fétiches) protections métaphysiques (fétiches)
Figure 15 : Diagramme illustrant les différentes dimensions de protection du roi
35. Cf. Antongini G., Spini T., Le royaume du Danxomè : objets, signes, espaces de pouvoir, p. 7 et 11.
Nous avions déjà entraperçu dans les chapitres précédents l’importance du seuil, du passage, de la porte qu’elle soit matérielle ou immatérielle. En voici une autre dimension : la protection. Nous reprendrons les propos d’Antongini G. et Spini T. lorsqu’ils analysent le palais royal d’Abomey : « La valeur du seuil et de ses implications matérielles et symboliques : arrêter et accueillir, juger et accorder », et nous ajouterons les usages suivants : contrôler, filtrer et protéger. Ils reprennent plus loin : « La hiérarchie des espaces, rythmés par les portails exprimant le contrôle reproduisent sur le terrain une métaphore du pouvoir ». 35
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Cependant nous avons le sentiment que cette prolifération de portes, de portails de seuils de protection touche toutes les couches de la société. Il éclaire certains aspects de ces coutumes où l’homme se méfie de l’autre qu’il s’agisse de sorcellerie ou d’empoisonnement. En effet dans ce contexte de vie en sur-communauté, l’extrême hiérarchisation de la famille créer du pouvoir et des différences sociales très marquées en son sein même. L’homme se méfie en permanence et se protège d’attaques physiques (empoisonnement) comme métaphysiques (sorcellerie). D’ailleurs le royaume tout entier est protégé contre la sorcellerie par le vodun Gleloko, à travers son double Dadagbo, mère de la sorcellerie, mère des Keunsi (vodun personnels des sorciers). La protection fait donc intervenir des éléments surnaturels, tels les fétiches, mais également des éléments spatiaux, les portes. Ces portes (matérielles ou immatérielles), par leur disposition, et leur multiplication sécurisent l’unité familiale. On pourrait dire finalement que les espaces les plus sécurisés sont les espaces les plus intimes. Il y a cependant une contradiction au palais Honmè car l’espace le plus protégé est la cour du roi qui se trouve être simultanément l’endroit central et accessible au plus grand nombre de personnes. Nous confirmons que la notion d’intimité dans ce milieu culturel n’a donc rien à voir avec ce qui définirait l’intimité dans la culture occidentale. Peut-être que l’intimité dans la conception traditionnelle de l’espace à Porto-Novo correspond à l’endroit de l’unité familiale où l’on se sent le plus en sécurité contre les agressions extérieures. Il nous semble important de souligner que malgré la non-matérialité de nombreux espaces comme les cours dans les concessions familiales de la ville (condensent aussi bien des activités de cuisine, de travail, de culte), ces espaces impliquent toujours des protections (invisibles ou visibles comme des murs) et des sécurités d’ordre surnaturel avec l’implantation de fétiches qui protègent l’intérieur du foyer. En effet encore aujourd’hui il est mal perçu à Porto-Novo de laisser les enfants des concessions jouer dans la rue, espace ouvert non protégé car ils pourraient être victimes de mauvaise intention, de sorcellerie, etc. Nous retrouvons cette protection permanente de l’espace avec l’exemple des forêts sacrées où l’espace est protégé (invisiblement) avec des limites métaphysiques. Leur pourtour est dessiné dans l’imaginaire collectif et marqué discrètement avec des signes naturels. Nous nous posons alors la question de l’espace public ? Quel espace public peut exister sachant que l’homme se considère systématiquement en insécurité en dehors de son espace familial. Par exemple il est d’usage d’entendre encore actuellement que les carrefours sont des endroits dangereux car il s’agit des lieux de prédilections des sorciers pour se débarrasser de mauvaises énergies, mauvaises énergies qui ont besoin d’un corps pour vivre et qui s’attachent au premier passant venu.
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L’espace est donc au service de la protection de l’homme dans le sens de l’horizontalité qui est la dimension de l’homme. Ce que l’espace traduit au niveau social est une extrême méfiance des hommes envers les hommes et ce malgré ce qui pourrait apparaître en premier lieu comme une contradiction : une vie permanente en communauté.
Connexion verticale Si l’espace installe des barrières dans la dimension horizontale, en revanche il laisse libre la dimension verticale qui est celle de la nature. Les principaux espaces des unités familiales sont des espaces extérieurs qui connectent l’homme à la nature dans deux directions opposées. L’espace connecte l’homme au ciel et aux éléments par l’ouverture des cours. En effet, dans ces espaces, exposés aux intempéries, se pratiquent les principales activités, grâce à la lumière du jour et les usages se déplacent dans la journée en fonction du tracé de l’ombre sur le sol de la cour. L’espace connecte également l’homme à la direction opposée, la terre, grâce à la végétation, mais aussi par les autels vodun ou les temples Yoxo où les offrandes sont faites à la terre et nourrissent les ancêtres. Nous confirmons cette intuition que nous avions annoncé au départ : « le climat, avec son amplitude thermique très faible et qui tourne autour de la température ambiante du corps humain, n’a pas drainé les énergies vers un développement de l’habitat ». L’homme construit donc essentiellement pour se protéger de l’homme et non pas comme dans la plupart des cultures pour se construire un abri contre la nature. Cependant, et cela peut paraître contradictoire, l’homme conçoit son espace de vie sans souci du moindre confort. En effet, la hiérarchie et la volonté de se protéger contre les possibles agressions extérieures prennent le dessus sur le confort. Par exemple nous avons visité lors de nos expériences sur le terrain le palais aux heures les plus chaudes de la journée, et la cour des femmes, espace protégé et desservi uniquement par des petites portes est un espace très chaud et étouffant. Dans la conception traditionnelle de l’espace à Porto-Novo, l’homme et son espace font corps avec la nature, ils interagissent avec elle.
3
Le royaume et l’espace public Connexions spatio-temporels
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Pour comprendre la structure de la ville royaume de Porto-Novo, nous nous sommes confrontés au problème d’absence de documents graphiques, de cartes montrant l’organisation spatiale de la ville avant 1850. Car les quelques cartes établies l’ont été lors de la colonisation française. Cependant la ville dans un processus d’urbanisation rapide, a subi énormément de changements par rapport au modèle traditionnel. Les quartiers se sont divisés, morcelés, adaptés à un régime foncier apporté. L’administration coloniale a tracé des voies et des avenues, et a recréé un urbanisme à l’occidentale. De plus les concessions ont cessé de vivre, elles ont été abandonnées au profit d’habitations plus modernes et plus adaptées à la vie contemporaine. Elles sont aujourd’hui plus le lieu des morts que celui des vivants, elles se remplissent cependant à peu près une fois par an lors des grandes cérémonies familiales. Comment déchiffrer la ville sans l’appui de cartes, comment comprendre ce qui la structure, la compose ? Travailler sans documents graphiques est un choix que nous avons fait pour aborder l’étude du palais Honmè (bien que des plans existent) . Pourquoi ne pas travailler de la même manière à l’échelle de la ville ? Nous nous baserons donc principalement sur une étude qui a été faite par Marie José Pineau-Jamous en 1984 dans Porto-Novo : royauté, localité et parenté, In : Cahiers d’Études Africaines, XXVI, 4, p. 547-576. Son travail se fonde sur une étude de 15 mois (1967-1968) à Porto-Novo, qui a été financée par l’Office de la Recherche Scientifique et Technique Outre-Mer ORSTOM. Elle y explique la formation du royaume par « la relation de deux instances surnaturelles honorées dans les quartiers : les vodun lignagers ou hennuvodun […] et les ancêtres fondateurs des quartiers. […] Elles sont deux références essentielles par rapport auxquelles se structurent aussi bien les lignages localisés dans un quartier que le royaume dans son entier. » Cette analyse interpelle notre questionnement, en particulier en ce qui concerne les mécanismes sociaux et religieux à l’œuvre dans la vision et la fabrication de l’espace, cette fois-ci à l’échelle urbaine. Nous nous appuierons donc principalement sur ses écrits pour ce chapitre et nous illustrerons les relations entre les quartiers et le royaume par des schémas. Nous rapprocherons également ces propos d’une autre analyse qui a été faite en 1983 sur la ville d’Abomey : Note sur la structure évolutive d’une ville historique, l’exemple d’Abomey. Cette recherche a été réalisée par Michaël Houseman, Blandine Legonou, Christiane Massy & Xavier Crepin dans le cadre du contrat « Étude ethno-foncière de la ville d’Abomey » entreprise par URBANOR (Paris, directeur P. Saada).
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Structure spatiale de la ville royaume : structure organique, hiÊrarchie sociale et royale
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Valeur de la terre, structure organique de la ville Il nous semble important de revenir sur la valeur de la terre, car encore une fois la signification de la terre dans ce milieu culturel est très éloignée de celle que l’on a dans la culture occidentale. La terre est « un véritable vodun qui se classe à un haut niveau dans la hiérarchie des innombrables divinités qui peuplent le panthéon Sud Dahoméen »36. Nous proposons de comprendre la valeur de la terre dans le contexte général de conception de la nature dont nous avons parlé précédemment. Ainsi, nous comprendrons que la terre n’a pas de valeur marchande comme c’est le cas dans la culture occidentale.
36. Cf. Mondjannagni, A. C. dans Campagnes et villes au sud de la République du Bénin, Paris : La Haye Mouton. 37. Cf. Sinou A., Oloudé B., (1989) Porto Novo ville d’Afrique Noire. Paris, ORSTOM et Marseille : Parenthèses. 38. Cf. Mondjannagni, A. C. dans Campagnes et villes au sud de la République du Bénin, Paris : La Haye Mouton.
À Porto-Novo, le roi est le chef de terre, il fait venir des lignages dont les hennuvodun sont nécessaires à la force et à la protection du royaume et installent les fondateurs de lignages (qui sont aussi les chefs de lignages) sur des portions de terres. Ceuxci installent la maison mère où ils installent leur hennuvodun et redistribuent les terres au sein de leur clan. Le roi possède également un domaine pour sa famille car il est le chef du lignage royal. Nous reprenons A. Sinou37 qui s’appuie sur l’étude de Mondjannagni : « [Ce régime foncier] n’admet que la valeur d’usage du sol contrairement au droit gréco-romain. Même si le sol se morcelle, […], la dimension religieuse accordée à la terre reste très présente et la notion de patrimoine foncier, en tant que terre des ancêtres est fortement ancrée dans les mentalités »38.
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Fondation de Xogbonu (Porto Novo) Nous ne nous attarderons pas sur le récit mythico-historique de la fondation de Porto-Novo, cependant il nous semble important de souligner que la ville d’origine des villes royaumes de Porto-Novo, Abomey, Alada, est le royaume d’Aja-Tado. Et plusieurs éléments dans la structure politico-religieuse de la ville de Porto Novo se réfèrent et connectent le royaume tout entier à cette ville d’origine d’Aja-Tado et/ ou à d’autres villes/villages qui font partie du parcours de migration entre celle-ci et Porto-Novo. Il est capital de comprendre ces relations au lieu d’origine car elles se retrouvent dans les structures politiques et religieuses de Porto-Novo, éléments qui déterminent principalement sa structuration spatiale. Le récit de la formation de Porto-Novo est mythico-historique car il fait intervenir des éléments qui ont existé (villes comme Aja-Tado, Alada, personnages) et d’autres éléments de l’ordre du mythologique comme les événements (personnages qui se sont divinisés, transformés en hennuvodun). Pourtant il est nécessaire de rentrer dans cette nouvelle dimension à la limite de la réalité pour comprendre les phénomènes politiques et religieux qui animent la formation de la ville. Nous ne nous attarderons que sur les éléments qui nous intéressent et qui participent d’une façon ou d’un autre à notre propos. Nous reprenons M. J. pineau Jamous qui base elle-même ses propos sur Akindélé et Aguessy.39 Axoluho, premier roi d’Aja-Tado a 13 fils et une fille : Dako Huen. Il donne en mariage cette dernière à un étranger yoruba Adimola qui l’aide à repousser les attaques guerrières d’un puissant voisin. À sa mort Axoluho se divinise et jette une malédiction à ses fils et le titre de roi d’Aja-Tado revient aux descendants de sa fille, des jumeaux dont l’aîné Dasu règne avant d’être détrôné par son cadet, Dasa. Quinze rois succèdent à Dasa sur le trône d’Aja-Tado, le 16e Kpokon est l’objet d’un complot tramé par son frère. Sauvé, il revient à Aja-Tado, assassine son frère et lui ravit le trône, il est surnommé « Ajahuto » (tueur du roi d’Aja). Après ce régicide fratricide, il quitte Aja-Tado avec ses alliés et fonde Alada. Kopkon a trois fils : Meji, Tè-Agbanlin et Mewegbo. Meji succède à son père sur le trône d’Alada, Mewegbo part fonder Abomey et Tè-Agbanlin parvient au petit royaume de Akron où il parvient à éliminer le roi par la ruse et la traîtrise et fonde Xogbonu (Porto-Novo). Dans ce récit on retrouve deux forces opposées : Axoluho et ses descendants masculins qui représentent la légitimité du pouvoir par rapport à la lignée de roi issu de sa fille Dako Huen, lignée de rois sanguinaires, qui établissent le pouvoir par la transgression. Ces deux forces sont réunies à Porto-Novo et figurées par les hennuvodun.
39. Cf Akindele, A. & Aguessy C. Contributions à l’étude de l’histoire de l’ancien royaume de Porto-Novo.
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40. Cf Pineau-Jamous, M. J. (1986), Porto-Novo : royauté, localité et parenté, In : Cahiers d’Etudes Africaines, p. 547.
« Le hennuvodun est le héros ancêtre d’un lignage qui est censé s’être divinisé en se métamorphosant en un élément naturel […] Il s’est, dit-on, transformé par sa propre « force naturelle », son acé, sans passer par la mort. […] Lorsque ses descendants ont quitté ce lieu [où il s’est divinisé], ils l’ont emporté avec eux et lui ont construit un temple dans le quartier où ils se sont installés à Porto Novo. »40 Les deux forces opposées sont donc représentées à Porto-Novo, d’une part par les hennuvodun descendants d’Axoluho et de l’autre par les hennuvodun descendants d’Ajahuto et de ses compagnons guerriers. Ces héros-ancêtres, chasseur, guerrier ou magiciens, se sont divinisés à Aja même ou en un lieu de migration entre Aja et Porto-Novo. La Figure 17 récapitule la généalogie royale d’Aja-Tado à la formation de Porto Novo et représente les personnages de l’histoire qui se sont divinisés en hennuvodun. Cette Figure s’inspire de celle présente dans Porto Novo : royauté, localité et parenté page 555.
Figure 16 : Généalogie royale d’Aja à Porto-Novo
Axoluho
Tesa
Huan Linzomè
Zin
Dosu
Kome
Tè Huanton
Tè Huen
Tè Nufion
Sesu
Dako Huen Tè Tè Rami Ahuanjan
Tè Hinton
Tè Jidomigbe
Dasu Taviè Siligbo
AJA
Ahuan
Dasa
Tè Do (guerrier de Dasa)
ALADA
Kpokon Ajahuto
Agbe
(Guerriers d’Adjahuto) Meji
= Hennuvodun
Adimola Avajo
Tè Agbanlin
Mewegbo
PORTO- NOVO
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Quatre types de quartiers Nous ne nous attarderons pas non plus sur la répartition des différents quartiers, mais il est nécessaire pour la suite de l’analyse de comprendre les différents types de quartiers et les relations politiques et religieuses qui les animent dans le royaume entier. Nous reprenons donc la classification de Marie José Pineau Jamous dans Porto Novo : royauté, localité et parenté41, qui distingue quatre types de quartiers répartis en deux grandes catégories : - Ceux qui disposent d’une grande autonomie par rapport au roi: - > Les quartiers fondés par les descendants d’Axoluho (type 1), - > Les quartiers fondés par des étrangers venus s’installer à Porto Novo dont la plupart se rattachent aux guerriers d’Ajahuto (type 2) - Ceux qui ont été fondés par les rois successifs de Porto Novo : - > Fondés pour faire venir à Porto Novo les vodun qu’ils empruntaient à des lignages étrangers à la ville (type 3) - > Fondés pour les princes de sang (type 4) Cette répartition de quartier fait référence à l’organisation traditionnelle de la ville, la figure 17 qui représente les principaux quartiers de Porto Novo en 1850, comporte déjà beaucoup plus de quartiers : ceux fondés par des étrangers (colons et Afro-Brésiliens) et les extensions des quartiers des quatre types qui avec l’agrandissement du lignage, la subdivision en segment de lignages, se sont étendus dans l’espace. « Les quartiers fondés par les descendants directs des fils d’Axoluho exclus autrefois du trône d’Aja Les fondateurs de ces quartiers ont apporté leur hennuvodun qui représente à Porto Novo la légitimité d’Aja. Ils ont reçu la charge de l’un des rituels d’intronisation du roi et un titre de dignitaire. Ces quartiers s’étendent dans un axe Est Ouest au nord du palais royal : - Adome, - Agbokome - Lokosa - Masse Les quartiers fondés par des étrangers tori, peda, hevienu, dravonu… Les lignages issus de ces étrangers se rattachent à la royauté par leur hennuvodun, ancêtre guerrier à Aja. Certains d’entre eux ont gardé leur titre de roitelet (axolu) qu’ils avaient dans leur premier lieu de migration entre Aja et Porto-Novo (petit royaume vassal d’Alada).
41.Cf p. 556 à 559.
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D’autres ont reçu des titres de dignitaire du roi de Porto-Novo. Ces quartiers s’étendent au cœur de la ville et à la périphérie Ouest excepté Gbokukome. - Huadakome ou Filakome - Gbokukome - Zebou Aga Les quartiers des vodunon Un certain nombre de ces « prêtres du vodun » ont été invités par Tè-Agbanlin à venir installer un vodun (réplique de leur hennuvodun resté au lieu d’origine). Ces vodun jouent un rôle important dans l’intronisation. D’autres vodunon ont été appelés par les rois successifs pour protéger la famille royale et le royaume. Les vodunon et leurs descendants restaient en relation avec leur lignage, propriétaire du hennuvodun. À Porto-Novo, ils résidaient dans les quartiers dépendant d’un roi, d’un prince au d’un dignitaire, quartiers dispersés dans les différentes parties de la ville et souvent spécialisés dans un métier artisanal. - Avasa - Zinkome - Hasukome - Wezume - Kosukome - Degèkomè - Akpasa - Tofinkome - Gevie Les quartiers des princes de sang […]Les princes étaient élevés le plus souvent dans la famille de leur mère. Ils étaient donc dispersés dans tous les quartiers de la ville. Certains princes, devenus rois, ont établi leurs descendants dans le quartier de leur propre mère dont le lignage a dû s’exiler. D’autres rois ont créé de nouveaux quartiers et villages dans la banlieue, pour leurs enfants et leur lari. Les princes étaient exclus de toute charge dignitaire. - Gbeji - Dota - Ataké - Akron - Sadoyon - Gbekon - Xweyogbe Cette classification en quatre types n’est pas exhaustive, Seuls ont été notés les quartiers les plus anciens »
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Rattachement au royaume par hennuvodun : force et protection du royaume Il existe deux instances à la fois politiques et religieuses qui définissent la vie du royaume et le structurent par des relations entre les quartiers et le royaume. La première instance est plus de l’ordre du religieux, il s’agit du hennuvodun. La seconde instance est plus de l’ordre politique, il s’agit de l’ancêtre fondateur du quartier. Il nous semble primordial d’aborder ces deux instances et leur caractère car elles structurent le royaume au niveau politique (hiérarchique) et religieux et influent sur le plan spatial. Les quartiers du type 4, les quartiers des princes de sang, n’ont qu’une seule référence, les ancêtres fondateurs de leurs lignages, soit, dans ce cas précis, les ancêtres rois de Porto-Novo. Ces catégories ne sont pas propriétaires de hennuvodun et n’ont aucune charge de dignitaire dans le royaume, ils sont sous l’autorité du roi et constituent des groupes en compétition pour le trône. Les types 1, 2 et 3, cependant se rattachent au royaume par leur hennuvodun qui contribue à la puissance et à la protection du royaume. La force du royaume nécessite les forces opposées d’Aja : les forces des hennuvodun issus des lignées légitimes d’Axoluho et celles issues des lignées transgressives d’Ajahuto. En somme à l’échelle du royaume nous retrouvons une fois de plus une complémentarité équilibrée, une association de forces « négatives » et « positives », qui crée ainsi l’énergie, la force du royaume. Les quartiers du type 3 (quartiers fondés par les différents rois successifs pour faire venir à Porto-Novo certains vodun) n’ont pas de double référence, ils possèdent un vodun (qui est un double du hennuvodun resté sur le lieu d’origine) mais leur quartier a été créé par le roi sans ancêtres fondateurs, ils sont donc sous l’autorité du roi. Les quartiers du type 1 et 2 (quartiers des lignées soit issus d’Axoluho, soit d’Ajahuto) sont plus autonomes et se définissent par une double référence aux deux instances citées plus haut : les hennuvodun et les ancêtres fondateurs. « Ils ont reçu du roi une charge de dignitaire et lui sont associés étroitement dans l’administration rituelle et politique du royaume. Il faut souligner ici l’interdépendance entre le roi et les lignages fondateurs des quartiers : d’un côté, ces derniers ont apporté la « force sacrée » du hennuvodun nécessaire à l’autorité royale et, de l’autre le roi leur a attribué un territoire un titre de dignitaire. Ils ont leur spécificité tout en étant liés très étroitement à la royauté. »42 La ville royaume à l’image de l’unité familiale constitue également un système organique composé par un agglomérat de quartiers ordonnés par des instances politiques et religieuses. En effet l’institution des hennuvodun apparaît comme un système politique s’exprimant au moyen d’un langage religieux.
42. Cf. Pineau-Jamous, M. J. (1986), Porto-Novo : royauté, localité et parenté, In : Cahiers d’Etudes Africaines, p. 555.
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Les quartiers se dessinent par couche d’arrivée successive et gravitent autour du noyau de développement du royaume (le palais royal et le marché aux esclaves). Chaque quartier est occupé par un lignage et comporte un secteur quartier principal où est installé le hennuvodun. Ce secteur quartier est occupé par le segment de lignage principal (les descendants de l’ancêtre fondateur en ligne agnatique). Autour se développent de façon organique les autres secteurs quartiers occupés par les différents membres du lignage. Nous illustrons avec la Figure 18 les relations entre les différents types de quartiers et le royaume dont le noyau est le palais royal.
Figure 18 : Diagramme illustrant la relation du palais aux différents quartiers
HENNU (UNITE SOCIALE B) TYPE 1 & 2 XWETA B HENNUVODUN B
HENNU (UNITE SOCIALE F) TYPE 4 HENNU (UNITE SOCIALE C) TYPE 1 & 2
HENNU (UNITE SOCIALE A) TYPE 1 & 2
XWETA C HENNUVODUN C
MARCHÉ
XWETA A HENNUVODUN A
PALAIS
HENNU (UNITE SOCIALE D) TYPE 3
XWETA D HENNUVODUN D
contribution à la force et la protection du royaume charge de dignitaire accordée aux chefs de lignages des quartiers quartiers avec princes en lice pour le trône
HENNU (UNITE SOCIALE E) TYPE 1 & 2
XWETA E HENNUVODUN E
vodun hennuvodun temple yoxo, tombe des ancêtres fondateurs du lignage
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Structure spatiale de la ville royaume : structure organique, hiÊrarchie sociale et royale
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Komè, hennu Nous pensons nécessaire de tout d’abord revenir sur les termes qui désignent les quartiers et les groupes qui y résident. Le quartier est désigné par « komè », nous verrons d’ailleurs sur la carte en Figure 17 que le nom du quartier est généralement suivit de komè, on dit : Deguèkomè, Kosukomè, Tofinkomè… « Komè est un concept correspondant à différents niveaux segmentaires de la subdivision territoriale. Au niveau le plus large, celui du quartier komè s’applique à ce qui était autrefois une unité politique centrée sur un patrilignage dominant ayant reçu du roi un titre de dignitaire et de chef de quartier. À ce niveau komè est une subdivision spatiale et politique de la ville, représentée auprès du roi par le chef de quartier. Au deuxième niveau, komè désigne un sous-quartier associé soit à un segment du patrilignage dominant, soit à un lignage dépendant d’une origine différente. »43 La carte représentée en Figure 17, nous montre beaucoup plus de quartiers que les quartiers d’origine cités par Marie-José Pineau Jamous d’après les sources de Akindélé et Aguessy. Cependant la proximité des nouveaux quartiers ayant la même catégorie d’habitant que les quartiers d’origine (princes, vodunon, descendants d’Ajahuto ou descendants d’Axoluho) suggère que les quartiers se sont étendus. Les lignages se sont étendus, divisés en segments de lignage qui ont créé de nouveaux quartiers dans la proximité du quartier d’origine. D’anciens sous quartiers dépendants sont devenus des quartiers à part entière, d’autres se sont déplacés ou ont changé de nom. Il est donc difficile de définir les limites des quartiers.
43. Cf. Pineau-Jamous, M. J. (1986), Porto-Novo : royauté, localité et parenté, In : Cahiers d’Etudes Africaines, p. 560. 44. Ibid, p. 560.
Le komè quartier d’origine est associé à un lignage dominant, dont nous définirons la structure hiérarchique interne et la façon dont il se structure et s’installe dans l’espace. « Le lignage hennu, se définit comme l’ensemble des descendants en ligne agnatique d’un ancêtre mythique d’Aja, le hennuvodun dont il porte le nom et respecte les interdits. Chaque hennu se caractérise par son lieu d’origine et sa localisation à Porto-Novo. »44
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Xwèta/xwè : structure hiérarchique agnatique Le hennu subdivise le lignage en deux parties et parallèlement organise l’espace du quartier. Il s’organise donc en : - Un segment de lignage dominant, spatialement caractérisé par la xwèta, la concession mère, noyau du quartier : Ce sont les descendants en ligne agnatique (par primogéniture, lignée A sur la figure 19) de l’ancêtre fondateur qui occupent la concession mère construite par ce même ancêtre. Noyau de tout le quartier, elle est appelée xwèta (tête de maison). Le chef de lignage (descendant en ligne agnatique de l’ancêtre fondateur) hennugan occupe avec sa famille cette xwèta et joue un rôle politique au sein du quartier, et au sein du royaume. Cette xwèta comporte en son sein les deux instances, dont nous avions déjà parlé plus tôt : - Le temple du hennuvodun, transporté depuis le lieu d’origine. Il connecte, la xwèta et le quartier au royaume entier, à certains quartiers précis, et au lieu d’origine. - Le temple Yoxo (lieu où sont inhumés l’ancêtre fondateur et ses descendants en ligne agnatique) connecte la xwèta au lignage tout entier, le hennu. En marquant la hiérarchie interne du lignage, la xwèta permet aux membres du hennu d’avoir des repères généalogiques et sociaux dans leur quartier. - Des segments de lignages mineurs, caractérisés spatialement par des Xwè, les autres concessions du quartier : Ce sont les autres concessions qui composent le quartier, elles se sont formées dans le temps par couche d’arrivée successive autour de la maison mère de façon organique, hiérarchisée cependant. Elles sont occupées par les lignées mineures issues du même ancêtre fondateur : les lignées B et C (voir Figure 19). Chaque concession mineure se réfère à son propre ancêtre fondateur B et C (en considérant que les ancêtres B et C, bien que segments mineurs sont des ancêtres qui ont eu un rôle important et ont été matérialisés par des Yoxo)45 dont les temples Yoxo sont installés au cœur des maisons46. Ces lignées mineures se réfèrent toujours néanmoins au hennuvodun installé dans la xwèta. Ces lignées mineures ont plutôt un rôle cultuel : le vodunon, prêtre du hennuvodun et le collège d’initiés qui s’en occupent, sont généralement choisis dans ces lignées. L’espace du quartier matérialise donc des concepts qui sont plutôt de l’ordre de la mémoire, du temps, de la généalogie.
45. Il se peut également que A ait eu d’autres descendants mineurs (entre A, B et C) qui n’ont eu aucun rôle important, et ne sont par matérialisés à leur mort par des yoxo. Ces lignées mineurs occupe alors le segment majeur de quartier où se localise la xweta et y installe leur propre xwe mais se réfèrent à A. 46. A Porto-Novo, chaque quartier, occupé par un patrilignage, est divisé en un certain nombre de maisons qui se regroupent autour du sanctuaire de l’ancêtre fondateur, le yoxo. Cette disposition est plus qu’une simple occupation du sol, une délimitation d’un territoire ; elle inscrit dans l’espace les relations entre les vivants, les morts et les ancêtres et renvoie à un lieu et un temps de l’origine reproduits dans le quartier sous la forme du temple du hennuvodun. C’est dans les rites et notamment les rites funéraires que ces relations se manifestent pleinement.
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Figure 19 : Diagramme illustrant la construction temporelle et généalogique du quartier
A
HENNU (UNITE SOCIALE A) TYPE 1 & 2
A
XWETA A HENNUVODUN A
B
C
Portion de terre attribuée à l’ancêtre fondateur A par le roi
A
Les ancêtre B et C occupent un rôle important dans le lignage, ils fondent leur propre Xwè, dans la continuité des la Xwèta A. Les descendants en ligne agnatique de A occupe la xwèta A, où est situé le temple yoxo de A
A la mort de B et C, leur temple yoxo est installé dans les cour de leur xwè. Leurs descendants en ligna agnatiques occupent ces xwè et les autres (D et E), s’ils ont un rôle important partent fonder leur propre xwè.
XWE B
A
B
XWETA A YOXO A
B
C
D
E
XWE C
XWE B YOXO B
A
XWE D XWETA A YOXO A XWE E
A
B B
XWE C YOXO C
C C
D D
XWE D YOXO D MARCHÉ
XWETA A HENNUVODUN A
A
B B
XWE E YOXO E
E E
A
XWE B YOXO B
Un petit marché se forme au fil du temps dans le vide entre les différentes xwè
C
C C
D
E
XWE C YOXO C
D
E
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Xwè, xo, hongbo Xwè : maison, peut également se lire à deux échelles, et désigne à la fois : - Xwè à l’échelle 1 : L’unité familiale de base occupée par un homme, ses épouses, ses enfants qui comprend plusieurs Xò («cases », chambres) structurées par une petite cour accueillant des usages de travaux artisanaux et d’activités profanes du quotidien (cuisine, lieu de vie, etc.) - Xwè à l’échelle 2 : À une échelle plus large elle désigne aussi le segment de quartier occupé par un segment de lignage se référant à un ancêtre fondateur commun (par exemple l’ancêtre Z). Les membres de ce lignage habitant la Xwè, dite Z Xwè, sont composés des descendants en ligne agnatique de Z (par ordre de primogéniture) et des descendants mineurs rattachés à Z mais qui n’ont pas fondé leur propre segment de quartier, leur propre Xwè. Ils se réfèrent tous à l’ancêtre Z dont le temple Yoxo est installé dans la première Xwè du segment de quartier. Le segment de quartier est composé spatialement d’un groupe de Xwè (échelle 1) structuré par une grande cour collective, lieu de cérémonies familiales et lieu où est installé le temple Yoxo de Z. Ce groupe de Xwè est entouré d’une enceinte fermée par une grande porte nommée Hongbo. Xwè et Hongbo ont plusieurs connotations : ils ont à la fois une connotation matérielle et spatiale (xwè = maison ; et hongbo = portail) et une connotation familiale, généalogique. Dans le deuxième cas, Xwè et Hongbo sont alors précédés du nom de l’ancêtre fondateur de leur segment de quartier, on peut ainsi comprendre directement à quel segment de la famille ils sont rattachés et quelle est leur place dans la hiérarchie familiale. En se référant à la figure ci-contre (Figure 20), les résidants des segments de quartiers se référant à l’ancêtre A ont une place hiérarchique au sein du lignage plus importante que ceux se référant à B et C. Un groupe de Xwè (à l’échelle 1) compose un segment de quartier. Celui-ci fait partie d’une unité plus large formée de plusieurs segments de quartier, tous issus du même ancêtre-fondateur. Ils forment ensemble le hennu et délimitent spatialement l’emprise d’un quartier. Cependant il faut nuancer la conception idéologique selon laquelle un quartier est composé des membres d’un seul lignage. En effet il faut comprendre que le hennu représente l’unité sociale de base (il semble que les membres qui la composent sortent très peu des limites du quartier) et doit répondre aux besoins sociaux de la communauté. Cette communauté crée une certaine mixité nécessaire à son développement (démographique, économique, social, religieux) par le recrutement d’éléments extérieurs. Souvent d’autres lignées viennent se rattacher au lignage pour différentes raisons (par parenté lointaine, par mariage, anciens serviteurs qui se rattachent au lignage).
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Figure 20 : Diagramme illustrant la structure idéologique d’un segment de quartier
Yoxo ancêtres Hennuvodun
Cours collectives
Mur enceinte, fermé par un portail Hongbo. Réprésente un segment de quartier Xwè
Case : Xò
Ils se soumettent alors religieusement, économiquement, socialement au hennu qui les a accueillis et oublient leur identité lignagère originelle pour se subordonner à celle de leur protecteur.47 Ce qui compose véritablement un quartier est un élément plus complexe que le simple lignage : un lignage étendu, ensemble hiérarchisé, composé de lignées principales légitimes et de lignées rattachées, habitant le même territoire spatial. La complexité d’un quartier, nous empêche d’établir un plan de référence de base de la composition de ce dernier. Il faut simplement comprendre qu’il s’agit d’un système complexe, fluide, hiérarchisé cependant selon différentes échelles : - Le quartier : Composé d’un segment de quartier majeur et de segments dépendants - Les segments de quartiers : Xwè composés de lignées « pures » et de lignées rattachées, se référant tous à un même ancêtre fondateur et à une cour collective. - Les unités familiales « Xwè » composées de « Xò » organisés autour d’une cour.
47. Voir Houseman M., Legonou B., Massy C., Crepin X. (1986) Note sur la structure évolutive d’une ville historique. L’exemple d’Abomey (République populaire du Bénin). In: Cahiers d’études africaines. Vol. 26 N°104. p. 527-546.
« Il est difficile de donner un sens absolu et unique aux termes de parenté désignant des groupes, cela non pas parce que les concepts manquent de précision mais à cause de la fluidité et de la relativité structurale des groupes. Les unités n’ont de sens que par rapport au contexte où elles apparaissent. Ainsi, à chaque niveau, Xwè s’applique à des segments équivalents mais l’opposition Xwèta/Xwè introduit dans cet ordre segmentaire une structure hiérarchique en relation à l’ancestralité. »
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La concession : unité familiale élargie Les concessions sont déterminées par la nature des liens qui unissent leurs membres. Effectivement il faut comprendre l’habitat non pas comme un lieu défini morphologiquement et typologiquement, mais plus comme le lieu d’exercice d’une communauté d’individus que l’espace réunit, unifie par des phénomènes sociaux, économiques, politiques et spirituels. Nous voici à nouveau confrontés aux mêmes questionnements : quelles sont les limites de l’habitat ? Qu’est ce qui est de l’ordre du privé ? Du public ? Nous voyons que les mécanismes de fonctionnement de l’espace au niveau du quartier et de la concession sont plus difficiles à décrypter qu’ils l’étaient pour le palais Honmè. Aux deux niveaux échelles cependant, on retrouve les mécanismes principaux qui traduisent les fonctions de la conception de l’espace traditionnel à Porto-Novo : - Hiérarchie structurelle : Le premier élément récurrent est l’espace conçu comme un organisme structuré par la hiérarchie. La hiérarchisation fonde le fonctionnement du quartier, elle est de nature complexe : elle fait intervenir plusieurs principes de subordination, d’ordre familial, matrimonial, politique, économique et religieux. Si dans le palais, la hiérarchie est organisé par rapport au roi, dans les quartiers la hiérarchie est organisée sur l’ancestralité. En effet, le contrôle du quartier est assuré par les descendants directs en ligne agnatique de l’ancêtre fondateur. Et si le quartier comporte plusieurs segmentations, nous retrouvons en permanence cette référence à l’ancêtre fondateur proche, puis la référence plus large à l’ancêtre fondateur principal et enfin la référence générale au hennuvodun. Les personnages importants du le palais sont incarnés dans les quartiers par des personnages à fort rôle politique , issus de la lignée majeure :le hennugan (chef de lignage) et la tanyinon. Cependant le pouvoir reste équilibré (comme dans la relation roi/reine mère) car les rôles et charges cultuelles sont administrés par les lignées mineures où sont choisis les vodunon et les initiés. Cette complémentarité équilibrée semble là aussi primordiale comme elle l’était dans l’équilibre des forces à l’intérieur du palais (voir notre partie B du chapitre 2, L’espace intègre plusieurs usages dans le temps). - Sécurité et protection : La deuxième analogie que nous pouvons effectuer entre l’échelle urbaine et l’échelle du palais est la récurrence de la sécurité comme structure capitale dans la conception spatiale. Nous avons parlé plus tôt des structurations d’une famille qui se définissent à travers les termes Xwè et Hongbo. Il est intéressant de noter que dans le lexique local, l’homme emploie indifféremment soit le terme « maison », soit le terme « portail » pour définir l’unité spatiale.
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Comme si une maison revenait à un élément seul qui la désigne, son « portail », et la sécurité qu’il représente. Hongbo correspondant à des structurations spatiales à différentes échelles, nous faisons le parallèle avec les différentes échelles de sécurité que l’homme installe dans l’espace dont nous avions parlé précédemment dans la partie C du chapitre 2 (Voir Figure 15). La porte Hongbo, définie différentes échelles spatiales qui correspondent aux différents territoires de sécurité dans la ville entière. La Xwè Échelle 1 représentant l’espace le plus sécure.
48. Sinou A., Oloudé B., (1989) Porto Novo ville d’Afrique Noire. Paris, ORSTOM et Marseille : Parenthèses.
- Élément structurant principal, la cour : Le troisième élément est l’élément principal structurant l’espace : la cour. Il est impossible de donner un plan de référence de base d’une concession et d’un segment de quartier tant leurs structures sont fluides et organiques. Ce qui fait la particularité des concessions c’est leur caractère modulable : des unités axées sur une cour principale intérieure (activités profanes, et travail). Le segment de quartier organise les concessions autour d’une grande cour commune qui accueille les cérémonies familiales et les temples des ancêtres. Il y a donc une hiérarchisation dans les cours, qui sont les noyaux de développement des autres espaces. (Voir Figure 21). « Toutes ces remarques ne permettent pas d’établir un modèle spatial type. En outre, l’habitat urbain ne se distingue pas par définition de l’habitat rural. Ce sont d’abord les règles sociales auxquelles s’ajoutent les contraintes physiques d’espace, la densité de la population et les activités économiques qui produisent un paysage particulier fait de ruelles, de cours et de bâtiment de tailles diverses, serrés les uns contre les autres. »48
Figure 21 : Diagramme illustrant la hièrarchie des cours
Niveau 1 : Cour du peuple du palais, qui acceuille les grandes cérémonies du royaume entier + les céremonies lors d’intronisation et mort d’un roi
1 2
2
3 4
3 4
Niveau 2 : Cours xweta des des quartiers majeurs : où se touvent les hennuvodun et les yoxo de l’ancêtre fondateur : cérémonie annuelle du lignage hunhuè
4
3 4
4
Niveau 3 : Cours des segments de quartiers mineurs avec les yoxo des ancêtres, cérémonies du segment de lignages, cultes des ancêtres, mariages, enterrements, naissances
3 4
4
4
Niveau 4 : Cours des xwè : cour des femmes, des ainés, etc : elles acceuillent les activités de la vie quotidienne : cuisine, lieu de vie, travaux artisanaux
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L’espace public : alignement espace /temps lié aux cérémonies
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Quatre échelles de cérémonies Nous l’avons compris d’après les chapitres précédents, la famille représente le groupe social et la communauté de base. La vie dans cette société implique donc une vie collective permanente dans une communauté plus ou moins large. Nous pourrions rapidement tirer des conclusions et dire que la cour représente l’espace public et que la communauté qui y vit satisfait ses besoins sociaux. Mais ces manifestations de vie collective qui regroupent plusieurs personnes autour de plusieurs usages ne correspondent pas au caractère d’un espace public. En effet les activités qui se déroulent la majeure partie du temps dans les cours sont de l’ordre de la nécessité, de la survie économique, démographique, spirituelle du groupe. On ne retrouve pas les dimensions essentielles qui font l’espace public, citons entre autres la liberté de choix, événements particuliers non définis, loisirs, rencontres… L’élément qui soude le groupe social est le culte, il crée la vie sociale du groupe. Il réunit par les cérémonies les différents membres de la communauté, dispersés dans les différentes concessions, les différents segments et dans les différents quartiers. Les espaces de cultes sont donc les espaces de représentation de la vie sociale. Les cours, épicentres des concessions, étant les espaces des cultes, sont les noyaux autour desquels se regroupe une communauté, les noyaux de la vie sociale de cette communauté, et par là même deviennent un fragment d’espace public dans le temps. La cour représente donc bien l’espace public, ou plutôt différents fragments d’espaces publics à un moment donné dans le temps. Encore une fois l’espace (public) se réalise dans l’espace ET dans le temps. Comme nous l’avons montré avec la Figure 20, existe différentes échelles de cours qui correspondent à différents types de cérémonies et donc à différents degrés de manifestations de l’espace public dans le temps. Il y a quatre échelles principales de cérémonies. Nous détaillerons ces différentes échelles et les phénomènes religieux qui les déterminent selon certains cycles.
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Figure 22 : Echelle 1, le royaume et les forces opposés d’Aja, l’intronisation du roi XWE HENNU (UNITE SOCIALE C) TYPE 1 & 2
HENNU (UNITE SOCIALE A) TYPE 1 & 2
XWE XWE XWE
XWETA C HENNUVODUN C
HENNU (UNITE SOCIALE I) TYPE 1 & 2
XWETA I HENNUVODUN I
XWE
XWE
XWETA A HENNUVODUN A
XWE HENNU (UNITE SOCIALE D) TYPE 4
HENNU (UNITE SOCIALE B) TYPE 3
HENNU (UNITE SOCIALE G) TYPE 1 & 2
XWE XWE
XW
XWETA B HENNUVODUN B
XWE
XWETA G HENNUVODUN G
P PALAIS ROYAL
HENNU (UNITE SOCIALE H) TYPE 1 & 2
XWE HENNU (UNITE SOCIALE E) TYPE 1 & 2
XWETA H HENNUVODUN H
XWETAE E XWETA HENNUVODUNE E HENNUVODUN
QUARTIER TOGO
La première échelle de cérémonies concerne de la ville entière. Seuls les quartiers des types 1, 2 et 3 interviennent dans ces manifestations, car leurs princes n’ont pas de hennuvodun. Le système des hennuvodun est un dispositif symbolique qui fonde l’organisation sociale et politique de Porto-Novo, établit l’unité du royaume et l’éminence du pouvoir royal. Ces hennuvodun qui représentent l’une ou l’autre des forces opposées d’Aja (légitimité ou transgression des descendants d’Aja) par leur union créent et sont nécessaires à la puissance et la force du royaume et le protègent contre les agressions extérieures. Les hennuvodun font l’objet de commémorations annuelles qui suivent un itinéraire précis qui ne peut exclure aucune étape dans les différentes maisons mères des quartiers fondateurs du royaume. Dans un cycle plus large, la mort et l’intronisation d’un nouveau roi fait également interagir les foyers des vodun de chaque quartier. « Le rituel d’intronisation du roi met en scène l’engendrement du souverain et de son royaume par ces forces opposées, représentées par les hennuvodun - rituel au terme duquel le roi devient le Xwènon (le « maître de la Xwè »), la maison royaume. »* Chaque lignage représenté par le chef de lignage a un rôle précis dans le déroulement de ces cérémonies qui comportent plusieurs phases cérémoniales. « Ces cérémonies renvoient au mythe fondateur et aux pratiques cultuelles »* elles font donc intervenir les descendants des personnages fondateurs à Aja (Axoluho et Ajahuto).
XWE
XWE
QUA
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Figure 23 : Echelle 2, le quartier et la cérémonie annuelle Hunhué
XWE
XWE
XWE HENNU (UNITE SOCIALE C) TYPE 1 & 2
A)
XWE
XWE
XWE
XWE
XWE XWE
XWETA C HENNUVODUN C
XWE
TA A ODUN A
XWE
HENNU (UNITE SOCIALE D) TYPE 4
XWE HENNU (UNITE SOCIALE D) TYPE 4
HENNU (UNITE SOCIALE B) TYPE 3
XWE XWE
XWE
XWE XWE
XWETA B HENNUVODUN B
XWE
XWE
XWE PALAIS ROYAL
PALAIS ROYAL
TIER TOGO
XWE
XWE HENNU (UNITE SOCIALE E) TYPE 1 & 2
XWE XWE
XWE
XWE XWE
XWETAE E XWETA HENNUVODUNE E HENNUVODUN
XWE
XWETA E HENNUVODUN E
QUARTIER TOGO
Le quartier, malgré sa segmentation et ses références à différents niveaux d’ancestralité (chaque segment de quartier se réfère à son propre ancêtre fondateur) s’unifie dans sa référence aux hennuvodun. Il constitue le symbole de l’unité du lignage étendu. Par une cérémonie annuelle appelée Hunhué, le lignage étendu qui est une collectivité ouverte, large, flexible, relativement solidaire fait intervenir les différentes lignées (groupe plus fermé, moins flexible et très solidaire) qui la composent dans la réalisation de cette cérémonie. Chaque segment se regroupe au cœur du quartier, et investit pendant plusieurs jours de fête et cérémonies la cour de la maison mère, la xwèta, où sont installés les Yoxo de l’ancêtre fondateur et le temple du hennuvodun. Cette cérémonie Hunhué ne fait pas seulement intervenir les membres d’un lignage mais rajoute une dimension plus large à l’échelle de la ville en faisant intervenir plusieurs quartiers pour la réalisation d’un phénomène religieux nommé ako dont nous parlerons à l’échelle suivante. Nous avons donc là une deuxième échelle d’espace public qui se matérialise à un moment précis dans le temps suivant un cycle annuel. La cour principale de la xwèta est donc un espace public pendant plusieurs jours à un moment précis (en général au mois de janvier), une fois par an.
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Figure 24 : Echelle 3, Ako et hennu frères
HENNU (UNITE SOCIALE A) TYPE 1 & 2
HENNU (UNITE SOCIALE A TYPE 1 & 2 HENNU (UNITE SOCIALE I) TYPE 1 & 2
XWETA C HENNUVODUN C
HENNU (UNITE SOCIALE I) TYPE 1 & 2
XWETA I HENNUVODUN I
HENNU (UNITE SOCIALE C) TYPE 1 & 2
XWETA A HENNUVODUN A
HENNU (UNITE SOCIALE D) TYPE 4
HENNU (UNITE SOCIALE B) TYPE 3
HENNU (UNITE SOCIALE G) TYPE 1 & 2
XWETA I HENNUVODUN I
XWETA B HENNUVODUN B
XWETA HENNUVOD
HENNU (UNITE SOCIALE G) TYPE 1 & 2 XWETA G HENNUVODUN G
XWETA G HENNUVODUN G
PA
PALAIS ROYAL HENNU (UNITE SOCIALE E) TYPE 1 & 2 HENNU (UNITE SOCIALE H) TYPE 1 & 2
HENNU (UNITE SOCIALE H) TYPE 1 & 2
XWETA H HENNUVODUN H
XWETA H HENNUVODUN H
XWETA XWETA E E HENNUVODUN HENNUVODUN E E
QUARTI QUARTIER TOGO
Les hennuvodun sont des ancêtres mythiques censés s’être divinisés. Ils font référence à un lieu d’origine hors des frontières de la ville royaume, lieu étape du parcours de migration entre Aja-Tado et Porto-Novo. Certains hennuvodun sont dits « frères » car leur histoire mythique fait part d’une connexion entre eux lors de leur divinisation sur le lieu d’origine. Par exemple à Porto-Novo, les quartiers Zebou-Aga, Sesuvié et Atingbansa sont reliés rituellement par leur hennuvodun frères : Sesu, Jegbe et Gbeloko. « L’ensemble des trois hennu forme l’unité englobante l’ako». « L’unité de ces trois hennu au sein de l’ako se manifeste à trois niveaux : la même origine mythico-historique (Aja), la constitution d’une unité politico-religieuse […], leur interrelation rituelle dans le cadre contemporain du culte hennuvodun. »49 « Un hennu ne peut faire son Hunhué (la grande fête annuelle des hennuvodun) sans l’assistance des autres hennuvodun de l’ako. C’est alors que sont réactivées les forces cosmiques originelles. […] Chaque Hunhué réactualise en quelque sort l’unité de l’ako et manifeste la force cosmique des hennuvodun frères, qui par leur association, doivent apporter vie et prospérité à leur descendant. »50 Nous avons là une troisième échelle de cérémonies qui fait intervenir tous les membres d’un lignage avec d’autres quartiers du royaume, pas nécessaire proches spatialement, et leur lignage. Cette cérémonie se déroule dans un parcours espace/ temps dans les cours principales des xwèta de ces lignages où sont installés les hennuvodun. Cette échelle fait également intervenir une dimension temps et espace qui transgresse des frontières du royaume et crée un lien avec le lieu d’origine.
49. Cf. Pineau-Jamous, M. J. (1986), Porto-Novo : royauté, localité et parenté, In : Cahiers d’Etudes Africaines, p. 565, 566. 50. Ibid p. 565, 566.
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Figure 25 : Echelle 4, le groupe, la famille
XWE
E
XWE XWE XWE
HENNU (UNITE SOCIALE D) TYPE 4
HENNU (UNITE SOCIALE D) TYPE 4
XWE
XWE
XWE
XWE
XWE XWE
PALAIS ROYAL
XWE
OYAL XWE XWE XWE XWETA E HENNUVODUN E
XWE XWETA E HENNUVODUN E
QUARTIER TOGO
OGO
Enfin les manifestations de l’espace public à l’échelle la plus intime se réalisent au sein des segments de lignée, groupes fermés, peu flexibles et hautement solidaires (économiquement, socialement). En effet chaque groupe se constitue autour de cours principales qui accueillent les temples Yoxo de leur ancêtre fondateur. Si le hennuvodun du lignage occasionne un seul culte par an, le culte des ancêtres quant à lui se réalise dans la permanence et la durée qui sont de l’ordre quotidien. Chaque lignée est composée de différentes Xwè centrées sur des cours de plusieurs types (cour des femmes, cour des aînés, etc.) qui accueillent différents usages de la vie quotidienne (activités profanes, lieu de vie). Nous n’avons pas représenté cette échelle de l’espace sur nos schémas car nous considérons que les cours sont plus des espaces collectifs que des espaces publics. Mais on pourrait néanmoins la considérer comme la plus petite échelle de l’espace public, le premier territoire de l’espace public, fonctionnant sur un cycle quotidien. Cependant toutes ces Xwè se regroupent dans un segment de quartier plus large qui possède une cour principale où est situé le Yoxo de l’ancêtre. Cette cour, vide d’occupant la plupart du temps, accueille plusieurs fois dans l’année des cérémonies plus spécifiques au groupe (mariages, enterrements, naissances). Ces cérémonies réunissant l’ensemble de la lignée, symbolisent l’unité de la communauté. Nous avons alors l’échelle 4 de manifestation de l’espace public dans le temps, de façon plus régulière (cycles mensuels, saisonniers).
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Figure 26 : Différentes connexions d’ordre religieux et politique à l’échelle du royaume
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Espace public, alignement espace/temps La ville est un organisme composé de différentes cellules , les quartiers , qui sont des unités indépendantes. Les différentes territorialisations de l’espace public se réalisent dans le temps suivant des cycles plus ou moins réguliers. L’espace public se réalise dans le temps et l’espace grâce à l’étroite relation entre les unités et les cérémonies. Les territoires de l’espace public se manifestent par les espaces des cours qui selon leur position hiérarchique (1, 2, 3 ou 4, voir Figure 20) prennent une dimension publique dans le temps, cette dimension publique ayant une durée limitée et se réalisant suivant des cycles plus ou moins réguliers (quotidiens, mensuels, saisonniers, annuels, décennal, etc.). À travers l’espace des cours, différentes échelles de territorialisation de l’espace public dans le temps se dessinent. Un autre phénomène permet de connecter l’espace des cours à d’autres cours, dans différents quartiers. Cela se produit (est rendu possible) grâce à/à travers un parcours déterminé par des cérémonies et prend place à un moment précis, dans une fréquence soumise à un cycle. Cette autre dimension de l’espace public est ponctuelle et se matérialise à travers une fracture temporelle qui relie les différents points d’un parcours, un itinéraire comprenant plusieurs étapes de cérémonies. À un moment précis dans le temps, la cérémonie aligne les dimensions espaces et temps et crée un espace public continu (un parcours dont les différentes étapes sont nécessaires) auxquels participent les différents groupes sociaux. La cour espace collectif associée aux autres cours des différents quartiers, dessine un espace public continu dans le temps et discontinu dans l’espace lors des cérémonies. En se structurant sur des cycles précis, les cérémonies et donc l’espace public prennent une dimension encore plus large car des nœuds de mémoire sont ainsi créés avec toutes les cérémonies passées et celles à venir. Le marché central Tous les milieux fonctionnels (résidentiel, spirituel, mortuaire, économique) sont représentés dans les concessions, à part le milieu commercial, qui lui, est représenté par le marché. Marque du pouvoir économique de la ville royaume a été créé par Tè-Agbanlin à proximité de l’entrée du palais. Originellement marché aux esclaves, nous avons recueilli très peu d’informations sur la morphologie et l’ampleur de ce marché. Néanmoins nous nous intéresserons aux marchés journaliers formés sur les petites place (ITA, voir Figure 22).
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Figure 27 : Plan de la ville datant de 1880. D’après le plan de R. G. Opin., ce document constitue le premier et le seul plan de la ville avant ceux dessinées au début du XXe siècle par le service topographique de la colonie. Il inventorie les quartiers, situe les premières implantations de négociants et apporte quelques informations originales sur l’organisation spatiale.
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Figure 28 : Quartier Gbekon où l’administration coloniale n’est jamais intervenu car il était sous l’autorité du roi Toffa et de ses descendants
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Espaces intersticiels? Nous avons abordé dans les chapitres précédents les composants principaux des quartiers et des segments de quartiers. Quelle est la nature des espaces interstitiels qui les sépare, les relie, les connecte ? S’agit-il d’éléments structurants dessinés par des repères naturels, des parcours habituels qui se sont transformés en passage, en rue ? En réalité il est difficile de déterminer la nature de ces vides pour deux raisons : - La première est l’inexistence de cartes avant 1880, où certains quartiers avaient déjà fait l’objet de l’urbanisation coloniale qui a tracé des rues au travers des pleins. Seul le quartier Gbekon à cause de son autonomie ( il appartenait au roi), a conservé son développement traditionnel. - La deuxième raison est la difficulté à délimiter les unités spatiales avec des limites précises et intangibles. En effet les espaces de circulation entre les segments de quartiers semblent être souvent de l’ordre du privé, ils font partie intégrante des différentes concessions : les différentes cours sont connectées et desservent le segment de quartier. Nous retrouvons une fois de plus une confusion entre public et privé. De plus, l’enceinte qui entoure une cour et qui représente sa limite physique ne permet pas de déduire/ conclure que les espaces qui lui sont extérieurs sont de l’ordre du public. L’enceinte ne définissant pas une unité sociale indépendante, elle peut être incluse dans une unité plus large qui est occupée par des habitants unis par des liens familiaux. Une même lignée peut également occuper plusieurs habitations dispersées dans un même quartier, et considérer qu’elle est dans son domaine dans chaque segment de quartier occupée par sa lignée. Le quartier Gbekon illustre ces principes d’unités emboîtées dans des unités plus larges. Le résultat est que les concessions se développent spatialement les unes contre les autres, desservies par les différentes cours connectées parfois entre elles par des petites ruelles sinueuses. Ainsi, les différents noyaux des quartiers composés des têtes de maisons ont grandi spatialement autour de ces noyaux et ont fini par se toucher, séparés par de simples ruelles qui dessinent un tissu urbain complexe, compact et où il est difficile de définir un axe structurant d’un axe secondaire. Enfin, certains vides ont été laissés, dessinés entre les différents quartiers et entre les différents segments de quartier. Ces vides ont été investis par des marchés secondaires, journaliers, relais commerciaux du grand marché. Ces espaces vides ont été d’abord été investis par les membres des quartiers pour créer des petites dynamiques commerciales à l’échelle du quartier, puis confirmés spatialement comme des placettes de marchés journaliers. Ils occasionnent des vides entre les espaces de passages, ruelles étroites et sinueuses qui desservent les différentes habitations.
4 Conclusion
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Notre recherche , qu’il s’agisse des enquêtes, visites, rencontres réflexions, lectures, reformulation du questionnement de départ, a apporté des réponses aux interrogations posées au départ , et surtout elle a permis d’apporter un éclairage plus précis sur mécanismes sociaux et religieux à l’œuvre dans la société traditionnelle à Porto-Novo, et ce par l’analyse et la lecture de l’espace. Nous pourrions avoir en conclusion établir un catalogue des notions mises en lumière, des élémentsclés spatiaux révélés comme les portes et les cours. Faire un point également sur les structures sociales et religieuses qui animent la conception de l’espace : la hiérarchie, la sécurité, la protection, le secret, la complémentarité, l’alternance des usages, l’importance du Temps et des cycles… Un point primordial nous est apparu, c’est la permanence de cette tradition à PortoNovo. Et ce malgré les diverses influences, la colonisation et les évangélisations au fil des époques. Cette tradition et son caractère cultuel demeure, malgré les nouvelles religions, car elle est gardienne de certains éléments qui sont indissolubles. Les concessions ont disparu, se sont re-divisées, et ont été revendues. Elles sont aujourd’hui plus le lieu des morts que celui des vivants. Et pourtant, malgré les divisions foncières, les cours-noyaux, seulement utilisées quelques jours de l’année, demeurent et ne peuvent être revendues sans l’accord de la communauté entière. Elles sont les vestiges de la tradition, ce sont des portes dans l’espace et le temps, des noyaux de mémoire et le symbole de l’unité familiale.
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Si ce travail de mémoire nous permet de redécouvrir les clés de la conception spatiale traditionnelle, il inscrit également notre recherche dans des domaines plus larges, des questionnements plus importants. Il explore différentes thématiques liées à l’étude des cultures, et en particulier des cultures comme celles d’Afrique noire qui ont longtemps été sous la domination d’autres cultures. Des cultures qui reçoivent les cadres et les concepts que les cultures occidentales et mondiales imposent, et les intègrent en dépit des réalités. Il serait trop simple de conclure qu’il faudrait réintégrer les mécanismes traditionnels dans la conception spatiale contemporaine au Sud Bénin. Bien évidemment le contexte culturel est plus complexe que cela et doit se montrer plus dynamique et plus créatif que simplement vouloir réhabiliter une tradition passée idéalisée. La culture doit prendre en compte la tradition, mais également ses bouleversements. La colonisation et les influences font désormais partie de la culture de Porto-Novo. « Nous n’avons pas seulement été construits par ces régimes […], comme autres et différents au sein des catégories du savoir occidental ; ils eurent les conséquences que nous nous soyons nous-mêmes vécus comme « Autre ». »51 « L’identité culturelle, relève autant de « l’être » que du « devenir ». Elle appartient au futur tout autant qu’au passé. Ce n’est pas quelque chose qui existe déjà et qui serait transcendant au lieu, au temps, à l’histoire, à la culture. Les identités culturelles viennent de quelque part et ont des histoires. Toutefois comme tout ce qui est historique, elles font aussi l’objet de transformations constantes. Loin d’être fixées dans un passé essentialisé, elles sont sujettes au jeu continu de l’histoire, de la culture et du pouvoir. Loin d’être fondées sur une simple « redécouverte » du passé, qui attendrait d’être faite, et qui lorsqu’elle le serait, assurerait pour l’éternité le sentiment d’être nous-mêmes. »52 C’est donc pourquoi « les politiques de l’identité, les politiques de position, ne peuvent trouver aucune garantie absolue dans une « loi de l’origine » transcendante et non-problématique. »53 Finalement ce qui est important dans ce mémoire, ce ne sont pas les réponses et les clés qu’il laisse entrevoir à propos d’une conception spatiale dans le contexte culturel du Sud Bénin, mais plus la réflexion qui a mené à son développement. La méthode et la construction de cette méthode, que nous appellerons la démarche, est toute aussi importante que le questionnement et le développement. Voire plus… Cette démarche nous a confronté à un problème récurrent dans les analyses sur l’Afrique et en particulier sur le Bénin. Ces travaux cherchent la plupart du temps à comprendre et à faire rentrer des structures de pensée traditionnelle dans des concepts et des notions occidentales. Nous renvoyons une fois encore à la difficulté d’analyser une culture dont on ne comprend pas les langues et les modes de structuration de celles-ci. Cela est d’autant plus important dans une culture qui fonde sa transmission sur l’oralité, où la parole a valeur de mémoire. Comme le dit Stuart Hall, champion des Cultural Studies « Levi-Strauss a largement pensé la manière et la pratique à travers lesquelles ces catégories et cadres mentaux étaient produits et transformés par analogie avec la façon dont le langage lui-même principal médium de la « culture » - opérait. »54
51. Stuart H., (2007), Identités et cultures - Politiques des Cultural Studies -, Paris : Editions Amsterdam. p. 230 52. Ibid, p 230. 53. Ibid, p. 231
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54. Ibid, p. 46. 55. Ibid, p. 46. 56. Ibid, p. 46.
Nous avons déconstruit et refusé de travailler avec des concepts occidentaux, certes, mais comment s’y prendre ? Il fallait inventer un langage, et ce langage est passé pour nous par le signe. C’est ce qui a structuré et alimenté notre travail : ce passage par le graphique et le diagramme. Il entraine un processus intellectuel différent de la simple écriture : il y a dans l’élément graphique une élimination automatique des éléments superflus, une concentration sur les éléments principaux, la structuration et la combinaison de ces éléments et la découverte de nouveaux éléments. « […]« les idéologies » sont ici conceptualisées non pas en tant que contenus et formes superficielles des idées, mais en tant que catégories inconscientes à travers lesquelles sont représentées et vécues les conditions concrètes. »55 On croit faire un dessin pour arriver à une conclusion précise et finalement ce que le dessin exprime va bien au-delà de l’illustration, il nous ouvre de nouvelles pistes. On procède à « une logique d’arrangements, de relations internes, d’articulation des parties à l’intérieur d’une structure »56 "Mais finalement suis-je allée au bout de ma démarche ? Ne travailler avec aucun outil d’analyse occidental s’est révélé plus difficile que prévu, j’ai finalement recours à certains plans. De plus mon « nouveau langage » s’est traduit par l’utilisation d’outils de représentation universels comme les diagrammes et les schémas. Néanmoins, mon sentiment est d’avoir commencé et d’avoir compris certaines choses. Et maintenant, il faut continuer et aller plus loin… Chercher d’autres outils d’analyse, regarder l’espace avec un œil différent. Peut-être est-il temps pour moi d’apprendre mes langues ? À ma culture."
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Bibliographie
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Crédits photos
Page 12 : Pierre Verger Page 18 : Davide Comelli, Vodun mask dancing https ://www.flickr.com/photos/neslab/sets Page 24 : Palais Honmè, Photo personnelle Page 33 : Palais Honmè, Photo personnelle Page 34 : Palais Honmè, Photo personnelle Page 46 : Palais Honmè, cour du roi, Photo personnelle Page 56 : Palais Honmè, Photo personnelle Page 62 : Porto-Novo, le roi de la nuit Zounon http ://www.mapel.fr/galleries/03vieilafric/les-galeries/dahomey/ Page 72 : Ouidah le temple aux serpents fétiches http ://www.mapel.fr/galleries/03vieilafric/les-galeries/dahomey/ Page 80 : Davide Comelli, Voodoo initiates sing and play traditional bells in the sacred forest of Aheme lake, Benin. https ://www.flickr.com/photos/neslab/sets
INDEX DES FIGURES Figure 1 à 15 et 17 à 26 : Diagrammes personnels, réalisés avec les données recueillies sur le site ou l’interprétation des données issus de sources bibliographiques. Figure 16 : Réinterprétation de la figure issue de : Pineau-Jamous, M. J. (1986), Porto-Novo : royauté, localité et parenté, In : Cahiers d’Études Africaines, XXVI, 4, p. 547-576. Figure 27 et 28 : Issus de : Sinou A., Oloudé B., (1989) Porto Novo ville d’Afrique Noire. Paris, ORSTOM et Marseille : Parenthèses.
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Je remercie toutes les personnes qui m’ont apporté leur aide et leur soutien lors de la réalisation de ce mémoire. Je remercie mon professeur référent Claire Parin pour son intérêt, ses conseils et sa disponibilité ; la conservatrice du musée Honmè Mireille Amede et toute l’equipe des guides pour m’avoir fait visiter le palais encore et encore ; le directeur du patrimoine et des musées du Bénin, Richard Sogan, pour m’avoir permi de prendre des photos dans le musée. Je remercie aussi Camille Amouro et Kadya Tall, pour avoir répondu à mes questions lors du travail de Mémoires Croisées et de m’avoir envoyé des textes riches et personnels qui m’ont permi de comprendre chaque jour un peu plus mon pays... Je remercie enfin ma famille, pour leur soutien et leur relecture attentive, ainsi que mes amies et Luca pour leurs conseils et leurs critiques constructives. Merci !
Mémoire de Master - Mention recherche Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Bordeaux Janvier 2015