Amir Krichen - Mémoire d'architecture : La reconstruction du lieu.

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À mes parents À mon frère À ma Famille



REMERCIEMENT Aux prémices de ce mémoire, je tiens à remercier Mme Monia Hakima Makhlouf pour le temps qu’elle m’a consacré, ses conseils et ses encouragements. J'exprime ma gratitude, à toutes les personnes ayant contribué de près ou de loin au développement de ma réflexion, notamment Mme Ferdaws Belcadhi et Mr Zouhaier Abbes. Finalement, j'adresse mes vifs remerciements à ma famille, mes amis et toute personne sans laquelle ce présent mémoire n’aurait pas pu voir le jour.



AVANT PROPOS Il est nécessaire de noter que ce présent mémoire traite d'un sujet fondé au cours de l'atelier thématique du premier semestre de la cinquième année: l'architecture du lieu. Cet atelier s'intéresse à la question de l'influence du lieu sur l'architecture. Il exige, ainsi, un travail sur un contexte spécifique et un état existant pour aboutir à une réponse signifiante qui exprime "l'esprit" de son lieu et réalise sa matérialisation. Dans cette manière de réfléchir, le contexte devient un élément déterminant quant à la relation que va entretenir le projet avec son environnement. À cet égard, il s'agit de partir d'un lieu stimulant ou d'un territoire complexe de notre choix en l'abordant avec une dimension sensible et intelligible. L'analyse et l’interprétation des multiples composantes matérielles, sociales, historiques qui constituent le lieu sont, alors, des étapes primordiales à la saisie des spécificités de la situation repérée. Notre choix repose sur l'ancien port de pêche à Sfax, Chott El Krekna qui constitue notre base de recherche.


01 INTRODUCTION PROBLÉMATIQUE MÉTHODOLOGIE

8

10

LIEU ET PERTE

02 16

ETUDE DU LIEU

34

1. LA VILLE SFAX

36

12 14

1. LA NOTION DU LIEU EN ARCHITECTURE

18

2. CHOTT EL KEREKNA

43

2. LE LIEU

19

3. SYNTHESE

63

3. LA PERTE DU LIEU

26

4. CONCLUSION

33


SOMMAIRE

© Prise personnelle Sfax, Chott El Krekna

03

04

LE GÉNIE DU LIEU

65

RECONSTRUCTION 82 DU LIEU

1. RECONSTRUCTION

66

1. PROGRAMME

2. COMPRÉHENSION DE L’ENQUÊTE

FONCTIONNEL 68

3. LA PHÉNOMÉNOLOGIE DE CHOTT EL KREKNA

80

84

2. CORPUS RÉFÉRENTIEL  3. INTERVENTION

97

CONCLUSION BIBLIOGRAPHIE TABLE DE MATIÈRES ICONOGRAPHIE ANNEXE

100 101 104 107 110

9


INTRODUCTION GÉNÉRALE Aujourd’hui, on vit dans une époque où la surface du monde est de plus en plus urbanisée. Notre quotidien se déroule dans une ville des « faits et d’évènements »1 où nous sommes en permanence entourés d’une foule de choses: édifices et bâtiments, Places et végétations, parcours et cheminements... Tous ces éléments génèrent la forme urbaine de la

ville et marquent sa complexité voire son unicité. Mais au moment où la conjugaison de ces composantes a été réduite par le mouvement moderne à des formes idéales et figées dans l’espace, la ville a perdu son unité2 et on commence à se demander "Pourquoi

les nouveaux bâtiments se ressemblent de plus en plus quelque soit leur emplacement dans le monde, leur fonction, leur environnement physique et socioculturel ? Pourquoi les usagers de ces bâtiments ne se sentent plus appartenant à un lieu ou un territoire?" De ce fait, il peut nous sembler que nous nous trouvons dans une époque où l’intérêt de l’identité et des lieux est méconnu face au savoirfaire universel promut par les paradigmes fonctionnalistes. Ces pensées radicales ont beaucoup influencé la ville et sa structure et l’ont transformé en une série d’images qui ne racontent plus rien de particulier. Dans la réalité concrète du monde d'aujourd’hui, les lieux et les espaces, les lieux et les « non-lieux » s’enchevêtrent et s’interpénètrent. Les frontières qui les séparent non seulement s’effacent sans cesse mais elles ont fait disparaitre les spécificités du lieu. En regard de cette situation d’uniformisation croissante, il est nécessaire d’engager une vraie réflexion sur le concept du lieu. Il parait que ce phénomène de perte du sens du lieu ne peut être dépassé que par la prise en compte des particularités du contexte local.

1 2

ROSSI Aldo, L’Architecture de la Ville, 1990, p. 21.   C. Norberg-Schulz, L’art du lieu, 1997, p. 43. Pour l’auteur, l’identité est toujours unité.

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LA RECONSTRUCTION DU LIEU


« Le retour au lieu est le recours de celui qui fréquente les non lieux. »3 Ce présent mémoire se propose de s’intéresser à un lieu en perte de signification dans son contexte bien spécifique. Il cherche à exploiter son potentiel de "réserve urbanisable" en vue de produire une architecture qui tire son sens des qualités caractéristiques de l’environnement dans lequel elle s’inscrit.

3

AUGE Marc, Non-lieux, Introduction à une Anthropologie de la Sur-modernité, 1992, p. 134.

11


PROBLÉMATIQUE L'image de la ville a toujours été maniée par ses innombrables transformations et sa vitesse de développement. Cette image nous est parfois présentée avec des zones d’interstices et de dégénérescence issues de la perte de leurs fonctions originelles. Ces espaces, jadis composants majeurs de la ville, tombent dans l’incertitude et dans l’oubli et entraînent des ruptures spatiales et sociales au sein de leurs contextes. A Sfax, et depuis quelques années, on voit émerger les phénomènes de désindustrialisation et de démaritimisation dans le contexte urbain de la ville. Ces processus consistent à délocaliser les usines et les ports hors de leur noyau originel laissant à l’abandon d'immenses espaces en déclin. Dans le cas de Chott El Krekna l’ancien port de pêche de Sfax, la situation s’est encore aggravée par la durée de délaissement qu’il a subit suite au transfert de l’activité maritime en 1982. Cet espace autrefois considéré comme un repère emblématique et un lieu de sociabilité, est en train de perdre ses liens avec la ville et les habitants. Il est perçu aujourd’hui comme un lieu en perte de signification. Malgré son déclin progressif, Chott el Krekna constitue toujours une réserve importante pour la ville en attente d’un devenir. Ce lieu est caractérisé par l’importance de sa surface, sa situation à proximité du centre-ville et le rôle qu’il joue comme une interface entre la mer et la terre. Ainsi, réfléchir sa reconstruction pose, dans notre hypothèse, la nécessité de la compréhension des caractères identitaires qui définissent son

génie. Notre réponse cherche à retisser le lieu avec ses différentes composantes, urbaines, sociales et historiques sous le prisme de la pensée théorique du lieu.

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LA RECONSTRUCTION DU LIEU


Délaissement

Perte du lieu

Reconstruire le lieu?

Quels enjeux conceptuels pose la pensée théorique du lieu? Et dans quelle mesure contribuent-ils à la compréhension des qualités intrinsèques du lieu? Comment peut-on réconcilier le lieu avec ses différentes composantes aux fins de remédier à sa perte de signification?

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MÉTHODOLOGIE Le présent mémoire est structuré suivant quatre chapitres: Un premier chapitre qui met en lumière la pensée théorique du lieu dans sa totalité. On évoquera notamment les notions du «Genius loci» et de la « Phénoménologie du lieu », définie par Norberg-Schulz, dans le but de révéler en quoi consiste le caractère du lieu et sa relation avec l’Homme. Par la suite, on abordera le phénomène de « Perte du lieu » et ses répercussions sur le territoire ainsi que sur l’ordre du lieu. Cela nous permettra de saisir les critères d’identification d'un lieu en perte de signification. Le deuxième chapitre présente dans sa première partie la ville de Sfax. On l'entame par un aperçu historique qui vise à étudier les mutations qu'a subit la ville ainsi que leurs conséquences sur le territoire. A posteriori, on se met, dans la deuxième partie, à l’étude de notre support Chott El Krekna. Notre diagnostic consiste à mener une lecture historique, urbaine et sociale pour prendre conscience des ruptures qui menacent le lieu aujourd'hui. On s’intéresse à conjuguer nos constats en rapport avec les critères dégagés dans le premier chapitre. Après avoir repéré la situation actuelle de notre zone d’étude, on se consacre dans le troisième chapitre à l'étude de Chott El Krekna en rapport à ses usagers. On commence, alors, par une enquête qui vise à faire découvrir les éléments auxquels s'attachent les gens et marquent leurs vécu. On essaye par la suite de mettre ces éléments en croisement avec nos observations et nos analyses aux fins de comprendre les aspects structurels de l’environnement immédiat et de dégager les caractères identitaires qui définissent le génie du lieu à Chott El Krekna.

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LA RECONSTRUCTION DU LIEU


In fine, dans le quatrième chapitre et dans le but de comprendre les besoins des habitants de la ville, on entame un entretien avec ces derniers suivi par des observations de leurs pratiques sociales. On essaye ensuite de définir un programme fonctionnel qui a pour but le re-tissage du projet au quotidien des gens, suivi par un corpus référentiel inhérent aux résultats obtenus. Ce cadre conceptuel établit les lignes directrices et les conclusions susceptibles de fonder une stratégie d’intervention pour notre projet urbain et architectural au croisement du génie du lieu.

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CHAPITRE I LIEU ET PERTE

Ce présent chapitre se déroule en trois parties. La première partie traite le coté polysémique de la notion du lieu La deuxième partie est consacrée à l’étude de la notion du lieu dans sa totalité, ainsi que son caractère et sa structure matérielle. La troisième partie s'interroge sur le phénomène de la perte du lieu et son impact sur la ville et sur l'Homme.

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Š Prise personnelle Sfax, Chott El Krekna

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CHAPITRE I : LIEU ET PERTE  1. LA NOTION DU LIEU EN ARCHITECTURE Il n’y a pas qu’une seule définition de la notion ou du concept du lieu. Le lieu est un concept qui a fait l’objet d’explication dans de nombreuses disciplines. Ainsi, s’interroger sur cette notion chez les architectes contemporains pose d’entrée la question de l’interdisciplinarité. Il ne suffit pas cependant de dire que le lieu est un terme ambigu voire indéfinissable. Au contraire, cette diversité de positionnements est une

prise de conscience par les auteurs des enjeux conceptuels que pose le lieu. L’architecture a trouvé la source fondamentale pour ses théories contemporaines du lieu dans l’œuvre « bâtir, habiter, penser » de Heidegger. « Le lieu rassemble. Le rassemblement conduit le

rassemblé à son être et l’y abrite »4. Pour Heidegger l’Homme habite lorsqu’il réussit à s’orienter dans un milieu et à s’identifier à lui, ou plus simplement, lorsqu’il expérimente la signification d’un milieu. La phénoménologie de Heidegger a inspiré plus tard la plupart des théoriciens du lieu, particulièrement Norberg-Schulz qui a développé lui-même une phénoménologie où l’environnement et le lieu entrent en interaction avec l’Homme. Il définit à travers ses recherches le lieu en tant que espace doté d’un caractère qui le distingue.

Espace

Caractère

Le Lieu

Aldo Rossi, Comme Norberg-Schulz, écrit plutôt sur le côté immatériel de cette notion. Il définit le lieu en tant que « …rapport à la fois

particulier et universel qui existe entre une situation locale donnée et les constructions qui s’y trouvent »5. Le « locus » de Rossi n’est pas un concept général, global. Il se présente comme un « fait particulier » ayant ses limites dans l’espace et le temps. Il est perceptible par sa forme.

4 5

HEIDEGGER Martin, Être et Temps, Paris, 1986, p. 183.   ROSSI Aldo, L’Architecture de la Ville, 1990, p. 129.

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LA RECONSTRUCTION DU LIEU


l’imagibilité est la qualité du lieu qui protège les gens du sentiment d’être perdus

Parallèlement, Kevin Lynch à travers ses études, traite le lieu comme une structure concrète qui permet des questionnements empiriques. Lynch définit, de manière pragmatique, le lieu comme une structure concrète

produisant des effets psychologiques et sociaux sur l’Homme.

Habiter-être M.Heidegger

Genius Loci Norberg-Schulz

Le Locus Aldo Rossi

I’magibilité* Kevin Lynch

La Notion Du lieu Pour conclure, les significations du lieu sont inépuisables tant que le concept est au cœur de la conscience des hommes. Tous ces théoriciens, bien qu’on n'en a cité que quelques uns6, ont contribué à leurs manières à la notion du lieu. Leurs théories et concepts font du lieu la scène de la représentation, de l’universalité des choses, en même temps, sensibles, factuelles et empiriques.

2. LE LIEU 2.1. Le genius loci Dans le but de comprendre « qu’estce que le lieu? » on se base dans la présente partie sur les travaux de Norberg-Schulz, Particulièrement, la notion du genius loci et la phénomenologie du lieu.

Depuis les temps les plus anciens, l’Homme a accordé de l’importance aux lieux où il s’implante. Les Romains par exemple, n’ont pas traité le lieu seulement dans sa dimension matérielle, mais aussi dans sa dimension existentielle. Ils ont reconnu chaque être comme «…indépendant à son

Genius, son esprit gardien. Cet esprit donne vie à des peuples et à des lieux, il les accompagne de la naissance à la mort et détermine leur caractère ou leur essence ... »7.

6

Plusieurs autres architectes ont parlé du lieu dans leurs discours et ont réalisé leur architecture d’une manière sensible au contexte (citons par exemple :Kenneth Frampton, Tadao Ando, Mario Botta, Frank Lloyd Wright, Peter Zumthor, Alvar Aalto, André Ravéreau...) 8   C. Norberg-Schulz, Genius Loci: Paysage, Ambiance, Architecture, 1979, p. 18.

LIEU ET PERTE

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Cette théorie sera plus tard développée par Norberg-Schulz qui affirme que le genius loci existe depuis toujours même si on ne le nommait pas comme cela auparavant. On peut dire que cette conception du genius loci se réfère ainsi à une dépendance entre la vie de l’Homme et son

lieu de vie8. C’est une réalité concrète qu’on affronte dans notre vie quotidienne.

« Lorsqu’on rencontre un lieu, son unité a pour premier visage une atmosphère. Chacun sait qu’un lieu exceptionnel se caractérise par une atmosphère ineffable qui émane de chacun de ses éléments et lui confère une personnalité propre, une âme »9.

Genius Loci Matériel « Quand on visite aujourd’hui le Maroc en vue d’étudier l’architecture primitive, ce n’est pas pour mettre en lumière, dévoiler des choses neuves, mais afin de s’y reconnaitre ». Sverre Fehn

Immateriel

Le Genius Loci, alors, est l’ensemble des différents éléments, matériels

et immatériels, qui contribuent à l’identité du lieu. L’identification de ces éléments s’effectue dans un premier temps par la perception de son atmosphère particulière et ensuite par la perception des caractères particuliers qui le déterminent. Giancarlo De Carlo10 raconte dans un de ses voyages dans une ville arabe « C’était l’émotion de me mouvoir et de contempler des lieux qui

me stimulaient parce qu’ils m’étaient étrangers, et aussi parce qu’ils étaient plein de signes, de lumières, d’ombres, d’odeurs, de surprises, de gens qui s’identifiaient pleinement à l’espace : ce n’est sûrement pas en me promenant dans une ville européenne que j’éprouvais autant d’émotion»11. L’émotion naît de l’étrange et l’étrange naît de l’observation d’un rapport à l’espace particulier et inhabituel des habitants. L’émotion ici, est un fait révélateur du Genius loci.

8

On peut remarquer ici l’influence directe de la phénoménologie de Heidegger.   C. Norberg-Schulz, L’art du lieu, 1997, p. 43. 10   Giancarlo De Carlo est architecte et urbaniste italien dont les travaux s’intéressent au lieu. 11   DE CARLO Giancarlo, Architecture et liberté, 2003, p. 37. 9

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LA RECONSTRUCTION DU LIEU


On peut, ainsi, dire que l’esprit du lieu est un caractère approprié avec le temps et qui, avant même d’être saisi et compris intellectuellement, est d’abord ressenti sur le plan émotif. Gregotti, le distingue en tant que «...

ce qui est local et typique du lieu, du singulier, du pittoresque »12. En ce sens, il est unique.

Maroc, Aït Benhaddou. Cette image montre une cohérence des constructions locales avec le paysage naturel où ils se situent. Cette continuité émane d’une architecture à l’écoute du genius loci.

Pour Norberg-Schulz, le lieu peut changer, se transformer, mais il peut garder son « Genius loci ». Par ailleurs, il est évident qu’un lieu peut être interprété de différentes manières. Ainsi, l’architecture a pour objectif de rendre visible ce génie, et le travail d’architecte réside dans la création des lieux signifiants qui aident l’homme à habiter.

« Le genius démontre qu’une chose «existe », ou qu’elle veut exister »13

2.2. La compréhension du caractère du lieu Parler du génie du lieu revient à lui donner une structure, une personnalité, bref un caractère. Il ne suffit pas, cependant, de dire que ce caractère est défini par la constitution matérielle et formelle de son espace. Dans son travail, basé sur les concepts que Heidegger a développés sur l’architecture, Norberg-Schulz développe une phénoménologie du lieu à travers la théorie du «Genius loci». Ce paradigme qui s’interroge sur le lieu en relation avec son observateur joue un rôle fondamental dans la compréhension de l'esprit du lieu. 12

GREGOTTI Vittorio, Le territoire de l’architecture ,1982, p. 56.   C. Norberg-Schulz, Genius Loci: Paysage, Ambiance, Architecture, 1979, p. 18. Le terme « Veut exister » se réfère, ici, aux paroles de Louis Kahn 13

LIEU ET PERTE

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« Le caractère identifiable est une qualité d’interaction entre l’observateur et l’objet observé »14. Dans ce sens, le lieu n’est pas considéré comme une chose en soi, mais en tant que chose perçue par ses habitants. La définition de sa structure suppose, ainsi, la connaissance de trois notions importantes : L’identification sans quoi l’accord avec le lieu est impossible La mémoire sans quoi l’expérience de l’appartenance est impossible L’orientation sans laquelle on ne peut voyager ni atteindre une destination « les lieux ont au moins Ces trois aspects permettent l’accès et l’usage d’un lieu. Ainsi, la trois caractères communs. Ils se veulent compréhension du lieu, loin d’être ambiguë et indéfinissable, est dotée identitaires, relationnels d’une structure qui explique le "comment l’habiter". et historiques ». Marc Augé

La Phénoménologie du lieu

L’identification L’orientation

À quoi les gens se rattachent

Ce que les gens voient

Mémoire

Ce que les gens sont devenus

« Lorsqu’un homme habite, il est simultanément situé dans un espace et exposé à un certain milieu. Les deux fonctions psychologiques contenues dans l’habiter peuvent être appelées l’orientation et l’identification »15.

2.2.a. Mémoire - Les images emblématiques Pour Norberg-Schulz, la mémoire joue un rôle essentiel dans l’utilisation pleine et entière du lieu. C’est en reconnaissant ses éléments premiers, qui sont les points de repère figurés et les traces matérielles, qu’on devient capable de saisir ce que raconte le lieu.

14 15

LYNCH Kevin, Image de la cité, 1999, p.25.   C. Norberg-Schulz, Genius Loci: Paysage, Ambiance, Architecture, 1979, p. 19.

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LA RECONSTRUCTION DU LIEU


« le paysage s’inscrit dans le souvenir à cause d’éléments qui s’en détachent en tant qu’identités distinctes »16. En outre, Le genius loci vient de la mémoire des faits et des gestes de ceux qui sont nés et qui ont vécu dans le lieu précédemment. Marc Augé a aussi reconnu la mémoire comme aspect indispensable du caractère du lieu. Pour lui, toutes les relations inscrites dans l’espace s’inscrivent aussi dans la durée, et les formes spatiales simples ne se concrétisent que dans et par le temps.

« La mémoire — chose étrange ! — dit Bachelard, n’enregistre pas la durée concrète. On ne peut revivre les années abolies. On ne peut que les penser sur la ligne d’un temps abstrait privé de toute épaisseur. C’est par l’espace, c’est dans l’espace que nous trouvons les beaux fossiles de durée concrétisés par de longs séjours. L’inconscient séjourne. Les souvenirs sont immobiles, d’autant plus solides qu’ils sont mieux spatialisés »17.

2.2.b. L’orientation - Espace Dans le but d’assurer l’expérience de la perception d’un lieu, l’Homme doit être capable de s’orienter. Il doit donc savoir où il est et il doit connaitre vers quoi il se dirige. L’espace doit donc posséder une organisation spatiale compréhensible. Le terme Homo Viator signifie « l’homme en chemin ». Il définit l’être humain comme un être toujours en devenir, « en route vers » tendu vers un idéal ou à la poursuite de ses désirs.

« l’orientation est la fonction qui fait de l’Homme devenir cet homo viator qui fait partie de sa nature. » 18 D’après Kevin Lynch, l’identification d’un individu dans l’espace est basée sur l’idée d’orientation, résultant des besoins de se repérer et du désir d’appartenance à un lieu. Cela est possible grâce à certains critères de la qualité visuelle d’une ville: clarté apparente, lisibilité du paysage urbain, structure, identité, signification.

16

C. Norberg-Schulz, L’art du lieu, 1997, p. 47.   Gaston Bachelard, La Poétique de l’espace, 1957, p. 28. 18   C. Norberg-Schulz, Genius Loci: Paysage, Ambiance, Architecture, 1979, p. 22. 17

LIEU ET PERTE

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Lynch a développé les concepts de « nœuds », « parcours » , « limites » et « repères » qui sont l’objet de l’orientation de l’Homme. La relation entre ces éléments constitue « l’image du milieu ». Il dit « une bonne

image du milieu donne à son détenteur un sens de profonde sécurité émotive ». L’orientation dans l’espace, alors, est le cadre où s’exerce la connaissance... En vérité, un sens profond du lieu renforce la conscience que nous avons de notre identité personnelle.

2.2.c. Identification – Les formes caractéristiques « L’identification est la base du sentiment humain d’appartenance à un lieu »19. Arrivée et séjour se réfèrent aux moments d'usage du lieu. Ce dernier commence par l’arrivée et se termine par le séjour ou la rencontre de l’atmosphère du lieu

En addition aux dimensions précédentes de mémoire et d’orientation, il est nécessaire de souligner que « l’habiter » présuppose avant tout l’identification au milieu. Selon Norberg-Schulz « il faut connaître le

comment d’un lieu pour en saisir l’identité. Lorsqu’un paysage est doté d’une qualité naturelle que l’on découvre durant le trajet et à laquelle correspond le lieu fait par l’Homme, « arrivée » et « séjour » deviennent réalité »20. Pour l’auteur, l’identité de l’Homme est en grande partie fonction des lieux. Il ne suffit pas cependant que le lieu ait une structure spatiale qui soit en mesure uniquement de faciliter l’orientation, mais il doit être fait d’objets concrets avec lesquels il est possible de s’identifier. « Un véritable

lieu n’existe pleinement que tant qu’il possède une portée sociale, en termes de pratiques comme de représentations, qu’il s’inscrit comme un objet identifiable, et éventuellement identificatoire, dans un fonctionnement collectif, qu’il est chargé de valeurs communes dans lesquelles peuvent potentiellement, donc pas systématiquement, se reconnaître les individus »21.

19

C. Norberg-Schulz, Genius Loci: Paysage, Ambiance, Architecture, 1979, p. 22.   C. Norberg-Schulz, L’art du lieu, 1997, p. 48. 21   LEVY Jacques et LUSSAULT Michel, Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés, 2003, p. 562. 20

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LA RECONSTRUCTION DU LIEU


L’identification des lieux, de même que leur organisation en structures mentales, permet non seulement aux gens de se comporter utilement mais constitue également une source de sécurité émotionnelle, de plaisir et de bonheur. Une réelle identification suppose que les fonctions psychologiques soient entièrement développées .

2.2.d. Le Lieu et l'Homme L'organisation Spatiale, les

formes caractéristiques et les images conditionnées constituent la structure matérielle du lieu. C'est a travers ces éléments que l’expérience de l'homme dans le lieu demeure.

La phénoménologie du lieu joue un rôle important dans la détermination du caractère du lieu en montrant les différents types de relations de l'Homme avec l’espace. La mémoire, l’orientation et l’identification sont des phénomènes indépendants mais capables de s’associer pour créer le contenu du lieu. Parallèlement, tout lieu doit être doté

d’une organisation spatiale, d’une forme caractéristique et d’images conditionnées afin de garantir cette expérience de présence.

«La phénoménologie prend pour point de départ l’expérience en tant qu’intuition sensible des phénomènes afin d’essayer d’en extraire les dispositions essentielles des expériences ainsi que l’essence de ce dont on fait l’expérience »22

Homme

La Phénoménologie

Le Lieu

La conjugaison de cette philosophie nous a permis de dégager deux aspects fondamentaux à la définition du lieu:

L’expérience de présence au monde de l’être23. La cohérence de cette expérience avec le rapport à l'espace. Dans cette dualité, le lieu devient « principe de sens pour ceux qui

l'habitent et principe d'intelligibilité pour celui qui l'observe »24.

22

Edmund Husserl   "L'être au monde" est un terme basé sur le dasein de Heidegger. Il signifie que la vie a lieu en tant que événement et en tant qu'action. 24   Marc Augé, Non-lieu. Introduction à une anthropologie de la surmodernité, 1992, p. 48. 23

LIEU ET PERTE

25


3. LA PERTE DU LIEU 3.1. De "la perte d’ordre" à "la perte du lieu" Depuis la seconde moitié du 20è siècle, les pensées architecturales ont subit des changements profonds avec l’avènement du mouvement moderne. Les qualités « traditionnelles » qui les caractérisaient se sont altérées, voire ont totalement disparu pour céder leur place à

des qualités modernes qui servent une architecture soudainement dépourvue de résonance puis poussée par le fonctionnalisme et la promesse technologique. Les concepts comme « lieu, identité et mémoire » étaient considérés comme relevant d’une conception fermée ou dépassée et mis à l’écart. Le lieu devient alors une simple surface soumise aux règles strictes d'une architecture rationnelle qui considère le lieu comme surface pour l'occuper, le subordonne aux théorèmes et à la raison scientifique.

« On ne cherche plus à doter un lieu d'une signification, d'un sens, mais on cherche à le neutraliser. Il devient fade, banal, sans qualité. Il ne raconte plus rien d'intéressant, on ne le regarde plus, il est insignifiant. »25

Abondon du topique

Pantopie moderne

Architecture atopique

Architecture singulière

Architecture mondiale

Architecture universelle

L'architecture topique s'adapte au lieu. L'architecture atopique ne tient pas compte du lieu. L'architecture pantopique est universalisable à tous les lieux. Elle se définit comme un palimpseste, à partir d'un lieu.

Le retrait de l'influence de la spécificité du lieu sur l'architecture au bénéfice d’une architecture partout reproductible à l'identique, compromet l'identité du lieu de manière incontestable. Ce fait implique avant tout que le lieu ait perdu ou soit en train de perdre son identité, tant du point de vue de ses limites que de son caractère. On parle ici, de la « perte du lieu »26.

25

SENNETT Richard, entretien pour, Institut d'urbanisme de Paris, novembre 1994. http://univ-paris12.fr/1134756867528/0/fiche___article/&RH=URBA_1Paroles 26   C. Norberg-Schulz, L’art du lieu, 1997, p. 37.

26

LA RECONSTRUCTION DU LIEU


la notion d’«ordre» se réfère, selon NorbergSchulz, à une oganisation adaptée au contexte naturel et à la fonction qu’elle se veut de remplir

Cette attitude de négligence des particularités locales a donné naissance à une architecture atopique qui a généré une homogénéisation perpétuelle du territoire. les lieux, les villes, les édifices tendent à se ressembler et à être interchangeables. La ville moderne a perdu son « ordre ».

Perte du lieu

La ville moderne

Perte d'ordre

« Aujourd’hui, la ville est si proliférante que l’on ne sait plus où commence ni s’achève le lieu ; elle est en outre encore trop hétérogène pour pouvoir transmettre une impression d’unité. Quand la limite disparaît, l’aire, l’habitat ou, mieux, le lieu, perd en identité ; dans le même temps, l’arrière plan que constitue le paysage, propriété très importante, se délite à son tour »27

Minoru Yamasaki. Quartier d'habitat social Pruitt-Igoe, Conçu en 1950 aux États-Unis, Missouri, Saint-Louis.

27

Construite durant l'apogée du modernisme, cette collection de tours résidentielles devrait représenter le triomphe de la conception architecturale rationnelle face à l'intensification de la pauvreté. La démolition du complexe, en 1976, a été immortalisée par Charles Jencks comme la "mort de l'architecture moderne".

Ibid., p. 37.

LIEU ET PERTE

27


3.2. La perte du lieu Face à ces changements du monde qui créent les sentiments d'instabilité, d'incertitude, les penseurs trouvent de nouveaux termes pour désigner la situation contemporaine tels que la « terre désolée » de Norberg Schulz, « JunkSpace » de Koolhaas ou les « non-lieux » de Mark Augé. On essaye, dans la partie suivante, de s'interroger sur les trois notions afin de dégager les critères d'identification d'un « lieu en perte ».

3.2.a. La Terre désolée Pour assurer la continuité de notre réflexion théorique et mieux illustrer le phénomène de perte du lieu, on étudie au préalable le terme de « terre désolée ».

« … Une « terre désolée », incertaine, dénuée de tout caractère; l’espace ne se concrétise pas, les bâtiments épars demeurent indéchiffrables, il émane de tout cela une impression affligeante »28. Pour Norberg-Schulz la terre désolée signifie un espace dont les strates matérielles ne tendent pas vers l’immatérialité signifiante du lieu. C’est pour cela que la compréhension de ces espaces est difficile ou « indéchiffrable ». Autrement dit, quand la coexistence entre les constitutions matérielles et les constitutions immatérielles du lieu est Atelier Olschinsky Grafik, interrompue par une architecture conçue par elle-même, le lieu perd Martian, 2017.

sa cohérence voire son « ordre » et le fait d’habiter ces lieux devient infaisable.

La perte du lieu

Constitution matérielle

Constitution immatérielle

Espace-Forme-Figure Structure du lieu

Identité-histoire-sens Caractère du lieu

« Le concept d’aliénation implique une perte d’appartenance et il n’est pas facile d’appartenir à, un lieu en train de s’évanouir ». 28 29

« Lorsque ce monde s’évanouit quand bien même l’univers viendrait à nous par l’intermédiaire des images et des médias, la relation de l’individu avec le lieu se complique et l’aliénation demeure puisque il n’existe plus rien qui soit proche et doté de sens »29.

C. Norberg-Schulz, L’art du lieu, 1997, p. 38.   Ibid., p. 39.

28

LA RECONSTRUCTION DU LIEU


Affirmer que l’identité de l’Homme est en grande partie rattachée à celle du lieu, signifie que la perte du lieu est la cause directe de la perte d’appartenance. Ce sentiment reflète la rupture entre vie et lieu.

3.2.b. Junkspace « JunkSpace » est un néologisme inventé par Rem Koolhaas, défini en tant que «ce qui reste une fois que la modernisation a accompli

son œuvre ou, plus précisément, ce qui coagule pendant que la modernisation suit son cours: sa retombée »30. Pour Koolhaas, le junkspace est le dommage collatéral de la modernité. Il est « le produit de la rencontre de l’escalator et de la climatisation, conçu dans un incubateur en placoplâtre »31. Il s’étend sans contrôle et colonise la ville et l’espace. Le Junkspace se crée de lui-même. Il se construit à partir d' éléments identiques répétitifs qui n’ont aucun rapport avec la ville ou l’histoire. On les trouve partout, tout le temps, souvent là où on ne les attend pas. « L'histoire corrompt, l'histoire absolue corrompt absolument… La

couleur et la matière sont éliminées de ces greffes anémiées : le fade est devenu le seul terrain de rencontre entre l'ancien et le nouveau »32. Pour Koolhaas, le Junkspace est unifié non par sa structure mais par sa peau, comme une bulle. Il est toujours intérieur, et tellement extensif Riccardo Vecchio, Großstadt (ville), 2004.

qu'on en perçoit rarement les limites. On ne voit pas en lui une fin mais un état transitoire, temporaire, qui devrait amener à un autre état, mais cet autre état ne vient pas. « Le junkspace est un espace très difficile

à comprendre, il nous perd et nous rend incertain de l’endroit où nous sommes et celui où nous allons »33.

30

KOOLHAAS Rem, Junkspace : Repenser radicalement l'espace urbain, 2011, p. 21.   Ibid., p. 82. 32   Ibid., p. 100. 33   Coralie VERNAY, article intitulé " Rem KOOLHAAS, Junkspace", 2001, p. 2. http://coralievernay.weebly.com/uploads/2/6/6/3/26637717/junkspace_-_coralie_vernay.pdf 31

LIEU ET PERTE

29


Au contraire du délaissé, Il est utilisé et plein de « consommateurs »34 qui investissent l’espace. Cependant, il est désinvesti moralement et dénué de sens, d’ordre et de signification. Il ne présente alors pas un lieu vécu, mais des espaces de « passage ».

« Notre souci des masses nous a rendus aveugles à l’architecture des gens »35. Le junkspace fait semblant d'unifier, mais en réalité, il disperse. Il crée des communautés, non pas à partir d'intérêts communs mais d'identités statistiques et de données démographiques imposées. « Le junkspace

connaît toutes vos émotions, tous vos désirs... il proclame sans gêne comment il faut le lire : riche, étourdissant, cool, immense, abstrait, minimal, historique... ils savent tout de vous, sauf qui vous êtes »36.

Daniel Chazme, MEGAPOLIS Dynamic growth, 2013.

Daniel Chazme, Megapolis: City levels 2, 2013.

Daniel Chazme, Megapolis, 2012.

« Le junkspace est post-existentiel ; il vous fait douter du lieu où vous êtes, obscurcit le lieu où vous allez, efface le lieu où vous étiez »37 34

Lorsque KOOLHAAS veut mentionner l’habitant, il parle du « consommateur ». La façon dont Rem KOOLHAAS écrit Junkspace peut s’apparenter au Junkspace lui-même. Sans pauses, debuts ou fins, le livre épuise les lecteurs. Cela nous permet de vivre le Junkspace en le lisant. 35   KOOLHAAS Rem, Junkspace : Repenser radicalement l'espace urbain, 2011, p. 82. 36   Ibid., p. 103. 37   Ibid., p. 101.

30

LA RECONSTRUCTION DU LIEU


3.2.c. Non-lieu A l'égal du « Junkspace », la notion du « Non-lieu » expose les problèmes d’une architecture de plus en plus soumise aux règles de la consommation. Il s'agit encore d’un constat de l’espace bâti, d'une analyse du monde actuel. Mais ce qui nous intéresse dans cette notion c’est la recherche attribuée au caractère de ces espaces.

Marc Augé trouve les aspects représentatifs des non-lieux dans un monde trop influencé par les médias et le culte de l'individualisme

« Ces espaces (les non-lieux) correspondent à une situation de surmodernité, caractérisée par le triple excès mentionné plus haut : excès événementiel, lié à l'influence des médias, excès d'images, sous la même influence, excès d'individualisation, lié à l'affaissement des cosmologies collectives »38. le Non-Lieu, dans sa totalité, souffre de l’absence de présence au monde, vu qu’on ne l'utilise ni l'investit émotionnellement. Il serait donc une absence du lieu à lui-même, un espace « non-pratiqué ». Du point de vue de M. Augé, un non-lieu est l'espace des autres sans la présence des autres « Ce qui manque au non-lieu pour être lieu est l'autre et sa

Daniel Chazme, Recycles'diptych, 2014.

présence ». Néanmoins, en lui donnant une dénomination, on lui impose des caractères et une identité, nous dispensant ainsi de penser ce type de « lieu ». « Si un lieu peut se définir comme identitaire, relationnel et historique, un espace qui ne peut se définir ni comme identitaire, ni comme relationnel, ni comme historique définira un non-lieu »39. Ces espaces se définissent comme : Non-Historique N’ont aucun rapport avec l’histoire et la mémoire collective des gens.

Non-Identitaire N’assurent aucune continuité avec leur contexte physique et social.

Non-Relationnel

Ne sont pas des espaces de rencontre et ne

construisent pas des références communes à un groupe. 38 39

AUGE Marc, Non-lieux, Introduction à une Anthropologie de la Sur-modernité, 1992, p. 69.   Ibid., p. 100.

LIEU ET PERTE

31


le non-lieu, alors, est un lieu sans nom, qui n'a pas d'identité qu’on peut nommer, reconnaitre et apprécier. Cependant saisir son caractère nous permet de distinguer les non-lieux des lieux dans une ville où la frontière entre ces deux derniers s’estompe rapidement. Le terme non-lieu est associé à des espaces qui n’existent que par le mot qui les évoquent. Ils constituent des lieux imaginaires voire non identifiables. Le non-lieu est le contraire absolu de l’utopie. Mais ces espaces existent réellement dans notre vie et notre ville.

Daniel Chazme, Perfect Silence, 2018.

«… il faut en conclure que dans le monde de la sur-modernité on est toujours et on n’est plus jamais « chez soi » »40.

3.2.d. Synthèse Bien que ces notions ne désignent pas le même type d’espace, dans le sens où « junkspace » se réfère surtout aux mégastructures et « nonlieu » aux espaces de transit, de commerce et d’industrie, ils ont tous traité la même problématique de perte du lieu. Ainsi, l’examen de ces trois notions nous a permis dans un premier temps de dégager en quoi consiste cette perte du lieu et son impact sur la nature qualitative du lieu. Par ailleurs, on a essayé de relever ses répercussions sur l’histoire, la ville, l’identité et l’Homme à travers le « junkspace », pour terminer par la saisie des éléments déterminants du caractère de ces espaces en se référant aux travaux de Marc Augé.

40

AUGE Marc, Non-lieux, Introduction à une Anthropologie de la Sur-modernité, 1992, p. 136.

32

LA RECONSTRUCTION DU LIEU


CONCLUSION Face aux pensées radicales des modernistes le recours à la notion du lieu est primordiale à la remédiation de la ville. La modernité a beaucoup influencé la perception du monde, mais le rapport avec le lieu est toujours resté comme un enjeu important dans l'architecture.

« Plus nous serons téléprésents et mondialisés plus nous aurons besoins, en retour, de lieux pour habiter »41 L'intérêt porté aux lieux en perte de signification est, paradoxalement, leur potentiel d'être des « réserves urbanisables». La question de reconstruire ces lieux dans la ville d'aujourd'hui, offre l’opportunité de

répondre aux besoins actuels des habitants et de concevoir des espaces libres, ouverts et réfléchis, essentiellement par rapport à leurs pratiques sociales, leurs cultures et leurs vécus. Ils marquent, ainsi, la possibilité de réconcilier Homme et architecture, usager et bâtiment, construction et environnement. Reconstruire le lieu

Lieu en perte

Lieu habité

Mais, en vue d'aboutir à cette reconstruction le lieu doit être abordé principalement comme un mode de résolution et non pas comme modèle de résolution des problème contemporains. Il s’agit donc de déchiffrer le lieu par l’étude de ses strates abstraites: l’identité, l'histoire, l'environnement… D'ordonner, de dimensionner, et de comprendre le comportement physique et les expériences émotionnelles de ses usagers, avant de le transformer pour ne pas finir par l’imitation de ses traces matérielles. L'organisation de l'espace doit commencer par l'idée du lieu.

41

"Préface de Jean-Pierre Le Dantec" C. Norberg-Schulz, L’art du lieu, 1997, p. 15.

LIEU ET PERTE

33


C H A P I T R E II ETUDE DU LIEU Ce chapitre présente le diagnostic du contexte d’intervention. Nous allons, dans un premier temps, aborder un aperçu historique de la ville afin d'étudier les mutations et leurs répercussions. Ensuite, nous nous focaliserons sur le lieu Chott El Krekna dans le but de saisir les ruptures qui menacent ce lieu à travers une lecture historique, urbaine et sociale. On s’intéresse à le démontrer comme un lieu en perte de sens comme première étape à sa remédiation.

34


Š Prise Personnelle Sfax, Chott El Krekna, Le MarchÊ Central

35


CHAPITRE II : ETUDE DU LIEU  1. LA VILLE DE SFAX Située sur la côte orientale de la Tunisie au nord du golf de Gabes à environ 270 km de Tunis, la ville de Sfax est côtoyée par les gouvernorats de Gabes, Sidi Bouzid, Kairouan et Mahdia. Elle est bordée à l'est par la méditerranée avec une étendue de 220 km. • Population actuelle de l’agglomération : 600 000 habitants • Surface actuelle de l’agglomération : 21 000 hectares La ville s’est développée grâce aux richesses dont elle est dotée. Sa position géographique au centre du pays et sa large ouverture sur la méditerranée ont favorisé son rôle économique important sur la scène Carte de la tunisie

nationale. L’activité économique de la ville est basée, actuellement ,sur trois axe majeurs: l’industrie, l’agriculture et les services.

1.1. Sfax, Pré-colonisation Durant cette époque, Sfax avait un système urbain équilibré composé de trois éléments complémentaires: la Médina, les Jnens et la mer. La Médina de forme quadrilatère, est caractérisée par son plan orthogonal régulier et par la centralité de sa grande mosquée qui jouait à la fois le rôle d’un lieu de culte, de culture de sociabilité. Elle est dotée d’un axe principal qui relie les 2 portes originales sud (Beb el Diwan) et nord (Beb Djebli) et qui assurent à leur tour la connexion avec la mer et les jnens.

Plan de Sfax, La ville arabe 1881, www.gallica.bnf.fr

36

LA RECONSTRUCTION DU LIEU


La mer représentait pour la ville simultanément, une source de richesse et une source de danger. Cette dualité paradoxale a limité l’exploitation de la mer aux activités commerciales, militaires et de pêche. Mohamed Fendri a déclaré à ce propos « la ville de Sfax a, à l’origine tourné

le dos à la mer », en référence à l’absence des habitations et des activités de plaisance de ce coté. Mais cette situation n’a pas empêché l’élargissement des échanges commerciaux et le développement de la culture maritime chez les habitants.

1881

Sfax, vue panoramique des ramparts en 1881. D'après les croquis des correspondants du journal "L'illustration" n°2007 du 6 août 1881.

Les Jnens, de l’autre côté, sont des terres agricoles qui entouraient la médina. Les habitants y déménageaient pendant l’été pour la récolte des fruits, principalement les olives et les amandes. Au sein de ces terres on trouve «Des maisons de campagne fortifiées et noyées dons la verdure de jardins paradisiaques» qui s’appelent les Borjs. Ces derniers étaient perçus comme « blancheur éparpillée dans la verdure » et vécus comme des lieux de production et de convivialité. Ils reflètent en grande partie la culture agricole des habitants, voire leurs pratiques sociales.

Sfax, Borj Lehiani, Restitution digitale personelle, © Zaher Kammoun

etude du lieu

37


Les premiers Borjs dataient du 17ème siècle. Ils jouaient, au début, un rôle défensif et se sont caractérisés par leurs ouvertures étroites, une base de plan carrée et leurs murs inclinés. Petit à petit, ils ont évolué pour devenir des habitations permanentes pour les habitants et de nouveaux éléments y ont été rajoutés.

1.2. Sfax coloniale La colonisation a engendré deux moments principaux dans la transformation de la ville : la création du quartier colonial et

l’implantation des établissements industriels.

1940

Carte postale de l'avenue Hedi Chaker située dans le quartier colonial de Sfax.

En ce qui concerne la ville coloniale, les colons français ont décidé d’éviter toute interaction spatiale avec le tissu médinal et le quotidien des habitants. Le nouveau quartier « Beb Bhar » consistait en la création d’un nouvel environnement qui offrira le maximum d'avantages aux immigrants européens et qui facilite le contrôle des locaux hors de la médina. Ainsi, plusieurs équipements publics on été conçus ,au sein du quartier, comme la municipalité, le marché central, et le théâtre municipal.

38

LA RECONSTRUCTION DU LIEU


La construction de la

ville coloniale est passée par 3 moments

architecturaux majeurs • Le refus de l’identité locale et le triomphe du style néo-classique. • L’essai d’intégration par l’imitation de l’architecture arabomusulmane et la répétition formelle des dômes et minarets. Ce qu’on appelle le style arabisance ou néo-mauresque. • La naissance du mouvement de reconstruction tunisienne en 1940 avec Bernard Zehrfuss et son équipe*. C’est un hybride entre architecture moderne et particularités locales. Ces moments ont donné naissance au métissage stylistique qui caractérise le quartier aujourd’hui.

1943

Plan d'aménagement de Sfax en 1960.

En outre, la colonisation française a voulu faire de Sfax une place économique et de négoce importante à travers l'exploitation de la plaine, l’implantation des industries et la construction du port commercial et industriel.

etude du lieu

39


Le processus a commencé par la construction du port commercial en face du tissu colonial, suivi par la construction des usines (principalement la SIAPE) en juxtaposition aux équipements portuaires. Ce fait a engendré le sacrifice d’une grande partie du littoral au profit de l’industrie.

1.3. Sfax Post-indépendance 1.3.a. Littoral Perdu Afin de répondre aux exigences croissantes des activités économiques, les ports et les usines se détachaient graduellement du grouillement de leurs contextes urbains pour se concentrer sur leur expansion. Peu à peu, ce phénomène a engendré la création d’une frontière sur le plan spatial entre activités portuaires et activités urbaines, ainsi que le sacrifice total du littorale. Comme conséquence, la ville a totalement perdu son contact direct avec la mer.

La ville

Zones industruelles

Rupture Spatiale

La Mer

Sacrifice du littoral

1.3.b. Etalement peu contrôlé L’étalement urbain s’est accéléré brusquement durant la période postcoloniale. Cela a généré une forte consommation de l’espace qui a engendré la disparition des vides dans la ville. Particulièrement les Jnens qui étaient une vaste plaine, sont devenus des petits jardins ou ont même totalement disparu dans certains cas.

2006

Salem Dahech,Les grandes étapes de l'étalement urbain de l'agglomération de Sfax.

1987

1955

Cet étalement est généralement non planifié et hors du territoire administratif de la ville. Il est accompagné, alors, par plusieurs dysfonctionnements et problèmes environnementaux et la ville n’est plus en ordre.

40

LA RECONSTRUCTION DU LIEU


1.4. Synthèse 1881

1897

La Médina

Equipement idustriel

Quartier Colonial

Nouveau batiments

Développement de la médina et naissance du Rbat el qebli.

1943

Genèse des ports de commerce et de pêche et la construction des premiers équipements industriels.

Construction du quartier colonial de forme rectangulaire en face de la médina.

2019

Expansion massive des zones industrielles et la perte totale du littoral.

Actuellement, le paysage urbain de la ville est en grande partie défiguré par l’omniprésence des activités industrielles tout au long du littoral et l’étalement peu planifié des habitations. Cette situation s’est encore aggravée par l’émergence de l’industrie « plus moderne » qui nécessitait, parfois, la délocalisation des ports et usines hors de leur noyau originel.

etude du lieu

41


L’une des répercussions de ce phénomène de désindustrialisation a été la naissance des zones de dégénérescence, d’interstice, faisant apparaître plus ou moins vite des friches industrielles et portuaires. Ces espaces oubliés voire impensés créent des moments de ruptures identitaires et urbaines au sein de la ville. Parmi les cas les plus marquants dans la ville de Sfax, on cite la délocalisation de l’usine SIAPE, le port industriel et commercial et de l’ancien port de pêche (Chott El Krekna, notre cas d’étude). Ces espaces se caractérisent par leur surface importante et remettent en question l’avenir du centre ville de Sfax. Toutefois, malgré leurs effets négatifs sur la perception des lieux ces interstices constituent des « réserves urbanisables » importantes. Ils présentent un potentiel

de régénération urbaine extrêmement

fort, et doivent être analysés en profondeur pour comprendre plus spécifiquement leur dynamique de fonctionnement et comment les (re) construire.

42

LA RECONSTRUCTION DU LIEU


2. CHOTT EL KREKNA 2.1. Introduction Le petit port de pêche, appelé aussi Chott el Krekna en référence au rôle qu’il a joué comme point de contact entre l’ile de Kerkennah et Sfax, est l’un des repères emblématiques de la ville. Il est marqué par sa grande surface et sa situation en plein centre ville. Sa présence est un témoignage de la culture maritime de la ville.

2.2. Lecture Historique 2.2.a. Genèse du port Avant la colonisation française, le port de Sfax n’était qu’un simple quai flottant en bois de 50 m de long. En 1887 et suite à la découverte des gisements de phosphate, les colons ont décidé de construire deux ports séparés: l’un dédié à l’activité industrielle et l’autre à l’activité de pêche.

1907

La construction du port de pêche a commencé en 1907. il a été constitué d’un simple chenal en face du « Beb el Kasbah » de la médina.

1919

En 1919, le chenal a été prolongé tout au long du quartier colonial et une première darse a été creusé.

1924

En 1924 et à l’issue de l’étalement du quartier colonial, le port de pêche s’est transformé en sa forme actuelle structuré par 2 darses portés à 4m de profondeur et un chenal d’entrée.

1943

En 1943, des rails ont été ajoutés ainsi qu’un pont mobile qui assure l’accessibilité des barques.

etude du lieu

43


Synthèse graphique

1907

1919

1924

1943

2.2.b. La mémoire du port Jusqu'à la fin du 20e siècle, l’ancien port de pêche était caractérisé surtout par sa multifonctionnalité . Parallèlement à son rôle de réception des barques et des pécheurs, Chott El Krekna a été vécu comme un lieu

de commerce et de rencontre grâce à sa position en face du marché public. Il a servi, alors, comme une extension maritime de ce dernier; Un espace public où s’exercent, à ciel ouvert, les activités maritimes et commerciales dispersées tout au long de ces quais. Le Port a présenté, aussi, une charnière entre la ville de Sfax et l’ile de Kerkennah. Les scènes du quotidien du port en témoignent, comme

un lieu lien entre les deux entités. Les habitants de l’île venaient, fréquemment, pour l’échange et l’exposition de leurs marchandises. De cette manière, les quais du port ont été transformés en des espaces

d’échange, de sociabilité et d’interactivité entre les habitants. Carte postale montrant une scène du quotidien au bord des quais de l'ancien port de pêche de Sfax "Chott el Krekna". Prise en 1940

44

1940

LA RECONSTRUCTION DU LIEU


Léandre Vaillat a décrit le vécu du port « C'est l'heure où rentrent les

barques... J'assiste au déballage de la pêche, j'entends les poissons tomber un à un, sur les pavés, avec un bruit mou. De grandes corbeilles, formées de cerceaux que rattachent des cordelettes, sèchent au soleil. Le long du quai, les marchands trient avec soin les éponges pêchées par les Grecs, dans les parages des îles Kerkennah. A la porte du marché, les Israélites achètent des coquillages blancs qu'ils réduiront en poudre, afin de polir les bijoux et de les rendre plus brillants»42.

1907

Carte postale montrant une scène du quotidien au bord des quais de l'ancien port de pêche de Sfax "Chott el Krekna". Prise en 1907

Durant cette époque, la relation entre Sfax et le port de pêche était perçue comme un système basé sur la complémentarité de leurs différentes fonctions. Chott el kerekna constituait pour la ville une

interface d’échange, de sociabilité et de production tournée vers la culture maritime.

La Mé moire du port

Lieu de Sociabilité

Continuité urbaine

Production

La mémoire du Chott el Krekna est en grande partie révélatrice d’une

coexistence entre lieu et vie. Cette dualité émane d’une cohérence entre les caractères identificateurs du lieu étudié. Ainsi notre lecture l’a qualifié comme lieu de sociabilité, de continuité urbaine et de production

tournée vers la culture maritime.. 42

Léandre Vaillat, Le collier de jasmin, 1946, p. 143.

etude du lieu

45


2.2.c. Mutations A l’issue de la construction d’un nouveau port de pêche en 1981 et le dysfonctionnement du pont mobile, l’activité maritime a été définitivement délocalisée du Chott El Krekna vers le nouveau port. Autrefois vécu comme un lieu de sociabilité et de rencontre, l’ancien port de pêche est devenu un espace abandonné sans vrais rapports avec

les habitants et la ville. Situé dans un milieu quasi-industriel, le port a été voué à l’industrie subversive des usines avoisinantes. Il a été employé, ainsi, comme un parking des camions, un dépôt de conteneurs ou même une extension des hangars. Cette nouvelle condition ne fera malheureusement qu'aggraver la situation de l’ancien port, qui tombera progressivement dans l’incertitude et dans l’oubli.

2016

Prise de Chott el Krekna sacrifié en parking pour les camions © Thibault Moncorger

En regard de cette situation, plusieurs associations ont essayé de réanimer le port à travers l’organisation des actions de nettoyage, des évènements artistiques et des spectacles. En dépit de leur importance ces interventions restent toujours très occasionnelles et éphémères, ainsi que non suffisantes à rendre Chott el Krekna à sa place originelle.

46

LA RECONSTRUCTION DU LIEU


2.2.d. Rupture Historique Est ce qu'on peut qualifier, alors, la présente situation de Chott El Krekna comme une rupture historique? Bien évidemment oui! La mémoire du lieu a été beaucoup banalisée par cette durée d’abandon de 38 ans, sa position à proximité de la zone industrielle et l'absence d'une vision claire de réinvestir l'espace. Chott El Krekna, jadis, élément majeur dans la mémoire collective des habitants, est aujourd'hui complètement délaissé et dénué de sens. Il n'est finalement plus fait pour rien, la ville et ses habitants n'attendent plus rien de ce lieu. Il est tout simplement tombé dans l'oubli.

Rupture historique Perte d'activité

Délaissement

Durée d’abandon

Oubli

«Le souvenir est une belle chose quand il rappelle un bonheur accompli, mais dans la vie, où tout n'est pas en rose, souvent on lui préfèrerait l'oubli »43.

43

Paul de Kock, Il vaut mieux oublier, 1864.

etude du lieu

47


2.3. Lecture urbaine 2.3.a. Contexte Après avoir présenté le contexte historique de Chott El Krekna, nous nous intéressons à la lecture de son environnement bâti aux fins de mieux comprendre sa situation actuelle. Le contexte urbain de Chott El Krekna montre une multiplicité de repères religieux, administratifs, commerciaux et historiques. Cette diversité est justifiée par la proximité du quartier colonial et la médina et témoigne d'une pluralité fonctionnelle très importante qui s'articule autour du lieu étudié. 1. La médina 2. Grande mosquée 3. Beb El Jebli 4. Beb El Diwan 5. Souk Kriaa 6. Sfax El Jadida 7. Projet Taparura 8. La poste 9. La gare 10. Maison de France 11. Municipalité 12. Hôtel: Les Oliviers 13. Port de Commerce 14. Port de Pêche 15. Église Saint Pierre et Saint Paul 16. Complexe des jeunes 17. Marché central 18. Foire De Sfax 19. Gare maritime 20. Gare de louage 21. Synagogue 22. Église orthodoxe

Recensement des repères et édifices avoisinants de Chott El Krekna. Plan du centre-ville de Sfax.

48

LA RECONSTRUCTION DU LIEU


En outre, le territoire urbain environnant se caractérise par l'hétérogénéité

de ses secteurs. Chott El Krekna est situé d'une part en face des zones industrielles et portuaires et d'une autre part en continuité avec le tissu colonial. Cette situation offre à la fois des potentiels et des ruptures

urbaines marquantes de notre lieu d'étude.

Plan du centre-ville de Sfax. Les différents secteurs avoisinants le lieu d'intervention.

Dans la partie suivante on essayera de déchiffrer cette dualité en se basant sur le concept d'imagibilité que Kevin Lynch définit en tant que « La qualité grâce à laquelle il y a de grandes chances de

provoquer une forte image chez l'observateur. C'est cette forme, cette couleur ou disposition qui facilitent la création d'images mentales de l'environnement vivement identifiées, puissamment structurées et d'une grande utilité »44. 44

LYNCH Kevin, Image de la cité, 1999, p.11.

etude du lieu

49


2.3.b. Zones et limites

3

2

Plan des zones et des limites spécifiques au lieu d'étude

1

De part son hétérogénéité, le paysage urbain de Chott El Krekna se présente avec plusieurs limites industrielles et portuaires qui marquent une coupure avec le quartier colonial. La voie ferrée et la façade du port constituent une limite fonctionnelle et visuelle entre le tissu urbain et la zone portuaire. Ils laissent Chott El Krekna en relation incertaine avec ses alentours et montrent une rupture spatiale.

1

Coupe en perspective sur la rue Jamal Abdennaser

50

LA RECONSTRUCTION DU LIEU


150 m

2

La façade du dépôt industriel "le comptoir Sfaxien".

La façade du dépôt industriel se définit comme limite amorphe. Elle est constituée d'une clôture sans ouvertures de 2m de hauteur et s'étale sur 150m de largeur. Qualifié aujourd'hui comme friche laissée à l’abandon, le dépôt n'assure aucune continuité avec son contexte et présente un fragment figé dans l'urbain

3

Vue sur les lignes de chemin de fer polluées par les déchets chimiques

Les lignes de chemin de fer s'étalent tout au long du front marin de la zone d'étude et se présentent comme un élément marquant du début de la zone portuaire. Ces éléments forment dans leur totalité des limites séparatrices entre zones urbaines et industrielles. Ils témoignent du détachement du port

et des usines de leur environnement bâti.

etude du lieu

51


2.3.c. Paysage urbain

B

C

A

A D

D Localisation des coupes et des façades sur le plan de l'environnement bâti de Chott El Krekna

B

C

La lecture de la dimension verticale d'une ville participe à la compréhension de sa perception. Au premier abord, on peut noter le contraste entre paysage urbain, portuaire et industriel. Le contexte présenté de Chott El Krekna montre

un environnement bâti tout à fait hétéroclite.

Coupe A-A

Avenue Habib Achour

Coupe D-D

Avenue Hédi Khefacha

52

LA RECONSTRUCTION DU LIEU


Skyline de l'avenue Ali Bach Hamba

Skyline de l'Avenue Habib Achour

1964 Autrefois né des concepts de juxtaposition, de continuité et d'horizontalité, le paysage urbain de chott el Krekna a subi plusieurs mutations en terme de morphologie.

2019 Les skylines des façades actuelles montrent l’irruption de la hauteur dans le tissu urbain. Cela a engendré la désorganisation de la structure urbaine et la dévalorisation des repères historiques et anciens édifices en faveur des immeubles génériques de R+6 et

Comparaison des vues de l'avenue Habib Achour entre R+8 reproductibles partout. 1964 et aujourd'hui.

etude du lieu

53


B

C

A

A D

D Localisation des coupes et des façades sur le plan de l'environnement bâti de Chott El Krekna

B

C

« Il y a certes de l'horizontalité dans la Ville Générique, mais elle est sur le point de disparaître. Elle réside dans l'histoire qui n'est pas encore effacée »45. De part leurs hauteurs imposantes, ces bâtiments sont reconnaissables au premier coup d’œil et se présentent comme des monuments emblématiques. Mais en réalité, ce sont des immeubles bureautiques qui occupent le front marin du quartier colonial et défigurent le paysage.

Coupe C-C Rue Jamal Abdennasser

Coupe B-B

Avenue Ali Bach Hamba   KOOLHAAS Rem, Junkspace : Repenser radicalement l'espace urbain, 2011, p. 60.

45

54

LA RECONSTRUCTION DU LIEU


Vue du paysage portuaire de la rue Jamal Abdennaser

Parallèlement, le paysage portuaire est composé de façades peu ouvertes ou, dans certains cas, aveugles. Ils expriment une discontinuité paysagère et formelle avec leur contexte urbain. L'insertion des bâtiments génériques a beaucoup profané le milieu urbain et son identité. Le paysage portuaire de son côté constitue une limite perceptive du lieu étudié. Ceci génère des ruptures spatiales et visuelles. In fine, Chott El Krekna est situé aujourd'hui dans un environnement bâti en rupture paysagère et typologique. Néanmoins il y a encore la présence de plusieurs repères et édifices historiques comme le marché central. ²

etude du lieu

55


2.3.d. Nœuds et voiries

3 2 1

Localisation des nœuds et des voiries sur le plan du tissu urbain de Chott El Krekna

La zone urbaine de Chott El Krekna se caractérise par une multiplicité de voiries qui relient l'ancien port de pêche au quartier colonial et à la médina. Ce faisant, on se trouve avec une variété de nœuds qui s'ouvrent sur le lieu et contribuent à son imagibilité.

1 56

Coupe en perspective sur la rue Mohsen Kallel

LA RECONSTRUCTION DU LIEU


2 Coupe en perspective sur l'avenue Habib Achour

Les différentes voies du tissu étudié sont hiérarchisées non seulement en termes de gabarit mais aussi selon le rôle de chaque voie dans la structuration du paysage urbain et en fonction de leur fréquentation. On observera à ce propos que l'avenue Habib Achour a été marquée par sa largeur en rapport à son rôle historique de liaison entre Beb el Kasbah et Chott El Krekna. Jusqu’à aujourd'hui elle se caractérise par sa fréquentation et offre plus de dynamique au lieu étudié. En contre partie l'observation de la rue Jamal Abdennaser montre une voie moins importante en termes de fréquentation, en raison de sa position en juxtaposition à la zone industrielle.

3

Coupe en perspective sur la rue Jamal Abdennaser

etude du lieu

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2.3.e. Morphologie urbaine L’objet de la morphologie urbaine est la forme urbaine.

Les Bâtiments Les différentes strates du tissu urbain du centre ville de Sfax

L e s Vo i e s

Les Parcellaires

Notre lecture consiste à relever les différentes strates (trame viaire, parcellaires et bâtiments) qui composent le tissu urbain étudié. Ainsi, la conjugaison de ces éléments montre que Chott El Krekna est situé en continuité avec le quartier colonial et se présente comme un

vide urbain dans son contexte. Le terme "vide" fait écho au cadre bâti et au caractère de plein qui l'entoure. Il implique l'absence de matière et non pas de sens. On peut conclure alors que Chott el Krekna présente un espace au caractère distinct qui, par sa forme vide, peut participer positivement à la perception que nous avons de la ville.

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LA RECONSTRUCTION DU LIEU


2.3.f. Conclusion La lecture urbaine de notre lieu d'étude montre qu'il oscille entre rupture et continuité.

Continuité

Contexte urbain

Rupture

Continuité car, Chott El Krekna offre par sa morphologie urbaine et sa forme une configuration spatiale unique au centre ville de Sfax. Défini comme étant un vide urbain, Il est porteur de plusieurs potentiels dans son contexte. De part sa proximité avec le quartier colonial, Il constitue un lieu de

croisement de diverses perspectives et de rencontre de plusieurs édifices et repères historiques. L'ensemble de ces éléments fortifie l'imagibilité

du lieu et facilite l'orientation des gens. Rupture car les mutation qu'a subi l'environnement bâti du lieu par l'irruption de la hauteur et des immeubles génériques a entraîné le

déclin du paysage urbain. En outre, la situation de Chott El Krekna en juxtaposition à la zone industrielle a introduit, elle même, plusieurs limites spatiales au lieu et ses alentours. Les infrastructures portuaires marquent une discontinuité perceptive et paysagère et témoignent d'une rupture urbaine.

etude du lieu

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2.4. Lecture des flux 2.4.a. Les fonctions

Distribution spatiale des fonctions aux alentours de Chott El Krekna

Notre zone d'étude se caractérise par la diversité des fonctions qu'elle abrite. Malgré les mutation qu'il a subi, le quartier reste toujours marqué par une attractivité résidentielle forte. Les habitations sont concentrées, surtout dans les bâtiments qui datent d'avant 1956. Contrairement aux activités bureautiques qui sont abritées, communément, par les nouveaux immeubles aux hauteurs importantes. Les fonctions commerciales, de leur coté, sont souvent placées dans le Rez-De-Chaussé. Elles comprennent, principalement, les commerces de proximité (boutiques, magasin...) et les services (banques, coiffeurs...) avec une présence faible des activités de restauration. En dépit de leur multitude, ces activités expriment peu d'ouverture sur leurs contexte direct et n'offrent aucune dynamique à Chott El Krekna.

60

LA RECONSTRUCTION DU LIEU


2.4.b. Flux et accessibilité

Zone D'intervention

Flux piéton Les différentes strates de notre analyse de l'accessibilité et des flux de Chott El Krekna

Chott El Krekna

Flux Véhicule

Acessibilité

etude du lieu

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Le flux véhiculaire est marqué par une forte concentration au niveau de la ville coloniale et autour de la gare maritime qui draine un grand nombre de passagers. Cette importance est accentuée par la densité des activités de service et engendre la congestion des nœuds principaux. Parallèlement, le flux piéton est caractérisé par son importance autour du quartier Beb Bhar. Ceci est justifié par la situation de Chott El Krekna à la croisée de plusieurs voiries et en continuité spatiale avec la ville coloniale. En contrepartie, on note la faiblesse du flux piéton des cotés qui juxtaposent le port et les dépôts industriels. Ce fait est une conséquence de la discontinuité des infrastructures portuaires et industrielles avec leur contexte urbain. Ils se manifestent alors non seulement comme une limite spatiale et perceptive mais aussi comme une limite fonctionnelle et d'usage.

2.4.c. Conclusion Bien que les bords de Chott El Krekna qui avoisinent le quartier colonial restent toujours fréquentés et habités par des gens qui s'approprient l'espace, Une grande partie de l'ancien port constitue, actuellement,

un lieu de passage. Cette partie accueille, occasionnellement, des événements ou des manifestations publiques éphémères. Toutefois, elle constitue un lieu transitoire ou un parking pour le reste des jours de l'année.

Zone en déclin

Répartition des Zones de Chott El krekna

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LA RECONSTRUCTION DU LIEU


SYNTHÈSE *Dans un souci de clarification, on tient a préciser que "le lieu en perte de signification" est différent du "non-lieu" ou du "junkspace". Le terme de perte de signification peut désigner un lieu qui reste toujours identitaire et historique mais qui a subit des ruptures qui menacent son identité.

In fine du diagnostic, Chott El Krekna demeure porteur d'une dualité contradictoire. Il représente, en même temps, une composante majeure de la ville, voire de son histoire et un délaissé urbain à l'abandon. L'ensemble des lectures établies sont révélatrices d'une pluralité de ruptures qui se manifestent à l'échelle historique, urbaine et sociale. Dans leur totalité, ces ruptures, révèlent le déclin progressif de Chott El Krekna et le définissent comme un lieu en perte de signification*.

Délaissement et oubli

Mutation paysagère Discontinuité Spatiale

Lieu de passage

Rupture Historique

Rupture Urbaine

Rupture Sociale

La Perte Du lieu Mis à part sa situation actuelle, ce lieu constitue toujours une réserve urbanisable et offre une configuration spatiale inédite à son contexte bâti. Ainsi, suite à notre constat, on a dégagé les qualités caractéristiques qui marquent Chott El Krekna en tant que :

Un lieu de mémoire entouré par plusieurs repères historiques. Un vide urbain situé au croisement de diverses perspectives. Un lieu de sociabilité, de contemplation et de rencontre. Etant donné que le lieu est en perte de sens, se pose dans notre hypothèse la question de la phénoménologie comme critère indispensable à la compréhension de ses qualités identificatrices. Dans la partie suivante, on va essayer de déchiffrer Chott el Krekna sous le prisme de la pensée phénoménologique aux fins de révéler son génie.

etude du lieu

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© Carte Postale Sfax, Chott El Krekna. 1932

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C H A P I T R E III LE GÉNIE DU LIEU

« L'analyse du site et de ses caractéristiques propres ne sont dès lors qu'une étape, l'objectif étant toujours de rendre abstraite et de réordonner la nature chaotique extérieure dans les volumes intérieurs des formes géométriques. Mais la phase d'analyse prend tout son sens si l'on s'attache au constat suivant: pour chaque lieu, une réponse particulière est imaginée »1. Tadao Ando

1  NUSSAUME Yann, Tadao Ando et la question du milieu, 1999, p. 83.

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CHAPITRE III: LE GÉNIE DU LIEU Interroger un lieu en perte de signification pose la question de sa

reconstruction en cohérence avec l’ensemble de ses composantes. Dans cette logique, il nous semble primordial de comprendre le comment du lieu et de saisir son génie. Pour ce faire, on s'intéresse à étudier le lieu en rapport à son usager. Notre lecture commence par la rencontre des gens qui fréquentent Chott El Krekna. Par la suite, on s'intéresse à mettre leurs témoignages en croisement avec les observations élaborées sur place aux fins de comprendre l'origine et le pourquoi des choses. On termine par la saisie des singularités qui définissent le génie de Chott El Krekna.

Rencontre

Observation

Compréhension

Conceptualisation

1. RENCONTRE AVEC LES USAGERS Dans le but de comprendre le lieu aux yeux de ses usagers, on commence par des entretiens avec les gens qui fréquentent Chott El Krekna. Ces entretiens ont comme objectif la compréhension des éléments aux que s'attachent les gens et qui marquent le lieu. Ce processus est établit à travers une enquête qualitative semi directive qui a été faite sur terrain et en ligne (voir annexe).

Les questions de notre enquête: 2. Quels éléments vous marquent le plus dans Chott El Krekna? 1. Pourriez-vous me parler de Chott El Krekna, son histoire, un souvenir qui vous a marqué?

Les enquêtés: • 10 personnes qui fréquentent Chott El Krekna quotidiennement, de tranches d'âge différentes. • 18 personnes qui fréquentent Chott El Krekna occasionnellement ou rarement

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LA RECONSTRUCTION DU LIEU


Les thèmes mentionnés dans la première question • T1: La mer • T2: La vue dégagée/ ouverture • T3: La mémoire / Les souvenirs • T4: Le marché central • T5: La bibliothèque • T: Rien/La pollution/L'insécurité T1

20 (75%)

T2

57 (36%)

T3

28 (32%)

T4

7 (25%)

T5

7 (25%)

T6

3 (11%) 5

10

15

20

Classification des thèmes: Thèmes dominants: T1,T2 Thèmes moyennement dominants: T3,T4,T5 Thèmes rares: T6

Les réponses à la deuxième question • Age 24 ans: "Chott El Kerkna était un lieu stratégique de Sfax, un

point de liaison entre Kerkennah et Sfax, un port pour les pêcheurs, un lieu pour le commerce des éponges." • Age 64 ans: "Un souvenir qui m'a marqué c'était pour faire un exposé

quand j'étais au lycée, et j'ai été là bas pour avoir des renseignements de la part des pêcheurs et ils nous ont même montré l'intérieur de leur "felouques" et les bacs de poissons qu'ils ont pêchés..." • Age 52 ans: "les scènes de pêches avec le chliff, les animations

durant l’été, les manèges éphémères.."

Le génie du lieu

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• Age 31 ans: "La plupart de mes souvenirs de Chott El Krekna sont

liés aux événements qui ont eu lieu, et pour moi Chott El Krekna est un lieu remarquable parce que ça été presque la seule composante urbaine qui montrait que sfax est au bord de la mer. On peut dire que Chott El Krekna est le premier front de mer de la ville de Sfax. C'est lui le premier contact entre ville et mer."

2. OBSERVATIONS ET COMPRÉHENSION DE L’ENQUÊTE Cette partie consiste à mettre les constats dégagés de notre enquête en croisement avec nos observations et notre analyse dans un souci de compréhension des éléments marquants du lieu.

2.1. Le vide urbain 2.1.a. Le Vide perçu À l’issue de l’enquête on a relevé des termes comme ceux de "Vue dégagée"; "Ouverture". Ces termes émanent d'une prise de conscience des gens du comment du lieu et de sa signification. Chott El Krekna, De part sa situation, est caractérisé par une cohésion spatiale avec le tissu colonial de "Beb Bhar". Il se situe au croisement de divers parcours et montre, ainsi, un repère structurant du paysage

urbain. Ce caractère lui est attribué en rapport à sa forme qui se contraste avec son environnement bâti dense et marque sa prédominance à l'instar d'un vide urbain.

Vo i e s Les différentes strates du tissu urbain de centre ville de Sfax

46

Parcellaire

Bâtiments

Vide Urbain

« C’est l’espace vide qui doit structurer et configurer l’espace construit, et non pas les bâtiments, comme il est à l’inverse monnaie courante en matière de planification »46.

Jorge Cruz Pinto, Eloge du vie, 2010, p.7.

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LA RECONSTRUCTION DU LIEU


Dans cette lecture, le vide par l'absence de forme constitue une matière urbaine. Il précède, ainsi, la formation de l'espace et se montre comme générateur de forme, de rythme et de sens.

2.1.b. Le Vide vécu « L’importance du vide est tout à la fois pragmatique, métaphysique et méta-fonctionnelle, elle tient de la totalité productive et la façon de vivre l’espace»47. De cette manière de penser, on peut noter que le vide urbain ne se limite pas à une dimension physique et matérielle. Au-delà de sa spatialité urbaine, il incorpore, aussi, la dimension sociale. Au sein de la ville, les vides urbains, forment une typologie publique que sont les places, les esplanades, les boulevards, les parcs. L’espace vide se constitue comme forme symbolique traduisant de profondes relations entre l'Homme et son milieu vécu. Il établit une interface publique de rencontre et d'échange.

Vue sur le vécu de Chott El Krekna.

Le vécu de Chott El Krekna affirme ce fait. On remarque,ainsi ,la présence des activités de rencontre, de flânerie et de détente. Ses activités témoignent de la diversité des pratiques sociales qui émergent à Chott El Krekna, et définissent sa signification en tant que "lieu de sociabilité".

Le Vide Partagé

47

Vide Urbain

Lieu de sociabilité

Forme

Vécu

Ibid, p.7.

Le génie du lieu

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2.1.c. Référence locale Dans cette partie on essaye de se référer au jnens et ses composantes. Ils se montrent porteurs de la dualité "vide partagé et lieu de sociabilité" et définissent les pratiques sociales des habitants.

La Médina Comparaison entre le tissu médinal et les Jnens caractéristiques de la ville.

Les Jnens

L'organisation spatiale des jnens est formée par analogie à l'organisation urbaine de la médina. Elle montre un respect pour les principes structurants du tissu médinal comme la hiérarchisation des voies et l'intimité des accès. Les Jnens se composent d'un jardin à titre agricole, les borjs qui marquent l'habitation caractéristique et le Tabia48. Les borjs avaient à la fois un caractère introverti grâce aux façades intérieures qui donnent sur le patio49 et extroverti ou il s'ouvrent sur le jnen. Les patios constitue l'espace central autour duquel se structure toute la maison. Ils jouent le rôle d'articulation des différentes pièces à l'instar du vide architectural.

48 49

La tabia est une clôture formée d'une haie de sable surmontée de cactus.   Le patio des borjs est, en grande partie, issue des maisons de la médina

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LA RECONSTRUCTION DU LIEU


Le rapport Introverti / Extroverti des borjs

La vie sociale entre les membres de la familles est en grande partie liée au patio et au jardin. Ils marquent des espaces de rencontre et

de sociabilité ou s'organisent les petites et grandes manifestations. L'alternance entre vide intérieur (le patio) et vide extérieur ( le jnen) se faisait selon l'usage voire les saisons et le climat.

Le Vide Partagé

Facteurs de confort Climat, intimité..

Formes d'usage Rencontre, Agriculture..

Dans ce constat, le borj montre une cohérence avec son paysage naturelle directe. Il présente simultanément, une spatialité introvertie, intime et une spatialité extrovertie ouverte sur le jardin. À Retenir • La mixité fonctionnelle des vides • Hiérarchisation des vides • La Pluralité d'ambiance (introverti/extroverti) • Le chez-soi public

Le génie du lieu

71


2.2. Le Rapport à la mer On a marqué, la mer comme thème dominant des témoignages des gens. Cette importance lui est attribué, principalement, suite à la perte du littoral qu'a subit la ville. Chott El Krekna marque, aujourd'hui, le seul point de contact entre le centre ville de Sfax et la mer. Cet élément

caractérise le lieu et marque son identité. Il vient à être reconnu spontanément comme une atmosphère particulière propre au lieu et consitute ainsi un élément auquel s'attache les habitants.

2.2.a. La Mer en tant que paysage perçu

Un monsieur qui admire et contemple la mer.

Durant nos visites du lieu, on a souvent noté la présence perpétuelle des gens qui admirent et se contemplent la mer. Ces derniers cherchent la sérénité et la méditation de l’âme. La mer se présente, ici, en tant que constitution visible du lieu qui renvoie à l'invisible et à l'imaginaire de son observateur. Elle donne matière à la rencontre existentielle entre Homme et nature, et entraine son usager vers une dimension spirituelle presque sacrée.

« La seule possibilité de donner un sens à son existence, c'est d'élever sa relation naturelle avec le monde à la hauteur d'une relation spirituelle»50. En outre, la mer de part son rythme des marées, offre à son observateur une image changeante tout au long de la journée. Elle marque la

temporalité du paysage.

50

Albert Schweitzer, The philosophy of civilization, 1923.

72

LA RECONSTRUCTION DU LIEU


Modification du paysage au rythme des marées.

2.2.b. La mer comme expérience

Un monsieur qui pratique son loisir de pêche.

L'attachement des habitants à la mer dépasse le fait d'un attachement visuel. Il s’élève à un vécu qui a été écarté suite à la délocalisation de l'activité maritime et l'ajout des limites (Garde corps, la voie ferrée, le pont...) entre ville et mer. De cette manière, on note constamment que les gens essayent de franchir ces limites pour aboutir à l'expérience de contact direct avec la mer.

1964

2019

Comparaison entre 1964 et 2019. Le rapport à la mer perdue.

Le génie du lieu

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2.3. Les fragments urbains Dans notre enquête, on remarque l'attachement des usagers de Chott El Krekna aux édifices qui l'entourent. En regard de sa morphologie qui le présente comme un vide urbain, ces édifices marquent la limite bâtie du lieu. Ils font partie, ainsi, de son vécu et de sa perception. Les édifices dégagés montrent aussi un apport historique.

Transect urbain de Chott El Krekna. Marché central

Bibliothèque

2.3.a. Le marché central

1940

Image du vécu de Chott El Krekna et le marché central.

Un fragment vécu Le marché central a été un élément marquant de la mémoire de Chott El Krekna. Il a fonctionné en continuité avec le port. Les pêcheurs y venaient pour la vente des poissons et les habitants et pour l’échange des marchandises. Le positionnement du marché de poissons à coté du port témoigne de cette continuité fonctionnelle et spatiale.

Galerie Commercial

Marché de Poisson

Principe de fonctionnement du marché central en rapport avec Chott El Krekna

74

Extension du marché

LA RECONSTRUCTION DU LIEU


Durant cette époque les bords de Chott El Krekna ont été transformés en une extension à ciel ouvert du marché. Cette image, jadis faisant partie du quotidien de la zone et des habitants, a été troublée par la délocalisation de l'activité maritime du port. Malgré ce bouleversement, le marché central continue toujours à participer au vécu du lieu et a généré un flux important de gens. Il a gardé son aspect introverti et fonctionne aujourd'hui indépendamment du port.

Un fragment perçu

Façade central

du

marché

Le marché de style néo-mauresque, montre une façade composée d'une succession d'arcades. L’alternance du plein/vide a donné lieu à une composition de rythmes qui génère l’auto-mouvement de l’espacetemps à l’intérieur du bâtiment. De part sa morphologie, il nous rappelle l'architecture de la grande mosquée de sfax. Ce fait est perceptible surtout par la présence du minaret, du patio rectangulaire central et des galeries. Le marché central est aussi distingué par sa configuration spatiale à la fois introvertie et extravertie, son flux d'air naturel et son filtrage de l'ombre et de la lumière du jour.

Galerie du marché

Le génie du lieu

Vue à l'intérieur du marché de poisson

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2.3.b. La bibliothèque régionale La bibliothèque est un édifice moderne qui donne sur Chott El Krekna par un petit jardin pour enfants. Elle montre une façade rythmée par un module répétitif des ouvertures rectangulaires qui génèrent une ambiance lumineuse appropriée à la lecture.

Jardin pour enfants

Vue sur la façade de la bibliothèque régionale de Sfax

La bibliothèque accueille quotidiennement un nombre très important d'étudiants et d'élèves de toute la région. Elle constitue un cadre intime, bien organisé et adéquat aux lectures. Ses usagers fréquentent, souvent, Chott El Krekna dans un intérêt de pause ou de flânerie. Ils organisent occasionnellement des expositions éphémères sur les bords de l'ancien port.

Vécu de la bibliothèque durant les périodes d'examens

2.3.c. Synthèse Ces édifices, de part leurs formes, leur apport historique et leur vécu constituent des éléments d'orientation voire des points de repères importants pour les habitants et la zone.

76

LA RECONSTRUCTION DU LIEU


Dans ce constat, on trouve primordial de réfléchir notre réponse en

rapport à ces édifices aux fins de retisser Chott El Krekna avec ses alentours et le quotidien des habitants.

2.3.d. La mémoire du lieu Les personnes, qui nous ont parlé de la mémoire du lieu ou des souvenirs qu'ils ont vécu, percevaient Chott El Krekna autrement. Chaque constitution du paysage les renvoient à un vécu oublié, à l'invisible de l'ancien port.

2.3.e. Le paysage en tant que mémoire Le paysage de Chott El Krekna a été caractérisé, entre autre, par son

horizontalité. Les bâtiments se juxtaposent et se marient intimement avec la mer et le ciel. Ils matérialisaient, alors, un équilibre entre

matière et nature. Bien que, l'irruption de la hauteur a gâché cette identité paysagère et a dévalorisé les repères historiques avoisinants, on cherche toujours à être une continuité du paysage originel et à ramener l’équilibre perdu.

« Il est intéressante de noter que cartes postales et brochures touristiques reprennent précisément ces motifs qui nourrissent la mémoire ».

1964

Paysage urbain et skyline de Chott El Krekna en 1964

2.3.f. La mémoire des fragments On a montré que le paysage urbain est en grande partie structuré par les édifices et les repères qu'y résident et façonnent son unité. Les figures ci-dessous montre un essai de définition des images conditionnées qui marquent le paysage de Chott El Krekna et le caractérisent.

Le génie du lieu

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Bien que ces deux façades émanent de styles différents, elles obéissent à la même logique de répétitivité modulaire. L'alternance entre vide et plein a donné lieu à des compositions de rythmes qui définissent l'ordre de ces façades et marquent leurs significations.

Façade du marché central à Chott El Krekna

Façade de la bibliothèque municipale à Chott El Krekna

1908

Carte postale de 1908. Vue sur les barques de pêches à Chott El Krekna

Ces figures nous rappellent, en quelque sorte, une image de la mémoire du lieu. Jadis habité par les barques de pêche, le paysage de Chott El Krekna a été rythmé par la présence de ces éléments répétitives et

simples. Ils se mêlaient à leur environnement bâti et constituaient une image unitaire marquante du lieu.

2.3.g. La culture maritime - La mer comme mémoire Chott El Krekna présente toujours un emblème de la culture maritime de la ville (La mémoire du lieu. p44). Les images des barques, des pêcheurs, etc.. constituent des éléments indissociables de son histoire. On trouve, ainsi, important de rétablir ce rapport à la mer et à la culture maritime.

1970

Vécu de l'ancien port de pêche, Chott El Krekna

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LA RECONSTRUCTION DU LIEU


Collage personnel des cartes postales de la mémoire du lieu

2.4. La perte de signification Parmi les réponses dégagées durant notre rencontre avec les gens on note celles de pollution, d'insécurité et du non-attachement. Ces termes émanent, principalement, du déclin qu'a subit Chott El Krekna. Dans un lieu en perte de signification, la relation entre Homme et lieu s'affaiblie et l'aliénation demeure. Les gens perdent ainsi le sentiment d'appartenance qui les attachent aux différents composants du lieu. Pour remédier à cette perte, il est nécessaire de rétablir le lien perdu avec les différents éléments auxquels le lieu tire son sens et son génie. De cette manière, on aspire à être continuité de l'histoire, de l'identité, du vécu des gens... Notre réponse doit, alors, chercher cette continuité et mettre en valeur les singularités du lieu .

Le génie du lieu

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3. LA PHÉNOMENOLOGIE DE CHOTT EL KREKNA Faire appel à une lecture phénoménologique de Chott El Krekna consiste à définir voire classifier les aspects de l’expérience de « présence au monde de l'être » ou de l’expérience d'habiter le lieu. Cette lecture réclame qu'on sépare ses aspects sans pour autant oublier leurs interactions qui attribuent à l'espace un caractère et se résument en génie du lieu. Les éléments dégagés émanent des témoignages des gens, ainsi, de l'observation de leurs manières de s’approprier le lieu.

ELEMENTS D'IDENTIFICATIONS Les éléments qui définissent le caractère du lieu et assurent l'appartenance des gens au lieu.

ELEMENTS D'ORIENTATION Les éléments qui constituent la structure spatiale et qui ont un caractère et une signification.

ELEMENTS DE LA MÉMOIRE

Le Vide Partagé Garder la forme vide du lieu et respecter sa vocation publique

Vide Urbain

Lieu de sociabilité

Forme

Vécu

Les fragments urbains Retisser Chott El Krekna avec ces édifices

Marché central

Le paysage en tant que mémoire L'horizontalité du paysage.

Les images qui marquent les pierres milliaires du lieu et renvoient à la mémoire.

80

LA RECONSTRUCTION DU LIEU

Bibliothèque


Cette lecture se base sur trois aspects particuliers : Identification, Orientation et Mémoire. Elle présente un résumé des éléments dégagés en croisement avec la pensée phénoménologique et vise à définir le génie de Chott El Krekna qui marquera la base voire la logique directrice de notre intervention.

Le Rapport a La Mer L'imaginaire et la témporalité de la mer

Paysage perçu

Rétablir le rapport vécu à la mer

Paysage Vécu

Contact direct avec la mer

Continuité spatiale Adhérer à être continuité de leur vécu et de leur perception

e

La mémoire des fragments

La culture maritime

Le rythme et la lumière

Rétablir l'apport maritime du lieu

Le génie du lieu

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C H A P I T R E IV LA RECONSTRUCTION

« Le genius loci fait résonner le lieu... Le genius loci ne reste jamais inerte... Les formes qu'il prend confèrent sa spécificité au lieu... Il reconstruit le lieu »1.

1

© Pierre Gassin   ANDO Tunisie, Tadao, "Genius Loci", 1994, p. 257. Sfax, Grande mosquée

82


N

© Mohamed HAKIM Sfax, Chott El Krekna

83


CHAPITRE IV: LA RECONSTRUCTION  1. PROGRAMME FONCTIONNEL Dans cette partie, il s'agit de se fier aux témoignages/suggestions des gens qui fréquentent Chott El Krekna pour comprendre les attentes de chacun et proposer une programmation adaptée.

1.1. La rencontre des habitants Les personnes rencontrées appartiennent à différentes tranches d'âges et vivent dans différentes zones de la ville de Sfax. Leurs témoignages nous aident à comprendre quelle serait l'intervention la plus adéquate menée à l’échelle du quartier ainsi qu'à l’échelle de la ville.

Les questions posées 1. A votre avis, comment imaginez-vous cette zone au futur? 2. Quel type d’activités pensez-vous nécessaire pour revitaliser la zone?

Témoignages • Age 55 ans: "Un parc publique non-payant et ouvert pour tout le

monde et tout le temps avec des activités de loisir pour famille et pour enfants." • Age 31 ans: "Un endroit de plaisance, bien sécurisé, bien aménagé

et qui répond aux besoins des habitants" • Age 48 ans: "C'est le lieu le plus adéquat à Sfax pour acquérir les

familles et les enfants. Il doit être une zone bien animée et favorisant plus le contact et le rapport du Sfaxien à la mer" • Age 52 ans: "un bassin sans clôture, comme avant, un site de

divertissement et de mémoire" • Age 18 ans: "Une aire de repos, de festivité, de promenade."

84

LA RECONSTRUCTION DU LIEU


Réponses Pour mieux utiliser les données obtenues, les réponses ont été traitées et classées par catégories d’activité de la manière suivante

92%

54%

30%

22%

8%

Divertissement

Culturelle

To u r i s t i q u e

Commerciale

Sportive

1.2. Les pratiques du lieu Il est nécessaire de noter que les observations élaborées se focalisent surtout sur les bords en juxtaposition à la ville coloniale, comme ils présentent des espaces vécus et relativement "habités".

1.2.a. Les usagers La proximité de divers repères administratifs, commerciaux et bureautiques offrent à Chott El Krekna une composition d'usagers

relativement hétéroclite: des retraités, des adultes actifs ou chalands, des lycéens, des étudiants, des parents promenant des enfants... Il existe, toutefois, deux catégories principales pour cette composition: • Des usagers quotidiens: principalement les habitants des quartiers environnants, les employés du tertiaire et les élevés des écoles et lycées avoisinants. • Des usagers occasionnels: les habitants de la ville de Sfax et quelques touristes qui profitent du paysage et de la vue dégagée.

La Reconstruction

85


1.2.b. L’utilisation au cours du temps La fréquentation du lieu est variable en fonction de plusieurs facteurs. Elle est plus importante durant les saisons estivales et durant les weekends. Cette fréquentation est fortement liée aux horaires de travail des établissements avoisinants. • Le matin, le Chott commence à être fréquenté par les employés qui en profitent pour fumer, boire un café. • À midi, la fréquentation est plus importante par des personnes qui prennent leurs déjeuners et se rencontrent. Ils cherchent surtout les espaces ombragés et couverts. • Enfin, à la sortie des bureaux, le lieu devient à nouveau fréquenté par un flux plutôt traversant • Le soir Chott El Krekna se trouve en état de déserte et marque des problèmes d'insécurité.

1.2.c. L'usage du lieu D'ordinaire, les personnes utilisent Chott El Krekna comme point de rencontre, ou tout simplement pour se promener et flâner. Ils profitent alors des terrasses des cafés et des quelques mobiliers urbains existants, du dégagement de vue et de l'air frais. On remarque, aussi, des personnes qui exercent leur loisir de pêche et qui se contemplent la mer.

Extension d'un café sur les bords de Chott El Krekna

Chott El Krekna constitue, pour les habitants et la ville, un espace de rencontre et de détente.

86

LA RECONSTRUCTION DU LIEU


1.3. Choix directeurs du programme et de l'intervention A la lumière des constats dégagés, des témoignages des gens et du génie du lieu, on essaye de définir les choix directeurs de notre programme fonctionnel

Cohérence avec la vocation du lieu Le choix principal des activités se repose sur la vocation du lieu "de détente, de loisir et de sociabilité."

Continuité avec le quotidien des gens On trouve primordial de tisser, en premier abord, notre programme avec le quotidien des gens qui fréquentent Chott El Krekna régulièrement. On doit réfléchir le réaménagement des bords en rapport à leurs pratiques et leurs besoins.

Considérer les besoins à l’échelle de la ville Les activités proposées doivent répondre aux attentes des habitants de la ville de Sfax. Cela dit, on s’intéresse, principalement, à intégrer des activités de loisir en rapport avec la culture maritime et la mer.

Encourager les activités extra-scolaires On vise a intégrer les activités extra-scolaires afin de créer un cadre adéquat aux attentes des jeunes et des étudiants qui fréquentent le lieu.

Ouvert pour tout le monde

La Reconstruction

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1.4. Programme proposé

CHOTT EL KREKNA, UN PARC URBAIN 1.4.a. Échelle Urbaine

FLÂNERIE

RENCONTRE

SPORT

Promenade Déambulation Détente Séjour

Aires de restauration Stands commerciaux Gradin urbain Banc publique Aire de jeu

Parcours cyclable Parcours de santé Espaces de jeux Coins de yoga

CULTURE

TOURISME

1.4.b. Échelle Architecturale

DIVERTISSEMENT

Coworking Space École de voile Club de pêche Restaurant gastronomique Espaces de lecture Club nautique Café associatif Structure de plaisance Espaces d'expression libre Galerie commerciale Galerie d'exposition

Tourisme culturel Structure d’accueil

1.4.c. Vision du programme • Réactiver l'ensemble du quartier • Rétablir le rapport maritime du lieu • Re-tissage avec la ville et les habitants

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LA RECONSTRUCTION DU LIEU


2. CORPUS RÉFÉRENTIEL 2.1. RÉFÉRENCE URBAINE: Les Berges du Rhône, les rives de Saône • Architectes: IN SITU Architects • Localisation/Année: Lyon, France, 2008.

Introduction Référence choisie pour sa vocation publique, pour son rapport à l'eau, à la ville et au quotidient des habitants

Le projet vise à la reconquête des anciens ports progressivement confisqués par le stationnement automobile. L’objectif

était

de

questionner tout le processus de la conception à l’usage et au vécu de la zone. Les différents espaces ont été pensés, alors, de façon à ne pas cloisonner les usages mais à les mettre en scène en rapport aux rivières.

Vue sur les gradins urbains du projet

Les séquences urbaines Dans son ensemble le "parc de promenade" du Rhône à été conçu pour enchaîner de multiples lieux, voire édifices, au fleuve. Il se compose de huit séquences sur le parcours et comporte des espaces de manifestations et de repos offrant une pluralité d'ambiances urbaines.

« Nous avons travaillé sur la fluidité, la manière dont on glisse d'une séquence a l'autre dans une sorte de travelling pour créer un espace linéaire fertile fluide souple généreux. »

La Reconstruction

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Vue sur les gradins urbains et le bassin d'eau.

Espaces Ouverts, publiques, peu-spécialisés. Les architectes ont décidé d'éviter une spécialisation excessive des lieux afin de proposer un enchaînement d'espaces publics ouverts pour tout personne, sans cloisonnement et d’appropriation d'espace libre. Il ont conçu des jardins urbains tout au long de l'esplanade qui ont été extrêmement fréquenté

Le vécu urbains

des

jardins

Le Rapport à L'eau L'esplanade du centre nautique est juxtaposé d'un grand plan d'eau publique. Donnant lieu a la rencontre entre les habitant et l'eau. Le bassin est de faible hauteur et constitue un espace de contacte directe avec l'eau.

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Vécu des bassins d'eau publiques

Rapport au palais de justice

Le réaménagement du palais de justice.

L’intervention cherche à redonner de la place aux piétons sur cette zone presque complètement dédiée à la voiture. Elle consiste à: • Redonner de la distance pour la contemplation de la rivière et du palais de justice • Apporter une valeur d’usage en limitant les émergences pour libérer l’espace • Créer deux bassins au droit du palais de justice pour une mise à distance des façades.

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2.2. RÉFÉRENCE URBAINE: Conde Waterfront Promenade • Architectes: B+ABR Backheuser e Riera Arquitetura • Localisation/Année: Centro, Brazil, 2016.

Introduction Référence choisie pour Comme exemple d'un vide publique de vue dégagé et de rapport avec la ville et les édifices

Vue aérienne sur la placette centrale.

Le projet s'inscrit dans le processus de transformation et de requalification urbaine de la zone portuaire de Conde. Cette zone à été considérée, au cours des 50 dernières années, comme étant un "Non-lieu". Elle présente une zone industrielle abandonnée et en déclin.

Continuité avec la ville et ses édifices

Schémas explicatifs de l'intervention

Les rives du Conde doivent devenir un lien et non une frontière. C'est dans cette logique que les architectes ont abordé le projet. Ils ont visé, alors, l'orientation du quartier vers la mer par le prolongement du boulevard existant et le raccordement d'artères existantes.

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LA RECONSTRUCTION DU LIEU


Construire "le vide" et dégager "la vue"

Coupe schématique des intentions du projet

L'idée de construire le vide a commencé par la démolition du viaduc surélevé et qui avait un impact négatif sur le paysage de la zone portuaire. Ce fait, à redonné à la ville et aux piétons une vaste zone tout au long du front mer de Centro.

Photo de la vue dégagée de la placette principale du projet.

Mixité et diversité fonctionnelle Les interventions proposées visent à générer un espace urbain capable de restructurer cette nouvelle région portuaire, de sauver des souvenirs et de promouvoir une nouvelle relation entre la ville et la baie. Le projet génère, ainsi, des zones de repos, de jeu et de rassemblement en rapport aux besoins des habitants et à chaque partie de la zone.

Vues des différents aménagements et extensions élaboré en rapport avec la ville et les édifices historiques

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2.3. RÉFÉRENCE ARCHITECTURALE: La galerie James Simon • Architectes: David Chipperfield Architects • Localisation/Année: Berlin, Allemagne, 2018.

Introduction Référence choisie pour son dialogue avec des édifices historiques. On cherche à savoir quel architecture peut-on introduire en rapport aux repères historique.

La galerie James Simon est appelée à devenir le bâtiment central

Vue sur l'entrée principale du projet.

Continuité perceptuelle

d'entrée et le centre d'accueil des visiteurs des cinq musées historiques dans le cadre du plan directeur de l'île aux musées adopté en 1999. Le projet est situé, alors, dans un contexte très bien spécifique et se trouve face à plusieurs défis d'intégration et de continuité avec ces édifices.

En raison de la hauteur variable des structures et de la conception transparente du bâtiment, les visiteurs pourront apprécier différentes vues de la façade du Neues Museum. Le socle en pierre au-dessus de laquelle s'élève une haute colonnade renforce la rive du canal Kupfergraben et fait allusion à un piano classique.

Rapport du projet aux édifices historiques

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Réinterprétation moderne du Piano

Réinterprétation des éléments caractéristiques La galerie James Simon se montre une réinterprétation des éléments existants de l'île aux musées, tels que la topographie bâtie, les colonnades et les escaliers extérieurs. Il se fondra, ainsi, harmonieusement dans l'ensemble historique tout en donnant une touche moderne à l'île.

Vue d'ensemble sur le projet dans son contexte historique

Intégration par texture, matériaux et couleur La matérialité du bâtiment en pierre reconstituée avec des agrégats de pierre naturelle s’harmonise avec la riche palette de matériaux de l’île aux musées avec ses façades en calcaire, en grès et en crépis. Toutefois, à l'intérieur, les murs de la galerie James Simon sont réalisés en béton lisse et pâle.

La Reconstruction

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2.4. SYNTHÈSE Les projets analysés partagent des raisons communes, construire en continuité avec le contexte d'insertion quelque soit à l'échelle urbaine ou architecturale. À Retenir

Échelle urbaine • Continuité avec la ville et ses édifices • Construire "le vide" et dégager "la vue" • Mixité et diversité fonctionnelle • Espaces Ouverts, publiques, peu-spécialisés. • Le rapport a l'eau

Échelle Architecturale: • Continuité perceptuelle • Réinterprétation des éléments caractéristiques • Intégration par texture, matériaux et couleur

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3. INTERVENTION Pour mieux contextualiser notre réponse, on s’intéresse a répartir notre intervention sur un ensemble de séquences qui ont pour but le Re-

tissage de Chott El Krekna avec la ville, les repères avoisinants et les habitants et leurs pratiques sociales.

La bibliothèque

Marché Central

2 3

1 6

4 5 Gare maritime

Plan de la stratégie d'intervention urbaine de Chott El Krekna

Séquence 1 • Réaménager la promenade • Ajouter des aires de restauration extérieures • Promouvoir plus de zones ombragées Séquence 2 • Réfléchir le rapport à la bibliothèque • Éliminer des gardes corps • Concevoir des gradins urbains et des espaces d’expression libre • Joindre les gradins à la mer • Réaménager et additionner des mobiliers urbains

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Séquence 3 • Mettre en valeur le marché central • Enlever tout obstacle visuel par rapport au marché • Encourager l'extension du marché aux bords de Chott El Krekna • Prévoir un parcours de santé • Séquence 4 • Introduire une galerie commerciale en dialogue avec le marché • Introduire les activités de restauration. • Ajout des gradins • Concevoir un bassin d'eau

2

1

3

4

5

6

PLAN MASSE 98

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Séquence 5 • Concevoir une structure d’accueil pour les touristes (le rapport avec la gare maritime et l'archipel Kerkennah) • Implanter des clubs nautiques et des ateliers d'apprentissage de pêche Séquence 6 • Promouvoir un espace vide plein d'activités • Concevoir une large placette dégagée qui met en relation l'Homme et la mer • Concevoir une promenade maritime

Garder «le vide» Promenade maritime

• Concevoir une large placette dégagée qui met en relation l’Homme et la mer

• Promouvoir un quai pour une promenade côtière

• Une place flexible et adaptable selon les besoins

• Introduire l’activité de plaisance

Réaménager la promenade

Implantation des masses

• Transformer la promenade d’une limite à une continuité avec la mer

• Introduire une architecture en continuité avec le paysage et les édifices avoisinants

• Re-tissage avec la ville coloniale et ses édifices

• Réfléchir l’apport à la lumière et à la mer • Composer avec « le vide »

Le marché central

La bibliothèque

La gare maritime

Pont mobile

AXONOMÉTRIE La Reconstruction

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3.1. INTERVENTION URBAINE SUPPRIMER LES LIMITES

PROMENADE CÔTIÈRE

Le marché central

AVANT • Dégager la vue vers la mer du marché central • Supprimer les limites perceptives devant les repères et les édifices

• Transformer les promenades d’une limite à une continuité • Supprimer les limites entre la mer et la promenade


é avec la mer

DÉGAGEMENT DES PERCÉES

APRÈS • Dégager les percées de la ville coloniale vers la mer • Interdire le stationnement et promouvoir des voies piétonnes et cyclables


1

2

3

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4

5

6

La Reconstruction

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3.2. INTERVENTION ARCHITECTURALE

B-B

A-A

C-C

B-B

A-A

COUPE A-A

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PLA

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C-C

PLAN REZ-DE-CHAUSSÉE

AN NIVEAU 1

COUPE B-B

COUPE C-C

FAÇADE NORD-EST La Reconstruction

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CONCLUSION GÉNÉRALE Nous pourrions conclure en disant que le lieu est le point de départ et d'arrivée de notre réflexion. Au début, il se présente comme une notion située dans l'espace de la connaissance à priori, comme un mode de pensée voire d'action. À la fin, il apparait comme un monde structuré et éclairé par l'analyse de l'espace en rapport avec l'Homme. Dans cette optique, ce travail de mémoire montre un essai de recherche du génie de Chott El Krekna. La confrontation de ses différentes strates matérielles et immatérielles à la pensée phénoménologique, nous a permis de situer notre réponse en cohérence avec la signification du lieu et l'attente de ses usagers.

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BIBLIOGRAPHIE Ouvrages

AUGE Marc, Non-lieux, Introduction à une Anthropologie de la Surmodernité, Éditions du Seuil, 1992. BACHELARD Gaston, La poétique de l'espace, Éditions Presses Universitaires de France, Paris, 1957. CRUZ PINTO Jorge, Eloge du vide, Edition le carré bleu,Napoli,2010. KALLEL Ridha, Bâb Bhar Sfax : histoire, mémoire, identité, Editions MIM , 2009. KOOLHAAS Rem, Junkspace, Paris, éd Manuels Payot, ed orig 2011 (traduit de l'anglais Junkspace, 2001). LYNCH Kevin, L'image de la Cité, Traduit de l'anglais par Vénard MarieFrançoise, Vénard Jean-Louis (The Image of the City, MIT Press, 1960) Dunod, Paris, 1999. LE CORBUSIER, Vers une Architecture, Éditions Crès, Collection de « L'Esprit Nouveau », Paris, 1923. NORBERG-SCHULZ Christian, Genius loci towards a phenomenology of architecture, Editions Rizzoli International Publications, 1991. NORBERG-SCHULZ Christian, Genius Loci, Paysage, Ambiance, Architecture, Trad. Odile Seyler, Mardaga, 3e ed., (orig. 1979) 1981. NORBERG-SCHULZ Christian, L'Art du lieu, Architecture et paysage, permanence et mutations, trad. fr., Editions le Moniteur, (collection architextes), Paris, 1997. NUSSAUME Yann, Tadao Ando et la question du milieu, Réflexions sur l'architecture et le paysage, Collection Architextes, Librairie de l'Architecture et de la Ville, Editions Le Moniteur, Paris, 1999. ROSSI Aldo, L'Architecture de la Ville, Traduction par Françoise Brun, Livre & Communication (1966, Milan), Paris, 1990. PANERAI Philippe, DEPAULE Jean-Charles, DEMORGON Marcelle, Analyse urbaine, Parenthèses Editions, Marseille,1999. RAVEREAU André, Le M'Zab une leçon d'architecture, Edition Actes Sud, Sindbad, Collection Bibliothèque arabe - Hommes et sociétés,2003.

Articles

BENAMMAR.A, Professeur à l'université de MHB ORAN, les approches d'analyse urbaine, Nov 2009. BEL HAJ HAMOUDA CHERIF Alia, Professeur à l'université d'architecture

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et d'urbanisme de Tunis, Du global au local Le processus d’hybridation

chez Jacques Marmey. FRAMPTON Kenneth, Towards a critical regionalism six points for an

architecture of resistance. FUSCO Giovanni, Essentiel méthodologique : Le plan comme support de l’analyse morphologique d'une place, l’Université de Nice SophiaAntipolis.

Mémoires et thèses

ALLARD Marie-Eve, Genius loci Vers la requalification de l’identité d’un lieu: marché public à Carleton-sur-mer, École d’architecture, Université Laval, 2008. BOURGEOIS Olivier, Paysage séquentiel: re-qualification d’un paysage madelinot par une architecture analogue domaine d’artistes _ Capaux-Meules _ îles de la Madeleine, École d’architecture, Université Laval, 2006. FTAITA Amira, DE LA MORPHO-MIMESIS KESRA EL DLYA,UNE ARCHITECTURE FURTIVE, Université de Carthage, École d’architecture et d'urbanisme de Tunis, 2019. GARFA Jamila, ZRIBA OLYA : Poétique d'un lieu mnésique, Université de Carthage, École d’architecture et d'urbanisme de Tunis, 2019. GUIDETTI Juliette, Comment révéler l'esprit d'un lieu à travers la lumière dans l'architecture, Université catholique de Louvain, Faculté d'architecture, 2017. HAJJAR Anouar, Fragement urbain: cabines de bain de Monastir, Université de Carthage, École d’architecture et d'urbanisme de Tunis, 2019. MALOUIN Annie, Architecture inspirée du paysage: Gare maritime dans la baie de Tadoussac, École d’architecture, Université Laval, 2011. DACHRAOUI Myriam, Vers une démarche soutenable à Mohammedia, Université de Carthage, École d’architecture et d'urbanisme de Tunis, 2018. TABOUBI Haifa, La réinsertion d'une fabrique oubliée: Une ferme pédagogique au Domaine Arquosal de la Soukra, Université de Carthage, École d’architecture et d'urbanisme de Tunis, 2018. GDOURA Hechmi, Pour un habitat appropriée aux jneins de Sfax, Université de Carthage, École d’architecture et d'urbanisme de Tunis, 1985.

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M. EI-shorbagy, The architecture of Hassan Fathy: Between western and non-western perspectives, 2001. GLEYE Sylvain, Le genius loci dans les projets d’habitat du Val de Loire, école polytechnique de l'université de tours, 2008.

Conférances

Rem Koolhaas et Kenneth Frampton, The Berlage Archive, 1998. Amanda Burden, How public spaces make cities work, 2014

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TABLE DE MATIÈRES SOMMAIRE ..............................................................................................................................................................8 INTRODUCTION GÉNÉRALE..................................................................................................10 PROBLÉMATIQUE..................................................................................................................... 12 MÉTHODOLOGIE ...................................................................................................................... 14 CHAPITRE I : LIEU ET PERTE................................................................................................ 16 1. LA NOTION DU LIEU EN ARCHITECTURE ............................................................ 18 2. LE LIEU.................................................................................................................................. 19 2.1. Le génius loci............................................................................................................ 19 2.2. La compréhension du caractère du lieu........................................................ 21 2.2.a. Mémoire - Les images emblématiques......................................... 22 2.2.b. Orientation - L’espace........................................................................... 23 2.2.c. Identification - Les formes caractéristiques.................................. 24 2.2.d. Le lieu et l'Homme.................................................................................. 25 3. LA PERTE DU LIEU.......................................................................................................... 26 3.1. De "la perte d’ordre" à "la perte du lieu"........................................................ 26 3.2. La perte du lieu...................................................................................................... 28 3.2.a. Terre désolée............................................................................................. 28 3.2.b. JunkSpace.................................................................................................. 29 3.2.c. Non-lieu ...................................................................................................... 31 3.2.d. Synthèse..................................................................................................... 32

CONCLUSION........................................................................................................................... 33

CHAPITRE II : ÉTUDE DU LIEU..............................................................................................34 1. LA VILLE SFAX................................................................................................................... 36 1.1. Sfax, pré-colonisation............................................................................................ 36 1.2. Sfax coloniale.......................................................................................................... 38 1.3. Post indépendance, .............................................................................................40 1.3.a. Littoral perdu..............................................................................................40 1.3.b. Étalement peu contrôlé.........................................................................40 1.4. Synthèse.................................................................................................................... 41 2. CHOTT EL KREKNA......................................................................................................... 43 2.1. Introduction.............................................................................................................. 43 114

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2.2. Lecture Historique................................................................................................. 43 2.2.a. Genèse du port......................................................................................... 43 2.2.b. La mémoire du port...............................................................................44 2.2.c. Mutations....................................................................................................46 2.2.d. Rupture historique.................................................................................. 47 2.3. Lecture Urbaine.....................................................................................................48 2.3.a. Contexte......................................................................................................48 2.3.b. Zones et limites........................................................................................50 2.3.c. Paysage urbain........................................................................................ 52 2.3.d. Noeuds et voiries..................................................................................... 56 2.3.e. Morphologie urbaine.............................................................................. 58 2.3.f. Conclusion................................................................................................... 59 2.4. Lecture d'usage.....................................................................................................60 2.4.a. Les fonctions.............................................................................................60 2.4.b. Flux et accessibilité.................................................................................. 61 2.4.c. Conclusion.................................................................................................. 62

SYNTHÈSE................................................................................................................................. 63

CHAPITRE III : LE GÉNIE DU LIEU......................................................................................... 65 1. RENCONTRE AVEC LES USAGERS .........................................................................66 2. OBSERVATIONS ET COMPRÉHENSION DE L'ENQUETE ............................... 68 2.1. Le vide urbain.......................................................................................................... 68 2.1.a. Le Vide perçu.............................................................................................. 68 2.1.b. Le vide vécu................................................................................................69 2.1.c. Référence locale......................................................................................... 70 2.2. Le Rapport à la mer ............................................................................................72 2.2.a. La Mer en tant que paysage perçu...................................................72 2.2.b. La Mer comme expérience....................................................................73 2.3. Les fragments urbains.........................................................................................74 2.3.a. Le Marché central.....................................................................................74 2.3.b. La bibliothèque régionale.....................................................................76 2.3.c. Synthèse.......................................................................................................76 2.3.d. La mémoire du lieu.................................................................................77 La Reconstruction DU LIEU

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2.3.e. Le paysage en tant que mémoire.....................................................77 2.3.f. La mémoire des fragments...................................................................77 2.3.g. La culture maritime - La mer Comme mémoire.........................78 2.4. La perte de signification.....................................................................................79 3. LA PHÉNOMENOLOGIE DE CHOTT EL KREKNA...............................................80

CHAPITRE IV :LA CONSTRUCTION ..................................................................................... 82 1. PROGRAMME FONCTIONNEL...................................................................................84 1.1. La rencontre des habitants.................................................................................84 1.2. Les pratiques du lieu............................................................................................. 85 1.2.a. Les usagers................................................................................................. 85 1.2.b. L’utilisation au cours du temps........................................................... 86 1.2.c. L'usage du lieu........................................................................................... 86 1.2.d. Choix directeurs du programme et de l'intervention...................87 1.3. Programme prévisionnel..................................................................................... 88 2. CORPUS RÉFÉRENTIEL................................................................................................ 89 2.1. Les Berges du Rhône, les rives de Saône..................................................... 89 2.2. Conde Waterfront Promenade........................................................................ 92 2.3. La galerie James Simon.....................................................................................94 2.4. Synthèse..................................................................................................................96 3. INTERVENTION.................................................................................................................97 3.1. Intervention urbaine............................................................................................100 3.2. Intervention architecturale............................................................................... 104

CONCLUSION GÉNÉRALE.................................................................................................... 110 BIBLIOGRAPHIE.........................................................................................................................111 TABLES DE MATIÈRE...............................................................................................................114 ICONOGRAPHIE........................................................................................................................ 117 ANNEXE.................................................................................................................................... 120

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ICONOGRAPHIE Page 21, Maroc, Aït Benhaddou. Page 27, Minoru Yamasaki.Quartier d'habitat social Pruitt-Igoe, Conçu en 1950 aux États-Unis, Missouri, Saint-Louis. Page 28, Atelier Olschinsky Grafik, Martian, 2017. Page 29, Riccardo Vecchio, Großstadt (ville), 2004. Page 30, Daniel Chazme, MEGAPOLIS Dynamic growth, 2013. Page 30, Daniel Chazme, Megapolis: City levels 2, 2013. Page 30, Daniel Chazme, Megapolis, 2012. Page 31, Daniel Chazme, Recycles'diptych, 2014. Page 32, Daniel Chazme, Perfect Silence, 2018. Page 36, Carte de la tunisie Page 36, Plan de Sfax, La ville arabe 1881, Source: www.gallica.bnf.fr Page 37, Sfax, vue panoramique des ramparts en 1881. D'après les croquis des correspondants du journal "L'illustration" n°2007 du 6 août 1881. Page 37, Sfax, Borj Lehiani, Restitution digitale personelle, © Zaher Kammoun Page 38, Carte postale de l'avenue Hedi Chaker située dans le quartier colonial de Sfax. Page 39, Plan d'aménagement de Page 39, Sfax en 1960. Page 40, Salem Dahech,Les grandes étapes de l'étalement urbain de l'agglomération de Sfax. Page 41, Développement de la médina et naissance du Rbat el qebli. Page 41, Genèse des ports de commerce et de pêche et la construction des premiers équipements industriels. Page 41, Construction du quartier colonial de forme rectangulaire en face de la médina. Page 41, Expansion massive des zones industrielles et la perte totale du littoral. Page 44, Carte postale montrant une scène du quotidien au bord des quais de l'ancien port de pêche de Sfax "Chott el Krekna" Prise en 1940 Page 45, Carte postale montrant une scène du quotidien au bord des quais de l'ancien port de pêche de Sfax "Chott el Krekna". Prise en 1907. Page 46, Prise de Chott el Krekna sacrifié en parking pour les camions © Thibault Moncorger. Page 48, Recensement des repères et édifices avoisinants de Chott El Krekna. Page 48, Plan du centre-ville de Sfax. Page 49, Plan du centre-ville de Sfax. Les différents secteurs avoisinants le lieu d'intervention.

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Page 50, Plan des zones et des limites spécifiques au lieu d'étude. Page 50, Coupe en perspective sur la rue Jamal Abdennaser . Page 51, La façade du dépôt industriel "le comptoir Sfaxien". Page 51, Vue sur les lignes de chemin de fer polluées par les déchets chimiques. Page 52, Localisation des coupes et des façades sur le plan de l'environnement bâti de Chott El Krekna. Page 53, Skyline de l'avenue Ali Bach Hamba. Page 53, Skyline de l'Avenue Habib Achour. Page 53, Comparaison des vues de l'avenue Habib Achour entre 1964 et aujourd'hui. Page 54, Localisation des coupes et des façades sur le plan de l'environnement bâti de Chott El Krekna. Page 55, Vue du paysage portuaire de la rue Jamal Abdennaser. Page 56, Localisation des nœuds et des voiries sur le plan du tissu urbain de Chott El Krekna. Page 56, Coupe en perspective sur la rue Mohsen Kallel. Page 57, Coupe en perspective sur l'avenue Habib Achour. Page 57, Coupe en perspective sur la rue Jamal Abdennaser. Page 58, Les différentes strates du tissu urbain du centre ville de Sfax. Page 60, Distribution spatiale des fonctions aux alentours de Chott El Krekna. Page 61, Les différentes strates de notre analyse de l'accessibilité et des flux de Chott El Krekna. Page 62, Répartition des Zones de Chott El krekna. Page 68, Les différentes strates du tissu urbain de centre ville de Sfax Page 69, Vue sur le vécu de Chott El Krekna. Page 70, Comparaison entre le tissu médinal et les Jnens caractéristiques de la ville. Page 71, Le rapport Introverti / Extroverti des borjs. Page 72, Un monsieur qui admire et contemple la mer. Page 73, Modification du paysage au rythme des marées. Page 73, Un monsieur qui pratique son loisir de pêche. Page 73, Comparaison entre 1964 et 2019. Le rapport à la mer perdue. Page 74, Transect urbain de Chott El Krekna. Page 74, Image du vécu de Chott El Krekna et le marché central. Page 75, Façade du marché central. Page 76, Vue sur la façade de la bibliothèque régionale de Sfax. Page 76, Vécu de la bibliothèque durant les périodes d'examens. Page 77, Paysage urbain et skyline de Chott El Krekna en 1964 .

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Page 78, Vécu de l'ancien port de pêche, Chott El Krekna. Page 78, Façade du marché central à Chott El Krekna. Page 78, Façade de la bibliothèque municipale à Chott El Krekna. Page 78, Carte postale de 1908. Vue sur les barques de pêches à Chott El Krekna. Page 79, Collage personnel des cartes postales de la mémoire du lieu. Page 86, Extension d'un café sur les bords de Chott El Krekna. Page 89, Vue sur les gradins urbains du projet. Source: Archdaily. Page 90, Vue sur les gradins urbains et le bassin d'eau. Source: Archdaily. Page 91, Vécu des bassins d'eau publiques. Source: Archdaily. Page 91, Le réaménagement du palais de justice. Source: Archdaily. Page 92, Vue aérienne sur la placette centrale. Source: Archdaily. Page 92, Schémas explicatifs de l'intervention. Source: Archdaily. Page 93, Coupe schématique des intentions du projet. Source: Archdaily. Page 93, Photo de la vue dégagée de la placette principale du projet. Source: Archdaily. Page 93, Vues des différents aménagements et extensions élaboré en rapport avec la ville et les édifices historiques. Source: Archdaily. Page 94, Vue sur l'entrée principale du projet. Source: Archdaily. Page 94, Rapport du projet aux édifices historiques. Source: Archdaily. Page 95, Réinterprétation moderne du Piano. Source: Archdaily. Page 95, Vue d'ensemble sur le projet dans son contexte historique. Source: Archdaily. Page 97, Plan de la stratégie d'intervention urbaine de Chott El Krekna. Page 98, Vue d'ensemble: prè-jury. Page 99, Séquence 2: 1ère semestre. Page 99, Séquence 4: prè-jury.

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ANNEXE Enquête sociale sur Chott El Krekna 1. Dans quelle zone habitez-vous ? Quartier "Beb Bhar" La médina de Sfax Centre-ville de Sfax La banlieue de Sfax L'archipel de Kerkennah Autres : ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………….

2. Comment fréquentez-vous Chott El Krekna? Quotidiennement Occasionnellement Rarement

3. Pourquoi le fréquentez- vous ? ……………………………………………………………………………………………….…………………………………………………………………………………………

4. Quels éléments vous marquent le plus dans Chott El Krekna ? ……………………………………………………………………………………………….…………………………………………………………………………………………

5. A votre avis, comment imaginez-vous cette zone au futur ? ……………………………………………………………………………………………….…………………………………………………………………………………………

7. Quel type d’activités pensez-vous nécessaire pour revitaliser la zone ? ……………………………………………………………………………………………….…………………………………………………………………………………………

6. Finalement, pourrez-vous me parler de Chott El Krekna ? son histoire, un souvenir qui vous a marqué... ……………………………………………………………………………………………….…………………………………………………………………………………………

Merci pour votre aide et d’avoir consacrer quelques minutes pour remplir ce questionnaire



Novembre 2019



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