Depuis 1971 Printemps 2012 / 3,20 € N°169
Elections nationales, crise financière, Rio+20
En finir avec l’écologie Avez-vous remarqué ? Même les grands
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Numéro spécial
médias ont fini par s’en apercevoir : depuis quelques mois et au fil de la campagne électorale nationale, l’écologie a disparu… à tel point qu’en finir avec l’écologie semble avoir été une part du programme secret de la plupart des candidats de 2012. Mais le projet, malheureusement, ne se limite pas à la France. Sous couvert de crise de l’euro, les principales autorités européennes – Commission, Conseil européen, grands Etats – entendent accélérer l’agenda de Lisbonne et tirer vers le bas les législations sociales et environnementales européennes qui, il y a encore quelques mois, faisaient rêver les citoyens de nombreux pays du monde. Le salut, alors, par les Nations unies ? Le premier Sommet de la Terre, en 1992, avait consacré l’expression “développement soutenable”, aussitôt devenu “durable” en français, facilitant les dérives auxquelles on a assisté. En comparaison, la préparation de Rio+20 fait figure de sombre parodie. Le projet de déclaration finale entend placer tous les biens naturels et collectifs dans la main de marchés fabriqués de toutes pièces avec l’active collaboration des banques, assurances et autres fonds spéculatifs. Ainsi, en 1992, le pavillon de la France était tenu – et loué – par l’Ademe. En juin 2012, il le sera – avec la bénédiction de François Fillon, ministre de l’Ecologie par intérim dans le dernier gouvernement Sarkozy – par un groupement de multinationales françaises, dont les inévitables Veolia, Vinci et consorts. Il est donc plus que temps de rassembler les forces décidées à remettre à leur place l’argent, les multinationales et le pouvoir d’une oligarchie planétaire qui, au nom des “forces naturelles” du marché, dicte sa loi et fait main basse sur les ressources naturelles et les écosystèmes déjà très fragilisés.
France L’écologie portée disparue
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page 2 En matière d’écologie, l’élection de François Hollande n’augure pas de rupture majeure. Les associations doivent rester très pugnaces.
Euro(pe) Vous reprendrez bien
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page 3 Depuis 1973, les crises se succèdent : chocs pétroliers, krachs boursiers, bulle Internet… Née de la crise des subprimes, voici celle de la dette publique. page 4 Le “Sommet de Rio” a vingt ans. La Conférence sur le développement durable que l’Onu convoque en juin ne s’annonce pas sous les mêmes auspices.
Energie et climat Ne pas confondre
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méthane et méthane
page 5 Arrêter d’émettre du méthane, l’un des gaz à effet de serre les plus redoutables, s’impose. Mais il provient de sources multiples – naturelles ou humaines. Décryptage.
Sables bitumineux Une directive
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européenne bloquée par les lobbies
page 5 Classer les carburants en fonction de leur “densité carbonée” ? Pas question pour les industries extractivistes.
Analyse Que reste-t-il de l’écologie ?
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page 6 Comprendre pourquoi l’époque est ingrate pour l’écologie est indispensable pour décrypter les forces à affronter et se remettre en question. Entretiens.
Réforme de l’Etat L’administration
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de l’environnement brisée
page 8 Après avoir supprimé de nombreux postes de fonctionnaires, l’Etat regroupe sous l’égide des préfets de Région les services dépendant de ministères différents.
Relocalisation
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Société L’écologie choisit
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un petit coup de crise…
Rio+20 Planète à vendre
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Proposer des alternatives
Contrer la tentation nationaliste
page 8 L’extrême droite refuse la mondialisation, mais pas le capitalisme entrepreneurial local. Pour nous, relocaliser, c’est tendre vers une société anticapitaliste.
la démocratie directe
page 9 Une réflexion sur le fonctionnement de nos sociétés, et sur leurs modes d’expression démocratique, est indispensable à plus de justice et de citoyenneté.
Du contrat social Pour un espace
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écologique des revenus
page 10 Le concept d’espace écologique proposé par les Amis de la Terre se transpose aisément à un “espace des revenus”, défini par un plancher et un plafond.
Initiatives Monnaie locale,
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activité politique locale
page 10 Créer une monnaie locale complémentaire se situe à la croisée de deux problèmes politiques globaux : celui de la monnaie et celui des alternatives.
Luttes Le béton doit cesser
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de bouffer les terres
page 11 LGV, THT, aéroport… Les mégaprojets inutiles grignotent la terre agricole. Mais les citoyens s’organisent et multiplient les résistances créatives. Parfois gagnantes.
Pouvoir local Contrer l’étalement urbain
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page 11 L’extension démesurée des zones d’habitat et d’activité constitue une aberration écologique et sociale. Les élus locaux disposent pourtant d’outils.
Un été militant
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Les mobilisations à venir
page 12 Appel au rassemblement des porteurs d’alternatives écologiques et sociales L’agenda des rendez-vous de l’été
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NUMÉRO SPÉCIAL
Le Courrier de la Baleine Le journal des Amis de la Terre n° 169
France L’écologie portée disparue La campagne électorale nationale a été marquée par l’absence de réel poids de l’écologie, et l’élection de François Hollande à la présidence de la République n’augure pas de rupture majeure en la matière, même si des nuances existent entre les positions du PS et celles de l’UMP. Les associations devront être pugnaces et organisées. Le rouleau compresseur de la réorganisation de l’Etat, mise en place par Nicolas Sarkozy, a sapé la capacité des autorités – si tant est qu’elles en aient la volonté – à porter les politiques environnementales. A l’heure où nous bouclons, François Hollande est le nouveau président de la République. A défaut de révolution, il est permis d’espérer un certain apaisement de l’ambiance morale du pays, le style de l’homme n’étant assurément pas celui de son prédécesseur. Ce n’est pas rien. Néanmoins, la crise de l’euro et la faiblesse des marges de manœuvre laissent à penser que les différences entre l’ancien et le nouveau chef de l’Etat seront minces pour l’écologie. Alors qu’en 2007, apparemment, “l’écologie n’appartenait à aucun camp”, cette campagne électorale a été marquée par sa quasi-disparition. Le premier geste du président sortant devenu candidat a été de supprimer le ministère de l’Ecologie (dont il ne restait déjà pas grand-chose) pour nommer Nathalie Kosciusko-Morizet porte-parole de sa campagne, confiant transitoirement le portefeuille ministériel de l’écologie au Premier ministre – qui a au moins la franchise d’afficher ses goûts pour la Formule 1. Le ton était donné. De son côté, François Hollande n’a même pas mentionné l’écologie dans son discours d’ouverture de campagne, le 22 janvier dernier au Bourget. Si son programme comportait quelques points nets – opposabilité de la trame verte et bleue, interdiction des OGM, possibilité d’instaurer des péages urbains et obligation de réduire de 50 % la consommation globale de pesticides, il l’est moins sur l’exploitabilité des gaz et huiles de schiste. Et pas question de renoncer à l’aéroport de NotreDame-des-Landes (Loire-Atlantique). Le nouveau président de la République a promis “un vaste débat énergétique” dont le principal résultat est connu à l’avance : conserver une part de 50 % du nucléaire dans la production électrique française… en 2025. Alors que les Français sont de plus en plus hostiles au nucléaire, ce chiffre ressemble davantage à une tentative de couper la poire en deux qu’au fruit d’un débat argumenté avec les citoyens. Pourquoi, dans ces conditions, convoquer un débat ? Même la concertation du Grenelle de l’Environnement était formellement plus ouverte : si la sortie du nucléaire y fut clairement taboue, d’innombrables autres points ont pu être débattus durant de longs mois, et un certain nombre de vérités rappelées devant les responsables de l’Etat et de l’industrie. Perdue en rase campagne Globalement, le début de la campagne électorale nationale a suscité l’ennui. Les candidates des deux partis écologistes en lice ont été laminées, l’une par l’épreuve du recueil des signatures, l’autre par un premier tour qui n’a pas permis de montrer à quel point les questions sociales et environnementales sont imbriquées. Aussi, sans doute, parce que les discours des écologistes n’osent pas dire la rupture indispensable avec le néolibéralisme, c’est-à-dire avec un capitalisme mondialisé et ravageur, thème sur lequel a surfé, non sans cynisme mais avec succès, la candidate du Front National… – défendant un repli nationaliste fantasmatique tout en ne prennant aucune position sur la question-clé du productivisme (voir p. 8). Le Front de Gauche, lui, a pris le soin de parler d’écologie et défendu des positions écologiques souvent vigoureuses, sans être capable pour autant de trancher sur le nucléaire. Au bout du compte, la seule question environnementale vraiment évoquée pendant la campagne a été l’atome, mais de façon fugace. L’état du parc français n’a pas été évoqué. Alors que, après Fukushima et malgré une propagande officielle, les Français sont de plus en plus rétifs au nucléaire, les jeux politiques ont conduit à la conclusion qu’il n’existait que deux possibilités : prolonger la durée d’exploitation des centrales à 40 ans (version PS) voire plus, ou ne rien changer (version UMP). Dans ces conditions, on comprend qu’il ait été difficile d’évoquer tout réel changement de modes de vie. Car, sur un point essentiel, les deux finalistes s’accordaient : la croissance économique, et, en particulier, l’expansion urbaine et la relance du secteur du bâtiment – ceci, alors qu’il faut d’abord songer à densifier, à construire la ville sur la ville et à utiliser les logements vacants (voir p. 11). Le candidat Nicolas Sarkozy a promis une augmentation de 30 % de la densité de la surface des terrains à bâtir, tandis que François Hollande envisageait la cession de terrains de l’Etat afin de libérer des surfaces pour la construction. Quant aux réformes radicales à apporter aux politiques agricoles, quand la France est le premier consommateur de pesticides en Europe (plus de 70 000 tonnes par an), qu’elle continue d’être condamnée pour infraction à la directive Nitrates et que la réforme de la PAC aura lieu en 2013 : motus. Alors que, tous les sept ans, l’équivalent de la surface d’un département disparaît sous le béton et le bitume en France, que les rendements agricoles baissent dans le pays depuis les années 2000 en raison de la dégradation continue de la vie organique des sols, de plus en plus de responsables de communautés d’agglomérations, mus par une conscience croissante des enjeux écologiques, prennent des mesures pour sauvegarder le foncier
afin de permettre le redéveloppement de l’agriculture périurbaine, de densifier l’urbanisme et de restaurer les continuités écologiques. Ceci montre à quel point s’est creusé le fossé entre les élites nationales – toujours plus technocratiques et proches des milieux financiers – et de petits élus de base, le plus souvent honnêtes. Comme les autres citoyens, de plus en plus d’élus locaux sont prêts à des changements pourvu qu’ils leur soient présentés comme des alternatives concrètes. Celles-ci existent, mais, trop souvent encore, les multinationales françaises de l’eau, de l’énergie ou de la chimie s’y opposent avec virulence. Le bilan Sarkozy très négatif Le bilan de la campagne est donc peu réjouissant. Mais le temps et les promesses électorales passent vite. Si l’on examine les politiques menées en France, le bilan du quinquennat de Nicolas Sarkozy est sans aucun doute plus que négatif, par son empreinte à la fois sur les politiques et sur l’appareil d’Etat. On connaît le refrain entonné par nombre d’associations et de syndicats : les résultats de la concertation du Grenelle de l’Environnement étaient prometteurs, mais le Parlement et les groupes industriels ont agi en coulisse pour saper les travaux de la concertation par des lois vagues, puis des décrets et des arrêtés régressifs. Ce n’est en rien une surprise. Pour les Amis de la Terre, qui ont participé au processus – lancé à partir d’une boutade du candidat Nicolas Sarkozy en 2007 –, seule la phase de concertation présentait un réel intérêt. Sa seule vertu a consisté à légitimer les questions d’écologie auprès d’une part croissante d’élus et d’agents publics et de convaincre un certain nombre de parlementaires que les dangers des OGM n’étaient pas que des affabulations d’écologistes. A cet égard, la création du Haut conseil des biotechnologies par la loi sur les OGM de 2008 aura été une belle épine dans le pied des lobbies de la transgenèse, puisque les opposants aux OGM ont pu y exprimer leurs arguments – ce qui s’est soldé par la récente démission de la FNSEA, de la CFDT et de l’ANIA (Association nationale des industries alimentaires) qui n’ont pas supporté que l’impossibilité de la coexistence entre plantes OGM et non OGM soit démontrée dans une enceinte officielle. Dès le 25 octobre 2007 – après le discours final de Nicolas Sarkozy –, Claude Bascompte, en tant que président des Amis de la Terre - France, déclarait que, “en voulant ménager la chèvre et le chou, le nucléaire et les renouvelables, l’agriculture biologique, les OGM et les agrocarburants, les incinérateurs et la réduction à la source des déchets, Nicolas Sarkozy s’efforce de paraître courageux, mais refuse de prendre des engagements clairs et remet à plus tard la question des choix réels, dont celle des financements. Les discussions sur la contribution énergie-climat devront, pour cette raison, être suivies avec la plus grande attention. Au bout du compte, les déclarations de principes généreuses cachent mal la poursuite d’une politique de soutien aux grands intérêts industriels.” Les 268 engagements du Gre-
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Euro(pe) Vous reprendrez bien un petit coup de crise…
Sommes-nous de perpétuels enfants de la crise ? Il y a eu le premier choc pétrolier en 1973, le deuxième, en 1981, et le troisième en 1991, puis les crises financières. La crise de la dette des “pays en développement” à partir de 1982, le krach boursier de 1987, la bulle Internet de 2001. Née de la crise des subprimes, voici aujourd’hui la crise de la dette publique… en attendant la suite. Qui veut le programme ?
nelle présentent au moins l’avantage de planter un piquet qui nous montre l’étendue des dégâts : la part modale du transport routier consomme toujours l’essentiel des budgets publics, le démantèlement du fret ferroviaire se poursuit, les politiques de soutien des énergies renouvelables demeurent faibles, incohérentes et trop fluctuantes. Les énergies fossiles restent largement subventionnées, la surface de l’agriculture biologique n’atteint pas les objectifs pourtant modestes issus de la concertation du Grenelle et la consommation réelle des pesticides n’a pas baissé depuis 2008. L’Institut français de l’Environnement a été supprimé, aucune politique de prévention de la production des déchets n’a été mise en œuvre, et les objectifs de réduction du recours à l’incinération ont été trahis. Globalement, les principes énoncés par la loi Grenelle 1, déjà en baisse par rapport aux résultats de la concertation, ont été vidés de leur substance par la loi Grenelle 2. Des associations sous contrôle Mais le plus lourd bilan est moins visible car, au-delà des politiques sectorielles désastreuses, la réorganisation permanente de l’Etat a quasiment détruit sa capacité à conduire et coordonner des politiques écologiques et d’aménagement du territoire (voir p. 8). Et, tandis que l’Etat n’a plus les moyens de mener une réelle politique environnementale, François Hollande entend établir “un dialogue environnemental à la hauteur du dialogue social”… avec qui ? Les arrêtés concoctés durant les dernières semaines d’exercice du pouvoir par le cabinet de François Fillon obligeront, dès le lendemain des élections législatives, les associations de protection de l’environnement à faire renouveler leur agrément par le préfet tous les cinq ans. Or, l’agrément ministériel ou départemental pour la protection de l’environnement est essentiel aux associations écologistes, ne serait-ce que pour la légitimité qu’il leur confère et pour les actions en justice qu’il autorise. Pour conserver leur agrément, les associations devront satisfaire plus d’exigences sur leurs activités et leur fonctionnement. Or le décret de juillet 2011 retient des critères si vagues et concède à l’administration un tel pouvoir discrétionnaire qu’il lui offre la possibilité d’écarter certaines associations trop critiques. L’Etat pourrait être tenté d’exercer un contrôle étroit des rares contrepouvoirs existants : toutes les associations agréées avant 1990 devront avoir déposé leurs dossiers de renouvellement le 30 juin 2012. Enfin, François Hollande veut accorder le pouvoir d’initiative aux collectivités locales, Régions en tête, mais il n’est pas question de remettre en cause la nouvelle organisation administrative. Tout porte à croire que les préfets resteront les représentants omnipotents de l’Etat. Seul le marionnettiste changerait. Dans ce contexte, et quelles que soient par ailleurs leurs différences et divergences, les associations qui, sans rejeter tout dialogue avec les représentants de l’Etat, ne souhaitent pas jouer le jeu de la cogestion auront tout intérêt à se serrer les coudes.
> LE BUREAU FÉDÉRAL DES AMIS DE LA TERRE FRANCE
Depuis 1973 et le génial coup de poker de l’Opep suite à la guerre du Kippour (voir ci-contre), le discours dominant n’est plus celui de l’expansion et du progrès, mais celui de la crise. L’ordinaire de la crise Dès 1973, Ivan Illitch l’avait analysé1 : la civilisation occidentale semble prise dans un gigantesque effet de ciseau. D’une part, il faut toujours plus de matières premières et d’énergie pour rendre un service comparable. Il en va ainsi du téléphone mobile par rapport au téléphone fixe, des appareillages invraisemblables faisant appel à des serveurs informatiques situés aux quatre coins de la planète pour commander une pizza à 200 mètres de chez soi, d’objets dont l’obsolescence programmée est toujours plus rapide, etc. Cette consommation hyper-industrielle et invisible renforce le pouvoir des oligopoles sur la majorité des populations, au Nord comme au Sud. D’autre part, les inégalités sociales et territoriales explosent, reléguant les classes populaires, et aujourd’hui aussi les classes moyennes, dans des conditions de vie de plus en plus indignes, écrasées entre les consommations contraintes – voiture, chauffage, etc. – et des revenus qui ne peuvent suivre le cours de matières premières toujours plus rares et la croissance des remboursements de la dette publique. On peut encore, par médias et crédits interposés, laisser à l’affiche le mirage des classes moyennes jouissant des splendides “fruits de la croissance”. Mais le malaise pointe : ces mythiques classes moyennes ont réalisé qu’elles fondent comme neige au soleil, prises au piège d’une culture construite par les firmes industrielles surexcitées par les intérêts des acteurs financiers. Une dette-accélérateur Depuis, la logique à l’œuvre s’est démultipliée à l’échelle de la planète grâce à la machinerie de la dette financière, véritable carburant de la prédation des ressources naturelles. En 1973, déjà, les progrès de l’informatique permettaient de rendre les marchés financiers toujours plus “efficaces” et les multinationales occidentales organisaient le pillage des ressources dans les anciennes colonies. La principale nouveauté est là : le capitalisme financier a pris sur l’industrie la revanche qu’il attendait depuis l’entre-deux-guerres. C’est en 1973 que Va-
léry Giscard d’Estaing obtenait le vote d’une loi obligeant l’Etat à financer ses déficits auprès des banques privées. Il leur offrait ainsi sur un plateau le monopole de la création monétaire par le crédit. Jusque là, ce monopole était celui des banques centrales (chez nous, la Banque de France), qui, moyennant une légère inflation, renflouaient les caisses des Etats à taux zéro. Adieu la planche à billets : les économies occidentales entraient dans l’ère du crédit triomphant. A la même époque en effet, les futurs pays de la zone euro ont adopté des lois comparables. Depuis, l’Europe de Maastricht et de Lisbonne a enfoncé le clou. Des textes (les fameux traités) ont été imposés aux populations, parfois clairement contre leur volonté – comme le prouvaient les “Non” irlandais, hollandais et français en 2005. Ces textes entérinent l’indépendance de la Banque centrale européenne (BCE) et interdisent aux Etats de se financer auprès d’elle (en revanche, elle a le droit – et ne s’en prive pas – de financer les banques privées qui financent les Etats) ou de s’entraider. Le coup de grâce a été la crise des subprimes, qui a conduit les Etats à s’endetter pour sauver leurs banques de la faillite. Les résultats sont là : le cumul de la dette publique française est passé de 1 000 milliards d’euros en 2003 à plus de 1 700 milliards d’euros en 2012. La dette de l’Espagne, qui n’atteignait que 40 % de son PIB en 2007, en représente près de 80 % en 2012. Après la Grèce et le Portugal, c’est le tour de l’Espagne et de l’Italie. Voici ouverte la crise de l’euro, sommet de l’absurde : il faudrait maintenant rembourser les banques. Le Mécanisme européen de stabilité et le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, qui doivent être ratifiés en 2012, visent à inscrire dans la constitution une “règle d’or” draconienne s’imposant à tous les Etats, au nom du remboursement de la dette – dont une grande part est tout aussi illégitime au Nord qu’elle l’était au Sud. Le mécanisme est le même que celui appliqué depuis les années 1980 à de nombreux pays d’Amérique latine, d’Afrique et d’Asie à travers les programmes imposés par le FMI. Ce mécanisme infernal, à l’œuvre désormais en Europe aussi, permet d’appauvrir les Etats et de les démunir des moyens de conduire leurs politiques sociales et écologiques. Les gouvernements attaquent les conquêtes sociales (retraites, santé, services publics) au nom du fantasme qui viserait à rendre les
pays d’Europe compétitifs avec les pays qui pratiquent le dumping social et écologique comme la Chine et l’Inde ou ceux d’Europe de l’Est et du Maghreb. Les dirigeants ultralibéraux décident, par la voix de la BCE, du FMI et de la Commission européenne (la Troïka) d’imposer des plans d’austérité et de bas salaires tels que le niveau de vie des Grecs, des Portugais et maintenant des Espagnols chute dans des conditions insupportables. Ce qui va prolonger la profonde récession économique, d’abord dans les Etats dits de la périphérie, puis dans ceux du cœur de l’Europe. Tout cela au nom d’un remboursement que leur austérité rend impossible. Décroissance contre austérité Ces plans d’austérité sans fin, imposés à toute l’Europe, ne sont pas la sobriété défendue par les Amis de la Terre et par ceux qui prônent la décroissance. La récession crée du chômage et du stress mais ne propose aucune solution d’autonomie ou d’organisation locale. Les terres et le temps disponible sont de plus en plus contrôlés par des groupes industriels qui se battent pour dénigrer la sobriété et impulser des stratégies, afin de garantir la surconsommation énergétique de l’Europe : exploitation des pétroles et gaz de schiste, prolongation de l’exploitation de centrales nucléaires obsolètes, retard dans la conversion à l’agroécologie et dans la révision radicale de l’urbanisme. Les Collectifs pour un audit citoyen de la dette publique2 démontent la logique cette dette assimilée à une dette privée. Ils refusent que les populations payent les remboursements des emprunts illégitimes contractés par les gouvernements. Ils analysent les comptes des Etats européens et des collectivités locales, déconstruisent le discours accusant les peuples d’avoir vécu dans le luxe et le confort : si la dette avait servi à améliorer les conditions de vie des Français, comment expliquer que le nombre de pauvres ne cesse de croître depuis 2004 ? En réalité, les dépenses publiques, exprimées en parts du PIB, n’ont quasiment pas varié depuis 1992. Ce sont les cadeaux fiscaux faits aux plus riches qui ont délibérément créé les déficits publics pour le seul profit des détenteurs de capitaux. C’est pour cela que les banques privées doivent être cantonnées à leur rôle de financement de l’économie et que l’investissement doit être contrôlé par les citoyens au travers des politiques publiques.
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LAURENT HUTINET ET NICOLAS SERSIRON
Petite chrono 1971-1973 Fin des accords de Bretton Woods, qui avaient instauré un système de taux de change fixes : chaque monnaie était définie en dollar – seule monnaie rattachée à l’or. Depuis la coûteuse guerre du Vietnam, il y a cinq fois plus de dollars dans le monde que de réserves en or du Trésor étasunien. Les Etats-Unis connaissent leur premier déficit commercial. Le 15 août 1971, Nixon enterre cette convertibilité dollar/or. C’est le début de la fin du système monétaire international, qui s’effondre définitivement en 1973, quand les changes deviennent flottants : on va pouvoir spéculer sur les monnaies. La croissance des flux financiers s’affranchit de celle des flux de production. 1973 Premier “choc pétrolier”. Les cours du pétrole, établis en dollar, se ressentent de sa chute. L’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) argue de la guerre israélienne du Kippour pour organiser un embargo. Le prix du baril ne cessera plus d’augmenter. 1981 Thatcher et Reagan mettent en œuvre la fameuse “dérégulation ultralibérale”, qui signe la fin de l’Etatprovidence. Le déficit public explose, les salariés s’endettent pour maintenir leur niveau de vie. Des sommes colossales issues du revenu du travail viennent ainsi nourrir les marchés financiers – le hold-up parfait. En 30 ans, dans les quinze pays les plus riches de l’OCDE, la part du travail dans le PIB baissera de 10 %. Années 2000 Après l’éclatement de la bulle Internet, la crise des subprimes réoriente les “investisseurs” (dont les banques sauvées par les Etats…) vers le “marché” de la dette, réputé plus sûr. Avec les résultats qu’on sait…
1 En 1973, Ivan Illich publiait Equité et énergie, où il pointait : “Il est devenu de bon ton de parler de crise de l’énergie. C’est un euphémisme qui masque une contradiction, indique une frustration, consacre une illusion. Il masque la contradiction inhérente au fait de vouloir atteindre à la fois un Etat social fondé sur la notion d’équité et un niveau toujours plus élevé de production industrielle. Il indique quel est le présent degré de frustration provoqué par le développement industriel. Enfin, il consacre l’illusion que l’on peut indéfiniment substituer la puissance de la machine à celle de l’homme, illusion fatale aux pays pauvres comme aux pays riches. En répandant l’usage d’une telle expression, les riches font encore plus de tort aux pauvres qu’en leur vendant les produits de leur industrie. De leur côté, en acceptant l’explication que les riches donnent de la pénurie de ressources énergétiques, les pauvres se dotent du même coup d’un handicap dans la course obligée à la croissance illimitée.” 2 Ces collectifs réunissent des citoyens et des organisations, syndicales et associatives. Soutenus par plusieurs formations politiques, ils ont été créés afin de porter le débat de la dette publique au cœur de la société.
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Rio+20 Planète à vendre
Energie et climat Ne pas confondre méthane et méthane
Vingt ans après le Sommet de la Terre de 1992, les Nations Unies convoquent une nouvelle Conférence internationale sur le développement durable, qui se tiendra à Rio de Janeiro, au Brésil, du 20 au 22 juin 2012.
Le méthane, l’un des gaz à effet de serre les plus redoutables, pose un problème d’autant plus pressant que ses sources d’émission, naturelles ou humaines, sont multiples. Dans un contexte de réchauffement accéléré, ne pas en émettre s’impose. Décryptage.
cette entreprise a coupé illégalement des millions d’hectares de la forêt tropicale indonésienne pour les convertir en plantations, relâchant dans l’atmosphère des quantités colossales de carbone et de méthane. Elle serait ainsi responsable chaque année de plus de 3 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Mais, le plus sérieusement du monde, cette entreprise demande à recevoir des financements pour réduire son rythme de déforestation et laisser quelques arbres debout… Le principe de pollueur-payeur est mort : voici le principe de pollueur-payé !
1 www.uncsd2012.org /rio20/mgzerodraft.html#I 2 Voir le blog de Fabrice Nicolino http://fabrice-nicolino. com/ index.php/?p=1285 3 D’après une étude du Federal Institute of Technology de Zurich. www.slate.fr/lien/45343/ 147-entrepriseseconomie-mondiale 4 www.guardian.co.uk/ sustainable-business/ global-business-summitkpmg 5 www.redd-monitor.org/ 2011/11/10/asia-pulpand-papers-big-redd-sca m-on-the-kamparpeninsula/ 6 Appel contre l’économie verte consultable sur : http://nogreeneconomy.org/ Pour en savoir plus Les Amis de la Terre France et sept autres organisations ont produit un film pédagogique sur le mécanisme Redd (réduction des émissions liées à la déforestation et à la dégradation des forêts). On peut le visionner en ligne sur amisdelaterre.org/filmredd Appel pour une campagne contre le hold-up des entreprises sur l’ONU www.fame2012.org/fr/201 2/04/23/capture-onu
C’est en janvier qu’a été rendue publique la première version du texte qui servira de base aux négociations officielles de juin prochain1. Intitulé Notre vision pour le futur, ce document reflète surtout les rapports de force en présence – et notamment l’influence grandissante des entreprises sur les institutions de l’Organisation des nations unies (ONU) – et en aucun cas une véritable vision partagée qui identifierait les responsabilités et proposerait des ruptures fortes avec un modèle économique qui creuse les inégalités et épuise la planète. Pour préparer ce document, l’ONU a ainsi établi un partenariat avec la Chambre internationale du commerce et de l’industrie et le Conseil mondial des entreprises pour le développement durable, un faux-nez qui regroupe les pires entreprises de la planète comme General Motors, DuPont, Coca-Cola ou Shell. Le fondateur et président honoraire de ce groupe n’est autre que Stephan Schmidheiny, ex-propriétaire de la multinationale Eternit, condamné à 16 ans de prison en Italie pour son implication dans le scandale de l’amiante2. Concentration économique accélérée Comment en est-on arrivé là ? Depuis vingt ans, la concentration économique des entreprises et le poids des acteurs financiers se sont fortement accentués au niveau mondial. A tel point qu’aujourd’hui, 147 entreprises contrôlent à elles seules 40 % de la valeur monétaire de l’ensemble des multinationales 3. La puissance financière placée dans les mains d’un nombre très restreint d’acteurs a permis à ces multinationales de prendre le contrôle des débats sur la crise écologique, en particulier au sein des forums internationaux. La première étape de ce tour de force a eu lieu en 2003, quand l’ONU a reconnu le secteur privé comme “groupe majeur” du développement durable. Ceci a permis aux entreprises d’être consultées au même titre, par exemple, que les représentants des ONG, des syndicats, des collectivités territoriales, des femmes ou des peuples autochtones. La deuxième étape a consisté à multiplier les partenariats des entreprises avec des institutions de l’ONU
– en particulier le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) – ou avec des ONG comme le WWF ou l’IUCN, afin de gagner en crédibilité. Parmi ces “partenaires”, on trouve Exxon Mobil (qui a financé pendant des années des groupes de pression pour saboter les négociations sur le climat), Shell (qui empoisonne les populations et l’environnement en exploitant le pétrole dans le delta du Niger), ou encore Rio Tinto, une multinationale angloaustralienne, – dont une des usines, située en Hongrie, a déversé plus d’un million de mètres cubes de boues d’aluminium toxique dans le Danube. Aujourd’hui, cette stratégie met en avant le concept d’“économie verte”. Lequel refuse l’examen des causes profondes de la crise écologique et propose uniquement de se concentrer sur les solutions que ces entreprises soutiennent et peuvent mettre en œuvre. Lors d’un colloque de préparation de Rio+20, en février 2012, Achim Steiner, directeur exécutif du PNUE, a ainsi déclaré4 : “Quand les leaders de ce monde se retrouveront à Rio cette année, la voix des entreprises sera importante. Leur capacité à assister les États pour s’engager dans l’économie verte est essentielle. Mais, pour réussir, nous avons besoin d’un nouveau dialogue de qualité pour que les politiques publiques et les marchés interagissent de façon plus effective pour transformer nos économies”. Ce ne sont plus les Etats qui encadrent les entreprises, mais celles-ci qui “assistent” les gouvernements afin de créer les conditions d’ouvertures de nouveaux marchés et de dégager les investissements nécessaires pour résoudre la crise écologique provoquée par leurs activités. Un exemple frappant de cette inversion des responsabilités est la construction du mécanisme de Réduction des émissions liées à la déforestation et à la dégradation des forêts (REDD). Plutôt que de pénaliser lourdement les entreprises impliquées dans la déforestation, ce mécanisme propose au contraire de les récompenser. L’un des projets pilotes les plus controversés – et ils sont nombreux… – est porté par Asian Pulp and Paper afin de protéger les forêts de la péninsule de Kampar, à Sumatra5. A elle seule,
Discussions internationales sous influence Les entreprises mettent désormais à profit les moyens considérables dont elles disposent pour contrôler l’agenda et imposer leur rythme aux discussions. Depuis le Sommet de la Terre de 1992, elles ont rodé leur influence sur les mécanismes mis en place, notamment à travers la création et la multiplication des systèmes de certifications. Sous l’apparence du dialogue, elles ont progressivement réussi à verdir les pires pratiques. Ainsi, dans un premier temps, le label de bonne gestion forestière (FSC, Forest Stewardship Council) excluait les monocultures d’arbres. Aujourd’hui, non seulement il les autorise, mais elles représentent l’essentiel des produits certifiés. Car, contrairement à ce que l’on voudrait nous laisser accroire, la logique de ces certifications ne consiste pas à limiter les productions aux niveaux et aux modalités écologiquement soutenables et socialement justes, mais à en limiter les impacts de façon économiquement acceptable par les entreprises, tout en rassurant les consommateurs. Ainsi, le soja OGM, qui représente plus de 90 % de la production du soja en Amérique du Sud, est reconnu comme certifiable. Et, pour mieux faire passer la pilule, il suffit de donner l’illusion de la participation : on laisse entendre qu’en réunissant autour d’une table des représentants d’une communauté à côté de ceux d’une multinationale, le dialogue aboutira à un consensus fécond. Mais qui a les moyens d’envoyer plusieurs fois par an des représentants à des réunions aux quatre coins de la planète, où l’on discute de critères très techniques sur la base de documents rédigés uniquement en anglais ? Dans ce texte de négociation de Rio+20, l’initiative pour des Energies durables pour tous (SEFA, Sustainable Energies For All), qui ouvre le chapitre sur l’énergie, mérite que l’on s’y attarde. Là encore, derrière un titre volontairement positif se trame la collusion des intérêts privés et publics. Officiellement, cette initiative est placée sous l’égide des Nations unies. Mais, coprésidée par Charles Holliday, président de Bank of America et ex-directeur du géant de l’industrie chimique DuPont, elle réunit un cercle fermé de personnes, pudiquement qualifié de “comité de haut niveau”. Ses membres comptent de nombreux acteurs financiers et des entreprises impliquées dans le développement des “énergies durables”. On y trouve Eskom, qui construit à Medupi (Afrique du Sud) la plus grande centrale à charbon du monde, mais aussi des représentants de la Banque mondiale, qui finance non seulement le scandale Medupi, mais de nombreux autres projets d’extraction d’énergies fossiles à travers le monde. Les réunions de ce cercle ont lieu en dehors de tout cadre multilatéral et seuls cinq représentants de gouvernements y participent. Ils représentent les intérêts des Etas-Unis, de l’Union européenne, de la Chine, de l’Inde et, bien entendu, du Brésil – dont les politiques de promotion des agrocarburants et de construction de grands barrages sont présentées comme des “exemples positifs”. Une explication qui permet de mieux comprendre pourquoi le Brésil, pays hôte de la conférence, a tant insisté pour placer cette initiative en haut de l’agenda des négociations. La crise écologique, alibi de croissance Après le choc de la crise financière, dans un monde où les ressources et l’énergie sont de plus en plus rares, la crise écologique constitue pour les entreprises un formidable relais de croissance. L’alternative en jeu à Rio est simple : l’abandon des écosystèmes, des terres, des océans et de l’atmosphère aux intérêts privés ou, à l’inverse, leur reconnaissance comme biens communs devant rester à l’écart des marchés et être gérés par les communautés qui en dépendent. C’est évidemment cette seconde proposition que défendent les Amis de la Terre, qui, avec de nombreuses autres organisations, sont signataires de l’Appel contre l’économie verte issu du Forum social préparatoire à Rio+20 qui s’est tenu à Porto-Alegre en janvier dernier6. Ces organisationsse retrouveront au Sommet des peuples pour la justice sociale et écologique, contre la marchandisation de la vie et pour la défense des biens communs, qui se déroulera du 15 au 23 juin 2012 à Rio de Janeiro, mais aussi partout dans le monde.
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SYLVAIN ANGERAND
Coordinateur des campagnes
CH4 de son symbole chimique, le méthane est un des gaz à effet de serre les plus redoutables. Son pouvoir réchauffant global est de 25 à horizon 100 ans, mais il grimpe à 80 à horizon 15 ans, ce qui correspond à sa durée de vie. Dans un contexte de réchauffement accéléré, ne pas en émettre s’impose comme une évidence. Le méthane pose un problème d’autant plus urgent à régler que les sources d’émissions de ce gaz, naturelles ou humaines, sont multiples. Il y a d’abord le méthane provenant de la décomposition anaérobie de matières organiques : les zones humides sont un lieu propice à sa formation, tout comme les décharges d’ordures. Viennent ensuite les émissions de méthane engendrées par l’exploitation d’énergies fossiles, lors de l’extraction, du transport ou de l’utilisation du gaz naturel : ainsi, jusqu’à 6 % du volume d’un puits part dans l’atmosphère à partir des puits non conventionnels. Les ruminants contribuent aussi – leur digestion incomplète produit du méthane – à réchauffer l’atmosphère. Idem pour les sous-bois odorants et les mares bucoliques, également émetteurs. Hydrates de méthane, la menace Last but not least : les fonds sous-marins et le pergélisol des régions arctiques recèlent aussi des quantités démentielles de CH4, sous forme d’hydrates de méthane. Arrêtons-nous sur cette nouvelle forme d’hydrocarbure qui affole les pétroliers. Tout le long du talus continental, c’est-à-dire la pente qui relie les eaux côtières peu profondes aux abysses, la matière organique qui se décompose produit, comme en surface, du méthane. Mais à plusieurs centaines de mètres de profondeur, la pression se chiffre en dizaines de bars et la température ne dépasse pas quelques degrés. L’eau se combine alors avec le gaz pour former, au niveau moléculaire, une sorte de cage très fine où est enfermé le méthane. À l’œil nu, les hydrates de méthane ont l’aspect de la neige.
Mais il s’agit d’une neige qui s’enflamme à la moindre étincelle ! Comme pour les sables bitumineux ou les gaz de schiste, l’extraction des hydrates de méthane est en passe de devenir rentable. Le Japon, les Etats-Unis, la Russie, la Corée, l’Inde, le RoyaumeUni ou l’Allemagne développent des projets de recherche en ce sens. Les industriels se frottent les mains et les protecteurs du climat s’arrachent les cheveux : l’estimation des réserves oscille entre 13 x 1015 et 24 x 1015 m3, soit 70 à 130 fois les réserves prouvées de gaz naturel conventionnel. A titre d’exemple, “si les États-Unis pouvaient exploiter ne serait-ce que 1 % des ressources disponibles, le rendement pourrait répondre à la demande en gaz naturel pour le siècle prochain”, a précisé récemment le Programme des Nations unies pour l’Environnement, très enthousiaste devant cette perspective ! Le dit “trésor” pourrait d’ailleurs partir dans l’atmosphère plus rapidement que prévu, puisque des dégazages géants sont redoutés en Arctique : en effet, le pergélisol et les fonds marins, menacés par le réchauffement climatique, sont susceptibles, sous certaines conditions, de relâcher dans l’atmosphère le méthane qu’ils contiennent. Récupérer et brûler le CH4 déjà produit Le plancher des vaches offre des perspectives à plus court terme, et surtout des projets plus réjouissants. Car des installations de récupération de méthane sont déjà en place. Dans le monde, environ 21 millions de foyers seraient actuellement équipés de digesteurs familiaux (surtout en Asie) qui permettent de récupérer les déchets organiques et d’utiliser le méthane ainsi produit pour un usage domestique. Ce chiffre ridiculement bas s’explique par l’ampleur des investissements nécessaires à la récupération du méthane. En 1991, la France et l’Allemagne émettaient à peu près les mêmes quantités de méthane (55 kg/habitant). Seize ans plus tard, les émissions individuelles de l’Allemagne sont
40 % plus faibles que celles de la France. Si l’Allemagne héberge encore des mines de charbon et de lignite – qui produisent le fameux grisou – elle a aussi beaucoup investi dans la récupération de méthane généré par l’activité agricole et par les ordures ménagères grâce à la couverture des décharges et à la méthanisation contrôlée. En France, rien de tout cela. Les émissions du secteur agricole représentent aujourd’hui presque les deux tiers des émissions totales ! Malgré un potentiel très important, la France compte seulement 197 installations de méthanisation sur son territoire, quand l’Allemagne en exploite plus de 7 000, déplore l’association Global Chance. “Les Amis de la Terre encouragent la méthanisation des déchets dans de petites unités, ainsi que tous les procédés permettant de récupérer les fuites de méthane”, précise Marie-Christine Gamberini, référente Energie des Amis de la Terre France. Aujourd’hui, l’essentiel du méthane – d’origine fossile ou produit par les ordures ménagères ou l’agriculture – est pourtant relâché dans l’atmosphère. “Brûler le méthane – notamment celui qui s’échappe lors des processus d’exploitation pétrolière – est moins grave pour le climat que de le laisser s’échapper dans l’atmosphère, explique Marie-Christine Gamberini. “Tous les scénarios de transition énergétique français ont recours au gaz naturel, qui est la seule solution de substitution disponible dans les proportions nécessaires – tout en offrant un excellent rendement, notamment dans le cas de la cogénération chaleur-électricité. Mais exploiter les gaz de schiste ou les hydrates de méthane ne ferait qu’entraîner des pollutions généralisées des milieux et entretenir le consumérisme. Les quantités de gaz naturel classique sont largement suffisantes pour effectuer la transition.” Elle rappelle la position des Amis de la Terre. “En France, l’utilisation accrue des centrales électriques à gaz n’est admissible que dans une perspective de substitution à la fermeture des > JEANNE MAHÉ réacteurs nucléaires.”
Sables bitumineux Une directive européenne bloquée par les lobbies Classer les carburants en fonction de leur “intensité carbone” ? Les industriels des sables bitumineux font de l’obstruction. Réduire les émissions de gaz à effet de serre générées par les transports. C’est l’un des leviers que propose une directive que l’Union européenne veut mettre en place pour lutter contre le changement climatique. Cette directive prévoit de classer les carburants en fonction de leur “intensité carbone” et prend notamment en compte le caractère plus polluant des sables bitumineux*. De quoi rendre fous le gouvernement canadien et l’industrie pétrolière qui multiplient les pressions pour faire réécrire le texte de façon la moins défavorable possible à leurs intérêts et pour retarder son application. Outre les importantes émissions de CO2 engendrées lors de leur extraction, l’exploitation des sables bitumineux provoque des dégâts irréversibles sur l’environnement et la faune sauvage et affecte fortement les conditions de vie des communautés locales. Les
pétroliers ont déjà rasé des pans entiers de forêt boréale au Canada ; ils s’attaquent aujourd’hui à des zones aussi fragiles que les écosystèmes uniques de Madagascar dans le cadre du projet Bemolanga conduit par Total. Ce qui rend fous les industriels canadiens, c’est que la directive établit une distinction entre le pétrole conventionnel et les sables bitumineux – bien plus polluants. Les efforts déployés pour gommer cet aspect des choses ont d’ailleurs été révélés par un rapport des Amis de la Terre Europe : rien qu’en 2010, les lobbyistes canadiens ont organisé pas moins de 110 réunions pour faire opposition à cette directive ! Ces pressions ont retardé d’autant plus la mise en application de cette directive, pourtant votée fin 2008. La Commission européenne n’a ainsi publié qu’en octobre 2011 ses propositions de moda-
lités de mise en œuvre, qui doivent maintenant être ratifiées par les États membres. Le 23 février 2012, à Bruxelles, aucune majorité qualifiée n’a pu émerger lors du vote des experts représentants les États membres. Il faut dire que le lobbying canadien avait trouvé des oreilles attentives jusque dans les couloirs des ministères français : le cabinet de l’ancien ministre de l’Énergie, Éric Besson, ânonnait le discours pro-pétrolier ! Grâce à la campagne active des Amis de la Terre, le gouvernement français, qui s’apprêtait à céder aux lobbies, s’est finalement abstenu à la dernière minute. La bataille n’est pas terminée puisque le dossier est maintenant transmis aux ministres européens de l’Environnement, qui seront appelés à voter dans les mois > JULIETTE RENAUD qui viennent. Chargée de campagne Industries extractives
* Valeur d’émissions de gaz à effet de serre par mégajoule d’énergie produite. L’intensité carbone des sables bitumineux est de 107g CO2/mégajoule, soit 23 % de plus que le pétrole conventionnel. La valeur retenue pour les huiles de schiste et le charbon liquéfié est encore supérieure : respectivement 131,3 g CO2/mj et 172g CO2/mj. Pour en savoir plus www.amisdelaterre.org/ sablesbitumineux
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NUMÉRO SPÉCIAL
Le Courrier de la Baleine Le journal des Amis de la Terre n° 169
Le Courrier de la Baleine Le journal des Amis de la Terre n° 169
EN FINIR AVEC L’ÉCOLOGIE
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Analyse Que reste-t-il de l’écologie ? Nous vivons une époque ingrate pour l’écologie. Comprendre les raisons du malaise n’est pas aisé, mais cela reste indispensable pour décrypter les forces à affronter et se remettre en question. Nous avons interrogé quatre personnalités engagées au quotidien pour la reconnaissance et la prise en compte des questions écologiques dans les choix politiques et sociétaux. Il en ressort que le système capitaliste a pour l’instant réussi à récupérer l’écologie pour dominer le débat. Mais les mouvements écologistes peuvent trouver des brèches. L’écologie politique doit trouver le chemin pour déconstruire les illusions et stimuler le changement. Le moment est intéressant, car, malgré le recul et la crispation, c’est peut-être bien aujourd’hui que se dessinent les occasions les plus favorables. Geneviève Azam est économiste, enseignantechercheuse à l’université Toulouse II, membre du Conseil scientifique d’Attac. Patrick Viveret est “passeur-cueilleur”, philosophe, conseiller honoraire à la Cour des Comptes et auteur de livres et de rapports comme Reconsidérer la richesse. Patrice Perret est responsable de la commission Ecologie au sein de l’union syndicale SOLIDAIRES. Geneviève Decrop est sociologue et membre du Comité de rédaction d’Entropia, revue d’étude théorique et politique de la décroissance. Note Les intervenants ont été interviewés séparément ; il ne s’agit pas d’une discussion.
Le Courrier de la Baleine Comment analyser le recul de l’écologie – celle que nous défendons – dans le contexte de la crise ?
Geneviève Azam Avec la crise, l’Union européenne a posé comme priorité de retrouver la compétitivité et l’envisage uniquement en restant dans le même modèle. La crise écologique est ainsi vue comme une occasion nouvelle de nouveaux investissements et de croissance. Cette stratégie que l’Union européenne déploie pour Rio+20 en soutenant l’économie verte de façon quasi militante, est catastrophique. Cette écologie-là fait disparaître l’autre. Patrick Viveret L’écologie n’a pas disparu, mais une certaine conception de l’écologie ne réussit plus à se faire entendre. Depuis 2008, la crise financière a été utilisée pour bloquer le débat qui était en train de s’esquisser au niveau mondial, avec la montée conjointe des questions écologiques et sociales qui mettaient en lumière les mots planification et régulation. Nous sommes entrés dans une phase de régression généralisée, liée au fait que le capitalisme financier est incapable d’avoir une stratégie d’avenir. La seule façon qu’ils ont trouvée pour essayer de s’en sortir est la marchandisation massive de la nature. Y a-t-il une volonté d’en finir avec l’écologie ?
Geneviève Decrop Les stratégies délibérées pour en finir avec l’écologie existent. Le fait que certains tentent de s’en débarrasser afin de poursuivre leurs intérêts est une explication, c’est d’ailleurs celle que j’utilise quand je me bats sur le plan politique. Mais je pense autrement en tant que chercheur. Il est intéressant de noter que l’écologie scientifique ou pratique – celle des associations de vigilance ou de défense de la nature – est très bien acceptée. C’est l’écologie politique qui fait mal et est rejetée, car elle est la radicalisation d’une prise de conscience écologique. Elle tend vers une cohérence globale difficile à admettre à notre époque où l’on fait en permanence du zapping entre différentes postures ou intérêts. C’est pour cela que les écologistes sont traités d’ayatollahs ou qu’on les accuse de donner mauvaise conscience. Cette écologie ne rentre pas dans les logiciels de la plupart des dirigeants qui, incapables d’en changer, tentent de faire de l’écologie un secteur de ces logiciels. Geneviève Azam Sachant qu’il n’y a pas de solution écologique dans le modèle actuel, on peut comprendre que les tenants de ce modèle ont intérêt à ce que l’écologie disparaisse. Ou qu’elle devienne une écologie technicienne,
comme l’économie verte… Dans certains cercles de lobbyistes puissants, il y a la volonté explicite de cacher, de semer le doute, de fausser l’analyse – notamment sur le changement climatique et la biodiversité. Mais, pour la plupart des décideurs, il y a aussi l’illusion que le modèle dans lequel nous sommes peut être compatible avec un équilibre écologique. Les forces sont nombreuses pour entretenir cette illusion et verdir le capitalisme, le tout avec une réelle complaisance de certaines grandes ONG environnementalistes qui prennent cela pour un moindre mal. En face, nous devons être très actifs pour démasquer les contradictions du modèle. L’idée que les intérêts sociaux et écologiques vont de pair a-t-elle avancé ou régressé ?
Patrice Perret L’écologie dérange dans les mouvements syndicaux et ouvriers, qui se sont construits historiquement sur l’idée d’une richesse toujours plus grande, avec pour objectif d’en obtenir le plus grand partage. Mais on s’est aperçu qu’il fallait prendre en compte les limites naturelles et que les intérêts environnementaux vont de pair avec ceux des salariés ; c’est par exemple devenu évident dans l’industrie chimique où une lutte importante a été nécessaire pour obtenir des normes plus protectrices. Or la prise en compte de l’importance de la préoccupation écologique ne passe toujours pas bien. Le syndicalisme se concentre d’abord sur la défense des revendications et des conditions de travail dans l’entreprise, et la dimension environnementale, qui est interprofessionnelle, ne vient qu’après. Actuellement, il est vrai que certains acquis sont menacés et que la pression est forte. De nombreuses multinationales ont pris la crise comme prétexte pour délocaliser vers des pays où la réglementation sur la sécurité des travailleurs ou la pollution est moins contraignante. Les syndicats SOLIDAIRES ont aussi vécu en interne la question de l’écologie présentée comme ennemie de l’emploi, en particulier dans le secteur du nucléaire. Nous nous sommes prononcés au sein de la commission écologie de SOLIDAIRES pour “une décision politique immédiate pour la sortie du nucléaire”, mais des représentants de Sud Energie qui avaient participé à cette réflexion, en lien direct avec les travailleurs des centrales nucléaires, ont dû faire face à des accusations de la Direction et d’autres salariés. Ils doivent faire un gros travail en interne pour expliquer que le nucléaire est nocif, que la réflexion sur la sortie de cette industrie
est nécessaire et que les emplois peuvent être préservés. Patrick Viveret Comme les effets des programmes d’austérité se traduisent d’abord par une régression sociale, les gens sont touchés prioritairement à ce niveau-là. Il faut comprendre que le court terme écologique n’est pas le court terme social. 2030 est un court terme écologique, mais, comme le disait Bertrand Schwartz1, en terme social les gens voient leur projet de vie limité à 24 h. Je pense que les courants écologistes doivent beaucoup plus intégrer les enjeux sociaux, de la même façon que les acteurs de la lutte contre les inégalités doivent intégrer la question écologique. Geneviève Azam Au sein de la gauche, même productiviste, il y a quand même une conscience de l’importance de l’écologie ; mais cela ne veut pas dire qu’elle donne à ces questions une place centrale. Elle reste dans une logique de type social-démocrate, qui lutte pour une meilleure répartition des ressources et un modèle plus juste. C’est nécessaire, mais ce n’est qu’un aménagement du système. A ce sujet, Je vois les difficultés que nous rencontrons à Attac. Dans tous les textes que nous faisons paraître, l'écologie est prise en compte. L’idée que la croissance n’est pas la solution est admise. Mais les vieux réflexes ressurgissent encore fréquemment. L’écologie dérange-t-elle notre société de classes moyennes dans ses conceptions du confort ?
Geneviève Azam Il y a en effet une pression du confort. On sous-estime l’aliénation qu’engendre ce modèle, qui a bloqué l’imaginaire social. Plus le système avance, plus on s’enracine dans des choix de société, plus il devient difficile de poser la transition. Et la difficulté à se projeter est d’autant plus forte qu’il y a crise. Geneviève Decrop La question du confort pose problème, mais selon moi le malaise est plus profond que cela. Il est difficile de changer de modèle de comportements, de rompre avec le consumérisme – d’autant plus si la société ne change pas. Cela demande en effet un grand travail sur soi, une remise en question douloureuse, car plus on avance, plus on mesure l’écart. Mais, derrière ce premier niveau, il faut chercher le trouble encore plus loin : l’écologie politique dérange car elle remet en question l’homme dans ses fondements mêmes. Si l’on suit sa logique, les êtres humains devraient se percevoir comme faisant partie de la nature et non à l’extérieur de cette nature, comme le considère la grande posture occidentale : c’est le “grand partage” dont parle Bruno Latour2. Cela ébranle les grands schémas mentaux qui structurent – même
inconsciemment – la pensée et l’action humaine. Evidemment, les partis verts sont plus pragmatiques, mais ils amènent un peu de ça... Patrick Viveret Avant d’être un animal pensant, l’être humain est un animal croyant. Il est très difficile de remettre en cause les systèmes de croyances car ils sont constitués d’éléments vitaux. Quand on veut ébranler une croyance, il ne suffit pas d’en faire sa critique rationnelle, il faut repérer son socle affectif. Il est intéressant de constater que l’écologie, qui aurait pu être un thème plutôt de droite à partir de la notion d’ordre naturel, est en fait devenu plutôt de gauche et transformateur parce qu’il y a eu, à un moment donné, une modification interne du système de croyances. Quelles opportunités peut-on envisager pour que l’écologie transformatrice se fasse entendre et se développe ?
Geneviève Azam Il me semble que les choses vont se décanter car on arrive vraiment au cœur des contradictions. Rio 1992 a entretenu beaucoup d’illusions mais Rio 2012 ne pourra en entretenir aucune. Le système capitaliste et productiviste ne peut que détruire de plus en plus, et ses promesses s’évaporent rapidement. Economie verte ou pas, tant que l’on restera prisonnier d’un modèle formé sur la productivité, nous serons perdants. Les marchés du carbone sont un fiasco total : la Caisse des dépôts et consignations est en train de licencier des gens dans sa filiale Climat créée en 2010. Récemment aussi, l’entreprise allemande Q-Cells, poids-lourd du secteur photovoltaïque, a déposé le bilan à cause de la concurrence chinoise. Nous devons pointer cet échec. Il faut utiliser le levier de la crise pour expliquer pas à pas que, sans penser la transition écologique, il n’y a pas d’issue. Un immense travail commence maintenant. Sur la dette, nous devons souligner le poids de certains projets complètement insensés. En jouant sur la question des investissements inutiles, nous pouvons gagner des combats : Notre-Dame-des-Landes, l’EPR de Flamanville, les LGV… Tous ces projets perdent des soutiens – pour des raisons de rentabilité plus qu’au nom d’une analyse écologique, mais peu importe. Il faut utiliser ces contradictions, trouver des brèches, des points d’appui, et ne pas nous en tenir à des sujets environnementaux : travailler par exemple la question du pouvoir d’achat en lien avec la facture énergétique, celle de la redistribution par rapport aux questions environnementales, etc. Au Forum alternatif mondial de l’eau, qui a été un vrai succès, tout le modèle a ainsi été déconstruit à partir de la question de l’eau.
Patrick Viveret Au lieu de refuser le débat, nous devons nous emparer des questions économiques posées par les courants conservateurs et exprimer notre différence de point de vue sur ces questions. Cela permet de construire du conflit. S’il y a conflit, c’est qu’il y a enjeu… y compris sur le terrain de l’endettement, qui est désormais une question obsédante dans le débat public. Nous devons expliquer qu’il y a en réalité trois dettes – écologique, sociale et financière –, montrer de quelle façon elles sont liées et, enfin, proposer des solutions pour rétablir l’équilibre. Patrice Perret Comme nous l’avons fait récemment dans le mouvement contre la réforme des retraites, nous devons expliquer que, depuis vingt-cinq ans, le curseur pour le partage du PIB a changé : la masse salariale a été pressurée, baissant de 10 %, tandis que les revenus du capital ont augmenté. Notre proposition est de récupérer cette masse salariale et de la dédier à des activités écologiques et aux services publics. C’est un autre fonctionnement de la société, qui peut être financé en récupérant une partie de la valeur ajoutée perdue au profit du capital. Peut-on vraiment imaginer un changement de modèle dans un futur proche ?
Geneviève Azam Le changement de modèle que nous souhaitons ne se fera pas en un jour, car il doit s’ancrer profondément dans la société. Il implique un changement de représentations, de valeurs, de culture, de civilisation… C’est un processus lent et qui ne peut pas se décréter. Les gens ne peuvent pas envisager un autre avenir à partir de rien ; la transition doit s’enraciner sur du concret. Il n’en faut parfois pas beaucoup pour s’apercevoir que certaines choses qui semblent nécessaires ne le sont pas. Je fais énormément confiance aux mouvements collectifs, car je pense qu’ils portent un apprentissage. Par exemple, du fait de la dynamique de la lutte, le mouvement contre le gaz de schiste en France a dépassé les revendications locales. Aujourd’hui, les portes d’entrée peuvent être nombreuses vers la prise de conscience écologique : le problème de l’eau, du foncier, de l’alimentation, etc., sont des leviers pour poser ces questions. Et ce n’est pas parce que les Verts ont fait 2,3 % que le reste de la population est insensible à cela. L’élection présidentielle n’est pas faite pour les écologistes, il faut se détacher de ce contexte, qui relève d’une conception de la transformation par le haut, alors que, dans l’écologie, il y a la culture de la transformation par le bas, même s’il faut à un certain moment une prise en charge publique des choses. Et on voit bien
qu’à la base les mouvements sociaux se sont emparés des problématiques écologiques. Certains mouvements, par exemple sur l’eau, les biens communs, sont devenus très importants. Dans le monde entier, des expériences concrètes sur la transition énergétique voient le jour. On constate également une grande vitalité à la base des mouvements d’agriculture paysanne… Même si ces mouvements ne se présentent pas comme écologistes, ce sont eux qui portent l’écologie. Au-delà des chapelles de partis politiques, les gens font vivre l’écologie dans leurs pratiques. Je ne sais pas quand émergera une traduction politique, mais le terreau existe. Geneviève Decrop De plus en plus de gens prennent la mesure des choses et amorcent un changement de mode de consommation et de rapport au monde, déjà à travers la nourriture et la santé. Ces mouvements commencent à diffuser dans la population. Mais on n’a pas encore trouvé le levier pour faire dévier le système de sa route, ni pour changer les représentations. Cela fait 30 ans que l’altermonde se développe, mais qu’on ne dévie pas la course de l’ensemble. En réalité, c’est une progression par capillarité, ce n’est pas très spectaculaire. Finalement, ce n’est pas le levier, mais le levain qui va faire changer les choses… L’écologie politique est le levain dans la pâte. Patrick Viveret Lors d’une fin de cycle historique, ce sont les traits les plus caricaturaux et brutaux qui se manifestent, alors qu’ils s’étaient adoucis dans la phase de maturité. Et je crois que nous assistons à la pire forme du capitalisme. Il n’y a pas obligatoirement matière à optimisme car, comme le craignait André Gorz3, on peut très bien en sortir de façon barbare. Mais cela rend d’autant plus important le fait de se tourner vers la germination créative du nouveau monde qui est en train de naître, en mobilisant l’énergie du désir et de la joie face à la sidération. La peur seule génère de l’impuissance et du déni. On peut être parfaitement lucide face à la réalité des risques, mais, lorsqu’on est du côté de l’action et que l’on veut construire des chemins de transition, on a besoin de faire appel à un imaginaire positif. C’est le sens de la sobriété heureuse. Attention, la sobriété est le contraire de l’austérité, car elle s’attaque au superflu, à l’excès, à la démesure, quand l’austérité s’attaque à des richesses vitales. Les gens comprennent très bien que le couple positif vers lequel on doit tendre, malgré toutes les difficultés et la conflictualité par rapport au modèle dominant, c’est l’alliance entre l’acceptation des limites et le bien-vivre.
> PROPOS RECUEILLIS PAR CAROLINE HOCQUARD
1 Directeur de l’École des Mines de Nancy, organisateur de la mission “Nouvelles Qualifications”, inspirateur des Missions Locales pour l’insertion professionnelle et sociale des jeunes en difficulté. 2 Sociologue et philosophe des sciences, directeur scientifique de Sciences Po. Promoteur de la théorie de l’acteur-réseau, auteur de Politiques de la nature (1999). 3 Philosophe et journaliste, auteur d’une pensée majeure qui oscille entre philosophie, théorie politique et critique sociale. Un des principaux théoriciens de l’écologie politique. Auteur de nombreux ouvrages dont Écologie et liberté (1977), Adieux au prolétariat (1980), Métamorphoses du travail (1988), Misères du présent, richesse du possible (Galilée, 1997).
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NUMÉRO SPÉCIAL
Le Courrier de la Baleine Le journal des Amis de la Terre n° 169
Réforme de l’Etat L’administration de l’environnement brisée L’Etat regroupe sous l’égide des préfets de Région les services dépendant jusqu’alors de ministères différents. Il a déjà supprimé de nombreux postes de fonctionnaires dans le cadre de la Réforme générale des politiques publiques. La concentration des pouvoirs entre les mains des préfets menace de s’accentuer encore. La disparition du pilotage des politiques environnementales est organisée de longue date : Nicolas Sarkozy a imposé sa marque, d’abord en tant que ministre de l’Intérieur, puis de l’Economie, avant d’accéder à la présidence de la République. L’Etat est intervenu pour regrouper en région les services dépendant jusqu’alors de ministères différents (Environnement, Industrie, Energie, Transports, Logement, Agriculture), ce qui a éliminé les débats entre les différentes administrations publiques. Et, dans le cadre de la Réforme générale des politiques publiques (RGPP), il a supprimé un grand nombre de postes de fonctionnaires affectés, par exemple, au contrôle des installations SEVESO, ce qui a renforcé le pouvoir discrétionnaire des préfets.
1 Ministère de l’Ecologie, du développement durable et de l’aménagement du territoire 2 Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement 3 Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie 4 Agence nationale de l’habitat (du parc privé) 5 Office national de l’eau et des mileux aquatiques
“On s’est assis sur l’écologie” Dès 2004, Nicolas Sarkozy portait le projet d’un grand ministère promoteur d’“une industrie intelligente qui assure prioritairement le développement économique”, explique Jean-Pierre Frileux, du syndicat SOLIDAIRES Environnement. Une idée qui prendra forme avec le MEDDAT confié à Jean-Louis Borloo. “On s’est alors assis sur l’écologie”, insiste JeanPierre Frileux, peu amène envers le Grenelle de l’Environnement. Car, parallèlement, deux réformes ont parachevé la réduction des moyens. Dabord les moyens décisionnels : la réforme de l’administration territoriale crée les DREAL, lesquelles regroupent, sous la tutelle des préfets de Région, l’Industrie (exDRIRE), l’Equipement (ex-DRE) et l’environnement (ex-DIREN). “Avant, les services exprimaient des sons de cloche différents. Aujourd’hui, on n’entend plus qu’une voix puisque les préfets dirigent la manœuvre et décident !” déplore Jean-Pierre Frileux. Ensuite les moyens techniques : la RGPP comprime les dépenses de l’Etat et réduit à peau de chagrin les capacités de contrôle, d’ingénierie et d’appui aux collectivités.
La concentration des pouvoirs entre les mains des préfets menace de s’accentuer encore. Un décret récemment paru les nomme Délégués généraux dans les régions de trois établissements publics : l’Ademe, l’Anah et l’Onema – spécialisés sur l’énergie, l’habitat et l’eau. Cette tutelle porterait un coup fatal à la politique de partenariat et à la relative neutralité des trois organismes. Un second texte, non encore publié à l’heure où nous bouclons, désignerait le préfet comme Autorité environnementale : celle-ci sera chargée d’évaluer la qualité des études d’impact pour près d’une quarantaine de plans ou
aux besoins de la collectivité et non à ceux de quelques individus à la voracité sans limites. Le Bloc Identitaire encourage vivement des initiatives concrètes telles que les associations pour le maintien d’une agriculture paysanne (Amap), les systèmes d’échanges locaux (Sel), l’habitat communautaire. Des thèses banalisées par l’extrême droite Les thèses du Bloc Identitaire semblent être un véritable creuset d’idées, stimulant toute la droite, Front National compris. On note les mêmes élans écologistes dans le discours d’investiture de Marine Le Pen. “Le bon sens nous interdit de croire à la viabilité d’une planète dont le seul projet collectif serait de généraliser à 7 milliards d’individus le niveau de consommation et de gaspillage des ressources sur le modèle des USA. Voilà pourquoi nous engagerons une grande politique de relocalisation des productions, c'est-à-dire, concrè-
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Proposer des alternatives Si l’écologie ne parvient pas à s’imposer dans le débat public, c’est dû – sans doute dans une large mesure – à son incapacité à proposer un programme attirant, mais aussi à la hauteur des enjeux de l’époque. La litanie des petits gestes, la dénonciation des fauteurs de crises, quoique indispensables, ne peuvent constituer à eux seuls un programme désirable. Il faut une vision, un projet de société, dont les avantages à long terme équilibrent les contraintes qu’il engendre. Un tel projet ne peut se fonder que sur une nouvelle manière de concevoir l’économie et la politique ; de concevoir la production
– et donc, la consommation –, le travail et les échanges. Une nouvelle manière de concevoir la démocratie. Concrètement, cela se nomme nouvelles structures de production locales, services publics relocalisés, revenu d’existence et revenu maximum, monnaies locales, démocratie directe, fédéralisme… Là sont les principaux piliers de la relocalisation, de l’indispensable enchâssement de l’économique et des structures de pouvoir dans l’écologique, sans lequel aucune alternative durable au système actuel n’est possible. > ALAIN DORDÉ Les Amis de la Terre, référent mobilisation
Face aux périls écologiques et aux inégalités sociales, les limites de la démocratie représentative et de son corollaire, la démocratie participative, sont flagrantes. Seule la démocratie directe, coopérative et fédérale permet de répondre aux grands enjeux actuels. Reste à la construire…
programmes ayant des effets sur l’environnement. Or ces projets sont bien souvent élaborés et portés par les services de l’Etat et leur validation finale, puis leur mise en oeuvre, leur sont confiées. Concevoir, évaluer, décider et appliquer : dans un régime de séparation des pouvoirs, cela fait beaucoup de rôles pour une seule et même autorité… Au-delà des promesses électorales, le train de l’Etat est donc en marche, et tout porte à croire que la continuité de l’action sera de mise en la matière, puisque François Hollande promet le retour à l’équilibre bud> ALEXANDRE RENARD gétaire en 2017.
L’extrême droite refuse la mondialisation, mais pas le capitalisme entrepreneurial local. Sans questions sur la production ni sur les déchets produits, voici juste un productivisme relocalisé. Pour nous, au contraire, relocaliser, c’est tendre vers une société antiproductiviste et anticapitaliste.
* Initiée en 2008 dans le Val-de-Marne, l’association Relocalisons regroupe des membres sensibles aux thèmes de l’écologie, de l’humanisme, de l’altermondialisme et de la décroissance. Elle compte plusieurs groupes, actifs notamment en Ile-de-France et en Languedoc-Roussillon, et des sympathisants répartis dans toute la France.
EN FINIR AVEC L’ÉCOLOGIE
Société L’écologie choisit la démocratie directe
Relocalisation Contrer la tentation nationaliste Dans la charte de l’organisation Maison commune – dont le président est Laurent Ozon, anciennement chargé de l’écologie au Front national, démissionnaire après ses prises de position sur la tuerie survenue en Norvège – se trouve la promotion de “solutions protectionnistes localistes et écologistes pour entraver les ravages d’une mondialisation technoéconomique immature” et de “la relocalisation de l’économie, afin d’assurer la bio-complexité des cultures et des identités”. On trouve les mêmes thèmes sur le site du Bloc Identitaire, autre mouvement d’extrême droite. “Ce que nous voulons, c’est d’une part, la réintroduction de la notion de mesure et de lieu dans l’économie, d’autre part la soumission de celleci à la volonté politique.” En clair, ces deux groupes souhaitent une économie localisée, basée sur l’artisanat, la paysannerie, l’entreprise familiale ou communautaire de petite taille. Une économie répondant
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tement, le rapprochement des lieux de production et de consommation afin de renforcer notre autonomie alimentaire et énergétique. Cette politique de relocalisation profitera aux producteurs locaux et régionaux”. Pour l’extrême droite, le thème de la relocalisation est toujours l’occasion d’un repli communautaire, le plus souvent très clairement exprimé : la priorité nationale se décline en priorité locale – emplois, habitats réservés aux locaux. La politique nationale contre l’immigration et l’islam se trouve renforcée par les politiques locales de même nature. Le refus de la mondialisation affirmé par Marine Le Pen ne signifie pas un refus du capitalisme entrepreneurial local, dont elle entend favoriser la liberté ! Il n’existe aucun questionnement sur la production, et, même si Marine Le Pen s’élève contre le gaspillage, elle ne met pas en cause la quantité de déchets produits. Il s’agit seulement d’un productivisme relocalisé : une dé-délocalisation. Est-ce bien cette relocalisation dont nous, objecteurs de croissance, parlons ? Celle du tout-identitaire, où l’Etat répressif est valorisé, celle du repli sur soi régionaliste, de la haine de l’étranger ? Ou encore celle du capitalisme vert qui, récupérant le thème pour faire des affaires, en tirera toujours profit pour assurer sa maintenance ? Assurément, non. Pour nous, au contraire, la relocalisation est un objectif pour mettre en place une société anticapitaliste et antiproductiviste. Elle ne peut être réduite à une impossible autarcie : d’ailleurs, toutes les activités économiques doiventelles être relocalisées ? Les alternatives concrètes, si elles sont nécessaires, demandent à être intégrées dans un projet écologique plus large. Laissons à la droite extrême l’impasse de l’autarcie, et défendons l’espoir d’une autonomie généralisée de nos vies. Défendre la relocalisation démocratique La relocalisation de l’économie suppose une redéfinition démocratique des besoins. Elle implique des choix sur les produits et la gestion des déchets. Elle questionne la technique et ne peut se concevoir sans donner le pouvoir aux citoyens de gérer leur cité par une autogestion généralisée. Nous sommes loin du repli sur soi, très inégalitaire, et, au bout du compte, complètement libéral – si l’on peut parler de libéralisme pour le concours entre les puissances d’Etat et les puissances privées. Il existe donc une relocalisation de droite et une relocalisation de gauche, qui, partant de constats pour certains identiques, n’en conduisent pas moins à des propositions absolument inconciliables. Au moment où le Front national se revendique comme étant la troisième force politique du pays, il faut être d'autant plus intransigeant sur ce qui nous différencie de ce parti et de ses courants. Cela sera une des tâches essentielles des écologistes dans la pé> MARTINE TIRAVY riode à venir. Association Relocalisons*
En tant que socle organisationnel de nos sociétés, le système politique porte une immense part de responsabilité dans l’état actuel de la planète. Il est pourtant rarement remis en question. La plupart des pays qui dirigent le monde, ceux du G8 et du G20, se revendiquent de démocraties dites représentatives. Leur fonctionnement repose sur la désignation par les citoyens d’élus censés les représenter et appliquer un programme politique que ces citoyens auraient choisi. Pourtant, les démocraties représentatives contribuent lourdement à favoriser un modèle écocide dans lequel règnent le culte de la croissance et de la consommation illimitée. Dans ce système, la recherche des solutions aux problèmes écologiques se situe dans le cadre du marché : marchés Carbone, compensation biodiversité, etc. Les frontières artificielles tracées par les Etats ou par les accords commerciaux, de même que la vision court-termiste générée par la périodicité des élections sont en décalage avec les enjeux écologiques : eux sont transfrontaliers et requièrent une approche de long terme. Les logiques corporatistes et partisanes l’emportent sur l’intérêt général et la préservation des biens communs. L’illusion de la démocratie participative Pour pallier les lacunes de cette démocratie représentative, des voix s’élèvent afin d’instaurer une démocratie plus participative. Pour impliquer plus fortement les citoyens dans la vie politique et les prises de décision, des dispositifs et procédures sont imaginés – par exemple, la mise en place de processus délibératifs, comme les conférences de citoyens, ou l’accentuation du rôle des associations environnementales dans les institutions… Des auteurs* proposent aussi la création d’instances démocratiques – Nouveau sénat, Académie du futur, etc. – adaptées au traitement des questions écologiques. Mais il ne s’agit bien souvent que d’aménagements à la marge, qui ne résolvent en rien les ravages du système en place. Le Grenelle de l’Environnement est l’exemple d’un processus participatif dont les résultats désastreux sont bien connus. En fin de compte, la “légitimité” des décisions prises dans le cadre de la démocratie participative rend difficile toute contestation – associer des représentants de la “société civile” à ces décisions laisse entendre que la démocratie en sortirait grandie. Il est particulièrement intéressant de noter que les promo-
teurs de la démocratie participative sont rarement anticapitalistes. Sur ce point, citons André Gorz, qui affirmait dans le journal Le Sauvage d’avril 1974 que, si l’on introduit l’écologie dans le capitalisme, “fondamentalement, rien ne change”. Si la démocratie représentative et son corollaire, la démocratie participative, ne répondent pas aux périls écologiques et aux inégalités sociales, il est toujours utile de se (re)tourner vers l’Histoire pour examiner d’autres voies, notamment celle de la démocratie directe. Certes, elle ne date pas d’aujourd’hui. Athènes la pratiqua au VIe siècle avant notre ère… avec des limites : n’y accédaient ni femme, ni esclave, ni étranger. Elle resurgit ensuite comme mouvement de pensée grâce au mouvement anarchiste de la fin du XIXe siècle.
la communauté se réunit. Il ne s’y exerce aucun rapport hiérarchique entre les individus ou les groupes, les choix s’opèrent en toute transparence. Dans le meilleur des cas, les décisions sont prises à l’unanimité ou, s’il s’exprime des réticences, au consensus. Le vote peut constituer un ultime recours lorsque le consensus devient impossible. Pour des questions d’organisation et de répartition des tâches, il peut s’avérer nécessaire de désigner des mandatés par consensus ou tirage au sort. Ceux-ci sont porteurs de mandats impératifs, régulièrement contrôlés et révocables par l’assemblée. Certaines alternatives et luttes récentes, comme le camp climat à NotreDame-des-Landes ou les collectifs contre les huile et gaz de schiste, tendent à fonctionner selon ces principes autogestionnaires.
Reclus et Kropotkine, précurseurs Au sujet de l’écologie, on rencontre d’abord deux précurseurs qui sont aussi des géographes : Elisée Reclus et Pierre Kropotkine. Selon eux, il s’agit d’envisager la démocratie directe, non pas comme un simple processus décisionnel, mais comme un véritable système politique, un projet de société global initié par les populations et visant à leur autonomie. Ce projet ne peut être prédéfini de manière figée et catégorique, puisqu’il a pour principe que ce sont les concernés qui le déterminent eux-mêmes. Néanmoins, quelques éléments fondamentaux peuvent être mis en avant. Tout d’abord, l’échelle géographique à laquelle s’instaure la démocratie directe est essentielle. Elle ne peut objectivement s’appliquer sur un vaste territoire, mais plutôt sur un espace réduit comptant un nombre restreint d’habitants : quartiers, communes, bassins de vie, pays, etc. Ainsi, Kropotkine place les “communes autosuffisantes” au cœur de sa réflexion politique, tout comme Lewis Mumford et ses “communautés locales”, puis Murray Bookchin et son “municipalisme libertaire”. L’essentiel est que cet espace soit communément admis comme une entité cohérente dans laquelle chacun se retrouve. La notion de proximité entre les individus est un gage de décision concertée et de résolution des conflits. Les frontières administratives sont supprimées pour laisser place à une organisation fondées sur les réalités naturelles (îles, forêts, vallées, lignes de crêtes) et culturelles. Dans le cadre de la démocratie directe, les décisions collectives se débattent en assemblée, lorsque
Ecologie libertaire et démocratie directe Pour subvenir aux besoins de la communauté locale (alimentation, habitat, transport, etc.), les grandes structures productivistes centralisées sont remplacées par de petites unités de production qui fondent leur activité sur la valeur de l’usage et non sur celle de l’échange. Un grand principe tel que “de chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins” peut être adopté par l’assemblée populaire. Ces unités de production sont autogérées et régies par les valeurs d’entraide et de coopération telles que Kropotkine a pu les décrire dans La conquête du pain et L’entraide, un facteur de l’évolution. Cependant, vivre en communautés locales ne signifie pas autarcie et isolement. Au contraire, puisque la notion de frontière n’existe plus, les échanges culturels ou les voyages sont facilités. La démocratie directe suppose, rappelons-le, la suppression de l’Etat-Nation. Mais, pour les questions qui nécessitent un traitement à une échelle plus globale comme le changement climatique ou la perte de biodiversité, les communautés locales autonomes ont la possibilité de s’organiser en fédérations ou coopérations renforcées dès lors qu’elles respectent les grands principes de la démocratie directe. Bookchin parle alors de “confédération de municipalités démocratisées”.
> OLIVIER LOUCHARD
Animateur de “la Grenouille Noire”, émission consacrée à l’écologie sur Radio Libertaire (89.4 FM), un vendredi sur deux de 21 h 00 à 22 h 30
A lire (entre autres…) Dominique Bourg Vers une démocratie écologique (Seuil, 2010) Elisée Reclus L’anarchie (Mille Et Une Nuits, 2009) Pierre Kropotkine L’entraide : un facteur de l’évolution (Du Sextant, 2010) Lewis Mumford La cité à travers l’Histoire (Agone, 2011) Murray Bookchin Une société à refaire (Ecosociété, 2011)
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Le Courrier de la Baleine Le journal des Amis de la Terre n° 169
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Du contrat social Pour un espace écologique des revenus
Luttes Le béton doit cesser de bouffer les terres
Le concept d’espace écologique proposé par les Amis de la Terre semble d’une grande fécondité, théorique et politique. L’hypothèse peut aisément se transposer à un “espace des revenus”, défini par un plancher et un plafond : un revenu minimal inconditionnel et un revenu maximum acceptable.
Lignes ferroviaires à grande vitesse, lignes THT, aéroport… Le grignotage des terres agricoles ne cesse de croître au profit de mégaprojets inutiles – sauf pour les entreprises concernées et celles du BTP. Mais, devant cette tendance lourde, les citoyens s’organisent et multiplient les résistances créatives. Parfois gagnantes.
Les termes ne manquent pas : dotation, rente, allocation, dividende, revenu, salaire ; suivis le plus souvent des qualificatifs les plus divers : universel, basique, garanti, social, territorial, suffisant, citoyen, inconditionnel. Et, comme si ce n’était pas assez, s’y rajoute souvent un complément : “d’existence”, “de vie”, “de citoyenneté”, “d’autonomie”. Pourquoi choisir alors le terme de revenu inconditionnel ? Com-
mençons par éliminer le complément – afin que chacun reste libre d’utiliser ce revenu comme bon lui semblera. Pour le qualificatif, insistons sur l’inconditionnalité, qui est double : de la naissance à la mort, sans aucune contrepartie. Reste la substance même de cette revendication : un revenu est ce qui revient. Cela signifie donc que, dans une communauté réellement politique, ce que chaque membre apporte, quelle que soit la forme de son utilité sociale, doit lui revenir inconditionnellement. Pourquoi un tel revenu est-il souhaitable ? D’abord parce qu’il rompt avec la centralité du travail, poumon d’une société de croissance. Le revenu inconditionnel est un bon moyen d’atteindre un objectif clair : garantir le revenu pour abolir le culte du travail. Quand nous exposons cette revendication, c’est toujours avec satisfaction que nous entendons l’objection : “Mais alors, plus personne ne voudra travailler !” – preuve s’il en est que le critère déterminant pour identifier le travail est la pénibilité. Or toutes les expérimentations de revenu inconditionnel montrent que, même avec la garantie d’un revenu décent, les bénéficiaires continuent de travailler. D’autre part, un tel revenu remet en cause la course à l’illimitation – toujours moins pour certains, toujours plus pour d’autres. C’est pourquoi l’instauration d’un revenu inconditionnel ne peut être envisagée sans celle d’un revenu maximum acceptable. Un revenu maximum acceptable Voilà déjà une mesure politique qui ne pose aucun problème de financement : sa mise en place suppose juste une refonte radicale de la fiscalité. Sans oublier d’apprendre, à ceux qui nous expliqueraient doctement que cela ferait fuir les plus riches, que ceux-ci ne rapportent rien à la société, bien au contraire. Quand 1 euro du salaire d’un agent de nettoyage hospitalier produit plus de 10 euros de valeur sociale, pour le même euro gagné par un publicitaire, ce sont 11,50 euros qui sont détruits. Et, pour un conseiller fiscal, le rendement monétaire atteint les moins 47 ! Pourquoi un revenu maximum acceptable est-il souhaitable ? Parce que son objectif est de (re-)faire
société, en créant les conditions psychologiques favorables à l’instauration d’un revenu inconditionnel. Sinon, comment espérer rendre audible le moindre appel à la sobriété, au bien-vivre, tant que les inégalités sociales engendrent des situations dans lesquelles sont favorisés l’envie, la rivalité, l’individualisme, l’affrontement, le mépris, plutôt que la bienveillance, la coopération, la solidarité, la discussion, le partage ? Comment espérer que le revenu inconditionnel devienne une revendication mobilisatrice tant que les inégalités sont telles que les conditions psychologiques induisent une situation bloquée quant à la question sociale ? L’instauration d’un revenu maximum acceptable est donc le pendant incontournable de celle du revenu inconditionnel.
Ils se sont installés symboliquement devant le monument de la Résistance, au pont Morand, à Nantes (Loire-Atlantique), à deux pas de la préfecture et du Conseil général. Depuis le 11 avril 2012, deux paysans, Marcel Thébault et Michel Tarin, ont engagé une grève de la faim. Tous deux ont reçu l’ordonnance d’expropriation : les pistes du futur aéroport
nantais, à Notre-Dame-des-Landes, recouvriront d’asphalte leurs terres. Marcel Thébault, qui a refusé de négocier avec les autorités, doit quitter son exploitation laitière avant le 1er janvier 2013. “Leur acte de résistance et de solidarité est aussi un cri de colère envers l’obstination du monde politique à vouloir détruire et bétonner”, commente
Une société définie comme bien commun Dans les versions libérales du revenu inconditionnel, une fois garanti un minimum de ressources, rien ne semble pouvoir justifier un plafonnement des revenus. Et, symétriquement, dans la revendication travailliste d’un salaire maximum, la possibilité d’un revenu déconnecté du travail n’est jamais avancée. Seuls les objecteurs de croissance semblent aujourd’hui favorables à cette double revendication. Parce que la société, qu’il s’agit politiquement de (re-)faire, ne serait plus définie par la seule juxtaposition d’individus qui peuvent se comporter comme s’ils ignoraient qu’ils vivent en société, mais comme un bien commun. Non un bien naturel, comme l’eau ou la biodiversité, mais un bien éminemment culturel et anthropologique. Un bien fragile qu’il s’agit de produire sans cesse, de protéger, de conserver. Voilà pourquoi il semble enthousiasmant de lier ces belles revendications du revenu inconditionnel et du revenu maximum acceptable : ce sont les prélables nécessaires à la décroissance des inégalités, au cœur d’une société redevenue commune : une société définie comme bien commun, comme espace > MICHEL LEPESANT écologique des communs.
La lutte collective, ça marche Face à l’installation d’un énième hypermarché ou d’une nouvelle LGV, des luttes s’organisent. A NotreDame-des-Landes, la résistance n’a jamais manqué de créativité. Outre les habituelles manifestations et pétitions, les citoyens ont multiplié les pique-niques désobéissants, les occupations de fermes et de maisons abandonnées, le blocage des bulldozers, le rachat de terres, les “entartages”, les jeûnes, les blocages, les “actions clowns” et même un camp action climat. Dans le Var, le collectif de défense des terres fertiles s’est mobilisé contre un projet de golf sur 48 hectares de terres irrigables. Il a organisé un cortège, une action de semis et un pique-nique sur les lieux, interpellé de nombreux élus, et finalement réussi à ce que le projet soit abandonné. Ici, on alerte et on communique sur les terres agricoles disponibles ou en danger. Là, on participe aux enquêtes publiques préalables à la révision des Plans locaux d’urbanisme (PLU) et des Schémas de cohérence territoriale (SCoT) (voir ci-dessous). Ailleurs, on sensibilise les collectivités à la mise en place d’un groupe de travail foncier et on met en œuvre des actions juridiques. Toutes ces luttes sont au carrefour de stratégies communes pour l’accès à la terre. Toutes remettent en question le système agricole et les modes de production actuels, l’accroissement perpétuel des activités et des flux économiques, la privatisation des ressources, le contrôle de l’espace et des individus. Reprendre le pouvoir sur sa vie commence par la prise sur le territoire.
Militant-chercheur (du Mouvement des objecteurs de croissance), cofondateur de la “mesure”, monnaie locale complémentaire du bassin de vie Romans/Bourg de Péage (Drôme).
Initiatives Monnaie locale, activité politique locale La création d’une monnaie locale complémentaire se situe à la croisée de deux problèmes politiques globaux : celui de la monnaie et celui des alternatives. Localement, c’est une bonne façon de les poser et de les affronter.
* Monnaie locale complémentaire du bassin de vie Romans/Bourg de Péage (Drôme).
Une monnaie locale complémentaire (MLC) est un moyen pour les citoyens de se réapproprier l’usage politique de la monnaie. Plutôt que de faire “contre” – résister, désobéir, s’indigner… mais après ? – il s’agit plutôt de faire “avec” et “pour”. Conjugaison d’expérimentation et d’espérance, une MLC ne se limite pas aux réseaux de militants mais tisse de nouveaux liens entre utilisateurs, prestataires – commerçants, artisans, producteurs, associations, institutions territoriales. Comment ? En explorant tout le périmètre économique possible, ce que permet le doublement de la richesse, puisque l’euro converti en MLC
reste et s’ajoute à l’unité monétaire locale créée ; en expérimentant une autre consommation, puisqu’une monnaie locale est “affectée” ; en jetant les bases d’une autre production – une partie du fonds de réserve peut être utilisée à des fins d’investissements solidaires – et d’une autre redistribution, en reliant des besoins insatisfaits avec des ressources inutilisées, en particulier par des partenariats originaux avec les acteurs de l’économie sociale et solidaire. Une MLC ne s’échange pas n’importe comment, ni pour n’importe quoi, ni n’importe où. S’il existe déjà des monnaies complémentaires non locales, comme
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La Fédération des Amis de la Terre France est une association de protection de l’Homme et de l’environnement, à but non lucratif, indépendante de tout pouvoir politique ou religieux. Créée en 1970, elle a contribué à la fondation du mouvement écologiste français et à la formation du premier réseau écologiste mondial – Les Amis de la Terre International – présent dans 77 pays et réunissant 2 millions de membres sur les cinq continents. En France, les Amis de la Terre forment un réseau d’une trentaine de groupes locaux autonomes, qui agissent selon leur priorités locales et relaient les campagnes nationales et internationales, sur la base d’un engagement commun en faveur de la justice sociale et environnementale.
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Bas-Rhin Jean-Serge Bozon bas-rhin@amisdelaterre.org Bouches-du-Rhône Véronique Sinou 06 76 13 62 16 bouchesdurhone@amisdelaterre.org Dunkerque Nicolas Fournier 03 28 20 30 40 - fournierni@voila.fr Gers Martine Delmas 05 62 66 22 76 Robert Campguilhem 05 62 65 64 50 gers@amisdelaterre.org Haut-Var Jean-Alexandre Laroche 04 94 80 32 32 - hautvar@amisdelaterre.org Haute-Loire Yanni Hadjidakis 04 71 59 75 88 - hauteloire@amisdelaterre.org Haute-Savoie Khaled Dehgane 06 24 27 45 04 contact@amisdelaterre74.org Hyères Jacqueline Herbreteau 04 94 65 05 27 - athyeres@sfr.fr Isère Samuel Witon 04 76 54 31 62 - isere@amisdelaterre.org Landes Christian Berdot 05 58 75 34 50 - landes@amisdelaterre.org
Limousin Martine Laplante 06 87 03 80 32 - limousin@amisdelaterre.org Loire Hervé Chapuis 06 07 37 03 14 - loire@amisdelaterre.org Loire-Atlantique Antoine Feuillet loire-atlantique@amisdelaterre.org Marne Gilles Martin 06 68 03 25 29 - marne@amisdelaterre.org Meurthe-et-Moselle Jean-François Petit 03 83 64 53 88 meurtheetmoselle@amisdelaterre.org Midi-Pyrénées Pierre Dedieu, Rose Frayssinet, Rémi Schultz, Laure Teulières Tél./Fax : 05 61 34 88 15 midipyrenees@amisdelaterre.org Montreuil Alain Dordé 01 42 94 95 70 - montreuil@amisdelaterre.org Moselle Gérard Botella 03 87 62 19 16 - moselle@amisde laterre.org Nord Gérard Caby 03 20 89 19 09 - nord@amisdelaterre.org Paris Claude Bascompte 01 43 56 93 18 - paris@amisdelaterre.org
Périgord Olivier Georgiades 05 53 09 27 90 - perigord@amisdelaterre.org Poitou (Vienne) Françoise Chanial 05 49 58 25 55 - poitou@amisdelaterre.org Pyrénées-Atlantiques Mélia Makhloufi 06 14 91 36 52 pyrenees-atlantiques@amisdelaterre.org Rhône rhone@amisdelaterre.org Savoie Patrick Bastien 06 37 54 47 60 - savoie @amisdelaterre.org Seine-et-Marne Jean-Claude Le Maréchal 01 64 05 84 37 seineetmarne@amisdelaterre.org Val de Bièvre Richard Cottin 01 60 13 99 51 valdebievre@amisdelaterre.org Val-d’Oise Nathalie Gayrard 01 39 34 76 41 valdoise@amisdelaterre.org Val d’Ysieux Etienne Bohler 01 34 68 73 16 - valdysieux@amisdelaterre.org Vaucluse Bénédicte Bonzi bndictebonzi@yahoo.fr
> Contacts dans le monde Les Amis de la Terre International PO Box 19199 / 1000 GD Amsterdam / Pays-Bas Tél. : 31 20 622 1369 / Fax : 31 20 639 2181 info@foei.org / www.foei.org
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les “miles” ou les tickets-restaurant, quels sont alors les intérêts politiques d’une forme locale de la monnaie ? Tout d’abord, la relocalisation des échanges économiques. D’une part, un effet de protection permet de rapprocher les activités de production, de transformation et de consommation ; de l’autre, un effet de label encadre les échanges par une convention éthique – les utilisateurs autant que les prestataires peuvent modifier leurs modes d’échanges : lenteur, anticipation, choix. Atout écologiquement également : une MLC est une solution locale à une crise globale, par le raccourcissement des trajets, les critères écologiques inclus dans les conventions . Enfin, la réappropriation citoyenne de la monnaie et de ses usages passe par une interrogation sur ce qu’est la Cité pour ses citoyens. C’est pourquoi, sur le projet de la “mesure”*, pour tenir à la fois la dimension écologique et la dimension volontariste, nous préférons parler de bassin de vie ou d’éco-territoire. Vers une monnaie alternative Comment une telle monnaie vient-elle compléter l’euro ? Entre deux écueils – la carte de fidélité commerciale et le Monopoly® éthique pour bobos écolos – une MLC commence par être une monnaie subsidiaire : dans le périmètre labellisé, un coupon d’échange prend la place de l’euro pour des échanges entre associés, tous membres de l’association porteuse. Cette subsidiarité permet au projet non seulement d’exister immédiatement mais aussi de s’articuler à toute une série d’autres projets, eux aussi subsidiaires : en matière de consommation, les Sels, les Accorderies, les groupes de gratuités…, en matière d’épargne, les Cigales, la Nef… Faut-il s’empêcher de penser qu’un jour une monnaie locale puisse devenir une monnaie alternative stricto sensu, qui n’aurait plus aucun rapport avec l’euro ? Cela suppose qu’une taille critique ait été atteinte localement, autant en nombre de prestataires que d’utilisateurs, et que tous les biens et services de base puissent être satisfaits, ce qui implique une réflexion sur la définition de ces biens et services. Parce que locale, une MLC est une activité politique doublement innovante, puisqu’elle se place d’entrée en position d’instituant : non par rejet de l’institué, mais comme critique permanente de l’institution – analyse des avantages et des dangers de l’institutionnalisation –, ce qui permet une logique de réappropriation du rapport à la loi comme aux institutions. Enfin, en tant que projet de transition, c’est une démarche fondamentalement ascendante et citoyenne. > M. L.
l’Acipa, une association qui lutte contre ce projet d’aéroport. En France, chaque année, ce sont plus de 70 000 hectares de terres qui sont bétonnés. À Notre-Dame-des-Landes, le projet du futur aéroport du Grand Ouest prévoit de s’étaler sur environ 1 600 hectares de terres agricoles fertiles ; 44 agriculteurs sont menacés d’expropriation. En RhôneAlpes, le projet de l’Olympique lyonnais (OL) Land, situé sur la commune de Décines-Charpieu, fait couler également beaucoup d’encre. Là, ce sont 30 agriculteurs qui risquent l’expropriation d’une partie de leurs terres au profit du nouveau stade de l’OL. La contrepartie ? Une indemnisation d’1 €/m² pour les propriétaires, et de 0,66 €/m² pour les locataires ! Au-delà des politiques d’affichage toujours plus vertes, les décideurs donnent raison au béton. Les zones artisanales, industrielles et commerciales, ainsi que les grandes infrastructures – lignes à grande vitesse (LGV) ferroviaires, lignes de transport d’électricité à très haute tension (THT) et autre aéroport –, grignotent un peu plus chaque jour l’espace rural.
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SOPHIE CHAPELLE
Pouvoir local Contrer l’étalement urbain L’extension démesurée des zones d’habitat et d’activité constitue une aberration écologique et sociale. Les élus locaux ont pourtant les clés et outils réglementaires pour freiner ce phénomène et penser des territoires équilibrés. De 1982 à 2004, les surfaces urbanisées en France ont augmenté de 43 % quand la croissance démographique s’élevait à 11 %. À 80 %, ce sont des terres agricoles qui ont été accaparées. Cette accélération de la consommation d’une ressource non renouvelable est extrêmement préoccupante et constitue un gaspillage longtemps ignoré. Impasse du lotissement La consommation d'espace est d’abord due aux zones d’habitat (pour 50 %), puis aux espaces dédiés aux activités, et enfin aux infrastructures routières et de transport. La ville s’étale et s’allonge, mais les territoires ruraux ne sont pas non plus épargnés par le phénomène. Paradoxalement, ce sont eux qui ont été, proportionnellement au nombre d’habitants, les plus gros dévoreurs d’espace de ces dernières années. Des vues aériennes montrent ces lotissements desservis par des voiries disproportionnées, présentant des paysages homogènes – chaque maison au milieu de sa parcelle – et des choix d’aménagement peu qualitatifs. Ces paysages se retrouvent partout, à l’identique, croissant au même rythme que l’attrait pour la maison individuelle et pour la propriété, l’éclatement des ménages et l’augmentation de résidences secondaires. Les politiques publiques de l’habitat, en contradiction avec celles de l’aménagement, encouragent depuis longtemps la propriété pour tous, hissant la maison individuelle au rang de symbole de la réussite sociale. Dans certaines régions attractives, comme la Bretagne, le constat est catastrophique : les surfaces artificialisées ont été multipliées par deux en vingt ans. Les lotissements excentrés ou en zones rurales ont souvent vu s’installer des ménages souhaitant accéder à la propriété, attirés davantage par un foncier abordable que par la vie à la campagne. Mais ces ménages dont le mode de vie implique le
“tout-voiture” se retrouvent touchés par la hausse des prix des carburants et basculent peu à peu dans la précarité. L’étalement urbain n’est donc pas seulement un non-sens et une impasse écologique, il aggrave aussi les inégalités sociales. L’urbanisme est une compétence communale. Via les Plans locaux d’urbanisme (PLU) et d’autres outils réglementaires, les élus locaux, accompagnés d’urbanistes, décident du développement de leur territoire. Pourtant, cette réglementation est complexe. Elle l’est même encore plus avec les nouvelles obligations liées à la loi Grenelle 2 : différents documents se superposent sur des échelles de territoires différentes – les Plans locaux de l’habitat (PLH) à l’échelle communautaire et les Schémas de cohérence territoriale (SCoT) à celle de bassin de vie. Les élus locaux n’ont pas toujours les connaissances, le temps, ni même la possibilité de se former à ces outils de planification. Ils sont également prisonniers d’un temps politique qui n’est pas le temps de l’aménagement. A court terme, on cherche à augmenter le nombre d’habitants, à remplir les caisses municipales et – dans le meilleur des cas – ses écoles. A long terme, on cherche à construire un développement harmonieux, à préserver ses terres agricoles, à prévoir les équipements publics, à imaginer des espaces publics de qualité, à penser au “vivre ensemble”. Ces collectivités locales qui résistent Se projeter dans le long terme suppose une volonté politique réelle dont certains élus savent cependant faire preuve... Pour exemple, la commune de SaintNolff (3 600 habitants), près de Vannes (Morbihan), aurait pu céder aux sirènes de l’étalement urbain depuis longtemps. Pourtant, les élus ont inauguré leur action politique en réalisant un Agenda 21 en parallèle d’un nouveau PLU qui, chose plutôt rare,
redonnait de la terre à l’agriculture et fixait pour les décennies à venir les zones à urbaniser en les concentrant à l’intérieur et autour du bourg. Les premières opérations d’habitat se sont ainsi concentrées sur le centre-bourg. Pour la suite, elles se déploieront sur un terrain qui en est proche et sur lequel les élus, avec la population et des urbanistes, ont inventé un nouveau quartier peu commun. Bâtiments collectifs et maisons individuelles accolées s’organiseront autour de venelles étroites dans lesquelles la voiture ne passera pas. Cette commune a refusé de surcroît l’implantation de grandes surfaces en périphérie afin de maintenir son commerce local. Réhabiliter les centres-bourgs Si l’exemple de Saint-Nolff est encourageant, il ne peut prendre réellement sens que si tout un territoire, un bassin de vie, s’accorde sur ses objectifs. C’est l’objet des SCoT, dont la mise en place est difficile et les ambitions souvent revues à la baisse ; surtout, ces documents d’orientation ne peuvent se substituer aux PLU communaux et intercommunaux, sur la base desquels sont accordés les permis de construire. La Région Bretagne semble enfin prendre la situation au sérieux. Les aides aux communes sont maintenant systématiquement adossées à des objectifs de densité urbaine. Ainsi, l’Etablissement public foncier de Bretagne aide les communes à acquérir des terrains en centre-bourg – souvent désertés dans les zones rurales – afin de les réhabiliter, ou éventuellement du terrain pour des quartiers en extension s’ils comptent au moins vingt logements par hectare. Si les élus ont le pouvoir de décider de dessiner le territoire, les visions à court terme et le service d’intérêts individuels prennent encore trop souvent le pas. Aux militants, citoyens et électeurs de le leur rappeler.
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LUCIE LEBRUN
En savoir plus : Sur l’étude RAC www.lafranceagricole.fr/ Download/var/gfa/storage /Mediatheque/Docs/ Etalement_urbain_et_chan gements_climatiques.pdf
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NUMÉRO SPÉCIAL EN FINIR AVEC L’ÉCOLOGIE
Le Courrier de la Baleine
Depuis 1971
Le journal des Amis de la Terre
Pour prendre date Appel au rassemblement des porteurs d’alternatives écologiques et sociales Les Amis de la Terre, à partir des moyens qui sont les leurs, favoriseront et participeront à toute forme de rassemblement des forces de l’écologie associative, afin de construire ensemble des sociétés soutenables sur le plan quantitatif, conviviales entre leurs membres, solidaires avec les autres sociétés et respectueuses de la biosphère et de tous les habitants de la planète. Ce numéro spécial de la Baleine est un cri d’alerte mais aussi un message d’espoir. Pour le rédiger, nous avons fait appel, au-delà de nos rédacteurs habituels, à des partenaires – qu’ils et elles en soient ici remercié(e)s – avec lesquels nous partageons une vision proche de la question écologique et de ses liens indissolubles avec les enjeux sociaux, économiques, démocratiques. Des partenaires avec lesquels nous tentons de construire une véritable alternative à cette société mortifère. Pour les Amis de la Terre, la convergence des crises écologique, sociale, économique, de la crise de la démocratie et de celle du sens de la vie en société montre l’urgence d’engager les transitions vers des sociétés soutenables. Dans cette perspective, en nous appuyant sur une réflexion construite autour du concept et du projet d’Espace Ecologique, nous proposons nos alternatives au capitalisme, au productivisme, au techno-scientisme, et nous soutenons les multiples initiatives qui préfigurent ces sociétés que nous voulons, que nous pensons réalistes et réalisables. Une perspective large Nous sommes persuadés que rien ne pourra se faire sans un large rassemblement des écologistes, de tous ceux qui se revendiquent comme tels dans une perspective large d’écologie sociale et politique : ceux qui militent dans des associations, dans des luttes et des alternatives locales et sociales, qui se réclament de l’altermondialisme, de la décroissance, de l’autogestion, ceux qui refusent en commun les solutions niant la parole citoyenne et la co-gestion de la crise par certaines ONG – qui se profile à l’horizon de la future politique gouvernementale. Ce rassemblement ne pourra se faire sans l’investisse-
ment, la prise de conscience et le changement de comportement de chacun(e). Mais nous savons aussi qu’aucune transition ne sera possible sans la promulgation de lois et de réglementations nationales et internationales promouvant la soutenabilité. Une simple accumulation de démarches individuelles et d’alternatives, si radicales soient elles, ne suffiront pas à changer les modes de production et les structures de pouvoir dominants. Des mesures d’envergure globale, affirmant la prépondérance de solutions politiques portées par les citoyens, seront indispensables. De ce point de vue, la transition passera, surtout dans les pays riches, par un changement radical de nos modes de production et de consommation La notion d’Espace Ecologique, qui est à la base de notre projet, articule la satisfaction des besoins fondamentaux et la préservation des écosystèmes. Au sens strict, il se définit comme la quantité de ressources naturelles, de territoires, pouvant être utilisée de manière soutenable, à tous les niveaux : de l’individuel au collectif, du local au global. Il se situe entre un plancher correspondant au minimum de ressources dont chaque personne doit disposer pour couvrir ses besoins – mais aussi ses droits à la santé, à l’éducation, à l’information, à la culture – et un plafond au-delà duquel toute personne ou groupe utilisant une ressource empiète sur l’espace écologique d’autrui et sur celui des générations futures. Les consommations situées sous le plancher et au-dessus du plafond, et les modes de vie qui leur correspondent, sont insoutenables, et devront progressivement disparaître. Ce concept, qui peut s’étendre concrètement à de nombreux domaines de la vie en société, est le support d’un projet global. Ainsi, en matière de revenus – pour s’en tenir à ce seul exem-
ple –, les excès de richesse et de pauvreté sont insoutenables, d’où la nécessité d’instaurer pour tous un revenu minimum d’existence (plancher) et un revenu maximum (plafond) ne dépassant pas un taux établi démocratiquement entre tous les partenaires concernés. Une soutenabilité désirable Les sociétés soutenables ne seront pas synonymes de retour à la pauvreté ni de régression. Les innovations et les réalisations personnelles y seront encouragées dès lors qu’elles contribueront à l’intérêt général. Comme l’objectif n’est plus la croissance matérielle, le travail sera fondé sur la qualité et l’utililité de l’ouvrage, le rapport au temps pourra être repensé : réparti harmonieusement, il revalorisera le temps libre et, partant, toutes ces activités porteuses de joies et de plaisirs qui donnent un sens à la vie. Ces sociétés permettront l’expression de valeurs immatérielles – solidarité, générosité, honnêteté… – indispensables pour faire face aux épreuves qu’elles pourraient rencontrer. La construction de ces sociétés s’appuie sur la raison – la conscience de la nécessité de ne pas dépasser nos limites – et sur tout ce qui peut rendre la soutenabilité désirable. Soutenables sur le plan quantitatif, conviviales entre leurs membres, solidaires avec les autres sociétés, respectueuses de la biosphère et de tous les habitants de la planète : voici les atouts des sociétés que nous vous proposons de construire ensemble. C’est dans cet esprit que les Amis de la Terre, à partir des moyens qui sont les leurs, œuvreront à favoriser et à participer à toute forme de rassemblement des forces de l’écologie associative.
> LES AMIS DE LA TERRE FRANCE
Un été militant Les mobilisations à venir Sommet des peuples pour la justice sociale et écologique
Du 15 au 23 juin ; journée mondiale d’action le 20 juin. A Rio de Janeiro (Brésil) ; en France, la mobilisation aura lieu à Paris et dans plusieurs régions. En parallèle à la Conférence officielle des Nations Unies sur le Développement Soutenable se tiendra à Rio de Janeiro, du 15 au 23 juin, le Sommet des peuples pour la justice sociale et écologique, contre la marchandisation de la vie et pour la défense des biens communs. Le 20 juin a été désigné par ses organisateurs journée mondiale d’action.
Six heures pour la justice sociale et écologique
Samedi 9 juin à partir de 13 h 30. A Paris, aux Diaconesses, 18 rue du SergentBauchat, Paris XIIe (Métro Montgallet) Pour affirmer haut et fort que la nature n’est pas une marchandise, décrypter l’économie verte, partager nos analyses et nos alternatives.
Grande vente aux enchères itinérante de biens communs devant les sièges des multinationales les plus en vue. Mercredi 20 juin de 12 h à 14 h, à Paris
Actions en régions
En régions, plusieurs actions sont programmées : Limoges Soirée-débat avec Paul Ariès le 19 juin Bayonne Défilé festif et revendicatif de batucadas le 21 juin, fête de la musique. Plus d’informations sur notre site amisdelaterre.org
Université d’été de la solidarité internationale
Du 4 au 7 juillet, à Lyon. Un temps fort pour mettre en perspective, à un niveau global, les expériences locales portées par les acteurs de la solidarité internationale regroupés dans le Crid (Centre de Recherche et d’Information pour le Développement) et affirmer les valeurs qui les guident. Ce sera l’occasion d’estimer la capacité du mouvement de solidarité internationale à imaginer, créer et consolider un langage politique, une pensée, qui participent de la construction de nouveaux paradigmes, de nouveaux projets de société. Les Amis de la Terre co-animeront un atelier sur le thème de la financiarisation de la nature.
Forum Européen contre les Grands Projets Inutiles Imposés
Du 7 au 11 juillet à Notre-Dame-des-Landes, près de Nantes. Ce deuxième forum dénoncera la multiplication de projets pharaoniques imposés : aéroports, autoroutes, lignes ferroviaires à grande vitesse, grands barrages, méga-projets industriels ou commerciaux... Ils dévastent les écosystèmes et les terres agricoles, détruisent les modes de vie et les solidarités existantes, engloutissent les fonds publics au détriment des besoins essentiels. Les opposants à l’aéroport de Notre-Dame-desLandes, lieu emblématique de la lutte contre les grands projets, accueillent ce forum. Son objectif est d’avancer sur le chemin de la transition sociale, écologique et démocratique en permettant le regroupement des luttes actuelles et en développant les solidarités par l’organisation d’actions convergentes au niveau européen.
“Se ranger du côté des baleines n’est pas une position aussi légère qu’il peut le sembler de prime abord.” Le Courrier de la Baleine n° 169 Trimestriel Printemps 2012 CCPAP n° 0312 G 86222 • ISSN 1969 - 9212 Direction de la publication
Martine Laplante Rédaction en chef Laurent Hutinet,
Alain Dordé Comité de rédaction Sophie Chapelle,
Caroline Hocquard, Lucie Lebrun, Caroline Prak, Alexandre Renard Correction Sophie Hachet, Gwenn-Morgan Rambaud Ont collaboré à ce numéro
Sylvain Angerand, Geneviève Azam, Geneviève Decrop, Michel Lepesant, Olivier Louchard, Jeanne Mahé, Patrice Perret, Alexandre Renard,
Juliette Renaud, Martine Tiravy, Nicolas Sersiron, Patrick Viveret Photographies Tous droits réservés. Les photos de ce numéro spécial ont été gracieusement mises à disposition par L.E.M (et par M.-F. D. pour les pp. 6-7) uniquement pour cet usage. Mise en pages et iconographie
Ce numéro comporte en encart jeté la plaquette A qui profitent vraiment les grands barrages ? publiée en mars 2012 par les Amis de la Terre dans le cadre du Forum alternatif mondial de l’eau.
Edwige Benoit Relations presse Caroline Prak
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