Charbon : Le mauvais calcul des banques franรงaises
Octobre 2015
Charbon : le mauvais calcul des banques françaises
Cette étude a été réalisée par
en collaboration avec les associaions sud-africaines
dans le cadre du projet Fair Finance France
www.fairfinancefrance.org www.jechangedebanque.eu
http://www.financeresponsable.org www.financeresponsable.org
Auteur : Lucie Pinson, Les Amis de la Terre France Relecture et remerciements : Alexandre Naulot, Malika Peyraut, Juliette Renaud, Yann Louvel, Clara Jamart, Quentin Parinello, Nicolas Vercken, Caroline Prak, Dominique Doyle, Makoma Lakalakala, Tristen Taylor, Thomas Mnguni, Bobby Peek, ainsi que toutes les personnes rencontrées lors de la mission de terrain sur laquelle s’appuit ce rapport (cf p.33). Création et maquette : Marion Cosperec Traduction : Ida Driscol Crédit Photos : Pierre Bussière. Photo de couverture : Centrale à charbon de Kusile. Une synthèse de ce rapport a été publiée en mai 2015 par les Amis de la Terre et Oxfam France, dans le cadre du projet Fair Finance France. Elle est disponible en ligne ici : http://www.fairfinancefrance.org/fair-finance-france/actus/2015/charbon-le-mauvais-calcul-desbanques-fran%C3%A7aises/ Une vidéo a été réalisée par Les Amis de la Terre suite à cette mission de terrain. Elle est disponible en ligne, en français : https://www.youtube.com/watch?v=1LAq2EhZ0Ec et en anglais : https://www. youtube.com/watch?v=zk8wQApVvMM Contact : Lucie Pinson, Chargée de campagne Banques et Coface, Les Amis de la Terre France, lucie.pinson@amisdelaterre.org
Cette étude a été réalisée avec le soutien financier de l’Union européenne. Son contenu relève de la seule responsabilité des Amis de la Terre France et d’Oxfam France et ne peut en aucun cas être considéré comme reflétant la position de l’Union européenne. Les Amis de la Terre France , Fair Finance France, Oxfam France
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Charbon : le mauvais calcul des banques françaises
SOMMAIRE INTRODUCTION
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CONTEXTE : LES DEFIS DE DEVELOPPEMENT DE L’AFRIQUE DU SUD POST-APARTHEID
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La persistance des inégalités 20 ans après la fin de l’apartheid Accès à l’énergie : un droit fondamental inaccessible pour de nombreux sud-africains Une dangereuse dépendance au charbon
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CLIMAT : POURQUOI LES BANQUES DOIVENT ARRETER DE FINANCER LE SECTEUR DU CHARBON
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COMMENT LA FRANCE ENFERME L’AFRIQUE DU SUD DANS LES ENERGIES FOSSILES
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Justice climatique : la responsabilité des pays développés vis-à-vis des pays en développement Encadré : le charbon caché des banques françaises Medupi et Kusile, deux monstres climatiques financés par les banques françaises En 2015, année du climat, la France fait toujours du charbon LE LEURRE DU CHARBON PROPRE Plus de centrales, plus de CO2 Encadré : Politiques sectorielles : quand les banques sanctionnent leur soutien au secteur du charbon Plus de centrales, plus de morts Plus de centrales, plus de mines Plus de centrales, plus de mines
10 11 12 13 15 15 17 18 20
CHARBON : UNE SOLUTION POUR L’ACCES A L’ENERGIE POUR TOUS ?
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UNE ELECTRICITE INACCESSIBLE AUX POPULATIONS LES PLUS PAUVRES
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Medupi et Kusile ne répondront pas aux besoins en électricité des populations Des centrales à charbon au service de l’industrie et du secteur minier Les renouvelables, une alternative crédible au charbon LEPHALALE, NOUVELLE VILLE SACRIFIEE ? Une ville en pleine croissance, mais laquelle ? Le charbon, une nouvelle forme d’accaparement des terres et de l’eau * A qui profite la poursuite du charbon ? Encadré : l’Afrique du Sud, futur laboratoire d’une transition énergétique socialement juste et démocratiquement contrôlée ?
22 23 26 27 27 28 30 31
CONCLUSIONS
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RECOMMANDATIONS
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PRINCIPALES PERSONNES RENCONTREES ET INTERVIEWEES
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Les Amis de la Terre France, Fair Finance France, Oxfam France
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Charbon : le mauvais calcul des banques françaises
INTRODUCTION
L
a France s’apprête à accueillir en décembre 2015 la 21ème conférence des Nations-Unies sur le changement climatique (COP21) au cours de laquelle la communauté internationale devrait s’accorder sur les suites du Protocole de Kyoto afin de limiter le réchauffement de la planète en-dessous du seuil qu’elle juge critique de 2°C1 . Pourtant, peu voire rien n’est fait pour laisser les énergies fossiles dans le sol et encadrer l’activité des banques de financement et d’investissement pourtant au cœur de l’industrie des énergies fossiles. Renoncer à extraire les énergies fossiles, et en particulier le charbon, conditionnera pourtant notre capacité au niveau mondial à ne pas émettre plus que ne le permet le budget carbone global – la quantité totale de dioxyde de carbone que nous pouvons encore émettre pour rester sous le seuil des 2°C. D’après une étude récente publiée dans Nature, plus de 80 % des réserves de charbon doivent rester dans le sol pour maintenir la température du globe en-dessous de 2°C2 . Or, la production de charbon a augmenté de 69% depuis 2000 et la capacité installée des centrales électriques a augmenté de 35% depuis 2005, date de la signature du protocole de Kyoto. Dans cette route qui mène au désastre climatique, les banques françaises de financement et d’investissement ont leur part de responsabilité. D’après le rapport des Amis de la Terre « Charbon : l’argent sale des banques françaises », les banques françaises - BNP Paribas, Crédit Agricole, Société Générale, BPCE / Natixis et Crédit mutuel - ont soutenu le secteur du charbon à hauteur de plus de 30 milliards d’euros entre 2005 et avril 2014 et font de la France le 4ème plus gros pays financeur du charbon pour cette période. Et malgré leurs engagements à lutter contre les changements climatiques, les soutiens des banques françaises au secteur du charbon ont augmenté de 218 % entre 2005 et 2013. Ces milliards d’euros de soutiens se concrétisent en projets de mines et de centrales à charbon dont les impacts ne sont pas seulement extrêmement mauvais pour l’environnement local et le climat mais violent aussi les droits des populations.
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es banques françaises ont soutenur le secteur du charbon à hauteur de plus de 30 milliards d’euros entre 2005 et 2014 et font de la France le 4ème plus gros financeur du charbon pour cette période.
En Afrique du Sud, pays où 90% de l’électricité est produite à partir de charbon, les 5 groupes bancaires français précités ont tous participé en 2009 et 2010 au financement de deux des plus grosses centrales à charbon au monde, Medupi et Kusile, construites en partie par Alstom, à travers des prêts garantis par l’agence de crédit aux exportations de la France, la Coface. Malgré l’urgence climatique, elles pourraient soutenir les nouveaux projets de centrales à charbon, dont un d’Engie (anciennement GDF Suez), qui alourdiraient la facture climatique d’un pays qui compte déjà parmi les plus gros émetteurs au monde. Car contrairement à la Coface qui a mis un terme à ses soutiens aux centrales à charbon, les banques françaises continuent de les soutenir en raison des besoins en électricité des pays en développement. D’après elles, le charbon demeure l’énergie la plus accessible et la plus abordable pour y répondre. Pourtant, l’exemple de l’Afrique du Sud prouve le fort potentiel des énergies renouvelables, et surtout les impacts très coûteux d’une économie et d’un système énergétique fondés sur le charbon, dont les bénéfices pour les populations sont dérisoires en termes d’emploi et
1 Parce que les changements climatiques affectent dès à présent des millions de personnes, en particulier les populations les plus vulné-
rables, les Amis de la Terre considèrent que la communauté internationale devrait se donner pour objectif de limiter le réchauffement de la planète à un seuil inférieur à 1,5°C au-dessus de la température pré-industrielle. 2 “The geographical distribution of fossil fuels unused when limiting global warming to 2 °C”, Nature, 8 janvier 2015.
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inexistants en termes d’accès à l’électricité. Conscientes des externalités environnementales, climatiques et sanitaires du charbon, les banques tendent à conditionner dans certains cas leurs soutiens à l’utilisation des meilleures technologies étiquetées comme relevant du « charbon propre » et théoriquement à-même de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) des infrastructures charbon. Une fois de plus, l’exemple de l’Afrique du Sud démontre que le « charbon propre », promu par les industriels, du charbon ne permet pas de concilier l’inconciliable, charbon avec climat et charbon avec développement. Les Amis de la Terre ont réalisé une étude de terrain pour documenter les impacts des soutiens des banques françaises au secteur du charbon en Afrique du Sud et identifier les réels bénéficiaires et perdants de son développement. La liste des personnes rencontrées – des membres des communautés, des représentants des ministères sud-africains et d’Eskom, l’entreprise publique sud-africaine de production et distribution de l’électricité, des organisations de la société civile et des chercheurs, académiques et experts sur les questions énergétiques et climatiques en Afrique du Sud – se trouve en fin de rapport. Ce rapport présente une partie des résultats de notre mission.
Une des 12 centrales à charbon d’Eskom dans la province de Mpumalanga
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CONTEXTE
Les défis de développement de l’Afrique du Sud post-apartheid
La persistance des inégalités 20 ans après la fin de l’apartheid Bien qu’étant le pays le plus développé d’Afrique subsaharienne, l’Afrique du Sud connaît toujours une très forte pauvreté. En 2011, 46% de sa population vivait en-dessous du seuil de pauvreté (contre 31% en 1995)3 et 26% avec moins de deux dollars par jour4 . Bien qu’ayant un PIB de 350 milliards de dollars en 2013, et étant classé dans les pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure par la Banque mondiale5 , le pays n’est classé que 118ème en termes de développement humain par les Nations-Unies6 . Plus de vingt ans après la fin de l’apartheid, l’Afrique du Sud est toujours divisée par de considérables inégalités en termes de niveaux de vie et d’accès aux soins et services de base. Malgré le développement d’une classe moyenne et d’une élite noire, le niveau d’inégalité de revenu a augmenté. En 2011, l’Afrique du Sud était le pays le plus inégalitaire au monde avec 70% des revenus totaux détenus par les 20% les plus riches, contre 3% par les 20% les plus pauvres. Aujourd’hui, la Banque Mondiale le considère toujours comme étant le troisième pays le plus inégalitaire derrière la Namibie et le Botswana7 . A ces inégalités au sein de la population s’ajoutent celles entre les personnes pauvres d’Afrique du Sud et les multinationales cotées sur les bourses internationales et qui rapatrient chaque année des millions de profits générés par leur activité en Afrique du Sud. Derrière ces indicateurs économiques se cachent des chiffres en matière de santé catastrophiques: l’espérance de vie n’était que de 57 ans en 20138 , 19% de la population est infectée du VIH9 (ce qui fait de l’Afrique du Sud le pays le plus frappé par le virus) et l’Afrique du Sud est le troisième pays au monde avec le plus de cas de tuberculose10.
Accès à l’énergie : un droit fondamental inaccessible pour de nombreux sud-africains L’accès à l’électricité est un enjeu majeur du développement. Reconnu comme une condition pour atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement fixés par les Nations Unies, l’accès à l’électricité est crucial pour soutenir les droits à l’alimentation, à la santé et à l’éducation. En Afrique du Sud, le gouvernement considère donc à juste titre l’accès à l’électricité comme un élément essentiel à la lutte contre la pauvreté et au développement du pays. Ainsi, si la fin de la pauvreté est le premier objectif du gouvernement et de son Plan de développement national11 , la 3 “ South Africa among the most unequal countries ”, BusinessTech, 10 novembre 2014. 4 Ratio de la population pauvre disposant de moins de $2 par jour (PPA) (% de la population), Banque mondile, accès le 10 mars 2015. 5 La Banque mondiale distingue à partir de leur revenu national brut par habitant les économies à faible revenu, à revenu intermédiaire et à haut revenu, avec une division au sein des économies à revenu intermédiaire entre les pays de la tranche supérieure et ceux de la tranche inférieure. 6 Human Development index and its components, UNDP, accès le 28 avril 2015. 7 “ South Africa among the most unequal countries “, BusinessTech, 10 novembre 2014. 8 Espérance de vie à la naissance, total (années), Banque Mondiale, 28 avril 2015. 9 Prévalence du VIH, total (% de la population âgée de 15 à 49 ans), Banque mondiale, accès le 28 avril 2015. 10 Incidence de la tuberculose (pour 100 000 personnes), Banque mondiale, accès le 10 mars 2015. 11 “ National Development Plan : Vision 2030 ”, South African government.
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résolution de la crise énergétique était encore citée comme le premier des 9 axes stratégiques du pays par le Président Jacob Zuma dans son discours sur l’état de la nation en 201512 . D’après le gouvernement sud-africain, 15% des foyers sud-africains, n’avaient pas accès à l’électricité en 201313. En pourcentage de la population, 82,7% de la population y avait accès en 2010, un net progrès par rapport à l’an 2000 où seulement 66% étaient connectés au réseau14. Mais en Afrique du Sud, est dit avoir accès à l’électricité tout foyer étant connecté au réseau et non uniquement les foyers faisant usage de l’électricité. Or, nombreux sont ceux dont le logement est connecté au réseau mais qui ne consomment en réalité de l’électricité que pour répondre à une faible partie de leurs besoins énergétiques. La question énergétique ne peut donc pas se résumer à la quantité d’électricité produite mais soulève des questions de production, d’usage et de distribution des différentes énergies disponibles entre ses différents utilisateurs. En Afrique du Sud, c’est pourtant sur ce premier levier que le gouvernement entend agir, notamment via le bureau dit « de guerre » institué par le gouvernement en décembre 2013 pour accompagner Eskom dans la stabilisation de sa capacité de production d’électricité afin d’éviter un blackout général.
Une dangereuse dépendance au charbon L’industrie du charbon est au cœur de l’économie et du système énergétique sud-africains. Le pays est un des plus gros producteurs, exportateurs et consommateurs de charbon au monde. Développée à partir de la fin du XIXème siècle pour soutenir l’exploitation orifère, l’extraction de charbon a été très vite orientée vers la production d’une électricité abondante et à bas prix pour l’ensemble du secteur minier puis des autres industries intensives en énergie, comme la sidérurgie, la métallurgie non-ferreuse et la pétrochimie.
Réserves de charbon Principaux terminaux portuaires
Réserves de charbon au nord de l’Afrique du Sud
12 13 14
“ State of the Nation Adress 2015 ”, South African government. “ General household survey 2013 ”, 18 juin 2014, Statistics South Africa. Accès à l’électricité (% de la population), Banque mondiale, accès le 10 mars 2015.
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Fondée en 1923, l’entreprise de production d’électricité sud-africaine Eskom lus de 90% de l’électricité produite et consommée en n’avait en effet pas pour mandat de générer des profits de par son activité mais d’être au service d’un développement économique guidé par les entreprises Afrique du Sud est générée minières et l’industrie lourde. L’économie sud-africaine est extrêmement in- à partir du charbon et Eskom tensive en énergie, et Eskom, qui produit 95% de l’électricité consommée en est le premier consommaAfrique du Sud, est le septième plus grand producteur d’électricité au monde15. teur de charbon vapeur au Plus de 90% de l’électricité produite et consommée en Afrique du Sud est monde. générée à partir du charbon16 et Eskom est le premier consommateur de charbon vapeur17 au monde18. Les centrales à charbon d’Eskom sont alimentées par 46 mines19 situées principalement dans le Mpumalanga, une province presque totalement couverte de permis miniers et où se trouvent 12 des 14 centrales à charbon d’Eskom. Le secteur minier étant extrêmement concentré, Eskom achète 60% de son charbon à seulement 4 entreprises, les multinationales BHP Billiton, Anglo American et Glencore Xstrata ainsi que l’entreprise sud-africaine Exxaro20. En raison de la diminution des réserves de charbon de certains bassins du Mpumalanga, les entreprises minières et Eskom se tournent désormais vers les réserves de la province du Limpopo et principalement vers celles du bassin du Waterbeg estimées à 76 milliards de tonnes de charbon, soit environ 50% des réserves totales de l’Afrique du Sud21. Eskom n’y avait jusqu’à peu qu’une centrale, la centrale de Matimba, alimentée par l’unique mine à charbon de Grootegeluk gérée par Exxaro. A moins de dix kilomètres de Matimba se situe la centrale en construction de 4800MW de Medupi, lancée en 2007 par le gouvernement en même temps que celle similaire de Kusile située dans le Mpumalanga, et dont la première unité est entrée en opération le 2 mars 2015. D’autres projets de centrales à charbon, dont un par Engie et Exxaro, sont prévus dans le bassin du Waterbeg, signe qu’acteurs privés et publics misent toujours sur cette énergie pour assurer les besoins en électricité et plus largement répondre aux objectifs de développement du pays. C’est dans ce contexte que se posent les enjeux de développement et de lutte contre les changements climatiques en Afrique du Sud au cœur desquels se trouve la question énergétique.
Centrale à charbon de Duvha, dans la province de Mpumalanga 15 Coal resources, Energy Department, Republic of South Africa, accès le 10 mars 2015. 16 10-years statistical overview, Eskom, accès le 28 avril 2015. 17 Le charbon vapeur, dans le texte mentionné sous le terme de « charbon », est celui utilisé dans les centrales pour la production d’électricité et qui est à distinguer du charbon industriel. 18 Coal resources, Energy Department, Republic of South Africa, accès le 10 mars 2015. 19 “ Integrated report 2014 ”, Eskom 20 “ Coal compact necessary for SA’s electricity sector “, ESI-AFRICA.com, 2 août 2013. 21 “ Mining new territory: Waterberg coal field “, Financial mail, 27 mars 2014.
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CLIMAT
Pourquoi les banques doivent arrêter de financer le secteur du charbon
R
éunie à Cancún pour la 16ème Conférence des parties (COP16) sur le changement climatique, la communauté internationale a entériné en 2010 l’objectif de limiter la hausse des températures du globe à deux degrés Celsius (2 ° C) au-dessus de la température moyenne pré-industrielle afin d’éviter le pire scénario des changements climatiques22. 5 ans plus tard, alors que Paris s’apprête à accueillir la COP21, nous nous dirigeons, d’après le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), l’Agence internationale de l’énergie (AIE) et la Banque mondiale, vers un réchauffement de plus de 4 °C23, bien au-delà donc des capacités d’adaptation de nombreuses sociétés et systèmes naturels. De nombreux pays24, commaunutés et organisations de la société civile dont les Amis de la Terre, appellent à un objectif de réchauffement limité à 1,5 °C. Car dès à présent, avec une hausse de la température de « seulement » 0,8°C, des millions de personnes dans le monde souffrent déjà des impacts des changements climatiques. Baisse des ressources en eau, chute de la production mondiale de blé et de maïs et des prises de poissons, etc., ces changements affecteront de manière disproportionnée les populations les plus pauvres du monde. Source : Center for global development
Avec un environnement déjà sous pression, l’Afrique du Sud sera fortement affectée par les changements climatiques. Le pays étant composé de régions arides ou semi-arides et étant sujet aux sécheresses et aux inondations, une très faible variation des chutes de pluie et des températures suffirait à perturber l’agriculture, la biodiversité, dont dépent en grande partie le tourisme, et augmenterait les risques sanitaires pour les plus pauvres25. D’après le Center for Global Development, l’Afrique du Sud serait le 32ème pays dont la productivité agricole serait la plus affectée par les changements climatiques26. Il faut donc agir rapidement pour réduire les émissions de GES au niveau mondial. Une des priorités devrait être de mettre un terme à notre dépendance aux énergies fossiles, et en particulier au charbon qui à lui seul compte pour 44 % des émissions dues aux combustibles fossiles au niveau mondial27, et 70% des émissions du secteur de production d’électricité alors que 40% seulement de l’électricité est produite à partir de charbon. Cela impose donc de transformer radicalement notre modèle énergétique qui représente aujourd’hui les deux tiers des émissions de GES au niveau mondial, en limitant nos consommations d’énergie au niveau global, en développant l’efficacité énergétique et en substituant les énergies renouvelables aux énergies fossiles.
22 Milestones on the road to 2012: The Cancun Agreements, Framework Convention on Climate Change, accès le 28 avril 2015. 23 “ New report examines risks of degree hotter world by end of century, Banque mondiale, 18 novembre 2012 24 80 États des pays les moins avancés et des petits États insulaires appelaient dès Cancun en 2010 à un objectif de réchauffement limité à 1,5°C. 25 “ The impact on climate change on South African “, Climate science library, 3 avril 2012. 26 Mapping the impacts of climate change, Center for Global development, accès le 28 avril 2015. 27 “ CO2 emissions from fuel combustion, Highlights, edition 2013 ”, AIE, 2014.
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Comment la France enferme l'Afrique du Sud dans les énergies fossiles Justice climatique : la responsabilité des pays développés vis-à-vis des pays en développement De nombreux pays du Sud doivent mener de front la bataille climatique et la lutte contre la pauvreté. Pour certains, contrôler et limiter leurs émissions de CO2 sonne comme une injonction de pays riches à ce qu’ils renoncent à leur développement. Or, ce sont les pays développés, comme la France, qui ont la responsabilité historique du changement climatique, leur développement industriel s’étant appuyé sur un modèle économique énergivore qui est à l’origine de la majorité des émissions de GES historiques. Ils ont donc une dette historique à faire le plus gros des efforts en matière de réduction des émissions et à aider les pays en développement à plafonner puis réduire leurs émissions et à s’adapter aux changements climatiques. Les pays en développement devraient, quant à eux, disposer de droits plus importants à émettre afin de répondre aux défis du développement. Pourtant, la situation de l’Afrique du Sud diffère quelque peu de celle de nombreux autres pays en développement et y diminuer les émissions de CO2 totales ne signifie pas nécessairement d’y sacrifier le développement des populations les plus pauvres, bien au contraire. Responsable de 38% des émissions de CO2 totales de l’Afrique en 201128, le pays est non seulement le plus gros pollueur du continent africain, mais est aussi le 12ème plus gros émetteur de la planète29. Avec un total d’émissions de 460 millions de tonnes CO2 en 201030, soit 9 millions de tonnes de CO2 par habitant, l’Afrique du Sud émet globalement et par habitant plus que de nombreux pays développés, dont la France31, et dix fois plus que certains pays africains32. Et pour cause, l’Afrique du Sud a une des économies les plus intensives en énergie en raison d’un système énergétique et industriel basé sur la production et la consommation de charbon. En 2009, la production et consommation d’énergie était responsable de 83% des émissions du pays33, et près de 79 % des 368 millions de tonnes d’émissions induites par la combustion d’énergies fossiles en 201134 provenaient de l’utilisation du charbon . Etant donné que le secteur industriel consomme la majeure partie de l’énergie et de l’électricité, il est responsable à lui seul de 66% des émissions du pays35. Pour réduire ses émissions de CO2, l’Afrique du Sud doit donc radicalement transformer son secteur énergétique mais aussi son secteur industriel.
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’Afrique du Sud a une des économies les plus intensive en énergie en raison d’un système énergétique et industriel basé sur la production et la consommation de charbon.
Les populations et en particulier les 45% de personnes sous le seuil de pauvreté ne sont donc pas les responsables du fort taux d’émissions de l’Afrique du Sud. Et une hausse des émissions de l’Afrique du Sud, qui serait guidée par un développement du secteur énergétique et industriel sur le même modèle que jusqu’à présent ne se traduirait pas automatiquement pas le développement des populations les plus pauvres. Au contraire puisque, depuis 1950, les émissions induites par la combustion d’énergies fossiles en Afrique du Sud ont été multipliées par 7 sans que les plus pauvres aient vu leur condition de vie s’améliorer significativement36. 28 “ CO2 emissions from fuel combustion, Highlights, edition 2013 ”, AIE, 2014. 29 CO2 emissions (kt), Banque mondiale, accès le 10 mars 2015. 30 “ Will South Africa own up to its carbon pollution at COP 20 ” Earthlife Africa, 1 décembre 2014. 31 Si l’on ne prend pas en compte les émissions de GES importées. 32 CO2 emissions, Banque mondiale, 28 avril 2015. En comparaison, la France émettait en 2010 361 millions de tonnes de CO2, soit 5,6 millions de tonnes par habitant. 33 http://www.climatejobs.org.za/index.php/research/campaign-research?download=48:campaign-research 34 “ CO2 emissions from fuel combustion, Highlights, edition 2013 ”, AIE, 2014. 35 Montant obtenu en affectant les émissions induites par la production d’électricité et de carburants synthétiques aux consommateurs finaux de ces biens et services. One million climate jobs: a carbon budget for South Africa, Liz McDaid. 36 “ Fossil-Fuel CO2 Emissions from South Africa ”, CDIAC, 10 mars 2015.
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Charbon Charbon :: àà qu quand une exclusion totale des soutiens des banques françaises ?
B
ien que les banques reconnaissent le rôle du charbon dans le réchauffement de la planète et se disent engagées dans la lutte contre les changements climatiques, elles continuent de soutenir ce secteur, notamment à travers du financement d’entreprises et des émissions d’actions et d’obligations.
D’après le rapport «Charbon : l’argent sale des banques françaises» des Amis de la Terre, avec plus de 30 milliards d’euros de soutiens entre 2005 et 2013 au secteur du charbon, BNP Paribas, Crédit Agricole, Société Générale, BPCE et Crédit Mutuel font de la France le 4eme pays qui l’a le plus financé sur cette période. De plus, leurs soutiens au charbon ont connu une hausse de 218% entre 2005 et 2013 sans signe apparent d’inversement de cette tendance. D’après le classement de BankTrack paru dans « Banking on coal 2014 », BNP Paribas, Crédit Agricole et Société Générale figurent même dans le top 25 des banques ayant le plus soutenu ce secteur sur la période 2005 – avril 2014. L’exclusion de leurs services des entreprises impliquées dans la production et la distribution d’armes à sous-munition, de mines anti-personnel reflète une prise de conscience de la part des banques qu’elles sont co-responsables des impacts des entreprises et activités économiques qu’elles soutiennent. Concernant le secteur du charbon, les banques considèrent que « la production d’électricité au charbon continuera à faire partie du mix énergétique de nombreux pays »1et qu’en leur « qualité de fournisseur de services financiers,[ elles peuvent] accompagner les entreprises et les pays souhaitant développer leur capacité de production d’électricité à base de charbon »2. Cherchant à répondre aux demandes de leurs clients, entreprises et Etats, tout en prenant en compte les impacts sociaux, environnementaux et climatiques du charbon, tel est l’exercice auquel s’attèlent les banques. Cette logique a abouti à l’adoption ces dernières années des politiques sectorielles pour limiter les impacts des projets de centrales à charbon et de mines qu’elles financent. D’après le Crédit Agricole, sa politique sur les centrales thermiques au charbon « vient en complément des politiques énergétiques des Etats et des politiques d’investissement des clients de la Banque et ne prétend pas les supplanter »3.
La position des banques est donc que le secteur du charbon ne doit pas être exclu comme l’a été celui des bombes à sous-munition et que l’adoption de critères et standards minimum suffiraient à atténuer les impacts du charbon de manière à le rendre conciliable avec les objectifs de développement et de lutte contre les changements climatiques. Concernant l’urgence climatique, BNP Paribas, Crédit Agricole et Société Générale conditionnent leur soutien à des projets charbon au respect des lois et réglementations nationales, et notamment en « l’existence d’un engagement national pour limiter les émissions de GES »4 voire même à la conformité du projet avec la stratégie climat du pays5. De tels engagements de réduction des émissions de CO2 existent en Afrique du Sud. Adoptés en 2009 au sommet des Nations-Unies sur le climat à Copenhague, ils ont été précisés dans son Livre blanc de réponse nationale au changement climatique. 1 2 3 4 5
Politique sectorielle Centrales thermiques au charbon, Société Générale Politique sectorielle Production d’électricité à partir de charbon, BNP Paribas Politique RSE Energie – Centrales thermiques au charbon, Crédit Agricole Politique sectorielle Production d’électricité à partir de charbon, BNP Paribas Politique sectorielle Centrale thermique au charbon, Société Générale
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Mais, s’ils reconnaissent la gravité des impacts des changements climatiques, le livre blanc établi
des trajectoires – basses et hautes - d’évolution des émissions d’ici 2050 en décalage flagrant avec LE LEURRE DU CHARBON PROPRE les réalités scientifiques. Ne reflétant pas un juste partage des efforts à faire selon une logique de répartition du budget carbone global entre tous les pays selon le principe de responsabilités communes mais différenciées, ces engagements sont incohérents avec un objectif de réchauffement contenu à 2°C au-dessus du niveau pré-industriel. Enfin, l’Afrique du Sud dépassait dès 2010, plus de dix ans avant la date prévue, l’objectif de plafond de ses émissions qu’elle s’était fixée dans sa trajectoire basse d’évolution de ses émissions. Sans analyse approfondie de la part des banques, l’existence ou la conformité d’un projet avec la stratégie climat des pays hôtes ne peut donc pas être considérée comme un gage de la cohérence du projet avec les objectifs climatiques internationaux. Depuis 2013, un certain nombre de bailleurs publics ont exclu les centrales à charbon de leurs soutiens en reconnaissance de l’impossibilité de concilier sa poursuite avec l’urgence climatique. Les banques doivent suivre cette dynamique et traiter le charbon comme les bombes à sous-munition, comme quelque chose d’inacceptable.
Medupi et Kusile, deux monstres climatiques financés par les banques françaises En 2009, onze ans après avoir signé le protocole de Kyoto, en plein Grenelle de l’environnement et à quelques mois du sommet climatique de Copenhague, la France apporte son soutien à deux énormes centrales à charbon de 4800MW en Afrique du Sud destinées à devenir les troisième et quatrième plus grandes au monde37 : les centrales de Medupi et Kusile. La France est un des principaux pays impliqués dans ces projets. Alstom a fourni les turbines et les systèmes de contrôle et d’instrumentation, les banques françaises ont apporté une part majeure des financements nécessaires, et l’Etat français a garanti les contrats à travers la Coface, son agence de crédit aux exportations. Colossales de par leur taille, 4800MW, les centrales le sont aussi de par leur prix. Estimées en 2007 à plus de 538 et 639 milliards d’euros – mais réévaluées ensemble à plus de 25 milliards d’euros40 -les centrales de Medupi et Kusile ont nécessité le financement de plusieurs banques de financement et d’investissement internationales, banques multilatérales de développement et agences de crédit aux exportations. En mai 2009, la BNP Paribas, le Crédit Agricole et Natixis, la banque de financement et d’investissement du groupe Banque Populaire Caisse d’Epargne, participent à un prêt syndiqué de 530 millions d’euros avec 4 autres banques allemandes destiné à couvrir une partie du financement des chaudières fournies par Hitachi41. Le choix de la filiale africaine de l’entreprise japonaise Hitachi, et non d’Alstom, pour fournir ces chaudières s’explique par les liens économiques avec l’ANC – le Congrès africain national – au pouvoir depuis 1994. Le parti détenait alors 25% des parts d’Hitachi Power Africa via son bras financier, la Chancellor House42. Mais les banques françaises ne s’arrêtent pas là. Rejointes par la Société Générale et le Crédit Mutuel, les trois banques françaises débloquent en décembre 2009 1 185 millions d’euros de plus pour financer par un prêt syndiqué le contrat pour les turbines des centrales fournies par Alstom. Une affaire française donc puisque ce contrat sera garanti par l’agence de crédit aux exportations de la France, la Coface. Connu pour ses services rendus aux multinationales françaises, et notamment à Alstom, seule entreprise à avoir bénéficié des 1.3 milliard d’euros de garanties de la Coface pour des projets de centrales à charbon entre 2006 et 2015, la Coface est le bras armé de la diplomatie 37 “ Energy access: why coal is not the way out of energy poverty ”, Carbon Tracker Initiative, 13 novembre 2014. 38 “ Medupi likely to cost R35bn more than first estimated ”, BusinessDay, BDlive, 26 septembre 2014. 39 Kusile coal power plant, BankTrack, accès le 10 mars 2015. 40 “ Sinking into Eskom’s black hole ”, Mail and Guardian, 6 février 2015. 41 Le contrat a rapporté près de 3 milliards d’euros à Hitachi. “ Hitachi Buys ANC Stake in S. Africa Unit After Criticism “, BloombergBusiness, 28 février 2014. 42 L’ANC a été forcé de revendre ses parts en février 2014 suite à la controverse induite par le conflit d’intérêt et les retards dans la construction des centrales. “ Hitachi Buys ANC Stake in S. Africa Unit After Criticism ‘’, BloombergBusiness, 28 février 2014.
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économique de la France, assurant à ces entreprises des contrats pour des projets qui seraient inacceptables en France. Elle garantira aussi l’autre prêt de 63.7 millions d’euros du Crédit Agricole pour la vente par Alstom du système de contrôle et d’instrumentation de la centrale de Medupi en août 2010, puis celui d’un même montant pour le système de Kusile. Ces prêts dont le montant donne le vertige sont en grande partie responsables du doublement des financements des banques au secteur du charbon en 2009 comparé aux montants affectés annuellement entre 2005 et 2013.
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edupi et Kusile émettront environ 25 et 36 millions de tonnes de CO2 par an, soit de quoi augmenter les émissions totales de l’Afrique du Sud de 17% à elles seules.
Colossales, ces centrales le seront aussi de par leurs émissions de CO2. Medupi et Kusile émettront environ 2543 et 36 millions de tonnes de CO2 par an44, soit de quoi augmenter les émissions totales de l’Afrique du Sud de 17% à elles seules45. Ces deux seules centrales suffiront à émettre plus que la part allouée au secteur de l’électricité dans le budget carbone restant de l’Afrique du Sud46 qui ne pourra donc pas respecter son objectif climatique. Malgré ces impacts sur le climat, l’étude d’impact environnemental effectuée avant le lancement du projet n’a dédié qu’une seule de ses 174 pages au sujet et n’a pas proposé de mesures d’atténuation47. A l’époque, les banques françaises n’avaient pas de politique sectorielle destinées à contrôler et limiter les impacts des projets qu’elles soutenaient, mais suivaient les avis de la Société financière d’investissement si celle-ci était impliquée, ce qui était le cas pour Medupi. Cependant, encore aujourd’hui, il n’est pas certain que les centrales de Kusile et Medupi seraient exclues si évaluées par les politiques sectorielles de la BNP Paribas, du Crédit Agricole et de la Société Générale. En effet, un des seuls critères tangibles de leur politique est le niveau d’efficacité énergétique des centrales, conditionné par l’usage d’une technologie supercritique par le Crédit Agricole et fixé à 38% par la BNP Paribas et la Société Générale - soit une intensité énergétique de 881gr CO2/kWh48 - deux critères que les centrales supercritiques de Medupi et Kusile devraient satisfaire49, démontrant par là même leur insuffisance.
En 2015, année du climat, la France fait toujours du charbon Après avoir soutenu, financé et construit une partie des centrales de Medupi et Kusile, la France pourrait dès cette année enfoncer un peu plus l’Afrique du Sud dans les énergies fossiles. En effet, le gouvernement sud-africain prévoit un besoin de 40 000MW supplémentaire d’ici 2025 afin de remplacer les centrales à charbon existantes qui arrivent en fin de vie. Et si les énergies renouvelables sont prévues, le gouvernement sud-africain prévoit que le charbon constituera plus de 29% de la nouvelle capacité installée d’ici 203050. Les banques françaises ne s’étant pas engagées à ne plus financer de projets de centrales à charbon comme l’a fait la Coface en novembre 201451, elles pourraient les financer. Quant au gouvernement français, malgré les appels du Président de la République François Hollande à la sortie des énergies fossiles et aux efforts de tous les pays dans la lutte contre les changements climatiques, il risque également de participer à la construction d’une de ces nouvelles centrales à charbon via Engie, dont l’État est actionnaire à hauteur de 33,3 %. En effet, l’entreprise a pour projet la centrale de Thabametsi de 1200MW comprenant deux unités de 600MW - construite en deux temps selon les ressources en eau et la capacité d’intégration au réseau. Situé dans le bassin 43 “Proposed $3.75 billion World Bank Loan to Giant South African coal plant” Friends of the Earth UK factsheet:. http://www.foe. co.uk/sites/default/files/downloads/eskom_fact_sheet.pdf 44 Earthlife factsheet, 26 septembre 2013: http://earthlife.org.za/www/wp-content/uploads/2013/09/Coal-3_IPCC5-factsheet_201309261.pdf 45 Montant des émissions de Medupi et Kusile rapporté aux émissions sud-africaines induites par la combustion d’énergies fossiles qui étaient de 376,1 millions de tonnes en 2014. 46 “ A Deadly Clash between Climate Science and Coal-3 ”, Groundwork, Earthlife Africa, People Actions solution, SECCP, Greenpeace, 26 septembre 2013. 47 Kusile coal power plant, BankTrack, accès le 10 mars 2015. 48 “ Power generation from coal ”, Agence international de l’énergie, octobre 2011. 49 Une centrale supercritique émet environ 850grCO2/kWh. Celles de Medupi et de Kusile pourraient même atteindre une efficacité énergétique de 40%. ” Business and sustainability performance review, Responding to climate change and limiting the impact on the environment ”, Eskom Annual report 2008. 50 South African energy sector, Department of Energy, accès le 10 mars 2015. 51 Le 27 novembre 2014, lors de la conférence environnementale, le Président de la République a annoncé que la Coface ne soutiendrait plus de projets dès lors qu’il y a utilisation de charbon, un engagement confirmée dans sa feuille de route 2015. Elle s’y est engagée à restreindre ses soutiens qu’aux centrales qui seraient équipées d’un dispositif de capture et de stockage du CO2, un processus non opérationnel aujourd’hui.
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du Waterbeg près de Lephalale, le projet est en partenariat avec l’entreprise minière sud-africaine Exxaro. L’entreprise sud-africaine y gère déjà l’unique mine de charbon de la zone, Grootegeluk, qui alimente les deux autres centrales de la zone, Matimba et Medupi. D’un coût estimé à entre 1,2 et 1,6 milliard d’euros, la centrale serait approvisionnée par une nouvelle mine à charbon du même nom et produirait de l’électricité pour Eskom et aussi pour les activités d’Exxaro. En avril 2015, l’association sud-africaine Earthlife Africa a déposé un appel pour contester l’étude d’impact environnemental ayant donné lieu à l’autorisation environnementale délivrée par le National Department of Environmental Affairs (DEA). Elle dénonce notamment l’opacité autour de cette demande d’autorisation : en effet le postulant initial Exxaro est devenu en cours de route la société « Newshelf 1282 », une société dont les directeurs sont inconnus. Le fait que la mine et la centrale aient fait l’objet de deux études d’impact différentes et déconnectées questionne également dans la mesure où les deux projets sont jusqu’alors présentés comme interdépendants. Les alternatives possibles auraient également été insuffisamment documentées. L’implication d’Engie dans ce projet est incompatible avec les ambitions françaises en matière de climat. L’entreprise, qui dispose de nombreuses centrales à charbon dans le monde, a été classée par le Carbon Disclosure Project dans le peloton de tête des entreprises les plus émettrices de gaz à effet de serre (GES) au niveau mondial52. Selon un autre rapport, le parc d’Engie serait en 3e position dans la liste des centrales à charbon les plus polluantes du monde53. Or l’État français participe pleinement à la prise de décision au sein de ces entreprises puisqu’il y dispose d’administrateurs et détient un tiers des droits de vote au sein de l’entreprise. De plus, il y a nommé un commissaire au gouvernement supposé veiller à la cohérence entre les choix de l’entreprise et l’ensemble des politiques menées par la France, par conséquent ses engagements climatiques et environnementaux.
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es banques françaises pourraient aussi soutenir un projet de centrale à charbon pour l’instant suspendu mais qui n’a pas été officiellement abandonné - Coal 3, similaire aux centrales de Medupi et Kusile.
En plus de financer le projet d’Engie et les autres projets de centrales à charbon prévus par des producteurs indépendants, les banques françaises pourraient aussi soutenir un projet de centrale à charbon pour l’instant suspendu mais qui n’a pas été officiellement abandonné. Ce projet, Coal 354, serait porté par Eskom et serait similaire aux centrales de Medupi et de Kusile, soit de 4800MW environ. Etant donné la présence des banques françaises, notamment BNP Paribas, dans le secteur du charbon en Afrique Australe et étant donné leur rôle dans le financement de Medupi et de Kusile, il est fort probable que Coal 3 redevienne une affaire en grande partie française. La Coface serait au moins absente de cette affaire étant donné l’engagement de la France à ne plus soutenir de projet de centrales à charbon non équipées d’un dispositif de capture et de stockage opérationnel – ce qui n’arrivera pas dans un avenir proche.
Centrale à charbon de Medupi
52 “ Global 500 Climate Change Report 2013 ”, Carbon disclosure project, 12 septembre 2013. 53 “ Stranded Assets and Subcritical Coal. The Risk to Companies and Investors ”, Smith School of Enterprise and the Environment, University of Oxford, mars 2015. 54 “ State of the nation address 2014 ”, South African government.
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Le leurre du charbon propre
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e plus en plus pris pour cible par la société civile, les industriels du charbon ont développé un discours sur le charbon propre. Ce terme désigne un ensemble de techniques qui visent à améliorer les rendements énergétiques des centrales à charbon et à réduire leurs émissions de polluants et de gaz à effet de serre, tel que le dioxyde de carbone (CO2). Pour les industriels, cet oxymore leur permet de prétendre qu’ils reconnaissent les impacts sanitaires, environnementaux et climatiques du charbon mais que l’usage des « meilleures technologies » leur permet de réduire les émissions de manière à concilier le modèle énergétique dominant qui dépend des énergies fossiles avec l’impératif de contrôle de nos émissions de CO2 et les objectifs de développement. Les banques, qui considèrent que le charbon demeure l’énergie la plus abordable et accessible pour répondre aux besoins en énergie des populations les plus pauvres qui n’y ont aujourd’hui pas accès, ont intégré dans leurs politiques sur les centrales à charbon des références à ces « meilleures technologies ».
Plus de centrales, plus de gaz à effet de serre En raison de l’urgence climatique et du rôle des centrales à charbon dans le réchauffement de la planète, les discours sur le charbon propre et plus généralement sur les meilleures technologies portent particulièrement sur les techniques à-même de réduire l’impact carbone des projets. Deux leviers d’action sont généralement invoqués par les banques et autres parties prenantes des projets de centrales à charbon, l’amélioration de l’efficacité énergétique et l’usage d’un procédé de capture et de stockage du carbone (CCS) émis à la combustion. Medupi et Kusile, premières centrales supercritiques d’Afrique du Sud mais monstres climatiques Les centrales de Medupi et de Kusile ont toutes deux été soutenues par des bailleurs internationaux en raison de l’usage d’une technologie supercritique, soi-disant à même de placer les centrales dans la catégorie des centrales à charbon propre55. En effet, ces centrales fonctionnant à pression et température plus élevées que les centrales de type sous-critiques, elles émettent moins des différents gaz à effet de serre, notamment de CO2, et représentent donc une amélioration par rapport aux 14 autres centrales sous critiques d’Eskom56. Si elles étaient proposées aujourd’hui aux banques françaises, les centrales de Medupi et de Kusile rempliraient donc le critère d’efficacité énergétique fixé dans leur politique sectorielle57. Mais, être moins polluants que les 14 autres centrales d’Eskom qui n’ont qu’une efficacité énergétique située entre 33 et 36 % ne fait pas de Medupi et Kusile des centrales propres. Avec un gain d’efficacité énergétique de seulement 2,5% par rapport aux centrales sous-critiques58, elles émettront toujours deux à trois fois plus que certaines centrales à gaz59, et sans commune mesure plus que les infrastructures d’énergie renouvelables qui n’émettent pas de CO2 à la combustion. Le plus inquiétant est que malgré le fait que la technologie supercritique et même ultrasupercritique soit maîtrisée, de nouvelles centrales sous-critiques, et donc encore plus émettrices, sont toujours
55 Medupi: Hogan answers questions on World Bank loan, Mail and Guardian, 11 mars 2010. 56 “ Clean coal technologies fact sheet ”, Eskom, novembre 2014. 57 Critère contrôlé par l’usage d’une technologie a minima supercritique par le Crédit Agricole, ou par pour un niveau d’efficacité énergétique de 38% minimum par la BNP Paribas et la Société Générale. 58 “ Clean coal technologies fact sheet, Eskom, novembre 2014. 59 Les centrales à gaz peuvent émettre jusqu’à seulement 380gCO2/kWh environ.
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planifiées et construites. Et un soutien des banques françaises à ces centrales n’est pas à exclure s’il s’agit de centrales inférieures à 350MW pour la BNP Paribas et 500MW pour le Crédit Agricole pour lesquelles les banques n’ont aucun critère. En Afrique, de tels projets pourraient être proposés. En effet, hormis le projet de centrale de deux fois 600MW d’Exxaro et Engie, les projets attendus sont composés d’une ou deux unités de 300MW, voire d’une capacité inférieure à 150MW60. Or, non seulement une technologie supercritique et moins émettrice n’est pas adaptée à des projets de cette taille, mais aucun critère d’efficacité énergétique n’est de plus imposé par le gouvernement à l’origine de l’appel d’offre. Medupi, une centrale équipée d’un CCS…..qui ne marche pas Le processus de capture et de stockage de carbone (CCS) est la technique de réduction des émissions des centrales la plus connue : elle consiste à récupérer le CO2 dès sa source de production, à le transporter puis à le stocker dans le sous-sol pour éviter son rejet dans l’atmosphère. D’une efficacité pouvant aller théoriquement jusqu’à 95%, ces technologies permettraient de faire des centrales à charbon des infrastructures bas carbone. Il ne suffit pas à rendre le charbon compatible avec le climat puisque d’après une étude publiée dans Nature, 88% des réserves de charbon doivent rester dans le sol pour maintenir l’élévation de la température du globe en-dessous de 2°C. Et si le CCS était opérationnel, c’est 82% des réserves qui devraient ne jamais être extraites61. Malgré cela, certains bailleurs - Etats, banques multilatérales de développement et banques privées – conditionnent leur financement à l’usage du CCS. En 2009, n’ayant pas encore leur propre politique sectorielle, les banques françaises suivaient les avis de la Société financière de développement, le bras financier de la Banque Mondiale. Celle-ci avait conditionné son prêt pour la construction de Medupi à ce que la centrale soit équipée d’un processus de capture et de stockage de carbone. Cependant, être CCS-ready, à savoir être capable de capter le carbone émis, ne signifie pas que le carbone peut être réellement stocké. C’est le cas en Afrique du Sud où aucune option de stockage n’existe. Avec une première unité en opération en mars 2005, la centrale de Medupi est en bonne voie pour rejeter à partir de 2020, une fois pleinement opérationnelle, 25 millions de tonnes de CO2 par an. Artificiel, le critère du CCS dans les politiques sectorielles des banques est également nuisible puisqu’il détourne les efforts des entreprises et des Etats des seules mesures à-même de répondre aux objectifs de réduction des émissions de C02 au niveau international, à savoir la diminution de notre consommation d’énergie, l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables. En Afrique du Sud, même si la recherche aboutie et que des voies de stockage sont trouvées, le CCS ne devrait pas être opérationnel avant 2030. Il ne peut donc pas constituer une solution crédible à la crise climatique, laquelle impose des mesures urgentes.
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a centrale de Medupi est en bonne voie pour rejeter à partir de 2020, une fois pleinement opérationnelle, 25 millions de tonnes de CO2 par an.
Enfin, non seulement le CCS légitime aujourd’hui la construction de nouvelles infrastructures émettrices sous la promesse de pouvoir un jour capter le CO2 émis, mais il capte aussi les précieux financements dédiés à la recherche. En Afrique du Sud, le CCS s’est développé sous impulsion du Ministère de l’énergie et des affaires minérales, le pilier de l’industrie du charbon, au sein de Sanedi - South African nation energy development institute. Bien qu’ayant pour mandat de répondre aux enjeux de transition énergétique en développant des solutions en matière d’énergie propre et d’efficacité énergétique, cet organisme de recherche tend à se limiter au programme Advancing fossil fuels qui vise à développer les gaz de schiste et surtout le CCS. Et sans surprise, derrière l’organisme ad’hoc qui finance la recherche sur le CCS se trouve les entreprises qui ont intérêt au maintien du charbon, notamment Eskom, Alstom, Total, Anglo American, Xstrata Coal, Exxaro et PetroSA ainsi que l’ambassade de Norvège, le gouvernement sud-africain via Sanedi, et l’Agence française de développement.
60 61
“ Power plans too late for near-term crunch ”, Moneyweb, 16 avril 2014. “ The geographical distribution of fossil fuels unused when limiting global warming to 2 °C ”, Nature, 8 janvier 2015.
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Politiques sectorielles : quand les banques sanctionnent leur soutien au secteur du charbon
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n 2011, BNP Paribas, Crédit Agricole et Société Générale ont adopté des politiques sectorielles destinées à contrôler et diminuer les impacts de leurs soutiens dans les secteurs à risque. La production d’électricité à partir de charbon fait l’objet d’une politique spécifique mais l’extraction de charbon n’est traitée qu’à travers une politique générale sur le secteur minier. Evasives, laissant une large place à l’interprétation, non contraignantes, et ne portant pas sur toutes les activités des banques, ces politiques ne permettent pas de faire diminuer de manière conséquente le soutien des banques au secteur du charbon. Il est ainsi révélateur que BNP Paribas, Crédit Agricole et Société Générale, seules banques françaises qui ont adopté des politiques relatives au charbon, représentent à elles-seules 94% des soutiens des banques françaises à ce secteur entre 2005 et avril 2014. De plus, l’adoption de politiques sectorielles n’annonce pas un arrêt progressif des soutiens des banques au secteur du charbon avec l’adoption de critères de plus en plus stricts. D’une part, un affaiblissement des politiques est possible. Par exemple, la BNP Paribas et la Société Générale ont toutes deux révisées et affaiblies leur politique sectorielle en 2014. Alors qu’elles conditionnaient leurs soutiens à des projets de centrales dans des pays à revenu non élevé par le respect d’un niveau d’efficacité énergétique, plus aucune condition n’est requise de leur part pour tout projet de centrale inférieur à 200MW pour la Société Générale et 350MW pour la BNP Paribas. D’autre part, l’évolution des politiques des banques avec l’ajout de critères en apparence plus exigeants semblent seulement sanctionner les évolutions de marché. Les seules politiques en mesures d’avoir un impact environnemental, social et climatique seraient donc des politiques d’exclusion des secteurs controversés des soutiens des banques. En France, la NEF choisit de ne pas soutenir du tout le secteur du charbon et le Crédit Coopératif l’exclut de ses financements. Au niveau international, certains bailleurs institutionnels comme la Banque Mondiale, la Banque européenne d’investissement et la Banque européenne pour la reconstruction et le développement ont adopté en 2014 des politiques visant à mettre un terme à leurs soutiens au charbon, sauf en des circonstances rares et exceptionnelles définies par une liste de critères. Il est temps que les banques françaises suivent le mouvement.
Centrale à charbon de Duvha, dans la province de Mpumalanga.
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Plus de centrales, plus de morts Au-delà de la question climatique et des émissions de CO2, le charbon propre fait aussi référence aux technologies à-même de réduire les autres émissions induites par la combustion de charbon, notamment celles de dioxyde de souffre, d’oxydes d’azote ou NOX ainsi que les particules fines, responsables d’importantes maladies respiratoires. Dans plusieurs régions d’Afrique du Sud, et particulièrement dans le Highveld, a combustion de charbon dans la province du Mpumalanga où se trouve 12 des 14 centrales à charbon dans les centrales à d’Eskom ainsi qu’une centaine de mines, la pollution de l’air est devenu un charbon y est responsable problème extrêmement préoccupant de santé publique. D’après un rapport de de 2800 morts par an. Greenpeace, la combustion de charbon dans les centrales à charbon y est 62 63 responsable de 2800 morts par an . Un autre rapport de Groundwork - les Amis de la Terre Afrique du Sud - démontre que la combustion du charbon par les centrales à charbon y est responsable de 51% des admissions à l’hôpital, 51% des morts dues à des maladies respiratoires causées par la pollution extérieure et 54% des morts dues aux maladies cardiovasculaires liées à la pollution de l’air.
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Malgré les impacts sanitaires du charbon, la politique du Crédit Agricole n’en fait qu’un critère d’analyse et non d’exclusion de leurs soutiens financiers à des projets de centrales à charbon. Quant à la BNP Paribas et à la Société Générale, elles s’en remettent aux normes de la Banque Mondiale. A l’époque, celle-ci avait conditionné son financement de la centrale de Medupi à l’usage d’un processus de désulfuration. Dans un rapport d’Eskom de 2006 gardé secret jusqu’à ce qu’un recours en justice par une association l’oblige à le publier en 2014, Eskom reconnaît que les émissions de dioxyde de souffre sont la principale cause des morts provoquées par ses centrales à charbon. L’usage d’un procédé de désulfuration, à-même de réduire les émissions de dioxyde de souffre de 90%, est donc extrêmement important. Pourtant, alors que ce même rapport prévoyait également l’augmentation des impacts sanitaires autour de Lephalale une fois la centrale de Medupi terminée, Eskom a demandé aux autorités sud-africaines de n’utiliser le processus de désulfuration que six ans après l’entrée en opération de chaque unité. Cette demande de report du respect des nouvelles émissions minimales64 a été acceptée, ainsi que d’autres demandes de dérogation portant sur l’ensemble des centrales existantes d’Eskom65. L’autorisation de ces reports par le par le Ministère des Affaires environnementales en février 2015 est incompréhensible pour les ONG et les populations étant donné que la quasi-totalité des centrales concernées se trouvent dans des zones déclarées prioritaires en matière de qualité de l’air66, y compris celle de Medupi dans le Waterbeg. Nombreux sont ceux qui attendaient une position progressiste de la part du gouvernement concernant cette région qui ne souffre pas encore des niveaux de pollutions du Highveld. La seule centrale existante jusqu’à Medupi était celle de Matimba, construite à partir de 1981 dans cette région en raison, d’après Eskom, « des préoccupations à propos des niveaux de pollution de l’air autour d’Emalahleni »67. Or aujourd’hui, l’entreprise ne fait cure des effets cumulatifs des émissions des deux grosses centrales situées l’une à côté de l’autre et à proximité de l’énorme mine de Grootegeluk et de leurs impacts sur les populations de Lephalale et des localités qui en dépendent. D’après elle, les bénéfices qu’apporterait le respect des normes d’émissions seraient inférieurs à ses coûts financiers et non financiers estimé à 15 milliards d’euros de dépenses en capital
62 “Eskom makes Mpumalanga sick”, Mail and Guardian, 2 juillet 2014. 63 “The Health Impact of Coal: The responsibility that coal-fired power stations bear for ambient air quality associated health impacts”, Groundwork, 2014. 64 Les montants autorisés d’émissions de ces polluants sont encadrés par des normes d’émissions minimales (MES – minimum emission standards) négociées entre 2004 et 2010 entre le Ministère des Affaires environnementales, l’industrie dont Eskom et des organisations de la société civile afin de limiter l’impact sanitaire de certaines activités comme la production d’électricité à partir de charbon en vue d’être respectées à partir de 2015. 65 “ Eskom’s applications to delay compliance with AQA minimum emissions standards ‘’, Centre for Environmental rights, 22 mars 2014. 66 Il s’agit des zones du Vaal Triangle, du Highveld et du Waterberg-Bojanala. 67 “ How Eskom’s coal kills ”, Mail and Guardian, 20 juin 2014.
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(sans les frais de financement) et 464 millions de dépenses opérationnelles par an68. Une économie que paieront de leur vie les populations. En, effet, une étude faite pour Greenpeace international en 2014 a montré que ces reports causeraient 20 000 morts prématurées sur la durée de vie restantes des centrales, dont environ 1 600 morts de jeunes enfants, et que le coût de ces morts et des effets neurotoxiques s’élèveraient à 17 milliards d’euros69.
Plus de centrales, plus de mines Plus largement, les discours sur le charbon propre tendent à nier un facteur primordial : l’extraction de charbon. Comme le rappelle Melissa Fourie du Centre for Environmental Rights, « lorsque nous parlons d’atténuer les niveaux d’émissions causées par le charbon, il faut garder en tête qu’à une multitude de chaque centrale à charbon se trouve une multitude de mines de charbon ». Or, lorsqu’elles évaluent un projet de centrale, les banques françaises n’évaluent pas les impacts induis en amont de la production d’électricité par les besoins en charbon des centrales. En outre, en l’état, non seulement les politiques sectorielles sur l’industrie minière de BNP Paribas, Crédit Agricole et Société Générale ne portent pas spécifiquement sur le charbon70, elles sont loin d’être à-même de prévenir les impacts sanitaires et environnementaux de cette industrie. L’extraction de charbon est pourtant loin d’être sans risque pour l’environnement et les populations, surtout dans un pays en situation de stress hydrique comme l’Afrique du Sud où les précipitations sont rares et inégalement distribuées dans le pays. Or, non seulement l’industrie minière compte parmi les premiers consommateurs d’eau d’Afrique du Sud mais elle est également une des principales causes de pollution de cette ressource essentielle à la survie des populations, des écosystèmes et à l’activité agricole. Le cas du Mpumalanga est particulièrement révélateur des risques posés par l’industrie minière. Berceau de l’industrie minière de charbon, cette province, presqu’entièrement couverte par des permis miniers, est également celle où est générée une part substantielle des réserves en eau du pays, notamment avec la présence de zones humides constituées de centaines de lacs et de rivières, ainsi que les sources de quatre des plus grandes rivières sud-africaines. En sus des pollutions générées par l’industrie du charbon lors de leurs activités, la province fait face à une explosion des problèmes issus des plus de 600 mines qui ont été abandonnées sans être réhabilitées. Il s’agit pour la plupart de mines anciennement gérées puis abandonnées par des multinationales comme Anglo American et BHP Billiton, ou revendues avant l’épuisement de leurs réserves exploitables à des entreprises sud-africaines plus petites incapables de fermer les mines en toute sécurité ni de restaurer les lieux. En plus des combustions spontanées des restes de charbon, un des principaux problèmes posés par ces mines est les fuites de drainage minier acide qui s’échappent d’une centaine d’entre elles et entraîne une pollution massive des réseaux hydriques. Contenant des métaux lourds tels que l’aluminium, l’arsenic et le mercure, le drainage minier acide menace l’intégralité des écosystèmes environnants, hydriques et terrestres, et rend impossible l’irrigation ou toute activité agricole. Plus directement, il menace la santé des populations pauvres qui habitent près des retenues de ce drainage et qui, sans accès à l’eau potable, n’ont parfois d’autres solutions que de s’en servir pour répondre à leurs besoins quotidiens.
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on seulement l’industrie minière compte parmi les premiers consommateurs d’eau en Afrique du Sud mais elle est également une des principales cause de pollution de cette ressource essentielle.
Pourtant, bien que la réhabilitation des plus de 600 mines abandonnées en Afrique du Sud prendrait 800 ans et a été estimée en 2008 à près de 8 milliards d’euros par le Ministère des Affaires minérales71, l’industrie minière est bien déterminée à en ouvrir de nouvelles et à exploiter les réserves restantes de charbon – qui représentent les neuvièmes plus grandes réserves de charbon encore
68 “ Eskom’s disdain for deadlines ‘kills thousands’ ”, Mail and Guardian, 21 février 2014. 69 “ Health impacts and social costs of Eskom’s proposed non-compliance with South Africa’s air emission standards ”, Greenpeace international, février 2014. 70 Hormis les exclusions des soutiens au MTR et mines non intégrées de lignite. 71 “ The social and environmental consequences of coal mining in South Africa, a joint initiative of Environmental Monitoring Group, Cape Town ”, South Africa and Both ENDs, Amsterdam, The Netherlands, janvier 2010.
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exploitables au monde72. Après avoir détruit les réserves en eau du Mpumalanga, jusqu’à mettre en danger l’approvisionnement en eau de deux réservoirs dont dépend Johannesburg, l’industrie minière pourrait demain continuer de dévaster les réseaux hydriques sud-africains dont celui du Limpopo dont dépend l’Afrique du Sud mais également les pays frontaliers. Une partie du charbon extrait alimenterait les nouveaux projets de centrales, dont celui d’Engie. Ensemble, Medupi, Kusile et les autres projets planifiés nécessiteront l’ouverture de 35 nouvelles mines de charbon73. Certaines pourraient être financées par les banques françaises qui financent les entreprises minières responsables de 60% de la production de charbon acheté par Eskom - Anglo American, Exxaro et BHP Billiton et Glencore Xstrata. Entre 2005 et avril 2014, BNP Paribas, Crédit Agricole, Société Générale et le groupe BPCE ont financé ces 4 entreprises à hauteur de 3740 millions d’euros, se plaçant pour les 3 premières dans les 25 premières banques internationales à les avoir financées le plus. Comptant pour plus de 61% des financements français à ces entreprises, BNP Paribas se classe même 4ème au niveau international. Les risques de poursuivre l’exploitation minière en Afrique du Sud étant considérables, les banques françaises ne devraient d’une part pas encourager son extraction. D’autre part, elles devraient reconnaître ces risques dans leur politique concernant les financements des centrales à charbon et refuser de maintenir leurs soutiens à ce secteur au nom d’un charbon propre inexistant.
Soutiens aux mines de charbon en Afrique australe 2011 - 201374
Prêts
Emissions
Montants en millions d’euros
72 South Africa energy synopsis 2010, Energy department South Africa 73 “Proposed $3.75 billion World Bank Loan to Giant South African coal plant” Friends of the Earth UK factsheet:. http://www.foe. co.uk/sites/default/files/downloads/eskom_fact_sheet.pdf 74 Banking on coal 2011, BankTrack, urgewald, CEE Bankwatch Network, Polska Zielona Siec.
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le charbon une solution pour l’accès à l’énergie pour tous ?
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es banques françaises justifient le maintien de leurs financements au secteur du charbon dans un monde qui se dirige vers une hausse de sa température de plus de 4°C par les besoins en électricité des pays en développement, et plus particulièrement des populations qui n’y ont aujourd’hui pas accès. Tels ont été les arguments avancés pour justifier la construction des centrales de Medupi et de Kusile. Le pays présageait une grave crise énergétique qui menaçait de plonger le pays dans le blackout et une large part de la population n’avait toujours pas accès à l’électricité. En 2013, 15% des foyers sud-africains n’étaient toujours pas connectés à l’électricité, soit 12,3 millions de personnes d’’après l’Agence internationale de l’énergie75.
Pour répondre à leurs besoins en énergie et pouvoir s’éclairer, se chauffer et cuisiner, ces populations ont recours au bois, à la paraffine et au charbon qu’elles achètent à des mineurs illégaux qui exploitent des mines abandonnées au péril de leur vie, ou aux déchets de charbon qu’elles collectent directement près des mines anciennes ou en opération. Pourtant, assurer la sécurité énergétique de ces populations, et notamment leur permettre un usage minimum d’électricité, ne passe pas nécessairement par une augmentation massive de la capacité installée et à laquelle seules les grandes infrastructures énergétiques comme les centrales à charbon pourraient répondre.
Une électricité inacessible aux populations les plus pauvres
Medupi et Kusile ne répondront pas aux besoins en électricité des populations Contrairement à ce qu’on pourrait penser, vivre à côté d’une centrale à charbon ne se traduit pas forcément par une connexion au réseau d’électricité. Au contraire, les populations vivant près des centrales, donc dans un environnement très pollué, sont celles qui n’ont d’autres choix que d’y rester. Pauvres, elles n’intéressent pas Eskom, entreprise publique mais qui suit une stratégie libérale de marché et qui ne veut donc pas étendre son réseau à des zones où les consommations des populations sont jugées trop basses comparées aux investissements nécessaires. Ainsi, de nombreux endroits, pourtant très proches des centrales à charbon, ne sont paradoxalement pas connectés au réseau. C’est ce qu’on appelle le paradoxe du dernier kilomètre. A Masakhane, une communauté située à quelques centaines de mètres de la centrale de Duvha, et dont les maladies respiratoires sont très importantes parmi la population, seule une poignée de foyers sont connectés au réseau. Ils ont négocié à prix d’or leur connexion directement avec Eskom qu’ils paient tous les mois pour leur consommation, mais à des prix extrêmement volatiles, et qui échappent à toute régulation. Une des familles de ces privilégiés, qui a accepté de nous parler sous anonymat, de peur d’être stigmatisée par rapport à celles non connectées, nous raconte avoir parfois 75
“ Energy access: why coal is not the way out of energy poverty ”, Carbon Tracker Initiative, 13 novembre 2014.
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reçu des factures d’électricité s’élevant à 845 euros par mois, soit plus du revenu mensuel médian. La situation est similaire dans les zones rurales – où habite 36% de la population sud-africaine - où l’extension du réseau couterait souvent plus cher que le développement de solutions énergétiques hors réseau76. Le nombre de foyers connectés au réseau électrique s’est toutefois considérablement développé après l’Apartheid. En 1990, seuls 35% l’étaient77. Mais il ne suffit pas d’être connecté pour utiliser de l’électricité, encore faut-il pouvoir se l’acheter. Or, le prix de l’électricité ne cesse d’augmenter pour les particuliers, les forçant à n‘en faire qu’un usage partiel jusqu’à être coupés du réseau. La reconnexion étant payante, il devient pour certains plus avantageux d’acheter d’autres énergies, chères mais plus flexibles et s’adaptant mieux à leurs besoins, et ce malgré les impacts sanitaires et économiques qui en découlent. edupi et Kusile Medupi et Kusile ayant plusieurs années de retard78, leurs coûts ont explosés ayant plusieurs années – passant de plus de 11 milliards à plus de 25 milliards d’euros79 - et Eskom de retard, leurs coûts ne cesse d’augmenter le prix de l’électricité vendue aux particuliers afin de ont explosés et Eskom ne faire face aux intérêts à payer. Alors que le prix moyen entre les différents cesse d’augmenter le prix utilisateurs a été multiplié par 5 entre 2008 et 201280, Eskom s’est par la suite de l’électricité vendue aux vu autorisé une augmentation annuelle de 8% jusqu’à 2018, qu’il demandait particuliers afin de faire l’année dernière à monter à plus de 12% pour 2015-201681. face aux intérêts à payer.
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Or ces hausses, qui fragilisent d’autant plus l’accès à l’électricité des populations, sont nécessaires pour compenser les surcoûts des deux centrales alors que jusqu’à février 2015, celles-ci n’apportaient toujours pas un seul kWh au réseau sous pression. D’autres hausses des tarifs pourraient arriver en cas de nouveaux retards à Medupi et Kusile. Pour l’instant, seule une unité de 794MW sur les 6 prévues à Medupi est en opération et la prochaine pourrait ne pas l’être avant mars 2017, alors que le projet initial prévoyait 6 mois entre l’entrée en opération de chacune des 6 unités82. Medupi serait pleinement opérationnelle en 2019. Quant à Kusile, elles devrait a minima avoir plus de 6 ans de retard et entrer en pleine opération en 2020 seulement83. D’après de nombreux chercheurs et des associations environnementales sud-africaines tel que Earthlife Africa, un partenaire des Amis de la Terre France, la construction des centrales de Medupi et de Kusile n’avait en réalité pas pour but d’améliorer l’accès à l’électricité des populations mais de répondre aux besoins massifs des entreprises énergivores. D’après Earthlife, répondre aux besoins en électricité de ceux qui n’y ont pas aujourd’hui n’aurait nécessité qu’un cinquième de l’électricité produite par Kusile84 ou 17% de l’électricité produite par Medupi85.
Des centrales à charbon au service de l’industrie et du secteur minier Alors que les foyers à bas revenus constituent 25% de la population, ils ne consomment que 2,4% de l’électricité, les foyers à hauts revenus, deux fois moins nombreux que les premiers, en utilisent 14 fois plus86. Cependant, la disparité la plus problématique est celle entre les populations et les entreprises. Le secteur industriel et minier consomme plus de 60% de l’électricité produite, un chiffre qui monte à 75% si on intègre le commerce, contre entre 16 et 18 % pour le secteur résidentiel87.
76 “ Energy access: why coal is not the way out of energy poverty ”, Carbon Tracker Initiative, 13 novembre 2014. 77 “ South Africa Electrification Programme ’’, MIR, décembre 2007. 78 Outre le fait qu’Eskom n’a toujours pas sécurisé les financements de Kusile, ces retards sont dus à une suite de problèmes techniques et industriels ainsi qu’à des grèves répétées des travailleurs concernant leurs meilleures conditions de travail. Ces retards ne sont pas propres à Kusile et Medupi mais sont au contraire typiques des méga projets d’infrastructures. 79 “ Sinking into Eskom’s black hole ”, Mail and Guardian, 6 février 2015. 80 “ Further cost increases on the cards for Eskom’s Medupi and Kusile power stations ”, EE-News, décembre 2009. 81 “ Electricity tariffs may increase by 12.69% in 2015/16 ”, Moneyweb, 17 septembre 2014. 82 “ What’s next for Medupi ? ”, BusinessTech, 4 mars 2015. 83 “ What’s next for Medupi ? ”, BusinessTech, 4 mars 2015. 84 “ Free Basic Electricity: a better life for all ”, Earthlife Africa, février 2010. 85 “ The Groundwork climate and energy justice campaign ”, Groundwork. 86 “ You can’t eat electricity ”, Oxfam, 27 mai 2013. 87 South Africa 2014, Reegle, accès le 10 mars 2015.
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Mais au sein même du secteur industriel, la demande en électricité est en réalité dominée par la quarantaine d’entreprises membres du Groupe des plus grands utilisateurs d’énergie comptant pour 45% de l’électricité consommée du pays88. Parmi ces entreprises se trouvent les principaux groupes miniers du pays, mais aussi Sasol qui produit des carburants synthétiques et d’autres entreprises de l’industrie lourde. Non seulement l’industrie et le secteur minier consomment la majorité de l’électricité produite mais ils bénéficient d’un tarif jusqu’à 7 fois inférieur à celui de la population89. L’écart de prix entre les populations et les industries est de 2.3 en moyenne en Afrique du Sud, un taux bien supérieur à celui de pays comme la Grande-Bretagne, la Grèce, l’Irlande, la Norvège, l’Espagne ou encore la France, où il est inférieur à 2 – de 1.5 en France90. Le cas de BHP Billiton est également très révélateur du rôle joué par les centrales d’Eskom dans la production d’une électricité à bas prix au service des intérêts des grandes multinationales intensives en énergie. Le géant industriel utilise ainsi 9% de l’électricité produite en Afrique du Sud, dont 5.68%91 pour alimenter ses deux seules fonderies de bauxite situées dans la région. Pourtant, l’Afrique du Sud n’a pas de bauxite ni de raffinerie d’aluminium. BHP Billiton a choisi d’implanter deux de ses fonderies pour profiter de l’extrêmement faible tarif de l’électricité fixé par un Accord spécial d’achat - Special Purchase Agreement - avec Eskom. Les Accord spéciaux d’achat ont été développés alors qu’Eskom était en surproduction d’électricité. Or, aujourd’hui, alors que le prix de l’électricité ne cesse d’augmenter pour les populations et dans une très moindre mesure pour les entreprises, certains utilisateurs, comme BHP Billiton et Anglo American, jouissent toujours d’un tarif plus avantageux. Protégés de toute augmentation pendant une durée de 25 ans92 dans un contexte d’augmentation des coûts de l’électricité, Eskom leur vend de l’électricité en-dessous du prix de production moyen93 et fait donc peser les augmentations de tarif sur les autres consommateurs, à commencer par les particuliers.
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on seulement l’industrie et le secteur minier consomment la majorité de l’électricité produite mais ils bénéficient d’un tarif jusqu’à 7 fois inférieur à celui de la population.
Hors des cas particuliers comme BHP Billiton, les industries et les entreprises minières n’ont respectivement connu une hausse du prix d’électricité que de 15.71 et 17.26% entre 1993 et 2006/2007 alors que les populations ont subi une hausse de 35.18%94. Pour Thomas Mnguni, un militant qui habite dans une des communautés près d’Emalahleni, « ne faire reposer les hausses du prix de l’électricité que sur les populations revient à demander aux populations de subventionner l’industrie ». Si les centrales de Medupi et Kusile ne permettront pas de répondre aux besoins en électricité des populations les plus pauvres, c’est également le cas pour l’intégralité des centrales à charbon financées par la Banque mondiale entre 2008 et 2010. D’après une étude d’Oil Change International, aucun de ces projets n’aurait en effet permis d’améliorer durablement l’accès énergétique des populations pauvres95. Ces inégalités d’usage de l’électricité se répercutent sur le niveau d’émissions de chacun. Les 4% les plus riches de la population étaient en 2011 responsables de 80% des émissions de la population96 et l’industrie émet à elle seule 66% des émissions intégrées à la consommation de biens et de services d’Afrique du Sud. Continuer ce modèle énergétique, c’est donc sanctionner la croissance des émissions de CO2 conduite par les industries sans pour autant permettre le développement des plus pauvres. Au contraire, développer les énergies renouvelables permettrait de répondre aux objectifs de développement et de lutte contre les changements climatiques.
88 Parmi les membres du Groupe des plus grands utilisateurs d’énergie d’Afrique du Sud se trouvent Sasol, Transnet, Xstrata Alloys, Lonmin, Goldfields, Arcelor Mittal, BHP-Billiton, Assmang, Samancor, Exxaro, Kumba, Evraz Highveld, etc. 89 The Groundwork climate and energy justice campaign, Groundwork, accès le 10 mars 2015. 90 International positioning of South African electricity prices and commodity differentiated, South African Journal of science, janvier 2013. 91 The supreme court of appeal of south africa judgment, Case n°189, 2012. 92 Ces contrats ne sont pas touchés par les hausses de tarif décidé par NERSA (National Energy Regulator of South Africa) dans le cadre des hausses Multi-Year Pricing Determination (MYPD). Sustainable Energy Briefing 22: BHP Billiton, Oil and Eskom Revenue, Earthlife Africa, décembre 2010. 93 “ Sustainable Energy Briefing 22: BHP Billiton, Oil and Eskom Revenue ”, Earthlife Africa, décembre 2010. 94 “ International positioning of South African electricity prices and commodity differentiated ”, South African Journal of science, janvier 2013. 95 “ Energy for the Poor ? ”, Oil Change International, 2010. 96 “ One million climate jobs: a carbon budget for South Africa ”, Liziwe McDaid.
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Les renouvelables, une alternative crédible au charbon Quasiment inexistantes du mix énergétique d’Eskom, les énergies renouvelables ont fait ces dernières années l’objet de 4 appels à projets du gouvernement. Celui-ci prévoit 18,2 GW d’énergies renouvelables d’ici 2030, soit 42% de la nouvelle capacité installée totale - contre 29% de charbon97. Ce programme, considéré pour l’instant comme un succès, a hissé l’Afrique du Sud au rang du pays le plus le plus attractif des pays émergents en termes de marché pour les énergies renouvelables98. Pourtant, au-delà du fait que la manière dont il est pensé et appliqué ne permettra pas la création d’une industrie sud-africaine avec un fort savoir-faire dans les énergies renouvelables, il ne suffira pas à faire des renouvelables un contrepoids suffisant au charbon dans le mix énergétique sud-africain99. En 2030, les renouvelables ne représenteront ainsi que 9% du mix énergétique total, et le charbon dominera toujours le mix énergétique. Interrogées sur les alternatives possibles au charbon pour répondre aux besoins en électricité du pays, les autorités ne citent que les gaz de schiste, le pétrole, le nucléaire, les grands barrages, et....le charbon propre. Les énergies renouvelables ne sont mentionnées que comme gage des efforts du pays de réduire ses émissions de CO2. Le Ministère des ressources minérales affirme sur son site internet que le charbon restera la principale énergie étant donné l’absence d’alternatives viables100. Un représentant d’Eskom nous a répondu que la construction d’une énième grosse centrale à charbon, sous la forme de coal 3 ou de plusieurs petites centrales, ne serait certainement pas une bonne idée d’un point de vue environnemental mais serait peut-être obligatoire du fait de l’absence d’alternative viable à même de répondre aux besoins du pays à court terme.
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lusieurs études ont démontré que les énergies renouvelables pourraient constituer 50% du mix énergétique d’ici 2030 pour répondre ensuite à 94% des besoins en électricité de l’Afrique du Sud en 2050.
Pourtant, le potentiel de développement des renouvelables en Afrique du Sud est impressionnant. C’est un des pays avec la meilleure exposition solaire au monde101, mais il a également de très bonnes conditions pour l’éolien, que ce soit onshore ou offshore. Plusieurs études ont démontré que les énergies renouvelables pourraient constituer 50% du mix énergétique d’ici 2030 pour répondre ensuite à 94% des besoins en électricité de l’Afrique du Sud en 2050102. En outre, alors que les centrales à charbon ont fait grimpé en flèche le prix de l’électricité, celui des énergies renouvelables dégringolent de façon fulgurante, jusqu’à être déjà compétitif avec l’électricité produite à partir de charbon. En moins de 4 ans, les tarifs ont chuté de 42% pour l’éolien, de 68% pour le photovoltaïque et de 46% pour l’énergie solaire concentrée103. Lors du troisième appel à projets d’énergies renouvelables lancé en mai 2013, le tarif de l’éolien et du photovoltaïque ont culminé à 0.051 euros/kWh et 0.06 euros/kWh104. Ils étaient alors presque compétitifs avec l’électricité produite par les centrales à charbon et vendue à un coût de 0.050 euros/kWh par Eskom105. Les énergies renouvelables constituent donc déjà une alternative crédible en termes de coût de production au charbon. En effet, en 2013, NERSA, le régulateur sud-africain, estimait déjà que le coût de l’électricité produite par Medupi et Kusile s’élèverait à 0.076 euros/kWh. Standard Bank évaluait même le prix de l’électricité générée par Kusile à 0,10 euros/kWh en supposant que celle-ci serait en opération en 2019106, ce qui est loin d’être garanti puisque l’on parle déjà d’une entrée en opération en 2020. Les programmes d’énergies renouvelables auraient déjà fait économiser à l’Afrique du Sud 410 millions d’euros107.
97 “ IRP 2010 policy-adjusted plan after consultation ”, South African department of energy, 2010. 98 “ South Africa Is Primed for Major Solar Development ”, RenewableEnergyWorld.com, 20 May 2014, 99 D’une part car il ne prévoit pas un plan d’appels à projets sur le long terme, d’autre part car la capacité requise par technologie – éolien, CSP, biomasse, etc. – est trop basse pour inciter des entrepreneurs locaux à investir, et enfin, car la quantité d’énergie renouvelable qui peut être intégrée au réseau est réduite. Un développement du secteur des énergies renouvelables nécessiterait donc une augmentation des objectifs d’énergie renouvelables d’ici 2030 et 2050, un appui à la formation d’une industrie locale et des capacités et compétences techniques requises, et des investissements et politiques dédiées à l’extension et à la modernisation des réseaux de distribution. 100 Coal resources, Energy Department, Republic of South Africa, accès le10 mars 2015. 101 “ South Africa Is Primed for Major Solar Development ”, RenewableEnergyWorld.com, 20 May 2014, 102 “ South African Energy Revolution ”, Teske et al, 2011 103 “ South Africa’s Renewable Energy IPP Procurement Program: Success Factors and Lessons ”, PPIAF, mai 2014. 104 “ South Africa’s Renewable Energy IPP Procurement Program: Success Factors and Lessons ”, PPIAF, mai 2014. 105 “ SA renewable energy tariffs cheaper than expected Medupi/Kusile generation cost ”, ESI-AFRICA.COM, 5 juin 2014. 106 “ Powering the Future. Renewable Energy Roll-out in South Africa ”, Greenpeace, mars 2013. 107 “ Wind and solar energy saved south africa r5.3 billion last year”, htxt.africa, 2 février 2015.
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Et ces données ne comparent que le coût de production de l’électricité à partir des différentes énergies. Elles ne prennent pas en compte les externalités négatives induites pas l’extraction et la combustion de charbon sur l’environnement, la santé et les conditions de vie des plus pauvres, ni les impacts positifs qu’auraient une économie fondée sur les énergies renouvelables. D’après une étude de Greenpeace, le seul coût des externalités induites par Kusile pourrait être de plus de 4 milliards d’euros par an108.
Lephalale, nouvelle ville sacrifiee ?
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ephalale est une ville minière située à quelques kilomètres à l’est du bassin de charbon du Waterbeg, dans la province du Limpopo au Nord du pays, proche du Botswana. Si l’agriculture occupe avec le tourisme une part importante de l’activité économique de la province, la ville de Lephalale s’est développée à partir des années 1980 avec l’ouverture de la mine de Grootegeluk d’Exxaro puis de la première centrale à charbon d’Eskom hors du Highveld, la centrale de Matimba. La municipalité de Lephalale comprend la ville formelle de Lephalale, ainsi que les environs dont le quartier informel de Marapong divisé en plusieurs zones, et les villages éloignés de plusieurs dizaines de kilomètres de la ville. L’autorité politique est divisée entre un conseil municipal élu et les autorités traditionnelles physiquement situées dans les villages. D’après les autorités nationales, la construction de Medupi, l’augmentation de la production de la mine de Grootegeluk de 14,6 million de tonnes de charbon afin d’alimenter Medupi, ainsi que la projection de nouveaux projets de centrales à charbon dont celle d’Engie, et de nouvelles mines offrent des opportunités de développement pour les populations locales.
Une ville en pleine croissance, mais laquelle ? D’après les autorités nationales et Eskom, le charbon est une ressource stratégique dont il faut tirer parti pour développer des emplois. Le secteur énergétique emploie 250 000 personnes, et le secteur des mines de charbon employait à lui seul 57 700 personnes en 2006109. Dépeinte comme une ville en pleine croissance, pleine d’opportunités économiques, Lephalale a attiré plusieurs milliers de personnes. Certains disent même être venus car Lephalale leur a été présentée comme la future Johannesburg. Pourtant la réalité semble plus âpre. A la fin des années 2000, lorsque Eskom a présenté son projet de centrale aux populations, il était prévu que plus de 60% des travailleurs viendraient de Lephalale, que les prestataires de services locaux seraient privilégiés et que des programmes de formation professionnelle seraient mis en place. Or, si ce fut le cas au tout début du projet, les locaux ont rapidement été repoussés en périphérie pour ne représenter aujourd’hui que 10% de la main-d’œuvre employée dans les centrales. Le pourcentage est encore plus bas pour les villages alentours qui s’étaient aussi vus promettre des emplois en plus de la construction de services de base – clinique, école, etc – mais dont ils n’ont toujours rien vus. D’après un membre dirigeant de l’équipe locale de SANCO – l’organisation civique nationale d’Afrique du Sud - « petit à petit, les locaux ont été rejetés et le transfert de compétences fut compromis». « Leur place a été prise » par des migrants, qui vivent en ville dans les nombreux hôtels, Bed&Breakfast, chambres d’hôtes, etc. dont le nombre a explosé depuis le début de la construction, ou à l’entrée
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“ True cost of coal in South Africa – Paying the cost of coal addiction ”, Greenpeace, octobre 2011. “ True cost of coal in South Africa – Paying the cost of coal addiction ”, Greenpeace, octobre 2011.
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de Marapong, dans des enceintes de préfabriqués qui rappellent le travail migratoire du temps de l’apartheid. Car d’après Mathews Hlabane du Green Revolutionary Council, une organisation communautaire, le régime du travail qui s’est développé sous l’apartheid est toujours en place. L’industrie minière sud-africaine repose toujours sur une main d’œuvre noire, abondante et pas chère, accessible à travers un système de travail migratoire strictement contrôlé et organisé par le pouvoir politique. A Lephalale comme dans les autres endroits où nous nous sommes rendus, les populations évoquent la sélection des travailleurs à partir d’une liste de noms de personnes toutes originaires de régions d’où sont issus les propriétaires des entreprises de construction ou des leaders politiques. En plus de s’assurer des soutiens politiques, l’autre avantage principal du travail migratoire est d’assurer une main-d’œuvre à bas coût, flexible et qui ne se plaint pas des conditions de travail extrêmement dures ni du non respect des règles de sécurité. Les personnes identifiées comme souffrant de maladies induites par leur activité professionnelle à la fin de leur emploi ne sont pas réembauchées et n’ont d’autres choix que de rentrer chez elles ou de venir grossir les bidonvilles développés en même temps que les projets de mines et de centrales. La majorité des migrants venus chercher un emploi n’en a pas trouvé. De 22000 habitants en 2006, Lephalale comptait 60 000 habitants en 2014110. Or, au temps fort de la construction, seuls 8 000 personnes ont été employées pour la centrale de Medupi. Cet afflux de personnes ajoute de la pression sur les ressources, et crée des tensions avec les locaux, notamment en termes d’accès aux services de bases insuffisants, par exemple à ceux de santé. La municipalité est débordée et est incapable de gérer certains problèmes comme la gestion des eaux usées, la montée des violences et de la prostitution.
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e développement de centrales et de mines de charbon met en péril le tourisme mais surtout l’agriculture, alors que la région de Lephalale était considérée comme le grenier de l’Afrique du Sud.
Lephalale ne connaît pas non plus un développement économique pérenne. Ceux qui travaillent rentrent chez eux à la fin de chaque mois, avec leur paie. Nous sommes donc loin du scénario annoncé par Eskom d’une ville qui se développerait au-delà de la centrale avec des retombées économiques sur les autres secteurs. Au contraire, seuls les secteurs de l’hôtellerie et de la distribution se sont développés à Lephalale afin de répondre aux besoins en logements de la main-d’œuvre. Et même si les mines prennent le relai, leur mécanisation ne permettra pas de créer un nombre de postes satisfaisants. Au contraire, le développement de centrales et de mines de charbon met en péril les autres secteurs économiques, le tourisme mais surtout l’agriculture. Alors que la région était considérée comme le grenier de l’Afrique du Sud, un grand nombre d’agriculteurs ont déjà vendu leurs terres aux entreprises minières, notamment à Exxaro, car les pollutions à venir rendront le sol inapte à l’exploitation.
Le charbon, une nouvelle forme d’accaparement des terres et de l’eau ? La méga centrale de Medupi ainsi que les nouveaux projets de centrales et de mines de charbon dont celui d’Engie en partenariat avec Exxaro, génèrent des conflits en termes d’accès aux ressources fondamentales comme l’eau et la terre. Avec une densité deux fois plus faible qu’en France, la disponibilité des terres pourrait sembler facile à satisfaire. Pourtant et malgré le fait qu’Eskom en fasse une des raisons pour lesquelles il a choisi ce lieu, le projet de centrale de Medupi n’est pas sans causer des conflits fonciers : la centrale a en effet été construite sur des tombes, sans consultation des familles impliquées111. Ce problème, majeur étant donné que selon les croyances religieuses, les ancêtres ne doivent pas être déplacés, n’est pas isolé et risque de se répéter avec le projet de mine de Thabametsi prévu par Exxaro pour alimenter la centrale d’Engie du même nom. Exxaro a en effet fait savoir qu’il projetait de déplacer 5 tombes de la famille Tibanyane. D’après Monsieur Tybanyane, « les terres achetées par Exxaro au blanc [un namibien qui détenait le certificat de propriété sur les terres] sont celles de ma famille depuis plusieurs générations. Mes ancêtres y sont enterrés, mon père, mais aussi mon oncle mort dans la mine d’Exxaro qui n’a même pas payé la tombe que j’ai fabriquée moi-même. Maintenant,
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“ How Eskom’s coal kills ”, Mail and Guardian, 20 juin 2014. Témoignages des familles concernées rencontrées sur le terrain.
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Exxaro veut nous expulser, il n’en a pas le droit ». Les agriculteurs, eux, vendent leurs terres aux entreprises comme Exxaro, d’une part parce que le prix d’achat est intéressant mais aussi car ils sont lucides : « il n’est pas possible d’avoir une activité agricole près des mines et de centrales, avec toutes les pollutions que cela crée » témoigne le président d’AgriLephalale, la première organisation représentative des grands agriculteurs. Le Waterbeg risque de perdre sa qualité de grenier d’Afrique du Sud qu’il avait autrefois dans les périodes de jointure entre les saisons. Etrangement, Eskom justifie le choix d’implantation de la centrale de Medupi dans le Waterbeg d’abord par la disponibilité des ressources en charbon mais aussi en eau, puis par l’acceptabilité environnementale et les coûts de production. Comme nous l’avons montré en première partie, le Waterbeg est beaucoup moins pollué que le Highveld. En langage économique, cela signifie qu’il est encore possible de polluer le lieu, quelque soit les impacts que cela aurait sur le court terme et le long terme. Concernant les ressources en eau citées par Eskom, le système aquifère du Waterberg est en vérité déjà fortement sous pression. Bien que le nom Sotho du Nord donné au Waterberg (Thabe Meetse) signifie « montagne de l’eau », le Waterberg est une région très sèche et ne reçoit seulement en moyenne que 400 mm de précipitations par an. Avant Medupi, la ville de Lephalale, incluant Marapong, la centrale de Matimba, la mine de Grootegeluk, et les agriculteurs locaux étaient alimentés en eau par le barrage de Mokolo. Les villages n’ont pas d’accès à l’eau courante et tirent leur eau de puits artésiens « très souvent à secs » d’après Astrid Basson, conseillère municipale de Lephalale. Les membres rencontrés de l’autorité traditionnelle témoignent également de leur demande d’être enfin connectés à un réseau en eau potable « afin de boire de l’eau purifiée, comme en ville ». Pourtant, alors qu’un énorme projet d’extension des pipelines d’alimentation en eau de la région est prévu afin de répondre aux besoins en eau des futures mines et centrales, Astrid Basson confirme «qu’il n’est pas prévu d’étendre le pipeline d’eau clair jusqu’aux villages, malgré leurs demandes». D’après Dominique Doyle d’Earthlife Africa, un partenaire des Amis de la Terre France, le projet de transfert pour satisfaire les intérêts des charbonniers est « un des plus grand et des plus cher projet de transfert d’eau au monde ». Ce projet soulève donc des questions de justice sociale étant donné que 1.9 million d’enfants manquaient toujours d’un accès à une eau propre et sûre en 2014112. Comme le dit Greenpeace Afrique du Sud : l’eau et le charbon ne peuvent pas être toutes les deux des ressources stratégiques en même temps »113. En plus d’être injuste, ce projet de transfert d’eau est également risqué pour les réseaux hydriques de la région. En perturbant les rivières du Waterberg - le Lephalale, le Mokolo, le Matlabas et le Mogalakwena – qui sont d’importantes rivières tributaires de la rivière transfrontalière, le Limpopo, le projet aura des impacts sur les écosystèmes et l’agriculture de l’Afrique du Sud mais aussi du Zimbabwe et du Botswana, voire jusqu’au Mozambique où finit de s’écouler le Limpopo. Enfin, les nouveaux projets de mines et de centrales dans la région interpellent car tous dépendent de la disponibilité en eau, non seulement pour leurs opérations de base mais aussi pour l’utilisation de techniques de réduction des émissions comme le procédé de désulfuration. Or, comme indiqué plus haut, Eskom prétend déjà que la centrale de Medupi ne pourra pas utiliser ce procédé en raison du manque d’eau. C’est donc un pari sur le futur qui est fait en développant de nouvelles centrales dans la zone. Il n’est pas encore clair dans quelle phase de construction le système de transfert de l’eau se trouve actuellement, mais il y a visiblement des retards significatifs et des incertitudes concernant les sources d’eau. Il n’est donc pas certain que Medupi soit en mesure d’installer le processus de désulfuration 6 ans après l’entrée en opération de ces unités ni que les futures centrales ne fassent aussi des économies d’eau au péril de la santé des populations.
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e projet de transfert d’eau pour satisfaire les intérêts charbonniers est «un des plus grands et des plus cher au monde» et pose des question de justice sociale lorsque 1,9 millions d’enfants manquent toujours d’un accès à une eau propre et sûre en 2014.
Banking on coal 2014, BankTrack. Banking on coal 2014, BankTrack.
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A qui profite la poursuite du charbon ? Pourquoi les mines et centrales de charbon sont développées alors qu’elles sont sources de pollutions, d’impacts sanitaires graves, de destruction de la biodiversité et des ressources naturelles, et ne répondent pas aux besoins en énergie des populations ? La réponse se trouve au cœur du complexe minéral-énergétique114, un réseau de connivences et d’intérêts partagés entre la sphère politique et les secteurs des mines et des industries qui s’est développé à partir de la fin du XIXème siècle. Centré autour de la promotion des intérêts miniers, ce complexe organise la production d’électricité de manière à répondre aux besoins en énergie des entreprises minières et par extension aux entreprises de l’industrie lourde, celles-ci pouvant être les mêmes. Par exemple, en plus de fournir Eskom en charbon, BHP Billiton dépend de l’électricité vendue à très bas prix par Eskom pour alimenter ses mines et ses fonderies d’aluminium. Ce complexe a favorisé la concentration du capital entre les mains de quelques entreprises – BHP Billiton, Anglo American, Glencore Xstrata, etc – qui dominent toujours aujourd’hui les processus de décision publique. Les conflits d’intérêts et les collusions entre la sphère politique et les industriels sont nombreux, avec la présence de l’élite Afrikaner sous l’apartheid et des principaux leaders politiques aujourd’hui à la direction ou actionnaires des entreprises qui bénéficient de l’extraction et de la combustion du charbon. Pour ne citer qu’un seul exemple, Valli Moosa, ancien leader anti-apartheid puis ministre de l’environnement, a négocié les contrats de 3 milliards d’euros pour Hitachi115 alors qu’il était membre du bras financier de l’ANC, actionnaire à 25% d’Hitachi, et est aujourd’hui un membre non exécutif de la branche platine d’Anglo American. La division en 2010 du Ministère de l’énergie et minéraux en deux ministères distincts, le Ministère de l’Energie et le Ministère des Affaires minérales n’a pas suffi à autonomiser la politique énergétique des intérêts miniers. Les connections directes entre la sphère politique et le secteur minier et industriel perdurent et les entreprises du complexe minéral-énergétique sont toujours sur-représentées dans les instances gouvernementales. Par exemple, le comité consultatif créé en 2010 auprès du ministère de l’Energie sud-africain portant sur les négociations du Plan de ressources intégré (PRI) qui allait déterminer le mix énergétique à développer est largement dominé par Eskom et ses principaux clients, BHP Billiton, Anglo American, Sasol, Exxaro, etc. Au contraire, aucun représentant de la société civile ni d’expert sur la réduction de la pauvreté n’y siège116.
L
es connections directes entre la sphère politique et le secteur minier et industriel perdurent et les entreprises du complexe minéral-énergétique sont toujours sur-représentées dans les instances gouvernementales.
Sans surprise donc, le président Jacob Zuma a réaffirmé dans son discours sur l’état de la nation en 2015 que le secteur minier était la colonne vertébrale de l’économie du pays et les nouveaux projets de centrales à charbon par des producteurs indépendants visent à maintenir et développer des débouchés aux entreprises minières117. En effet, la rentabilité des mines de charbon est aujourd’hui en partie assurée par un usage maximal des différents types de charbon extrait, avec notamment le charbon de haute qualité extrait et celui de mauvaise qualité brulé dans les centrales d’Eskom. Son pouvoir calorifique étant faible, Eskom doit en bruler plus pour la même quantité d’électricité produite, avec les impacts sanitaires induits. Le maintien de centrales à charbon permet donc de garantir des débouchées au charbon de basse qualité dont l’exportation ne serait pas rentable. Aujourd’hui, les nouveaux projets de centrales à charbon par des producteurs indépendants comme Engie, en partenariat avec des entreprises minières, permet à ces mêmes entreprises d’écouler leurs restes de charbon et le charbon d’encore plus mauvaise qualité. En effet, le charbon, et en particulier le charbon sud-africain qui est de mauvaise qualité, de type essentiellement bitumineux avec une très haute teneur en poussière118, doit être lavé afin d’être revendu. Ce procédé de lavage et de valorisation provoque la production annuelle de 55 million de tonnes de déchets de charbon
114 “ The Political Economy of South Africa. From Minerals-Energy Complex to Industrialisation ”, Witwatersrand University Press, Johannesburg, Fine, B and Rustomjee, Z. 1996. 115 “ Hitachi Buys ANC Stake in S. Africa Unit After Criticism ”, BloombergBusiness, 28 février 2014. 116 “ You can’t eat electricity ”, Oxfam South Africa, mai 2013. 117 “ Independent power producers: Gearing up with coal ”, Financial Mail, 31 juillet 2014. 118 “ South Africa energy synopsis 2010 ”, Energy department South Africa.
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avec une teneur en poussière comprise entre 55% et 70%119. D’autre part, une partie du charbon du Waterbeg dont les réserves seront les principales exploitées dans les années à venir, a une plus forte teneur en poussière. Tout comme les déchets de charbon, il n’est pas possible de l’utiliser en l’état dans les centrales à charbon d’Eskom120. Or la législation environnementale rend le lavage du charbon nécessaire pour qu’il puisse être revendu de plus en plus difficile. Plus largement, la construction de centrales à charbon par des producteurs d’électricité comme Engie, en partenariat avec les principaux groupes miniers permet à ces derniers de sécuriser l’approvisionnement énergétique de leurs infrastructures121.
L’Afrique du Sud, futur laboratoire d’une transition énergétique socialement juste et démocratiquement contrôlée ?
L
e développement des énergies renouvelables selon le scénario Energy [R]evolution qui vise 50% de l’électricité à partir de renouvelables d’ici 2030 créerait 149 000 emplois, soit 38 000 de plus que le scénario fixé par le gouvernement. Il s’agirait de plus d’un grand nombre d’emplois à faible qualification. Le passage d’un secteur énergétique fondé sur le charbon à un autre centré sur les énergies renouvelables ne constitue pas seulement une opportunité pour combattre le chômage, mais serait aussi une opportunité pour permettre une réappropriation de la question énergétique par les populations. La flexibilité du secteur des énergies renouvelables n’est pas la même que celle permise par un secteur énergétique centralisé fondé sur les énergies fossiles. Ce dernier permet aux élites économiques et politiques le contrôle de la force de travail, tant sur le plan géographique que sur les lieux de production tout en maintenant les travailleurs dans une précarité professionnelle mais aussi sociale et culturelle. Au contraire, les énergies renouvelables supposent une multitude de réseaux locaux, décentralisés reposant sur une palette d’énergies renouvelables et ultra flexibles afin de s’adapter rapidement aux besoins fluctuants des populations. Pour atteindre cet objectif, le développement des énergies renouvelables ne peut cependant pas être laissé aux mains du secteur privé, mais doit être fortement soutenu par le secteur public - les autorités nationales, locales avec une intégration des communautés. Des politiques progressistes de soutien actif à la formation et un plan de reconversion, ainsi que des aides pour le développement d’un secteur de fabrication sud-africain devraient être instaurées. Les experts et les organisations non gouvernementales ne sont pas les seuls à demander un large développement des énergies renouvelables en Afrique du Sud, puisque c’est également le cas d’un des deux principaux syndicats d’Afrique du Sud, le National Union of Mineworkers. Les syndicats y voient un potentiel pour la création d’emplois dignes et soutenables. Dans un rapport, le secrétaire nationale de la santé et la sécurité de NUM déclarait : « Nous sommes totalement pour une énergie renouvelable pour l’avenir. Nous considérons les énergies fondées sur le solaire, l’hydro, et l’éolien non seulement comme des sources d’énergies soutenables d’un point de vue écologique, mais aussi des canaux puissants pour la création d’emploi dans l’économie sud-africaine ». Tous appellent ainsi à une transition énergétique non contrôlée par des multinationales étrangères mais à un contrôle démocratique de la question énergétique, avec un pilotage citoyen par les acteurs locaux – citoyens, municipalité, etc. - des choix énergétiques et des systèmes de production et de distribution.
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“ Fluidized-bed gasification of high-ash South African coals: An experimental and modelling study ”, SAIMM, 2011. “ Coal compact necessary for SA’s electricity sector ”, ESI-AFRICA.COM, 2 août 2013. “ First power from Anglo Americans proposed discard coal IPP targeted for 2015 ”, Mining Weekly, 14 juillet 2011.
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conclusion
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’Afrique du Sud n’est qu’un exemple des pays où des infrastructures charbonnières sont développées au motif de répondre aux besoins en énergie des pays en développement et en particulier de ceux qui n’y ont pas accès. Pourtant comme nous l’avons vu, au-delà de la question du développement de la capacité énergétique installée se posent des enjeux de distribution et de partage de l’électricité. Or, en Afrique du Sud, loin de permettre la sortie de la pauvreté des plus vulnérables, le charbon renforce les inégalités, en termes d’accès à l’électricité mais aussi d’accès à tous les autres droits, à la santé, à un emploi décent, à un habitat digne, etc. Les impacts environnementaux, sociaux et climatiques du charbon sont d’autant moins acceptables que les alternatives existent. En ayant participé au financement des centrales de Medupi et de Kusile, BNP Paribas, le Crédit Agricole, la Société Générale, BPCE et le Crédit Mutuel ont donc non seulement aggravé leur responsabilité dans les changements climatiques mais se sont rendues complices des autres maux causés par l’industrie du charbon en Afrique du Sud – morts prématurées, pollutions des ressources fondamentales, conflits sociaux, etc. L’exemple de l’Afrique du Sud montre qu’elles ne peuvent plus justifier leur soutien à une énergie climaticide au nom du développement des pays les plus pauvres et de l’absence d’alternative. A quelques mois du Sommet des Nations unies pour le climat, qui se tient cette année à Paris, Les Amis de la Terre France appellent ainsi les banques françaises à mettre un terme à l’ensemble de leurs soutiens au secteur du charbon, en Afrique du Sud et ailleurs, et à financer la transition énergétique via le développement de projets d’énergies renouvelables.
Une des 12 centrales à charbon d’Eskom dans la province de Mpumalanga.
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Recommandations Recommandations aux banques françaises BNP Paribas, Crédit Agricole, Société Générale, BPCE / Natixis et Crédit mutuel doivent s’engager à ne pas soutenir le développement des nouveaux projets de centrales à charbon en Afrique du Sud,– que ce soit par des financements directs, indirects, des investissements, des émissions d’actions et d’obligations, du conseil et tout autre service financier. Les banques doivent s’engager publiquement d’ici la Conférence des Nations Unies sur le changement climatique en décembre 2015 (COP21) à mettre un terme à leurs soutiens au secteur du charbon, de son extraction à sa combustion dans des centrales à charbon : •
Dès à présent, les banques doivent cesser de participer à des financements de projets dès lors qu’il y a utilisation de charbon.
•
Les banques doivent publier, dans les 6 mois après la COP21, un plan d’arrêt de leurs soutiens au secteur du charbon qui inclut un agenda détaillé et des objectifs précis pour chacun de leurs activités et services - crédit, émissions d’actions et obligations, gestion d’actifs, services de conseil.
Les banques doivent s’engager à transférer leurs soutiens des énergies fossiles à l’efficacité énergétique (hors du secteur des énergies fossiles) et aux énergies renouvelables. Les banques doivent évaluer, calculer et publier annuellement leurs émissions de GES et adopter des objectifs de réduction de leurs émissions cohérents avec un objectif de réchauffement inférieur à 1.5°C. Les banques doivent publier les montants globaux et détaillés de l’ensemble de leurs soutiens annuels au secteur énergétique par type d’énergie et de soutiens - financements directs, indirects, des investissements, des émissions d’actions et d’obligations, du conseil et tout autre service financier.
Recommandations au gouvernement français concernant l’exposition des banques au charbon D’ici la COP21, le gouvernement et/ou les parlementaires devront adopter une législation visant à : Evaluer, calculer et publier annuellement leurs émissions de GES et adopter des objectifs de réduction de leurs émissions cohérents avec les scénarios internationaux. Publier les montants globaux et détaillés de l’ensemble de leurs soutiens annuels au secteur énergétique par type d’énergie et de soutiens - financements directs, indirects, investissements, émissions d’actions et d’obligations, conseil et tout autre service financier. Arrêter de financer des projets dès lors qu’il y a utilisation de charbon et communiquer un plan d’arrêt de leurs soutiens au secteur du charbon qui inclut un agenda détaillé et des objectifs précis pour chacun de leurs activités et services - crédit, émissions d’actions et obligations, gestion d’actifs, services de conseil.
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Recommandations au gouvernement concernant ses soutiens au charbon via son agence de crédit aux exportations La France doit étendre sa décision d’arrêt des soutiens à l’export délivrés aujourd’hui par la Coface aux centrales non équipées de CCS opérationnel à tous les projets dès lors qu’il y a utilisation de charbon, notamment les projets de mines et d’infrastructures de charbon. Elle doit porter cette position au niveau de l’OCDE et de l’Union européenne. La France doit publier les avis environnementaux rendus par son agence de crédit aux exportations sur les demandes de garantie. La France doit adopter une politique transversale sur le climat dans le cadre de consultations publiques associant la société civile débutées avant la COP21 et doit publier les émissions de GES induites par les projets pris en garantie.
www.dotheparispledge.org
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Principales personnes rencontrées Représentants des autorités publiques • • •
Elrid Jordaan, Conseiller spécial du Ministre des entreprises publiques Simphiwe Makhatini, directeur adjoint Energie du Ministre des entreprises publiques Godfrey Oliphant, Ministre adjoint des ressources minérales Godfrey Oliphant.
Membres de l’opposition • •
Astrid Basson, membre du conseil du gouvernement local de Lephalale l Lance Greyling, Democratic Alliance, ministre de l’énergie du gouvernement fantôme
Représentants d’Eskom • •
Mandy Rambharos, Responsable Changement climatique et développement durable, Eskom John Torby, directeur de la gestion intégrée de la demande, Eskom
Experts, chercheurs et académiques • • • • • • •
Jesse Burton, chercheuse en politique énergétique, Energy Research Centre Richard Worthington, expert énergie – climat, travaille avec les organisations environnementales Groundwork, Earthlife Africa, WWF, Greenpeace. Tony Surridge, Directeur du centre sud-africain pour le CCS, SANEDI Melissa Fourie, Directrice du Centre for Environmental rights Marck Pickering, spécialiste sur les questions énergétiques, directeur à Globeleq. David Hollowes, expert énergie – climat, travaille avec Groundwork Dr Viktor Munik, chercheur principal Energie et Société, université de Witwatersrand
Représentants ONG • • •
LizMcDaid, experte en politique énergétique, Southern African Faith Communities Environment Institute Dominique Doyle, chargée de la politique énergétique, Earthlife Africa Melita Steele, responsable de la campagne climat et énergie de Greenpeace Africa
Militants d’organisation de base • • •
Thomas Mnguni, représentant communautaire militant près d’ Emanahleni Makoma Lekalakala, Earthlife Africa Mathews Hlabane du Green Revolutionary Council
Communautés • •
Communautés du Mpumalanga autour d’Emanahleni, notamment près des mines à NMS, et des centrales de Duvha, et d’Hendrina. Communautés du Limpopo, dans le Waterbeg, à Marapong, Exxaro land et Eskom land, autour des centrales de Matimba et de Medupi, ainsi que des villages qui dépendent de la municipalité de Lephalale, dont Ga Seleka.
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La Fédération des Amis de la Terre France est une association de protection de l’Homme et de l’environnement, à but non lucratif, indépendante de tout pouvoir politique, économique ou religieux. Créée en 1970, elle a contribué à la fonction du mouvement écologiste français et à la formation du premier réseau écologiste mondial, les Amis de la Terre International. En France, les Amis de la Terre forment un réseau d’une trentaine de groupes locaux autonomes qui agissent selon leurs priorités locales et relaient les campagnes nationales et internationales sur la base d’un engagement commun en faveur de la justice climatique et environnementale. www.amisdelaterre.org Oxfam France est membre de la confédération Oxfam, une organisation internationale de développement qui mobilise le pouvoir citoyen contre la pauvreté. Elle travaille dans plus de 90 pays afin de trouver des solutions durables pour mettre fin aux injustices qui engendrent la pauvreté. En France, Oxfam mène depuis 25 ans des campagnes de mobilisation citoyenne et de pression sur les décideurs politiques. Elle contribue également aux actions humanitaires d’urgence et aux projets de développement du réseau, en collaboration avec des partenaires et des alliés dans le monde entier. www.oxfamfrance.org Fair Finance France fait partie de l’initiative Fair Finance Guide International, une coalition d’associations dans sept pays, qui a mis au point une grille d’évaluation des politiques de crédit et d’investissement des banques sur un certain nombre de domaines d’activités. Fair Finance France est une initiative portée en France par Oxfam France et appel les clients des banques à les interpeller pour exiger d’elles qu’elles prennent des engagements forts et se mettent au service de l’économie réelle et d’un monde plus juste. www.fairfinancefrance.org