Les sables bitumineux alimentent la crise climatique

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extractive industries: blessing or curse?

Les sables bitumineux alimentent la crise climatique, sapent la sécurité énergétique de l’UE et nuisent aux objectifs de développement

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researched and written by: Sarah Wykes and Steven Heywood edited by: Darek Urbaniak and Paul de Clerck

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Les sables bitumineux alimentent la crise climatique, sapent la sécurité énergétique de l’UE et nuisent aux objectifs de développement

La production de pétrole conventionnel est en déclin. En l’absence de politiques qui encouragent l’utilisation de combustibles plus propres et non fossiles, les investissements dans les sources de pétrole « non conventionnelles » et plus polluantes – brut lourd, sables bitumineux et schistes bitumineux – devra augmenter pour répondre au déficit de l’offre. Résumé exécutif Les sables bitumineux – du bitume extrait et valorisé pour produire du pétrole brut de synthèse – sont fortement critiqués pour leurs impacts environnementaux et sociaux, à la fois au niveau local et mondial. L’extraction de ces sables rejette en effet de 3 à 5 fois plus de gaz à effet de serre (GES) que les hydrocarbures conventionnels, constituant une réelle menace pour la protection du climat. Le Canada est actuellement le seul grand centre de production, mais les investissements ailleurs sont en hausse, notamment par des compagnies pétrolières européennes telles que BP, Shell, Total et Eni ; nous verrons dans la seconde partie de ce rapport quelles compagnies pétrolières multiplient actuellement leurs investissements dans les sables et les schistes bitumineux, et où. Au Canada, le développement des sables bitumineux constitue la source d’émissions de GES qui augmente le plus rapidement, sapant ainsi les engagements que le pays a pris au titre du protocole de Kyoto. En outre, les projets de production de sables bitumineux sont extrêmement onéreux et mobilisent des capitaux très importants, à tel point qu’investisseurs et analystes se disent préoccupés par leur viabilité financière à long terme dans un monde où l’introduction de réglementations visant l’adoption de pratiques sobres en carbone et la baisse de la demande de combustibles fossiles coûteux semblent de plus en plus probables. Une approche plus stratégique de la politique énergétique pourrait consister à encourager un transfert des centaines de milliards de dollars devant être investis dans la production de sables bitumineux au cours des dix prochaines années ne serait-ce qu’au Canada vers le développement de technologies permettant une utilisation durable des combustibles et l’adoption de mesures favorables à l’efficacité énergétique. L’UE s’est engagée à s’atteler aux problématiques du changement climatique et du risque associé à la dépendance européenne envers les combustibles fossiles importés en adoptant une stratégie énergétique favorable à une faible intensité de carbone. L’adoption de pratiques « vertes » est également perçue comme un moyen de sortir de la crise financière actuelle et de stimuler la future croissance durable de l’Europe. Mais pour que ses objectifs climatiques et énergétiques puissent être crédibles, l’UE se doit de prendre des mesures politiques efficaces afin d’empêcher la « recarbonisation » de notre économie qui résultera forcément d’une expansion de la production des sables bitumineux et d’autres formes de pétrole non conventionnel. Les niveaux actuels d’importation de sables bitumineux dans l’UE sont faibles, mais voués à une hausse inévitable à mesure du développement des capacités de production et de raffinage. L’utilisation de produits énergétiques aussi préjudiciables pour l’environnement est tout simplement incompatible avec une transition vers une économie sobre en carbone. Il est donc primordial de décourager leur introduction sur le marché de l’UE. Il faut agir au plus vite étant donné que, comme l’indique ce document d’information, les ressources de pétrole non conventionnel s’apprêtent à être développées à l’échelle mondiale. Ainsi, le continent africain constitue un « nouveau territoire » doté de sables bitumineux jusque là inexplorés ; or il s’agit d’une région déjà très vulnérable aux impacts du changement climatique. En plus de mettre à néant la protection climatique, la production de sables bitumineux au Canada cause beaucoup de tort aux communautés locales et à leur environnement, notamment en détruisant la forêt boréale et en accentuant la pollution, avec des répercussions sur la santé et sur les moyens de subsistance des communautés des Premières nations. Dans les pays disposant de structures de gouvernance politique et environnementale fragiles, les conséquences de l’expansion des sables bitumineux sont susceptibles d’être dévastatrices. En Afrique, surtout, la progression

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vers la réalisation du 7ème objectif du Millénaire pour le développement relatif à la durabilité environnementale sera sérieusement mise à mal. Si l’UE compte réellement lutter contre les difficultés climatiques et énergétiques indissociables auxquelles sont confrontés les consommateurs, les investisseurs et le secteur privé européens – sans même parler de soutenir le développement durable en Afrique –, elle doit assumer ses responsabilités en tant que normalisateur mondial en envoyant un signal clair pour décourager le déploiement de technologies à forte intensité de carbone telles que les sables bitumineux, et ce, avant qu’elles ne deviennent « indélogeables » et que leur production ne soit destinée au marché européen. À cet égard, l’UE peut intervenir, d’une part, en s’abstenant d’apporter une aide politique ou financière au développement des sables bitumineux. D’autre part, elle peut adopter des régimes d’importation appropriés qui avantagent les sources de combustibles moins polluantes, comme la Californie l’a déjà fait en édictant une norme applicable aux carburants sobres en carbone. Comme l’explique ce document d’information, la Directive sur la qualité des carburants 2007 de l’UE, qui vise une baisse de 10 % des émissions de GES imputables aux carburants de transport, pourrait nous mettre sur la bonne voie. Chaque mode d’extraction et de raffinage des combustibles fossiles émet des quantités de GES très différentes – les sables bitumineux affichant un taux d’émissions largement supérieur à la plupart des catégories de pétrole brut conventionnel –, ce qui signifie que des économies considérables pourraient être réalisées en agissant à ce niveau-là. Pour concrétiser ce potentiel d’économies, la Directive sur la qualité des carburants doit exprimer les différentes empreintes carbone des combustibles à base de pétrole arrivant dans l’UE en leur affectant une valeur exprimant leur propre intensité GES – élevée ou faible. Cela permettra d’inciter les responsables de raffineries à s’alimenter en produits plus sobres en carbone, et les producteurs à assainir les technologies d’extraction. Cependant, la proposition actuelle de la Commission, poussée par les compagnies pétrolières et le gouvernement canadien, consiste à affecter une seule valeur à l’intensité GES de tous les combustibles à base de pétrole entrant dans l’UE, que leur source soit très polluante ou non. Le fait de donner une valeur unique par défaut entraîne un risque de sous-estimation des émissions de GES imputables aux combustibles à plus forte intensité de carbone. Sous sa forme actuelle, la Directive sur la qualité des carburants ouvrira la porte aux catégories de pétrole les plus dommageables pour l’environnement et passera à côté de son objectif. Elle contribuera à encourager une expansion mondiale des sables bitumineux, mettant ainsi des communautés vulnérables en danger, et à ralentir la progression vers la réalisation des objectifs climatiques et énergétiques plus globaux de l’UE. Il est donc essentiel que l’UE cherche dans un premier temps à répondre de toute urgence à la question de la méthodologie pour la mise en œuvre de la Directive sur la qualité des carburants, puis qu’elle élabore ensuite une réponse politique de plus large portée afin d’empêcher que la production de pétrole non conventionnel n’engendre de nouveaux dommages climatiques et d’autres préjudices d’ordre social et environnemental au niveau local. Enfin, l'UE devrait éviter de supporter, que ce soit sous la forme d'un appui politique ou économique, des projets d'exploitation de sables bitumineux., particulièrement dans des pays pauvres aux faibles structures de gouvernance.

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1ère partie : Les sables bitumineux alimentent la crise climatique, sapent la sécurité énergétique de l’UE et nuisent aux objectifs de développement 1.1 Introduction La nouvelle stratégie Europe 2020 trace une voie vers une « économie intelligente, durable et inclusive » en s’attaquant au changement climatique et à la dépendance envers les combustibles fossiles. Concrètement, il s’agit de mettre en œuvre les objectifs communautaires du plan « 20/20/20 » relatifs au climat et à l’énergie : réduire les émissions de GES, augmenter l’utilisation des énergies renouvelables et améliorer l’efficacité énergétique de 20 % d’ici à 2020. L’option consistant à maintenir notre train de vie actuel à forte intensité de carbone est à exclure : la tendance actuelle des émissions de GES issues du secteur énergétique pourrait entraîner une hausse de la température de 6 °C, avec des impacts sociaux et économiques potentiellement ingérables. Il n’est pas non plus durable sur un plan économique de s’appuyer sur l’importation d’hydrocarbures onéreux : l’adoption d’une économie sobre en carbone permettrait d’accroître la sécurité énergétique de l’UE en réduisant les factures à l’importation, ainsi qu’en stabilisant le climat. La transformation de nos modes de production et de consommation énergétiques sera également propice à la reprise économique et à une croissance verte au-delà de l’horizon 2020. Cependant, un changement plus profond et plus rapide s’impose pour stabiliser les émissions de GES à 350 parties par million, limite que beaucoup considèrent aujourd’hui comme le seuil de sécurité climatique. Des études menées récemment par l’Institut de Stockholm pour l’environnement pour le compte de FoEE indiquent qu’une baisse de 40 % des émissions nationales d’ici à 2020 et une baisse de 90+ % d’ici à 2050 seraient réalisables. L’UE devrait également faire preuve d’un réel leadership en matière de protection du climat en prenant des mesures ayant un effet dissuasif sur les nouveaux investissements dans les sources énergétiques qui finiraient inévitablement par « recarboniser » notre économie. Parmi celles-ci figurent les fausses énergies « renouvelables » telles que les agro-carburants de première génération et les hydrocarbures « non conventionnels » (pétrole brut lourd, sables et schistes bitumineux). Une baisse de la production des gisements d’hydrocarbures conventionnels existants étant à prévoir, et sans modification de nos habitudes énergétiques actuelles, le pétrole « non conventionnel » servira de plus en plus à combler le déficit de l’offre, assurant ainsi environ 11 % de la production pétrolière totale d’ici à 2030. Plus de la moitié de cette production proviendra des sables bitumineux canadiens. La production de sables bitumineux – qui consiste à produire du pétrole brut de synthèse à partir de bitume – a une empreinte carbone très élevée, entraînant en moyenne de 3 à 5 fois plus d’émissions par baril que le pétrole conventionnel. Au Canada, il s’agit de la source d’émissions qui affiche la croissance la plus rapide, mettant à mal les engagements pris par le pays à l’égard du protocole de Kyoto ; en outre, sur le plan des dommages causés à l’environnement, la poursuite de son expansion risque de mettre la planète au bord du précipice. Si les réserves d’hydrocarbures non conventionnels d’Amérique du Nord étaient entièrement développées, le rejet total des émissions équivaudrait à vingt années d’émissions mondiales au niveau de 2004. À noter également que la production de sables bitumineux pose des risques environnementaux et sociaux inquantifiables aux communautés locales et à leur environnement : dans l’Alberta, elle a été fortement critiquée pour avoir entraîné une déforestation et la hausse de la pollution atmosphérique et aquatique, avec des impacts sur la santé et les moyens de subsistance des communautés des Peuples premiers. Les compagnies pétrolières comme Shell affirment que des améliorations au niveau du captage et du stockage du carbone (CSC) et de l’efficacité permettront de réduire les futures émissions de la production de sables bitumineux. Toutefois, des investisseurs et des ONG craignent que cela soit impossible, les technologies de CSC n’ayant pas encore fait leurs preuves et les coûts de leur utilisation à une échelle commerciale étant considérables. Qui plus est, si l’on s’en réfère à leur modèle économique, les compagnies ne semblent pas tenir compte du futur coût du carbone, des réglementations visant l’adoption de pratiques sobres en carbone et de la baisse de la demande qui résultera probablement des prix élevés du pétrole.

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Enfin, concernant une amélioration éventuelle de la sécurité énergétique mondiale ou régionale, le développement des sables bitumineux constitue une fausse solution. L’OPEP contrôle toujours environ 70 % du stock pétrolier restant et il sera difficile d’accélérer la production de sables bitumineux lorsque les autres sources d’approvisionnement commenceront à faire défaut, du fait des exigences considérables en matière d’infrastructure, de sa nature hautement capitalistique et de l’absence d’une capacité de réserve. Pour toutes ces raisons, il serait plus judicieux de consacrer les 379 milliards de dollars US devant être investis, d’après les estimations, dans les sables bitumineux canadiens d’ici à 2025 au financement d’une transition vers une économie sobre en carbone – ou à des initiatives propices à la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement. La stratégie Europe 2020 reconnaît que les décideurs politiques européens ne doivent pas considérer les objectifs de sécurité climatique et énergétique de l’UE de manière isolée mais plutôt promouvoir « une solution planétaire au problème du changement climatique ». Une telle démarche est primordiale étant donné l’expansion internationale dont les sables bitumineux et d’autres sources de pétrole non conventionnel font d’ores et déjà l’objet. En effet, des investissements sont en cours ou prévus en Jordanie, en Russie, au Venezuela, au Congo-Brazzaville, à Madagascar et – mais ce n’est pas confirmé – au Nigeria. Étant donné les dommages environnementaux et sociaux engendrés par les sables bitumineux au Canada, une expansion mondiale du pétrole non conventionnel – notamment dans les pays à faible gouvernance – aurait des répercussions catastrophiques pour le climat et probablement un impact encore plus néfaste sur les communautés affectées et leur environnement. L’Afrique est à la fois un nouveau territoire important pour l’exploration du pétrole non conventionnel et un partenaire de développement privilégié de l’UE. Soutenir le développement du pétrole non conventionnel en Afrique risque de nuire aux objectifs de développement de l’UE – notamment au 7ème objectif du Millénaire pour le développement consistant à assurer un environnement durable – ainsi que de retarder la transition mondiale vers un monde sobre en carbone. Le Partenariat Afrique-UE pour l’énergie (AEEP) reconnaît qu’il est impératif d’encourager la durabilité énergétique sur le continent africain en développant les infrastructures pour les énergies renouvelables, ainsi que de réduire les impacts du changement climatique qui l’affectent déjà. Cependant, cette vision semble peu compatible avec l’accent que met l’AEEP sur l’Afrique en tant que fournisseur marginal toujours plus important d’exportations d’énergie (en grande partie des hydrocarbures) vers le marché de l’UE. Historiquement, les projets énergétiques axés sur l’exportation qui ont été menés en Afrique par des entreprises et agences européennes se sont soldés par une gouvernance et des retombées économiques extrêmement insuffisantes pour les citoyens africains. Il est donc primordial que les décideurs politiques évaluent correctement les implications des futures politiques énergétiques de l’UE, des investissements et de la coopération avec l’Afrique sur le développement et la sécurité énergétique des communautés locales et des pays producteurs, ainsi que leurs avantages à long terme pour les consommateurs et investisseurs européens, et le secteur privé. Le développement du pétrole non conventionnel est susceptible d’engendrer des dommages environnementaux et sociaux irréversibles et, ainsi, de nuire encore davantage à la gouvernance et à la durabilité énergétique des pays d’accueil et de les empêcher de progresser vers la réalisation des OMD, sans pour autant améliorer la sécurité énergétique des régions importatrices. L’UE devrait par conséquent envoyer un signal clair au marché pour dissuader tout investissement dans les sables bitumineux et d’autres formes de pétrole non conventionnel. Le niveau actuel des importations de sables bitumineux vers l’UE est faible, mais les projets d’expansion de la production au Canada et de l’infrastructure des gazoducs et des raffineries aux États-Unis signifient que des niveaux bien plus élevés de sables bitumineux importés pourraient bientôt commencer à arriver sur le marché de l’UE. Et ne parlons même pas des effets d’une expansion à l’échelle mondiale. Dans un premier temps, l’UE et ses États membres devraient s’abstenir d’apporter une aide politique ou financière aux projets de sables bitumineux, notamment dans les pays en développement dotés de structures de gouvernance médiocres. En outre, l’UE devrait introduire des régimes d’importation appropriés qui avantagent une utilisation de produits énergétiques sobres en carbone et des réductions des émissions, et de décourager le recours à des ressources à forte intensité de carbone telles que les sables bitumineux. La

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Californie a d’ores et déjà pris des mesures allant dans ce sens en fixant en 2007 un objectif de 10 % d’utilisation de carburants sobres en carbone dans les transports, tandis que, la même année, le Congrès américain adoptait une loi interdisant aux agences fédérales américaines d’utiliser du pétrole provenant des sables bitumineux. Étant donné le rôle leader exercé par l'UE en matière d'établissement de normes au niveau mondial, il est encore plus crucial que l'Europe fasse preuve de leadership en matière de protection du climat en encourageant l’utilisation de carburants moins polluants. L’article 7(a) de la Directive sur la qualité des carburants comprend un objectif consistant à réduire de 10 % les émissions de GES des transports d’ici à 2020 (97 % du carburant utilisé pour le transport dans l’UE provient encore de combustibles fossiles). Une baisse substantielle des émissions ne peut qu’être le résultat de changements au niveau du mode de production, de raffinage et de distribution du carburant (émissions « du puits au réservoir »), puisque les émissions imputables à la combustion sont grosso modo les mêmes quelle que soit l’origine du carburant. Pour les combustibles fossiles, l’intensité GES de différents types d’extraction et de raffinage varie considérablement – c’est notamment le cas de la production de sables bitumineux, dont l’empreinte carbone est bien plus élevée que celle du pétrole conventionnel. Un mode d’extraction et de raffinage des combustibles fossiles moins polluant offre donc un énorme potentiel de réduction des GES. Cependant, les différents acteurs ne seront disposés à procéder à ce « grand nettoyage » que si l’empreinte carbone de chaque combustible à base de pétrole importé dans l’UE est prise en compte sur la base d’une valeur exprimant sa propre intensité GES – élevée ou faible. À l’heure actuelle, la Commission, en proposant d’affecter une seule valeur par défaut aux émissions de GES pour tous les carburants de transport extraits du pétrole risque de passer à côté de l’opportunité historique conférée par la Directive qualité sur les carburants. En effet, à titre d’exemple, les émissions des carburants dérivés des sables bitumineux sont entre 18 et 49 % supérieures à la valeur par défaut actuellement proposée par l’UE pour l’essence. Le fait de donner à tous les combustibles à base de pétrole une valeur unique n’encouragera pas l’utilisation de combustibles moins polluants et n’incitera pas non plus à améliorer les méthodes d’extraction et de raffinage des formes les plus polluantes. Cela signifie également qu’il existe un réel risque de sous-estimer l’intensité GES des sables bitumineux arrivant sur le marché européen – ce qui se produira également si sa valeur est fixée à un niveau trop bas. Si la Directive qualité sur les carburants ne parvient pas à fournir un cadre efficace permettant d’établir une distinction entre émetteurs forts et émetteurs faibles, la voie sera ouverte aux produits énergétiques les plus préjudiciables pour le climat tels que les sables bitumineux, et le statut autoproclamé par l’UE de région du monde « la plus respectueuse du climat » sera compromis. ENCADRÉ OU MISE EN SURBRILLANCE « Les défis liés au climat et aux ressources nécessitent des mesures énergiques. La forte dépendance envers les combustibles fossiles, comme le pétrole, et l’utilisation inefficace des matières premières exposent les consommateurs et les entreprises à des chocs de prix préjudiciables et coûteux, menaçant notre sécurité économique et favorisant le changement climatique. L’augmentation de la population mondiale, qui passera de 6 à 9 milliards, va intensifier la concurrence mondiale pour les ressources naturelles et exercer des pressions sur l’environnement. L’UE doit continuer à sensibiliser d’autres parties du monde à la nécessité de trouver une solution planétaire au problème du changement climatique parallèlement à la mise en œuvre, sur tout le territoire de l’Union, de la stratégie sur le climat et l’énergie que nous avons adoptée. » EUROPE 2020 : Une stratégie pour une croissance intelligente, durable et inclusivei. FIN DE L’ENCADRÉ

1.2 Une Europe efficace en ressources ? En mars 2010, la nouvelle stratégie Europe 2020 présentait la solution envisagée par la Commission pour surmonter la crise financière et économique de l’Europe et parvenir à une « économie intelligente, durable et inclusive ». Cette stratégie s’appuie sur « des mesures énergiques » pour contrer les menaces indissociables

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que sont le changement climatique, la croissance démographique mondiale et l’épuisement des ressources naturelles. Elle reconnaît que la croissance durable en Europe ne peut s’obtenir qu’en « limitant les émissions de carbone de notre économie, en recourant davantage aux sources d’énergie renouvelables […] et en encourageant l’efficacité énergétique »ii. Le même mois, l’UE réaffirmait son engagement à l’égard de la lutte contre le changement climatique, plus précisément en plaidant en faveur d’un accord mondial sur les émissions de gaz à effet de serre (GES) d’ici à 2013 et en lançant un financement de plus de 2 milliards d’euros destiné à limiter ces émissions dans les pays en développement. Bien qu’un accord contraignant sur les réductions d’émissions n’ait pu être conclu à Copenhague, Connie Hedegaard, la nouvelle commissaire européenne au Climat, et le Président Barroso ont souligné que l’Europe doit « prendre l’initiative en prenant des mesures concrètes pour devenir la région du monde la plus favorable au climat »iii. Le secteur de l’énergie représente à l’heure actuellement environ 60 % des émissions de dioxyde de carbone mondiales – 80 % dans l’UEiv. La première mesure que l’UE se doit de prendre pour réaliser une « Europe efficace en ressources », comme le dicte la stratégie, consiste à mettre en œuvre les objectifs climatiques et énergétiques « 20/20/20 » : réduire les émissions de GES d’au moins 20 % par rapport aux niveaux de 1990 (ce chiffre passant à un maximum de 30 % si d’autres grandes économies se joignent à l’initiative), faire passer la part des énergies renouvelables à 20 %, et améliorer l’efficacité énergétique de 20 % d’ici à 2020v. Il ne fait aucun doute que l’époque des ressources énergétiques bon marché est révolue, du moins à court et à moyen terme. D’après l’Agence internationale de l’énergie (AIE), la lutte contre le changement climatique basée sur le « scénario 450 » sobre en carbone – consistant à réduire les émissions pour que globalement, les GES ne dépassent pas les 450 parties par million (ppmv) équivalent CO2 –, sera extrêmement onéreusevi. Concernant l’UE, l’AIE estime qu’il s’agira d’un investissement supplémentaire égal à 0,3 % du PIB en 2020, passant à 0,6 % du PIB d’ici à 2030vii. Les scientifiques jugent, d’après leurs tout derniers travaux, qu’une stabilisation des gaz à effet de serre à 450 ppmv d’ici à 2020 pourrait être un peu trop tardive, nombre d’entre eux préconisant une limite inférieure fixée à 350 ppmv qu’il s’agira d’atteindre le plus rapidement possibleviii. FoEE estime que l’UE doit fixer des objectifs ambitieux pour réduire les émissions de dioxyde de carbone, et une étude menée récemment par l’Institut de Stockholm pour l’environnement (SEI) pour le compte de FoEE indique qu’une baisse de 40 % des émissions d’ici à 2020 et une réduction d’au moins 90 % d’ici à 2050 seraient réalisables ix. Le « scénario 350 » envisage une amélioration radicale de l’efficacité énergétique et une transformation complète de notre modèle énergétique : le charbon serait ainsi totalement éliminé d’ici à 2035 ; idem pour le pétrole d’ici à 2050, mis à part dans certains secteurs clésx. D’après les estimations, cela représenterait un coût d’environ 2 % du PIB communautaire actualisé et cumulé sur la période 2010-20. Cependant, même le coût des réductions plus drastiques et plus rapides envisagées au titre du « scénario 350 » est très inférieur au coût de l’inaction. À l’heure actuelle, d’après le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), l’adoption d’un scénario à « fortes » émissions pourrait faire subir à la planète une hausse thermique de 2,4 à 6,4 °Cxi, avec des répercussions socioéconomiques potentiellement ingérables. D’après certaines estimations, les coûts économiques du statu quo représenteraient chaque année entre 5 et 20 % du PIB mondialxii. Comme le reconnaît la Commission, de tels coûts « pèseront de façon disproportionnée sur les plus pauvres qui ont la plus faible capacité d’adaptation, exacerbant ainsi les impacts sociaux du changement climatique »xiii.

1.3 Les combustibles fossiles : la dangereuse dépendance de l’Europe envers les combustibles fossiles La stratégie Europe 2020 met également en exergue la dépendance actuelle de l’Europe envers les combustibles fossiles importés, qui représente une menace majeure pour la sécurité économiquexiv. D’après les projections actuelles, les combustibles fossiles sont appelés à rester la principale source d’énergie, couvrant 77 % de la hausse de la demande sur la période 2007-2030xv. Selon l’AIE, ce « statu quo » ou « scénario de référence » mènerait à une hausse du prix moyen des

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importations de pétrole, en termes réels, de 100 dollars par baril d’ici à 2020 et de 115 dollars par baril d’ici à 2030xvi. En Europe où, d’après les prévisions, les importations devraient couvrir 93 % de l’offre de pétrole de l’UE et 84 % de l’offre de gaz d’ici à 2030xvii, les implications économiques et en matière de sécurité énergétique d’une facture d’importation en hausse constante sont évidentes. Pour assurer notre future sécurité énergétique, il est donc primordial de réduire la dépendance structurelle de l’Europe envers des combustibles fossiles de plus en plus onéreux. Comme nous le verrons ci-après, accroître l’investissement dans des sources marginales de pétrole conventionnel encore plus coûteuses ou développer des sources « non conventionnelles » affichant une intensité de carbone encore plus forte, telles que les sables bitumineux, ne fera qu’exacerber le problème. En revanche, passer à une économie sobre en carbone permettrait de « réduire considérablement les factures d’importation de la plupart des pays/régions importateurs », et la baisse de la pollution qui s’ensuivrait serait par ailleurs bénéfique au climat, à la santé et à l’environnement xviii. D’après la stratégie Europe 2020, la mise en œuvre de l’objectif 2020 relatif à l’énergie renouvelable permettrait d’économiser 60 milliards d’euros d’importations de gaz et de pétrole en Europe, tandis que la transformation de nos modes de production et de consommation d’énergie contribuerait également à encourager la reprise économique et une croissance verte au-delà de 2020xix.

1.4 L’avenir « non conventionnel » du pétrole : une situation inchangée – voire pire Un avenir sobre en carbone nécessite par ailleurs de dissuader activement tout nouvel investissement dans des sources énergétiques qui entraîneraient pour ainsi dire une « recarbonisation » de notre économie. Il s’agit notamment là des fausses énergies « renouvelables » telles que les agrocarburants de première génération, dont la production est encouragée depuis que des objectifs d’utilisation ont été fixés au niveau de l’UE et de ses États membres, tels que l’objectif actuel des 10 % au titre de la nouvelle directive sur les énergies renouvelables. Le pétrole « non conventionnel » est un autre domaine faisant l’objet d’investissements croissants et qui, de par ses impacts sur le changement climatique, risque de mettre la planète au bord du précipice, tout en exposant les communautés locales et leur environnement à des risques environnementaux et sociaux incalculables. Il se distingue du pétrole « conventionnel » en cela qu’il s’agit d’un pétrole brut plus lourd ou solide – sables bitumineux, pétrole extra-lourd ou schistes bitumineux, par exemple. Ces ressources, présentes dans le monde entier, nécessitent généralement un mode d’extraction technologiquement plus difficile et plus coûteux. [Insérer carte des gisements de pétrole non conventionnel potentiels] Bien que la crise financière et économique actuelle provoque une baisse de la demande de pétrole dans les pays de l’OCDE et en voie d’industrialisationxx, selon le scénario de « référence » de l’AIE, la demande mondiale de pétrole devrait augmenter à tel point que, d’ici à 2030, un approvisionnement supplémentaire sera nécessaire, équivalant à « près de six fois la capacité actuelle de l’Arabie saoudite »xxi. La production des gisements de pétrole conventionnel existants devant, d’après les projections, baisser de 50 % d’ici à 2020, l’AIE prévoit que ce déficit d’approvisionnement s’accompagnera d’une hausse de la demande de charbon et de pétrole « non conventionnel », ce dernier assurant environ 11 % de la production totale de pétrole d’ici à 2030xxii. Plus de la moitié de cette production proviendra des sables bitumineux canadiens, actuellement la principale importation de pétrole vers les États-Unis.

ENCADRÉ SUR LES SABLES BITUMINEUX Sables bitumineux

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Les sables bitumineux (appelés « sables pétroliers » par l’industrie du pétrole) sont des gisements de sable et d’argile saturés de bitume. Le bitume est du pétrole à l’état solide ou semi-solide. Des quantités considérables d’énergie (combustibles fossiles) et d’eau sont nécessaires pour extraire puis transformer ou « valoriser » le bitume afin d’en faire du pétrole brut de synthèse ou d’autres produits plus économiques. Les sables bitumineux canadiens, situés dans la province de l’Alberta, représentent le deuxième plus grand gisement de pétrole au monde, d’une superficie plus vaste que l’Angleterre et abritant plus de 4 millions d’hectares de forêt boréale. Le développement de ces sables a été fortement critiqué pour les dommages environnementaux et sociaux qu’il a entraînés au niveau local, ainsi que pour son empreinte carbone élevée. Une étude de comparaison des émissions de GES associées au raffinage de différents types de brut a révélé que, d’une manière générale, le raffinage des pétroles bruts plus lourds nécessitait davantage d’énergie et entraînait de plus fortes émissions de GESxxiii. La production de pétrole brut à partir des sables bitumineux canadiens en particulier génère en moyenne de 3 à 5 fois plus d’émissions par baril que le pétrole conventionnelxxiv. BP a récemment affirmé que son projet Sunrise n’émettrait que 5 % d’émissions de GES de plus que les combustibles conventionnels, mais les travaux de recherche à partir desquels ce chiffre a été calculé n’ont pas été soumis à un examen par les pairs et la comparaison est faite sur la base de données théoriques et par rapport aux combustibles conventionnels les plus polluantsxxv. Seul le pétrole brut nigérian, en raison du très fort niveau de torchage de gaz qui entre dans sa production, émet actuellement des émissions supérieures à celles des projets de sables bitumineuxxxvi. Le développement des sables bitumineux est au Canada la source d’émissions de GES qui connaît la croissance la rapidexxvii. En 2007, par exemple, les émissions de GES totales du Canada avaient augmenté de 26 % par rapport aux valeurs enregistrées en 1990 et, selon Greenpeace, elles sont aujourd’hui environ 34 % supérieures à l’objectif convenu dans le cadre du protocole de Kyotoxxviii. Il est même possible que les estimations actuelles ne reflètent pas tout à fait la réalité car elles ne tiennent pas compte des émissions dues à la déforestation. Selon des études récentes, les émissions imputables aux sables bitumineux canadiens pourraient augmenter à raison de 127 à 140 millions de tonnes d’ici à 2020, dépassant ainsi les émissions actuelles d’un pays comme la Belgique, un pays d’une dizaine de millions d’habitants xxix. Outre la destruction d’immenses zones de forêt boréale canadienne, l’utilisation hautement intensive d’énergie et d’eau associée aux projets de sables bitumineux est jugée préoccupante, de même que la hausse de la pollution de l’eau et de l’air. Les techniques d’exploitation à ciel ouvert utilisées pour extraire les ressources à faible profondeur ont engendré la création d’immenses lacs ou « bassins de rétention » permettant d’entreposer les déchets toxiques, pour lesquels aucune solution de longue terme n’existexxx. Les communautés des Premières nations qui vivent en aval des projets sont le plus directement affectées. Si certaines ont bénéficié de meilleures opportunités d’emploi, nombre d’entre elles estiment que les pertes environnementales et culturelles l’emportent. Outre les répercussions sur la pêche et la chasse de subsistance, les impacts sanitaires de la pollution imputable aux développements de sables bitumineux soulève de graves préoccupations : ainsi, l’incidence du cancer parmi la communauté de Fort McMurray a augmenté d’environ 30 %xxxi. Trois groupes de Premières nations attaquent actuellement les développements de sables bitumineux devant les tribunaux canadiens pour le manque de consultation et l’absence d’études environnementales fondamentales xxxii. Jusqu’à peu, les sables bitumineux étaient trop onéreux et techniquement trop difficiles à exploiter pour que leur production soit intéressante sur un plan commercial, et la logique selon laquelle les prix du pétrole doivent rester élevés et les coûts aussi bas que possible pour une production rentable reste d’actualité. D’après une analyse, le prix du pétrole doit se situer dans la fourchette des 70-100 dollars pour que la production soit rentable, et le plus près possible des 100 dollars en cas d’extraction in situ, nécessaire pour les gisements plus profonds (voir ci-après)xxxiii. Les investissements sont actuellement ralentis par les coûts de développement élevés, amplifiés par les effets de l’effondrement récent des prix du pétrole et de la crise de liquidité. La tendance reste toutefois à la haussexxxiv, des entreprises européennes telles que Shell, Statoil, Total et BP investissant dans les sables bitumineux. En ce qui concerne Shell, les sables bitumineux représentent environ un tiers du total de ses ressources mondiales, tandis que BP envisage de procéder à un échange d’actifs de 5 milliards de dollars consistant à échanger 50 % de sa raffinerie de Toledo contre 50 % du projet « Sunrise » de Husky Energyxxxv.

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De gros points d’interrogation demeurent quant à la viabilité financière à long terme des développements de sables bitumineux. Les analystes et les investisseurs se demandent désormais si les entreprises prennent bien en compte les risques associés aux futurs prix du carbone, la réglementation visant l’adoption de pratiques sobres en carbone et la volatilité des prix du pétrole. Selon l’AIE, par exemple, une tarification obligatoire des émissions de dioxyde de carbone a de fortes chances d’être introduite prochainement : même selon un « scénario 450 » prudent, l’AIE estime que le prix du carbone dans les pays industrialisés passera à 50 dollars la tonne en 2020 et à 110 dollars d’ici à 2030. Cela signifierait que le coût moyen de production d’un baril de sables bitumineux serait de 5 et 11 dollars plus élevé, respectivement xxxvi, remettant encore davantage en question la viabilité financière de nombre de projets de sables bitumineux. Les résolutions introduites par les actionnaires lors des assemblées générales de 2010 de Shell et de BP exigeaient « de la clarté concernant les hypothèses macroéconomiques avancées par BP et Shell dans le cadre de la décision d’attribuer des capitaux à l’acquisition et au développement de ressources dédiées aux sables bitumineux »xxxvii. Les investisseurs ont également évoqué l’analyse de la Deutsche Bank selon laquelle le prix élevé du pétrole pourrait freiner la demande, ce qui entraînerait une transition permanente vers des produits à plus forte efficacité énergétique et vers une utilisation plus efficace du pétrole et une meilleure substitution de celui-cixxxviii. Le Canada est aujourd’hui le seul pays où les sables bitumineux sont exploités à une échelle commerciale, mais une expansion a démarré dans d’autres pays, les entreprises européennes se situant au premier plan des développements en cours d’exploration ou planifiés en Jordanie (Shell), en Russie (Shell), en République du Congo (Eni), au Venezuela (Repsol) et à Madagascar (Total). Par ailleurs, il semblerait qu’un appel d’offres pour des permis d’exploitation de bitumes ait été en discussion au Nigeria. FIN DE L’ENCADRÉ 1.5 Sécurité climatique et énergétique du pétrole non conventionnel : un coût inabordable Bien que les compagnies pétrolières et les gouvernements albertain et canadien affirment vigoureusement le contraire, l’empreinte carbone plus importante des sables bitumineux par rapport au pétrole brut conventionnel est indubitable. À moyen et long terme, cette empreinte carbone va augmenter, d’une part parce que la production des sables bitumineux au Canada va se développer et, d’autre part, parce que cette expansion dépendra du développement de gisements de bitume à plus grande profondeur, qui nécessiteront une extraction de type in situxxxix et non pas à ciel ouvert. Or l’extraction in situ consomme plus d’énergie et affiche une plus forte intensité carbonique que la production de pétrole conventionnel ou l’exploitation des sables bitumineuxxl. Le gouvernement albertain a également proposé l’adoption d’une politique permettant aux opérations in situ de remplacer le gaz naturel par des combustibles à plus forte intensité de carbone pour créer l’énergie requise, ce qui entraînerait une hausse des émissions (et le rejet de polluants atmosphériques dangereux)xli. L’intensité carbonique moyenne des sables bitumineux canadiens est donc appelée à augmenter considérablement xlii. Des compagnies pétrolières comme Shell affirment que le captage et le stockage du dioxyde de carbone (CSC) et l’amélioration de l’efficacité permettront de réduire les émissions de GES imputables à la production de sables bitumineux. Cependant, les investisseurs et les ONG s’interrogent aujourd’hui publiquement sur la faisabilité des affirmations de Shell étant donné que les technologies de CSC n’ont pas encore été testées et vu les implications financières d’un lancement commercial suffisamment conséquent pour réduire les émissions de GES d’une manière significative : « Même s’il s’avère que les technologies de CSC, qui n’ont pas encore fait leurs preuves, réussissent à réduire les émissions de GES, leur coût – entre 110 et 290 dollars la tonne – pourrait être prohibitif. »xliii Enfin, l’expansion des sables bitumineux ne contribuera aucunement à accroître la sécurité énergétique mondiale et de l’UE. Il est vrai que le Canada est désormais le principal exportateur de pétrole vers les ÉtatsUnis, et le plus important fournisseur marginal de pétrole non-OPEP qui ne soit pas contrôlé par des compagnies pétrolières nationales. C’est pour ces raisons que d’aucuns affirment que les sables bitumineux canadiens représenteraient « une part croissante du dispositif de sécurité énergétique de l'hémisphère et du

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monde »xliv. Cependant, l’OPEP contrôle toujours la grande majorité des réserves de pétrole mondiales (environ 70 %) ; la production de sables bitumineux au Canada n’affectera guère ni la part de l’OPEP sur le marché pétrolier mondial ni son pouvoir. Les sables bitumineux canadiens ne sont pas un robinet que l’on peut facilement ouvrir en cas de défaillance des autres sources d’approvisionnement, car ils nécessitent une infrastructure et des capitaux considérables et n’offrent pas de capacité de réservexlv. Dans l’ensemble, on est en droit de s’interroger sur le bien-fondé d’une stratégie consistant à consacrer des milliards de dollars au développement des sables bitumineux au Canada – ou ailleurs – alors que peu d’éléments semblent indiquer que cet investissement garantira un rendement aux investisseurs ou qu’il sera propice à la sécurité énergétique des consommateurs. Même si les coûts financiers n’étaient pas prohibitifs, les coûts du carbone devraient l’être. Si toutes les réserves de pétrole non conventionnel d’Amérique du Nord étaient entièrement développées, y compris les schistes bitumineux – conformément au scénario de référence de l’AIE, à la base des projections de la demande future des compagnies pétrolières telles que Shell –, les émissions totales équivaudraient « à 20 années d’émissions mondiales au niveau de 2004 »xlvi. Avec une telle évolution, une hausse catastrophique de la température de la planète est inévitable. D’après des estimations récentes, environ 379 milliards de dollars US seront investis dans les sables bitumineux canadiens d’ici à 2025xlvii. Certains avancent qu’il vaudrait mieux consacrer ces sommes faramineuses au financement d’une transition vers une économie sobre en carbone et à des mesures propices à la réalisation des objectifs du Millénaires pour le développement (OMD). Ainsi, la réalisation des objectifs communautaires en matière d’énergie éolienne (20 % de la demande d’électricité d’ici à 2020 et 34 % d’ici à 2030) requiert de faire porter l’investissement annuel de 11 milliards de dollars en 2008 à un peu moins de 25 milliards de dollars par an jusqu’en 2030. De même, 379 milliards de dollars pourraient assurer à chaque enfant du monde une place dans une école primaire entre aujourd’hui et 2015 (OMD2) xlviii.

1.6 Le pétrole non conventionnel sape les ambitions européennes en matière de développement Le développement des sables bitumineux au Canada menace considérablement la protection du climat et la transition vers une économie sobre en carbone, essentielle au futur développement durable, non seulement en Europe, mais aussi à travers le monde. Cette menace ne pourra que s’intensifier si l’investissement dans les sables bitumineux s’étend au reste de la planète. L’expérience canadienne soulève également de graves préoccupations au niveau local en termes de déforestation et de perte de biodiversité, de pollution de l’air et de l’eau et d’impacts sanitaires connexes, et de dommages causés aux modes de subsistance traditionnels et aux pratiques culturelles des communautés autochtones des Premières nations. L’expansion de l’investissement dans les sables bitumineux et d’autres formes polluantes de production de pétrole dans les pays non membres de l’OCDE – notamment dans les pays disposant de structures de gouvernance politique et environnementale fragiles (par exemple en République du Congo, voir la 2ème partie) – engendre un risque concomitant plus important d’endommager de manière irréversible les communautés locales et leur environnement. L’Afrique est un nouveau territoire important pour l’exploration du pétrole non conventionnel. Des investissements dans les sables bitumineux sont en cours en République du Congo (Congo-Brazzaville) et à Madagascar, tandis que le Maroc et éventuellement la République démocratique du Congo disposent de ressources en schistes bitumineux non encore développées. Par ailleurs, il semblerait qu’un appel d’offres pour des permis d’exploitation de bitumes ait été en discussion au Nigeria. L’importance de l’Afrique en tant que partenaire de développement de l’UE est réaffirmée dans la stratégie Europe 2020xlix, ainsi que dans l’engagement pris par l’UE « d’éradiquer la pauvreté, de promouvoir la croissance et de remplir les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) »l. Le dernier rapport de l’ONU sur les OMD précise que peu de progrès ont été réalisés par rapport au 7ème objectif relatif à la durabilité environnementale étant donné qu’« il n’a pas encore été fait face efficacement aux principales menaces et aux causes premières de l’appauvrissement de la biodiversité biologique, notamment à la surconsommation, à la disparition d’habitats, aux espèces envahissantes, à la pollution et aux changements climatiques »li. Qui plus est, le changement climatique ne constitue pas un danger seulement pour le

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7ème objectif mais également pour la réalisation de l’ensemble des OMD, d’après l’ONU, pour qui « choisir la réduction des émissions de dioxyde de carbone et s’engager sur une voie de forte croissance » constitue le seul moyen d’instaurer « un développement qui ne soit pas affecté par les changements climatiques »lii. Le développement des sables bitumineux en Afrique et à travers le monde, qui exacerbera les dommages climatiques en détruisant la biodiversité locale et en engendrant un niveau élevé d’émissions de dioxyde de carbone, menace par conséquent les efforts visant à remplir les OMD. Comme le reconnaît le partenariat Afrique-UE sur le changement climatique, l’Afrique est particulièrement vulnérable au changement climatique, c’est pourquoi le partenariat préconise « d’intégrer la problématique du changement climatique à la planification du développement en Afrique et à la coopération Afrique-UE dans le domaine du développement ». Par conséquent, les décideurs politiques européens – et africains – ne sauraient ignorer le risque que des investissements pétroliers à forte intensité de carbone en Afrique puissent intensifier les impacts du changement climatique qui affectent le continent. Le Partenariat Afrique-UE pour l’énergie (AEEP) souligne la nécessité pour l’Afrique – continent (comme le note l’AEEP) composé majoritairement d’États « hautement dépendants des importations d’énergie »liii –, de développer sa propre infrastructure de production d’énergies renouvelables et d’accroître son efficacité énergétique dans l’intérêt de ses propres citoyens. Parmi les initiatives politiques communes et investissements spécifiques envisagés par l’AEEP pour promouvoir la durabilité énergétique, citons un programme de coopération en matière d’énergie renouvelable dont le lancement est prévu en 2010, le Plan solaire méditerranéen et l’apport d’une assistance technique par l’intermédiaire de l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA)liv. Pour que l’Afrique puisse (au même titre que l’UE) s’éloigner « des pratiques énergétiques non durables qui peuvent engendrer une dégradation environnementale : déforestation, pollution de l’air intérieur et extérieur, et changement climatique »lv, l’AEEP souligne que les gains réalisés en matière d’efficacité énergétique doivent être conjugués à une diversification de l’approvisionnement énergétique, particulièrement en faveur des énergies renouvelables : « Le potentiel considérable de l’Afrique en matière de ressources énergétiques – telles que l’énergie hydroélectrique […] ainsi que les ressources éoliennes, l’énergie solaire, l’énergie géothermique et la biomasse – est sous-exploité tant au niveau centralisé que décentralisé. »lvi Cependant, la reconnaissance dans la politique énergétique européenne de 2007 de la nécessité de s’atteler au problème du changement climatique en adoptant un mode de développement énergétique sobre en carbone pour assurer la sécurité énergétique communautaire est difficilement compatible avec l’importance croissante qui est accordée à l’Afrique en tant que fournisseur énergétique de l’Europe, sachant que la sécurité énergétique européenne est « une partie centrale de toutes les relations externes de l’Union européenne »lvii. L’AEEP note par ailleurs la nécessité stratégique « d’améliorer la coopération avec les principaux pays producteurs [d’énergie] d’Afrique »lviii – dont la plupart sont des fournisseurs de combustibles fossiles – et de promouvoir le développement de connexions énergétiques dédiées à l’exportation entre l’Afrique et l’Europe, par exemple au moyen du gazoduc transsaharienlix. Cela reflète une tension sous-jacente dans les relations énergétiques UE-Afrique entre, d’une part, une approche axée sur la promotion du rôle de l’Afrique en tant qu’important fournisseur marginal d’exportations énergétiques pour l’Europe et, d’autre part, une stratégie consistant à aider l’Afrique à opérer sa propre transition vers une stratégie de développement sobre en carbone, et à atténuer les impacts du changement climatique sur le continent africainlx. Les projets énergétiques menés par les entreprises et agences de développement européennes en Afrique ont toujours été orientés vers les exportations et ont globalement généré de très faibles résultats en termes de réduction de la pauvreté et d’amélioration de la gouvernance pour la majorité des citoyens des pays où ces projets ont eu lieu. Cela vaut particulièrement dans les États exportateurs de pétrole, que l’on associe souvent à la « malédiction des ressources ». Sans amélioration radicale de l’obligation de rendre des comptes et de la transparence, rien ne prouve que les citoyens des États exportateurs de pétrole non conventionnel s’en sortiraient mieux. Il est donc primordial qu’à l’avenir, la politique énergétique de l’UE et sa coopération avec l’Afrique dans ce domaine tiennent compte de manière adéquate des coûts de la sécurité climatique et énergétique associés aux futurs investissements énergétiques consentis sur le continent africain – localement et mondialement – et qu’elles s’assurent que ces projets accordent la priorité aux intérêts des communautés

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hôtes, et non pas seulement à ceux des consommateurs et des entreprises énergétiques d’Europe. L’UE a déjà reconnu qu’il ne suffit pas d’envisager le développement durable en Europe de manière isolée. En effet, celui-ci « exige de se préoccuper du développement durable du reste de la planète et de s’engager activement dans celui-ci »lxi. Quant aux nouveaux développements orientés vers l’exportation et à très forte intensité de carbone, tels que l’investissement par la compagnie italienne Eni en République du Congo, qui se monte à plusieurs milliards de dollars, on peine à comprendre dans quelle mesure ils pourraient faire progresser les consommateurs européens ou les citoyens congolais vers un avenir durable sobre en carbone, ou les aider à atteindre les OMD. Encore une fois, on est en droit de penser qu’il vaudrait peut-être mieux réorienter les montants faramineux susceptibles d’être investis au cours de la prochaine décennie dans le développement des sables bitumineux vers des initiatives propices à la réalisation du 7 ème OMD sur la durabilité environnementale, ainsi que des autres OMDlxii.

1.7 Inciter le pétrole non conventionnel à ne pas pénétrer dans l’UE Étant donné les nombreux risques associés à une dépendance permanente envers les combustibles fossiles conventionnels, sans parler de la tendance au développement du pétrole non conventionnel, FoEE estime que l’UE devrait prendre des mesures actives pour décourager l’arrivée sur les marchés primaires de ces produits à forte intensité de carbone, et ce, avant que le pétrole non conventionnel ne commence à être produit à l’échelle mondiale. Le niveau actuel des importations de sables bitumineux vers l’UE est faible, mais les projets d’expansion de la production au Canada et de renforcement des capacités de gazoducs et de raffinage aux États-Unis signifient que des niveaux bien plus élevés de sables bitumineux importés pourraient bientôt arriver sur le marché de l’UE, surtout si le développement se poursuit à l’échelle mondiale. Les transports constituent un secteur important pouvant faire l’objet d’améliorations dans les domaines de la durabilité et de l’efficacité énergétiques lxiii. À l’heure actuelle, il est à l’origine de 32 % des émissions de dioxyde de carbone de l’UE, et c’est également le secteur dont les émissions augmentent le plus rapidementlxiv. D’après la communication de l’UE de 2009 sur les transports durables (qui, bizarrement, ne fait qu’évoquer le changement climatique), le secteur européen des transports reste dépendant à 97 % des combustibles fossiles lxv. Une autre raison impérieuse pour laquelle l’UE doit également faire preuve de leadership dans la promotion de transports sobres en carbone est que les normes communautaires applicables à l’environnement et au transport ont été adoptées dans d’autres régions du monde, notamment en Asielxvi. Le rôle de l’UE en tant que « normalisateur mondial » est reconnu dans la communication dédiée à la politique sur les transports durables : « L’Europe doit ouvrir la voie à la mobilité durable et, lorsque c’est possible, apporter des solutions qui peuvent être appliquées à l’échelle mondiale et être exportées vers d’autres régions du monde. »lxvii L’état de Californie a d’ores et déjà pris des mesures allant dans ce sens en introduisant en 2007 un objectif de 10 % d’utilisation de carburants sobres en carbone dans les transports, tandis que, la même année, le Congrès américain adoptait l’Energy Security and Independence Act, loi régissant la sécurité et l’indépendance énergétiques. Le paragraphe 526 de cette loi interdit aux agences fédérales de s’approvisionner en combustibles provenant de sources non conventionnelles, sauf si leurs émissions de GES tout au long du cycle de vie sont égales ou inférieures à celles de la source du combustible pétrolier équivalentelxviii. L’UE a adopté une démarche similaire à celle de la Californie en édictant en 2007 sa propre Directive sur la qualité des carburants. L’article 7(a) de la Directive comprend un objectif de réduction de 10 % des émissions de GES tout au long du cycle de vie des transports d’ici à 2020lxix. En principe, la stratégie axée sur le « cycle de vie » constitue un changement radical par rapport aux autres objectifs quantitatifs (tels que l’objectif des 10 % faisant partie de la Directive sur les énergies renouvelables), mais la réussite de la Directive qualité sur les carburants par rapport à cet objectif dépendra de la façon dont elle sera mise en œuvre. Une stratégie GES axée sur le cycle de vie comprend toutes les émissions imputables à la production de

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combustibles : de l’extraction à la combustion, en passant par le raffinage et la distribution (on parle d’émissions « du puits aux roues »). La combustion émet environ 2,5 kg de CO2 par litre de carburant, quelle qu’en soit la source. Le raffinage ajoute 15-20 % d’émissions par litre, ce qui fait que, dans l’ensemble, chaque litre de carburant équivaut sur tout son cycle de vie à environ 2,9 kg d’émissions de CO2lxx. Cela signifie que des économies substantielles d’émissions de GES doivent provenir du mode de production, de raffinage et de distribution du carburant (émissions « du puits au réservoir »). Concernant les biocarburants, par exemple, certains experts affirment que, selon le type employé, les émissions « du puits aux roues » varient considérablement – dans une fourchette allant de 10 à 110 %lxxi. Concernant la production de combustibles fossiles, les émissions de GES varient elles aussi énormément d’une région et d’un champ à un autre, selon le type de gisement et la technologie d’extraction et de raffinage employée lxxii – c’est ce que l’on constate dans le cas de la production de sables bitumineux, qui engendre des émissions de 3 à 5 fois plus élevées que la production de pétrole brut conventionnel. Cela signifie qu’une réduction considérable des émissions pourrait être obtenue aux stades de l’extraction et du raffinage. En réalité, FoEE estime qu’il est possible d’atteindre l’objectif des 10 % stipulé à l’article 7(a) de la Directive simplement en cherchant à réduire les émissions imputables à l’extraction et au raffinage des combustibles fossiles – ainsi, la source des biocarburants, sujette à controverse, n’aurait pas besoin d’être prise en compte. Parmi les mesures envisageables, citons une réduction du torchage des gaz et de leur dispersion dans l’atmosphère, une hausse de l’efficacité énergétique des raffineries et une utilisation accrue de la cogénération et du remplacement de combustibles dans les raffineries, comme l’a indiqué FoEE en 2008 dans son rapport Extracting the Truthlxxiii. D’autres groupes d’experts tels que l’organisation Transport and Environment sont également favorables à ce que l’amélioration de l’efficacité des raffineries soit incluse dans la méthodologie de la Directive qualité sur les carburants et ont suggéré de quelle manière la Commission pourrait évaluer leur efficacité carbonique comparativelxxiv. L’industrie pétrolière, cependant, a fait campagne contre l’article 7(a) et toute mesure de réduction des émissions imputables aux combustibles fossiles, défendant l’idée contestable selon laquelle l’objectif des 10 % peut être atteint exclusivement en augmentant l’offre de biocarburants. De nombreux experts et groupes de la société civile sont d’avis que l’empreinte carbone des agrocarburants de première génération est égale ou supérieure à celle des combustibles fossiles, du fait de la déforestation et des modifications indirectes apportées à l’utilisation des terreslxxv. La Directive sur la qualité des carburants devrait par conséquent cibler une réduction des GES tout au long de la chaîne des combustibles fossiles. Cela reviendrait, d’une part, à encourager l’adoption de méthodes de raffinage moins polluantes et de modes d’extraction plus sobres en carbone, et, d’autre part, à décourager le recours à des méthodes de production de combustibles néfastes pour l’environnement tels que les sables bitumineux. Cependant, avant d’instaurer de telles mesures incitatives, il importe de reconnaître clairement que les différents types de combustibles à base de pétrole qui pénètrent sur le marché de l’UE ont une empreinte carbone qui varie grandement, et donc de leur octroyer une valeur qui illustre leur propre intensité GESlxxvi. La proposition actuelle de la Commission consiste à affecter une seule valeur par défaut à l’ensemble des importations de combustibles à base de pétrole. Cette stratégie peut toutefois prêter à une grande confusion : en effet, « du puits aux roues », le charbon, les schistes bitumineux et les sables bitumineux affichent une intensité GES supérieure à celle du pétrole brut en provenance des États-Unis, qui varie en moyenne entre 8 et 37 % – autrement dit, des émissions de 18 à 49 % supérieures à la valeur par défaut pour l’essence du projet de loi européen (85,8 gCO2eq/MJ)lxxvii. Si la Commission introduit une valeur unique pour tous les combustibles à base de pétrole, les intensités GES de ces combustibles à plus forte intensité de carbone seront gravement sous-estimées. De même, l’octroi d’une seule valeur par défaut globale n’incitera ni les raffineurs à s’approvisionner en combustibles auprès de producteurs qui affichent des émissions d’extraction inférieures, ni les producteurs à essayer d’améliorer leurs technologies d’extraction : « Les raffineurs pourraient acheter du pétrole brut de faible qualité ou auprès de producteurs dont les émissions imputables à l’extraction sont élevées tout en continuant d’obtenir la même valeur par défaut. »lxxviii. En revanche, l’attribution d’une valeur différente à chaque type de combustibles permettrait d’optimiser les possibilités de réduire les GES tout au long du cycle

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de vie des combustibles lxxix. Comme cela a été précisé dans un courrier adressé en mars 2010 à la commissaire au Climat par des groupes de la société civile : « Avec ces dispositions, la Commission européenne contredit toute la raison d’être de la Directive et sape gravement les efforts de réduction des émissions de GES imputables aux transports. »lxxx Par ailleurs, l’organisation Transport and Environment suggère que les valeurs par défaut affectées à l’intensité GES soient établies à des niveaux prudents (autrement dit supérieurs aux émissions typiques du produit) – à la fois pour empêcher les sous-estimations et pour encourager un maximum de gains d’efficacité dans la production de pétrole brut à forte intensité de carbone lxxxi. Les producteurs qui obtiendraient une valeur meilleure que la valeur par défaut (en investissant dans une meilleure technologie, en réduisant le torchage de gaz, en utilisant des combustibles moins polluants, etc.) pourraient étayer leur performance à l’aide de divers éléments de preuvelxxxii. Une telle approche aurait également l’avantage de limiter le fardeau administratif, puisque « les entreprises ne seraient pas contraintes de calculer l’intensité GES de chaque expédition de combustibles »lxxxiii. En outre, la transparence et l’exactitude avec lesquelles il est rendu compte de l’intensité GES de l’offre de pétrole arrivant sur le marché de l’UE seraient améliorées : les raffineries, qui analysent déjà le pétrole qu’elles transforment, pourraient rendre compte des sources du pétrole brut transformé par pays/région, et de leur intensité GESlxxxiv. En effet, des groupes d’experts et de la société civile ont suggéré à la Commission d’introduire des dispositifs qui obligeraient à rendre compte de l’intensité carbonique du pétrole jusqu’au niveau du projet, l’idée étant que même si, dans un premier temps, ce reporting est incomplet, il devra rapidement commencer à assurer la transparence nécessaire aux futurs examens de la Directive qualité sur les carburantslxxxv.

1.8 Conclusion et recommandations Globalement, comme l’a montré ce document d’information, l’expansion mondiale du pétrole non conventionnel aura pour conséquence d’accélérer un changement climatique potentiellement catastrophique ; par ailleurs, elle a peu de chances de contribuer à la réduction de la pauvreté et à une bonne gouvernance dans les pays producteurs, ou encore à l’amélioration de la sécurité énergétique des États producteurs ou des régions importatrices telles que l’UE. Plus précisément, le développement des sables bitumineux menace les objectifs climatiques, énergétiques et de développement de l’Europe, ainsi que la transition mondiale vers une planète sobre en carbone. Pour que ces objectifs soient crédibles et performants, les décideurs politiques de l’UE devraient faire savoir sans ambigüité au marché que persister à développer les pétroles non conventionnels ne mènera à rien. Recommandations spécifiques : 

Les décideurs politiques de l’UE devraient encourager une production de carburant moins polluante et décourager l’arrivée dans l’UE de produits énergétiques à forte intensité en carbone, tels que le pétrole dérivé des sables bitumineux, et ce, en instaurant des régimes d’importation pertinents (au moyen d’un instrument tel que la Directive sur la qualité des carburants). L’UE ou ses États membres ne devraient apporter aucune aide politique et financière aux projets de développement du pétrole non conventionnel, surtout dans les pays en développement dotés de structures de gouvernance insuffisantes. L’aide de l’UE devrait plutôt servir à promouvoir les types d’investissement énergétique sobres en carbone et les efforts déployés pour aider les pays en développement à atteindre les OMD.

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2ème partie : Entreprises européennes impliquées dans le développement du pétrole non conventionnel à travers le monde Cette partie a pour objectif d’étudier l’implication des entreprises européennes dans les projets dédiés au développement des sables et des schistes bitumineux ailleurs qu’au Canada, ce pays étant à l’heure actuelle le principal centre de production des sables bitumineux. Les gisements de pétrole brut extra-lourd les plus importants au monde se trouvent dans le bassin de l’Orénoque au Venezuela, mais on trouve également des gisements de pétrole non conventionnel significatifs dans la région russe du Tatarstan, en Jordanie ainsi que dans plusieurs États africains. Ce chapitre indique dans les grandes lignes, chaque fois que cette information est disponible, la localisation et la taille des gisements, le niveau d’investissement consenti à ce jour par les compagnies pétrolières européennes, et les éventuels impacts environnementaux et sociaux de ce développement. Il ne s’agit pas de dresser un inventaire exhaustif des ressources mondiales de sables et de schistes bitumineux, mais plutôt de mettre en évidence les plus gros gisements susceptibles de faire l’objet d’investissements européens.

2.1 Principaux projets de sables bitumineux pour les entreprises européennes Venezuela Localisation et taille D’après certains experts, les sables bitumineux du Venezuela seraient les plus importants après ceux du Canada, avec au moins 2,26 trillions de barils de pétrole in situ. La majorité des gisements se trouvent dans le bassin de l’Orénoque. Le gouvernement vénézuélien estime que 20 % des gisements de ce bassin, soit environ 316 milliards de barils, sont extractibles à l’aide de la technologie actuellelxxxvi. Les quatre projets de développement de sables bitumineux vénézuéliens (Petroanzoategui, Petromonagas, Petrocedeno et Petropiar) permettent d’ores et déjà de produire plus d’un demi-million de barils de pétrole par jour.lxxxvii Environ 8-12 % du pétrole de l’Orénoque est récupérable par extraction minière. Le reste du pétrole sera obtenu par une production in situ reposant sur la technique d’extraction par injection de vapeur, et potentiellement « des méthodes impliquant une injection de gaz et un procédé de combustion in situ »lxxxviii. Le bassin de l’Orénoque a été divisé en quatre zones pour les besoins de l’exploration et du développement des sables bitumineux. D’ouest en est, ces zones portent les noms de Boyaca, Junin, Ayacucho et Carabobolxxxix. Des entreprises européennes sont actives, à différents degrés, dans l’ensemble de ces quatre zones de permis ; chacune de ces zones est répartie entre plusieurs blocs dont la licence a été délivrée à des compagnies pétrolières. Vous trouverez ci-après plus de détails sur l’ampleur et les taux de production escomptés des blocs faisant l’objet d’investissements européens. Investissements et développement Sous le gouvernement Chavez, de nombreuses modifications ont été apportées à la gestion des projets pétroliers au Venezuela et, dans l’ensemble, les compagnies pétrolières européennes ont désormais plus de difficultés à opérer dans le pays. Fin mars 2006, le gouvernement a résilié tous les contrats pétroliers qui avaient été passés avec des entreprises étrangères, exigeant leur renégociation avec la compagnie pétrolière vénézuélienne d’État PDVSA en tant qu’actionnaire majoritaire de tous les projets. En outre, une nationalisation hautement controversée des fournisseurs s’en est suivie alors que PDVSA ne réglait pas ses dettes aux compagnies pétrolières et aux sous-traitants. La question de l’endettement de PDVSA n’est toujours pas claire. Cette situation a contraint les compagnies américaines ConocoPhillips et ExxonMobil à se retirer complètement des sables bitumineux de l’Orénoque, tandis que BP, Total et Statoil ont décidé de renégocier leurs contrats et de poursuivre leurs projets, qui avaient déjà commencé à produire du pétrole. Depuis, nombre des nouvelles licences d’exploration dans l’Orénoque ont été accordées aux compagnies pétrolières nationales d’États considérés comme proches du gouvernement vénézuélien, bien que certaines compagnies européennes aient également réussi à négocier des licences xc.

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La principale licence de BP concerne le bloc Petromonagas, qui produit à l’heure actuelle environ 110 000 barils de pétrole par jour, et pourrait en contenir jusqu’à 1,2 milliard en tout. BP contrôle 16,66 % du projet, le reste étant détenu par PDVSA. BP est également en train d’élaborer des propositions relatives à la production commerciale du bloc Ayacucho 2, dans le cadre du conglomérat TNK-BPxci. Le bloc Petrocedeno est quant à lui géré par Total (30,3 %) et Statoil (9,7 %). Il produit environ 170 000 barils de pétrole valorisé par jour, ainsi que 6 000 tonnes de coke et 900 tonnes de soufre par jour. Total a également reçu des dommages et intérêts du gouvernement vénézuélien de plus d’un milliard de dollars suite à la nationalisation partielle des parts que la compagnie détenait dans le projet xcii. Total et Statoil ont dans un premier temps comblé le vide laissé par le retrait de ConocoPhillips en 2006 et signé un accord commun avec PDVSA relatif à l’évaluation du bloc de Petroanzoategui. Bien que Total affirme que cet accord « démontre l’engagement de TOTAL et de PDVSA à l’égard du maintien de leur coopération pour le long terme », le ministre des Hydrocarbures a annoncé en janvier 2010 que les « propositions soumises [...] ne remplissaient pas les critères » et que, par conséquent, c’est PDVSA qui se chargerait de développer le bloc, susceptible à lui seul de renfermer 29 milliards de barils de pétrole récupérablexciii. En janvier 2010, la compagnie pétrolière italienne Eni et PDVSA ont signé un accord relatif au développement du bloc Junin 5, Eni détenant 40 % des parts de la joint-venture. Ce bloc, estimé à 35 milliards de barils de pétrole, fait partie des plus lucratifs. L’objectif est de produire 75 000 barils par jour à l’horizon 2013 et, à plus long terme, d’atteindre les 240 000 barils par jour et de construire une nouvelle raffinerie pour valoriser jusqu’à 350 000 barils de pétrole provenant des sables bitumineux par jour. Dans un premier temps, l’investissement d’Eni dans le projet se chiffre à 300 millions de dollars, ce montant devant passer à 646 millions de dollars lorsque le développement aura atteint certains jalons. À noter que le gouvernement vénézuélien a accordé à Eni 700 millions de dollars en dommages et intérêts suite à la nationalisation du champ de Dacion en 2006xciv. La compagnie espagnole Repsol est impliquée dans les blocs Junin 7 et Carabobo 1. Junin 7, en cours de développement par Repsol et PDVSA, renferme jusqu’à 31 milliards de barils de pétrole, dont 6 milliards sont récupérables. L’objectif est de produire jusqu’à 200 000 barils par jour à compter de 2012. Le bloc Carabobo 1 est exploité par un consortium regroupant Repsol (11 %), la compagnie malaisienne Petronas (11 %) et les compagnies indiennes Oil and Natural Gas Corporation (11 %), Oil India Limited (3,5 %) et Indian Oil Corporation (3,5 %). Le consortium espère produire 480 000 barils de pétrole par jour au maximum de sa production et devrait également construire une usine de valorisation à Soledad, dans l’état d’Anzoateguixcv. La compagnie portugaise Galp Energia a signé un contrat lui permettant d’évaluer la faisabilité du développement du bloc Boyaca 6, bien que celui-ci en soit à un stade de développement moins avancé que nombre des autres sites mentionnés ci-dessusxcvi. Des compagnies européennes de pays non membres de l’UE sont également impliquées dans le développement de l’Orénoque, la compagnie pétrole bélarusse d’État Belarusneft travaillant sur le bloc Junin 1, et les compagnies russes Lukoil, NKK et Gazprom étant impliquées dans les blocs Junin 3, Junin 6 et Ayacucho 3 respectivement xcvii. Problèmes d’ordre environnemental et social Depuis l’arrivée au pouvoir du gouvernement Chavez, l’exploitation pétrolière au Venezuela peut être considérée comme ayant des impacts sociaux à la fois positifs et négatifs. L’aspect positif est que la compagnie d’État Petroleos de Venezuela (PDVSA), qui détient une part majoritaire dans tous les projets pétroliers du pays, est tenue de consacrer au moins 10 % de son budget d’investissement annuel à des programmes sociaux. Cet argent devait être destiné à fournir des soins de santé gratuits, des denrées alimentaires à prix réduit aux communautés pauvres, des programmes de création d’emplois et d’éducation, des titres de propriété aux populations autochtones et des prix réduits sur le pétrole destiné à être exporté vers les pays voisins des Caraïbes et certaines régions des États-Unisxcviii. L’aspect négatif est que près de la moitié des effectifs de PDVSA ont fait grève en 2002 pour protester contre un nouveau conseil d’administration désigné par Chavez, grève qui s’est soldée par le licenciement de

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18 000 travailleurs. L’Organisation internationale du travail a demandé qu’une enquête indépendante soit ouverte sur les allégations de détention et de torture des travailleurs. Chavez a désormais resserré les liens entre PDVSA et son pouvoir exécutif, l’actuel président de PDVSA Rafael Ramirez – également ministre des Hydrocarbures – ayant annoncé aux gestionnaires que PDVSA est « rouge des pieds à la tête […]. Ceux à qui cela ne plaît pas [de soutenir Chavez] n’ont qu’à donner leur travail à un Bolivien »xcix. La question environnementale la plus évidente, hormis la récurrence potentielle des dommages causés à l’environnement local par la production de sables bitumineux au Canada, est purement et simplement la taille des gisements en cours d’exploration, qui engendreront des rejets de GES considérables dans l’atmosphère.

Madagascar Localisation et taille Les deux champs de sables bitumineux malgaches les plus développés sont ceux de Bemolanga et de Tsimiroro, tous deux situés dans la région occidentale de Melaky, dans la province de Mahajanga. Leur superficie est d’environ 70 kilomètres carrésc. D’après les estimations, le champ de Bemolanga contiendrait plus de 16,5 milliards de barils de pétrole en place, avec près de 10 milliards de barils de pétrole récupérable. Madagascar Oil, une compagnie indépendante basée à Houston, le plus important exploitant de pétrole on shore du pays à l’heure actuelle, estime qu’au maximum de sa production, le site pourrait produire jusqu’à 180 000 barils par jour sur une durée de plus de 30 ans. Le champ de Bemolanga ayant une profondeur moyenne de seulement 15 mètres, il se prête particulièrement bien à une exploitation à ciel ouvertci. Les estimations des ressources du champ de Tsimiroro varient. D’après la plus haute estimation de Madagascar Oil, elles représenteraient 4,5 milliards de barils de pétrole en place avec une capacité de production de 100 000 barils par jour sur une période de 20 ans et plus. Cependant, d’après une estimation indépendante réalisée en 2009, le champ ne recèlerait que 3,5 milliards de barils en place, avec 900 millions de barils récupérables. La profondeur du champ se situant entre 40 et 300 mètres en dessous de la surface, il faut recourir au procédé d’extraction par injection de vapeur in situcii. Investissements et développement Le champ de Tsimiroro est détenu à 100 % par Madagascar Oil, tandis que celui de Bemolanga est détenu à 60 % par Total et à 40 % par Madagascar Oil. Un projet pilote d’extraction par injection de vapeur lancé en 2008 à Tsimiroro a permis de produire 150-200 barils par jour, et Madagascar Oil a foré 50 puits dans la région en 2007 et 2008. À compter de 2010, la joint-venture exploitera un autre projet pilote, cette fois pour une durée de trois ans, avant de décider s’il convient de passer au développement commercial du champ ciii. Total a versé 100 millions de dollars pour ses 60 % du champ de Bemolanga en septembre 2008, devenant ainsi son exploitant unique et ayant convenu « d’un programme de travail de deux ans destiné au forage de 130 puits principaux supplémentaires pour un coût de 200 millions de dollars ». D’après les estimations, le développement du champ coûtera entre 5 et 10 milliards de dollars. Sur son site Internet, Total affirme que « l’appréciation en cours doit confirmer l’existence de ressources de pétrole suffisantes pour y lancer, à l’horizon 2020 une production minière d’un potentiel de 200 000 barils/jour »civ. Le contrat de partage de production (CPP) signé pour les deux projets par Madagascar Oil avec le gouvernement malgache est peut-être encore plus favorable aux compagnies pétrolières que le CPP tout aussi exploiteur relatif au champ de pétrole de Kashagan, au Kazakhstancv. En effet, 90 % du pétrole récupérable est considérée comme du pétrole au prix de revient (autrement dit, elle revient aux compagnies pétrolières pour couvrir le coût de leur investissement), les 10 % restants étant répartis à 90/10 entre la compagnie et le gouvernement pour les dix premières années du contrat, 80/20 pour les dix années suivantes, 70/30 pour les dix années d’après, et 60/40 pour la durée de vie restante du champ, ce qui signifie qu’au bout de trente ans d’exploitation commerciale, le gouvernement malgache ne percevra que 4 % du pétrole. Le commentaire de

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Madagascar Oil selon lequel les contrats « ont été négociés à un moment très favorable avec des conditions générales attractives » est un bel euphémismecvi. Problèmes d’ordre environnemental et social Sur la bordure occidentale du champ de Tsimiroro se trouve la réserve naturelle du Tsingy de Bemeraha, de 1 520 km², déclarée site du patrimoine mondial de l’Unesco en 1990. Ce statut a été accordé au site en raison de son paysage karstique formé de roches calcaires, de ses forêts vierges, de ses marécages de mangroves et des espèces animales rares qui y vivent (c’est le seul endroit au monde où l’on trouve des caméléons nains casqués). Environ la moitié de la réserve a le statut de réserve « stricte » ou « intégrale », ce qui signifie que tout développement ou activité de tourisme y est interdit. Malgré cela, le PNUE affirme qu’« il n’existe pas de plan de gestion ou de zonage, […] que les limites ne sont pas démarquées, [...] qu’aucun effort n’est consenti pour patrouiller dans la Réserve ou empêcher les infractions à la loi »cvii. À l’est de Bemolanga se trouve la réserve d’Ambohijanahary, de plus petite taille. Les informations publiques sur ce site sont rares, et le peu dont on dispose indique que son seul mode de protection est son inaccessibilitécviii. Madagascar jouit d’une biodiversité très riche, jusqu’aux deux tiers de ses espèces étant endémiques au pays. La densité de population du Madagascar occidental est très faible – elle oscille entre 0 et 4 habitants par kilomètre carré. La commune d’Ankisatra, sur laquelle se trouve le champ de Tsimiroro, compte moins de 3 000 habitantscix. Bien qu’une population peu importante signifie que moins d’individus risqueront d’être déplacés à cause des projets de sables bitumineux, cela signifie également que les rares personnes vivant dans la région auront moins de facilité à se défendre contre ce déplacement potentiel. Parmi les autres multiplicateurs de risque, citons le niveau de pauvreté élevé à Madagascar (le Programme alimentaire mondial affirme que 60 % du pays est « extrêmement pauvre ») et le faible niveau d’éducationcx. En outre, le Madagascar est marqué par l’instabilité politique. Le gouvernement actuel est considéré comme illégitime par les États-Unis et l’Union européenne, et est suspendu de l’Union africaine, ayant pris le pouvoir à l’issue d’un coup d’État en mars 2009. Des pourparlers visant à constituer un gouvernement de transition inclusif se sont soldés par un échec en décembre 2009, et l’on ignore si les problèmes d’ordre environnemental et social associés au développement des sables bitumineux seront pris en charge d’une manière transparentecxi. République du Congo (Congo-Brazzaville) Localisation et taille Le 19 mai 2008, Eni et le ministère de l’Énergie de la République du Congo ont signé un projet d’accord relatif à un investissement dans les sables bitumineux, l’huile de palme et l’électricité dans le pays. L’accord accorde à Eni le droit d’explorer une zone de plus 1 790 km² dans le sud du pays, près de la capitale pétrolière de Pointe-Noire, son objectif étant d’y trouver des sables bitumineuxcxii. L’immense zone de permis s’étend de la frontière avec l’enclave angolaise de Cabinda jusqu’au parc national de ConakouatiDouli, à la frontière avec le Gabon. Investissements et développement Eni investit environ 3 milliards de dollars dans ses 3 projets et a procédé à des études d’échantillonnage initiales dans la zone des sables bitumineux. La compagnie affirme que la zone contient au moins 500 millions de barils à risque et offre un potentiel pouvant aller jusqu’à 2,5 milliards de barils (sans risque). Les ressources sont profondes, dans une fourchette allant de 100 à 200 m, et leur développement nécessitera donc sans doute le recours à une technologie in situ cxiii. Problèmes d’ordre environnemental et social Eni a déclaré publiquement que son développement des sables bitumineux ne concernerait pas les forêts tropicales ou autres zones à forte biodiversité, et qu’il ne nécessiterait pas la réinstallation des populations, une telle pratique allant à l’encontre de ses propres politiques. Cependant, des études internes réalisées par la

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compagnie révèlent que la zone des sables bitumineux se compose jusqu’à 70 % de forêts tropicales et d’autres zones à forte biodiversité, et contient des habitations. La compagnie a également affirmé qu’elle n’utiliserait aucune des méthodes d’extraction et de transformation actuellement employées dans le cadre des projets des sables bitumineux au Canada, sans pour autant préciser de quelles technologies elle compte se servir. Sans cette information, il est impossible de prévoir les impacts du projet sur les communautés locales et leur environnement. Cependant, vu l’emplacement et la profondeur de la ressource, ceux-ci pourraient être dévastateurs. Soixante pour cent du pays est recouvert de forêts ; les forêts congolaises ne constituent pas seulement une ressource clé pour les populations locales, mais également un gigantesque puits de carbone qui joue un rôle vital dans la protection du climat. La zone de permis se trouve également à proximité du parc national de Conakouati-Douli, l’habitat le plus écologiquement diversifié du Congo, abritant plusieurs espèces menacées, et s’étend jusque dans la biosphère de Dimonika, reconnue par l’Unescocxiv. Autre point de désaccord : Eni compte réclamer des crédits carbone au titre du Mécanisme de développement propre (MDP) de l’ONU pour la nouvelle centrale électrique qu’elle construira dans le cadre de son investissement, affirmant que cette installation lui permettra de réduire les émissions imputables au torchage de gaz sur son champ pétrolier de M’Boundi. Cependant, le torchage de gaz est déjà illégal en vertu du droit congolais, on a donc du mal à comprendre à quel titre le projet pourrait être éligible. Qui plus est, la centrale servira à produire de l’énergie destinée au projet de sables bitumineux d’Eni, à forte intensité de carbone cxv. Sur le plan social, le Congo est un exemple typique de pays touché par le « fléau des ressources », phénomène qui désigne le fait que des milliards de dollars de recettes pétrolières ne parviennent pas à améliorer la gouvernance du pays ou à réduire la pauvreté de sa population. L’Indice de la gouvernance en Afrique classe le Congo parmi les dix pays affichant les moins bons résultats en termes de protection de l’environnement et de droits humains, ainsi que de gestion transparente des ressources naturelles. Ce manque de transparence est également évident dans le projet d’Eni, les accords entre la compagnie et le gouvernement ne se trouvant pas dans le domaine public et Eni n’ayant pas encore mené d’activités de consultation ou d’implication des communautés vivant dans les zones affectées par le projet des sables bitumineuxcxvi.

Fédération de Russie Localisation et taille Les principales régions de Russie abritant des gisements de sables bitumineux sont les bassins des fleuves Volga-Oural, la région de Timan-Pechora, la région Caucase du Nord-Mangyshlak et le bassin de la Toungouska. Le bassin de la Toungouska est de loin le plus vaste, mais il se trouve dans une région sibérienne très isolée. Parmi les autres, le gisement Volga-Oural, dans la province du Tatarstan, est le plus exploré. Les estimations de l’ampleur totale des ressources russes de sables bitumineux varient beaucoup. D’après le Conseil mondial de l’énergie, la Russie détiendrait 177 millions de barils de sables bitumineux découverts en place, mais il note également que le bassin de la Toungouska pourrait contenir une énorme quantité de pétrole, peut-être plus de 51 milliards de barils. La Commission européenne estime toutefois que les ressources de sables bitumineux de la Russie s’élèvent en tout à 260 milliards de barils, 34 milliards de barils étant récupérables, tout en notant « le manque d’informations exactes et actualisées sur ces réserves »cxvii. Tatneft, la compagnie pétrolière d’État du Tatarstan, contrôle des gisements situés à une profondeur allant de 50 à 250 mètres et qui, d’après des estimations prudentes, contiendraient 50 millions de tonnes de ressources de sables bitumineux, avec potentiellement jusqu’à 7 milliards de tonnes de pétrole récupérable à partir des sables bitumineuxcxviii. Investissements et développement

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Un accord entre Tatneft et Shell a d’abord été signé en septembre 2007, les deux compagnies convenant de réaliser une étude de faisabilité et d’évaluer les technologies potentielles d’extraction et de transformation des sables bitumineux au Tatarstan. Une joint-venture consacrée à l’exploitation des réserves a débuté ses opérations à la mi-2008, avec pour objectif de produire 100 000 barils par jour à partir de douze gisements de bitumecxix. Tatneft envisage de construire une usine qui lui permettrait de valoriser 300 000 tonnes de sables bitumineux par an, et un projet test a été lancé en vue d’une production in situ des gisements. En 2009, plus de 18 000 tonnes de sables bitumineux étaient transformés sur le champ principal, Ashalchinskoye, et Tatneft continue d’étendre ses opérations sur ce champ en forant de nouveaux puits cxx.

2.2 Projets de schistes bitumineux Les schistes bitumineux sont une autre catégorie de pétrole non conventionnel, à distinguer des sables bitumineux du Canada, du Venezuela et des autres pays mentionnés ci-dessus. En effet, contrairement aux sables bitumineux, les schistes bitumineux sont une roche contenant du kérogène à partir duquel on extrait du pétrole brut de synthèse en le chauffant à très haute température. Cependant, quoique différents des sables bitumineux d’un point de vue géologique, leur mode d’extraction est tout aussi destructeur – soit par exploitation à ciel ouvert, soit par combustion des roches sous terre à l’aide d’un procédé in situ, qui entraîne de très fortes émissions de GES. Jordanie Localisation et taille Les schistes bitumineux couvrent 60 % de la superficie de la Jordanie, ce qui est considérable. D’après les estimations, les réserves de pétrole en place s’élèveraient à 5,2 milliards de tonnes et à 34,2 milliards de barils, tandis que la totalité des réserves de pétrole récupérable dans tout le pays pourrait être de l’ordre de 50 milliards de tonnes. La grande majorité de ces schistes bitumineux se trouvent à faible profondeur, d’où la possibilité de recourir au procédé d’extraction de surface. Les gisements les plus explorés sont ceux d’Al Lajjun, de Sultani et de Juref ed Darawish, qui se situent tous au centre de la Jordanie. Parmi ces blocs, le plus proche d’une production commerciale est celui d’Al Lajjun, d’une superficie de 20 km², qui pourrait receler jusqu’à 1,3 milliard de tonnes de schistes bitumineux. Un autre gisement important est le bloc d’Attarat, à l’est d’Al Lajjun, actuellement exploré par une compagnie anglo-jordanienne, Jordan Energy and Mining Limited (voir ci-après). Ce gisement, d’une superficie de 670 km², recèle jusqu’à 11 milliards de tonnes de schistes bitumineux. Le plus gros gisement est celui de Yarmouk, une zone relativement peu explorée qui traverse la frontière avec la Syrie ; l’épaisseur de ce gisement peut atteindre les 400 mètrescxxi. Investissements et développement Le gouvernement jordanien estime que les schistes bitumineux « occupent une place décisive dans l’ordre du jour énergétique national » et sont « l’option qui convient le mieux à l’économie jordanienne dans un proche avenir »cxxii. Il a promis de signer des conventions d’achat de longue durée pour les résultats de toute activité d’exploration, et de faciliter la logistique nécessaire à ce genre de projets, la Jordanie devenant ainsi un pays très attractif pour les compagnies européennes intéressées par l’exploitation des schistes bitumineux. Shell a signé un protocole d’accord avec le gouvernement jordanien en juin 2006, puis finalisé les négociations en 2009. La compagnie opérera dans les blocs d’Azraq et d’Al Jafr par l’intermédiaire de sa filiale Jordan Oil Shale Company (Josco). La zone de la concession couvre 20 000 km², et Shell a consacré au moins 340 millions de dollars au projet, le coût total de développement étant estimé à 20-25 milliards de dollars. Les gisements de schistes bitumineux dans cette zone se trouvant à une profondeur bien plus importante que dans d’autres régions de la Jordanie, Josco est en train de tester une technologie reposant sur un procédé de conversion in situ (ICP – In Situ Conversion Process) pour transformer les schistes bitumineux alors qu’ils se trouvent encore dans le sol sans les extraire au préalable. Les travaux débuteront par trois années d’exploration, suivies d’une période d’évaluation de quatre années afin de déterminer la faisabilité

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d’une production commerciale. Des quantités commerciales de schistes bitumineux devraient commencer à être produites au bout de 15 à 20 anscxxiii. En novembre 2006, la compagnie estonienne Eesti Energia s’est vu délivrer une licence lui permettant d’explorer 300 millions de tonnes du gisement d’Al Lajjun, sous le nom d’Oil Shale Energy of Jordan, la production finale étant estimée à un maximum de 36 000 barils de pétrole par jour. Dans le cadre de son accord, Eesti construira une centrale électrique de 600 MW en Jordanie afin d’exploiter les schistes bitumineux, pour un coût potentiel d’un milliard de dollars. Cette centrale devrait être opérationnelle d’ici à 2015cxxiv. Jordan Energy and Mining Limited (JEML), une compagnie anglo-jordanienne, dispose également d’une licence lui permettant de travailler sur le gisement d’Al Lajjun, ainsi que sur celui d’Attarat. Il semblerait que JEML ait investi jusqu’à 2 milliards de dollars dans le projet, et la compagnie devrait dès 2012 être dotée d’une installation commercialement opérationnelle à Al Lajjun, avec une production de 15 000 barils par jourcxxv. Problèmes d’ordre environnemental et social L’approvisionnement en eau constitue le problème environnemental le plus urgent en Jordanie. Ce pays, l’un des plus arides de la planète, devrait, d’après les prévisions, connaître une pénurie d’eau de 320 millions de mètres cubes en 2010 et, d’ici à 2020, afficher un taux de consommation représentant le double de ses ressources hydriques naturellement disponibles. La production de schistes bitumineux contribuera considérablement à exacerber cette tendance, étant donné que la valorisation d’un baril de schistes bitumineux nécessite 3,2 barils d’eau. Une industrie des schistes bitumineux de 100 000 barils par jour pourrait ainsi consommer 18,9 millions de mètres cubes d’eau par an, soit autant que la consommation de toute la ville jordanienne de Zarqa, de 450 000 habitants. Si les schistes bitumineux servent à produire de l’électricité – ce qui est fort probable –, la quantité d’eau requise augmentera encore de 35 %. La capacité de la nappe aquifère qui passe à côté du gisement d’Al Lajjun ne lui permettant pas de subvenir à la fois aux besoins de la population d’Amman et du centre de la Jordanie et à ceux des activités minières, il faudra trouver de l’eau ailleurscxxvi. Une source d’eau envisageable serait le canal mer Rouge-mer Morte, encore au stade de proposition, qui permettrait d’acheminer de l’eau d’une mer à l’autre sur une distance de 200 km, essentiellement pour refroidir les réacteurs nucléaires. Le projet de 10 milliards de dollars est déjà fortement critiqué en raison des dommages qu’il pourrait causer aux récifs coralliens de la mer Rouge et des impacts potentiels plus vastes sur l’écosystème de la vallée du Jourdaincxxvii. D’autres préoccupations d’ordre environnemental concernent le rejet potentiel de gaz toxiques lors de l’extraction, de la transformation et de la valorisation ; d’autres encore portent sur l’élimination des déchets et les dangers potentiels du traitement in situ des schistes bitumineux actuellement développé par Shell. Les inconvénients potentiels de ce procédé sont notamment les suivants : « Besoins élevés en électricité et en eau, affaissement du sol, contamination de la nappe phréatique et difficulté à atteindre les zones d’élimination des déchets souterrains en cas de problème. »cxxviii Les impacts sociaux du développement des schistes bitumineux sont également préoccupants. Par exemple, Jordan Energy and Mining compte créer des emplois non qualifiés et semi-qualifiés dans la région pour 2 400 personnes, et éventuellement investir dans la formation. Cependant, les populations nomades ne pourront pas pénétrer sur la zone de projet, ce qui risque fort d’affecter une communauté de 800 personnes vivant à l’heure actuelle à 2 kilomètres du site. La compagnie affirme que toute personne déplacée recevra des dommages et intérêts conformément au droit jordanien, mais reste à savoir comment cette démarche sera concrètement mise en œuvrecxxix. Maroc Localisation et taille Le Maroc compte dix gisements de schistes bitumineux, les trois les plus explorés (et donc les plus

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susceptibles de commencer une production commerciale dans un proche avenir) se trouvant à Tanger, près de la mer Méditerranée, à Timahdit, à l’est de Rabat, la capitale, et à Tarfaya, à la frontière entre le Maroc et le Sahara occidental. D’après les estimations, le total des réserves de schistes bitumineux en place serait de 50 à 55 milliards de barils. La zone de Timahdit occupe une superficie d’environ 196 km² et recèle, d’après les estimations, 16,1 milliards de barils de pétrole en place. La zone de Tarfaya, quant à elle, occupe une superficie d’environ 2 000 km², avec 22,7 milliards de barils de pétrolecxxx. L’épaisseur du schiste de Timahdit varie dans une fourchette de 80 à 250 mètres et celle de Tarfaya, de 22 à 28 mètres. Tandis que le gisement de Tarfaya est suffisamment peu profond pour pouvoir être potentiellement développé entièrement par le procédé d’extraction de surface, celui de Timahdit nécessitera de conjuguer extraction minière et production in situ. Le gisement de Tanger, d’une épaisseur allant de quelques centimètres à 8 mètres, recèle, d’après les estimations, 2 milliards de barils de pétrolecxxxi. Investissements et développement Le Maroc affichant une forte dépendance envers les importations d’énergie, le gouvernement souhaiterait exploiter ses gisements nationaux de schistes bitumineux. Omar Bekri, ancien responsable de la recherche et du développement pour la compagnie pétrolière marocaine nationale, estime qu’avec une production de 50 000 barils par jour issue des schistes bitumineux, plus de 40 % de la consommation d’énergie du Maroc sera couverte. De ce fait, l’Office national des hydrocarbures et des mines (ONHYM) affirme que « les autorités marocaines ont décidé d’élaborer un nouveau cadre juridique et fiscal attractif pour les projets de schistes bitumineux » afin d’encourager les grandes compagnies pétrolières à investir cxxxii. En 2008, l’ONHYM a chargé la compagnie pétrolière brésilienne d’État d’évaluer le gisement de Timahdit, dans l’espoir que ces travaux confirmeraient les études réalisées dans les années 1980, ainsi que d’évaluer la faisabilité du développement du gisement. Depuis, Total s’est joint au projet en signant un accord de coopération avec Petrobras, affirmant : « Petrobras est propriétaire d’un procédé d’extraction des schistes bitumineux […]. Total, quant à elle, détient une technologie sophistiquée de valorisation du pétrole et connaît très bien la région. »cxxxiii En juillet 2009, la compagnie pétrolière irlandaise San Leon Energy a annoncé la signature d’un accord de protocole de trois ans avec l’ONHYM relatif à l’utilisation de la « technologie d’extraction par injection de vapeur in situ (IVE) » dans le gisement de Tarfaya. La première période d’essai devrait débuter au second semestre 2010cxxxiv. L’ONHYM a également signé un protocole d’accord concernant le champ de Tarfaya avec la compagnie Xtract ainsi qu’un « accord de confidentialité » relatif au gisement de Tanger avec la compagnie Enefit. Xtract Energy est une multinationale énergétique basée à Londres qui détient 70 % des parts de Xtract Energy (Oil Shale) Morocco, les 30 % restants étant détenus par le Prince Bandar d’Arabie saoudite. Le protocole d’accord concerne « l’évaluation et le développement éventuel d’un gisement de schistes bitumineux près de Tarfaya ». Cependant, « à la lumière de l’agitation sur le marché et de la chute des prix du pétrole, aucun travail significatif n’a été effectué par la joint-venture […]. Depuis juillet 2009, les conditions d’investissement s’améliorent et il est à espérer que les travaux puissent commencer au cours de l’exercice fiscal actuel »cxxxv. Enefit est la filiale lettone de la compagnie estonienne Eesti Energia. Peu d’informations sont disponibles concernant l’accord qu’elle a passé avec l’ONHYM, mais le PDG d’Eesti affirme : « Confiants de notre réussite en Jordanie, nous sommes prêts à exporter notre savoir-faire unique en matière de production de schistes bitumineux vers d’autres pays, comme le Maroc, qui souhaitent utiliser les schistes bitumineux. »cxxxvi. Problèmes d’ordre environnemental et social Le gisement de Tarfaya s’étend le long de la frontière entre le Maroc et le territoire du Sahara occidental, une région peu peuplée en proie à un long conflit politique. Depuis le retrait du pouvoir colonial espagnol en 1975, une guerre persiste entre le mouvement d’indépendance du Sahara occidental (le Front Polisario) et le gouvernement marocain. Le Maroc contrôle actuellement 80 % du territoire, qu’il appelle « Provinces du

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Sud », la « Zone libre » restante étant contrôlée par le Front Polisario. Environ 30 000 personnes vivent dans la Zone libre, tandis que 90 000 Sahraouis sont réfugiés dans des camps autour de Tindouf, en Algérie. Les deux zones sont séparées par un mur de sable défensif – et fortement miné – érigé par le Maroc. En 1981, le Roi Hassan II du Maroc a annoncé qu’un référendum serait organisé sur la question de la souveraineté du Sahara occidental, mais celui-ci n’a jamais eu lieu. Le Sahara occidental est considéré par les Nations Unies comme un « territoire non autonome ». Malgré des manifestations et des émeutes permanentes, le Maroc continue de contrôler fermement la partie du territoire qu’il administre et les projets d’extraction de ressources fournissent sans aucun doute des recettes et une légitimité à l’occupation continue de cette régioncxxxvii. Sur un plan environnemental, le gisement de Timahdit se trouve à proximité des parcs nationaux d’Ifrane et du Haut Atlas oriental. Le premier renferme la plus importante forêt de cèdres de l’Atlas et une population de singes magots. Quant au second, il est fortement utilisé pour le pastoralisme et l’agriculture, les usagers des ressources du parc se chiffrant à 18 000 depuis 1993, d’après les estimations. Le gouvernement marocain affirme avoir soumis les projets de Timahdit et de Tarfaya à des études environnementales, mais les impacts environnementaux doivent être surveillés de près pour s’assurer qu’aucun dommage ne soit causé à ces écosystèmescxxxviii.

2.3 Autres ressources de sables bitumineux et de schistes bitumineux Vous trouverez ci-après une liste des pays qui disposent de grandes quantités de pétrole non conventionnel, mais où les compagnies européennes ne sont pas très impliquées. Néanmoins, à mesure que s’épuisent les ressources de pétrole conventionnel, il est fort possible que ces pays envisagent d’inviter les compagnies européennes, qui ont acquis un savoir-faire technologique dans le cadre d’autres projets, à les aider à exploiter leurs gisements de sables et de schistes bitumineux. Certains, comme le Nigeria, sont déjà en train d’y réfléchir. Nigeria Localisation et taille La « ceinture de bitume » nigériane se trouve dans le sud-ouest du pays, s’étendant sur une distance de 120 km le long du littoral et traversant les états de Lagos, d’Ondo, d’Ogun et d’Edo. Les gisements les plus importants se situent dans la région d’Ikale, dans l’état d’Ondo. Selon une présentation du ministre des Mines de 2009, les ressources du Nigeria sont estimées à 27 milliards de barils équivalent pétrole, avec des réserves avérées d’1,1 milliard de barils équivalent pétrole couvrant 17 kilomètres carréscxxxix. Le ministère des Mines a réparti la zone d’exploration en trois blocs, même si les détails exacts de ces blocs varient selon le rapport que l’on consulte. Ainsi, une source médiatique indique que « le bloc A fait environ 4 170 km², le bloc C environ 3 707 km² ». Un autre site d’actualité en ligne africain parle de « trois blocs de bitume avec une réserve avérée d’un milliard de barils équivalent pétrole (bep), 21 milliards de bep et 43 milliards de bep », tandis qu’un autre signale que la région d’Ikale abrite un gisement de 43 milliards de barilscxl. Investissements et développement Selon le ministère des Mines, la découverte de bitume remonte à 1900 et, ces cinquante dernières années, plusieurs initiatives d’exploration ont été menées. De 2001 à 2008, 40 puits principaux ont été forés et répertoriés par le ministère et, en 2002, Conoco Energy Nigeria a soumis la « ceinture de bitume » à une étude de préfaisabilité et d’appréciation. cxli En janvier 2003, les compagnies nigérianes Nissand et Beecon se sont vu octroyer une licence relative aux blocs de bitume 307C et 307B respectivement. Ces licences ont été résiliées en 2007, les compagnies ayant rencontré des difficultés techniques et peinant à lever tous les fonds requis. Au moment de la délivrance des

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licences, Environmental Rights Action avait fait part de son mécontentement, affirmant que les accords étaient lourds de secrets, que les communautés n’avaient pas été consultées et qu’aucune étude de l’impact sur l’environnement n’avait été réaliséecxlii. En 2006, la société chinoise Sinopec, en conjonction avec la société d’ingénierie chinoise CGC Overseas, aurait acquis les droits du « bloc de bitume 2 » pour 18,6 millions de dollars. Un porte-parole du ministère des Mines a affirmé que la vente d’un autre bloc avait été suspendue, les offres reçues étant « ridiculement basses ». cxliii. La loi minière de 2007 a été décrite par le ministère des Mines comme conçue pour instaurer un « environnement propice » à l’investissement étranger dans le secteur, notamment grâce à des régimes fiscaux avantageux et à une politique et une législation « favorables à l’investissement », ainsi qu’à un programme de privatisation mettant un terme à l’implication de l’État dans le secteur. Le gouvernement a affirmé en 2009 son souhait de « rapidement développer la ressource à des fins de développement économique et social » et annoncé le lancement d’une série d’appels d’offres se rapportant à deux blocs qui devait être conclue en septembre 2009cxliv. Selon des articles publiés dans la presse, seize compagnies des États-Unis, du Canada, du Nigeria, d’Afrique du Sud et de Chine se sont déclarées intéressées par l’appelcxlv, et le gouvernement a également affirmé avant son lancement que des « acteurs importants » avaient manifesté leur intérêt. On ignore cependant si le procédé d’appel d’offres a abouti et quel en a été le résultat. Le projet d’exploitation des gisements de sables bitumineux nigérians semble être au point mort, peut-être du fait de la crise politique qui a touché le pays fin 2009. Néanmoins, étant donné le niveau d’investissement dans le pétrole conventionnel consenti de longue date par les multinationales pétrolières au Nigeria, l’exploitation prochaine des ressources non conventionnelles semble probable. Problèmes d’ordre environnemental et social Le Nigeria illustre parfaitement le « fléau des ressources », terme qui désigne les pays riches en ressources naturelles mais affichant de très mauvais résultats en matière de développement humain et pâtissant d’un développement économique encore plus irrégulier que les régions dotées de ressources moins importantescxlvi. L’économie nigériane dépend fortement du pétrole et du gaz qui, en 2008, représentaient 83 % de la totalité des recettes du gouvernement fédéralcxlvii ; à noter que depuis 1965, le pays a réussi à dégager une richesse pétrolière de l’ordre de 370 milliards de dollars. Du fait de cette dépendance, le Nigeria souffre du « syndrome hollandais » : déclin de sa compétitivité et de sa productivité dans les secteurs non pétroliers, pauvreté élevée, corruption, infrastructures et services sociaux médiocres, conflit continu entre le gouvernement et les communautés locales dans les régions productrices de pétrole, et pouvoir autoritaire, marqué par une dictature militaire pendant une grande partie de la période 1983-1999cxlviii. La région d’Ikale de l’état d’Ondo est susceptible d’être l’une des plus affectées si la production de sables bitumineux se confirme. Lors d’un entretien réalisé en 2008, le Chef Donald Oguntimeyin, président de l’Organisation centrale d’Ikale, a affirmé : « Notre communauté est naturellement tolérante et prête à sacrifier ce qu’il faut pour que le développement réussisse. Les investisseurs bénéficieront de la coopération totale de notre communauté. [...] Si le projet accapare une partie des terres, les personnes affectées comprendront et iront s’installer ailleurs. » Cela suggère la possibilité d’un déplacement pour faire place aux projets pétrolierscxlix. Des représentants de communautés vivant dans la ceinture de bitume ont assisté à une conférence organisée en 2003 par Environmental Rights Action ; cette manifestation a été suivie d’un communiqué très critique selon lequel « le public reste en grande partie non informé des coûts environnementaux et sociaux de l’exploitation du bitume et de la manière de les atténuer. [...] Des agences gouvernementales pertinentes ont été conviées au programme mais, comme on pouvait s’y attendre, elles ont refusé d’y participer. [...] La population locale est en colère car ni le gouvernement ni les compagnies qui se sont vu délivrer les droits d’exploration ne l’ont consultée. [...] Plus inquiétant encore, certaines des communautés de la ceinture de bitume sont appelées à être relocalisées pour permettre un forage ininterrompu du bitume. [...] Nous craignons que le gouvernement veuille répliquer le style et l’approche qu’il a adoptés dans le Delta du Niger, et qui ont engendré la guerre et la terreur. »cl.

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Égypte Sables bitumineux L’unique développement de sables bitumineux égyptien se trouve sur le champ d’Issaran, au sud du Caire et près du golfe de Suez. Une partie de la ressource peut être extraite à l’aide de méthodes conventionnelles, mais le développement compte également 64 millions de barils de pétrole similaire à des sables bitumineux qui ne peuvent être récupérés qu’au moyen d’une production par injection de vapeur in situ. Le champ a d’abord été développé par Scimitar Hydrocarbons, puis par Rally Energy mais, en 2007, Rally a vendu sa part à Citadel Capital Company, une société égyptienne, et à la compagnie pétrolière égyptienne nationale pour 868 millions de dollars. Auparavant, deux projets tests de production par injection de vapeur avaient été réalisés, qui avaient permis de produire 800 barils par jour. Au pic de la production, les 10 000 barils par jour devraient être atteintscli. Schistes bitumineux L’Égypte compte deux grands gisements de schistes bitumineux. Le gisement de Safaga-Quseir se trouve dans la ceinture de phosphate du désert oriental, près de la mer Rouge, et recèle environ 4,5 milliards de barils de pétrole. Le gisement d’Abu Tartour, quant à lui, se situe au sud du désert occidental et recèle 1,2 milliard de barils clii. Jusqu’à peu, le développement des ressources de schistes bitumineux était considéré comme non économique, mais en 2008, le ministère des Hydrocarbures « a donné l’ordre à ses départements d’accélérer l’examen d’une étude économique préparée […] pour évaluer les réserves de schistes bitumineux ». Une compagnie canadienne jouissant d’une expérience des sables bitumineux albertains, Centurion Energy, a maintenant été chargée d’étudier les deux gisements et de suggérer le meilleur moyen de les développer commercialement cliii.

Angola La province de Bengo – qui cerne la capitale, Luanda – recèle 4,5 milliards de barils de pétrole en place issu de sables bitumineux. À l’heure actuelle, rien n’est prévu pour développer ces gisements, mais ils deviendront une ressource attractive lorsque les ressources pétrolières traditionnelles de l’Angola commenceront à être épuisées cliv.

Éthiopie L’Éthiopie compte 3,89 milliards de tonnes de schistes bitumineux, dans la province du Tigré, le long de la frontière avec l’Érythrée. Un litige relatif à cette zone a précédemment engendré un conflit entre les deux pays, et les relations dans la région sont très tendues depuis que les Nations Unies ont décidé d’octroyer une partie de la province à l’Érythrée, ce qui pourrait notamment expliquer l’actuel manque d’intérêt envers l’exploration de cette ressource. Il existe également un gisement bien plus petit, de 100-120 millions de tonnes, sur le projet de développement charbonnier de Delbi Moyen, au sud-ouest d’Addis-Abeba, mais que l’Éthiopie envisage d’exploiter pour fabriquer de l’engrais à base d’uréeclv. Trinité-et-Tobago En 2009, Petrotrin, la compagnie pétrolière nationale de Trinité-et-Tobago, s’est vu délivrer une licence lui permettant d’explorer un gisement de sables bitumineux sur le champ de Parrylands/Guapo, au sud du lac de La Brea Pitch, et d’étudier la faisabilité d’une production. Le ministre de l’Énergie du pays a affirmé que Trinité-et-Tobago recelait 2 milliards de barils de sables bitumineux, bien que d’autres sources aient placé cette quantité plus près des 900 millions. Le ministre a également déclaré que « Trinité-et-Tobago essaie de suivre le modèle d’extraction canadien des sables bitumineux albertains »clvi.

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UE, 2010. COM (2010) 2020. COMMUNICATION DE LA COMMISSION. EUROPE 2020: Une stratégie pour une croissance intelligente, durable et inclusive, 3 mars 2010, p. 6. http://ec.europa.eu/growthandjobs/pdf/complet_en.pdf ii ANNEXE 1 - EUROPE 2020: VUE D’ENSEMBLE. Pour prendre connaissance d’une discussion sur la manière dont les mesures de lutte contre le changement climatique pourraient constituer une incitation verte d’ordre fiscal pour établir les bases d’une croissance durable, voir Bowen, A., Frankhauser, S., Stern, N. et Zenghelis, D., 2009. An outline of the case for a ‘green’ stimulus. Grantham Institute on Climate Change and the Environment & Centre for Climate Change and Policy, London School of Economics. http://eprints.lse.ac.uk/24345/1/An_outline_of_the_case_for_a_green_stimulus.pdf iii UE, 2010. Changement climatique: la Commission européenne présente une stratégie pour redynamiser l’action mondiale après Copenhague. IP/10/255, Bruxelles, 9 mars 2010. http://europa.eu/rapid/pressReleasesAction.do?reference=IP/10/255 iv UE, 2007. Communication de la Commission au Conseil Européen et au parlement Européen. UNE POLITIQUE DE L’ÉNERGIE POUR L’EUROPE. 10 janvier 2007, Section 1.1. « Durabilité ». http://tinyurl.com/y4sb2wh ; également : Bruxelles, UE, 2007. COM(2007) 2 final. COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU CONSEIL, AU PARLEMENT EUROPÉEN, AU COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN ET AU COMITÉ DES RÉGIONS. Limiter le réchauffement de la planète à 2 degrés Celsius: Route à suivre à l’horizon 2020 et au-delà. 10 janvier 2007, Section 4 : Bénéfices de l’action et liens avec les autres domaines d’action. http://tinyurl.com/y6oed7u v Ibid. vi L’efficacité énergétique sera « l’élément le plus significatif, particulièrement à court et moyen terme, représentant les deux tiers de la réduction d’ici à 2020 ». 2009 – commentaires du directeur exécutif de l’AIE, Nobuo Tanaka, lors de la conférence de presse de la COP-15, 14 décembre 2009 ; http://www.iea.org/speech/2009/tanaka/cop15_notes.pdf vii OCDE/AIE, 2009. How the Energy Sector can deliver on a climate agreement in Copenhagen, p. 31. www.iea.org/weo/docs/weo2009/climate_change_excerpt.pdf viii Voir Hansen, J. M. Sato, P. Kharecha et al., 2008. « Target Atmospheric CO2: Where Should Humanity Aim? ». Open Atmospheric Science Journal, avril 2008. ix FoEE, 2009. The 40% Study: Mobilizing Europe to achieve climate justice. FOE Europe et Institut de Stockholm pour l’environnement. www.foeeurope.org/climate/FoEE_SEI_40_study_summary_Dec09.pdf x Un tel dispositif serait conjugué à un cadre de protection climatique exhaustif composé notamment de lois sur le climat avec des objectifs contraignants en matière de réduction des émissions pour les États membres et des amendes en cas de non-conformité, et une contribution équitable de la part de l’Europe en matière de transfert financier et technologique vers les pays en développement en vue de parvenir à une réduction. Ibid. xi GIEC, 2007. Summary for Policymakers, p. 13. Dans : Climate Change 2007: The Physical Science Basis. Contribution of Working Group I to the Fourth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change [Solomon, S., D. Qin, M. Manning, Z. Chen, M. Marquis, K.B. Averyt, M.Tignor et H.L. Miller (éd.)]. Cambridge University Press, Cambridge, Royaume-Uni, et New York, États-Unis. xii Rapport Stern sur l’économie du changement climatique, 2006. xiii UE, 2007. COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU CONSEIL, AU PARLEMENT EUROPÉEN, AU COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN ET AU COMITÉ DES RÉGIONS. Limiter le réchauffement de la planète à 2 degrés Celsius: Route à suivre à l’horizon 2020 et au-delà, janvier 2007, Section 3. xiv UE, 2010. COM (2010) 2020. COMMUNICATION DE LA COMMISSION. EUROPE 2020 : Une stratégie pour une croissance intelligente, durable et inclusive, 3 mars 2010, p. 6. xv OCDE/AIE, 2009. WORLD ENERGY OUTLOOK 2009. FACT SHEET. « Why is our current energy pathway unsustainable? ». www.iea.org/weo/docs/weo2009/fact_sheets_WEO_2009.pdf xvi En dollars de 2008. xvii UE, 2007. COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU CONSEIL EUROPÉEN ET AU PARLEMENT EUROPÉEN. UNE POLITIQUE DE L’ÉNERGIE POUR L’EUROPE. 10 janvier 2007, Section 1.1. « Durabilité ». xviii D’après le scénario de référence de l’AIE, le cumul des recettes de l’OPEP issues des exportations de pétrole et de gaz sont portées à 30 trillions de dollars entre 2008 et 2030, soit pratiquement cinq fois plus. Selon le scénario 450, ce chiffre passe à 23 trillions de dollars, soit quatre fois plus, comparé à la période 1985-2007. AIE, 2009. How the energy sector can deliver on a climate agreement in Copenhagen, octobre 2009, « Key results of the 450 scenario », p. 12. xix UE, 2010. Europe 2020: La Commission propose une nouvelle stratégie économique pour l’Europe. IP/10/225. Bruxelles, 3 mars 2010. http://europa.eu/rapid/pressReleasesAction.do?reference=IP/10/225&format=HTML ; les chiffres de l’AIE relatifs aux économies de facture d’importation de pétrole et de gaz se montent à plus de 90 milliards de dollars en 2020 et près de 240 milliards de dollars en 2030 d’après le scénario 450 de l’AIE, par rapport au scénario de

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référence. AIE/OCDE, 2009. How the energy sector can deliver on a climate agreement in Copenhagen, octobre 2009, « Profiles: European Union », p. 31. xx Depuis octobre 2008, plus de 20 grands projets pétroliers et gaziers planifiés en amont, portant sur une capacité de production d’environ 2 millions de barils par jour de pétrole, ont été reportés indéfiniment ou annulés. La plupart de ces projets concernent des sables bitumineux au Canada. 29 autres projets, visant une capacité de 3,8 mb/j de pétrole, sont retardés de 18 mois au moins. xxi AIE 2008. World Energy Outlook 2009, p. 18. xxii Ibid., p. 262. En septembre 2009, l’hebdomadaire britannique The Economist signalait que « 13 projets programmés il y a un an ont été retardés ou annulés » mais que les investissements dans les sables bitumineux affichaient une tendance à la hausse. Le même mois, Petrochina investissait également plus de 1,7 milliard de dollars US dans des projets canadiens. « China invests in Canada’s tar sands », The Economist, 3 septembre 2009. xxiii La gravité API (American Petroleum Institute) est une mesure de la densité du pétrole : plus l’API est faible, plus le pétrole est lourd. JACOBS Consultancy-Life Cycle Associates, 2009. Life Cycle Assessment Comparison of North American and Imported Crudes, chiffres 5-14 et 5-15. http://www.albertainnovates.ca/media/15753/life%20cycle%20analysis%20jacobs%20final%20report.pdf xxiv Voir par exemple « National Energy Technology Laboratory, An Evaluation of the Extraction, Transport and Refining of Imported Crude Oils and the Impact on Life Cycle Greenhouse Gas Emissions », DOE/NETL2009/1362, 27 mars 2009, pour connaître la production conventionnelle et la moyenne pondérée. http://www.netl.doe.gov/energy-analyses/pubs/PetrRefGHGEmiss_ImportSourceSpecific1.pdf ; voir également Severson Baker, C.P & Reynolds, M., 2005. Oil Sands Fever: The Environmental Implications of Canada’s Oil Sands Rush. Alberta: The Pembina Insitute 2005. http://pubs.pembina.org/reports/OilSands72.pdf xxv Voir Fair Pensions, 2010. SHAREHOLDER RESOLUTIONS AT ROYAL DUTCH SHELL AND BP PLC: Investor Briefing. L’étude utilisée était la suivante : Jacobs Consultancy Life Cycle Assessment Comparison for North America and Imported Crudes, juin 2009. www.fairpensions.org xxvi Shell Guilty Campaign: Oil Change International, FOE International, FOE Europe et FOE Pays-Bas, PLATFORM et Greenpeace Royaume-Uni, 2009. Shell’s Dirty Big Secret, p. 10. http://www.foeeurope.org/publications/publications.htm xxvii Greenpeace 2009. Voir http://www.greenpeace.org/canada/en/campaigns/tarsands xxviii Environment Canada, 2008. Cité dans Nikiforuk A. et Greenpeace Canada, 2009. Dirty Oil: How the tar sands are fueling the global climate crisis, p. 33. « Figure 13: Canada’s GHG Emissions, 1990–2007 ». http://www.greenpeace.org/canada/en/documents-and-links/publications/tar_sands_report xxix Ibid., pp. 19-20 xxx Holroyd, P. et Siemeritsch, T., 2009. The Waters That Bind Us: Transboundary Implications of Oil Sands Development. Alberta: The Pembina Institute. Voir également « Fact Sheet » ; http:www.oilsandswatch.org/pub/1790 xxxi 2009. « High Cancer Rates Among Fort Chipewyan Residents », Canadian Medical Journal, 31 mars 2009, 180 (7). « Canada’s Bloody Oil », The Guardian, 24 août 2009. Voir également : Alberta Cancer Board, 2009. Cancer Incidence in Fort Chipewyan, Alberta, 1995-2006. www.albertahealthservices.ca/files/rls-2009-02-06-fort-chipewyanstudy.pdf xxxii Voir par exemple : http://www.co-operativecampaigns.co.uk/toxicfuels/stopTarSandsExpansion.php xxxiii Voir Fair Pensions 2010. xxxiv En septembre 2009, l’hebdomadaire britannique The Economist signalait que « 13 projets programmés il y a un an ont été retardés ou annulés » mais que les investissements dans les sables bitumineux affichaient une tendance à la hausse. Le même mois, Petrochina investissait également plus de 1,7 milliard de dollars US dans des projets canadiens. « China invests in Canada’s tar sands », The Economist, 3 septembre 2009. xxxv Fair Pensions 2010. xxxvi Agence internationale de l’énergie, World Energy Outlook 2009. xxxvii Ibid. xxxviii Étude de marché mondiale réalisée par la Deutsche Bank, 2009. The Peak Oil Market: Price Dynamics at the end of the oil age, p. 20. xxxix Il existe deux principales méthodes d’extraction des gisements de bitume de l’Alberta : la première est l’exploitation à ciel ouvert ou de surface, si les gisements se trouvent près de la surface (cela concerne seulement environ 18 % des ressources). Quant aux gisements plus profonds, ils sont récupérés au moyen de techniques consistant à chauffer et extraire le bitume « sur place » (in situ) pour pouvoir le faire remonter à la surface par pompage. Les techniques les plus courantes sont la stimulation par injection cyclique de vapeur et le drainage gravitaire assisté par injection de vapeur (SAGD). xl Charpentier, A. et al., 2009. « Understanding the Canadian oil sands industry’s greenhouse gas emissions », Environmental Research Letters, 4 014005 (2009). xli On estime que les émissions de dioxyde de carbone résultant de l’extraction in situ d’un baril de pétrole au moyen de coke de pétrole pourraient augmenter de 66 % par rapport à celles qui résultent d’une utilisation de gaz naturel. 2009. « Letter to Alberta Environment Regarding Oil Sands Emissions Policy », Simon Dyer, The Pembina Institute, 13 février 2009. Voir : http://www.oilsandswatch.org/pub/1782

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xlii

Voir Charpentier, A. et al., 2009. Également : The Cooperative Bank Insurance Investments & The World Wildlife Fund, 2009. Carbon Capture and Storage in the Alberta Oil Sands – a dangerous myth. « Summary of Emissions: Well-to-Tank and Well-to-Wheel », p. 17. http://www.cooperative.coop/Corporate/PDFs/Tar%20Sands%20CCS.pdf xliii Fair Pensions 2010. xliv IHS Cambridge Energy Research Associate (CERA) 2009. « Growth in the Canadian Oil Sands: finding the new balance », mai 2009. http://www.cera.com/aspx/cda/client/knowledgeArea/serviceDescription.aspx?KID=228 xlv Corporate Ethics International, Sierra Club & Greenpeace, 2009. Comments to the White House regarding the EISA Section 933 Energy Security Report to Congress. 7 décembre 2009. http://dirtyoilsands.org/files/CommentsToWH_EISA933_CEI_SC_GP.pdf xlvi Shell Guilty Campaign: Oil Change International et al., 2009, p. 11. xlvii WWF et la Cooperative Bank, 2010. Opportunity cost of tar sands development: How to better spend $379!, pp. 4, 6. www.co-operative.coop/upload/39175357/TarSands10.pdf xlviii Ibid. xlix UE, 2010. COM (2010) 2020. COMMUNICATION DE LA COMMISSION. EUROPE 2020 : Une stratégie pour une croissance intelligente, durable et inclusive. 3 mars 2010. p. 22. l Ibid. li Nations Unies 2010. Tenir les engagements pris : bilan prospectif visant à promouvoir un programme d’action concerté afin de réaliser les objectifs du Millénaire pour le développement d’ici à 2015 – Rapport du Secrétaire général, A/64/66, 12 février 2010. Paragr. 35, Voir : http://www.un.org/millenniumgoals/ lii Ibid., paragr. 38-40 liii Partenariat Afrique-UE pour l’énergie, 2009. Draft Road Map. 18 juin 2009, p. 2. liv Ibid., pp. 12-13. lv Ibid., p. 3. lvi Ibid., p. 5. lvii Commission UE 2007. COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU CONSEIL EUROPÉEN ET AU PARLEMENT EUROPÉEN. UNE POLITIQUE DE L’ÉNERGIE POUR L’EUROPE. 10 janvier 2007, Section 3.9, « Une politique énergétique internationale qui défend activement les intérêts de l’Europe ». lviii Partenariat Afrique-UE pour l’énergie, 2009. Draft Road Map. 18 juin 2009, p. 3. lix Ibid., Section 1: 2, p. 9. lx Selon l’AIE, l’Afrique est appelée à jouer un rôle de plus en plus important en tant que fournisseur de pétrole et de gaz, disposant de 21 % des réserves mondiales de pétrole conventionnel restantes. Les exportations de gaz de la région vont tripler d’ici à 2030. AIE/OCDE 2008, p. 215 et p. 258. lxi Bruxelles, 25.1.2006. COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU CONSEIL ET AU PARLEMENT EUROPÉEN. Action extérieure – Programme thématique pour l’environnement et la gestion durable des ressources naturelles, dont l’énergie. Section 2:1. http://tinyurl.com/y5voqnh lxii Pour un calcul de la manière dont cette somme pourrait être consacrée à d’autres OMD, voir WWF et la Cooperative Bank, 2010. Opportunity cost of tar sands development: How to better spend $379!, p. 6. lxiii Voir par exemple les commentaires du directeur exécutif de l’AIE, Nobuo Tanaka, lors de la conférence de presse de la COP-15, 14 décembre 2009 : http://www.iea.org/speech/2009/tanaka/cop15_notes.pdf. lxiv FOEE, 2009. The 40% Study: Mobilizing Europe to achieve climate justice. FOE Europe et Institut de Stockholm pour l’environnement, p. 10-11. lxv UE, 2009. COM(2009) 279 final. COMMUNICATION DE LA COMMISSION. Un avenir durable pour les transports – Vers un système intégré, convivial et fondé sur la technologie. 17 juin 2009. http://ec.europa.eu/transport/publications/doc/2009_future_of_transport_en.pdf lxvi Transport and Environment 2009. « EU’s climate influence extends beyond treaties ». 15 février 2010. http://www.transportenvironment.org/News/2010/2/EUs-climate-influence-extends-beyond-treaties/ lxvii UE, 2009. COM(2009) 279 final. COMMUNICATION DE LA COMMISSION. Un avenir durable pour les transports – Vers un système intégré, convivial et fondé sur la technologie. 17 juin 2009. Paragr. 76 et 92. lxviii Congrès américain, 2007. Loi publique 110-140, Energy and Security Independence Act (2007), paragraphe 526. lxix Cet objectif se compose d’une réduction obligatoire de 6 % et d’une réduction volontaire des GES de 4 %. lxx Transport and Environment, 2007. The drive for low-carbon transport fuels, Bulletin, avril 2007. www.transportenvironment.org/Publications/prep_hand_out/lid:452 lxxi Ibid. lxxii Transport and Environment, 2009. Measures Necessary for the Implementation of Article 7a of the Fuel Quality Directive: Response to the European Commission Consultation, septembre 2009, pp. 3-4. www.transportenvironment.org/Publications/prep_hand_out/lid/550 lxxiii La réduction du torchage des gaz pourrait à elle seule entraîner environ 9 % de la baisse requise pour remplir l’objectif de l’UE. Voir FOE, 2008. Extracting the Truth: Oil industry attempts to undermine the Fuel Quality Directive & Shell’s Big Dirty Secret, Section 6.

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lxxiv

Pour Transport and Environment, « les raffineries font déjà partie du [Système communautaire d’échange de quotas d’émission – SCEQE], par conséquent une amélioration de l’efficacité de leur production leur apporterait des bénéfices à double titre en vertu du cadre réglementaire existant, à condition d’être comprises dans la méthode de la Directive qualité sur les carburants pour l’article 7a ». Transport and Environment, 2009, p. 5. lxxv Voir par exemple l’appel à un moratoire sur les mesures incitatives communautaires dédiées à la production industrielle d’agrocarburants : http://www.econexus.info/agrofuel_moratorium_call.html. Également FOE États-Unis, FOE Brésil et FOE Haïti, 2008. 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Birdlife International, Climate Action Network Canada, European Environmental Bureau, FOEE, FOE US, Transport and Environment, Natural Resources Defence Council, National Wildlife Federation, The Pembina Institute, Sierra Club, WWF. lxxxi Quant à identifier comment atteindre ces valeurs par défaut, selon Transport and Environment, cela pourrait s’appuyer sur 4 critères : source d’énergie (par ex. pétrole brut, sables bitumineux, etc.), vecteur énergétique (diesel, essence), région/nation et méthode de production/d’extraction. Transport and Environment, 2009, p. 5. lxxxii De même, pour calculer les réductions associées au torchage des gaz et à leur dispersion dans l’atmosphère, la seule méthode pratique consiste à : « a) affecter des valeurs par défaut prudentes aux pétroles bruts de différentes régions et aux processus de production et b) donner aux entreprises la possibilité de dépasser la valeur par défaut ». Ibid., pp. 7-8. lxxxiii Ibid., p. 4. lxxxiv Ibid. lxxxv 2010. 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Friends of the Earth Europe asbl Rue d’Edimbourgh 26 | 1050 Brussels | Belgium Tel. +32.2.893 1000 | Fax +32.2.893 1035 | info@foeeurope.org | www.foeeurope.org

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