La santĂŠ maternelle est un droit humain droits humains = moins de pauvretĂŠ
Qu’est-ce que la mortalité maternelle ? La mortalité maternelle est le décès d’une femme dont la cause est déterminée ou aggravée par la grossesse. Sur 136 millions de femmes donnant naissance chaque année, 20 millions seront atteintes d’une maladie liée à la grossesse ou à l’accouchement et 530 000 en mourront.
Soit une femme toutes les minutes. Photo : Dépouille d’une femme décédée suite à une infection (Burkina Faso).
Les causes médicales de la mortalité maternelle Hémorragies sévères (24 %) : en général dans les 24h qui suivent l’accouchement. Infections 15 % : la septicémie, infection générale de l’organisme par des germes pathogènes. Elles pourraient être évitées en utilisant du matériel aseptisé. Eclampsie 12 % : convulsions dues à des troubles hypertensifs. Elles pourraient être gérées par l’administration de médicaments spécifiques. Dystocie 8 % : complications dues à une mauvaise présentation du fœtus.
Avortement à risque 13 % : plus d’un dixième de morts maternelles est causé par des avortements se déroulant dans de mauvaises conditions. Ces interruptions volontaires de grossesse (IVG) sont généralement clandestines, à cause des interdits légaux et sociaux. Autres causes directes 8 % Causes indirectes 20 % : maladies présentes dans certaines régions qui aggravent les risques de mortalité maternelle : paludisme, anémie, VIH/ SIDA et affections cardiovasculaires Source : Rapport mondial de la santé 2005- OMS Photo : Aisseta accompagnée de son mari, se remet d’une césarienne.
L’influence des facteurs socioculturels Les pratiques néfastes, bien implantées au nom de la coutume ou de la religion, peuvent être une atteinte grave à l’intégrité morale et physique des femmes, entraînant parfois la mort.
Les discriminations, violences et exclusions sociales dont sont victimes les femmes. Une volonté politique de respecter les droits des femmes est un postulat de base pour améliorer leur situation.
La distribution du budget de l’état à l’affectation de services et de ressources pour lutter contre la mortalité mater-
nelle se retrouve trop souvent loin sur la liste des priorités.
Les mariages précoces et mariages
forcés augmentent les risques de mortalité maternelle. Dans certains pays, dès la puberté, les jeunes filles sont considérées comme aptes à procréer alors qu’elles ne sont pas encore totalement formées. Les adolescentes encourent deux fois plus de risques de mourir en couches.
Les mutilations génitales.
Une étude de l’OMS démontre que les mutilations les plus lourdes augmentent le risque d’hémorragie de 70 %.
Être une femme est un motif de discrimination débouchant souvent
sur un non-accès aux droits. Pas d’information, pas d’accès aux services médicaux, risque d’exclusion et d’injustice. Le personnel de santé considère parfois les femmes comme étant ignorantes. De ce fait, il ne les informe pas sur les soins prodigués et ne les consulte pas. Ne se sentant pas comprises ou respectées, les femmes hésiteront à se faire soigner. Photo : Patricia et son bébé sous le regard de Mariam (Burkina Faso).
Les causes socioéconomiques La non gratuité des soins.
Leur coût représente souvent un obstacle énorme pour les femmes vivant dans la pauvreté. Cela les empêche de bénéficier des méthodes de planning familial et des services médicaux essentiels tels que les soins obstétriques d’urgence (césariennes, transfusion,…). Dans certains pays, les frais sont obligatoirement réglés d’avance même si la vie de la patiente est en jeu.
Les obstacles à la planification des naissances.
Toute femme a le droit d’être informée des différentes méthodes de régulation des naissances et d’en bénéficier librement afin de planifier les grossesses selon ses choix. Néanmoins, le manque d’information, le coût que représentent
la contraception et les pressions sociales ne permettent pas aux femmes d’exercer leurs droits sexuels et reproductifs.
La violation des droits fondamentaux par le conjoint.
De nombreuses femmes sont privées de la maîtrise de leur sexualité et de leur fécondité par leur conjoint. Elles ne peuvent que rarement quitter l’homme dont elles et leurs enfants dépendent, à cause de discriminations, notamment à l’emploi et à l’éducation.
Les obstacles à l’accès à l’avortement.
La pratique de l’avortement est souvent pénalisée. Il est parfois toléré en cas de danger pour la mère ou lorsque la grossesse est la conséquence d’un viol.
La pression sociale exercée par la religion, la famille ou le conjoint peut également être un obstacle. Cette prohibition pousse des femmes à avoir recours à des moyens clandestins et dès lors, plus risqués pour leur santé.
Le manque d’infrastructures et de personnel qualifié.
Certaines femmes décèdent car elles n’arrivent jamais à l’hôpital ou parce qu’elles n’ont pas reçu à temps le traitement adéquat. Les gouvernements doivent concevoir des plans nationaux et locaux de santé en tenant compte de l’avis des femmes. Photo : Devant le dispensaire à Huancavelica, l’une des zones les plus pauvres du Pérou.
Conséquences La mort d’une mère a des conséquences graves, profondes et durables pour sa famille et son entourage. Dans de nombreux cas, la femme assure une grande part de la subsistance du ménage. Elle joue aussi un rôle prépondérant dans l’éducation des enfants. Les hommes se retrouvent désemparés et sombrent dans la dépression et l’alcoolisme. Les enfants orphelins sont totalement laissés à eux-mêmes. Ils sont placés dans un orphelinat, ou ce sont les aînés qui se trouvent contraints d’abandonner leurs études pour élever leurs frères et sœurs cadets. Photo : Manifestation pour la dépénalisation de l’avortement thérapeutique au Nicaragua.
La mortalité maternelle dans le monde Cette carte montre les disparités des femmes face à la mortalité maternelle. 99 % des décès surviennent dans les pays en développement. Plus de la moitié se trouvent en Afrique subsaharienne et un tiers en Asie du sud. 14 pays enregistrent plus de 1000 morts pour 100 000 naissances : Afghanistan, Angola, Burundi, Cameroun, Guinée-Bissau, Libéria, Malawi, Niger, Nigéria, République démocratique du Congo, Rwanda, Sierra Leone, Somalie et Tchad. Photo : Femme péruvienne enceinte dans une maison d’accueil où elle peut se reposer avant et après son accouchement.
En Sierra Leone, 1 femme sur 8 meurt pendant sa grossesse ou lors de son accouchement « Il était minuit. Trop tard. Nous étions dans la rue et cherchions à emprunter de l’argent. Nous étions désemparés. Aucun véhicule n’était disponible ». Kumba Dabor, le frère de Hawa Dabor, morte cette nuit-là. Le travail a commencé le 19 mars 2008, en début de soirée, et Hawa Dabor s’est rendue à pied jusqu’au centre de soins de son village. Elle attendait des jumeaux, ce qui n’avait pas été détecté lors des consultations prénatales. L’infirmière lui a dit qu’elle devait se rendre à l’hôpital de Kabala mais elle est morte à 2h30,avant même que sa famille ait pu trouver un moyen de transport et l’argent nécessaire. Alhassan, le mari de Hawa déclare : « Je n’arrive pas à reprendre mes esprits ; j’ai trop de peine.
Elle était ma partenaire ; nous nous confiions l’un à l’autre. Elle me manque beaucoup. J’ai trois enfants et Kumba en a cinq. J’ai quitté le travail que j’avais à Freetown pour être avec les enfants, mais c’est vraiment dur. Je ne trouve plus que des travaux occasionnels maintenant. Il y a un peu d’aide pour nourrir les enfants mais ils ne mangent qu’un plat de riz par jour. Je veux agir pour empêcher que cela n’arrive à d’autres personnes. Que puis-je faire ? » La Sierra Leone est le pays où le risque de mortalité maternelle est le plus élevé au monde. Plusieurs explications : – Manque de personnel, d’équipements et de médicaments de base : seuls 14 des 38 hôpitaux assurant des soins de
santé maternels peuvent faire face aux urgences obstétricales. – Centres de santé trop éloignés des habitations : 6 des 13 districts du pays ne disposent pas d’infrastructures obstétricales d’urgence. Des milliers de femmes n’ont donc pas accès à des traitements qui pourraient leur sauver la vie. – Extrême pauvreté et pourtant les patientes doivent s’acquitter de près de 70 % des frais médicaux, à régler d’avance. – Absence de planification des naissances, la pression sociale s’exerce en faveur de familles nombreuses. – Pas d’éducation, pas de droits pour les femmes.
Photo : Alhassan et son fils, désemparés par la mort d’Hawa.
La mortalité maternelle au Burkina Faso « Une femme enceinte a un pied dans la tombe et un pied sur la terre » Dicton africain Chaque année, plus de 2000 femmes meurent au Burkina Faso de complications liées à la grossesse et à l’accouchement. La plupart de ces décès auraient pu être évités. Le pays connaît une situation sanitaire défaillante. Les obstacles financiers pour l’accès aux soins sont trop importants. La qualité des soins obstétriques est mauvaise, le personnel compétent manque, et les formations sont lacunaires. Les droits des femmes sont régulièrement ignorés : les mariages précoces
sont nombreux et le choix du nombre et du moment de la grossesse sont limités par la pression sociale. L’accès au planning familial et aux méthodes de contraception est donc pratiquement impossible.
« Pour les hommes, la femme n’est qu’un outil de reproduction » Témoignage d’une habitante du village de Gorgaré (juin 2009) Le gouvernement du Burkina Faso semble faire preuve d’une réelle volonté de changer la situation en améliorant le statut de la femme et en décidant de subsidier pour 80 % les soins obstétriques et néonatals afin que la partie pauvre de la population y ait accès.
Enfin, le gouvernement tente d’augmenter la qualité de la prise en charge médicale au niveau des infrastructures et du personnel. Cela n’empêche malheureusement pas les femmes du Burkina Faso de continuer à être victimes de discriminations dans tous les aspects de leur vie quotidienne. Photo : Safiata Kindo et sa fille Alimata dans un village du Burkina Faso. Safiata a dû accoucher sur la rive du fleuve, faute de transport.
La mortalité maternelle au Pérou Quand l’inégalité tue Le Pérou est le pays d’Amérique latine présentant le plus fort taux de mortalité maternelle. Chaque année, un millier de familles péruviennes enterrent une mère, une sœur ou une épouse à la suite de complications liées à la grossesse alors que ces décès auraient pu être évités. Ce sont pour la plupart des femmes autochtones, pauvres et qui vivent dans des zones rurales isolées et enclavées entraînant des difficultés de déplacement pour les populations rurales.
50 % des accouchements ne sont pas assistés médicalement. La pauvreté et la discrimination sont les principaux facteurs de mortalité des femmes enceintes. Le manque de tolérance à l’égard des différences culturelles, notamment quant à la langue, quant aux techniques d’accouchement traditionnelles et quant à la façon de communiquer des populations indigènes rendent les femmes réticentes à l’idée d’accoucher dans des centres de santé.
Les relevés précis concernant l’accès aux soins et la mortalité maternelle dans le pays sont insuffisants et incomplets. L’absence de ces données systématiques représente un obstacle significatif à l’élaboration de programmes efficaces pour lutter contre ce phénomène. Extraits du rapport AMR 46/002/2009 Photo : Avant et après la naissance, les femmes peuvent se reposer dans des maisons d’accueil.
Un scandale pour les droits humains « Les cas de mortalité et de morbidité maternelles qui pourraient être évités entrent dans le registre des violations des droits à la vie, à l’égalité et à la non-discrimination. Il est temps que ce problème soit traité comme une violation des droits humains, au même titre que la torture, les disparitions forcées, la détention arbitraire et les prisonniers d’opinion ». Mary Robinson, ancien Haut-commissaire des Nations unies aux Droits humains.
Les violations que subissent les femmes et les jeunes filles dans presque tous les aspects de leur vie, provoquent souvent des décès et des lésions. Les femmes ont droit à la santé, à l’information et à l’éducation relative à leur vie sexuelle et reproductive. Elles ont le droit de bénéficier des normes sanitaires les plus élevées, elles ont le droit de décider du nombre, de l’espacement et de la planification des grossesses. Malheureusement, d’après les Nations unies, quelques 200 millions de femmes dans le monde ne peuvent bénéficier
de méthodes de planning familial et de contraception sûres, efficaces et choisies par elles. Chaque année, dans les pays en développement, 19 millions d’avortements sont pratiqués dans de mauvaises conditions entraînant la mort de 68000 femmes.
Ignorer les choix des femmes, c’est bafouer leurs droits. Photo : Une infirmière en obstétrique au travail dans le village de Khankira (Inde).
Face à la mortalité maternelle, les états ont des obligations imposées par le droit international La Déclaration universelle des droits de l’Homme insiste sur le droit
à la vie. Elle stipule également que les femmes ont droit aux soins médicaux nécessaires à leur santé. Les causes de la mortalité maternelle montrent clairement le non respect de ces droits fondamentaux.
La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. C’est un traité ayant force de loi quand un état le ratifie. Cette Convention stipule clairement que les états parties
doivent faire cesser la discrimination à l’encontre des femmes dans le domaine des soins de santé. Elles doivent avoir accès aux soins et aux services médicaux, y compris la planification familiale. Les états s’engagent à fournir aux femmes les services appropriés et gratuits pendant la grossesse, l’accouchement et la période qui suit celui-ci. 186 pays ont ratifié cette Convention.
Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD). Face à la gravité et à l’ampleur du problème, l’ONU a décidé de faire de la santé maternelle un des huit Objectifs du Millénaire pour le Développement.
Deux seuils ont été déterminés :
– Réduire de 75 % le taux de mortalité maternelle entre 1990 et 2015, soit en moyenne 5,5 % annuellement. – Rendre l’accès à la médecine procréative universel en 2015. Malheureusement, la santé maternelle est l’objectif où l’on constate le moins de progrès. Pire, on enregistre une régression de 1 % par an par rapport aux objectifs chiffrés établis. Photo : Quartier général des Nations-Unies à New York.
Il faut mettre un terme à cette situation Amnesty International revendique : – Le respect des droits fondamentaux des femmes : le droit à la vie et aux soins médicaux nécessaires à leur santé. – L’arrêt de toutes les discriminations dont sont victimes les femmes, et particulièrement les femmes pauvres et marginalisées. – La suppression des barrières économiques, physiques et culturelles qui empêchent les femmes de jouir de leurs droits et de bénéficier des soins essentiels. – L’accès des femmes aux systèmes sanitaires et aux infrastructures pouvant fournir les soins de santé nécessaires et le bénéfice de services obstétricaux d’urgence, en éliminant les coûts des soins essentiels. – L’allocation de ressources suffisantes à la prise en charge de la santé maternelle et reproductive en accordant la priorité à la formation de personnels qualifiés lors des accouchements. – La mise en place de systèmes de collectes de données fiables afin d’établir des statistiques permettant l’évaluation concrète du phénomène. – La garantie d’un contrôle suffisant des systèmes de santé afin de renforcer l’obligation de rendre des comptes. – La participation active des femmes à l’élaboration des politiques et des programmes de santé concernant la grossesse. – L’accès pour les femmes à toutes les informations liées à la maternité, les moyens de planification de grossesse (contraception et avortement), à leurs droits fondamentaux et aux centres de soin, etc… – La mise en place de mesures permettant d’atteindre au mieux les Objectifs du Millénaire pour le Développement auxquels les gouvernements se sont engagés pour 2015 – Le respect par les États des engagements internationaux sur la question. Photo : Théâtre action sur la mortalité maternelle au Sierra Leone.
Vous pouvez agir ! Informez-vous
Tous les documents d’Amnesty sur cette question sont disponibles sur http://www.amnestyinternational.be/ mortalitematernelle Et parlez-en autour de vous.
Soutenez :
– Les personnes en danger en raison de leur engagement au côté des femmes. – Les ONG qui aident les femmes ou font de la sensibilisation sur le terrain. – Les associations qui font pression auprès des gouvernements locaux pour qu’ils prennent leurs responsabilités et respectent leurs engagements. – Les associations qui collectent des données concernant l’accès aux soins et la mortalité maternelle.
Agissez en un clic
à partir du site d’action d’Amnesty www.isavelives.be Rubrique mortalité maternelle
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Amnesty International Belgique francophone Rue Berckmans, 9 – 1060 Bruxelles Tel 02 538 81 77 – Fax 02 537 37 29 aibf@aibf.be – www.amnesty.be Photo : Jeunes mamans attendant devant un centre de santé au Pérou.