Libertés! - Mars 2008

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Ne paraît pas aux mois de juillet-août. 9, rue Berckmans 1060 Bruxelles

DÉPOT À BRUXELLES X

Libertes!

BELGIQUEBELGIE PP 1/2345 BXL X

MARS 2008 – N°442 – LE MENSUEL D’AMNESTY INTERNATIONAL

BELGIQUE

REGARDS SUR LA TRAITE

ASSEMBLÉE GÉNÉRALE 2008

FEMMES SAFE SCHOOLS


É D ITO R I A L

PAVARËSI L

e 17 février, la province du Kosovo proclamait son indépendance (pavarësi). C’était le dernier acte dans le démembrement violent de l’ancienne Yougoslavie entamé il y a exactement 19 ans. Le 23 mars 1989, Slobodan Milosevic, président de la république yougoslave de Serbie avait supprimé l’autonomie constitutionnelle d’un Kosovo à 90 % albanophone et décrété des mesures discriminatoires sans précédent dans l’Europe de l’après 1945. Chassés de leurs emplois dans le secteur public, exclus de l’enseignement officiel et soumis à un arbitraire policier coupable de nombreux actes de torture, les Albanais avaient en outre été envoyés en première ligne sur les fronts de Croatie et de Bosnie-Herzégovine (deux républiques sécessionnistes depuis 1991 et 1992). Les Albanais du Kosovo avaient fini par s’organiser en une société séparée. L’affaiblissement de l’opposition civile de la LDK d’Ibrahim Rugova, la montée en puissance des indépendantistes armés de l’UCK et la volonté du SPS de Slobodan Milosevic de se maintenir au pouvoir en tentant un baroud d’honneur nationaliste avaient donné lieu à de nombreux crimes de guerre et contre l’humanité,

ainsi qu’à un exode massif des Albanais. Finalement, peut-être animées par le souvenir des sanglantes épurations ethniques commises en Croatie et en Bosnie entre 1991 et 1995, les puissances militaires occidentales étaient intervenues. Après la défaite de Belgrade, le Kosovo fut détaché de facto de la Serbie et placé sous protectorat des Nations unies (MINUK). Dix ans plus tard, la république du Kosovo est née. Les juristes spécialistes du droit international s’opposent entre eux quant à la légalité de l’indépendance et de sa reconnaissance internationale. Il semble toutefois évident que l’exclusion violente des Albanais hors de l’espace serbo-yougoslave, les atrocités de 1999 et la non-coopération des nouvelles autorités serbes avec le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) dans la recherche des criminels de guerre et contre l’humanité Radovan Karadzic et Ratko Mladic ont pesé très lourd dans la balance diplomatique. La nouvelle république va passer d’un protectorat onusien à une indépendance sous supervision de l’UE, laquelle va déployer une mission de 2 000 policiers, juristes et administrateurs. Ils auront fort à faire pour soutenir la société civile, garantir le droit des minorités serbes et autres, ainsi que mettre sur pied un système judiciaire indépendant. Par ailleurs, dans son rapport Kosovo (Serbia) – The Challenge to fix a failed Justice Mission, Amnesty International vient de rappeler que les crimes de guerre et contre l’humanité commis pendant le conflit de 1999 ne pouvaient rester impunis. e Pascal Fenaux

Libertés ! • Rue Berckmans, 9 – 1060 Bruxelles • Tél : 02 538 81 77 Fax : 02 537 37 29 • libertes@aibf.be • www.libertes.be • Éditrice responsable : Christine Bika • Rédacteur en chef : Pascal Fenaux • Comité de rédaction : Bruno Brioni, Thandiwe Cattier, Valérie Denis, Véronique Druant, Samuel Grumiau, Anne Lowyck, Brian May, Suzanne Welles • Ont collaboré à ce numéro : Gilles Bechet • Iconographie : Brian May • Maquette : RIF • Mise en page : Gherthrude Schiffon • Impression : Remy Roto • Couverture : Une prostituée bat le pavé dans le quartier de la Place de l’Yser, à la limite de Bruxelles-Ville et Molenbeek-Saint-Jean. Février 2008. © Bruno Brioni

CHANGEMENT D’ADRESSE – ATTESTATION FISCALE – MODIFICATION, ANNULATION OU NOUVELLE COTISATION DE MEMBRE/DONATEUR(TRICE) Madame Michele Ligot : mligot@aibf.be je change d’adresse (inscrire uniquement la nouvelle adresse) Nom: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Prénom: . . . . . . . . . . N° de membre: . . . . . . . Adresse: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . N° . . . . . bte . . . . . . . . . . Code postal: . . . . . Localité: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Tél (obligatoire): . . . . . . . . . . . . . . . E-mail: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Oui, j'adhère aux objectifs d'Amnesty et souhaite devenir membre Je répartis le montant de : ma cotisation de mon abonnement sur toute l’année en complétant ce coupon et en le renvoyant à Amnesty International, 9 rue Berckmans à 1060 Bruxelles. Tout montant qui dépassera 14,87 e (prix de la cotisation ou de l'abonnement), sera considéré comme un «don», et par là-même jouira de la déductibilité fiscale pour autant que ce supplément soit de 30 e ou plus. Je verse tous les mois, au départ de mon compte n° . . . . . . . . . . – . . . . . . . . . . . . . . la somme de : 2,5 e 5e . . . . . . . . e (toute autre somme de mon choix) au profit du compte 001-2000070-06 de Amnesty International à partir du . . . . . . . . . . et jusqu’à nouvel ordre. Je conserve le droit d’annuler ou de modifier cet ordre à tout moment. ou je verse en une fois le mandat de . . . . . . . . . . . . . . au compte 001-2000070-06 Nom: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Prénom: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Date de naissance: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Adresse: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . N° . . . . . . . . bte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Code postal: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Localité: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Tél (obligatoire): . . . . . . . . . . . . . . . . E-mail: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Profession: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Date: . . . . . . . . Signature:

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SOMMAIRE ACTUEL

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DOSSIER

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■ Nigéria : Justice fantôme ■ Prix : Un collaborateur de Libertés ! primé ■ Insolites-Brèves

REGARDS SUR LA TRAITE ■ D’un piège à l’autre ■ Législation : un goût de trop peu ■ «La nuit je mens» ■ Le «juju» plus efficace que les coups

MOUVEMENT

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ISAVELIVES.BE

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CULTURE/AGENDA

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■ Violence contre les femmes : Safe Schools ■ Assemblée générale 2008 à Gembloux

■ Lettres du mois ■ Bonnes nouvelles

■ Question de genres ■ Le petit coin de ses rêves ■ Sans autocensure


ACTU EL CUBA HAVANE QUE POURRA Le 24 février, Raúl Castro, responsable des forces armées depuis 1959, succédait à son frère Fidel à la présidence de Cuba. Pour Amnesty International pour qui «les nouvelles instances exécutives de Cuba doivent profiter de ce changement pour mettre en place les réformes tant attendues en matière de protection des droits humains. La réforme doit commencer par la libération inconditionnelle de tous les prisonniers d’opinion, le réexamen de toutes les condamnations prononcées à l’issue de procès iniques, l’abolition de la peine de mort et l’introduction de mesures pour assurer le respect des libertés fondamentales et l’indépendance de la justice». AI a également demandé la levée de l’embargo imposé par les États-Unis. e

SRI LANKA ENGRENAGE INFERNAL Le 4 février, un énième attentat à l’explosif des Tigres libérateurs de l’Eelam tamoul (LTTE) faisait 12 morts parmi les passagers d’un bus et en blessait 17 autres au Sri Lanka. Amnesty International a condamné le fait que les LTTE prennent des civils pour cibles. Alors que les forces gouvernementales s’apprêtaient à lancer une vaste offensive contre les LTTE dans le nord du pays, Amnesty International rappelle que ni le gouvernement sri-lankais ni les LTTE ne respectaient leurs obligations aux termes du droit international humanitaire et tous tuent des civils de manière de plus en plus systématique. e

Une détenue de la prison centrale de l’État de Katsina, dans le nord du Nigéria. Condamnée à la peine capitale pour avoir avorté, elle attend son exécution. Katsina, mars 2003. © AI

TCHAD DISPARITIONS

NIGÉRIA

Plus d’un mois après l’échec de rebelles armés à renverser le gouvernement d’Idriss Déby, les inquiétudes n’ont toujours pas été dissipées quant aux exactions commises contre la population civile, essentiellement à N’Djamena, la capitale. De même, plusieurs figures de l’opposition civile sont toujours portées «disparues», parmi lesquelles Ibni Oumar Mahamat Saleh, secrétaire général et porteparole de la principale coalition de l’opposition (CPDC), et Ngarlejy Yorongar, dirigeant et député du parti fédéraliste FAR. Ces deux personnalités, étrangères à la tentative de coup d’État, auraient été enlevées par les militaires. e

JUSTICE FANTÔME

FRANCE RÉTENTION Plusieurs dispositions de la Loi relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, adoptée par le Parlement français le 7 février, ont semé le trouble parmi les défenseurs des droits humains et de l’État de droit. Cette loi prévoit que les personnes jugées pour certains crimes, une fois qu’elles ont effectué la totalité de leur peine d’emprisonnement, pourront être maintenues en «rétention de sûreté» pendant une durée d’un an indéfiniment renouvelable si elles sont considérées comme dangereuses et présentent une probabilité très élevée de récidive. La loi contredit ainsi les normes et obligations internationales fondées sur le droit à la liberté, l’interdiction de la détention arbitraire et la présomption d’innocence. e

Au moins 65% des détenus au Nigéria n’auraient jamais été inculpés. Si la justice semble ignorer ses obligations, l’état du système carcéral est tout aussi préoccupant. La surpopulation dans les prisons, la torture comme pratique courante et l’absence d’une justice équitable laissent peu de place au respect des droits les plus fondamentaux.

L

e cas de Bassy, une femme de 35 ans atteinte de maladie mentale, est assez révélateur d’un système judiciaire nigérian à l’efficacité bancale. Après avoir déclaré que sa famille ne pouvait plus s’en occuper, le frère de Bassy l’a emmenée en prison où les autorités pénitentiaires ont tout simplement décidé de la classer comme «civile folle». Alors qu’elle n’était accusée d’aucun délit et n’a jamais comparu devant un juge, cette femme a passé près de trois années en prison, dormant par terre dans une cellule avec onze autres femmes. Grâce aux témoignages de plus de 250 détenus, d’agents pénitentiaires, de membres du personnel médical, mais aussi de représentants des forces de police et du monde judiciaire, l’univers carcéral nigérian est désormais sur la sellette. Dans un rapport détaillé et décapant d’une trentaine de pages, Amnesty International attire l’attention sur «l’état aff ligeant du système pénitentiaire au Nigéria, où les prisons sont peuplées de détenus dont les droits sont systématiquement violés (…)». L’enquête, réalisée dans une dizaine de prisons sur tout le territoire, révèle une justice nigériane en perdition et minée par la violation constante des droits les plus élémentaires des prisonniers.

TRISTE JUSTICE La plupart des personnes emprisonnées au Nigéria sont trop pauvres pour se payer un avocat. Ainsi, seulement une personne sur sept en attente d’être jugée serait en mesure de faire appel aux services d’un avocat privé. Si le manque de moyens est un facteur important dans les négligences institutionnelles, le risque d’une incarcération prolongée est aussi bien présent. Dans un pays de 141 millions d’habitants, on ne compte que 91 avocats commis d’office, ce qui rend quasi nulles les chances de se voir offrir une assistance juridique. «Ceux qui n’ont pas d’argent ont encore moins de chances. Certains pourraient passer le reste de leur vie derrière les barreaux dans des conditions déplorables sans jamais avoir été inculpés d’une infraction quelconque, parfois simplement du fait que la police a perdu leur dossier», explique Aster van Kregten, chercheur d’Amnesty International pour le Nigéria. En novembre 2001, le jeune Solomon a été suspecté d’avoir commis un meurtre. Âgé de 14 ans au moment des faits, le jeune homme, privé de toute aide juridique, n’est jamais passé devant un juge. Solomon, qui partage actuellement sa cellule avec 70 autres détenus, est toujours en attente d’un procès.

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ACTU EL «Ma famille ne sait même pas que je suis en prison, ils doivent penser que je suis mort (…).» Amnesty International s’attarde également dans son rapport sur le cas de personnes arrêtées à la place d’un membre de leur famille et que les policiers n’ont pas réussi à localiser. Par ailleurs, les forces de police pratiquent la torture de façon généralisée et les «aveux» arrachés sous la torture sont souvent admis à titre de preuve lors des procès. Autre situation préoccupante : les femmes en milieu carcéral. Pour les mères de famille accompagnées d’enfant en bas âge, il n’existe ni traitement adéquat, ni matériel médical de base. Si la plupart des établissements possède une aile qui leur est destinée, le Nigéria ne compte qu’une seule prison pour femmes. Selon le Procureur général de la Fédération, Michael Aondoakaa, plus de 300 enfants seraient ainsi nés dans les prisons nigérianes… «Les problèmes en matière de justice pénale au Nigéria – notamment au sein du système pénitentiaire – sont si flagrants et si énormes que le gouvernement nigérian n’a eu d’autres choix que de les reconnaître», estime Aster van Kregten.

«DES SACS DE RIZ» La plupart des prisons au Nigéria, construites avant les années 50, ont besoin de rénovations. La vétusté des infrastructures, les bâtiments rendus inutilisables et l’inexistence d’infrastructures sanitaires ne font que fragiliser la santé physique et mentale des détenus. L’exemple de la prison de Ikoyi, située au large de l’océan Atlantique, met en lumière le problème de surpopulation et d’insalubrité dans les prisons. L’éta-

blissement pénitentiaire accueille quotidiennement entre 20 et 30 détenus, alors qu’il n’est en mesure d’en recevoir que 800. Ce sont désormais plus de 1 900 détenus qui s’entassent dans un espace franchement insuffisant pour un tel nombre. «Ma cellule ressemble à un hangar dans lequel s’entassent 120 détenus. J’ai dormi longtemps à même le sol avant de recevoir une couche. Ça ressemble à une salle de classe ou plutôt à une sorte d’entrepôt où l’on empile des sacs de riz. Il n’y a ni ventilation ni aération, les fenêtres sont inexistantes, il n’y a pas de lumière», témoigne un détenu qui attend toujours d’être jugé. Par ailleurs, le personnel pénitentiaire travaille souvent de longues heures dans des conditions éprouvantes et ce, pour des salaires misérables et souvent versés en retard. L’inanité des salaires favorise souvent l’extorsion d’argent aux prisonniers, tandis que le manque de personnel «crée une insécurité qui met en danger à la fois le personnel pénitentiaire et les détenus (…)». Le gouvernement du président Umaru Yar’Adua a récemment annoncé son intention de réformer le système de justice pénale, reconnaissant ainsi sa part de responsabilité dans une situation où détention prolongée et surpopulation sont fréquentes. Mais, malgré les recommandations mises sur papier par un grand nombre de commissions et de comités présidentiels en faveur de réformes, rien n’a été fait. Les chercheurs d’Amnesty International se sont toutefois réjouis d’avoir pu circuler librement aux cœur des établissements pénitentiaires. Une timide ouverture certes, mais peut-être un premier pas pour le «géant de l’Afrique». e Thandiwe Cattier

L’INSOLITE TORTURE, BONNE GOUVERNANCE ET INNOVATION SOCIALE Le 5 février dernier, des dizaines de fonctionnaires et d’élus espagnols du Partido Popular étaient invités par le Gouverneur de la Communauté autonome de La Rioja à participer à Logroño aux Jornadas sobre Innovación y Cambio cultural en la Gestión pública. Au programme de ces journées de réflexion sur l’innovation et le changement culturel dans la gestion publique, on trouvait un exposé sur «les relations avec les usagers». Une fois révélée par le quotidien castillan El País, l’identité de la «personne-ressource» a semé la consternation. Il s’agissait «tout simplement» de Cristián Labbé Galilea, ancien responsable de la DINA (Dirección nacional de Inteligencia), les Renseignements militaires de la dictature. Cet ancien membre de la police secrète politique du dictateur chilien (décédé le 10 décembre 2006) a été jugé pour plusieurs cas de torture, pour finalement être acquitté au motif qu’«enseigner la torture n’est pas un délit», rappelle El País. L’expert en «innovation sociale» est actuellement maire de la ville chilienne de… Providencia. e (D’après El País)

WORLD PRESS PHOTO

UN COLLABORATEUR DE LIBERTÉS ! PRIMÉ En septembre 2007, la nouvelle «saison» de Libertés! débutait avec la publication d’un reportage (texte et photos) sur l’Ituri et le Nord-Kivu, réalisé en juillet-août par le journaliste belge indépendant Cédric Gerbehaye. L’ensemble de son travail vient de remporter le Troisième Prix du prestigieux concours World Press Photo, pour la catégorie «Reportage d’actualité».

E

n juin 2007, Cédric Gerbehaye, un photographe et journaliste de 31 ans, proposait à Libertés ! la publication d’un reportage sur l’Ituri et la province du Nord-Kivu, deux régions qui avaient particulièrement souffert (et souffrent toujours) des guerres civiles congolaises, des conflits ethniques et de l’exportation des conflits burundais et rwandais. Gerbehaye n’était déjà plus un «inconnu», lui qui, dès 2002, avait fait ses premières «armes» en plongeant au cœur du brasier israélo-palestinien et en tutoyant le quotidien des secteurs les plus meurtris et les plus endurcis des deux sociétés. Petit à petit, il avait accumulé des reportages époustouflants et sans la moindre concession réalisés à Hébron (la ville la

© Cédric Gerbehaye / AIBF 4 Libertés ! Mars 2008

plus saturée de symboles et de victimes de Cisjordanie occupée) et dans les quartiers marginalisés et paupérisés du sud de Tel-Aviv. Enfin et surtout, il avait été le premier photoreporter occidental à pénétrer dans les tunnels de contrebandes d’armes et de vivres creusés par les Palestiniens pour contourner le blocus israélien entre la bande de Gaza et l’Egypte. Il avait travaillé sous les bombardements que l’armée israélienne avait entamés le 12 juillet 2006 dans l’espoir de faire pression sur le Hamas et de récupérer l’un de ses soldats enlevés quelques jours auparavant. Tout ce travail lui avait valu d’être sélectionné comme lauréat du Joop Swart Masterclass 2007. Dès lors, lorsqu’il était venu nous proposer son reportage sur la RDC, il avait reçu carte blanche. Les lecteurs n’ont sans doute pas oublié la photo retenue pour la couverture du numéro de septembre de Libertés !, un cliché terrible pris dans les décombres du couvent de Fataki, en Ituri. L’ensemble de son travail sur la RDC – publié dans Libertés !, Le Monde 2, Knack, Le Vif et Time – vient d’être récompensé du Troisième Prix du concours World Press Photo. e P.F. Pour se faire une impression : http://www.documentography.com/issue/10/ph/ cedric_gerbehaye/1.html


DOSSIER

BELGIQUE

REGARDS SUR LA TRAITE À l’occasion de la 98 e Journée internationale de la femme, Amnesty International lance Safe Schools, une série d’actions liées au harcèlement physique, sexuel et moral croissant dont sont victimes les filles dès l’adolescence et à l’école. Outre cette campagne (sur laquelle nous revenons en page 10), Libertés! a décidé de se pencher sur un sujet tout aussi délicat, celui de la traite des êtres humains et de la prostitution forcée. Selon le Bureau international du travail (BIT), ce sont ainsi quelque 2,4 millions de femmes, d’hommes et d’enfants qui sont victimes de trafic international à des fins d’exploitation économique et sexuelle. Globalement, ce trafic engendrerait quelque 21 milliards d’euros de profits annuels, ce qui en fait du coup le troisième trafic le plus rentable, derrière ceux de la drogue et des armes. En Belgique comme ailleurs, la traite à des fins de prostitution demeure très présente. Bars à vitrine, carrées, trottoirs, salons de massage, services d’escorte… Il y a un peu de tout dans ce domaine, y compris de la prostitution librement consentie et sans l’intervention d’un proxénète, même si, pour ce dernier point, aucune statistique fiable n’existe. Un constat s’impose au terme de notre enquête : les lois peu à peu adoptées pour lutter contre la traite des êtres humains en Belgique montrent leurs limites, les proxénètes ayant tôt fait d’adapter leurs méthodes d’exploitation. Enquête et reportages.

Lieu de travail. Quartier de la Place de l’Yser. Bruxelles, février 2008. © Bruno Brioni

D’UN PIÈGE À L’AUTRE La grande majorité des prostituées victimes de traite des êtres humains sont arrivées en Belgique de leur plein gré. Beaucoup savaient ce qu’elles viendraient y faire. Mais elles étaient loin d’imaginer dans quelles conditions.

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n Belgique comme dans d’autres pays européens, la traite des êtres humains (TEH) à des fins de prostitution existe depuis des décennies, mais c’est vers le début des années 90 qu’elle éclate au grand jour, entre autres suite à la parution d’un livre (1) qui a débouché sur une commission d’enquête parlementaire. Une législation protégeant les victimes qui coopèrent avec la Justice est ensuite adoptée en 1995 (voir page 7). Treize ans plus tard, le constat n’a pourtant guère changé: en Belgique, des centaines de prostituées demeurent victimes de la TEH et les statistiques sont toujours aussi imprécises sur le nombre de prostituées contraintes ou non à exercer «le plus vieux métier du monde» (2). Et, côté politique, il n’existe toujours pas de vision commune sur la manière de lutter efficacement contre l’exploitation des prostituées. Chaque autorité communale adopte sa propre politique, allant de l’indifférence à la répression «tolérance zéro», en passant par la complaisance, voire la perception de taxes sur les vitrines (2 500 e par an et par fille dans la célèbre

rue d’Aarschot, dans la commune bruxelloise de SaintJosse). Certaines communes ne s’intéressent à la prostitution que lorsqu’elle devient visible en rue, d’autres essaient de la limiter «dans une certaine zone et sous surveillance policière» (comme à Anvers). L’origine des victimes de TEH et de leurs proxénètes a évolué ces dernières années, tout comme leurs relations. Le rapprochement puis l’intégration dans l’Union européenne (UE) de pays relativement pauvres comme la Bulgarie et la Roumanie ont facilité la tâche d’exploitants qui ne doivent plus trouver mille et une astuces pour «importer» les filles en Belgique. Rue d’Aarschot, les policiers constatent cette évolution : «Sur environ 300 à 350 filles actives quotidiennement dans cette rue, il y a environ 220 à 230 Bulgares, une cinquantaine de Roumaines, une cinquantaine d’Albanaises et quelques Françaises, Belges et autres», indique Johan Debuf, du Service TEH de la zone de police de Bruxelles Nord. Une analyse de l’origine des victimes de traite à des fins d’exploitation sexuelle prises en charge par les centres

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DOSSIER d’accueils agréés dans toute la Belgique confirme qu’en 2006, une majorité était originaire d’Europe de l’Est (surtout Bulgarie et Roumanie) mais aussi du Nigeria (3). Dans les années 90, de nombreux reportages ont dénoncé les exploitations de filles enlevées dans leur pays d’origine, ou trompées par des «fiancés» qui les attiraient en Europe occidentale avant de les vendre à des réseaux de prostitution. Beaucoup étaient tabassées et violées jusqu’à ce qu’elles se soumettent. Ces cas extrêmes se rencontrent encore à l’heure actuelle, même s’ils se font plus rares, entre autres grâce aux campagnes d’information et de prévention menées dans des pays comme l’Ukraine ou l’Albanie. Actuellement, beaucoup de prostituées étrangères victimes de TEH l’étaient déjà dans leur pays. D’autres se doutaient ou savaient, avant de partir, qu’elles risquaient de travailler dans un domaine à connotation sexuelle, mais pas dans les conditions d’esclavage moderne qui leur sont souvent imposées. L’intermédiaire, le «petit ami» qui leur fait miroiter un emploi en Europe occidentale se garde bien de lui dire qu’en réalité, elle devra se prostituer jusque douze heures par jour dans une vitrine ou sur un trottoir, sept jours sur sept, pour un gain minimal à rapporter à un proxénète, sous peine de punition. «C’est parfois très grave, notamment dans le milieu gitan, souligne Johan Debuf. On a déjà eu des cas où la fille est en période de menstruations, mais son proxénète la contraint à accepter d’autres pratiques, car elle doit travailler tous les jours». La somme minimale à rapporter au proxénète amène aussi la victime de TEH à accepter de prendre de grands risques pour sa santé. «Des clients demandent d’avoir des rapports sexuels avec des filles sans préservatif, en payant plus. Pour une fille exploitée qui doit rapporter 500 e avant la fin de la nuit, le choix est parfois vite fait, même si elle en connaît les dangers», indique Heidi De Pauw, directrice de Pag-Asa, l’un des centres belges agréés d’accueil de victimes.

UN 50-50 BIAISÉ La répartition des gains entre proxénète et prostituée a tendance à évoluer. Les proxénètes bulgares ont la réputation d’imposer un partage 50-50. Ils essaient de présenter cette répartition comme équitable, mais les calculs sont rapidement faussés. Johan Debuf : «Le proxénète dit à la fille qu’il organise son arrivée en Belgique, son logement, la mise en place dans le bar, sa protection contre les vols. Jusque-là, les filles sont d’accord avec ce partage mais en réalité, le 50-50 est tronqué. Quand la fille gagne 500 e par jour, elle doit en donner 250 à son proxénète, mais elle doit retirer de sa propre part les frais de location de la vitrine (de 150 à 250 e par demi-journée à la rue d’Aarschot), de logement, etc.» Il semble aussi que les proxénètes aient tendance à moins frapper leurs filles que par le passé, pas uniquement par souci de «préserver la

marchandise», mais aussi pour éviter de laisser des traces pouvant servir de preuves en cas de dénonciation. La violence est davantage psychologique, notamment sous la forme de menaces envers la famille restée dans le pays d’origine. «Parfois, il suffit qu’un proxénète dise à une fille “Je sais où se trouve ton enfant” pour qu’elle continue de se prostituer car même si cette menace n’est pas réelle, elles ne prennent pas de risque», explique Heidi De Pauw. La violence psychologique s’exerce aussi par une restriction de la liberté de mouvement. «Quand vous passez devant elles, les filles sourient mais derrière ce masque, il y a encore beaucoup de drames, indique Wim Bontinck, chef de la cellule TEH de la Police fédérale. Près de six filles sur dix sont quasiment séquestrées, elles n’ont pas la possibilité de téléphoner ou de sortir non accompagnées».

À QUI FAIRE CONFIANCE ? Beaucoup de victimes de TEH ne connaissent que les personnes qui les exploitent ou d’autres mailles du réseau, par exemple d’autres prostituées travaillant depuis plus longtemps pour le même proxénète et qui sont aussi chargées de les surveiller. Il y a aussi les «dames de compagnie», généralement des femmes plus âgées assises un peu à l’écart dans le «bar». Chargées d’assurer une présence rassurante en cas de «client à problème», ce sont souvent elles qui collectent l’argent pour payer le loyer de la vitrine, et elles connaissent les proxénètes. Bref, la victime n’a pas grand monde à qui faire confiance. Heidi De Pauw : «Les filles se sentent surveillées. Un jour, une fille qui parlait avec la police a reçu un coup de téléphone de son proxénète, qui se trouvait en Bulgarie et lui demandait pourquoi elle parlait si longtemps avec cet homme. Elle ne savait pas qui l’avait prévenu. Une autre fille ? La dame de compagnie ?» Pour tenir le coup, les filles les plus exploitées ont souvent recours à des produits dopants. «Des jeunes filles arrivent de leur pays en bonne santé, mais en quelques mois, on voit parfois leur aspect extérieur se détériorer, témoigne Johan Debuf. Le problème n’est pas uniquement leur train de vie, mais les produits qu’elles prennent pour les supporter, comme les stupéfiants et l’alcool». La dépendance aux drogues nécessite de gagner plus d’argent, et donc d’accepter de plus en plus de clients… Le piège est refermé. e Samuel Grumiau (1) Chris de Stoop, Elles sont si gentilles, Monsieur, éd. La Longue vue, 1993. (2) Amnesty lutte contre toute forme de traite des êtres humains, y compris à des fins de prostitution, mais n’a pas de position concernant la prostitution elle-même. Ce dossier se concentre donc sur les personnes contraintes à la prostitution ou exploitées, sans nier l’existence en Belgique de personnes prostituées de leur plein gré, sans proxénète. (3) Source : Centre pour l’égalité des chances, Rapport Traite des êtres humains 2006. Les victimes étaient originaires de Bulgarie (16,9 %), de Roumanie (13,1 %), de Russie (8,3 %), d’Albanie (6,9 %), d’Ukraine (5,0 %) et de Moldavie (3,9 %). 17,8 % venaient du Nigeria.

j Heidi De Pauw, directrice de Pag-Asa, le centre agréé par la Région de Bruxelles-Capitale pour l’accueil des victimes de la traite internationale des êtres humains. Bruxelles, février 2008. © Bruno Brioni

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DOSSIER LÉGISLATION

UN GOÛT DE TROP PEU La législation belge est l’une des premières à prévoir une protection efficace des victimes de la traite qui acceptent de coopérer avec la Justice. Peu de prostituées acceptent pourtant d’utiliser cette opportunité pour dénoncer leurs proxénètes.

L

a loi belge permet à une victime de traite d’êtres humains (TEH) d’obtenir une protection et un permis de séjour temporaire à condition de respecter trois exigences : quitter le milieu qui l’exploitait ; être accompagnée par l’un des trois centres d’accueil spécialisés (1) ; porter plainte ou témoigner contre les exploiteurs. Dès qu’une victime se fait connaître, elle dispose d’un délai de réflexion de 45 jours avant d’accepter ces exigences. Elle peut être hébergée durant cette période dans l’une des maisons gérées par les centres d’accueil (leurs adresses sont secrètes pour garantir la sécurité) et y recevoir une aide juridique et administrative ainsi qu’un soutien psychosocial. Si elle décide de coopérer avec la justice, elle peut rester dans ces maisons durant plusieurs mois. À l’issue du procès, si sa plainte ou son témoignage conduisent à une condamnation, la victime a droit à un titre de séjour définitif. Sinon, la victime peut, dans certains cas, obtenir une régularisation sur base de son degré d’intégration en Belgique. Cette procédure est valable pour les victimes de toutes les formes de TEH, pas uniquement de prostitution. Elle a l’avantage de garantir à la victime d’être traitée comme telle (et donc de ne pas être expulsée par le prochain avion…) et vise à susciter un maximum de témoignages. Malgré ces intentions louables, le nombre de victimes acceptant de suivre cette procédure reste limité.En 2007, le centre d’accueil pour la région de Bruxelles-Capitale, Pag-Asa, n’a ouvert que 19 nouveaux dossiers de prostitution (sur un total de 74 nouveaux cas de traite en général). En 2006, seuls 28 nouveaux cas liés à la prostitution avaient été traités par Payoke (Anvers) et ils n’étaient que 19 auprès de Sürya (Liège).

DES VICTIMES QUI NE SE VOIENT PAS COMME TELLES Comment expliquer qu’un si petit nombre de prostituées victimes de TEH accepte de suivre cette procédure ? Pour les policiers et associations de terrain, beaucoup de victimes de la traite ne se considèrent pas comme exploitées : la plupart savaient qu’elles feraient ce genre de travail en Europe occidentale et, bien que devant donner une bonne partie de leurs gains à leurs proxénètes, elles gagnent beaucoup plus que dans des pays comme la Bulgarie ou la Roumanie. Dès lors, il est difficile de les convaincre de se plier aux règles de la procédure prévue par la loi belge. «Outre qu’elles ont peur de dénoncer leurs proxénètes car les pénalités qu’ils encourent ne sont pas à la hauteur des risques engendrés pour elles et leurs familles, il y a effectivement ce problème économique, confirme Sophie Jekeler, directrice de la Fondation Samilia (2). Si elles dénoncent les réseaux, elles reçoivent une aide sociale du CPAS (environ 560 e pour une personne isolée), soit bien moins que ce qu’elles gagnaient dans la prostitution. Il y a 10 ou 15 ans, elles étaient tellement exploitées que lorsqu’elles décidaient de dénoncer, le “petit” CPAS leur permettait de vivre de façon très mesurée ici. Actuellement, ayant compris que ça ne servait à rien de les surexploiter, les réseaux préfèrent garder une femme dans la prostitution en lui laissant par exemple 2 000 à 2 500 e par mois, même si elle en rapporte 10 000. Jamais elles ne trouveront une activité professionnelle qui leur permettra d’avoir de tels revenus». Obtenir des proxénètes condamnés qu’ils remboursent ne serait-ce qu’en partie leurs victimes pourrait en décider davantage à témoigner.

COMMENT FAIRE PASSER LE MESSAGE ? Malgré leurs efforts, les acteurs de terrain reconnaissent aussi qu’ils ne parviennent pas toujours à avertir une victime potentielle de l’existence de la procédure d’aide. La majorité des victimes ne comprend pas les langues parlées en Belgique, et même lorsque les intervenants sont accompagnés d’interprètes, il est très délicat d’aborder le thème de la traite dans un bar ou sur le trottoir, sous les yeux d’autres personnes potentiellement liées aux proxénètes (dames de compagnie, prostituées anciennes,

etc.). Espace-P, dont les bureaux sont situés au cœur du quartier chaud de Bruxelles, envoie chaque semaine ses équipes à la rencontre des prostituées, mais les possibilités d’aborder les sujets «sensibles» sont limitées. «Nous n’abordons la question de la loi de protection que dans un espace clos où personne d’autre ne peut entendre, explique Isabelle Jaramillo, coordinatrice d’Espace-P. Souvent, c’est dans le cabinet médical de notre bureau que nous pouvons en parler le plus tranquillement. Mais les femmes qui travaillent la nuit ne viennent pas à notre permanence du soir car elles ont lieu durant leurs heures de travail… et le matin, elles dorment. Par ailleurs, franchir le pas vers EspaceP demeure difficile pour les victimes de traite, car elles ne sont pas libres de leurs mouvements». Dans la zone de police de Bruxelles-Nord, où se situe la rue d’Aarschot, cinq policiers sont chargés de lutter contre la TEH. En civil, ils effectuent des contrôles réguliers des filles, tandis que des patrouilles en uniforme sécurisent quelque peu une rue où le proxénétisme va souvent de pair avec toute une série de trafics (stupéfiants, armes, papiers, …). «Nous essayons de faire en sorte que les filles nous connaissent, qu’un certain lien de confiance s’établisse, explique Johan Debuf, du service TEH de la zone. Nos contrôles permettent aussi de détecter certains problèmes, par exemple si la fille ne peut nous présenter qu’une copie de ses documents, ce qui est suspect. On laisse une carte de visite, un numéro de GSM où elle peut nous contacter et, si oui, on s’arrange pour la voir seule ». Parfois, ce sont des clients qui alertent les associations de terrain ou les centres d’accueil Pag-Asa, Payoke ou Sürya pour signaler tel ou tel cas suspect.

l Wim Bontinck, chef de la cellule «Traite des êtres humains» (TEH) de la Police fédérale. Bruxelles, février 2008. © Bruno Brioni

Libertés ! Mars 2008 7


DOSSIER Paradoxalement, l’obligation pour la victime de rompre tout contact avec le milieu de la prostitution peut aussi décourager les «moins» exploitées d’entrer dans cette procédure. «Il n’est pas toujours facile pour des victimes venues de leur plein gré en Belgique d’accepter de rester plusieurs jours ou mois encadrées par une maison d’accueil, sans pouvoir faire un “pas de travers” sous peine de voir l’arrangement tomber, malgré leur courage de dénoncer un proxénète, explique Jean-Luc Haentjens, un autre policier du service TEH de Bruxelles Nord. On a souvent affaire à des jeunes filles de 18 ou 19 ans qui ont été arrachées à leur milieu familial depuis l’âge de 16 ans. Et tout à coup, parce qu’elles ont osé dénoncer leur proxénète, on leur demande d’avoir la maturité d’une femme de 30 ans. C’est une demande normale, mais la vie s’ouvre enfin devant ces jeunes filles, elles pourraient sortir en boîte avec des copines et auraient dès lors tendance à garder des contacts avec le seul milieu qu’elles connaissent en Belgique, celui de la prostitution…». Si la procédure TEH prévue par la législation belge a pour objectif louable de faciliter l’arrestation des exploitants, elle devrait sans doute être complétée par une aide aux les victimes qui n’osent ou ne peuvent coopérer avec la police. «Certaines victimes clairement exploitées ne connaissent ni le nom ni l’adresse de leur exploiteur et elles ne peuvent fournir suffisamment d’indices à la justice belge, note Heidi De Pauw, directrice de Pag-Asa. Actuellement, le système est un peu dur : si une victime ne collabore pas avec la justice, elle a le choix entre tomber dans l’illégalité ou retourner dans son pays. Il est normal de demander quelque chose en échange d’un titre de séjour, mais il faudrait prévoir une aide humanitaire pour les autres victimes». e Samuel Grumiau (1) Pag-Asa à Bruxelles, Sürya à Liège et Payoke à Anvers (2) La Fondation Samilia a pour objectif de contribuer à la lutte contre la TEH, www.samiliafoundation.org

CONVENTION EUROPÉENNE

LA BELGIQUE À LA TRAÎNE

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e 16 avril 2005, le Conseil de l’Europe adoptait une convention sur la lutte contre la traite des êtres humains. La Belgique a signé cette convention… mais ne l’a toujours pas ratifiée. Pour ce faire, les entités fédérées devraient ellesmêmes l’adopter et intégrer son contenu dans leur propre législation, mais cela n’a toujours pas été fait ni à la Région Wallonne ni à la Communauté française. Une action d’Amnesty propose d’envoyer une lettre à la ministre Marie-Dominique Simonet, en charge des Relations extérieures de ces deux entités, afin de l’encourager à accélérer la procédure parlementaire.e S.G. Plus d’infos à ce sujet sur le site d’AIBF, à l’adresse :

http://www.amnestyinternational.be/doc/article12399.html

Il est également possible de signer en ligne cette lettre. 8 Libertés ! Mars 2008

«LA NUIT JE MENS» Depuis 1988, l’Espace-P revendique une normalisation des conditions de travail dans le secteur du commerce du sexe. Amnesty a pu suivre une équipe de l’Espace-P au cœur même de ce marché .

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ans la petite rue des Plantes, à Schaerbeek (Bruxelles), quelques néons rouges illuminent le trottoir plongé dans la nuit. Les bureaux de l’Espace-P se trouvent au cœur du marché du sexe. Autour d’un thé chaud, l’équipe se prépare pour sa ronde nocturne hebdomadaire. Fabian, assistant social, et Aline, stagiaire, se rendront dans le quartier de la Place de l’Yser où la prostitution de rue bat son plein. Dans leurs sacs : préservatifs et matériel «propre» pour les toxicomanes.


DOSSIER À quelques centaines de mètres, rue Van Gaver, dans le quartier de la Place de l’Yser, deux jeunes filles discutent devant un hôtel de passe. «Au début, les filles pensaient que nous étions des policiers en civils et avaient peur de nous. Les rafles sont monnaie courante dans le quartier. Lorsqu’elles se sont rendu compte que nous étions là pour les aider, leur attitude a changé. Il faut plusieurs années avant de pouvoir créer un lien de confiance», précise Fabian. Un ange doré sur un fond rouge orne l’entrée d’un hôtel de passe. Sur l’autre trottoir, Jessica (1), d’origine moldave, nous raconte son histoire sans détour : «Je suis en Belgique depuis six ans. J’ai quitté la Moldavie pour gagner ma vie, après avoir lu une offre d’emploi dans le journal. Je ne pensais pas que c’était pour ce métier. Je suis tombée directement sous l’emprise de maquereaux albanais. Nous nous sommes souvent déplacés et, très vite, j’ai été violée, à plusieurs reprises. Ils ont été jusqu’à se rendre dans ma famille pour voir si j’avais un enfant. Physiquement et psychologiquement, ils vous cassent pour faire ce qu’ils veulent de vous. Un jour, ils ont été arrêtés alors que nous étions en Turquie. Après, je me suis rendue en Italie quelques mois. Aujourd’hui, je travaille seule. Quand on me pose une question, je dis que j’ai un maquereau albanais... Ça fait tout de suite peur et on me fiche la paix. J’ai un enfant de neuf ans. Je ne l’ai plus vu depuis quatre ans. Pour revenir en Belgique, je dois payer plus de 5 000 e pour avoir des faux papiers... Il n’y a pas beaucoup de clients. Je suis là depuis 16h00 et je n’en ai pas eu un seul. C’est à cause des nouvelles arrivées de Bulgarie et qui demandent trop peu...» Pourquoi ne pas retourner en Moldavie auprès de son fils? À cette question, Jessica répète: «Ma vie est finie là-bas. Je suis heureuse ici. Pour moi c’est un métier comme les autres. Un de mes clients est devenu mon petit ami. Nous sommes ensemble depuis quatre ans. Les contacts que j’ai avec l’Espace-P m’ont permis d’avoir plus confiance en moi. Depuis deux ans, j’écris mon histoire. Grâce à eux, j’ai rencontré un écrivain qui m’a aidée... J’espère terminer mon livre bientôt.» Après ces épreuves, comment trouver encore la force de vivre ? Pleine de lucidité, Jessica répond : «Je trouve la force quand je vois qu’il y a des gens qui souffrent où qui ont encore plus souffert que moi.» (2) Rue des Commerçants, face à un autre hôtel, les filles attendent au milieu de travestis venus d’Équateur. Les voitures passent et repassent... Tara est Albanaise et vit en Belgique depuis neuf ans. Son parcours ressemble fort à celui de Jessica. «En quittant mon pays, je ne savais pas que j’allais faire ce métier. J’étais très amoureuse de l’homme avec qui j’étais et qui m’a poussée par la suite à faire ce métier. Au début, je faisais des nettoyages en Italie et ensuite il m’a amenée ici. J’ai grandi dans cette rue, je suis là depuis l’âge de 17 ans. À la fin, tu t’habitues, tu deviens comme une machine. Avec l’argent que je gagne, j’ai acheté une maison pour ma famille en Albanie. Ils ne connaissent pas mon métier. Je voudrais faire autre chose, mais je ne sais pas comment faire...» Émue par ses propos et ses souvenirs, Tara nous demande d’arrêter l’interview. En sortant de l’hôtel, le froid nous agresse. Les filles grelottent et fument cigarette sur cigarette pour se réchauffer. Au coin, emmitouflée dans une veste, Nathalie, l’une des rares Belges, attend le chaland. Excédée, elle résume : «Je connais le quartier depuis 35 ans. J’aurais mieux fait de ne jamais le connaître...» e Bruno Brioni

Isabelle Jaramillo, coordinatrice d’Espace-P. Quartier de la Gare du Nord. Schaerbeek, février 2008. © Bruno Brioni

LE «JUJU» PLUS EFFICACE QUE LES COUPS Les Africaines prostituées en Belgique sont souvent prisonnières d’un rituel vaudou qui les incite à ne pas se rebeller contre leur «mère maquerelle». À terme, elles peuvent racheter leur liberté.

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’exploitation des prostituées africaines fonctionne selon ses propres codes. En Belgique, une majorité sont originaires du Nigeria et plus particulièrement de la région de «Benin City», où elles sont généralement déjà prostituées. Pour elles, pas de répartition «50-50» des gains comme chez les Bulgares, ni de retours réguliers au pays d’origine, mais l’espoir d’être un jour libre de tout proxénète. La plupart sont sous la coupe d’une «madame», elle-même ancienne prostituée, qui les a recrutées dans leur pays d’origine et leur propose le voyage vers l’Europe en échange de l’engagement à rembourser une dette au montant très variable, mais qui semble osciller entre 15000 et 50 000 e. L’accord est scellé par une sorte de rite vaudou, le «juju». Un peu de sang, des rognures d’ongles, des cheveux ou poils pubiens sont prélevés sur la fille. Si la prostituée s’échappe ou ne rembourse pas sa dette, la croyance veut que ces prélèvements puissent être utilisés pour rendre une personne malade, folle, ou la faire mourir. «Il est déjà arrivé que l’on retrouve de petits sachets avec ces prélèvements lors de perquisitions au domicile des auteurs de traite, indique Heidi De Pauw, directrice de Pag-Asa. Dans notre maison d’accueil, les victimes africaines ont toujours leur Bible avec elles. Si l’une d’elles tombe malade, elle quitte la maison d’accueil et retourne travailler pour payer ses dettes car elle a peur et pense que sa maladie est liée au vaudou». Selon Wim Bontinck, chef de la cellule TEH de la Police fédérale, les professionnels de l’aide aux victimes ont généralement bien de la peine à obtenir des informations des prostituées africaines. «Ces filles sont presque en “possession” de leur maquerelle par le vaudou. Elles sont dans un tel état d’esprit qu’il n’est pas toujours nécessaire pour la victime de les menacer : les filles, mêmes exploitées par la “madame”, vont tout faire pour lui plaire, car c’est aussi elle qui organise tout pour la prostituée». À terme, la victime devient souvent une «madame» pour de nouvelles arrivantes et le cycle recommence. «Une nouvelle travaille environ deux ans non-stop pour rembourser sa dette, elle ne peut quasiment rien garder pour elle durant cette période, mais une fois qu’elle a terminé de rembourser, elle est libre, explique Isabelle Jaramillo, coordinatrice d’Espace-P (1). À ce moment, soit elle reste dans la prostitution et travaille à son compte, soit elle retourne dans son pays d’origine et applique le même mécanisme pour faire travailler d’autres filles pour elle». e S.G.

À la recherche du chaland. Quartier de la Place de l’Yser. Bruxelles, février 2008. © Bruno Brioni

(1) Association d’aide aux prostituées, http://www.espacep.be/

(1) Afin de préserver l’anonymat des témoignages, les prénoms ont été modifiés. (2) Le film Sex Traffic de David Yates, produit par la BBC en 2004, retrace de manière remarquable le parcours de ces jeunes filles venues de l’Est. Espace P, rue des Plantes 116 - 1030 Bruxelles, Tél./Fax : 02 219 98 74 (http://www.espacep.be)

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MOUVEMENT VIOLENCE CONTRE LES FEMMES

SAFE SCHOOLS Les écoles reflètent l’état de la société dans son ensemble. Les formes de violence dont les femmes risquent de souffrir tout au long de leur vie – violence physique, sexuelle et psychologique – sont souvent déjà présentes dans la vie de nombreuses fillettes ou jeunes filles, dans leur école et tout autour.

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ucune fille ne doit aller à l’école la peur au ventre parce qu’elle aurait été victime de violences à l’école ou sur le chemin de l’école. Les États doivent veiller à ce que les filles jouissent de leur droit à l’éducation dans un environnement sûr, respectueux et non-discriminatoire. Amnesty International est donc en train de lancer une campagne intitulée Safe Schools (Des écoles plus sûres) et qui s’adresse tant aux gouvernements qu’aux pouvoirs organisateurs des écoles.

C’est aux gouvernements, en tant que signataires des traités internationaux, de garantir aux filles des écoles sûres et le droit à l’éducation. Les membres de l’administration, les enseignants, les employés des écoles, les policiers et les juges sont des agents de l’État et par conséquent partagent cette responsabilité. Par ailleurs, si les syndicats d’enseignants, les ONG, les responsables de communautés éducatives et les parents ne sont pas tenus de respecter les mêmes normes juridiques internationales que les États, ils n’en ont pas moins à jouer un rôle très important dans le processus éducatif et à également agir pour mettre fin à la violence contre les filles à l’école.

POUR AI, SIX MESURES ÉLÉMENTAIRES S’IMPOSENT : 1) Interdire toutes les formes de violence envers les fillettes et jeunes filles, notamment les châtiments corporels, les insultes, la brutalité physique, la cruauté mentale, la violence et l’exploitation sexuelles. Promulguer et appliquer les lois, règlements et procédures appropriés. 2) Transformer les écoles en lieux sûrs pour les fillettes et jeunes filles, en lançant des plans d’action nationaux contre les violences faites aux filles dans le système scolaire. Ces plans doivent comporter des lignes directrices pour les écoles, une formation obligatoire pour les enseignant(e)s et les élèves, la désignation d’un(e) responsable à l’échelon gouvernemental et un financement suffisant par des fonds publics. Les établissements doivent disposer de toilettes et de salles d’eau séparées pour les garçons et les filles, de dortoirs sûrs, de terrains de jeu et de sport surveillés. 3) En cas d’actes de violence infligés à des fillettes ou jeunes filles, recourir à des procédures de signalement confidentielles et indépendantes, engager des enquêtes efficaces et, le cas échéant, des poursuites pénales, permettre aux victimes de disposer des services appropriés. Veiller à ce que tous les actes de violence envers des fillettes ou jeunes filles soient signalés et répertoriés, et à ce qu’aucune personne reconnue coupable de viol, d’agression sexuelle ou d’autres infractions pénales à l’égard d’enfants ne soit employée dans une école. 4) Mettre sur pied des services d’assistance pour les fillettes et jeunes filles victimes de violences, en prévoyant une aide psychologique, des soins médicaux, des services d’information, de traitement et de soutien en matière de HIV/sida, une information complète sur les droits sexuels et reproductifs, un appui à la réinsertion dans le système scolaire des jeunes femmes qui vivent avec l’HIV ou qui sont enceintes, mariées ou mères. 5) Éliminer les barrières empêchant les filles de fréquenter l’école en supprimant les frais directs ou indirects en matière d’enseignement primaire, en rendant les écoles secondaires accessibles à tous, et en créant des programmes en vue de favoriser la scolarisation des fillettes issues de groupes marginalisés. 6) Protéger les fillettes et jeunes filles des atteintes à leurs droits en élaborant et en appliquant des codes de conduite à l’intention de l’ensemble du personnel et des élèves des établissements scolaires. Dispenser au personnel scolaire une formation relative aux stratégies d’intervention rapide permettant de réagir aux actes de harcèlement et aux violences envers les fillettes et jeunes filles dans les écoles. En Wallonie et à Bruxelles-Capitale, les groupes d’AIBF approcheront les acteurs locaux concernés (pouvoirs organisateurs, autorités communales, etc.). Dans un premier temps, il s’agira d’obtenir un état des lieux de la situation de départ et des mesures prises pour lutter contre cette forme de violence. D’ores et déjà, nous proposons aux responsables et membres des groupes de venir partager le résultat de leurs premières manœuvres d’approche, en compagnie de spécialistes de la question issus du monde de l’éducation (Confédération générale des Enseignants, etc.). e Où ? Au Secrétariat national, 9 rue Berckmans, 1060 Bruxelles (SaintGilles). Quand ? Le samedi 29 mars 2008, de 09h30 à 13h00.

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MOUVEMENT GROUPE 28 – NAMUR

AMNESTY INTERNATIONAL BELGIQUE FRANCOPHONE

ASSEMBLÉE GÉNÉRALE 2008

24 HEURES POUR MARCELO

SAMEDI 26 AVRIL 2008 À L'ESPACE SENGHOR, GEMBLOUX Passage des Déportés, 2 - 5030 Gembloux Le 22 mars prochain, cela fera exactement 5 ans que Marcelo Cano Rodríguez a été condamné à 18 ans de prison pour son opposition pacifique au pouvoir en place. Pour célébrer ce triste anniversaire, le Groupe 28 de Namur organise 24 heures d’écriture de lettres en faveur de ce prisonnier d’opinion. Où ? À Namur, sur la Place d’Armes. Quand ? Du vendredi 21 mars (12h00) au samedi 22 mars (12h00). Infos : Nadine Monmart (081 44 42 71 ou nndmonmart@hotmail.com) et Daniel Clarembeaux (081 73 05 66)

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FORMATIONS C’EST L’PRINTEMPS Voici la liste des prochains modules pour lesquels il reste encore de la place : Le 6 mars

de 19h00 à 22h00 Découvrir Amnesty

Le 19 avril

de 09h30 à 12h30 Découvrir Amnesty

Le 14 mai

de 19h00 à 22h00 Découvrir Amnesty

Le 17 mai

de 09h30 à 16h30 Mission et fonctionnement d’Amnesty

Le 24 mai

de 10h00 à 16h30 Homosexualités et droits humains

Toutes ces formations ont lieu à Bruxelles. Si vous venez de devenir membre d’Amnesty et si vous souhaitez faire connaissance avec le mouvement, nous vous conseillons de participer à la formation «Découvrir Amnesty». Grâce à celle-ci, vous en saurez plus sur le contexte de création de l’organisation, son historique, sa mission, ses campagnes actuelles et les différentes manières de s’y impliquer. Par contre, si vous désirez approfondir votre compréhension de notre travail et de notre structure, le module «Mission et fonctionnement d’Amnesty» répondra certainement mieux à vos attentes. Pour vous inscrire et/ou obtenir des détails concernant le contenu des formations, rendezvous sur notre site Internet : http://www.amnesty.be/formations Pour tout renseignement, n’hésitez pas à nous contacter par e-mail à formations@aibf.be ou par téléphone au 02/538 81 77, de préférence les mercredi, jeudi et vendredi. À bientôt ! e

PROGRAMME 09h00 09h30 09h50 10h40 11h40 12h40 13h15 14h30

➞ Accueil ➞ Ouverture de l'Assemblée générale ➞ Rapports du Conseil d'administration (CA) et du Comité d'évaluation éthique des partenariats (CEEP) ➞ Les comptes 2007 et le budget 2008 ➞ Les résolutions ➞ Les candidats au CA et au CEEP se présentent ➞ Pause déjeuner (restauration africaine, indienne... et belge) ➞ Deux conférences

JUSTICE INTERNATIONALE OU RAISON D'ÉTAT? Le débat abordera les acquis de la justice internationale et s’interrogera sur les tensions croissantes entre la lutte contre l’impunité et la raison d’État. Quatre interventions : Six ans après l’entrée en vigueur de la Cour pénale internationale, bilans et perspectives. Par Gérard Dive (sous réserve), chef du Service de droit international humanitaire et Coordinateur de la Belgian Task Force for the International Criminal Court and the International Criminal Tribunals. Expériences des tribunaux pénaux internationaux. Par Franck Petit (sous réserve), directeur du périodique International Justice Tribune. État de la justice internationale dans le monde. Exercice pratique de la compétence universelle au travers d’une triple expérience de la Cour d’Assises de Bruxelles pour des crimes de génocide au Rwanda. Par Eric Gillet, avocat au barreau de Bruxelles, ancien président de la section belge d’Amnesty International. Confrontation au quotidien entre la mise en œuvre de la justice pénale et les impératifs de la diplomatie. Par Florence Hartmann, porte-parole de Carla del Ponte au Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) de 2000 à 2006. Auteur du livre Paix et châtiment. Les guerres secrètes de la politique et de la justice internationale. Modérateur : Claude Debrulle, ancien directeur général de la Législation et des Libertés et Droits Fondamentaux au Service public fédéral Justice. 15h45 16h00 17h30 18h00 19h00 20h00

➞ ➞ ➞ ➞ ➞ ➞

Pause Débat Pause L'impro rencontre les droits humains Cocktail Fin

L'ARTISTE ENGAGÉ : THOMAS GUNZIG ET AMIS (places limitées: réservation nécessaire)

ion et script so ! n i ’ d n r i Bullet ccès au ve a ’ d plan

Tout au long de l'AG, la présence de multiples ONG, le Ciddhel (la librairie amovible des droits humains), l'exposition de l'ONU «Dessiner les droits humains» et beaucoup plus encore ! De plus, il y aura une crèche pour les petits, un encadrement pour les enfants de 5 à 10 ans (l'après-midi, réservation souhaitée) et des activités diverses pour les jeunes ados (également l’après-midi). Parking gratuit à l'Espace Senghor et à la gare.

Libertés ! Mars 2008 11


MOUVEMENT BULLETIN D'INSCRIPTION POUR L'AG 2008 à renvoyer à AIBF, 9 rue Berckmans, 1060 Bruxelles, fax : 02 537 37 29 Vous pouvez vous inscrire électroniquement sur www.amnesty.be ❍ Je suis membre et je souhaite m'inscrire à l'Assemblée générale 2008 Mon nom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Mon adresse e-mail : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ❍ Je suis membre individuel(le)/membre d'une coordination/d'un groupe local/une autre structure : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ❍ Je serai présent(e) pour les travaux de la matinée ❍ Je serai présent(e) à la conférence «Justice internationale ou raison d'État» ❍ Je souhaite réserver une place (deux places) pour «L'artiste engagé» ❍ J'assisterai au spectacle d'improvisation ❍ Je voudrais réserver une/deux/trois places à la crèche (citer les âges des enfants svp) ❍ Je serai accompagné(e) d'un enfant/jeune de 5 à 14 ans et je voudrais qu'il puisse profiter des activités et de l'encadrement prévus ❍ Je viendrai en train ❍ Je voudrais profiter d'un covoiturage ❍ Je peux proposer un covoiturage

Pour venir à l'AG En venant de Bruxelles : • Autoroute E 411, sortie 11 (Gembloux - Thorembais) • Nationale 29 (direction : Gembloux) • Au rond-point : à gauche, Nationale 4 (direction : Namur) • Aux feux suivants : à droite vers le centre (av. Maréchal Juin) • Aux feux suivants : à droite (av. de la Faculté d’Agronomie) • Parking Espace Senghor : à ± 50 m - gauche En venant de Namur : • Nationale 4 (direction : Gembloux) • Aux deuxièmes feux de l’entité gembloutoise : à gauche vers le centre (av. Maréchal Juin)

• Aux feux suivants : à droite (av. de la Faculté d’Agronomie) • Parking Espace Senghor : à ± 50 m - gauche En venant de Mons : • Autoroute E 42 (direction : Liège), sortie 12 (GemblouxNamur Ouest) puis voir directions en venant de Charleroi) En venant de Charleroi : • Nationale 29 (direction : Gembloux) • À Gembloux : tunnel sous chemin de fer • Au rond-point : Nationale 4 (direction : Namur) • Aux feux suivants : à droite vers le centre (av. Maréchal Juin) • Aux feux suivants : à droite (av. de la Faculté d’Agronomie) • Parking Espace Senghor : à ± 50 m – gauche En venant de Liège :

• Autoroute E 42 (direction : Mons), sortie 12 (Gembloux – Namur-Ouest) • Nationale 4 (direction : Gembloux) • Aux deuxièmes feux de l’entité gembloutoise : à gauche vers le centre (av. Maréchal Juin) • Aux feux suivants : à droite (av. de la Faculté d’Agronomie) • Parking Espace Senghor) : à ± 50 m - gauche En sortant de la gare : (environ 1/4 d’heure de marche) • À gauche : rue de la Station – av. de la Faculté d’Agronomie • ± 50 m avant les feux : à droite (entrée du parking Espace Senghor) ou par pousse-pousse quelques minutes seulement!) (3 e le voyage).

Ce sont aussi 80 groupes locaux qui, sur le terrain, font un travail d’action et de sensibilisation aux droits humains. Pour vous y joindre, contactez votre régionale. SECRÉTARIAT NATIONAL AIBF Rue Berckmans 9, 1060 Bruxelles 02 538 81 77 – Fax : 02 537 37 29 www.amnesty.be SECRÉTARIAT INTERNATIONAL Easton Street 1, London WC1X ODW United Kingdom – 00 44 207 413 5500 AMNESTY INTERNATIONAL VLAANDEREN Kerkstraat 156, 2060 Antwerpen 6 03 271 16 16 RESPONSABLES RÉGIONAUX D’AMNESTY BRABANT WALLON Jean-Philippe CHENU chemin de la Terre Franche 13 1470 Genappe 010 61 37 73 – jpchenu@aibf.be BRUXELLES Tanguy PINXTEREN Rue de la Flèche 16 A, 1000 Bruxelles 02 513 77 10 – tpinxteren@aibf.be HAINAUT OCCIDENTAL Myriam DELLACHERIE rue Basse Couture 20, 7500 Tournai

12 Libertés ! Mars 2008

069 22 76 18 – mdellacherie@aibf.be HAINAUT ORIENTAL Nicole GROLET av. Elisabeth 6, 6001 Marcinelle 071 43 78 40 – ngrolet@aibf.be LIÈGE Jean-Pierre ANDRÉ Responsable de transition de la Régionale jpablegny@yahoo.fr – 04 387 51 07 Christine BIKA Responsable de la gestion de la permanence – C/O Bureau régional d’AI – rue Souverain Pont 11 – 4000 Liège – du lundi au vendredi de 13h30 à 17h30 04 223 05 15 – bureaudeliege@aibf.be LUXEMBOURG Daniel LIBIOULLE Avenue de la Toison d’Or 26 6900 Marche en Famenne 084 31 51 31 – dlibioulle@aibf.be NAMUR Romilly VAN GULCK Rue Vivier Anon 8, 5140 Sombreffe 071 88 92 51 rvangulck@aibf.be

CERCLE PETER BENENSON

BRUXELLES, LE MERCREDI 19 MARS À 18H30 OPPORTUNITÉ DE L’INGÉRENCE INTERNATIONALE LE CAS IRAKIEN Selon certains, la nécessité de secourir les populations en détresse imposerait à chacun un «devoir d’assistance à peuple en danger». La théorie de la souveraineté des États est ainsi battue en brèche par l’idée émergente du devoir d’ingérence humanitaire. La tentation de modifier les normes internationales en la matière est souvent suggérée. Quelle est la situation actuelle en la matière ? Quand la diplomatie échoue, qu’elles sont les possibilités d’action de la communauté internationale ? Analyse de la situation au travers de la guerre en Irak. Avec Éric David : professeur de droit ; ancien directeur et ensuite président du Centre de droit international de l’ULB. Il dirige le Master complémentaire en droit international depuis 1996. Et Baudouin LOOS : journaliste au quotidien Le Soir ; spécialiste des questions du Proche-Orient et du monde arabe. Il a entre autres couvert l’actualité de la guerre en Irak. Le débat sera suivi de L’heure Verticale, une pièce de théâtre de David Hare mise en scène par Adrian Brine. e Lieu : Le Rideau de Bruxelles – rue Ravenstein 23 – 1000 Bruxelles Entrée : 15 e (au lieu de 18 e membre AI et membre Cercle Peter Benenson) – 9 e ( moins de 26 ans et demandeurs d’emploi). Réservation souhaitée au 02 507 83 60.

En collaboration avec le Rideau de Bruxelles

BRUXELLES, LE MARDI 1ER AVRIL À 20H00 PAUVRETÉ ET VIOLATION DES DROITS HUMAINS, MÊME COMBAT ? Depuis quelques années, plusieurs institutions – dont l’UNESCO – s’interrogent sur la pauvreté comme violation des droits humains. De quoi permettre une nouvelle lecture des programmes de lutte contre la pauvreté. La pauvreté n’est ni une fatalité, ni une conséquence de l’incompétence des pauvres ou de la seule corruption des dirigeants des pays en voie de développement. Peut-on combattre la pauvreté comme on lutte contre la torture ? La pauvreté est-elle une violation flagrante des droits humains ? Avec Albert Jacquard - Scientifique et essayiste français. Albert Jacquard est généticien et a été membre du Comité consultatif national d’éthique. Il soutient le DAL (Droit au logement) et est membre du comité de parrainage de la Coordination française pour la Décennie de la culture de paix et de non-violence. Il est également un défenseur du concept de la «décroissance soutenable». e Lieu : Espace Senghor - chaussée de Wavre 366 - 1040 Bruxelles. Entrée : 5 e (adultes) - 2 e (étudiants et demandeurs d’emploi). Réservation souhaitée auprès d’Ingrid Plancqueel au 02 538 81 77 ou cerclebenenson@aibf.be

COORDINATION PEINE DE MORT AMNESTY RECRUTE UN(E) BÉNÉVOLE Vous souhaitez agir en faveur des droits humains de manière concrète et spécialisée ? Vous êtes concerné(e) par la problématique de la peine de mort et informé(e) sur cette question cruciale ? Vous communiquez de manière efficace oralement et par écrit ? Vous êtes prêt(e) à vous investir pour une durée minimale de deux ans ? Amnesty International Belgique Francophone (AIBF) recrute un(e) bénévole pour rejoindre la Coordination Peine de mort. Au sein d’un groupe de 4 personnes, elle sera chargé(e) de mettre en œuvre les actions d’AIBF sur cette thématique. Contact : Arnaud Collignon (02 538 81 77 et acollignon@aibf.be) e


IS AV ELIV ES . B E B O N N ES N O UV EL L ES Dans tous les pays du monde, des gens sont libérés grâce au travail des membres d’Amnesty. Des témoignages émouvants nous parviennent des prisonniers libérés ou de leur famille. Ils montrent qu’une action de masse peut avoir des résultats pour un meilleur respect des droits humains.

OUZBÉKISTAN UN DÉFENSEUR AMNISTIÉ Le défenseur des droits humains Saïdjakhon Zaïnabitdinov a été libéré le 4 février à la faveur d’une amnistie présidentielle. Il purgeait une peine de sept années d’emprisonnement, prononcée en janvier 2006 à l’issue d’un procès qui s’était déroulé dans le secret, pour diverses infractions, en particulier «diffamation» et «diffusion d’informations visant à engendrer la panique». Président d’Apelliatsia (Appel), un groupe indépendant de défense des droits fondamentaux, il avait été témoin, en tant qu’observateur, de manifestations qui avaient dégénéré à Andijan, dans l’est du pays, les 12 et 13 mai 2005. Des soldats avaient apparemment tiré sans discrimination sur la foule, blessant ou tuant de nombreuses personnes, des civils sans armes pour la plupart. D’après le gouvernement, 170 personnes ont été tuées, mais des sources officieuses, dont Apelliatsia, ont estimé le nombre de victimes à au moins 500. Les médias internationaux avaient relayé la version des événements donnée par Saïdjakhon Zaïnabitdinov, très différente de celle des autorités ouzbèkes. e

IRAK (KURDISTAN) JOURNALISTE LIBÉRÉ Le journaliste kurde Jooni Khoshaba a été remis en liberté le 22 février. Il avait été arrêté le 17 février par les Asayish (les forces de sécurité agissant pour le compte des autorités dans la région semi-autonome du Kurdistan irakien). Amnesty International craignait qu’il ne soit torturé. Jooni Khoshaba a en effet rédigé plusieurs articles pour des journaux publiés dans le Kurdistan irakien et dans lesquels il critiquait la politique du gouvernement régional kurde et du gouvernement central de Bagdad. Un grand merci à tous ceux qui ont envoyé des appels. e

NIGER RÉDACTEUR EN CHEF LIBÉRÉ Le 6 février 2008, Ibrahim Manzo Diallo, rédacteur en chef du bimensuel indépendant Aïr Infos, a été remis en liberté provisoire par la Cour d’appel de la ville de Zinder (dans l’est du Niger). Il était détenu depuis plus de quatre mois sans avoir été jugé, en raison de ses liens présumés avec la rébellion touareg. Il a déclaré : «Je dois surtout remercier sincèrement du fond du cœur Amnesty International qui s’est mobilisée pendant ma détention. Grâce à la pression internationale […], ils ont fini par me libérer. Un grand merci aux membres d’AI. Toute ma famille leur dit aussi merci.» e

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IRAN

EMPRISONNÉES POUR AVOIR DÉFENDU LES DROITS DES FEMMES L

es prisonnières d’opinion Ronak Safarzadeh et Hana Abdi sont toujours détenues à cause de leur activisme pacifique en faveur des droits des femmes en Iran et de leur implication dans la Campagne pour l’Égalité. Ronak Safarzadeh est détenue à Sanandaj depuis le 9 octobre 2007. La veille, elle avait participé à un meeting pour marquer la Journée internationale de l’Enfant et avait recueilli des signatures pour soutenir la Campagne pour l’Égalité. Elle peut recevoir la visite de sa famille mais n’a pas accès à un avocat. Selon la Campagne pour l’Égalité, le 30 octobre, la mère de Ronak Safarzadeh aurait été frappée par des policiers de faction au tribunal, alors qu’elle cherchait à savoir ce qui était arrivé à sa fille. L’étudiante Hana Abdi a quant à elle été arrêtée le 4 novembre 2007 au domicile de

Hana Abdi Ronak Safarzadeh © Campaign for Equality © Campaign for Equality

son grand-père à Sanandaj. Elle peut également recevoir la visite de sa famille mais elle n’a pas davantage accès à un avocat. Les deux femmes ont été arrêtées par des agents du ministère des Renseignements et de la Sécurité nationale. Leurs ordinateurs ont été saisis, ainsi que des brochures et des documents relatifs aux revendications de la Campagne pour l’Égalité. e

MODÈLE DE LETTRE Excellence, Ronak Safarzadeh et Hana Abdi, toutes deux actives dans la Campagne pour l’Égalité, une initiative pacifique pour les droits des femmes iraniennes, sont détenues à la prison de Sanandaj, respectivement depuis le 9 octobre 2007 et le 4 novembre 2007. Toutes deux peuvent recevoir la visite de leur famille mais elles n’ont pas droit à un avocat. En tant que membre/sympathisant(e) d’Amnesty International, je vous demande la libération immédiate et inconditionnelle de ces deux prisonnières d’opinion. J’insiste pour qu’une enquête soit menée sur les mauvais traitements subis par la mère de Ronak Safarzadeh alors qu’elle cherchait à savoir ce qu’était devenue sa fille. Les responsables doivent être traduits en justice. Dans l’espoir d’une issue favorable à mes requêtes, je vous prie d’agréer, Excellence, l’expression de ma considération distinguée. Signature : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Nom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Adresse : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

LETTRE À ADRESSER À : Son Excellence l’Ayatollah Mahmoud Hashemi Shahroudi, Howzeh Riyasat-e Qoveh, Qasaiyeh (Bureau du Ministre de la Justice), Pasteur Street, Vali Asr Ave., South of Serah-Jomhouri, Téhéran 1316814737, République islamique d’Iran

COPIE À ENVOYER À : Ambassade d’Iran, Avenue F.D. Roosevelt, 15, 1050 Bruxelles Fax : 02 762 39 15 – E-mail : secretariat@iranembassy.be

LES DÉFENSEURS DES DROITS DES IRANIENNES BRAVENT LA RÉPRESSION Amnesty International vient de lancer une action en faveur de 12 femmes iraniennes : Delaram Ali, Jelveh Javaheri, Maryam Hosseinkhah, Ronak Safarzadeh, Hana Abdi, Shahla Entesari, Parvin Ardalan, Noushin Ahmadi Khorassani, Amir Yaghoub Ali, Sussan Tahmasebi, Shadi Sadr et Mahboubeh Abbasgholizadeh.

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Libertés ! Mars 2008 13


IS AV ELIV ES . B E MEXIQUE

MODÈLE DE LETTRE

VIOL IMPUNI D

eux ans après avoir été violée par des policiers, Barbara Italia Mendez attend toujours qu’on lui rende justice. Le soir du 3 mai 2006, elle se rendait à San Salvador Atenco, dans l’État de Mexico pour apporter son soutien à la communauté à la suite de violences entre la police et des manifestants avec pour résultat la mort d’un enfant. Elle a cherché refuge dans une maison pour se protéger de la police qui avait investi le village pour réprimer la manifestation et libérer des policiers retenus par la population. Le jour suivant, elle a été arrêtée par la police sans explication. Les policiers l’ont battue, emmenée dans un fourgon et l’ont fait se

coucher sur d’autres détenus. Elle a été forcée de se déshabiller et a été violée avec différents objets par les policiers. En tout, ce sont 26 femmes qui affirment avoir subi des violences sexuelles après leur arrestation les 3 et 4 mai. Une fois emmenée à la prison de «Santiaguito», près de Toluca, dans l’État de Mexico, elle n’a pas subi d’examen médical sérieux. Privée d’un avocat de la défense, elle a refusé de signer une déposition l’accusant et a au contraire porté plainte pour viol et mauvais traitements. Mais un fonctionnaire lui a dit qu’elle ne pouvait rendre compte que de sa présence à San Salvador Atenco. Malgré le tollé, aucun policier n’a été poursuivi. e

Monsieur le Procureur Général, Deux ans après avoir été violée par des policiers, Barbara Italia Mendez attend toujours qu’on lui rende justice. Arrêtée sans explication le 4 mai 2006 en compagnie de 25 autres femmes, elle a été battue et violée dans le fourgon cellulaire qui l’emmenait à la prison de «Santiaguito», près de Toluca, dans l’État de Mexico. En l’absence d’examen médical approfondi, elle a refusé de signer une déposition et a au contraire porté plainte pour viol et mauvais traitements. Sans succès. En tant que membre/sympathisant(e) d’Amnesty International, je vous prie d’ouvrir sans délai une enquête indépendante sur le viol et mauvais traitements subis par Barbara Mendez et les 25 autres femmes et de leur fournir réparation complète. Je vous prie également de déférer à la justice les responsables de ces actes. Espérant que mon appel sera pris en compte, je vous prie d’agréer, Monsieur le Procureur Général, l’expression de ma considération distinguée. Signature : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Nom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Adresse : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

LETTRE À ADRESSER À : Lic. Guadalupe Morfin, Fiscal especial para la atencion de delitos relacionados con actos de violencia contre mujeres, Bureau du Procureur général de la République Rio Elba n° 17, Col. Cuauhtemoc, Del Cuauhtemoc Mexico DF. C.P; 06300 Mexique Fax : +52 55 53 46 09 40 – E-mail : atencionmujeres@pgr.gob.mx

COPIE À ENVOYER À : Ambassade du Mexique Avenue F.D. Roosevelt, 94 1050 Bruxelles Fax : 02 644 08 19 – E-mail : embamex@embamex.eu

COMMENT AGIR EFFICACEMENT ?

TARIFS POSTAUX

Les cas exposés concernent des victimes de violations des droits humains dont s’occupe Amnesty International. Chaque appel compte. Un texte (à écrire ou à photocopier) vous est proposé pour chaque cas. Dans l’intérêt des victimes, écrivez en termes mesurés et courtois aux adresses indiquées. Ces lignes sont lues partout dans le monde par les quelque 1800000 membres d'Amnesty International. Elles sont reproduites dans de nombreux pays par des dizaines de journaux et constituent la clé de voûte de l'action du mouvement.

Lettres (jusqu’à 50 grammes) Europe : 0,80 e (Prior) ou 0,70 e (Non Prior). Reste du monde : 0,90 e (Prior) ou 0,75 e (Non Prior) La surtaxe aérienne est incluse (étiquette requise).

ARABIE SAOUDITE

RISQUE DE TORTURE POUR UN BLOGUEUR D

étenu au secret à la prison de Dhahban (Djeddah) depuis le 10 décembre 2007, Fouad Ahmad al-Farhan risque de subir des tortures et des mauvais traitements. Sa femme et ses deux enfants ne peuvent lui rendre visite, il n’a pas accès à un avocat et il ne sait toujours pas sur quels motifs légaux se base sa détention. Fouad Ahmad al-Farhan, âgé de 32 ans, a été arrêté par des agents de la Sûreté dans les locaux de la

14 Libertés ! Mars 2008

société de technologies d’information dont il est le propriétaire. Avant son arrestation, il aurait été averti par un fonctionnaire du ministère de l’Intérieur qu’il risquait d’être interpellé. Le ministère a reconnu son arrestation le 31 décembre. Il y a lieu de penser que son arrestation est liée au blog dans lequel il critique – de façon pacifique – la politique du gouvernement, y compris les détentions sans inculpation ni jugement de prisonniers d’opinion. e

MODÈLE DE LETTRE Majesté, Fouad Ahmad al-Farhan est détenu au secret à la prison de Dhahban à Djeddah. Le ministère de l’Intérieur a reconnu son arrestation le 31 décembre mais les raisons exactes n’en ont pas été dévoilées. Il y a lieu de penser que cette arrestation serait due à l’existence d’un blog dans lequel Fouad critique – pacifiquement – la politique de l’État, y compris les détentions sans inculpation et sans jugement de prisonniers d’opinion. Il n’est pas rare que ceux qui critiquent le gouvernement saoudien soient emprisonnés indéfiniment, détenus au secret, voire torturés et maltraités. C’est pourquoi, en tant que membre/sympathisant(e) d’Amnesty International, j’appelle les autorités à prendre des mesures pour que Fouad Ahmad al-Farhan ne soit pas soumis à la torture et autres mauvais traitements et pour qu’il puisse avoir accès à sa famille, à des avocats de son choix et à des soins médicaux. Je vous demande en outre sa libération immédiate et inconditionnelle s’il s’avère qu’il est détenu pour l’unique raison d’avoir exprimé pacifiquement ses opinions ou qu’il soit jugé équitablement et sans délai pour une infraction reconnue. Espérant que vous ferez droit à mes requêtes, je vous prie de croire, Majesté, à l’assurance de ma haute considération. Signature : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Nom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Adresse : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

LETTRE À ADRESSER À : Sa Majesté le Roi Abdullah Bin Abdul Aziz Al-Saud, Gardien des deux saintes Mosquées, Bureau de sa majesté, Royal Court, Riyad, Royaume d’Arabie saoudite

COPIE À ENVOYER À : Ambassade d’Arabie saoudite, Avenue F.D. Roosevelt, 45, 1050 Bruxelles Fax : 02 647 24 92 – E-mail : beemb@mofa.gov.sa


C U LT U R E AGENDA THÉÂTRE

C’EST DANS LE POCHE BEAUTIFUL THING Beautiful Thing (Une si jolie chose) est un hymne à l’amour… Dans la banlieue ouvrière du Sud-Est de Londres, en cet été caniculaire, trois adolescents se morfondent. Jamie, chahuté par ses camarades de classe, peu enclin à la compétition, sèche les cours. Steve se fait tabasser par son père alcoolique. Leah, renvoyée du lycée, plane dans le monde musical de Mama Cass. Les deux garçons se confient l’un à l’autre et leur amitié se transforme en sentiment amoureux. Jeune auteur gay militant originaire de Liverpool, Jonathan Harvey a reçu de nombreux prix pour ses textes de théâtre. Il a travaillé sur plusieurs séries télévisées et sur la fameuse comédie musicale Closer to Heaven avec les Pet Shop Boys. Beautiful Thing a connu une carrière théâtrale mondiale avant d’être adapté au cinéma. Il s’agit d’un des premiers films à montrer une histoire amoureuse entre deux adolescents du même sexe. Avec Toni D’Antonio (Toni), Gauthier de Fauconval (Jamie), Elsa Poisot (Leah), Terence Rion (Steve) et Pascale Vyvère (Sandra) e Au Théâtre de Poche, Bois de la Cambre, Chemin du Gymnase 1a, 1000 Bruxelles, du 26 février au 29 mars 2008 à 20h30. Réservations : 02 649 17 27 – reservation@poche.be

KIDS Un jeune en tue un autre... pour un MP3, pour une cigarette, pour un territoire... Cela se passe à Bruxelles, Ostende ou Binche... Un jeune tire sur 3 personnes par conviction raciste à Anvers... Un jeune agresse un directeur d’école, un jeune tire sur son professeur. La Belgique découvre l’horreur d’une violence gratuite et absurde. Elle cherche à l’expliquer, à lui donner des raisons sociales, éducatives ou économiques... Des jeunes manifestent pour plus de sécurité. Des psys expliquent, les politiques votent des lois, les parents se lamentent. On parle de stage parental, de plus de policiers, de plus de caméras en rue, de mesures contre le racket et le steaming chez les jeunes, de décrochage scolaire, de nouvelles lois sur la protection de la jeunesse, de la répression, des incivilités, du renforcement des pouvoirs... Le passage à l’acte de ces jeunes nous choque parce que nous ne le comprenons pas. Est-ce le début de l’apocalypse ? A l’instar d’Elephant de Gus van Sant, Kids refuse l’explication sommaire ou la posture morale, mais s’ancre dans une forme d’appréhension particulière des événements : une approche plus sensorielle que sociologique, plus poétique qu’explicative: un cocktail explosif de paroles, de musique, de danse et de vidéo. Mise en scène : Pietro Varrasso ; avec : Fabrice Adde, Simon Drahonnet, Jérémy Gendrot, Anabel Lopez & Séverine Porzio e Au Théâtre de Poche, Bois de la Cambre, Chemin du Gymnase 1a, 1000 Bruxelles, du 15 avril au 10 mai 2008 à 20h30. Réservations : 02 649 17 27 – reservation@poche.be

QUESTIONS DE GENRE

F

ragile et brutale, l’adolescence est un âge en quête de certitudes. Pour Alex, dont le corps combine les caractères sexuels féminins et masculins, ces certitudes ne sont qu’un mirage. Première réalisation d’une jeune cinéaste argentine, XXY explore avec une sensualité âpre le trouble de l’intersexualité. Évitant le regard voyeuriste et démonstratif, le film cueille au plus près les émois de deux adolescents qui se rencontrent et se découvrent dans une maison au bord de l’océan. Alex et Alvaro tentent de comprendre et maîtriser leurs désirs, mais ne peuvent éviter l’incompréhension et le rejet des garçons du village. La société ne sait que faire d’un sexe indifférencié qui ne choisit pas son camp. Par les médicaments ou la chirurgie, elle veut la «normalisation» d’un corps jugé anormal. Tiraillés par le doute, les parents hésitent à imposer à leur enfant une opération irréversible. N’est-ce pas à Alex de faire le choix de son identité sexuelle quand elle sera prête ? Frémissante, contemplative et parfois brutale, la mise en scène est renforcée par un excellent casting d’où émerge la jeune Inès Efron, incarnant une Alex butée et rebelle. La nature omniprésente est un personnage à part entière. Le souffle de l’océan Pacifique fait écho aux troubles qui bouleversent les corps et les chairs blessées des tortues s’échouent comme un sourd avertissement. e Gilles Bechet XXY de Lucia Puenzo, Grand Prix de la semaine de la critique, Cannes 2007, sortie en salle le 19 mars.

10 X 2 places sont offertes aux membres d’Amnesty et lecteurs de Libertés! Ces places sont valables dans tous les cinémas de Wallonie et de Bruxelles projetant XXY, sur simple présentation d’un carton d’invitation. Pour obtenir ce dernier, il suffit d’envoyer un courriel à libertes@aibf.be avec la mention «Places XXY».

LE PETIT COIN DE SES RÊVES

M

elo, petite ville d’Uruguay proche de la frontière brésilienne, a reçu en 1988 la visite du pape JeanPaul II. L’annonce de l’arrivée probable de milliers de fidèles brésiliens apparaît comme une aubaine aux habitants qui voient dans cette foule assoiffée et affamée une source inattendue de revenus. À partir de cette anecdote, un duo de réalisateurs sud-américains a écrit une comédie sociale sur la dynamique de l’espoir. Beto, contrebandier par obligation plus que par vocation, pédale à travers broussailles pour ramener des marchandises du Brésil en jouant à cache-cache avec les douaniers. C’est une petite affaire qui roule où les rapports de pouvoir sont bien installés. Mais tout ça va changer, puisqu’il va construire des toilettes pour les pèlerins. Convaincu de tenir une idée en or, il met sa femme et sa fille à contribution. Et rien ne l’arrête. En plaçant les personnages au centre de leur récit, Fernàndez et Charlone signent un film goguenard qui rappelle l’humanisme et l’engagement d’un Ken Loach latino. Loser sympathique, Beto cultive l’art de la débrouille comme d’autres leur jardin. Comme beaucoup de sans-grade, il rêve de décrocher la timbale, pour gagner la reconnaissance et prouver aux siens qu’il sait se servir de sa tête. En se lançant dans cette folle entreprise, Beto conquiert d’abord un peu de liberté. Celle qui fait que demain peut être différent d’aujourd’hui. e G.B. El Baño del Papa d’Enrique Fernàndez & Cesar Charlone, sortie en salle le 12 mars.

SANS AUTOCENSURE

L

e témoignage à vif d’une exilée de retour dans son pays après 30 ans peut-il être objectif ? Fariba Hachtroudi se pose la question au seuil de son récent livre. À mon retour d’Iran se lit comme un récit de voyage, mais très personnel. Fariba Hachtroudi réside en France depuis les années 70. Archéologue et opposante au régime clérical, elle est aussi écrivaine, journaliste (elle a couvert la guerre Iran-Irak pour des journaux européens et américains). En 1991, elle est frappée d’une fatwa de mort, car «ennemie de Dieu». En 2006, cependant, elle obtient de se rendre en Iran à l’occasion du centenaire de la naissance de son père, un mathématicien reconnu et fondateur d’établissements scolaires. Racontant son périple, elle pose un regard critique et franc sur une société tiraillée entre obscurantisme et modernité. Elle nous fait vivre quelques journées à Téhéran, où l’accompagne parfois un comité d’accueil qu’elle nomme avec humour Monsieur Bon Séjour et Monsieur Droits de l’Homme. Elle visite le Centre éducatif Mohsen-Hachtroudi, l’une des fondations de son père, où la mémoire de cet homme tolérant est toujours vivace parmi les étudiants. Tout à coup positive, elle admire le dynamisme de la jeunesse éduquée, et en particulier le combat des femmes. Elle s’interroge, cependant : «Que valent des libertés tolérées tant que reste suspendue l’épée de la charia ?» Le vrai espoir de l’Iran, c’est sa jeunesse. e Suzanne Welles À mon retour d’Iran de Fariba Hachtroudi - Seuil - 233 p. - 18 e

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