Libertés! - Juin 2008

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Ne paraît pas aux mois de juillet-août. 9, rue Berckmans 1060 Bruxelles

JUIN 2008 – N°445 – LE MENSUEL D’AMNESTY INTERNATIONAL

JO 2008

OMBRES CHINOISES

NÉPAL L’HEURE DES MAOS

MANIF 26 JUIN LA TORTURE, C’EST LA TERREUR

DÉPOT À BRUXELLES X

Libertes!

BELGIQUEBELGIE PP 1/2345 BXL X


É D ITO R I A L

PROMESSES SANS LENDEMAIN E

n ce 60e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’Homme (DUDH), les dirigeants mondiaux feraient bien de présenter des excuses pour six décennies de manquements et de s’engager à agir en faveur d’améliorations concrètes. En 1948, les Nations unies avaient témoigné d’une volonté politique extraordinaire en adoptant la DUDH. Aujourd’hui, cette promesse ne représente qu’un chiffon de papier pour des millions de gens. Le Rapport 2008 d’Amnesty International dresse un tableau effrayant de l’état des droits humains dans 150 pays. Dans les pays en proie à des conflits de longue durée, les forces gouvernementales ainsi que les groupes armés considèrent les civils comme des cibles légitimes. La violence contre les femmes sévit dans toutes les régions du monde. De plus en plus, l’interdiction absolue de la torture et d’autres formes de mauvais traitements est bafouée. Des centaines de milliers de réfugiés, de migrants et de demandeurs d’asile ne bénéficient d’aucune protection. La planète connaît une prospérité sans précédent, mais des millions de personnes vivent dans le dénuement, tandis que les grandes entreprises multinationales ne tiennent pas compte des conséquences de leur gestion en termes de droits humains. Ce triste tableau doit être complété par les points névralgiques que constituent le Darfour, le Zimbabwe, Gaza et le Myanmar.

Les gouvernements occidentaux ont perdu leur autorité morale parce qu’ils n’ont pas su mettre en pratique les principes qu’ils demandaient aux autres pays de respecter. Le gouvernement américain a foulé aux pieds les droits humains les plus fondamentaux au nom de la «guerre contre le terrorisme». Des centaines de prisonniers à Guantánamo et à Bagram, et des milliers d’autres en Irak, sont toujours détenus sans inculpation ni jugement, tandis que plusieurs États membres de l’Union européenne continuent de prêter main-forte à la CIA pour enlever, détenir secrètement et transférer illégalement des personnes vers des pays où elles sont maltraitées, voire torturées. Au Darfour comme au Myanmar, malgré l’indignation internationale et une vaste mobilisation publique, les pays occidentaux n’ont pas joué un rôle décisif. Ils se sont tournés vers la Chine, premier partenaire commercial du Soudan et deuxième du Myanmar. Sous les pressions, la Chine a certes changé de position sur le Darfour au Conseil de sécurité de l’ONU et elle est intervenue auprès de la junte du Myanmar en vue de l’ouverture d’un dialogue avec les Nations unies. Mais la Chine estime que les droits humains relèvent de la politique intérieure de chaque État souverain. Cette position est d’ailleurs conforme à ses intérêts politiques et commerciaux. Il existe à l’échelle mondiale un mouvement d’hommes et de femmes qui se dressent pour défendre leurs droits et exiger que les États rendent compte de leurs actes. Parmi les images frappantes de 2007, on retiendra les manifestations des moines au Myanmar, des avocats au Pakistan ou des militantes en Iran. La Déclaration universelle des droits de l’homme constitue un guide pour l’action aussi pertinent aujourd’hui qu’en 1948. e Irene Khan, secrétaire générale d’Amnesty International.

Ce numéro est dédié à Janek Kuczkiewicz, directeur du Comité des droits humains et syndicaux de la Confédération syndicale internationale (CSI), décédé à Bruxelles le 7 avril dernier. Nos pensées vont à toute sa famille et à sa compagne, Françoise. Libertés ! • Rue Berckmans, 9 – 1060 Bruxelles • Tél : 02 538 81 77 Fax : 02 537 37 29 • libertes@aibf.be • www.libertes.be • Éditrice responsable : Christine Bika • Rédacteur en chef: Pascal Fenaux • Comité de rédaction: Bruno Brioni, Thandiwe Cattier, Valérie Denis, Véronique Druant, Samuel Grumiau, Anne Lowyck, Brian May, Suzanne Welles • Ont collaboré à ce numéro : Gilles Bechet, Dominique De Mees, Françoise Guillitte et Marcella Segre • Iconographie: Brian May • Maquette: RIF • Mise en page: Gherthrude Schiffon • Impression : Remy Roto • Couverture: Devant le Monument du Millenium, des étudiants chinois fêtent l’attribution des JO 2008 à la ville de Pékin par le Comité international olympique. Pékin, 13 juillet 2001. © AP/Greg Baker

CHANGEMENT D’ADRESSE – ATTESTATION FISCALE – MODIFICATION, ANNULATION OU NOUVELLE COTISATION DE MEMBRE/DONATEUR(TRICE) Madame Michele Ligot : mligot@aibf.be je change d’adresse (inscrire uniquement la nouvelle adresse) Nom: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Prénom: . . . . . . . . . . N° de membre: . . . . . . . Adresse: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . N° . . . . . bte . . . . . . . . . . Code postal: . . . . . Localité: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Tél (obligatoire): . . . . . . . . . . . . . . . E-mail: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Oui, j'adhère aux objectifs d'Amnesty et souhaite devenir membre Je répartis le montant de : ma cotisation de mon abonnement sur toute l’année en complétant ce coupon et en le renvoyant à Amnesty International, 9 rue Berckmans à 1060 Bruxelles. Tout montant qui dépassera 14,87 e (prix de la cotisation ou de l'abonnement), sera considéré comme un «don», et par là-même jouira de la déductibilité fiscale pour autant que ce supplément soit de 30 e ou plus. Je verse tous les mois, au départ de mon compte n° . . . . . . . . . . – . . . . . . . . . . . . . . la somme de : 2,5 e 5e . . . . . . . . e (toute autre somme de mon choix) au profit du compte 001-2000070-06 de Amnesty International à partir du . . . . . . . . . . et jusqu’à nouvel ordre. Je conserve le droit d’annuler ou de modifier cet ordre à tout moment. ou je verse en une fois le mandat de . . . . . . . . . . . . . . au compte 001-2000070-06 Nom: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Prénom: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Date de naissance: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Adresse: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . N° . . . . . . . . bte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Code postal: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Localité: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Tél (obligatoire): . . . . . . . . . . . . . . . . E-mail: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Profession: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Date: . . . . . . . . Signature:

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SOMMAIRE ACTUEL

■ Avec les maoïstes, le Népal au Népalais ? ■ Paroles : «Les gens venaient manifester avec

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leurs outils et leurs animaux» ■ Insolites-Brèves

DOSSIER OMBRES CHINOISES ■ La peur et l’inconnu ■ Le révélateur tibétain ■ Suicide écologique ■ Livres noirs pour capitalisme rouge

MOUVEMENT

■ ■ ■ ■

1 500 personnes devant l’ambassade de Chine Vos papiers ! La torture, c’est la terreur Salut Jeff !

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ISAVELIVES.BE

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CULTURE/AGENDA

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■ Lettres – Spécial Chine ■ Bonnes nouvelles

■ Comment soigner ses blessures ■ Enfants du mensonge ■ Au loup ! Au loup !


ACTU EL AFRIQUE DU SUD VIOLENCES XÉNOPHOBES Près de 20 000 immigrés ont fui leurs maisons de Johannesburg après des attaques xénophobes qui ont gagné les quartiers pauvres de la ville, faisant des dizaines de morts depuis le 11 mai. Munies de machettes, d’armes à feu et de torches, des bandes de Sud-Africains ont écumé les townships et les quartiers défavorisés de Johannesburg, la capitale économique d’Afrique du Sud. Les migrants, essentiellement originaires du Zimbabwe, sont accusés de prendre des emplois dans un pays où le chômage avoisine les 40 %, et d’être responsables de la criminalité, l’une des plus élevées du monde avec une cinquantaine de meurtres par jour. e

CORÉE DU SUD EXPULSION DE SYNDICALISTES Le 15 mai dernier, le Népalais Torna Limbu et le Bangladais Abdus Sabur étaient expulsés de Corée du Sud, malgré l’enquête en cours menée par la Commission nationale des Droits humains (NHRC) sur les violences qu’auraient subies les deux hommes lors de leur arrestation. Ils étaient respectivement président et vice-président du Syndicat des Travailleurs migrants (MTU) de SéoulGyeonggi-Incheon. Il s’agit d’une tentative de décourager les migrants d’exercer leurs droits syndicaux, des droits protégés par la Constitution. La liberté d’association est garantie par le Pacte international relatif aux Droits civils et politiques (PIDCP, article 22) auquel la Corée du Sud est État partie. e

MYANMAR (BIRMANIE) APRÈS EUX, LE CYCLONE Après le passage du cyclone Nargis sur le Myanmar (Birmanie) le 2 mai dernier, qui a provoqué la mort de plusieurs dizaines de milliers de personnes et le déplacement de près d’un million d’autres, les tracasseries administratives imposées par la junte birmane ont empêché l’acheminement de l’aide internationale et ont d’ores et déjà coûté la vie à d’innombrables victimes, tandis que les gros donateurs retardent leur aide de crainte que celle-ci ne soit détournée par l’armée. Le passé de corruption et de comportement abusif du gouvernement du Myanmar fait naître la crainte de déplacements forcés sous couvert de distribution des secours à la population, en vue d’étouffer ou d’affaiblir le soutien aux groupes d’opposition. e

INDE ATTENTATS Le 13 mai 2008, des attentats en chaîne ont frappé Jaipur, la capitale de l’État du Rajasthan, dans le nord-ouest de l’Inde, faisant 63 morts et plus de 200 blessés. Sans précédent, ces attaques ont visé des sites touristiques fortement fréquentés, dont le fameux Hawa Mahal («Palais des Vents»). Si un mouvement islamiste bangladeshi, le Harkatul-Jihad-al-Islami («Mouvement du Djihad mondial») a officiellement revendiqué l’attaque, les autorités indiennes continuent à avoir des doutes sur l’identité réelle des responsables. Amnesty a condamné les attentats, demandé une instruction et rappelé son opposition à la torture et à la peine de mort. e

D’anciens guérilleros maoïstes font la file devant un bureau de vote à 90 km au nord de Katmandou. Shaktikhor, 10 avril 2008. © AFP/Sajjad HUSSAIN

AVEC LES MAOÏSTES, LE NÉPAL AUX NÉPALAIS ? Contrairement à toutes les prévisions, les maoïstes ont obtenu la majorité des voix à l’issue des premières élections démocratiques au Népal, faisant de leur chef Prachanda le nouveau dirigeant du pays. Et, ce 28 mai, l’Assemblée constituante a déposé le roi Gyanendra Bir Bikram Shah Dev et aboli la monarchie. Reportage.

A

u cours des dix dernières années, la situation politique népalaise a connu de nombreux bouleversements ; Prachanda («Le Redoutable», surnom de Pushpa Kamal Dahal) et ses camarades sont passés de la jungle aux plus beaux palais de la capitale et le sort du roi, autrefois détenteur d’un pouvoir qui semblait inébranlable, dépend aujourd’hui de la bonne grâce des anciens rebelles. La campagne électorale fut caractérisée par une violence généralisée. Après plus de dix ans de «guerre du peuple», autrement considérée comme une véritable guerre civile, les négociations difficiles entre les parties en conflit n’ont pas mis fin aux excès de violence. Pendant toute la période préélectorale, les factions les plus extrémistes des maoïstes, notamment représentées par la Ligue de la Jeunesse Communiste (YCL), ont empêché les candidats des autres partis de mener campagne et ont organisé des attaques brutales contre l’opposition. L’armée royaliste, envoyée pour apaiser les tensions, a causé la mort de plusieurs personnes la veille-même des élections. Les autres partis importants comme le Parti du Congrès népalais et l’UML (Parti communiste) ont tenté le tout pour le tout avec des alliances risquées et des remaniements de poste. Une attitude qu’un Népalais déçu a décrite ainsi : «Ces hommes politiques volent autour du pouvoir comme des vautours. Ils ne sont pas aptes à gouverner, même s’ils se considèrent plus démocratiques que les maoïstes.» Malgré les violences, l’énergie des militants de la «cause du peuple» l’a emporté sur les promesses de démocratie des vieux partis «historiques». Au Népal, la

plupart des électeurs a moins de trente ans et les plus jeunes ont largement soutenu la montée au pouvoir des maoïstes, qui s’opposent aux inégalités du système de castes et sont en faveur d’une participation accrue de la population dans le processus de démocratisation du pays. La «guerre du peuple» menée par les maoïstes a été considérée comme une guerre de libération de l’oppression, un simple programme de réformes n’étant pas suffisant pour palier plusieurs siècles d’asservissement. Après l’échec de la parenthèse démocratique des années 1990, la population ne faisait plus confiance aux partis traditionnels et l’idée d’une lutte violente a fait école. Le militantisme intensif des maoïstes a convaincu la population que leur mouvement incarnait la seule solution pour sortir de l’impasse et parvenir à un système démocratique avec des réformes économiques et sociales promises depuis longtemps. Toutefois, avant les élections, peu de Népalais auraient parié sur la victoire des anciens rebelles. Les nombreux épisodes de violence semblaient avoir porté un coup à la crédibilité des maoïstes et leur avaient fait perdre du terrain, même dans les régions historiquement acquises à leur cause. «Les gens ne sont pas stupides, ils ne vont plus accepter de tels abus», commentait ainsi un militant de l’association Civic Solidarity for Peace quelques semaines avant les élections. «Au fil des années, les Népalais ont acquis une conscience politique ; c’est un pays où ce sont les dirigeants politiques qui doivent suivre ce que veulent les gens. Et aujourd’hui les gens veulent avant tout la paix.»

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ACTU EL Contre toute attente, le déchaînement de violence pendant la campagne électorale n’a pas endigué la vague maoïste. De même, les affrontements sanglants dans le Teraï n’ont même pas davantage freiné la course des rebelles de Prachanda vers le pouvoir. Aujourd’hui, les membres de la société civile craignent que le lien indispensable entre démocratie et respect des droits humains ne soit loin d’être garanti. Indépendamment des spéculations des experts, le Népal a fait son choix et la «communauté internationale» doit à présent dialoguer avec un groupe inscrit sur sa liste noire des organisations «terroristes». Néanmoins, depuis leur victoire aux élections, les maoïstes semblent avoir adopté un ton modéré. Tout en restant fermes sur leurs positions hostiles à la monarchie et en faveur de l’égalité sociale, les maoïstes ont déclaré être prêts à coopérer avec la communauté internationale dans l’intérêt du Népal et Prachanda a même rencontré la représentante des États-Unis au Népal, Nancy Powell. Le nouveau parti au pouvoir devra faire preuve de fermeté pour que les factions les plus extrémistes ne pèsent négativement sur le processus démocratique. De même, le gouvernement de Prachanda devra manœuvrer pour panser les plaies du conflit et

agir selon les besoins de la population et non des directives de l’aide internationale. Comme un représentant éminent de la société civile népalaise le souligne, s’il est vrai que le soutien de la communauté internationale permet d’entraîner des changements socioculturels et économiques, les aides internationales sont trop souvent utilisées comme monnaies d’échange et mettent en péril la souveraineté du peuple et la légitimité de son vote. De même, de retour d’un voyage au Népal en tant qu’observateur électoral, Jimmy Carter a souligné le danger d’une tendance qui consiste à criminaliser les groupes extrémistes même lorsqu’ils sont soutenus par un vote démocratique. Pour l’ancien président des États-Unis, l’important est d’abord d’évaluer objectivement les performances du nouveau gouvernement, par-delà les divergences de vues. Le Népal est un pays stratégiquement fondamental à la fois pour l’Asie et pour l’Occident. Sa population s’enorgueillit de sa diversité ethnique et religieuse. Il appartient désormais aux maoïstes de protéger cet important héritage culturel et de faire en sorte que les Népalais soient en définitive maîtres de leur destin et n’aient plus à vivre dans la crainte de nouvelles violences. e Marcella Segre

L’INSOLITE FOU SABLIER Gourbangouly Berdymoukhammedov, président du Turkménistan, a décidé de rechanger de calendrier. Les mois récupéreront les noms qu’ils portaient avant le règne de son prédécesseur, Saparmourat Niazov, décédé en décembre 2006. En 2002, l’excentrique et autoritaire président à vie avait imposé les appellations suivantes. Janvier : turkmenbachi («père de tous les Turkmènes», surnom de Niazov) ; février : baïdak («mois du drapeau national») ; mars : navrouz («nouvelle année») ; avril : gourbansoltan edgé (en l’honneur de la mère de Niazov) ; mai : makhtoumkouli (en l’honneur du grand poète turc Makhtoumkouli) ; juin : ogouz (en l’honneur du personnage historique Ogouz Khan, le fondateur du pays) ; juillet : garkout aty (héros épique turkmène) ; août : alparslan (chef militaire turkmène) ; septembre : roukhnama («Spiritualité» – titre de l’ouvrage de Niazov que toute la nation devait apprendre par cœur) ; octobre : barachsyslyk («mois de l’indépendance») ; novembre : soljar (du nom d’un personnage historique turkmène) ; décembre : bitaraplyk («mois de la neutralité», qui était le concept de politique extérieure de Niazov). e (D’après Courrier International)

PAROLES 4 QUESTIONS À… MATHURA P. SHRESTHA

«LES GENS VENAIENT MANIFESTER AVEC LEURS OUTILS ET LEURS ANIMAUX» Mathura P. Shrestha, médecin retraité, est l’ancien président du Forum pour la Défense des Droits de l’Homme au Népal. Il fut également ministre de la Santé dans le gouvernement intérimaire de 1991. Rencontre.

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uelles sont les différences entre le combat populaire en faveur de la démocratie des années 1990 et les évolutions actuelles ? La différence réside dans l’expérience des gens. Lors de la révolution démocratique de 1990, la population n’excluait pas la possibilité d’une monarchie constitutionnelle. Aujourd’hui, cela serait impossible. Les gens ne tolèrent plus l’idée de monarchie, sous

l

Des Népalais écoutent à la radio les résultats du scrutin historique du 10 avril. Chandraguri, 11 avril 2008. © AFP/Diptendu DUTTA

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quelque type que ce soit. Ce qu’ils veulent, c’est une république. À l’époque, les gens souhaitaient des institutions démocratiques, le respect et la reconnaissance des droits humains, l’amélioration des conditions économiques et sociales, l’accès à l’éducation et aux soins médicaux... Aujourd’hui, la population exprime certes les mêmes revendications, mais une prise de conscience s’est opérée et les Népalais sont plus déterminés qu’auparavant à obtenir ce qu’ils veulent.

Les violences observées pendant la campagne électorale n’auraient-elles pas pu miner la crédibilité des élections ? A cause des excès de la Ligue de la Jeunesse communiste (YCL), les maoïstes ont perdu beaucoup de crédibilité. Toutefois, il faut admettre que les maoïstes ont joué un rôle fondamental dans le réveil des consciences. Les Népalais avaient déjà une conscience politique, mais les maoïstes y ont accordé plus de valeur en se montrant manifestement à l’écoute des demandes de la population. Certes, j’ai été membre du Parti communiste. Cependant, avant d’être communiste, je suis un membre actif de la société civile et je ne peux pas admettre que l’on recoure à la violence pour atteindre des objectifs politiques.

Cette prise de conscience signifie-t-elle une participation accrue de la population ? En 1990 aussi bien qu’en 2006, la participation de la population a été massive, mais je dirais qu’en 2006, la participation a été vingt fois supérieure. Dans les années 1990, le mouvement ne concernait que la capitale et les villes principales du pays. Cette fois, presque tous les villages du pays se sont soulevés. À cause de mon rôle actif dans la société civile, j’ai été incarcéré ; je me rappelle que, de la fenêtre de ma cellule, je pouvais voir la foule manifester dans les rues. C’était extraordinaire, les gens venaient manifester avec leurs outils et leurs animaux. Il y avait des gens de toutes les cultures et de toutes les régions du Népal, et beaucoup de jeunes. En fait les jeunes sont les acteurs principaux de la deuxième lutte populaire.

Quel sera votre rôle dans la nouvelle période qui se profile ? Dans le cadre de mon travail de médecin et de militant, j’ai visité les régions les plus isolées du Népal. Je suis convaincu de l’importance de la participation de la population dans le processus de prise de décision. La population a toujours soutenu le processus démocratique, mais il y a eu trop de violations commises par des partis soi-disant «démocratiques». Cependant, le rôle de cette société civile n’est pas de diriger un mouvement politique, mais plutôt de veiller à ce que les partis politiques respectent leurs engagements politiques et sociaux, se comportent correctement et soutiennent le peuple dans sa lutte pour l’émancipation démocratique. e Propos recueillis par M.S.


DOSSIER

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OMBRES CHINOISES Du 8 au 24 août, la Chine accueille les XXIXe Jeux Olympiques. En 2001, cette sélection avait fait grincer les dents à de nombreux observateurs, tandis que les ONG s’étaient vues demander par le CIO de prendre au mot la promesse chinoise que l’organisation des JO «contribuerait au renforcement des droits humains». Or, si besoin était, les manifestations violentes déclenchées en mars par les autochtones tibétains de la Région autonome du Xizang («Tibet occidental») et des territoires voisins ont fait craquer le vernis d’une normalisation induite par le développement économique. À leur corps défendant, les manifestants tibétains ont rappelé que c’est partout en Chine que les citoyens sont empêchés de revendiquer leurs droits politiques, économiques, sociaux et culturels. Les ONG de défense des droits humains ont tenté de mettre à profit la «vitrine» offerte par les JO 2008 pour dénoncer cette situation. Les campagnes internationales risquaient-elles, comme d’aucuns le craignaient, de braquer les autorités en les poussant à la surenchère patriotique ? À voir avec quelle transparence Pékin a réagi au terrible séisme qui a fait 62000 morts et 24000 disparus, et à quelle vitesse le pays s’est ouvert à l’aide internationale, il semblerait plutôt que les autorités chinoises aient voulu faire baisser la tension, démontrant ainsi qu’elles n’étaient pas totalement insensibles aux pressions. Il reste à espérer que cette ouverture ne s’éteindra pas avec la flamme olympique.

Des délégués paysans présentant la pétition qu’ils ont remise aux autorités locales de Lining, pour protester contre l’expropriation dont ils ont fait l’objet sans qu’il leur soit versé la moindre compensation. Lining, septembre 2003. © Dubin

LA PEUR ET L’INCONNU La Chine contemporaine est l’héritière de longues décennies de violences et d’un mode de gouvernement fondé sur la peur, l’arbitraire et l’inconnu. À quelques semaines des Jeux Olympiques, nous avons rencontré Marie Holzman, sinologue, écrivaine, traductrice, conférencière sur la Chine contemporaine et porte-parole du Collectif Pékin JO 2008. L’occasion de prendre le pouls de la société chinoise et de ses aspirations. L’occasion également de s’interroger sur l’impact des pressions internationales sur les dirigeants chinois (1).

P

eut-on espérer voir dans le futur un régime démocratique et un respect des droits humains en Chine ? Ce rêve est-il partagé par les Chinois ? Les Chinois rêvent de quelque chose qui ne porte peut-être pas le nom de «démocratie» mais qui y ressemble. Il est important d’essayer de sortir de notre univers mental pour, sinon s’approcher du leur, du moins accepter qu’ils aient d’autres choix. L’évolution de tous les pays montre que chacun poursuit son parcours avec ses difficultés, ses propres questions à régler. Ce genre de distinction s’observe déjà entre la France et la Belgique. La Chine a donc un parcours très original, avec ses difficultés spécifiques. Cela dit, si Chinois et Occidentaux sont différents, on s’accorde totalement sur un constat : le seul outil contre toutes les dérives (par exemple la corruption), c’est la liberté de la presse et la liberté d’expression. Une fois que

les Chinois auront conquis ces libertés, savoir quel genre de système ils voudront construire sera leur problème, pas le nôtre. Les jeunes Chinois sont-ils davantage motivés par le développement économique que par les droits humains ? Imaginons que je sois une grand-mère chinoise. Je ne pense plus à moi, je ne pense qu’à l’avenir de mes enfants et de mes petits-enfants. Et je vais leur dire ceci : «J’ai connu tant de difficultés, notre pays a été traversé par tant de convulsions, d’horreurs. Quand j’étais petite, je n’avais pas de chaussures, de chocolat, et vous, vous vivez dans une Chine qui se modernise, vous pouvez avoir des cours de piano, quelle chance vous avez. Tout cela, nous le devons au Parti communiste chinois». Même si je ne le pense pas sincèrement, je leur tiendrai ce discours car je

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DOSSIER veux tout faire pour les protéger. J’ai eu une longue vie, j’ai vu toutes les catastrophes induites par la politique, j’ai vu mon frère, mon oncle, mon grand-père fusillés, torturés, et tout ce que je souhaite à mes petitsenfants, c’est qu’ils puissent mener une vie paisible avec leur famille. En Occident, on sous-estime gravement l’impact des événements de la place Tienanmen en 1989. L’année 1989 reste un immense traumatisme pour les Chinois car les chars ont tiré sur l’élite de la Chine : de jeunes étudiants, de jeunes idéalistes, de jeunes ouvriers qui voulaient améliorer la situation. Les Chinois ont vu ce que l’on faisait de cette élite idéaliste, laquelle ne demandait même pas le renversement du Parti communiste chinois, mais seulement des réformes inventives, qui étaient censées améliorer le système et développer la Chine. Cela, personne ne l’oubliera jamais.

Chaque année, des milliers de grèves sont organisées en Chine. Portent-elles sur des revendications qui sont uniquement liées aux salaires ou peuvent-elles mener à des réflexions politiques ? Il ne faut pas employer l’expression «organiser une grève». Tout simplement parce que ces grèves ne sont jamais organisées, mais sont le résultat de poussées de colère. Si elles étaient organisées, on saurait qui les a lancées et les meneurs seraient mis en prison. Les mouvements de mécontentement explosent en réaction à des situations, chacune particulière, ce qui explique pourquoi ils ne se politisent presque jamais. Il y a par exemple des usines qui sont plus ou moins en faillite et cessent de payer leurs employés. Ce n’est pas au bout de deux ou trois mois que les ouvriers descendent dans la rue, mais au bout de huit ou neuf mois, quand ils meurent pratiquement de faim. C’est quand la coupe déborde que quelqu’un va dire «je n’en peux plus, il faut faire quelque chose», les autres réagiront de même et, en quinze minutes, vous aurez 3 000 personnes dans la rue en train d’exiger qu’on leur verse les salaires qui leur sont dus. Les autres causes les plus fréquentes de mécontentement social sont liées à la préservation de l’environnement. Un maire accepte l’implantation d’une industrie polluante. Au départ, les paysans seront plutôt d’accord car cela va leur permettre de quitter leurs terres et de devenir ouvriers. Ils ne peuvent pas prévoir le problème de la pollution, tout simplement parce qu’ils ne l’ont jamais vécu. Mais, à la vingtième usine polluante implantée dans la même région, ils finissent par se rendre compte que l’eau des rivières est devenue inutilisable et impropre à la consommation, que leurs enfants commencent à contracter des maladies jusqu’alors inconnues. Ils découvrent que telle ou telle entreprise évacue du mercure dans les rivières. Alors, quand arrive la 21e proposition d’implanter une usine polluante, la colère explose, des barricades sont dressées et, parfois, la police tire sur la foule. En 2005, on a eu le cas de Dingzhou, où plus d’une dizaine de paysans ont été tués à bout portant lors d’affrontements avec la police. Cet événement a fortement choqué l’opinion publique chinoise. Les répressions de ce type sont relativement rares, mais il n’y a pas besoin de 36000 Dingzhou. Après un tel choc,

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les paysans vivent dans la peur. Ils savent désormais qu’avec leurs fourches et leurs houes, ils ne feront jamais le poids face à des policiers lourdement armés, qui plus est, des policiers qui leur tireront dessus, ce à quoi les paysans ne s’attendaient pas au départ. Certaines grèves sont réprimées durement, d’autres sont réglées par la médiation. Y a-t-il une logique à cela ? S’il y avait une logique, les gens sauraient à quoi s’en tenir. Si vous ne savez pas à quoi vous en tenir, vous vivez tout simplement dans la peur. L’arbitraire est donc une arme fondamentale de toutes les dictatures. C’est pour cela que les forces de sécurité n’ont pas besoin de tirer tant que ça ou de procéder à des multitudes d’arrestations. L’important pour que les autorités gardent la main, c’est que l’information sur les campagnes de répression circule. Et, de toute évidence, elle circule très bien. Il est souvent question de camps de travail. Est-il vrai que beaucoup de produits exportés en Europe y sont fabriqués ? Il y a deux types de camps. Il y a le laogaï (abréviation de laodong gaizao, «travail et réforme»), c.à.d. le camp de réforme par le travail, où vous aboutissez après une procédure judiciaire consécutive à un délit. Il y a aussi le laojiao (abréviation de laodong jiaoyang, «travail et rééducation»), qui est donc un camp de rééducation par le travail, sauf qu’ici, il s’agit d’une mesure «administrative» prise en dehors de toute procédure judiciaire. Il n’y a ni mandat d’arrêt, ni avocat, ni procès, ni juge, ni verdict. Cette décision purement administrative peut être prise par la police, voire par votre unité de travail. La définition du laojiao est floue : il peut s’agir d’un centre de détention «classique». Il peut s’agir également de tout autre chose, comme une usine à l’entrée de laquelle il sera écrit «entreprise» et à l’intérieur de laquelle, une section plus ou moins fermée sera réservée aux «prisonniers». Ces usines sont parfois de vraies entreprises qui fabriquent des produits destinés à l’exportation. Les prisonniers y sont condamnés au travail forcé et à la rééducation idéologique, c’est-à-dire qu’ils sont soumis à des cadences infernales et astreints à au moins une heure d’éducation politique par jour. Un dissident réfugié politique en France, Sun Weibang, a été condamné à 10 ans de prison après les événements de 1989. Interné dans un laogaï, il se rappelle avoir vu un technicien allemand qui passait pour donner ses instructions sur la fabrication de marteaux piqueurs destinés à l’exportation. Il est tout bonnement impensable que cet ingénieur n’ait pas compris où il se trouvait. Il existe de nombreux témoignages concordants sur ce genre d’incidents, mais ils portent surtout sur les années 90. Il y a en effet toujours un décalage entre le moment où les prisonniers purgent leur peine et celui où ils arrivent en Occident et sont en mesure de témoigner. On a eu des échos du même type en 2006, lors de la Coupe du monde de football en Allemagne, où il s’est avéré que les ballons étaient fabriqués dans les laojiaos. Il est pratiquement certain qu’il en va de même pour les vêtements des Jeux olympiques, mais les témoignages et les preuves ne seront accessibles que lorsque les prisonniers seront sortis. Les gens astreints à la «réforme» ou à la «rééducation» par le travail sont-ils considérés avoir commis des infractions «mineures» ? Oui, dans une certaine mesure. Par exemple, avant les Jeux olympiques, les autorités de Pékin ont annoncé que seront envoyés dans les camps de «rééducation» les toxicomanes, les mendiants et les prostituées, soit en gros, les gens qui font désordre. Les trafiquants, eux, sont condamnés à la prison ou fusillés, tandis que les consommateurs sont «simplement» envoyés dans les camps et désintoxiqués de force. Les campagnes d’Amnesty et des autres mouvements de défense des droits humains ont-elles un impact réel sur les dirigeants chinois ? L’impact est réel. Le problème, c’est son efficacité. On sait que l’impact est énorme «par l’inverse». Si les dirigeants chinois ne se montraient pas à ce point obstinés pour imposer aux gouvernements étrangers des pays qu’ils visitent que les forces de police fassent tout pour éviter le moindre contact physique entre eux et les manifestants, on pourrait se dire que le gouvernement chinois s’en fiche. Or, la dernière fois que le président Hu Jintao est venu en France, Paris s’est transformée en camp retranché. Des stations de métro étaient condamnées, des ponts étaient interdits à la circulation, etc. Le fait que les autorités françaises aient pris ces mesures sans précédent prouve que les Chinois ont déployé une énergie exceptionnelle pour faire pression sur la France. Ce qui prouve donc, «en creux», que le gouvernement chinois se sent lui-même soumis à rude pression.


DOSSIER

j Des toxicomanes se voient imposer une cure de désintoxication par une policière dans un centre de sevrage de la province du Yunnan. Kunming, 8 juillet 2005. © Guang Niu/Getty Images

Pourquoi le gouvernement chinois se sent-il mis sous pression ? Ne contrôle-t-il pas l’information ? Si, bien entendu. Mais il sait qu’il n’a que trop peu de légitimité. Les responsables politiques ne sont pas élus, pas même au sein du parti. Si Hu Jintao est au pouvoir, c’est parce que Deng Xiaoping l’avait désigné comme étant le successeur de son propre successeur. Il ne faut pas croire que les Chinois, même au sein du Bureau politique, soient tellement convaincus par ce genre de sélection. Parmi les neuf membres que compte le Bureau politique du PCC, il doit y en avoir huit qui voudraient être à la place de Hu Jintao. Si ce dernier, à son corps défendant, prouve qu’il n’arrive pas à faire régner l’ordre lors de ses voyages officiels à l’étranger, cela le met sur un siège éjectable. D’après les rapports des ONG, davantage de militants et de dissidents ont été jetés en prison ces derniers mois, de peur qu’ils ne se manifestent pendant les JO ? Est-ce exact. Oui. Encore qu’il ne faille pas se focaliser sur les nombres, mais sur les symboles. Il y a eu un symbole, c’est Hu Jia (2), arrêté fin décembre 2007 et condamné à trois ans et demi de prison. Là, les autorités chinoises ont posé un geste fort, parce que Hu Jia était non seulement très modéré, mais qu’il était en outre déjà placé en résidence surveillée. Depuis 200 jours, il ne pouvait plus rien faire, et certainement pas recevoir des journalistes chez lui. Les autorités sont tout de même parvenues à trouver le moyen de l’accuser de tous les crimes, dont celui de s’être opposé à la tenue des JO. Or, il n’a jamais proposé le boycott des JO, mais il a plutôt dénoncé la supercherie de la propagande chinoise par rapport aux Jeux en démontrant que l’affirmation officielle selon laquelle la Chine était plus ouverte ne reposait sur rien. De fait, la simple dénonciation de cette supercherie lui a valu trois ans et demi de prison. Pour le reste, comme je le disais au début de cette interview, il n’y a pas de raison de faire tant d’arrestations que cela, il suffit de procéder à quelques frappes spectaculaires, pour l’exemple. Dans l’état d’esprit actuel de la Chine, où les esprits sont totalement obnubilés par la réussite des Jeux et où le patriotisme chinois et la fierté nationale sont constamment stimulés, ceux qui ont la moindre velléité d’exprimer ce que l’on appelle en chinois des «opinions divergentes» sont d’ores et déjà refroidis. Qui est prêt à prendre des risques d’autant plus insensés qu’ils risquent d’être inutiles ? Si l’on était sûr qu’il y aurait un impact mondial et que cela ébranlerait quelque peu le régime, il y a des risques qui méritent d’être pris. Mais si l’on se dit : «je vais être la énième victime parmi des dizaines de millions d’autres en 60 ans de dictature communiste», il y a de quoi hésiter. Que donneriez-vous comme conseils à tous ces supporters, journalistes et sportifs qui s’apprêtent à s’envoler pour Pékin ? Beaucoup d’auteurs et d’organisations (Amnesty International, le Collectif JO 2008, PlayFair, Reporters sans Frontières, etc.) ont produit des livres qui

cherchent à rappeler certaines vérités de base : depuis 2001, la situation des droits humains ne s’est pas améliorée et c’est contraire aux engagements pris par les Chinois. Je crois qu’il est de notre responsabilité morale et d’êtres humains de s’informer, et cela vaut tout autant pour les sportifs. C’est à eux de trouver les moyens adéquats pour s’exprimer. Il est très important de faire comprendre aux citoyens chinois que nous estimons que le respect des droits humains est une exigence qui concerne tous les êtres humains partout sur la terre, donc également les Chinois. Il faut leur dire que nous considérons que le respect des droits humains équivaut à la possibilité de respirer et de boire, qu’il est indissociable de la dignité humaine. C’est un message très important à faire passer, sinon nous courons le risque que notre comportement soit mal compris et qu’il vienne alimenter la propagande du gouvernement chinois. Selon lui, l’Occident est hypocrite, il parle des droits humains quand ça l’arrange, mais quand il veut signer des contrats, il n’en parle plus. Cette accusation, hélas, ne manque pas de pertinence. Il ne faut pas que la population chinoise pense que nous sommes en train d’utiliser les Jeux pour diaboliser et marginaliser la Chine. Il faut qu’elle comprenne que nous ne sommes mus par aucune autre considération et qu’il s’agit pour nous d’une conviction morale profonde. e Propos recueillis par Samuel Grumiau (1) Une version complète de l’interview de Marie Holzman est disponible sur le site d’Amnesty à l’adresse URL http://www.amnestyinternational.be/doc/article13035.html. Elle y fournit des réponses plus approfondies aux questions publiées ci-dessus, et aborde également toute une série d’autres thèmes (le Tibet, la question des migrants, la répression des cybernautes, les investissements étrangers, les droits humains à Hong Kong, les différents courants de pensée dans la société chinoise, la situation dans les campagnes, la peine de mort, etc). (2) Voir Hu Jia, un cas exemplaire, sur le site d’AIBF : http://www.amnestyinternational.be/doc/article12622.html

POUR EN SAVOIR PLUS, ALLEZ SUR LE SITE D’AIBF : Compte à rebours avant les jeux olympiques – Les mesures de répression mettent en péril l’héritage olympique (ASA 17/050/2008): http://www.amnestyinternational.be/doc/article12740.html Les Jeux Olympiques de 2008… et après? : http://www.amnestyinternational.be/jo L’héritage des jeux olympiques de Pékin, la Chine doit choisir : http://www.isavelives.be/jo Chine, ethnies – La quadrature du cercle: http://www.amnestyinternational.be/doc/article7716.html

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DOSSIER

j Des policiers chinois en patrouille sur la Place du Potala, l’ancien palais des Dalaï-lamas (arrière-plan). Lhassa, 26 mars 2008. © AP/Andy Wong

LE RÉVÉLATEUR TIBÉTAIN Le 10 mars est la date anniversaire du soulèvement de Lhassa en 1959 et de la fuite du Dalaï-lama en Inde, suivi bientôt par 100000 Tibétains. Il n’était pas nécessaire que le Prix Nobel de la Paix émette des injonctions particulières pour que partout, ses compatriotes commémorent ce jour. Les autorités chinoises le savent bien, qui, chaque année à la même date, restreignent l’accès aux visiteurs étrangers.

C

e 10 mars 2008, à Lhassa, les moines de Drépung, l’un des trois grands monastères qui entourent la ville, sont descendus dans les rues pour demander la libération des leurs, emprisonnés depuis octobre 2007. À l’annonce de l’attribution de la Médaille d’Or du Congrès américain au Dalaï-lama, ils avaient repeint les murs extérieurs de leur monastère. Cet enthousiasme avait déplu et les responsables identifiés avaient été incarcérés. D’autres moines, ceux du monastère de Sera, se sont joints aux manifestants pour demander un assouplissement de «la rééducation patriotique» dans les monastères, une ingérence permanente des autorités chinoises qui a pour but de traquer les moines loyaux au Dalaïlama. Seulement, ces moines ne sont pas restés seuls et ont été rapidement rejoints par des étudiants et d’autres civils. La police est intervenue. Puis la rumeur a couru que des moines avaient été incarcérés et, les 14 et 15 mars, la population tibétaine s’est soulevée violemment. Les émeutiers ont incendié des boutiques chinoises, des postes de police et tout ce qui symbolise l’occupation. Les images violentes de la révolte ont été immédiatement diffusées en boucle sur les chaînes de télévision chinoises. Le mouvement s’est étendu rapidement dans le Tibet oriental, dans les provinces détachées de la Région autonome du Xizang, à Labrang puis à Nyarong, à Gantzé, Dergué, Lithang. Bref, c’est tout le Tibet historique qui a clamé son ras-le-bol, faisant voler en éclats l’image d’Épinal d’une population satisfaite de son statut économique. Et c’est bien là le crime des Tibétains, à quelques mois des Jeux. Sur la répression féroce qui va s’ensuivre, plus une image à la télé chinoise. Dès le 12 mars, les visas sont refusés aux journalistes étrangers qui désirent se rendre au Tibet. Les touristes doivent quitter les lieux et les cartes mémoire de leurs appareils photos sont confisquées. Enfin, le 19 mars, les 25 journalistes présents au Tibet oriental étaient tous priés de quitter la région. La liberté des médias promise pour les J.O. n’est même plus évoquée. Louise Harbin, la Commissaire aux Droits de l’Homme

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aux Nations Unies, qui émet le désir de se rendre au Tibet, se voit répondre que «l’accès n’est pas pratique». Alors pourquoi cette explosion tibétaine ? Bien sûr, à l’approche des J.O., la planète entière a les yeux rivés sur Pékin et c’est là une occasion unique de se faire entendre. Mais les raisons de désespérer pour les Tibétains se sont accumulées. Ces derniers sont excédés de voir arriver tous les jours par la nouvelle ligne de chemin de fer Golmud-Lhassa des colons chinois qui ont priorité pour se faire embaucher dans les exploitations minières ou qui, attirés par les primes ou les promesses de promotion rapide dans leurs sociétés, sont prêts à y travailler quelques années, tout cela faisant des Tibétains des citoyens chinois de seconde catégorie. Autre source de mécontentement, Lhassa est devenue une ville bruyante, envahie de touristes chinois, tandis que la grande distribution propose à des prix imbattables des marchandises en provenance de l’intérieur de la Chine. Les Tibétains s’insurgent également contre une politique de sédentarisation forcée qui oblige les nomades à vendre leurs troupeaux et à acquérir des maisons qu’ils mettront en outre des années à rembourser. Toutes ces mesures soi-disant bénéfiques et qui visent à les «moderniser», ne font que les appauvrir davantage. Aujourd’hui le couvre-feu est instauré, les monastères sont encerclés,il n’y a plus d’images, plus de contact. Les rares fois que la communication téléphonique se rétablit, les familles répondent en disant : «tout va bien, surtout s’il vous plaît, n’appelez plus». Ou l’interlocuteur préfère répondre en chinois. Le gouvernement en exil parle de 192 morts et de plus de 2 300 arrestations, des chiffres d’autant plus difficiles à vérifier que plus personne n’entre ni ne sort. Même les si dangereux chemins de l’exil que constituent les pistes de l’Himalaya sont sous stricte surveillance, tandis que le Centre de réception de Katmandou, base d’arrivée des exilés au Népal, est vide. La promesse de rouvrir le Tibet le 1er mai est restée lettre morte, comme l’on pouvait s’y attendre, et il y a fort à parier que l’ouverture promise sera reculée jusqu’au mois d’août. Contrairement aux assurances promises, les moines qui avaient osé témoigner auprès de diplomates et de journalistes ont été arrêtés. Les avocats chinois qui s’étaient proposés de défendre les Tibétains arrêtés se sont vus menacer de perdre leur licence. Tous les scénarios habituels. La proximité des Jeux n’a fait que mettre le projecteur sur le cynisme des autorités, lesquelles ne se soucient jusqu’à présent que de leur image. e Dominique De Mees, coordinatrice Chine


DOSSIER ENVIRONNEMENT

SUICIDE ÉCOLOGIQUE Pour de nombreux observateurs, la Chine commet un suicide écologique en détruisant ses ressources minérales, naturelles et aquatiques pour s’engager dans une industrialisation frénétique. Cette évolution menacerait la planète entière.

E

n avril 2006, la population de Pékin s’est réveillée sous un épais manteau de 300 000 tonnes de sable jaune, suite à une tempête de sable venue de la région autonome de Mongolie intérieure (nord de la Chine). C’était là le dernier indice de la désertification qui frappe le nord du pays. Les déserts couvrent désormais un quart des terres chinoises et leur progression se fait au rythme affolant de 3 000 km2 par an, tandis que la déforestation massive qui frappe le pays n’est qu’une des conséquences de la révolution agricole et industrielle menée à partir des années 60. Les conditions climatiques de plus en plus pénibles, les chocs écologiques et les scandales liés à la pollution alimentent de plus en plus les journaux, en dépit de la censure des autorités. Ce qui suscite un mécontentement croissant. Selon la Banque mondiale (BM), seize des vingt villes les plus polluées au monde se trouvent en Chine. Plus de 100 millions de Chinois vivent dans des villes où, Pékin en tête, l’air est considéré comme «très dangereux».

Des manifestants et des badauds entourent la dernière maison encore debout sur un chantier de construction de Chongqing, dans le sud-ouest de la Chine, suite à une loi contestée sur la privatisation de la propriété. Chongqing, 24 mars 2007. © EyePress/AP Le Tibet, «Far West» de la Chine intérieure, n’échappe évidemment pas à cette politique d’industrialisation à outrance. Au point que, selon les scientifiques, le plateau himalayen montrerait déjà des signes de réchauffement, ce qui ne peut être sans conséquence pour plusieurs centaines de millions de personnes en Chine, mais aussi dans les pays voisins, étant donné que c’est là que les plus grands fleuves de la planète prennent source et jouent un rôle dans le système des moussons qui affectent l’Asie.

Toujours selon la BM, le coût écologique indirect de cette croissance forcenée représenterait quelque 7,7 % du PNB, ce qui relativise fortement les 10 % de croissance dont se targuaient encore les autorités chinoises en 2006. Au point que le ministre adjoint à l’Environnement, Pan Yue, rompant avec l’optimisme de commande, prévoit qu’à ce rythme de déforestation et de pollution, la Chine comptera des millions de réfugiés écologiques. e PF

PLAY FAIR 2008

LIVRES NOIRS POUR CAPITALISME ROUGE L

es JO de Pékin s’annoncent parmi les plus lucratifs de tous les temps. Tous les Chinois ne profiteront cependant pas de l’aubaine. Aperçu tout symbolique : le ticket d’entrée à la cérémonie d’ouverture des Jeux se vend officiellement à 5 000 yuans (468 euros), soit plus de quatre mois de salaire d’un travailleur ou d’une travailleuse fabriquant des chaussures de sport en Chine. De récentes enquêtes concernant les conditions de travail dans quatre usines chinoises fabriquant des marchandises sous licence olympique ont révélé de nombreuses violations graves des droits fondamentaux des travailleurs dont le recours au travail d’enfants et le paiement de salaires inférieurs de moitié aux minima légaux. En l’absence totale de liberté d’association des travailleurs, ceux-ci ne peuvent tenter de défendre leurs droits qu’en prenant des risques personnels importants, ce qui a conduit nombre d’entre eux en prison ou dans des camps de rééducation. IHLO, le Bureau de liaison de la Confédération syndicale internationale (CSI) avec la Chine, mène à ce propos plusieurs campagnes. Les JO sont également une vitrine inespérée pour l’industrie des équipements de sport, largement dominée par des marques dont l’activité a généré des bénéfices estimés à 3 milliards de dollars en 2005. Ne produisant pas elles-mêmes, les marques font la part belle à un marketing juteux. Une activité qui, d’un côté, contribue à financer le sport professionnel, les athlètes, les clubs et surtout les organisateurs de grands événements sportifs comme les Jeux Olympiques, mais qui,

Des ouvriers se reposent après une journée de travail sur le chantier du Water Cube, surnom du Centre nautique national de Pékin. © PANOS/Ian Teh «revers de la médaille», exacerbe la pression sur les coûts de production et les conditions de travail dans les unités de production. Adidas, parrain de l’équipe olympique belge, aurait ainsi sponsorisé l’organisation des JO de Pékin pour 70 millions de dollars (auxquels s’ajoute le sponsoring de nombreuses équipes olympiques nationales). Il aurait d’ores et déjà accepté de verser plus du double pour figurer parmi les sponsors des JO de Londres en 2012. Fort de confortables bénéfices (quelque 500 millions d’euros en 2006), Adidas peut se permettre d’accompagner les enchères. Il n’est pas certain que les travailleurs de l’usine Yu Yuan qui fabriquent les chaussures pour Adidas en Chine soient heureux d’y contribuer. En effet, leur salaire oscille entre 84 et 111 euros par mois. e PLUS D’INFORMATIONS : J.O. Propres 2008, la plateforme belge de la campagne Play Fair 2008: http://www.jopropres.be

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MOUVEMENT FORMATIONS L’ÉTÉ SERA SHOW Les vacances d’été approchent à grands pas… À l’heure de mettre sous presse, il est encore difficile de prévoir si, en Belgique, les mois de juin, juillet et août seront aussi équatoriaux que ce mois de mai. Mais une chose est sûre, nous avons encore quelques modules à vous proposer d’ici le mois de juillet ! 12 juin de 19h00 à 22h00 Découvrir Amnesty 14 juin de 10h00 à 16h30 Combattre la torture (Liège) 14 et 21 juin de 09h30 à 17h00 Parler d’Amnesty en public 21 juin de 10h00 à 16h30 Les violences conjugales La formation «Combattre la torture» sera donnée à Liège. Les 3 autres auront lieu à Bruxelles. Et voici déjà le programme qui vous attend à partir du mois de septembre : 13 septembre de 10h00 à 16h00 Dignité humaine et droits fondamentaux 18 septembre de 19h00 à 22h00 Découvrir Amnesty 20 septembre de 10h00 à 16h30 Combattre la torture 27 septembre de 10h00 à 15h00 La peine de mort 27 septembre de 10h00 à 16h00 La protection internationale des droits fondamentaux (Namur) 4 octobre de 10h00 à 16h00 Dignité humaine et droits fondamentaux (Liège) 4 octobre de 09h30 à 12h30 Découvrir Amnesty 11 octobre de 10h00 à 16h30 Homosexualités et droits humains 18 octobre de 10h00 à 15h00 Une bougie se vend d’elle à même 6 novembre de 19h00 à 22h00 Découvrir Amnesty 8 novembre de 10h00 à 15h00 Parler de la peine de mort 15 novembre de 09h30 à 16h30 Mission et fonctionnement d’Amnesty Le module «Dignité humaine et droits fondamentaux» aura lieu à Liège. La formation «La protection internationale des droits fondamentaux» se déroulera à Namur. Pour toutes les autres formations, c’est à Bruxelles que nous vous accueillerons. Pour vous inscrire dès maintenant et/ou obtenir des détails concernant le contenu de tous les modules, rendez-vous sur notre site Internet : http://www.amnesty.be/formations Pour tout renseignement : formations@aibf.be ou 02 538 81 77 (de préférence les mardi, jeudi et vendredi). À bientôt ! e

NAMUR MARCHÉ AUX LIVRES Le Groupe 28 et le Groupe Action de Namur mettent en vente 15 000 livres de seconde main et classés sous une trentaine de rubriques à prix d’ami au profit d’Amnesty International. Quand ? Le samedi 28 juin de 09h00 à 18h00. Où ? À l’Athénée royal François Bovesse, rue du Collège 8, 5000 Namur Renseignements : D. Clarembeaux (081 73 05 66) et M. Haulot (0476 332 852) e

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EN MAI, MANIFESTE CE QU'IL TE PLAÎT

1500 PERSONNES DEVANT L’AMBASSADE DE CHINE Le samedi 3 mai 2008, c’est sous une météo favorable et malgré un week-end prolongé que 1500 personnes s’étaient donné rendez-vous avant de défiler le long de l’avenue de Tervueren et de manifester devant l’ambassade de Chine à Bruxelles. Alors que nous n’étions plus qu’à 100 jours du début des Jeux olympiques de Pékin, les sections francophone et flamande d’Amnesty International Belgique avaient invité l’opinion publique belge à rappeler aux autorités chinoises les engagements qu’elles avaient pris au moment de se voir attribuer l’organisation des JO 2008.

E

n 2001, Liu Jingmin, vice-président du Comité de candidature de Pékin aux JO, avait annoncé que confier les JO 2008 à la capitale chinoise ne pourrait que «contribuer au renforcement des droits humains». Or, loin de servir de catalyseur pour des réformes, il semble plutôt que l’organisation des JO est l’une des causes de l’aggravation de la répression qui, partout en Chine (et pas seulement au Tibet), qui, s’est abattue ces derniers mois sur les militants et les journalistes. C’est ce qui ressort du rapport People’s Republic of China: The Olympics countdown – Crackdown on activists threatens Olympics legacy (ASA 17/050/2008). La version française de ce rapport (Compte à rebours avant les jeux olympiques – Les mesures de répression mettent en péril l’héritage olympique) est disponible sur le site d’AIBF à l’adresse http://www.amnestyin ternational.be/doc/ article12740.html Jeunes et moins jeunes, ils étaient venus en vélo, en tram mais aussi en car de Liège et Anvers, de Libramont et de Kalmthout. Sur les banderoles, on pouvait lire «Supporter voor mensenrechten in China» et «Les droits humains ne sont pas un jeu». La foule portait également des drapeaux tibétains et des photos de dissidents et militants des droits humains emprisonnés. La manifestation était composée en

grande partie par des Tibétains qu’il a parfois fallu modérer. De fait, au Tibet, depuis le 10 mars 2008, des centaines de personnes ont été arrêtées à la suite des manifestations. Compte tenu du black-out quasi total qui a été imposé au Tibet (ainsi qu’à la région autonome du Xinjiang, le Turkestan chinois), il est difficile de vérifier les informations qui sont communiquées diffusées, tantôt par les médias officiels chinois, tantôt par les médias acquis à la cause des nationalistes tibétains du Xizang ou ouïgours du Xinjiang, tantôt par les médias internationaux. Une chose est sûre, cette chape de silence bafoue l’engagement qu’avaient pris les autorités de garantir une «liberté totale des médias» à l’approche des JO. Comme l’a rappelé Dominique De Mees, coordinatrice Chine pour AIBF, intervenant à la tribune dressée devant l’ambassade de Chine au terme de la manifestation, «il est encore temps de changer les choses. Les préoccupations d’Amnesty concernant les violations des droits humains en Chine sont nombreuses: peine de mort, rééducation par le travail, harcèlement des défenseurs des droits humains, répression sur Internet, censure, atteintes à la liberté de la presse, procès inéquitables, persécutions liées aux croyances, tortures et mauvais traitements… Si la Chine veut donner une bonne image d’elle,

VOS PAPIERS !

V

oilà soixante ans que les Nations indépendantes, à peine relevées de la barbarie nazie, proclamaient que «tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité». Ainsi commençait donc la Déclaration universelle des droits de l’Homme, adoptée à l’Assemblée générale des Nations Unies par 48 États indépendants (la décolonisation n’était pas encore arrivée à terme) lors de sa séance historique du 10 décembre 1948. Treize ans plus tard, en 1961, Amnesty International naissait. Notre organisation est devenue


MOUVEMENT CINÉMA SOUS LES BOMBES

© Bruno Brioni

des décisions doivent être prises maintenant et les prisonniers politiques doivent être libérés immédiatement». Pour Lore Van Welden, porte-parole d’Amnesty Vlaanderen, «en ce 3 mai, journée internationale de la liberté de la presse, pensons à Hu Jia, finaliste du prix Sakharov de la liberté de pensée 2007, condamné à trois ans et demi de prison». Concrètement, appuyée par les élus fédéraux présents à la manifestation et qui se sont également exprimés, Amnesty International a demandé à la Chine d’autoriser les enquêteurs de l’ONU et les observateurs indépendants à se rendre au Tibet et dans les régions voisines ; de mettre un terme aux arrestations arbitraires, à l’intimidation et au harcèlement des militants; de mettre fin à la détention administrative punitive ; d’autoriser tous les journalistes à rendre compte de la situation sur l’ensemble du territoire chinois de manière exhaustive

et en toute liberté ; de relâcher tous les prisonniers d’opinion et de réduire le nombre d’infractions passibles de la peine capitale, en prélude à l’abolition de ce châtiment. Plusieurs parlementaires ont appelé les autorités politiques belges à être aussi exigeantes pour la Chine qu’elles le sont pour d’autres pays. Et Bea Diallo, seul sportif ayant répondu à l’appel d’Amnesty, a insisté sur la «capacité d’être sportif et de manifester en même temps son attachement au respect des droits humains». Philippe Hensmans, directeur d’AIBF, a terminé en insistant sur les droits des travailleurs et la responsabilité et le rôle que peuvent jouer les sponsors des JO. Quelques manifestants ont tenté de remettre les centaines de pétitions signées à l’ambassade mais ils ont été accueillis par deux chiens d’attaque très agressifs. e P.F.

un mouvement et fait de la Déclaration universelle des droits de l’homme le cœur de son combat. Grâce à l’intervention de milliers de citoyens ordinaires, partout dans le monde, plus de 40 000 personnes ont aujourd’hui échappé aux pires violations des droits humains : emprisonnement, tortures, menace d’exécution capitale, etc. Amnesty International a aussi grandement contribué à la réforme du droit international en matière de droits humains, que l’on songe à la création de la Cour pénale internationale (CPI), et aux diverses conventions contre la torture et contre les disparitions forcées, entre autres. Il reste cependant encore beaucoup à faire. En effet, encore trop peu de pays au monde respectent l’ensemble des dispositions de la Déclaration. Voilà pourquoi Amnesty International Belgique francophone a décidé d’offrir un petit «passeport des droits humains», vieux de 60 ans déjà, rafraîchi par les dessins de Jean-Michel Folon et… toujours d’actualité. Les droits humains sont — malheureu-

sement — une chose trop sérieuse pour être laissée aux mains des seuls gouvernements. Derniers remparts de «l’armée des invisibles», des pauvres, des démunis, des sans-grade et des sans-voix, les droits exprimés dans la Déclaration universelle ont besoin du soutien de vous, de nous, de tous ceux qui peuvent élever la voix en leur faveur et rappeler leurs obligations aux gouvernements. Sans doute soutenez-vous déjà l’action d’Amnesty ? Vous n’êtes donc pas sans ignorer qu’établir et suivre des dossiers de recherche coûte beaucoup d’argent. Organiser des campagnes de sensibilisation contre la peine de mort, la torture, les violences contre les femmes, la répression multiforme en Chine, au Myanmar (Birmanie), au Darfour, aussi. Alors, faites un geste avant de partir en vacances : faites un virement (sur papier ou via PC banking) sur le compte 001-2000070-06, avec la communication suivante : Libertés. e Christine Bika, présidente d’AIBF

Moyen-Orient, juillet 2006. Libanaise d’origine, Zeina vit à Dubaï. Comme elle est en plein divorce, pour éviter à son fils Karim d’être témoin de ses disputes conjugales, elle l’envoie chez sa sœur à Kherbet Selem, un petit village du sud Liban. Quelques jours plus tard, la guerre éclate. Folle d’angoisse, Zeina prend le premier avion pour la Turquie, où elle espère trouver une place sur le bateau qui doit récupérer les ressortissants turcs du Liban. Un chauffeur de taxi, Toni, accepte de l’emmener à Tyr, où elle espère trouver sa sœur et son fils dans un camp de réfugiés. Après un sombre marchandage, ils finissent par se mettre d’accord et prennent la route du Sud. Ce film unanimement loué par la critique internationale a été filmé et réalisé dans les semaines qui ont immédiatement suivi le mois de bombardements israéliens qui ont dévasté le Sud-Liban et Beyrouth après que le Hezbollah a effectué une incursion en territoire israélien et capturé plusieurs soldats de l’État hébreu. Sous les bombes (Under the bombs), un film de Philippe Aractingi, sortie nationale le 9 juillet. Amnesty International recommande ce film et vous invite à aller le découvrir, dès sa sortie nationale à Bruxelles, Liège, Mons et Namur. e

CERCLE BENENSON 26 JUIN – DÉBAT À BRUXELLES Comment sont accueillis, en Belgique, les réfugiés victimes de torture ? Avec Georges-Henri Beauthier (avocat au Barreau de Bruxelles et ancien président de la Ligue des droits de l’Homme) et Alain Vanoeteren (psychothérapeute et coordinateur de l’ASBL Ulysse). Lieu : Hôtel de Ville de Bruxelles – Salle des Conférences – Grand Place, 1000 Bruxelles Entrée : 5 e (adultes) 2 e (étudiants et demandeurs d’emploi) - réservation souhaitée auprès d’Ingrid Plancqueel au 02/538.81.77 ou cerclebenenson@aibf.be

9 SEPTEMBRE – FILM À LIÈGE Projection du film «Calle Santa Fe» «Rue Santa Fe» est un film sur l’engagement politique, au plus près de la vérité d’une femme chilienne, Carmen Castillo, qui survit à son compagnon, Miguel Enriquez, chef de la résistance à la dictature de Pinochet, mort au combat, rue Santa Fe, dans les faubourgs de Santiago du Chili, le 5 octobre 1974. En présence de la réalisatrice Carmen Castillo. À 19h30 au Cinéma Le Parc, rue Paul-Joseph Carpay 22, 4020 Liège Entrée : 5,5 e (prix plein) - 4,7 e (membre Cercle Peter Benenson si réservation) - réservation souhaitée auprès d’Ingrid Plancqueel au 02/538.81.77 ou cerclebenenson@aibf.be e

Libertés ! Juin 2008 11


MOUVEMENT LE 26 JUIN, DEVANT LE PARLEMENT EUROPÉEN Ce sont aussi 80 groupes locaux qui, sur le terrain, font un travail d’action et de sensibilisation aux droits humains. Pour vous y joindre, contactez votre régionale.

LA TORTURE, C’EST LA TERREUR P

artout dans le monde, les réponses des États face à la menace du terrorisme comportent encore certaines pratiques telles que : — la détention illimitée sans inculpation ni jugement, ainsi que la détention au secret ; — des techniques d’interrogatoire assimilées à de la torture ou à d'autres traitements cruels, inhumains ou dégradants ; — des détentions secrètes et des disparitions forcées ; — des exécutions extrajudiciaires et des attaques aveugles ou disproportionnées ; — des tentatives gouvernementales visant à justifier les transferts vers des États qui utilisent la torture et d’autres mauvais traitements, notamment en invoquant les «assurances diplomatiques» ; Parallèlement, divers groupes armés perpètrent des actes de terrorisme et leur cause, sinon leurs méthodes, rallie à des degrés variables le soutien de différentes communautés dans le monde entier. Guantánamo n’a pas encore été fermé. Officiellement, le programme de «restitutions» et de détentions secrètes de la CIA est toujours opérationnel. De même, de nouveaux fronts de la «guerre contre le terrorisme» se sont ouverts, notamment en Afrique de l'Est, tandis que la torture et les mauvais traitements sont toujours pratiqués au Pakistan et en Afghanistan, mais aussi au Moyen-Orient et en Afrique du Nord (Arabie saoudite, Égypte, Irak et Tunisie, entre autres). Enfin, et surtout, des gouvernements européens continuent de transférer des personnes soupçonnées d'être des terroristes

SECRÉTARIAT NATIONAL AIBF Rue Berckmans 9, 1060 Bruxelles 02 538 81 77 Fax : 02 537 37 29 www.amnesty.be

vers des pays qui pratiquent la torture en toute impunité. Par ailleurs, le crash d’un Boeing 747 de la compagnie Kalitta Air sur l’aéroport de Bruxelles-National (Zaventem) le 25 mai dernier et l’arrivée immédiate de militaires américains pour surveiller l’épave ont ravivé certaines inquiétudes quant à la souveraineté réelle de certains États, dont la Belgique. En effet, les services de renseignements et l’armée américaine utilisent des avions privés pour des opérations secrètes. En novembre 2003, avec d’autres transporteurs connus pour leurs liens avec des activités clandestines de la CIA et de l’US Army, Kalitta Air a même reçu un «Certificat de reconnaissance de la Direction des transports des États-Unis» pour son soutien aux opérations Liberté immuable et Liberté pour l’Irak menées au cours de la «guerre contre le terrorisme»(1). Par conséquent, la France, qui assumera à partir du 1er juillet la présidence du Conseil des Ministres de l’UE, aura de lourdes responsabilités. Ceux qui ont autorisé ou favorisé les atteintes aux droits humains depuis le début de la «guerre contre le terrorisme» doivent rendre des comptes, qu’il s’agisse de responsables gouvernementaux, d’agents privés ou de membres des groupes armés. e P.F. (1) Voir le rapport d’Amnesty : Hors de portée des radars : vols secrets, torture et «disparitions» (AMR 51/051/2006).

MANIFESTATION Le 26 juin à 10h30 devant le Parlement européen, face à l’ancienne gare du Quartier-Léopold, Place du Luxembourg, 1050 Bruxelles (Ixelles).

SALUT JEFF !

RESPONSABLES RÉGIONAUX D’AMNESTY BRABANT WALLON Jean-Philippe CHENU chemin de la Terre Franche 13 1470 Genappe 010 61 37 73 – jpchenu@aibf.be BRUXELLES Tanguy PINXTEREN Rue de la Flèche 16 A, 1000 Bruxelles 02 513 77 10 – tpinxteren@aibf.be HAINAUT OCCIDENTAL Myriam DELLACHERIE rue Basse Couture 20, 7500 Tournai 069 22 76 18 – mdellacherie@aibf.be

LIÈGE Jean-Pierre ANDRÉ jpablegny@yahoo.fr 04 387 51 07 Christine BIKA Responsable de la gestion de la permanence – C/O Bureau régional d’AI – rue Souverain Pont 11 – 4000 Liège – du lundi au vendredi de 13h30 à 17h30 04 223 05 15 bureaudeliege@aibf.be

«

12 Libertés ! Juin 2008

AMNESTY INTERNATIONAL VLAANDEREN Kerkstraat 156, 2060 Antwerpen 6 03 271 16 16

HAINAUT ORIENTAL Nicole GROLET av. Elisabeth 6, 6001 Marcinelle 071 43 78 40 – ngrolet@aibf.be

HOMMAGE

Tu m’appelles quand tu veux, je serai toujours là pour Amnesty». Ce sont les dernières paroles que Jeff m’a lancées après l’enregistrement d’un spot pour la campagne de fin d’année. Jeff et Amnesty, c’était le même combat. Il était l’un des parrains les plus fidèles de nos actions. Dans la lutte contre la peine de mort où il a mis en chanson un texte écrit par des jeunes ; dans la lutte contre les violences faites aux femmes où il est venu, gants de boxe aux poings affronter Bea Diallo, champion du monde, puis lancer à ceux qui auraient envie de battre leur femme «qu’ils viennent plutôt sur un ring se mesurer à nous»; ou encore dans la dernière campagne où il nous disait qu’ «une signature pour sauver une vie, c’est un minimum», Jeff répondait toujours présent. Jeff était d’une gentillesse, d’une simplicité et d’une générosité rares, et nous avons vraiment pu l’apprécier à plusieurs reprises. L’avons-nous assez remercié ? Lorsque nous parlions de l’engagement des artistes pour une cause comme celle que nous défendons, il rétorquait par

SECRÉTARIAT INTERNATIONAL Easton Street 1, London WC1X ODW United Kingdom 00 44 207 413 5500

© DR des arguments clairs : «C’est notre devoir de lutter contre ces choses insupportables. Pour moi c’est naturel». Ok Jeff, mais ce n’est pas comme cela pour tout le monde ! C’est donc avec beaucoup tristesse que nous avons appris sa disparition et nos pensées et nos condoléances les plus sincères vont à sa famille et à sa compagne Armelle qui militait avec lui. C’est toujours une épreuve de perdre quelqu’un qu’on aime, mais je suis sûre que, de là où il est, il nous dit «show must go on» ! Salut Jeff ! e Françoise Guillitte

LUXEMBOURG Daniel LIBIOULLE Avenue de la Toison d’Or 26 6900 Marche en Famenne 084 31 51 31 dlibioulle@aibf.be NAMUR Romilly VAN GULCK Rue Vivier Anon 8, 5140 Sombreffe 071 88 92 51 rvangulck@aibf.be


IS AV ELIV ES . B E B O N N ES N O UV EL L ES Dans tous les pays du monde, des gens sont libérés grâce au travail des membres d’Amnesty. Des témoignages émouvants nous parviennent des prisonniers libérés ou de leur famille. Ils montrent qu’une action de masse peut avoir des résultats pour un meilleur respect des droits humains.

RDC UN SUCCÈS DE LA CPI L’ex-vice-président de la République démocratique du Congo (RDC) et sénateur d’opposition Jean-Pierre Bemba a été arrêté le 24 mai sur le territoire belge à la demande de la Cour pénale internationale (CPI). Il est suspecté de crimes sexuels en République centrafricaine (RCA) en 2002-2003. Bemba est le président du Mouvement de libération du Congo (MLC), un groupe politico-militaire qui est intervenu dans le conflit en République Centrafricaine (RCA) en 2002-2003, «poursuivant une stratégie de terreur et de violence contre les populations civiles, marquée en particulier par une campagne de viols massifs et de pillages, des crimes déjà commis en RDC», a indiqué le Procureur, l’Argentin Luis Moreno-Ocampo, dans un communiqué. En novembre 2004, AI avait publié un rapport édifiant, République centrafricaine – Cinq mois de guerre contre les femmes (AFR 19/001/2004). e

PAKISTAN MILITANTS BALOUTCHES LIBÉRÉS Akhtar Mengal a été libéré le 9 mai, après que le gouvernement de la province du Sind a renoncé aux poursuites engagées contre lui. Le 21 avril, les autorités de la province du Baloutchistan avaient également abandonné toutes les charges retenues contre cet homme, chef du Parti national baloutche et ancien Premier ministre de cette province. Akhtar Mengal, qui souffre de multiples affections, était soigné à l’hôpital national Liaquat lorsqu’il a reçu son ordonnance de remise en liberté. Soupçonné d’infractions pénales liées à l’expression de ses opinions politiques, Akhtar Mengal avait été arrêté le 28 novembre 2006. Les 15 membres de son parti qui avaient été arrêtés avec lui ont été libérés plus tôt, grâce à la pression croissante exercée par la Cour suprême et les grèves organisées localement. e

ALGÉRIE EXPULSÉ ET LIBÉRÉ Rabah Kadri a été libéré sans inculpation le 27 avril vers 13 heures. Il était détenu au secret depuis 12 jours. Il a pu se rendre chez ses parents, à Alger, où il séjourne actuellement. Il ne risque plus de subir aucune forme de torture ou de mauvais traitements. Il avait été arrêté par des agents en civil des services de sécurité le 16 avril en arrivant à l’aéroport d’Alger après avoir été expulsé du territoire français. Il semblerait qu’il ait été placé dans l’un des centres de détention nonofficiels du Département du renseignement et de la sécurité (DRS) dans la capitale algérienne. Il a dû signer une déclaration attestant qu’il avait été bien traité jusqu’à sa libération. Les personnes qui viennent d’être libérées par le DRS se montrent généralement très prudentes lorsqu’elles évoquent la manière dont elles ont été traitées en détention, de peur qu’une attitude critique vis-à-vis des autorités ne leur vaille des représailles. e

ATTENTION ! À l’occasion de notre dossier «JO 2008 – Ombres chinoises», Libertés ! a décidé de mettre en exergue trois cas parmi les plus exemplatifs de la répression chinoise : Shi Tao, Hu Jia et Bu Dongwei (voir cicontre). Sur http://www.isavelives.be/leslettresdumois, vous retrouverez les 3 appels mondiaux «classiques» du mois de juin : Zimbabwe (deux opposants agressés en mars 2007 : Nelson Chamisa and Paul Madzore), Arabie saoudite (huit hommes détenus sans jugement : Al-Sharif Saif Al-Ghalib, Saud al-Hashimi, Abdel Rahman Khan, Abdelaziz al-Khariji, Musa al-Qirni, Fahd al-Qirshi, Sulieman alRushudi; Abdel Rahman al-Shumayri) et Ukraine (un civil torturé en détention en avril 2007 : Eduard Furman).

POUR RECEVOIR LES LETTRES DU MOIS : abonnez vous à la lettre d’information Isavelives.be sur : http://www.isavelives.be/leslettresdumois

© Independent Chinese Pen Center (ICPC)

SHI TAO

JOURNALISTE ET POÈTE L

e journaliste et poète, Shi Tao, purge une peine de 10 ans d’emprisonnement pour avoir envoyé un courrier électronique résumant un communiqué du Département central de la propagande chinoise sur la manière dont les journalistes devaient traiter le 15e anniversaire de la répression du mouvement pro-démocratique de 1989. Le 24 novembre 2004, il a été arrêté à son domicile, dans la ville de Taiyuan (province du Shanxi) par des policiers qui ont confisqué son ordinateur, ses carnets de notes et d’autres biens, sans le moindre mandat d’arrestation ou de perquisition. Le Tribunal populaire intermédiaire de Changsha, province du Hunan, l’a condamné le 30 avril 2005. Lors de l’audience, le juge aurait dit à Shi Tao : «Vos actions ont gravement nui aux intérêts de notre pays. Cette sentence est la plus légère possible». Son procès en appel

a eu lieu en juin 2005, mais il s’est déroulé à huis clos et son deuxième avocat n’a même pas été informé à l’avance de la date du procès. L’appel a été rejeté. Ce n’est que lorsque qu’ils ont rendu visite à Shi Tao en prison le 27 juin 2005 que ses proches ont appris que le procès en appel avait confirmé, le 3 juin 2005, la peine prononcée en première instance. Lors de ce procès en appel, Shi Tao a assuré lui-même sa défense. Il est détenu à la prison de Chishan, située dans la ville de Yuanjiang, où il serait soumis à des travaux forcés et où il souffrirait de problèmes respiratoires et d’irritations cutanées provoquées par la poussière. Yahoo! a admis avoir fourni aux autorités chinoises des informations ayant permis l’arrestation et l’emprisonnement de Shi Tao, qu’Amnesty International considère comme un prisonnier d’opinion. e

MODÈLE DE LETTRE Monsieur le Ministre, Le journaliste et poète, Shi Tao, purge une peine de 10 ans d’emprisonnement dans la prison de Deshan pour avoir envoyé un courrier électronique résumant un communiqué du Département central de la propagande chinoise sur la manière dont les journalistes devaient traiter le 15e anniversaire de la répression du mouvement pro-démocratique de 1989. En tant que membre/sympathisant(e) d’Amnesty International qui considère cet homme comme un prisonnier d’opinion, je vous demande sa libération immédiate et inconditionnelle. Espérant que vous ferez droit à mes requêtes, je vous prie de croire, Monsieur le Ministre, à l’assurance de ma haute considération. Signature : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Nom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Adresse : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

LETTRE À ADRESSER À : M. le ministre de la Justice de la République populaire de Chine WU Aiying Buzhang, Sifabu, 10 Chaoyangmen Nandajie Chaoyangqu, Beijingshi 100020, République populaire de Chine E-mail : minister@legalinfo.go.cn

COPIE À ENVOYER À : Ambassade de Chine, Avenue de Tervueren 443-445 – 1150 Bruxelles Fax : 02 779 28 95 – E-mail : chinaemb_be@mfa.gov.cn Lire : http://www.isavelives.be/fr/node/525 Agir : http://www.isavelives.be/shitao

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IS AV ELIV ES . B E HU JIA

MILITANT DES DROITS HUMAINS L

e militant des droits humains vivant à Pékin, Hu Jia, a été jugé, le 18 mars 2008, par le tribunal populaire intermédiaire numéro un de Pékin pour incitation à la subversion aux termes de l’article 105 du Code pénal chinois. Ses avocats n’ont eu que trois jours pour préparer sa défense. Hu Jia était détenu depuis le 27 décembre 2007 car il était soupçonné d’incitation à la subversion contre le pouvoir de l’État. Il se trouve actuellement détenu au centre de détention de la police municipale de Pékin, dans le district de Chaoyang. Hu Jia qui souffre d’hépatite B et d’une sclérose hépatique au stade initial, a besoin d’un suivi médical quotidien dont il n’a pas pu bénéficier durant les premières semaines de sa détention. Avant d’être arrêté, Hu Jia et son épouse, Zeng Jinyan,

MODÈLE DE LETTRE

© Hu Jia and Zeng Jinyan avaient été assignés à résidence. Après l’arrestation de son mari, Zeng Jinyan et leur fille qui venait de naître ont été constamment assignées à résidence et leur maison a été encerclée la plupart du temps par une trentaine de policiers ; la police a également coupé les lignes téléphonique et l’Internet du couple et a gelé leurs comptes en banque. Depuis 2004, il a été plusieurs fois détenu arbitrairement par la police chargée de la sûreté de l’État des districts de Chaoyang et de Tongzhou à Pékin. Hu Jia est l’un des militants chinois les plus connus dans le domaine de la défense de l’environnement et des questions relatives au VIH/sida. e

Monsieur le Ministre, Je suis consterné(e) par la condamnation du défenseur des droits humains Hu Jia à trois ans et demi de prison et à un an de privation de ses droits politiques. Hu Jia a simplement exercé de manière pacifique son droit à la liberté d’expression, droit reconnu par l’article 35 de la Constitution chinoise et par les textes internationaux ratifiés par la Chine. En tant que membre/sympathisant(e) d’Amnesty International qui considère cet homme comme un prisonnier d’opinion, je vous demande sa libération immédiate et sans condition. Je vous prie aussi de faire cesser l’assignation à résidence de son épouse Zeng Jinyan et de son bébé. Je vous demande de veiller à ce qu’ils ne soient ni battus ni soumis à la torture ou à d’autres formes de mauvais traitements. Espérant une réponse favorable à ma requête, je vous prie d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de ma haute considération. Signature : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Nom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Adresse : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

LETTRE À ADRESSER À : M. le ministre de la Justice de la République populaire de Chine WU Aiying Buzhang, Sifabu, 10 Chaoyangmen Nandajie, Chaoyangqu Beijingshi 100020, République populaire de Chine E-mail : minister@legalinfo.go.cn

COPIE À ENVOYER À : Ambassade de Chine, Avenue de Tervueren 443-445 – 1150 Bruxelles Fax : 02 779 28 95 – E-mail : chinaemb_be@mfa.gov.cn Lire : http://www.isavelives.be/fr/node/1331 Agir : http://www.isavelives.be/hujia

COMMENT AGIR EFFICACEMENT ?

TARIFS POSTAUX

Les cas exposés concernent des victimes de violations des droits humains dont s’occupe Amnesty International. Chaque appel compte. Un texte (à écrire ou à photocopier) vous est proposé pour chaque cas. Dans l’intérêt des victimes, écrivez en termes mesurés et courtois aux adresses indiquées. Ces lignes sont lues partout dans le monde par les quelque 1800000 membres d'Amnesty International. Elles sont reproduites dans de nombreux pays par des dizaines de journaux et constituent la clé de voûte de l'action du mouvement.

Lettres (jusqu’à 50 grammes) Belgique: 0,54e; Europe: 0,80e; reste du monde: 0,90e. La surtaxe aérienne est incluse (étiquette requise).

BU DONGWEI

MODÈLE DE LETTRE

FIDÈLE DE FALUN GONG © D.R.

B

u Dongwei – aussi connu sous le nom de David Bu – est un fidèle du mouvement spirituel Falun Gong. Arrêté le 19 mai 2006, il a été condamné à deux ans et demi de rééducation par le travail à Pékin, le 19 juin 2006, pour «entrave à l’application de la loi» et «troubles de l’ordre public» après que la police ait découvert de la littérature Falun Gong chez lui. Plusieurs sources concordantes suggèrent que Bu Dongwei a été emmené au centre de détention de Qinghe (District de Haidan) puis transféré au camp de rééducation par le travail de Tuanhe à Beijing le 21 juillet 2006, où il effectue des travaux d’emballage. Les autorités de Tuanhe ont demandé à sa famille de contribuer financièrement aux frais (400 yuan par mois soit environ 52 dol-

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lars). Avant d’être détenu, Bu Dongwei travaillait pour une association d’aide américaine, l’Asia Foundation. Bu Dongwei avait auparavant purgé une peine de 10 mois en rééducation par le travail, d’août 2000 à mai 2001, à Tuanhe pour appartenance à une association hérétique et entrave à l’application de la loi, après avoir envoyé des pétitions aux autorités leur demandant de revoir leur position vis-à-vis des fidèles de Falun Gong. Pendant cette période, il aurait été torturé et maltraité dans le but de renoncer à ses croyances. Il a été privé de sommeil, battu et forcé de rester assis des journées entières sur une petite chaise. Amnesty International le considère comme un prisonnier d’opinion et appelle à sa libération immédiate et inconditionnelle. e

Monsieur le Ministre, Bu Dongwei, un fidèle du Falun Gong a été condamné le 19 juin 2006 à deux ans et demi de rééducation par le travail pour avoir exercé son droit à la liberté de culte. Il avait déjà été astreint à 6 mois de rééducation en 2000 et avait été battu, privé de sommeil et de mouvement. Cette fois,il a été envoyé en rééducation sans jugement, pour «entrave à l’application de la loi» et «troubles de l’ordre public». En tant que membre/ sympathisant(e) d’Amnesty International qui considère Bu Dongwei comme un prisonnier d’opinion, je demande qu’il soit relâché immédiatement et inconditionnellement, qu’il ne soit pas soumis à la torture, qu’il ait accès à des soins de santé qu’il puisse recevoir les visites de sa famille et de son avocat. Espérant que vous ferez droit à mes requêtes, je vous prie de croire, Monsieur le Ministre, à l’assurance de ma haute considération. Signature : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Nom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Adresse : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

LETTRE À ADRESSER À : M. le ministre de la Justice de la République populaire de Chine WU Aiying Buzhang, Sifabu, 10 Chaoyangmen Nandajie Chaoyangqu, Beijingshi 100020, République populaire de Chine E-mail : minister@legalinfo.go.cn

COPIE À ENVOYER À : Ambassade de Chine, Avenue de Tervueren 443-445 – 1150 Bruxelles Fax : 02 779 28 95 – E-mail : chinaemb_be@mfa.gov.cn Lire : http://www.isavelives.be/fr/node/559 Agir : http://www.isavelives.be/fr/node/600


C U LT U R E AGENDA MUSIQUES COULEUR CAFÉ 2008 Comme chaque année, le site de l’ancienne gare industrielle de Tour et Taxis accueille le Festival Couleur Café. Pour cette 19e édition, que du beau monde. Au rayon des bonnes nouvelles, la venue du Corto Maltese de la chanson française, Bernard Lavilliers, à voir pour la toute première fois au festival. Longtemps porté disparu, le célèbre Orchestre National de Barbès fêtera également son grand retour sur la scène bruxelloise. Parmi les concerts qui s’annoncent mémorables, citons ceux du SpokFrevo Orchestra, 18 musiciens qui font passer les rythmes traditionnels du carnaval brésilien à l’heure du jazz, tandis que Natacha Atlas, la diva égyptienne, fera son grand retour dans la capitale qui l’a vue naître et grandir. Avec Sahara Blues, on se laissera happer par les mélopées envoûtantes du désert marocain. Un magnifique projet né dans les sables du Sahara et qui réunit musiciens traditionnels marocains et artistes belges avantgardistes (dont Steven De Bruyn que l’on a pu notamment voir aux côté d’Arno). Quant aux tziganes hongrois de Parno Graszt, ils viendront fièrement défendre les couleurs et les rythmes des Balkans. e Du 27 juin au 29 juin, ouverture des portes à 15h00 sauf le vendredi 30 juin à 16h30. Tour & Taxis, Rue Picard 3, 1000 Bruxelles. Prix : 32 e en prévente, 39 e à l’entrée du Festival et 68 e le pass de 3 jours (+ frais de réservation). Gratuit pour les enfants de moins de 10 ans accompagnés d’un adulte. Plus d’info sur www.couleurcafe.be

THÉÂTRE CARTE D’IDENTITÉ

COMMENT SOIGNER SES BLESSURES

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hauffeur de taxi à Tel-Aviv, Kobi mène sa vie de célibataire au ras du bitume, sans illusions et sans vrai projet d’avenir. Débarque dans sa vie, Nomi, une jeune soldate disgracieuse qui annonce au jeune homme que son père, avec qui il avait coupé les ponts, serait la victime non identifiée d’un récent attentat. Remontant la piste des maigres indices, ce curieux couple se lance sur la trace de ce père absent, qui est aussi l’amant disparu de la jeune femme. L’enquête fournit le prétexte à une plongée dans le quotidien d’un pays en guerre où la population fait ce qu’elle peut pour en banaliser les conséquences. C’est aussi le récit de la rencontre de deux solitaires en mal de liens familiaux qui empruntent un long détour pour sentir tout ce qui les rapproche. Les blessures évoquées par le titre sont intérieures autant qu’extérieures. Chaque bombe explosée blesse les chairs comme les esprits et les retombées dépassent de loin leur surface d’impact. Avec un souci du détail et un sens de l’absurde, la jeune dessinatrice et illustratrice israélienne jette un regard tendre et ironique sur ses personnages et sur une société de plus en plus inégalitaire et cloisonnée. Par sa trait ligne claire, faussement naïve, et par de subtils aplats de couleurs pastel, elle signe un récit élégant et attachant déjà couronné de nombreux prix. e Gilles Bechet Exit Wounds, Rutu Modan, Actes Sud BD, 176 pages, 20 e

ENFANTS DU MENSONGE

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our un enfant de six ans, la réalité d’une dictature peut paraître bien floue. Buenos Aires, 1978. Guillermina vit une vie sans nuages observant ses parents sans comprendre ce qui les agite et les inquiète. Tout bascule lorsque son père, opposant politique, est abattu, sans témoins. Vingt-quatre années plus tard, l’Argentine vit une période de récession. Le pays a besoin de cash autant qu’il a besoin d’être débarrassé des fantômes de la dictature. Le passé rejoint le présent suite au kidnapping contre rançon du grand-père de Guillermina de qui elle s’était toujours sentie fort proche. Le retour de sa mère, exilée à Paris, fait remonter des souvenirs douloureux. Des mensonges, des omissions par amour, de vérités dévoyées. Tissant en parallèle deux récits séparés par le temps, la jeune réalisatrice argentine signe un premier film très maîtrisé. Sans pathos, avec beaucoup de finesse et un sens du timing, les liens familiaux et les compromissions sont mis à l’épreuve de la logique du régime des généraux. Passé le premier mensonge par omission, même s’il est fait par amour, on s’emmêle les pattes dans un inextricable écheveau de non-dits, de ressentiments et d’incompréhensions. Le retour en arrière est impossible. Déroulant son récit intimiste entre deux époques, le film pose la question du courage, celui qui est nécessaire pour affronter le danger et celui qui est exigé pour accorder le pardon. e G.B. Agnus Dei (Cordero de Dios), de Lucía Cedrón, sortie en salle le 18 juin

AU LOUP ! AU LOUP ! D’origine rwandaise, Diogène Ntarindwa est né en 1977 au Burundi. Il a rejoint le Front patriotique rwandais à l’adolescence, et est démobilisé à 19 ans. Après des études de droit au Rwanda, il entre en 2002 au… Conservatoire de Liège. Particulièrement attaché au Rwanda et au drame qu’a connu ce pays, Diogène choisit aujourd’hui sans fausse pudeur de nous offrir le récit de son existence : une guerre qui le ramène sur les terres de ses aïeux, l’exil, le questionnement sur l’identité, le souci de mémoire... e Une co-production du Théâtre de Namur/Centre Dramatique, du Théâtre de Poche, de la Charge du Rhinocéros, du Groupov. Avec le soutien de Théâtre et Publics et de la Cocof/Service culture. Au Théâtre de Poche, Bois de la Cambre, Chemin du Gymnase 1A, 1000 Bruxelles, du 3 au 14 juin 2008 à 20h30. Relâche les dimanches et lundis. Réservations : 02 649 17 27 – reservation@poche.be

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éconcertant. Dès les premières pages du livre, on est perplexe. Ce «Totem du Loup», succès de librairie sans précédent en Chine, n’a rien semble-t-il du brûlot annoncé. L’histoire de Chen, jeune citadin envoyé pour «rééducation» durant la Révolution culturelle dans les steppes de Mongolie intérieure et qui semble y trouver bonheur et sagesse, nous apparaît comme politiquement correcte et parfaitement inoffensive. Mais, lorsque l’on entre véritablement dans le récit, une fable écologique, on découvre en fait une confrontation entre l’histoire des Mongols, ethnie désormais dominée, et celle de Chinois désormais puissants. Les Mongols, influencés par la société des loups, ces animaux nobles et courageux, ont jadis conquis le monde; tandis que les Chinois influencés par leurs philosophes n’ont pas su dépasser leurs frontières. Dès lors, on comprend que cette histoire belle et cruelle de loups et de moutons, remet en question les fondements mêmes du régime chinois. Paru en 2004, écrit par Jiang Rong (un pseudonyme), auteur inconnu jusqu’alors, le roman a passé sans problème le cap d’une censure que cet incroyable succès populaire rend désormais inutile. En Chine, l’auteur est souvent comparé à La Fontaine. Jiang Rong, utilise en effet la méthode du Français : ne pas attaquer le pouvoir de front mais le ridiculiser par une fable dont les animaux sont les héros. C’est aussi la méthode des loups. Comme son héros, Jiang Rong a vécu parmi eux, ils lui ont appris, la patience, le courage, le goût de la liberté. Et son message est celui-ci, les Chinois ne sont que des moutons, s’ils veulent se libérer, ils doivent apprendre à se comporter comme des loups… e Suzanne Welles Le Totem du Loup, Éditions Bourin, 566 pages, 25 e

Libertés ! Juin 2008 15



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