Libertés! Septembre 2009

Page 1

Ne paraît pas aux mois de juillet-août. 9, rue Berckmans 1060 Bruxelles

DÉPOT À BRUXELLES X

Libertes!

BELGIQUEBELGIE PP 1/2345 BXL X

SEPTEMBRE 2009 – N°456 – LE MENSUEL D’AMNESTY INTERNATIONAL

NIGERIA SPLENDEURS ET MISÈRES ISRAËL D’AMOUR ENCHAÎNÉES

IRAN DES VOIX POUR LES SANS VOIX


É D ITO R I A L

DANS LES GRIFFES DU TIGRE E

n mars 2003, une coalition emmenée par les États-Unis envahissait l’Irak et renversait le régime de Saddam Hussein dont le parti Baas avait, 35 années durant, imposé à l’ensemble des Irakiens un régime dictatorial parmi les plus féroces de la seconde moitié du XXe siècle. Le 10 juin 2003, la peine de mort était suspendue par l’Autorité provisoire de la Coalition, le gouvernement militaire mis sur pied par la coalition angloaméricaine. Cependant, 14 mois plus tard, le 8 août 2004, le gouvernement irakien de transition rétablissait la peine capitale et justifiait entre autres son choix par la vague de violence – politique et crapuleuse – qui commençait à submerger l’Irak. De même, élu lors des premières élections législatives libres de décembre 2005 et investi en mai 2006, le gouvernement de coalition du Premier ministre Nouri al-Maliki n’a jamais daigné fournir d’informations dignes de ce nom sur ces exécutions, même s’il est évident que leur nombre va croissant et qu’une partie d’entre elles ont lieu dans le plus grand secret. C’est ainsi que, le

10 juin dernier, ce ne sont pas moins de 19 personnes, y compris une femme, qui ont été exécutées sans que cela fasse l’objet de la moindre annonce officielle et après que les peines capitales aient été prononcées à l’issue de procès qui ne répondent pas aux normes internationales en matière de procès équitables. Sous Saddam Hussein, la peine de mort était pratiquée à une vaste échelle et visait entre autres les opposants politiques du Baas : partis laïcs, organisations religieuses, dirigeants étudiants, journalistes, hommes d’affaires, déserteurs (durant le conflit IranIrak), etc. À l’époque, Amnesty International était bien en peine d’établir avec précision le nombre – supposé élevé – de citoyens irakiens passés par les armes, entre autres lors de la terrible vague de répression qui répondit au soulèvement des provinces majoritairement arabes chiites dans le sud et kurdes dans le nord, au printemps 1991, répression durant laquelle des dizaines de milliers d’Irakiens furent victimes de disparitions forcées. Un peu plus de six ans après le renversement du régime baasiste, la déconvenue est d’autant plus sévère que la ministre des… Droits de l’Homme Wajdan Mikhaïl Salim s’est elle-même faite la promotrice d’une peine capitale censée répondre aux vagues incessantes d’attentats massifs perpétrés contre la population civile... La conséquence en est qu’en juillet dernier, les estimations les plus fiables évaluaient à un millier le nombre d’Irakiens alignés dans les couloirs de la mort… e Pascal Fenaux Pour en savoir plus : A thousand people face the death penalty in Iraq (Index AI : MDE 14/020/2009)

Libertés ! • Rue Berckmans, 9 – 1060 Bruxelles • Tél : 02 538 81 77 Fax : 02 537 37 29 • libertes@aibf.be • www.libertes.be • Éditrice responsable : Christine Bika • Rédacteur en chef : Pascal Fenaux • Comité de rédaction : Bruno Brioni, Thandiwe Cattier, Véronique Druant, Samuel Grumiau, Anne Lowyck, Brian May, Suzanne Welles • Ont collaboré à ce numéro : Gilles Bechet, Patricia Huon • Iconographie : Brian May • Maquette : RIF • Mise en page : Gherthrude Schiffon • Impression (sur papier recyclé non blanchi) : Remy Roto • Couverture : Une habitante de Makoko transporte les maigres effets personnels qu’elle est parvenue à arracher de son logement détruit par les autorités de l’État. Lagos, 6 mai 2005. © George Osodi

CHANGEMENT D’ADRESSE – ATTESTATION FISCALE – MODIFICATION, ANNULATION OU NOUVELLE COTISATION DE MEMBRE/DONATEUR(TRICE) Madame Michele Ligot : mligot@aibf.be je change d’adresse (inscrire uniquement la nouvelle adresse) Nom: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Prénom: . . . . . . . . . . N° de membre: . . . . . . . Adresse: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . N° . . . . . bte . . . . . . . . . . Code postal: . . . . . Localité: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Tél (obligatoire): . . . . . . . . . . . . . . . E-mail: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Oui, j'adhère aux objectifs d'Amnesty et souhaite devenir membre Je répartis le montant de : ma cotisation de mon abonnement sur toute l’année en complétant ce coupon et en le renvoyant à Amnesty International, 9 rue Berckmans à 1060 Bruxelles. Tout montant qui dépassera 14,87 e (prix de la cotisation ou de l'abonnement), sera considéré comme un «don», et par là-même jouira de la déductibilité fiscale pour autant que ce supplément soit de 30 e ou plus. Je verse tous les mois, au départ de mon compte n° . . . . . . . . . . – . . . . . . . . . . . . . . la somme de : 6e 10 e 20 e . . . . . . . . e (ou tout autre montant de mon choix) au profit du compte 001-2000070-06 de Amnesty International à partir du . . . . . . . . . . et jusqu’à nouvel ordre. Je conserve le droit d’annuler ou de modifier cet ordre à tout moment. ou je verse en une fois le mandat de . . . . . . . . . . . . . . au compte 001-2000070-06 Nom: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Prénom: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Date de naissance: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Adresse: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . N° . . . . . . . . bte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Code postal: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Localité: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Tél (obligatoire): . . . . . . . . . . . . . . . . E-mail: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Profession: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Date: . . . . . . . . Signature:

Ne rien inscrire dans cette case s.v.p. (réservé à l'organisme bancaire)

SOMMAIRE ACTUEL

3

DOSSIER

5

■ Israël : D’amour enchaînées ■ Focus : Une convention contre les disparitions ■ Insolites-Brèves

Nigeria : Splendeurs et misères ■ Vers une nouvelle guerre civile ? ■ Une mosaïque explosive ■ Des défenseurs aux abois ■ On achève bien le Delta

MOUVEMENT

10

ISAVELIVES.BE

13

■ Gros plan : La dignité en questions ■ Des voix pour les sans voix

■ Lettres du mois : Bosnie-Herzégovine,

Pakistan et Kosovo ■ Bonnes nouvelles

CULTURE/AGENDA

■ Une vie palestinienne ■ Leçon d’héroïsme ■ Le commissaire chez les Bozos

15


ACTU EL HONDURAS RÉPRESSION Le 19 août, dans un rapport intitulé Honduras : Human rights crisis threatens, as violence and repression increase (Index AI : AMR 37/004/2009), AI a publié une série de photos et de témoignages témoignant des graves brutalités infligées par la police et l’armée à des manifestants dans la capitale hondurienne, Tegucigalpa. Ces derniers défilaient pacifiquement contre le coup d’État perpétré le 28 juin avec le soutien des militaires et le renversement du président légitime José Manuel Zelaya Rosales. e

TUNISIE ÉTAT DE NON-DROIT Dans un rapport intitulé Au nom de la sécurité : Atteintes aux droits humains en Tunisie (MDE 30/007/2008), publié en juin 2008, Amnesty International décrivait en détail une politique systématique d’arrestations arbitraires, de détentions au secret, de disparitions forcées, d’actes de torture, de procès iniques (notamment devant des tribunaux militaires), de violences carcérales, entre autres contre des ressortissants tunisiens expulsés par des pays étrangers vers la Tunisie. Ce 20 août, AI a publié un nouveau rapport : Tunisia: Continuing abuses in the name of security (Index AI : MDE 30/010/2009). Or, «au nom de la sécurité» et de la lutte antiterroriste, d’autres États s’entêtent pourtant à renvoyer contre leur gré (ou à menacer de renvoyer) vers leur pays d’origine des ressortissants tunisiens qui risquent d’y subir la torture. e

HONGRIE TRAQUE AUX ROMS Le 3 août, une Rom de 45 ans était tuée par balle dans le village de Kisléta (est de la Hongrie) et sa fille, âgée de 13 ans, était grièvement blessée lors d’une attaque survenue au lendemain des cérémonies hongroises marquant la Journée internationale de commémoration de l’extermination des Roms par l’Allemagne nazie, le Porrajmos. Entre janvier 2008 et juin 2009, le Centre européen pour les Droits des Roms (CEDR) a rassemblé des informations sur 39 attaques dirigées contre des Roms ou contre leurs biens. Huit personnes ont perdu la vie au cours de cette période. La multiplication de ces attaques entretient un climat de peur et d’intimidation que n’allègent pas les enquêtes bâclées menées par la police. e

YÉMEN AFFRONTEMENTS CONFESSIONNELS C’est dans une indifférence internationale que les heurts se multiplient entre les forces gouvernementales yéménites et les partisans de Hussain Badr al Din al Huthi, dignitaire chiite zaïdite décédé, au risque de nouvelles violations flagrantes des droits humains, comme ce fut le cas jadis dans le gouvernorat de Saada. Depuis la reprise des affrontements armés à la mi-juillet, des milliers d’habitants de Saada et de sa région ont fui leurs foyers. L’aide humanitaire n’arrive que difficilement, les forces gouvernementales ayant pratiquement interdit la zone aux journalistes et aux organismes humanitaires. Selon certaines informations, des dizaines de civils ont été tués. e

Une Juive récemment divorcée montre les alliances dont elle peut désormais se séparer. Jérusalem, 2001. © Panos/Stuart Freedman

ISRAËL

D’AMOUR ENCHAÎNÉES En Israël, si un époux juif refuse d’accorder à sa femme le divorce, rien ne peut dénouer les liens sacrés du mariage. Des milliers de femmes se retrouvent ainsi privées de leur liberté. Reportage.

«

Je me sens comme une otage, une esclave. Je ne serai libre que quand il mourra.» Enfermée pendant de longues années dans un mariage malheureux, cela fait maintenant dix ans qu’Aliza tente d’obtenir le divorce. En vain. Son cas est ainsi venu gonfler les statistiques des nombreuses femmes israéliennes coincées dans cette zone d’ombre, entre mariage et divorce. On les appelle les agounot, littéralement, les «ancrées», les «enchaînées». Lorsqu’elle raconte son histoire, cette jolie quadragénaire semble envahie d’une grande lassitude. Elevée dans une famille juive ultra-orthodoxe, elle a épousé à 18 ans un homme plus âgé qu’elle. Une union arrangée par sa famille dans laquelle elle ne se sentira jamais à l’aise. Mais, rapidement, arrive le premier enfant ; il y en aura six en tout. Aliza restera finalement pendant 16 ans, malgré des violences répétées de la part de son mari. «J’avais peur. Il menaçait de me tuer si je partais», racontet-elle. Un jour, Aliza trouve enfin le courage de porter plainte et de demander le divorce. Les questions de la garde des enfants, de la pension alimentaire et du partage de la maison sont rapidement réglées par un tribunal civil. Elle pense alors que son cauchemar est terminé. Il ne fait que commencer… Pour que le divorce soit officiellement prononcé, il faut en effet passer devant un tribunal rabbinique. En Israël, où les deux tiers de la population se disent pourtant non pratiquants, il n’y a ni mariage, ni divorce civil. Selon la Loi judaïque, la Halakha, c’est l’homme qui doit remettre à sa femme l’acte de divorce, le gett. Et il doit le faire de son plein gré, sous peine de nullité.

S’il refuse ou disparaît sans laisser de traces, sa femme ne pourra pas refaire sa vie. Si elle a des enfants avec un autre homme, ceux-ci (et toutes les générations après eux !) seront considérés comme des mamzerim, des «bâtards», du point de vue de la religion. À l’inverse, un homme dont la femme refuserait de divorcer, peut procréer à nouveau sans conséquences pour les enfants, voire se remarier. Ces femmes seraient des milliers selon les associations, qui comptabilisent aussi celles qui ont laissé tomber par lassitude ou dont le mari a monnayé le gett contre de l’argent ou la garde des enfants. Aliza aussi a subi ces pressions. «À chaque fois que nous passions devant la cour, il avait de nouvelles exigences, témoigne-t-elle. Les rabbins me demandaient de tout accepter. Au final, ça m’a coûté une fortune et j’ai plusieurs fois pensé à abandonner.» Une loi de 1995 permet pourtant au tribunal rabbinique d’imposer des sanctions aux maris récalcitrants, telles que suspendre leur permis de conduire, bloquer leurs comptes bancaires, voire les envoyer en prison. Mais ces sanctions ne sont administrées que dans de rares cas et seulement après de longues années de refus. L’an dernier, Aliza s’est finalement adressée au Center for Women’s Justice (CWJ), une association qui représente des femmes agounot devant les tribunaux. «Le refus d’un gett cause beaucoup de souffrances, explique Susan Weiss, l’avocate qui a fondé le CWJ. Nous demandons donc des dommages et intérêts aux maris, mais aussi parfois à l’État d’Israël. On essaie ainsi de créer des précédents. Nous gagnons presque toujours, mais cela peut prendre plusieurs années. Il est aussi fréquent que des hommes acceptent fina-

Libertés ! Septembre 2009 3


ACTU EL lement de divorcer pour ne pas payer et obtenir l’abandon des poursuites. Mais certains sont têtus : un homme est mort après avoir refusé de divorcer pendant plus de trente ans.» Lilakh, une puéricultrice de la banlieue de Tel-Aviv, s’est aussi adressée au CWJ, après plusieurs années passées à batailler seule face au tribunal rabbinique. «Pour moi, ce n’est pas une question de religion, je ne suis pas pratiquante. Mais si je rencontrais quelqu’un, je voudrais pouvoir me remarier. J’aurais aussi voulu avoir d’autres enfants. Mais aujourd’hui, à 44 ans, c’est trop tard…» Cela fait également dix ans que Lilakh a demandé le divorce après que son mari, devenu adepte d’une secte mystique, eût essayé d’y entraîner leur fils aîné. «Lorsque j’ai saisi le tribunal, il a disparu. Après quelques années, les rabbins ont engagé un détective privé pour le retrouver, explique-t-elle. Il a alors été amené, menotté, devant la cour. Mais le juge, constatant qu’il n’était pas là de son plein gré, lui a dit de rentrer chez lui et de se représenter la semaine suivante pour me remettre le gett. Il n’est jamais revenu…» A partir de là, Lilakh a constaté un revirement de situation. «Les rabbins voulaient que je laisse tomber tout ce que j’avais obtenu auprès du tribunal civil, comme les questions de la garde des enfants ou de la pension alimentaire – que je n’ai d’ailleurs jamais touchée – afin qu’ils puissent tout rejuger.» Une situation qui serait loin d’être exceptionnelle. «Certains rabbins ont l’impression que les tribunaux civils leur

ont ôté leurs prérogatives et on sent une vraie crispation», constate Robyn Shames, directrice d’ICAR, l’International Coalition for Aguna Rights. «Les ultra-orthodoxes ont de plus en plus de pouvoir dans la société israélienne et dans les tribunaux religieux. Avant de prononcer un divorce, il est maintenant fréquent que les rabbins demandent à l’époux ce qu’il veut en échange. Or, souvent, celui-ci n’aurait jamais pensé à exiger quoi que ce soit si on ne le lui avait pas suggéré ! Si les femmes sont désormais plus indépendantes financièrement, parallèlement, les rabbins deviennent de plus en plus stricts, comme par réaction…» Un paradoxe dans une société moderne où un mariage sur trois se termine par un divorce et où les unions libres sont en constante augmentation. Depuis plusieurs années, des associations essayent de sensibiliser l’opinion juive aux problèmes des agounot. Elles fournissent à ces femmes une assistance juridique, organisent des manifestations et font du lobbying à la Knesset, le Parlement israélien. Parmi les solutions, elles suggèrent notamment qu’un accord prénuptial soit proposé aux jeunes époux. Beaucoup de militantes de ces associations sont ellesmêmes des Juives pratiquantes. C’est le cas de Batsheva Sherman, une jeune avocate dynamique, spécialisée dans la défense des agounot. «Je suis religieuse, dit-elle, mais pour moi, la Loi judaïque ne devrait jamais entraîner de telles souffrances.» e Patricia Huon

L’INSOLITE LÉVITATION FAITE À DMITRI Selon les lamas du temple d’Ivolginski Datsan, en Bouriatie, le président russe Dmitri Medvedev s’est réincarné en déité bouddhiste, la Tara blanche, une des divinités les plus vénérées du panthéon bouddhiste. Depuis le règne de Catherine II de Russie (1729-1796), qui avait reconnu le bouddhisme comme religion d’État de l’Empire, tous les tsars ont été considérés comme une réincarnation de cette déesse. Cette tradition s’était interrompue sous l’ère soviétique. Dmitri Medvedev est le premier chef d’État russe en activité à se rendre en Bouriatie, une république autonome de Sibérie à forte population bouddhiste. La Tara blanche possède sept yeux : deux au même endroit que les nôtres, un sur le front et quatre sur les pieds et les mains. Le divin président a rendu visite au vénérable lama Dacha Dorjo Itiguelov, mort en 1927 en «état de nirvana» et exhumé selon ses dernières volontés en 2002. Étonnamment conservée, la dépouille, en position du lotus, affiche une température de 19 degrés, qui passe à 34 degrés lors des prières. e D’après Courrier International

FOCUS

UNE CONVENTION CONTRE LES DISPARITIONS Les disparitions forcées sont une constante dans l’histoire de la seconde moitié du XXe siècle. En 2006, l’Assemblée générale des Nations unies adoptait la Convention internationale pour la Protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

P

lus de soixante ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, les disparitions forcées continuent d’être pratiquées dans de trop nombreux pays, y compris sur le continent européen, comme outil répressif, afin de museler les dissidents et d’éliminer toute opposition politique, mais aussi pour persécuter des minorités ethniques, religieuses ou politiques. Ces dernières années, dans le cadre de la «guerre contre le terrorisme», les États-Unis ont ainsi procédé, parfois avec la complicité d’autres gouvernements, aux disparitions forcées. C’est dans ce contexte que l’Assemblée générale des Nations unies a adopté, le 20 décembre 2006, la Convention internationale pour la Protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. La Journée internationale des Personnes disparues, qui a eu lieu le dimanche 30 août 2009, a pour but d’exiger que justice soit rendue aux victimes de disparitions forcées. Des gouvernements du monde entier ont recours aux disparitions forcées. En effet, il ne manque actuellement que 7 ratifications pour que la Convention entre en vigueur.Dans le cadre de la journée du 30 août, Amnesty lance des actions ciblées sur le Burundi, le Cap-Vert, le Costa Rica, le Liban, le Maroc, le Pakistan, le Paraguay, le Portugal, la Serbie et Timor Leste, pour qu’ils ratifient ladite Convention. Un des cas les plus tristement emblématiques reste l’Algérie. En 1992, l’annulation des premières élections législatives multipartites (que le Front islamique du salut semblait devoir remporter) provoqua un conflit interne atrocement sanglant. L’état d’urgence fut déclaré, le FIS interdit et le président «démissionné». Cherchant

4 Libertés ! Septembre 2009

Un couple d’Algériens manifeste aux côtés d’autres familles de disparus, à Relizane, un des épicentres des massacres et des disparitions durant la «sale guerre» de 1992-2002. Relizane, novembre 2000. à revendiquer par la violence la victoire électorale du FIS, des groupes armés s’en prirent aux institutions publiques et commirent ensuite des atteintes généralisées aux droits humains : massacres de civils, enlèvements, viols et actes de torture. Les autorités algériennes jouèrent un rôle majeur dans l’escalade de la violence, les forces de sécurité et des milices armées par l’État faisant disparaître des milliers de personnes, des hommes pour la plupart, et se rendant responsables d’exécutions illégales, de détentions arbitraires et d’actes de torture à grande échelle. Aujourd’hui, les forces de sécurité commettent toujours des violations des droits humains sans craindre de devoir rendre compte de leurs actes. Les mesures d’amnistie dont le président Abdelaziz Bouteflika, au pouvoir depuis 1999, a été le promoteur ont en outre été présentées comme une initiative positive en vue de «tourner la page» et de mettre fin à «la tragédie nationale». Or, le fait que les victimes et leur famille soient empêchées d’obtenir vérité, justice et réparation signifie que les auteurs de violations graves des droits humains peuvent continuer à perpétrer de tels crimes sans crainte de sanctions, tandis que les défenseurs de ces familles sont harcelés par les autorités. e S’INFORMER : Un legs d’impunité : une menace pour l’avenir de l’Algérie (Index AI : MDE 28/003/2009) AGIR : http://www.amnestyinternational.be/disparitions


DOSSIER

NIGERIA

SPLENDEURS ET MISÈRES Le plus peuplé des pays du continent africain est également l’un des plus pauvres, du moins l’un de ceux où les écarts sociaux, économiques et environnementaux sont parmi les plus révoltants. Ce géant multiethnique et multiconfessionnel est secoué depuis son indépendance (en 1960) par une alternance de coups d’État militaires et de retours cosmétiques à des régimes civils et multipartites. Dans le cadre de sa campagne «Exigeons la dignité» et, plus précisément, de ses démarches en faveur d’une réelle responsabilisation (accountability) des pouvoirs publics et des entreprises, Amnesty a fait du Nigeria l’un des pays les plus exemplatifs du viol des droits économiques, sociaux et culturels. Dans ce pays, la défense des droits humains se paie souvent au prix fort. Ce dossier devrait (du moins, c’est à espérer) apporter une certaine clarification et compréhension des problèmes politiques, économiques et sociaux auxquels est confronté le géant africain, le tout sous l’angle des droits humains.

l Des Nigérians assis le long d’une route illuminée de jour comme de nuit par le gaz des torchères d’un village de l’État de Rivers, dans le Delta. Akala-Olu, 31 janvier 2008. © Kadir van Lohuizen/NOOR

VERS UNE NOUVELLE GUERRE CIVILE ? Si son histoire a débuté avant la conquête européenne, le Nigeria contemporain et les tensions qui y opposent certains groupes ethniques et/ou religieux sont évidemment marqués de façon déterminante par la période coloniale britannique, le commerce des esclaves et, bien évidemment, l’exploitation intensive et inégalitaire du sous-sol, surtout dans le Delta du Niger.

L

’histoire précoloniale du Nigeria est marquée par le développement, du VIIe au XIe siècle, des civilisations Haoussas (nord) et Yoroubas (sud-ouest). Ensuite, le nord de l’actuel Nigeria est dominé pendant six siècles par les empires du Kanem qui, à partir du lac Tchad, profitent de leur position stratégique au cœur des échanges économiques entre les Berbères d’Afrique du Nord et les peuples des régions forestières du sud. Au début du XIXe siècle, tandis que la pénétration coloniale britannique à l’intérieur des terres (les ports côtiers ayant jusque-là servi au

trafic florissant d’esclaves vers le Nouveau Continent) supplante la puissance coloniale portugaise, l’essentiel des régions majoritairement musulmanes du nord se regroupent au sein du Califat de Sokoto. Presque simultanément (à partir de 1790), la Grande-Bretagne entame l’exploration de la région du Delta du Niger et remonte vers le nord en installant à l’intérieur des terres des comptoirs coloniaux privés supplantant les pouvoirs autochtones, comptoirs qui passent peu à peu sous le contrôle direct du gouvernement britannique.

Libertés ! Septembre 2009 5


DOSSIER En 1899, la Grande-Bretagne institue un Protectorat du «Nigeria du Sud» (en référence au fleuve Niger) auquel est annexé en 1906 le territoire de l’ancienne colonie portugaise de Lagos. En 1903, les sultans (musulmans) de Sokoto et de Foula (Nigeria du Nord) sont contraints de faire allégeance après l’échec de soulèvements noyés dans le sang par le colonisateur britannique. Enfin, en 1914, les protectorats du Nord (majoritairement musulman) et du Sud (majoritairement chrétien et animiste) sont intégrés de force au sein d’un territoire colonial unique, les Colony and Protectorate of Nigeria. Face à l’émergence de la revendication indépendantiste africaine, les Britanniques dotent le pays d’un gouvernement représentatif en 1951 puis d’une Constitution fédérale en 1954. À l’aube de l’indépendance politique du Nigeria en 1960, la colonie compte déjà 34 millions d’habitants (dont 12 000 colons britanniques) et 250 «ethnies». Le pays le plus peuplé d’Afrique est alors divisé en 3 régions disposant d’une large autonomie. En 1966, un coup d’État militaire hisse au pouvoir le général Johnson Ironsi, d’origine Ibo, qui est assassiné quelques mois plus tard. Les nouveaux putschistes accroissent les pouvoirs du gouvernement fédéral, suppriment les trois régions et les remplacent par 12 États fédérés. Les Ibos, ethnie majoritaire de l’est et du sud du pays, sont alors victimes de représailles raciales sanglantes qui aboutissent en 1967 à la sécession de la république du Biafra, laquelle recouvre la quasi-totalité du Delta du Niger et son sous-sol riche en hydrocarbures… Atroce, la guerre civile s’achève par la capitulation des indépendantistes le 12 janvier 1970. En 1975, un coup d’État amène Murtala Ramat Mohammed au pouvoir sans effusion de sang. Il promet un retour rapide à la démocratie, mais il est tué dans un coup d’État avorté et est remplacé par son second Olusegun Obasanjo. Une nouvelle Constitution est promulguée en 1977 et Shehu Shagari emporte la victoire aux premières élections de 1979. En 1983, un nouveau coup d’État replonge le pays dans la dictature, celle du Conseil militaire suprême. En 1993, après des élections annulées par le gouvernement militaire, le général Sani Abacha arrive à la tête de l’État. À sa mort soudaine en 1998, Abdulsalam Abubakar prend le pouvoir et rétablit la constitution de 1979. En 1999, les premières élections démocratiques depuis 16 ans sont gagnées par Olusegun Obasanjo, lequel est réélu lors des élections contestées de 2003. En 2007, des élections tout aussi sujettes à caution conduisent au pouvoir Umaru Yar’Adua, certes civil, mais successeur désigné d’Olusegun Obasanjo. Le pays est soumis à de fortes tensions entre musulmans et chrétiens. Face au nord majoritaire et musulman, les Ibos du Nigeria constituent un contre-pouvoir récurrent et principalement implanté dans l’est et le sud. Les Ijaws, ethnie vivant dans le Delta du Niger d’où sont extraits les hydrocarbures, se sont quant à eux contre un gouverne-

ment fédéral qu’ils accusent de complicité dans la pollution de l’environnement occasionnée par les activités d’extraction des multinationales occidentales. Beaucoup d’observateurs se demandent si une guerre va éclater dans le Delta du Niger. Là-bas, les militants du Mouvement pour l’Émancipation du Delta du Niger (Movement for the Emancipation of the Niger Delta ou MEND), ainsi que d’autres moins connus multiplient les enlèvements de membres du personnel des compagnies pétrolières, lesquelles récupèrent leurs employés occidentaux contre rançon. De même, les oléoducs sont percés pour en détourner le contenu et les installations pétrolières sont régulièrement attaquées. Le MEND affirme protester contre les dégâts de l’extraction pétrolière (voir pages suivantes) sur l’environnement et, surtout, contre la redistribution éminemment inéquitable des revenus de l’industrie du pétrole. Ainsi, 48,5 % vont au gouvernement fédéral, 24 % aux États fédérés et 20 % aux pouvoirs locaux, tandis que les autorités d’Abuja ristournent 13 % supplémentaires aux États du Delta qui possèdent des gisements onshore et offshore. Le nouveau président Umaru Yar’Adua a certes promis de porter cette part à 25 %, mais la corruption massive empêche la population de voir la couleur de cet argent, qui n’enrichit qu’une certaine frange de citoyens les mieux placés, tandis que les autres survivent avec moins d’un dollar par jour dans un environnement saccagé par la pollution. Grâce aux enlèvements et aux détournements de pétrole, les militants du MEND amassent de petites fortunes qu’ils affirment consacrer entièrement au bien de leur communauté. Lourdement armés et équipés de vedettes rapides, ils pèsent de plus en plus sur les compagnies pétrolières, lesquelles font pression sur le gouvernement fédéral pour qu’il mette le paquet dans la répression. Les «justiciers» du MEND ont cela dit suscité d’autres vocations, celles de bandes de gangsters qui travaillent pour leur propre compte et commencent à «exporter» la violence aux barges de forage et aux plates-formes d’extraction du Cameroun et de Guinée équatoriale. À ces violences, le gouvernement nigérian répond au moyen de la Joint Military Task Force (JTF), une division mixte composée de militaires et de policiers. Le 15 mai 2009, le MEND a déclaré une «guerre totale» en représailles à des bombardements qui auraient fait des centaines de morts parmi la population civile. Une Commission pour le Développement du Delta du Niger (NDDC) a été mise sur pied pour centraliser les demandes et coordonner les opérations pour l’ensemble des 7 États du Delta : Abia, Akwa Ibom, Delta, Edo, Ondo, Rivers et Cross River, lesquels concentrent 30 millions d’habitants. Depuis septembre 2008, un ministère spécifique pour le Delta est dirigé par Ufot Ekaette, originaire du Delta. Le ministère a également mis sur pied un comité technique de 45 experts dirigé par Ledum Mittee, qui n’est autre que le président du Mouvement pour la Survie du Peuple ogoni (MOSOP) créé par l’écrivain Ken Saro-Wiwa (1). Si l’objectif du ministre est officiellement de développer les infrastructures, son budget n’est pas considéré comme à la hauteur, tandis que le fait qu’il s’appuie sur la JTF laisse craindre le pire en matière de violation des droits humains. Le MEND ne dispose pour l’instant pas d’un chef charismatique capable de soulever des populations entières contre le pouvoir fédéral et les compagnies occidentales. Sans doute les violentes contre-offensives militaires nigérianes l’ont-elles quelque peu affaibli. Il n’empêche que, en l’absence de résultats économiques concrets, certains observateurs craignent que, si les villages décident de prendre les armes, le Delta replonge dans la période sanglante de la sécession du Biafra. Cette guerre civile (2) qui avait opposé le Biafra (proclamé indépendant par les régions igbos du sud-est du Nigeria) à l’armée fédérale avait, entre 1967 et 1970, entraîné la mort (par les armes et par la faim) de plus d’un million de personnes… e Pascal Fenaux (1) Coordinateur d’une campagne non-violente contre Shell et dénonçant les ravages environnementaux de l’extraction pétrolière sur le Delta, cet écrivain a été condamné par la justice nigériane au terme d’un procès largement dénoncé par les ONG et pendu en 1995. (2) James Brooke, «Few Traces of the Civil War Linger in Biafra», New York Times, 14 juillet 1987.

j Carte de la République du Biafra, dans le sud-est du Nigeria, proclamée indépendante lors de la guerre de sécession du Delta (1967-1970)

6 Libertés ! Septembre 2009


DOSSIER j Des membres d’une église évacuée de force recherchent leurs biens dans un immeuble parmi les centaines d’autres rasés par les autorités. Lagos, 6 mai 2005.© George Osodi

UNE MOSAÏQUE EXPLOSIVE Le Nigeria constitue, avec la RDC et l’Afrique du Sud, l’un des pays les plus hétérogènes des points de vue de la langue, de la confession et de l’appartenance ethnique. Pour le meilleur comme pour le pire.

S

ur les plans ethnique, linguistique et confessionnel, le Nigeria peut se diviser globalement en trois zones : un nord majoritairement musulman, un sud-ouest majoritairement chrétien et musulman, et, enfin, un sud-est majoritairement chrétien. Dans les États du nord, qui couvrent les deux tiers du territoire nigérian, le groupe ethnique le plus nombreux est celui formé par les Haoussas et les Foulanis (Peuls), dont l’écrasante majorité sont musulmans. Les autres principaux groupes ethniques du nord sont les Tivs et les Kanouris. Dans les États du sud-ouest, ce sont les Yoroubas qui constituent le groupe ethnique et linguistique dominant. Plus de la moitié d’entre eux sont chrétiens et environ un quart sont musulmans, le reste de la population du sud-ouest observant des cultes traditionnels qui ne relèvent ni de l’islam ni du christianisme. Enfin, dans les États du sud-est, ce sont les Igbos à dominante chrétienne qui forment le plus grand groupe ethnique. Si les Nigérians de rite catholique romain y sont de loin prédominants, on observe néanmoins une popularité croissante des Églises protestantes pentecôtistes et autres. Dans le sud-est, il faut également compter avec les Efiks, les Ibibios, les Annangs et les Ijaws, ces derniers constituant le quatrième principal groupe ethnique nigérian. Dans ce patchwork hérité de la période coloniale britannique, c’est évidemment l’anglais qui sert de lingua franca entre les différents groupes ethniques et, surtout, entre leurs élites. Cela dit, la connaissance de deux ou plusieurs langues nigérianes est très répandue. C’est sans surprise que les idiomes des Haoussas, des Yoroubas et des Igbos se révèlent être les langues les plus usitées au Nigeria. À l’échelle du Nigeria, en l’absence de statistiques officielles et en faisant remarquer que certains considèrent que ces estimations sont destinées à surreprésenter les États du nord dans la fédération, on estime que le pays le plus peuplé d’Afrique est composé de plus de 250 groupes ethniques, parmi lesquelles quelques-unes seulement s’avèrent être les plus politiquement influentes. Les Haoussas et les Foulanis (Peuls) constituent 29 % de la popu-

lation totale du Nigeria. Viennent ensuite les Yoroubas (20 %), les Igbos (20 %), les Ijaws (7 %), les Kanouris 4 % et les Tivs 3 %. Du point de vue religieux, le dernier recensement, effectué en 1963, c.à.d. au lendemain de l’indépendance, indiquait que 47 % des Nigérians étaient musulmans, que 35% étaient chrétiens et qu’enfin 18% pratiquaient des cultes «traditionnels», c.à.d. antérieurs aux missionarismes chrétiens et musulmans. L’islam est traditionnellement dominant dans toute l’Afrique de l’Ouest. Vu sa forte densité de population, c’est sans surprise que le Nigeria a l’une des plus importantes populations musulmanes de cette région d’Afrique subsaharienne. L’islam a pénétré le nord du Nigeria dès le XIe siècle est devenu dominant dans les principales cités de la région dès le XVIe siècle, avant de se répandre dans les campagnes et dans les collines de la Middle Belt. À l’aube de l’ère coloniale, le sheikh Usman Dan Fodio, un intellectuel et dirigeant politico-religieux, avait ainsi établi un califat (régime politique fondé sur l’islam) dans le nord du Nigeria. Le régime colonial instauré par la Grande-Bretagne allait ensuite se contenter d’exercer un contrôle indirect dans le nord du Nigeria et dont les structures ne faisaient que coopter l’ancien califat. De nos jours, la tendance des États du nord à se réclamer de la charia pour ce qui est du pouvoir judiciaire et le droit de la famille rappelle évidemment le double système administratif et judiciaire mis privilégié à l’époque de la colonisation britannique. La sécession du Biafra en 1967-1970 et les troubles qui secouent actuellement la région du Delta ne sont pas des événements étrangers l’un à l’autre, loin de là. Les causes de la «guerre civile nigériane» étaient multiples et renvoyaient principalement au fait que l’immense protectorat colonial créé par la Grande-Bretagne était une construction «artificielle», sans antécédent historique et d’une extrême hétérogénéité. Cette hétérogénéité était rendue plus aiguë par la cohabitation forcée (colonisateur oblige) entre systèmes juridiques et aggravée par l’ascendant politique et démographique du nord «musulman» sur le sud-ouest et le sud-est. Aujourd’hui, les violences qui secouent le Delta du Niger se déroulent tout bonnement dans les régions où fut proclamée en 1967 la République du Biafra. Le conflit porte bien évidemment sur l’inégalité excessive dans la redistribution des bénéfices de l’industrie pétrolière. Mais une autre source majeure de tensions est néanmoins le ressentiment des élites du sud par rapport à un gouvernement central considéré comme au service premier des régions musulmanes du nord. e P.F.

Libertés ! Septembre 2009 7


DOSSIER j Clement Nwankwo, un des plus anciens défenseurs adoptés par AI, lors d’une visite au Secrétariat international. Londres, 1999. © AI

DES DÉFENSEURS AUX ABOIS Au Nigeria, la défense des droits humains s’avère un exercice périlleux. Et ce ne sont certainement pas les derniers développements juridiques et législatifs enregistrés ces derniers mois qui incitent à l’optimisme.

D

es prisons surpeuplées. Des milliers de Nigérians condamnés à des peines de prison démesurées au terme de procès iniques. Un système judiciaire corrompu et, qui plus est, laissé à la discrétion de chacun des États qui composent la fédération nigériane et souvent soumis à la sourde influence des forces de police et de l’armée. Des condamnés à la peine capitale qui attendent pendant des années dans les couloirs de la mort. C’est théoriquement contre ce constat terrible que devrait œuvrer la Commission nationale des droits humains (CNDH). Or, le moins qu’on puisse dire, c’est que le gouvernement fédéral nigérian se montre tout sauf déterminé à garantir l’autorité, la liberté d’action et l’indépendance de la CNDH dans son travail de protection et promotion des droits humains. En novembre 2007, le Conseil d’administration de la CNDH a été dissous avant la fin de son mandat. Le gouvernement n’a pas nommé de nouveau Conseil d’administration, en dépit des obligations inscrites dans la Loi sur la Commission nationale des droits humains qui prévoit la réunion une fois par mois au moins d’un conseil composé de neuf membres. Le Conseil, nommé pour un mandat de quatre ans par le Président sur recommandation du Procureur général et ministre de la Justice de la Fédération est théoriquement responsable du bon fonctionnement de la Commission. Or, le 18 mars 2008, Kehinde Ajoni, Secrétaire exécutive de la CNDH, a été relevée de ses fonctions par le Procureur général, Michael Kaase Aondoakaa, lequel l’en a informée par courrier. Kehinde Ajoni avait été nommée pour cinq ans et son mandat ne devait arriver à échéance qu’en 2011. Le président a nommé l’avocat Roland Awubare pour la remplacer. Selon une déclaration du ministre fédéral de la Justice, Kehinde Ajoni aurait officiellement été «rappelée au ministère». En vertu de l’article 4(2) de la Loi sur la CNDH, le président a tout pouvoir pour changer les membres du Conseil d’administration, y compris son Secrétaire exécutif, «s’il considère qu’il n’est pas dans l’intérêt général que l’un des membres reste en poste.» Cependant, cette déclaration ne précisant nulle part les motifs du renvoi de Kehinde Ajoni, il y a tout lieu de considérer que ce renvoi soit tout bonnement arbitraire.

8 Libertés ! Septembre 2009

Déjà, le prédécesseur de Kehinde Ajoni, Bukhari Bello, avait été remplacé de la même manière en juin 2006, quatre ans avant la fin de son mandat en raison, semble-t-il, de son approche trop critique de la politique du gouvernement nigérian. Suite à ce remplacement spécieux, une instance de l’ONU, le Comité international de Coordination des Institutions nationales pour la Promotion et la Protection des Droits de l’Homme [ONU], n’avait plus autorisé le Nigeria à renouveler son adhésion. Cela n’entame manifestement pas la détermination de nombreux défenseurs des droits humains. L’un d’entre eux est Patrick Barigbalo Naagbanton. Né dans l’État de Rivers, au Nigeria, il a suivi une formation de journaliste avant d’intégrer l’usine de la société Union Dicon Salt PLC, implantée à Port Harcourt, capitale de l’État de Rivers (dans le Delta), ancien haut lieu de la sécession du Biafra de 1967-1970 et foyer actuel de violences et de vagues de répression. Patrick Barigbalo Naagbanton s’est syndiqué et a été élu à la tête du Syndicat des Ouvriers maritimes du Nigeria (MWUN), avant d’être licencié pour avoir milité en faveur de l’amélioration des conditions de travail. Ayant fait adhérer de nombreux ouvriers à des groupes de défense des droits humains et de la démocratie comme l’Organisation des libertés publiques (CLO), la Campagne pour la Démocratie (CD) ou encore le Comité nigérian de Défense des Droits humains (CDHR), Patrick Naagbanton a été à plusieurs reprises interpellé et harcelé durant la dictature militaire. Arrêté en 1996, il a été maintenu à l’isolement pendant plus d’un mois. Membre du Bureau exécutif de l’Organisation des Libertés publiques en tant que représentant de la région du Delta, il a également collaboré avec Environmental Rights Action / Les Amis de la Terre-Nigeria. Depuis la fin de 2005, il est responsable du Centre pour l’Environnement, les Droits humains et le Développement du Nigeria (CEHRD), dont l’objectif est de réagir face aux problèmes qui se posent dans la région du delta du Niger sur le plan de l’écologie, des droits humains, de la santé et du sous-développement. En proposant aux communautés rurales du Nigeria une éducation et un soutien, le CEHRD leur permet d’acquérir des connaissances sur leurs droits ainsi que des moyens d’agir. En reconnaissance pour son action en faveur de la promotion et de la défense des victimes d’atteintes aux droits humains au Nigeria, Patrick Naagbanton a reçu en 2001 le Prix des Droits de l’Homme de l’université d’Indianapolis. Enfin, en 2002, la section de l’État de Rivers de l’Organisation des Libertés publiques lui a décerné le Prix Saro-Wiwa. e P.F.


DOSSIER j Du gaz brûle à l’horizon d’Ebocha, un village de l’État de Rivers, dans le Delta. © Kadir van Lohuizen/NOOR

ON ACHÈVE BIEN LE DELTA Dans le cadre de sa campagne «Exigeons la dignité», Amnesty International publiait, le 30 juin 2009, un copieux rapport sur l’industrie pétrolière du Delta, laquelle n’a entraîné pour la majorité des habitants de la région que paupérisation, conflits, violences, atteintes aux droits humains et désespoir.

R

endu public le 30 juin dernier, le rapport Nigeria. Petroleum, pollution and poverty in the Niger Delta (Index AI : AFR 44/017/2009) décrit comment des décennies de pollution et de dégradation de l’environnement causées par l’industrie pétrolière ont privé des centaines de milliers de personnes du droit à un niveau de vie décent, lequel passe notamment par un accès suffisant à la nourriture et à l’eau. Quant aux salariés de cette industrie, ils sont tout simplement privés de leur droit à gagner leur vie en travaillant, du droit à un environnement sain et du droit à la santé. Rédigé entre autres par Marleen van Ruijven, d’Amnesty International Nederland, ce rapport souligne également que le gouvernement nigérian ne parvient pas à faire assumer leurs responsabilités sociales et écologiques aux compagnies pétrolières qui exploitent le sous-sol du Delta. Le Delta du Niger représente l’un des dix principaux écosystèmes marins de zone côtière humide au monde et il abrite quelque 31 millions de personnes. Il contient également d’importantes réserves d’hydrocarbures, exploitées depuis des dizaines d’années par le gouvernement du Nigeria et des compagnies pétrolières multinationales. Le Programme des Nations unies pour le Développement (PNUD) décrit la région comme souffrant «de la négligence administrative, d’infrastructures et de services sociaux en train de s’effondrer, d’un fort taux de chômage, de la misère sociale, d’une pauvreté abjecte, d’une crasse repoussante et d’un conflit endémique». Cette pauvreté, qui contraste avec les richesses engendrées par le pétrole, est devenue l’un des exemples les plus frappants et les plus inquiétants de la «malédiction des ressources». Ainsi, le pétrole a rapporté 600 milliards de dollars (environ 430 milliards d’euros) depuis les années 1960. Or, les habitants vivant dans les zones de production doivent utiliser une eau polluée pour boire, cuisiner et se laver. Ils doivent aussi consommer du poisson contaminé par les hydrocarbures et les toxines. Les déversements d’hydrocarbures et de déchets nuisent gravement aux terres agricoles. À long terme, ils rendent les sols moins fertiles et font baisser la productivité, dans certains cas pour des dizaines d’années. Bien souvent, les effets à long terme sapent la seule source de subsistance d’une famille. Les représailles du gouvernement contre l’activisme et la violence armée de groupes comme le MEND font des populations locales les otages de la

violence et des châtiments collectifs, ce qui ne fait qu’accentuer la colère et le ressentiment. Dans le Delta, les acteurs de l’industrie pétrolière sont à la fois l’État nigérian et les filiales de multinationales. Ainsi, Shell Petroleum Development Company (Shell), une filiale de Royal Dutch Shell, est le principal exploitant onshore. La majorité des cas portés à la connaissance d’Amnesty International et sur lesquels l’organisation a enquêté sont liés à Shell. Réagissant à ce rapport, Shell a adressé plusieurs déclarations par e-mail aux médias nationaux et internationaux, déclarations contestées dès le 20 juillet par Amnesty International (1). L’étendue de la pollution et des dégâts sur l’environnement n’a jamais été correctement évaluée. Les chiffres existants varient considérablement en fonction des sources, mais des centaines de fuites surviennent chaque année. D’après le PNUD, plus de 6 800 déversements ont été enregistrés entre 1976 et 2001. Selon l’Agence nationale pour la détection et la réaction aux déversements accidentels de pétrole, quelque 2 000 sites au moins avaient besoin d’être nettoyés en raison d’une pollution liée aux hydrocarbures. Le nombre réel est peut-être plus élevé. Dans le Delta du Niger, le système réglementaire est très défaillant. Le Nigeria dispose de lois et de règlements stipulant que les compagnies doivent répondre aux normes internationales de «bonnes pratiques en matière d’exploitation pétrolière» et d’autres outils législatifs et réglementaires qui protégent l’environnement, mais cette législation est peu appliquée. Les agences gouvernementales chargées de la faire respecter sont inefficaces et sont, dans certains cas, prises dans des conflits d’intérêts. La Loi sur l’industrie pétrolière, actuellement examinée par les instances législatives du pays, constitue la plus importante révision du cadre légal régissant l’extraction de pétrole et de gaz au Nigeria jamais entamée depuis le lancement des premières opérations commerciales dans les années 1960. À cette occasion, Amnesty a demandé, le 31 juillet, que les autorités nigérianes y intègrent des normes et des mécanismes qui garantissent une meilleure protection des droits humains, économiques, sociaux et écologiques. e P. F. POUR AGIR : Les compagnies pétrolières et le gouvernement nigérian doivent assainir l’industrie pétrolière dans le Delta du Niger : http://www.isavelives.be/fr/node/3787

(1) http://www.amnestyinternational.be/doc/article15026.html

Libertés ! Septembre 2009 9


MOUVEMENT

© Irving Teitelbaum

CERCLE PETER BENENSON 15 OCTOBRE BRUXELLES PLUS DE DROITS HUMAINS = MOINS DE PAUVRETÉ Une conférence organisée en collaboration avec ATD Quart-Monde. En présence de Françoise Tulkens et de Jacques Fierens. Françoise Tulkens est docteure en droit, licenciée en criminologie et agrégée de l’enseignement supérieur. Elle a enseigné pendant de nombreuses années, tant en Belgique qu’à l’étranger. Depuis le 1er novembre 1998, elle est juge de la Cour européenne des Droits de l’Homme. Jacques Fierens est juriste, avocat et philosophe. Il enseigne aux Facultés Notre-Dame de la Paix de Namur (FUNDP) et à l’Université de Liège (ULG). e À 20h00 à l’ULB (Solbosch), avenue Paul Héger, Bâtiment H. Entrée gratuite

GROS

PLAN

UNIVERSITÉ D’ÉTÉ

LA DIGNITÉ EN QUESTIONS Ce 29 août, une centaine de membres d’AIBF ont participé à une Université d’été articulée autour de la campagne «Exigeons la dignité» (voir Libertés! n°455 de juin 2009). C’est dans le cadre monacal de la Maison Notre-Dame du Chant d’Oiseau, dans la commune bruxelloise de Woluwe-Saint-Pierre, que les militants et permanents d’Amnesty ont pris connaissance des grandes lignes de cette campagne menée de 2009 à 2015. Outre une rencontre avec des personnes vivant dans la pauvreté et organisée par ATD Quart Monde, cette journée du 29 août fut aussi l’occasion de réfléchir sur la manière de renforcer l’impact de cette campagne au niveau local belge et de rencontrer plusieurs «pointures». Le juriste Jacques Fierens, des FUNDP et de l’ULG, a exposé les enjeux et défis de la liaison entre systèmes de protection des droits humains et lutte contre la pauvreté. Dominique Dubourg, chercheuse à l’Instituut voor Tropische Geneeskunde d’Anvers, a abordé la problématique de la mortalité maternelle, un des axes majeurs de cette campagne. Marleen van Ruijven, d’AI Nederland, a présenté le rapport d’Amnesty Petroleum, pollution and poverty in the Niger Delta (Index AI : AFR 44/017/2009) dont elle est coauteure. Enfin, Natalia Alonso, du Bureau européen d’AI (AIEU) s’est longuement étendue sur les discriminations tous azimuts dont sont victimes les Roms en Europe. Bref, une riche journée pour une campagne qui ne fait que commencer et dont la prochaine étape sera le démarrage de la Caravane de la Dignité, dont le concept sera présenté le 17 octobre prochain.

6 ET 8 NOVEMBRE – BRUXELLES CONCERTS POUR AMNESTY INTERNATIONAL Le Théâtre Royal de la Monnaie et Amnesty International vous proposent Ein Deutsches Requiem, de Johannes Brahms. Bien qu’Ein Deutsches Requiem s’inscrive dans la tradition des grands oratorios pour solistes, choeur et orchestre, il reste une oeuvre à part. Brahms n’opte pas pour le texte en latin de la messe, mais il sélectionne quinze passages de la Bible protestante de Luther : «consolation» est le mot central de cette composition magistrale qui dépasse de loin les différences entre religions. Ce bouleversant requiem est précédé par A Survivor from Warsaw qui, également, cherche à réconforter malgré la douleur. Dans un texte de sa plume, Schoenberg rappelle l’horreur du ghetto de Varsovie. Pendant quelque six minutes, le récitant et l’orchestre se conjurent l’un l’autre selon un rituel saisissant qui culmine dans un Shema Israël purificateur, la prière qui, matin et soir, occupe une place centrale dans l’office religieux juif. Une partie des entrées sera versée à Amnesty International. e À 20h00 au Palais des Beaux-Arts, Rue Ravenstein 23, 1000 Bruxelles

FESTIV’ALIMENT-TERRE SAINT-GILLES – 19 SEPTEMBRE Musique, peinture, sculpture et projection de documentaires : autant d’outils utilisés par le Festiv’Aliment-Terre pour promouvoir l’accès à la terre et le droit à l’alimentation. Un évènement qui se tiendra le 19 septembre prochain à la Maison du Peuple de Saint-Gilles et qui associe la cellule ixelloise d’Amnesty International à FIAN Belgium (FoodFfirst Information & Action Network). Un festival joyeux et militant où l’interactivité avec le public prime sur le discours moralisateur. e Maison du Peuple, Parvis de Saint-Gilles 37, 1060 Bruxelles Renseignements : http://www.festivalimenterre.be

10 Libertés ! Septembre 2009

j Marleen van Ruijven présente le rapport qu’elle a corédigé pour Amnesty International sur l’impact de l’exploitation des ressources pétrolières au Nigeria, dans le cadre de la campagne sur la responsabilité sociale des entreprises. © Bruno Brioni


MOUVEMENT FORMATIONS DE SEPTEMBRE ET OCTOBRE

l Une militante se presse devant les affiches de la campagne Dignité, dans les galeries de Notre-Dame du Chant d’Oiseau, petit joyau d’architecture néo-romane niché dans un écrin de verdure au cœur de Bruxelles. © Bruno Brioni

12 septembre de 09h30 à 12h30 Découvrir et s’orienter au sein d’Amnesty 12 septembre de 10h00 à 16h30 Les violences conjugales 26 septembre de 10h00 à 15h00 Terrorisme, sécurité et droits humains 3 octobre de 10h00 à 16h00 Dignité humaine et droits fondamentaux 10 octobre de 10h00 à 16h00 La protection internationale des droits fondamentaux 10 octobre de 09h30 à 16h30 Créer un groupe local 13 octobre de 19h00 à 22h00 Découvrir et s’orienter au sein d’Amnesty 24 octobre de 10h00 à 15h00 Union européenne et droits humains Pour vous y inscrire et obtenir des détails concernant le contenu des modules, rendez-vous sur notre site Internet : http://www.amnesty.be/formations e Pour tout renseignement, envoyez-nous un e-mail à formations@aibf.be ou téléphonez-nous au 02 538 81 77, de préférence les mardi, jeudi et vendredi.

DEVENEZ FORMATEUR/TRICE BÉNÉVOLE POUR AMNESTY Vous avez des aptitudes pédagogiques et, si possible, une expérience en formation d’adultes ? Vous êtes en mesure de concevoir des formations et d’utiliser différents outils de communication et d’apprentissage ? Vous avez des capacités d’écoute, d’analyse et de synthèse ainsi que des compétences en prise de parole en public et en gestion de groupes ?

l Témoignages de personnes vivant dans la pauvreté présentés en compagnie d’un responsable d’ATD Quart Monde. © Bruno Brioni

Dans ce cas, votre profil correspond à celui que nous recherchons pour étoffer notre équipe de formateurs bénévoles ! Disponibilités : en soirée et le week-end (surtout le samedi). Fréquence à définir en partie selon votre emploi du temps. e Intéressé(e) ? Merci de bien vouloir nous envoyer votre curriculum vitae et une lettre de motivation pour le 15 octobre au plus tard à l’attention de Sophie Ypersiel, par e-mail à formations@aibf.be ou par courrier à Amnesty International Belgique francophone, Service formations, Rue Berckmans 9 à 1060 Bruxelles.

LE PETIT ÉCRAN DU MERCREDI 23 SEPTEMBRE – À BRUXELLES ALEXANDRA Le petit écran reprend ses activités avec Alexandra du réalisateur russe Alexandre Sokurov. En plein conflit tchétchène, une grand-mère rend visite à son petit-fils, officier dans l’armée russe. Elle va découvrir un autre monde, le courage des femmes tchétchènes, l’absurdité de la guerre. Magnifique interprétation de la grande actrice Galina Vichnevskaia. e

l Dominique Dubourg, de l’Institut de Médecine tropicale (Anvers) au plus fort de son exposé sur la mortalité maternelle. © Bruno Brioni

Lieu : 9, rue Berckmans, 1060 Bruxelles – Accueil dès 19h00. Film à 19h30 – Durée : 01h32 – PAF : 3 e Renseignements : 02 538 81 77

Libertés ! Septembre 2009 11


MOUVEMENT IRAN GLOBAL DAY OF ACTION

DES VOIX POUR LES SANS VOIX

Ce sont aussi 80 groupes locaux qui, sur le terrain, font un travail d’action et de sensibilisation aux droits humains. Pour vous y joindre, contactez votre régionale. SECRÉTARIAT NATIONAL AIBF Rue Berckmans 9, 1060 Bruxelles 02 538 81 77 Fax : 02 537 37 29 www.amnesty.be SECRÉTARIAT INTERNATIONAL Easton Street 1, London WC1X ODW United Kingdom 00 44 207 413 5500

L’élection présidentielle iranienne du 12 juin dernier a été sanctionnée par des résultats officiels si suspects qu’ils ont déclenché dans tout le pays des manifestations pour obtenir un recomptage des voix, voire la tenue d’un nouveau scrutin. Devant la répression implacable des manifestations, les sections d’Amnesty ont organisé un peu partout dans le monde le 25 juillet des rassemblements dans le cadre de l’Iran Global Day of Action.

AMNESTY INTERNATIONAL VLAANDEREN Kerkstraat 156, 2060 Antwerpen 6 03 271 16 16 RESPONSABLES RÉGIONAUX D’AMNESTY BRABANT WALLON Jean-Philippe CHENU chemin de la Terre Franche 13 1470 Genappe 010 61 37 73 – jpchenu@aibf.be

L

e 12 juillet 2009, l’élection présidentielle iranienne débouchait sur la reconduction, dès le premier tour, du président sortant Mahmoud Ahmadinejad. Manifestement, le scrutin a été entaché de fraudes organisées à grande échelle et préparées de longue date, afin de barrer la voie au second tour aux candidats Mir Hossein Moussavi et Mehdi Kharroubi. Immédiatement après l’annonce de la victoire de Mahmoud Ahmadinejad dès le 1er tour avec 62,6 % des suffrages exprimés contre 33,7 % pour son principal concurrent Moussavi, les rues des principales villes d’Iran ont été envahies par des dizaines de milliers de manifestants pacifiques dans le cadre des plus vastes mobilisations citoyennes jamais observées depuis le renversement du régime impérial des Pahlavis et l’avènement de la République islamique, il y a trente ans. Non contents d’arrêter des centaines de manifestants et à défaut de répondre en toute transparence aux préoccupations des nombreux Iraniens qui soupçonnent que les résultats ont été truqués, le ministère iranien du Renseignement et les autorités judiciaires cherchent depuis lors à jeter le discrédit sur les militants des droits humains et à les intimider en les accusant «d’atteinte à la sécurité nationale» ou de «propagande contre le régime». Dans plus de 100 villes à travers le monde, dans le cadre de l’Iran Global Day of Action, de nombreuses associations ont appelé à manifester le 25 juillet pour dénoncer les violations systématiques des droits humains en Iran et témoigner de leur soutien au peuple iranien. Par cette journée d’action, les ONG de défense des droits humains demandaient que toute la lumière soit faite sur les violations graves et systématiques des droits humains en Iran, que l’ONU envoie une mission d’enquête, que le gouvernement iranien rende des comptes, que les autorités libèrent sans condition toute personne emprisonnée en raison de ses engagements politiques, etc. À ce jour, hélas, force est de reconnaître que les autorités iraniennes n’ont envoyé aucun signal

12 Libertés ! Septembre 2009

positif. Certes, certains ressortissants étrangers ou membres de corps diplomatiques ont été relaxés. Mais, en proie à des dissensions internes de moins en moins feutrées, le régime iranien a choisi de frapper fort. Certes, confronté à une avalanche d’indices inquiétants quant à de nombreux actes de torture, d’exécutions arbitraires et de viols dans plusieurs centres de détention, l’ayatollah Ali Khamenei, Guide suprême de la République et détenteur du pouvoir exécutif réel, a ordonné la fermeture du centre de détention de Kahrizak et annoncé le renvoi du directeur et de plusieurs gardiens de la prison pour violences à l’encontre de détenus. Il faut dire que Mohsen Rouhalamini, fils d’un conseiller du candidat à l’élection présidentielle Mohsen Rezaei, est mort d’un arrêt cardiaque et d’une hémorragie pulmonaire deux semaines après son arrestation le 9 juillet. Détenu à Kahrizak, il souffrait de plusieurs blessures dont certaines, assez graves, au visage. Le Guide suprême Ali Khamenei aurait demandé l’ouverture d’une enquête sur son décès. Cependant, alors que la communauté internationale se mobilisait en faveur des manifestants pacifiques, pas moins de 115 exécutions, soit plus de deux exécutions en moyenne chaque jour, ont été pratiquées, ce qui représente une augmentation significative, même comparée au taux épouvantablement élevé d’exécutions qui a longtemps caractérisé le paysage des droits humains en Iran. Depuis le début 2009 jusqu’au 12 juin, Amnesty International a ainsi déjà enregistré pas moins de 196 exécutions. Parmi les 115 exécutions répertoriées depuis l’élection présidentielle du 12 juin, 14 ont eu lieu le 2 juillet, 20 le 4 juillet, 13 le 14 juillet et 24 autres le 5 août, jour de la prestation de serment… e Pascal Fenaux POUR EN SAVOIR PLUS ET AGIR SUR L’IRAN : http://www.amnestyinternational.be/iran

l Manifestation devant l’ambassade d’Iran, dans le cadre de l’Iran Global Day of Action. Bruxelles, 25 juillet 2009. © AI

BRUXELLES Le poste de coordinateur est vacant ! Pour des renseignements sur le profil requis avant d’envoyer un CV, écrire à Antoine CAUDRON – Amnesty International, rue Berckmans 9, 1060 Bruxelles ou envoyer un e-mail à acaudron@aibf.be HAINAUT ORIENTAL Nicole GROLET av. Elisabeth 6, 6001 Marcinelle 071 43 78 40 – ngrolet@aibf.be LIÈGE Jean-Pierre ANDRÉ 04 387 51 07 – jpablegny@yahoo.fr Christine BIKA Responsable de la gestion de la permanence – C/O Bureau régional d’AI – rue Souverain Pont 11 – 4000 Liège – du lundi au vendredi de 13h30 à 17h30 04 223 05 15 bureaudeliege@aibf.be LUXEMBOURG Daniel LIBIOULLE Avenue de la Toison d’Or 26 6900 Marche en Famenne 084 31 51 31 dlibioulle@aibf.be NAMUR Romilly VAN GULCK Rue Vivier Anon 8, 5140 Sombreffe 071 88 66 69 rvangulck@aibf.be WALLONIE PICARDE Marie NOËL Rue Cheny 1, 7536 Vaulx 069 77 66 13 – 0499 13 57 25 mnoel@aibf.be


IS AV ELIV ES . B E B O N N ES N O UV EL L ES Dans tous les pays du monde, des gens sont libérés grâce au travail des membres d’Amnesty. Des témoignages émouvants nous parviennent des prisonniers libérés ou de leur famille. Ils montrent qu’une action de masse peut avoir des résultats pour un meilleur respect des droits humains.

BRÉSIL PROTECTION ACCORDÉE Le parlementaire Marcelo Freixo et son conseiller Vinicius George se sont enfin vus fournir une protection satisfaisante par les autorités de Rio de Janeiro. Ces mesures font suite aux menaces de mort qu’ils ont reçues et à la découverte de projets de milices © AI paramilitaires visant à assassiner ces deux personnes. Le secrétaire à la Sécurité publique de l’État de Rio de Janeiro a indiqué que cette protection serait maintenue aussi longtemps que nécessaire. e

ÉTATS-UNIS MORT ÉLOIGNÉE Le lundi 17 août 2009, la Cour suprême américaine a ordonné une nouvelle audition de témoins pour Troy Davis, détenu dans le couloir de la mort depuis 18 ans. La plus haute juridiction a ainsi décidé d’accorder une nouvelle opportunité à Troy Davis de prouver son innocence avant que l’État de Géorgie ne l’exécute. Troy Davis a été reconnu coupable du meurtre de policier Mark MacPhail voici près de deux décennies au cours d’un procès sans preuves matérielles. Sept des neuf témoins se sont depuis lors rétractés ou ont modifié leurs premiers témoignages dans des affidavits (déclarations sous serment), tandis que l’un des autres témoins est présumé être l’auteur réel. Depuis février 2007, Amnesty International mène une campagne intensive pour obtenir une nouvelle audition de témoins, voire un nouveau procès, ainsi que la clémence en faveur de Davis. Amnesty a ainsi collecté plusieurs centaines de milliers de signatures de pétitions et de lettres auprès de citoyens mais aussi de personnalités publiques dans le monde entier. Amnesty International a toujours demandé que les éléments de preuve à décharge de Troy Davis et susceptibles de prouver son innocence soient pris en compte. La décision de la Cour suprême va dans ce sens. e

BÉLARUS (BIÉLORUSSIE) EMANUEL ZELTSER LIBÉRÉ Le 30 juin, Emanuel Zeltser a été gracié par le président biélorusse, Alexandre Loukachenko. Il a été libéré quelques heures après. Emanuel Zeltser, ressortissant américain, avait été arrêté le 12 mars 2008 à son arrivée dans un aéroport de Biélorussie. Neuf jours plus tard, il avait été inculpé d’«usage de faux documents». Il avait été condamné le 11 août 2008 à trois ans d’emprisonnement pour «usage de faux documents officiels» et «espionnage commercial», à l’issue d’un procès qui s’était déroulé à huis clos. Un recours devant la Cour suprême de Biélorussie lui avait été refusé le 31 octobre 2008, également lors d’une audience à huis clos. e

POUR RECEVOIR OU CONSULTER LES LETTRES DU MOIS : Abonnez-vous à la lettre d’information Isavelives.be ou consultez-la sur : http://www.isavelives.be/leslettresdumois

BOSNIEHERZÉGOVINE

MEURTRE D’UN PRÊTRE ET DE SA FAMILLE T

omislav Matanovic, Croate, prêtre catholique de Prijedor (Bosnie-Herzégovine), a été arrêté par la police locale le 24 août 1995. Il a passé la nuit dans un poste de police, puis a été ramené chez ses parents le lendemain. Il a été assigné à résidence avec son père Josip et sa mère Bozena. Tous trois sont restés en détention sous la garde de policiers jusqu’au 19 septembre, date à laquelle ils ont été conduits au poste de police d’Urije. Ils ont ensuite fait l’objet d’une disparition forcée. En septembre 2001, les restes de trois corps menottés ont été retrouvés au fond d’un puits dans le village de Biscani. Des tests médicolégaux ont révélé qu’il s’agissait de Tomislav Matanovic et de ses parents. Ils avaient été tués par balles, les coups de feu ayant été tirés depuis une faible distance et, selon les tests balistiques, par des armes policières. Les menottes retrouvées sur ces corps étaient également du type de celles qu’utilise la police, ce qui donne à penser que les auteurs de l’exécution extrajudiciaire

© Privé

des Matanovic étaient des policiers. Onze policiers font actuellement l’objet d’une enquête. Il aurait été établi que ce sont les dernières personnes ayant vu la famille Matanovic en vie. Plus de dix ans après la fin de la guerre en Bosnie-Herzégovine, au moins 13 000 personnes sont toujours portées disparues. Dans nombre de cas, il s’agit de disparitions forcées. Les auteurs de ces actes sont des militaires, des policiers et des groupes paramilitaires impliqués dans la guerre de 1992-1995. e

Lire aussi sur isavelives.be : http://www.isavelives.be/fr/node/4059

MODÈLE DE LETTRE Monsieur le Procureur général, Assigné à résidence en août 1995, Tomislav Matanovic, Croate, un prêtre catholique de Prijedor (Bosnie-Herzégovine), et sa famille ont ensuite été conduits au poste de police d’Urije. Ils n’ont depuis lors jamais reparu. Leurs corps ont été retrouvés menottés en septembre 2001. En tant que membre/sympathisant(e) d’Amnesty International, je vous demande de conclure dans les meilleurs délais, en collaboration avec le ministère de l’Intérieur, l’enquête sur le meurtre de Tomislav Matanovic et de ses parents, et de déférer les responsables à la justice. Je vous prie d’agréer, Monsieur le Procureur général, l’expression de ma considération distinguée. Signature : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Nom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Adresse : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

LETTRE À ADRESSER À : Chief Prosecutor of Republika Srpska, Amor Bukic, Vladike Platona bb 78000 Banja Luka, Bosnie-Herzégovine Fax : +387 51 316 168 – Courriers électroniques : rjt@inecco.net

COPIE À ENVOYER À : Ambassade de Bosnie-Herzégovine, Rue Belliard, 15-17, 1040 Bruxelles Fax : 02 644 32 54 – E-mail : dsmajic@hotmail.com

Libertés ! Septembre 2009 13


IS AV ELIV ES . B E PAKISTAN

DISPARITION D’UN SCIENTIFIQUE L

instance judiciaire, et risquent la torture e 25 juin 2004, Atiq-ur Rehman, et d’autres mauvais traitements. Lorsque un scientifique travaillant pour la la famille d’Atiq-ur Rehman s’est adressée Commission pakistanaise à à la police locale, on lui a dit qu’elle ne l’Énergie atomique, est parti acheter de pouvait déposer une plainte. Il a donc été quoi préparer un repas pour les invités porté disparu. Il semble que la police n’ait de son mariage. Il devait se marier dans la pas mené d’enquête sur cette disparition. journée, mais n’est jamais rentré chez lui. Divers responsables ont reçu ses proches, Selon la police, il est en détention sous la mais se sont contentés de les orienter vers responsabilité d’un service de renseigneun autre service. Des militaires de haut ment. Fin 2001, le Pakistan s’est associé à rang leur ont conseillé de se taire et la «guerre contre le terrorisme» menée par les d’éviter de faire du bruit autour de l’affaire États-Unis. Depuis, des centaines de ou d’ouvrir une procédure judiciaire. En personnes soupçonnées de participation à juin 2006, sa famille a adressé une requête des activités terroristes ont fait l’objet d’aren habeas corpus à la haute cour de Lahore. restations arbitraires et ont été incarcérées Lors d’une audience devant la Cour dans des lieux de détention secrets. Soussuprême, le 11 mai 2007, le substitut du traits à la protection de la loi, ils ne procureur général a déclaré qu’Atiq-ur peuvent rencontrer ni leurs proches ni Rehman était introuvable. e leurs avocats, ne sont présentés à aucune Lire aussi sur isavelives.be : http://www.isavelives.be/fr/node/4060

MODÈLE DE LETTRE Le 25 juin 2004, Atiq-ur Rehman, un scientifique travaillant pour la Commission pakistanaise à l’Énergie atomique, est parti acheter de quoi préparer un repas pour les invités de son mariage. Il devait se marier dans la journée, mais n’est jamais rentré chez lui. Selon la police, il est en détention sous la responsabilité d’un service de renseignement. En tant que membre/sympathisant(e) d’Amnesty International, je vous demande, Monsieur le Premier ministre, d’informer la famille d’Atiq-ur Rehman du lieu où il se trouve et de le libérer dans les plus brefs délais, à moins qu’il ne soit inculpé d’une infraction dûment reconnue par la loi et jugé dans le cadre d’une procédure équitable. Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de mes sentiments les plus respectueux.. Signature : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Nom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Adresse : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

LETTRE À ADRESSER À : Prime Minister Gilani, Pakistan Secretariat, Constitution Avenue Islamabad, Pakistan Fax : +92-519213780

COPIE À ENVOYER À : Ambassade de la République islamique du Pakistan Avenue Delleu, 57 1170 Bruxelles (Watermael-Boitsfort) Fax : 02.675.83.94 E-mail : parepbrussels@skynet.be

COMMENT AGIR EFFICACEMENT ?

TARIFS POSTAUX

Les cas exposés concernent des victimes de violations des droits humains dont s’occupe Amnesty International. Chaque appel compte. Un texte (à écrire ou à photocopier) vous est proposé pour chaque cas. Dans l’intérêt des victimes, écrivez en termes mesurés et courtois aux adresses indiquées. Ces lignes sont lues partout dans le monde par les quelque 1800000 membres d'Amnesty International. Elles sont reproduites dans de nombreux pays par des dizaines de journaux et constituent la clé de voûte de l'action du mouvement.

Lettres (jusqu’à 50 grammes) Belgique: 0,59e; Europe: 0,90e; reste du monde: 1,05e. La surtaxe aérienne est incluse (étiquette requise).

KOSOVO

ENLEVÉ ET TUÉ D

aka Asani, membre de la minorité rom du Kosovo, a été enlevé au marché d’Urosevac/Ferizaj le ont été enlevés par l’Armée de libération 1er août 1999. En 2000, sa dépouille a été du Kosovo (UÇK). La Mission d’administraexhumée d’une tombe anonyme près de tion intérimaire des Nations unies au Pristina. Les restes mortels de 176 autres Kosovo (MINUK) a initialement été chargée personnes - Albanais du Kosovo, Serbes et d’enquêter sur les cas de disparitions Roms - ont également été retrouvés sur forcées et d’enlèvements. Sous l’effet de ce site. Le corps de Daka Asani a été idenpressions exercées par Amnesty Internatifié grâce à des échantillons d’ADN tional, la MINUK a ouvert des enquêtes fournis par sa famille. sur plusieurs cas. Sa dépouille a été remise à ses proches le En décembre 2008, la mission de police et 1er décembre 2006. Il leur a été indiqué de justice de l’Union européenne, connue qu’il avait succombé à de multiples blessous l’appellation EULEX, a repris les rênes sures par balles à la tête et au torse. Il des enquêtes et des poursuites relatives s’agit d’un des milliers de cas de dispariaux crimes de guerre commis au Kosovo. tions forcées et d’enlèvements qui ont eu Malgré les demandes répétées de sa lieu au moment du conflit armé de 1999 famille, l’enlèvement et la mort de Daka au Kosovo. Quelque 3 000 Albanais du Asani n’ont jamais fait l’objet d’une Kosovo ont disparu aux mains des autoenquête. e rités serbes, et environ 800 Serbes et Roms Lire aussi sur isavelives.be : http://www.isavelives.be/fr/node/4061

14 Libertés ! Septembre 2009

MODÈLE DE LETTRE Monsieur, Daka Asani, membre de la minorité rom du Kosovo, a été enlevé au marché d’Urosevac/Ferizaj le 1er août 1999. En 2000, sa dépouille a été exhumée d’une fosse commune découverte près de Pristina, parmi les restes de 176 Albanais, Serbes et Roms du Kosovo. Il a succombé à de multiples blessures par balles à la tête et au torse. En tant que membre/sympathisant(e) d’Amnesty International, je vous demande que l’enlèvement et la mort de Daka Asani donnent lieu à une enquête dans les meilleurs délais, et que les responsables présumés soient traduits en justice. Je vous prie, Monsieur, de croire en mes sentiments les meilleurs.. Signature : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Nom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Adresse : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

LETTRE À ADRESSER À : Head of EULEX Kosovo Yves de Kermabon St. Mbreteresha Teuta 21 Tauk Bahqe Road to Germia P.O. Box 268 Pristina Kosovo Fax : +381 38 513 9333 E-mail : info@eupt-kosovo.eu


C U LT U R E AGENDA THÉÂTRE AU POCHE LE LOCATAIRE

UNE VIE PALESTINIENNE

C

e n’est pas parce que l’on prend du recul qu’on abdique toute émotion. En portant à l’image des événements marquants de sa vie de famille, le cinéaste palestinien Elia Suleiman observe les événements à distance avec humour et tendresse. Le contexte est dur. Commençant par la traque des résistants palestiniens par les soldats juifs à Nazareth en 1948, il nous mène jusqu’à la vie difficile de la minorité arabe en Israël aujourd’hui. Au choc frontal, il préfère l’allusion. En amoureux du cinéma, il connaît la puissance de l’image et la force des silences. Jouant avec justesse du contrepoint musical, il truffe son film de chansons arabes populaires qu’écoutait son père. Adoptant toujours cette distance placide, il observe le pillage d’une maison palestinienne par des soldats juifs ou la course-poursuite entre forces de sécurité et combattants dans un couloir d’hôpital comme si c’était une chorégraphie. Avec finesse et peu de moyens, il sait faire ressortir le dérisoire des rapports de pouvoir comme lorsque cet officiel israélien se réjouit avec sincérité que la chorale d’une école arabe remporte le prix de la chanson juive. Plus qu’un film historique, Le Temps qu’il reste raconte les rapports humains au sein d’une famille, entre voisins. Les repas autour de la table de cuisine, les parties de pêche nocturne ou les théories délirantes du voisin se répètent au fil des époques pour devenir les motifs d’une fresque intime. Laisser de la place aux autres, c’est là une des conditions pour survivre au chaos de l’histoire. Staying Alive comme le glisse la dernière chanson du film. e Gilles Bechet Le temps qu’il reste, d’Elia Suleiman, sortie nationale le 9 septembre

10 X 2 places sont offertes aux membres d’Amnesty et lecteurs de Libertés! Ces places sont valables dans tous les cinémas de Wallonie et de Bruxelles projetant Le temps qu’il reste, sur simple présentation d’un carton d’invitation. Pour obtenir ce dernier, il suffit d’envoyer un e-mail à libertes@aibf.be avec la mention «Suleiman».

LEÇON D’HÉROÏSME Kathy, une Lolita aux fausses dents entre deux âges, persuade Mr Sloa-ne, un jeune hom- me aussi beau qu’amoral, de de venir son locataire. Laissé seul avec Sloane pour le divertir, Kemp le père de Kathy, re-connaît en lui le meurtrier de son patron, toujours recherché par la police. Sloane, entame un jeu de chat et de souris avec Kemp. La situation devient de plus en plus complexe quand Eddy le frère lubrique de Kathy débarque... mettant tout ce petit monde à sexe et à sang. Sloane, se retrouve très vite piégé entre les désirs possessifs du frère et de la soeur... En 1964, Le Locataire (Entertaining Mr Sloane) débarque comme une météorite sur la scène théâtrale londonienne à une époque où le sexe est encore un sujet tabou. D’autant que ce n’est que trois ans plus tard, en 1967, que l’homosexualité sera dépénalisée en Angleterre. À l’évidence, le moteur de chacun des personnages du Locataire, dénués de toute forme de honte ou de culpabilité, est bien l’assouvissement de leurs besoins immédiats... Joe Orton, avec un comique iconoclaste qui lui a valu la réputation du plus grand satiriste de théâtre des années 60, pulvérise d’un éclat de rire l’hypocrisie et la respectabilité tapies au coeur d’une société bien pensante et ouvre une brèche vers un peu plus de tolérance. Il faudra attendre quelques années pour que les critiques de théâtre et le public commencent à mieux apprécier l’originalité de l’écriture élégante, inquiétante et hilarante de Joe Orton. Joe Orton déclarait qu’il trouvait les gens profondément mauvais, mais irrésistiblement drôles... et il le prouve. e Du 15 septembre au 17 octobre 2009 à 20h30 (relâche les dimanches et lundis). Bois de la Cambre, 1A Chemin du Gymnase - 1000 Bruxelles Réservations : 02 649 17 27 ou reservation@ poche.be

A

u printemps 1944, une affiche noire et rouge est placardée sur les murs des villes de France. Elle montre les visages de dix individus présentés comme l’Armée du Crime. Les prétendus terroristes ainsi dénoncés par le régime de Vichy sont les résistants du Groupe Manouchian qui venaient d’être arrêtés et exécutés. Constitué en marge de la résistance, ce groupe rassemblait des Espagnols, des Italiens, des Arméniens et des Juifs d’Europe centrale qui haïssaient les nazis autant que ceux-ci haïssaient les Juifs et les communistes. En 1976, un film de Frank Cassenti apportait une première vision dialectique et distanciée de ces événements. Touché par cette histoire depuis son enfance, le réalisateur de Marius et Jeannette rêvait de la mettre en scène. Et de faire un film de héros. En s’attachant au destin de quelques personnages, il raconte comment des révoltes individuelles se sont unifiées dans un combat commun. En ces temps de sectarisme religieux et culturel, Robert Guédiguian est convaincu que nous avons une leçon à recevoir de ces immigrés et réfugiés qui se sont battus pour un pays qui n’était pas le leur. Débordant de générosité, le film navigue entre la fougue et l’image d’Épinal, mais est porté par une distribution et une direction d’acteurs sans faille. Au milieu de cette reconstitution soignée, la voix du speaker d’époque de Radio France, déversant toute sa bile policée, glace soudain le sang. Voilà contre qui se battaient ces jeunes gens propulsés malgré eux dans l’Histoire. e G.B.

L’armée du Crime, Robert Guédiguian, sortie le 23 septembre

LE COMMISSAIRE CHEZ LES BOZOS

R

ien de tel qu’un bon polar pour bien terminer ses vacances. En voici un, plein de ruses et d’astuces, amusant, intelligent aussi car il nous en dit long sur la réalité d’un pays, en l’occurrence, le Mali. Dans La Malédiction du Lamentin, Moussa Kounaté envoie son héros favori, le commissaire Habib Keita, de la police criminelle de Bamako, enquêter auprès de la tribu des Bozos, l’une des plus anciennes ethnies du pays. Les Bozos ont pour protecteur Maa, le Lamentin, génie du fleuve Niger. Or, un affront terrible vient de lui être fait : un Blanc s’est mis en tête de le pêcher pour l’exposer au zoo de Bamako, et ceci avec la complicité d’un Bozo traître à son peuple. Ce qui a provoqué orages et tempête avec des allures de fin du monde. Et la mort de deux personnes dont le vieux chef de la tribu. C’est le départ d’une enquête policière captivante à laquelle va se mêler un souci quasi ethnographique car on y découvre la culture, la vie quotidienne d’une des populations du Mali dont les traditions sont très différentes de celles de l’ethnie majoritaire, les Dogons. Enfant noir formé à l’«école des Blancs», le héros vit un cas de conscience, au cœur des tensions entre un pouvoir politique hérité de l’ère coloniale et un pouvoir détenu par les anciens qui veulent les traditions. e Suzanne Welles

La malédiction du Lamentin, Moussa Kounaté, Fayard Noir, 224 pages, 15,90 e

Libertés ! Septembre 2009 15


CECI EST UNE ARME DE LIBERATION MASSIVE. Participez aux actions urgentes d’Amnesty International et vous aussi faites de votre téléphone portable une arme...


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.