Ne paraît pas aux mois de juillet-août. 9, rue Berckmans 1060 Bruxelles
OCTOBRE 2009 – N°457 – LE MENSUEL D’AMNESTY INTERNATIONAL
L’IMPASSE BIRMANE
CUBA EMBARGO : LA FIN ?
BRÉSIL MILICES : LA MENACE
DÉPOT À BRUXELLES X
Libertes!
BELGIQUEBELGIE PP 1/2345 BXL X
É D ITO R I A L
LÂCHES DE PIERRE P
endant la guerre de Bosnie de 1992-1995, des milliers de femmes et de jeunes filles ont été violées dans des conditions de brutalité extrême, beaucoup étant détenues dans des camps, des hôtels et des habitations privées où elles étaient exploitées sexuellement et parfois assassinées. Justice n’a toujours pas été rendue aux survivantes, tandis que les lâches (militaires, policiers et paramilitaires) qui leur ont infligé ces sévices sont toujours en liberté, certains exerçant des fonctions officielles importantes, quand ils ne vivent à proximité de leurs victimes. Depuis 1995, les gouvernements qui se sont succédé en Bosnie-Herzégovine n’ont pris aucune mesure substantielle pour que justice soit rendue. Dans un rapport publié ce 30 septembre et intitulé Whose justice ? Bosnia and Herzegovina’s women still waiting (Index AI : EUR 63/006/2009), Amnesty International met en lumière les carences du système judiciaire bosniaque post-yougoslave, des carences d’autant plus graves que l’écrasante majorité des femmes qui ont survécu à ces violences sexuelles n’obtiennent pas de réparations en raison de la
complexité du système judiciaire et des services sociaux du pays, sans parler de l’absence d’une prise en charge médicale ou psychologique adaptée. Celle-ci leur est proposée uniquement par des ONG aux moyens limités. Le viol restant un sujet tabou, la plupart des victimes, alors qu’elles auraient besoin d’être reconnues et aidées pour reconstruire leur vie, sont montrées du doigt. En 1993, le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) avait été mis sur pied pour poursuivre, entre autres criminels présumés, les auteurs de violences sexuelles. Toutefois, le TPIY n’a pu mener de poursuites que sur un nombre très limité de cas et, fin juillet 2009, il n’avait pu engager de poursuites que dans 18 affaires de violences sexuelles en Bosnie-Herzégovine. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le TPIY a fait montre d’une plus grande célérité dans le jugement de Florence Hartmann. Cette ancienne porte-parole de la procureure du TPIY Carla Del Ponte était accusée d’avoir divulgué des informations confidentielles dans son livre Paix et Châtiment – Les guerres secrètes de la politique et de la justice internationale (Flammarion 2007), ainsi que dans Vital Genocide Documents Conceale, un article publié le 21 janvier 2008 par le Bosnia Report (Bosnian Institute). On se rappellera que c’est suite à ces publications que, le 26 avril 2008, AIBF l’avait invitée à débattre de la «confrontation au quotidien entre la mise en oeuvre de la justice pénale et les impératifs de la diplomatie.» Seize mois plus tard, le 14 septembre 2009, Florence Hartmann, qui risquait la prison ferme, a été condamnée par le TPIY à une amende de 7 000 e… e Pascal Fenaux
Libertés ! • Rue Berckmans, 9 – 1060 Bruxelles • Tél : 02 538 81 77 Fax : 02 537 37 29 • libertes@aibf.be • www.libertes.be • Éditrice responsable : Christine Bika • Rédacteur en chef : Pascal Fenaux • Comité de rédaction : Bruno Brioni, Thandiwe Cattier, Véronique Druant, Samuel Grumiau, Anne Lowyck, Brian May, Suzanne Welles • Ont collaboré à ce numéro : Gilles Bechet, Cécile Rolin • Iconographie : Brian May • Maquette : RIF • Mise en page : Gherthrude Schiffon • Impression (sur papier recyclé non blanchi) : Remy Roto • Couverture: Pendant les manifestations de l’automne 2007, des soldats birmans bloquent une rue dans le centre de l’ancienne capitale du Myanmar. Rangoun, 28 septembre 2007. © WPN
CHANGEMENT D’ADRESSE – ATTESTATION FISCALE – MODIFICATION, ANNULATION OU NOUVELLE COTISATION DE MEMBRE/DONATEUR(TRICE) Madame Michele Ligot : mligot@aibf.be je change d’adresse (inscrire uniquement la nouvelle adresse) Nom: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Prénom: . . . . . . . . . . N° de membre: . . . . . . . Adresse: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . N° . . . . . bte . . . . . . . . . . Code postal: . . . . . Localité: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Tél (obligatoire): . . . . . . . . . . . . . . . E-mail: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Oui, j'adhère aux objectifs d'Amnesty et souhaite devenir membre Je répartis le montant de : ma cotisation de mon abonnement sur toute l’année en complétant ce coupon et en le renvoyant à Amnesty International, 9 rue Berckmans à 1060 Bruxelles. Tout montant qui dépassera 14,87 e (prix de la cotisation ou de l'abonnement), sera considéré comme un «don», et par là-même jouira de la déductibilité fiscale pour autant que ce supplément soit de 30 e ou plus. Je verse tous les mois, au départ de mon compte n° . . . . . . . . . . – . . . . . . . . . . . . . . la somme de : 6e 10 e 20 e . . . . . . . . e (ou tout autre montant de mon choix) au profit du compte 001-2000070-06 de Amnesty International à partir du . . . . . . . . . . et jusqu’à nouvel ordre. Je conserve le droit d’annuler ou de modifier cet ordre à tout moment. ou je verse en une fois le mandat de . . . . . . . . . . . . . . au compte 001-2000070-06 Nom: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Prénom: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Date de naissance: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Adresse: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . N° . . . . . . . . bte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Code postal: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Localité: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Tél (obligatoire): . . . . . . . . . . . . . . . . E-mail: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Profession: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Date: . . . . . . . . Signature:
SOMMAIRE ACTUEL
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DOSSIER
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■ Cuba / États-Unis : Embargo, bientôt la fin ? ■ Canada : défendre une terre et un mode de vie ■ Insolites-Brèves
L’IMPASSE BIRMANE ■ Le pays du travail forcé ■ «Big Brother is watching you» ■ «Les animaux sont mieux traités que les prisonniers» ■ Les artistes bâillonnés ■ Une feuille de route pour conserver le pouvoir ■ Une bonne nouvelle
MOUVEMENT
■ Coordination Brésil : «Les milices menacent
la démocratie»
ISAVELIVES.BE
■ Lettres du mois : Colombie, Nicaragua
et Paraguay ■ Bonnes nouvelles
CULTURE/AGENDA
Ne rien inscrire dans cette case s.v.p. (réservé à l'organisme bancaire)
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■ La caravane passe
■ Mâles y pensent ■ Au village ■ Terre promise
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ACTU EL LITUANIE HOMOSEXUALITAS NON GRATA Durant sa session d’automne, le Parlement lituanien examinera plusieurs amendements visant à criminaliser la «promotion des relations homosexuelles dans des lieux publics.» S’ils étaient adoptés, ces amendements permettraient d’engager des poursuites contre des actes allant des campagnes en faveur des droits fondamentaux des personnes en matière d’orientation sexuelle ou d’identité de genre, à la diffusion d’informations concernant la santé et la sexualité aux lesbiennes, gays, personnes bisexuelles et transgenres (LGBT), etc. Ce faisant, la Lituanie violerait le Pacte international relatif aux Droits civils et politiques (PIDCP) et la Convention européenne des Droits de l’Homme (CEDH). e
FRANCE ASPHALT JUNGLE Le 22 septembre, les forces de l’ordre françaises ont démantelé de force les «jungles» disséminées autour du port de Calais. Ces «jungles» sont des campements de carton et de toile improvisés par des sans-papiers afghans, vietnamiens, irakiens, érythréens et autres dans l’attente des passeurs qui leur feront rallier les îles britanniques. Si les autorités britanniques ont félicité l’initiative du ministre français de l’Immigration, Amnesty International estime que ce démantèlement est «inefficace et aggrave la situation. Détruire les abris, c’est provoquer l’éparpillement des camps, livrer les migrants aux réseaux mafieux et ne rien régler sur le fond.» e
ISRAËL-GAZA AU RAPPORT Le 15 septembre, la «mission Goldstone», mise en place par l’ONU pour enquêter sur les violations du droit international commises dans la bande de Gaza palestinienne et dans le sud d’Israël fin décembre 2008 et début janvier 2009, a remis un rapport de 575 pages au Conseil des Droits de l’Homme. Malgré les preuves flagrantes de crimes de guerre commis par l’armée israélienne et dans une moindre mesure par les milices armées du Hamas, le Conseil de sécurité des Nations unies s’est jusqu’à présent abstenu de prendre des mesures concrètes. Pour Amnesty, «si Israël et le Hamas n’entreprennent pas des enquêtes fiables dans un délai établi et limité, le Conseil de sécurité se devra de porter les conclusions de la mission Goldstone devant le procureur de la Cour pénale internationale (CPI).» e
PHILIPPINES DÉFENSEURS À ABATTRE Les assassinats à caractère politique qui se multiplient dans les régions où se déroulent des opérations militaires contre la Nouvelle Armée du peuple (NPA) font craindre pour la sécurité des défenseurs des droits humains, lesquels font les frais de la répression indistincte d’un gouvernement qui s’est promis «d’écraser l’insurrection d’ici 2010.» Amnesty International a appelé le gouvernement philippin à fournir une protection aux personnes risquant d’être prises pour cibles et à enquêter sur ces assassinats. e
Un Cubain pêche dans le port de La Havane. Lors du dernier Sommet des Amériques, les dirigeants cubains ont demandé à l’administration américaine de lever le blocus imposé depuis un demi-siècle. La Havane, 21 avril 2009. © AFP PHOTO
CUBA / ÉTATS-UNIS
EMBARGO, BIENTÔT LA FIN ? Le 2 septembre dernier, Amnesty International demandait au président américain Barack Obama de faire le premier pas pour permettre la levée de l’embargo imposé par les États-Unis contre Cuba depuis près d’un demi-siècle. Rappel.
A
ux États-Unis et en Europe, on parle de l’embargo, mais à Cuba, on préfère parler du bloqueo (blocus). Selon le Robert, l’embargo est la suspension des exportations d’un ou de plusieurs produits par un État à titre de sanction ou de moyen de pression, tandis que le blocus est l’ensemble des mesures prises contre un pays pour le priver de toute relation commerciale. C’est donc à juste titre que les Cubains considèrent qu’en suspendant non seulement les échanges commerciaux mais aussi les transactions financières et les déplacements de personnes, Cuba subit un blocus, le plus long de l’histoire puisqu’il fut décrété en 1962, dans le but de faire tomber un régime considéré comme ennemi. Rappelons son histoire. Le 1er janvier 1959, alors que les révolutionnaires cubains progressent péniblement dans la jungle de la Sierra Madre, un coup de théâtre se produit lorsqu’à la surprise générale, le président-dictateur Fulgencio Batista prend la fuite. La place est vide. Les révolutionnaires n’ont plus qu’à l’occuper après un périple victorieux de Santiago à La Havane sous les acclamations d’un peuple en liesse. Se met alors en place, autour de Fidel Castro, une nouvelle équipe que dans un premier temps le reste du monde ne tarde pas à reconnaître, en ce compris les États-Unis. Mais l’euphorie est courte aux États-Unis. En effet, la même année, une réforme agraire a lieu, au terme de laquelle 1 200 000 hectares de terre appartenant à des entreprises et des citoyens américains sont expropriés sans compensation. La riposte américaine est immédiate : «Nous n’achèterons plus votre sucre». «Nous bien», disent les Soviétiques, alors que la Guerre froide bat son plein.
Le 17 avril 1961, Les États-Unis décident d’utiliser la force. Organisée par la CIA une tentative d’invasion de l’île a lieu à la Baie des Cochons (Bahía de Cochinos). C’est un échec total. En 72 heures, les 1 500 mercenaires engagés dans l’affaire sont en fuite, tués ou faits prisonniers. C’en est trop. L’histoire de David et Goliath est sur toutes les lèvres. L’Amérique est ridiculisée. Il faut venir à bout de ce régime qui se rapproche de plus en plus de l’ennemi communiste. Mais comment ? En l’affamant, disent les stratèges. Par un étranglement économique, financier et commercial, en isolant le pays, en empêchant les voyages, en entraînant les alliés dans cette aventure. Le blocus a commencé. Renforcé en 1992 (loi Torricelli) et en 1996 (loi Helms–Burton), assoupli en 1998 par Bill Clinton puis en 2009 par Barack Obama qui facilite les voyages des Américano-Cubains, ainsi que les transferts d’argent, le blocus n’a pas encore desserré complètement ses mâchoires. Ses effets dévastateurs ont été décuplés par la chute des régimes communistes d’URSS et d’Europe de l’Est, qui colmataient tant bien que mal par leur aide les pénuries cubaines dues au blocus américain. Ce fut la «période spéciale» de sinistre mémoire où tout manquait à Cuba. Aujourd’hui, bien que cela aille mieux, beaucoup de biens de consommation, principalement concernant les enfants, font toujours défaut, comme en témoignent les rapports de l’UNICEF, et les effets de l’embargo continuent à peser lourdement sur les plus démunis. «L’embargo contre Cuba est immoral et doit être levé», a déclaré récemment Irene Khan, la présidente d’Amnesty International qui ajoute : «c’est l’occasion rêvée pour
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ACTU EL Barak Obama de se distancier des politiques qui ont échoué dans le passé et d’envoyer un message fort au Congrès américain sur la nécessité de mettre fin à l’embargo.» La notion d’échec que souligne Irène Khan est importante, car non seulement le blocus n’a pas fait tomber le régime, ni obtenu le moindre progrès en matière de respect des droits de l’homme, mais c’est le contraire qui s’est produit : le phénomène «citadelle assiégée» a joué à fond. A toute pénurie, à tout manquement, à toute limitation des libertés, à toute répression des citoyens qui militent pour un changement démocratique, le gouvernement oppose une explication et une seule : c’est la faute aux États-Unis, c’est la faute à l’embargo. Face aux États-Unis, le pays vit virtuellement en guerre et, comme on le sait, en temps de guerre, tout rapprochement avec l’ennemi est une trahison qui doit être punie sévèrement. Amnesty est partie en campagne, aux États-Unis et en Europe. Son but ? C’est la fin de l’embargo. Or, celuici dépend du Congrès (Chambre des Représentants et Sénat), qui fait et défait les lois. La loi qu’Amnesty voudrait voir abolie aujourd’hui porte les initiales TWEA (Trading With the Enemy Act, Loi sur le Commerce avec l’Ennemi). Cette très vieille loi a été votée en 1917 et ne concernait au départ que les ennemis en
période de guerre. Mais, de transformation en transformation, elle a fini par s’appliquer en urgence à tout pays que les États-Unis considèrent comme leur ennemi. La Corée du Nord partageait ce triste privilège avec Cuba, mais elle en a été retirée en 2008 par George W. Bush. La TWEA ne concerne donc plus aujourd’hui que Cuba. Cette loi a ceci de particulier qu’il revient au seul Président américain de la reconduire d’année en année sans devoir repasser devant le Congrès. Cette reconduction a eu lieu il y a peu (le 14 septembre) et ce fut une déception pour Amnesty qui avait tenté d’infléchir la position du président Obama. Mais la campagne se poursuit et si, seuls les membres et comités de la section américaine d’Amnesty feront le siège des membres du Congrès, Amnesty demande à tous ses membres et sympathisants de faire connaître dans tous les pays la position du mouvement sur la question. Vivons nous la dernière année de ce blocus injuste et meurtrier, voire la première année d’un changement démocratique à Cuba ? Qui vivra verra. e Cécile Rolin, Coordination Cuba/Chili S’INFORMER : The US embargo against Cuba – Its impact on economic and social rights (Index: AMR 25/007/2009).
L’INSOLITE CHIC CORÉE L’armée sud-coréenne a accepté de diminuer le volume sonore de ses exercices aériens afin de permettre aux 3 millions d’étudiants passant des examens en septembre de mieux se concentrer. Cet effort concerne les 650 000 soldats sud-coréens et les 28 500 soldats américains déployés au sud de la poudrière péninsulaire. Les exercices de lutte contre les incendies, les décollages et atterrissages d’avions militaires ont été interdits pendant vingt minutes chaque jour, afin de permettre aux d’étudiants de passer leur examen d’anglais, examen qui nécessite l’écoute d’enregistrements. Les examens ont eu lieu entre le 16 et le 18 septembre, ainsi qu’entre le 23 et le 25. Pendant ce laps de temps, les avions militaires n’ont été autorisés à décoller qu’en cas d’urgence expresse. À l’approche des examens de novembre, les autorités sud-coréennes espèrent reproduire cette expérience. e (D’après AFP)
FOCUS CANADA
DÉFENDRE UNE TERRE ET UN MODE DE VIE Au Canada, le gouvernement fédéral a hérité de la responsabilité des autochtones lors de l’indépendance du pays, tandis que leurs territoires et leurs ressources étaient octroyés aux provinces. Les communautés autochtones sont coincées entre ces deux paliers de gouvernement pour tous les aspects de leur vie. Dans le cadre de la campagne «Exigeons la dignité», Amnesty a lancé une action pour le Canada.
L
a Long Point First Nation (Kakinwawigak) – qui appartient à la nation algonquine de la province du Québec (Canada) – a été plusieurs fois arrachée à ses terres afin de laisser place à des activités industrielles. À chaque fois que l’eau inondait leurs terres et recouvrait les sépultures de leurs proches, les membres de cette communauté devaient faire face seuls au bouleversement de leur vie et déménager, avec peu – ou pas – de soutien de la part des autorités. La majorité de la communauté est finalement venue s’établir sur une parcelle de terrain de 0,5 km2 à l’embouchure de la rivière Winneway. D’un point de vue juridique, la communauté de Winneway a reçu la qualification d’«établissement indien», une dénomination qui permet à ses membres de bénéficier des services fédéraux de base destinés aux autochtones,
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Martina Mathias, membre de la Long Point First Nation et militante algonquine. Winneway, 2009. © Marc-André Pauzé comme les soins médicaux, l’éducation et le logement. Les familles qui se sont installées ailleurs n’ont jamais obtenu de reconnaissance officielle et, par conséquent, ne reçoivent pas d’aide de la part des autorités fédérales ou provinciales, qui continuent à les considérer comme des «occupants illégaux». La communauté subit actuellement des pressions croissantes de la part du gouvernement fédéral, qui voudrait qu’elle devienne une «réserve indienne» relevant de la Loi sur les Indiens. Le gouvernement fédéral a déclaré que, si la communauté ne donnait pas son accord, il ne serait plus en mesure de garantir l’octroi de subventions pour les infrastructures et le logement. Malgré ces pressions, la Long Point First Nation continue à défendre ses terres, sa culture et son mode de vie. En 2004, la communauté de Long Point First Nation et d’autres communautés algonquines de la région se sont opposées à l’exploitation forestière d’une partie du territoire par la compagnie Domtar. En effet, le
gouvernement québécois, sans consulter les communautés autochtones de la région, avait accordé la permission à Domtar d’opérer sur des terres ancestrales selon la communauté de Long Point First Nation. Craignant que les opérations de la papetière ne causent des dommages irréparables dans les zones de chasse et sur les lieux de sépultures, les communautés autochtones se sont mobilisées et ont bloqué l’accès à leurs terres aux travailleurs forestiers. Après plusieurs semaines de négociations sans succès entre les parties, les forces de l’ordre ont procédé à une trentaine d’arrestations. Des 28 manifestants arrêtés, 23 étaient des femmes, dont l’activiste Diane Polson. Au procès, ils ont toutes et tous été acquitté(e)s. La communauté demeure très inquiète quant à l’exploitation forestière sur ses terres ancestrales sans son avis ni consentement. e AI POUR AGIR : http://www.amnistie.ca/dignite/logement/agissez_ winneway.php
DOSSIER
L’IMPASSE BIRMANE Voici deux ans, le Myanmar (Birmanie) se rappelait au bon souvenir de ses dirigeants militaires et des opinions publiques étrangères en manifestant contre la hausse du coût de la vie, la dégradation des conditions économiques et la lourde présence d’une junte qui monopolise violemment le pouvoir depuis 1962. En mai dernier, l’intrusion insensée d’un touriste américain dans la résidence où elle est assignée quasi sans discontinuer depuis 1989 valait à Aung San Suu Kyi d’être jetée en prison, pour ensuite être condamnée en août dernier à 18 mois de détention et interdite de se présenter aux élections législatives de 2010. Le Myanmar est en quelque sorte le condensé «parfait» de tout ce qui motive généralement l’action des ONG de défense des droits humains : application de la peine de mort, arrestations massives d’opposants, parodies de procès, recours systématique à la torture, négation des droits des minorités ethniques, absence de droits sociaux, surexploitation des ressources naturelles pour le plus grand bonheur de la junte et avec le concours de certaines grosses entreprises multinationales, surpopulation carcérale, corruption, etc. À quelques mois d’un scrutin législatif que d’aucuns jugent déjà «plié», Libertés! vous propose plusieurs reportages.
Des travailleuses birmanes chargées de paniers de cailloux franchissent le fleuve Irrawaddy sur un pont de fortune. Mandalay, 31 juillet 2009. © REUTERS/Soe Zeya Tun
LE PAYS DU TRAVAIL FORCÉ Le recours au travail forcé demeure un fléau national au Myanmar. Sous ce régime proche d’un système féodal, militaires et autorités locales s’arrogent le droit de réquisitionner hommes, femmes et enfants, voire de saisir leurs terres et leur argent.
L
e Myanmar est l’un des derniers pays où le travail forcé est imposé par des institutions de l’État. Chaque jour, des dizaines de milliers de Birmans doivent obéir à des ordres de réquisition émanant de l’armée ou des autorités locales afin d’accomplir toute une série de besognes : construction de routes ou de casernes, transport à dos d’homme de matériel militaire, entretien de plantations au profit des autorités, etc. En général, l’ordre consiste à envoyer une personne par ménage. Elle doit amener ses propres outils et sa propre nourriture, travailler un ou quelques jours sans rémunération. Seul le paiement d’une «compensation» permet d’échapper à ce travail forcé, mais elle équivaut à plusieurs jours de salaire. Rares sont donc les familles à pouvoir se le permettre. Lorsque aucun adulte n’est disponible au sein du ménage, un enfant doit être envoyé. Des milliers d’enfants sont par ailleurs recrutés de force comme soldats.
Ce recours massif au travail forcé a valu bien des critiques internationales au régime militaire, dont plusieurs condamnations par le Bureau international du Travail (BIT). En 2007, la junte a fini par accepter de conclure avec le BIT un protocole d’entente pour offrir aux victimes de travail forcé un mécanisme leur permettant de demander réparation. Les victimes peuvent adresser leurs plaintes au BIT-Rangoun, qui tente ensuite d’enquêter sur le terrain et d’obtenir des coupables une compensation, une réparation, des excuses (1). Concrètement, le manque de coopération des autorités birmanes n’a pas encore permis à ce mécanisme d’être très efficace, mais il a le mérite de mettre une certaine pression sur les généraux. La junte a arrêté plusieurs personnes qui ont déposé plainte au BIT ou des militants qui ont aidé des victimes à formuler leurs plaintes, et les a condamnés à des peines de prison sous de faux prétextes (2).
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DOSSIER La présence de touristes peut parfois limiter le recours au travail forcé dans une région (3), mais ce dernier est alors remplacé et/ou complété par des extorsions d’argent ou des confiscations de terres, toujours au bénéfice de l’armée ou des autorités locales. «Je n’oublierai jamais le jour où les autorités de mon village ont réuni tous les habitants pour nous annoncer que nos terres étaient réquisitionnées pour en faire des zones industrielles, explique un paysan originaire de la région de Mandalay. Elles ont promis de payer des compensations pour 50% des terres, mais ma famille n’en a reçu que pour deux des six acres que nous exploitions. Personne n’a osé protester, par crainte de la répression qui s’abat sur tous ceux qui contestent les décisions des autorités. Des usines sont venues s’installer sur le zoning, mais aucun travailleur de mon village n’a pu y trouver de l’embauche car elles cherchaient des ouvriers qualifiés. J’ai fini par partir en Thaïlande pour trouver un emploi.»
«LA MENTALITÉ DU RÉGIME NE CHANGE PAS» Le recours massif des autorités locales au travail forcé, aux confiscations de terres et à l’extorsion d’argent fait du Myanmar l’un des derniers États féodaux de la planète. «Le problème est que la mentalité du régime ne change pas, souligne Maung Maung, secrétaire général de la Fédération des Syndicats birmans. Ils veulent faire croire qu’ils s’efforcent de lutter contre le travail forcé, mais le régime n’est pas prêt mentalement à ne plus y recourir, car ce n’est pas seulement à son avantage sur leur terrain, ça l’est aussi sur le plan moral: si quelqu’un peut être persécuté par une personne en uniforme, ça signifie que celleci est “supérieure”. Le travail forcé a donc aussi pour but de montrer aux habitants qu’en s’engageant comme militaires, ils deviennent membres de la classe dirigeante. Ça s’est encore vérifié récemment lors des offensives militaires contre les
ethnies dans les États Karen, Kachin, Shan, et en août dernier contre les Kokangs, à la frontière avec la Chine : les équipements militaires devaient être portés par des villageois.» Le travail forcé a tendance à augmenter dans certains États. Dans le nord de l’Arakan par exemple, un rapport du groupe de défense des droits humains Arakan Project (4) montre que de plus en plus de Rohingyas, une population musulmane particulièrement réprimée par le régime, ont été réquisitionnés depuis novembre 2008. Selon ce rapport, l’aggravation du travail forcé est la conséquence directe de la construction d’une barrière en barbelés le long de la frontière du Bangladesh (apparemment pour empêcher les Rohingyas de quitter le nord de l’Arakan) et de développements militaires liés à des tensions entre le Bangladesh et le Myanmar au sujet de frontières maritimes et d’explorations gazières dans le Golfe du Bengale. Dans le canton de Maungdaw, des villageois ont signalé que la fréquence du travail forcé est passée à deux jours et une nuit par semaine, au lieu d’un jour et une nuit lors de la saison sèche précédente. Dans certains cas, les victimes ont été contraintes au travail forcé durant une semaine ou plus. e Samuel Grumiau (1) Voir le site du BIT-Rangoun pour plus de détails sur ce mécanisme : http://www. ilo. org/public/english/region/asro/yangon/ (2) Beaucoup d’infrastructures touristiques ou développées pour faciliter l’arrivée des touristes l’ont cependant été en recourant au travail forcé. (3) Voir le rapport annuel des violations des droits syndicaux de la CSI : http://survey09. ituc-csi. org/survey. php?IDContinent=3&IDCountry=MMR&Lang=FR (4) The Arakan Project, «Large Increase in Forced Labour Along the Bangladesh-Burma Boarder» ; Rapport n°16 soumis à la CSI ; Juin 2009.
«BIG BROTHER IS WATCHING YOU» Le slogan du roman 1984 de Georges Orwell s’applique parfaitement au Myanmar, avec une dictature militaire qui ne cesse de rappeler «qui est le maître», y compris sur Internet.
D
ans les grandes villes birmanes, il est très fréquent de voir circuler à toute allure des camions de la police ou de l’armée chargés d’hommes en uniforme et armés jusqu’aux dents. Ils ne sont généralement pas mobilisés par une intervention. Ils sont là pour rappeler à la population la force du régime et la répression qui s’abattra immédiatement sur ceux qui oseront résister. «Ce gouvernement nous ferme les yeux, les oreilles et la bouche. La population
birmane est une reproduction vivante de la statue des trois singes, déclare Lu Maw, comédien de la troupe des Frères Moustache (voir page 8). Le cas d’Aung San Suu Kyi est bien connu à l’étranger, mais il faut comprendre que c’est chaque Birman qui est en quelque sorte assigné à résidence en raison de la terreur exercée par ce régime.» Le développement récent d’Internet au Myanmar aurait pu offrir un espace de liberté : des milliers de jeunes Birmans surfent dans les cybercafés des
grandes villes, mais le SPDC (1) met tout en œuvre pour qu’ils se limitent aux sites qu’il juge «politiquement corrects». Thin (2), ancien gérant de cybercafé à Rangoun, explique la politique de cyber-répression mise en place : «Ils emploient une centaine de spécialistes d’Internet à Yadanabon Cyber City, une “Silicon Valley” développée par la junte dans la ville de Pyin U Lwin, non loin de Mandalay. Ces employés passent leur temps à surveiller les mouvements des Birmans sur la Toile. Ils ont été formés par des experts étrangers, notamment de Russie, qui est un allié du régime militaire. Les internautes ne peuvent jamais savoir à quoi s’en tenir : parfois, ces vigiles les laissent évoluer quelque peu vers de sites sensibles ou interdits, avant d’interrompre subitement leur connexion… Ils peuvent retrouver l’internaute grâce à son adresse IP et celui-ci risque de graves ennuis.» La plupart des cybercafés affichent des avertissements interdisant de surfer sur les sites à caractère politique ou qui interfèrent avec les «affaires internes de l’État». De nombreux sites étrangers sont censurés, dont ceux des ONG de défense des droits humains. Beaucoup de Birmans sont capables de contourner la censure, mais les risques sont grands, tant pour les cybernautes que pour les gérants des cybercafés. «Comme les cybercafés ne demandent pas l’identité de leurs clients, leurs gérants courent le risque d’être arrêté si des sites interdits sont visités, souligne Thin. Plusieurs gérants se sont déjà retrouvés sous les verrous pour cette raison. Les autorités ont aussi demandé à certains cybercafés d’installer un programme qui enregistre une capture d’écran automatique toutes les 30 minutes.» e S. G. (1) State Peace and Development Council (Conseil national pour la Paix et le Développement), nom adopté par le régime militaire birman. (2) Prénom d’emprunt.
j Des étudiants dans un cybercafé. Rangoun, 30 janvier 2008. © AFP
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DOSSIER j Des militaires et des policiers gardent un barrage dressé à proximité de la prison d’Insein, où est détenue l’opposante Aung San Suu Kyi. Rangoun, 31 juillet 2009. © REUTERS/ Aung Hla Tun
«MÊME LES ANIMAUX SONT MIEUX TRAITÉS QUE LES PRISONNIERS» Plus de 2000 prisonniers politiques birmans croupissent en prison. La junte met tout en œuvre pour les faire craquer mentalement.
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’argent est roi dans les prisons birmanes. Le prisonnier qui a un peu de soutien de l’extérieur peut survivre dans des conditions difficiles mais relativement supportables, celui qui n’a rien risque les pires exactions. Zaw (1), un ancien prisonnier politique libre depuis quatre mois et réfugié en Thaïlande, dénonce les extorsions d’argent dont il a été témoin dans la prison d’Insein, tristement célèbre pour abriter de nombreux prisonniers politiques : «Les gardiens ne gagnent que 30 000 kyats [18 euros] par mois, un salaire avec lequel il est impossible d’entretenir une famille. Ils soutirent donc de l’argent à certains prisonniers : si ceux-ci ne paient pas, ils sont battus. Les médecins d’Insein, qui touchent eux aussi des salaires dérisoires, “vendent” des certificats médicaux recommandant un séjour dans l’aile médicale de la prison, où les conditions de détention sont meilleures. Les prisonniers qui peuvent se le permettre paient environ 340 euros pour six mois dans cette aile.» Zaw n’a pas de mots assez durs. «Même les animaux sont mieux traités que les prisonniers au Myanmar. Ils sont parfois 20 dans des cellules de 15 m2, sous une chaleur suffocante. Seules quelques rares cellules ont de meilleures conditions de détention car des prisonniers de la classe moyenne ont payé pour les améliorer, par exemple en installant des toilettes. Lors du passage du cyclone Nargis, des détenus ont mis le feu à une partie de la prison, ils étaient presque parvenus à s’échapper quand la répression s’est abattue. Deux prisonniers sont morts et une centaine de présumés “meneurs” ont été torturés durant deux semaines. Les gardiens refusant de leur donner de l’eau, ils buvaient dans des flaques.» Plusieurs anciens condamnés politiques affirment que les tortures les plus dures sont infligées avant le jugement, durant l’instruction. «C’est ensuite qu’ils subissent davantage de pressions psychologiques pour les briser mentalement, explique Zaw. Les gardiens leur font par exemple croire qu’ils ont placé dans leur eau un produit qui rend impuissant. Dans d’autres cas, on va leur bander les yeux, placer un sac sur leur tête, les confiner durant des semaines en isolement, etc. Les autorités essaient de limiter les risques de traces sur le corps des détenus. J’ai vu les gardes confectionner des fouets avec un mélange de caoutchouc, ils les utilisent beaucoup car les lésions internes provoquées par ces fouets sont difficiles à cicatriser alors que les traces externes disparaissent plus rapidement.»
DES FAMILLES DÉSEMPARÉES Les prisonniers politiques sont souvent détenus dans des endroits inaccessibles pour leurs familles. «En plus, les familles doivent montrer à la police un
document disant pourquoi elles voyagent, où elles vont, chez qui elles vont loger, explique Maung Maung, Secrétaire général de la Fédération des Syndicats birmans (2). Si elles n’ont pas d’argent, elles ne peuvent loger chez d’autres habitants : personne ne veut les accepter car des membres de leurs familles sont prisonniers politiques, ce qui inspire la peur. C’est un grand problème pour les prisonniers car au-delà du soutien moral, les visites sont importantes pour leur amener un peu de nourriture et de médicaments.» La junte militaire n’hésite pas à recourir aux chantages les plus abjects pour faire craquer ses opposants, par exemple en emprisonnant leurs enfants pour les amener à se rendre. C’est ce qui est arrivé en avril dernier quand Htet Yee Mon Eai, une mineure de 17 ans, a été arrêtée à Rangoun. Sa mère, Eai Shwe Sinn Nyunt, est une opposante politique réfugiée en Thaïlande. «Mes tortionnaires ont annoncé à ma famille que je ne serais libérée que si ma mère revenait au Myanmar, c’est-à-dire arrêtée», explique Htet Yee Mon Eai. Les parents, d’anciens détenus politiques ayant passé plusieurs années en prison, n’ont pas cédé au chantage. Les pressions conjuguées du BIT et de la CSI ont abouti à la libération de Htet Yee Mon Eai dix jours après son arrestation et elle a aujourd’hui rejoint ses parents en Thaïlande. Être mineur d’âge est tout sauf une protection contre les mauvais traitements imposés dans les prisons birmanes. Htet Yee Mon Eai n’était âgée que de 17 ans lors de sa détention : «Quand ils sont venus m’arrêter chez moi, ils m’ont bandé les yeux, puis ils m’ont emmenée dans un centre des services de renseignement de l’armée. Ils m’ont enfermée durant deux jours dans une cellule très sombre. Ils ne cessaient de me poser des questions sur des syndicalistes qui connaissent ma famille. Ils voulaient aussi le mot de passe de mon adresse e-mail, ils me disaient que de toute façon, ils avaient les moyens de le trouver. Je leur répondais qu’en ce cas, ils n’avaient pas besoin de me le demander, mais les pressions s’intensifiaient, j’avais à peine le temps de dormir. Par la petite ouverture de la porte de ma cellule, je voyais parfois des hommes me regarder bizarrement. Des interrogateurs ont aussi levé la main en menaçant de me frapper. Lorsque je demandais à aller aux toilettes, deux gardiennes m’accompagnaient, mais comme j’avais constamment les yeux bandés, je suis tombée plusieurs fois par terre, c’était très humiliant». e S. G. (1) Prénom d’emprunt. (2) La FTUB (Fédération des Syndicats birmans, www. ftub. org), interdite comme toutes les autres organisations indépendantes, aide les travailleurs par un réseau clandestin de militants.
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DOSSIER j Par Par Lay, l’un des comédiens de la troupe des Frères Moustache. Rangoun, 25 août 2009. © Samuel Grumiau
LES ARTISTES BÂILLONNÉS Rares sont les Birmans vivant dans leur pays qui osent critiquer ouvertement la junte militaire. Les Frères Moustache sont de ceux-là, mais ces comédiens ont payé le prix fort pour leurs blagues sur les généraux.
tions, Amnesty a contribué à mobiliser la communauté internationale. «Si nous sommes plus ou moins libres aujourd’hui, c’est grâce au soutien international, notamment celui de stars d’Hollywood et de mouvements de défense des droits humains qui ont dénoncé la répression envers les artistes birmans, souligne Lu Maw. Notre seule protection face à la répression est la vigilance de la communauté intera troupe des Frères Moustache existe depuis plus de 40 ans. Mélange nationale. Pour nous, la présence des touristes est donc vitale. Je les incite d’ailleurs de danses, chants et blagues, leurs spectacles comportent des à faire beaucoup de bruit durant notre spectacle, pour éloigner les agents de la version critiques drôles des dirigeants militaires. Ceux-ci n’ayant malheu- birmane du KGB !» reusement pas le sens de l’humour ni de l’autodérision, Par Par Lay, l’un Les Frères Moustache ne sont pas les seuls artistes birmans à subir régudes comédiens vedettes de la troupe, a déjà été emprisonné à trois reprises. lièrement les foudres de la dictature militaire. Le 4 juin 2008, le comique «La première arrestation remonte à 1990, il a été détenu six mois suite à une blague, et réalisateur Zarganar a été arrêté pour avoir critiqué la manière dont le gouvernement avait réagi face au cyclone explique son frère Lu Maw, lui aussi comédien. Il a de nouveau été arrêté le 7 janvier 1996, trois jours après «Je suis allé en Thaïlande me faire Nargis. Il avait pris la tête des acteurs de la société que nous ayons joué un spectacle chez Aung San Suu Kyi. soigner les dents. Le service y est de civile souhaitant apporter une assistance humanitaire aux victimes et il diffusait des Notre cousin Lu Zaw et des organisateurs du spectacle ont meilleure qualité. Le dentiste informations sur la crise. Il a été condamné en été arrêtés en même temps.» Là aussi, les comédiens thaïlandais m’a demandé s’il n’y octobre à… 45 ans de prison, au titre de disposis’en étaient pris au régime par des blagues. avait pas de soins dentaires au «Cette fois, ils ont été condamnés à sept ans de prison, Myanmar. Je lui ai répondu que nous tions floues qui figurent dans des lois réprimant poursuit Lu Maw. Par Par Lay a passé les deux premiers avions des dentistes mais que comme toute opposition, même pacifique (1). On pourrait mois de cette détention dans un camp de travail, enchaîné. chez nous, on ne peut pas ouvrir la encore citer l’exemple de Nay Phone Latt, arrêté Il devait casser des pierres du matin au soir dans une zone en 2008 pour des photos et des dessins humorisbouche, il est difficile de se faire montagneuse. Chaque semaine, deux ou trois prisonniers tiques publiés sur ses blogs, et condamné à plus soigner les dents!» Blague de Lu mourraient dans ces camps en raison des mauvais traitede 20 ans de prison. Le poète Saw Wai a quant à Maw, l’un des Frères Moustache ments, de l’eau et de la nourriture sales, des maladies, … lui été arrêté en janvier 2008 pour avoir introduit Par Par Lay et Lu Zaw n’ont été libérés que le 13 juillet 2001. Depuis lors, le régime un message caché dans un poème pour la Saint-Valentin. Il a été condamné interdit à notre troupe de jouer hors de chez nous. Au Myanmar, il faut une autori- à deux ans d’emprisonnement. sation des autorités pour inviter une troupe d’artistes à une fête privée. Personne ne Maung, taxi de nuit à Rangoun, conclut ironiquement une conversapeut nous inviter car la junte nous a placés sur une liste noire. Nous ne pouvons plus tion sur le régime : «Vous trouvez que nos dirigeants n’ont pas le sens de l’humour? jouer nos spectacles qu’à l’intérieur de notre domicile, nous avons donc aménagé dans Mais vous voyez pourtant que devant chaque commissariat de police, il est affiché notre rez-de-chaussée une mini-scène entourée de quelques chaises.» Actuellement, “Puis-je vous aider ?” Comme c’est bien le dernier des endroits où un Birman irait les Frères Moustache ne jouent plus qu’en anglais, pour les touristes, chercher autre chose que des coups ou des ennuis, je trouve que nos généraux sont aussi afin de limiter les risques. capables de nous faire rire, fût-ce d’un rire jaune.» e S. G. Suite aux manifestations de septembre 2007, Par Par Lay a de nouveau été arrêté, cette fois durant 35 jours. Comme lors de ses précédentes arresta- (1) Zarganar a été adopté comme prisonnier d’opinion par Amnesty.
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DOSSIER
UNE FEUILLE DE ROUTE POUR CONSERVER LE POUVOIR Des élections devraient avoir lieu l’an prochain au Myanmar. Elles n’empêcheront pas les militaires de continuer à violer tous les droits fondamentaux.
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a junte militaire a lancé un projet de réforme politique, début 2003. Pompeusement intitulé «Feuille de Route vers la Démocratie», il a été mené de façon unilatérale par les militaires, sans réelle concertation avec les opposants politiques ou les représentants des minorités ethniques du pays. Il a conduit à un référendum sur une nouvelle Constitution en mai 2008, quelques jours après que toute une partie du sud du pays ait été dévastée par le cyclone Nargis (1). Chacun s’attendait à ce que ce référendum soit reporté pour laisser les victimes se réorganiser, mais les militaires ont tenu à le maintenir. Ils ont aussi refusé l’envoi d’observateurs internationaux. Selon le gouvernement, 98,1 % des électeurs inscrits se sont exprimés lors de ce référendum et 92% d’entre eux ont voté en faveur de la Constitution. Il est toutefois impossible de déterminer combien de Birmans étaient véritablement favorables à ce projet car la propagande en faveur du «oui» était extrême dans les semaines précédant le vote. Les pressions étaient très fortes jusque dans les isoloirs. «Des représentants des autorités de mon quartier me dévisageaient tant à l’entrée qu’à la sortie du bureau de vote, explique Moon (2), une enseignante vivant à Rangoun. Le vote était secret, mais dans l’ambiance de peur généralisée qui règne dans ce pays et après des semaines de propagande, j’étais impressionnée par la présence de ces représentants et par leurs regards soupçonneux. J’ai voté en faveur de la Constitution afin d’éviter tout risque de représailles. Vous devez comprendre qu’“ils” peuvent vous casser en une minute. Tous vos projets et ceux de votre famille peuvent être ruinés par une seule décision des autorités. L’intimidation était encore plus forte dans la fonction publique, où il était possible de voter sur son lieu de travail. Un fonctionnaire m’a dit que son supérieur hiérarchique lui avait tendu le bulletin de vote et l’avait regardé faire son choix! Il faudrait être très courageux et vouloir risquer de gros ennuis pour son emploi et sa famille pour oser voter “non” dans un tel contexte.»
UNE BONNE NOUVELLE
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’événement est suffisamment rare que pour être souligné : une bonne nouvelle est arrivée du Myanmar le 17 septembre dernier, quand la télévision d’État a annoncé la libération de 7 114 prisonniers, pour «raisons humanitaires». L’Association d’Aide aux Prisonniers politiques birmans (AAPPB) (1) a dénombré 127 prisonniers politiques parmi ces personnes libérées. Quatre des 15 prisonniers d’opinion adoptés par Amnesty en font partie. Cette amnistie n’est pas la première : l’AAPPB signale que depuis novembre 2004, 45 732 prisonniers ont été libérés au cours de six amnisties, dont à peine 1,3 % sont des prisonniers politiques. Ce n’est sans doute pas un hasard si ces libérations ont eu lieu quelques jours avant l’ouverture de la session annuelle de l’Assemblée générale de l’ONU à laquelle devait participer le Premier ministre birman, le général Thein Sein. La junte espère aussi amadouer l’opinion publique mondiale, à un an des élections qu’elle organise en 2010 (voir ci-contre). La libération de 127 prisonniers politiques est une excellente nouvelle, mais elle ne peut faire oublier que plus de 2 000 autres prisonniers politiques sont toujours détenus au Myanmar, soit plus du double qu’au début de 2007. Depuis la fin 2008, des tribunaux siégeant à huis clos ou dans les prisons ont condamné à de lourdes peines plus de 300 militants (défenseurs des droits humains, artistes, militants syndicaux, journalistes, moines, nonnes, etc). Les opposants politiques de premier plan, comme Aung San Suu Kyi ou Min Ko Naing, demeurent en résidence surveillée ou en prison. e S. G.
1) http://www. aappb.org/
Encadrant le chef de la junte Than Shwe, l’état-major de l’armée birmane assiste à un défilé lors du Jour des Forces armées. Naypidaw, 27 mars 2009. © AFP/Hla Hla Htay
UN QUART DES SIÈGES AUX MILITAIRES La prochaine étape de la «Feuille de Route» est prévue pour 2010, avec la tenue d’élections. La nouvelle Constitution contient cependant de nombreuses dispositions qui ne laissent planer aucun doute sur la volonté de la junte militaire de se maintenir au pouvoir coûte que coûte après ce scrutin. Elle réserve à l’armée 25 % des sièges au Parlement ainsi que des pans entiers des pouvoirs exécutif et judiciaire. Elle garantit l’impunité aux auteurs de violations des droits humains commises par le passé et elle accorde aux militaires le droit de suspendre tous les droits fondamentaux «en cas d’urgence». La Constitution interdit par ailleurs à toute une série de Birmans de se présenter au scrutin, dont ceux qui ont vécu en dehors du Myanmar pendant cinq ans ou plus, ceux qui se sont mariés à une personne étrangère, etc. Ces clauses permettent au régime d’interdire à la figure de proue de l’opposition, Aung San Suu Kyi, de participer aux élections. Son parti, la NLD (3), avait largement remporté les élections de 1990, mais les militaires avaient refusé de lui céder le pouvoir. La junte aura bien de la peine à faire croire à la crédibilité du scrutin de l’an prochain si les principaux opposants n’ont pas la possibilité d’y participer. À l’intérieur du Myanmar, personne ne se fait d’illusion sur l’issue des élections de 2010. «La majorité des Birmans ne sont pas intéressés par ce scrutin, estime une ancienne prisonnière politique vivant à Rangoun. Beaucoup n’ont pas de conscience politique ou sont las de la politique. Ils détestent le gouvernement actuel, mais ils ne voient pas d’alternative parmi les opposants birmans en exil car ceux-ci sont assez divisés. Les politiciens de l’opposition restés au pays n’ont guère de crédit, les gens ne savent donc plus à qui faire confiance, sauf peut-être aux opposants plus âgés, mais ils sont presque tous en prison… ou en résidence surveillée. Le récent procès d’Aung San Suu Kyi a intéressé beaucoup de Birmans car elle demeure un symbole, un espoir pour tout le peuple. Pour le reste, le problème des gens est de trouver de quoi manger pour le soir et le lendemain matin». e S. G. (1) Plus de 140 000 personnes sont décédées suite au passage de ce cyclone, les 2 et 3 mai 2008, dans le delta du fleuve Ayeyarwady et dans le sud du département de Rangoun. On estime que 95 % des maisons du Delta ont été détruites durant cette catastrophe naturelle, la plus grave qu’ait jamais connu le pays. Les souffrances des survivants ont été aggravées par le refus de la junte d’autoriser l’entrée immédiate dans le pays des équipes étrangères de secours humanitaire et de l’aide alimentaire. (2) Prénom d’emprunt. (3) National League for Democracy.
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MOUVEMENT FORMATIONS D’OCTOBRE ET NOVEMBRE 10 octobre de 10h00 à 16h00 La protection internationale des droits fondamentaux (Liège) 13 octobre de 19h00 à 22h00 Découvrir et s’orienter au sein d’Amnesty (BXL) 24 octobre de 10h00 à 15h00 Union européenne et droits humains (BXL) 14 novembre de 09h00 à 13h00 Les droits des femmes (BXL) 14 novembre de 09h30 à 12h30 Découvrir et s’orienter au sein d’Amnesty (BXL) 21 novembre de 09h30 à 16h30 Mission et fonctionnement d’Amnesty (BXL) 21 novembre de 10h00 à 16h30 Homosexualités et droits humains (BXL) 28 novembre de 09h00 à 14h00 La lutte contre l’impunité (BXL) Pour vous y inscrire et obtenir des détails concernant le contenu des modules, rendez-vous sur notre site Internet : http://www.amnesty.be/formations e Pour tout renseignement, envoyez-nous un e-mail à formations@aibf.be ou téléphonez-nous au 02/538 81 77, de préférence les mardi, jeudi et vendredi.
DEVENEZ FORMATEUR/TRICE BÉNÉVOLE POUR AMNESTY Vous avez des aptitudes pédagogiques et, si possible, une expérience en formation d’adultes ? Vous êtes en mesure de concevoir des formations et d’utiliser différents outils de communication et d’apprentissage ? Vous avez des capacités d’écoute, d’analyse et de synthèse ainsi que des compétences en prise de parole en public et en gestion de groupes ? Dans ce cas, votre profil correspond à celui que nous recherchons pour étoffer notre équipe de formateurs bénévoles ! Nos formateurs conçoivent et animent des formations destinées à accroître les connaissances et développer les compétences de nos membres et sympathisants en matière de défense des droits humains, en collaboration avec des permanents et avec des bénévoles qui maîtrisent ces sujets. Disponibilités : en soirée et le week-end (surtout le samedi). Fréquence à définir en partie selon votre emploi du temps. e Intéressé(e) ? Merci de bien vouloir nous envoyer votre curriculum vitae et une lettre de motivation pour le 15 octobre au plus tard à l’attention de Sophie Ypersiel, par e-mail à formations@aibf.be ou par courrier à Amnesty International Belgique francophone, Service formations, Rue Berckmans 9 à 1060 Bruxelles.
LE PETIT ÉCRAN DU MERCREDI 28 OCTOBRE – À BRUXELLES LA VISITE DE LA FANFARE Un film du réalisateur israélien Eran Kolirin. À la fois grave et très drôle, il conte l’aventure d’une petite fanfare égyptienne venue jouer en Israël et qui, manque de chance, se retrouve égarée dans une petite ville oubliée du monde. Avec Ronit Elkabetz. e Lieu : 9, rue Berckmans, 1060 Bruxelles – Accueil dès 19h00. Film à 19h30 – Durée : 01h26 – PAF : 3 e Renseignements : 02 538 81 77
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C O O R D I N AT I O N S
«LES MILICES MENACENT LA DÉMOCRATIE» Marcelo Freixo est député de l’État de Rio de Janeiro. Commissaire de police, Vinícius George est son conseiller pour la Sécurité publique. En mai 2009, la police de Rio a découvert que plusieurs milices privées les avaient «condamnés à mort» et Amnesty International a lancé une campagne couronnée de succès pour que ces deux défenseurs bénéficient d’une protection spéciale. Épaulés par François Graas, de la Coordination Brésil, Marcelo Freixo et Vinícius George ont été reçus par plusieurs parlementaires. Rencontre.
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ourquoi a-t-on lancé un «permis de tuer» contre vous ? Marcelo Freixo : Cela fait 23 ans que je milite en faveur des droits humains et Vinícius, mon conseiller parlementaire a également travaillé sur ces questions. La première chose que j’ai faite lorsque j’ai été élu à l’Assemblée législative de l’État de Rio de Janeiro (ALERJ), c’est demander (et obtenir) la mise sur pied d’une commission d’enquête parlementaire sur les milices privées et les organisations mafieuses. Cette commission n’a cependant entamé ses travaux qu’en juin 2008. Les milices privées disposent d’un pouvoir effrayant et, pendant longtemps, elles ont pu bénéficier du silence, non seulement des autorités politiques, mais aussi de la presse. Les milices sont là pour «protéger» les quartiers «huppés» ou pour contrôler des trafics ? Vinícius George: Ni l’un ni l’autre. Il s’agit de policiers, de pompiers, de gardiens de prison, etc. Ces milices justifient leur existence par la lutte contre le crime organisé et le trafic. C’est en tout cas au nom de ce discours qu’elles se sont emparées par la violence de quartiers périphériques jusqu’alors contrôlés par la pègre. Plusieurs de leurs chefs se sont mis en tête d’exercer des fonctions parlementaires. Ces miliciens se retrouvent-ils dans les grands partis nationaux au niveau fédéral ou plutôt au niveau des seuls États, comme celui de Rio ? M.F. : Les milices ne sont pas a priori nationales mais on retrouve plusieurs «anciens» miliciens dans des partis représentés au Congrès national. Le gouverneur de l’État de Rio, Sérgio Cabral Filho, est un élu du Parti du mouvement démocratique brésilien (PMDB), la première formation politique brésilienne. Quant à la ville de Rio de Janeiro, elle est dominée par les Démocrates (DEM), c’est-à-dire l’ancien Parti du Front libéral (PFL). Or, la plupart des miliciens élus se retrouvent dans ces deux partis. En outre, au niveau national, le PMDB a la présidence de la Chambre des Députés et du Sénat fédéral, suite à un accord passé avec le Parti des Travailleurs (PT) du président Luiz «Lula» da Silva. Comment fonctionnent ces milices ? Sont-elles liées à des catégories sociales particulières ? D’où vient leur impunité ? V.G. : À Rio, plus de 200 zones sont contrôlées par les milices. La plus importante est la Liga da Justiça (Ligue de la Justice), qui contrôlait jusqu’il y a peu tout Campo Grande, un immense quartier d’environ 250 000 habitants, et dont le chef était un
ancien policier, Ricardo Teixeira Cruz, surnommé «Batman». Ils disposaient de véhicules blindés et de moyens de communication sophistiqués. Dans les rues et sur les commerces, on trouvait d’ailleurs le sigle de Batman, pour indiquer que telle ou telle boutique avait payé son «tribut» et était protégée par la milice. Les autorités politiques se sont montrées d’autant plus passives qu’elles bénéficiaient en retour de paquets de votes «capturés» par la milice. La Liga da Justiça est dirigée par deux frères, tous deux anciens policiers et désormais mis sous les verrous pour une dizaine d’années. En 2004, Jerônimo Guimarães Filho a été élu vereador (conseiller municipal) sur la liste du PMDB grâce à un «paquet» de 33 000 voix obtenues dans le seul Campo Grande. En 2006, l’autre frère, Natalino José Guimarães, est quant à lui parvenu à être élu deputado estadual (député d’État) sur la liste des DEM, l’ancien Parti libéral. Question idiote, le vote n’est-il pas secret ? V.G. : Oui, évidemment, le vote est secret, mais pas les armes ! (Rires) M.F. : Il y a deux mécanismes pour capter les votes. L’«assistantialisme» social, c’est-à-dire l’offre de services et de biens aux plus pauvres, lesquels se montrent alors «reconnaissants». L’autre mécanisme, c’est celui de la terreur. Les miliciens peuvent vite savoir quel quartier n’a pas massivement voté pour eux et il leur arrive alors d’assassiner l’un ou l’autre habitant au hasard, dans le seul but d’instaurer un climat de terreur. Les frères Guimarães ont un pouvoir économique exorbitant. Par exemple, ils contrôlent la distribution de gaz (en bonbonnes), le câble, l’informatique. Les gens sont obligés de payer une sorte de taxe de sécurité. Dans certains secteurs de Campo Grande, la milice est également un opérateur immobilier, quand elle n’a pas la mainmise sur la distribution d’eau. La commission parlementaire d’enquête a ainsi estimé à 1,5 millions d’euros les revenus engrangés mensuellement par la seule Liga da Justiça. Comment une démocratie parlementaire peutelle lutter contre un tel péril ? M.F. : C’est pour ça que nous sommes en Europe. Ce n’est pas seulement une menace pour les droits humains ou pour les seuls habitants de certains quartiers de Rio de Janeiro, mais pour toute la démocratie brésilienne. Ces milices ont un vrai projet de domination. Une fois élus députés, les anciens miliciens ont le pouvoir légal de contrôler les procédures de désignation des responsables de la police, des directeurs d’hôpitaux, etc. Cela leur
MOUVEMENT j Vinícius George (g) et Marcelo Freixo (d) lors de leur passage à Amnesty International Belgique francophone. Bruxelles, 25 septembre 2009. © Bruno Brioni
donne un pouvoir effrayant au niveau de l’État et de la Ville. En étant élus députés, ces gens contrôlent à la fois le marché du crime et le pouvoir politique au niveau de leurs quartiers. Les responsables politiques ont eu tendance à laisser faire car les milices étaient à la fois des pourvoyeurs de voix et de fonds pendant les campagnes électorales. Ce qui, à terme, risque pourtant de se retourner contre ces mêmes partis politiques. V.G. : César Maia, l’ancien maire de Rio, a déclaré publiquement que les milices étaient un «mécanisme d’autodéfense de la communauté». La commission d’enquête que l’ALERJ a mise sur pied en 2008 a pu prouver que certains candidats, comme l’ancien Secrétaire à la Sécurité publique, étaient parvenus à se faire élire au Parlement fédéral grâce la forte «implantation locale» que leur procure le soutien des milices. La commission d’enquête a permis à la justice de mettre sous les verrous certains responsables. Mais cela va-t-il suffire ? V.G. : Grâce au rapport final de la commission d’enquête [disponible à AIBF en anglais et en portugais – NDLR], on a pu identifier 225 personnes et en mettre 70 sous les verrous. Il y a eu aussi des règlements de comptes et 40 personnes ont perdu la vie. Voici un an, c’eût été proprement inimaginable. Mais la prison ne suffit pas. C’est pourquoi notre rapport émet 58 propositions législatives. Si l’on veut affaiblir les milices sur le plan politique, il faut agir sur le plan économique. Il y a différents niveaux d’action qui sont cités : fédéral, étatique et municipal. Au niveau fédéral, il faut réformer la distribution du gaz, par exemple. En effet, la distribution du gaz est théoriquement assurée par l’Agence nationale du Pétrole, du Gaz naturel et des Biocombustibles (ANP). Mais, à Rio de Janeiro, l’enquête a révélé qu’il n’y avait que cinq fonctionnaires affectés au contrôle de la distribution du gaz, pour 9 millions d’habitants ! Un autre problème est le blanchiment d’argent, un blanchiment contre lequel le pouvoir fédéral n’a pas fait assez. De même, à ce jour, la constitution de milices armées ne fait l’objet d’aucune loi, ce qui fait que, légalement, les policiers qui voudraient sévir ne sont pas «armés» pour lutter contre l’«assistantialisme» et contre la terreur. M.F. : Il faut que l’État soit davantage présent sur le terrain social. Les milices mettent sur pied des centres sociaux, agréés par l’État, mais qui ne sont rien d’autres que des instruments de coercition sur les plus faibles. Il faut aussi réglementer les transports de façon drastique et ne plus tolérer
que des milices privées puissent s’engouffrer dans ce vide juridique pour aller jusqu’à développer leurs propres sociétés de transports. La commission a démontré que la première source de revenus des milices, c’était le transport. Or, dans ce domaine, si le rapport a bien été adopté par l’Assemblée législative, très peu de ses recommandations ont été transformées en lois. Et le temps presse : les prochaines élections (fédérales et d’États) ont lieu en 2010.
CERCLE PETER BENENSON 15 OCTOBRE - BRUXELLES PAUVRETÉ, DÉNI DES DROITS HUMAINS ; UNE QUESTION DE JUSTICE ? Une conférence de Françoise Tulkens, docteure en droit, licenciée en criminologie et agrégée de l’enseignement supérieur. Elle a enseigné pendant de nombreuses années, tant en Belgique qu’à l’étranger. Depuis le 1er novembre 1998, elle est juge de la Cour européenne des Droits de l’Homme. À 20h00 à l’ULB (Solbosch), avenue Paul Héger, Bâtiment H, Auditoire 2215 Entrée gratuite En collaboration avec ATD Quart-Monde. e Réservations : cerclebenenson@aibf.be ou 02/538 81 77
6 ET 8 NOVEMBRE – BRUXELLES CONCERTS POUR AMNESTY INTERNATIONAL
Votre combat contre les milices est-il populaire ? M.F.: Au départ, il faut reconnaître que peu de gens s’y intéressaient, quand ils n’y croyaient tout simplement pas. Les habitants des quartiers contrôlés par les milices vivaient évidemment la situation avec résignation. Et notre plus grande victoire, c’est le changement de mentalité dans la population. Cette victoire, on la doit à un événement dramatique, lorsqu’en mai 2008, des reporters du journal O Dia ont été interceptés par une milice de la favela de Batan et torturés pendant deux jours. Jusqu’alors, la presse brésilienne n’avait pas pris la mesure politique d’un phénomène qui, pensait-elle, ne concernait que la «périphérie» et ne relevait que du fait-divers. Le réflexe «corporatiste» de la presse nous a finalement servis. Qu’espérez-vous en venant rencontrer des parlementaires européens ? M.F. : Notre expérience personnelle a démontré que les campagnes menées de l’étranger avaient un impact positif. Lorsqu’il s’est avéré que plusieurs personnes impliquées dans le travail de la commission d’enquête (nous deux, d’autres policiers, un juge, etc.) faisaient l’objet de «contrats» émis par plusieurs milices, dont celle de Rio das Pedras, l’Action urgente lancée par Amnesty International pour nous fournir une protection policière (Libertés! n°456 de septembre 2009) a fait s’entasser des milliers de lettres venues du monde entier sur les bureaux du Gouverneur et du Procureur général de l’État de Rio. L’envoi de lettres peut sembler naïf ou inutile, mais pourtant ça marche. Aujourd’hui, il faut une campagne internationale pour encourager les autorités concernées à mettre en application les recommandations de notre commission d’enquête. Car si nous bénéficions tous deux désormais d’une protection ad hoc, des centaines de milliers de Brésiliens vivent toujours dans la terreur. e Propos recueillis par Pascal Fenaux
Le Théâtre Royal de la Monnaie et Amnesty International vous proposent Ein Deutsches Requiem, de Johannes Brahms. Bien que Ein Deutsches Requiem s’inscrive dans la tradition des grands oratorios pour solistes, choeur et orchestre, il reste une oeuvre à part. Brahms n’opte pas pour le texte en latin de la messe, mais il sélectionne quinze passages de la Bible protestante de Luther : «consolation» est le mot central de cette composition magistrale qui dépasse de loin les différences entre religions. Ce bouleversant requiem est précédé par A Survivor from Warsaw qui, également, cherche à réconforter malgré la douleur. Dans un texte de sa plume, Arnold Schoenberg rappelle l’horreur du ghetto de Varsovie. Pendant quelque six minutes, le récitant et l’orchestre se conjurent l’un l’autre selon un rituel saisissant qui culmine dans un Shema Israël purificateur, la prière qui, matin et soir, occupe une place centrale dans l’office religieux juif. Une partie des entrées sera versée à Amnesty International. e À 20h00 au Palais des Beaux-Arts, Rue Ravenstein 23, 1000 Bruxelles
Libertés ! Octobre 2009 11
MOUVEMENT j Enceinte, une jeune SierraLéonaise participe au lancement de la campagne contre la mortalité maternelle. Freetown, 23 septembre 2009. © AI
Ce sont aussi 80 groupes locaux qui, sur le terrain, font un travail d’action et de sensibilisation aux droits humains. Pour vous y joindre, contactez votre régionale. SECRÉTARIAT NATIONAL AIBF Rue Berckmans 9, 1060 Bruxelles 02 538 81 77 Fax : 02 537 37 29 www.amnesty.be SECRÉTARIAT INTERNATIONAL Easton Street 1, London WC1X ODW United Kingdom 00 44 207 413 5500
EXIGEONS LA DIGNITÉ
LA CARAVANE PASSE La campagne «Exigeons la dignité», lancée en mai dernier (Libertés! n°455 de juin 2009) a franchi une nouvelle étape avec la publication d’un rapport sur la mortalité maternelle en Sierra Leone. En Belgique, la campagne se poursuit également, avec comme points d’orgue la distribution de dazibaos dans les gares et la Journée mondiale du Refus de la Misère.
L
ancée le 27 mai dernier en Belgique et dans le reste du monde, la campagne «Exigeons la dignité» («Demand Dignity», en anglais) poursuit son bonhomme de chemin. Cette campagne encourage les gens dans le monde entier à exiger que les gouvernements et les grandes entreprises écoutent la voix de ceux qui vivent dans la pauvreté et qu’ils respectent leurs droits. «Exigeons la dignité» a connu un premier point d’orgue ce 22 septembre. Une délégation du Secrétariat international (SI) emmenée par la secrétaire générale Irene Khan s’est en effet rendue en Sierra Leone à l’occasion de la sortie d’un rapport sur la mortalité maternelle, Out of Reach : The Cost of Maternal Health in Sierra Leone (Index AI : AFR 51/005/2009). La mortalité maternelle est un élément fondamental de la campagne «Exigeons la dignité». En Sierra Leone, de nombreuses femmes et jeunes filles ne peuvent pas bénéficier de soins qui leur sauveraient la vie parce qu’elles sont trop pauvres pour se les payer. Ainsi, une femme sur huit risque de mourir pendant la grossesse ou l’accouchement. Il s’agit de l’un des taux de mortalité maternelle les plus élevés au monde. Toujours le 22 septembre, une caravane est partie de la capitale Freetown pour une tournée en Sierra Leone et, pendant plusieurs semaines, elle diffusera des informations sur la mortalité maternelle et débattra de cette question dans le pays. Enfin, dans la foulée de ce lancement, un livre d’Irene Khan, The Unheard Truth, sortira de presse le 15 octobre. Il s’agit du premier livre d’Amnesty International qui s’intéresse explicitement au lien entre la pauvreté et les droits humains. En Belgique, en envoyant des cartes postales depuis le mois de mai dernier, les militants et les groupes locaux d’AIBF ont commencé leur campagne destinée à encourager le gouvernement fédéral et les gouvernements régionaux et
communautaires à ratifier le Protocole facultatif du Pacte international relatif aux Droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC). Première bonne nouvelle, en marge de l’Assemblée générale de l’ONU qui se tenait à New York, le ministre belge des Affaires étrangères Yves Leterme a signé ce Protocole facultatif. Une fois ratifiée, cette annexe permettra à tout un chacun d’introduire une plainte à l’ONU pour défendre l’application de ses droits économiques, sociaux et culturels : droit au travail, droit de grève, liberté syndicale, sécurité sociale, protection des enfants et de la famille, droit à un niveau de vie suffisant, droit à la santé, droit à l’éducation, droit au logement, droit à l’alimentation, droit de participer à la vie culturelle, etc. En Belgique toujours, le vendredi 16 octobre, une grande action de sensibilisation est proposée aux groupes : la distribution de dazibaos dans les gares. Dans 25 gares de la SNCB (21 en Wallonie et 4 à Bruxelles-Capitale), Amnesty proposera aux navetteurs et aux voyageurs du matin une affiche gratuite à apposer à leur fenêtre, sur leur lieu de travail, dans les salles d’attente sur tout mur où l’affichage est autorisé. Le samedi 17 octobre, Journée mondiale du Refus de la Misère, AIBF donnera le signal de départ à sa propre Caravane de la Dignité. L’objectif de cette Caravane est de s’adresser à de nouveaux publics et de récolter des voix en faveur d’une politique qui place les droits humains au centre de l’action de lutte contre la pauvreté. Il s’agira à proprement parler d’enregistrer les voix et de les faire écouter aux responsables politiques. Cette initiative s’inscrira dans une action mondiale de récolte de voix. Les groupes locaux se rendront dans les grandes surfaces, dans des festivals, etc, pour exhiber une exposition d’affiches et pour récolter des voix. D’ores et déjà, vous pouvez vous exprimer sur le site d’AIBF et répondre à la question : «Que signifie vivre dans la dignité pour vous ?» (http://www.amnestyinternational.be/doc/article15041.html) Enfin, AIBF est en train de lancer un projet participatif au niveau communal, afin de populariser la mise en oeuvre d’un cadre des droits humains à tous les niveaux de pouvoir. À cet effet, un manuel pour les groupes est disponible : Ma commune peut changer le monde. e
RESPONSABLES RÉGIONAUX D’AMNESTY BRABANT WALLON Jean-Philippe CHENU chemin de la Terre Franche 13 1470 Genappe 010 61 37 73 – jpchenu@aibf.be BRUXELLES Luis SCHOEBERL Avenue du Loriot 22 1150 Bruxelles (Woluwe-Saint-Pierre) 02 660 08 78 lschoeberl@aibf.be HAINAUT ORIENTAL Nicole GROLET av. Elisabeth 6, 6001 Marcinelle 071 43 78 40 ngrolet@aibf.be LIÈGE Jean-Pierre ANDRÉ 04 387 51 07 – jpablegny@yahoo.fr Christine BIKA Responsable de la gestion de la permanence – C/O Bureau régional d’AI – rue Souverain Pont 11 – 4000 Liège – du lundi au vendredi de 13h30 à 17h30 04 223 05 15 bureaudeliege@aibf.be LUXEMBOURG Daniel LIBIOULLE Avenue de la Toison d’Or 26 6900 Marche en Famenne 084 31 51 31 dlibioulle@aibf.be NAMUR Romilly VAN GULCK Rue Vivier Anon 8, 5140 Sombreffe 071 88 66 69 rvangulck@aibf.be
Renseignements : ppeebles@aibf.be
ET N’OUBLIEZ PAS LE 10 OCTOBRE JOURNÉE MONDIALE CONTRE LA PEINE DE MORT 12 Libertés ! Octobre 2009
AMNESTY INTERNATIONAL VLAANDEREN Kerkstraat 156, 2060 Antwerpen 6 03 271 16 16
WALLONIE PICARDE Marie NOËL Rue Cheny 1, 7536 Vaulx 069 77 66 13 – 0499 13 57 25 mnoel@aibf.be
IS AV ELIV ES . B E B O N N ES N O UV EL L ES Dans tous les pays du monde, des gens sont libérés grâce au travail des membres d’Amnesty. Des témoignages émouvants nous parviennent des prisonniers libérés ou de leur famille. Ils montrent qu’une action de masse peut avoir des résultats pour un meilleur respect des droits humains.
GAMBIE 6 JOURNALISTES LIBÉRÉS Le 3 septembre 2009, 6 journalistes gambiens incarcérés pour diffamation et sédition ont été relâchés suite à une grâce présidentielle. Le 6 août, Emil Touray (secrétaire général du Syndicat de la Presse gambienne – GPU), Sarata Jabbi Dibba (vice-présidente du GPU), Pa Modou Faal (trésorier du GPU), Pap Saine et Ebou Sawaneh (respectivement éditeur et rédacteur en chef du journal The Point) et Sam Sarr (rédacteur en chef du journal Foroyaa) avaient été condamnés à une peine statutaire de deux ans d’emprisonnement et à une amende de 250 000 dalasi (± 6 600 e). Ils avaient été arrêtés le 15 juin 2009 après avoir publié une déclaration reprochant au président Yahya Jammeh des propos «déplacés» au sujet de l’assassinat non résolu du rédacteur en chef du Point, Deyda Hydara, commis en 2004. Les considérant comme des prisonniers d’opinion, Amnesty International avait demandé leur libération immédiate et inconditionnelle. e
CHINE MILITANT OUÏGHOUR LIBÉRÉ Ilham Tohti, rédacteur en chef du site Internet Uighur Online et maître de conférences en économie à l’Université centrale des Nationalités, a été libéré le 23 août à Pékin. Cependant, il est maintenu sous surveillance. Ilham Tohti avait été arrêté chez lui le 8 juillet, après que les autorités eurent déclaré que les articles publiés sur son site Internet avaient alimenté la violence qui a éclaté à Ürümqi, la capitale de la Région autonome ouïghour du Xinjiang. Selon les autorités, près de 200 personnes ont été tuées et plus de 1 600 ont été blessées. Ilham Tohti a démenti les accusations portées contre lui, affirmant qu’il n’acceptait pas le recours à la violence. Sa détention était arbitraire et illégale : il n’a fait l’objet d’aucune inculpation et il n’a pas été incarcéré dans un centre de détention officiel. Son arrestation était, semble-t-il, une manœuvre d’intimidation. e
CORÉE DU NORD SUD-CORÉEN LIBÉRÉ Les autorités nord-coréennes ont libéré le ressortissant sud-coréen Yu X. le 13 août 2009, au bout de cinq mois de détention. Yu X. est un employé de Hyundai Asan Corporation et sa libération a fait suite à une visite à Pyongyang du président de cette entreprise, Hyun Jeong-eun. Yu X. avait été arrêté le 30 mars sur son lieu de travail, dans le complexe industriel de Kaesong (Corée du Nord) après avoir critiqué le régime nordcoréen et tenté de convaincre une Nord-Coréenne de fuir en Corée du Sud. Il avait ensuite été détenu au secret. Amnesty International avait émis une action urgente le 26 juin 2009, Yu X. risquant de subir des actes de torture ou d’autres mauvais traitements. e
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COLOMBIE
DÉFENSEURS DES DROITS HUMAINS MENACÉS L
e Mouvement national des victimes de crimes d’État (MOVICE) est une coalition rassemblant plus de 200 ONG de défense des droits humains et à finalité sociale. Créé en 2004, le MOVICE milite afin d’obtenir vérité, justice et réparations pour les innombrables victimes de violations des droits humains perpétrées par les forces de sécurité et les groupes paramilitaires au cours du très long conflit armé dont la Colombie est le théâtre. Les forces de sécurité et les paramilitaires sont toujours aux prises avec les groupes de guérilla. Le 7 mai 2009, un tract signé par un groupe paramilitaire a été diffusé à Bogotá. On y trouvait une liste de personnes à qui il était ordonné de quitter le secteur sous peine de mort. Des organisations, dont plusieurs appartenaient au MOVICE, étaient également ciblées. Le 11 mai 2009, la fille d’Aída Quilcué, dirigeante d’une organisation de défense des droits des indigènes faisant partie du MOVICE, a été mise en joue par un homme armé devant son domicile. Ces faits se sont produits après une intervention d’Aída Quilcué devant le Conseil des droits de l’homme des Nations unies au sujet des violations des droits des peuples autochtones. Son époux, Edwin Legarda, a été tué par des militaires dans des circonstances controversées en décembre 2008. Enfin, des listes de militants et d’organisations de défense des droits humains, dont des membres de MOVICE, figuraient dans des dossiers des services de renseignement militaire découverts dans les départements du Caquetá et d’Antioquia en mai 2009. Ces listes étaient censées répertorier des individus ou groupes liés aux FARC. e
© AP/William Fernando Martinez
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MODÈLE DE LETTRE Monsieur le Président, Créé en 2004, le Mouvement national des victimes de crimes d’État (MOVICE) est une coalition de plus de 200 ONG qui milite pour obtenir vérité, justice et réparations pour les victimes de violations des droits humains perpétrées par les forces de sécurité et les groupes paramilitaires. Menacés et parfois tués, les militants du MOVICE ont besoin que vous preniez des mesures efficaces pour assurer leur protection. En tant que membre/sympathisant(e) d’Amnesty International, je vous demande également d’ordonner l’ouverture d’enquêtes sur les attaques les visant. Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de ma considération distinguée. Signature : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Nom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Adresse : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
LETTRE À ADRESSER À : Señor Presidente Álvaro Uribe, Presidente de la República, Palacio de Nariño, Carrera 8 No.7-26 Bogotá, Colombie — Fax : +57 1 337 5890
COPIE À ENVOYER À : Ambassade de Colombie, Avenue F.D. Roosevelt, 96A, 1050 Bruxelles (Ixelles) E-mail : embcolombia@emcolbru.org — Fax : 02 646 54 91
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IS AV ELIV ES . B E NICARAGUA
9 DÉFENSEUSES INTIMIDÉES A
caces en matière de sexualité et de na María Pizarro, Juanita procréation, y compris à l’avortement Jiménez, Lorna Norori, Luisa thérapeutique. Les ONG auxquelles apparMolina Arguello, Marta María tiennent ces militantes font campagne Blandón, Martha Munguía, Mayra contre la réforme législative adoptée au Sirias, Violeta Delgado et Yamileth Nicaragua en 2006, qui fait de l’avorteMejía sont des défenseuses des droits ment une infraction pénale, sans aucune humains. En octobre 2007, l’Association exception. nicaraguayenne pour la Défense des Les femmes, les jeunes filles et les fillettes Droits humains (ANPDH), une ONG dont la vie ou la santé sont mises en péril soutenue par l’Église, a porté plainte à par la grossesse, ou qui sont enceintes à la cause de leur rôle dans l’affaire d’une suite d’un viol ou d’un inceste, sont désorenfant de 9 ans qui, enceinte à la suite mais contraintes de mener leur grossesse d’un viol, a été autorisée à avorter légaleà terme. Des professionnels de la santé ment en 2003. risquent d’être punis parce qu’ils ont Amnesty International craint que cette fourni des soins médicaux essentiels afin plainte ne soit uniquement motivée par de sauver la vie d’une patiente enceinte ou leur travail de défense des droits humains d’empêcher que leur santé ne se dégrade et en faveur de l’accès des femmes et des de manière irréversible. e filles à des services de santé sûrs et effiLire aussi sur isavelives.be : http://www.isavelives.be/fr/node/4100
MODÈLE DE LETTRE Monsieur le Procureur général, Ana María Pizarro, Juanita Jiménez, Lorna Norori, Luisa Molina Arguello, Marta María Blandón, Martha Munguía, Mayra Sirias, Violeta Delgado et Yamileth Mejía sont des défenseuses des droits humains travaillent dans diverses ONG. En octobre 2007, l’Association nicaraguayenne pour la défense des droits humains (ANPDH), une ONG soutenue par l’Église, a porté plainte contre elles à cause de leur rôle dans l’affaire d’une enfant de 9 ans qui, enceinte à la suite d’un viol, a été autorisée à avorter légalement en 2003. En tant que membre/sympathisant(e) d’Amnesty International, je vous demande, Monsieur le Procureur général, que l’affaire de la plainte contre ces neuf militantes des droits humains soit clarifiée et que les autorités fassent en sorte que ces femmes puissent poursuivre leur travail sans faire l’objet d’actes d’intimidation judiciaires. Je vous prie d’agréer, Monsieur le Procureur général, l’expression de ma considération distinguée. Signature : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Nom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Adresse : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
LETTRE À ADRESSER À : Dr Julio Centeno Gómez, Fiscal General de la República de Nicaragua Ministerio Público, Km 4, Carretera Masaya, Contiguo al Bancentro Managua, Nicaragua – Fax : +505 2255 6832
COPIE À ENVOYER À : Ambassade de la République du Nicaragua, Avenue de Wolvendael,55 1150 Bruxelles (Uccle) – E-mail : sky77706@skynet.be – Fax : 02 375 71 88
COMMENT AGIR EFFICACEMENT ?
TARIFS POSTAUX
Les cas exposés concernent des victimes de violations des droits humains dont s’occupe Amnesty International. Chaque appel compte. Un texte (à écrire ou à photocopier) vous est proposé pour chaque cas. Dans l’intérêt des victimes, écrivez en termes mesurés et courtois aux adresses indiquées. Ces lignes sont lues partout dans le monde par les quelque 1800000 membres d'Amnesty International. Elles sont reproduites dans de nombreux pays par des dizaines de journaux et constituent la clé de voûte de l'action du mouvement.
Lettres (jusqu’à 50 grammes) Belgique: 0,59e; Europe: 0,90e; reste du monde: 1,05e. La surtaxe aérienne est incluse (étiquette requise).
PARAGUAY
INDIGÈNES MENACÉS D’EXTINCTION leur survie et au maintien de leur mode de vie traditionnel. De nombreux membres des deux communautés, parmi lesquels des enfants, sont morts parce que l’État ne leur assure pas des soins de santé. Ces morts étaient évitables. Les Yakyes Axas et les Sawhoyamaxas ont uni leurs forces afin de faire pression sur le gouvernement paraguayen pour qu’il donne suite à leurs revendications foncières. Avec le soutien de l’ONG paraguayenne Tierraviva et du Centre pour la justice et le droit © AI international (CEJIL), ils ont saisi la Commission interaméricaine des Droits de l’Homme, puis la Cour interaméricaine rès de 90 familles de la commudes Droits de l’Homme. Celle-ci s’est nauté indigène yakye axa vivent prononcée dans le cas des Yakyes Axas en depuis plus de 10 ans sur une 2005, puis dans celui des Sawhoyamaxas étroite bande de terre coincée entre une en 2006. Elle a donné trois ans au gouverroute et un grand domaine d’élevage qui nement paraguayen pour restituer les a absorbé leurs terres. Non loin de là, un terres aux deux communautés. Ce délai a nombre comparable de Sawhoyamaxas se désormais expiré. Réduites à une situasont eux aussi installés au bord de la tion de plus en plus difficile, les deux route. Des propriétaires privés ont acheté communautés ont demandé en leurs terres ancestrales de ces indigènes, novembre 2008 à Amnesty International qui ne peuvent donc plus pêcher, cultiver de soutenir leur cause. e ou mener d’autres activités essentielles à Lire aussi sur isavelives.be : http://www.isavelives.be/fr/node/4101
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14 Libertés ! Octobre 2009
MODÈLE DE LETTRE Monsieur le Président, Près de 90 familles de la communauté indigène yakye axa vivent depuis plus de 10 ans sur une étroite bande de terre coincée entre une route et un grand domaine d’élevage qui a absorbé leurs terres. Non loin de là, un nombre comparable de Sawhoyamaxas se sont eux aussi installés au bord de la route. Des propriétaires privés ont acheté leurs terres ancestrales de ces indigènes, qui ne peuvent donc plus pêcher, cultiver ou mener d’autres activités vitales. En 2005 et en 2006, la Cour interaméricaine des Droits de l’Homme (CIDH) a donné trois ans au gouvernement pour restituer les terres aux deux communautés. Ce délai ayant expiré, en tant que membre/sympathisant(e) d’Amnesty International, je vous demande, Monsieur le Président, de vous conformer aux décisions de la CIDH, et vous prie d’agréer l’expression de ma considération distinguée. Signature : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Nom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Adresse : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
LETTRE À ADRESSER À : Excelentísimo Don Fernando Armindo Lugo Méndez Presidente de la República del Paraguay, Palacio de López El Paraguayo Independiente entre Ayolas y O’Leary, CP 1220, Asunción Paraguay Fax : +595 21 414 0201
COPIE À ENVOYER À : Ambassade de la République du Paraguay, Avenue Louise, 475 1050 Bruxelles E-mail : embapar@skynet.be Fax : 02 647 42 48
C U LT U R E AGENDA THÉÂTRE AU POCHE PEAU DE LOUP
Guilaine a soixante ans. Elle sort de prison et emménage dans son nouvel appartement. Une nappe en plastique, une cuisine toute neuve, un fauteuil rouge… Tout est prêt. Il lui suffit de déballer ses caisses et la vie pourra recommencer. Alors elle convoque son passé. Elle invente son double, celle qu’elle a été. Le présent et les souvenirs s’écoutent, se répondent, et s’affrontent. La visite «de routine» de l’agent de quartier, l’interview pour un emploi, les nuits sans sommeil, son corps dans la glace... Et, comme un écho du passé, sa grand-tante qui pue de la bouche, Soeur Fernande et sa louche, les jonquilles et les coups qui pleuvent, les yeux du loup qui déjà la guette… Et puis ces questions qui reviennent, encore et encore. Comment vivre avec «ça» ? Comment se réconcilier avec son histoire ? Librement inspirée d’une histoire vraie, Peau de loup nous raconte la vie singulière d’une femme qui nous ressemble. L’histoire d’une femme confrontée à la violence des hommes et qui tente de faire les bons choix. Une femme, dévorée par l’amour et la peur, qui devient la complice du loup. Une parole sans concession, qui emprunte à l’univers du conte son imaginaire, sa cruauté, son humour et sa poésie. Pour donner à cet univers une force visuelle, le metteur en scène, René Bizac, a collaboré avec le dessinateur et créateur d’images animées Thierry Van Hasselt, déjà remarqué, entre autres, pour sa contribution aux spectacles de danse Brutalis et Holeulone, (et dont le dernier film d’animation a été sélectionné au festival international du film d’animation d’Hiroshima). Ses images pulsées, hallucinées, où corps et matières vibrent à l’unisson, investissent l’espace, à la fois concret et poétique, de la scénographe Sophie Carlier. Le travail sur le corps et le mouvement a, quant à lui, bénéficié de l’apport de la chorégraphe Caroline Cornélis. L’écriture de Peau de Loup est née de la rencontre des auteurs avec Guilaine, alors détenue de la prison pour femmes de Forest (Berkendael). Cette rencontre faisait suite aux ateliers théâtraux donnés par Caroline Safarian au sein de la prison. Le texte original de Peau de loup est édité dans la Collection Hayez & Lansman. e Du 20 au 25 octobre 2009 à 20h30 (relâche les dimanches et lundis). Bois de la Cambre, 1A Chemin du Gymnase - 1000 Bruxelles Réservations : 02 649 17 27 ou reservation@poche.be
MÂLES Y PENSENT
L
es vrais copains sont ceux à qui l’on ne peut rien refuser, même s’ils débarquent sans prévenir à deux heures du mat’. Inséparables à la fac, Ben et Andrew s’étaient depuis perdus de vue. Le premier a un boulot, une femme et fait tout ce qu’il peut pour avoir un enfant alors que le second mène une existence vagabonde en s’imaginant un destin à la Kerouac. Dans l’euphorie d’une soirée de retrouvailles passablement arrosée et enfumée, les deux amis se lancent dans un projet improbable. Ils vont tourner un film porno dont ils seront les uniques protagonistes. Deux hétéros qui tournent un film gay, ce sera du jamais vu, pensent-ils. Le lendemain, alors que les vapeurs et les fumées se sont dissipées, ils réalisent ce qu’ils se sont promis. Première bonne idée de la réalisatrice Lynn Shelton, le plus troublé par cette idée provoc n’est pas celui que l’on attendait. Avec humour et pragmatisme, elle suit toutes les interrogations et hésitations qui pavent leur chemin jusqu’au tournage. Derrière ce qui peut sembler un pitch un peu léger, la réalisatrice livre une interrogation fine et sensible sur l’identité sexuelle que l’on affiche comme un masque et sur le décalage entre l’extrême codification imposée par la société et la nature mouvante du désir. Il fallait sans doute une femme pour explorer avec nonchalance et ingénuité au plus profond de l’intimité masculine. e Gilles Bechet Humpday de Lynn Shelton, sortie nationale le 14 octobre
AU VILLAGE
O
n est au milieu de nulle part. En Ardèche, mais ce pourrait être en Arizona. Comme dans un western, un jeune homme qui sort de prison retrouve la ville qu’il a quitté quelques années plus tôt maintenant dépeuplée. La ville fantôme est ici une cité ouvrière dont les machines de l’usine nourricière se sont tues. Quelques habitants sont restés, par attachement, par habitude. Français de souche, immigrés de deuxième ou troisième génération, ils regardent sans trop réagir un monde qui se transforme. Et ils attendent. Francis, l’ancien contremaître, continue à bichonner les gigantesques machines désormais inutiles. Assis dans la rue, le jeune José attend le retour de son père volage, en rêvant de le voir apparaître sur sa monture, tel Gary Cooper. Samir, l’ex-taulard, ne veut pas attendre, mais les opportunités sont plutôt réduites. À part un boulot au supermarché local, sapé en souris pour la semaine du fromage, il n’y a pas grand-chose. Avec un vrai regard de cinéaste, Nassim Amaouche réussit un premier film léger et mélancolique porté par la musique envoûtante des ouds du Trio Joubran. Il filme ses personnages avec distance et tendresse, sans lourdeur ni psychologie appuyée, comme s’ils étaient la composante humaine d’un décor filmé avec sensualité. e G.B. Adieu Gary de Nassim Amaouche, sortie nationale le 14 octobre
TERRE PROMISE
P
our les tribus juives qui vivent dans les régions montagneuses du nord de l’Éthiopie, Jérusalem a longtemps été un rêve lointain et inaccessible. En 1984, l’Opération Moïse allait permettre à plusieurs milliers de ces Juifs éthiopiens de rejoindre la terre promise et de passer du rêve à la réalité, non sans mal. Dans un roman limpide traversé d’images oniriques, un jeune auteur israélien d’origine éthiopienne s’inspire du périple qu’il a accompli avec sa famille pour livrer un beau récit sur l’apprentissage à la vie et sur le choc des cultures. Le monde que le jeune berger Petgu et sa famille vont quitter est un univers hors du temps. Ils y mènent une vie en complète harmonie avec la nature, ses beautés et ses démons, baignés des récits magiques des gens de Beita Israël comme ils se font appeler. Quand le grand voyage commence, ils partent à pied jusqu’à la frontière soudanaise, rencontrent les brigands et les soldats pour se retrouver dans un camp de réfugiés de la CroixRouge. La Jérusalem qui s’offre aux yeux de Petgu est loin de la ville sainte aux toits couverts d’or des récits de sa grand-mère. La réalité qu’il y découvre a les couleurs du racisme, de la cupidité et du mépris. Il apprend à maîtriser, la frustration, la colère et la haine qu’il éprouve vis-à-vis des Israéliens blancs à qui il voudrait pourtant par moments ressembler. Avec ce premier roman parfaitement maîtrisé, Omri Avera parvient en écoutant sa voix intérieure à maintenir, jusque dans les circonstances les plus brutales, un émerveillement face à la vie. e G.B. Omri Teg’Amlak Avera, Asteraï, Éditions Actes Sud, 286 pages, 22 e
Libertés ! Octobre 2009 15
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Calendrier cuisine 2010 F 9 1 5 Calendrier Droits de l’enfant F 1 9 6 Agenda de poche bleu F 8 1 4 Agenda de poche rouge F 8 0 3 Semainier de bureau F 8 1 5 Agenda international 2010 F 9 9 7 Participation aux frais postaux et administratifs Pour soutenir Amnesty, je fais un don complémentaire de MONTANT TOTAL en euros
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