Libertes!
BELGIQUEBELGIE Ne paraît pas en juillet-août. 9, rue Berckmans 1060 Bruxelles Agréation n°P0901135
MAI 2009 – N°454 – LE MENSUEL D’AMNESTY INTERNATIONAL
POLICES
LE CÔTÉ OBSCUR DE LA FORCE PÉROU LA CONDAMNATION D’ALBERTO FUJIMORI
ÉTATS-UNIS LES 100 JOURS DE BARACK OBAMA
É D ITO R I A L
AUX URNES, CITOYENS L
e 7 juin prochain, les électeurs belges seront appelés à renouveler leurs Parlements régionaux et de Communautés. Dans la partie néerlandophone du pays, il semble d’ores et déjà acquis que le scrutin régional accouchera d’un Parlement flamand éclaté, la seule inconnue étant l’ampleur du bon résultat que réalisera probablement la Lijst De Decker (LDD), un nouveau venu sur la scène politique flamande. Dans la partie francophone du pays, par contre, tous les regards sont tournés vers deux batailles électorales, celle que se livrent pour la première place le Mouvement réformateur (MR) et le Parti socialiste (PS), et celle que se livrent pour la troisième place le Centre démocrate humaniste (cdH) et Écolo. S’il est un point commun au nord et au sud de la frontière linguistique, c’est le probable ressac de l’extrême droite, le Vlaams Belang (VB) étant en nette baisse dans les intentions de vote, tandis que le Front national (FN) s’effondre. Voilà pour l’arithmétique électorale. Car, pour ce qui est des débats d’idées, les électeurs ont de quoi rester sur leur faim. Or, même si nos élus ont d’importantes responsabilités politiques et éthiques à assumer au niveau régional et communautaire, on a du mal à les entendre se prononcer sur une série d’enjeux dont certains concernent le travail d’Amnesty International. C’est la raison pour la
section francophone d’Amnesty a rédigé un mémorandum adressé aux candidats se présentant aux électeurs de Bruxelles et de Wallonie. Premier enjeu, la question de l’octroi de licences pour des exportations d’armes, une question éthique qui risque parfois d’être mise de côté au nom de la protection de l’emploi. Deuxième enjeu, la protection des femmes contre les violences domestiques, une question sur laquelle des progrès ont été faits davantage en Wallonie qu’à Bruxelles, même si les violences sexuelles à l’école restent encore largement ignorées, en dépit des chiffres de la police. Troisième enjeu, les traités internationaux qui ne peuvent entrer en vigueur que s’ils sont ratifiés par toutes les Régions (torture, personnes handicapées, minorités, etc). Quatrième enjeu, la nécessaire création d’une Commission belge des droits fondamentaux. Cinquième et dernier enjeu, les relations extérieures (accords de coopération, accords culturels, politiques et économiques). Si vous voulez prendre connaissance de ce mémorandum et, pourquoi pas ?, interpeller vous-mêmes les candidats de votre région, il vous suffit d’aller à l’adresse URL http://www.amnesty.be/memorandum2009 Bonne lecture et bonnes interpellations. e Pascal Fenaux
Libertés ! • Rue Berckmans, 9 – 1060 Bruxelles • Tél : 02 538 81 77 Fax : 02 537 37 29 • libertes@aibf.be • www.libertes.be • Éditrice responsable : Christine Bika • Rédacteur en chef: Pascal Fenaux • Comité de rédaction: Bruno Brioni, Thandiwe Cattier, Véronique Druant, Samuel Grumiau, Anne Lowyck, Brian May, Suzanne Welles • Ont collaboré à ce numéro : Gilles Bechet, Louis Mbazoa (st.), Vincent Rifflart, Julien Winkel • Iconographie: Brian May • Maquette : RIF • Mise en page : Gherthrude Schiffon • Impression (sur papier recyclé non blanchi) : Remy Roto • Couverture : Des policiers antiémeute protègent le siège du Syntagma, le Parlement grec, lors d’une des manifestations qui ont secoué Athènes et Thessalonique. Athènes, 12 décembre 2008. © AFP / Olivier Laban-Mattei
CHANGEMENT D’ADRESSE – ATTESTATION FISCALE – MODIFICATION, ANNULATION OU NOUVELLE COTISATION DE MEMBRE/DONATEUR(TRICE) Madame Michele Ligot : mligot@aibf.be je change d’adresse (inscrire uniquement la nouvelle adresse) Nom: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Prénom: . . . . . . . . . . N° de membre: . . . . . . . Adresse: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . N° . . . . . bte . . . . . . . . . . Code postal: . . . . . Localité: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Tél (obligatoire): . . . . . . . . . . . . . . . E-mail: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Oui, j'adhère aux objectifs d'Amnesty et souhaite devenir membre Je répartis le montant de : ma cotisation de mon abonnement sur toute l’année en complétant ce coupon et en le renvoyant à Amnesty International, 9 rue Berckmans à 1060 Bruxelles. Tout montant qui dépassera 14,87 e (prix de la cotisation ou de l'abonnement), sera considéré comme un «don», et par là-même jouira de la déductibilité fiscale pour autant que ce supplément soit de 30 e ou plus. Je verse tous les mois, au départ de mon compte n° . . . . . . . . . . – . . . . . . . . . . . . . . la somme de : 6e 10 e 20 e . . . . . . . . e (ou tout autre montant de mon choix) au profit du compte 001-2000070-06 de Amnesty International à partir du . . . . . . . . . . et jusqu’à nouvel ordre. Je conserve le droit d’annuler ou de modifier cet ordre à tout moment. ou je verse en une fois le mandat de . . . . . . . . . . . . . . au compte 001-2000070-06 Nom: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Prénom: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Date de naissance: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Adresse: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . N° . . . . . . . . bte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Code postal: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Localité: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Tél (obligatoire): . . . . . . . . . . . . . . . . E-mail: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Profession: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Date: . . . . . . . . Signature:
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SOMMAIRE ACTUEL
■ Condamnation de Fujimori : C’est le Pérou ■ Cambodge : «La période des Khmers rouges
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est absente des livres d’histoire» ■ Insolite-Brèves
DOSSIER POLICES : LE CÔTÉ OBSCUR DE LA FORCE ■ France : Impunité, intimidation et récidive ■ Autriche : «Accusés de tout, protégés de rien» ■ Grèce : Le révélateur du décembre noir
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MOUVEMENT
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ISAVELIVES.BE
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■ AG 2009 : Un grand cru ■ Les 100 jours d’Obama : Messages ambivalents
■ Lettres du mois : Biélorussie (Bélarus),
Iran et Indonésie ■ Bonnes nouvelles
CULTURE/AGENDA
■ Le prix de la pauvreté ■ La place du mort ■ À Mayotte
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ACTU EL IRAN DELARA DARABI EXÉCUTÉE
© www.myspace.com/helpdelara Delara Darabi a été exécutée alors qu’un sursis d’exécution de deux mois avait été prononcé le 19 avril dernier par le chef de l’ordre judiciaire. Cette jeune femme avait été condamnée à mort pour un meurtre commis lorsqu’elle avait 17 ans. Dans un premier temps, elle avait reconnu ce meurtre avant de se rétracter et d’affirmer qu’un ami qui l’accompagnait au moment des faits, et qui se trouve être l’auteur présumé des faits, lui avait demandé de se déclarer coupable car il pensait que, étant mineure, elle ne serait pas exécutée… Le plus révoltant est que son avocat n’a pas été informé de l’imminence de l’exécution, en dépit de l’exigence légale selon laquelle il devait en être informé 48 heures à l’avance. L’exécution de Delara Darabi porte à 140 le nombre d’exécutions en Iran pour cette année. L’Iran a exécuté au moins 42 mineurs depuis 1990, en violation absolue du droit international qui interdit l’exécution de personnes condamnées pour des crimes commis sous l’âge de 18 ans. e
COLOMBIE HUIT INDIENS EXÉCUTÉS PAR LES FARC Le 2 avril 2009, les dépouilles de huit membres de la tribu Awa ont été retrouvées dans le département de Narino, non loin de la frontière équatorienne. Selon Luis Andrades, chef de cette communauté indigène, ces hommes et ces femmes auraient été torturés puis assassinés par les Fuerzas Armadas Revolucionarias de Colombia (FARC). La guérilla marxiste colombienne avait pour sa part reconnu, le 17 février, avoir exécuté huit Awa, accusés d’être des informateurs de l’armée. e
CHINE MORT EN PRISON Le 12 avril, Chen Hongqiang, un toxicomane condamné à 10 jours d’incarcération dans la prison de Fuzhou (sud-est) a été découvert samedi plongé dans le coma dans sa cellule. Il est décédé après avoir été hospitalisé. Cet incident intervient alors qu’une série de décès semblables soulèvent l’indignation en Chine depuis plusieurs semaines. Le gouvernement chinois a récemment assuré qu’il enquêterait sur toute affaire de mauvais traitements en prison ou dans les commissariats, faits pour lesquels la Chine a été mise à l’index par le Comité contre la torture de l’ONU. e
Des manifestants péruviens défilent devant l’ambassade du Chili pour protester contre une première décision de la Cour suprême du Chili de ne pas extrader Alberto Fujimori vers le Pérou. Lima, 11 juillet 2007. © AI
C’EST LE PÉROU Le 7 avril, le tribunal de Lima condamnait l’ancien président Alberto Fujimori à 25 ans de prison pour plusieurs graves violations des droits humains commises sous sa présidence (1990-2000). Une étape de plus franchie dans la lutte contre l’impunité.
U
ne fois n’est pas coutume, c’est d’un communiqué aux accents vibrants d’optimisme que s’est fendue Amnesty International en apprenant la condamnation d’Alberto Fujimori à pas moins de 25 ans de prison. «Justice a été rendue au Pérou, a ainsi affirmé le Conseiller spécial Javier Zúñiga, un des observateurs mandatés par Amnesty International pour assister à ce procès. Nous vivons une journée historique. C’est exceptionnel qu’un ancien chef d’État soit condamné pour des atteintes aux droits humains telles que la torture, l’enlèvement et les disparitions forcées. Nous espérons que c’est le premier d’une longue série de procès, tant en Amérique latine que dans les autres régions du globe.» De fait, l’ONG aurait bien eu tort de cacher sa joie à l’écoute du jugement rendu par la Division des Affaires pénales spéciales de la Cour suprême du Pérou à l’issue des enquêtes menées sur trois affaires. La première affaire jugée concernait le massacre de Barrios Altos, où 15 hommes, femmes et enfants avaient été exécutés de manière extrajudiciaire en 1991. La deuxième affaire jugée était le «massacre de La Cantuta»: l’enlèvement et l’assassinat de 9 étudiants et d’un enseignant de l’ Universidad Nacional de Educación Enrique Guzmán y Valle par des membres du Grupo Colina, un groupement paramilitaire opérant au sein de l’armée péruvienne. La troisième et dernière affaire était celles des caves du Service du renseignement de l’Armée (où deux personnes avaient été séquestrées). À l’unanimité, les trois juges présidant le tribunal de Lima ont décidé que l’ancien président Alberto Fujimori portait la responsabilité pénale individuelle dans ces trois affaires puisqu’il assumait à
l’époque le commandement militaire des personnes ayant commis les crimes. Cela fait un moment que divers acteurs du combat contre l’impunité ont établi de manière incontestable que, sous le gouvernement d’Alberto Fujimori, de graves atteintes aux droits humains et des crimes imprescriptibles violant le droit international (actes de torture, homicides et disparitions forcées notamment) ont été commis. En raison de leur caractère généralisé et systématique, ces violations constituent des crimes contre l’humanité. Cela dit, l’organisation avait également relevé qu’avant 1990, les violations des droits fondamentaux par les prédécesseurs du président Fujimori revêtaient déjà un caractère généralisé et systématique. Pour rappel, Alberto Fujimori avait remporté le second tour de l’élection présidentielle de 1990 à la tête de son parti Cambio 90 («Changement 90») face à son adversaire, le célèbre écrivain Mario Vargas Llosa, lequel privilégiait à l’époque des recettes budgétaires et économiques hardiment néo-libérales (privatisations tous azimuts). Il succédait ainsi à Alan García et à son parti socialisant de l’Alianza Popular Revolucionaria Americana (Alliance populaire révolutionnaire américaine ou APRA). Fujimori avait sans doute bénéficié d’un vote majoritairement plus populaire et plus indien que celui de l’APRA. La violence des guérilleros marxistes du Movimiento Revolucionario Túpac Amaru et du Sendero Luminoso (Sentier lumineux) et l’insécurité régnant dans les campagnes avaient par ailleurs contribué au succès de Fujimori face à une APRA déconsidérée.
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ACTU EL Entamé dans une relative euphorie, le premier mandat d’Alberto Fujimori avait été marqué par une initiative assez originale de mémoire de politologue. Le 5 avril 1992, Fujimori renversait son propre gouvernement. En dissolvant un parlement péruvien devenu impopulaire pour cause de crise économique et d’insécurité généralisée, cet autogolpe («auto-coup d’État») était officiellement censé hâter l’adoption de mesures antiterroristes radicales à l’encontre du Sentier lumineux et Túpac Amaru. En avril 1995, face à Javier Pérez de Cuéllar, ancien secrétaire général des Nations unies, Fujimori avait été réélu à la présidence péruvienne, tandis que son parti obtenait la majorité absolue au Congrès, des résultats que de nombreux observateurs n’attribuèrent pas seulement à l’incontestable popularité du président, mais aussi à des manipulations électorales. C’est surtout à partir de son deuxième mandat qu’Alberto Fujimori s’engagea dans une fuite en avant sécuritaire et économique, une fuite en avant qui allait petit à petit le perdre face à son opinion publique. Dans son rapport final publié en 2003, la Comisión de la Verdad y Reconciliación (Commission Vérité et
Réconciliation pour le Pérou) a ainsi rassemblé d’innombrables preuves de l’implication du président Fujimori, de son conseiller à la Sécurité, Vladimiro Montesinos, et d’officiers supérieurs des services de renseignement dans les milliers d’assassinats, de disparitions forcées et d’actes de torture perpétrés par l’escadron de la mort du Grupo Colina. De même, en 2001 et 2006, la Cour interaméricaine des Droits de l’Homme avait statué que, dans les affaires de Barrios Altos et de La Cantuta, l’État péruvien avait violé le droit à la vie de ses citoyens, tant les preuves étaient nombreuses quant à l’implication de l’armée et du président Fujimori. Réélu en 2000 pour un troisième mandat en violation de la Constitution, Alberto Fujimori avait vu son autorité vaciller, avant d’être emporté par le scandale de la corruption d’opposants par Vladimiro Montesinos et d’être contraint de fuir le pays. Le 7 novembre 2005, le président déchu était finalement arrêté au Chili et extradé vers le Pérou. Si le jugement du 7 avril 2009 est venu faire la lumière sur quelques uns des chapitres les plus sombres de l’histoire récente du Pérou, des milliers de citoyens péruviens attendent néanmoins toujours justice. e Pascal Fenaux
L’INSOLITE FEMMES FATALES Deux femmes en tout et pour tout au sein d’un gouvernement pléthorique qui ne compte pas moins de 30 ministres, c’est de toute évidence très peu. Mais c’est encore trop pour la presse ultraorthodoxe israélienne. Pour les haredim (littéralement, les «craignant Dieu»), l’interdit religieux de toute représentation de la femme est absolu. Leur presse a donc de plus en plus tendance à user des ressources du logiciel Photoshop pour «retoucher» et «purger» de toute présence féminine les photos qui seront publiées dans les versions papier des journaux ou sur Internet. Ce respect absolu a atteint le comble de l’absurde lorsqu’il s’est agi de publier la photo officielle du nouveau gouvernement de Binyamin Netanyahou. Pour des raisons de «pudeur», l’hebdomadaire Shaa Tova et le quotidien Yated Ne’eman ont donc carrément fait «disparaître» Sofa Landver (ministre de l’Absorption) et Limor Livnat (ministre de la Culture et des Sports) de la photo du nouveau gouvernement. e (D’après Yediot Aharonot)
PAROLES
«LA PÉRIODE DES KHMERS ROUGES EST ABSENTE DES LIVRES D’HISTOIRE» Le procès de Kang Kek Ieu, alias «Douch», ex-dirigeant de la prison de Tuol Sleng, a débuté le 30 mars au Cambodge, 30 ans après la fin de la dictature des Khmers rouges qui a provoqué la mort de 2 millions de Cambodgiens. Ong Thong Hoeung, rescapé des «camps de rééducation» de Pol Pot, livre son sentiment sur la signification de ce procès.
«
Je ne sais pas si Douch regrette vraiment ses actes. Quand il demande pardon [le 31 mars] devant le tribunal, c’est déjà quelque chose, mais je n’oublie pas ce qu’il a fait : la journée, il tuait des gens, des bébés, et le soir, en rentrant chez lui, il embrassait ses enfants, sans remords. Il serait faux de penser que les dirigeants khmers rouges ont commis ces atrocités par crainte de Pol Pot. À lui seul, celui-ci n’aurait pu tuer 2 millions de Cambodgiens. Dans tous les régimes, il y a des personnes qui veulent se faire apprécier, des arrivistes prêts à dénoncer les autres pour se faire bien voir des chefs. Quand il était chef de Tuol Sleng, Douch a commis plus d’atrocités que ce qui était nécessaire pour suivre l’idéologie, il a agi en ce sens pour être apprécié par les hauts gradés du régime. Ça fonctionne comme dans une secte: quand tu es dans l’engrenage, c’est trop tard, tu n’en sors plus, il t’arrive de douter, mais tu veux rester dans le courant dominant. Tu n’imagines plus que Pol Pot va disparaître, tu essaies de t’accommoder de la situation. «Le plus important serait de savoir si, dans les mêmes conditions, ces bourreaux commettraient à nouveau les mêmes atrocités. Je pense hélas que la plupart recommenceraient, peu de gens faisant un travail sur eux-mêmes. Si la majorité des victimes et des bourreaux avaient tiré les enseignements de l’histoire du Cambodge, ce pays ne connaîtrait pas autant de corruption, d’inégalités sociales, d’exploitation, de tueries. Si ce procès aboutit à un début de réflexion dans la société cambodgienne, c’est déjà important. «L’aspect didactique du procès est d’autant plus crucial
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que la période des Khmers rouges n’est pas enseignée dans les livres d’histoire. Cette absence s’explique par le fait que d’anciens Khmers rouges sont au pouvoir actuellement, mais aussi par la fierté nationale. Après mon livre, j’ai reçu des messages de Cambodgiens qui me reprochent de m’intéresser à une période assez courte de l’histoire du Cambodge, alors que notre pays a une longue histoire glorieuse. La période des Khmers rouges divise les Cambodgiens, notamment sur le rôle de la Chine, du roi Norodom Sihanouk, sur l’invasion vietnamienne qui, pour certains (dont le Premier ministre Hun Sen), est un jour de libération alors que pour d’autres, il s’agit d’un jour de honte nationale. «Je regrette que seuls cinq responsables khmers rouges soient traduits devant le tribunal. Il aurait fallu citer une dizaine d’autres personnes qui étaient vraiment les massacreurs, qui donnaient l’ordre de tuer. Le Premier ministre Hun Sen affirme préférer l’échec du tribunal à voir davantage de responsables traduits en justice. Il a d’ailleurs accepté à contrecœur la tenue de ce procès, lequel n’aurait pu exister sans la pression internationale.» Ong Thong Hoeung vit en Belgique depuis 1982. Il est notamment l’auteur du livre J’ai cru aux Khmers rouges, paru en 2003 aux éditions Buchet/Chastel. e Propos recueillis par Samuel Grumiau Lire aussi le document d’Amnesty : Cambodia : After 30 years Khmer Rouge crimes on trial (ASA 23/003/2009)
DOSSIER
POLICES
LE CÔTÉ OBSCUR DE LA FORCE Les homicides, les passages à tabac, les comportements racistes et l’usage abusif de la force par les policiers sont interdits en toutes circonstances par le droit international. Or, en Autriche, en France et en Grèce, les plaintes pour ce type de violations des droits humains font rarement l’objet d’enquêtes, tandis que ces violations sont nettement en hausse et que leurs responsables sont peu souvent traduits en justice. En mars et avril 2009, Amnesty International a publié un rapport sur chacun de ces États membres du «noyau dur» de l’Union européenne (UE), un noyau qui a théoriquement peu à avoir avec la «tradition» policière des anciens régimes staliniens. Dans nos sociétés entrées dans une période de profondes mutations économiques, sociales et démographiques, il semble que nos forces de police résistent de moins en moins à la pression qu’impliquent l’accroissement et la complexification de leurs missions, tandis qu’une certaine atmosphère de xénophobie et d’intolérance a tendance à se développer. La paranoïa générée par la «guerre contre le terrorisme» n’est sans doute pas non plus étrangère au raidissement sécuritaire et à la recrudescence du délit de faciès. Dans ce contexte, il est nécessaire que nos systèmes démocratiques se ressaisissent et prennent à bras le malaise qui s’est emparé de leurs forces de l’ordre, des forces de l’ordre de plus en plus déconsidérées et perçues comme des forces du désordre.
Des policiers anti-émeute sur les Champs-Élysées, après la défaite de la France face à l’Italie en finale du Mondial de football 2006. Paris, 9 juillet 2006. © AP / Baz Ratner
FRANCE
IMPUNITÉ, INTIMIDATION ET RÉCIDIVE En 2005, Amnesty avait publié un premier rapport sur certaines violences policières et l’impunité dont trop de leurs auteurs bénéficiaient. Quatre ans plus tard, un nouveau rapport (1), encore plus accablant, révèle que l’impunité, l’intimidation et le racisme restent encore trop souvent de mise au sein des forces de l’ordre.
L
es informations selon lesquelles des responsables de l’application des lois commettraient en France des violations des droits humains inspirent depuis longtemps des inquiétudes persistantes à Amnesty International, qui est également préoccupée par le faible taux de comparution en justice des responsables présumés, faute d’enquêtes indépendantes, impartiales et efficaces. En 2005, l’organisation avait déjà publié à ce sujet un rapport intitulé France – Pour une véritable justice (index AI : EUR 21/001/2005) et s’inquiétant du nombre d’homicides illégaux, de l’usage excessif de la force, ainsi que d’actes de torture ou d’autres mauvais traitements. Des motivations racistes, se traduisant souvent par des injures, apparaissaient dans bien des cas. Dans ce rapport, l’impunité était soulignée et attribuée à des facteurs tels que les lacunes ou les faiblesses de la
législation ; l’incapacité ou le manque d’empressement de la police, du ministère public et des tribunaux dès qu’il s’agit de mener des enquêtes exhaustives sur des violations des droits humains impliquant des policiers et d’en poursuivre les auteurs présumés ; les peines, enfin, sans commune mesure avec la gravité de l’infraction. Malheureusement, les autorités françaises n’ont appliqué aucune des recommandations essentielles suggérées par Amnesty International dans le rapport publié en 2005 et qui visaient à lutter contre les violations des droits humains et le climat d’impunité. L’organe de contrôle indépendant, la Commission nationale de Déontologie de la Sécurité (CNDS) exprime régulièrement ses préoccupations au sujet des allégations de violations des droits humains commises par des responsables de l’application des lois, ainsi que d’autres
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DOSSIER manquements moins graves aux règles de déontologie. Le bilan de ses six premières années d’activités, publié en 2006, révélait la persistance de plaintes évoquant un recours excessif à la force ou un usage inapproprié de la force ayant entraîné, dans certains cas, la mort ou une invalidité permanente. D’autres épisodes de cette nature ont été relatés dans ses rapports annuels suivants. En 2006, lorsqu’il a examiné la mise en œuvre par la France des obligations prévues par la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Convention contre la torture), le Comité des Nations unies contre la torture a salué les efforts accomplis par la France pour améliorer et renforcer la formation des policiers, mais s’est déclaré préoccupé par «le nombre et la gravité des allégations parvenues jusqu’à lui au sujet des mauvais traitements infligés par des agents de l’ordre public à des détenus et à d’autres personnes auxquelles ils se heurtent».
PRÉOCCUPATIONS INTERNATIONALES Le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (le CPT) a effectué une visite en France en 2006. Dans son rapport sur cette visite, le CPT a fait observer qu’outre les allégations de mauvais traitements qui lui ont été directement mentionnées par des détenus, il avait reçu des déclarations du même genre en provenance des autorités médicales, juridiques et policières, ainsi que d’organismes indépendants comme le médiateur de la République ou la CNDS. Selon les données communiquées au CPT par le chef du service des urgences médico-judiciaires de l’Hôtel-Dieu (2), à Paris, environ 5 % des détenus examinés par le service se plaignaient d’avoir été maltraités par les responsables de l’application des lois au moment de leur arrestation ou pendant leur garde-à-vue. Ce taux a été corroboré par l’étude d’un échantillon aléatoire de dossiers réalisée par un membre de la délégation du CPT. En 2008, le Comité des droits de l’homme de l’ONU s’est dit préoccupé «par les allégations indiquant que des étrangers dont des demandeurs d’asile, détenus dans des prisons et des centres de rétention administrative sont l’objet de mauvais traitements de la part des agents des forces de l’ordre» et a ajouté que la France «n’a pas ouvert d’enquête sur ces violations des droits de l’homme ni sanctionné comme il convient leurs auteurs». Dans son rapport annuel de 2004, la CNDS consacrait un chapitre aux discriminations commises par des fonctionnaires chargés de la sécurité, analysant la part de la discrimination dans certains manquements à la déontologie (3). Certes, toutes les plaintes ne sont pas fondées. Toutefois, l’écart entre le nombre de plaintes reçues et le nombre de sanctions disciplinaires prises permet de s’interroger sur l’exhaustivité et l’impartialité des enquêtes, ce qui ne peut entretenir qu’un climat d’impunité. Par ailleurs, Amnesty International constate l’accentuation manifeste d’un phénomène inquiétant : les personnes qui protestent ou tentent d’intervenir lorsqu’elles sont témoins de mauvais traitements infligés par des responsables de l’application des lois sont elles-mêmes accusées d’outrage (insulte envers une personne dépositaire de l’autorité publique) ou de rébellion (résistance avec violence envers un représentant de l’autorité). Dans d’autres cas, des personnes qui se sont plaintes d’avoir subi des mauvais traitements sont accusées de diffamation par les agents concernés. Amnesty International pense que ces pratiques peuvent exercer une dissuasion très forte sur les personnes qui essaient d’obtenir justice après avoir été témoins ou victimes de violations des droits humains ; elles risquent donc d’aggraver encore le climat d’impunité actuel. Au cours de ses recherches, Amnesty International a entendu à maintes reprises des victimes et des avocats indiquer qu’ils estimaient avoir des griefs légitimes à l’égard d’un agent de la force publique mais n’avaient pas l’intention de porter plainte, car ils considéraient que les dispositifs d’enquête sur les plaintes (tant au sein des organes chargés de faire respecter la loi que de la juridiction pénale) étaient inéquitables et, partant, inefficaces. Par ailleurs, de nombreuses personnes ne voient pas l‘intérêt de faire des réclamations auprès de l’organe de contrôle indépendant, la CNDS, étant donné que cette dernière ne peut mettre en œuvre aucune forme de sanction. Certes, la tâche des responsables de l’application des lois en France est difficile et dangereuse. Il n’en demeure pas moins qu’en cas d’affrimation de violations des droits humains, les autorités doivent ouvrir promptement une enquête exhaustive, indépendante et impartiale. Les mesures disciplinaires qui s’imposent doivent être prises, et les agents de la force publique soupçonnés d’actes tombant sous le coup de la loi doivent comparaître en justice dans le cadre d’un procès équitable. Les autorités doivent veiller à ce que les auteurs d’infractions rendent compte de leurs actes et montrer à la population qu’elles y ont veillé. Autrement, la crédibilité des organes
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chargés de faire respecter la loi en pâtit, à l’instar des relations de ces organes avec la population. Les violences qui ont éclaté à la suite de décès liés à des opérations policières (par exemple les émeutes qui se sont produites après la mort de deux adolescents poursuivis par des policiers à Clichy-sous-Bois, en novembre 2005 en témoignent très clairement. Lors de certaines manifestations pacifiques organisées pour demander justice, par exemple celles qui ont suivi la mort d’Abdelhakim Ajimi à Grasse en mai 2008, on a vu se faire jour des mouvements de colère et de défiance moins spectaculaires mais loin d’être négligeables. Si la France veut réellement respecter les obligations découlant des traités internationaux qui lui imposent de prohiber la torture et les autres mauvais traitements et de respecter et protéger le droit à la vie, elle doit prendre des mesures pour réformer ses mécanismes d’enquête sur les allégations de violations des droits humains. e AI POUR AGIR : http://www.amnesty.org/fr/appeals-for-action (1) France – Des policiers au-dessus des lois (Index AI : 21/003/2009) (2) L’hôpital de l’Hôtel-Dieu reçoit de nombreuses personnes interpellées à Paris ayant à subir un examen médical pendant leur garde à vue. (3) Rapport 2004 de la CNDS, «Étude sur la part des discriminations dans les manquements à la déontologie».
l Manifestations étudiantes contre le CPE (Contrat Premier Emploi). Paris, 16 mars 2006. © AP / Remy Gabalda
DOSSIER TÉMOIGNAGE
«MAIS POURQUOI VOUS FAITES ÇA ?» Lamba Soukouna a été maltraité par des policiers dans la soirée du 8 mai 2008 devant chez lui, à Villepinte (Seine-Saint-Denis), dans la banlieue de Paris. Lamba Soukouna souffre de drépanocytose, une grave maladie génétique, et a dû être hospitalisé trois jours à la suite de cet épisode.
L
e 8 mai 2008, peu avant minuit, Lamba Soukouna rentrait chez lui tout en parlant au téléphone avec un ami quand il a remarqué un groupe de policiers en tenue antiémeutes devant l’immeuble d’en face. Il a alors perçu de l’agitation et, en se retournant, a vu les policiers charger un groupe de jeunes, qui se sont dispersés dans toutes les directions. Toujours au téléphone, Lamba Soukouna est alors entré dans le hall de son immeuble et s’est dirigé vers l’escalier, mais deux groupes de policiers sont arrivés en courant. L’un d’eux a attrapé le jeune homme par-derrière et l’a plaqué contre le mur. Choqué par cette agression soudaine, Lamba Soukouna aurait dit au policier de se calmer. Celui-ci lui aurait répondu de se taire et l’aurait frappé au front avec la crosse de son arme à balles en caoutchouc. Lamba Soukouna raconte qu’il est alors tombé à terre et s’est évanoui quelques secondes. Quand il est revenu à lui, il a senti du sang ruisseler sur son front et a crié aux policiers : «Mais pourquoi vous faites ça ? Qu’est-ce que j’ai fait?». Un voisin est arrivé et a dit aux policiers de faire attention parce que Lamba Soukouna souffrait d’une grave maladie, mais l’un d’eux aurait répondu «On n’en a rien à foutre de ta maladie». Ils auraient alors commencé à lui donner des coups de pied dans le dos et les côtes alors qu’il était à terre. Accompagné de deux amis et de son frère, Lamba Soukouna est monté dans la voiture d’un de ses amis dans l’intention de signaler à la gendarmerie ce qui lui était arrivé. En route, ils sont passés sur les lieux d’un accident de voiture, où se trouvaient de nombreux policiers. Ayant reconnu certains des policiers qui l’avaient agressé, Lamba Soukouna est descendu de la voiture pour essayer de mieux les identifier. Un policier d’une autre unité présente (celle d’Aulnay), remarquant les blessures et l’état de détresse du jeune homme, lui a demandé ce qui lui était arrivé. Quelques instants plus tard, quand les secours sont arrivés pour s’occuper de l’accident de voiture, ce policier a dit à Lamba Soukouna d’aller les voir pour faire soigner sa plaie
au front. Alors qu’il se dirigeait vers l’ambulance, un des policiers qui l’avaient agressé l’a attrapé par le cou et l’a traîné sur plusieurs mètres avant de le faire monter de force dans le fourgon de police, où il a été menotté. Son frère, inquiet de l’agression qui venait de se dérouler sous ses yeux, a demandé aux policiers pourquoi ils traitaient Lamba Soukouna de cette façon et où ils allaient l’emmener. Ceux-ci ont répondu «à l’hôpital». En réalité, ils l’ont emmené au commissariat de Villepinte. À son arrivée au commissariat, Lamba Soukouna a été menotté à un banc. Il a demandé à plusieurs reprises des médicaments contre les effets de sa maladie chronique, en vain. Finalement, vers deux heures du matin, il a été emmené à l’hôpital de Bondy, où il a revu les policiers d’Aulnay. Ceuxci l’ont reconnu ; l’un d’eux a raconté aux agents qui accompagnaient le jeune homme que celui-ci leur avait dit avoir été frappé par des policiers de Villepinte, et qu’eux-mêmes avaient été témoins de la violence de son interpellation sur les lieux de l’accident de voiture. Lamba Soukouna a été soigné pour sa blessure au front, qui a nécessité plusieurs points de suture, et a reçu une ITT de six jours, puis il a été renvoyé au commissariat de police de Villepinte vers 3 h 30. Cela faisait alors trois heures qu’il était retenu par la police sans qu’on lui ait signifié ni les raisons de son arrestation ni les charges éventuelles retenues contre lui. Peu après son retour au commissariat, il a été placé en garde-à-vue pour outrage et rébellion. Il a ensuite été entendu en compagnie du policier qui l’avait agressé. Pendant l’interrogatoire, ce dernier a affirmé que Lamba Soukouna l’avait insulté et avait essayé de lui donner un «coup de boule», et que lui-même l’avait frappé avec son arme dans un acte de légitime défense. Il a aussi déclaré que Lamba Soukouna avait essayé de s’enfuir et avait encouragé d’autres jeunes à attaquer les policiers. Lamba Soukouna a nié toutes ces accusations et a donné sa version des faits.En raison de sa maladie chronique et de deux opérations aux hanches, a-t-il souligné, il est tout à fait incapable de courir et ne peut donc pas avoir tenté de s’enfuir, comme le prétendait le policier. Amnesty International a vu le dossier médical du jeune homme, qui confirme la gravité de son état de santé et reconnaît son invalidité à 80 %. L’organisation a aussi vu les certificats médicaux et les photos des blessures qu’il a reçues le 8 mai 2008; ces documents correspondent à ses allégations. Après cet interrogatoire, Lamba Soukouna a demandé une nouvelle fois ses médicaments mais, raconte-t-il, il a été renvoyé dans sa cellule. Il affirme avoir renouvelé sa demande à plusieurs reprises, en vain. En conséquence, à 5 heures du matin, il a fait une grave crise, caractérisée par des difficultés à respirer et de violentes douleurs. Selon lui, il a dû attendre une demi-heure avant qu’un policier lui annonce qu’une ambulance était en route. À leur arrivée, les auxiliaires médicaux ont immédiatement reconnu Lamba Soukouna car ils venaient de l’hôpital où le jeune homme est suivi habituellement. Ils l’ont emmené directement aux urgences de l’hôpital RobertBallanger, où le médecin de garde l’a lui aussi reconnu et a dit aux policiers qu’il était impossible de le renvoyer en garde à vue, compte tenu de la gravité de son état de santé. Lamba Soukouna est resté hospitalisé trois jours. Il a déposé une plainte auprès de l’IGS. Sa plainte et celle des policiers contre lui sont toujours en instance. AI e
j Lamba Soukouna, le soir de son agression par des policiers. Villepinte (Seine-Saint-Denis), 8 mai 2008. © Privé
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DOSSIER j Veillée en mémoire de Marcus Omofuma, un demandeur d’asile nigérian mort lors de son renvoi forcé en mai 1999. Vienne, mai 2000. © Semotan
AUTRICHE
«ACCUSÉS DE TOUT, PROTÉGÉS DE RIEN» L’Autriche n’échappe pas au malaise qui semble s’être emparé des forces de police de plusieurs pays d’Europe occidentale. Régulièrement, la police y est accusée voire convaincue de mauvais traitements et de comportements systématiquement racistes.
K
, citoyenne autrichienne originaire d’Afrique de l’Ouest, vit depuis plus de vingt ans à Vienne. Elle n’a jamais commis de délit et pourtant, c’est en ces termes qu’elle a décrit à Amnesty International ses rapports – et ceux de la majorité des personnes d’origine africaine – avec le système judiciaire autrichien: «Voilà comment on vit ici: on nous accuse de tout et on ne nous protège de rien.» Ce sentiment est caractéristique des victimes de violations des droits humains recensées dans un rapport que vient de publier Amnesty International (1). Ce rapport ne se contente pas de présenter des cas d’infractions racistes et de mauvais traitements de la part des forces de police autrichiennes. Il témoigne également de l’incapacité générale du système judiciaire autrichien à traiter les migrants, ainsi que les membres des minorités ethniques, de la même manière que le reste de la population – que ces personnes soient des victimes, des suspects ou des auteurs présumés de délits. Les faits relatés ne sont ni isolés ni le simple résultat d’un comportement déviant de la part d’une poignée de représentants de l’ordre. Au contraire, leur persistance illustre plutôt l’incapacité structurelle du système judiciaire autrichien à s’acquitter de ses fonctions en évitant toute attitude discriminatoire. Cette incapacité est due au racisme institutionnel qui règne au sein de la police autrichienne et dans d’autres secteurs du système judiciaire autrichien. Par «racisme institutionnel», il faut entendre «l’incapacité collective d’une organisation à offrir un service approprié et professionnel à certaines personnes en raison de la couleur de leur peau, de leur culture ou de leur origine ethnique… On peut [l’] observer ou [le] détecter dans les procédures, les attitudes et les comportements relevant de la discrimination et qui sont le fait de préjugés inconscients, de l’ignorance, du manque d’égards et de l’application de stéréotypes racistes qui défavorisent les personnes appartenant aux minorités ethniques (2).» Cette phrase ne signifie pas que tous les policiers ou représentants d’organes judiciaires autrichiens, ni même la majorité d’entre eux, soient racistes. Il semble ainsi évident que de très nombreux représentants de l’ordre sont parfaitement conscients de leurs obligations au regard des droits humains. Ce que cette phrase signifie et ce que les enquêteurs locaux et internationaux ont constaté, c’est que les préjugés sociaux et les stéréotypes courants concernant les étrangers et les différents groupes religieux et ethniques sont répandus, y compris au sein des structures chargées d’appliquer les lois. De 8 Libertés ! Mai 2009
même, ces préjugés et stéréotypes donnent lieu à des pratiques discriminatoires que les organes en question ne prennent pas le soin de prévenir et contre lesquelles ils ne luttent pas. Enfin, les systèmes mis en place pour répondre aux dérapages racistes des policiers ne sont pas efficaces et ne garantissent aucunement qu’une réponse appropriée sera systématiquement apportée aux infractions dénoncées par les minorités ethniques. Ces pratiques discriminatoires vont des insultes ouvertement racistes aux mauvais traitements infligés par des policiers, en passant par l’incapacité, délibérée ou non, de représentants du maintien de l’ordre ou d’organes judiciaires à apporter aux membres des minorités ethniques des services de qualité égale à ceux qu’ils apporteraient normalement à des Autrichiens blancs – par exemple, en ne parvenant pas à protéger les personnes contre des attaques racistes; en n’enquêtant pas assidûment sur les infractions dont ces personnes ont été victimes ; en n’accordant pas l’importance nécessaire à leur témoignage ; ou en ayant recours de façon abusive à la force lors d’arrestations. Aux termes du droit international, tous ces exemples de discrimination constituent des violations des droits humains.
RACISME IMPUNI L’un des indicateurs les plus évidents du racisme institutionnel qui règne dans le système judiciaire autrichien est l’incapacité répétée des organes chargés de l’application des lois à répondre de façon appropriée aux actes perpétrés par leurs représentants et dont le caractère raciste est avéré – même lorsque les actes infligés à des membres de minorités ethniques constituent des infractions graves, notamment les actes de torture. Les membres des forces de l’ordre qui commettent ce type d’infractions échappent habituellement à une sanction proportionnelle à leurs actes. Même dans des cas graves et relayés par la presse, ils ne reçoivent en général que des condamnations minimes et des sanctions extrêmement indulgentes, tandis qu’ils continuent souvent à bénéficier publiquement du soutien de leurs supérieurs administratifs et politiques. Le message ainsi transmis signifie que le racisme n’est pas un délit très grave. Le niveau d’impunité dont bénéficient les responsables de l’application des lois qui ont des comportements racistes explique en grande partie l’enracinement de ces comportements dans le système judiciaire autrichien, en dépit des progrès enregistrés ces dernières années. Une plus grande attention a en effet été accordée à la formation des agents de police, à l’application de normes non-discriminatoires et à la promotion de la compréhension des cultures des différents groupes ethniques installés en Autriche. Une circulaire ministérielle de 2006 a souligné l’importance pour les officiers de police d’être particulièrement attentifs aux plaintes pour délits à caractère raciste. En 2007, la police de Vienne a lancé sa
DOSSIER première campagne de recrutement en direction des minorités ethniques. Le profilage ethnique, une pratique policière courante au début de la décennie, a été réduit. Ces évolutions témoignent d’une prise de conscience croissante de l’importance de la lutte contre la discrimination au sein du système judiciaire autrichien. S’il faut s’en réjouir, il reste néanmoins urgent de multiplier les efforts si l’on souhaite changer les choses de façon durable. Le rapport d’Amnesty se fonde sur les recherches actuellement menées par des institutions publiques (3) et diverses ONG (4), ainsi que sur des entretiens entre délégués d’Amnesty International et des avocats, des responsables communautaires, des militants antiracistes et des représentants des différentes branches du système judiciaire autrichien. Il repose également sur un certain nombre de cas individuels dont certains ont été relayés par différents médias ou rapportés par d’autres organisations. Plusieurs de ces cas sont liés à des faits qui remontent à quelques années. S’ils sont inclus ici, c’est premièrement pour montrer que les préoccupations soulevées dans ce rapport ont des origines lointaines et, deuxièmement, pour permettre d’analyser le traitement réservé aux membres des minorités ethniques à mesure que leurs plaintes sont soumises aux différentes instances du système judiciaire, depuis le dépôt et l’enregistrement de la plainte jusqu’aux poursuites judiciaires effectives, aux pourvois, aux éventuelles mesures disciplinaires et au versement de dommages et intérêts.
La plupart des victimes de violations des droits humains consignées dans ce rapport ont exprimé, au fil des entretiens, le profond sentiment d’aliénation et de rejet qu’elles ont ressenti face au traitement discriminatoire exercé par les organes chargés du maintien de l’ordre et de l’application des lois. En d’autres termes, ce sont précisément les institutions spécifiquement créées pour défendre et protéger leurs droits qui les ont bafoués. Plus préoccupant encore du point de vue social, ce sentiment violent d’injustice ne se retrouve pas seulement chez les victimes ; il se propage dans toutes les communautés minoritaires qui finissent par se sentir spécifiquement visées. L’une des victimes a exprimé ce sentiment en ces termes : «Nous ne valons rien dans ce pays ; les chiens valent plus que nous.» e AI POUR AGIR : http://www.amnesty.org/fr/appeals-for-action (1) Austria – Victim or suspect – Racial discrimination in the Austrian justice system (Index AI : 13/002/2009) (2) The Stephen Lawrence Inquiry, § 6-34, février 1999 : enquête demandée par le ministre de l’Intérieur (Home Secretary) du Royaume-Uni «sur les faits qui se sont produits depuis le décès de Stephen Lawrence, le 22 avril 1993, afin d’en tirer des leçons utiles pour les enquêtes sur les crimes à caractère raciste et l’inculpation de leurs auteurs». (3) Entre autres, le Menschenrechtsbeirat (Conseil consultatif des Droits de l’Homme). (4) Zivilcourage und Anti-Rassismus-Arbeit (ZARA), Helping Hands Graz et de nombreuses autres associations locales.
GRÈCE
LE RÉVÉLATEUR DU DÉCEMBRE NOIR Les manifestations étudiantes de l’hiver 2008, par-delà leur virulence, ont rappelé le comportement souvent erratique et violent de forces de l’ordre grecques déjà passablement étrillées pour leur attitude envers les migrants et les demandeurs d’asile.
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ans une synthèse (1) rendue publique le 30 mars, Amnesty International met en évidence des pratiques apparemment bien établies de violations des droits fondamentaux des civils par la police grecque. Les faits mis en évidence concernent un recours excessif à la force et aux armes à feu, des actes de torture et d’autres formes de mauvais traitements, des détentions arbitraires et le fait d’empêcher les détenus de prendre rapidement contact avec un avocat. Les événements ayant émaillé les manifestations violentes qui ont secoué la Grèce ces derniers mois font encore l’objet d’instructions judiciaires et d’enquêtes de police. Si elles ont souvent dégénéré en émeutes, les manifestations avaient initialement été déclenchées par la mort, le 6 décembre 2008, d’Alexis Gregoropoulos, un adolescent de 15 ans tué par un policier de l’unité des Gardes spéciaux. Les méthodes répressives alors utilisées par les forces de l’ordre ont remis en mémoire de nombreux observateurs que c’est depuis fort longtemps que ce pays connaît de graves problèmes en matière de maintien de l’ordre. En d’autres termes, la réaction de la police aux récentes émeutes a constitué une sorte de point d’orgue d’une politique systématique de graves violations des droits humains par les responsables de l’application des lois. Concernant la répression excessive menée en décembre 2008 et janvier 2009 par les forces de polices, Amnesty a porté plusieurs cas à l’attention de Prokopis Pavlopoulos, le ministre grec de l’Intérieur. Ainsi, des policiers auraient arrêté de façon arbitraire, soumis à des mauvais traitements et maintenu en détention des manifestants pacifiques, ainsi que des civils n’ayant pas participé aux actions et aux manifestations. Des détenus, y compris des mineurs, ont été empêchés d’entrer rapidement en contact avec des avocats. Si la répression policière a été le point d’orgue d’une politique systématique de violations des droits humains, il serait bien que leur révélation serve de catalyseur au gouvernement grec pour qu’il autorise l’ouverture d’une commission d’enquête de grande envergure pour instruire les événements
de l’hiver dernier mais aussi pour se pencher sérieusement sur une question aussi fondamentale que la formation des policiers en matière de recours à la force et d’utilisation des armes à feu. Certes, aux termes du droit international, les autorités grecques ont la responsabilité et l’obligation d’assurer la sécurité des biens et des personnes. Même armés des meilleures intentions, il n’est pas toujours facile pour les membres des forces de l’ordre de contenir des manifestations parfois très violentes. Cependant, il est aussi du devoir de la police, aux termes de même droit international, de veiller à ce que les normes internationales, y compris celles qui traitent du recours à la force, soient respectées lors des opérations de maintien de l’ordre pendant les manifestations. Quoi qu’il en soit, si l’opinion grecque n’est pas toujours sensible à la détresse des migrants et demandeurs d’asile victimes d’excès policiers, les enquêtes d’opinion indiquent que les circonstances de la mort du jeune Alexis Gregoropoulos ont en quelque sorte servi de piqûre de rappel à une population qui ne fait plus outre mesure confiance à ses forces de l’ordre. e PF POUR AGIR : http://www.amnesty.org/fr/appeals-for-action
l Un manifestant s’agenouille et se «menotte» symboliquement face aux policiers anti-émeute pendant que les étudiants bloquent l’accès au Syntagma, le Parlement grec. Athènes, 13 décembre 2008. © AFP / Olivier Laban-Mattei
(1) Greece – Alleged abuses int the policing of demonstrations (Index AI : 25/001/2009).
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MOUVEMENT NOS FORMATIONS
AG 2009
UN GRAND CRU 14 mai de 19h00 à 22h00 Découvrir et s’orienter au sein d’Amnesty 16 mai de 10h00 à 15h00 USA et droits humains 23 mai de 09h30 à 16h30 Mission et fonctionnement d’Amnesty 23 mai de 09h00 à 14h00 La lutte contre l’impunité 6 juin de 10h00 à 16h30 Homosexualités et droits humains (Namur) 6 juin de 10h00 à 16h00 La peine de mort 13 juin de 09h30 à 13h00 Le rôle d’Amnesty dans la protection des réfugiés 20 juin de 10h00 à 16h00 La protection internationale des droits fondamentaux 27 juin de 09h30 à 12h30 Découvrir et s’orienter au sein d’Amnesty Si vous venez de devenir membre de notre organisation, nous vous conseillons de suivre la formation «Découvrir et s’orienter au sein d’Amnesty». Si vous désirez approfondir votre connaissance de notre travail et de notre structure, c’est le module «Mission et fonctionnement d’Amnesty» qui répondra au mieux à vos attentes. Pour vous inscrire et obtenir des détails concernant le contenu des formations, rendez-vous sur notre site Internet : http://www.amnesty.be/formations e Pour tout renseignement, envoyez-nous un e-mail à formations@aibf.be ou téléphonez-nous au 02/538 81 77, de préférence les mardi, jeudi et vendredi.
Météo printanière aidant, la section belge francophone d’Amnesty International a vécu une assemblée générale 2009 que l’on peut raisonnablement classer parmi les grands crus. Cette année, l’événement était organisé à Bruxelles, à deux pas du site de Tour & Taxis, dans un Quartier maritime en plein renouveau économique et démographique. Là, les membres d’Amnesty ont pu entretenir leurs méninges et leurs estomacs entre le K_nal – un ancien entrepôt de tuiles de l’avenue du Port, réaménagé en espace de fêtes et de conférences – et le Biouel – un bateau amarré au Quai des Matériaux. Les membres se sont également prononcés sur les orientations de la section francophone d’Amnesty. Et, cette année, les débats ont en outre bénéficié de la présence d’une «guest star» en la personne d’Irene Khan, secrétaire générale d’Amnesty International, qui y a tracé les grandes lignes d’AI pour les six années à venir.
l Irene Khan (g), secrétaire générale d’Amnesty International, et Olivier De Schutter (d), rapporteur spécial aux Nations unies sur le droit à l’alimentation, lors de la conférence «Amnesty va-t-elle mettre un terme à la faim dans le monde ?». Bruxelles, 25 avril 2009. © Bruno Brioni
LE PETIT ÉCRAN DU MERCREDI 20 MAI – À BRUXELLES LE SEL DE LA MER C’est nouveau ! Dès le mois de mai, le cinéma s’installe chez Amnesty. C’est une initiative de Françoise Guillitte qui, étant membre du jury du «Festival des Libertés», a eu l’occasion de visionner nombre de films documentaires et de fictions tous de qualité, mais ayant peu de chance d’être montrés en salle, ni à la télé, les lois du marché aidant. Notre but est de vous en faire découvrir quelquesuns, au cours de soirées-rencontres conviviales qui se tiendront une fois par mois (sauf en juillet et en août) au Secrétariat national d’Amnesty, à SaintGilles. Une première séance permettra de découvrir Le sel de la mer, un long-métrage de la réalisatrice palestinienne Annemarie Jacir. Une jeune Palestinienne née aux États-Unis veut rentrer dans son pays. Elle y fait la rencontre d’un jeune homme qui, lui, ne rêve que de quitter ce pays-prison. Un beau film sur les complexités du droit au retour et un attachant portrait de femme. e
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À 19h00 au SN, rue Berckmans 9, 1060 Bruxelles (Saint-Gilles) PAF : 3 e – Infos : 02 538 81 77
Amarrée au quai des Matériaux, dans le Bassin Béco, la péniche du Biouel a été prise en otage par les participants de l’AG. © RIF
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MOUVEMENT
© Irving Teitelbaum
CERCLE PETER BENENSON
MARDI 26 MAI – BRUXELLES LES ONG : QUELS RÔLES SUR LA SCÈNE INTERNATIONALE ? À l’origine, les ONG étaient appelées associations internationales ou transnationales. Elles apparaissent vers la fin du XVIIIe siècle et leur objectif est d’aboutir à la concrétisation de revendications dans un traité international. Les défis à relever ayant changé, les desseins des ONG ont également évolué et évolueront encore. Aujourd’hui, le poids de leurs interventions et exigences auprès des acteurs internationaux ne fait que s’amplifier. Mais quels rôles ont-elles précisément à jouer sur la scène internationale et quelle est leur influence réelle ? En présence de Michel Doucin – Ambassadeur chargé en France de la bioéthique et de la responsabilité sociale des entreprises depuis le 15 septembre 2008. Ancien ambassadeur pour les Droits de l’Homme au sein du Ministère des Affaires étrangères, Michel Doucin a notamment publié Les ONG : le contre-pouvoir? (éd. Toogezer, coll. Essai, Paris 2007). À 20h00 à l’Hôtel de ville de Bruxelles – Salle des conférences, Grand Place - 1000 Bruxelles Prix : 5 e - 2 e (étudiants et demandeurs d’emploi)
l Si Amnesty na va pas mettre fin à la faim dans le monde d’un coup de cuiller à pot, ses militants ont en tout cas eu le loisir de s’approvisionner en nourritures de l’esprit. © RIF
MERCREDI 10 JUIN – BRUXELLES TRAITE DES ÊTRES HUMAINS : ÉTAT DE LIEUX EN BELGIQUE Selon le Bureau International du Travail (BIT), 2,4 millions de femmes, d’hommes et d’enfants sont victimes du trafic international à des fins d’exploitations sexuelles et économiques. À ce jour, la Belgique n’a pas encore ratifié la Convention sur la lutte contre la traite des êtres humains (TEH). L’ampleur de ce phénomène reste difficile à cerner. De quels moyens dispose la Belgique pour lutter contre ce fléau ? En présence de Heidi De Pauw (directrice de PagAsa, le centre bruxellois agréé pour l’accueil des victimes de la traite), Myriam Kaminski (avocate au Barreau de Bruxelles) et Johan Debuf (responsable de la TEH pour la zone de police de Bruxelles-Nord). À 20h00 à l’Hôtel de ville de Bruxelles – Salle des conférences, Grand Place - 1000 Bruxelles Prix : 5 e - 2 e (étudiants et demandeurs d’emploi)
l Après la concentration vient la détente, entre le canal et l’immeuble impérial d’une banque dont nous tairons le nom. Cocktail sous les combles du K_nal. Bruxelles, 25 avril 2009. © Bruno Brioni
Voir aussi notre dossier «Belgique – Regards sur la traite», Libertés! n°442 de mars 2008. e
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MOUVEMENT À la Maison Blanche, Barack Obama signe le décret ordonnant la fermeture de la prison de Guantánamo. Washington, 22 janvier 2009. © AP / Charles Dharapak
Ce sont aussi 80 groupes locaux qui, sur le terrain, font un travail d’action et de sensibilisation aux droits humains. Pour vous y joindre, contactez votre régionale. SECRÉTARIAT NATIONAL AIBF Rue Berckmans 9, 1060 Bruxelles 02 538 81 77 Fax : 02 537 37 29 www.amnesty.be SECRÉTARIAT INTERNATIONAL Easton Street 1, London WC1X ODW United Kingdom 00 44 207 413 5500
LES 100 JOURS D’OBAMA
AMNESTY INTERNATIONAL VLAANDEREN Kerkstraat 156, 2060 Antwerpen 6 03 271 16 16
MESSAGES AMBIVALENTS
RESPONSABLES RÉGIONAUX D’AMNESTY
Le 20 janvier 2009, lors de son entrée en fonction, le président Barack Obama prononçait un discours d’investiture dans lequel il soulignait la nécessité de rompre avec le passé et récusait le choix «erroné» entre la sécurité et les idéaux. Cent jours plus tard, Amnesty International a dressé le premier bilan d’une présidence en laquelle de nombreux espoirs ont été placés.
L
e 29 avril dernier, Amnesty International publiait un rapport (1) sur les cent premiers jours d’administration démocrate sous la présidence de Barack Obama en matière de politique de détention liées à la lutte contre le terrorisme, une politique qui repose sur «des promesses de changement assorties de mesures limitées». Certes, plusieurs changements positifs sont intervenus. Ainsi, le troisième jour de son entrée en fonctions, Barack Obama a publié des décrets sur la fermeture de Guantánamo, la fin du programme de détentions secrètes de longue durée de la CIA et les nouvelles règles régissant les interrogatoires, qui ne doivent plus englober les techniques d’«interrogatoire renforcé», un euphémisme introduit par l’administration précédente pour parler de méthodes relevant de la torture. Cependant, les messages envoyés restent ambivalents. 1) L’administration Obama a rendu publics quatre mémorandums autorisant légalement la CIA à user contre les prisonniers détenus au secret de méthodes d’interrogatoire constituant des actes de torture ou d’autres mauvais traitements. Le président Obama a condamné la pratique de la torture, mais a assuré que les auteurs présumés de ces crimes ne seraient pas traduits en justice s’ils avaient suivi les conseils légaux du ministère de la Justice, soulignant qu’il préférait regarder vers l’avenir plutôt que vers le passé. Il a ajouté qu’il incombait au ministre de la Justice de décider d’ouvrir ou non des enquêtes sur ceux qui ont élaboré ces directives légales et qu’il ne voulait pas en «préjuger». 2) L’administration Obama a publié un décret sur la fermeture future du centre de détention de Guantánamo, mais elle ne s’est pas engagée à inculper les détenus devant un tribunal civil ou à les libérer, laissant ainsi 240 prisonniers dans le doute quant à leur avenir. 3) L’administration Obama a promis que les cas des détenus de Guantánamo seraient révisés «au fur et à mesure et aussi rapidement que possible», afin de déterminer lesquels étaient transférables ou libérables. Cependant, après des années d’incarcération – dont quelques mois sous le gouvernement
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actuel –, un seul prisonnier a été remis en liberté depuis janvier et aucun n’a été inculpé. Or, plusieurs détenus sont toujours incarcérés pour une durée indéterminée alors que, depuis des mois, des juges fédéraux américains ont ordonné leur libération immédiate. 4) L’administration Obama a ordonné à la CIA de fermer ses centres de détention secrets et lui a interdit de gérer de tels centres à l’avenir, tout en lui laissant la possibilité d’enlever des personnes et d’opérer des détentions «de courte durée, transitoires». 5) L’administration Obama a publié un décret interdisant le recours à la torture et à d’autres formes de mauvais traitements, tout en approuvant sans réserve le Manuel de terrain de l’armée des États-Unis, qui autorise la privation prolongée de sommeil et l’isolement cellulaire, ainsi que l’exploitation des phobies des détenus d’une manière qui bafoue l’interdiction internationale de la torture et d’autres mauvais traitements. 6) L’administration Obama a annoncé une rupture avec la culture du secret privilégiée par le gouvernement Bush, mais se réfugie malgré tout encore derrière la doctrine du secret d’État, bloquant de facto les réparations pour les violations des droits humains et s’abstenant de communiquer à l’opinion publique des informations sur les quelque 500 hommes détenus à la base militaire américaine de Bagram, en Afghanistan. 7) Si l’administration Obama cesse désormais d’utiliser des termes comme «guerre contre le terrorisme» ou «combattant ennemi», elle continue néanmoins de s’appuyer sur les lois de la guerre, plutôt que sur la justice pénale et les droits humains, comme clé de voûte de la politique américaine de lutte contre le terrorisme. Par ailleurs, on est toujours sans nouvelles d’au moins 36 personnes détenues par le programme secret de détention américain, tandis que le Département de la justice a révélé que la CIA avait détruit 92 vidéos d’interrogatoires réalisés dans le cadre du programme de détentions secrètes. Les bandes auraient pu contenir des preuves de torture et d’autres violations des droits humains. À la veille de la fin des 100 jours, le président Obama a toutefois apporté un soutien relatif à un processus bipartite chargé d’examiner les politiques et les pratiques du passé. Cependant, il ne s’agit pas d’une commission totalement indépendante, chose que demande Amnesty depuis 2004. e P.F. (1) USA : Mixed messages : Counter Terror and Human Rights : President Obama’s first 100 days (Index AI : AMR 51/043/2009)
BRABANT WALLON Jean-Philippe CHENU chemin de la Terre Franche 13 1470 Genappe 010 61 37 73 – jpchenu@aibf.be BRUXELLES Le poste de coordinateur est vacant ! Pour des renseignements sur le profil requis avant d’envoyer un CV, écrire à Antoine CAUDRON – Amnesty International, rue Berckmans 9, 1060 Bruxelles ou envoyer un e-mail à acaudron@aibf.be HAINAUT ORIENTAL Nicole GROLET av. Elisabeth 6, 6001 Marcinelle 071 43 78 40 – ngrolet@aibf.be LIÈGE Jean-Pierre ANDRÉ 04 387 51 07 – jpablegny@yahoo.fr Christine BIKA Responsable de la gestion de la permanence – C/O Bureau régional d’AI – rue Souverain Pont 11 – 4000 Liège – du lundi au vendredi de 13h30 à 17h30 04 223 05 15 bureaudeliege@aibf.be LUXEMBOURG Daniel LIBIOULLE Avenue de la Toison d’Or 26 6900 Marche en Famenne 084 31 51 31 dlibioulle@aibf.be NAMUR Romilly VAN GULCK Rue Vivier Anon 8, 5140 Sombreffe 071 88 66 69 rvangulck@aibf.be WALLONIE PICARDE Marie NOËL Rue Cheny 1, 7536 Vaulx 069 77 66 13 – 0499 13 57 25 mnoel@aibf.be
IS AV ELIV ES . B E Une cellule du «couloir de la mort» du SIZO, la prison centrale biélorusse. © Legal Initiative
B O N N ES N O UV EL L ES Dans tous les pays du monde, des gens sont libérés grâce au travail des membres d’Amnesty. Des témoignages émouvants nous parviennent des prisonniers libérés ou de leur famille. Ils montrent qu’une action de masse peut avoir des résultats pour un meilleur respect des droits humains.
IRAK (KURDISTAN) ENGAGEMENT OFFICIEL Le Premier ministre du Kurdistan irakien, Nechirvan Barzani, a pris un engagement fort en faveur des droits humains lors d’une rencontre avec des représentants d’Amnesty International le 23 avril dans la ville d’Arbil. La visite d’Amnesty International dans la région du Kurdistan faisait suite à la publication, il y a quelques jours, du rapport intitulé Hope and Fear : Human rights in the Kurdistan Region of Iraq (MDE 14/006/2009). Ce rapport mettait notamment en cause les forces de sécurité de la Région autonome du Kurdistan irakien dans des faits de torture et des disparitions forcées. Lors de cette rencontre, le Premier ministre Barzani a expliqué qu’une nouvelle loi en préparation visait à rendre l’Asayish (service de sécurité) comptable de ses actes devant le Conseil des ministres, même si le calendrier concernant son adoption n’a pas encore été clairement défini. Le Premier ministre a également exprimé sa volonté d’éradiquer les crimes «d’honneur» et de veiller à ce que les femmes bénéficient d’une véritable protection contre la violence, y compris au sein du foyer. (Voir «Des cibles si faciles», Libertés ! n°452 de mars 2009) e
ZIMBABWE MILITANTS RELÂCHÉS Kisimusi Dhlamini, Andrison Manyere et Gandhi Mudzingwa, qui avaient été enlevés par des agents de l’État en décembre 2008, ont été libérés sous caution le 17 avril. Ils faisaient partie des plus de 30 militants des droits humains et militants politiques qui avaient été victimes d’une disparition forcée puis d‘une détention illégale – tous ont a présent été remis en liberté. e
SOUDAN LIBÉRÉ SANS INCULPATION Mohamed Al Mahjoub avait été arrêté le 14 avril 2009 et détenu au secret pendant six jours par le Service national de la Sûreté et du Renseignement à el-Fasher, dans le Darfour septentrional. Sa détention semblait motivée par ses activités professionnelles pacifiques de directeur du Centre Amal de réadaptation pour les victimes de traumatismes physiques et psychiques, situé également à el-Fasher. Il été libéré sans inculpation le 17 avril, est en bonne santé et affirme ne pas avoir été torturé. Il n’est cependant pas autorisé à quitter el-Fasher. e
AZERBAÏDJAN JOURNALISTE GRACIÉ Le 9 avril, les autorités azerbaïdjanaises ont relâché le journaliste d’opposition Sakit Zahidov après que celui-ci eut passé près de trois ans en prison au terme d’un procès entaché d’irrégularités. Journaliste satirique écrivant pour le journal Azadlıq (Liberté), Zahidov a été libéré à la faveur d’une loi d’amnistie adoptée en mars par le Milli Mejlis, le Parlement national. Amnesty International le considérait comme un prisonnier d’opinion. Cette libération ne doit pas faire oublier le fait que les journalistes indépendants ou favorables à l’opposition continuent à faire l’objet d’actes de harcèlement, d’agressions physiques, de manœuvres d’intimidation et d’emprisonnement en raison de leurs activités journalistiques. e
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BIÉLORUSSIE (BÉLARUS)
LA MORT DERRIÈRE LA PORTE L
a Biélorussie est le seul pays du continent européen et de l’ex-Union soviétique qui applique toujours la peine capitale. Selon nos informations, quatre exécutions y ont eu lieu en 2008. En l’absence de chiffres officiels, Amnesty International estime à environ 400 le nombre de personnes exécutées depuis que la Biélorussie est devenue indépendante, en 1991. Les dates d’exécution n’étant communiquées à l’avance ni aux prisonniers, ni à leurs familles, les condamnés craignent le pire dès qu’on ouvre la porte de leur cellule. «Les occupants du couloir de la mort détestent les portes. Tant qu’elles restent fermées, ils sont vivants. La mort arrive toujours par une porte ouverte», explique Oleg Alkaev, ancien directeur d’une prison de Minsk où des exécutions ont eu lieu. Les prisonniers
apprennent très tardivement que le moment est venu, quelques instants seulement avant de recevoir une balle dans la nuque. Le corps n’est pas rendu à la famille, souvent informée de l’exécution longtemps après, et le lieu d’inhumation est tenu secret, ce qui ne fait qu’accroître le chagrin des proches. La situation issue du recours à la peine capitale est d’autant plus grave que le système pénal est défaillant. On a en effet de fortes raisons de penser que la torture et d’autres mauvais traitements sont utilisés pour obtenir des «aveux». Les prisonniers condamnés ne peuvent faire appel. Enfin, le caractère intrinsèquement cruel, inhumain et dégradant de la peine capitale est aggravé, pour les condamnés comme pour leurs proches, par le secret entourant la procédure. e
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MODÈLE DE LETTRE Monsieur le Président, Le Bélarus est le seul pays du continent européen et de l’ex-Union soviétique qui applique toujours la peine capitale. Or, la peine de mort viole le droit à la vie tel que prescrit dans la Déclaration universelle des Droits de l’Homme et constitue un traitement cruel, inhumain et dégradant. En tant que membre / sympathisant(e) d’Amnesty International, je vous demande, Monsieur le Président, d’instaurer sans délai un moratoire sur la peine capitale et les exécutions en vue de l’abolition totale de ce châtiment, ainsi que de commuer en peines d’emprisonnement toutes les condamnations à mort déjà prononcées. En espérant que ma requête ne restera pas sans suite, je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de mes sentiments les plus respectueux. Signature : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Nom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Adresse : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
LETTRE À ADRESSER À : Alyaksandr Lukashenka, President, Ul. Karla Marxa 38, 220016 – Minsk, Belarus
COPIE À ENVOYER À : Ambassade de la République du Bélarus, Avenue Molière, 192, 1050 – Bruxelles (Ixelles) Fax : 02 340 02 87 – E-mail : embbel@skynet.be
Libertés ! Mai 2009 13
IS AV ELIV ES . B E IRAN
MODÈLE DE LETTRE
SYNDICALISTE PERSÉCUTÉ M
ansour Ossanlu, conducteur de bus, syndicaliste et défenseur des droits humains, purge actuellement une peine de cinq ans d’emprisonnement en Iran. Amnesty International estime que cet homme est un prisonnier d’opinion détenu uniquement pour avoir exercé pacifiquement son droit à la liberté d’association. Mansour Ossanlu est le président du Syndicat des travailleurs de la régie des bus de Téhéran et de sa banlieue, qui est affilié à la Fédération internationale des ouvriers du transport. Avant son arrestation, il s’efforçait de défendre les droits des travailleurs en Iran. Il avait déjà été incarcéré à deux reprises par le passé, pour une durée totale de neuf mois, en raison de ses activités syndicales. Il a été jugé en février 2007, puis condamné à cinq ans d’emprisonnement pour «agissements contre la sécurité nationale». Il a voyagé à l’étranger en attendant son procès en appel et a de nouveau été arrêté le
© ITF 10 juillet 2007, après avoir assisté en Europe à des réunions avec des collègues de syndicats d’autres pays. Le 30 octobre 2007, une juridiction d’appel de Téhéran a confirmé sa condamnation à cinq ans d’emprisonnement. Il semble cependant que ce jugement n’ait jamais été rendu officiel, ce qui est contraire au droit iranien. Sans jugement écrit, ses avocats ne peuvent contester la décision de la cour. Amnesty International est préoccupée par le fait que Mansour Ossanlu soit en mauvaise santé et ne bénéficie pas de soins médicaux dont il a fortement besoin. D’après son épouse, Parvaneh Ossanlu, il n’a pas été autorisé à s’entretenir avec ses avocats depuis son transfert dans une prison de Karaj, à l’ouest de Téhéran, le 31 août 2008. e
Lire aussi sur isavelives.be : http://www.isavelives.be/fr/node/3499
Excellence, Mansour Ossanlu, conducteur de bus, syndicaliste et défenseur des droits humains purge actuellement une peine de cinq ans de prison. Déjà emprisonné à deux reprises pour ses activités syndicales, il a été à nouveau arrêté le 10 juillet 2007, condamné à 5 ans de prison et le verdict a été confirmé par une juridiction d’appel a confirmé le verdict le 30 octobre 2007. En tant que membre/ sympathisant(e) d’Amnesty International qui considère cet homme comme un prisonnier d’opinion et qui se préoccupe de son état de santé déficient, je vous demande la levée de toutes les charges qui pèsent sur lui ainsi que sa libération immédiate et inconditionnelle et, en attendant, un accès à des soins médicaux et à ses avocats. Espérant que vous ferez droit à ma requête, je vous prie d’agréer, Excellence, l’expression de ma considération distinguée. Signature : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Nom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Adresse : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
LETTRE À ADRESSER À : His Excellency Ayatollah Mahmoud Hashemi Shahroudi, Head of the Judiciary Ministry of Justice, Ministry of Justice Building, Panzdah-Khordad Square Tehran, Iran
COPIE À ENVOYER À : Ambassade d’Iran, Avenue F.D. Roosevelt, 15, 1050 Bruxelles (Ixelles) Fax : 02 762 55 49 – E- mail : secretariat@iranembassy.be
COMMENT AGIR EFFICACEMENT ?
TARIFS POSTAUX
Les cas exposés concernent des victimes de violations des droits humains dont s’occupe Amnesty International. Chaque appel compte. Un texte (à écrire ou à photocopier) vous est proposé pour chaque cas. Dans l’intérêt des victimes, écrivez en termes mesurés et courtois aux adresses indiquées. Ces lignes sont lues partout dans le monde par les quelque 1800000 membres d'Amnesty International. Elles sont reproduites dans de nombreux pays par des dizaines de journaux et constituent la clé de voûte de l'action du mouvement.
Lettres (jusqu’à 50 grammes) Belgique: 0,59e; Europe: 0,90e; reste du monde: 1,05e. La surtaxe aérienne est incluse (étiquette requise).
INDONÉSIE
MANIFESTANTS TORTURÉS ET EMPRISONNÉS L
antiterroriste de la police de la base de e 29 juin 200, Johan Teterissa était Tantui, qu’ils ont connu les pires traiteà la tête d’un groupe de 22 militants ments. Les policiers les ont frappés – à coups qui avaient participé à une action de de crosse notamment–, forcés à ramper sur protestation pacifique devant le président du bitume chaud, fouettés avec des câbles indonésien, Susilo Bambang Yudhoyono. électriques et leur ont également enfoncé des Aujourd’hui, l’un d’eux est en instance de boules de billard dans la bouche. Ils ont tiré jugement et les autres purgent des peines des coups de feu tout près des oreilles de allant de 7 à 20 ans d’emprisonnement. L’inplusieurs des détenus, provoquant chez cident a eu lieu lors d’une cérémonie certains d’entre eux une surdité partielle. organisée par le gouvernement à Amboine, Des détenus ont été contraints de signer des la capitale de la province des Moluques. Les déclarations affirmant qu’ils n’avaient pas 22 manifestants, principalement des enseibesoin d’avocats. D’autres se sont vu assignants et des paysans, ont exécuté une danse gner des avocats qui leur ont conseillé de guerrière traditionnelle devant le président. plaider coupable et de renoncer à leur droit Ils ont ensuite déployé le drapeau du Mouveà interjeter appel. Johan Teterissa, qui était ment pour l’Indépendance de la République le meneur du groupe, a été condamné le des Moluques du Sud. Emmenés par les poli4 avril 2008 à la réclusion à perpétuité, ciers, ils ont séjourné dans trois peine ramenée à quinze ans d’emprisonnecommissariats successifs en 11 jours et c’est ment en appel. e sous la garde du Détachement 88, l’unité Lire aussi sur isavelives.be : http://www.isavelives.be/fr/node/3500
14 Libertés ! Mai 2009
MODÈLE DE LETTRE Monsieur, Le 29 juin 200, Johan Teterissa était à la tête d’un groupe de 22 militants moluquois qui avaient participé à une action de protestation pacifique devant le président indonésien, Susilo Bambang Yudhoyono. Aujourd’hui, l’un d’eux est en instance de jugement et les autres purgent des peines allant de 7 à 20 ans d’emprisonnement. Les détenus ont en outre été longuement battus et torturés. Johan Teterissa, le meneur du groupe, a été condamné à 15 ans d’emprisonnement. En tant que membre / sympathisant(e) d’Amnesty International, je vous écris pour que vous oeuvriez à la libération immédiate et sans condition de ces 22 militants, et que veilliez à ce que les autorités mènent une enquête indépendante sur les actes de torture qu’ils auraient subis aux mains de la police. En espérant que vous ferez droit à ma requête, je vous prie d’agréer, cher Monsieur, l’expression de mes sentiments les meilleurs. Signature : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Nom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Adresse : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
LETTRE À ADRESSER À : Ifdhal Kasim, Chair of the Indonesian Human Rights Commission (Komnas HAM), Jln. Latuharhari 4B, Jakarta Pusat 10310, Indonésie Fax : + 62 213912026
COPIE À ENVOYER À : Ambassade de la République d’Indonésie, Boulevard de la Woluwe, 38 1200 – Bruxelles (Woluwe-Saint-Lambert) Fax : 02 772 82 10 – E-mail : primebxl@skynet.be
C U LT U R E AGENDA THÉÂTRE AU POCHE, TOUJOURS ! FAT PIG
Les êtres humains sont-ils si superficiels qu’ils jugent une personne seulement sur son apparence ? Dans cette comédie romantique, Neil LaBute sonde de manière cinglante notre société obsédée par les corps jeunes, séduisants et parfaitement proportionnés. Tom, jeune cadre séduisant, rencontre Helen, une femme qui pourrait s’avérer être son âme soeur. Helen est pétillante, intelligente, sexy, mais très forte. Alors qu’il se voit à contrecoeur tomber amoureux d’elle, ses collègues de travail, Carter et Jeannie, sont atterrés par son choix et brutalement cruels dans leur jugement envers sa nouvelle amie. Tom suivra-t-il son coeur et des sentiments qu’il n’a jamais ressentis auparavant, ou succombera-t-il à sa faiblesse ? L’amour a-t-il besoin de l’approbation de la société pour être entier ? Alors qu’il l’aime profondément, il est gêné d’être vu en public avec elle et n’ose pas la présenter à ses amis. Né en 1963 à Detroit, Neil LaBute est aujourd’hui auteur dramatique, scénariste, metteur en scène et réalisateur. Il étudie d’abord le théâtre à l’Université du Kansas où l’une de ses pièces, Filthy Talk for Troubled Times, évoquant les agressions homosexuelles, suscite déjà de vives réactions. Pour le cinéma, Neil LaBute tourne, en 1997, son premier long-métrage In the Company of men qui lui vaut le trophée des réalisateurs à Sundance et le Prix spécial du jury à Deauville. Un an plus tard il réalise Your friends and neighbours, et en 2000 il réalise sur commande, sans en écrire le scénario, Nurse Betty, et obtient son plus grand succès commercial avec cette histoire mêlant le romantisme naïf à la violence la plus crue. Puis vient Possession en 2002, basé sur l’adaptation d’une nouvelle de A. S. Byatt. Il réalise, en 2003, sa propre adaptation cinématographique de The Shape of things puis The Wicker man en 2006. Neil LaBute, en qui la critique reconnaît «le premier dramaturge, depuis David Mamet et Sam Sheppard - avec Edward Albee -, qui parvient à mêler sympathie et férocité, pathos et pouvoir», a rapidement acquis une solide réputation qui le place parmi les plus grands. Avec intelligence et humour, Neil LaBute n’a pas son pareil pour captiver son public en le confrontant violemment à lui-même. Création francophone, mise en scène de Thierry Lavat.
e Du 25 avril au 30 mai 2009 à 20h30 (relâche les dimanches et lundis). Bois de la Cambre, 1A Chemin du Gymnase - 1000 Bruxelles – Réservations : 02 649 17 27 ou reservation@ poche.be
LE PRIX DE LA PAUVRETÉ
L
es revenus cumulés de toutes les aides au développement dépasseraient ceux que le Congo tire de ses ressources minières. Si la pauvreté rapporte de l’argent, elle est donc une ressource naturelle. Malheureusement, elle ne profite pas à ceux qui en sont les légitimes propriétaires. C’est avec ce postulat provocateur que l’artiste hollandais Renzo Martens a sillonné pendant quatre ans la RDC avec ses questions faussement naïves et une caméra DV. Entre pauvreté et dépendance, c’est un peu l’œuf et la poule. Le salaire que gagnent de jeunes photographes du cru avec leurs images de fêtes et de mariages est sans commune mesure avec les sommes empochées par les photoreporters occidentaux pour leurs clichés de femmes violées, d’enfants sousalimentés et de victimes de guerre. Le cinéaste propose alors à de jeunes photographes locaux de s’approprier les sujets qui intéressent l’Occident et d’essayer de les vendre. On imagine sans peine ce qu’il adviendra… Agitateur plus que journaliste, Martens se met en scène comme un Tintin postmoderne sous son chapeau de paille. S’éloignant du documentaire d’investigation, le film vire à l’objet filmique non identifiable qui tient à la fois de la performance et du geste artistique. Pénétrer dans les coins les plus reculés de la brousse pour allumer un néon avec les mots «Enjoy Poverty» est assez gonflé. Quand, au milieu de la nuit, il encourage des villageois, tout sourires à accepter leur pauvreté pour mieux l’exploiter, on peut se demander qui est le spectateur de qui. C’est à l’Occident qu’il destine son film. Et, en artiste avisé, Martens s’intéresse autant à la beauté du geste qu’à son contenu. e Gilles Bechet Enjoy Poverty de Renzo Martens, sortie le 13 mai
LA PLACE DU MORT
À
Yokohama, par une languide journée d’été, une famille se retrouve pour commémorer la mort accidentelle de l’aîné des enfants, quinze ans plus tôt. Il y a le père et la mère restés seuls dans la spacieuse maison où rien n’a changé et où ils sont chaque jour confrontés à un vide immense. Il y a le frère et la soeur accompagnés de leurs conjoints et enfants respectifs. Filmant les gestes dans la cuisine ou autour de la table, le cinéaste décortique avec subtilité et élégance les tensions familiales. Devenus grands, les enfants ne sont pas devenus les adultes que leurs parents attendaient et le frère disparu ne pourra jamais décevoir les espoirs que l’on avait placés en lui. Au détour d’une phrase surgissent les rancœurs, les espoirs déçus et les incompréhensions. À aucun moment pourtant, l’ambiance ne devient pesante. Si les retrouvailles peuvent être amères, elles sont vues avec douceur et une absence totale de pathos. Le film peut aussi se montrer cruel et drôle, lors de la visite du jeune homme que le frère a sauvé en se noyant. Désunie par un chagrin inégalement partagé, cette famille peut aussi être unie par l’amour et la tendresse. Au final, le réalisateur Kore-Eda nous glisse que la famille peut être un carcan comme elle peut être une bouée de sauvetage. Ce qui se transmet de génération en génération envers et contre tout est imprévisible. Insaisissable et fragile comme le vol d’un papillon. e G.B.
Still Walking de Hirokazu Kore-Eda, sortie nationale le 27 mai.
À MAYOTTE…
B
elle île des Comores, plages de sable blanc, lagon turquoise, palmiers et fleurs exubérantes, voilà l’un des visages de Mayotte. L’envers de ce décor de rêve, c’est l’intense immigration clandestine qui ne pourra aller que s’amplifiant depuis qu’en mars dernier, l’île est devenue par référendum le 129e département français. Chaque nuit, des barques surchargées y amènent des grappes de voyageurs ayant payé chèrement leur passage. La plupart fuient Madagascar. Une fois sur l’île, ils vont être en butte au mépris total des habitants, Français «de souche», et à la traque des gendarmes. Dans Droit du sol, une BD à l’épais dessin en noir et blanc, Charles Masson raconte le quotidien de ces gens au bord du désespoir. Pour les jeunes femmes qui n’ont qu’une envie, sortir de la pauvreté, reste souvent un seul moyen : la prostitution. Ou encore le mariage forcé avec un natif ou un expatrié. Mais la peur est omniprésente et la police des frontières est tenue de respecter les quotas (une quarantaine d’expulsions par jour) fixés par la République française. Dans ce récit très noir, Charles Masson laisse cependant souffler un petit vent d’espoir. e Suzanne Welles Droit du Sol, Charles Masson, Casterman «Écritures», 436 pages, 24 e
Libertés ! Mai 2009 15