Libertes ! Juin 2009 n° 455

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Libertes!

BELGIQUEBELGIE Ne paraît pas en juillet-août. 9, rue Berckmans 1060 Bruxelles Agréation n°P0901135

JUIN 2009 – N°455 – LE MENSUEL D’AMNESTY INTERNATIONAL

SRI LANKA LA DÉFAITE DES TIGRES

GROS PLAN COORDINATION TURQUIE


É D ITO R I A L

NUIT DE CHINE L

es 3 et 4 juin 1989, plusieurs centaines (certaines sources parlent de plusieurs milliers) de citoyens chinois étaient tués par l’Armée de Libération du Peuple chinois (nom officiel de l’armée chinoise) lors de la répression sanglante des manifestations pacifiques organisées à Pékin sur la place Tian’anmen et dans ses alentours (voir aussi p.12). Vingt ans plus tard, de nombreux Chinois sont toujours incarcérés pour leur implication dans des manifestations qui ne demandaient «que» des réformes démocratiques. Depuis lors, jamais les autorités chinoises n’ont publié la moindre statistique officielle à propos de cette répression. Ainsi, comble de l’arbitraire et de l’absurde, de nombreuses personnes sont toujours emprisonnées pour «crimes contre-révolutionnaires», des charges qui ont pourtant été rayées du Code pénal chinois en 1997. Objets d’une répression incessante et implacable de la part d’autorités qui n’ont jamais toléré la moindre esquisse d’ouverture d’un débat public sur la tragédie de 1989, beaucoup de citoyens chinois continuent d’être condamnés et embastillés pour avoir tout simple-

ment fait usage de leur droit à la liberté d’expression. Pis, à l’occasion du vingtième anniversaire des manifestations du «Printemps de Pékin», la répression s’est intensifiée aux quatre coins du pays contre les défenseurs des droits humains et les avocats. Pendant ce temps, la Place Tian’anmen était envahie de «faux touristes», des «volontaires» civils et patriotes mobilisés par le Parti communiste pour faire nombre sur la Place. Après l’écrasement violent du mouvement démocratique estudiantin chinois, le régime chinois avait emprunté la voie d’un modèle de développement mêlant ultralibéralisme économique et perpétuation de la dictature du parti unique. Vingt ans plus tard, le palmarès de la Chine en matière de droits politiques, économiques et sociaux est désolant. Ainsi, Amnesty International a recensé pas moins d’une centaine de cas de militants arrêtés ou agressés par les autorités depuis le début de l’année 2009, parce qu’ils essayaient de défendre leur droit à la terre, au logement et au travail. De même, plusieurs avocats sont menacés de violences physiques par les autorités, tandis que d’autres risquent d’être privés de leur licence. Certes, le 13 avril 2009, le gouvernement chinois a officiellement lancé un «Plan national d’action sur les droits de l’Homme (20092010)», lequel contient des dispositions visant à éliminer les détentions illégales et à protéger les droits fondamentaux des personnes tels que théoriquement garantis par la Constitution chinoise. Mais, au vu d’une répression jamais démentie, il semble y avoir encore loin de la parole aux actes. e Pascal Fenaux

Libertés ! • Rue Berckmans, 9 – 1060 Bruxelles • Tél : 02 538 81 77 Fax : 02 537 37 29 • libertes@aibf.be • www.libertes.be • Éditrice responsable : Christine Bika • Rédacteur en chef: Pascal Fenaux • Comité de rédaction: Bruno Brioni, Thandiwe Cattier, Véronique Druant, Samuel Grumiau, Anne Lowyck, Brian May, Suzanne Welles • Ont collaboré à ce numéro : Gilles Bechet, Paola Peebles, Jenny Vanderlinden • Iconographie : Brian May • Maquette : RIF • Mise en page : Gherthrude Schiffon • Impression (sur papier recyclé non blanchi) : Remy Roto • Couverture : Pour aller remplir d’eau son jerrycan, un enfant marche sur l’énorme aqueduc qui traverse Dharavi, le plus grand bidonville d’Inde (600 000 habitants sur 1,75 km2). Mumbai (Bombay), novembre 2008. © PANOS/Mark Henley

CHANGEMENT D’ADRESSE – ATTESTATION FISCALE – MODIFICATION, ANNULATION OU NOUVELLE COTISATION DE MEMBRE/DONATEUR(TRICE) Madame Michele Ligot : mligot@aibf.be je change d’adresse (inscrire uniquement la nouvelle adresse) Nom: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Prénom: . . . . . . . . . . N° de membre: . . . . . . . Adresse: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . N° . . . . . bte . . . . . . . . . . Code postal: . . . . . Localité: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Tél (obligatoire): . . . . . . . . . . . . . . . E-mail: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Oui, j'adhère aux objectifs d'Amnesty et souhaite devenir membre Je répartis le montant de : ma cotisation de mon abonnement sur toute l’année en complétant ce coupon et en le renvoyant à Amnesty International, 9 rue Berckmans à 1060 Bruxelles. Tout montant qui dépassera 14,87 e (prix de la cotisation ou de l'abonnement), sera considéré comme un «don», et par là-même jouira de la déductibilité fiscale pour autant que ce supplément soit de 30 e ou plus. Je verse tous les mois, au départ de mon compte n° . . . . . . . . . . – . . . . . . . . . . . . . . la somme de : 6e 10 e 20 e . . . . . . . . e (ou tout autre montant de mon choix) au profit du compte 001-2000070-06 de Amnesty International à partir du . . . . . . . . . . et jusqu’à nouvel ordre. Je conserve le droit d’annuler ou de modifier cet ordre à tout moment. ou je verse en une fois le mandat de . . . . . . . . . . . . . . au compte 001-2000070-06 Nom: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Prénom: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Date de naissance: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Adresse: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . N° . . . . . . . . bte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Code postal: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Localité: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Tél (obligatoire): . . . . . . . . . . . . . . . . E-mail: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Profession: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Date: . . . . . . . . Signature:

SOMMAIRE ACTUEL

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DOSSIER

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■ Sri Lanka : Les Tigres sont défaits, et après ? ■ Myanmar (Birmanie) : Harcèlement ■ Insolite-Brèves

LA MISÈRE EST MODERNE ■ Pour en finir avec le déni, l’insécurité et l’exclusion ■ La mortalité maternelle ■ Le droit au logement ■ La responsabilité des entreprises ■ La discrimination ■ La mise en œuvre de tous les instruments internationaux ■ À vos agendas

MOUVEMENT

■ Gros plan : «Le processus de démocratisation,

c’est deux pas en avant, un pas en arrière»

ISAVELIVES.BE

■ Lettres du mois : Israël (Territoires palestiniens

occupés), Russie (Ingouchie) et Angola ■ Bonnes nouvelles

CULTURE/AGENDA

Ne rien inscrire dans cette case s.v.p. (réservé à l'organisme bancaire)

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■ Baptême du feu ■ Vingt ans d’impunité

■ La complainte du Juif en Alaska ■ Dans le secret des tirelires ■ Cluedo persan

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ACTU EL ITALIE / MALTE LIBYE, TERRE D’ASILE ? Dans la matinée du 6 mai 2009, trois embarcations transportant à leur bord quelque 227 passagers ont envoyé un signal de détresse alors qu’elles se trouvaient à environ 50 miles au sud des côtes de l’île italienne de Lampedusa. Les gouvernements italien et maltais se sont mutuellement rejeté la responsabilité de leur porter secours, avant que deux vedettes de garde-côtes italiens conduisent finalement les migrants à Tripoli (Libye), sans faire escale dans un port italien. La Libye et l’Italie ont en effet signé un pacte d’amitié et des accords connexes qui encadrent la lutte contre l’immigration clandestine, notamment au moyen de patrouilles maritimes conjointes. Or, en Libye, ces personnes «secourues» en mer risquent de subir des tortures, tandis qu’elles n’ont pas accès à une procédure de demande d’asile équitable. e

LIBAN UN SCRUTIN, CINQ ENJEUX Ce 7 juin, des élections générales se déroulaient au Liban. Amnesty International a rappelé que ce scrutin offrait une occasion unique aux responsables politiques libanais de s’engager, et d’engager leurs partis respectifs, à lancer les réformes en matière de droits humains que le pays attend depuis des décennies. L’organisation a publié un programme de réformes en cinq points sur la question : Élections au Liban : Recommandations d’Amnesty International en matière de droits humains (MDE 18/003/2009). Les cinq axes sont la réforme d’un système judiciaire encore trop dépendant de l’institution militaire, la lutte contre la détention arbitraire et la torture, la lutte contre l’impunité, la lutte contre la violence faite aux femmes et, enfin, l’abolition de la peine de mort. e

RUSSIE PROMESSES BRISÉES Un an après l’engagement pris par le président Dimitri Medvedev, au lendemain de son élection, de respecter et protéger les droits humains et les droits des citoyens en Fédération de Russie, la situation a empiré dans plusieurs domaines, en dépit de certains effets d’annonce. Les attaques contre les militants de la société civile, les journalistes et les avocats restent totalement impunies, compromettant l’épanouissement d’une société civile solide. L’instabilité et les affrontements armés caractérisent toujours le Caucase du Nord, où les habitants sont encore victimes de disparitions forcées, d’enlèvements, de détentions arbitraires, d’actes de torture et d’assassinats en détention. e

AFGHANISTAN PRINTEMPS MEURTRIER Le mois de mai a été particulièrement meurtrier pour les civils afghans. D’après des chiffres rendus publics par les Nations unies, 2 200 civils ont été tués au cours de la seule année 2008, dont plus de la moitié au cours d’attaques menées par les insurgés et près de 40 % par les forces afghanes et étrangères. Il y a actuellement environ 70 000 soldats étrangers déployés en Afghanistan ; plus de la moitié sont américains. e

Des militaires sri-lankais patrouillent parmi des civils tamouls qui attendent la distribution de leur ration alimentaire dans le camp de réfugiés de Manik Farm. Vavuniya, 23 mai 2009. © AFP/David Gray

SRI LANKA

LES TIGRES SONT DÉFAITS, ET APRÈS ? Après plus de trente ans de conflit, l’armée sri-lankaise a vaincu les séparatistes tamouls des LTTE (1) le 18 mai dernier, au terme de combats féroces qui n’ont en rien épargné les civils (2). Libertés! a interrogé Jehan Perera, directeur du Conseil national de la Paix du Sri Lanka, une ONG qui promeut une solution pacifique au conflit.

C

ertains Tamouls ont pris les armes dans les années 70 car ils étaient victimes de discriminations. Sont-elles toujours de mise ? L’un des problèmes était la nouvelle Constitution de 1972. Celle-ci donnait un statut virtuel de religion d’État au bouddhisme, la religion de la majorité cinghalaise. Le gouvernement avait aussi refusé de faire du Sri Lanka un État fédéral. D’autres problèmes étaient le retrait de leur citoyenneté aux Tamouls venus d’Inde dans les 100 ou 150 années précédentes ou l’octroi du statut de langue officielle à la seule langue cinghalaise. Ne constituant que 18 % de la population, les Tamouls n’arrivaient pas à résoudre ces problèmes par le seul combat parlementaire. La frustration et le sentiment d’être extrêmement discriminés ont conduit une partie des Tamouls à prendre les armes, ce qui a mené à la formation, entre autres, des LTTE. La guerre s’éternisant, le gouvernement sri-lankais a essayé de réformer la Constitution et la façon dont le pays était géré. Il a restitué leur citoyenneté aux Tamouls originaires d’Inde. Le tamoul est devenu une langue officielle, mais cette décision n’a pas été appliquée correctement. Aujourd’hui encore, des Tamouls reçoivent des lettres des autorités en cinghalais et ne rencontrent dans les commissariats que des policiers

cinghalophones. Une autre réforme consistait à mettre sur pied des gouvernements régionaux pour se diriger vers un minimum d’autonomie locale. Mais là non plus, la loi n’a pas été appliquée correctement, d’autant que les Tigres tamouls ont rejeté ces réformes. Théoriquement, beaucoup de frustrations tamoules auraient dû être ainsi rencontrées. Mais pas en pratique ? À cause de la guerre civile et des actes de terrorisme commis par les Tigres, la politique sécuritaire a davantage ciblé la population tamoule, soupçonnée de soutenir les LTTE. S’ils ne portent pas leurs documents d’identité ou s’ils ne peuvent donner une explication plausible à leurs déplacements, ils risquent d’être arrêtés et donc d’être victimes de harcèlement, d’intimidation et de racket. Des membres des forces de sécurité extorquent de l’argent aux Tamouls en menaçant de les arrêter. Par ailleurs, des groupes illégaux appellent les Tamouls, se font passer pour des agents des forces de sécurité et menacent de les arrêter s’ils ne leur donnent pas d’argent. Ils ont tellement peur qu’ils obéissent. Plus particulièrement depuis deux ans, toute personne soupçonnée de soutenir les LTTE est susceptible d’être enlevée. En cas de disparition, personne ne sait où chercher car il y a tellement de groupes qui opèrent… Le

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ACTU EL gouvernement prétend que les enlèvements sont le fait des LTTE, mais il existe aussi des groupes paramilitaires tamouls progouvernementaux, ainsi que des unités spéciales au sein des forces de sécurité antiterroristes. Tous ces groupes fondent sur les civils tamouls, lesquels vivent dès lors dans la peur. Maintenant que le problème des LTTE a été éliminé, il faut espérer que la situation s’améliorera. Mais dans l’immédiat, nous ne constatons aucun assouplissement des contrôles de sécurité au cœur même de la capitale Colombo. Comment les deux communautés vont-elles pouvoir vivre ensemble après autant d’atrocités commises de chaque côté ? En général, les Cinghalais n’ont pas de sentiments hostiles envers les Tamouls. Ils ont même tendance à croire naïvement que, puisque le problème des LTTE est réglé, ils pourront à nouveau vivre en paix. Les Cinghalais sont moins sensibles aux besoins des Tamouls, lesquels souhaitent toujours exercer un certain niveau de pouvoir dans leurs régions et estiment avoir été victimes de discriminations et de souffrances telles qu’ils ont droit à un traitement spécifique. Les Cinghalais ne savent pas à quel point les Tamouls souffrent dans les camps de réfugiés internes, où ils sont 250 000 à s’entasser. Ils n’ont pas conscience de l’ampleur de la détresse des Tamouls qui, après tellement de luttes et de sacrifices, ont le sentiment d’avoir tout perdu. Parmi les Tamouls, c’est le désespoir et la peur de l’avenir qui dominent. Ils ne savent pas ce que le gouvernement va faire, pourquoi des centaines de milliers

L’INSOLITE

de personnes sont maintenues dans des camps de réfugiés, pourquoi la communauté internationale n’est pas autorisée à leur venir en aide, pourquoi les médias et les ONG nationales et internationales ne peuvent se rendre sur place. Les Tamouls vivent dans la suspicion, la crainte et la détresse, alors que les Cinghalais sont satisfaits. Nous allons pourtant devoir vivre ensemble. Quels sont les projets du gouvernement pour les Tamouls des camps de réfugiés ? Le gouvernement affirme que, d’ici six mois, il aura réinstallé 80 % de ces réfugiés tamouls dans leurs villages d’origine. Je ne pense pas que ce soit possible. En effet, il va d’abord falloir déminer le sol, reconstruire les infrastructures et établir de nouvelles bases militaires dans ces zones avant d’y renvoyer les civils, afin d’assurer leur sécurité. D’autant que le gouvernement craint que s’il renvoie ces gens avant que les miliciens des LTTE aient été chassés des jungles, ils recommenceront à se fondre au sein de la population civile et reprendront la lutte armée. Tout cela ne peut que ralentir le processus de réimplantation. e Propos recueillis par Samuel Grumiau

À MORT LA CRISE ! Le gouvernement australien a reconnu avoir versé de l’argent à des milliers de morts pour stimuler l’économie. Afin d’amortir le choc de la crise, il a envoyé en février 2009 un chèque à tous les contribuables ayant effectué leur déclaration d’impôt en 2008, qu’ils soient toujours en vie ou six pieds sous terre. Ce ne sont pas moins de 16 000 cadavres qui auraient bénéficié de cette manne. Les 16 000 «bénéficiaires» sont surnommés Grateful Dead («Les Morts Reconnaissants») par les médias, en référence au groupe psychédélique américain de Jerry Garcia. Le coût de ces paiements posthumes est estimé à 7,9 millions d’euros. Selon le ministre des Finances Lindsay Tanner, l’argent des macchabées n’est pas perdu puisqu’il va «à leurs héritiers», qui le réinjecteront nécessairement dans l’économie. D’après le député Stuart Robert, ce versement exceptionnel est aussi échu à des animaux domestiques que des contribuables avaient couchés sur leur testament. e (D’après Sunshine Coast Daily)

(1) Tigres libérateurs de l’Eelam Tamoul. Voir le dossier «Sri Lanka – Le huis clos», paru dans Libertés ! n°447 d’octobre 2008. (2) Dans une enquête s’appuyant sur des sources confidentielles de l’ONU, le Times britannique révèle que plus de 20 000 civils auraient été tués dans les bombardements opérés par l’armée sri-lankaise dans les dernières semaines du conflit. Le 29 mai, Amnesty a demandé à l’ONU de livrer ses chiffres relatifs aux victimes civiles tombées sous les coups de l’armée et des séparatistes.

FOCUS MYANMAR (BIRMANIE)

HARCÈLEMENT Le 14 mai dernier, Aung San Suu Kyi, dirigeante de la Ligue nationale pour la Démocratie, était transférée de son domicile (où elle était assignée à résidence) à la prison d’Insein à Rangoun, en compagnie de ses deux employées de maison.

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La prisonnière d’opinion et dirigeante de la Ligue nationale pour la Démocratie (NLD), Aung San Suu Kyi. © Chris Robinson

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rrêtée le 13 mai dernier, l’opposante birmane Aung San Suu Kyi était transférée le 14 mai à l’aube de son domicile (où elle était assignée à résidence depuis juillet 1989) à la prison d’Insein à Rangoun, après l’intrusion dans son domicile d’un ressortissant américain, John William Yettaw, le 3 mai dernier. Le Prix Nobel de la Paix a été incarcérée ainsi que ses deux employées de maison, Khin Khin Win et sa fille. L’opposante a été ensuite inculpée d’avoir enfreint les règles de son assignation à résidence, une semaine après l’annonce par le régime militaire de l’intrusion chez elle de cet Américain qui avait traversé un lac à la nage pour la rencontrer. Amnesty International a immédiatement demandé au Conseil de sécurité des Nations unies, en particulier la Chine et le Japon, ainsi qu’aux pays membres de l’Association des Nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE), d’intervenir pour obtenir la libération d’Aung San Suu Kyi et de ses deux employées. De son côté, le Rapporteur de l’ONU sur la situation des droits de l’Homme au Myanmar, Tomas Ojea Quintana, a qualifié d’illégal l’emprisonnement de l’opposante birmane et réclamé sa libération «sans condition», ajoutant : «Afin d’assurer la transition démocratique et la réconciliation nationale

auxquelles se sont engagés les dirigeants birmans, la totalité des 2 156 prisonniers d’opinion actuellement détenus devraient être libérés avant les élections de 2010». Et de conclure : «Étant donné que sa maison est sous bonne garde, la responsabilité de prévenir de telles intrusions et d’alerter les autorités repose sur les forces de sécurité et non sur Aung San Suu Kyi et ses employées». En mars 2009, le Groupe de Travail des Nations unies sur la détention arbitraire a déclaré que l’incarcération de cette femme enfreignait aussi bien le droit international que la législation du Myanmar. L’état de santé d’Aung San Suu Kyi s’est récemment dégradé. Lorsque son médecin de famille, Tin Myo Win, s’est présenté chez elle le 7 mai, les forces de sécurité l’ont empêché d’entrer. De retour à son domicile, il a été emmené par les autorités. Tin Myo Win est un ancien prisonnier d’opinion ; on ignore où il se trouve actuellement. Aung San Suu Kyi a passé 13 des 19 dernières années privée de liberté, la plupart du temps en résidence surveillée. La mesure d’assignation à domicile sous le coup de laquelle elle se trouvait jusqu’il y a peu aurait dû expirer le 27 mai 2009… e P.F. AGISSEZ POUR LA LIBÉRATION D’AUNG SAN SUU KYI http://www.isavelives.be/fr/node/3552


DOSSIER

CAMPAGNE «EXIGEONS LA DIGNITÉ»

LA MISÈRE EST MODERNE Il n’a évidemment pas fallu attendre Amnesty pour se faire une idée des chiffres de la pauvreté dans le monde. Il n’est pas davantage utile qu’Amnesty propose un énième plan d’éradication de la pauvreté ; il en existe un grand nombre et le choix de ceux qui méritent d’être soutenus est déjà l’objet de multiples débats. Néanmoins, quels que soient les plans mis en œuvre, l’ordre de priorité des projets, les programmes d’aide adoptés, aucune solution à la pauvreté n’aura d’impact à long terme tant que les droits humains ne seront pas placés au cœur de la démarche. Sans respect des droits humains (politiques, économiques et sociaux), aucune initiative sociale ou humanitaire ne réformera de façon durable et structurelle un monde dans lequel au moins 963 millions de personnes se couchent chaque soir en ayant faim, où un milliard de personnes vivent dans des bidonvilles, où une femme meurt toutes les minutes des complications d’une grossesse, où 1,3 milliard de personnes n’ont pas accès aux soins médicaux les plus élémentaires et où 2,5 milliards de personnes ne disposent pas d’installations sanitaires décentes, avec pour conséquence la mort de 20000 enfants chaque jour. C’est pourquoi, durant les six prochaines années, Amnesty International lancera le plus grand travail de recherche, de campagne et d’autonomisation de son histoire en tentant d’inverser le rapport de force en faveur des personnes pauvres et de leur offrir la possibilité de raconter leur histoire et de participer aux processus qui déterminent leur propre avenir.

Bien qu’ayant reçu une formation de deux ans en médecine prénatale et postnatale, la sage-femme Padmati Samal (g) est interdite de pratiquer un accouchement. Dans l’État d’Orissa (Inde), de nombreuses femmes enceintes n’ont pas accès aux soins. Khankira, juin 2005. © PANOS/Ami Vitale

POUR EN FINIR AVEC, LE DÉNI, L’INSÉCURITÉ ET L’EXCLUSION Les personnes qui vivent dans la pauvreté ne souffrent pas seulement de dénuement. Elles sont aussi piégées, exclues, sans possibilité d’avoir leur mot à dire, et menacées par la violence et l’insécurité. Pour les libérer de ce piège, Amnesty lance une campagne de six années pour qu’il soit tenu compte de chaque personne, que chacun ait son mot à dire, et que ceux qui détiennent le pouvoir veillent à ce que tous puissent vivre à l’abri de la peur et du besoin.

L

e respect intégral des droits humains nécessite de reconnaître que chacun a le droit de vivre dans la dignité, que chacun a droit à la nourriture, à l’eau, aux soins médicaux, à l’éducation et au logement. Ces exigences – qui figurent dans un nombre impressionnant de traités internationaux et de normes universelles – offrent théoriquement à ceux qui vivent dans la pauvreté un outil pour modifier les rapports de force qui les y maintiennent. Or, dans les faits, certains projets de développement se traduisent par une aggravation de la situation des plus pauvres.

Pour importante qu’elle soit, la croissance économique est un objectif que certains États poursuivent comme si elle pouvait par elle-même apporter une solution et elle est considérée comme une réussite, même lorsque les inégalités se creusent, que l’on songe aujourd’hui à l’Inde ou à la Chine. Ainsi, le programme mondial contre la pauvreté intitulé «Objectifs du Millénaire pour le Développement» (OMD) ne se préoccupe pas suffisamment des atteintes aux droits humains, lesquelles jettent des personnes dans la pauvreté et les y maintiennent, en particulier quand il s’agit des minorités ethniques et religieuses, des peuples

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DOSSIER indigènes, des femmes et des jeunes filles. Ce programme ne leur demande pas non plus de mettre fin aux nombreuses atteintes aux droits humains qui maintiennent des personnes dans la pauvreté et constituent des obstacles à la réalisation des OMD. Enfin, aucun mécanisme n’est prévu pour s’assurer que les États tiennent leurs engagements. Les gouvernements choisissent trop souvent les droits auxquels ils vont s’intéresser. Certains mettent en avant la démocratie et les droits de propriété, soutenant qu’ils apporteront la prospérité. D’autres veulent supprimer des libertés, au motif que la «stabilité» est indispensable à la croissance économique. Depuis près de cinquante ans, Amnesty International mène des recherches et des campagnes relatives aux droits humains. Longtemps, elle a focalisé son action sur les droits civils et politiques en organisant la lutte contre la répression, la torture et les assassinats. Récemment, l’ONG a «élargi le spectre» en militant pour le respect de tous les droits humains, l’expérience lui ayant appris que les droits étaient en pratique indivisibles. Les personnes qui vivent dans la peur et l’insécurité risquent davantage d’être confrontées au besoin, mais celles qui sont dans le besoin sont plus vulnérables face aux atteintes à leurs droits humains, ce qui engendre davantage de peur et d’insécurité. En somme, les atteintes aux droits humains engendrent et entretiennent la pauvreté et cette dernière est en retour une cause directe de nouvelles atteintes. Le précepte selon lequel tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits est la clé de voûte d’Amnesty. Cela signifie que, pour nous, chacun a droit aux mêmes possibilités de développement, à un niveau de vie décent, à vivre en toute sécurité, à disposer de ressources, à ne pas vivre dans la peur et à participer à la vie collective.

L’EXPÉRIENCE PLUS FORTE QUE LES MOTS Lorsque les personnes confrontées à la pauvreté évoquent leur expérience, elles ne parlent pas seulement de leur dénuement. Elles expliquent qu’elles risquent de ne pas avoir les moyens d’envoyer leurs enfants à l’école, ou qu’elles craignent que l’école, voire leur maison, soit démolie au bulldozer le lendemain matin. Elles parlent de la crainte de la violence, qui est omniprésente, et de leur peur d’être traitées comme des délinquants. Elles disent qu’elles ne sont jamais écoutées, qu’elles sont exclues non seulement de la société dite «ordinaire», mais aussi des décisions qui les concernent. Elles évoquent les arrestations arbitraires et la perte de leurs maigres moyens de subsistance quand des multinationales décident d’extraire les richesses naturelles qui se trouvent sous leurs pieds ; elles sont alors marginalisées et se voient dénier l’accès à la justice. La pauvreté n’est donc pas «seulement» une question de revenus ou de niveaux de vie et il ne suffit dès lors pas de relever ces niveaux pour la «résoudre». La pauvreté, c’est une situation dans laquelle quatre facteurs-clés interagissent : le manque d’argent, l’insécurité, l’exclusion et le sentiment de ne pas être entendu.

DES ÉCHÉANCES La communauté internationale s’est fixé des échéances, comme l’évaluation intermédiaire des «Objectifs du Millénaire» en 2010 et leur évaluation finale en 2015. D’autres rendez-vous sont les journées internationales (pour l’habitat, pour l’éradication de la pauvreté) ainsi que les sommets du G8 et du G20. Amnesty saisira chacune de ces opportunités pour rappeler l’enjeu des droits humains. À l’horizon 2015, Amnesty s’est fixé deux objectifs prioritaires : d’une part, obtenir un nouveau Plan d’Action global contre la pauvreté qui intègre complètement l’approche des droits humains et, d’autre part, faire en sorte que tous les mécanismes des droits humains de Genève (Conseil des droits de l’Homme, etc.) intègrent davantage la dimension de la pauvreté dans leur travail. Amnesty entend également faire pression sur deux acteurs fondamentaux qui forment en quelque sorte un «G2» et détiennent une bonne partie des leviers de la gouvernance mondiale : les États-Unis et la Chine populaire. En effet, aucun de ces deux pays n’a ratifié les deux pactes les plus importants en matière de droits humains: la Chine n’a pas ratifié le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), tandis que les États-Unis n’ont pas ratifié le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC).

TROIS EXIGENCES

Une femme portant son enfant passe devant des policiers pendant une opération dans le bidonville de Rocinha. Rio de Janeiro, 31 octobre 2005. © DR

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1. La poursuite de la lutte contre l’impunité et l’obligation de rendre des comptes des agents gouvernementaux et nongouvernementaux, aux niveaux national et international, pour les violations des droits humains qui génèrent de la pauvreté ou qui sont commises contre des personnes vivant dans la pauvreté. Amnesty va appuyer sur la reconnaissance croissante du caractère exécutoire des droits économiques, sociaux et culturels. 2. L’égalité d’accès aux droits, aux services et à la justice. Amnesty va faire campagne contre la discrimination dont sont victimes les pauvres dans l’accès au logement, à la santé, à l’eau et à l’éducation, ainsi que contre les inégalités d’accès aux ressources et aux services publics, et contre le fait de ne pas accorder la priorité aux plus démunis et aux plus marginalisés lors de la distribution des ressources. 3. La participation active des personnes vivant dans la pauvreté aux débats publics et à la prise de décision. La participation active est le droit des personnes d’être informées des décisions qui les concernent, d’avoir leur mot à dire dans ces décisions, de participer activement aux processus déterminants pour la mise en œuvre ou les violations de leurs droits, et donc d’exercer un contrôle sur les décisions qui ont des conséquences sur leur vie. Amnesty insistera également sur la liberté d’expression, de réunion, d’association et de négociation collective, et la nécessité de disposer d’un environnement permettant aux défenseurs des droits humains de faire leur travail. Dans les pages qui suivent, nous allons voir comment, les six années à venir, ces trois «exigences» vont être déclinées en cinq axes de campagne et d’interpellation : la mortalité maternelle, le droit au logement, la responsabilité des entreprises, la lutte contre les discriminations en Europe et, enfin, l’exigibilité de tous les droits humains par la mise en œuvre des instruments légaux internationaux. e


DOSSIER

LA MORTALITÉ MATERNELLE Cruel paradoxe, une femme meurt chaque minute dans le monde en donnant la vie. Longtemps considérée comme une fatalité, la mortalité maternelle est une des expressions les plus criantes de l’injustice liée à la pauvreté.

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lus de 500 000 femmes meurent chaque année des complications d’une grossesse. Presque toutes auraient pu être sauvées si des soins médicaux adaptés leur avaient été prodigués en temps voulu. Les frais facturés pour les services de santé, y compris pour certains soins obstétriques et moyens de contraception essentiels, empêchent souvent les femmes pauvres de bénéficier de la prise en charge médicale dont elles ont besoin. Pour celles qui vivent dans la pauvreté ou dans des zones reculées, il est difficile de se rendre dans les établissements de soin – les coûts de transport peuvent être prohibitifs ou les routes impraticables. Les femmes et les jeunes filles pauvres ne sont parfois pas informées des risques de complications, notamment si elles n’ont pas été scolarisées ou sont illettrées. Si l’écrasante majorité (plus de 95%) des femmes et des jeunes filles qui meurent des complications d’une grossesse sont pauvres et viennent de pays peu développés, des milliers de femmes meurent également dans les pays riches. La plupart sont issues de milieux marginalisés ou défavorisés. Aux États-Unis, le taux de mortalité maternelle chez les Afro-américaines est trois fois supérieur à celui des «Caucasiennes». Dans ce pays, plus de 46 millions de personnes n’ont tout simplement pas d’assurance maladie. Les femmes sont victimes d’une discrimination institutionnelle qui se retrouve au niveau familial. Parfois contraintes par leurs proches de se marier très tôt ou contre leur gré, elles sont parfois traitées comme des esclaves, insuffisamment nourries, emprisonnées dans leur propre maison et privées de toute liberté économique. En dépit de leur droit universel à la santé, l’accès aux soins de ces femmes se heurte à des obstacles économiques, culturels et sociaux. En dépit du droit universel de décider du moment de leur grossesse, elles ont rarement accès à la contraception ou aux informations qui leur permettraient de maîtriser leur fécondité. Lorsqu’une femme meurt, sa

Une femme enceinte attend l’infirmière dans le dispensaire Bilunu de Kindu, province de Maniema (Kivu). Kindu, novembre 2004. © PANOS/Aubrey Wade famille s’appauvrit davantage par la perte des moyens de subsistance qu’elle apportait, en raison des tâches non rémunérées qu’elle effectuait pour ses proches ou de la prise en charge et de l’éducation des enfants qu’elle assurait. Outre des actions «classiques» d’écriture de lettres, Amnesty mènera des actions de pression sur les pays donateurs (dont la Belgique). Des actions parfois spectaculaires, comme des «Caravanes de la Dignité» sont en préparation dans toute l’Afrique de l’Ouest, avec le

soutien depuis plus d’un an de la section belge francophone d’AI. Par ailleurs, si le Pérou est déjà «couvert», les groupes locaux d’AIBF vont travailler sur la Sierra Leone, le Burkina Faso et le Nicaragua. e AGIR IMMÉDIATEMENT ET CONCRÈTEMENT : «Nicaragua : Et les droits des femmes ?» Sur notre plate-forme d’action Isavelives.be http://www.isavelives.be/fr/node/3596

LE DROIT AU LOGEMENT On compte plus de 200 000 bidonvilles dans le monde. Ils constituent le domicile de plus d’un milliard de personnes, sur cinq continents.

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a population mondiale des bidonvilles augmente à un rythme alarmant. Selon certaines projections, en 2030, deux milliards de personnes vivront dans ce type d’habitat. Les habitants des bidonvilles sont exposés à un niveau élevé d’insécurité : menace permanente des policiers et des gangs ; expulsion forcée ; exclusion des services de base comme l’accès à l’eau potable, la santé et l’éducation. Bien souvent, ils n’ont pas accès à la justice à cause de la discrimination et parce que le simple fait d’habiter un bidonville suffit à être considéré comme un délinquant. Dans les processus et les décisions qui ont une incidence sur leur existence, les personnes vivant dans des bidonvilles ne peuvent généralement pas se faire entendre. Elles ne sont ni consultées, ni autorisées à participer aux prises de décisions concernant l’amé-

lioration de leur habitat ou les solutions de relogement après des expulsions forcées. Ce problème n’est pas propre aux pays en développement. On rencontre des cas similaires dans les villes européennes et dans leurs banlieues, dans les quartiers pauvres des États-Unis ou dans les réserves pour autochtones au Canada et en Australie. Les femmes sont particulièrement vulnérables dans les bidonvilles. Au Brésil, elles sont confrontées à de grandes difficultés lorsqu’elles tentent de signaler des violences conjugales ou d’autre nature à la police. Dans les zones dépourvues d’installations sanitaires, elles doivent s’éloigner pour trouver un endroit isolé ou attendre la nuit pour pouvoir faire leurs besoins avec un minimum de discrétion, ce qui accroît le risque qu’elles soient victimes de violence sexuelle ou de harcèlement.

Bref, les bidonvilles sont un «concentré» de violations des droits humains. À cet égard, Amnesty va se focaliser sur les cas du Kenya, de l’Angola, du Nigeria, du Caire, du Brésil et des États-Unis. Amnesty mènera des actions «classiques» d’écriture de lettres, mais également des actions de pression sur les pays donateurs (dont la Belgique). Des actions seront également menées contre les expulsions forcées. Il est également question de mobiliser les Actions urgentes pour réagir à ces exactions. e AGIR IMMÉDIATEMENT ET CONCRÈTEMENT : «Au Cambodge, des centaines de personnes sont laissées sans abri après des expulsions forcées» Sur notre plate-forme d’action Isavelives.be http://www.isavelives.be/fr/node/3545

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DOSSIER

LA RESPONSABILITÉ DES ENTREPRISES Les grands groupes industriels et de nombreuses entreprises ont un impact considérable sur les droits des personnes et des groupes. Cet impact peut être positif (création d’emplois et hausse du Revenu national) en créant les conditions théoriques du financement de services de base. Pourtant, les droits humains sont souvent bafoués car des entreprises exploitent les systèmes réglementaires corrompus, faibles ou inexistants de certains pays, et les populations concernées n’ont aucun moyen d’amener ces entreprises à rendre des comptes.

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eaucoup de pays parmi les plus riches au monde en matières premières figurent aussi parmi les plus pauvres, surtout lorsque leurs ressources naturelles représentent l’essentiel du Revenu national. Les projets sont souvent mis en œuvre par les entreprises d’industrie extractive sans évaluation sérieuse de leur impact potentiel en matière de droits humains, y compris sur les plans écologique et social. Des groupes de populations sont souvent chassés de leurs terres ou, s’ils ne le sont pas, leurs moyens de subsistance traditionnels risquent d’être détruits si les terres sont contaminées et les sources d’eau polluées. Les conflits et la violence peuvent s’intensifier quand, se sentant menacées, les entreprises prennent des mesures pour protéger leur capital. Dans les cas les plus extrêmes, ces entreprises s’associent aux autorités pour empêcher l’expression pacifique de revendications pour plus de justice en usant de la violence et de l’intimidation ou en essayant d’imposer le silence aux médias. Cette situation est d’autant plus préoccupante quand les gens n’ont accès ni à l’information, ni à la consultation, ni à la justice. Il en va de même lorsque les autorités ne font pas figurer, dans les accords conclus avec les entreprises, des dispositions protégeant les droits humains ou quand les responsables politiques refusent de contraindre les employeurs à rendre compte des actes commis en violation d’accords bien précis. Les populations autochtones, en particulier, figurent parmi les plus exposées aux atteintes à leurs droits fondamentaux, les moins protégées et les moins susceptibles de pouvoir bénéficier de recours utiles. Amnesty continue de travailler sur la «catastrophe de Bhopal». La nuit du 3 décembre 1984, l’explosion d’une usine d’Union Carbide (renommée depuis lors Dow Chemical) de pesticides avait dégagé 40 tonnes d’acide cyanhydrique dans l’atmosphère de cette ville de l’Inde, causant la mort d’entre 16 000 et 30 000

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Gaz enflammé pour l’exploitation pétrolière dans le delta du Niger. Nigeria, 1er février 2008

personnes, dont 8 000 la nuit-même de l’accident. En outre, Amnesty va également travailler sur des cas précis de violations dans le delta du Niger. Au niveau européen notamment, AI va faire campagne et pression pour obtenir la mise en place d’un cadre juridique rendant les entreprises comptables des violations dont elles se seraient rendues coupables, y compris en dehors des frontières de nos pays. C’est ici tout le concept de «comptabilité» ou de «redevabilité» des entreprises et d’obligations extraterritoriales qui est en jeu. e

LA DISCRIMINATION Le droit international relatif aux droits humains est fondé sur le principe de la non-discrimination. ment d’être victime d’un viol ou d’autres formes de Les rédacteurs de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme (DUDH) ont ainsi explicitement violence sexuelle. De nombreuses personnes subissent une discriminasouligné qu’ils considéraient ce principe comme la clef de voûte de la Déclaration.

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a discrimination porte atteinte à la notion même de droits humains. Or, elle persiste sous de nombreuses formes dans tous les pays du monde, qu’elle soit fondée sur la race, l’appartenance ethnique, la nationalité, le rang social, la religion, les convictions, le sexe, l’orientation sexuelle, l’identité de genre, l’âge ou l’état de santé, ou encore sur une combinaison de plusieurs de ces facteurs. Si le cadre où elle s’exerce et ceux qui l’appliquent ne sont pas toujours les mêmes, la discrimination, quelle que soit sa forme, trouve toujours son origine dans l’ignorance et les préjugés répandus dans la société, dans l’attitude discriminatoire des autorités et la répression qu’elles exercent et dans l’impunité dont jouissent trop souvent les responsables. Pis, certains gouvernements légitiment ouvertement certaines formes de discrimination au nom de la moralité, de la religion ou de l’idéologie. Lorsqu’elle est inscrite dans la loi (restriction des libertés fonda8 Libertés ! Juin 2009

mentales des femmes ou négation des droits des populations autochtones), la discrimination prive de fait certains individus de leurs droits humains. Mais il arrive aussi que la simple inaction des autorités favorise les actes de violence motivés par des préjugés. En ce qui concerne le maintien de l’ordre, la discrimination conduit les autorités à considérer certains groupes de personnes comme des «criminels en puissance». Ces personnes sont donc plus susceptibles d’être arrêtées et incarcérées que le reste de la population. Elles risquent également davantage, une fois arrêtées, d’être malmenées et soumises à des agissements pouvant constituer des actes de torture ou d’autres formes de mauvais traitements. L’identité ou le statut d’une personne peuvent aussi conditionner la nature et les conséquences de ces mauvais traitements. Ainsi, une femme transgenre détenue avec des hommes risque tout particulière-

tion qui s’appuie sur plusieurs éléments de leur identité comme par exemple, pour les femmes autochtones, le fait d’être une femme et celui d’appartenir aux peuples autochtones. En raison de la multiplicité de ces facteurs, la discrimination s’exerce de façon très différente selon les personnes concernées. Dans le cadre de la campagne «Dignité», Amnesty a privilégié un «axe européen» en prenant à bras le corps les exactions à l’encontre des «populations à risque», dont principalement les Roms, mais aussi les sans papiers. L’objectif est la mise en place de mesures législatives au niveau européen et des États membres de l’UE pour obtenir une directive et sa mise en application.e AGIR IMMÉDIATEMENT ET CONCRÈTEMENT : «Engagez les autorités slovaques à mettre fin à la discrimination dont sont victimes les enfants roms à l’école» Sur notre plate-forme d’action Isavelives.be http://www.isavelives.be/fr/node/3567


DOSSIER À VOS AGENDAS Le 27 mai, à l’occasion de la conférence de presse de présentation du Rapport annuel 2009, AIBF lançait également la campagne «Exigeons la dignité» (voir p.12). Mais d’autres dates sont déjà à inscrire dans vos agendas. 29 AOÛT : UNIVERSITÉ D’ÉTÉ DE LA CAMPAGNE «EXIGEONS LA DIGNITÉ»

17 OCTOBRE : DÉMARRAGE DE LA «CARAVANE DE LA DIGNITÉ»

Au programme : une conférence sur les droits fondamentaux et leur lien avec la pauvreté ; un atelier sur le concept d’empreinte des droits humains ; des propositions pour le travail des groupes au sein de chaque commune ; un jeu pour comprendre l’enjeu de la campagne «Exigeons la dignité» ; des films ; des discussions en petits groupes pour se préparer ensemble aux débats publics. Un condensé de campagne «Exigeons la dignité», une journée intensive, mais qui vise à vous donner davantage d’instruments, d’arguments et d’idées concrètes pour la campagne.

Dès le vendredi 16 octobre, la veille de la Journée internationale pour l’élimination de la pauvreté, une grande action de sensibilisation est proposée aux groupes : distribution de dazibaos dans les gares un grand classique qui a maintenant fait ses preuves. Dans 25 gares de la SNCB (21 en Wallonie et 4 à Bruxelles-Capitale), Amnesty proposera aux navetteurs et aux voyageurs du matin une affiche gratuite à apposer à leur fenêtre, sur leur lieu de travail, dans les salles d’attente sur tout mur où l’affichage est autorisé. Le samedi 17 octobre proprement dit, Amnesty donnera le signal de départ à sa «Caravane de la Dignité». L’objectif de cette Caravane est de s’adresser à de nouveaux publics et de récolter des voix en faveur d’une politique qui place les droits humains au centre de l’action de lutte contre la pauvreté. Il s’agira à proprement parler d’enregistrer les voix et de les faire écouter aux responsables politiques. Cette initiative s’inscrira dans une action mondiale de récolte de voix. e

Prix (repas compris) : 10 e (demandeurs d’emploi et étudiants : 5 e). Où ? : Maison Notre Dame du Chant d’oiseau, avenue des Franciscains 3 A, 1150 Bruxelles (Woluwe-Saint-Pierre), Bruxelles. Quand ? Le samedi 29 août 09h00 à 18h30. Inscriptions (de préférence par mail) avant le 15 août, auprès de Paola Peebles (ppeebles@aibf.be) ou par téléphone (02 543 79 05).

LA MISE EN ŒUVRE DE TOUS LES INSTRUMENTS INTERNATIONAUX Il faut pouvoir exiger les droits pour les rendre effectifs. Il faut que les traités internationaux soient ratifiés et que des mesures de mise en œuvre de ces traités soient votées le cas échéant. Cela se traduit par des revendications concrètes, comme la ratification du Protocole facultatif du Pacte International relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

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oixante ans après la Déclaration universelle des Droits de l’Homme, le 10 décembre 1948, l’Assemblée générale des Nations unies a enfin adopté une nouvelle procédure de plaintes. C’est une nouvelle possibilité concrète de réclamer justice pour les droits économiques, sociaux et culturels : le Pacte international relatif aux Droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC). Ainsi, en principe, tous les droits humains sont aujourd’hui justiciables. La «justiciabilité» d’un droit, c’est la possibilité de défendre la bonne application de ce droit en justice. Les citoyens des États ayant ratifié les Pactes de 1966 bénéficient de droits particuliers : la défense des droits énoncés dans les Pactes devant un Comité des Nations de l’ONU. Une nouvelle procédure de plainte est donc née le 10 décembre 2008. Elle offre l’opportunité à toute victime de défendre l’application de ses droits économiques, sociaux et culturels devant un comité des Nations unies. Il s’agit du droit au travail, de la liberté syndicale et du droit de grève, du droit à la sécurité sociale, de la protection des enfants et de la famille,

du droit à un niveau de vie suffisant, du droit à la santé, à l’éducation, au logement, à l’alimentation, du droit de participer à la vie culturelle et de bénéficier du progrès scientifique, ou encore, du droit à la propriété intellectuelle… Ainsi, désormais, tous les droits de la Déclaration universelle des droits de l’Homme seront justiciables : chacun pourra intenter un recours contre les autorités responsables. En cas de violation d’un des droits du PIDESC, si la victime de violation n’obtient pas justice dans son pays et que toutes les voies de recours internes sont épuisées, l’individu ou le groupe d’individus peut déposer une «communication» au Comité des Nations unies pour les Droits économiques, sociaux et culturels. Cependant, cette possibilité ne deviendra une réalité que lorsque le Protocole facultatif du Pacte relatif aux Droits économiques, sociaux et culturels sera ratifié par un minimum de 10 États. La Belgique a été un des acteurs importants en faveur de l’adoption du traité aux Nations unies. Mais, en Belgique, ratifier le Protocole signifie qu’il doit être adopté par 9 assemblées parlementaires. Amnesty compte dès lors demander au Premier Ministre de donner un coup de pouce à cette ratification en incitant toutes les Parlements à se prononcer rapidement en faveur du Protocole. Par ailleurs, comme nous le disions en page 6, la campagne d’Amnesty se concentrera aussi sur la nécessaire ratification, d’une part, du Pacte interna-

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Drapeaux des États-membres de l’ONU, devant l’immeuble du Secrétariat des Nations unies. New York, 9 octobre 2006.

tional relatif aux Droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) par les États-Unis et, d’autre part, du Pacte International relatif aux Droits civils et politiques (PIDCP) par la Chine. e AGIR IMMÉDIATEMENT ET CONCRÈTEMENT : «Pour que la Belgique continue de promouvoir les droits économiques, sociaux et culturels comme des droits fondamentaux» Sur notre plate-forme d’action Isavelives.be http://www.isavelives.be/fr/node/3566

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MOUVEMENT NOS FORMATIONS

GROS

PLAN

COORDINATION TURQUIE

«LE PROCESSUS DE DÉMOCRATISATION, C’EST DEUX PAS EN AVANT, UN PAS EN ARRIÈRE» 13 juin de 09h30 à 13h00 Le rôle d’Amnesty dans la protection des réfugiés 20 juin de 10h00 à 16h00 La protection internationale des droits fondamentaux 27 juin de 09h30 à 12h30 Découvrir et s’orienter au sein d’Amnesty 12 septembre de 09h30 à 12h30 Découvrir et s’orienter au sein d’Amnesty 12 septembre de 10h00 à 16h30 Les violences conjugales 26 septembre de 10h00 à 15h00 Terrorisme, sécurité et droits humains N’hésitez pas à vous inscrire dès maintenant aux formations programmées en septembre. Le nouveau module intitulé «Terrorisme, sécurité et droits humains» vous permettra de mieux comprendre les enjeux de la lutte anti-terroriste et les répercussions de celle-ci sur un grand nombre de citoyens qui subissent, de ce fait, des violations de leurs droits. Si vous venez de devenir membre de notre organisation, nous vous conseillons de commencer par suivre la formation intitulée «Découvrir et s’orienter au sein d’Amnesty». Vous aurez de cette manière une idée plus précise du travail effectué par Amnesty en faveur du respect des droits humains. Pour vous inscrire aux différents modules et obtenir plus de détails concernant leur contenu, rendez-vous sur notre site Internet : http://www.amnesty.be/formations e Pour toute demande de renseignements, envoyez-nous un email à formations@aibf.be ou téléphonez-nous au 02/538 81 77, de préférence les mardi, jeudi et vendredi.

LE PETIT ÉCRAN DU MERCREDI 17 JUIN – À BRUXELLES LE TEMPS DES FEMMES Distingué dans plusieurs festivals et couronné du Prix Henri Storck à Bruxelles en 2007, ce documentaire sera présenté par son réalisateur Firaz Turkuaz. Pur cinéma-vérité, c’est le portrait de trois femmes dans l’Anatolie d’aujourd’hui : une grand-mère veuve, une mère dont le mari travaille au loin et une jeune fille. Au fil du temps, elles ont dû apprendre à vivre seules et à se serrer les coudes face à l’adversité. Un éloge à la vie par la force des rapports entre générations. e À 19h00 au SN, rue Berckmans 9, 1060 Bruxelles (Saint-Gilles) PAF : 3 e – Infos : 02 538 81 77

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La perspective de l’adhésion de la République de Turquie à l’Union Européenne a eu pour effet d’en bouleverser le paysage politique. La récente affaire Ergenekon va dans ce sens et a mis à jour un État dans l’État. Désormais, la priorité du gouvernement turc est le démantèlement de cet «État profond» antidémocratique. Entretien avec Jenny Vanderlinden, responsable de la Coordination Turquie.

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omment êtes-vous arrivée à la coordination Turquie ? En plus de mes activités professionnelles, je me suis impliquée activement depuis 1995 au sein d’Amnesty International en défendant un avocat turc qui avait passé près de 17 années de sa vie en prison. J’ai rencontré la famille de cet avocat et je me suis pleinement intéressée à son cas et aux problèmes des droits humains en Turquie. Lorsque le précédent coordinateur Turquie est parti, j’ai accepté de le remplacer. Le travail sur la Turquie est très motivant parce qu’on a le sentiment de pouvoir apporter un changement. La perspective de l’adhésion à l’UE est une opportunité unique pour le gouvernement turc de mettre en place des réformes au niveau des droits humains. J’ai également suivi des cours de turc !

Comment s’organise votre travail ? Tous les 18 mois, nous fixons les priorités d’action lors d’une réunion avec le Secrétariat International (SI). Ensuite nous travaillons avec les groupes locaux en Belgique sur des campagnes spécifiques décidées lors de ces réunions. Nous avons un projet commun avec le SI qui se nomme Trial Observation Project et qui consiste à nous rendre régulièrement en Turquie pour assister à des procès en tant qu’observateurs. Il y a deux mois, j’ai assisté à Ankara au procès de l’écrivain turc Temel Demirer. Il était poursuivit par la justice pour avoir déclaré publiquement que le journaliste d’origine arménienne Hrant Dink avait été assassiné parce qu’il avait parlé du génocide arménien. Par ailleurs, un rapport sur les réfugiés en provenance notamment d’Iran et d’Irak vient d’être publié par Amnesty. Nous allons très vite travailler sur ce rapport et mener des actions lors la Journée mondiale des Réfugiés, qui a lieu le 20 juin. Pouvez-vous nous parler de l’affaire «Ergenekon» qui semble provoquer d’importants remous en Turquie ? En Turquie, il y a un pouvoir parallèle qu’on appelle l’«État profond» (Derin Devlet) constitué de militaires de haut-rang, d’intellectuels, de jour-

nalistes et de tout ce que compte l’élite kémaliste. Ils surveillent le gouvernement en place. La Turquie a connu plusieurs coups d’État provoqués par les militaires. À chaque fois un régime démocratique a repris le dessous encadré par cet «État profond». Ces deux dernières années, la Turquie a connu quelques turbulences. En 2007, le gouvernement de l’AKP (1) a voulu passer une loi qui autorisait les jeunes femmes à porter le voile dans les universités. Les militaires, qui se considèrent comme les gardiens de la laïcité, ont alors demandé que l’AKP soit banni de la vie politique, estimant que cette loi représentait une atteinte inacceptable à la Constitution turque. Si la Cour suprême a finalement rejeté la demande des militaires, des amendements à la loi ont néanmoins été votés, attestant ainsi de la force de l’institution militaire. La police et la justice ont ensuite déclenché une opération d’envergure contre un réseau que l’on soupçonne d’être très proche de l’«État profond» : le réseau Ergenekon (2). Après avoir trouvé une cache d’armes près d’Istanbul, l’enquête s’est dirigée vers des personnalités très importantes, débouchant sur l’arrestation de 86 personnes. Les procès actuellement en cours indiquent qu’il y a eu énormément de tentatives pour déstabiliser les gouvernements en place en Turquie, allant même jusqu’à tenter de provoquer un coup d’État. Des attentats non-revendiqués, dont certains étaient attribués au PKK (Parti des Travailleurs du Kurdistan), seraient le fait du réseau ultranationaliste Ergenekon, tout comme l’assassinat du journaliste arménien Hrant Dink et plusieurs autres affaires que le procès d’Ergenekon semble devoir éclaircir. La question est dans quelle mesure la justice turque pourra mener à bien son travail et condamner les responsables. De nombreuses personnes pensent aujourd’hui que le gouvernement est en train de mettre à jour le sommet de cet iceberg qu’est l’«État profond». On a retrouvé une liste de personnalités à éliminer, parmi lesquelles le Premier ministre et l’ancien chef d’état-major, ainsi que le Prix Nobel de Littérature Orhan Pamuk. La liberté d’expression est un gros problème en Turquie. Des gens sont inculpés dès lors qu’ils


MOUVEMENT

© Irving Teitelbaum

CERCLE PETER BENENSON & THÉÂTRE DE POCHE

23 JUIN – BRUXELLES LA LIBERTÉ D’EXPRESSION EN BELGIQUE Jenny Vanderlinden, dans les locaux d’AIBF. Bruxelles, 20 mai 2009. © Bruno Brioni

émettent une opinion contraire aux positions du gouvernement ou de l’armée. Orhan Pamuk avait osé aborder la question du génocide arménien et de la responsabilité de son pays dans ce génocide. Ceux qui tiennent de tels propos sont très mal vus par les groupes ultranationalistes. Ces personnalités reconnues (et très connues à l’étranger) représentent un danger pour ces groupes qui sont prêts à tout pour les réduire au silence. Qu’est-ce qui, selon vous, sape le plus la démocratisation de la Turquie ? La reconnaissance du génocide arménien ou celle de la question kurde ? Je pense que cela reste la question kurde. Tant qu’il n’y aura pas de dialogue avec des partis kurdes comme le DTP (Demokratik Toplum Partisi ou Parti pour une Société démocratique), il n’y aura pas de solution. À l’heure actuelle, il y a encore trop de discriminations vis-à-vis des kurdes. À lire la presse turque, il semble qu’il y ait une réelle volonté du gouvernement actuel de trouver une solution. D’autant qu’on assiste depuis quelques mois à une reprise des tensions et des affrontements armés. Il y a eu récemment quelques grandes manifestations dans le sud-est anatolien pour commémorer l’anniversaire d’Abdullah Öcalan (3). Ces rassemblements ont été réprimés de façon disproportionnée par l’armée et la police, des centaines de jeunes de 13 à 18 ans étant arrêtés, jugés par des tribunaux pour adultes et par conséquent détenus dans des prisons pour adultes. Le processus de démocratisation en Turquie, c’est en quelque sorte deux pas en avant, un pas en arrière. Ainsi, de nouvelles lois antiterroristes donnent plus de pouvoir à la police au nom de la lutte antiterroriste, alors que, de 2003 à 2005, les réformes allaient plutôt dans le sens contraire. On peut cependant dire que la Turquie avance dans le bon sens. Dans le cadre de vos actions en Belgique, vous avez rencontré, il y a quelques semaines un représentant de l’association Lambda Istanbul. Les droits des homosexuels ne sont-ils pas respectés en Turquie ? Début mai, nous avons invité un représentant de cette association qui prépare un rapport sur les droits des homosexuels. La presse belge l’a rencontré et cette couverture et ce relais médiatiques sont très importants. Formellement,

l’homosexualité n’est pas réprimée par la loi turque. Cependant, on constate que certaines personnes sont poursuivies pour «atteinte à la morale». L’association Lambda Istanbul a été menacée l’année dernière de dissolution parce qu’elle porterait atteinte à la «morale publique». Peu de poursuites sont engagées si un homosexuel est assassiné. Pour la police, ce n’est pas important, ce n’est qu’«un» homosexuel dans une société turque où les rôles des hommes et des femmes sont très clairs. En partenariat avec Amnesty Turquie, nous allons mener des campagnes de sensibilisation aussi bien à Istanbul qu’en Belgique en envoyant des courriers aux responsables politiques turcs. La perspective d’adhésion à l’Union Européenne a-t-elle eu un impact sur la situation des droits humains en Turquie ? Oui, de toute évidence, cette perspective d’adhésion a fait bouger pas mal de choses, même si l’on note un ralentissement des réformes depuis 2005. Je suis coordinatrice Turquie depuis 9 ans et je peux vous assurer que les choses ont bien changé. On passe de périodes d’euphorie à des périodes de recul, mais les choses avancent. Pour reprendre l’exemple de la récente loi antiterroriste (conséquence de la reprise des armes par le PKK), elle permet de mettre des enfants de 13 ans en prison avec des adultes alors qu’on venait d’observer des avancées considérables concernant les lois sur la garde à vue et sur les droits de la défense. La Turquie n’avance pas au rythme souhaité par l’Union Européenne et Amnesty, mais il faut reconnaître que les changements sont réels. Il y a vingt ans, l’affaire du voile qui a opposé les militaires et le gouvernement de l’AKP aurait plus que certainement débouché sur un coup d’État militaire. Cette fois, cela n’a pas été le cas et on peut considérer cela comme une avancée considérable. e Propos recueillis par Bruno Brioni et Pascal Fenaux (1) L’Adalet ve Kalkınma Partisi (Parti de la Justice et du Développement) est un parti islamique modéré au pouvoir depuis 2002. Son président, l’ancien maire d’Istanbul Recep Tayyip Erdo an, est depuis 2003 Premier ministre de la Turquie. (2) Le nom de cette nébuleuse évoque un lieu mythique d’Asie centrale où serait née la nation turque. (3) Fondateur et leader du PKK (Partiya Karkerên Kurdistân ou Parti des Travailleurs du Kurdistan), Abdullah «Apo» Öcalan a été condamné à mort en 1999 pour activités terroristes.

Combat initial mené par Amnesty International, les libertés d’opinion et d’expression sont encore menacées. Même en Belgique, certains faits laissent craindre une régression en dépit de discours lénifiants. Représentation de L’Île, une pièce des Sud-Africains Athol Fugard, John Kani et Winston Ntshona. Pour plus de détails, voir notre rubrique «Agenda» (p. 15) Débat en présence de Mehmet Köksal (journaliste d’investigation et animateur du blog «Humeur Allochtone, fermé en octobre 2007 suite à une série de d’intimidations et d’agressions), Benoît Van der Meerschen (président de La Ligue des Droits de l’Homme) et Philippe Hensmans (directeur d’Amnesty International Belgique Francophone) e Au Théâtre de Poche, Bois de la Cambre, 1A Chemin du Gymnase - 1000 Bruxelles Entrée : 15 e (+ de 26 ans) 12 e (60 ans et +) 10 e (- de 26 ans) 7,5 e (demandeurs d’emploi), 1,25 e (Article 27) - réservation au 02 649 17 27 En partenariat avec le Théâtre de Poche.

JOURNÉE INTERNATIONALE CONTRE LA TORTURE 26 JUIN – GARE AUX DAZIBAOS À l’occasion de la Journée internationale des Nations unies pour le soutien aux victimes de la torture, le 26 juin, les membres et sympathisants d’Amnesty International organisent des actions dans le monde entier. Vu les dérives observées ces 8 dernières années et forts de certains engagements pris par la nouvelle administration américaine, ils demandent aux gouvernements de réaffirmer leur engagement en faveur de ce qui a été affirmé à l’unanimité après la Seconde Guerre mondiale : la torture et les autres formes de mauvais traitements sont absolument interdites. En Belgique, Amnesty International organise une distribution de dazibaos dans les principales gares SNCB de Wallonie et de Bruxelles-Capitale (voir l’affiche en page 16). e Renseignements : ppeebles@aibf.be

MARCHÉ AUX LIVRES 27 JUIN - NAMUR Le Groupe 28 met en vente 15 000 livres de seconde main, classés sous une trentaine de rubriques, à prix d’amis, au profit d’Amnesty International. Quand ? Le samedi 27 juin de 09h00 à 18h00. Où ? À l’Athénée royal François Bovesse, rue du Collège 8, 5000 Namur (près de Saint-Loup) e Renseignements : Daniel Clarembeaux (081 73 05 66)

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MOUVEMENT BELGIQUE

BAPTÊME DU FEU

Ce sont aussi 80 groupes locaux qui, sur le terrain, font un travail d’action et de sensibilisation aux droits humains. Pour vous y joindre, contactez votre régionale.

Le 27 mai dernier, Amnesty International faisait d’une pierre deux coups, en publiant son Rapport annuel 2009 sur la situation des droits humains dans le monde, simultanément au lancement de la campagne «La misère est moderne».

SECRÉTARIAT NATIONAL AIBF Rue Berckmans 9, 1060 Bruxelles 02 538 81 77 Fax : 02 537 37 29 www.amnesty.be SECRÉTARIAT INTERNATIONAL Easton Street 1, London WC1X ODW United Kingdom 00 44 207 413 5500

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ette année, la sortie «classique» du rapport 2009 d’Amnesty sur la situation des droits humains dans 157 pays s’est greffée sur le lancement d’une nouvelle campagne au long cours, «Exigeons la dignité», déclinée en Belgique sous le leitmotiv «La misère est moderne» (voir notre dossier pages 5 à 9). La prestigieuse Salle des mariages de l’Hôtel de Ville de Bruxelles a accueilli la conférence de presse organisée conjointement par Amnesty International Belgique francophone (AIBF), Amnesty International Vlaanderen (AIVL) et le Bureau européen d’Amnesty International (AIEU), représentés respectivement par Philippe Hensmans, Karen Moeskops et Natalia Alonso. Le Rapport annuel épingle la Belgique pour des cas de violences policières, de mauvais traitements et d’attitudes racistes de la part de policiers envers des étrangers en situation irrégulière pendant la procédure d’éloignement. Si les détentions de mineurs en situation irrégulière sur le territoire sont montrées du doigt, on note néanmoins la mise en place en octobre 2008 d’une procédure-pilote censée éviter la détention en centre fermé de certaines familles en situation irrégulière. En ce qui concerne la lutte contre le terrorisme, l’affaire du procès du mouvement turc d’extrême-gauche DHKP-C (Devrimci Halk Kurtulu Partisi/Cephesi ou Parti/Front de Libération révolutionnaire du Peuple) est également abordée. Jugés actuellement par la Cour d’Appel de Bruxelles, six membres du DHKP-C (dont Bahar Kimyongür et Musa Asoglu) attendent le prononcé du délibéré, prévu pour le 14 juillet 2009.

AMNESTY INTERNATIONAL VLAANDEREN Kerkstraat 156, 2060 Antwerpen 6 03 271 16 16 RESPONSABLES RÉGIONAUX D’AMNESTY BRABANT WALLON Jean-Philippe CHENU chemin de la Terre Franche 13 1470 Genappe 010 61 37 73 – jpchenu@aibf.be BRUXELLES Le poste de coordinateur est vacant ! Pour des renseignements sur le profil requis avant d’envoyer un CV, écrire à Antoine CAUDRON – Amnesty International, rue Berckmans 9, 1060 Bruxelles ou envoyer un e-mail à acaudron@aibf.be

En guise de tremplin à sa campagne «Exigeons la Dignité», le Rapport 2009 dénonce une crise des droits humains. «La bombe à retardement sociale, politique et économique sur laquelle nous sommes assis explosera si rien n’est fait pour s’attaquer aux problèmes relatifs aux droits humains. L’insécurité, l’injustice et l’avilissement sont aujourd’hui le lot de milliards d’êtres humains, et même si de nombreux aspects de cette crise ont pris naissance avant l’actuelle récession économique, la situation financière mondiale n’a fait que les aggraver.» e P.F.

l Conférence de presse à l’Hôtel de Ville de Bruxelles, le 27 mai 2009. © Bruno Brioni.

TIAN’ANMEN

20 ANS D’IMPUNITÉ Le 4 juin, vingt ans après la sanglante répression du mouvement étudiant de la Place Tian’anmen, les militants d’Amnesty se sont manifestés symboliquement devant l’ambassade de Chine à Bruxelles.

I

l y a vingt ans, en Belgique, suite à l’effroyable répression du mouvement étudiant chinois sur la Place Tian’anmen, les militants d’Amnesty International Belgique francophone s’étaient mobilisés pour soutenir les dissidents et protester contre le bain de sang. Des milliers d’autocollants et de banderoles où était imprimé un article de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme en chinois avaient été distribués par la poste, le quotidien bruxellois Le Soir et les groupes locaux. Vingt ans se sont écoulés, vingt ans d’impunité pour les bourreaux, vingt ans de souffrances pour les victimes et vingt ans d’amnésie pour la majorité des citoyens chinois. AIBF a tenu à «marquer le coup» en organisant une manifestation silencieuse et dansante devant l’ambassade de Chine à Woluwe-Saint-Pierre. e

12 Libertés ! Juin 2009

HAINAUT ORIENTAL Nicole GROLET av. Elisabeth 6, 6001 Marcinelle 071 43 78 40 – ngrolet@aibf.be LIÈGE Jean-Pierre ANDRÉ 04 387 51 07 – jpablegny@yahoo.fr Christine BIKA Responsable de la gestion de la permanence – C/O Bureau régional d’AI – rue Souverain Pont 11 – 4000 Liège – du lundi au vendredi de 13h30 à 17h30 04 223 05 15 bureaudeliege@aibf.be LUXEMBOURG Daniel LIBIOULLE Avenue de la Toison d’Or 26 6900 Marche en Famenne 084 31 51 31 dlibioulle@aibf.be NAMUR Romilly VAN GULCK Rue Vivier Anon 8, 5140 Sombreffe 071 88 66 69 rvangulck@aibf.be

© AIBF

WALLONIE PICARDE Marie NOËL Rue Cheny 1, 7536 Vaulx 069 77 66 13 – 0499 13 57 25 mnoel@aibf.be


IS AV ELIV ES . B E B O N N ES N O UV EL L ES Dans tous les pays du monde, des gens sont libérés grâce au travail des membres d’Amnesty. Des témoignages émouvants nous parviennent des prisonniers libérés ou de leur famille. Ils montrent qu’une action de masse peut avoir des résultats pour un meilleur respect des droits humains.

INDE LIBÉRÉ SOUS CAUTION Arrêté le 14 mai 2007 pour des considérations politiques, le docteur Binayak Sen a bénéficié d’une mise en liberté sous caution ce mardi 26 mai sur décision de la Cour suprême. Âgé de 59 ans, Binayak Sen est l’un des premiers à avoir œuvré pour rendre les soins de santé accessibles aux communautés marginalisées et indigènes du Chhattisgarh, où des affrontements opposent la police de l’État et les maoïstes armés depuis six ans. Le docteur Sen a remercié Amnesty International et d’autres ONG de défense des droits humains. Bien que les poursuites engagées contre lui n’ont toujours pas été abandonnées, il a déclaré qu’il poursuivrait son action en faveur des droits humains au Chhattisgarh même s’il recevait des menaces de mort de la part d’«acteurs étatiques et non-étatiques». e

IRAN JOURNALISTE LIBÉRÉE La prisonnière d’opinion irano-américaine Roxana Saberi a été libérée le 11 mai 2009. La 14e chambre de la Cour d’Appel de Téhéran a examiné le 10 mai le recours introduit contre sa condamnation et a commué sa peine de huit années d’emprisonnement en deux ans avec sursis. Elle a également été condamnée à une interdiction d’exercer le métier de journaliste en Iran pendant cinq ans. Roxana Saberi avait été arrêtée le 31 janvier 2009. Elle a d’abord été accusée d’avoir acheté de l’alcool (ce qui est illégal en Iran), puis d’avoir continué ses activités de journaliste après que sa carte de presse eut été annulée. À sa libération, elle a déclaré: «Je suis très heureuse et reconnaissante envers toutes les personnes qui m’ont aidée. Je veux être avec ma famille […], avec ma mère et mon père.» Elle devrait retourner aux États-Unis très prochainement. e

GRÈCE 22000 SIGNATURES Un haut responsable du ministère grec de l’Intérieur s’est engagé à ce que justice soit rendue pour la syndicaliste Konstantina Kouneva après que 22 000 personnes eurent signé la pétition lancée en sa faveur. Amnesty International a remis les 22 000 signatures à Christos Markogiannakis, ministre adjoint au ministère de l’Intérieur, le mardi 5 mai. Le 22 décembre 2008, Konstantina Kouneva, une dirigeante syndicale, avait été gravement blessée par des inconnus qui lui avaient lancé de l’acide au visage. Cette agression est survenue à la suite de tensions croissantes entre Konstantina Kouneva et ses employeurs dues à ses activités au sein d’un syndicat revendiquant le respect des droits fondamentaux des employés de l’industrie du nettoyage, dont un grand nombre sont des travailleurs migrants. e

TCHAD ENSEIGNANT RELÂCHÉ Issa Palkoubou a été libéré le 21 mai au matin. Il était affaibli et malade, et il ignorait pour quelle raison il avait été arrêté. Personne ne l’avait revu depuis qu’il avait été enlevé en septembre 2008 dans l’établissement scolaire où il travaillait. Amnesty International sait maintenant qu’il a été détenu dans une cellule de la Sûreté nationale à N’Djamena, la capitale tchadienne. e

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ISRAËL ET TERRITOIRES PALESTINIENS OCCUPÉS

DÉTENU SANS JUGEMENT

D

epuis le 3 avril 2008, Ghassan Khaled, un enseignant de l’Université de Naplouse (Cisjordanie), est maintenu en détention administrative par l’armée israélienne. Cette procédure permet de priver de liberté pour une durée indéterminée, sans inculpation ni jugement. Ghassan Khaled avait d’abord été placé en détention entre le 16 janvier et le 19 mars 2008. Il a affirmé devant le tribunal que des agents du Shabak (Sûreté générale) lui avaient infligé des mauvais traitements assimilables à la torture et ayant provoqué une hémorragie interne. Le 6 mars 2008, Ghassan Khaled a été inculpé de «services à une organisation non autorisée». À l’issue d’une audience devant le tribunal militaire le 12 mars, le juge l’a libéré sous caution, estimant que les accusations étaient non fondées. L’armée a de nouveau arrêté Ghassan Khaled le 31 mars 2008, le plaçant en détention administrative pour six mois. Après avoir rejeté cette ordonnance, le tribunal militaire est revenu sur sa décision, le Shabak accusant désormais Ghassan Khaled de «préparer une opération militaire». Ghassan Khaled a réfuté cette nouvelle allégation injustifiée devant la Haute Cour, le 22 mai 2008, mais a été débouté. Les «éléments de preuve» invoqués par le Shabak restent secrets. Le 30 mars 2009, sa détention administrative a été prolongée de

© Privé six mois. Le 5 avril, un juge militaire a ordonné la libération de Ghassan Khaled, mais l’armée a de nouveau interjeté appel et l’ordonnance de détention administrative a été confirmée le 26 avril, même si sa durée a été ramenée à quatre mois. e

Lire aussi sur isavelives.be : http://www.isavelives.be/fr/node/3652

MODÈLE DE LETTRE Monsieur le Vice-Premier ministre, Depuis le 3 avril 2008, Ghassan Khaled, un enseignant de l’Université de Naplouse (Cisjordanie), est maintenu en détention administrative par l’armée israélienne. Il est accusé de «préparer une opération militaire», mais les «éléments de preuve» invoqués par le Shabak sont gardés secrets. En tant que membre/sympathisant(e) d’Amnesty International, je vous demande que Ghassan Khaled soit remis en liberté, à moins qu’il ne soit inculpé et jugé dans le cadre d’une procédure conforme aux normes internationales. Une enquête indépendante doit être menée sur la torture et les mauvais traitements qu’il aurait subis. Espérant que vous ferez droit à ma requête, je vous prie d’agréer, Monsieur le Vice-Premier ministre, l’expression de ma considération distinguée. Signature : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Nom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Adresse : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

LETTRE À ADRESSER À : Deputy Prime Minister and Minister of Defence, Ehud Barak, Ministry of Defence 37 Kaplan Street – Hakirya – Tel Aviv 61909, Israël Fax : +972 3 691 6940 – E-mail : ehudb@knesset.gov.il

COPIE À ENVOYER À : Ambassade de l’État d’Israël, Avenue de l’Observatoire, 40, 1180 – Bruxelles (Uccle) Fax : 02 373 56 17 – E-mail : cons-sec@brussels.mfa.gov.il

Libertés ! Juin 2009 13


IS AV ELIV ES . B E RUSSIE (INGOUCHIE)

MORT EN GARDE À VUE

L

e 8 septembre 2007, à 5 heures du matin, des agents des forces de l’ordre ingouches et russes ont interpellé Mourad Bogatyrev, 37 ans, à son domicile en Ingouchie. Tandis que des policiers fouillaient sa maison, il a été conduit au poste de police du district de Malgobek où il est mort quelques heures plus tard, sans doute suite à des actes de torture. Ce matinlà, à 8 heures, des membres de sa famille qui attendaient devant le poste de police ont vu des hommes emporter le corps dévêtu de © Privé Mourad Bogatyrev. Des policiers leur ont dit qu’il était mort d’une crise cardiaque et niveau du cartilage, nombreux hématomes aux qu’ils transféraient sa dépouille pour effec- extrémités.» Sa famille soutient qu’il n’avait tuer une autopsie. Lorsque son corps a été pas de contusion ni de plaie la veille de son remis à ses proches, ceux-ci ont réalisé un arrestation et qu’il n’avait jamais consulté de témoignage vidéo qui indique des ecchy- médecin pour un quelconque problème moses aux pieds, aux jambes et à la tête. cardiaque. En octobre, le bureau du procuD’après son acte de décès, la mort est due à reur a ouvert une information judiciaire une grave insuffisance cardiaque et à une pour «abus d’autorité par un agent de l’État» cardiopathie ischémique. Le certificat (aux termes de l’article 286 du Code pénal mentionne également les blessures russe). Amnesty International ne dispose suivantes : «Lésion contuse fermée à la cage thora- d’aucune information donnant à penser que cique, avec fracture du sternum et de côtes au l’enquête a progressé. e Lire aussi sur isavelives.be : http://www.isavelives.be/fr/node/3653

MODÈLE DE LETTRE Monsieur le Président, Arrêté à son domicile le 8 septembre 2007 à l’aube par des policiers ingouches et russes, Mourad Bogatyrev, 37 ans, a été conduit au poste de police du district de Malgobek où il est mort quelques heures plus tard, sans doute suite à des actes de torture que semble confirmer une vidéo prise par ses proches et l’acte de décès. En tant que membre/sympathisant(e) d’Amnesty International, je vous prie, Monsieur le Président, de diligenter une enquête indépendante sur les mauvais traitements que Mourad Bogatyrev aurait subis en détention et de traduire en justice les responsables présumés. En espérant que ma requête ne restera pas sans suite, je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de mes sentiments les plus respectueux. Signature : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Nom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Adresse : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

LETTRE À ADRESSER À : President of the Republic of Ingushetia, Yunus-Bek Bamatgireevich Evkurov, Pr.Idrisa Ziazikova, 14, Magas 38600 Republic of Ingushetia Russie

COPIE À ENVOYER À : Ambassade de la Fédération de Russie Avenue de Fré, 66 1180 – Bruxelles (Uccle) Fax : 02 374 26 13 E-mail : amrusbel@skynet.be

COMMENT AGIR EFFICACEMENT ?

TARIFS POSTAUX

Les cas exposés concernent des victimes de violations des droits humains dont s’occupe Amnesty International. Chaque appel compte. Un texte (à écrire ou à photocopier) vous est proposé pour chaque cas. Dans l’intérêt des victimes, écrivez en termes mesurés et courtois aux adresses indiquées. Ces lignes sont lues partout dans le monde par les quelque 1800000 membres d'Amnesty International. Elles sont reproduites dans de nombreux pays par des dizaines de journaux et constituent la clé de voûte de l'action du mouvement.

Lettres (jusqu’à 50 grammes) Belgique: 0,59e; Europe: 0,90e; reste du monde: 1,05e. La surtaxe aérienne est incluse (étiquette requise).

ANGOLA

ANCIEN JOURNALISTE ET PRISONNIER D’OPINION

L

à l’accuser. Malgré cela, Fernando Lelo a été ’ancien journaliste angolais José détenu sans inculpation pendant plus de Fernando Lelo purge une peine de quatre mois dans l’aile militaire de la prison douze ans de prison pour atteinte à la de São Paulo, à Luanda, la capitale angosécurité de l’État et complot. Condamné à laise. Son procès s’est déroulé devant le l’issue d’un procès inique pour avoir tribunal militaire de Cabinda du 5 mai au exprimé ses opinions de manière pacifique, 11 juin 2008. Amnesty International le considère comme En tant que civil, il n’aurait pas dû être jugé un prisonnier d’opinion. Au cours de sa par une juridiction militaire. Le carrière de journaliste, Fernando Lelo a régu16 septembre 2008, le tribunal l’a reconnu lièrement critiqué la politique des autorités coupable des faits qui lui étaient reprochés de la province de Cabinda, une enclave angoet l’a condamné à douze ans d’emprisonnelaise entre la République du Congo ment. Les six soldats ont été jugés en même (Congo-Brazzaville) et la République démocratemps que lui. Cinq ont été reconnus coupatique du Congo (RDC). Son arrestation a eu bles de tentative de rébellion armée et de lieu à la suite d’accusations apparemment crimes militaires, et condamnés à treize ans lancées par six soldats, lesquels auraient de prison. Le sixième soldat a été acquitté. Le déclaré qu’il leur avait fourni argent et matétribunal a, semble-t-il, été dans l’impossibiriel en vue d’une rébellion. Ces soldats ont lité de prouver que Jose Fernando Lelo avait ensuite déclaré qu’ils ne le connaissaient rencontré les soldats. e pas et qu’on les avait torturés pour les forcer Lire aussi sur isavelives.be : http://www.isavelives.be/fr/node/3654

14 Libertés ! Juin 2009

MODÈLE DE LETTRE Monsieur le Procureur général, L’ancien journaliste José Fernando Lelo purge une peine de douze ans de prison pour atteinte à la sécurité de l’État et complot, suite à des accusations lancées par six soldats qui ont ensuite déclaré avoir été forcés de l’accuser. Bien que civil, ce journaliste a été jugé et condamné par la justice militaire de Cabinda. En tant que membre/sympathisant(e) d’Amnesty International, qui considère José Fernando Lelo comme un prisonnier d’opinion condamné à l’issue d’un procès inique, je vous prie, Excellence, de le libérer immédiatement et sans condition. Espérant que vous ferez droit à ma requête, je vous prie d’agréer, Excellence, l’expression de ma considération distinguée. Signature : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Nom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Adresse : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

LETTRE À ADRESSER À : Sua Excelência João Maria Moreira de Sousa Procurador Geral da República, Procuradoria Geral da República Rua 17 Setembro – Luanda, Angola Fax : +244 222 333 170/172

COPIE À ENVOYER À : Ambassade de la République d’Angola, Rue Franz Merjay, 182 1050 – Bruxelles (Ixelles) Fax : 02 344 08 94 ou 02 345 39 78 E-mail : angola.embassy.belgium@skynet.be ou angola.embassy.benelux@skynet.be


C U LT U R E AGENDA THÉÂTRE L’ÎLE

LA COMPLAINTE DU JUIF EN ALASKA

E

n 1948, les Arabes ont gagné la guerre contre les Juifs. Renonçant à la Palestine, c’est bien plus au nord, en Alaska, qu’ils ont fondé une nouvelle patrie. Deux millions de Juifs ont débarqué dans ces territoires inhospitaliers où s’était déjà installée une colonie de Juifs ukrainiens. Ils n’y ont pas trouvé d’icebergs, d’ours polaires, juste un paysage montagneux et 50 000 villageois Tinglit déjà propriétaires des meilleures terres. Tordant les fils de l’Histoire, le romancier américain Michael Chabon s’amuse à la réinventer. En ce début de XXIe siècle, les choses n’ont pas évolué comme prévu pour les Juifs. Gangrené par les contrebandiers, les braconniers, les rebelles russes et les criminels indigènes, leur territoire est loin de la Terre promise, d’autant plus que la rétrocession aux États-Unis semble inéluctable. Meyer Landsman, un flic démoralisé et divorcé, découvre dans l’hôtel borgne où il loge le cadavre d’un junkie qui ne restera pas longtemps anonyme. Épaulé par son cousin à moitié Indien, il se lance dans une enquête pleine de surprises. Déjouant les intimidations et les oppositions féroces de toutes les parties concernées, il va tirer le fil d’une conspiration aux conséquences planétaires. Croisement improbable entre Chandler et la fable politique, le récit riche en atmosphères décalées est truffé d’un argot inventé de toutes pièces et dérivé du yiddish. Bien au-delà du pastiche et de l’exercice de style, c’est aussi un roman aux personnages attachants qui trouve le juste équilibre entre la mélancolie et un humour doux-amer. e Gilles Bechet Le club des policiers yiddish, Michael Chabon, Robert Laffont, 486 pages, 21 e

Quelque part en Afrique, une prison sur une île où sont incarcérés des prisonniers d’opinion. Condamnés aux travaux forcés, Amani et Kembo y sont enfermés depuis trois ans. Le premier a pris dix ans, l’autre perpétuité. Le jour, sous le soleil brûlant, ils doivent sans cesse creuser des trous puis les reboucher. Un travail qui détruit l’âme et l’esprit. Le soir, du fin fond de leur cellule, ils répètent... Antigone, ce texte de Sophocle vieux de 2 400 ans sur la corruption du pouvoir et la justification morale et religieuse de la rébellion contre la tyrannie. C’est tragique et c’est drôle… L’Île est un texte universel, au même titre que l’Antigone de Sophocle, que les trois auteurs sud-africains Athol Fugard, John Kani et Winston Ntshona ont eu l’idée géniale de «mettre en abîme» dans leur propre texte, écrit en 1973, aux jours les plus sombres de la ségrégation raciale de l’apartheid. Grâce à son universalité, les interprètes de L’Île pourraient être cambodgiens, palestiniens, kurdes, chiliens, bosniaques, arméniens, etc. Au Poche, ils seront congolais et rwandais. Une distribution sans innocence à l’heure où ces deux pays, hier frères ennemis, reprennent aujourd’hui un chemin difficile vers la paix et la réconciliation. En 2010, les comédiens sillonneront l’ensemble des territoires congolais et rwandais. En coproduction avec le Groupe Taccems (Kisangani) Une pièce d’Athol Fugard, John Kani et Winston Ntshona, avec Diogène Ntarindwa et Ados Ndombasi Banikina Adaptation française de Marie-Hélène Estienne Mise en scène de Roland Mahauden (assisté par Olivier Maloba Banza Umba) Avec l’aide du WBI, de la Délégation WallonieBruxelles de Kinshasa et d’Africalia e Du 9 au 27 juin 2009 à 20h30 (relâche les dimanches et lundis). Bois de la Cambre, 1A Chemin du Gymnase - 1000 Bruxelles Réservations : 02 649 17 27 ou reservation@ poche.be

DANS LE SECRET DES TIRELIRES

L

’argent ne dort jamais. Il travaille. L’épargne que des milliards de gens confient à leur banque est réinjectée dans des circuits financiers complexes. Pour essayer de comprendre comment notre argent contribue à façonner un monde injuste, le réalisateur autrichien Erwin Wagenhofer, déjà auteur du film We feed the world, a baladé sa caméra aux quatre coins de la planète financière. Les images et les propos qu’il en ramène sont sans appel. Un gestionnaire de fonds à Singapour explique avec cynisme et franchise qu’il ne s’embarrasse pas d’éthique : son boulot, c’est de faire des bénéfices. Autrefois, les pays pauvres étaient sous-développés, aujourd’hui ce sont des marchés émergents. Face à la concurrence qui fait rage, un directeur d’usine blanc installé en Inde affirme qu’on ne peut se permettre d’être généreux (sous-entendu avec les travailleurs), mais qu’on se doit d’être efficace. Autant dire que la pauvreté et l’inégalité ont encore quelques décennies devant elles. Sur la Costa del Sol en Espagne, des villes fantômes, blanches et vides ont poussé comme des champignons. Pas grave, tant que ces constructions rapportent aux agences immobilières, aux entreprises et aux banques européennes des profits annuels de l’ordre de 20 %. Et lorsqu’il faudra les détruire, ce sera aux frais du contribuable. Pour conclure, Hermann Scheer, député du Bundestag, lauréat du Prix Nobel alternatif et président du Conseil mondial de l’Énergie renouvelable, plaide pour que nous nous attelions sans tarder à une redistribution des richesses, sans quoi nous plongerons dans un nouvel âge de la barbarie. Bienvenue au monde. e G.B. Let’s make money d’Erwin Wagenhofer, sortie nationale le 24 juin

CLUEDO PERSAN

J

uin 1995. À la veille de l’élection de Mahmoud Ahmadinejad, l’ayatollah Kanuni, un des juges les plus actifs dans la répression des opposants, est retrouvé assassiné dans son bureau du Palais de justice. Le régime tente immédiatement de passer sous silence cet affront, mais les rues de la capitale persane ne sont pas dupes et chacun y va de son interprétation. Au départ de cette intrigue policière, l’auteur, une journaliste d’origine iranienne basée à Paris, explore les faux-semblants et les luttes d’influence du régime des mollahs. On y découvre une galerie de personnages bien croqués d’où émergent Leila, une féministe islamiste, candidate évincée à la présidence, Mirza, ancien politicien et membre éminent de la jet-set téhéranaise et enfin Narek, un apprenti journaliste qui débarque de Paris dans la ville qu’il a quittée enfant dans l’espoir d’éclaircir les circonstances de la mort de sa mère au lendemain de la révolution de 1979. L’enquête est ardue, surtout quand elle se heurte au double langage de ceux qui cherchent à taire les évidences gênantes ou à camoufler les vérités secrètes comme celles qui se cachent dans les comptes des toutes-puissantes fondations islamiques. e G.B. Qui a tué l’ayatollah Kanuni ?, Naïri Nahapétian, Éditions Liana Levi, 288 pages, 17 e

Libertés ! Juin 2009 15



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