Architecture Réversible - Mémoire de Master - Anastasya Cornu

Page 1

VERS UNE ARCHITECTURE TERTIAIRE RÉVERSIBLE La capacité de mutation anticipée au service d’une conception durable de l’immeuble de bureaux

CORNU Anastasya - Mémoire de Master - EnsapBx - Janvier 2020


Séminaire Héritage(s) - Sous la dirrection de Mme. MAMA AWAL Halimatou


AVANT-PROPOS L’obsolescence accrue des immeubles tertiaires, dont l’espérance de vie ne semble pas dépasser la quinzaine d’années,1 me questionne et a été le point de départ de ces recherches. Comment concevoir ce programme, sans poursuivre les cycles d’obsolescence et de reconstruction et leurs crises relatives ? Ne pourrait-on pas repenser leur conception, afin d’aller vers des bâtiments plus durables dans le temps et d’un point de vue soutenable ? Nous sommes aujourd’hui face à des enjeux majeurs, liés au développement durable et à l’écologie dans la conception architecturale et urbaine de nos territoires. Face à ces enjeux, il devient primordial pour les architectes et acteurs de la construction, de questionner de nouvelles manières de concevoir en anticipant les besoins futurs de nos sociétés et ses mutations. C’est pourquoi j’ai choisi d’interroger ce sujet, au travers de ce mémoire et d’une notion émergente et innovante, qu’est la réversibilité. Ainsi, ce mémoire m’a permis d’orienter et de positionner l’identité architecturale dans laquelle j’aimerais m’inscrire à l’avenir. Une architecture soucieuse de son environnement et de son évolution, pensée et réfléchie pour un futur durable. Ce choix de sujet représente ainsi le résultat de diverses recherches et questionnements sur le devenir de l’architecture, ses enjeux et ses impacts.

1 - ALBA Dominique, La transformation de bureaux en logements à Paris de 2001 à 2012, APUR, janvier 2014.


REMERCIEMENTS Je tiens à remercier tout d’abord chaleureusement ma directrice de mémoire, Mme Halimatou MAMA AWAL, pour son suivi ainsi que son implication et sa disponibilité durant cette année. Ses remarques pertinentes m’auront ainsi permis de pousser plus loin ces recherches et de développer ce travail de manière constructive. J’aimerais également remercier l’ensemble du corps enseignant de ce Séminaire pour leur suivi durant ces deux années de master et leurs apports méthodologiques. Remercier également l’équipe en charge de la médiathèque de l’ENSAP, pour leur travail et pour leur disponibilité. J’aimerais enfin, remercier mon père, pour son soutien sans failles durant ces années d’études. Ainsi que ma mère, pour son intérêt porté à mon travail et pour m’avoir soutenu lors des périodes de doutes. Pour finir, remercier mon allié et complice, grâce à qui j’ai pu franchir sereinement cette étape. Pour ses conseils, le temps passé à m’épauler et à me soutenir dans ces recherches ainsi que pour la bonne humeur et la patience dont il aura fait preuve durant ces deux années.


SOMMAIRE INTRODUCTION

6

01 CARACTÉRISTIQUES DE LA NOTION

11

A) Définition des concepts 1 – Qu’est-ce que la réversibilité ? 2 – Définition de cette notion appliquée à l'architecture 3 – Définition du concept de durabilité en architecture

B) Origines d'une architecture réversible contemporaine 1 – Genèse de la réversibilité des ouvrages dans le courant du XIXe siècle 2 – La flexibilité spatiale expérimentée dans le courant du XXe siècle 3 – La démontabilité expérimentée dans la seconde moitié du XXe siècle

02 UNE ÉMERGENCE CONTEMPORAINE ISSUE D’UN CONTEXTE DE CRISES

29

A) Mutations socio-spatiales et crises environnementales : Un enjeu pour le développement des territoires 1 – De la nécessité de stopper l’étalement urbain et l'irréversibilité de nos constructions 2 – Vers une économie de l'espace et des ressources

B) Mutations et crises des modes de vie et de travail : Un enjeu pour la conception des édifices 1 – Évolutions et standards de la conception tertiaire 2 – Mutation des modes de travail et obsolescence du programme tertiaire 3 – Désuétude des standards de l'habiter et crise du logement

4 – Un contexte de crises concomitantes qui appellent à la réversibilité de l'immeuble tertiaire

C) Une conception qui freine la mutabilité des ouvrages 1 – Des modèles difficiles à transformer 2 – Une multiplication réglementaire et normative contraignante

D ) Un changement de paradigme à opérer pour évoluer vers la réversibilité des constructions 1 – Sortir du linéaire, les bénéfices d'une économie sur le temps long 2 – Reconsidérer le programme, sortir de la mono-fonction


03

LA RÉVERSIBILITÉ EN PRATIQUE

51

A) La réversibilité fonctionnelle : anticiper la pérennité de la matrice 1 – Conception du projet : une culture commune des programmes 2 – Accompagner les mutations, gestion de l'immeuble post-construction 3 – Application et intégration de ces dispositifs dans la construction, Études de cas

B - La réversibilité structurelle : anticiper la fin de vie de l'édifice 1 – Le cycle de vie des composants 2 – Conception du projet : des assemblages réversibles 3 – Accompagner la déconstruction, le suivi du cycle de vie du bâtiment 4 – Application et intégration de ces dispositifs dans la construction, Études de cas

04 LIMITES ET INTERROGATIONS DE LA NOTION

115

A) Les freins à la réversibilité et les évolutions envisageables 1 – Cadres administratifs et réglementaires à échelle urbaine 2 – Cadres juridiques et normatifs à l'échelle du bâti et des composants 3 – Cadres fiscaux et économiques

B ) Les acteurs de la réversibilité et les métiers à requestionner 1 – Les acteurs de la réversibilité et leurs impacts sur son développement 2 – Les métiers à requestionner pour évoluer vers la réversibilité des constructions

C ) Les questionnements autour de la réversibilité 1 – La place et le rôle de l’architecte dans la conception réversible 2 – La question du déjà-là et son potentiel de réversibilité 3 – Le risque du générique et de la banalisation des productions 4 – Les mots et concepts facilitateurs de la réversibilité

CONCLUSION

129

BIBLIOGRAPHIE

131


INTRODUCTION Dans un contexte de crises urbaines, politiques, démographiques et écologiques planétaires, il devient nécessaire pour les architectes et acteurs de la construction de repenser leurs manières de concevoir. En effet, ces enjeux qui traversent et impactent tous les champs de la pensée et de la pratique de production, appellent à des changements de paradigmes et une évolution des cultures de conception des territoires construits. L’impératif de ces enjeux, demande alors que l’on reconstruise de nouveaux savoirs techniques et conceptuels, par le biais de processus à requestionner et à renouveler.1 Sous la pression de ces questions, l’architecture doit donc assumer des responsabilités nouvelles et se réinventer pour contribuer à y répondre. On préconise en outre une gestion réfléchie des territoires et une anticipation de ces facteurs dans la conception, afin d’accompagner les mutations de plus en plus accélérées. Surtout, on préconise de cesser la démolition de l’existant, pour reconstruire du neuf identique et obsolescent. L’époque veut en effet que les changements soient radicaux et de plus en plus rapides. Le rythme moyen d’obsolescence des immeubles, serait ainsi aujourd’hui de 15 ans dans le domaine tertiaire, selon l’APUR.2 Ce phénomène est en outre particulièrement alarmant en Île-de-France, qui abrite le plus grand parc de bureaux d’Europe. Celui-ci dénombre en effet près de 53 millions de mètres carré relevés en 2015, dont 3,3 millions étaient vides, et 740 mille en vacance structurelle depuis plus de quatre ans. Plus alarmant encore, ce phénomène croissant devrait atteindre 4,5 millions de mètres carré, à l’horizon 2030.3 Une partie nonnégligeable de ces ouvrages se retrouvent par conséquent vacants durant plusieurs années, ou sont démolis. Parallèlement à cette forte obsolescence de l’immeuble tertiaire, la région Parisienne est confrontée à un déficit en logements s’élevant à trois-cents mille unités, ces dix dernières années.4 Ces surfaces de bureaux vacants, représentent pourtant un potentiel théorique de 60 000 logements de 75m².5 Au regard des forts besoins en logement, la reconversion des immeubles tertiaires en immeubles résidentiels devient alors une opportunité grandissante, pour l’ensemble des acteurs publics et privés des territoires.6 Travailler sur l’existant a en effet un impact favorable en terme d’émissions de gaz à effet de serre, puisque le gros œuvre, responsable de 80% des émissions d’un bâtiment est conservé.7 Le gouvernement encourage par ailleurs cette pratique, avec la modification de la Loi ELAN en novembre 2018, facilitant ces opérations. Toutefois, ces transformations lourdes sont coûteuses et extrêmement compliquées, nécessitant divers facteurs préalables pour permettre un changement d’usage. En effet, seuls 34 800 m² de bureaux ont été convertis en habitations entre 2011 et 2013, en vue de la complexité de l’opération.8 Environ 60 000 logements seulement seraient ainsi potentiellement réalisables dans le parc vacant, en prenant en compte leur faisabilité selon leur conception, qui apparaît généralement non-adaptée aux transformations.9 Ne pourrait-on pas alors en amont prévenir l’obsolescence de ce programme et penser l’immeuble, dès sa conception, afin de le rendre capable de muter et de s’adapter aux besoins actuels et futurs ? Ou bien, si l’heure n’est plus aux conceptions pour le long terme, ne pourrait-on pas concevoir des bâtiments démontables dans une optique de durabilité et de revalorisation de la matière ? En effet, le développement durable questionne la croissance urbaine et une certaine vision de l’immobilier, caractérisée par son irréversibilité.10 L'activité de démolition-reconstruction, est par ailleurs l'un des secteurs les plus polluants et représente environ 19% de la production de déchets du BTP, soit 46 millions de tonnes par an.11 Il devient donc souhaitable de réinventer notre manière de fabriquer la ville, avec une vision prospective de nos besoins et en tenant compte de l’évolution de nos modes de vie et de travail. Dès lors, il conviendrait également de requestionner l’immeuble et sa conception, afin de mieux anticiper les évolutions et la fin de vie des ouvrages.

1 - NICOLAS Pascal, in REVEDIN JANA, Construire avec l’immatériel, Paris, Gallimard, Alternatives, 2018, p.10. 2 - APUR, La transformation de bureaux en logements à Paris de 2001 à 20012, ALBA Dominique, janvier 2014. 3 - Selon les données du rapport de l’observatoire régional de l’immobilier d’entreprise (ORIE), parues le 5 novembre 2014. 4 - Selon un rapport d’étude de Immo Group Consulting, paru en novembre 2013. 5 - IAU, Transformer les bureaux vacants en logements : quel gisement en Île-de-France ?, Chronique de la réforme du logement, 21 juin 2018. 6 - GUILLOT David, «L’obsolescence de l’immeuble les grands enjeux de la réversibilité», in Le Moniteur, 2018, novembre, n°110, p. 30. 7 - LECERF Christine, L’énergie grise des matériaux et des ouvrages, Les guides Bio-tech, Caractère, novembre 2012, p. 44. 8 - ORIE, Les 30 ans de l’ORIE, Édition spéciale Business Immo, Février 2016, p. 01. 9 - APUR, Le parc de bureaux Parisiens et son potentiel de transformations, ALBA Dominique, avril 2015. 10 - GUILLOT David, «L’obsolescence de l’immeuble les grands enjeux de la réversibilité», in Le Moniteur, 2018, novembre, n°110, p. 21. 11 - Selon le Ministère de la Cohésion des territoires, dans une enquête réalisée en avril 2019.

6


L’époque précédente, dite moderne, était en effet empreinte des dogmes du “progrès” et convaincue de leur universalité.12 Un des fondements de cette pensée qui a façonné nos villes, a ainsi été comme condition du progrès de produire du monofonctionnel irréversible13, en transformant l'organisation des villes selon le principe de séparation des grandes fonctions et de la tabula-rasa.14 Les territoires, jusque-là résilients, verront alors se multiplier les zones aux typologies et fonctions similaires et rapidement obsolètes, à l’image des quartiers d’affaires qui émergent progressivement à cette période.15 La ville va ainsi aboutir à un tissu figé et rationalisé, qui semble décorrélé des besoins humains complexes et de ses relations.16 Aujourd’hui, l’injonction au développement durable, porte au contraire des principes inverses : agir de façon prospective et réfléchie, afin de ne pas impacter les capacités des générations futures à conduire leur propre développement.17 Concevoir la ville en détruisant l’existant pour reconstruire du neuf identique, n’apparaît donc plus comme un schéma soutenable. Ainsi, il serait désormais souhaitable de cesser de répéter des formules figées et inadaptées, pour définir des systèmes plus souples.18 Pour demeurer durable, il faudrait ainsi qu’un immeuble de bureaux puisse être adaptable, flexible, voire mutable. Ce contexte amène donc aujourd’hui les acteurs de la construction à se pencher sur le principe émergeant de la réversibilité de l’immeuble. Ce qui nous amène à cette question :

En quoi la réversibilité constitue-t-elle un moteur de durabilité et d’évolution du processus de conception de l’immeuble tertiaire ? La réversibilité, terme qui apparaît aujourd’hui novateur dans les discours architecturaux, politiques et urbains, tel un slogan du monde contemporain, n’a pourtant été que peu questionnée par les auteurs scientifiques. Toutefois, l’enjeu du développement durable des territoires fait ainsi progressivement émerger ce concept, comme une potentialité pour y répondre. Si les théoriciens n’ont que peu approfondi le sujet, les acteurs et praticiens de l’urbanisme et de la construction s’y sont donc intéressés ces dernières années. L’agence Canal architecture de Patrick Rubin, a notamment publié une étude sur la construction réversible en 2018, faisant un état de l’art de cette notion émergente.19 L’agence LAN Architecture à également co-produit une exposition en 2017, nommée «Paris Haussman Modèle de Ville», à la Cité de l’Architecture et du Patrimoine, en démontrant des prédispositions à la réversibilité des immeubles Haussmanniens. D’autres agences d’architecture qui s’intéressent à ce concept s’expriment également sur ces principes lors de conférences, notamment l’agence Anne Démians, qui publie régulièrement sur le sujet. Enfin, des expositions s’y consacrent depuis quelques années, comme l’exposition “Réver(cités)”, en 2016 à la Cité de l’architecture et du patrimoine. Divers bâtiments contemporains ont enfin été conçus en suivant ce principe, restant toutefois à la marge. Dans ce mémoire, nous chercherons donc à comprendre ce qu’est la réversibilité et comment se traduitelle en pratique. Nous interrogerons en quoi celle-ci peut constituer une opportunité afin d’aller vers une conception durable de l’immeuble tertiaire, et quelles sont les évolutions nécessaires aux différentes étapes de conception, de réalisation et de gestion d’un projet afin de s’engager vers une architecture mutable. Puis nous questionnerons enfin, quelles peuvent en être les limites et les interrogations relatives. Pour explorer ces hypothèses, nous nous arrêterons dans un premier temps sur la définition des notions que questionne ce sujet. Puis nous reviendrons sur les origines de la réversibilité, dans la construction progressive de la Modernité du XXe siècle. Nous nous intéresserons ensuite au contexte actuel de crises, qui fait émerger ce principe dans les discours contemporains au regard du programme tertiaire, mais qui comporte également des obstacles à franchir. Nous verrons ensuite de quelle manière l’architecture tertiaire peut questionner et intégrer la réversibilité dans la conception, et quelles incidences a-t-elle sur ses processus, en interrogeant des études de cas contemporains. Enfin, nous terminerons en étudiant les interrogations que sous-tendent ce concept, et quels peuvent en être les limites ; en concluant sur les potentialités que représente la réversibilité pour la durabilité des immeubles de bureaux de demain, et pour l’architecture au sens large.

12 - NICOLAS Pascal, in REVEDIN JANA, Construire avec l’immatériel, Paris, Gallimard, Alternatives, 2018, p.11. 13 - SHERRER Franck, Villes, territoires, réversibilités, colloque de Cerisy, Paris, Hermann , 2013 , p. 11. 14 - CHOAY Françoise, L’urbanisme, utopies et réalités : une anthologie, Paris, Seuil, 1979, p.34 15 - LENNE Frédérique, (Re)construire la ville sur mesure, Paris, La Découverte Caen : In-Situ, 2016, p. 2. 16 - CHOAY Françoise, L’urbanisme, utopies et réalités : une anthologie, Paris, Seuil, 1979, p. 82. 17 - INSEE, définition du développement durable, disponible sur le site de l’INSEE <www.insee.fr>. 18 - CHOAY Françoise, L’urbanisme, utopies et réalités : une anthologie, Paris, Seuil, 1979, p. 81. 19 - RUBIN Patrick, Construire réversible, Paris, Canal Architecture, 2017

7


MÉTHODOLOGIE DE RECHERCHE Les recherches pour ce travail ont été menées en deux temps. D’abord d’un point de vue théorique, par la lecture d’ouvrages relatifs au sujet, rédigés par des praticiens ou chercheurs contemporains. Ainsi que par la lecture d’articles et dossiers issus de Revues de références dans le domaine de l’architecture et de la construction, notamment « Le Moniteur » et « D’Architecture ». Elles se sont également complétées par la lecture d’ouvrages d’Histoire de l’architecture, notamment d’auteurs tels que Benevolo et Joseph Abram. Elles ont également porté sur les lectures d’actes de colloques relatifs au sujet, et de catalogues d’expositions. Les investigations ont ensuite été menées d’un point de vue pratique, par l’étude de cas contemporains ou en cours de conception abordant ce sujet. A partir des descriptions des projets données par les architectes, ainsi que par l’analyse approfondie des plans, coupes, et détails constructifs des projets. Pour les cas d'études plus anciens, les recherches ont également été étayées d’analyses issues d’ouvrages consacrés à l’Histoire de l’architecture Moderne, ou d’ouvrages monographiques sur les architectes concernés. Celles-ci ont été enfin complétées par des thèses et analyses de chercheurs sur les projets étudiés. Enfin, les statistiques et chiffres du mémoire, sont issus de rapports et de données, provenant notamment de l’ONU, de l’Observatoire Régional de l’immobilier d’entreprise (ORIE), et de l’Atelier Parisien d’Urbanisme (APUR). Toutefois, il a parfois été difficile d’accéder à des ouvrages et contenus traitant directement du sujet de la réversibilité, ainsi qu’à des exemples concrets d’architectures réversibles. Ceci démontre donc de l’actualité évidente du sujet. Ces recherches se sont alors basées sur les lectures diverses, notamment l’ouvrage Construire réversible de Patrick Rubin 20, qui a été un élément fondateur à la compréhension du sujet. La méthode de travail développée s’apparente à une méthode hypothético-déductive. Partant des constats d’obsolescence accrue des immeubles de bureaux, dans un contexte de mutations rapides des besoins des sociétés et qui ne peut plus durer face aux enjeux du développement durable ; le postulat est fait que la réversibilité par son caractère prospectif, pourrait être une potentialité afin de s’adapter aux mutations. Constituant ainsi une alternative de conception durable pour le programme tertiaire en crise et un moteur d’évolutions de son processus de conception. Une partie de la méthode semble s’apparenter également à celle diachronique. Puisqu’une part conséquente des recherches se construit sur l’étude des origines de cette notion dans l’Histoire architecturale, au travers d’expériences issues du XIXe et XXe siècle. Puis sur l’étude de son émergence actuelle dans les discours contemporains, face aux nouveaux enjeux de nos sociétés. Ce mémoire porte donc sur une analyse de la réversibilité, au travers d’un choix de corpus de divers cas d’étude, comme outils pour tenter de comprendre ce qu’est la réversibilité et quels sont les facteurs questionnés et dispositifs mis en œuvres par les architectes dans les projets. Afin de tenter de donner une définition plus précise de ce concept novateur. Enfin, le mémoire veut également questionner les normes et réglementations autour de cette pratique. Afin d’identifier les freins, qui peuvent expliquer les difficultés à faire émerger ces principes dans la conception de la ville aujourd’hui.

20 - RUBIN Patrick, Construire réversible, Paris, Canal Architecture, 2017

8


CAS D’ÉTUDES Des études de cas viendront donc appuyer nos recherches, afin de comprendre comment les architectes questionnent la réversibilité en pratique et comment cela se peut se traduire dans la conception du projet. Pour cela, nous étudierons différents cas d’études contemporains, autour des deux types de réversibilité analysées.21 Pour la réversibilité fonctionnelle 22, nous étudierons le projet Black Swan de l’architecte Anne Demians à Strasbourg, le Système Conjugo de Vinci construction associé à Patrick Rubin, Le système Office Switch Home de Bouygues construction à Lyon Confluences, Le projet de l’îlot B2 de l’architecte Clément Vargély à Lyon Confluences, et le projet 40 logements de Lan architecte à Paris. Pour la réversibilité structurelle 23, nous étudierons le projet des bureaux Joliot-curie de l’atelier 6,24 au pressoir du Havre, le projet de bureaux Médiacom de Françoise Jourda Architecte, Le Bureau de la Direction Départementale des Territoires et de la Mer du Morbihan de AIA Architectes, le Système Démodulor de l’ADEME, et la maison du projet de Roubaix labellisée C2C de Carlos Arroyo. Ces cas d’études ont été sélectionnés selon différents critères, afin de déterminer un bornage pertinent. Ainsi, ils concernent tous des projets contemporains récents, conçus en questionnant leur potentielle réversibilité pour un programme relatif au tertiaire. Pour la réversibilité fonctionnelle, les cas d’études ont donc été sélectionnés pour leurs approches d’une conception abordant la mutation programmée entre deux usages, pour un programme de bureaux et de logements. Puisque comme précisé en amont, l’immeuble tertiaire questionne par son obsolescence prématurée, concomitante à une crise du logement croissante. Pour la réversibilité structurelle, le choix des cas d’études s’est porté sur des projets en lien avec un programme tertiaire, conçus en interrogeant leur déconstruction en fin de vie. D’autres cas d’études complémentaires seront abordés pour questionner les origines du concept. Ces choix se sont porté notamment sur les Immeubles Haussmaniens, la Maison Dom-ino de Le Corbusier et l’opération des Marelles de Georges Maurios, ainsi que sur les maisons démontables de Jean Prouvé, l’opération de la Grande Marre de Marcel Lods et les Maisons Ségal de Walter Ségal. Ces cas d’études sont donc une sélection d’expériences, dont les principes architecturaux et techniques semblent constituer des origines d’une architecture réversible contemporaine, dans le courant du siècle dernier.

21 - Voir Partie I – A – Définition de la notion. 22 - Ibidem. 23 - Ibidem.

9



CARACTÉRISTIQUES DE LA NOTION

11



A - Définition des concepts

La réversibilité des constructions fait ainsi une percée remarquée dans les discours et les publications contemporaines. Pourtant, la notion de réversible en elle-même, semble avoir plusieurs interprétations. Si bien qu’il est parfois difficile de discerner sa réelle portée. Couramment confondu avec d’autres recherches spatiales et architecturales de l’époque actuelle ou moderne, le terme reste équivoque. Alors avant de poursuivre notre étude, nous allons tout d’abord tenter de définir plus précisément celui-ci. Afin de mieux l’appréhender, et d’écarter les notions connexes à la compréhension de ses principes. Nous questionnerons également plus précisément sa définition, relative au domaine architectural.

1 – Qu’est-ce que la réversibilité Définition générale Ce terme peut en effet avoir plusieurs sens. Dans le dictionnaire Larousse, le sens commun du mot réversible est «qui peut revenir en arrière, qui peut se produire en sens inverse».24 Cette définition générale, exprime alors que le mot réversible induit un mouvement, un changement et que cette mutation n’est pas immuable.

Les notions connexes de la réversibilité Toutefois, pour appréhender ce qu’est la réversibilité, il faut également comprendre ce qu’elle n’est pas afin d’écarter les divergences. Tout d’abord, contrairement à une idée qui semble commune, la réversibilité n’est pas similaire à la réhabilitation. La réhabilitation définit, en effet « le fait d’améliorer le bâti ancien, de le transformer dans ses espaces internes pour l’adapter aux exigences contemporaines et de revaloriser son image ».25 Reconversion et Restructuration sont des termes qui soulignent l’ampleur de la transformation, avec un changement potentiel de destination à la clef. La réhabilitation est donc un acte postérieur à la construction du bâti, une fois que celui-ci se retrouve obsolète, afin de lui redonner une nouvelle valeur d’usage par une remise en conformité. La réversibilité, quant à elle, est un acte antérieur et anticipé afin de prévenir ses mutations futures. Le bâtiment ainsi pensé en amont, pourra intégrer les transformations plus simplement, puisque celles-ci seront anticipées dans sa conception. La réversibilité n’est pas non plus analogue de la flexibilité ou de l’évolutivité, termes largement pratiqués en architecture pour le logement, notamment par Le Corbusier. L’évolutivité correspond en effet à la «possibilité de réaménager l’espace à surface donnée ou d’accroître et de diminuer une surface».26 Cependant, la différence avec un bâtiment réversible est que l’évolutivité ne prévoit pas de changements d’usages. En effet, celle-ci s’applique à la partition interne qui se transforme, mais toujours pour le même programme. Contrairement au bâtiment réversible, qui prévoit une interchangeabilité des programmes dans un même espace. Enfin, la réversibilité n’est pas non plus équivalente à l’hybridation des usages, qui correspond au «résultat d’une programmation pluri-fonctionnelle au sein d’un même bâtiment ».27 En effet, un bâtiment hybride, même s’il regroupe plusieurs programmes, n’est pas nécessairement réversible. Ses espaces dissociés ne sont, en effet, pas prévus pour changer d’usage au cours du temps, mais sont chacun dessinés pour une fonction précise et fixe.

24 - Dictionnaire Larousse, Définition du terme réversible, disponible sur <www.larousse.fr>. 25 - PACCOUD Grégoire , «Réhabiliter le bâti ancien, une architecture ordinaire qui devient patrimoine ?», in Terre à pise, février 2017. 26 - RUBIN Patrick, Construire réversible, Paris, Canal Architecture, 2017, p. 11. 27 - Ibidem.

13


2 – Définition de cette notion appliquée à l’architecture Maintenant que nous avons écarté les notions qui peuvent altérer la compréhension de ce terme, nous pouvons compléter sa définition architecturale par des concepts proches, pouvant appuyer celle-ci. En effet, cette notion peut tout d’abord se rapprocher dans certains cas de la déconstruction, qui consiste au “démontage d’un bâtiment en procédant à la dépose et au tri sélectif des matériaux, par des assemblages spécifiques”.28 En effet, si l’on se réfère à la définition du collectif Hamosphère, qui pratique cette notion dans la conception, la réversibilité s’attache “au-delà de l’adaptabilité de l’immeuble, à considérer les ressources et le sol comme bien commun de l’humanité. Cela suppose une capacité de retour à l’état initial du terrain d’assise, de retrait et de déconstruction du bâti”.29 La réversibilité est donc une notion qui définit une mutation du bâti facilitée et anticipée, en limitant l’impact du bâtiment sur le long terme, grâce à une conception prospective de l’ensemble. Ce concept définit donc, en architecture, “la capacité programmée d’un ouvrage neuf à anticiper les mutations et l’obsolescence du bâti”.30 Soit par des changements d’usages facilités et leur interchangeabilité, grâce à une conception qui intègre divers programmes possibles, que l’on nommera Réversibilité fonctionnelle. Soit par la déconstruction anticipée de l’ouvrage, que l’on nommera Réversibilité structurelle.

3 – Définition du concept de durabilité en architecture Maintenant que nous avons définis le terme réversible, il convient également de définir le terme de durabilité employé en introduction, afin d’en saisir sa portée dans le sujet de notre étude. Le mot “durable”, est un néologisme, issu du terme “soutenable” (qui correspond au mot anglais sustainability). Datant initialement de 1346, dans l’ordonnance de Brunoy pour préserver les ressources forestières, édictée par Philippe VI de Valois.31 Les termes durabilité ou soutenabilité sont ensuite repris à partir des années 1990, pour désigner une configuration de la société humaine qui lui permet d’assurer sa pérennité. Toutefois, la durabilité, terme en vogue aujourd’hui dans le domaine de l’architecture, est porteur de diverses significations. La première définition architecturale sur laquelle nous nous pencherons, se définit alors par une dimension temporelle. Selon le dictionnaire Larousse, une entité durable se définit par étant “De nature à durer longtemps, qui présente une certaine stabilité, une certaine résistance”.32 A contrario d’une entité obsolescente, l’ouvrage durable, ici définit, aura donc une durée de vie plus longue et ne sera pas détruit au premier usage. La seconde, plus complexe, se définit par une dimension éthique et environnementale. L’architecture durable, à laquelle nous nous intéresserons, pourrait alors se définir comme un système de conception et de réalisation ayant pour préoccupation de concevoir une architecture respectueuse de l'environnement et de l'écologie. Ce serait alors une architecture qui, par anticipation et réflexion, “ne confisque pas des ressources précieuses pour les générations à venir”.33 Cela s'apparente également de la définition du développement durable, qui se traduit par “un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs”.34 Ces définitions du durabilité se rapprochent alors du principe de réversibilité, bien qu’avec des niveaux distincts. En effet, d’une certaine manière, la réversibilité telle que définie ici, a pour but de minimiser les impacts environnementaux et économiques à court ou long terme des constructions, par sa dimension mutable. Ainsi, la conception durable, telle que nous le comprenons ici, cherche à minimiser l’impact du bâti par une anticipation, dès la conception, de son obsolescence et de ses mutations futures.

28 - RUBIN Patrick, Construire réversible, Paris, Canal Architecture, 2017, p. 10. 29 - GUILLOT David, «L’obsolescence de l’immeuble les grands enjeux de la réversibilité», in Le Moniteur, 2018, novembre, n°110, p. 28. 30 - RUBIN Patrick, Construire réversible, Paris, Canal Architecture, 2017, p. 10. 31 - CLÉMENT Vincent, Le développement durable : un concept géographique ?, Lyon, ENS, 2004. 32 - Dictionnaire Larousse, Définition du développement durable, disponible sur <www.larousse.fr>. 33 - CHESSA Milena, «Réversibilité : des immeubles génétiquement modifiables», in Le Moniteur des BTP, 2018, mars, n°5966. 34 - INSEE, Définition du développement durable, disponible sur <www.insee.fr> - Gro Harlem Brundtland, Premier ministre norvégien (1987).

14


B - Origines d'une architecture réversible contemporaine La réversibilité est donc une notion contemporaine, qui se définit en architecture par une conception prospective qui anticipe les mutations et la fin de vie des ouvrages. Toutefois, si la réversibilité est une notion émergente et novatrice, celle-ci semble puiser ses origines dans diverses expériences architecturales antérieures, qui constituent la genèse d’une architecture réversible contemporaine. En effet, l’anticipation des évolutions dès la conception est un sujet architectural déjà éprouvé depuis un certain temps. Alimentée par de grandes figures, explorée par des praticiens, cette préoccupation innerve ainsi l’Histoire de l’architecture Moderne du XIXe et XXe siècle.35 Dans cette partie, nous analyserons donc certains cas d’études issus de ces époques, dont les principes et caractéristiques semblent participer de la constitution progressive d’une architecture réversible. Nous questionnerons ces exemples en détail, ainsi que les contextes Historiques et urbains qui ont mené certains architectes à s’interroger sur la notion de mutabilité, à travers des expérimentations architecturales innovantes. L’étude de ces cas Historiques a alors pour but de comprendre et de re-situer les origines des principes d’une architecture mutable, au travers des expérimentations sur les espaces flexibles ainsi que celles sur les structures temporaires et démontables, qui influencent la réversibilité dans ses principes de conception aujourd’hui.

1 – Genèse de la réversibilité des ouvrages dans le courant du XIXe siècle Les immeubles Haussmanniens, de 1852 à 1870, Paris, France Le premier exemple questionné se trouve à Paris dans le courant du XIXe siècle, à l’époque où les idées Hygiénistes associées aux Révolutions Industrielles des villes, ont transformé les territoires. Les grands travaux de Paris sous le second Empire Napoléonien, constituent ainsi l’une des transformations urbaines majeures de la capitale. En effet, pour la première fois, un ensemble de dispositions techniques et administratives étendues à toute une ville sont mises en œuvre.36 Cette expérience urbanistique, favorisée par le climat politique décrit notamment par Bénévolo dans ses ouvrages, a ainsi permis d’assainir la ville et de l’adapter à la société moderne et à ses nouveaux besoins, sous l’influence du mouvement Hygiéniste. Aussi bien au cœur de la ville, que dans ses périphéries. En effet, à cette période, Paris connaît une expansion démographique importante et les ruelles du centre-ville semblent alors inadaptées à cette croissance.37 Les ruelles étroites ne sont plus adaptées au trafic, la circulation est rendue difficile et les maisons pittoresques, sombres et insalubres, ne correspondent pas aux critères sanitaires de la Ville Industrielle et Hygiéniste qui se met en place.38 De plus, la nécessité pour Napoléon III d’asseoir son pouvoir et d’assurer l’ordre public post-révolution, en mettant en place le contrôle de l’état dans les secteurs urbains, économiques et sociaux, favorisera la mise en place de ce nouvel urbanisme radical.39 En effet, l’intégration d’une organisation rationnelle de l’espace national était devenue nécessaire, et l’embellissement de la ville ainsi que l’amélioration des conditions de vie des habitants de la capitale, faisaient alors partie des préoccupations principales de l’empereur.40 Élargissement et alignement des voies, réglementation des façades, espaces verts, plans urbains en îlots, réseaux souterrains… Ces réalisations d’ampleurs déterminent encore aujourd’hui l’organisation urbaine de la ville et son identité. Toutefois, nous nous intéresserons ici à une échelle plus modeste : celle de l’immeuble Haussmannien.

35 - RUBIN Patrick, Construire réversible, Paris, Canal Architecture, 2017, p. 14. 36 - BENEVOLO Léonardo, Histoire de l’architecture moderne tome 1 : La révolution Industrielle, Paris, Dunod , 1978, p. 81. 37 - Ibidem, p. 82. 38 - Ibidem, p. 83. 39 - Ibidem, p. 83. 40 - HARVEY David, Paris : Capitale de la modernité, Paris, Les Prairies ordinaires, 2012, p. 173.

15


Ces immeubles à la façade et à l’aspect régulier, démontrent en outre d’une conception d’une grande flexibilité. Initialement conçus pour de l’habitat, ils sont aujourd’hui transformés pour d’autres usages, sans pourtant en modifier l’aspect et permettant à ceux-ci de s’adapter aux mutations sans perdre leur identité urbaine. Ce potentiel de réversibilité caractérisé par une typologie à la conception flexible et générique, ainsi que par la mixité programmatique qui en découle, va de paire avec la structure urbaine mise en œuvre et sa capacité à absorber les mutations.41 Ces caractéristiques remarquables ont par ailleurs fait l’objet d’une exposition en 2017,42 présidée par l’agence LAN Architecture qui travaille aujourd’hui sur le concept de réversibilité des ouvrages. Cette exposition a alors permis de questionner et de mettre en avant les outils exploitables de ces réalisations, pour nos bâtiments contemporains. Si les multiples transformations des immeubles Haussmanniens ont été rendues possibles, c’est donc grâce à une conception qui présente de nombreux critères de mutabilité. Ces critères sont entre autres définis par la régularité de leur trame de façade, véritable grille générique appliquée à l’ensemble des immeubles,43 derrière laquelle viennent se greffer les programmes (Fig.2). Cette trame se défini alors par le caractère sériel et généreux de ses ouvertures régulières, qui permettent une variation des usages internes, influencées par les idéaux hygiénistes de l’époque. Pour les dispositifs intérieurs, la grande hauteur libre sous plafond de ses espaces aux alentour de 3,20m à 3,60m dans les étages,44 et les Rez-de- chaussée généreux aux alentours de 6m, permettent une diversification des usages, et l’absorption de divers programmes (Fig.3). L’épaisseur du bâti relativement faible et articulé par des vides et cours en phase avec les idéaux sanitaires de l’époque, ramènent l’épaisseur des ouvrages aux alentours de 13m.45 Cette dimension autorise alors la mise en place de typologies de logements traversants ou avec une triple orientation et permet des apports d’air et de lumière abondants, facilitant la reconfiguration des espaces. Ainsi, ces critères de conception leur auront permis de s’adapter à la ville au fil du temps et de changer d’usage, sans en modifier l’apparence. L’autre élément notoire de ces réalisations, est également leur échelle urbaine. Ainsi, si chaque immeuble possède individuellement une potentialité de mutation, la répétition à grande échelle de ceux-ci par la logique d’assemblage de l’îlot, constitue une réelle potentialité pour l’ensemble. Donnant en outre des outils pour une ville flexible à grande échelle.46 Ainsi, les îlots Haussmanniens constituent un outil de conception potentiel pour une ville résiliente, au même titre que les tracés hiérarchisés des voiries qui les accompagnent. Ceux-ci, caractérisés par leurs façades uniformes et leurs vides centraux distribués en cours mutualisées, permettent ainsi une bonne densité de l’ensemble. Ce qui vient contrebalancer les dimensions respectables des appartements.47 De plus, la logique d’assemblage des immeubles permet de reconfigurer les îlots, tout en conservant intacte la logique d’ensemble (Fig.4). En effet, leur mitoyenneté et leur homogénéité, procurée par les façades génériques qui ceinturent le périmètre et les planchers alignés entre les différents bâtiments (Fig.2), permettent une réorganisation interne possible en intégrant plusieurs immeubles.48 Ceci favorise donc le regroupement d’unités, sans perturber la logique de l’îlot (Fig.5). Le caractère répétitif et générique de l’ensemble à l’échelle de la ville, présente alors de réelles valeurs de mutabilité d’usages et de réversibilité. Ainsi, l’immeuble Haussmannien se révèle être particulièrement adapté aux transformations, permettant de questionner divers facteurs de conception pouvant mener à un bâtiment mutable. A savoir la morphologie de l’ensemble, dont les hauteurs utiles et les épaisseurs ; l’enveloppe tramée et neutre avec des ouvertures génériques ; ainsi que le caractère urbain et le rapport au contexte d’implantation du bâti. Nous pouvons alors nous interroger sur l’interprétation de ces outils pour la conception de nos constructions contemporaines, dans une optique de résilience des territoires et des ouvrages.

41 - BOUTTÉ Franck, JALLON Benoit et NAPOLITANO Umberto (LAN), Paris Haussman modèle de ville, Paris, Pavillon de l’Arsenal, 2017, p. 12. 42 - Exposition Paris Haussmann, modèle de ville, LAN architecture, Pavillon de l’arsenal, mai 2017, Paris. 43 - BOUTTÉ Franck, JALLON Benoit et NAPOLITANO Umberto (LAN), Paris Haussman modèle de ville, Paris, Pavillon de l’Arsenal, 2017, p. 13. 44 - Ibidem, p. 39. 45 - Ibidem, p. 41. 46 - Ibidem, p. 29. 47 - Ibidem, p. 64. 48 - Ibidem, p. 65.

16


Immeubles mitoyens

Alignement des planchers

Fig. 1 : Ilot type, Unité urbaine

Logements Bureaux

Commerces

Façade générique périphérique

Fig. 2 : Fonctionnement de l’ilot

Fig. 3 : Mixité programmatique par étages

Immeubles distincs

Fig. 4 : Modification des immeubles, réhabilitations dissociées

Immeubles assemblés

Fig. 5 : Assemblage des immeubles

Sources iconographiques : Figures 1-5 : BOUTTÉ Franck, JALLON Benoit, NAPOLITANO Umberto (LAN), Paris Haussman modèle de ville, Paris, Pavillon de l’Arsenal, 2017.


2 – La flexibilité spatiale expérimentée dans le courant du XXe siècle Genèse d’une mutation interne anticipée Ainsi, des prémices de réversibilité ont émergé dans le courant XIXe siècle, issus des contextes politiques et sociaux de l’époque, influencé par les idées hygiénistes montantes. Dans d’autres contextes, certains praticiens vont ensuite produire de nouvelles expériences architecturales innovantes autour des thèmes de la flexibilité et de la démontabilité, dans le courant du XXe siècle. Notamment sous l’influence des contextes de guerres et de reconstruction, qui éclatent en ce début de siècle. Ainsi, ces architectes, leurs travaux de recherches et leurs expérimentations, les ont menés progressivement à poser les fondements des principes de ce que l’on définit aujourd’hui comme des ouvrages réversibles.

La maison Dom-Ino, Le Corbusier, 1914, France Charles-Edouard Jeanneret (1887-1965), plus connu sous le pseudonyme de Le Corbusier constitue notre premier cas d’étude de cette période. En effet, parmi ses nombreuses recherches architecturales, la théorie de la Maison « Dom-Ino », par ses caractéristiques, peut être qualifiée d’introduction au principe de réversibilité. Cet architecte, figure principale du mouvement moderne, a en effet effectué de nombreuses recherches tant sociales que spatiales dans le courant du XXe siècle. Toutefois, celle qui nous intéressera ici est celle dite du « plan libre » qui amène à la « structure capable ». En effet, l’architecte mettra en œuvre dans les années 1910 un travail de recherche sur une ossature en béton armé, dans le but de lui donner de nouvelles fonctions.49 Dans le contexte de crise du début de la première guerre de 1914, le problème auquel l’architecte se retrouve confronté est celui de la pénurie de logements dû aux bombardements, et le manque de matières. Les premières dévastations de la grande guerre entraînent en effet de nombreuses pertes humaines et matérielles, évaluées au quart de la fortune nationale50 et une pénurie de plus de 500 000 unités de logements.51 Il fallait donc d’urgence reconstruire les villes détruites, avec une grande économie de moyens, en vue de l’ampleur des travaux. Le pays en guerre et l’urgence croissante du besoin en logements, nécessitait alors des solutions rapides et économiques de mise en œuvre, qui pousseront l’architecte à se tourner vers l’industrialisation des constructions.52 Initié au béton par Auguste Perret, il va ainsi développer un procédé de reconstruction économique et flexible, en exploitant toutes les qualités de cette matière dans un projet de recherche de structure capable. Cette matière, jusqu’à lors considéré comme prosaïque et utilisée uniquement par quelques architectes avant-gardistes, va en effet devenir le matériau phare de la reconstruction dès la Première Guerre mondiale.53 Grâce notamment à son économie et à son potentiel de préfabrication et d’industrialisation.54 Ainsi, ses recherches aboutiront à une ossature d’une légèreté jusque-là inconnue, qui réduit les murs à une simple peau isolante.55 Pour créer ce procédé, il va alors dessiner une ossature parfaitement indépendante de ses fonctions internes.56 Le dessin du dispositif se résume ainsi à une ossature constituée de trois dalles horizontales, supportées par une trame de 6 poteaux linéaires et reliées par deux volées d’escaliers à la configuration géométrique élémentaire (Fig. 8).57 Le premier plancher reposant sur des semelles, cela permet de se passer de fondations profondes (Fig. 6). Les poutres sont également noyées dans les dalles, laissant des plafonds lisses et permettant un aménagement libre des espaces.58 Les façades ne portant plus le bâtiment et la partition des espaces n’étant plus contrainte par la structure, la maison démontre alors d’une flexibilité remarquable. Les partitions peuvent en effet varier à chaque étage et les ouvertures y être positionnées selon les aménagements choisis (Fig. 7).

49 - GIEDON Siegfried, Construire en France : Construire en fer construire en béton, Paris, Éditions de la Villette, 2019, p. 84. 50 - ABRAM Joseph, L’Architecture Moderne en France, tome 2 : du chaos à la croissance, Paris, Picard, 1999, p. 15. 51 - LOUPIAC Claude et MENGIN Christine, L’Architecture Moderne en France, Tome 1 : 1889-1940, Paris, Picard, 1997, p. 204. 52 - BOESIGER W. et STONOROW Oskar, Le Corbusier et Pierre Jeanneret Œuvre complete Tome 1, Zurich, Editions d’architecture, 1967, P. 9. 53 - GIEDON Siegfried, Construire en France : Construire en fer construire en béton, Paris, Éditions de la Villette, 2019, p. 12. 54 - DELEMONTEY Yvan, Reconstruire la France : L’aventure du béton armé assemblé, Paris, Editions de la Villette, 2015, p. 21. 55 - GIEDON Siegfried, Construire en France : Construire en fer construire en béton, Paris, Éditions de la Villette, 2019, p. 85. 56 - BOESIGER Willy et STONOROW Oskar, Le Corbusier et Pierre Jeanneret Œuvre complete Tome 1, Zurich, Editions d’architecture, 1967, P. 23. 57 - EISENMAN Peter, Ecrits 1963-1984, Choisy-le-Roi : Editions Form[e]s , 2017, p. 308. 58 - BOESIGER Willy et STONOROW Oskar, Le Corbusier et Pierre Jeanneret Œuvre complete Tome 1, Zurich, Editions d’architecture, 1967, P. 24.

18


Outre ces caractéristiques spatiales, qui introduiront l’idée du plan libre - élément incontournable des 5 piliers de l’architecture Moderne à venir, décrit dans « cinq points d’une architecture nouvelle » 59 - celle-ci est également fabriquée en éléments standard, combinables les uns avec les autres. Le béton utilisé est également fait sans coffrage. S’agissant d’un matériel de chantier spécial, qui permet de couler les planchers définitivement lisses au moyen d’un échafaudage de poutrelles, accrochées temporairement au sommet de chaque poteau.60 Le format de l’ossature “Dom-Ino” et la situation particulière des poteaux, permettent ainsi toutes les combinaisons de dispositions intérieures. L’idée étant de permettre aux sinistrés d’établir eux-mêmes leurs constructions, à partir de cette structure capable et à partir de matériaux de fortune dans un premier temps, puis au fur et à mesure avec des moyens plus pérennes.61 Bien que l’idée de changement d’usage ne soit pas évoquée pour la maison Dom-Ino, la volonté de pouvoir créer des espaces et de les modifier dans une matrice porteuse fixe, est un principe essentiel de cette expérimentation ainsi que de la réversibilité. On peut alors considérer ce modèle comme portant les germes de bons nombres de principes techniques, applicables à l’architecture mutable. Permettant de questionner divers facteurs de conception pouvant mener à un bâtiment flexible. Notamment le système structurel dissocié des fonctions et le plan neutre ; l’enveloppe dissociée de la structure ; et les circulations extérieures. Malheureusement, la maison « Dom-Ino » n’a jamais été construite, faute d’investisseurs.62 Toutefois, ce principe offre de nombreuses possibilité, que l’on retrouve dans les constructions contemporaines abordant l’idée de réversibilité.

Fig. 6 : Coupe longitudinale de la maison

Fig. 7 : Variante possible d’aménagement

Fig. 8 : Schéma du principe de l’ossature

Sources iconographiques : Figures 6-8 : BOESIGER Willy , STONOROW Oskar, Le Corbusier et Pierre Jeanneret Œuvre complete Tome 1, Zurich, Editions d’architecture, 1967. 59 - BOESIGER Willy, STONOROW Oskar, Le Corbusier et Pierre Jeanneret Œuvre complete Tome 1, Zurich, Editions d’architecture, 1967, P. 128. 60 - Ibidem, p. 24. 61 - Ibidem, p. 26. 62 - Ibidem, p. 23.


Les Marelles de Bernard Kohn et Georges Maurios, de 1971 à 1975, Boussy-St-Antoine, France Nos recherches nous mènent ensuite à l’architecte Georges Maurios (1934) et son projet d’habitat collectif des Marelles. Ce projet, constitue l’un des nombreux exemples de recherches sur l’habitat flexible et évolutif, impulsées après les guerres consécutives de cette période. Au sortir de la seconde guerre, les 460 000 immeubles détruit63 et l’exode rural accentuent en effet la crise de l’habitat, issue de la première guerre64. Un boom démographique de 21%65 participera également à cette pénurie de logements massive, dans tout le pays. Pour faire face à cette crise, l’état va alors commander dès 1944 sous la directive du MRU66, un très grand nombre de nouvelles constructions. Dont l’impératif devra être la rapidité d’exécution, ainsi que l’économie de moyens en vue de l’échelle nationale des travaux. Pour répondre à ces besoins, certains concepteurs vont alors s’inspirer des principes de l’industrialisation et de la préfabrication lourde pour accélérer les chantiers, en imposant ces processus dans la construction moderne.67 Cependant, le recours à divers procédés de béton coulé en place induira progressivement de nouveaux moyens de production, comme le coffrage tunnel et les murs de refend. Ceux-ci généraliseront ainsi le principe structurel du refend, au détriment de celui de l’ossature, plus flexible.68 Ces conditions vont donc mener progressivement à la standardisation du logement et à la réduction des surfaces habitables, ainsi qu’une baisse de ses qualités intrinsèques, en impactant la flexibilité des ouvrages.69 Ce projet innovant constitue donc l’un des contre-exemples de recherches sur l’habitat flexible, impulsées au cours des années 1960, sous l’influence des PAN, pour répondre à ces enjeux.70 G. Maurios entreprend en effet à partir de 1961, une recherche sur les structures porteuses creuses irriguées de fluides et destinées à la construction de logements flexibles, qu’il brevettera en 1966.71 Figurant parmi les premières Réalisations EXpérimentales (REX), du Plan construction de 1971, cette opération de 116 logements s’inscrit également dans le mouvement de l’industrialisation ouverte de l’époque.72 Ce programme d’appartements expérimentaux, conçus avec l’architecte Bernard Kohn, est donc porteur de nombre de dispositifs de mutations anticipées. Celui-ci repose en effet, sur un principe d’unités flexibles et extensibles. Le principe fort mis en avant est ainsi d’utiliser les éléments de béton à la manière d’un meccano, dont on peut démonter et remonter les pièces, en vue d’une adaptation à des usages en mutation. 73 N’employant qu’une gamme réduite d’éléments préfabriqués en béton armé, le procédé reprend alors les préceptes de la structure creuse, développés par Louis Kahn : l’ossature consiste en l’assemblage de «poteaux-gaines» et de «poutres-caniveaux» en U, destinés à accueillir la circulation des fluides (Fig. 13).74 Pour chacune des mailles, deux des quatre poteaux contiennent les gaines collectives de plomberie, les deux autres celles de ventilation (Fig. 12).75 Ce système permet alors de disposer les pièces humides librement, participant à la flexibilité de l’ensemble. Pour séparer et distribuer les appartements, un système de panneaux alvéolaires emboîtables et démontables, est mis en œuvre. Enfin, les façades peuvent recevoir des huisseries variées,complétées de panneaux permettant de changer et de remplacer les éléments au gré des besoins.76 Ainsi, l’ossature démontre d’une souplesse remarquable. Les partitions internes sont amovibles, l’enveloppe est standardisées et permet un remplacement partiel des éléments, et les réseaux disposés librement facilitent les modifications d’usages des pièces. Toutefois, beaucoup ignorent aujourd’hui que leur logement est, dans sa conception même, évolutif et flexible. Pourtant, le modèle ainsi développé permet de questionner divers facteurs de conception, pouvant mener à un bâtiment mutable. A savoir le système structurel permettant une partition libre et l’idée de réseaux flexibles et reconfigurables ; ainsi que l’enveloppe modulaire et démontable, que l’on retrouve dans des conceptions réversibles contemporaines.

63 - ABRAM Joseph, L’Architecture Moderne en France, tome 2 : du chaos à la croissance, Paris, Picard, 1999, p. 14. 64 - LOUPIAC Claude et MENGIN Christine, L’Architecture Moderne en France, Tome 1 : 1889-1940, Paris, Picard, 1997, p. 143. 65 - ABRAM Joseph, L’Architecture Moderne en France, tome 2 : du chaos à la croissance, Paris, Picard, 1999, p. 18 66 - Ibidem, p. 97. 67 - DELEMONTEY Yvan, Reconstruire la France : L’aventure du béton armé assemblé, Paris, Editions de la Villette, 2015, p. 86. 68 - Ibidem, p. 249. 69 - ABRAM Joseph, L’Architecture Moderne en France, tome 2 : du chaos à la croissance, Paris, Picard, 1999, p. 95. 70 - PERIANIEZ Manuel, Habitat évolutif : du mythe aux réalités, Paris, Programme cité-projets, 1993, p. 03. 71 - GARCIAS Jean-Claude et LEMOINE Bertrand, Georges Maurios : Essais, Monographies, Paris, Editions du Moniteur, 1990, p. 22. 72 - PUCA, 1973 : Les Marelles à Boussy-Saint-Antoine, 15 janvier 2018, disponible sur <www.urbanisme-puca.gouv.fr>. 73 - GARCIAS Jean-Claude et LEMOINE Bertrand, Georges Maurios : Essais, Monographies, Paris, Editions du Moniteur, 1990, p. 22. 74 - Ibidem, p. 23. 75 - PUCA, 1973 : Les Marelles à Boussy-Saint-Antoine, 15 janvier 2018, disponible sur <www.urbanisme-puca.gouv.fr>. 76 - Ibidem.

20


Fig. 9 : Photographie de l’ensemble, 1975

Fig. 10 : Croquis du principe global

Fig. 11 : Plan d’un étage courant

Fig. 12 : Schéma de l’ossature

Fig. 13 : Schéma du système de poteaux creux

Sources iconographiques : Figure 9 : GARCIAS Jean-Claude et LEMOINE Bertrand, Georges Maurios : Essais, Monographies, Paris, Editions du Moniteur, 1990 Figure 10 : RUBIN Patrick, Construire réversible, Paris, Canal Architecture, 2017 (Tirée du livre et modifiée) Figure 11 : GARCIAS Jean-Claude et LEMOINE Bertrand, Georges Maurios : Essais, Monographies, Paris, Editions du Moniteur, 1990 Figure 12 : RUBIN Patrick, Construire réversible, Paris, Canal Architecture, 2017 (Tirée du livre et modifiée) Figure 13 : GARCIAS Jean-Claude et LEMOINE Bertrand, Georges Maurios : Essais, Monographies, Paris, Editions du Moniteur, 1990


3 – La démontabilité expérimentée dans la seconde moitié du XXe siècle Genèse d’une matrice réversible Ainsi, la reconstruction d’après-guerre et ses conditions de crises ont mené progressivement les architectes à expérimenter de nouvelles manières de construire. Tournées notamment vers la préfabrication et l’industrialisation du bâtiment, pour des raisons de rationalisation des chantiers. Parallèlement au développement de ces architectures flexibles en ossature béton, certains architectes, prônant également le recours à l’industrialisation et la standardisation du bâtiment, se tourneront vers d’autres techniques constructives. Ainsi, les collaborations entre architectes et industriels auront une influence décisive sur le développement de nouveaux dispositifs économiques au sortir de la guerre. Ces constructions flexibles aux ossatures démontables, imposeront ainsi le recours aux structures légères standardisées et préfabriquées dans la seconde moitié du XXe siècle.77

Les maisons à portique démontables, Jean Prouvé, 1938-1949, France Le premier exemple de structure démontable et préfabriquée étudié se situe au lendemain de la Seconde Guerre en France, dans un contexte de reconstruction similaire à celui énoncé. Jean Prouvé (1901-1984), connu pour son engagement auprès des sinistrés et ses recherches autour d’une architecture préfabriquée et industrialisée, va en effet développer en 1939 un procédé d’ossature métallique démontable pour la reconstruction du pays.78 Il élaborera notamment en 1938, un principe de structure à portique axial métallique, dont il déposera le modèle l’année suivante (Fig. 15). Ces recherches aboutiront par la suite, au lendemain de la guerre, à une commande de maisons démontables temporaires pour loger les sinistrés de Lorraine et de Franche-Comté (Fig. 14).79 Ces constructions légères, seront en effet parfaitement adaptées à une mise en œuvre rapide et économique, car fabriquées à partir de tôles pliées en usine. Ainsi, il créera à partir de 1944 des prototypes de maisons démontables sur des modules de tailles différentes, de 6x6m, puis 6x9m et 8x8. Celles-ci seront entièrement composées d’éléments pré-fabriqués, composés de tôle d’acier plié, s’assemblant mécaniquement pour des raisons d’économie et de rapidité d’exécution.80 La structure porteuse des maisons est également réalisée entièrement en tôle pliée, ainsi que les poutres de plancher. La couverture est quant à elle constituée dans un premier temps de carton bituminé, puis de bacs acier. 81 L’originalité de ces expériences, tient avant-tout à leur ossature porteuse innovante. En effet, leur système se résume à un unique portique métallique qui soutient la structure, situé en partie centrale et dont plusieurs variantes seront dessinées (Fig. 16). Cette disposition laisse alors un plan libre d’une surface de 36 m² dans un premier temps, imposée par le ministère de la Reconstruction lors de sa commande, puis portée ensuite à 54 m² et 64m².82 L’autre composant innovant de ce projet sont ses façades, composées de panneaux amovibles et préfabriqués en usine, qui viennent se glisser dans des rails métalliques sur le chantier avec un outillage simple. Originairement imaginés en aluminium, ceux-ci seront finalement constitués dans un premier temps de bois (Fig. 14), dû à la pénurie de matière qui éclate au sortir de la guerre.83 La fonction porteuse étant assurée par l’ossature centrale, et l’enveloppe n’assurant plus le rôle de structure, une grande liberté d’agencement des partitions et des ouvertures est rendue possible. L’architecte poursuit ensuite ses recherches jusque dans les années 1950, qui aboutiront au développement de la maison Métropole en 1949, et perfectionnera l’ensemble de ces principes. Avec cette fois-ci, des panneaux métalliques en façade (Fig.17). Ainsi, ces structures légères et constituées d’éléments préfabriqués et modulaires, assemblés de manière mécanique, permettent de questionner divers facteurs de démontabilité de la structure et inspirent notamment les architectes qui travaillent sur la réversibilité aujourd’hui.

77 - ABRAM Joseph, L’Architecture Moderne en France, tome 2 : du chaos à la croissance, Paris, Picard, 1999, p. 89. 78 - Ibidem, p. 90. 79 - Ibidem, p. 91. 80 - Ibidem, p. 23. 81 - COLEY Catherine, Jean Prouvé : maison démontable 6 x 6. Vol.1, Paris, Galerie Patrick Seguin , 2014, p. 10. 82 - Ibidem, p. 7. 83 - COLEY Catherine, Jean Prouvé : maison démontable 8 x 8. Vol.2, Paris, Galerie Patrick Seguin, 2014, p. 43.

22


Fig. 14 : Maison démontable 6x6 construite en 1944, Galerie Patrick Seguin, 2014

Fig. 15 : Maquette de principe du portique axial, 1938

Fig. 16 : Variantes du système portique, 1939-1944

Fig. 17 : Maison Métropole, 1949, Galerie Patrick Seguin, 2016

Sources iconographiques : Figure 14 : COLEY Catherine, Jean Prouvé : maison démontable 6 x 6. Vol.1, Paris, Galerie Patrick Seguin , 2014 Figures 15-16 : COLEY Catherine, Jean Prouvé : maison démontable 8 x 8. Vol.2, Paris, Galerie Patrick Seguin, 2014 Figure 17 : COLEY Catherine, Jean Prouvé Maison Démontable Métropole 1949, Paris, Galerie Patrick Seguin, 2016


La Grand’Mare, Marcel Lods, de 1968 à 1969, Rouen, France En poursuivant nos recherches, nous nous arrêtons ensuite sur l’architecte Marcel Lods (1891-1978). Pionnier dans le domaine de l’industrialisation du bâtiment, l’architecte, affilié au mouvement moderne, construit en effet avec la collaboration d’ingénieurs et de constructeurs comme Bodiansky, Beaudoin et Prouvé, des bâtiments qui font longtemps référence en matière d’architectures préfabriquées. Défenseur de l’industrialisation intégrale du bâtiment, Lods tente ainsi d’imposer ses idées pour la reconstruction d’après-guerre.84 Soucieux de satisfaire à la forte demande en logements suite aux bombardements de la Guerre mais refusant le caractère contraignant des préfabrications lourdes en béton85, l’architecte préconise ainsi, dès les années 1930, la préfabrication d’éléments standardisés en métal et l’industrialisation intégrale dans les constructions.86 En effet, Lods croit en une industrialisation légère du bâtiment, préférant le métal et le montage à sec aux préfabrications lourdes majoritaires à cette époque.87 Associé à Henri Beauclair et Paul Depondt, l’architecte fonde ainsi le GEAI en 1962 (Groupement d’études pour une architecture industrialisée) et conçoit dans la foulée l’ensemble de La Grand Mare à Rouen.88 Cet ensemble d’habitations, se compose de 25 plots de quatre étages (Fig. 18), avec cinq logements par niveau disposés autour d’une cage d’escalier centrale et d’un rez-de-chaussée dévolu aux espaces techniques et communs. De l’ossature métallique en acier et aluminium aux finitions, tous les éléments de cet ensemble sont fabriqués en usine, livrés sur chantier, puis montés à sec et assemblés mécaniquement et simplement à l’aide de boulons et de chevilles89 (Fig. 20-22) : les 25 plots sont érigés en 15 mois seulement.90 Le procédé, qui s’articule autour de la cage d’escaliers et de l’ossature métallique, permet ainsi une grande liberté dans la partition interne et dans l’affectation des espaces avec des parois légères, amovibles et modulaires en bois.91 L’enveloppe est également constituée de panneaux en aluminium amovibles, interchangeables et démontables. Cependant, divers inconvénients d’ordre technique dans la conception du projet, ainsi que des faiblesses d’ordre thermique et de résistance au feu, seront pointés du doigt. En effet, le problème principal de ces immeubles réside dans leurs parois doubles, avec un vide d’air central. Bien qu’efficace pour l’acoustique, ce dispositif fait en revanche un effet cheminée en cas d’incendie, avec une charpente métallique apparente sans enrobage et donc vulnérable au feu.92 Suite à plusieurs incendies, dont le plus récent se déclare en 2011, ils seront menacés de démolition, puis sauvés en 1980 par la mobilisation de ses habitants.93 Bien que démontables et recyclables, plusieurs seront ensuite démolis pour des raisons techniques et économiques et il ne reste aujourd’hui plus que 8 bâtiments. Toutefois, ce système d’industrialisation à grande échelle et de montage à sec sur chantier, aura impulsé la préfabrication en ossature métallique et la démontabilité à l’échelle de l’immeuble collectif. Influençant ainsi les principes constructifs des ouvrages réversibles contemporains.

84 - ABRAM Joseph, L’Architecture Moderne en France, tome 2 : du chaos à la croissance, Paris, Picard, 1999, p. 89. 85 - UYTTENHOVE Pieter, Marcel Lods : Action, Architecture, Histoire, Paris, Verdier, 2009, p. 134. 86 - Ibidem, p. 382. 87 - ABRAM Joseph, L’Architecture Moderne en France, tome 2 : du chaos à la croissance, Paris, Picard, 1999, p. 90. 88 - Ibidem, p. 90. 89 - CHARPENTIER Jean-Marie, Marcel Lods, L’homme et l’architecture, Paris, CROA de Paris-Ile-de-France, 1993, 90 - RUBIN Patrick, Construire réversible, Paris, Canal Architecture, 2017, p.28 91 - CHARPENTIER Jean-Marie, Marcel Lods, L’homme et l’architecture, Paris, CROA de Paris-Ile-de-France, 1993, p. 32. 92 - Ibidem, p. 33. 93 - LAMARRE Françoise, “La modernité confirmée des immeubles Lods de la Grand-Mare, à Rouen”, in Les Echos, 26 mars 2009.

24


Fig. 18 : Croquis du principe d’ensemble

Fig. 19 : Schéma de l’ossature

Fig. 20-22 : Photographies de la mise en œuvre, 1968

Sources iconographiques : Figures 18-19 : RUBIN Patrick, Construire réversible, Paris, Canal Architecture, 2017 (Tirées du livre et adaptées) Figures 20-22 : UYTTENHOVE Pieter, Marcel Lods : Action, Architecture, Histoire, Paris, Verdier, 2009


Les maisons Segal, Walter Segal, 1970, Londres Enfin, un exemple d’outre-Manche retient notre attention et vient clore notre investigation. Pionnier de l’autoconstruction en Angleterre, Walter Segal (1907-1985) a en effet mis au point au cours des années 1970, une méthode de mise en œuvre rapide, efficace et simple permettant aux citoyens ordinaires de concevoir et d’autoconstruire leurs maisons. Cette méthode permet, en effet, d’édifier une maison à moindre coût, en utilisant des matériaux disponibles, dans des tailles standards.94 Considérant ses recherches comme une approche, et nonpas comme un système, il ne déposera pas de brevet pour cette méthode de conception.95 Construit en deux semaines, le prototype qui servira de modèle au développement du principe, est suffisamment convaincant et économique pour susciter plusieurs commandes.96 À la fin des années 1970, le conseil de Lewisham adopta en effet pour la première fois la «méthode Segal», pour un projet expérimental de logements auto-construits sur quatre sites.97 La méthode Segal simplifie en outre toutes les étapes de conception et de chantier : l’ensemble du processus ne nécessite aucune expérience préalable et le recours à des matériaux semi-finis, standardisés, permet de réduire drastiquement les coûts de mise en œuvre.98 L’ossature bois est ici préférée à la maçonnerie lourde et aux techniques humides. Celle-ci est alors légère et modulaire, afin de faciliter les modifications et extensions futures, et assemblée à sec (Fig. 24). Car l’architecte estimait qu’une maison devait se composer d’une ossature basique, pouvant évoluer simplement, selon les besoins de son propriétaire.99 Ses dimensions sont alors définies par celles des éléments de constructions standardisés, de sorte à optimiser sa modularité et à limiter les déchets, en favorisant le réemploi des éléments.100 Posées sur des plots isolés, les maisons minimisent les travaux de fondations (Fig. 23), et peuvent ainsi s’immiscer sur des parcelles étroites.101 Les assemblages des éléments et de l’ossature, se font ensuite de façon mécanique sur le chantier, par simple vissage ou boulonnage.102 Ce système, flexible et modulable qui autorise de nombreuses variations, accepte avec souplesse les modifications ultérieures. Peu contraints grâce à l’ossature porteuse, les cloisonnements intérieurs en panneaux modulaires peuvent être facilement déplacés et démontés. Assemblé à sec et sans finitions, celui-ci se prête tout particulièrement à la déconstruction. Hormis les plots de bétons, qui constituent des éléments plus complexes à traiter lors du démontage. Cette méthode efficace et économe, reste encore utilisée aujourd’hui. En ceci, elle constitue l’un des modèles précurseurs et efficients d’ossature bois modulaire et démontable, contenant de nombreux principes techniques applicables à la réversibilité des constructions aujourd’hui.

94 - SILVER Pete, Comprendre simplement les techniques de conception, Paris, Editions du Moniteur, 2014, p. 164. 95 - Ibidem, p. 165. 96 - RUBIN Patrick, Construire réversible, Paris, Canal Architecture, 2017, p. 28. 97 - SILVER Pete, Comprendre simplement les techniques de conception, Paris, Editions du Moniteur, 2014, p. 165. 98 - RUBIN Patrick, Construire réversible, Paris, Canal Architecture, 2017, p. 29. 99 - SILVER Pete, Comprendre simplement les techniques de conception, Paris, Editions du Moniteur, 2014, p. 165. 100 - Ibidem, p. 164. 101 - Ibidem, p. 164. 102 - Ibidem, p. 165.

26


Fig. 23 : Coupe Transversale du système

Fig. 24 : Schéma de l’ossature

Fig. 25 : Croquis d’une maison-type

Sources iconographiques : Figure 23 : SILVER Pete, Comprendre simplement les techniques de conception, Paris, Editions du Moniteur, 2014. Figures 24-25 : RUBIN Patrick, Construire réversible, Paris, Canal Architecture, 2017. (Tirées du livre et adaptées)


Ainsi, ces expérimentations dans le courant du XXe siècle ont en commun des contextes propres, qui ont encouragé les architectes de ces époques à changer d’attitude de conception pour expérimenter de nouvelles manières de construire. Ces expériences, ont alors en commun une recherche de rationalisation de la conception, d’efficacité et d’économie. Notamment influencées par un contexte d’urgence et de crises, issues des guerres et des différentes pénuries que celles-ci ont causées sur le territoire, dans la période de reconstruction. Ces expériences auront alors eu pour but de développer des typologies et dispositifs innovants, efficaces et rationalisés, dans l’optique de pouvoir les décliner à l’échelle du territoire et du collectif. Bien que le contexte de Haussmann ne soit pas celui de l’urgence de la reconstruction, il aura toutefois eu en relation avec ces expériences, l’idée de formuler la question du territoire et de l’articulation entre le bâtis et l’édifice. Expérimentant ainsi des dispositifs applicables à grande échelle. L’analyse de ces exemples, permet alors de déterminer les origines de l’élaboration d’une architecture mutable et prospective, dont les réalisations contemporaines semblent s’inspirer à présent pour concevoir des édifices réversibles. Nous avons ainsi démontré que, bien que cette notion innovante se veuille résolument moderne et émergente, elle puisait ses sources dans les recherches sur les architectures flexibles et démontables du XXe siècle. Bien que ces mouvements n’aient pas forcément rencontré le succès attendu à leur époque. Cependant, si ces architectes avant-gardistes n’ont pu réussir à convaincre dans leur contexte, nous verrons dans la partie suivante que l’intérêt que nous portons aujourd’hui pour ce principe, est dû à un contexte contemporain définit par diverses crises et mutations, auxquelles nous devons aujourd’hui répondre. Ceux-ci tendent ainsi à rendre pertinent cet engouement auprès des acteurs du territoire, pour développer des dispositifs réversibles déclinables à grande échelle. En particulier pour la typologie tertiaire.


UNE ÉMERGENCE CONTEMPORAINE ISSUE D’UN CONTEXTE DE CRISES

29


Si le XXe siècle a connu son lot de crises et de bouleversements, qui auront poussé les acteurs de la conception à repenser leurs manières de construire, le XXIe siècle éprouve également ce phénomène. En effet, les enjeux climatiques et la raréfaction des ressources, ainsi que l'obsolescence prématurée du bâti ont bouleversé nos rapports à l'environnement et remettent aujourd'hui en question nos manières de construire et d'habiter la ville. Tant à l'échelle de l'édifice, qu'à celle du territoire et de leurs articulations. Bien que nous ne connaissions pas aujourd'hui un contexte de crise comparable à celui de la reconstruction d'après-guerre, de nouveau type de crises questionnent ainsi aujourd'hui nos territoires, encourageant les architectes et urbanistes à développer de nouveaux dispositifs constructifs. Ces recherches impulsent ainsi l’engouement montant pour la réversibilité des constructions, à fortiori pour la typologie de l’immeuble tertiaire. Dans cette partie, nous nous attacherons donc à identifier les enjeux qui poussent aujourd’hui les architectes et concepteurs, à se tourner vers ces nouveaux dispositifs. Nous étudierons également quels peuvent être les obstacles actuels, qui entrent en contradiction avec ce désir grandissant de flexibilité des ouvrages.


A - Mutations socio-spatiales et crises environnementales Un enjeu pour le développement des territoires 1 – De la nécessité de stopper l’étalement urbain et l’irréversibilité de nos constructions Comme explicité en introduction, notre monde traverse aujourd’hui une crise écologique planétaire, liée aux mutations socio-spatiales des populations. Celles-ci rendent en outre essentielle l’attention portée à l’environnement dans la conception. Nous savons en effet que la population mondiale s’accroît rapidement. Nous sommes aujourd’hui 7 milliards et demi d’habitants, et nous seront près de 9 milliards en 2050 à prévoir.103 Cette croissance de la population entraînera donc fatalement un étalement urbain accru, si nous ne changeons pas nos manières de concevoir la ville. D’autant plus que les populations migrent également massivement vers les zones urbaines, avec 70% de la populations vivant en ville à prévoir d’ici 2050.104 (Fig.27) Ces différentes mutations et l’incapacité pour nos villes d’absorber ces conséquences, ont eu jusqu’ici pour effet d’impacter les périphéries des villes, par un étalement urbain en pleine accélération ces dernières décennies.105 Cet étalement grandissant, aujourd’hui dénoncé et remis en question, a eu divers effets négatifs sur les territoires et il ne semble désormais plus envisageable de poursuivre cette dynamique. La croissance accélérée de la périphérie des villes, est en outre responsable d’une part significative de la disparition de la biodiversité. Surtout, elle détruit progressivement les terres agricoles les plus riches, qui viendront à manquer pour nourrir les générations futures (Fig.26).106 Les grandes villes se sont en effet développées du fait de l’existence de ressources alimentaires et en eau abondantes à proximité. Les meilleures terres agricoles, étaient donc celles de la périphérie des villes. Cependant, force est de constater que la majeure partie de ces terres a aujourd’hui disparu. Environ 82000 hectares sont, en effet, consommés chaque année en France au profit de l’agrandissement des aires urbaines.107 Construire des quartiers éloignés des centres-villes, implique donc la destruction des terres agricoles proches et de leur bio-diversité. Cela implique également de multiplier les déplacements entre lieux de résidence, de travail ou de loisir et augmente donc par ricochet, les émissions de CO2 responsables en partie du réchauffement climatique.108 De plus, l’imperméabilisation des surfaces de sol par l’asphalte ou le ciment, conduit à aggraver les crues et à dégrader la qualité des eaux qui ruissellent.109 Enfin, la construction soutenue de nouveaux quartiers et la démolition de l’existant ont pour conséquence l’utilisation constante de ressources supplémentaires, qui pourraient rapidement venir à manquer. Cet étalement pose donc aujourd’hui des questions sur la gestion des territoires. Nous devrions ainsi réfléchir à de nouvelles alternatives, en investissant notamment les territoires déjà construits dans une idée de densification, plutôt que par l’expansion des aires urbaines. Comme le préconise la Loi Grenelle 2 du 12 juillet 2010.110 Pour répondre à ces enjeux de crise et répondre aux attentes de la transition écologique, il est donc recommandé, entre-autre, de densifier les villes et de concevoir les édifices de manière à s’adapter aux mutations des sociétés contemporaines dans l’optique de consommer moins de ressources. Il est donc conseillé de cesser de détruire systématiquement l’existant, pour reconstruire du neuf identique. C’est pourquoi l’on préconise aujourd’hui de se tourner vers des constructions plus responsables, utilisant les ressources déjà mises à profit, dans une logique de recyclage.

103 - Selon le rapport du 21 juin 2017 de l’ONU. 104 - Selon le rapport du 27 mai 2014 de l’ONU sur les défis à relever pour une urbanisation durable. 105 - LAUGIER Robert, L’étalement urbain en France, CRDALN, Ministère de l’écologie et du développement durable, février 2012, p. 03. 106 - MELKI Frédéric, “Lutter contre l’étalement urbain une priorité écologique”, in Le monde, 10 décembre 2012. 107 - Statistiques issues du site <www.planetoscope.com>. 108 - LAUGIER Robert, L’étalement urbain en France, CRDALN, Ministère de l’écologie et du développement durable, février 2012, p. 10. 109 - A’URBA, Maîtriser l’imperméabilisation des sols, enjeux et méthodes, mai 2015. 110 - Disponible sur <www.legifrance.gouv.fr>.

31


En effet, la démolition d’édifices obsolètes et la reconstruction de nouveaux ouvrages implique une constante extraction de matières premières, qui induit également de nombreux impacts environnementaux. A échelle mondiale, la quantité de matières premières extraites d’ici à 2060, devrait ainsi prévoir une augmentation de plus de 77 tonnes annuelles, si nous poursuivons dans ces schémas.111 Ceci tend donc progressivement à une raréfaction des ressources disponibles. De plus, le processus de fabrication des matériaux, à partir de ces ressources, est également responsable de nombreuses émissions grises. Le ciment, élément principal de la composition du béton, serait ainsi responsable de plus de 9% des émissions mondiales de dioxyde de carbone et les métaux de plus de 7%.112 Cette gestion réfléchie des territoires et des ressources nécessaire et ces besoins sans cesse en mutations, ont ainsi de lourdes conséquences et devraient donc désormais interpeller les architectes, afin d’ajouter de la souplesse dans leurs projets pour ne pas les condamner à la destruction. Nous devrions ainsi envisager des alternatives à ces situations, si nous voulons nous engager dans un développement durable des territoires. Ceci constitue par conséquent un enjeu principal, auquel nous cherchons aujourd’hui des réponses exploitables.

2 – Vers une économie de l’espace et des ressources Outre les territoires qui connaissent de grandes mutations et crises, les modes de vie des Français ont connu parallèlement de nombreux changements structurants depuis la fin des années 1970. Le développement constant de nouvelles technologies et l’expansion d’internet, ont ainsi conduit progressivement à des modes de vie contemporains plus mobiles et changeants dans les déplacements, les manières d’habiter, de travailler et de consommer. La société de consommation113 qui en résulte, est toutefois confrontée désormais à la crise environnementale et à la raréfaction des ressources de la planète. D’autant plus que le monde connecté que nous connaissons aujourd’hui, où l’information est accessible continuellement, nous confronte directement aux répercussions de nos actes. Cette prise de conscience des effets néfastes d’un tel développement, fait alors progressivement émerger un contre-courant, le « slow ».114 La prise de conscience écologique commence à faire émerger, en effet depuis quelques années, un engouement pour le recyclage, le réemploi des matériaux et des édifices et un mode de vie plus écologique. Ainsi, les constructions moins énergivores et plus responsables sont de plus en plus recherchées. Depuis les lois Grenelle I et II,115 de nombreux textes et lois tentent en effet, de lutter contre l’obsolescence environnementale et énergétique et l’étalement des villes. Dans ce contexte, le bâtiment constitue l’une des premières sources d’économies d’énergie et de ressources potentielles.116 À ce titre, la lutte contre l’obsolescence et la démolition devient un enjeu tout particulier pour ce secteur. La préoccupation du climat et de l’épuisement des ressources, lié aux domaines de la construction et celui de l’énergie, devient en effet l’axe majeur sur lequel se penche le marché du BTP. L’un des principaux secteurs concernés.117 Ce mouvement amène ainsi aujourd’hui les acteurs de la construction à se montrer plus attentifs à la résilience de l’immeuble et à son devenir, en anticipant la fin de vie des ouvrages. C’est donc dans cette optique, que les recherches sur des ouvrages flexibles et adaptables commencent à émerger, mettant en lumière le principe de réversibilité des constructions dans les discours politiques et urbains contemporains.

111 - Selon le rapport du 22 octobre 2018 de l’OCDE, intitulé Perspectives mondiales des ressources matérielles à l’horizon 2060. 112 - RANTRUA Sylvie, «Deux fois plus de matières premières seront consommées d’ici à 2060», L'Usine Nouvelle, 23 octobre 2018. 113 - Terme généralement attribuée à Jean-Marie Domenach, directeur de la revue Esprit, depuis les années 1960. 114 - RUBIN Patrick, Construire réversible, Paris, Canal Architecture, 2017, p. 7. 115 - Disponible sur <www.legifrance.gouv.fr>. 116 - GUILLOT David, «L’obsolescence de l’immeuble les grands enjeux de la réversibilité», in Le Moniteur, 2018, novembre, n°110, p. 24. 117 - Ibidem p. 26.

32


Fig. 26 : Evolution de la consommation des terres agricoles et naturelles En Hectares, depuis 2007

Fig. 27 : Evolution de la démographie mondiale en milliards d’habitants Projections futures à 2050

Sources iconographiques : Figure 26 : Production personnelle issue des données disponibles sur<www.geoinformations.developpement-durable.gouv.fr>. Figure 27 : Production personnelle issue des données de l’ONU dans son rapport du 21 juin 2017, disponible sur <www.un.org>.


B - Mutations et crises des modes de vie et de travail Un enjeu pour la conception des édifices Les politiques publiques ont ainsi fait émerger, il y a 30 ans, le concept de développement durable. Car le progrès technique ne pouvait assurer une croissance infinie, ni préserver les ressources et les capacités des générations futures à conduire leur propre développement.118 Sur le plan urbain, injonction a été faite aux territoires de stopper l’étalement et de transformer la ville sur elle-même, dans une logique de réutilisation des ouvrages. Faisant passer du principe de table-rase, à celui du recyclage.119 Or, dans ce contexte de mutations territoriales et sociétales, l’immeuble, en particulier tertiaire, est devenu une question centrale. Car lié à la fois aux mutations des modes de vie et de travail et à celles des territoires. C’est donc dans cette nouvelle dynamique d’une recherche de constructions plus responsables, qu’intervient aujourd’hui la réversibilité dans ce domaine.

1 – Évolutions et standards de la conception tertiaire Depuis la révolution industrielle, les bureaux s’étaient en effet situés près des activités des industries. Après la Seconde Guerre mondiale et avec le développement des sociétés de services, la nécessité de nouveaux quartiers d’affaires relance la production et l’on construit alors de manière soutenue des bureaux neufs, modernes et fonctionnels.120 Un double mouvement s’engage alors. Entre désindustrialisation d’un coté, et tertiairisation de l’emploi de l’autre. De grandes opérations de quartiers d’affaires, comme le quartier de la défense à Paris (1958), voient ainsi le jour121, transformant radicalement la morphologie des lieux de travail, et la structure de l’emploi. L’architecture tertiaire est en outre marquée par la prédominance de la trame, et ce, depuis les trente glorieuses.122 Dans ces années de reconstruction, celle-ci simplifie et accélère effectivement la mise en œuvre, en favorisant le recours aux éléments préfabriqués. Les programmes tertiaires vont ainsi se standardiser à cette période, avec un recours au béton accru dans la conception et l’apparition de quartiers de grande-hauteur monofonctionnels, dédiés au programme de bureaux. La typologie particulière de l’immeuble de bureaux et la constitution d’un parc dédié à l’échelle de la région Île-de-France, apparaissent ainsi dans le courant des années 1960.123 Les plans d’urbanisme et d’architecture de cette période, ont en effet été conçus en fonction des principes idéologiques du Mouvement Moderne. Ces principes, sont en outre définis de manière rationnelle et séparatrice pour les fonctions clé de la ville. A savoir habiter, se récréer, circuler et travailler.124 Cette typologie à part, qui pose la question de son rapport à la rue et de ses fonctions de représentation inhérentes à sa destination, véhicule alors l’image des entreprises et des administrations modernes.125 Dès lors, une réflexion s’engage sur l’image et l’architecture de ces édifices, ainsi que sur le renouvellement du parc de bureaux existant que l’on considère comme inadapté. Tant sur le plan de la fonctionnalité des espaces cloisonnés, que de leur localisation.126 La figure de la grande entreprise, s’inspirant d’un management à l’américaine, devient par ailleurs un modèle générique en Europe et remplace progressivement sur toute la décennie, celle de l’entreprise de type entrepreneurial qui servait jusqu’à lors de modèle.127

118 - Issu de la définition du développement durable, disponible sur <www.Insee.fr>. 119 - RAMBERT Francis, Un bâtiment combien de vies ?, Cité de l’architecture et du patrimoine, Milan, Silvana Editoriale , 2015, p. 11. 120 - REMØY Hilde, L’héritage du Mouvement Moderne, PCA, 2012, p. 329. 121 - ABRAM Joseph, L’Architecture Moderne en France, tome 2 : du chaos à la croissance, Paris, Picard, 1999, p. 159. 122 - PELEGRIN-GENEL Elisabeth, 25 espaces de bureaux, Paris, Le Moniteur, 2006, p. 16. 123 - ABRAM Joseph, L’Architecture Moderne en France, tome 2 : du chaos à la croissance, Paris, Picard, 1999, p. 191. 124 - CHOAY Françoise, L’urbanisme, utopies et réalités : une anthologie, Paris, Seuil, 1979, p.34 125 - ABRAM Joseph, L’Architecture Moderne en France, tome 2 : du chaos à la croissance, Paris, Picard, 1999,, p. 195. 126 - REMØY Hilde, L’héritage du Mouvement Moderne, PCA, 2012, p. 333. 127 - CHESNEAU Isabelle, Le renouvellement des immeubles de bureaux : le cas de l’ile de France, Ann. rech. urbaine, septembre 2002, p. 68.

34


La typologie des bâtiments s’en voit, dès lors, radicalement transformée. Passant de bureaux cloisonnés et hermétiques, à des systèmes poteaux/poutres, qui rationalisent et simplifient les espaces. Les cloisonnements disparaissent, sur des trames peu profondes aux environ de 14m, permettant un éclairement naturel et une disposition libre des postes de travail.128 C’est l’apparition des bureaux-paysagers, aux façades lisses et aux systèmes porteurs élancés, dont les murs-rideaux de métal et de verre signeront l’esthétique radicalement Moderne.129 Dans ces grands espaces ouverts, les signes hiérarchiques sont abolis. Les repères traditionnels (portes, cloisons, couloirs) ayant disparu, des plantes en pot restent alors les seuls signes de marquage spatial, avec des bureaux disposés librement dans l’espace.130 Dans cette même période, les firmes se regroupent, se concentrent, et le problème de l’augmentation des effectifs devient une préoccupation centrale des questions de management des territoires.131 On observe alors un mouvement de concentration des bureaux à Paris et en proche banlieue, renforcé par un mouvement d’extension du parc tertiaire, au détriment de celui de l’industrie.132 De plus, à la fin des années 1960, les entreprises jusqu’à lors propriétaires des locaux, se tournent vers le marché locatif.133 Les premiers bureaux en blanc voient ainsi le jour, avec des espaces banalisés et standardisés qui se multiplient, s’adaptant à n’importe quel utilisateur.134 Jusqu’aux années 1990, le mouvement de restructuration des activités économiques d’Îlede-France se poursuit et le tertiaire se substitue à l’activité industrielle qui, elle, se délocalise. 135 Toutefois, avec ce système le bureau à prédominance locative devient un produit immobilier, lié aux fluctuations économiques et aux mouvements spéculatifs du marché.136 Ainsi, une première crise viendra frapper ce programme à partir de 1975 avec une sur-abondance d’offre qui saturent le marché, suivie par une pénurie de bureaux dans les années 1980.137 Une restructuration majeure de l’emploi tertiaire émerge ensuite dans les années 1990, et les bureaux construits avant les années 1980 sont considérés comme dépassés.138 Leur taille, leur morphologie ou leur localisation, sont ainsi inadaptées à la nature de la demande des entreprises, dont les besoins ont évolué. A partir de la fin des années 1980, l’espace de bureaux obéit en effet à deux caractéristiques principales : l’ouverture et l’optimisation de l’espace. L’open-space est né.139 Ces évolutions impliquent une adaptation de l’espace à des formes plus mouvantes, et de taille variable.140 Ces différentes contraintes, vont donc conduire petit à petit les concepteurs à formuler des propositions en termes d’ouverture maximale de l’espace.141 Les plateaux s’agrandissent, la profondeur de trame également -allant jusqu’à 18m-, les noyaux durs centraux de distribution font leur apparition, et les dispositions constructives évoluent vers des murs de refend bétonnés et des façades rideaux toute-hauteur en verre.142 Cette typologie restera par ailleurs le standard, jusque dans les années 2000.143

128 - PELEGRIN-GENEL Elisabeth, 25 espaces de bureaux, Paris, Le Moniteur, 2006, p. 16. 129 - ABRAM Joseph, L’Architecture Moderne en France, tome 2 : du chaos à la croissance, Paris, Picard, 1999, p. 195. 130 - PELEGRIN-GENEL Elisabeth, 25 espaces de bureaux, Paris, Le Moniteur, 2006, p. 17. 131 - REMØY Hilde, L’héritage du Mouvement Moderne, PCA, 2012, p. 334. 132 - Ibidem, p. 335. 133 - BOUCHET Pierre, MANSOUX Frédérique et PINOT Gérard, De l’immeuble de bureau au lieux de travail, Paris, Le Moniteur, 2018, p. 55. 134 - PELEGRIN-GENEL Elisabeth, 25 espaces de bureaux, Paris, Le Moniteur, 2006, p. 13. 135 - BOUCHET Pierre, MANSOUX Frédérique et PINOT Gérard, De l’immeuble de bureau au lieux de travail, Paris, Le Moniteur, 2018, p. 27. 136 - PELEGRIN-GENEL Elisabeth, 25 espaces de bureaux, Paris, Le Moniteur, 2006, p. 14. 137 - Ibidem, p. 15. 138 - REMØY Hilde, L’héritage du Mouvement Moderne, PCA, 2012, p. 337. 139 - CHESNEAU Isabelle, Le renouvellement des immeubles de bureaux : le cas de l’ile de France, Ann. rech. urbaine, septembre 2002, p. 72. 140 - PELEGRIN-GENEL Elisabeth, 25 espaces de bureaux, le moniteur, p. 22 141 - Ibidem, p. 73. 142 - BOUCHET Pierre, MANSOUX Frédérique et PINOT Gérard, De l’immeuble de bureau au lieux de travail, Paris, Le Moniteur, 2018, p. 54. 143 - PELEGRIN-GENEL Elisabeth, 25 espaces de bureaux, le moniteur, p. 23

35


2 – Mutations des modes de travail et obsolescence du programme tertiaire Suite à ces évolutions progressives de l’espace de travail depuis les années 1960, jusque dans les années 70, avec l’apparition des bureaux paysagers puis des open-space des années 1980-90, ceux-ci n’ont donc plus connus de mutations structurelles majeures. Pourtant, les transformations des modes de vie et de travail n’ont, eux, cessés d’évoluer ces dernières décennies, allant progressivement vers une société plus mobile et connectée. Ceci tend alors à créer une rupture franche entre les espaces construits des bureaux standardisés et les modes de travail souhaités par les usagers.144 Ces facteurs entraînent par conséquent une désuétude des immeubles inadaptés, remettant profondément en question la conception de ces espaces. Le monde du travail est en effet sujet aux changements et rime de plus en plus avec discontinuité.145 Le bureau, autrefois lieu de production mono-fonctionnel traduit par des alignements de cloisons et de tables attitrées, ne correspond donc plus aux désirs des usagers actuels.146 Aujourd’hui, une recherche de confort et d’appropriation libre émerge en effet, dans une certaine forme de «nomadisme»147 et d’interdisciplinarité. Cette recherche se matérialise alors par un désir de spatialités favorisant la collaboration et l’entraide. Tels que les lieux de « co-working » ou encore les « tiers-lieux », où espaces de travail se mêlent à des espaces de détente, avec un principe de « bureaux flottants ».148 Parallèlement, le « télé-travail » se démultiplie grâce à Internet et aux applications, évitant les trajets entre bureau et logement. Réduisant le poste de travail à un simple ordinateur portable.149 Cependant, ces transformations rapides de nos modes de travail soulèvent plusieurs questions et modifient les relations entre ancrage et mobilité, physique et virtuel. D’un point de vue spatial et programmatique, le bureau est il encore pertinent et quelles formes adopter pour s’adapter à ces nouveaux désirs ? Est-ce possible dans nos édifices actuels, programmés pour un seul usage ? Comment s’adapter aux limites de plus en plus floues entre habitat et travail ? Ces porosités entre maison et travail, sont déjà expérimentées dans le Cool Office américain, défendu par les GAFA150, qui inspirent les entreprises Européennes aujourd’hui.151 Ce mode d’organisation du travail convivial, décrète «que les employés doivent se sentir bien, pour donner le meilleur d’eux-mêmes ».152 Ces espaces, sont donc définis par des usages divers, entre travail, repos, détente et repas. Dans des espaces réaffectables et mutables. Ce qui n’est pas toujours transposable dans nos bâtiments tertiaires traditionnels. Face à ces facteurs, les bureaux sont donc tout particulièrement confrontés à une obsolescence accrue ces dernières années. L’obsolescence a pour origine le mot « obsolète » qui se définit selon le dictionnaire Larousse comme « ce qui n’est plus en usage, tombé en désuétude ».153 Il s’agit alors de la « dépréciation d’un matériel ou d’un équipement avant son usure matérielle ».154 En architecture, celle-ci se présente en effet comme un facteur indépendant des caractéristiques constructives des édifice, et procède d’un processus socio-économique, selon lequel l’évolution des usages et l’innovation technologique accélérée, rendent anachroniques les constructions passées, au fur et à mesure que d’autres sont édifiées.155 Celle-ci est donc due à un décalage entre les formes spatiales, et les pratiques sociales évolutives. Elle peut être ainsi due à plusieurs facteurs, d’ordre techniques, ou psychologiques.

144 - PELEGRIN-GENEL Elisabeth, 25 espaces de bureaux, Paris, Le Moniteur, 2006, p. 38. 145 - RUBIN Patrick, Construire réversible, Paris, Canal Architecture, 2017, p. 05. 146 - BOUCHET Pierre, MANSOUX Frédérique et PINOT Gérard, De l’immeuble de bureau au lieux de travail, Paris, Le Moniteur, 2018, p. 22. 147 - PELEGRIN-GENEL Elisabeth, 25 espaces de bureaux, Paris, Le Moniteur, 2006, p. 28. 148 - Ibidem, p. 24. 149 - BOUCHET Pierre, MANSOUX Frédérique et PINOT Gérard, De l’immeuble de bureau au lieux de travail, Paris, Le Moniteur, 2018, p. 120. 150 - Google, Amazon, Facebook, Apple. 151 - BOUCHET Pierre, MANSOUX Frédérique et PINOT Gérard, De l’immeuble de bureau au lieux de travail, Paris, Le Moniteur, 2018, p. 55. 152 - RUBIN Patrick, Construire réversible, Paris, Canal Architecture, 2017, p. 07. 153 - Définition du mot obsolète, disponible sur <www.larousse.fr>. 154 - Définition du mot obsolescence, disponible sur <www.larousse.fr>. 155 - CHESNEAU Isabelle, Le renouvellement des immeubles de bureaux : le cas de l’ile de France, Ann. rech. urbaines, septembre 2002, p. 72.

36


On constate en outre une première obsolescence d’ordre technique, en lien avec les équipements technologiques dont les innovations évoluent rapidement et dont les nouveaux bureaux se doivent d’être dotés, au risque d’être délaissés pour des locaux plus récents et mieux équipés.156 Également et d’une manière générale, une obsolescence d’ordre normatif et réglementaire se fait sentir, avec les réglementations thermiques qui se durcissent au fil des années et les incitations à l’économie d’énergie. Celles-ci rendent ainsi obsolètes les bureaux non conformes ou moins performants, de même que les règles de sécurité incendie et d’accessibilité PMR , qui rendent également non-conformes et inutilisables les bureaux non-adaptés.157 Outre ces facteurs techniques et normatifs, l’obsolescence qui touche ce programme peut également être d’ordre psychosociologique. Elle peut en effet, et dans une grande majorité des cas, être d’ordre sociologique et programmatique.158 Ce type d’obsolescence, relative aux désirs changeants des usagers, rend désuets les immeubles et espaces qui ne sont plus en phase avec les désirs des travailleurs, au fur et à mesure des mutations des modes de vie et de travail des sociétés. Enfin, leur obsolescence peut être d’ordre géographique, due à la localisation de l’immeuble qui ne correspond pas forcément aux désirs des clients vis-à-vis de l’accessibilité et de la concurrence tandis que la ville se développe.159 En effet, la localisation est aujourd’hui un facteur principal pour les entreprises, qui recherchent des secteurs attractifs et à proximité des zones de forte mobilité pour être compétitives. Ces facteurs tendent aujourd’hui à créer des territoires urbains inégaux, laissant ainsi des zones périphériques où la vacance et l’obsolescence augmentent, tandis que le secteur se tend fortement dans d’autres zones plus centrales. Ainsi, l’obsolescence et la vacance des bâtiments dans le secteur tertiaire sont des phénomènes courants en France, et ce depuis plusieurs décennies. Dans les années 1970, la vacance des bureaux en Île de France crée en outre une crise immobilière, dont la hausse des prix du marché induit ensuite une construction massive de bureaux en blanc jusqu’au milieu des années 1990.160 Cet engouement de la part des investisseurs pour le secteur a ainsi surchargé le marché, se traduisant par une diminution abrupte des loyers et de la valeurs des biens ainsi qu’un taux de vacance excessif en 1995.161 Aujourd’hui, le problème de bureaux vacants et de leur obsolescence est toujours d’actualité, avec pas moins de 800 000 m² de bureaux vacants relevés dans Paris intra-muros en 2014.162 Cette obsolescence accrue vise alors les immeubles qui ne sont plus adaptés à la demande. Or, la vacance des biens immobiliers accélère leur vieillissement et se traduit pour leurs propriétaires, par une perte immédiate de revenus locatifs. Ainsi que par une perte de la valeur desdits biens.163 En effet, les locaux obsolètes ne trouvant pas repreneur connaissent une dévaluation. Une grande partie des propriétaires préfèrent alors conserver leurs immeubles vacants, en bloquant le foncier et en pariant sur une revalorisation ultérieure. Plutôt que de le transformer en logements, par exemple, tandis que la demande dans ce secteur est réelle et immédiate.164 Ceci a donc pour conséquence la détérioration de ces biens, qui aboutit souvent à une démolition et une reconstruction, plutôt qu’à une revalorisation de l’ouvrage. Ces nouveaux modes de travail et enjeux constituent donc un facteur principal à interroger dans l’aménagement de ces espaces, ce qui impacte grandement la conception des édifices tertiaires aujourd’hui. Les phénomènes d’obsolescence et de mutations relatifs à ce programme, constituent également des éléments à intégrer dans la conception de ces ouvrages, ce qui tend à rendre intéressante la notion de mutabilité des constructions. L’anticipation et l’intégration de ces enjeux tendent ainsi à devenir des attitudes pertinentes dans la conception, pour permettre une adaptation future et une meilleure prise en compte de la fin de vie des immeubles.

156 - REMØY Hilde, L’héritage du Mouvement Moderne, PCA, 2012, p. 333. 157 - GUILLOT David, «L’obsolescence de l’immeuble les grands enjeux de la réversibilité», in Le Moniteur, 2018, novembre, n°110, p. 24. 158 - REMØY Hilde, L’héritage du Mouvement Moderne, PCA, 2012, p. 334. 159 - BOUCHET Pierre, MANSOUX Frédérique et PINOT Gérard, De l’immeuble de bureau au lieux de travail, Paris, Le Moniteur, 2018, p. 55 160 - PELEGRIN-GENEL Elisabeth, 25 espaces de bureaux, Paris, Le Moniteur, 2006, p. 15 161 - CHESNEAU Isabelle, Le renouvellement des immeubles de bureaux : le cas de l’ile de France, Ann. rech. urbaines, septembre 2002, p. 69. 162 - APUR, Le parc de bureaux Parisiens et son potentiel de transformations, ALBA Dominique, Avril 2015, p. 10. 163 - GUILLOT David, «L’obsolescence de l’immeuble les grands enjeux de la réversibilité», in Le Moniteur, 2018, novembre, n°110, p. 23. 164 - Propos de Ian BROSSAT, in RUBIN Patrick, Construire réversible, Paris, Canal Architecture, 2017, p. 57.

37


Fig. 28 : Pool de dactylos, 1913, Chicago

Espace rationalisé, dédié à la productivité, tables alignées, sans communication

Fig. 29 : Bureau Paysager, fin années 1950, Wolfang Schnelle Des plantes séparent les bureaux et créent une ambiance décontractée

Fig. 30 : Bureau paysager, Billy Wilder, années 1960

Les plantes ont disparu, l’espace de travail se réduit et s’uniformise

Fig. 31 : Open Space, cubical, Robert Probst, années 1970

Des demi-cloisons séparent les bureaux sur un grand plateau optimisé et réduit

Sources iconographiques : Figure 28 : PELEGRIN-GENEL Elisabeth, 25 espaces de bureaux, Paris, Le Moniteur, 2006. Figure 29 : Jeff Goode/Getty Images Disponible sur <www.capital.fr> Figure 30 : PELEGRIN-GENEL Elisabeth, Comment se sauver de l’open space ?, Editions Parenthèses, 2016 Figure 31 : ECHCHIBAB Camélia, “Le bruit et la lenteur: l’open-space, entrave à la productivité?”, CFJ, 3 novembre 2016 <ateliers.cfjlab.fr>


Fig. 32 : Open-space, années 2000-2010

Espaces ouverts et fluides, les cloisons ont disparu, Bureaux flottants

Fig. 33 : Cool office de Google, Dublin, années 2010

Espaces colorés et décontractés, recherche du bien-être et de l’appropriation

Fig. 34 : Tiers Lieu, Anticafé, Leonid Goncharov, 2013

Espace de café avec tables de travail, Télétravail, connecté et flottant

Fig. 35 : Co-working, Wojo, Lyon, années 2010

Espace libre avec tables de travail non-attitrées, travail collaboratif

Sources iconographiques : Figure 32 : ECHCHIBAB Camélia, “Le bruit et la lenteur: l’open-space, entrave à la productivité ?”, CFJ, 3 novembre 2016 <ateliers.cfjlab.fr> Figure 33 : ARIF Aayesha, “Watch Google’s Cool Offices Around The World, Wonderful Engineering”, 2016, <www.wonderfulengineering.com> Figure 34 : LALANNE Mallory, “Un concept entre bistrot et coworking qui cartonne”, Chef d’entreprise, 28 juin 2018, <www.chefdentreprise.com> Figure 35 : FRANCO Sarah, “Le boom du coworking à Lyon”, Tout Lyon, 09 avril 2019, disponible sur <www.le-tout-lyon.fr>


3 – Désuétude des standards de l’habiter et crise du logement Parallèlement à cette crise d’obsolescence qui touche le programme tertiaire, un autre type de crise affecte le programme de l’habitat ces dernières décennies. En effet, les diverses évolutions économiques, démographiques et sociétales à l’œuvre, impactent aujourd’hui la demande en logements et tendent ainsi à rendre désuets les modèles de construction de l’habitat usités depuis les années 1960-70, qui ne sont plus en phase avec les besoins quantitatifs et qualitatifs actuels.165 Ainsi, l’habitat doit être requestionné à travers de nouveaux facteurs, comme l’augmentation des divorces et des ménages isolés, la diversification des typologies familiales et des pratiques de cohabitation, ainsi que l’augmentation de l’espérance de vie.166 Ces mutations induisent, en effet, une demande en unités de logements plus conséquente. Avec des dimensions réduites dans un cas, qui appellent à un besoin en T1 supplémentaires et d’addition progressive de surfaces dans l’autre, qui appellent à des logements plus conséquents en nombre de chambres et plus de flexibilité.167 Indépendamment de la croissance démographique, l’augmentation des ménages à prévoir serait en effet de 275 000 par an, selon l’INSEE.168 Cependant, les logements actuels, basés sur des typologies standardisées en surfaces par nombre de pièces, ne peuvent répondre à ces demandes. Allant généralement de 18 à 60m², et privilégiant les modèles dessinés pour les familles et jeunes ménages, correspondant à la famille nucléaire des années 70, comme les T2 ou T3.169 Ainsi, malgré ces besoins de surfaces et de logements supplémentaires, les conceptions ne semblent pas évoluer en conséquence, conduisant à une crise du logement croissante.170 Ceci renvoie donc à la nécessité pour les bailleurs et concepteurs de construire désormais au plus près de la réalité des besoins, en terme d'habitat et d'usages contemporains.

4 – Un contexte de crises concomitantes qui appellent à la réversibilité de l’immeuble tertiaire Le territoire Francilien se retrouve donc aujourd’hui dans un contexte de crises, qui entrent en corrélation. En effet, le mouvement de sur-production et d’obsolescence des immeubles tertiaires a notamment entraîné d’importantes surfaces de bureaux parfois obsolètes, dans le centre de la capitale. Ceci induit par conséquent une raréfaction du foncier dans ces secteurs, réduisant l’offre locative et faisant hausser les prix du marché de l’habitat, en repoussant les familles dans les périphéries. Tandis que ces zones proches urbaines sont en outre occupées par de nombreux bureaux vacants, qui occupent le foncier potentiellement disponible (Fig.3637-38).171 Ce contexte a ainsi entraîné le doublement des prix des logements dans les centre-villes depuis dix ans, faisant surgir une préoccupation nouvelle : la pénurie de logements abordables, pour les ménages modestes.172 Dans ce contexte urbain tendu, les 3,3 millions de mètres carré de bureaux vides recensés dans le parc Parisien,173 juxtaposés à la pénurie de logements estimée à plus de 300 000 unités,174 semblent donc particulièrement problématiques. Ce phénomène fait par ailleurs l’objet de nombreux débats dans les domaines politiques et dans le secteur du bâtiment, sur la manière d’y répondre.175 C’est donc pour tenter de répondre à ces enjeux que les architectes et acteurs de la construction, s’interrogent aujourd’hui sur de nouveaux dispositifs de conception pour ces immeubles. L’une des alternatives émergente dans les discours est ainsi de proposer une conception fonctionnellement réversible de ces ouvrages, couplant les programmes du bureau et de l’habitat dans une même matrice, pensée pour permettre un changement d’usage. Une autre hypothèse, propose quant à elle une réversibilité structurelle pour permettre la déconstruction anticipée des édifices et libérer le foncier pour d’autres usages, tout en revalorisant la matière.

165 - LÉVY Claire et TUTIN Christian, Le logement social en Europe au début du XXIe siècle, Presses U. Rennes, Géographie sociale, 2010. 166 - FUTURIBLES, Etude rétrospective et prospective des évolutions de la société française (1950-2030), LAMBLIN Véronique, janvier 2003, p. 2. 167 - BONVALET Catherine et MERLIN Pierre, Transformation de la famille et habitat, cahier de l’INED, Population, Persee, 1988 p. 882. 168 - LÉVY Claire et TUTIN Christian, Le logement social en Europe au début du XXIe siècle, Presses U. Rennes, Géographie sociale, 2010. 169 - INSEE, Les conditions de logement en France, Insee Références, Edition 2017, p. 142. 170 - APUR, Le parc de bureaux Parisiens et son potentiel de transformations, ALBA Dominique, Avril 2015. 171 - EYCHENNE Alexia, “Les bureaux prennent-ils vraiment la place des logements ? , in L’Express, 11 mai 2011. 172 - LÉVY Claire et TUTIN Christian, Le logement social en Europe au début du XXIe siècle, Presses U. Rennes, Géographie sociale, 2010. 173 - Selon les données de l’observatoire régional de l’immobilier d’entreprise (ORIE) parue le 5 novembre 2014. 174 - Selon un rapport d’étude de Immo Group Consulting, paru en novembre 2013. 175 - EYCHENNE Alexia, “Reconvertir les bureaux, une solution à la crise du logement ?”, in L’Express, 12 mai 2011.

40


Fig. 36 : Evolution du taux de vacance des bureaux Parisiens (en %)

Fig. 37 : Taux de vacance par secteurs des immeubles tertiaires En 2015 à Paris

Fig. 38 : Evolution des mises en constructions, comparées aux besoins réels De logements et bureaux en m² depuis les années 2000

Sources iconographiques : Figure 36 : Production personnelle issue des données de LANG LASALLE Jones pour immostats, disponible sur <www.immostat.com>. Figures 37-38 : Production personnelle issues des données du Ministère de l’équipement, disponible sur <www.immogconsulting.fr>.


C) Une conception qui freine la mutabilité des ouvrages Ainsi, les praticiens se dirigent aujourd’hui vers des logiques de recyclage et d’anticipation des mutations pour la fin de vie des ouvrages, en intégrant plus de flexibilité dans les édifices afin de répondre à ces enjeux de manière pertinente. Toutefois, cette logique se heurte à divers obstacles constructifs et normatifs, qui rendent difficile sa mise en application à l’heure actuelle.

1 – Des modèles difficiles à transformer Au-delà des enjeux évoqués en amont, l’autre facteur qui devrait désormais alerter les concepteurs, est notamment l’incapacité des constructions tertiaires à absorber les mutations. En effet, la conception des immeubles de bureaux ne permet pas, ou du moins complexifie aujourd’hui les transformations, une fois ceuxci rendus obsolètes. Les locaux vacants se voient alors abandonnés, réduits au sort de la vacance structurelle, bloquant le foncier et créant des zones tendues sur les marchés immobiliers.176 Toutefois, les enjeux évoqués précédemment et la logique de développement qui émerge, tendent progressivement à remettre en question ces schémas de constructions linéaires. La construction de la ville se complexifie et se transforme, en effet, dans une logique de recyclage et de ré-utilisation de l’existant.177 L’option de la reconversion des locaux vacants apparaît donc de plus en plus fréquente, notamment dans le cas d’un changement d’usage entre bureaux et logement, en vue des crises que traversent simultanément ces programmes.178 Cette pratique, couramment mentionnée dans le secteur de la construction, est également encouragée par le gouvernement depuis la modification de la loi Elan de 2018.179 Celle-ci s’est donc imposée progressivement dans les débats politiques et urbains. Elle a en effet l’avantage de réduire les émissions du bâtiment en conservant le gros œuvre, de réduire les nuisances et les déchets, en insufflant un nouveau cycle d’utilisation à l’édifice et en réactivant le foncier vacant. Pourtant, cette solution possède de nombreuses failles. L’évolution rapide des normes et des Réglementations Thermiques, ainsi que l’état des ouvrages vacants, induit en effet divers travaux de remise en conformité du bâti pour passer d’une fonction à l’autre.180 Ce qui implique donc une dépense supplémentaire conséquente dans le projet. Ainsi, la réhabilitation revient en moyenne plus cher qu’une démolition-reconstruction, estimée entre 2.000 et 2.500 €/m2 HT pour la réhabilitation, contre 1.600 à 1.800 €/m2 HT pour la construction neuve selon l’ORIE. 181 Ceci tend donc à rebuter les propriétaires à s’engager dans ces démarches, préférant conserver leur parcelle, plutôt que de réhabiliter les locaux vacants en vue d’une revente à un prix non-dévalué.182 De plus, l’une des conditions indispensables à la reconversion d’un immeuble, est l’inoccupation totale de celui-ci. Or, les baux ne terminant pas aux mêmes échéances, le recours à l’éviction des occupants et ses délais peuvent devenir long et coûteux.183 Les freins réglementaires peuvent également être nombreux. Entre autres, le règlement de copropriété qui peut proscrire un changement d’usage,184 les normes incendie, ou encore la réglementation d’accessibilité PMR, qui peuvent également rendre difficile une remise aux normes du bâti.185 Ces opérations nécessitent également la création et la demande d’un permis de construire, bien que le bâtiment soit existant, ce qui entraîne de longues démarches pour les propriétaires. Le changement d’usage de bureaux à logement entraîne également une perte quant à la surface utile, qui se voit diminuée de 15% pour le logement.186 La rentabilité locative d’un bâtiment tertiaire étant supérieure de moitié à un bâtiment d’habitations, celle-ci rend également moins intéressante la transformation qu’une revente du terrain.187 176 - GUILLOT David, «L’obsolescence de l’immeuble les grands enjeux de la réversibilité», in Le Moniteur, 2018, novembre, n°110, p. 33. 177 - Ibidem, p. 11. 178 - MIALET Frederic, Catalogue de l’exposition RÉVER(CITÉS), Le Moniteur et AMC, Paris, Cité de l’architecture et du patrimoine, 2016, p. 14. 179 - Loi ELAN, Article L.145-4 du Code de commerce, modifiée par la Loi n°2018-1021 du 23 novembre 2018 - art. 28. 180 - MIALET Frederic, Catalogue de l’exposition RÉVER(CITÉS), Le Moniteur et AMC, Paris, Cité de l’architecture et du patrimoine, 2016, p. 15. 181 - ORIE, La transformation et la mutation des immeubles de bureaux, BRUNEL Méka, février 2013, p. 56. 182 - GUILLOT David, «L’obsolescence de l’immeuble les grands enjeux de la réversibilité», in Le Moniteur, 2018, novembre, n°110, p. 47. 183 - BOUCHET Pierre, MANSOUX Frédérique et PINOT Gérard, De l’immeuble de bureau au lieux de travail, Paris, Le Moniteur, 2018, p. 195. 184 - GUILLOT David, L’obsolescence de l’immeuble les grands enjeux de la réversibilité, in Le Moniteur, 2018, novembre, n°110, p. 39. 185 - Ibidem, p. 34. 186 - Ibidem, p. 35. 187 - Ibidem, p. 23.

42


Enfin et surtout, tous les bureaux vacants ne sont pas transformables. En effet, pour pouvoir absorber un changement d’usage, l’édifice doit, au préalable, répondre à un certain nombre de critères morphologiques et structurels. Les prédispositions dont doit faire objet l’édifice peuvent notamment être la profondeur du bâti, qui doit être compatible d’un programme à l’autre vis-à-vis de l’éclairement naturel. Ainsi que la présence de noyaux durs et sombres dans les anciens bureaux, qui peuvent gêner la transformation du programme en habitations. La structure doit également permettre une flexibilité des agencements internes, et les hauteurs sous plafond doivent correspondre aux différents programmes. Les façades doivent enfin être facilement modulables, pour passer du bureau à l’habitat et inversement. L’ensemble de ces contraintes, font qu’une grande partie des locaux obsolètes présents sur le territoire ne sont pas transposables pour d’autres fonctions. Ces locaux sont donc, par conséquent, voués à la démolition ou à la vacance structurelle.188 En effet, la morphologie architecturale des bureaux est directement liée à la période de construction du bâtiment. Or, toutes ne présentent pas les mêmes prédispositions aux changements d’usages. La typologie des bâtiments tertiaires des années 1960/1970, semble ainsi la plus propice à la transformation de primeabord. Ils sont construits, en effet, selon des systèmes poteaux-poutres simples, qui rationalisent et facilitent les interventions. Ils se développent également sur une faible profondeur de trame, entre 12 et 14 m189, ce qui permet une adaptation en logement correcte, avec un accès à la lumière naturelle des espaces qui le nécessitent. Cependant, l’ancienneté de ces locaux entraîne des coûts de mise en conformité du bâti très importants, et rendent l’équation économique de la transformation non-viable pour la plupart d’entre-eux.190 Hormis quelques cas particuliers érigés en exemples, comme les bureaux à Charenton-le-Pont, reconvertis par l’agence d’architecture Moatti-Rivière en 2016.191 Les typologies des bâtiments tertiaires des années 1990, les plus nombreuses sur les surfaces vacantes disponibles, sont quant à elles bien plus complexes à transformer. La profondeur de trame, allant jusqu’à 18m avec des noyaux durs centraux192, rend difficile la mise en lumière naturelle de certains espaces et l’aménagement d’appartements traversants. Cette typologie est ainsi peu propice à un rendement de plan intéressant, et crée alors des pertes de surfaces très importantes. Avec de longs couloirs centraux pour desservir les appartements. D’autre part, les dispositions constructives de la période sont plus contraignantes. On a vu, par exemple, les murs rideaux se multiplier, combinés à des murs de refend de béton en travers des plateaux.193 Ces éléments fixes sont donc impossibles à déplacer, et les façades vitrées impossibles à conserver pour du logement. Cela engendre donc des coûts de transformation conséquents, qui rendent difficile le changement d’usage dans une équation économique viable. Outre les immeubles tertiaires qui s’avèrent difficiles à transformer, l’habitat contemporain semble également peu propice aux mutations. En effet, au-delà des surfaces réduites et des typologies standardisées évoquées, leur hauteur sous plafond s’est également abaissée à 2.5m depuis les années 1970.194 Ce standard devrait pourtant être remis en question, car il empêche la flexibilité et le changement d’usage. Lorsque les bureaux, par exemples, sont réglementés avec des hauteurs à 3,3m195, le changement de fonction entre ces programmes paraît en effet difficile. Ceci complexifie d’autant plus la réhabilitation des locaux obsolètes. De plus, la structure standard des immeubles, présentant majoritairement des voiles et des murs de refend en béton depuis la reconstruction, constituent un obstacle à la transformation.196 Requestionner nos procédés constructifs et leurs dimensions, paraît alors indispensable pour permettre d’anticiper et de s’adapter aux mutations des modes de vie et des besoins de la population, en terme d’usages et de programmes à l’avenir.

188 - APUR, Le parc de bureaux Parisiens et son potentiel de transformations, ALBA Dominique, Avril 2015. 189 - PELEGRIN-GENEL Elisabeth, 25 espaces de bureaux, Paris, Le Moniteur, 2006, p. 17. 190 - MIALET Frederic, Catalogue de l’exposition RÉVER(CITÉS), Le Moniteur et AMC, Paris, Cité de l’architecture et du patrimoine, 2016, p. 14. 191 - Description disponible sur le site de l’architecte <www.moatti-riviere.com>. 192 - PELEGRIN-GENEL Elisabeth, 25 espaces de bureaux, Paris, Le Moniteur, 2006, p. 18. 193 - Ibidem, p. 23. 194 - CHESSA Milena, «Réversibilité : des immeubles génétiquement modifiables», in Le Moniteur, 2018, mars, n°5966, p. 46. 195 - Ibidem. 196 - DELEMONTEY Yvan, Reconstruire la France : L’aventure du béton armé assemblé, Paris, Editions de la Villette, 2015, p. 249.

43


2 – Une multiplication réglementaire et normative contraignante Penser la réversibilité des modes constructifs, en réfléchissant à de nouveaux dispositifs, tend ainsi à devenir un questionnement central en vue des divers enjeux actuels. Ce qui ouvre aujourd’hui le débat sur cette nouvelle pratique prometteuse. Toutefois, les cadres administratifs, juridiques et normatifs Français, peuvent freiner le bon développement de ces ouvrages aujourd’hui. La multiplication et la complexification des normes et des réglementations, constituent en outre des obstacles qui rendent difficile la part de flexibilité et de transformations possibles des édifices. La rationalisation économique et la standardisation des constructions, impactent également la qualité architecturale, influençant la capacité de l’ouvrage à durer et à évoluer. Ces cadres réglementaires et normatifs, qui ne cessent d’augmenter et de se complexifier, ont donc des impacts sur les prix mais aussi sur la qualité de l’espace et de l’architecture.197 Les Réglementations Thermiques changeantes et de plus en plus exigeantes, poussent ainsi à l’obsolescence accélérée du bâti.198 La RT, conçue pour réduire les consommations d’énergie dans une optique d’économie et de développement durable, impacte alors paradoxalement la durabilité des ouvrages. En effet, les préoccupations énergétiques rigidifient la conception, augmentent les épaisseurs, complexifient les études, et réduisent les ouvertures, diminuant ainsi la capacité de flexibilité future de l’ouvrage.199 Ces architectures, conçues dans une optique de performance et de réponse à la norme en vigueur, voient donc leur durée de vie réduire drastiquement. Bien que la préoccupation écologique soit louable, cette solution ne rend donc pas réellement durable l’ouvrage, car la norme fige la conception et accélère le phénomène d’obsolescence du bâti. Rendant moins performants les ouvrages, à mesure que d’autres plus récents et plus performants sont édifiés. L’autre aspect de la réglementation qui peut freiner la flexibilité du bâti, est également la classification des catégories de destinations, selon la nature du programme et l’effectif de l’ouvrage.200 Cette classification rigide et les différentes normes relatives à chacun de ces programmes, complexifient en effet d’autant plus la mutabilité des ouvrages et les changements d’usages. Créant des différences normatives fondamentalement opposées entre les fonctions.201 De plus, cette catégorisation des ouvrages entraîne également des fiscalités qui diffèrent selon la destination de l’édifice, complexifiant d’autant plus les changements d’usages.202 En effet, le passage d’une destination de bureaux à celle du logement peut entraîner des coûts supplémentaires en matière de TVA, de redevance fiscale, ainsi que la perte de revenus locatifs globalement plus élevés dans le cas des bureaux.203 Enfin, les éléments les plus contraignants pour une transformation ou une construction réversible, sont aujourd’hui les autorisations administratives préalables. L’édification ou le changement d’affectation du bâti, nécessite en effet l’obtention d’un permis de construire, même si le bâtiment est existant.204 Les maîtres d’ouvrage sont ainsi confrontés à la lourdeur des procédures, étudiées au cas par cas par les communes, et doivent faire face à des recours de tiers de plus en plus nombreux. Ce qui a donc pour conséquence d’augmenter le délai d’obtention des permis.205 De plus, le permis exige une destination d’usage précise lors de l’édification, qui rend impossible la simple transformation du bâti. En effet, lors de la demande d’autorisation, il est nécessaire de remplir un cerfa décrivant la nature du projet, dont l’une des sections est en outre consacrée à la catégorie de destination du bâtiment et dont une seule fonction peut être précisée. Ces cadres administratifs et réglementaires contraignants, apparaissent ainsi comme des obstacles importants pour les concepteurs dans leurs recherches de mutabilité. Il semble donc désormais nécessaire de les requestionner, au regard des enjeux évoqués précédemment, afin de faire évoluer les conceptions vers plus de flexibilité et de durabilité à l’avenir.

197 - ROLLAND Anne, De la réglementation à l’hyper-réglementation, Lyon, ODBTP69, 2016, p. 7. 198 - BOUCHET Pierre, MANSOUX Frédérique et PINOT Gérard, De l’immeuble de bureau au lieux de travail, Paris, Le Moniteur, 2018, p. 59. 199 - ROLLAND Anne, De la réglementation à l’hyper-réglementation, Lyon, ODBTP69, 2016, p. 41. 200 - Voir sur <www.editions-legislatives.fr>. 201 - GUILLOT David, «L’obsolescence de l’immeuble les grands enjeux de la réversibilité», in Le Moniteur, 2018, novembre, n°110, p. 34. 202 - Ibidem, p. 48. 203 - ESCUDIÉ Jean-Noël, “Transformation de bureaux en logements : une solution mais pas la solution”, Banque Territoires, 9 septembre 2013. 204 - Voir réglementation sur <www.service-public.fr>. 205 - GUILLOT David, «L’obsolescence de l’immeuble les grands enjeux de la réversibilité», in Le Moniteur, 2018, novembre, n°110, p. 33.

44


D ) Un changement de paradigme à opérer pour évoluer vers La réversibilité des constructions La mutabilité, désirée par les acteurs des territoires et les architectes, rencontre ainsi des obstacles réglementaires et normatifs, qui rendent difficile sa mise en application dans les schémas actuels. Au-delà de ces obstacles administratifs, un autre aspect de nos sociétés, d’ordre économique et relationnel, freine également le développement de ces nouveaux modes de conception. Notamment dans les rapports parfois conflictuels entre concepteurs, investisseurs, administratifs et politiques. Un changement de paradigme est alors à opérer, afin d’évoluer vers des constructions réversibles, capables de s’adapter et d’anticiper les mutations. Le tout dans une équation économique viable.

1 – Sortir du linéaire, les bénéfices d’une économie sur le temps long En effet, si la démarche de concevoir réversible est saluée pour son aspect éthique et prospectif, l’aspect économique d’un projet reste une question centrale dans la construction des immeubles de bureaux. Ceuxci sont, en effet, encore bien souvent perçus comme des produits d’investissement et comme une charge d’exploitations.206 Bien que la conception réversible ne semble pas plus coûteuse qu’une construction classique,en théorie,207 le manque de réalisations concrètes suivant ces principes, tend aujourd’hui à freiner l’engouement des investisseurs pour ce domaine. Il est donc difficile de faire évoluer les visions des promoteurs et investisseurs vers des projets innovants, car ceux-ci sont souvent rassurés par les modèles conventionnels et déjà éprouvés, préoccupés par la rentabilité des actifs plus que par leur qualité.208 Toutefois, une conception anticipant l’avenir devrait constituer une valeur ajoutée ainsi qu’une garantie de rentabilité en cas de mutations des marchés, pour les investisseurs de fond ou les bailleurs. Ceux-ci, qui conservent leur bien après construction, sont en effet dépendants des fluctuations des marchés sur la rentabilité des actifs.209 Ainsi, l’anticipation dans la conception devient aujourd’hui un enjeu central pour les acteurs de la construction des territoires et des ouvrages, mais également pour les acteurs économiques, pour des questions de valorisation des actifs. La crise d’obsolescence des édifices, la question des ressources et des déchets, de l’énergie grise et des pénuries diverses, amènent ainsi à s’interroger sur l’avenir. Les formes spatiales actuelles, découlant d’un modèle économique essentiellement linéaire et court-termiste où les acteurs ne se soucient pas, ou peu, de la durée des ouvrages, tendent alors sérieusement à être remises en question.210 Les bâtiments peuvent ainsi devenir obsolètes avant leur amortissement économique.211 Un changement de paradigme semble alors à opérer, afin d’évoluer vers une économie plus durable et plus éthique. En effet, plus les bâtiments seront flexibles, plus ils seront amortis et rentables dans la durée et moins ils consommeront de ressources.212 Toutefois, la culture court-termiste et l’économie linéaire ambiante empêchent cette flexibilité de se développer auprès des promoteurs. Bien que nous soyons pleinement conscients de cette nécessité, il reste donc difficile de convaincre les investisseurs à changer de stratégie.213

206 - BOUCHET Pierre, MANSOUX Frédérique et PINOT Gérard, De l’immeuble de bureau au lieux de travail, Paris, Le Moniteur, 2018, p. 21. 207 - LERAY Christophe, “Réversibilité : de la théorie à la pratique”, in Chroniques d’Architecture, 3 mai 2016. 208 - BOUCHET Pierre, MANSOUX Frédérique et PINOT Gérard, De l’immeuble de bureau au lieux de travail, Paris, Le Moniteur, 2018, p. 22. 209 - ROLLAND Anne, De la réglementation à l’hyper-réglementation, Lyon, ODBTP69, 2016, p. 22. 210 - BIGNIER Grégoire, Architecture & économie : ce que l’économie circulaire fait à l’architecture, Paris, Eyrolles, 2018, p. 19. 211 - Ibidem, p. 17. 212 - KRONENBURG Rober, Flexible : une architecture pour répondre au changement, Paris, Norma , 2007, p. 17. 213 - KIRALY Barbara, “Immobilier réversible : Conjugo peine à séduire les investisseurs”, in Le Moniteur, 02 juin 2016.

45


L’économie linéaire dans sa forme architecturale, définie par Grégoire Bignier dans son ouvrage,214 se fonde aujourd’hui, en effet, sur une approche majoritairement fonctionnaliste de l’architecture. Avec des structures rationalisées par l’économie de moyens et de surfaces, pour des programmes bien précis. Cependant, bien que ce système présente de nombreux avantages économiques de rendement et d’optimisation,215 il présente tout de même de sérieuses limites écologiques, économiques et sociales.Extraction en masse de ressources et production de nombreux déchets, non-recyclage des éléments en phase de démantèlement, coût d’entretien lourds, logiques consuméristes et obsolescentes ou non-amortissement des constructions sont autant de conséquences engendrées par ce système.216 Ainsi, la ville linéaire se présente comme des chaînes de production qui ponctionnent les ressources d’un côté, pour les rejeter comme déchets ou résidus de l’autre (Fig.39).217 Un autre modèle de conception et d’économie est alors à rechercher, pour évoluer vers un développement durable de nos sociétés. Dans cette recherche de nouveaux schémas, l’économie circulaire fait alors une poussée remarquée dans les discours contemporains. Contrairement à l’économie linéaire, l’économie circulaire consiste à travailler avec l’existant. C’est-à-dire, limiter, voir s’interdire, de puiser les ressources encore disponibles, pour détruire puis reconstruire.218 En architecture, celle-ci se définit alors comme «un principe d’organisation économique, qui vise à réduire systématiquement la quantité de matières premières primaires et d’énergie, à tous les stades du cycle de vie d’un ouvrage».219 Ce qui en résulte, tient autant de l’économie, que de l’écologie. Tandis que dans l’ancien système, une confrontation entre les deux était en place.220 Cela pose également la question de la temporalité en architecture, et de l’anticipation dans la conception. Ainsi, la durabilité d’un ouvrage pourrait ne pas être sa capacité à résister au temps, mais celle de s’adapter aux changements. Fondée sur l’anticipation des impacts de l’ouvrage pour les réduire au maximum, tout au long de son cycle de vie.221 Ainsi, une conception basée sur ce modèle, permettrait une anticipation des mutations futures, afin de faciliter celles-ci une fois l’ouvrage devenu obsolète. On passerait alors d’un édifice à usage unique, consommateur d’énergie et de ressources sans réutilisation prévue de la matière, à une conception permettant des assemblages réversibles et une anticipation du recyclage en phase de démantèlement. Ou bien à une adaptation programmée de la structure, pour divers cycles de vie et d’usages.222 La maintenance d’un bâtiment ne consisterait alors plus à le conserver dans son état d’origine, mais à le faire évoluer en permanence pour l’adapter à son environnement et à aux besoins actuels et futurs des usagers.223 L’architecture résultante de cette démarche, rembourserait ainsi en théorie la dette que son édification doit à la biosphère, par une conception réfléchie pour le temps long avec un amortissement répartis et des économies à la clé.224 (Fig.40) Ainsi, un ouvrage anticipant les mutations devrait intéresser progressivement les promoteurs et investisseurs, du fait du marché fluctuant des immeubles tertiaires et du marché tendu de l’habitat, que nous avons mis en exergue. Pour construire un bilan durable des constructions, l’évaluation des coûts et des bénéfices de l’ouvrage, devrait alors intégrer la durée de vie de l’édifice dans le calcul. Afin de démontrer des bénéfices d’une telle conception et d’encourager les promoteurs à investir dans ces concepts innovants. La capacité de mutation devrait également être notifiée dans le bilan carbone, car celle-ci permet de grandes économies de matières et d’émissions, en cours et en fin de vie des ouvrages. Cependant, celles-ci sont rarement évaluées dans la faisabilité économique du projet, tandis qu’elles pourraient permettre des bénéfices à long terme. La conception d’une architecture mutable devrait également correspondre aux modes de développement urbains et économiques recherchés pour l’avenir. Avec une vision à long terme des investissements et une inscription dans une économie et un développement durable par anticipation. Toutefois, inverser ces schémas demandera un temps d’adaptation relativement long et des preuves d’efficience de ce nouveau modèle, afin d’encourager les promoteurs et constructeurs d’investir dans de tels projets.

214 - BIGNIER Grégoire, Architecture & économie : ce que l’économie circulaire fait à l’architecture, Paris, Eyrolles, 2018. 215 - BIGNIER Grégoire, Architecture & économie : ce que l’économie circulaire fait à l’architecture, Paris, Eyrolles, 2018, p. 30. 216 - Ibidem, p. 33. 217 - Ibidem, p. 36. 218 - Voir définition de l’économie circulaire disponible sur <www.Ademe.fr>. 219 - AUREZ Vincent et GEORGEAULT Laurent, Economie circulaire systèmes économiques et finitude des ressources, Boeck, 2016, p. 18. 220 - BIGNIER Grégoire, Architecture & économie : ce que l’économie circulaire fait à l’architecture, Paris, Eyrolles, 2018, p. 39. 221 - KRONENBURG Rober, Flexible : une architecture pour répondre au changement, Paris, Norma , 2007, p. 12. 222 - Voir définition de la réversibilité, RUBIN Patrick, Construire réversible, Paris, Canal Architecture, 2017, p. 10. 223 - KRONENBURG Rober, Flexible : une architecture pour répondre au changement, Paris, Norma , 2007, p. 11. 224 - Ibidem, p. 14.

46


Fig. 39 : Cycle de vie d’un bâtiment dans le cas d’une économie linéaire

Fig. 40 : Cycle de vie d’un bâtiment dans le cas d’une économie circulaire

Sources iconographiques : Figures 39-40 : Production personnelle issues des schémas de cycles de vie des bâtiments, Disponible sur <www.archecology.com>.


2 – Reconsidérer le programme, sortir de la mono-fonction

Enfin, l’un des aspects principaux à faire évoluer dans la conception des ouvrages pour tendre vers des bâtiments mutables, est la programmation de ceux-ci. Comme nous avons pu le voir, les bâtiments et leurs usages, sont sujets à un changement continu. Ce qui entraîne une désuétude et une obsolescence de ceux-ci, si l’adaptation à ces mutations est irréalisable. Paradoxalement, selon Robert Kronenburg, la grande majorité de l’architecture occidentale est conçue de manière statique et monofonctionnelle, spécifiquement depuis la reconstruction d’après-guerre.225 Ainsi, bien que certains bâtiments devenus obsolètes soient susceptibles de transformations, il faut alors un effort important et de larges dépenses pour les mettre en œuvre. Pour finalement aboutir à un espace encore moins flexible.226 En effet, bien que les bâtiments soient perçus comme une ressource utilisable aujourd’hui, leur programme veut qu’ils soient créés comme une forme d’investissement, liée à la spéculation du foncier et à l’optimisation des surfaces.227 Ainsi, le terrain et la construction deviennent un bien économique, dont la valeur réside dans la stabilité de l’investissement et la rentabilité immédiate.228 Ceci expliquerai alors l’édification massive d’immeubles génériques, dont on sait par avance que leur obsolescence sera atteinte moins de 15 ans après leur édification, dans un but de rendement à court terme. Le programme devient alors un élément principal à faire évoluer, pour sortir des schémas précédemment cités. Ceux-ci, sont en effet, définis avant même le début de la conception du projet, correspondant à des standards financiers et normatifs.229 Ils pourraient cependant être moins directifs, en donnant des objectifs sans contraindre le projet, pour permettre une plus grande flexibilité du bâti. En effet, ceux-ci sont devenus progressivement des calculs de surfaces rationalisés et optimisés, sans apport de valeur supplémentaire à l’usage. De plus, cette question du programme induit généralement une réponse spatiale fixe, ce qui freine par la suite sa capacité de mutation.230 Si la configuration spatiale n’est qu’une pure réponse au programme et ne permet pas de flexibilité d’usage, il devient alors économiquement impossible de transformer l’ouvrage par la suite, en étant rentable. Le bâtiment qui en ressort mènera donc fatalement à la vacance de l’ouvrage et à sa démolition, une fois l’usage rendu obsolète. Cependant, comme le dit Bernard Tschumi, «Il n’y a pas d’architecture sans programme».231 Bien qu’une fonction unique amène à l’obsolescence prématurée du bâti, on ne peut donc faire fit du programme. Il s’agirait alors de trouver un équilibre, entre la réponse stricte et rigide à un programme unique, et le «bâtiment à usage indéterminé» proposé par Anne Démians.232 C’est cela que propose le principe de réversibilité fonctionnelle des ouvrages. En effet, en mutualisant les programmes et en concevant les fonctions avec une culture commune, la réversibilité propose de trouver des compromis entre diverses fonctions, pour permettre une flexibilité d’usage et de faciliter les mutations futures. Ainsi, le durable, semble aujourd’hui être ce qui est transformable.233 Cette dimension prospective dans la construction, conduit alors à intégrer les conditions de réinterprétation, dès la conception du projet et à en modifier son processus. La capacité de s’adapter aux changements, pourrait donc être le facteur le plus important pour une efficacité et un succès économique durable des édifices.234 C’est pourquoi les bâtiments nous conviendraient mieux, s’ils avaient un certain degré d’adaptabilité, et de capacité de mutations. Cependant, cela nécessiterait de revoir l’ensemble du processus de conception de l’immeuble, afin de mener à bien cette réversibilité anticipée des constructions.

225 - KRONENBURG Rober, Flexible : une architecture pour répondre au changement, Paris, Norma , 2007, p. 16. 226 - Ibidem, p. 13. 227 - BOUCHET Pierre, MANSOUX Frédérique et PINOT Gérard, De l’immeuble de bureau au lieux de travail, Paris, Le Moniteur, 2018, p. 21. 228 - Ibidem, p. 22. 229 - BOUCHET Pierre, MANSOUX Frédérique et PINOT Gérard, De l’immeuble de bureau au lieux de travail, Paris, Le Moniteur, 2018, p. 105. 230 - GUILLOT David, «L’obsolescence de l’immeuble les grands enjeux de la réversibilité», in Le Moniteur, 2018, novembre, n°110, p. 33. 231 - RAMBERT Francis, Un bâtiment combien de vies ?, Cité de l’architecture et du patrimoine, Milan, Silvana Editoriale , 2015, p. 237. 232 - Voir sur le site de l’architecte <www.AnneDemians.com>. 233 - Christian de PORTZAMPARC in RAMBERT Francis, Un bâtiment combien de vies ?, quatrième de couverture. 234 - KRONENBURG Rober, Flexible : une architecture pour répondre au changement, Paris, Norma , 2007, p. 12.

48


Dans cette seconde partie, nous avons pu constater que le contexte actuel de mutations sociétales et ses crises relatives, tendent à favoriser l’émergence de nouveaux modèles de conception dans la construction, ainsi que dans les discours contemporains. A l’image des exemples de prémices de réversibilités abordés en première partie. Nous avons également pu constater que les conceptions conventionnelles et leurs cadres économiques, ne permettent pas d’adapter le bâtiment à ces mutations. Rendant alors rapidement les ouvrages obsolètes et destinés à la démolition. Ceci tend ainsi à aggraver la crise écologique ambiante, et à entraîner une expansion des tâches urbaines alarmante. Nous avons également mis en exergue, que les nombreuses réglementations et normes qui régissent la construction, sont entre autre responsables de cette rigidité des ouvrages et représentent en outre, l’un des obstacles principaux à la mutabilité de l’architecture aujourd’hui. De plus, nous avons soulevé que l’économie court-termiste et linéaire qui prime dans nos marchés actuels, régis par une optimisation des programmes et des surfaces, freine les investisseurs à se tourner vers des conceptions plus durables. Bien que celles-ci soient plus intéressantes sur le long-terme. Cependant, nous avons souligné que les crises singulières auxquelles nous devons répondre, face aux enjeux actuels, tendent progressivement à remettre en question ces schémas. Ainsi, les conceptions plus flexibles et anticipant l’avenir sont désormais recherchées, ouvrant ainsi un terrain propice au développement de la réversibilité en architecture. Ceci d’autant plus pour la typologie de l’immeuble de bureaux et celle de l’habitat, qui connaissent des crises concomitantes et corrélatives. Nous verrons donc dans la partie suivante, comment l’architecture peut aborder et intégrer la réversibilité dans le projet, et comment la mise en pratique de ces principes fait évoluer son processus de conception.



LA RÉVERSIBILITÉ EN PRATIQUE ANTICIPER LES MUTATIONS DÈS LA CONCEPTION

51



A) La réversibilité fonctionnelle Anticiper la pérennité de la matrice La réversibilité fonctionnelle, qui se définit communément par la “Capacité programmée d’un ouvrage neuf à changer facilement de destination; grâce à une conception qui minimise, par anticipation, l’ampleur et le coût des adaptations”235 propose donc de répondre à ces divers enjeux et crises aujourd’hui. Ce type d’architecture porte alors sur des constructions conçues en vue de répondre aisément aux mutations d’usages, durant leur existence. Les avantages mis en avant par les concepteurs pour ce type de projets sont nombreux : ils seraient utilisables plus longtemps, conviendraient mieux aux usagers et seraient plus soutenables d’un point de vue économique et écologique.236 Toutefois, une telle conception remet profondément en question la manière de concevoir l’immeuble et modifie son processus de conception et de gestion. Nous verrons donc dans cette partie, les évolutions que cela induit dans la conception, ainsi que les différents dispositifs applicables pour tendre vers la réversibilité de l’immeuble de bureaux. Nous questionnerons enfin les impacts que cela peut induire dans sa gestion post-construction.

1 – Conception du projet : Une culture commune des programmes Pour mettre en pratique la réversibilité de l’immeuble, il semble alors nécessaire de questionner son processus de conception, afin de travailler sur les différents facteurs de réversibilité des ouvrages. Ce changement dans la conception, consiste alors avant tout à analyser les programmes envisagés et leurs normes spécifiques relatives, qui constituent des contradictions techniques. Afin de concevoir un édifice capable d’absorber ces différentes contraintes.237 La conception d’un édifice tertiaire réversible passe donc d’abord par un travail d’identification des points durs et des compromis possibles entre les programmes et leurs normes. Ceci afin de les concevoir avec une culture commune, dans une même matrice évolutive.238 La réversibilité bureaux-logements, au-delà des enjeux qu’elle recouvre239, apparaît ainsi comme une réponse à fort potentiel pour ce type de bâtiment. Dû notamment à la similarité de configurations possibles entre ces deux programmes. Nous allons donc questionner ci-après les différents facteurs de réversibilité des immeubles, ainsi que les outils de conception qui semblent permettre de rapprocher ces programmes dans le dessin du projet. Ces facteurs et dispositifs seront ainsi étudiés au regard des propositions évoquées par les architectes et concepteurs ayant expérimenté la réversibilité des ouvrages, tels que Anne Démians, LAN, et Patrick Rubin.240 Ainsi qu’au travers des dispositifs usités par les exemples des prémices de réversibilité, abordés en première partie.

235 236 237 238 239 240 -

RUBIN Patrick, Construire réversible, Paris, Canal Architecture, 2017, p. 10. RUBIN Patrick, Construire réversible, Paris, Canal Architecture, 2017. RUBIN Patrick, Construire réversible, Paris, Canal Architecture, 2017, p. 35. Ibidem. Voir partie 2 - B - Sous-partie 4. Voir RUBIN Patrick Construire réversible, LAN Paris Haussman modèle de ville, et les publications de l’architecte Anne DÉMIANS.

53


Morphologie du bâti et trame L’un des premiers facteurs à prendre en compte pour une culture commune des programmes, semble tout d’abord être la morphologie même de l’immeuble. Sa profondeur a en effet un impact sur son potentiel de transformations futures, en permettant ou non, divers scénarios. Une épaisseur trop importante, induit ainsi des zones de second-jour et des noyaux sombres, tandis qu’une épaisseur trop fine peut contraindre les partitions internes. Si l’on cherche à rapprocher les différents programmes, un travail de recherche d’épaisseur pouvant convenir aux deux usages apparaît alors dans les premiers dimensionnements du dessin. Ces dimensions se sont toutefois fracturées entre bureaux et logements au fil du temps. Elles sont ainsi généralement situées autour de 14m pour les logements et 18m pour le tertiaire, avec une bande centrale et des noyaux durs de circulations.241 Cependant, cette disposition ne semble pas optimisée pour une réversibilité bureaux-logements. La situation centrale du noyau technique contraint en effet les logements à une disposition mono-orientée, répartie de part et d’autre des circulations centrales.242 L’un des dispositifs proposés par les concepteurs est alors de revoir ces standards de profondeur, avec une épaisseur réglée aux alentours de 14m, notamment proposée par l’agence Canal dans ses recherches sur le système Conjugo (Fig.41). En effet, une épaisseur du bâti réduite, pourrait permettre de répondre aux besoins de plateaux libres et lumineux des bureaux en open-space actuels et d’éviter le couloir central dans le cas des logements.243 Afin de bénéficier d’un éclairage naturel traversant pour les deux programmes. La double orientation résultante de cette morphologie, tendrait ainsi à améliorer la qualité des aménagements internes et leurs transformations futures.244 Toutefois, d’autres praticiens expérimentent la réversibilité tout en conservant les épaisseurs usuelles et en travaillant sur d’autres facteurs. Comme l’architecte Anne Démians, dans son projet des Black Swan.245 Ainsi, la réversibilité reste envisageable avec ce système, mais les logements sont cependant systématiquement mono-orientés. Ce qui relève du parti-pris de l’architecte dans le projet. Outre l’épaisseur du bâti, la hauteur d’étages est également un facteur à questionner dans la conception. Les réglementations fixant les hauteurs relatives à chaque programme, semblent en effet constituer un frein à la réversibilité et rendent difficile la transformation. C’est pourquoi, afin de rapprocher ces usages, il est proposé de dessiner des projets avec une hauteur intermédiaire pouvant satisfaire l’une et l’autre de ces fonctions. Ajuster une hauteur entre 2,70 m à 3m, parait alors être un juste équilibre, suggéré par le système Conjugo de Patrick Rubin et Vinci construction (Fig.42). Ou bien à l’image des immeubles Haussmanniens, étudiés plus haut.246 Pour l’habitation, un gain de lumière naturelle et un confort supplémentaire seraient ainsi apportés par une hausse de la hauteur utile. Tandis que dans les bureaux, cela permettrait d’éviter les faux planchers et faux plafonds. Ce dispositif permettrait également théoriquement l’addition d’un étage supplémentaire pour une même hauteur de bâti, à partir du 4ème niveau.247 (Fig.43) Enfin, il est préconisé d’initier et de favoriser le dialogue entre le bâtiment et son environnement immédiat. Sur ce point, le Rez-de-chaussée constitue donc l’un des autres facteurs à requestionner. En effet, leur hauteur traditionnelle aux alentours de 3,5m prévoyant généralement une activité de commerce, ne permet pas une reconversion simple de ces espaces si le contexte devient défavorable à ces usages.248 L’un des dispositifs pour répondre à cet enjeu, pourrait alors être de privilégier des doubles niveaux avec un socle qui puisse s’associer au R+1, ou s’en dissocier, sur une hauteur de 5m (Fig.42). Comme le proposaient déjà les immeubles Haussmanniens.249 Ainsi, des activités, des commerces ou des bureaux pourraient être installés en double hauteur, pour créer un socle dynamique. Pour du logement, des duplex ou simplex pourraient également être installés si le secteur n’est pas favorable aux autres activités. Cela pourrait ainsi permettre de lutter contre les pieds d’immeubles vacants, et de renouer des liens entre immeubles et villes.

241 - RUBIN Patrick, Construire réversible, Paris, Canal Architecture, 2017, p. 38. 242 - Ibidem. 243 - PELEGRIN-GENEL Elisabeth, 25 espaces de bureaux, Paris, Le Moniteur, 2006, p. 14. 244 - BOUTTÉ Franck, JALLON Benoit et NAPOLITANO Umberto (LAN), Paris Haussman modèle de ville, Paris, Pavillon de l’Arsenal, 2017, p. 41. 245 - Voir partie III - A - Sous-partie 3. 246 - Voir partie I - B - Sous-partie 1. 247 - Voir la vidéo de présentation de conjugo disponible sur <www.vinci-construction.fr>. 248 - RUBIN Patrick, Construire réversible, Paris, Canal Architecture, 2017, p. 43. 249 - BOUTTÉ Franck, JALLON Benoit et NAPOLITANO Umberto (LAN), Paris Haussman modèle de ville, Paris, Pavillon de l’Arsenal, 2017, p. 40.

54


Fig. 42 : Schéma des dispositifs morphologiques de hauteurs et d’épaisseur

Impacts sur l’éclairement et la ventilation, les usages et les programmes

Fig. 43 : Schéma des dispositifs de hauteurs La hauteur intermédiaire permet de gagner un niveau comparé aux hauteurs réglementaires des bureaux traditionnels

Sources iconographiques : Figures 41-43 : RUBIN Patrick, Construire réversible, Paris, Canal Architecture, 2017. (Tirées du livre et adaptées)


Système structurel, matériaux et circulations L’autre facteur à questionner pour une conception mutable, semble être également son système structurel. Pour absorber les changements d’usages et les différents cycles d’utilisations, celui-ci nécessite en effet une certaine pérennité dans le temps, et surtout de permettre la flexibilité des espaces. Ainsi, afin de faciliter la liberté d’aménagements des plateaux, il semble préférable de ne pas dessiner de murs porteurs perpendiculaires dans les plans ou de façades porteuses figeant l’enveloppe. Afin de privilégier le plan libre et neutre, à l’image des recherches menée par Le Corbusier sur le système Dom-Ino (Fig.46). Bien qu’il existe plusieurs systèmes constructifs, avec chacun leurs avantages et leurs particularités, le dispositif qui semble le plus adapté à la flexibilité aujourd’hui et le plus mis en avant est le système poteaux-poutres ou poteaux-dalles (Fig.44). Comparé aux refends perpendiculaires ou aux façades porteuses, ce mode constructif limite en effet les points porteurs et libère les façades de la fonction structurelle, afin de permettre une modularité des ouvertures. De plus, dans le système poteaux-dalles, les poutres noyées ne font plus obstacle aux agencements internes, car la sous-face de plancher sans relief et à nue favorise le passage et l’accessibilité des réseaux. A l’image du système Dom-Ino (Fig.46). Ce dispositif est également recherché pour optimiser les franchissements grâce aux systèmes de grandes portées, permettant l’économie de structure. Celui-ci permet également de créer des percements pour les gaines gravitaires sans reprise de structure, facilitant ainsi le processus de transformation.250 (Fig.45) Les cheminements techniques, jumelés aux circulations verticales ou aux éléments de structure dans une optique d’accessibilité et d’optimisation des plateaux, restent ainsi flexibles. A l’image du projet des Marelles de Georges Maurios.251 Si l’idée est de concevoir un édifice pour plusieurs cycles d’utilisations, sa matérialité constitue également un facteur essentiel à sa pérennité. Afin de garantir sa solidité et son vieillissement sur le long terme, l’utilisation de matériaux résistants et éprouvés est donc préférable. Il conviendrait alors de sortir de la logique de l’économie de moyens, pour tabler sur une dépense certes plus élevée à la construction avec des matériaux de qualité, mais pour de moindres dépenses d’entretien et de remplacement des éléments à long terme.252 Le recours aux matériaux à faible énergie grise, dans une optique de durabilité, serait également préférable pour poursuivre la logique de soutenabilité de l’ouvrage. Enfin, les circulations constituent également un facteur à questionner pour mutualiser les programmes. Une fois la matrice structurelle dessinée, l’ajustement des règlements de sécurité, très souvent opposés, applicables aux bureaux et aux logements devient en effet un point sensible.253 Des circulations mal-placées, peuvent ainsi potentiellement constituer un frein à la flexibilité des plateaux. Le déplacement des circulations verticales étant une opération coûteuse et difficile, qui contredit donc la réversibilité. Il convient alors de placer les circulations verticales stratégiquement, lors de la conception, pour ne plus avoir à les déplacer en passant d’un usage à l’autre. Il existe ainsi plusieurs dispositifs envisageables pour placer les circulations. Celles-ci peuvent tout d’abord être positionnées au centre, constituant ainsi un noyau qui servira au contreventement de la structure et de gaine aux différents réseaux. A l’image du projet de LAN à Paris (Fig.47). Elles peuvent également être disposées à l’extérieur du bâtiment, à l’image du système Dom-Ino (Fig.46). De plus, les circulations verticales peuvent être uniques ou multiples selon l’envergure du projet, ou encore linéaires sous forme de coursives. Afin de se libérer de la contrainte induite par ces points durs, on peut ainsi par exemple venir placer celles-ci à l’extérieur du bâtiment. Comme le propose le système Conjugo de Canal architecture (Fig.47). Les distances réglementaires entre les issues de secours (15 m pour le logement et 40 m pour les bureaux), semblent alors ajustées pour les deux fonctions.254 De plus, cet agencement offre des coursives d’entretien et lieux de rencontre extérieurs pour les bureaux, ou bien des balcons appropriables pour les logements. A l’image du projet Black Swan de Anne Démians.255

250 - RUBIN Patrick, Construire réversible, Paris, Canal Architecture, 2017, p. 41. 251 - Voir partie I - B - Sous-partie 2. 252 - KRONENBURG Rober, Flexible : une architecture pour répondre au changement, Paris, Norma , 2007, p. 14. 253 - RUBIN Patrick, Construire réversible, Paris, Canal Architecture, 2017, p. 39. 254 - Ibidem. 255 - Voir partie III - A - Sous-partie 3.

56


Fig. 44 : Schéma des dispositifs de circulation proposés par Canal Architecture

Fig. 45 : Schémas du dispositif poteaux-dalles

- Percements sans reprises structurelles

Fig. 46 : Croquis du système de la maison Dom-Ino - Dispositifs Structuraux poteaux-dalles - Circulations extérieures

Fig. 47 : Schéma des dispositifs structurels proposés par LAN

- Façades porteuses et noyau dur central de contreventement

Sources iconographiques : Figures 44-45 : RUBIN Patrick, Construire réversible, Paris, Canal Architecture, 2017. (Tirées du livre et adaptées) Figure 46 : BOESIGER Willy et STONOROW Oskar, Le Corbusier et Pierre Jeanneret Œuvre complete Tome 1, Zurich, Editions d’architecture, 1967. Figure 47 : Disponible sur la description du projet donnée sur le site de l’agence LAN <www.lan-Paris.com>


Enveloppe et contexte Enfin, l’idée de mutualiser des programmes domestiques et tertiaires dans une même matrice, pose alors la question de l’usage opposé entre ces programmes. Donc par conséquent, la question de l’enveloppe et des ouvertures de l’ouvrage. En effet, là où les bureaux recherchent de larges façades vitrées et tramées toutehauteur, les logements recherchent de la sécurité et de la lumière sans entraver à l’intimité de chacun, avec des aérations naturelles. Là où les bureaux recherchent des façades neutres et génériques, les habitations convoitent des espaces appropriables et engageants. Cependant, des architectes expérimentent aujourd’hui des moyens pour absorber ces deux usages. Plusieurs dispositifs sont ainsi envisageables, pour ajuster ce facteur de conception. Le premier, peut alors être de prévoir une façade tramée et dessinée pour les deux programmes. Cela peut se faire, comme pour l’immeuble Haussmannien et sa réinterprétation par LAN (Fig.48), sous forme de larges ouvertures généreuses et régulières venant rythmer les façades. Permettant un apport de lumière naturelle suffisant aux deux fonctions. Ce système apporte également une certaine neutralité et un aspect générique, pour que l’on ne devine pas directement son usage. Le second dispositif peut être de prévoir une façade modulaire, aux éléments inter-changeables. A l’image des recherches de Jean-Prouvé et de Marcel Lods.256 L’enveloppe peut alors être de l’ordre du générique, ne nécessitant que des modifications mesurées, pour s’adapter aux possibles changements d’affectations.257 Le recours à une façade modulaire composée d’éléments préfabriqués, permettrait ainsi de transformer partiellement et d’adapter la façade, tout en ouvrant la voie à la récupération et la réutilisation des composants (Fig.49). La fabrication industrielle des façades en éléments modulaires, peut également faciliter ce processus. Ainsi, la transformation ne nécessitant pas de réhabilitation lourde de l’enveloppe, facilite les mutations et réduit les coûts. De plus, l’idée des coursives extérieures évoquées plus haut, peut permettre de passer d’une coursive technique de bureaux à des balcons appropriables par les habitants, afin de domestiquer les façades et d’apporter de l’intimité aux résidents. Enfin, son contexte et sa localisation sont également des facteurs à questionner pour la pertinence d’un ouvrage réversible. Celui-ci ne peut, en effet, fonctionner que si son contexte justifie le recours à un tel procédé. Se montrant en outre sujet à des mutations d’usages, comme les centre-villes, ou les quartiers périphériques en requalifications. Un emplacement peu favorable aux transformations pourrait en effet rendre l’opération nonrentable et non-efficiente. Ne faisant pas intervenir la mutation et desservant ainsi son image, par la même occasion. La taille de l’édifice pourrait également être considérée comme un facteur économique lors de la faisabilité du projet. Des envergures de projet suffisamment conséquentes pour que l’opération puisse devenir rentable de façon significative sur le temps long, sont ainsi préférables. Dans l’optique notamment de favoriser l’investissement dans ce nouveau marché d’édifices mutables, auprès des promoteurs.

256 - Voir partie III - A - Sous-partie 4. 257 - RUBIN Patrick, Construire réversible, Paris, Canal Architecture, 2017, p. 42.

58


Fig. 48 : Schéma du dispositif de façades tramées et neutres proposé par LAN

Fig. 49 : Schémas du dispositif de façades modulaires proposé par Canal architecture

Sources iconographiques : Figure 48 : Disponible sur la description du projet donnée sur le site de l’agence LAN <www.lan-Paris.com>. Figure 49 : RUBIN Patrick, Construire réversible, Paris, Canal Architecture, 2017.



2 – Accompagner les mutations, gestion de l’immeuble post-construction Afin de garantir la pérennité de l’ouvrage et ses mutations, sa gestion durant ses cycles d’utilisations futures constitue un facteur à questionner en amont. En effet, tout bâtiment, bien que flexible, tombera tôt ou tard en désuétude s’il n’est pas entretenu et géré de façon réfléchie. Penser son entretient, lors de sa conception, en ayant notamment recours à des matériaux solides et ne nécessitant que peu de maintenance, permettrait ainsi que celui-ci ne se dégrade pas dans le temps. De plus, une gestion unique de l’immeuble, avec un seul propriétaire ou bailleur pour l’ensemble, paraît également plus efficace qu’une copropriété.258 En effet, ce dispositif de gestion permet de garantir des décisions générales et immédiates, pour l’ensemble de l’immeuble durant son cycle de vie. Facilitant ainsi les transformations. Enfin, la conservation et le regroupement des informations de mutabilité de l’immeuble, lors de sa conception, pourrait être un facteur permettant de raccourcir les délais d’état-des-lieux avant chantier ainsi que les démarches administratives liées aux mutations. Ainsi, il serait pertinent lors du permis de construire, de présenter directement les différentes variantes de programmes et de spatialités envisagées pour les futures transformations. Afin de les faire pré-approuver et de les conserver, pour certifier de son caractère flexible et pérenne à l’avenir. 259

3 – Application et intégration de ces dispositifs dans la construction, Études de cas Ainsi, nous venons d'étudier les facteurs à questionner dans la conception d'un ouvrage réversible dans ses usages, et démontré de quelle manière la réversibilité devient ainsi un moteur d'évolution du processus de conception et de gestion de l'immeuble de bureaux. A travers l'étude de divers projets, il est alors possible d'observer une mise en application des dispositifs précédents. Permettant ainsi de questionner la pertinence du recours à ces systèmes, ainsi que le potentiel de mutabilité atteint selon les principes employés. Pour cela, nous allons à présent interroger des cas d'études de projets réalisés par des architectes contemporains, ou des procédés développés par des firmes de construction en lien avec des concepteurs. Ces exemples récents, sortis de terre depuis moins d'une dizaine d'années ou encore à l'état de projet, ont été sélectionnés pour leur conception qui présente un caractère mutable anticipé pour des usages mixtes entre bureaux et logements. L'ensemble de ces cas sont alors des expériences qui tentent de mettre en pratique différents dispositifs de mutabilité pour aboutir à des espaces flexibles. Toutefois, nous verrons que tous les dispositifs n'ont pas la même efficience et que les choix et partis-pris des architectes, ou bien les contraintes économiques imposées par les promoteurs, peuvent altérer le potentiel de mutabilité final de l'ouvrage. Nous étudierons alors les contextes d'implantation des projets, afin de questionner la pertinence du recours à la réversibilité dans ces secteurs. Ainsi que les différents dispositifs mis en œuvre et leur potentiel de mutabilité. Nous interrogerons également leur envergure, afin de questionner les bénéfices économiques potentiels de l'ensemble. L'analyse des cas d'études ont ainsi été réalisées à partir des descriptions des projets fournies par les architectes, ou par les descriptions techniques proposées par les entreprises de construction ayant participées aux projets. Enfin, l'analyse approfondie des plans, coupes, images et détails des édifices, appuient les propos et aident à la compréhension des projets. Une grille de lecture est alors mise en place, afin de questionner le potentiel de réversibilité atteint selon ces facteurs. Cette grille est en outre définie par les facteurs de réversibilité abordés en amont. A savoir la morphologie d'ensemble, les épaisseurs de bâti, les hauteurs d'étages et de socles, les trames, les systèmes structurels, les circulations, l'enveloppe, et le contexte d'implantation.

258 - GUILLOT David, «L’obsolescence de l’immeuble les grands enjeux de la réversibilité», in Le Moniteur, 2018, novembre, n°110, p. 39. 259 - Ibidem, p. 34.

61


Black Swans, Anne DĂŠmians, 2019, Strasbourg

Sources iconographiques : Figure 50 : Disponible sur le site de l’architecte <www.Annedemians.com>.


Le premier projet présenté, livré en 2019 par l'agence d'architecture d'Anne Démians, se situe sur la presqueîle Malraux en centre-ville de Strasbourg. Dans le cadre de la réhabilitation et de la restructuration de l'ancien bassin portuaire d'Austerlitz (Fig.51). Celui-ci se compose de trois tours identiques, de 50 mètres de hauteur et 19m d'épaisseur, avec un corps de bâtiment longiligne, qui symbolisent les cygnes sur le bassin auquel elles font face. Le contexte urbain alentour, dynamique et dans un environnement en mutations, semble avoir poussé ici le recours à la réversibilité dans le projet. En effet, pour cet appel d'offre les élus voulaient initialement construire des bureaux en blanc, afin de rendre le secteur plus attractif. Cependant, le marché et la demande dans ce secteur n'étant pas ou peu présent, le maître d'ouvrage Icad a alors proposé une autre solution en juxtaposant différents programmes en vue de rentabiliser l'opération.260 Ainsi, l'opération comprend une résidence étudiante et une troisième âge, un hôtel et des commerces, ainsi que des logements, prévus pour être réaffectables en bureaux (Fig.55-56). L'idée forte du promoteur qui a retenu l'attention des élus, était alors de permettre une potentielle mutation de l'ensemble, ce qui faisait par ailleurs partie des contraintes imposées avec une demande de réversibilité d'usage désirée par Icad.261 L'enjeu principal pour l'architecte, a donc été de penser ces espaces comme transformables. L'objectif étant de pouvoir reconfigurer l'opération, pour lui permettre une plus grande souplesse d'usage à l'avenir. Pour ce projet, la réversibilité recherchée s'est alors matérialisée par l'idée d'une trame commune entre les programmes. En effet, les trames qui diffèrent généralement entre les bureaux et les logements, ont été ici requestionnées dans le dessin du projet. Les architectes ont ainsi opté pour une unité commune de 6.66m, divisée en modules 0,74m correspondant aux modules de façade262, qui en se multipliant absorbe les trames entre logements et bureaux (Fig.53). L'usage systématique de la trame, donne alors un aspect neutre à l'ensemble, dans l'idée de ne pas impacter les programmes et de faciliter les transformations à l'avenir. Structurellement, les choix se sont portés sur une matrice en béton banché coulé en place, avec une façade porteuse. Ainsi que des noyaux durs de circulations, dont l'emplacement central libère les façades (Fig.56). Les planchers sont également conçus en poutre noyées de manière à ne pas avoir de retombées dans les plateaux et facilitant le passage des gaines techniques. Les morphologies quant à elles, se composent de plateaux de 19m d'épaisseur et d'étages avec une hauteur sous plafond, initialement prévue à 3,25 mètres, puis finalement fixée à 2,63 mètres, pour des raisons financières (Fig.54). Enfin, le socle est dessiné en double-hauteur, avec 7m sous-plafond (Fig.54). Au niveau de l'enveloppe et des matérialités, les façades neutres sont constitués de plaques en aluminium thermolaqué. Enfin, des coursives périphériques viennent ceinturer le bâtiment, sur l'ensemble des façades (Fig.50). Enfin, l'argument économique de l’ensemble résidait ici dans le coût attractif de sa réversibilité, estimé à seulement 800 euros du mètre carré.263 Ce chiffre rend ainsi l'opération très compétitive, comparé aux coûts de transformations habituels aux alentours de 1200 euros en moyenne du mètre carré. Si ces dispositifs de conception ont cherché à repenser les facteurs de réversibilité du projet, on notera toutefois que les partis-pris de l'architecte peuvent impacter le potentiel de réversibilité de l'ouvrage. Le choix d'une structure en façades porteuses et noyaux durs, s'il permet de libérer les plateaux de la structure, constitue par exemple un obstacle potentiel en cas de mutation d'usage. Contraignant les dispositions des logements et ne permettant pas de plateaux-libres traversants. Toutefois, ces noyaux de circulations centraux ont été dessinés avec des mesures conformes entre logements et bureaux, permettant de lisser leurs normes d'accessibilité et de sécurité incendie. Pour ce qui est de la morphologie des bâtis, l'épaisseur conséquente du corps de bâtiment, avec noyau central, se rapproche plus ici des morphologies tertiaires que domestiques. Cette épaisseur induit alors pour les logements une contrainte de mono-orientation, ou d'une double-orientation pour ceux placés aux extrémités. Pour les hauteurs, bien que la mesure des étages soit effectivement plus généreuse qu'à l'accoutumée pour des logements, celle-ci pourrait freiner la mutabilité désirée au départ. Cependant la double hauteur des RDC permet tout de même d'apporter un degré de réversibilité supplémentaire en pied d'immeubles. Enfin, le recours à la coursive périphérique reconfigurable, permet ici d’apporter de l'intimité et de la neutralité aux façades et témoigne de l'évolutivité de l'ouvrage.Pouvant se transformer en balcons privés ou en coursives d'entretien. L'usage de l'aluminium thermolaqué pour l'enveloppe, couramment utilisé en tertiaire, permet également d'apporter une originalité aux logements et un matériau éprouvé dans le temps.

260 - CUISINIER Tristan, «Black Swans : une architecture générique pour un programme à la carte», Cyberarchi, 07 mars 2018. 261 - ROBISCHON Christian, «Entente parfaite pour immeubles mutants», in Le Moniteur, 26 juillet 2019, p. 10. 262 - Ibidem, p. 10. 263 - VINCENDON Sibylle, «Bureaux vides, logements manquants, vers des bâtiments tout usages ?», Libération, 16 juin 2016.

63


Fig. 52 : Répartition des programmes Fig. 51 : Plan de masse et de situation du projet

Fig. 53 : Elevation d’un des bâtiment

Fig. 54 : Coupe longitudinale d’un des bâtiment

Fig. 55 : Plan d’étage en configuration de logements

Fig. 56 : Plan d’étage en configuration de Bureaux

Sources iconographiques : Figure 52 : CHESSA Milena, «Réversibilité : des immeubles génétiquement modifiables», in Le Moniteur des BTP, 2018, mars, n°5966. Figures 51-56 : MEVEL Nadège, «LA TRAME ET LE RAL», in Revue Exe, 2018, n°31.


Simple, Dense, Epaisse

Morphologie d’ensemble

Générique, Commune, Modulable (0.74m)

Trame Epaisseur du bâtis

Grande profondeur (19m)

Hauteurs d’étages

Relativement faibles (2.63m)

Hauteur du socle

Grande hauteur, Double-niveaux (7m) Façades porteuses, Noyaux de contreventement

Système Structurel

Noyaux centraux, Coursives périphériques

Circulations

Porteuses, Coulées en place, Fixes

Façades Enveloppe

Générique, Modules en acier démontables

Ouvertures

Fixes, Génériques, Identiques (1.66m de large) Friche industrielle, En requalification, Urbain

Pertinence dans son contexte

Faible

Potentiel de réversibilité

Des choix et restrictions budgétaires qui freinent le potentiel de mutations Du point de vue du potentiel de mutabilité proposé ici par les moyens mis en œuvres, quelques points restent donc à questionner. Notamment la morphologie de l'ensemble. L'épaisseur du bâtiment, semble en effet trop large pour permettre des espaces traversants bien éclairés. De plus, la mutation est freinée par la baisse de la hauteur sous plafond des étages, qui réduit les chances de flexibilité voulues au départ. Les noyaux durs de circulation placés au centre constituent également des obstacles potentiels à la réversibilité, contraignant à des aménagements mono-orientés pour les logements. Ces points faibles vis-à-vis de la mutabilité, peuvent notamment s’expliquer par le maître d'ouvrage, qui n'a pas octroyé suffisamment de marge économique aux architectes lors de la conception. Ainsi, ces choix mènent à des plateaux finalement peu adaptés à des bureaux en open-space, car trop larges et trop bas sous-plafond avec des points durs centraux. Et peu adaptés aux logements, car mono-orientés, ce qui n'est pas optimal pour la ventilation et le confort. De plus, la fonction porteuse des façades ne permet pas de flexibilité des ouvertures. Toutefois, les hauteurs généreuses des Rez-de-chaussée permettent de réaffecter et de diviser ces espaces, ce qui apporte une dynamique au socle. Les façades génériques ceinturées de coursives périphériques donnent également une neutralité à l'ensemble, qui permet de transformer les usages sans impacter son aspect. Les coursives constituent ainsi des éléments intéressants pour passer de balcons pour les logements, à des espaces communs et d'entretien pour les bureaux. Le système de façades porteuses permet également de libérer les plateaux, avec des poutres noyées qui libèrent la sous-face des planchers, apportant une plus grande flexibilité à l'ensemble. Enfin, le choix de l'aluminium thermo-laqué en façade permet une bonne résistance et durabilité dans le temps, avec peu d'entretien et des éléments démontables et remplaçables. Toutefois, l'utilisation du béton comme matière structurelle pourrait être questionnée. Bien que le bâtiment prévoit une réutilisation du gros-œuvre sur plusieurs cycles, nous avons pu voir que le béton représentait une matière peu durable et polluante. D'autres alternatives d'éco-matériaux auraient donc pu être utilisées, bien que l'on puisse apprécier que son utilisation se limite uniquement au gros œuvre. Quant à la pertinence d'un recours à la réversibilité dans le projet, celle-ci parait adaptée au vu de son contexte. Celui-ci, situé sur une friche industrielle dans un quartier en mutations, peut être considéré comme un atout à l'évolution du quartier d'un point de vue programmatique. Son envergure conséquente, permet également d'apprécier l'intérêt économique à venir de l'opération. De plus, sa situation qui requalifie une friche et son caractère réversible, permettent de faire un contre-pied à l'étalement urbain et lui confèrent un caractère durable. Enfin, la réversibilité prévue entre les logements et les bureaux permet d'anticiper la vacance potentielle future de l'immeuble. Pour conclure, ce projet aura permis d'expérimenter la faisabilité constructive et économique d'un tel projet, et malgré quelques points à améliorer semble ainsi contourner en partie l'obsolescence prématurée de l'ouvrage et ses conséquences.

65


Ilot B2, Clément Vergély architecte, 2020, Lyon confluences

Sources iconographiques : Figures 57-58 : Disponible sur le site de l’architecte <www.vergelyarchitectes.com>.


Cette opération de moindre envergure que la précédente, est une autre réalisation à propos de la réversibilité d'usage bureaux - logements, qui devrait être livrée courant 2020. Le projet, réalisé par l'agence d'architecture Clément Vergély pour le compte d'Ogic, est conçu dans le cadre du projet d'aménagement de Lyon Confluences et prend place sur le quai Perrache, face au Rhône (Fig.59). Il se compose d'un îlot mixte, constitué d'immeubles de moyenne hauteur à usage de bureaux et commerces. D’un point de vue urbanistique, l’îlot B2 se réfère au bloc traditionnel, avec un alignement sur la rue afin d'assurer une valeur urbaine à l'ensemble.264 (Fig.58) Nous nous concentrerons toutefois ici sur l'immeuble qui constitue la façade de l'ensemble, au premier plan du parvis François Mitterrand (Fig.60). Ainsi, cette opération se compose d'un immeuble longiligne de 8 étages, comprenant des bureaux reconfigurables en logements et des commerces en soubassement. Dans ce contexte urbain en mutations, l'enjeu de conception à été de questionner les usages actuels et futurs de ce secteur. En effet, si les immeubles sont destinés pour un usage tertiaire aujourd'hui dans cette zone d'implantation, la transformation à venir de l'autoroute adjacente en boulevard urbain, tend à indiquer un glissement progressif du secteur vers un quartier résidentiel attractif.265 Le promoteur Ogic a donc cherché à anticiper ce changement d'usage éventuel dans le projet.266 L’idée directrice a donc été de pouvoir modifier les locaux, en fonction de l’évolution du quartier et des besoins actuels et futurs des usagers. Pour se faire, les architectes ont opté pour une structure porteuse de béton en système poteaux-dalles, avec des poteaux périphériques visibles en façade, couplés à des noyaux de circulations internes porteurs. Afin de libérer des plateaux libres dans les étages. Les planchers, sont quant à eux constitués de bois et de béton, pour des questions de durabilité des matériaux et pour réduire l'utilisation du béton dans le bâtiment.267 La morphologie de l'ensemble, se définit par un parallélépipède de 50 mètres de longueur, et 14.20 mètres d'épaisseur (Fig.63-64). La hauteur sous plafond des étages est quant à elle réglée à 2.85m et un socle en double-hauteur au RDC aux alentours de 5m vient compléter l'ensemble (Fig.61). Sa façade se compose du système de poteaux visibles au premier plan et d'une ligne de coursives périphérique en retrait, qui s’organise sur une double hauteur d’étage. En retrait des coursives, une façade en bois légère bénéficie alors de ces balcons comme obstacles coupe-feu et apporte une valeur d'usage aux logements (Fig.62). Enfin, d'un point de vue technique, les gaines sont réparties le long d'une poutre centrale le long du bâtiment, permettant plusieurs agencements possibles des pièces humides. Ainsi, plusieurs scénarios d'aménagement de logements ont été étudiés, à partir des gaines techniques réparties le long de cette poutre (Fig.63-64). Pour ce qui est de l'aspect normatif, qui aurait pu constituer un réel frein au développement du projet, Ogic a également pu résoudre quelques obstacles techniques et juridiques. Comme l’adaptation du règlement de copropriété, qui permettra de changer l’affectation de l'une unité sans vote préalable, à condition que la façade ou les parties communes ne soient pas affectées par ce changement.268 Les dispositifs mis en œuvres dans ce projet interrogent ainsi l'ensemble des facteurs de réversibilité dans la conception. Notamment sa morphologie, moins épaisse que dans le projet précédent, qui permet un éclairement naturel traversant des plateaux, autant pour des logements que des bureaux. Les hauteurs d'étages plus conséquentes, permettent également au bâtiment d'absorber plusieurs programmes. Avec notamment un apport supplémentaire de luminosité dans les logements et des sous-face de planchers libérées par les poutres noyées dans les dalles. Le soubassement de 5m permet également d'accueillir des commerces, et de concevoir par la suite un étage supplémentaire en duplex pour des logements. Toutefois, sa disposition structurelle comporte quelques obstacles pour une potentielle réversibilité de l'ensemble. Notamment le recours aux noyaux de circulations verticaux, qui constituent un obstacle d'aménagement pour de futurs logements à certains endroits. Toutefois, ceux-ci ont été positionnés en façade arrière, pour bénéficier d'un éclairage naturel, en libérant ainsi l'espace du côté de la façade sur rue. La fonction porteuse des poteaux en façade, permet également d'apporter une épaisseur constructive et esthétique à l'enveloppe, et de dégager des façades libres aux ouvertures placées librement. Favorisant ainsi la flexibilité des partitions internes.

264 - Description disponible sur le site de l’architecte <www.vergelyarchitectes.com>. 265 - CHESSA Milena, «Lyon-Logements et ou bureaux», in Le Moniteur, 14 Septembre 2017. 266 - VERGÉLY Clément, «B2 expliqué par Clément Vergély», Lyon Confluence Info, 2016, Février, n°37. 267 - MIALET Frédéric, «Vers une architecture réversible», in AMC, 2017, Septembre, N°262, p. 58. 268 - Ibidem, p. 59.

67


Fig. 59 : Plan de masse et de situation

Fig. 61 : Coupe Transversale

Fig. 60 : Plan de Rez-de-chaussée de l’ilôt

Fig. 62 : Elevation de la façade principale et de ses poteaux périphériques

Fig. 63 : Plan d’étage en configuration de Bureaux

Fig. 64 : Plan d’étage en configuration de logements

Sources iconographiques : Figures 59-60 : Disponible sur le site de l’architecte <www.vergelyarchitectes.com>. Figures 61-64 : MIALET Frédéric, «Vers une architecture réversible», in AMC, 2017, Septembre, N°262.


Simple, Compacte, Assez dense

Morphologie d’ensemble

Générique, Commune, Modulable (1.35m)

Trame Epaisseur du bâtis

Faible profondeur (14.20m)

Hauteurs d’étages

Généreuses, Communes (2.85m)

Hauteur du socle

Grande hauteur, Double-niveaux (5m)

Système Structurel

Système poteau-dalle, Noyaux de contreventement Noyaux centraux, Coursives extérieures

Circulations

Légères, Modulables, Démontables

Façades Enveloppe

Générique, Panneaux modulables en bois

Ouvertures

Libres, Variées (modules de 1m de large) En requalification, Dynamique, Urbain

Pertinence dans son contexte

Bon

Potentiel de réversibilité

Des systèmes de circulations restrictifs pour l'aménagement des plateaux Du point de vue du potentiel de mutabilité proposé par les dispositifs mis en œuvres, on peut noter que celuici semble plus abouti que le cas d'étude précédent. Notamment sa morphologie d'ensemble, avec une faible épaisseur, qui permet des espaces traversants convenablement éclairés. Ainsi que les hauteurs sous plafond, qui permettent d'absorber plusieurs usages. Le soubassement en double hauteur permet également de réaffecter et de diviser ces espaces en futurs logements ou commerces, ce qui apporte une dynamique au socle. Le système structurel poteau-dalle permet ici de libérer les sous-face des planchers grâce aux poutres noyées, et de libérer les façades de la fonction porteuse, en dégageant des plateaux libres et flexibles. Les façades génériques ceinturées de coursives périphériques et de poteaux, donnent une esthétique à l'ensemble, avec une neutralité qui permet de transformer les usages sans impacter son aspect extérieur. Les façades libérées des fonctions porteuses permettent de placer et de changer les ouvertures selon les partitions internes. Les coursives constituent également des éléments intéressants, pour passer de balcons à des espaces communs et d'entretien pour les bureaux. Enfin, une attention à la durabilité des matériaux est apportée avec des façades en bois et des planchers mixtes, pour limiter le recours à l'utilisation du béton qui se limite au gros-œuvre. Cependant, le recours aux noyaux internes de circulations peut freiner le potentiel de réversibilité des plateaux, avec une impossibilité de réaliser des logements traversants à certains endroits. De plus, il n'est pas fait mention de la viabilité économique et des coûts envisagés des transformations futures. En effet, l'envergure réduite de ce projet comparé au précédent, laisse à penser que le coût de la réversibilité en sera conséquemment plus élevé. Pour ce qui est de la pertinence d'un recours à la réversibilité dans le projet, celle-ci parait pertinente dans son contexte d'implantation. Celui-ci, situé dans un quartier en mutations à prévoir, peut être alors considéré comme un argument de poids dans la viabilité à long terme du projet et de son amortissement économique. Enfin, la réversibilité prévue entre les logements et les bureaux permet ici de palier à l'obsolescence future des bureaux et à la vacance potentielle future de l'immeuble, lors de la requalification de l'autoroute en boulevard urbain. Tout en proposant de futurs logements confortables. Pour conclure, ce projet, bien que de moindre envergure, semble porter de réelles potentialités de mutations et de durabilité dans le temps. En conférant une personnalité à l’ensemble, par le recours à une façade originale. Il convient en effet, de rappeler que la neutralité ne veut pas nécessairement dire banalité et il serait légitime de craindre qu'un recours systématique à une trame générique en façade, entraîne des architectures dénuées d'expression. Ce projet semble alors proposer au contraire une esthétique forte et originale, suscitant un intérêt d'autant plus fort pour la potentialité de ce programme.

69


Système Office switch Home, WORK#1, David Chipperfield Architect, 2020, Lyon Confluences

Sources iconographiques : Figures 65-66 : Disponible sur le site de l’architecte <www.davidchipperfield.com>.


Ce projet conçu pour le compte de Linkcity par l'agence David Chipperfield Architects, prend place dans le même contexte urbain de la Confluences que le précédent et devrait être achevé courant 2020. Situé le long de l’autoroute urbaine de Lyon, ce projet de bureaux anticipe donc lui aussi, une mutation du territoire à venir (Fig.67). A savoir le déclassement de l’autoroute et sa transformation en un boulevard urbain aménagé, avec de larges espaces piétons et cyclables.269 Il s'intègre alors à un îlot mixtes de bureaux et d'habitat, dont il vient dessiner la façade principale (Fig.66). Nous nous concentrerons toutefois ici sur l'immeuble Work#1, situé face au fleuve (Fig.68). Celui-ci s'inscrit également dans le cadre de la recherche de développement d'un système de bâtiments réversibles, développé par Bouygues construction et Linkcity, permettant la réversibilité d'usage d'un bâtiment entre bureaux et logement, intitulé Office switch Home. 270 Ce bâtiment, intitulé Work#1, constitue alors la première réalisation de ce système et sera présenté en exemple pour la diffusion de celui-ci. Il comprend ainsi un parallélépipède rectangle de huit étages longiligne et aux façades filantes, avec des plateaux de bureaux et un socle d'activités commerciales (Fig.65). L'enjeu de ce projet était donc d'intégrer dès sa conception, une possibilité de mutation future de bureaux à logements. Pour ceci, l'architecte a opté pour le recours à une trame unique de 0,90 cm dans le dessin, se reportant en façade et absorbant les deux programmes (Fig.69). Sa morphologie est constituée par des plateaux de 14m de profondeur et de 2.70m de hauteur dans les étages courants. Son ossature, se compose d'une structure poteaux-dalle en béton, associée à des noyaux centraux de circulations comprenant les gaines techniques. Une autre cage d'escalier est positionnée en façade arrière, afin de bénéficier d'un éclairage naturel en libérant la façade principale (Fig.70). Les façades modulables, sont également désolidarisées de la structure, et des balcons filants extérieurs viennent ceinturer l'ensemble. Le rez-de-chaussée, dédié aux commerces, bénéficie enfin d'une hauteur supérieure à celles des étages, mais n'est cependant pas indiqué comme étant en double-hauteur (Fig.69). Ainsi, ce dispositif ré-intérroge les facteurs de la conception, au travers du prisme de la réversibilité d’usage potentielle de l’immeuble. La morphologie d'ensemble, moins épaisse qu'à l'accoutumée, permet alors théoriquement d'y aménager des logements traversants sans perte de surface à la transformation. Apportant la luminosité nécessaire à ceux-ci.Pour les plateaux, les hauteurs sous plafond dans les étages, sont également dessinées pour s'adapter aux usages de bureaux et de logements. Elles permettent ainsi un apport de lumière naturelle supplémentaire pour les logements et les sous-faces lisses des planchers libèrent les espaces pour des aménagements flexibles. Le système poteau-dalle de la structure évite ainsi les reprises de structure lors des transformations d'usage et ramène la hauteur libre à 2,70 m, sans faux-plafonds. Toutefois, la hauteur du socle qui n'est pas dessinée en double-hauteur, pourrait diminuer sa capacité de mutation et pourrait aboutir à un socle d'immeuble vacant, dans le cas où le quartier deviendrait moins attractif. Le système structurel permet quant à lui de libérer les façades de la fonction porteuse et permet de disposer les ouvertures librement. Toutefois, le placement des circulations au centre du bâtiment freine la mutabilité, en contraignant à des logements systématiquement mono-orientés. Les façades modulaires permettent quant à elles, une inter-interchangeabilité des éléments et une souplesse d'ouvertures, en remplaçant uniquement les panneaux nécessaires au changement d'usage. Les coursives périphériques favorisent également le passage simplifié d'une coursive de bureau à un balcon privé, sans altérer l'aspect général de l'ensemble. Des terrasses en attique, situées au dernier niveau, apportent également une diversité des usages dans le bâtiment. Enfin, le recours à une structure porteuse lisible en façade et à une trame unique, confèrent une esthétique générique à l'ensemble, qui ne définit pas d'usage précis. Facilitant le passage d'un programme à l'autre. Toutefois, le recours à la façade rideau en verre, nécessite de modifier de nombreux éléments de façade pour le passage des bureaux à un programme de logement. Ceci pourra donc avoir des répercussions sur l'enveloppe budgétaire de la transformation future du projet.

269 - CHESSA Milena, «Lyon-Logements et ou bureaux», in Le Moniteur, 14 Septembre 2017. 270 - CAYOLA, «À Lyon Confluence, Linkcity va construire un bâtiment réversible», Construction Cayola , 13 Septembre 2018.

71


Fig. 67 : Plan de masse et de situation

Fig. 69 : Elévation de la façade principale

Sources iconographiques : Figures 67-70 : Disponible sur le site de l’architecte <www.davidchipperfield.com>.

Fig. 68 : Plan de Rez-de-chaussée de l’ilôt

Fig. 70 : Plan de principe global


Simple, Compacte, Assez dense

Morphologie d’ensemble

Générique, Commune, Modulable (0.90m)

Trame Epaisseur du bâtis

Faible profondeur (14m)

Hauteurs d’étages

Généreuses, Communes, Denses (2.70m)

Hauteur du socle

Relativement haut, Simple-niveau Système poteau-dalle, Noyaux de contreventement

Système Structurel

Noyaux centraux, Coursives extérieures

Circulations

Légères, Rideaux, Démontables

Façades Enveloppe

Générique, Rideau de verre, Démontable

Ouvertures

Libres, Génériques, Identiques (4m de large) En requalification, Dynamique, Urbain

Pertinence dans son contexte

Moyen

Potentiel de réversibilité

Des points durs qui contraignent les espaces Du point de vue du potentiel de mutabilité proposé par les dispositifs mis en œuvres, on peut noter que celui-ci semble moins abouti que le cas d'étude précédent. Notamment dans la morphologie du soubassement et sa hauteur limitée, qui ne garantis pas la flexibilité proposée par une double-hauteur. Toutefois, l'étage en attique et ses terrasses, offrent une diversité d'usage supplémentaire et une qualité qui n'était pas proposée dans les projets précédents. Sa morphologie d'ensemble, de faible épaisseur, favorise des espaces théoriquement traversants et convenablement éclairés. Les hauteurs sous plafond des étages permettent également d'absorber plusieurs usages. Le système structurel poteau-dalle, permet également de libérer les sous-face des planchers et de libérer les façades de la fonction porteuse. Dégageant de larges plateaux libres. Les façades génériques, ceinturées de coursives périphériques et de poteaux, donnent une esthétique neutre à l'ensemble. Ce qui permet de transformer les usages, sans impacter son aspect extérieur. Les façades libérées des fonctions porteuses, permettent de changer les modules de l'enveloppe selon les programmes. Les coursives constituent également des éléments intéressants, pour passer de balcons, à des espaces d'entretien. Cependant, le recours aux noyaux internes de circulations freine le potentiel de réversibilité des plateaux, avec une impossibilité de réaliser des logements traversants. Quant à l'aspect économique du projet, on peut noter que la phase d'études s'est avérée similaire à une étude classique. Hormis un coût de construction globalement plus élevé, étant donné, les surfaces de balcons filants.271 Toutefois, ce surcoût de construction devrait se rentabiliser à l'avenir, par la minimisation des coûts de transformation d'usages. Enfin, le recours au béton dans le gros œuvre ne constitue pas un matériau particulièrement durable. Son utilisation aurait pu être limitée, en mettant par exemple en place des planchers mixtes, afin de revaloriser l'aspect écologique du projet. Pour ce qui est de la pertinence d'un recours à la réversibilité dans le projet, celle-ci parait justifiée dans le contexte urbain alentour. Celui-ci, situé dans un quartier en mutations, peut être considéré comme un argument pour la viabilité à long terme du projet et de son amortissement. Ce potentiel semble alors un atout majeur à cette opération, et servira de vitrine à Linkcity pour développer son système de bâtiments réversibles. Il serait cependant souhaitable que pour les autres projets abordant ce système, l'étude des contextes d'implantation permette également de soutenir et de justifier ce recours à la réversibilité. Ceci afin de ne pas devenir un système générique, appliqué sans rapports entre le projet, son contexte et ses mutations à venir. Pour conclure, ce projet semble porter de réelles capacités de mutations et de durabilité dans le temps. Toutefois, son aspect architectural neutre, lui confèrent une esthétique de bureaux plus que de logements. Reste à attester alors de ses réelles potentialités d'habitabilité, dans ses transformations futures. 271 - PAQUET Lucie, «Linkcity innove avec un bâtiment réversible à la Confluences», LJBTP, 13 septembre 2018.

73


Système Conjugo, Canal Architetcure, et Vinci Construction

Sources iconographiques : Figure 71 : RUBIN Patrick, Construire réversible, Paris, Canal Architecture, 2017. (Tirée du livre et adaptée)


Ce cas d'étude particulier, est un système théorique à l'état de papier, de bâtiment réversible imaginé par l'architecte Patrick Rubin et soutenu par le promoteur Vinci Construction. Bien que ce principe soit pour l'heure à l'état d'étude, le groupe négocie activement la réalisation de ce nouveau type de bâtiment dans les années à venir et des permis de construire devraient être déposés, courant 2020.272 L'immeuble conjugo est donc une application directe, et quelque-peu virtuelle, des principes de réversibilité proposés Patrick Rubin et décrit dans son ouvrage Construire Réversible.273 La morphologie de l'ensemble réside donc dans un ouvrage théorique, de 60m de long sur cinq niveaux. Regroupant les principes d'une culture commune bureaux/logements, pour une facilité de mutation anticipée. Son épaisseur est alors définie à 13m de profondeur et la hauteur sous plafond des étages réglée à 2,70 mètres (Fig.71). Les circulations imaginées, adoptent ici la forme de coursives extérieures, qui filent le long de la façade afin d'harmoniser les règlements de sécurité incendie qui diffèrent entre bureaux et logements (Fig.73). Le système constructif de l'ouvrage, est imaginé comme un système poteaux-dalles aux poutres noyées dans les planchers, libérant les façades de leur fonction porteuse (Fig.75). La sous-face des planchers est également libérée et sans retombées de poutres, pour faciliter le passage et l’accessibilité des réseaux aériens. La distribution des réseaux est également dessinée pour être jumelée aux escaliers et ascenseurs, permettant de faire transiter l'ensemble des réseaux par ces canaux verticaux. Sur les plateaux, une poutre centrale fixée en plafond - inspirée des poutres creuses de Georges Maurios - distribuerait régulièrement les connexions. Pour les logements, le cheminement des réseaux, serait complété par des liaisons individuelles, distribuées selon les partitions internes. Ainsi, divers scénarios de plans ont été imaginés, selon ces dispositifs (Fig.76-77). Pour les modules de façades, ceux-ci sont imaginés neutres et modulaires, définis par la trame de l'ensemble de 7,50 m pour la structure. En correspondance avec la séquence des façades, réglées sur un intervalle de panneaux et modules inter-changeables de 1,50 m (Fig.74). L'enveloppe est alors pensée en ossature bois, protégée par un complexe de panneaux démontables. Enfin, le dernier aspect du système repose sur une diversité des usages et des espaces. Ainsi, les hauteurs du soubassement sont définies à 5m, pour permettre divers scénarios d'usages et de reconfiguration et des terrasses en attiques sont imaginées (Fig.71). Enfin, l'ensemble de l'application de ces principes devrait permettre à l'édifice de coûter 20 % moins cher qu'un immeuble de bureaux traditionnel, en phase de transformation d'usage. Soit, 700 euros/m². 274 Toutefois, la viabilité économique et l’efficience de ce système restent à démontrer dans un exemple concret de projet, intégré à son contexte. Ainsi, ce système cherche à ré-interroger les facteurs divers de mutabilité de l'immeuble et cherche à expérimenter différents dispositifs répondant à ceux-ci. Afin de proposer un système réversible de l'immeuble tertiaire, déclinable sur plusieurs formes d'implantations et de figures urbaines (Fig.72). Ainsi la morphologie est requestionnée dans cet objectif. L'épaisseur modérée du bâti, déterminée à 13 mètres, est alors dessinée pour permettre des plateaux flexibles de bureaux et d’éviter le couloir séparatif dans le cas des logements. Afin de bénéficier d’un éclairage naturel traversant, sur l'ensemble des espaces. Les circulations, positionnées à l'extérieur des plateaux, sont également choisies pour libérer ceux-ci de ces obstacles et pour implanter les partitions internes librement. Celles-ci confèrent également une qualité d'usage aux programmes (coursive ou balcon). De plus, lorsque la réversibilité intervient les gaines verticales, escaliers, ascenseurs et colonnes techniques ne devraient pas être impactées par les changements d'usages. Car placés hors du bâtiment. Enfin, les choix structuraux cherchent à éviter les faux planchers et faux plafonds et permettent théoriquement de bénéficier d'un étage supplémentaire à partir du 4e niveau de la construction. Grâce à la hauteur utile de 2.70m des étages. Enfin, la double-hauteur du socle est réfléchie pour permettre une diversité des usages dans le bâtiment. Ainsi, des activités pourraient être installées en double-hauteur pour créer un socle public, tandis que dans le cadre de logements, des duplex situés entre RDC et R+1 seraient également transposables. Enfin, la fabrication de l'enveloppe modulaire, pensée pour une mise en œuvre industrielle, devrait faciliter les processus de réversibilité et de montage sur le chantier.Permettant de démonter les éléments et de les remplacer, selon les usages.

272 - A.P., «Vinci héraut de la construction réversible», inLe Moniteur, 04 décembre 2015. 273 - RUBIN Patrick, Construire réversible, Paris, Canal Architecture, 2017. 274 - Ibidem, p. 86.

75


Fig. 72 : Figures urbaines imaginées

Fig. 73 : Principe du lissage des normes incendies

Fig. 74 : Elévations des façades selon configuration

Fig. 75 : Coupe conceptuelle de l’ensemble

Fig. 76 : Plan en configuration de bureaux

Fig. 77 : Plan en configuration de logements

Sources iconographiques : Figures 72-77 : RUBIN Patrick, Construire réversible, Paris, Canal Architecture, 2017. (Tirées du livre et adaptées)


Simple, Compacte, Dense

Morphologie d’ensemble

Générique, Commune, Modulable (1.50m)

Trame Epaisseur du bâtis

Très faible profondeur (13m)

Hauteurs d’étages

Généreuses, Communes, Denses (2.70m)

Hauteur du socle

Grande hauteur, Double-niveaux (5m) Système poteau-dalle

Système Structurel Circulations

Coursives périphériques, Pontons extérieurs Légères, Modulaires, Démontables

Façades Enveloppe

Générique, Panneaux modulables en bois

Ouvertures

Libres, Génériques, Variées (1.50m de large) Inexistant, Etat de projet

Pertinence dans son contexte Potentiel de réversibilité

Fort

Un système théorique potentiel à expérimenter Du point de vue du potentiel de mutabilité proposé par les dispositifs mis en œuvres, celui-ci semble réfléchi pour une multitude de scénarios. Laissant supposer d'une potentielle réversibilité optimisée de l'ensemble. Toutefois, l'aspect conceptuel encourageant de ce système nécessiterait la réalisation d'une expérimentation concrète, afin de déterminer de ses réelles capacités d'adaptations. En revanche, celui-ci permet de questionner l'ensemble des facteurs de réversibilité du bâti. Sa morphologie d'ensemble, de faible épaisseur, permet alors des espaces traversants convenablement éclairés. Les hauteurs sous plafond permettent également d'absorber plusieurs usages. Son système structurel poteau-dalle permet de libérer les sous-face des planchers et de libérer les façades de la fonction porteuse. Autorisant divers percements de l'enveloppe. Les façades génériques, ceinturées de coursives périphériques, donnent une esthétique neutre à l'ensemble. Permettant de transformer les usages, sans impacter son aspect extérieur. Les façades libérées des fonctions porteuses, permettent ainsi théoriquement de changer les modules de l'enveloppe selon les programmes. Les coursives constituent également des éléments intéressants pour passer de balcons pour les logements, à des espaces communs pour les bureaux. Le recours aux pontons extérieurs de circulations apporte alors un potentiel de réversibilité supplémentaire aux plateaux. Quant à l'aspect économique du projet, on peut noter que la phase d'études semble présager d'une rentabilité satisfaisante sur le long terme. Enfin, le recours au béton dans le gros œuvre ne constitue pas un matériau particulièrement durable d'un point de vue écologique. Toutefois, son utilisation reste limitée au gros œuvre et ses façades modulaires aux éléments interchangeables, apportent un aspect de ré-utilisation intéressant à l'ensemble. Pour ce qui est de la pertinence d'un recours à la réversibilité dans le projet, celle-ci exploite des arguments factuels qui certes sont bien réels, mais dont les réponses restent théoriques. Afin de juger de sa pertinence, l'application du système dans un ouvrage construit est donc nécessaire, afin de le confronter à un contexte et une échelle réelle. Pour conclure, ce système, semble porter en lui des potentialités de mutations intéressantes pour les projets d'immeubles réversibles. Toutefois, son aspect théorique manque pour le moment de concret et de contexte. De plus, l'idée de concevoir un système théorique hors-sol, pourrait alerter les architectes sur le risque de produire une architecture banalisée et déconnectée. Ceci pourrait en effet mener à un système générique, que s'approprieraient les promoteurs sans questionner l'insertion du projet dans son environnement et sans questionner la pertinence du recours à la réversibilité dans sa zone d'implantation. Le risque donc, de produire un modèle, le faisant passer du domaine de l'architecture à celui de l'industrie et de la production en série. 77


40 logements, LAN Architecture, 2014, Paris 17em, Clichy

Sources iconographiques : Figures 78-79 : Disponible sur le site de l’architecte <www.Lan-Paris.com>.


Enfin, ce dernier projet, de l'agence LAN architecture et inauguré en 2014 pour le compte d'IFC Habitat Novedis, diffère des exemples précédents. En effet, celui-ci traite d'un programme non pas de bureaux, mais de logements, pensés pour une éventuelle transformation future en bureaux (Fig.84-85). C'est donc une inversion des temporalités d'usages que nous étudierons ici. Ce projet d'immeuble collectif, situé à Paris, s'inscrit donc dans le cadre d'une architecture mutable recherchée dans la conception. Il prend place dans un secteur en mutation, à proximité d'une nouvelle zone de bureaux qui rend le contexte urbain attractif. Cette nouvelle ZAC, s'inscrit également dans un triangle reliant le quartier central d'affaire Parisien de La défense, à la Plaine Saint-Denis (Fig.80). L'enjeu pour ce projet était donc d'imaginer un immeuble pouvant muter dans les années à venir, afin de s'adapter aux transformations de son environnement proche. Le système constructif pensé par les architectes devait donc être le plus flexible possible, selon la demande du maître d'ouvrage.275 A travers son architecture contemporaine, cet immeuble à la façade neutre et tramée, a donc cherché à rendre hommage à l'architecture Haussmannienne typique du Paris du 19em.276 (Fig.78) Réputés pour leur flexibilité évoquée en première partie, les architectes se sont en effet fixés l'objectif de réinterpréter de façon contemporaine les principes du bâtiment Haussmannien, qui ont permis à ces derniers de muter.277 Leurs choix se sont alors portés sur un système constructif à ossature porteuse en façades. Constitué de panneaux préfabriqués en béton et dalles béton et contre-venté à l'aide d'un noyau dur central qui contient les circulations verticales (Fig.81). Les façades porteuses sont également réglées par des ouvertures régulières et génériques, avec des trames similaire aux immeubles traditionnels de bureaux, de 1,35m. Elles alternent ainsi un module plein, avec deux modules vides. A l'inverse de l'immeuble Haussmannien, qui comprend deux pleins pour un vide (Fig.83). Le bâtiment se compose ensuite de plateaux triangulaires, du à la géométrie de la parcelle. Avec une épaisseur de 27m au plus profond (Fig. 79-84) et des hauteurs sous plafond de 3.20m (Fig.82). Le noyau dur central ramène toutefois les épaisseurs éclairées à 8m de profondeur, afin de bénéficier d'un éclairement naturel de cet espace. Enfin, le socle est dessiné en double-hauteur, avec une hauteur utile de 6m, imaginée pour divers usages de commerces ou logements (Fig.82). L'esthétique d'ensemble reprend la trame générique des ouvertures, avec des façades lisses qui ne laissent pas deviner les usages. Ainsi, ce projet permet de ré-interoger les facteurs de réversibilité des immeubles, en interprétant les dispositifs de mutabilité relevés dans les immeubles Haussmanniens. Le système porteur en façade, avec noyau dur central, permet alors d'éviter les murs de refend perpendiculaires aux façades. Afin de dégager des plateaux libres et d'accorder aux utilisateurs la liberté d’aménager l'intérieur de façon flexible. Cette situation centrale des noyaux de circulation, peut cependant constituer un frein à la flexibilité des plateaux. Contraignant les aménagements à des logements mono-orientés en périphérie. De plus, la fonction porteuse de la peau, rend difficilement modifiables ses percements. Contrairement aux structures poteaux-poutres étudiées en amont. En revanche, la trame régulière des ouvertures et leurs tailles conséquentes, facilitent la mutation des usages, en permettant une bonne luminosité dans les plateaux. Pour ce qui est de la morphologie du bâti, son épaisseur relativement conséquente de 27 mètres, peut constituer un frein à la réversibilité d'usage. En effet, bien que le noyau central permette de dégager les espaces de vie en façade; celui-ci constitue un point dur difficilement modifiable pour la création de plateaux libres et ouverts. Ceux-ci sont pourtant très prisés pour les bureaux aujourd'hui. De plus, cela rend impossible la création de logements traversants. Toutefois, la faible profondeur des plateaux éclairés permet d'assurer un éclairement naturel confortable pour du logement et du bureau. La hauteur entre dalles, permet en revanche d'absorber divers usages, avec un apport bénéfique de lumière pour les logements. Enfin, le rez-de-chaussée en double hauteur, permet aux propriétaires de convertir les appartements en duplex ou simplex, ou encore en commerces pour créer un socle public. La taille et la régularité des ouvertures qui ceinturent les façades, donnent enfin une image générique à l'enveloppe, sans préciser d'usage. Permettant les changements de programme, sans modifications nécessaires en façades. L'enveloppe neutre, constituée de béton teinté confère alors un aspect moderne à l'ouvrage et permet de rapprocher l’esthétique du bureau et du logement. Cette écriture sobre et régulière autorise ainsi divers scénarios de plans envisageables (Fig.84-85).

275 - Description disponible sur le site de l’architecte <www.Lan-Paris.com>. 276 - DARRIEUS Margaux, «Expérimentations d’usage pour LAN Architecture à Paris», in Le Moniteur, 22 octobre 2014. 277 - Description disponible sur le site de l’architecte <www.Lan-Paris.com>.

79


Fig. 80 : Plan de masse et de situation

Fig. 81 : Schéma du système structurel

Fig. 82 : Coupe longitudinale des hauteurs

Fig. 83 : Elévation de la façade principale

Fig. 84 : Plan d’étage en configuration de logements

Fig. 85 : Plan d’étage en configuration de bureaux

Sources iconographiques : Figures 80-85 : Disponible sur le site de l’architecte <www.Lan-Paris.com>.


Morphologie d’ensemble

Complexe, Moyennement compacte, Moyennement dense Générique, Commune, Modulable (1.35m)

Trame Epaisseur du bâtis

Très grande profondeur (27m)

Hauteurs d’étages

Très généreuses, Communes (3.20m)

Hauteur du socle

Grande hauteur, Double-niveaux (6m)

Système Structurel

Façades porteuses, Noyau de contreventement Noyau central

Circulations

Porteuses, Pré-fabriquées, Fixes

Façades Enveloppe

Panneaux de béton pré-fabriqués, Générique, Fixe

Ouvertures

Fixes, Génériques, Identiques (2.70m de large) Dynamique, Urbain, En mutation, Référence

Pertinence dans son contexte

Moyen

Potentiel de réversibilité

Une structure lourde permissive mais finalement peu flexible Ce projet, qui diffère des études précédentes, semble donc posséder des prédispositions à la flexibilité. Lui assurant ainsi un certain potentiel de réversibilité d'usage. Les architectes ont notamment intégré une méthode de conception,sans programme spécifique. Ainsi comme le disent les architectes « En vidant l'architecture de son programme, un bâtiment génère un potentiel qui accompagnera les évolutions du développement urbain et lui permettra de répondre plus aisément aux changements d'usages». Cependant, certains choix dans la conception peuvent freiner ce désir de flexibilité engagé. La structure porteuse en façades, malgré sa trame de percements régulière et générique, rend en outre difficiles les modifications de celles-ci. Ainsi, cela pourrait constituer un frein au passage d'une fonction à l'autre, avec un manque d'espaces extérieurs sans coursives, ni balcons. De plus, le noyau dur central et l'épaisseur conséquente de l’ensemble, rendent impossible la création d'espaces traversants et de plateaux fluides. Ainsi, bien que les hauteurs et les trames d'ouvertures soient étudiées pour favoriser des changements d'usages, cela pourrait constituer un réel frein à la transformation. Le potentiel de mutation semble alors réfléchi pour accepter un certain degré de flexibilité, mais celui-ci ne semble pas optimisé. En revanche, l'aspect conceptuel encourageant de ce système, inspiré des immeubles Haussmanniens, semble posséder des qualités intrinsèques intéressantes. Avec des hauteurs généreuses dans les étages et le soubassement, qui permettent d'absorber divers programmes. Toutefois, on pourra noter que le béton est omniprésent dans la conception du projet, ce qui rend l'ensemble peu écologique. Malgré l'idée de ré-utilisation de la structure pour plusieurs cycles de vies. Pour ce qui est de la pertinence d'un recours à la réversibilité dans le projet, celle-ci s'appuie sur un contexte en mutations, à proximités de zones tertiaires attractives. Le recours à la référence du Paris Haussmannien, issu de son contexte et de son Histoire, semble également appuyer la flexibilité choisie par les architectes. Pour conclure, ce système, semble porter en lui des prédispositions aux mutations, et les dispositifs inspirés d'une référence historique reconnue pour son caractère transformable, assurent naturellement un certain potentiel de flexibilité à l'immeuble. Toutefois, sa conception révèle certains freins à la flexibilité optimisée des plateaux, ce qui pourrait réduire son potentiel de réversibilité. Enfin, l'insertion de l'immeuble dans son contexte, issu de l'Histoire architecturale du lieu, semble pertinente et travaillée. Bien que l'esthétique soit générique dans l'ensemble, celle-ci reste élégante et tramée, assurant une appropriation de l'immeuble pour une fonction ou une autre. Ceci permet notamment de ne pas percevoir les transformations internes depuis l'extérieur et donc de rester en accord avec son contexte urbain. A l'image des dispositifs expérimentés par Haussmann au XIXe siècle.

81


Potentiel de réversibilité

Pertinence dans son contexte

Ouvertures

Enveloppe

Façades

Circulations

Système Structurel

Hauteur du socle

Hauteurs d’étages

Epaisseur du bâtis

Trame

Morphologie d’ensemble

Cas d’étude

Faible

Friche industrielle, en re-qualification,

Fixes, génériques, Identiques (1.66m de large)

Générique, Modules en acier démontables

Porteuses, Coulées en place, Fixes

Noyaux centraux, Coursives périphériques

Façades porteuses, Noyaux de contreventement

Grande hauteur, Double-niveaux (7m)

Relativement faibles (2.63m)

Grande profondeur de plateaux (19m)

Générique, Commune, Modulable (0.74m)

Simple, Dense, Epaisse

Black Swan

Relativement haut, Simple-niveau

Généreuses, Communes, Denses (2.70m)

Faible profondeur (14m)

Générique, Commune, Modulable (0.90m)

Simple, Compacte, Assez dense

Office Switch Home

Bon

En re-qualification, Dynamique, Urbain

Libres, Variées ( modules de 1m de large)

Générique, Panneaux en bois modulables

Légères, Modulables, Démontables

Noyaux centraux, Coursives extérieures

Moyen

En re-qualification, Dynamique, Urbain

Libres, Génériques, Identiques (4m de large)

Générique, Rideau de verre démontable

Légères, Rideaux, Démontables

Noyaux centraux, Coursives extérieures

Système poteau-dalle, Noyaux de contreventement Système poteau-dalle, Noyaux de contreventement

Grande hauteur, Double-niveaux (5m)

Très généreuses, Communes (2.85m)

Faible profondeur (14.20m)

Générique, Commune, Modulable (1.35m)

Simple, Compacte, Assez dense

Ilot B2

Fort

Inexistant, Etat de projet

Libres, Génériques, variées (1.50m de large)

Générique, Panneaux modulables en bois

Légères, Modulaires, Démontables

Coursives périphériques, Pontons extérieurs

Système poteau-dalle

Grande hauteur, Double-niveaux (5m)

Généreuses, Communes, Denses (2.70m)

Très faible profondeur (13m)

Générique, Commune, Modulable (1.50m)

Simple, Compacte, Dense

Conjugo

Moyen

Dynamique, Urbain, En mutations, Référence

Fixes, Génériques, Identiques (2.70m de large)

Panneaux de béton pré-fabriqués, Génériques, Fixes

Porteuses, Pré-fabriquées, Fixes

Noyau central

Façades porteuses, Noyau de contreventement

Grande hauteur, Double-niveaux (6m)

Très généreuses, Communes (3.20m)

Très grande profondeur de plateaux (27m)

Générique, Commune, Modulable (1.35m)

Complexe, Moyennement compacte, Peu dense

40 Logements


L'étude de ces réalisations contemporaines, permet ainsi d’interroger les différents facteurs et dispositifs évoqués, couplés aux partis-pris des architectes selon les contextes d'implantation des projets. Ces cas d'études semblent alors globalement pertinents, au regard de leurs contextes et de leurs programmes, quant au recours à la réversibilité. Appuyant ainsi la potentialité de ce principe, pour le programme tertiaire couplé à celui du logement. Toutefois, nous avons pu constater que les choix des dispositifs mis en œuvre, n'apportent pas tous les mêmes potentiels de réversibilité dans la conception des projets. Ainsi, bien que ceux-ci aient été conçus dans le but de parvenir à une transformation simplifiée des usages avec une culture commune des deux programmes, l'émergence récente de ces dispositifs ne semble pas encore aboutir à des édifices totalement réversibles. Il serait alors intéressant d'étudier dans les années à venir, leur potentiel de mutation lors des transformations d'usages, afin de déterminer quel point pourraient être requestionnés pour optimiser les mutations. En effet, ces projets étant récents, ils ne sont pour le moment que dans leur premier cycle d'utilisation. La mutabilité envisagée n'a donc pu encore être éprouvée et activée. La faisabilité de la démarche et la rentabilité économique proposée par la facilité de mutations anticipées, reste donc à démontrer lors de leur deuxième cycle de vie. Toutefois, si la réversibilité ne semble pas encore aboutie sur l'ensemble des facteurs de conception, les systèmes flexibles et les espaces qui résultent de ces expériences semblent favoriser une certaine liberté d'appropriation de l'espace. A la fois pour divers programmes, mais également pour divers modes de travail, en proposant des plateaux neutres ré-affectables. Ceci pourrait donc laisser entrevoir une baisse de l'obsolescence de ces espaces, et pourrait permettre d'éviter le recours à la démolition en fin de cycle. Enfin, ces systèmes de flexibilité de la structure pourraient être particulièrement intéressants dans les secteurs centraux et tendus des villes, pour permettre la ré-utilisation et l'adaptation des immeubles vacants à moindres dépenses. Là où les prix du foncier sont élevés et où la demande en logements et forte. Ceci pourrait alors réduire les nuisances, dues aux démolitions des immeubles obsolètes, ainsi que la tension du marché immobilier, dû aux immeubles vacants qui occupent les parcelles. Ces systèmes permettant la mutation simplifiée des ouvrages, pourraient ainsi fournir une part de réponse face aux crises concomitantes du logement et du programme tertiaire, dans les centres-villes des Métropoles.


B) La réversibilité Structurelle Anticiper la fin de vie de l’édifice Comme explicité en amont, les immeubles tertiaires ont une durée de vie limitée et font face à une obsolescence accélérée. Pourquoi alors conserver des édifices vacants, sur du foncier qui pourrait être mis à profit ? Qui plus est, avec cette injonction à stopper l’étalement urbain et à densifier les villes, à laquelle nous devons répondre aujourd’hui face aux enjeux du développement durable des territoires. Dans le précédent chapitre, la réversibilité se traduisait par une mutabilité des usages anticipée, dans une conception absorbant les normes relatives aux différents programmes. Dans ce chapitre, la réversibilité s’accorde cette fois, à une structure réversible en elle-même. Ainsi, la réversibilité structurelle, contrairement à la réversibilité d’usage, n’induit donc pas forcément de changement de programme mais projette dès la conception, la déconstruction optimisée de l’édifice. On parle alors de réversibilité du foncier.278 Elle se définit par la mise en œuvre de bâtiments conçus afin de libérer le terrain et de permettre la déconstruction et le réemploi des matériaux de construction, en fin de cycle.279 Cette démarche s’inscrit alors dans l’optique d’une conception durable, en introduisant le bâti dans une économie circulaire.280 Elle semble ainsi faire écho aux enjeux de la pollution et du gaspillage des ressources, que produit le secteur du BTP. En effet, ce secteur représente le deuxième producteur de déchets en France, avec plus de 350 Mt/an issus notamment des démolitions de l’existant.281 Il constitue ainsi 40 % des émissions de CO2 des pays développés, 37 % de la consommation d’énergie et 40 % des déchets globaux produits.282 Face à ces enjeux, le Grenelle de l’environnement a alors replacé la prévention des déchets au sommet de ses préoccupations de gestion, depuis les années 2010. Plus récemment, le Programme National de Prévention des Déchets 2014-2020 et la loi du 17 août 2015, dite « loi de transition énergétique pour la croissance verte », ont renforcé ces textes, mettant en avant la valorisation des déchets du secteur du BTP.283 Ceci aura ainsi permis de faire évoluer progressivement la pratique vers la déconstruction sélective ces dernières années.284 Cependant, à l’heure actuelle et malgré ces démarches, moins de 35% des déchets du second œuvre sont recyclés. Tandis que la loi sur la transition énergétique du 17 août 2015, prévoyait un objectif de 70 %. 285 Sensibiliser les acteurs de la construction à ces pratiques émergentes, apparaît alors comme un sujet principal dans ce secteur. C’est donc pour répondre à ces enjeux que la recherche et le développement de dispositifs applicables aux immeubles et économiquement rentables, se développe dans le domaine de la conception tertiaire ces dernières années. Ces démarches tendent ainsi à développer de plus en plus la conception réversible structurellement. Nous examinerons donc dans cette partie les différents facteurs de réversibilité à questionner dans la conception, ainsi que les différents dispositifs potentiellement applicables pour évoluer vers la démontabilité de l’immeuble tertiaire. Enfin, nous étudierons les différentes évolutions que cela induit sur son processus de conception et dans sa gestion post-construction.

278 - ORIE, in “Les bonnes pratiques en matière de réversibilité des immeubles tertiaires”, Le Moniteur, KIRALY Barbara, 16 mars 2016. 279 - GUILLOT David, “L’obsolescence de l’immeuble les grands enjeux de la réversibilité”, in Le Moniteur, 2018, novembre, n°110, p. 28. 280 - MIALET Frederic, RÉVER(CITÉS) Villes recyclables & résilientes, Le Moniteur, Paris, Cité de l’architecture et du patrimoine, 2016, p. 11. 281 - Voir la base de données Bazed, disponible sur <www.bazed.fr>. 282 - DESHAYES Philippe, «Le secteur du bâtiment face aux enjeux du développement durable», in Innovations, 2012, n°37, p. 223. 283 - ADEME, Identification des freins et des leviers au réemploi de produits et matériaux de construction, avril 2016. 284 - ROTOR, Déconstruction et réemploi : comment faire circuler les éléments de construction, Lausanne, PPU Romandes , 2018, p. 61. 285 - DÉMOCLÈS, Pour une gestion durable des déchets du bâtiment au service de l’économie circulaire, disponible sur <www.recyclum.com>.

84


1 – Le cycle de vie des composants Tout d’abord, concevoir un immeuble réversible questionne avant toute chose, la compréhension et l’intégration de son cycle de vie. Le bâtiment n’est en effet pas un objet homogène, mais plutôt un ensemble d’éléments indépendants, dont chacun possède un cycle définit selon son usage et sa fonction.286 Selon le diagramme de Stewart Brand (Fig.86) - décrit dans le second chapitre de son livre287 - la structure et le gros œuvre, matrice porteuse de l’édifice, possèdent ainsi le cycle de vie le plus long (une centaine d’années). C’est également la partie la plus conséquente et la plus énergivore de l’ouvrage, responsable de plus de la moitié des émissions grises du bâti. Puis viennent les composants de façades, enveloppe éphémère de l’ouvrage (quelques décennies). Ceux-ci peuvent rapidement devenir obsolètes, notamment du point de vue des réglementations thermiques changeantes, nécessitant alors des travaux d’isolation coûteux et difficiles à réaliser. Puis vient la partition interne, dépendante des programmes et des usages (moins d’une décennie). Celle-ci deviendra notamment obsolète une fois le programme devenu désuet, et se verra alors transformée lors du changement d’usage. Enfin, le mobilier ou les équipements, rapidement défaillants ou désuets (quelques années), qui se voient remplacés au gré des modes ou des évolutions technologiques. La fin de vie du bâti peut alors être interrogée, non pas à posteriori de la construction, mais en amont, dès la conception. Afin de prévoir une séparation facilitée et un remplacement simplifié des éléments.288 La prise en compte de ce facteur va toutefois avoir tendance rallonger la conception. Elle peut, en revanche, réduire les nuisances et optimiser la déconstruction, ainsi que le montage sur le chantier. Puisque chaque élément, ainsi que son assemblage, auront été pensés en amont. C’est donc dans cette optique que la réflexion sur l’impact environnemental des constructions s’est prolongée ces dernières années, par l’analyse du cycle de vie (ACV). Celui-ci quantifie l’empreinte carbone du bâtiment, de la production de ses éléments à sa démolition, en passant par le transport et la mise en œuvre. Permettant ainsi de mieux appréhender cette notion de cycles différenciés des éléments, constitutifs du bâtiment.289

TIME

Fig. 86 : Diagramme Shearing Layers de Stewart Brand Différenciation des couches qui composent le bâtiment De la durée de vie la plus longue à la plus courte

Sources iconographiques : Figure 86 : BRAND Stewart, Diagramme Shearing layers, How Buildings Learn: What Happens After They’re Built, New-York, Penguin Books, 1995. 286 - MIALET Frederic, RÉVER(CITÉS) Villes recyclables & résilientes, Le Moniteur, Paris, Cité de l’architecture et du patrimoine, 2016, p. 30. 287 - BRAND Stewart, Diagramme Shearing layers, in How Buildings Learn: What Happens After They’re Built, New-York, Penguin Books, 1995. 288 - ROTOR, Déconstruction et réemploi : comment faire circuler les éléments de construction, Lausanne, PPU Romandes , 2018, p. 120. 289 - Ibidem, p. 71.

85


2 - Conception du projet : des assemblages réversibles La réversibilité structurelle pourrait donc s’apparenter à ce que l’on appelle communément la démontabilité, de manière anticipée. Celle-ci se définit par “la capacité d’un bâtiment, d’un système constructif, d’un assemblage, à être démontable, ou adapté à la déconstruction. Ce type d’ouvrage se caractérise alors par la possibilité d’être mis en pièces et ré-assemblé, ou réutilisé.”290 A grande échelle, la réversibilité peut concerner un édifice dans sa globalité, à l’image des Lods de Rouen de Marcel Lods (Fig.87). A échelle moyenne, la réversibilité peut concerner une partie de l’édifice, par exemple les façades modulaires. A l’image des Marelles de Georges Maurios (Fig.88). A petite échelle, un élément peut également être réversible et polyvalent. Comme les panneaux standardisés des systèmes de Jean Prouvé.291 Il s’agit alors de questionner les facteurs de réversibilité de l’immeuble, lors de sa conception, dans l’idée de réduire au maximum les déchets en cas de déconstruction de l’ouvrage. Nous allons ainsi questionner ci-après les différents facteurs de conception et les différents dispositifs et outils, qui permettraient de faire évoluer les projets vers la réversibilité des immeubles. Ces réflexions sont notamment nourries grâce à la base de donnée Bazed, projet lauréat de l’appel à projet de R&D « Déchets du BTP » 2012 de l’Ademe. Celui-ci, regroupe notamment des dispositifs et des solutions techniques de démontabilité, dans le but de “créer les connaissances et les outils, pour la bonne maîtrise des pratiques de conception, pour une économie des déchets et une meilleure gestion des ressources, à toutes les étapes du cycle de vie des bâtiments”.292

Système structurel et morphologie Le premier facteur à interroger pour concevoir un ouvrage réversible, semble tout d’abord être son système structurel. Celui-ci, s’il est pensé et simplifié afin de faciliter l’assemblage des éléments entre eux et leur démontage, peut en effet faciliter la réversibilité de l‘ensemble.293 Il est alors préconisé de requestionner les schémas habituels des filières humides coulées en place, afin de réfléchir à des dispositifs plus souples et flexibles. Malgré l’allongement du temps de conception qui peut en résulter. L’un des dispositifs possible, pourrait donc être d’utiliser une structure flexible et légère. Ce système, qui dissocie les éléments horizontaux et verticaux, avec par exemple le recours à un procédé poteau-poutre, permet en effet de créer des éléments pouvant être assemblés ou démontés, en fonction de leurs cycles. Ce dispositif, privilégie par ailleurs les filières sèches, bois ou acier, en préfabrication. Toutefois, une structure maçonnée en éléments modulaires reste envisageable, à condition de prévoir des assemblages particuliers dans sa mise en œuvre. Quel que soit le système choisi, l’appui sur une trame de conception standardisée, afin de rendre l’ensemble facilement modulaire, peut simplifier le dessin et la mise en œuvre de l’ensemble. A l’image du système des Maisons Segal (Fig.89). L’économie de matière par soucis d’écologie, en maximisant la structure sur de grandes portées et en privilégiant des formes sobres et lisibles, est également préconisé. De plus, il est conseillé de penser aux séquençages des lots de déconstruction, dès sa conception, afin de simplifier son démontage sur le chantier.294 Enfin, la dissociation des différentes couches fonctionnelles de l’ouvrage, selon leurs cycles de vie et la théorie des couches,295 est également un facteur à questionner. En effet, il est préférable de les rendre indépendantes les unes des autres, et/ou liées de façon mécanique. Dans l’idée de pouvoir les séparer et remplacer, sans impacter les autres éléments de l’ouvrage.

290 - Définition disponible sur le site <www.bazed.fr>, rubrique démontabilité. 291 - Voir partie I - B - Sous-partie 3. 292 - Disponible sur le site <www.Bazed.fr>, rubrique présentation de la démarche. 293 - ROTOR, Déconstruction et réemploi : comment faire circuler les éléments de construction, Lausanne, PPU Romandes , 2018, p. 120. 294 - Ibidem, p. 98. 295 - BRAND Stewart, Diagramme Shearing layers, in How Buildings Learn: What Happens After They’re Built, New-York, Penguin Books, 1995.

86


Fig. 87 : Les Lods de Rouen, Marcel Lods, 1969

Système entièrement démontable, structure flexible et légère en filière sèche acier

Fig. 88 : Les Marelles, Georges Maurios, 1975 Système structurel poteau-poutre et façades modulaires en éléments standardisés démontables

Fig. 89 : Système Segal, Walter Segal, 1970

Système entièrement démontable, structure flexible et légère en filière sèche bois et éléments modulaires

Sources iconographiques : Figures 87-89 : RUBIN Patrick, Construire réversible, Paris, Canal Architecture, 2017 (Tirée du livre et adaptées)


Assemblages Les assemblages des éléments sont également un facteur à interroger dans la conception. En effet, ceux-ci ont une influence particulière sur les possibilités de réversibilité du bâti, dans la mesure où les éléments pourront ou ne pourront pas être désassemblés selon le type de fixation utilisée.296 Ainsi, deux types d’assemblages sont aujourd’hui employés pour lier les éléments : l’assemblage “mécanique” et les assemblages “cohésifs”.297 L’assemblage cohésif au liant, comme le mortier (Fig.93) ou par soudure (Fig.92), utilisés dans les structures maçonnées ou acier, ne permettent généralement pas la démontabilité de façon simple. Car, lient de façon irréversible les éléments entre eux. En revanche, l’assemblage mécanique semble être plus adapté à la déconstruction. Celui-ci permet en effet une lisibilité des connexions et un assemblage réversible, par boulonnage par exemple sur structure acier (Fig.90), ou par vissage sur structure bois (Fig.91) . Ce type d’assemblage commence ainsi à apparaître dans les éco-conceptions, notamment dans le principe Démodulor développé par le MECD.298 Ces assemblages, visent en outre à faciliter la séparation des composants et des matériaux lors du recyclage, ainsi qu’à permettre le réemploi des éléments en fin de vie. L’accessibilité et la lisibilité des assemblages peuvent également permettre de faciliter le démontage, ainsi que le fait de prévoir des éléments standardisés avec les outils courants d’utilisation.299 Ainsi, il est préconisé de réduire le nombre d’assemblages et de privilégier de plus grandes tailles, afin d’augmenter leur lisibilité. En effet, ces facteurs ont une influence sur la charge de travail et donc sur le choix de la déconstruction, ou de la démolition en fin de vie. Afin de rendre les assemblages visibles, il est également suggéré d’éviter au maximum les finitions, qui peuvent masquer et rendre leur accès difficile.300 Enfin, il est intéressant de prévoir des assemblages solides, pouvant supporter plusieurs cycles de montage et de démontage, afin de permettre la réutilisation des éléments.

Fig. 90 : Assemblage mécanique par boulonnage

Fig. 91 : Assemblage mécanique par vissage

Fig. 92 : Assemblage lié par soudure

Fig. 93 : Assemblage lié par joints humides

Filière sèche bois, assemblage réversible

Filière sèche acier, assemblage réversible

Filière sèche acier, assemblage non-réversible

Filière maçonnée, assemblage non-réversible

Sources iconographiques : Figures 90-92 : Productions personnelles, à partir d’images provenant d’internet. 296 - REVEDIN JANA, Construire avec l’immatériel, Paris, Gallimard, Alternatives, 2018, p.86. 297 - LANDOWSKI Marc et LEMOINE Bertrand, Concevoir et construire en acier, Paris, Eyrolles, 2012, p. 49. 298 - Voir partie III - B - Sous-partie 3. 299 - ROTOR, Déconstruction et réemploi : comment faire circuler les éléments de construction, Lausanne, PPU Romandes , 2018, p. 99. 300 - Selon le site <www.Bazed.fr>, rubrique démontabilité, Solutions techniques.

88


Enveloppe et matérialité Le dernier facteur à questionner pour une conception réversible, semble également être sa matérialité. En effet, privilégier des matériaux résistants et solides, permet d’éviter les altérations et les déformations lors du démontage et de la réutilisation de ses éléments. Il est alors préconisé de sélectionner des matériaux pérennes, qui conserveront leur valeur et leur aspect au cours du temps.301 Il est enfin conseillé de prévoir des matériaux et des éléments avec des qualités de modularité, afin de faciliter le réemploi et le montage lors du chantier. Enfin, l’emploi de filières humides, dont les assemblages ne sont généralement pas réversibles et empêchent la séparation des éléments lors du recyclage, est également à questionner lors de la conception. Il est alors préconisé de privilégier les filières sèches sur le chantier. Cependant, dans cette filière, divers matériaux et types de structures peuvent être envisagés avec chacun leurs qualités : Les ossatures légères, tout d’abord, peuvent offrir cette réversibilité de la structure de façon relativement simple. Il s’agit alors de prendre en compte, dès le dessin, la démontabilité de l’ouvrage. La filière bois, par sa légèreté et sa simplicité de mise en œuvre, représente ainsi un potentiel intéressant. Il convient toutefois de questionner sa conception. Les caractéristiques du système poteaux-poutres évoqué plus haut, peuvent ainsi être appliquées pour constituer une structure démontable. Celle-ci sera donc composée d’éléments verticaux et horizontaux, assurant la stabilité de l’ouvrage, par des assemblages à sec. La construction bois se hiérarchise ensuite en deux catégories : éléments porteurs, et remplissage. Ainsi, la construction peut être définie par un système porteur répétitif et standardisé, remplis d’éléments préfabriqués et modulaires.302 L’intérêt de cette structure réside alors dans sa capacité de déconstruction, grâce à des assemblages simples et mécaniques. En effet, l’assemblage des éléments porteurs de cette filière, s’appuie majoritairement sur des boulonnages, vis et platines. L’indépendance des éléments facilite ainsi leur démontage et leur recyclage, quand ceux-ci se retrouvent obsolètes. De plus, la capacité de la filière bois à être recyclé et réutilisé en font un élément durable intéressant dans la construction. Expérimenté notamment dans le principe des Maisons Segal.303 Enfin, la mise en œuvre de ces chantiers est facilitée par la préfabrication possible des éléments, raccourcissant les temps de chantiers et les nuisances. Cependant, d’autres filières sont également envisageables. Notamment la filière acier. Cette filière, qui se compose d’éléments démontables également constitués d’éléments horizontaux et verticaux, peut en effet se révéler avantageuse. Ce matériau a notamment la particularité, contrairement au bois, d’être malléable lors de sa fabrication. Permettant ainsi la mise en forme de pièces complexes, sur-mesure.304 Celui-ci a ainsi été expérimenté pour la démontabilité dans le courant du XXe siècle, notamment par Jean Prouvé et ses maisons démontables en acier.305 Toutefois, cette filière est de moins en moins usitée pour une conception d’ensemble. En effet, l’utiliser comme base pose certaines questions liées à la construction et à la sécurité.306 Sa faible résistance au feu peut ainsi devenir un aspect problématique, comme le démontrent les incendies des Lods de la Grande Mare.307 Ce matériau apporte également une grande conductivité thermique, ce qui peut nécessiter une isolation importante et donc des coûts supplémentaires pour respecter les exigences des réglementations.308 Cependant malgré ces désavantages, les propriétés de l’acier permettent de franchir de plus grandes portées que le bois, en optimisant ainsi la structure et en limitant ses points porteurs.

301 - ROTOR, Déconstruction et réemploi : comment faire circuler les éléments de construction, Lausanne, PPU Romandes , 2018, p. 99. 302 - Selon le site <www.Bazed.fr>, rubrique démontabilité, Concepts généraux. 303 - Voir partie I - B - Sous-partie 3. 304 - LANDOWSKI Marc et LEMOINE Bertrand, Concevoir et construire en acier, Paris, Eyrolles, 2012, p. 6. 305 - Disponible sur le site <www.Bazed.fr>, rubrique démontabilité, Concepts généraux. 306 - LANDOWSKI Marc et LEMOINE Bertrand, Concevoir et construire en acier, Paris, Eyrolles, 2012, p. 96. 307 - Voir partie I - B - Sous-partie 3. 308 - LANDOWSKI Marc et LEMOINE Bertrand, Concevoir et construire en acier, Paris, Eyrolles, 2012, p. 90.

89


Enfin, le recours à une structure plus lourde est envisageable du point de vue de la réversibilité, à condition de respecter certains points. Les structures maçonnées sont en effet généralement les plus simples et les plus économiques à mettre en œuvre. Elles consistent en un assemblage de matériaux élémentaires de tailles variables, assemblés par du liant. La structure maçonnée, contrairement aux structures légères, peut alors assurer le double rôle de structure et de remplissage. Elle offre également une possibilité de démontage et de réemploi des éléments, si ses assemblages respectent les principes évoqués plus haut.309 Ce type de structure à en outre l’avantage de fournir de l’inertie à l’ouvrage, contrairement aux structures légères. Ne nécessitant alors qu’une faible isolation pour respecter les réglementations thermiques. De plus, contrairement au bois, elle ne nécessite pas de finition de recouvrement et de protection pour durer dans le temps. Ce qui réduit également les coûts de finitions.310 On peut enfin éventuellement recourir à des éléments de béton préfabriqués, réduisant le recours à la filière humide sur le chantier. En effet, la résistance au feu du béton garanti une solidité dans le temps et une sécurité à l’ouvrage. Cependant, pour qu’une structure béton soit réversible, il faut prévoir un certain nombre d’éléments à la conception. Il est en effet recommandé de privilégier des structures séparant les éléments verticaux et horizontaux et de privilégier le recours aux éléments préfabriqués en usines, afin de faciliter l’assemblage sur le chantier. Il est également préconisé de lier les éléments par des assemblages mécaniques à sec, pour permettre le démontage de la structure et d’utiliser des joints mous entre les éléments, afin de garantir la réversibilité de l’ensemble.311 L’un des exemples les plus aboutis illustrant ces principes, est notament le système innovant Systébloc312 de l’entreprise Structure sèche, présenté au Pass innovation du CSTB en 2018. Ce système d’assemblage à sec de profilés minces et de blocs de béton emboîtables, est en effet totalement recyclable. L’absence de liant lors de la mise en œuvre permet ainsi lors de la déconstruction, de démonter simplement le mur et ses éléments. Les aciers sont ensuite faciles à trier et à recycler et les blocs de béton restés intacts peuvent être réutilisés. Il constitue en ceci un élément prometteur, pouvant correspondre à la conception de bâtiments réversibles et recyclables, en filière béton.

Avantages et inconvénients des différentes filières Chacune des filières citées ci-dessus, possède ainsi des avantages et prédisposition à la réversibilité. Toutefois, elles ont également des inconvénients, qu’il faudra prendre en compte dans la conception. Les structures sèches et légères ont, en outre, l’avantage d’être efficace du point de vue structurel et modulaire. Avec une facilité d’assemblage, de recyclage et de démontage et la possibilité de dissocier les éléments par fonctions. Toutefois, celles-ci sont difficiles à démonter si les assemblages sont masqués par des finitions. Pourtant, ces finitions sont indispensables, afin de protéger et de traiter le matériau et d’assurer une tenue convenable de celui-ci dans le temps. En particulier pour le bois. De plus, les encoches, trous et liaisons faites lors du chantier dans les éléments, peuvent compliquer le réemploi. Ce sont également des matériaux coûteux, n’apportant que peu d’inertie et nécessitant donc des apports d’isolations et finitions supplémentaires. Ce qui allonge par conséquent les enveloppes budgétaires, au moment de la conception. Enfin, les structures maçonnées présentent l’avantage d’être facilitées par le recours à des éléments standardisés et réutilisables. Celles-ci permettent également d’apporter de l’inertie au bâtiment, avec des éléments non transformés lors du chantier, facilitant le réemploi. En revanche, les liaisons restent plus difficiles à effectuer. De plus, ce type de structure peut inclure des renforcements nécessaires et requiert également des mises en œuvres lourdes par machines, lors du montage, ainsi que lors du démontage.

309 - Disponible sur le site <www.Bazed.fr>, rubrique démontabilité, Concepts généraux. 310 - Ibidem. 311 - Disponible sur le site <www.Bazed.fr>, rubrique démontabilité, Solutions techniques. 312 - BRAUN Pascale, “Un mur prêt à poser fait entrer le bloc béton dans la filière sèche”, in Le Moniteur, 06 janvier 2011.

90


3 – Accompagner la déconstruction, le suivi du cycle de vie du bâtiment Le dernier facteur à interroger pour permettre la déconstruction de l’édifice en fin de vie, est le recours à un plan de déconstruction conçu en amont. En effet, sans plan de déconstruction compréhensif, il est presque certain qu’un bâtiment pourtant conçu pour la démontabilité, sera démoli. Ce plan pourrait en outre être inclus dans le cahier des charges du projet. Pour cela, diverses étapes sont à questionner lors de sa conception. Dans un premier temps, il est conseillé d’établir la stratégie de conception démontable de l’ouvrage, dès le début du projet. Pour cela, cette stratégie peut notamment être interrogée au travers d’éléments techniques, conçus pour être déconstruits. Une description de ces facteurs dans le dossier d’avant-projet, réunissant leurs caractéristiques structurelles et d’assemblage, leur mise en œuvre, et leur durée de vie, peut également être mise en place pour faciliter la réutilisation.313 Ensuite, la conservation en mémoire des composants en établissant une liste des éléments, peut être intéressante. Pour cela, un inventaire des matériaux et éléments mis en œuvre, avec les informations spécifiques de garanties et détails du fabricant, peut être mise en place. Une indication de leur durée de vie, ainsi que l’identification de leurs possibilités de réemploi et de recyclage, pourrait également y figurer. A l’image d’un passeport d’informations du bâtiment et de ses composants, afin de faciliter sa mise en œuvre et son démontage.314 Enfin, il est conseillé d’accompagner le démontage en fin de vie. Pour cela, il peut être intéressant de fournir, lors de sa conception, les plans de détails et les méthodes de déconstruction envisagées. Et lorsque cela est nécessaire, il est préconisé d’ajouter des informations sur la mise en œuvre réalisée, pour garantir la meilleure technique de démontage possible.315 Il est préférable également de prévoir et informer des équipements nécessaires au démontage, des séquences prévues, ainsi que toute information de sécurité concernant les ouvriers. Pour finir, l’anticipation des meilleurs moyens de recyclage, de classement et de stockage des éléments, pour garantir leur réemploi est à questionner lors du processus de projet.

4 – Application et intégration de ces dispositifs dans la construction, Études de cas Ainsi, nous venons d'interroger les facteurs de démontabilité, ainsi que les dispositifs et outils pouvant aider à la conception d'un immeuble réversible. Nous avons également questionné les évolutions induites dans son processus de conception et de gestion, par le caractère démontable de l'ouvrage. A travers l'étude de cas contemporains, il est alors possible d'observer une mise en application des dispositifs précédents. Ceci permet en outre d'interroger la pertinence du recours à ces systèmes dans le projet, ainsi que le potentiel de réversibilité atteint, selon les dispositifs employés. Pour cela, nous allons à présent interroger des projets réalisés par des architectes contemporains, ou des procédés et systèmes développés par des firmes de construction. Ces exemples ont alors été sélectionnés pour leur conception qui présente un caractère mutable, pour des usages liés aux programmes de bureaux. L'ensemble de ces cas sont donc des expériences qui mettent en pratique différents facteurs de démontabilités étudiés. Toutefois, nous verrons que tous les dispositifs n'ont pas les mêmes potentiels de réversibilité, et que les choix et partis-pris des architectes peuvent impacter la démontabilité de l'ouvrage. Nous analyserons donc les différents dispositifs mis en œuvre et leur potentiel de déconstruction, ainsi que les choix architecturaux et les contextes d'implantation des édifices. Ces analyses ont été réalisées à partir des descriptions des projets, fournies par les architectes et par les entreprises de construction ayant participé aux chantiers. Ainsi que par l'étude approfondie des plans, coupes, images et détails des édifices. Une grille de lecture est par ailleurs mise en place, afin de questionner ces facteurs. Cette grille sera, en outre, définie par les facteurs de démontabilité questionnés en amont. A savoir la morphologie d'ensemble, les systèmes structurels, les assemblages, les filières de matériaux, l'enveloppe, et le contexte d'implantation du projet.

313 - Voir sur <www.bazed.fr>, rubrique Démontabilité et Solutions techniques. 314 - ROTOR, Déconstruction et réemploi : comment faire circuler les éléments de construction, Lausanne, PPU Romandes , 2018, p. 54. 315 - Ibidem, p. 149.

91


Bureaux Joliot-Curie, Atelier 6,24, 2014, Le Havre

Sources iconographiques : Figures 94-95 : Disponible sur le site de l’agence <www.ateliers6-24.fr>.


Implanté au Nord-Ouest du Havre, ce premier projet de bureaux démontables conçu par les architectes de l'atelier 6'24, est issu d'un concours conception/réalisation lancé courant 2013 par la CODAH (Communauté de l'agglomération Havraise). L'objectif du concours, étant de répondre à quatre contraintes majeures : un bâtiment labellisé biosourcé, démontable, livré en moins de 12 mois (études comprises) et au meilleur coût.316 Le terrain choisi se situant à proximité de l'éco-quartier du Grand Hameau du Havre, s'inscrit donc dans l'esprit écologique du lieu (Fig.96). Ainsi, la conception de l'édifice devait correspondre à un certain nombre de critères stricts. Pour répondre à ces critères, l'atelier 6'24, vainqueur du concours, a alors choisi de recourir à une filière sèche bois biosourcée, sous la forme d'une structure poteaux et poutres lamellé-collé (Fig.97). Le bâtiment est conçu avec une trame très simple, sobre et modulaire. Il se compose d'un parallélépipède rectangle de 18m de long, sur trois étages (Fig.94). Des modules en bois de 6 mètres sur 2,60 mètres, pré-fabriqués en atelier composent l'ensemble et sont ensuite assemblés sur place. Sa structure se compose d'un système poteaux - poutres bois (Fig.101), montés sur des pîlotis en béton massif. Qui libèrent de vastes plateaux libres (Fig.99). Le tout, complété par des noyaux verticaux en dur, conçus en béton, qui constituent le contreventement de l'ouvrage (Fig.100). De petits modules en ossature métallique et bardage bois, viennent également se greffer à la structure, pour compléter les espaces de façon modulaire (Fig.103). Chaque élément de l'ouvrage, hormis les noyaux durs, est ensuite lié par des assemblages mécaniques par boulonnage. Chaque pièce est également pré-fabriquée à l'avance et assemblée sur place pour une plus grande rapidité de mise en œuvre. Pour l'enveloppe, la majeure partie du bardage est constituée de bois huilé. Du mélèze, issu de forêts écologiques d'Autriche, résistant dans le temps.317 Cette essence possède en outre la propriété de ne pas altérer sa couleur avec le temps et de ne nécessiter que peu d’entretien. Le bois a ainsi été thermo-huilé en trois teintes, pour conférer aux façades un aspect esthétique sans masquer les assemblages et les accroches de l'ossature (Fig.95). Pour compléter l'ensemble, des coursives linéaires sont dessinées le long des façades, comme des pontons. Avec des lames de bois rapprochées, permettant divers usages (Fig.102). Les éléments de construction devaient en effet permettre aux locaux, livrés en blancs, d’être modulables et de favoriser une diversité des usages. Afin d'apporter plus de souplesse dans la commercialisation des lots.318 Enfin, l'objectif de labellisation du bâtiment a occupé une place centrale en cours de conception . Celui-ci est ainsi potentiellement recyclable à 80% dans son ensemble,dont 100% de l'enveloppe, 94% de la structure et 80% du volume.319 Enfin, le bâtiment intègre un taux d'incorporation de matériaux biosourcés de 71kg/m² de surface plancher, soit le double du seuil minimal requis pour atteindre le niveau 3 du label.320 Les locaux techniques du bâtiment sont également constitués d'un béton de terre, breveté par l'entreprise locale Lefebvre Industrie. Le succès de l'ensemble aura par ailleurs mené les ateliers à concevoir deux autres bâtiments identiques pour ce projet, implantés dans la pente du terrain (Fig.96). Ainsi, ce projet permet de questionner les différents facteurs de démontabilité de l'ouvrage, avec la mise en application de dispositifs divers, liés aux choix et partis pris des architectes. Sa morphologie simple, dessinée sur une trame fixe, permet ainsi de pré-fabriquer et d'assembler simplement les éléments modulaires sur le chantier. Sa structure, composée d'éléments verticaux et horizontaux en bois et liés par des assemblages mécaniques, permet également de démonter potentiellement les éléments en fin de vie. En revanche, les noyaux durs et pilotis en béton, bien que nécessaires à la stabilité de l'ensemble, constituent des points durs qu'il sera difficile à traiter lors de la déconstruction. On pourra toutefois saluer le recours à un béton de terre breveté, pour les locaux techniques. Les modules pré-fabriqués et liés mécaniquement, permettent quant à eux de les désolidariser de l'ouvrage et de les transporter sur un autre site en cas de besoin. Sa capacité de démontabilité dans l'ensemble, constitue alors une sécurité pour les investisseurs. Ainsi, si les bureaux ne sont pas loués, ils pourront être transférés sur un autre site ou reconfigurés.

316 - Description disponible sur le site des architectes <www.ateliers6-24.fr>. 317 - DELLON Laurène, «Les bureaux du Pressoir», in Architecture bois, 2015, Octobre-Novembre, n°70, p. 97. 318 - Ibidem, p. 96. 319 - Description disponible sur la plaquette de présentation du projet sur <www.bazed.fr>. 320 - L’ANGEVIN Timothée, «Le premier bâtiment biosourcé, démontable et réversible à souhait», in Le Moniteur, 02 Février 2015.

93


Fig. 97 : Schéma conceptuel de l’ossature bois

Fig. 96 : Schéma d’implantation des bâtiments

Fig. 98 : Coupe Transversale du bâtiment

Fig. 99 : Plan des points durs et porteurs des étages

Fig. 100 : Schéma des points durs et pilotis

Fig. 101 : Schéma des poteaux porteurs et planchers

Fig. 102 : Schéma des poutres et circulations

Fig. 103 : Schéma du bâtiment avec son enveloppe

Sources iconographiques : Figures 96-103 : Disponible sur la plaquette de présentation du projet sur <www.bazed.fr>.


Simple, Compacte, Peu dense

Morphologie d’ensemble

Poteau-poutre, Noyaux de contreventement

Système structurel

Légère, Flexible, Démontable (Bois)

Type d’ossature Portées

Petites (6m)

Filières

Sèche, Bois, Renouvelable (Sauf noyaux) Mécaniques, Boulonnage

Types d’assemblages Circulations

Noyaux centraux, Coursives extérieures

Fondations

Profondes, Irréversibles, Coulées en place Légères, Modulaires, Démontables

Façades Enveloppe

Panneaux de remplissage et bardage bois

Pertinence dans son contexte

Zac au schéma de développement durable

Potentiel de réversibilité

Bon

Des points durs qui impactent le potentiel de réversibilité de l'ensemble Du point de vue du potentiel de démontabilité proposé ici par les dispositifs mis en œuvres, quelques points semblent pouvoir impacter la réversibilité totale de l'ensemble. Notamment le recours à des noyaux durs en béton, ainsi qu'à des pilotis bétonnés, qui constituent des points durs difficiles à traiter lors de la déconstruction. En effet, ceux-ci ne pouvant être démontés se verrons démolis en fin de cycle. Toutefois, il est possible, après démolition, de recycler la matière, afin de respecter l'état d'esprit de durabilité du projet. En revanche, hormis ces points durs, les choix des dispositifs semblent globalement aboutir à un fort potentiel de démontabilité de l'ouvrage et permettent une flexibilité interne intéressante. L'ossature légère en poteaupoutre bois et panneaux de remplissage, permet notamment de dégager de larges plateaux neutres et flexibles, facilité par la morphologie sobre et simple de l'édifice. Les assemblages mécaniques par boulonnage, assurent également une bonne démontabilité de l'ensemble. De plus, le bois de l'enveloppe ne nécessite que peu d'entretien, ce qui en fait un élément intéressant qui ne masque pas les assemblages et facilite le démontage. Enfin, les modules préfabriqués modulaires à ossature métallique permettent d'élargir les espaces, avec des éléments flexibles et ré-utilisables. Quant à la pertinence du recours à la démontabilité dans le projet, celle-ci est mise en œuvre en raison du contexte du concours, qui imposait un certain nombre de contraintes dans la conception. Le site rejoint en effet l'esprit écologique d'ensemble du secteur, à proximité d'un éco-quartier et dans une zone en cours d'urbanisation dans un schéma de développement durable. Ainsi, le projet met en avant pour mener à bien ces objectifs, l'aspect soutenable de l'ouvrage, par le recours à des matériaux bio-sourcés et un recyclage quasi-total de l'ensemble en fin de vie. Son aspect flexible, autorise également divers usages éventuels, afin d'éviter la vacance de l'édifice. Toutefois, l'échelle réduite de l'ouvrage ne permet pas ici de déterminer de la possible adaptation de ces principes à un édifice de plus grande envergure, pour des bureaux situés en centre d'agglomération. Pour conclure, ce projet semble porter en lui nombre de prédispositions à la démontabilité, et malgré quelques points durs, semble porter de bonnes capacités de réversibilités applicable au programme tertiaire. Celui-ci représente ainsi un potentiel de réversibilité intéressant pour un programme d'envergure mesurée, en périphérie d'agglomération et en vue de libérer le foncier en fin de vie de l'ouvrage.

95


Bureaux à « énergie 0 », Médiacom 3, Françoise Jourda, 2011, Saint-Denis

Sources iconographiques : Figures 104-105 : Disponible sur le site de l’agence <www.jourda-architectes.com>.


Ce bâtiment tertiaire de sept étages, inauguré en 2011 et conçu par l’architecte Françoise-Hélène Jourda, est implanté à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), dans un secteur dynamique en développement (Fig.104). Celui-ci se voulait en outre exemplaire en matière de développement durable lors de la conception.321 En effet, les critères exigés par les maîtres d'ouvrages, lors du développement du projet, se sont portés sur un objectif de densification de la ville, une réversibilité de l’usage, une anticipation de la déconstruction de l’immeuble et l'utilisation de matériaux renouvelables. Le bâtiment devait ainsi être conçu pour pouvoir être mutable, afin d'accueillir de nouvelles fonctions et de réutiliser les ressources mises en œuvre.322 Une idée soutenue par l'architecte, qui explique que « aujourd’hui, on ne peut construire sans penser à la flexibilité, l’évolution, voire plus tard la démolition des constructions ».323 Ainsi, différents scénarios de plans ont été imaginés (Fig.108110). L'ensemble se compose d'un bâtiment à la volumétrie simple et compacte, (Fig.106), d'une profondeur de 15m en moyenne (Fig.109). Sa structure primaire est également conçue sans retombées de poutres dans les plateaux. Ainsi, elle se compose de poteaux et poutres métalliques pré-fabriqués, assemblés par boulonnage (Fig.107). Ainsi que de dalles à grandes portées, de type alvéolaires démontables, préfabriquées en béton. La poutraison horizontale, de type IFB, y est positionnée dans l’épaisseur de la dalle de sorte à libérer les sousfaces des planchers (Fig.109). La structure en poteaux / dalles est ensuite couplée à des noyaux durs centraux comprenant les escaliers, ramenés aux dimensions minimum (Fig.108-111). L'enveloppe se compose ensuite de façades légères à ossature bois non porteuses, de 40 cm d’épaisseur, comprenant une isolation extérieure de 26 cm d’épaisseur en laine minérale. Séparable de l'ossature, lors du démontage (Fig.105). Celle-ci est protégée par une peau de zinc à joints plats, assemblée par des pattes métalliques démontables (Fig.105). Les façades sont également munies à tous les niveaux de passerelles métalliques extérieures d’entretien, démontables et assemblées par boulonnage (Fig.105). Enfin, sa volumétrie d'ensemble compacte, minimise le développé de façade afin de réduire les déperditions surfaciques et thermiques. 324 Ces dispositions permettent ainsi de réduire les besoins en chauffage du bâtiment, qui sont théoriquement absorbés par l’occupation humaine et un éclairage artificiel par lampes basse consommation. L’énergie électrique est également produite par des panneaux photovoltaïques, implantés sur le pignon Sud et en toiture. Ainsi, ce bâtiment conçu dans l'objectif d'obtenir un bilan écologique positif permet de ré-interroger les facteurs de réversibilité de l'immeuble, avec la mise en place de divers dispositifs de démontabilité dans la conception. Son système structurel à ossature légère, composé d'éléments verticaux et horizontaux en métal assemblés par boulonnage, permet ainsi le démontage des éléments en fin de vie. Les façades en ossature bois à couches distinctes, permettent également de séparer et recycler les matériaux après démontage. Toutefois, bien que les noyaux de circulation aient été rendus nécessaires pour le contreventement et la stabilité de l'ensemble, ils constituent une fois encore des points durs difficilement traitables lors de la dé-construction de l'ouvrage. De plus, ceux-ci peuvent constituer des freins à la flexibilité des plateaux, et des points durs dans leurs partitions internes. En revanche, les coursives extérieures articulées à la structure primaire, afin de minimiser les ponts thermiques, permettent de passer de coursives d'entretien à d'éventuels balcons en cas de changement d'usage. Enfin, on notera l'utilisation de matériaux de construction durables dans la conception. Comme le bardage de zinc recyclable, l'ossature en bois renouvelable pour la façade, et la charpente en acier, simple à démonter et à recycler. On notera en revanche un recours plus important au béton de ciment que dans le projet précédent, avec une utilisation de dalles béton de grandes portées. Bien que démontables, celles-ci constituent des éléments moins soutenable que les autres matériaux employés.

321 - Description disponible sur le site de l’architecte <www.jourda-architectes.com>. 322 - DEGIOANNI Jacques-Franck, «Bureaux à énergie zéro », in Le Moniteur, 19 Avril 2007. 323 - DESVEAUX Delphine, «La synergie positive du 9.3», in Archistorm, 2011, novembre, n°51, p. 54. 324 - Ibidem, p. 53.

97


Fig. 106 : Plan d’implantation du bâtiment

Fig. 107 : Schéma de l’ossature métallique en façade

Fig. 108 : Plan des points durs et porteurs des étages

Fig. 109 : Coupe Transversale du bâtiment

Fig. 110 : Plan d’aménagement en disposition de bureaux

Fig. 111 : Coupe Longitudinale du bâtiment

Sources iconographiques : Figure 106 : Disponible sur le site de l’architecte <www.jourda-architectes.com>. Figure 107 : Disponible sur le site de l’entreprise Construction et environnement ayant participé au projet <www.ceingenierie.fr>. Figures 108-111 : DESVEAUX Delphine, «La synergie positive du 9.3», in Archistorm, 2011, novembre, n°51.


Simple, Compacte, Dense

Morphologie d’ensemble

Poteau-poutre, Noyaux de contreventement

Système structurel

Légère, Flexible, Démontable (Acier)

Type d’ossature Portées

Grandes (15m)

Filières

Sèche, Acier, Recyclable (Sauf noyaux et planchers) Mécaniques, Boulonnage

Types d’assemblages Circulations

Noyaux centraux, Coursives extérieures

Fondations

Profondes, Irréversibles, Coulées en place Légères, Modulables, Démontables

Façades

Caissons à ossature bois, Bardage en Zinc

Enveloppe

En mutations, Dynamique, Urbain

Pertinence dans son contexte

Potentiel de réversibilité

Bon

Un potentiel de déconstruction intéressant malgré certains points durs Du point de vue du potentiel de démontabilité proposé par les dispositifs mis en œuvres, ceux-ci semblent apporter une certaine prédisposition à la réversibilité. Malgré quelques points pouvant freiner la déconstruction de l'ensemble. Notamment le recours à des noyaux durs en béton au cœur de l'ouvrage, qui constituent des points difficiles à traiter lors de la déconstruction. En revanche, hormis ces points durs, le projet dans son ensemble et les choix des dispositifs employés, semblent globalement pertinents. L'ossature légère en poteau-poutre métallique, avec des poutres noyées dans les dalles, autorise notamment une certaine flexibilité. Facilitée par la morphologie sobre et simple de l'édifice, permettant le démontage des éléments. Les assemblages mécaniques par boulonnage, permettent en effet la démontabilité et la séparation des composants, ainsi que leur ré-emploi. De plus, le bardage de l'enveloppe ne nécessite que très peu d'entretien et dispose de bonnes capacités de durabilité dans le temps. Ce qui en fait un élément intéressant. Enfin, les façades démontables à ossature bois permettent, au-delà de leur aspect démontable, d'acquérir une bonne capacité thermique, avec des éléments séparables et recyclables en fin de vie. Ceci constitue donc un élément de remplissage efficace pour ce type de structures. De plus, malgré un recours à des dalles en béton, celles-ci sont réfléchies de manière à pouvoir être démontées et ré-utilisées. Quant à la pertinence d'un recours à la réversibilité dans le projet, celle-ci était exigée par les maîtres d’œuvres lors de la commande du projet, afin de correspondre aux labels en vigueur et au nouvel état d'esprit des entreprises. Enfin, l'aspect durable de l'ouvrage par le recours à un démontage et recyclage quasi-total de l'ensemble, ainsi qu'une ré-utilisation possible des éléments, entre en résonnance avec ces objectifs. De plus, les aspects bioclimatiques de ventilation, de chauffage et d'éclairage mis en œuvres, permettent d'aboutir à un bâtiment à énergie positive, qui constitue un argument soutenable d'un point de vue écologique. Enfin, l'application de ces concepts dans un milieu urbain dense et sur plusieurs niveaux, contrairement à l'exemple précédent, permet ici de démontrer de la faisabilité d'un tel projet pour un ensemble tertiaire de grande envergure, en cœur de ville. Pour conclure, ce projet semble porter des prédispositions à la démontabilité, et malgré quelques points durs, semble porter de réelles potentialités applicables au programme tertiaire, en milieu urbain dense. Ainsi, il pourra être intéressant d'observer son évolution dans le temps, avec un potentiel qui pourra se révéler opportun, afin de libérer le foncier en cas d'obsolescence de l'immeuble.

99


Bureaux de la Dir. DĂŠp. des Territoires et de la Mer du Morbihan, AIA Architectes, 2016

Sources iconographiques : Figures 112-113 : Disponible sur le site de l’agence <www.aialifedesigners.fr>.


Ce projet, conçu par l'agence AIA architectes et lauréat du prix National de la Construction Bois 2017, catégorie «Équipements publics et bâtiments tertiaires» se situe à Vannes, dans un contexte urbain en mutation. Le bâtiment, d'une surface de 6 500 m2 constitue également par sa hauteur (R+5 en zone sismique 2), une première en Bretagne pour la construction bois.325 Pour ce concours, la question et contrainte principale a ainsi été de concilier la nécessaire conservation du lien avec la « minéralité » de la ville dans le dessin, tout en répondant à la demande du maître d’ouvrage de réduire l’impact du bâtiment sur son environnement.326 Le projet se compose ainsi d'un volume carré de 6 niveaux, de 33m par 44m, avec un patio central qui ramène l'épaisseur des plateaux éclairés à une dizaine de mètres (Fig.114-116). Sa structure est composée d'éléments horizontaux et verticaux en bois, assemblés mécaniquement (Fig.115). Elle se complète de planchers mixtes bois-béton (Fig.119) ainsi que d'une enveloppe mixte béton et bois sur l'une des façades et de façades à ossature bois sur les autres côtés (Fig.112). Contrairement aux autres projets étudiés, celui-ci aborde en grande partie la filière béton dans la conception. Ce qui nous intéresse alors dans le choix de ce cas d'étude est son utilisation d'éléments de béton démontables en façade ainsi que dans les planchers. La contrainte technique du recours au béton sur l'une des façades et au bois pour le reste de l'ouvrage, a en effet été l'une des difficultés techniques principales du projet. L’édifice recevant du public, est situé en zone 2, c’est-à-dire à risque modéré sur la carte des séismes français. Or, «Dans ce contexte, n’avoir qu’une seule façade en béton sur quatre, générait un point dur risqué par rapport à la souplesse du bois».327 La solution proposée par les lauréats a alors consisté à réaliser un bâtiment en bois avec une peau béton démontable en façade, grâce à un procédé breveté par AIA Ingénierie et faisant l’objet d’un ATEX pour ce chantier.328 Ainsi, l'enveloppe se constitue d'une façade mixte bois / béton, composée d’une ossature bois porteuse et d’un parement béton préfabriqué de 7 cm d’épaisseur.329 La particularité de ce procédé réside dans l'aspect démontable de l'ensemble. L’assemblage du bois et du béton, est ainsi assuré mécaniquement en atelier, par l’intermédiaire de connecteurs brevetés en acier galvanisé (Fig.118). L’association des deux matériaux permet alors d’assurer l’homogénéité structurelle nécessaire dans cette zone sismique, et permet d'intégrer le bâtiment dans son milieu urbain, comme l'imposait le concours. La mise en œuvre est ensuite identique à celle d’un mur à ossature bois, avec une pose par liaison bois sur bois (Fig.113). L’utilisation du procédé FMB pour les façades est également en cohérence avec la conception structurelle de l’ensemble du bâtiment. Composé de caissons de planchers mixtes SBB bois / béton préfabriqués et séparables, qui intègrent des caissons acoustiques. Le tout reposant sur la structure poteaux-poutres bois aux assemblages mécaniques (Fig.115-119). Enfin, et pour des raisons de solidités face à la zone sismique où prend place l'édifice, celui-ci comporte un socle dur en béton fortement ferraillé en périphérie ainsi que deux noyaux rectangulaires en béton qui contreventement l’édifice et abritent les circulations verticales (Fig.117) . Ainsi, ce projet permet de questionner les facteurs de démontabilité appliqués à la filière béton, et d’expérimenter des dispositifs de réversibilité pour cette matière. En effet, le procédé de façade breveté est réfléchi pour permettre des assemblages mécaniques de panneaux de béton préfabriqués, sur une structure à ossature bois. Ainsi, ce procédé devrait permettre de séparer les éléments en fin de vie et de les recycler. Le reste de la structure légère en ossature bois, assemblée mécaniquement, permet également le démontage et le réemploi des éléments horizontaux et verticaux. En revanche, le recours au socle de béton ferraillé et aux noyaux durs de contreventement, constituent des points durs non-réversibles. En effet, bien qu’ils aient été rendus nécessaire par la zone d’implantation particulière de l’ouvrage, ceux-ci constituent des points immuables et difficiles à traiter lors de la déconstruction de l’édifice. Ce sont également des points conçus en béton de ciment, un matériau peu soutenable d’un point de vue écologique. En revanche, le recours au bois pour le reste de la conception vient contrebalancer ce point faible, avec un matériau renouvelable et à impact positif. Aboutissant à un bilan carbone final, relativement louable.

325 - Description disponible sur le site de l’agence < www.aialifedesigners.fr>. 326 - Ibidem. 327 - NICOLAS Julie, «Une peau béton portée par une structure bois», in Le Moniteur, 11 décembre 2015. 328 - Procédure rapide d’évaluation technique formulée par un groupe d’experts sur tout produit, procédé ou équipement innovant. 329 - NICOLAS Julie, «Une peau béton portée par une structure bois», in Le Moniteur, 11 décembre 2015.

101


Fig. 114 : Volumétrie du bâtiment

Fig. 115 : Axonométrie éclatée de l’ossature bois

Fig. 116-117 : Plan et Coupe du système structurel

Fig. 118 : Schéma éclaté du système de façades

Fig. 119: Schéma éclaté du système de plancher mixte

Sources iconographiques : Figures 114-119 : Disponible sur la plaquette de présentation du projet <www.reseau-breton-batiment-durable.fr>.


Simple, Compacte, Assez dense

Morphologie d’ensemble Système structurel

Poteau-poutre, Noyaux de contreventement, Socle Légère, Flexible, Démontable (Bois)

Type d’ossature Portées

Moyennes (11m)

Filières

Mixte bois-béton, Séparables Mécaniques, Connecteurs acier

Types d’assemblages Circulations

Noyaux centraux

Fondations

Très profondes, Irréversibles, Coulées en place Lourdes, Mixtes, Préfabriquées, Séparables

Façades

Panneaux FBM mixtes, Séparables

Enveloppe

En requalification, En cours d’urbanisation

Pertinence dans son contexte

Potentiel de réversibilité

Moyen

Une opportunité de déconstruction pour la filière mixte à développer Du point de vue du potentiel de démontabilité proposé ici par les dispositifs mis en œuvres, celui-ci semble globalement posséder de bonnes prédispositions à la réversibilité. Hormis des points durs dans la conception. En effet le recours à des noyaux durs en béton et à un socle ferraillé coulé en place, constituent des points difficiles à traiter lors de la déconstruction. Toutefois, ces choix résident dans l'aspect sismique particulier du projet. Ce que l'on retiendra de ce projet sera donc plutôt son recours à la filière béton en façade, avec des éléments réversibles. En effet, le système mis en place par les ingénieurs permet un désassemblage des éléments de la façade en fin de cycle, et une potentielle réutilisation du bois ainsi qu'un recyclage des panneaux de béton. L'utilisation de ce système permet alors de démontrer de la capacité de réversibilité du béton, lorsque sa mise en œuvre est réfléchie en amont pour la déconstruction. L'utilisation de planchers mixte bois-béton aux assemblages démontables, est également une autre démonstration de la faisabilité de mises en œuvre réversible du béton. Le projet dans son ensemble et les choix des dispositifs constructifs, semblent ainsi globalement intéressants. L'ossature légère en poteau-poutre bois assemblée mécaniquement, permet en effet une potentielle réversibilité de l'ossature. De plus, le recours au bois permet ici de contre-balancer les éléments non-démontables en béton, étant un élément recyclable à impact positif en émissions. Quant à la pertinence d'un recours à la réversibilité dans le projet, celle-ci a été mise en place dans l'objectif de répondre aux attentes du maître d'ouvrage lors du concours. Motivées par une recherche de développement durable du territoire, dans ce secteur en mutation. Enfin, du point de vue de la durabilité, celui-ci met en avant l'aspect écologique de l'ouvrage par le recours à une ossature bois recyclable et une ré-utilisation possible de la matière et des éléments. Enfin, le recours au béton démontable constitue une expérience remarquable qui pourrait inspirer d'autres investisseurs à se pencher sur une conception similaire. L'application de ces concepts dans un milieu urbain en mutations et sur une surface conséquente, permet également de démontrer de la faisabilité d'un tel projet, pour un ensemble tertiaire de grande envergure en cœur d'un milieu urbain en requalification. Pour conclure, ce projet semble porter en lui de bonnes prédispositions de réversibilité et fournis une réponse intéressante à l'assemblage et au recours de la filière béton dans un projet démontable. Toutefois, sa conception admet encore quelques points durs qui peuvent freiner sa déconstruction. Ceci mériterait alors de poursuivre les recherches engagées pour une filière mixte réversible.

103


Système Démodulor, ADEME, 2017

Sources iconographiques : Figures 120-121 : Disponible sur le site de l’ADEME <www.ademe.fr>.


Pour ce projet qui diffère des cas précédents, il s'agit d'une recherche de systèmes constructifs et de mises en œuvre pour la construction réversible, applicable au domaine tertiaire. Cette recherche, baptisée Démodulor, est donc un ensemble de dispositifs constructifs multi-matériaux (béton, bois, acier, terre cuite), qui prend en compte la déconstruction des bâtiments futurs lors de la conception.330 L’ensemble de ces solutions a ainsi été développé dans le cadre d’un projet collaboratif avec le soutien de l’ADEME, lors de l’appel à projets « gestion de déchets » du MECD, dont l'objectif était d'expérimenter des solutions pour réduire les déchets du secteur du bâtiment (Fig. 120). Celui-ci a également a été lauréat au concours de l’innovation de BATIMAT 2017 331, et du tremplin Carnot du MECD (Fig. 121). Dans cette recherche qui cherche à interroger les facteurs de démontabilité des constructions, quatre dispositifs exploitables dans le domaine tertiaire, ont ainsi été retenus : un mur précontraint en briques et acier (Fig.122), un plancher sec acier-béton-bois (Fig.126), un plancher mixte acier-béton (Fig.125) et une façade à ossature bois et languettes acier (Fig.123). Chaque système a ainsi été revisité pour les rendre démontables, en questionnant les niveaux de performance requis selon les normes techniques du bâtiment. Ils ont ensuité été testé à l’échelle 1 sur des prototypes. Ils reposent ainsi sur des composants manu-portables, avec des assemblages mécaniques. Pour explorer l'application de ces systèmes à l'échelle d'un bâtiment, les solutions ont par ailleurs été regroupées dans les essais de prototypes, en deux groupes : - D'abord, le mur en briques de terre cuite pour façade porteuse a été associé au plancher sec en bacs acier et panneaux de bois, revêtus de dalles de béton. Montés sans mortier, les murs porteurs font alors appel à des briques comportant des redents, pour solidariser et bloquer les éléments entre eux. La tenue mécanique de l'ensemble est ensuite assurée par des profils métalliques horizontaux en partie haute et en partie basse, reliés par des tirants verticaux, qui mettent la paroi en pré-contrainte (Fig.127). Les profils minces disposés en partie haute servent ensuite d’appui aux bacs acier du plancher (Fig.129). Ce système a ainsi été imaginé pour un édifice tertiaire relativement bas, n'excédant pas deux étages. - Les autres tests ont porté sur l'association du plancher mixte acier/béton et de la paroi légère à ossature bois. Cette association a été notamment pensée pour répondre aux attentes d’un ensemble tertiaire à structure porteuse en acier, de plusieurs niveaux. Les panneaux d’ossature bois sont alors assemblés mécaniquement au moyen d’un feuillard métallique, permettant de séparer l'ensemble en fin de cycle (Fig.128). Le plancher est ensuite composé de dalles à créneaux latéraux et de réservations accueillant des boulons, fixés à une poutre en acier. Ce procédé permet alors la séparation des éléments de plancher en fin de vie (Fig.130). "En général, les goujons soudés aux poutres métalliques de la structure sont noyés dans la dalle béton coulée en place, ce qui rend l'ensemble immuable. Tandis qu'ici, les boulons fixés à la poutre en acier de la structure, jouent le rôle de connecteurs et restent alors démontables par la suite."332 A l’issue des différents essais, les matériaux ont enfin été classés en quatre catégories : - Ceux qui peuvent être réutilisés directement, comme les briques de terre cuite - Ceux qui peuvent être réutilisés avec des adaptations, tels que les bacs acier - Ceux qui doivent être remplacés, tels les boulons du plancher mixte, abîmés par la dépose - Ceux qui doivent faire l’objet d’études complémentaires, comme les dalles de béton Enfin, une évaluation environnementale et économique a été menée, afin de comparer ces dispositifs aux méthodes constructives usuelles non-démontables. Les résultats environnementaux sont ainsi satisfaisants selon l'ADEME333, et soulignent l’intérêt du réemploi dans le secteur du bâtiment. Toutefois, l’évaluation économique a été freinée par le manque de retour d’expériences de mise en œuvre, et donc l’indisponibilité de données fiables pour un comparatif.

330 - Description du système disponible sur le site <www.mecd.fr>. 331 - NICOLAS Julie, «Concevoir un bâtiment évolutif», in Le Moniteur, 29 Mais 2015. 332 - Ibidem. 333 - Description du système sur la plaquette du projet, disponible sur le site <www.ademe.fr>.

105


Fig. 127 : Schéma du système maçonné

Fig. 128 : Modélisation du système d’accroche

Fig. 129 : Modélisation du système de plancher sec

Fig. 122-126 : Photographies des dispositifs

Sources iconographiques : Figures 122 - 130 : Disponible sur le site de l’ADEME <www.ademe.fr>.

Fig. 130 : Coupe du système de plancher mixte


Non-définie

Morphologie d’ensemble

Maçonné ou Poteau-poutre

Système structurel Type d’ossature

Maçonnerie lourde ou Ossature légère, Démontable

Portées

Non-définie

Filières

Mixte bois-béton ou acier-béton, Sèche briques Mécaniques, Connecteurs

Types d’assemblages Circulations

Non-définies

Fondations

Non-définies

Façades

Modulaires, Démontables, Légères ou Maçonnées Panneaux bois ou maçonnerie, Séparable

Enveloppe

Non-défini

Pertinence dans son contexte

Potentiel de réversibilité

Fort

Des dispositifs et outils à approfondir Du point de vue du potentiel de démontabilité proposé ici par les dispositifs mis en œuvres, celui-ci semble comporter de très bonnes prédispositions à la réversibilité. En effet la déconstruction possible de ces systèmes a été expérimentée et confirmée lors des essais sur les prototypes à échelle 1 réalisés. Ainsi, ils constituent des éléments potentiellement applicables aux conceptions tertiaires, pour évoluer progressivement vers des ouvrages réversibles dans ce domaine. Toutefois, ces systèmes restent pour le moment à l'état de prototypes et n'ont pas été éprouvés à l'échelle d'un édifice complet. Il reste donc cette étape à franchir pour expérimenter la faisabilité réelle de l'ensemble et afin de convaincre les investisseurs à se tourner vers ces nouvelles filières. Toutefois, certains éléments restent encore à approfondir, pour garantir un démontage et une ré-utilisation optimisée de l'ensemble. En outre, les dalles de béton du système de planchers, dont l'intégrité reste à étudier après dé-construction pour un réemploi dans un autre ouvrage. Quant à la pertinence d'un recours à la réversibilité dans le projet, celle-ci est mise en avant par l'ADEME dans sa recherche de systèmes innovants dans une démarche d'économie des ressources du secteur du bâtiment. Enfin, du point de vue de la durabilité, la recherche met en avant l'aspect écologique de la démarche en limitant la production de déchets en fin de vie. Les atouts de celui-ci, sont notamment de faciliter la séparation des systèmes et composants sur le chantier, la séparation des matériaux en vue d’un recyclage ou d’une élimination optimisée ainsi que la réutilisation ou le réemploi des composants. Pour conclure, ce projet, malgré l'absence d'expérimentation à l'échelle du bâti, semble porter un réel potentiel de réversibilité pour le secteur tertiaire, en y apportant des dispositifs techniques innovants. La réflexion engagée est donc inspirante pour le secteur du BTP et pour le développement de nouveaux outils. Les recherches ainsi impulsées ont bon espoir de mener à des expérimentations à l'échelle d'un édifice complet dans les années à venir, permettant ainsi d'expérimenter ce potentiel dans un projet global.

107


Maison du projet de Roubaix Lainières, Carlos Arroyo, 2016

Sources iconographiques : Figures 131-132 : Disponible sur le site de l’agence <www.carlosarroyo.net>.


Enfin, ce dernier projet conçu par l'architecte Carlos Arroyo et livré en 2016, constitue un cas particulier qui fait appel au concept C2C dans la conception.334 Cette Maison de projet, qui accueille des espace de bureaux et de travail pour les entreprises locales, prend place sur le site de la Lainière. Futur parc à la limite entre Roubaix et Wattrelos (Fig.133). Après la fermeture des complexes industriels de Roubaix , la ville de Lille décide en effet de mettre en œuvre un plan de régénération urbaine, pour une superficie d'environ 1000 ha, qui devrait être achevé d'ici 10 ans.335 La temporalité pour ce projet était donc un facteur fondamental dans la conception. Ainsi, le bâtiment devait être achevé pour le début des travaux, et devait pouvoir être entièrement démonté / recyclé d'ici à la fin des chantiers. Afin de rester en accord avec l'éthique du projet urbain d'ensemble. Le court délai d'exécution requis pour la construction, a alors poussé l'architecte à utiliser des éléments préfabriqués en usine, afin de permettre un montage rapide sur site et de simplifier sa mise en œuvre. Ces contraintes et l'échelle réduite du projet, auront alors inspiré l'architecte à mettre en application les principes du C2C dans la conception. Ainsi, celui-ci est pensé pour être entièrement démontable et remontable, et tous ses composants sont prévus pour être réutilisés ou recyclés en fin de vie. Tous les assemblages de l'édifice sont par ailleurs mécaniques, à sec et sans recours au collage. Le bâtiment se compose ainsi d'un parallélépipède rectangle à ossature bois, de plein-pied et de faible épaisseur (Fig.134). Sa structure se compose d'une ossature bois en nid-d’abeilles, qui délimite les différents espaces : les bureaux et la salle de réunion au rez-de-chaussée ainsi que les combles techniques (Fig.135). Conformément aux principes du C2C, le bâtiment a été construit sans mouvement de terrassement afin de ne pas impacter le terrain d'assise lors du retrait du bâti. Ses fondations sont constituées de pieux battus en fonte, qui permettent d'être retirés, puis récupérés dans le futur (Fig.136). Ces pieux supportent ensuite, via des platines de réglage, des longrines métalliques en H, sur lesquelles reposent les panneaux de bois de l'enveloppe. Ceux-ci s’emboîtent ensuite sur des platines métalliques (Fig.134). Toutes les vis d'assemblage sont également accessibles pour en faciliter le démontage. Les panneaux à ossature bois qui forment l'enveloppe, comprennent l’isolation, sous forme de caissons préfabriqués. Ils disposent également d’un parement extérieur en bardage bois non traité, et d’une finition intérieure en panneaux de peupliers (Fig.131). Un système de clavettes métalliques mis au point par l’agence permet ensuite de les emboiter. Les panneaux de plancher, également en ossature bois ont été posés avec le parquet de finition déjà installé. A l’extérieur, l’habillage de la tranche du plancher est vissé, pour permettre l’accès aux éléments de connexion mécanique. La couverture de l'espace polyvalent central est réalisée en panneaux de polycarbonate alvéolaire, assemblés par emboîtement dans des profils en aluminium (Fig.132). L’étanchéité au niveau de la couverture des bureaux est assurée enfin, par une membrane à base d’huiles et de résines végétales (Fig.137). Enfin, le PVC a été banni dans la conception. Ainsi, les évacuations sont en fonte, et les descentes d’eau en polyéthylène haute densité (PEHD), recyclables. Tous les réseaux de fluides sont également accessibles, pour procéder au démontage du bâtiment en fin de vie. Ainsi, en cherchant à répondre aux objectifs d’une conception selon les principes C2C, ce projet ré-interroge l’ensemble des facteurs de réversibilité du bâti, et fait preuve d’une prédisposition à fort potentiel pour la déconstruction et le réemploi. De plus, on soulignera ici l’absence de noyaux durs et d’éléments en béton, ainsi que l’absence de terrassement du terrain pour ne pas impacter son assise. Ses fondations en pieux battus autorisent en effet le retrait des éléments en fin de cycles sans impacts sur la parcelle. Enfin, l’utilisation de matériaux bio-sourcés ou recyclables permettent ici d’aboutir à un bilan carbone positif, avec un potentiel de réemploi de l’ensemble de ses éléments. Ce label émergeant encore peu usité en France, semble donc constituer un fort potentiel pour répondre aux objectifs de réversibilité et de réemploi dans le secteur du bâtiment. Cet exemple permet en outre d’expérimenter son application à un programme tertiaire. Toutefois, l’échelle du bâtiment reste réduite et il n’est pas encore démontré que ces principes puissent être appliqués à un édifice de plus grande envergure.

334 - C2C - Du berceau au berceau définition : Idée d'éco-conception qui intègre, à tous les niveaux, de la conception, de la production et de la réutilisation du produit, une exigence écologique dont le principe est la non production de déchets et la réutilisation de 100% de la matière mise en œuvre. 335 - DE VOGÜÉ Alix, «Un bâtiment entièrement démontable et recyclable», in Le Moniteur, 25 décembre 2015.

109


Fig. 133 : Plan d’implantation et de situation du projet

Fig. 134 : Schéma du système structurel global

Fig. 135 : Plan de fonctionnement du bâtiment

Fig. 136 : Coupe des fondations, pieux battus

Fig. 137 : Coupe longitudinale du projet et de la charpente

Sources iconographiques : Figures 133-137 : Disponible sur le site de l’agence <www.carlosarroyo.net>.


Morphologie d’ensemble

Simple, Compacte, Peu dense

Système structurel

Poteau-poutre en nid d’abeille Légère, Flexible, Démontable (Bois)

Type d’ossature Portées

Grandes

Filières

Sèche, Bois, Renouvelable, Recyclable Mécaniques, Vis, Boulons

Types d’assemblages Circulations

Plein-pied, Sans noyaux

Fondations

Peu profondes, Réversibles, Pieux battus Légères, Modulables, Démontables

Façades Enveloppe Pertinence dans son contexte

Caissons préfabriqués, Ossature bois, Isolée Friche industrielle, En requalification, Eco-quartier

Potentiel de réversibilité

Excellent

Un concept de conception émergent à fort potentiel de soutenabilité Du point de vue du potentiel de démontabilité proposé ici par les dispositifs mis en œuvres, celui-ci semble présenter bon nombre de prédispositions à la déconstruction, et à la réversibilité de l'ensemble. Ceci, grâce aux objectifs de la conception C2C stricte de l'ouvrage. Ainsi, ce projet, qui constitue l'un des premiers édifices C2C de France, semble porteur de bon nombre de principes applicables à la conception réversible de l'immeuble tertiaire. L'ensemble des éléments sont en effet réfléchis ici pour être démontés puis ré-utilisés en fin de vie. Toutefois, son échelle réduite et l'aspect artisanal et sur-mesure des dispositifs mis en œuvres, questionne la possibilité d'une application de ces systèmes à un immeuble tertiaire de plus grande envergure. On notera notamment dans cet ouvrage, contrairement aux autres étudiés, l'absence de points durs qui pourraient impacter la déconstruction de l’ensemble. En revanche cette absence n'est rendue possible, que par la disposition de plein-pied de l'édifice. Il serait alors intéressant d'expérimenter ce système sur plusieurs étages, en cherchant une solution de remplacement des noyaux de circulations traditionnels et de leurs aspects de contreventement de la structure. Quant à la pertinence d'un recours à la réversibilité dans le projet, celle-ci est mise en avant par l'architecte et le maître d'ouvrage dans le développement d'un nouveau quartier écologique et dans une recherche de développement durable du territoire, en requalifiant un site industriel en friche. Enfin, du point de vue de la durabilité, ce projet met en avant l'aspect écologique de la démarche, en évitant la production de déchets au maximum dans la conception. Les atouts de celui-ci, sont notamment de faciliter la séparation des systèmes et composants sur le chantier, la séparation des matériaux en vue d’un recyclage ou d’une élimination optimisée, et la réutilisation ou le réemploi des matériaux et composants. Ainsi, l'objectif est d'aboutir à un édifice zéro déchet et avec une réutilisation à 100% des éléments en fin de vie. Ce système de conception pourrait alors constituer un élément pertinent, afin de libérer le foncier par la déconstruction lors de l'obsolescence des édifices. Tout en confortant l'idée d'un développement durable et d'une revalorisation de la matière en fin de vie. Pour conclure, ce projet, malgré l'échelle réduite du bâti qui ne permet pas encore de démontrer de la capacité d'adaptation d'une telle démarche à un édifice de plus grande envergure, semble porter de réelles capacités de réversibilité pour le secteur tertiaire de demain.

111


Potentiel de réversibilité

Pertinence dans son contexte

Enveloppe

Façades

Fondations

Circulations

Types d’assemblages

Filières

Portées

Type d’ossature

Système Structurel

Morphologie d’ensemble

Cas d’étude

Bon

Zac au schémas de développement durable

Panneaux de remplissage et bardage en bois

Légères, Modulaires, Démontables

Profondes, Irréversibles, Coulées en place

Noyaux centraux, Coursives périphériques

Mécaniques, Boulonnage

Sèche, Bois, Renouvelable (Sauf noyaux)

Petites (6m)

Légère, Flexible, Démontable, Bois

Poteau-poutre, Noyaux de contreventement

Simple, Compacte, Peu dense

Joliiot-Curie

Bon

En mutations, Dynamique, Urbain

Caissons à ossature bois, Bardage en Zinc

Légères, Modulables, Démontables

Profondes, Irréversibles, Coulées en place

Noyaux centraux, Coursives extérieures

Mécaniques, Boulonnage

Sèche, Acier, Recyclable (Sauf noyaux et planchers)

Grandes (15m)

Légère, Flexible, Démontable, Acier

Poteau-poutre, Noyaux de contreventement,

Simple, Compacte, Dense

Médiacom 3

Moyen

En re-qualification, Dynamique, En cours d’urbanisation

Panneaux FBM mixtes séparables

Lourdes, Mixtes, Pré-fabrqiuées, Séparables

Très profondes, Irréversibles, Coulées en place

Noyaux centraux

Mécaniques, Connecteurs acier

Mixte bois-béton, Séparables

Moyennes (11m)

Légère, Flexible, Démontable, Bois

Poteau-poutre, Noyaux de contreventement, Socle ferraillé

Simple, Compacte, Assez dense

AIA

Fort

Inexistant, Etat de projet

Panneaux bois ou maçonnerie, séparables

Modulaires, Démontables, légère ou maçonnée

Non-définies

Non-définie

Mécaniques, Connecteurs

Mixte : Bois-béton ou Acier-béton, Sèche : Brique

Non-définie

Maçonnerie lourde ou Légère en acier, Démontable

Maçonné ou Poteau-poutre

Non-définie

Démodulor

Excellent

Friche industrielle, En requalification, Eco-quartier

Caissons pré-fabriqués, Ossature bois, Isolation

Légères, Modulables, Démontables

Peu profondes, Réversibles, Pieux battus

Plein-pied, Sans noyaux

Mécaniques, Vis, Boulons

Sèche, Bois, Renouvelable, Recyclable

Grandes

Légère, Flexible, Démontable, Bois

Système poteau-poutre en nid d’abeille

Simple, Compacte, Peu dense

Roubaix Laisnières


L'étude de ces réalisations contemporaines permet ainsi d’interroger les mises en application des dispositifs évoqués en amont, couplés aux partis-pris des architectes, selon les contextes et les attentes des projets. Ces cas d'études semblent ainsi globalement pertinents au regard de leurs contextes et de leurs objectifs de conception, quant au recours à la réversibilité. Appuyant ainsi la potentialité de ce principe pour le programme tertiaire. Toutefois, nous avons pu constater que les choix des dispositifs mis en œuvre n'apportent pas tous les mêmes potentiels de démontabilité dans la conception des projets. En effet, bien que ceux-ci aient été conçus dans le but de parvenir à une déconstruction optimisée de l'ouvrage, l'émergence récente de ces dispositifs ne semble pas encore aboutir à des édifices totalement réversibles. Il serait alors pertinent d'étudier dans les années à venir leur potentiel de déconstruction, lors de leur fin de cycle. Afin de déterminer quels points pourraient être requestionnés, pour optimiser la conception. De plus, les tailles relativement réduites de ces expériences et leurs caractères globalement isolés, ne permettent pas encore de juger de la capacité de réversibilité de l'immeuble de bureaux, appliquée à une plus grande échelle. Ainsi, l'expérimentation de la faisabilité de cette mise en pratique dans un projet de plus grande envergure et le développement d'autres systèmes innovants, pourraient être intéressant pour aboutir à une réversibilité de l'immeuble à grande échelle. Toutefois, si la réversibilité ne semble pas encore aboutie, sur l'ensemble des facteurs de conception, les systèmes mis en œuvre et les espaces qui résultent de ces expériences, semblent permettre une certaine flexibilité et un potentiel de déconstruction. Ceci permet donc d'entrevoir une baisse de la démolition de ces espaces de bureaux et pourrait permettre d'éviter la destruction de la matière en fin de cycle. Ainsi, l'aspect démontable des immeubles tertiaire semble pertinent en cas de vacance future de l'ouvrage. Afin de démonter le bâtis, pour libérer le foncier en vue d'une utilisation pour d'autres usages. Ceci tout en revalorisant les éléments et la matière dans une optique de durabilité du secteur du BTP et afin de réduire les déchets en évitant la démolition. Ces systèmes semblent alors intéressants à appliquer dans les secteurs périphériques des villes, dans l'optique de libérer le foncier en cas d'obsolescence. Ce sont en effet des secteurs où les prix immobiliers sont peu élevés, favorisant une potentielle construction d'ouvrages neufs, destinés à d'autres programmes, limitant ainsi l'étalement urbain de ces zones. Ceci pourrait ainsi tendre à apporter une part de réponse dans les crises concomitantes qui touchent les programmes du logement et des bureaux, ainsi qu'une réponse face aux enjeux du développement durable des territoires.



LIMITES ET INTERROGATIONS DE LA NOTION

115


Dans la partie précédente, nous avons donc questionné de quelles manières l’architecture pouvait intégrer et aborder la réversibilité, dans la conception des ouvrages. Nous avons également interrogé ses incidences sur les processus de conception des projets, mais également de construction et de gestion des ouvrages, durant leurs cycle(s) de vie et leur fin de cycle. Nous avons ainsi pu questionner les évolutions qui interviennent dans ces processus, et les facteurs pris en compte afin de s’engager vers des constructions réversibles. L’étude de cas contemporains nous a également permis d’observer de quelle manière les acteurs de la constructions interprètent aujourd’hui ces facteurs de réversibilité dans le projet. Nous avons ainsi pu questionner le potentiel de réversibilité des ouvrages selon les dispositifs mis en œuvres, couplés aux partis pris des architectes et à l’intégration des projets dans leurs contextes d’implantation. Nous avons également pu questionner la pertinence du recours à la réversibilité de l’immeuble, selon les contextes et les envergures des projets étudiés. Toutefois, nous avons constaté que le potentiel de réversibilité des ouvrages, pouvait être impacté par les choix des dispositifs et partis pris des architectes. Ainsi, il serait pertinent de poursuivre ces expérimentations et questionnements, afin d’observer leurs évolutions dans les années à venir. Cependant, et malgré ces expériences encourageantes, des freins à la réversibilité persistent lors de la conception de ces types de projets. Ils constituent en outre des obstacles à questionner, si nous voulons faire évoluer les conceptions vers une mutabilité anticipée des ouvrages. Nous nous pencherons ainsi dans la partie suivante sur ces limites qui entrent en conflit avec les objectifs de mutabilité, ainsi que sur les outils envisageables pour répondre à ces enjeux. Puis nous questionnerons les différents acteurs de la réversibilité qui peuvent avoir un impact dans le processus global de la conception des édifices et des territoires. Ainsi que les métiers autour de la réversibilité et leur remise en question. Nous terminerons enfin, par les questionnements et incidences que posent cette notion sur l’architecture et le métier de l’architecte. Enfin, nous ouvrirons ces questions à différents champs du domaine de l’architecture, qui peuvent entrer en résonnance avec cette notion.


A) Les freins à la réversibilité et les évolutions envisageables Bien que la réversibilité fasse aujourd'hui une percée remarquée dans les discours, de nombreux obstacles restent encore à franchir, afin de faire évoluer le secteur vers ces dispositifs. Comme nous l'avons évoqué dans la deuxième partie, la construction est aujourd'hui régie par un grand nombre de normes et de réglementations, qui constituent des freins à la mutabilité. Ainsi, évoluer vers la réversibilité remet par conséquent en question ces cadres, que nous interrogerons dans cette partie, en questionnant les alternatives envisageables.

1 – Cadres administratifs et réglementaires à échelle urbaine Vers un permis de construire réversible Le permis de construire, qui stipule des catégories strictes d'affectation et définit les règles qui leur sont relatives, peut constituer un frein principal au développement de la réversibilité à échelle urbaine. Il est en outre nécessaire de déposer un nouveau permis à chaque changement d'usage. Ainsi, cet outil ne permet pas d’anticiper les mutations et constitue un obstacle à ces principes. Toutefois, ces catégories restent nécessaires pour les collectivités, car elles permettent de contrôler le développement du territoire et de déterminer ses besoins en équipements et en services, en fonction des secteurs. Une première solution pour évoluer vers la réversibilité fonctionnelle des édifices, pourrait alors consister à créer un permis «deux-en-un».336 Afin d’autoriser une destination première, qui serait par exemple du bureau et de définir par avance, une deuxième destination. Toutefois, l'évolution de la ville et de son PLU ne pouvant être prédite, il resterait nécessaire de vérifier que la transformation envisagée demeure en accord avec les règles d'urbanismes, lors de son deuxième cycle. L'autre solution envisageable, pourrait également consister à créer un permis en deux temps. D'abord un permis «de principe»337, arrêtant les caractéristiques essentielles du projet. Comme son implantation, sa morphologie, ainsi que sa structure, qui resteraient des éléments immuables. Puis un permis «d’exécution»338, qui détaillerait la destination, la partition interne du bâtiment et ses divers scénarios d'usages, qui pourrait donc faire l'objet d'un permis allégé, ou d'une simple autorisation. Ceci afin de faciliter les démarches futures et d'encourager les propriétaires à transformer leurs immeubles, plutôt qu'à les conserver vacants en occupant le foncier pour une revente ultérieure.

Vers un PLU adapté Le Plan local d’urbanisme, définit ensuite les orientations d’aménagement globales et détermine les règles d’un bâtiment, dans un lieu donné. Ces règles peuvent imposer en outre des limites d'implantations, des gabarits, des hauteurs, ou des critères de matérialités. Ces documents ont donc un rôle significatif dans l’élaboration d’un projet et peuvent compliquer la réalisation d’un bâtiment réversible. L’évolution des usages n’étant pas prévue dans la législation. Il est alors nécessaire de réfléchir sur la manière d’adapter ces documents, si l’on souhaite favoriser l'émergence d’édifices réversibles.339 Ceci pourrait se faire notamment en définissant des zones où la réversibilité serait favorisée, avec un assouplissement des règles dans ces secteurs. L’approche de la réversibilité pourrait ainsi s’inscrire dans une vision stratégique à l’échelle d’un territoire. Aujourd'hui, encore trop de collectivités ont en effet une approche directive, accentuant la segmentation entre les usages et imposant une définition figée des programmes selon les secteurs.340 Au contraire, les enjeux d’un territoire réinventé supposent une approche plus globalisante et souple. Par ailleurs, il est apparu que la servitude de logements sociaux, qui impose un seuil minimum de 20 % dans toute opération, pouvait constituer un frein à la réversibilité.341 Ainsi, la loi de mixité sociale prévue dans le PLU peut constituer un obstacle. La possibilité de déroger aux servitudes de mixité sociale ou aux réglementations, dans le cas d'un ouvrage réversible, pourrait alors favoriser la flexibilité de l'ouvrage. 336 - GUILLOT David, «L’obsolescence de l’immeuble les grands enjeux de la réversibilité», in Le Moniteur, 2018, novembre, n°110, p. 32. 337 - Ibidem. 338 - Ibidem. 339 - LAFFITTE Pierre, «Sur le chemin de la réversibilité des bâtiments», in Le Moniteur, 4 janvier 2019. 340 - RUBIN Patrick, Construire réversible, Paris, Canal Architecture, 2017, p. 72. 341 - GUILLOT David, «L’obsolescence de l’immeuble les grands enjeux de la réversibilité», in Le Moniteur, 2018, novembre, n°110, p. 31.

117


La ZAC comme outil potentiel en faveur de la réversibilité Les élus disposent enfin d'outils juridiques, qui pourraient être utilisés en faveurs de la réversibilité. La ZAC, pourrait ainsi être employée en ce sens. En effet, dès lors que l'évolutivité n'est à ce jour réalisable économiquement que pour des constructions d'une taille conséquente, il serait donc intéressant de favoriser l'émergence d'immeubles mutables dans les opérations de ZAC. Celles-ci étant susceptibles d'accueillir des programmes de grande ampleur. Le programme global des constructions (PGC), présent au dossier de réalisation de la ZAC, offrirait ainsi une certaine souplesse potentiellement exploitable.342 Il serait ainsi intéressant d'inciter dans ce cahier des charges à la réversibilité des immeubles à réaliser. Les ZAC offrent en effet aux personnes publiques un outil global d'aménagement, qui organise notamment la programmation des équipements publics à réaliser sur un territoire. Or, celle-ci constitue l'un des aspects les plus délicats de la réversibilité des bâtiments, car il est complexe d'anticiper les équipements nécessaires à l'avenir, si les bâtiments sont susceptibles de muter. La collectivité pourrait donc prévoir, dans le cadre des projet de ZAC, des seuils de réversibilité admis sur le secteur, en lien avec la programmation de ses équipements publics.

2 – Cadres juridiques et normatifs à l'échelle du bâti et des composants Vers un lissage des normes La création d’immeubles réversibles pose également des problématiques sur le plan technique et normatif, à l'échelle du bâtiment. En effet, chaque programme obéit à des réglementations et des standards propres, qui diffèrent d'une catégorie à l'autre. Dans ce contexte, édifier un immeuble mutable suppose donc la conception d’un bâtiment pouvant permettre un compromis entre ces différentes normes. Ainsi, la réglementation en matière de sécurité incendie, de thermique et d’accessibilité, sont autant de facteurs auxquels des compromis pourraient être repensés.343 L'exemple de la réglementation incendie, qui définit des critères de sécurité d'évacuation, peut donc potentiellement devenir un frein à la réversibilité. Cette réglementation définit en effet des distances à respecter entre les accès. Or, celles-ci diffèrent selon la destination du bâtiment. De 15m pour le logement, à 40m pour les bureaux. De plus, selon la capacité d'accueil du bâti, les dimensions et le nombre de sorties vont varier.344 Il conviendrait alors de lisser ces différentes normes, afin de permettre plus de souplesse et de possibilités de transformations. Ainsi, plutôt que de classer les bâtiments par usages et capacités d'accueil, il serait envisageable de les classer par surfaces, hauteurs et capacités. Ceci permettrait d'ajuster les normes pour divers usages, facilitant leurs mutations. On peut noter par ailleurs que ces outils sont déjà étudiés. En effet, la loi Elan, qui affiche un objectif de reconversion des immeubles vacants, apporte un dispositif particulièrement utile à cette problématique. Jusqu'à présent, il n'existait qu'une seule catégorie juridique d'immeubles. Ceux de grande hauteur, avec une distinction selon leur destination. Abandonnant ce critère, la loi Elan a ainsi créé une nouvelle catégorie : les immeubles de moyenne hauteur. Leurs règles en matière d'incendie sont ainsi identiques quel que soit leur programme.345 Ceci tend ainsi à favoriser la mixité des usages, mais également leur réversibilité.

Vers une adaptation des cadres juridiques Dans une société régie par des cadres normatifs et juridiques, sortir de la pratique communément employée peut parfois s'avérer difficile. Pour le bâtiment réversible structurellement, la problématique devient en effet complexe. Après la déconstruction, l'usage des matériaux issus du réemploi interroge ainsi sur le statut juridique du déchet. Légalement, le statut de déchet empêche notamment sa réutilisation. En effet, la normalisation stricte des matériaux rend difficile le réemploi des composants issus de la déconstruction, en conservant l’exigence technique et normative légale. Or si la norme n'est pas respectée, il est délicat de faire accepter le matériau auprès des assureurs et des investisseurs.346 L'obligation du marquage CE et la déclaration des performances des matériaux, pose alors questions. 342 - LAFFITTE Pierre, «Sur le chemin de la réversibilité des bâtiments», in Le Moniteur, 4 janvier 2019. 343 - RUBIN Patrick, Construire réversible, Paris, Canal Architecture, 2017, p. 35. 344 - GUILLOT David, «L’obsolescence de l’immeuble les grands enjeux de la réversibilité», in Le Moniteur, 2018, novembre, n°110, p. 34. 345 - LAFFITTE Pierre, «Sur le chemin de la réversibilité des bâtiments», in Le Moniteur, 4 janvier 2019. 346 - MIALET Frédéric, "L'ADEME identifie les freins au réemploi des matériaux de construction", in Le Moniteur, 25 juillet 2016.

118


Le faible taux de valorisation des déchets de la construction peut s'expliquer par ailleurs par un ensemble de facteurs inhérents à ces problématiques. Notamment des déchets mélangés lors des déconstructions, des difficultés à les trier, des surcoûts engendrés par leur gestion, le manque de sensibilisation des acteurs de la construction, ou encore le manque de centres pour leur valorisation.347 Ainsi, il conviendrait de revoir ces cadres, pour les ajuster en faveur du réemploi et de la déconstruction. On pourrait également envisager une réduction fiscale pour les édifices favorisant ces pratiques, afin d'encourager les constructeurs à s'engager dans ces démarches. Toutefois, si la réglementation prévoit à l'avenir des dérogations pour appliquer plus facilement le réemploi, la question des garanties et des responsabilités liées aux matériaux utilisés, reste entière et peut constituer un frein.348 En effet, la mise à profit de matériaux issus du réemploi peut être entravée par la question de la responsabilité juridique. Qui endossera la responsabilité en cas de défaillance ? De plus, la garantie décennale et dommage d'ouvrage, pose également question. Certaines entreprises peuvent ainsi être réticentes à mettre en œuvre de tels procédés, car elles engagent leur responsabilité. Ce qui nécessite alors une adaptation des contrats de garantie. Enfin, les matériaux issus du réemploi ne peuvent entrer dans le cadre d’une garantie biennale, qui ne s’applique qu’aux matériaux neufs.349 Cela implique en outre qu'un matériau issu du réemploi n'est ni assuré, ni garanti. Les questions juridiques constituent donc un frein important à la démontabilité et au réemploi, dans le secteur du BTP. Cependant, la structuration des filières et l’évolution de la réglementation devraient permettre, à l'avenir, de faciliter ces approches innovantes de conception.

La question de l'ACV dans la déconstruction L'Analyse de Cycle de Vie (ACV) appliquée au bâtiment, est une méthode d'évaluation environnementale, qui permet de quantifier les impacts d’un bâtiment sur l'ensemble de son cycle de vie.350 En considérant toutes ces étapes, l'ACV permet alors d'identifier si les choix de conception sont adaptés non seulement pour l'utilisation, mais aussi pour la construction et la fin de vie de l'ouvrage. Elle permet ainsi de questionner la combinaison des matériaux utilisés et leurs assemblages, ainsi que les dispositifs mis en œuvres. Le but d'un édifice réversible structurellement étant de favoriser la déconstruction en fin de vie et le réemploi ou le recyclage des composants, cet outil apparaît alors comme indispensable. Toutefois, concernant l'ACV nécessaire à la démontabilité optimisée de l'ouvrage, deux types d'obstacles semblent freiner sa mise en place. Le premier, touche au déroulement des étapes de conception et de la mise en place de l'ACV dans le projet, car celle-ci vient trop tard. Ainsi, quand les résultats sont connus, modifier le bâtiment est trop coûteux et l'on mise alors sur la déconstruction partielle ou la démolition. Les données sont également difficiles à obtenir, et doivent être nombreuses pour être fiables et utilisables.351 De plus, l’ACV coûte cher par rapport aux bénéfices qu’elle apporte pour le maître d'ouvrage. Toutefois, une tendance à la baisse des coûts de réalisation a été notée, afin de favoriser sa mise en place. D’autres freins concernent également la communication autour de l’ACV. En effet, il n’existe pas de références auxquelles comparer les résultats. Ceci ne permet donc pas de positionner les projets comme performants ou non, car il n’y a pas d’échelle relative. L'ensemble de ces facteurs n'incite donc pas les acteurs à se diriger vers la déconstruction, considérée comme étant trop compliquée à mettre en œuvre.352 Afin de développer l'architecture réversible, il serait donc pertinent de requestionner ces cadres juridiques, en apportant une meilleure communication sur le sujet. Afin d'encourager l'intégration de l'ACV dès la conception du projet. Enfin, les changements de propriétaire pourraient par ailleurs constituer un frein à la collecte de données fiables et donc un obstacle au bon déroulement de la déconstruction de l'ouvrage. Une solution envisageable serait notamment que les concepteurs soient chargés de sa gestion à long terme. Ainsi, les données concernant l’actif resteraient à jour et seraient disponibles au moment du démontage, afin de garantir et faciliter la déconstruction et la revalorisation des matériaux.353

347 - ROTOR, Déconstruction et réemploi : comment faire circuler les éléments de construction, Lausanne, PPU Romandes , 2018, p. 54. 348 - Ibidem, p.55. 349 - Ibidem. 350 - Définition disponible sur le site <www.bazed.fr>. 351 - MIALET Frédéric, "L'ADEME identifie les freins au réemploi des matériaux de construction", in Le Moniteur, 25 juillet 2016 . 352 - Ibidem. 353 - Ibidem.

119


3 – Cadres fiscaux et économiques Une fiscalité à requestionner À ce jour, peu de mesures fiscales favorisent également la réalisation d’immeubles réversibles, ou la transformation d’immeubles existants. En effet, les coûts fiscaux induits en matière de TVA en cas de transformation d’un immeuble de bureaux vers du logement, activité par hypothèse non-récupératrice de TVA, constituent très vraisemblablement un frein. Ceux-ci engendrent en outre des pertes financières pour le maître d'ouvrage.354 La réversibilité d’un bâtiment implique également un changement de destination. Ce changement de destination aura donc des conséquences fiscales, notamment l’éventuel assujettissement à la taxe pour création de bureaux, qui représente des coûts supplémentaires. De plus, le système fiscal différencie les régimes d’imposition, suivant les affectations des édifices.355 À Paris par exemple, les logements vacants sont plus taxés que les bureaux. Ceci n’incite donc pas les propriétaires à céder ces derniers, ni à les transformer en logement.356 Il demeure également un problème de fiscalité plus général pouvant freiner ces démarches. En France, la taxe foncière est extrêmement faible dans les zones tendues, où bureaux et logements vacants coûtent donc relativement peu chers. Tandis que ceux-ci bloquent le foncier et n'aident pas à réduire la pénurie de logements.357 Les outils législatifs, réglementaires ou fiscaux, devraient donc être requestionnés, afin de favoriser d'avantage les changements de destinations et donc la réversibilité ou la mutabilité des constructions à l'avenir.

Une équation économique encore fragile Enfin, le sujet de l'économie d'un projet réversible reste un point sensible à questionner. En effet, les théories avancées par les constructeurs affirment une part conséquente d'économie sur les travaux de transformations, pour passer d'un usage à l'autre. Affirmant une économie de matière première, et donc des bénéfices par la revalorisation des éléments en fin de vie.358 Toutefois, le prix de construction d'un ouvrage réversible reste sensiblement identique, voire plus élevé qu'un projet standard.359 De plus, l'aspect relativement récent des projets réalisés, ne permet pas encore d'établir un bilan économique fiable sur les cycles de vies d'un immeuble réversible. Il reste alors à démontrer dans les prochaines années, des potentialités de ces ouvrages, afin de prouver les bénéfices d'une telle conception. Des études économiques et données fiables pourraient ainsi être utilisées à l'avenir, afin de convaincre les investisseurs à se tourner vers ces pratiques émergentes. Ainsi, le développement de ce nouveau type d'ouvrages nécessiterait une profonde remise en question des différents cadres qui régissent la construction, afin d'encourager ces pratiques. Toutefois, les outils envisagés restent à ce jour des hypothèses, proposées par certains praticiens et il n'est pas encore défini que de telles alternatives puissent réellement être appliquées. En revanche, celles-ci ont l'avantage de questionner ces facteurs, ouvrant ainsi le débat global autour de la réversibilité auprès de l'ensemble des acteurs concernés.

354 - GUILLOT David, «L’obsolescence de l’immeuble les grands enjeux de la réversibilité», in Le Moniteur, 2018, novembre, n°110, p. 48. 355 - Ibidem. 356 - RUBIN Patrick, Construire réversible, Paris, Canal Architecture, 2017, p. 69. 357 - Ibidem. 358 - Ibidem, p. 55. 359 - Ibidem, p. 70.

120


B) Les acteurs de la réversibilité et les métiers à requestionner Lors du développement d'un ouvrage réversible, un ensemble d’acteurs aux relations complexes peuvent également intervenir et impacter sa réalisation. Car aux aspects financiers, commerciaux et techniques propres à toute opération de construction, s’ajoute une dimension politique et d’aménagement territorial qui peut poser questions. La réversibilité dans sa conception globale, fait ainsi intervenir des acteurs multiples, qui peuvent avoir de réels impacts sur son potentiel de développement. Les questionnements lors de la conception de tels ouvrages et l’interrogation des facteurs de réversibilité, remettent également en question les métiers autour de cette pratique et les interrogations post-conception, font également intervenir de nouveaux aspects dans la gestion de ces ouvrages particuliers. Nous verrons donc ici quels sont les acteurs de la réversibilité qui peuvent faciliter ou impacter son potentiel de développement, ainsi que les métiers à requestionner pour évoluer dans le sens de ces dispositifs.

1 – Les acteurs de la réversibilité et leurs impacts sur son développement Les acteurs politiques Tout d'abord, les premiers acteurs pouvant impacter la réversibilité des ouvrages sont les acteurs politiques de la ville. En effet, ceux-ci influencent les décisions territoriales et le développement des villes, des normes et des règles, qui définissent les constructions. Le maire par exemple, délivre les autorisations d'urbanisme nécessaire à chaque nouvelle construction ou réhabilitation, en agissant au nom de la commune ou de l’état.360 Ainsi, celui-ci peut refuser la construction d'un projet lors de la demande de permis. Le développement des édifices réversibles, commence donc par l'acceptation et la compréhension de ces innovations auprès des acteurs du développement des territoires. Afin de favoriser la réversibilité, il pourrait ainsi être pertinent de sensibiliser les maires et les communes à ces nouvelles pratiques, en leurs présentant les avantages que peuvent constituer ces constructions sur le long terme. Ainsi, le développement de la réversibilité passera nécessairement par la collaboration entre les acteurs politiques et les acteurs de la conception, pour évoluer vers un développement durable des territoires. Cette collaboration pourrait en outre permettre de développer des réglementations et des normes en accord avec ces principes, afin de faciliter la conception et d'encourager ces dispositifs.

Les acteurs de la construction D'autres types d'acteurs interviennent également dans le développement d'une architecture réversible, notamment les concepteurs du projet, dont l’architecte qui est au cœur de ce système. Celui-ci conçoit en effet le projet pour le commanditaire et peut dialoguer avec les différents spécialistes, en portant un regard transversal et prospectif sur le projet.361 Son travail devrait ainsi pouvoir aider à mener à des constructions en accord avec les schémas de développement durable du territoire. Toutefois, les architectes ne développent pas tous les mêmes conceptions, se spécialisent dans des domaines, ou ne sont pas systématiquement informés des innovations architecturales et constructives qui émergent. Sensibiliser les acteurs de la conception parait alors être la première étape du développement serein de ces architectures, afin de les encourager à questionner et expérimenter ces nouvelles pratiques. Outre les architectes qui interviennent lors de la conception, d'autres acteurs du BTP interviennent également à d'autres étapes, notamment lors des chantiers. C'est par ailleurs le cas des entrepreneurs du BTP, qui réalisent les travaux publics, de gros œuvre ou de second œuvre. Toutefois, ce secteur à aujourd'hui tendance à se spécialiser dans certains types de constructions et reproduit des savoirs-faire acquis lors des différents chantiers.362 Il pourrait donc être intéressant pour encourager ces acteurs à se tourner vers la réversibilité, de les sensibiliser à ces dispositifs et de les former à ces nouvelles pratiques. Car si la construction réversible induit de nouvelles conceptions, elle induit également de nouveaux moyens de mise en œuvre avec des assemblages spécifiques, que toutes les entreprises ne maîtrisent pas nécessairement.

360 - RUBIN Patrick, Construire réversible, Paris, Canal Architecture, 2017, p. 50. 361 - Ibidem. 362 - Ibidem, p. 51.

121


Enfin, les derniers acteurs de la construction pouvant faciliter le développement des architectures réversibles, sont les promoteurs. Celui-ci commercialise et mène l’étude de marché, analyse la faisabilité du projet, obtient les autorisations, rassemble les financements, consulte les architectes et supervise les opérations de conception et de construction, en qualité de maître d’ouvrage.363 Le promoteur peut ainsi influencer les investisseurs à se tourner vers ces nouvelles pratiques, en choisissant de développer ces concepts dans des édifices pouvant servir d'exemple. Le développement de la réversibilité devra alors nécessairement passer par la sensibilisation des promoteurs à ces démarches, afin de les encourager à investir et à promouvoir ces méthodes de conception auprès des investisseurs.

Les acteurs financiers Enfin, les acteurs financiers et les investisseurs ont également un impact, sur le développement ou les freins de ces architectures. L’investisseur est un acteur professionnel des marchés financiers, qui collecte de l’épargne et investit pour ses clients et pour son propre compte, dans différentes classes d’actifs.364 Ainsi, ceux-ci possèdent une grande influence sur le développement de ces systèmes, puisque ce sont eux qui investissent dans les ouvrages à construire. Toutefois, il reste difficile de convaincre ces acteurs à expérimenter ces dispositifs, car cela induit un léger surcoût difficile à comprendre lors de la conception.365 Les investisseurs sont ainsi généralement intéressés par le rendement à court terme et peu intéressés par l'aspect prospectif des actifs, dû à la logique économique qui régit le marché actuel. Toutefois, il y a deux types d’investisseurs. L’investisseur de développement, qui vend un produit dès sa finalisation et pour qui la pérennité de l’actif n’a pas de pertinence. Ainsi que l’investisseur de fonds, qui récupère et développe un actif, pour qui la réversibilité des bâtiments peut représenter un schéma créateur de valeur dans le temps.366 Comme il travaille sur le long terme, celui-ci sera donc plus intéressé par un immeuble réversible, car la modification de son actif alors qu’il le possède permettra de le revaloriser. Il serait alors intéressant de sensibiliser ces acteurs aux bénéfices induits par le potentiel de mutabilité des ouvrages, sur le rendement à long terme et sur les économies potentielles que cela implique, afin de les encourager à investir dans ces marchés émergents.

2 – Les métiers à requestionner pour évoluer vers la réversibilité des constructions Pour permettre et faciliter le développement des architectures réversibles à l'avenir, il serait donc pertinent de croiser les intérêts de tous les acteurs de ce secteur et de les sensibiliser à ces pratiques innovantes. Toutefois, la réversibilité n'implique pas uniquement de questionner les impacts de ces acteurs, mais interroge également les métiers liés à sa conception et à sa gestion. Ces dispositifs induisent en effet des évolutions dans la conception et la gestion de l'immeuble post-construction, qui interrogent ces acteurs.

Les programmistes Le fait de dissocier le bâtiment de ses usages dans la conception, remet tout d'abord profondément en question son programme et donc questionne par ricochet le métier de programmiste. En effet, nous avons pu voir que les catégories strictes de destination des édifices actuels, réglées sur les normes économiques du marché et les contraintes qu'elles imposent, peuvent impacter la capacité de mutation de l'ouvrage et accélérer son obsolescence. Il serait alors intéressant de repenser ces programmes, non pas par rapports aux facteurs économiques des projets, mais par rapport aux modes de vies des usagers et à leurs besoins actuels et futurs. Penser la réversibilité nécessiterait alors de créer des programmes évolutifs, flexibles, et en lien avec les différents usages potentiels des espaces. 367 Cela questionne également sur la potentialité de créer des espaces dissociés du programme, dans une matrice capable et mutable.

363 - RUBIN Patrick, Construire réversible, Paris, Canal Architecture, 2017, p. 51. 364 - Ibidem, p. 50. 365 - Ibidem, p. 69. 366 - Ibidem, p. 72. 367 - REVEDIN JANA, Construire avec l’immatériel, Paris, Gallimard, Alternatives, 2018, p. 10.

122


Les concepteurs Concevoir des édifices réversibles implique également de nouvelles visions architecturales, tournées vers la prospection et l'anticipation, remettant en question son processus de conception. Cela nécessite en effet, de requestionner les ouvrages et leurs facteurs de réversibilité lors du projet et nécessite d'accepter l'idée de concevoir des édifices neutres, ou temporaires. Penser la réversibilité passe alors par une remise en question du rôle du concepteur et de sa pratique du métier. Donc peut-être également, par la remise en question de l'apprentissage de ces processus. En effet, la réversibilité contredit certains acquis de l'acte de projectualisation. Il pourrait donc être intéressant pour faciliter son développement, de sensibiliser les architectes dès leur formation, afin de les encourager à repenser ces ouvrages. Il pourrait alors être également pertinent de les sensibiliser au réemploi et d'encourager ces pratiques en amont, pour leur donner un tremplin dans le domaine du bâtiment. Enfin, il serait intéressant de sensibiliser les architectes aux pratiques de transformations et de réutilisation de l'existant, dès l'école. La formation est en effet encore tournée sur le développement de projets neufs, dans des contextes aux grandes parcelles dégagées. Toutefois, les principes de développement des villes sont aujourd'hui tournés vers le recyclage de l'existant et la densification, sur des parcelles imbriquées dans des contextes denses. Il devient alors nécessaire de remettre en relation les formations avec ces préoccupations, afin de former les futurs architectes à ces pratiques et d'encourager ces démarches.368

Les constructeurs Construire des ouvrages réversibles remet également profondément en question les constructions actuelles et leurs chaînes de production. Ainsi, édifier un bâtiment réversible nécessiterait également de requestionner ses assemblages et questionne également son démantèlement et le remploi de ses éléments en fin de vie.369 Ceci implique alors l'apprentissage de ces nouvelles mises en œuvre pour les ouvriers et nécessitera potentiellement des formations complémentaires, afin de les sensibiliser à ces matériaux et à ces techniques. Ces formations pourraient, en outre, leur permettre de comprendre quels composants sont potentiellement ré-exploitables après déconstruction, et quels éléments sont à recycler. Cela implique donc de nouvelles compétences pour les entreprises, afin de garantir la bonne mise en œuvre de ces ouvrages et leur déconstruction.370

Les gestionnaires Enfin, comme explicité en amont, la réversibilité ne questionne pas uniquement la conception ou la construction de l'ouvrage, mais questionne également sa gestion post-construction. Ainsi, il serait intéressant que la gestion des immeubles puisse favoriser la bonne circulation des informations liées à ce potentiel de réversibilité. Afin de réduire les démarches lors de la transformation et de permettre le bon déroulement de ces mutations.371 Il pourrait en outre être intéressant que ces gestionnaires futurs soient des personnes impliquées dans la conception de l'ouvrage et qualifiées pour les diagnostiques à réaliser lors de la transformation. Il serait alors souhaitable que la personne en charge de ces mutations ait participé aux phases de conception et de construction de l'ouvrage. Afin d'assurer le suivit et la bonne transmission des informations nécessaires à sa mutation, ou à sa déconstruction.372 Plutôt que des gestionnaires génériques et multiples, il serait alors intéressant que l'architecte concepteur du projet assiste celui-ci dans ses phases futures, en tant que spécialiste. Une sorte de garantie sur le long terme, assurant le développement efficace de ces outils.

368 - REVEDIN JANA, Construire avec l’immatériel, Paris, Gallimard, Alternatives, 2018, p. 11. 369 - ROTOR, Déconstruction et réemploi : comment faire circuler les éléments de construction, Lausanne, PPU Romandes , 2018, p. 120. 370 - Ibidem, p. 198. 371 - Ibidem, p. 150. 372 - Ibidem, p. 155.

123


C) Les questionnements autour de la réversibilité Enfin, la réversibilité des constructions soulève également un certain nombre de questions, relatives au domaine de l’architecture. En effet, cette notion interroge, au-delà des cadres techniques ou constructifs, des concepts plus larges. Nous interrogerons alors dans cette partie les incidences et questionnement que peut impliquer cette notion, autour du domaine de l’architecture et des constructions.

1 - La place et le rôle de l’architecte dans la conception réversible Jusqu’ici, nous avons questionné le développement d’un projet réversible, uniquement au travers d’un concepteur et praticien du domaine de l’architecture. En remettant en question ses impacts sur les crises sociales et environnementales actuelles, dans le développement de nos villes. Toutefois une question subsiste face à cette notion : Quel est le rôle de l’architecte aujourd’hui dans la conception d’un tel projet ? C’est en effet une question fondamentale, à laquelle nous devons penser dans cette période d’évolutions des manières de concevoir nos villes. En effet, le temps de l’architecte omniscient de Hegel semble révolu.373 L’architecte démiurge appartenant au passé, le métier tend alors progressivement à la transversalité. Il s’appuie ainsi désormais sur la maîtrise d’œuvre, les bureaux d’études, les urbanistes, les usagers et spécialistes, pour concevoir les projets. Pour faire le lien entre ces savoir-faire, l’architecte semble toutefois persister en tant qu’homme de synthèse, possédant une vision globale de ces questions. Mais il devient ainsi acteur d’un écosystème, engageant une multitude de registres et d’acteurs.374 Cette méthode qui se généralise, met donc en commun le savoir de tous les corps de métier participant à la réalisation d’un édifice, faisant également appel à d’autres ressources. Cette évolution du statut de l’architecte, pose donc question sur son rôle et sa valeur aujourd’hui, à fortiori dans un projet basé sur des «dispositifs» de réversibilité. En effet, si les promoteurs commencent à tendre vers ces conceptions émergentes, on notera que celles-ci cherchent à développer des «modèles» et des «systèmes», applicables pour divers projets.375 Que reste-t-il alors du rôle du concepteur dans ces systèmes ? Néamoins, l’architecte semble rester à ce jour, l’expert qui rassemble, interprète et utilise ces données techniques dans le projet. En y ajoutant des questions de contextes, de confort, d’Histoire et d’identité, qui sont le fondement de chaque projet. Ainsi, il faudra prendre garde à ce que ces dispositifs de réversibilité ne deviennent pas une fin en sois, mais participent de ce processus de conception. Toutefois, cette notion fait également écho à d’autres acteurs et à d’autres contextes. Si la notion de réversibilité et de temporaire imprègne toute la vie en société, c’est en effet dans l’urgence qu’elle semble se pratiquer en majorité. Par nécessité et pragmatisme.376 En effet, nombre d’expositions d’architecture récentes se sont tournées vers cette question de villes éphémères, de l’« encampement » du monde et de la précarité constructive.377 Ces expositions explorent ainsi le thème de l’habiter autrement et du construire autrement, sans architecte, de façon plus informelle. Ceci offre alors un panorama d’habitats différents, éphémères ou durables, qui démontrent des capacités de ces populations à explorer les thèmes du temporaire, du flexible, du démontable, du réemploi et du soutenable. Ce phénomène de réversibilité des constructions, est alors observé hors des cadres. Ce qui pose alors une question pour nos sociétés et pour son architecture : et si la réversibilité faisait appel à la collaboration entre concepteurs et usagers ?  Il serait en effet intéressant d’observer dans ces habitats, des inventivités spatiales et des potentiels de résilience, de nouvelles manières de construire et de concevoir en les interrogeant comme des précurseurs d’une écologie et de savoir-faire exploitables.378 Ainsi, la réversibilité pourrait s’inventer en partant des usagers, avec des réglementations moins figées et contraignantes, en relation avec les espaces de la ville et de ses habitants. Ceci requestionne alors l’idée du concepteur unique et sachant, et replace l’idée de participation et de l’auto-construction au cœur du débat sur la conception réversible.

373 - BRIGNON Daniel, «L’architecte porte une mission d’intérêt public», L’essor, 13 octobre 2017. 374 - REVEDIN JANA, Construire avec l’immatériel, Paris, Gallimard, Alternatives, 2018, p.110. 375 - Voir le système «Conjugo» de Vinci, le système «Office switch home» de Bouygues, et le label «IDI» de Icade. 376 - RUBIN Patrick, Construire réversible, Paris, Canal Architecture, 2017, p. 8. 377 - Voir le catalogue Habiter le campement, Actes Sud, Cité de l’architecture et du patrimoine, 2016. 378 - AGIER Michel, Un monde de camps, Paris, La Découverte, 2014.

124


2 - La question du déjà-là et son potentiel de réversibilité Jusqu’à présent, nous nous sommes concentrés uniquement sur des projets neufs, avec une anticipation des mutations dans la conception. Toutefois, la majorité des édifices auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui, sont des édifices existants dont la conception n’a pas nécessairement été pensée pour ces critères. Nous parvenons donc tout de même à les transformer, malgré les longueurs des diagnostiques préliminaires. Car ceux-ci sont notamment considérés au cas par cas, comme un ouvrage d’artisanat.379 Quels sont alors les facteurs, qui participent de ce potentiel de transformation sous-jacent des édifices ? Tenter de définir ces facteurs, revient à tenter de définir ce qui relève du permanent et du temporaire dans une architecture et à les dissocier, à l’image du travail évoqué dans l’ouvrage de Stephen Cairns.380 Le premier facteur de ce potentiel, semble alors être son ossature. Celle-ci est en effet l’élément avec le cycle le plus long et peut grandement impacter son potentiel de transformation. Étant majoritairement conservée lors des mutations. Ainsi, pour assurer la pérennité du bâti, sa structure pourrait être systématiquement dessinée pour autoriser différents usages, quel que soit son programme. Cet élément devrait également être le premier pris en considération, pour déterminer de la faisabilité des mutations des ouvrages. En effet, si celle-ci est suffisamment permissive, il est probable que l’édifice pourra faire preuve d’un fort potentiel de transformations. Ainsi, la structure rejoindra les facteurs de morphologies évoqués plus haut. Si les hauteurs sont généreuses, les épaisseurs peu profondes ou bien éclairées et que sa structure permet de libérer des espaces sans trop de contraintes, permet de modifier les ouvertures ou bien que celles-ci sont tramées ; alors le bâtiment aura toutes les chances d’accepter divers usages. Ce type de structure, que l’on pourrait qualifier de capable, se retrouve dans les immeubles Haussmanniens mais aussi dans l’industrie, ou encore les parkings. Dans le cas d’une déconstruction, la structure devra également faire preuve des facteurs de démontabilité énoncés plus haut, sur les assemblages et les finitions des composants. Ainsi, les bâtisses bétonnées aux murs de refend multipliés, semblent constituer des constructions peu enclines aux mutations. Il semble donc préférable de privilégier les constructions aux structures séparant les éléments horizontaux et verticaux, avec moins de points porteurs, en privilégiant également les filières sèches pour favoriser les assemblages démontables. L’autre facteur de réversibilité des ouvrages, semble également être la matérialité. En effet, celle-ci représente un facteur important dans la durabilité d’un édifice et dans son potentiel d’évolutions. La qualité d’un matériau et de ses assemblages, définit en outre sa tenue dans le temps. Un édifice dont la matérialité et la qualité de construction lui permettent cette tenue, traversera ainsi plus aisément les années, avec moins d’entretien et de coûts à prévoir. De plus, les matériaux de qualités encouragent d’avantage l’effort demandé par une transformation, plutôt qu’un ouvrage de qualité inférieure aux matériaux usés et non ré-utilisables.381 La filière employée influe également sur les assemblages et les finitions de ses composants. Ainsi, la maçonnerie de petits éléments aux joints à sec ou les filières sèches, semblent favoriser la déconstruction. Tandis que les matières pérennes, comme le béton ou la pierre de taille, favorisent la ré-utilisation, la reconversion et la résistance dans le temps. Enfin, l’identité, la symbolique et l’intégration du bâtiment dans son contexte, jouent également un rôle dans sa pérennité. Si celui-ci est en relation étroite avec son contexte urbain, historique et social, son potentiel de transformation sera alors plus important. Malgré l’obsolescence de certains ouvrages et leur désuétude, nous avons parfois pu ainsi remarquer un attachement aux édifices, qui leurs garantissent une durabilité dans le temps. En effet il n’est pas rare de voir des associations manifester contre la destruction d’édifices, comme les ensembles de la Grande Marre de Rouen, sauvés de la démolition par les associations habitantes après les incendies dont ils ont fait l’objet. La réhabilitation porterait donc déjà en elle un potentiel de réversibilité. Intervenir sur le «déjà là», implique ainsi une position d’analyste de cette situation. Nous sommes en effet souvent confrontés à des bâtiments ayant déjà connu des transformations. Pour ces édifices « capables », dont la conception originelle possède ces capacités, il serait alors pertinent d’interroger et de capitaliser ces savoirs-faire de manière à incorporer cette intelligence constructive dans l’ensemble des ouvrages. Afin d’entrer dans des cycles de constructions durables.382 Transformer l’existant devient ainsi une autre forme de mutation, qui complète les perspectives de la réversibilité des constructions de demain. 379 - FRISON Marie-Noëlle et VINCELOT Sophie, «Des bureaux aux logements, une mutation encore hésitante», in Le Moniteur, 14 juin 2019. 380 - CAIRNS Stephen et JACOBS Anne, Buildings must die, Cambridge, MIT Press, 2014. 381 - ROTOR, Déconstruction et réemploi : comment faire circuler les éléments de construction, Lausanne, PPU Romandes , 2018, p. 99. 382 - RUBIN Patrick, Construire réversible, Paris, Canal Architecture, 2017, p. 66.

125


3 - Le risque du générique et de la banalisation des productions Le concept de réversibilité, aussi prometteur soit-il, comporte toutefois des risques sur lesquels certains architectes s'interrogent aujourd'hui. Le risque principal suscité par les constructions réversibles, est en effet celui de la standardisation des productions et de l’appauvrissement de l’écriture architecturale.383 En effet, l’architecture de ces dernières décennies a eu pour tendance une généralisation des esthétiques globale. Les exigences économiques et normatives, nous poussant par ailleurs à multiplier les constructions identiques, pour une facilité et une rapidité de mise en œuvre ainsi qu’une garantie de succès auprès du public et des investisseurs. Toutefois, cela peut comporter un risque de limiter les productions aux impératifs budgétaires et réglementaires, qui ne prennent pas toujours en compte le bien-être de l’usager et le devenir des structures. Multiplier des modèles identiques et génériques, ne peut suffire également à répondre à la nécessaire complexité des villes. Comme le dit Anne Démians «Ce n’est pas la réversibilité qui fait le projet, et il ne faudrait pas qu’industriels, promoteurs et constructeurs, se lancent avec enthousiasme à tartiner la France de nouveaux bâtiments réversibles».384 En effet, au-delà de l'effet de mode de l'émergence de ce concept auprès des majors du secteur, c'est bien d'une nouvelle façon de concevoir la ville et d'une transformation de l'acte de concevoir dont il est question.385 Ceci devrait donc demeurer une préoccupation centrale, au cœur de cette démarche. En effet, dessiner un édifice adaptable à plusieurs usages, nécessite un ouvrage suffisamment générique pour absorber ces programmes distincts. Ce qui nous amène à nous demander si le bâtiment réversible n'est pas, par définition, neutre. En étant neutre, s'il ne devient pas également banal. Toutefois, c’est cette neutralité qui ouvre les potentialités de la réversibilité. Ainsi, il est souhaitable pour que ces architectures ne soient pas banalisées, que celles-ci soient fortement en lien avec leur contexte, pour s'adapter au mieux avec le lieu où elles s’implantent. Le contexte regroupe alors divers éléments d'ordres Historiques, politiques, normatifs, sensibles, esthétiques et programmatiques, dont les architectes doivent prendre compte dans la conception du projet. Afin que celui-ci soit adapté à son lieu d'implantation et puisse posséder une identité propre. Porter attention à la neutralité que pourrait engendrer une déconnexion de la forme et de sa fonction, semble alors nécessaire. Il faudrait donc pouvoir proposer des architectures qui puissent répondre à la polyvalence ou à l’éphémère, tout en étant profondément ancrée dans leur contexte. Ainsi qu’une écriture singulière qui lui confère une identité et une esthétique, qui ne soit pas généralisée. C’est donc au concepteur qu’il appartient de perfectionner ses propositions, pour permettre de dessiner des bâtiments efficients à la fois sur le plan de la réversibilité, mais aussi de l’architecture et de l’adaptation à son implantation.386 Comme le dit Ian Brossat, «Il ne faudrait évidemment pas que les bâtiments réversibles se ressemblent tous, sous-prétexte que les constructeurs n’ont développé qu’une seule proposition constructive».387 Si la mutabilité pose question sur l’identité du bâtiment et sur le rôle de l’architecte, une conception réversible bien pensée ne devrait cependant pas se résumer à un espace banalisé. Elle devrait au contraire permettre d’aboutir à un espace qui acquière un esprit, une identité spécifique et un lieu investi et pensé par l’intelligence de celui qui l’utilise.388

383 - RUBIN Patrick, Construire réversible, Paris, Canal Architecture, 2017, p. 56. 384 - LERAY Christophe, «Réversibilité : de la théorie à la pratique», in Chroniques d’architecture, 03 mai 2016. 385 - Ibidem. 386 - RUBIN Patrick, Construire réversible, Paris, Canal Architecture, 2017, p. 57. 387 - BROSSAT Ian, in RUBIN Patrick, Construire réversible, Paris, Canal Architecture, 2017, p. 57. 388 - RAMBERT Françis, in RUBIN Patrick, Construire réversible, Paris, Canal Architecture, 2017, p. 14.

126


4 - Les mots et concepts facilitateurs de la réversibilité Favoriser le développement de ces architectures, passe ainsi par la sensibilisation de l’ensemble des acteurs qui y sont rattachés et donc aborde également la question du vocabulaire de cette notion. En effet, tout au long de ce mémoire, nous avons fait mention de «facteurs», de «dispositifs» et de «typologies». Il semble toutefois nécessaire de bien définir et sélectionner l’ensemble de ces notions, afin de favoriser la bonne diffusion de ces principes. En effet, nous avons pu constater que certains acteurs se lancent aujourd’hui dans la promotion de ce qu’ils nomment des «solutions de bâtiments réversibles».389 Toutefois, une solution renvoie à l’idée de résolution d’un problème et à une réponse définitive.390 Or, la réversibilité ne peut se définir par une solution unique et définitive, que les architectes pourraient multiplier. Nous avons en effet pu questionner dans ce mémoire divers facteurs de réversibilité et divers dispositifs envisageables et interprétables. Ainsi, il serait plus favorable de parler de «dispositifs» ou de «systèmes», qui rejoignent l’idée de moyens mis en œuvres dans le but de répondre à un besoin, comme celui par exemple de la mutabilité du bâti.391 Ainsi, ces vocabulaires inciteraient d’avantage à la réflexion et au développement de nouveaux potentiels, sans considérer la réversibilité comme un schéma figé et définitif. Ce sont également des mots couramment employé dans le domaine architectural. Tel que les «systèmes constructifs» ou les «dispositifs spatiaux», ce qui pourrait permettre d’intégrer plus facilement ces principes dans le secteur de la construction et auprès de ses acteurs. L’idée de «facteurs» de réversibilité, qui renvoie à l’idée d’un ensemble qui favorise un processus392, permet également d’interroger la conception et le bâtiment dans tous ses aspects. Afin de développer de nouveaux systèmes et de nouvelles potentialités. Nous pourrions également parler «d’outils» de réversibilité, qui renvoient à l’idée d’un élément qui permet de faire quelque chose, d’un moyen ou d’un instrument.393 Ainsi, la réversibilité pourrait être considérée comme un ensemble d’outils et de dispositifs, permettant de réinterroger les facteurs de mutabilité des bâtiments. Afin d’incorporer plus de flexibilité et de résilience dans les conceptions. Comme le précise Patrick Rubin, "Ceci est à envisager comme un outil appropriable, une partition ouverte à interprétation. Non pas une réponse formelle, ou un modèle, mais un cadre à l’intérieur duquel il devient vraisemblable de produire une réelle diversité architecturale".394 De plus, lors de la promotion de cas d’études réalisés, il serait judicieux d’incorporer ces vocabulaires permissifs, plus que de parler de «modèles» de bâtiment réversibles. En effet, l’idée de modèles renvoie à quelque chose de destiné à être reproduit.395 Or, comme nous l’avons exprimé plus haut, le bâtiment réversible peut comporter le risque d’un appauvrissement et d’une banalisation des constructions, si celui-ci n’est pas questionné au travers de l’ensemble de ce qui constitue le projet. Comme l’exprime Anne Démians «Il ne s’agis cependant pas d’un modèle, puisque le projet est traversé par la question du contexte.»396 Ainsi, il serait plus pertinent de parler «d’expériences» de réversibilité, afin de laisser le champ ouvert aux innovations futures, pour ces types de constructions. Enfin, nous avons parlé dans ce mémoire de la notion de «programme» tertiaire ou d’habitat. Or, nous avons pu remarquer que ces programmes, tels que définis communément, peuvent rigidifier les espaces et limiter leurs potentiels de mutations. Car rapprochent la conception de dimensions, de cadres et de normes prédéfinis. L’idée «d’usages» en revanche, exprime les fonctions et les emplois possibles d’un espace.397 Ainsi, concevoir des bâtiments avec l’idée d’usages appropriables et multiples pourrait libérer d’avantage l’imaginaire, favorisant ainsi la flexibilité et la réversibilité des espaces. L’idée d’une «typologie» réversible, permettrait également l’approfondissement de ce sujet. La typologie définit en effet l’analyse des composants d’un ensemble ou d’un phénomène, afin de le décrire. Dans notre cas, ce serait donc l’étude des types d’édifices et leur classification, selon plusieurs critères (dimensions, usages, distributions, systèmes constructifs, contextes...). Ainsi, nous pourrions parler du développement de typologies tertiaires réversibles, pour les constructions à venir.

389 - Voir le système «Conjugo» de Vinci, le système «Office switch home» de Bouygues, et le label «IDI» de Icade. 390 - Voir la définition de la solution, disponible sur <www.larousse.fr>. 391 - Voir la définition d’un système et d’un dispositif, disponibles sur <www.larousse.fr>. 392 - Voir la définition d’un facteur, disponible sur <www.larousse.fr>. 393 - Voir la définition d’un outil, disponible sur <www.larousse.fr>. 394 - RUBIN Patrick, Construire réversible, Paris, Canal Architecture, 2017, p. 35. 395 - Voir la définition d’un modèle, disponible sur <www.larousse.fr>. 396 - LERAY Christophe, «Réversibilité : de la théorie à la pratique», in Chroniques d’architecture, 03 mai 2016. 397 - Voir la définition d’un usage, disponible sur <www.larousse.fr>.

127



CONCLUSION Ce travail sur la notion de réversibilité aura ainsi permis d’interroger son potentiel de durabilité pour les architectures tertiaires de demain, face aux enjeux contemporains. Le questionnemment des expériences sur les architectures flexibles ou démontables du XIXe et XXe siècle, auront notamment permis de situer ses origines et de comprendre les contextes et enjeux qui ont menés ces architectes à interroger de nouvelles manières de concevoir. L’interrogation de son émergence actuelle, afin d’en saisir les enjeux, aura également permis de mettre en avant sa pertinence relative notamment au programme tertiaire, mais aussi de réaliser les ambitions connexes à ces principes. Enfin, l’étude de l’application de cette notion à la conception aura permis de définir en quoi, celle-ci devient un moteur d’évolutions de son processus de conception, de construction et de gestion. Nous avons ainsi pu constater qu’en ré-interrogeant l’ensemble des facteurs de conception, au travers du prisme de l’anticipation et de l’objectif de durabilité du bâti, cette notion pouvait permettre d’apporter une part de réponse à ces enjeux de crises. L’interrogation des cadres, risques et questions, que peuvent soulever ce principe autour du domaine de la production architecturale et de sa diffusion, nous auront toutefois fait réaliser les freins et limites existants relatifs à ce sujet. Nous avons ainsi pu déterminer par cette étude que la réversibilité pourrait donc représenter une opportunité soutenable pour le secteur du bâtiment, à fortiori pour le programme tertiaire. Bien que celle-ci doive faire aujourd’hui face à un certain nombre d’obstacles. En effet, cette notion, par divers aspects, entre en résonnance avec l’idée d’un développement durable des territoires. Abordant notamment l’idée du réemploi de l’existant, de l’économie de matière, de la démontabilité et du recyclage, ainsi que d’une conception pensée pour le temps long et un cycle circulaire. De plus, l’idée de mutabilité anticipée entre également en écho avec les crises singulières et concomitantes d’obsolescence des ouvrages, de démolitions-reconstruction et de leurs conséquences polluantes. Ainsi qu’avec les crises écologiques et démographiques ambiantes. Ce principe offre ainsi des potentiels exploitables pour les architectes, mais également pour les acteurs politiques, économiques et pour les usagers. Concevoir des constructions capables d’évoluer et de s’adapter aux besoins actuels et futurs, offre en effet des qualités globalement intéressantes pour l’ensemble des acteurs du développement des territoires. Ces dispositifs de conception possèdent donc un certain nombre de potentiels, notamment pour les typologies tertiaires ou d’habitat, qui apparaissent aujourd’hui inadaptées. En revanche, ces dispositifs dépendent encore de nombreux facteurs qui nécessiteraient de ré-interroger l’ensemble de la conception, de la construction, de la gestion, des cadres et du rôle des acteurs du bâtiment pour développer ces systèmes à l’avenir. Cette étude reste donc relativement théorique et hypothétique, mais permet toutefois d’envisager le potentiel que pourrait représenter la réversibilité pour ce secteur et pour l’architecture de demain. En revanche, hormis les cadres typologiques, juridiques et normatifs interrogés dans ce mémoire, la réversibilité soulève également d’autres enjeux plus informels. En effet, si les cadres ont tendance à figer et à restreindre les constructions, d’autres espaces réversibles et appropriables pourraient être envisagés, afin d’apporter cette part de mutabilité des villes dans des réponses plus ouvertes. L’enjeu démographique et climatique mondial et les sujets de l’urgence, des réfugiés ou des catastrophes naturelles, appellent en outre à de nouvelles hypothèses pour y répondre. Le développement de systèmes inspirés de la réversibilité des ouvrages, pourrait ainsi devenir une opportunité grandissante, afin de s’adapter à ces demandes de quantité, de rationalisation des espaces, de rapidité d’exécution, d’économie, de temporalité et d’efficacité des réponses apportées. A l’image du travail engagé dans le contexte de la reconstruction, étudié en première partie. Répondre aux vulnérabilités du territoire et aux grands changements de société qui impactent aujourd’hui le monde, pourrait donc s’inspirer de ces outils. Les réponses proposées pour l’hospitalité dans l’urgence des moments de crises, appellent en effet à des territoires et des conceptions globalement repensés pour plus d’adaptabilité. Concevoir des territoires propices à l’appropriation, avec des espaces reconfigurables, ouvrirait ainsi le champ des possibles, avec des habitants devenant acteurs de leurs lieux de vie. Permettant ainsi une meilleure anticipation des enjeux actuels et futurs dans les conceptions, pour une ville globalement plus soutenable et durable.



BIBLIOGRAPHIE Ouvrages - ABRAM Joseph, L’Architecture Moderne en France, tome 2 : du chaos à la croissance, Paris, Picard , 1999 - AGIER Michel, Un monde de camps, Paris, La Découverte, 2014 - AUREZ Vincent et GEORGEAULT Laurent, Economie circulaire systèmes économiques et finitude des ressources, Boeck, 2016 - BENEVOLO Léonardo, Histoire de l’architecture moderne tome 1 : La révolution Industrielle, Paris, Dunod , 1978 - BIGNIER Grégoire, Architecture & économie : ce que l’économie circulaire fait à l’architecture, Paris, Eyrolles, 2018 - BOESIGER W. et STONOROW Oskar, Le Corbusier et Pierre Jeanneret Œuvre complète : Tome 1, Zurich, Editions d’architecture, 1967 - BOUCHET Pierre, MANSOUX Frédérique et PINOT Gérard, De l’immeuble de bureau au lieu de travail, Paris, Editions du Moniteur, 2018 - BOUTTÉ Franck, JALLON Benoit et NAPOLITANO Umberto (LAN), Paris Haussman modèle de ville, Paris, Pavillon de l’Arsenal, 2017 - BRAND Stewart, How Buildings Learn : What Happens After They’re Built, New-York, Penguin Books, 1995 - CHARPENTIER Jean-Marie, Marcel Lods : L’homme et l’architecture, Paris, Conseil régional de l’Ordre des architectes de Paris-Ile-de-France, 1993 - CHOAY Françoise, L’urbanisme, utopies et réalités : une anthologie, Paris, Seuil, 1979 - COLEY Catherine, Jean Prouvé : maison démontable 6 x 6. Vol.1, Paris, Galerie Patrick Seguin, 2014 - COLEY Catherine, Jean Prouvé : maison démontable 8 x 8. Vol.2, Paris, Galerie Patrick Seguin, 2014 - COLEY Catherine, Jean Prouvé Maison démontable Métropole 1949, Paris, Galerie Patrick Seguin, 2016 - DELEMONTEY Yvan, Reconstruire la France : L’aventure du béton armé assemblé, Paris, Editions de la Villette, 2015 - EISENMAN Peter, Ecrits 1963-1984, Choisy-le-Roi, Editions Form[e]s, 2017 - GARCIAS Jean-Claude et LEMOINE Bertrand, Georges Maurios : Essais, Monographies, Paris, Editions du Moniteur, 1990 - GIEDON Siegfried, Construire en France : Construire en fer construire en béton, Paris, Éditions de la Villette, 2019 - GUY Charlotte, Qu’est ce que le développement durable pour les architectes ?, Paris, Collectif Archibooks, 2015 - HARVEY David, Paris : Capitale de la modernité, Paris, Les Prairies ordinaires , 2012 - KRONENBURG Rober, Flexible : une architecture pour répondre au changement, Paris, Norma , 2007 - LANDOWSKI Marc et LEMOINE Bertrand, Concevoir et construire en acier, Paris, Eyrolles, 2012, p. 49. - LENNE Frédérique, (Re)construire la ville sur mesure, Paris, La Découverte Caen : In-Situ, 2016 - LOUPIAC Claude et MENGIN Christine, L’Architecture Moderne en France, Tome 1 : 1889-1940, Paris, Picard, 1997 - MCDONOUGH William, Cradle to cradle: Créer et recycler à l’infini, Paris, Gallimard, 2011 - PELEGRIN-GENEL Elisabeth, 25 espaces de bureaux, Paris, Editions du Moniteur, 2006 - RAMBERT Francis, Un bâtiment combien de vies ?, Cité de l’architecture et du patrimoine, Milan, Silvana Editoriale, 2015 - REVEDIN JANA, Construire avec l’immatériel, Paris, Gallimard, Alternatives, 2018 - ROLLAND Anne, De la réglementation à l’hyper-réglementation, Lyon, ODBTP69, 2016 - ROLLOT Mathias, L'obsolescence : ouvrir l'impossible, Genève, MétisPresses, 2016 - ROTOR, Déconstruction et réemploi : comment faire circuler les éléments de construction, Lausanne, PPU Romandes, 2018 - RUBIN Patrick, Construire réversible, Paris, Canal Architecture, 2017 - SHERRER Franck, Villes, territoires, réversibilités, colloque de Cerisy, Paris, Hermann, 2013 - SILVER Pete, Comprendre simplement les techniques de conception, Paris, Editions du Moniteur, 2014 - UYTTENHOVE Pieter, Marcel Lods : Action, Architecture, Histoire, Paris, Verdier, 2009

Articles issus de revues - CAILLE Emmanuel, «Obsolescence programmée», in D’A, 2016, octobre, n°248, p. 47-52 - CHESSA Milena, «Réversibilité : des immeubles génétiquement modifiables», in Le Moniteur, 2018, mars, n°5966, p. 44-51 - DANA Karine, «La fin de l’immeuble de bureaux ?», in D’A, 2016, octobre, n°248, p. 56-93 - DELLON Laurène, «Les bureaux du Pressoir», in Architecture bois, 2015, octobre-novembre, n°70 p. 96-98 - DESVEAUX Delphine, «La synergie positive du 9.3», in Archistorm, 2011, novembre, n°51, p. 50-57 - DUMEURGER Marine, «La réversibilité encore peu usitée en France», in Traits Urbains, 2016, mai, n°82, p. 25-27 - DUNY Patrice, «La notion de réversibilité en urbanisme», in Aucame, 2016, décembre, n°88 p. 1-4 - GUILLOT David, «L’obsolescence de l’immeuble les grands enjeux de la réversibilité», in Le Moniteur, 2018, novembre, n°110, p. 21-53 - MEVEL Nadège, «La trame et le RAL», in Exé, 2018, mars, n°31, p. 36-49 - MIALET Frédéric, «Bâtiments réversibles : Mutabilité, adaptabilité, évolutivité», in Le Moniteur, 2017, septembre, n°262, p. 55-63 - MIALET Frédéric, «Vers une architecture réversible», in AMC, 2017, septembre, N°262, p. 56-63

131


Articles en ligne - A.P., «Vinci héraut de la construction réversible», in Le Moniteur, 04 décembre 2015, (consulté le 14-11-2019) <https://www.lemoniteur.fr/article/vinci-heraut-de-la-construction-reversible.945244>

- BIDAULT Marie, "Immeubles réversibles il faudra du temps pour passer de la théorie à la pratique", Les Échos, 30 novembre 2016 <https://www.lesechos.fr/2016/11/immeubles-reversibles-il-faudra-du-temps-pour-passer-de-la-theorie-a-la-pratique-234046>

- BRAUN Pascale, «Un mur prêt à poser fait entrer le bloc béton dans la filière sèche», in Le Moniteur, 06 janvier 2011, (consulté le 12-09-2019) <https://www.lemoniteur.fr/article/un-mur-pret-a-poser-fait-entrer-le-bloc-beton-dans-la-filiere-seche.475104>

- BRIGNON Daniel, «L’architecte porte une mission d’intérêt public», L’essor, 13 octobre 2017, (consulté le 16-09-2019) <https://www.lessor42.fr/l-architecte-porte-une-mission-d-interet-public-20065.html>

- CUISINIER Tristan, «Black Swans : une architecture générique pour un programme à la carte», Cyberarchi, 07 mars 2018, (consulté le 18-09-2019) <http://www.cyberarchi.com/article/black-swans-une-architecture-generique-pour-un-programme-a-la-carte-07-03-2018-16479>

- DARRIEUS Margaux, «Expérimentations d’usage pour LAN Architecture à Paris», in Le Moniteur, 22 octobre 2014, (consulté le 26-11-2019) <https://www.lemoniteur.fr/article/experimentations-d-usage-pour-lan-architecture-a-Paris.1462324>

- DEGIOANNI Jacques-Franck, «Bureaux à énergie zéro», in Le Moniteur, 19 Avril 2007, (consulté le 28-11-2019) <https://www.lemoniteur.fr/article/bureaux-a-energie-zero.1895104>

- DELACORNE Basile, «La vacance structurelle fléau du marché des bureaux en Ile-de-France», Innovapresse, 13 juillet 2018, (consulté le 15-09-2019) < https://innovapresse.com/immobilier-entreprise/35838-la-vacance-structurelle-fleau-du-marche-des-bureaux-en-ile-de-france.html>

- DE VOGÜÉ Alix, «Un bâtiment entièrement démontable et recyclable», in Le Moniteur, 25 décembre 2015, (consulté le 14-12-2019) <https://www.lemoniteur.fr/article/un-batiment-entierement-demontable-et-recyclable.971234>

- ESCUDIÉ Jean-Noël, «Transformation de bureaux en logements : une solution mais pas la solution», Banque des Territoires, 9 septembre 2013 <https://www.banquedesterritoires.fr/transformation-de-bureaux-en-logements-une-solution-mais-pas-la-solution>

- FALZON Paul, «Les bâtiments ne veulent plus finir à la benne», in Le Moniteur, 02 Mars 2018, (consulté le 17-09-2019) < https://www.lemoniteur.fr/article/les-batiments-ne-veulent-plus-finir-a-la-benne.1953144 >

- FRISON Marie-Noëlle, «Des bureaux aux logements une mutation encore hésitante», in Le Moniteur, 14 juin 2019, (consulté le 08-09-2019) <https://www.lemoniteur.fr/article/des-bureaux-aux-logements-une-mutation-encore-hesitante.2041390>

- GUYENNON Patrick, «Crise du logement: la reconversion des bureaux obsolètes peu explorée», Urbanews, 9 juillet 2014, (consulté le 22-09-2019) <https://www.lepoint.fr/societe/crise-du-logement-la-reconversion-des-bureaux-obsoletes-peu-exploree-08-07-2014-1844340_23.php>

- KIRALY Barbara, «Immobilier réversible : Conjugo peine à séduire les investisseurs», in Le Moniteur, 02 juin 2016, (consulté le 20-09-2019) <https://www.lemoniteur.fr/article/immobilier-reversible-conjugo-peine-a-seduire-les-investisseurs.1212164>

- KIRALY Barbara, «Les bonnes pratiques en matière de réversibilité des immeubles tertiaires», in Le Moniteur, 16 mars 2016, (consulté le 09-11-2019) <https://www.lemoniteur.fr/article/les-bonnes-pratiques-en-matiere-de-reversibilite-des-immeubles-tertiaires.1104264>

- LAFFITTE Pierre, «Sur le chemin de la réversibilité des bâtiments», in Le Moniteur, 4 janvier 2019, (consulté le 11-09-2019) <https://www.lemoniteur.fr/article/sur-le-chemin-de-la-reversibilite-des-batiments.2012929>

- LAMARRE Françoise, «La modernité confirmée des immeubles Lods de la Grand-Mare à Rouen», Les Echos, 26 mars 2009, (consulté le 21-09-2019) < https://www.lesechos.fr/2009/03/la-modernite-confirmee-des-immeubles-lods-de-la-grand-mare-a-rouen-452256>

- L’ANGEVIN Timothée, «Le premier bâtiment biosourcé, démontable et réversible à souhait», in Le Moniteur, 02 Février 2015, (consulté le 16-11-2019) <https://www.lemoniteur.fr/article/le-premier-batiment-biosource-demontable-et-reversible-a-souhait.511284>

- LECERF Christine, «L’énergie grise des matériaux et des ouvrages», Les guides Bio-tech, Caractère, Novembre 2012, (consulté le 16-09-2019) <https://innovapresse.com/immobilier-entreprise/35838-la-vacance-structurelle-fleau-du-marche-des-bureaux-en-ile-de-france.html>

- LERAY Christophe, «Réversibilité : de la théorie à la pratique», in Chroniques d’Architecture, 3 mai 2016, (consulté le 25-11-2019) <https://chroniques-architecture.com/reversibilite-de-la-theorie-a-la-pratique/>

- MELKI Frédéric, «Lutter contre l’étalement urbain une priorité écologique», in Le Monde, 10 décembre 2012, (consulté le 12-07-2019) < https://www.lemonde.fr/economie/article/2012/12/10/lutter-contre-l-etalement-urbain-priorite-d-une-politique-ecologique_1802258_3234.html>

- MIALET Frédéric, «L’ADEME identifie les freins au réemploi des matériaux de construction», in Le Moniteur, 25 juillet 2016, (consulté le 10-09-2019) <https://www.lemoniteur.fr/article/l-ademe-identifie-les-freins-au-reemploi-des-materiaux-de-construction.1276494>

- MULLER Léa, "Construire réversible, réponse à l'absurdité immobilière ?", in Chroniques d'architecture, 09 mai 2017, (consulté le 18-09-2019) <https://chroniques-architecture.com/construire-reversible-reponse-a-labsurdite-immobiliere/>

- NICOLAS Julie, «Concevoir un bâtiment évolutif», in Le Moniteur, 29 Mais 2015, (consulté le 22-12-2019) <https://www.lemoniteur.fr/article/concevoir-un-batiment-evolutif.674209>

- NICOLAS Julie, «Une peau béton portée par une structure bois», in Le Moniteur, 11 décembre 2015, (consulté le 27-11-2019) <https://www.lemoniteur.fr/article/une-peau-beton-portee-par-une-structure-bois.947204>

- PAQUET Lucie, «Linkcity innove avec un bâti ment réversible à la Confluences», LJBTP, 10 septembre 2018, (consulté le 24-11-2019) <https://www.le-tout-lyon.fr/linkcity-innove-avec-un-batiment-reversible-a-la-confluence-9678.html>

- ROBISCHON Christian, «Entente parfaite pour immeubles mutants», in Le Moniteur, 26 juillet 2019, (consulté le 12-09-2019) <https://www.lemoniteur.fr/article/entente-parfaite-pour-immeubles-mutants.2047295>

- ROUDIL Nadine, "Fabriquer la ville à l'heure de l'injonction au durable", in Métropolitiques, 14 novembre 2012, (consulté le 07-09-2019) <https://www.metropolitiques.eu/Fabriquer-la-ville-a-l-heure-de-l.html>

- VERGÉLY Clément, «B2 expliqué par Clément Vergély», Lyon Confluence Info, 2016, Février, n°37, (consulté le 18-09-2019) <http://www.lyon-confluence.fr/affiche_newsletter.php?>

- VINCENDON Sibylle, «Bureaux vides, logements manquants, vers des bâtiments tout usages ?», Libération, 16 juin 2016, (consulté le 13-11-2019) <https://www.liberation.fr/france/2016/06/16/bureaux-vides-logements-manquants-vers-des-batiments-tous-usages_1459691>

132


Rapports et Statistiques - ADEME, Identification des freins et des leviers au réemploi de produits et matériau de construction, Rapport final, avril 2016 - ADEME, Service Mobilisation et Valorisation des Déchets, Déchets du bâtiment : fiche technique, août 2016 - APUR, La transformation de bureaux en logements à Paris de 2001 à 2012, ALBA Dominique, janvier 2014. - APUR, Le parc de bureaux Parisiens et son potentiel de transformations, ALBA Dominique, avril 2015 - APUR, Recensement et dynamiques du parc de bureaux a Paris et dans la Métropole du Grand Paris, Dominique Alba, février 2017 - A’URBA, Maîtriser l’imperméabilisation des sols, enjeux et méthodes, mai 2015 - Commissariat général au développement durable, 345 millions de tonnes de déchets produits en France en 2008, décembre 2010 - IAU, Transformer les bureaux vacants en logements : quel gisement en Île-de-France ?, Chronique de la réforme du logement n° 4, juin 2018 - Immo Group Consulting, Le scandale de l’immobilier d’entreprise, novembre 2013 - INSEE, Fiches – Économie verte, Références, édition 2017 - INSEE, Les conditions de logement en France, Références, édition 2017 - Ministère de l’écologie et du développement durable, L’étalement urbain en France, LAUGIER Robert, CRDALN, février 2012 - Ministère de l'écologie et du développement durable, Programme national de prévention des déchets 2014-2020, novembre 2010 - Ministère du logement et de l'égalité des territoires, Lutte contre l'étalement urbain, loi ALUR, mars 2014 - OCDE, Perspectives mondiales des ressources matérielles à l’horizon 2060, octobre 2018. - ONU, La population mondiale devrait atteindre 9,8 milliards en 2050 et 11,2 milliards en 2100, 21 juin 2017 - ONU, L'ONU examine les défis à relever pour une urbanisation durable, 27 mai 2014 - ORIE, Actualisation- la transformation et la mutation des immeubles de bureaux, BRUNEL Méka, novembre 2014 - ORIE, La transformation et la mutation des immeubles de bureaux, BRUNEL Méka, février 2013 - ORIE, Les 30 ans de l’ORIE, Édition spéciale Business Immo, février 2016 - PLANETOSCOPE, Disparition des terres agricoles en France, 2019

Etudes et thèses - BASSET Anne et ETIENNE Adeline, La démarche C2C ou comment construire un bâtiment à impact positif, Université de Montpellier, 2016 - BONVALET Catherine et MERLIN Pierre, Transformation de la famille et habitat, cahier de l’INED, Population, Persee, 1988 - CHESNEAU Isabelle, Le renouvellement des immeubles de bureaux : le cas de l’ile de France, Ann. rech. urbaine,2002, septembre, n° 97 - CLÉMENT Vincent, Le développement durable : un concept géographique ?, Lyon, ENS, 2004 - DESHAYES Philippe, Le secteur du bâtiment face aux enjeux du développement durable, Innovations, 2012, n°37 - GUSTIAUX Romain, L’empreinte de la Grande Guerre sur le logement social en France, Revue d’Histoire de la protection sociale,2016, n°9 - LAMBLIN Véronique, Etude rétrospective et prospective des évolutions de la société française (1950-2030), Futuribles, 2003 - LAMÉ Guillaume et LEROY Yann, Ecoconception des bâtiments : pratiques actuelles et freins - Une étude en France, AIP PRIMECA, 2015 - LÉVY-VROELANT Claire et TUTIN Christian, Le logement social en Europe au début du XXIe siècle, Presses U. de Rennes, Géographie sociale, 2010 - PERIANIEZ Manuel, Habitat évolutif : du mythe aux réalités, Paris, Programme cité-projets, 1993 - REMØY Hilde, L’héritage du Mouvement Moderne, PCA, 2012

Expositions et catalogues, Colloques et actes de colloques - BOUTTÉ Franck, JALLON Benoit et NAPOLITANO Umberto (LAN), Paris Haussman modèle de ville, Catalogue, Paris, Pavillon de l’Arsenal, 2017 - GRIEF, Colloque International, Architecture évolutive / réversible : formes et dispositifs, Ensa Bretagne, novembre 2019 - MIALET Frederic, RÉVER(CITÉS) Villes recyclables & résilientes, Catalogue, Le Moniteur et AMC, Paris, Cité de l’architecture et du patrimoine, 2016 - RAMBERT Francis, Un bâtiment combien de vies ?, Catalogue, Cité de l’architecture et du patrimoine, Milan, Silvana Editoriale, 2015 - SHERRER Franck, Villes, territoires, réversibilités, Acte du colloque de Cerisy, Paris, Hermann , 2013

Sitographie - Agence d’architecture LAN, présentation des projets, disponible sur <www.lan-Paris.com> - Agence d’architecture Vergely Architectes, présentation des projets, disponible sur <www.vergelyarchitectes.com> - Agence d’architecture Anne Demians, présentation des projets, disponible sur <www.Annedemians.com> - Agence d’architecture David Chipperfiel, présentation des projets, disponible sur <www.davidchipperfield.com> - Agence d’architecture 6’24, présentation des projets, disponible sur <www.ateliers6-24.fr> - Agence d’architecture Françoise Jourda, présentation des projets, disponible sur <www.jourda-architectes.com> - Agence d’architecture AIA, présentation des projets, disponible sur <www.aialifedesigners.fr> - Agence d’architecture Carlos Arroyo, présentation des projets, disponible sur <www.carlosarroyo.net> - Bazed, Démontabilité des bâtiments, disponible sur <www.bazed.fr> - DÉMOCLÈS, Pour une gestion durable des déchets du bâtiment au service de l’économie circulaire, disponible sur <www.recyclum.com>. - Entreprise Construction et environnement, présentation des projets, disponible sur <www.ceingenierie.fr> - INSEE, définition du développement durable, disponible sur <www.insee.fr> - LAROUSSE, Dictionnaire et définitions, disponible sur <www.larousse.fr> - Lois et cadres juridiques Français, disponible sur <www.legifrance.gouv.fr> - PUCA, 1973 : Les Marelles à Boussy-Saint-Antoine, 15 janvier 2018, disponible sur <www.urbanisme-puca.gouv.fr>

133


RÉSUMÉ Dans un contexte d’obsolescence accrue de l’immeuble tertiaire, due aux mutations rapides de nos sociétés que nos conceptions ne peuvent absorber ; ce mémoire s’interroge sur l’opportunité que représente la réversibilité pour s’engager vers une conception durable de l’immeuble de bureaux. Comment concevoir et construire ce programme sans poursuivre le cycle actuel d’édifices voués à une dépréciation prématurée ? Comment penser leur conception pour anticiper les mutations futures ? Les crises concomitantes qui traversent ce programme et les enjeux du monde contemporain auxquels nous devons aujourd’hui rechercher des réponses pertinentes, remettent ainsi profondément en question nos manières de concevoir nos villes et ces ouvrages. En quoi la réversibilité dans ce contexte constitue-t-elle alors un moteur de durabilité et d’évolutions du processus de conception de l’immeuble tertiaire ? Après avoir défini cette notion et déterminé ses origines, le mémoire se penche sur le contexte de crises actuel qui favorise son émergence dans les discours contemporains et qui la rendent pertinente au regard du programme tertiaire. Puis analyse de quelle manière l’architecture peut intégrer la réversibilité dans la conception et la gestion de l’immeuble de bureaux et quelles sont les étapes à requestionner pour s’engager vers une architecture mutable. Enfin, la dernière partie étudie les limites et questionnements que sous-tendent ce principe.


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.