Anna Hervé
Mémoire, représentation & transposition numérique
Livre numérique publié en avril 2015
mémoire, représentation & transposition numérique Anna Hervé Mémoire de fin d’études Master Management du Design et de l’Innovation Promotion 2015 Option majeure : design graphique
Abstract Remembrance, representation and digital translation The purpose of this study was to investigate about the representation of human memories with the evolution of digital technologies in everyday life.
Graphic representation of memories Digital in actual daily life Social changes’ impacts of digital Ourselves representation’s purposes
In this context, research areas of cognitive psychology, technology, sociology and culture were examinated. I have relied on articles, websites and books but also on some personal tools (one week’s digital discussion with twenty people, a quantitative survey and a meeting with a biographer). I found that medias are used as tracks to switch souvenirs from mind to reality. This is a proof, a visual representation. With the digital coming, tracks are no longer physical and becomes a malleable material, devoid of a single envelope. The principal conclusion was that digital supports help users to prioritize and develop their memories through stories enacted. That stories can be told individually or collectively. Collective memories’ construction is easier and faster thanks to digital, thus promoting the sharing of experiences. At the same time, the easy dissemination of information on the network also raises issues of the protection of privacy.
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Avant-propos De la communication visuelle à la recherche, en passant par une sensibilisation au multimédia, j’ai tenté de découvrir le plus de domaines touchant au graphisme tout au long de mes études. Toutes ces ouvertures permettent d’élargir mon champ d’action, toujours dans le but de répondre au mieux à un utilisateur final. Être apprentie dans une unité de Recherche & Développement a été l’occasion de travailler avec plusieurs métiers et spécialités. J’ai ainsi pu confronter mes recherches menées pendant plusieurs mois avec mon entourage et compléter mes connaissances avec celles des autres. Grâce à ma manager et à mon maître d’apprentissage, j’ai rencontré et discuté avec de nombreuses personnes à propos de mon sujet, qui est devenu une construction collective. Mon équipe d’accueil travaille autour de l’expérience utilisateur avec les données. Mon projet de fin d’études se rapproche finalement plus ou moins de cette thématique, avec un besoin utilisateur concret.
finalement me rattacher à un sujet davantage personnel, la mémoire et les souvenirs. J’apprécie de pouvoir revoir des événements vécus, à travers des photographies, des vidéos, des journaux intimes à peine entamés... et j’ai constaté qu’aujourd’hui je ne gardais plus toutes ces traces autrement que numériquement, perdues au fin fond des dossiers d’un disque dur. De ce constat, j’ai décidé de dédier mon projet de fin d’études à creuser la possibilité de changer une habitude grandissante qui est de négliger son histoire de vie.
Ma famille et mes amis ont suivi mon évolution dans ce milieu. Ils m’ont conseillé et aidé à développer ce projet. La poésie (visuelle ou non) est un thème qui m’attire en tant que designer graphique. Je recherche toujours à apporter une touche visuelle harmonieuse dans mon travail, en accord avec le besoin à apporter aux utilisateurs finaux. à partir de ce thème très ouvert, j’ai dérivé pour
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Lexique .................................................................... 13 Introduction .............................................. 17
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La représentation de la mémoire Psychologie cognitive, technique
A- La mémoire humaine et les souvenirs .................... 23 • Fonctionnement de la mémoire et formation des souvenirs ..................................................................... 25 • La notion de « trace de vie » ..................................... 31 B- Les supports de représentation des traces de vie • Les supports matériels ................................................. • Les supports immatériels ............................................ • L’évolution de l’utilisation des supports en fonction d’usages actuels .........................................
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Sommaire Se représenter pour exister Sociologie, culture
A- Une construction de soi grâce à des apports individuels et collectifs ..................................................... 83 • Façonner sa personnalité et constater son évolution dans le temps ......................................... 85 • La co-construction, donner une autre dimension à un souvenir ............................................... 89 B- Transmettre ..................................................................... • Transmettre à sa famille : l’héritage culturel ....... • La gestion du deuil à l’ère du numérique ............. • Exister et demeurer dans la mémoire collective pour les générations à venir .......................................... • Les NTIC ont facilité et transformé la finalité du partage de traces de vie ............................................
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C- À travers le numérique, une image de soi transformable à souhait .............................................. 107 • Enrichir son histoire avec les capacités du numérique ..................................................................... 109 • Les intérêts de présenter une belle histoire de soi ....................................................................................... 117
La place du numérique dans la vie de l’Homme aujourd’hui Technologie, sociologie
A- Les capacités du numérique ...................................... • La mémoire informatique ........................................... • Ubiquité et plasticité ..................................................... • Pallier certains inconvénients de la mémoire humaine ........................................................
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B- Les fragilités du numérique ....................................... • La perte inattendue ou involontaire des données ......................................................................... • Le vol d’identité et la surveillance ........................... • L’absence d’humanité ? ................................................
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Conclusion ................................................... 123 Annexes .................................................................. 129 Bibliographie ...................................................... 137
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C- La culture du quotidien ............................................... 67 • La connexion inter-générations, dans toutes les situations ........................................................................ 69 • Automatisation : comment les informations sont-elles traitées ? ............................................................ 73 • Les médias sociaux aujourd’hui ............................... 75
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Lexique Big Brother
Personnage de fiction du roman 1984 de Georges Orwell. Il est devenu une expression populaire pour qualifier toutes les institutions ou pratiques portant atteinte aux libertés fondamentales et à la vie privée des populations ou des individus.
Big Data
Traduire en français par « données massives » ou mégadonnées. Ensembles de données très volumineux, difficile à travailler avec des outils classiques de gestion de base de données ou de gestion de l’information.
Bookmarking
Traduire en français par « partage de signets ». Ce type d’application permet aux utilisateurs de partager dans un espace commun le meilleur de leurs liens, photos, vidéos, etc. Exemple : Pearltrees http://www.pearltrees.com/
Crowdsourcing
Traduire en français par « financement participatif ». Expression décrivant tous les outils et méthodes de transactions financières qui font appel à un grand nombre de personnes pour financer un projet, sans intermédiaire.
Digital natives
Traduire en français par Natif Numérique. Personne ayant grandi dans un environnement numérique.
e-book
Traduire en français par « livre électronique ». Un format édité et diffusé sur ordinateur, tablette, smartphone, etc. sous forme de fichier.
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INA
Institut National de l’Audiovisuel. Établissement chargé d’archiver les productions audiovisuelles, de produire, d’éditer, de céder des contenus audiovisuels et multimédias à destination de tous les publics, professionnels ou particuliers, pour tous les écrans.
Infobésité
Surcharge d’information. Terme apparu en 2010 avec la généralisation de la connexion hautdébit.
Mapping vidéo
Technologie multimédia permettant de projeter de la lumière ou des vidéos sur des volumes, de recréer des images de grande taille sur des structures en relief, tels des monuments, ou de recréer des univers à 360°.
NTIC
Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication. Secteur d’activité économique et terme désignant tous les outils modernes qui facilitent la communication et l’échange d’informations.
Timeline
Traduire en français par la « ligne du temps ». Historique sous la forme d’une ligne horizontale ou verticale chronologique.
Tracking
Traduire ici le terme « tracking » par « suivi ». Une application de sport-tracking analyse la performance d’un utilisateur en croisant les résultats de plusieurs entraînements, selon différents critères, sur une durée donnée.
UI & UX design
Traduire UI par « User Interface » et UX par « User eXperience ». Un excellent article explique la différence entre ces deux métiers : http://blog.lunaweb.fr/ux-ui-experience-utilisateur-interface/
USB
Universal Serial Bus, traduire en français « Bus Universel en Série ». Il s’agit d’une norme universelle créée dans les années 1990, servant à connecter rapidement des périphériques informatiques à un ordinateur (et aujourd’hui à d’autres appareils comme la tablette tactile).
Social curation
Traduire en français par « prendre soin de ses contenus ». Individuellement, un utilisateur sélectionne des contenus provenant de plusieurs sites pour les afficher dans un seul espace. Exemple : Flipboard https://about.flipboard.com/
Syndrome de Korsakoff
Incapacité à se rappeler d’événements qui suivent le début de l’amnésie et incapacité de se repérer par rapport au temps et à l’espace.
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Introduction Appréciant posséder des traces de mes souvenirs (photographies, vidéos), je me suis intéressée à la représentation de notre mémoire. Mes recherches se sont orientées sur l’image que nous transmettons à travers les traces que nous générons de notre vécu, en mettant volontairement la conservation massive de côté (sans pour autant négliger cet aspect dans les recherches). J’ai choisi de confronter cette représentation face au numérique et à internet, car les usages de ces derniers ont fortement évolué au cours de ces dix dernières années. L’infobésité, la protection fragile de la vie privée sur internet, la dématérialisation des informations. Plusieurs constats émergent de ces thèmes actuels. La surcharge d’informations (ou infobésité) s’est développée avec l’accès rapide et instantané à internet. L’individu ne privilégie plus le qualitatif face au quantitatif; il se perd dans les informations. Certaines applications sont sources de dérives telles que des problèmes de confidentialité. L’Homme diffuse ses souvenirs personnels sur la toile sans se douter qu’il partage sa vie privée avec le reste du monde. La question suivante se pose alors :
Comment la mémoire humaine se représente-t-elle avec l’essor du numérique dans la vie quotidienne ? 16
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Les façons de représenter la mémoire humaine ont évolué sur les dernières décennies avec l’intégration des nouvelles technologies dans la vie quotidienne. Il est intéressant de connaître les manières de conserver et de montrer les souvenirs d’une ou de plusieurs vies avec l’avènement du partage instantané. J’aimerais finalement savoir si le numérique améliore ou détériore la représentation des souvenirs. Déterminer comment la mémoire humaine se représente avec l’essor du numérique dans la vie quotidienne impliquait un important travail bibliographique et ce mémoire doit beaucoup notamment aux enseignements d’Alain Lieury dans Le Livre de la Mémoire et de Pierre Rosanvallon dans Le parlement des invisibles. Toutefois, une telle étude exigeait également l’analyse de sources plus directes, comme une étude qualitative (sous la forme d’un café numérique), une étude quantitative (sous la forme d’un sondage) et un entretien avec un écrivain biographe. Je me suis également appuyée sur des articles, études, sites internet, séries, reportages, et œuvres artistiques. L’exploitation de ces sources devait permettre de répondre à une série d’interrogations :
Après une première partie consacrée à la représentation de la mémoire, nous observerons l’évolution des techniques à la fois pour conserver et pour représenter les souvenirs. L’étude de la place du numérique dans la vie de l’Homme aujourd’hui permettra de comprendre comment l’individu utilise actuellement les technologies dans la vie quotidienne, en montrant les avantages et les dérives de ces utilisations. Nous verrons dans une dernière partie pourquoi et comment l’Homme représente ses souvenirs à travers la société.
Comment représente-t-on la mémoire ? De quelles façons ? Quelles sont les grandes tendances d’utilisation du numérique au quotidien ? Pourquoi un individu (ou un groupe d’individus) a-t-il besoin de se représenter ?
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Tous les paragraphes dans cette disposition seront des parties de réfléxion personnelle. Il s’agira de mon positionnement en tant que designer graphique sur la problématique de recherche posée.
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La représentation de la mémoire «
Tout change sans cesse ; les choses ne se fixent que dans le souvenir, et la mémoire elle-même est fugitive.
»
Eugène MARBEAU1
1 MARBEAU E., Remarques et pensées, Société d’Éditions littéraires et artistiques, 1901, 171p. in : Dico citations, disponible sur : < http://www.dicocitations.com/citation.php >
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La mémoire humaine et les souvenirs
A
stimulus Fonctionnement de la mémoire et formation des souvenirs Par définition, la mémoire est une faculté comparable à un champ mental dans lequel des informations sont enregistrées, conservées et restituées2. L’Homme possède des systèmes de mémoires situés dans différentes parties du cerveau. Ces systèmes interagissent les uns avec les autres pour former plusieurs types d’informations.
Mémoire sensorielle
Court terme
Long terme
Mémoire explicite
Mémoire implicite
A A
Merci
Un individu réceptionne un stimulus, qui est un évènement de nature à provoquer une réaction chez un organisme vivant3. Le stimulus est détecté par les sens humains : la vue, le goût, l’odorat, le toucher et l’ouïe. Les sens concernés réagissent et transforment l’information (selon son type) en signal. Ce dernier est lu et « adapté » en fonction du stimulus et de sa finalité (Fig.1). Les sens dialoguent avec la mémoire sensorielle, le premier point de passage de l’information dans le cerveau. La durée d’activation de ce système est très courte (une fraction de secondes), mais indispensable pour les étapes suivantes4.
2 Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (CNRTL), Définition de la mémoire [en ligne], disponible sur : < http://www.cnrtl.fr/definition/mémoire > Fig.1 Parcours du stimulus dans la mémoire humaine, 2015, illustration personnelle
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3 Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (CNRTL), Définition d’un stimulus [en ligne], disponible sur : < http://www.cnrtl.fr/definition/stimulus > 4 Dubuc B., Le cerveau à tous les niveaux [en ligne], disponible sur : < http://lecerveau.mcgill.ca/flash/d/d_07/d_07_p/d_07_p_tra/ d_07_p_tra.html >
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Fonctionnement de la mémoire et formation des souvenirs
La Mémoire à Court Terme prend ensuite le relais. Ce système enregistre temporairement l’information reçue puis communique avec la Mémoire à Long Terme, la destination de stockage des informations. La MLT stocke de manière indéfinie les informations de la vie d’un individu. Elle contient deux sous-ensembles : la mémoire implicite et la mémoire explicite5.
A A
La mémoire implicite ou non-déclarative concerne les apprentissages sensori-moteurs : La mémoire émotive (senrori-) se tourne vers les apprentissages non-associatifs ou comportementaux. On parle aussi de savoir-être. C’est le savoir relatif au développement personnel d’un individu et ce en fonction de son environnement. La mémoire motrice (moteurs) assure l’acquisition des savoir-faire. Par exemple, lorsque l’on apprend à faire du vélo, le cerveau est fortement sollicité car c’est un geste nouveau. Il faut à la fois pédaler, garder son équilibre, regarder devant soi pour éviter les obstacles, savoir tourner quand cela est nécessaire... Tous ces mécanismes sont petit à petit maîtrisés par la répétition. Une fois que la notion est acquise, l’individu est alors capable de faire des actions en optimisant l’effort de concentration de son cerveau au point de devenir un automatisme ou un réflexe6.
«
[…] pour l’essentiel, les apprentissages sensori-moteurs, comme faire du vélo, nager, conduire, ne s’oublient jamais car ils dépendent d’un système de mémoire différent de celui qui s’occupe des connaissances, mots, images ou visages.
»
Alain LIEURY7 Le cerveau emmagasine donc des apprentissages sensori-moteurs tout au long de la vie. Intéressonsnous maintenant au second sous-ensemble de la Mémoire à Long Terme, qui conserve quant à lui les connaissances, les mots, les images... et génère les souvenirs. Ces éléments sont retenus dans ce qui est appelé la mémoire explicite. Elle est formée de deux parties : La mémoire sémantique est le lieu de stockage des faits et des concepts. Ce sont par exemple les connaissances des règles sociales (comme le fait de dire « merci » lorsque l’on reçoit un cadeau) ou encore du sens des mots que nous utilisons tous les jours. Les informations retenues dans cette mémoire sont le fruit d’une répétition de toute une vie. La mémoire épisodique (ou autobiographique) est le morceau de mémoire permettant de se souvenir des événements vécus. C’est cette partie qui contribue à construire l’histoire personnelle d’un individu. Anatomiquement, c’est une partie du cerveau nommée « hippocampe » qui prend part à la
Merci
5 Dubuc B., Op. cit. 26
6 Dubuc B., Ibid.
7 Lieury A., Le livre de la mémoire, Dunod, 2013, p.172
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Fonctionnement de la mémoire et formation des souvenirs
formation de nouveaux souvenirs selon un événement, un lieu ou un simple stimulus8. Les mémoires sémantiques et épisodiques fonctionnent de manière complémentaire.
«
[…] Endel Tulving de l’université de Toronto a proposé la théorie de la « mémoire épisodique » (1972). Selon cette théorie, chaque fois qu’un mot, par exemple « bateau », est appris, ou que l’on voit un bateau dans un port, ce concept fait l’objet d’un nouvel épisode dans (…) la mémoire épisodique. Alain LIEURY9
»
Les souvenirs sont donc connectés à nos connaissances et à notre vécu. Ils se forment avec un contexte, qui contient notamment la date, le lieu ou encore l’état émotionnel au moment de l’événement. Ils sont stockés et peuvent ensuite être « récupérés » (revenir consciemment à la mémoire) de différentes façons.
Plusieurs facteurs peuvent faire revenir un souvenir à l’esprit. L’individu peut rechercher volontairement dans sa mémoire un souvenir particulier. Mais ce dernier peut être déformé par les émotions, par le temps (ce phénomène s’appelle les faux-souvenirs) et par certaines pathologies comme l’amnésie de Korsakoff10 ou la maladie d’Alzheimer11. Un événement passé peut ensuite être rappelé de manière non-intentionnelle par un contexte réel similaire au contexte du souvenir en question (même lieu, même objet, même odeur, etc.). Enfin, l’Homme peut s’accompagner d’outils qui vont capturer des éléments représentant un souvenir.
La mémoire explicite et la formation des souvenirs retiennent toute mon attention. Parmi les principes d’enregistrer, de conserver et de restituer, c’est sur la phase de restitution que je souhaite travailler. En tant que designer graphique, le travail de la mémoire épisodique m’intéresse plus particulièrement, car c’est dans cette partie du cerveau que les souvenirs d’événements de vie sont générés.
28
8 Lieury A., Op. cit., p.150. Cette partie du cerveau se nomme hippocampe à cause de sa ressemblance avec l’animal aquatique.
10 Les symptômes majeurs du syndrome de Korsakoff sont notamment l’incapacité à se rappeler d’événements qui suivent le début de l’amnésie et l’incapacité de se repérer par rapport au temps et à l’espace. (Source : Wikipédia)
9 Lieury A., Ibid., p.196
11 Lieury A., Op. cit., p.226
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La notion de « trace de vie » Pour introduire cette partie, parlons dans un premier temps des traces qui ne sont pas laissées par l’Homme.
Fig.2 Bergheul, Strates géologiques de Ghardaïa, Algérie, 2012
La notion de trace existe à l’état naturel. Sur la Fig.2, l’Histoire de la Terre se dévoile à travers des couches (ou strates) qui se superposent. Une strate correspond à une certaine période dans le temps, calculée par une analyse physique de la terre. Chaque couche varie en taille, en épaisseur et en couleur. En Botanique, l’évolution d’un arbre s’observe à l’intérieur de son tronc, grâce aux cernes ou anneaux de croissance (Fig.3). Chaque cerne correspond à une année. Les botanistes déterminent ainsi l’âge d’un arbre, mais constatent aussi une partie de son vécu, selon l’irrégularité des anneaux12. L’étude de ces timelines* naturelles m’a captivée. L’Histoire de l’élément naturel se stocke progressivement, couche après couche. J’y vois des analogies et des moyens graphiques intéressants à envisager dans mon projet. Elle révèle aussi les accidents subis. Il est
Fig.3 Amet E., cernes5 [en ligne], France, 2006, disponible sur : < http://vplan.com/33r6 >
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* Traduire en français par la « ligne du temps ». Historique sous la forme d’une ligne horizontale ou verticale chronologique.
12 La méthode qui consiste à dater un arbre grâce à ses cernes s’appelle la dendrochronologie. (Source : Wikipédia < http://fr.wikipedia.org/wiki/Cerne_%28botanique%29 >)
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La notion de « trace de vie »
intéressant de noter qu’une représentation des souvenirs humains montre rarement les irrégularités de parcours de vie. Une trace est par définition une marque de l’existence passée de quelque chose, d’une action antérieure13. Intéressons-nous maintenant aux « traces de vie ». En animant un café numérique14, j’ai demandé à différentes personnes de donner une définition pour la « trace de vie ». Voici quelques réponses :
«
[...] pour moi c’est tout ce qui reste d’un moment de vie.
»
Coraline, 33 ans
«
[...] c’est un reste à l’issue d’un événement auquel on a participé : une photo, un dessin, une marque, des affaires oubliées, des sons enregistrés. En fait pour moi, c’est lorsqu’on fige un instant, qu’on le rend intemporel.
»
La trace de vie est considérée comme ce qu’il reste de concret d’un événement. L’événement en question est banal ou non, c’est l’individu qui en détermine son importance. La définition de Robin est intéressante, car il voit à travers une trace un vestige plus ou moins adoré du passage de l’Homme. La trace sert à passer de l’esprit à la réalité. C’est une preuve, une représentation visuelle. Mon projet serait que ces représentations concrètes de l’esprit soient mises en valeur. Les traces de vie sont capturées par différents médias. La fonction première des médias est de communiquer une ou des informations à un destinataire qui participe ou non à l’échange15. Un média est aussi un moyen d’immortaliser un événement vécu à un instant donné. L’individu obtient alors une trace. L’événement passé se matérialise. La trace est un déclencheur du retour conscient à l’esprit. Cela peut être un moyen de faire revenir un souvenir qui est altéré ou enfoui dans la mémoire.
Benoit, 26 ans
«
[…] un artefact autre que sous forme de souvenir mental.
»
Robin, 20 ans
13 Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (CNRTL), Définition d’une trace [en ligne], disponible sur : < http://www.cnrtl.fr/definition/trace > 32
14 Laisser des traces, étude qualitative, 2014, 55 p., outil personnel
15 Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (CNRTL), Définition d’un medium [en ligne], disponible sur : < http://www.cnrtl.fr/definition/medium >
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La notion de « trace de vie »
Voici un schéma représentant les types de traces attribués à des médias de capture16 (Fig.4). Outils de capture
Médias obtenus Temps de capture
passe par un support intermédiaire soit dans le but de pallier un dysfonctionnement de la mémoire, soit dans le but de servir de simple rappel pour l’individu. Dans ces différents cas, c’est l’Homme qui mène volontairement l’action de créer la trace. Un souvenir se provoque aussi par la vue d’un objet à valeur sentimentale. Un doudou par exemple déclenche des souvenirs d’enfance à un adulte qui le revoit. Un billet de concert rappelle l’événement en question ainsi que son déroulement. Les lieux touristiques utilisent ce principe pour vendre des objets typiques. Ces objets s’interprètent de manière différente pour chaque individu.
Les médias s’adaptent en fonction de ce que l’individu souhaite. Selon l’étude quantitative que j’ai réalisée, la photographie est la plus employée (à 58%) pour capturer des événements, car c’est le medium le plus facile et le plus instantané à l’utilisation17. L’écrit s’utilise davantage par exemple pour la réalisation d’un journal intime ou d’une autobiographie (à 20%). La trace
Fig.4 Comparaison des types de traces de vie associées à leurs médias respectifs, 2015, illustration personnelle
J’aimerais pour mon projet me concentrer sur les médias de capture uniquement. Mais il pourrait être intéressant tout de même de réfléchir sur un objet qui servirait de symbole de représentation de souvenirs. Je m’intéresse maintenant à la notion de restitution de plusieurs souvenirs à la fois. Elle peut être une opportunité de travailler autour d’une représentation graphique. Pour cela, je me questionne sur les supports de représentation existants.
16 Laisser des traces, op. cit. 34
17 Pourquoi représenter ses traces de vie ?, étude quantitative, 2014, outil personnel. Annexe n°2 page 130
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Les supports de représentation des traces de vie
B
Une fois que la trace de vie est « capturée » par un medium, il faut pouvoir la conserver. Différents types de supports entrent alors en jeu pour conserver les traces en fonction de leur origine.
Les supports matériels Dès la Préhistoire, la nature (la pierre, la terre, les arbres, etc.) était le premier support à montrer la présence de vie humaine. C’est le cas par exemple des dessins gravés dans les grottes de Lascaux (fig.5). Il s’agit du témoignage de vie le plus ancien découvert à ce jour.
Fig.5 « La salle des Taureaux, Le panneau de l’Ours » (sans date) [photo], in : ministere de la culture et de la communication, Lascaux [en ligne], 2009, disponible sur : < http://lascaux.culture.fr/#/fr/00.xml >
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La nature marque aussi des traces de vie humaine de manière impromptue. En 79 avant J-C, les matériaux volcaniques du Vésuve retombent sur la ville de Pompéi (et trois autres villes). Ces matériaux (un mélange de pierre ponce) ont figé les Hommes en proie à la terreur. En retrouvant les vestiges de cette catastrophe des siècles plus tard, la conservation des corps dans la cendre est si précise qu’on observe encore les expressions des derniers moments de vie18. Il est intéressant de voir qu’aujourd’hui, nous sommes capables de capturer volontairement les expressions humaines grâce aux technologies en temps réel. 18 Unesco, Zones archéologiques de Pompéi, Herculanum et Torre Annunziata [en ligne], disponible sur : < http://whc.unesco.org/fr/list/829/ >
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Les supports matériels
L’Homme développe par la suite des supports dits de conservation, qui suivent des évolutions majeures telles que l’écriture, le nomadisme, la culture et le numérique. Ces supports présentent une ou plusieurs traces en même temps et se transportent (pour la plupart). Les premiers supports matériels conservaient l’écriture. Ils se formaient dans un premier temps de matières premières, car elles étaient disponibles rapidement et facilement. La pierre était alors la matière la plus utilisée dans le monde19. Petit à petit, les civilisations ont diversifié de manière considérable les supports en fabriquant leurs propres matériaux. Le papier, qui est apparu dans l’Antiquité, est le support le plus utilisé encore aujourd’hui (Fig.6). Son procédé de fabrication est resté le même depuis Fig.6 son invention. Grammaticus S., « Parchemin présentant Les outils tels que la plume, la Gesta Danorum » (1200 ?) [parchemin], in : Wikipedia, Le Parchemin, disponible sur : la mine de plomb, le pinceau, < http://urlz.fr/1bpQ > le stylo-bille, etc. sont utilisés pour fixer l’écriture et ont évolué avec ces supports. Auparavant, l’écrit était le meilleur moyen de pérenniser les traces de vie.
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19 Berthier A., L’écriture et ses supports [en ligne], L’aventure du livre, BNF, 2011, disponible sur : < http://classes.bnf.fr/livre/arret/histoire-du-livre/premiers-supports/01.htm >
Une fois que l’Homme maîtrise la conservation des traces avec l’écriture, il recherche un moyen de faciliter la création de plusieurs exemplaires d’un livre, car cela nécessite un temps et un coût considérables avec l’écriture. L’invention de l’imprimerie est attribuée à Gutenberg au XVème siècle20. Des caractères, gravés sur du plomb, se placent sur une plaque pour former des phrases à imprimer sur le papier (Fig.7). Ce procédé ne s’améliore véritablement qu’au XXème siècle, lors de la révolution industrielle. L’imprimerie, réservée dans un premier temps aux professionnels (et aux personnes aisées), s’emploie aujourd’hui pour un usage domestique. Le consumérisme commence par les machines à écrire puis évolue (en passant par de nombreuses étapes) vers les imprimantes de bureau. La possibilité de multiplier facilement un livre développe la culture et la créativité pour tous. Après l’écriture, les images s’intègrent dans les histoires, ouvrant à de nouvelles formes de communication.
Fig.7 Collault E., « Chants royaux sur la Conception couronnés au Puy de Rouen » (1530 ?) [manuscrit à peinture], in : Bibliotheque Nationale de France, Manuscrits occidentaux, disponible sur : < http://classes.bnf.fr/livre/grand/129.htm >
20 Wikipédia, L’imprimerie [en ligne], disponible sur : < http://fr.wikipedia.org/wiki/Imprimerie#Histoire >
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Les supports matériels
La photographie (Fig.8), la bande-dessinée, etc. sont autant de types de supports imprimés qui diversifient l’expression. La communication varie et se simplifie. La photographie numérique et la vidéo deviennent des media très utilisés.
disque compact (CD) ou le Blu-Ray, plus récent. Les composants de stockage les plus connus à destination des ordinateurs sont entre autres le disque dur et la clé USB22 (Fig.9). Il est question aujourd’hui de stockage à l’échelle du nanomètre avec les nanotechnologies23.
Fig.8 Frisch A., « A. v. Koranyi » (20e siècle) [impression photomécanique, héliogravure], in : Zeitschrift für klinische Medizin, Springer Heidelberg New York, Berlin, 1909, disponible sur : < http://www2.biusante.parisdescartes. fr/img/?refphot=07930 >
Après la révolution industrielle et la démocratisation des machines, l’Homme recherche un moyen de canaliser l’abondance d’informations tout en ayant un support qui ne se détériore pas ou peu avec le temps.
L’informatique est née de l’hybridation des mots « information » et « automatique »21. Elle apparaît dans les années 1950 et a notamment généré la naissance du secteur d’activité des Technologies de l’Information et de la Communication. L’informatique décuple les capacités de stockage dans des supports toujours plus petits, qui évoluent encore aujourd’hui. Numérisées, les informations se consultent et se dupliquent très facilement. Parmi les premiers supports informatiques de stockage, il y a les supports magnétiques comme la cassette (qui succède à la bande magnétique). Puis les supports optiques apparaissent comme le
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21 Gava F., Histoire de l’informatique [en ligne], Université de Paris XII Val-de-Marne, disponible sur : < http://lacl.univ-paris12.fr/gava/ cours/Droit/L3/cours_histoire_info.pdf >
Fig.9 Evan-Amos (pseudo), « Usb thumb drive » (sans date) [objet], in : Wikipédia, La clé USB, disponible sur : < http://urlz.fr/1bqA >
Contrairement à ses prédécesseurs, les supports informatiques récents stockent les traces sans représenter ces dernières (à la manière d’un livre par exemple). Nous en parlerons un peu plus loin dans ce mémoire.
22 Universal Serial Bus, traduire en français Bus Universel en Série. Il s’agit d’une norme universelle créée dans les années 1990, servant à connecter rapidement des périphériques informatiques à un ordinateur (et aujourd’hui à d’autres appareils comme la tablette tactile). (Source : Wikipédia) 23 Gouvernement du Canada, NanoPortail [en ligne], 2013, disponible sur : < http://urlz.fr/1aJM >
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Les supports immatériels Parmi les supports de communication immatériels, mettons de côté l’Homme qui est un outil vivant lorsqu’il restitue des histoires de vie grâce à la parole. Le numérique, combiné à l’utilisation d’internet, rend possible aujourd’hui la conservation d’informations sans posséder de support matériel direct. Le cloud (Fig.10) est une mémoire informatique accessible depuis n’importe quel endroit, sans lieu physique propre24. Les informations se stockent dans des centres de serveurs qui s’activent à distance en utilisant un appareil électronique (comme un ordinateur) connecté à internet. Ce type de mémoire enlève l’inconvénient de devoir se déplacer avec un support physique, au risque de l’abîmer. Des précautions sont prises pour que les serveurs de stockage soient sécurisés face à des dangers physiques (comme l’eau ou le feu). C’est le piratage qui reste un risque majeur pour ce type de stockage.
Fig.10 Le Cloud, 2015, illustration personnelle
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Ce type de support optimise la conservation de tout type d’information, mais ce n’est pas un support de représentation. Ces deux fonctions sont 24 Colombain J., Ce qu’il faut savoir sur le cloud (nuage informatique) [en ligne], France Info [en ligne], 2013, disponible sur : < http://urlz.fr/1bqW >
43
aujourd’hui séparées car le nombre incalculable d’informations en circulation dans le monde n’est plus maîtrisable. La dématérialisation donne l’occasion de ne plus dépendre d’une seule enveloppe et de moduler à sa guise cette dernière. Cela offre alors des possibilités de développement d’une forme encore inconnue de support de représentation de traces de vie, qui s’adapterait en fonction d’usages actuels.
L’évolution de l’utilisation des supports en fonction d’usages actuels Un objet matériel peut représenter un souvenir : Des objets industriels se vendent dans les boutiques de souvenirs. Ils symbolisent généralement un lieu, un événement ou un personnage célèbre. Ils se déclinent souvent sous plusieurs formes pour toucher le maximum de cibles : boules de neige, tasses, peluches, etc. La fabrication d’objets-souvenirs s’adresse aussi aux particuliers. Attribués aux « loisirs créatifs », les photographies de souvenirs se mettent en valeur à travers des supports de décoration. Ces objets présentent généralement des souvenirs personnels. Les nouvelles technologies adaptent un support de présentation à des situations spécifiques. Touchable Memories est un projet Singapourien qui transforme des photographies 2D en sculpture grâce à l’impression 3D25. Cette technique suscite chez les malvoyants des émotions nouvelles par le « toucher » du souvenir. Dans d’autres cas, plusieurs traces se regroupent en un objet ou support. Elles correspondent à un ou plusieurs événements à la fois. Le packaging devient alors source de créativité pour mettre en valeur son contenu.
44
25 SoonSoonSoon, Regarder des photos-souvenirs avec les doigts [en ligne], 2014, disponible sur : < http://www.soonsoonsoon.com/ bp10155 >
45
L’évolution de l’utilisation des supports en fonction d’usages actuels
plus forte qu’un album photographique ordinaire. L’objet donne du sens et met en valeur en même temps le contenu immatériel. Fig.11 Sagmeister S., « Limited Edition Film Packaging » (2014) [coffret clé USB et Blu-Ray], in : Sagmeister & Walsh, disponible sur : < http://urlz.fr/1Msx >
Stefan Sagmeister a confectionné en 2013 une série limitée de coffrets représentant le travail typographique de son exposition « The Happy Show »26 (Fig.11). L’ensemble contient une clé USB ainsi qu’un disque Blu-Ray contenant un filmsouvenir de l’exposition. Chaque coffret est unique et a été décoré par l’auteur lui-même.
Fig.12 Lanthiez B., Cure C. « Hvísl, Whispers of Iceland » (ajoutée en mars 2014) [enregistrement vidéo d’un livre interactif], in : Viméo, [3 min 10], disponible sur : < http://vimeo.com/89790218 >
En tant que designer graphique, le but de mon projet n’est pas de réinventer un support de représentation, mais de proposer une façon de mettre en valeur un ensemble de traces de vie en utilisant le numérique. Il faudra donc penser à la manière de trier et de regrouper les traces, puis au support final de lecture de cet ensemble (qu’il soit matériel ou non). La dématérialisation est une source nouvelle de créativité en ce sens. Le mélange des supports de présentation démultiplie l’expérience et l’immersion pour l’utilisateur. Il serait donc intéressant de développer ce principe de toucher plusieurs sens à travers un unique format.
Hvisl est un projet interactif (Fig.12). Il présente à l’utilisateur un voyage de deux semaines en Islande à travers un livre sonore. Les sons produits se synchronisent à chaque page, proposant ainsi une expérience sensorielle
46
26 Un Tumblr retrace l’évolution de l’exposition à travers ses différentes villes de passage. Le blog est alimenté par l’auteur lui-même et par des Tweets de visiteurs. Disponible sur : < http://thehappyshow. tumblr.com/ >
47
2
La place du numérique dans la vie de l’homme aujourd’hui «
Ce n’est pas seulement la réalité qui est augmentée, c’est l’homme lui-même : sa capacité d’action, d’échange et de création. Sa présence est multiple, accélérée, diffuse et désorganisée.
»
Matthieu FOUQUET, Guillaume COURSIN27
27 Fouquet M., Coursin G., « Le miroir digital ou la nouvelle condition humaine numérique », Les Echos [en ligne], 21 novembre 2014, disponible sur : < http://urlink.fr/8aa > [consulté le 23/11/14] 49
Les capacités du numérique
A
La mémoire informatique En informatique, la mémoire est un dispositif électronique qui sert à stocker des informations28. John Von Neumann définit les concepts de programme et de données dans les années 194029. Les informations existent dans le langage informatique sous le nom de données. Ces dernières se traitent selon leur finalité par différents programmes. Mémoire cache
Mémoire vive ou RAM
Mémoire de stockage
Mémoire morte ou ROM
Mémoire sensorielle
Mémoire à court terme
Souvenirs
Savoir-faire
Plusieurs formes de mémoires se distinguent en informatique. Elles se matérialisent dans des supports physiques qui s’adaptent en fonction de l’objectif desservi. Il est intéressant d’interpréter des similitudes entre le fonctionnement de la mémoire humaine et celui de la mémoire informatique (Fig.13). Les mémoires informatiques disposent d’un moyen d’enregistrement (écriture) et de restitution (lecture). Ce sont des composants indépendants qui se connectent ensemble pour façonner la mémoire d’un appareil électronique. Mais à la différence de la mémoire humaine, ces éléments se remplacent à tout moment s’ils ne fonctionnent plus et ne possèdent qu’un esprit logique de programmation. Plus le coût et la qualité de ces pièces sont élevés, plus la capacité de mémoire de l’appareil est puissante.
Fig.13 Similitudes entre mémoires humaine et informatique, 2015, illustration personnelle 28 Wikipédia, La mémoire informatique [en ligne], disponible sur : < http://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9moire_%28informatique%29 > 50
29 Gava F., Ibid.
51
Ce parallèle entre mémoire humaine et informatique me donne des idées de représentations graphiques. Il pourrait être intéressant de travailler avec les mécaniques de l’informatique pour créer une analogie avec les traces de vie, tout en conservant une certaine forme d’humanité. Reprenons le cas du Cloud30. Avec internet, le système d’écriture et de lecture des données se trouve à distance de l’utilisateur. Quels avantages apparaissent avec la disparition du support physique ?
Ubiquité et plasticité L’individu ne possède plus avec lui de support physique de conservation. Tout s’effectue à distance, dans un lieu en principe sécurisé. Il ne reste plus que les supports de transition, pour effectuer les tâches d’écriture et de lecture. Par définition, l’ubiquité est le fait de pouvoir être présent partout31. Avec une connexion internet et un support de transition, l’utilisateur accède à toutes ses informations n’importe où dans le monde (si l’on ne prend pas en compte les censures de sites dans certains pays). L’information, disponible à tout moment, s’adapte ensuite au support de transition qui va l’accueillir sans être dénaturée. Ce principe est une forme de plasticité32. Une donnée (comme un site internet) se stocke puis se restitue sur ordinateur, tablette, smartphone, lunettes connectées… en conservant toute sa lisibilité. Si je travaille avec le numérique, je dois réfléchir à toutes les possibilités que m’apportent les supports de transition. Je dois penser sur tous les supports, adapter selon le scenario et utiliser toutes les qualités de ce domaine. 31 Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (CNRTL), Définition de l’ubiquité [en ligne], disponible sur : < http://www.cnrtl.fr/definition/ubiquit%C3%A9 >
52
30 Chapitre 1, partie B, page 39
32 Lors de mes sessions en entreprise, j’ai eu l’occasion de discuter de ce sujet avec une personne qui réalise une thèse autour du principe de plasticité dans le monde numérique.
53
Mais surtout, je dois mener une réflexion graphique sur la plasticité numérique, car c’est une pratique récente et cela pourrait jouer sur la force d’innovation de mes concepts. La trace ne s’interprète plus comme quelque chose de physique mais comme étant un matériau maléable, dépourvu d’une seule et unique enveloppe.
Pallier à certains inconvénients de la mémoire humaine
«
[…] l’oubli est beaucoup plus faible qu’il ne semble et notre mémoire a simplement des difficultés à s’y retrouver dans les milliers d’informations que nous avons stockées au cours de notre vie.
»
Alain Lieury33
Fig.14 Orange S.A. (dir.), « Memory Life » (2009) [application Windows Phone] in : < http://blog.memory-life.com/ >
Dans Le livre de la mémoire, Alain Lieury, spécialiste en psychologie cognitive, précise que l’oubli peut être lié au temps, à des déconnexions passagères entre certaines zones de mémoires et à certaines pathologies. Les traces regroupées dans un système numérique se trient selon une attribution temporelle ou spatiale pour en faciliter la relecture. Memory Life34 est une boîte à souvenirs (Fig.14). Les traces stockées dans l’application se disposent sur une timeline. L’utilisateur repasse ainsi chronologiquement des moments de son passé. Il a également la possibilité de concevoir un film avec un ensemble de ses traces. 33 Lieury A., Op. cit., p.164
54
34 Orange S.A. (dir.), Memory Life [en ligne], 2009, mise à jour en 2014, disponible sur : < http://blog.memory-life.com/ >
55
Pallier à certains inconvénients de la mémoire humaine
Narrative Clip35 est un petit objet connecté qui prend des photos (Fig.15). Lorsqu’une photo est prise, l’objet transmet celleci à une application dédiée. Le GPS intégré à l’objet attribue une localisation spatiale aux photos. L’utilisateur retrouve alors ses clichés en recherchant des lieux qu’il a fréquentés. Pour retrouver une trace spécifique, le numérique s’apparente à Fig.15 un assistant de recherche. Les Narrative, « Narrative Clip » (2013) [appareil photo miniature] traces stockées se retrouvent en in : < http://getnarrative.com/ > fonction de critères de recherche précisés par un utilisateur : la date, le lieu, le type, la catégorie ou encore la priorisation personnelle. Des algorithmes détectent et proposent rapidement des résultats. Ces outils accompagnent un individu pour soulager en quelque sorte sa mémoire.
«
Disponibles à tout moment, les supports électroniques de stockage d’information soulagent nos mémoires d’un effort jugé de plus en plus insupportable.
»
Jean-Gabriel Ganascia36 L’ubiquité des informations transforme le numérique en un véritable prolongement de 35 Narrative, Narrative Clip [en ligne], 2013, mise à jour le 27/10/2014, disponible sur : < http://getnarrative.com/ > 56
36 Ganascia J-G., Extrait de l’intervention La mémoire informatique au service de l’homme, Transversales du CNRS, Mémoires, 2000
mémoire pour l’Homme. Face à l’infobésité37, ce dernier peut aussi ne conserver que le meilleur de ses informations pour les revoir. Dans le domaine du journalisme, la tendance récente est à la « slow info »38. La question suivante se pose aujourd’hui : l’automatisme, sans aucune intervention humaine, est-il véritablement la solution ? La hiérarchisation des traces est importante. Mais l’interface de présentation de toutes ces informations est d’autant plus importante pour l’utilisateur, car le but final pour lui est de revoir ses souvenirs, pas de se perdre dedans (quoique ?). Je m’intéresse à la problématique de l’automatisation du triage. Je pense qu’une combinaison entre l’action de l’homme et du numérique serait judicieuse pour optimiser la représentation finale des traces. Après tout, c’est bien l’individu qui se représente, il faut donc qu’il conserve une maîtrise forte de l’application. Le numérique servirait alors d’aide à hiérarchisation et à la présentation graphique. Il est certain néanmoins que l’informatique ne peut pas être considérée comme une mémoire de substitution totale à la mémoire humaine, à cause de ses faiblesses.
37 Infobésité ou surcharge d’informations. 38 Legrand D., Est-ce la fin de l’infobésité, le sacre du « slow » et du long format ?, Next INpact [en ligne], 03/01/2015, disponible sur : < http://urlz.fr/1cQz >
57
Les fragilités du numérique
B
La perte inattendue ou involontaire des données La perte des données peut être due à : la dégradation physique dans le temps du matériel de stockage (à 56%) ; la destruction involontaire (erreur humaine) (à 26%) ; la défaillance du matériel de lecture ; la destruction par un virus informatique ; la destruction du matériel dans une catastrophe naturelle39.
Fig.16 « Erreur de lecture d’un disque dur sur Apple » (sans date) [Capture d’écran], in : MyDiskManager.com, Formater son disque dur sous MacOs X avec l’utilitaire de disque Apple, disponible sur : < http://urlz.fr/1OA6 >
Dans ces nombreux cas, la perte est imprévisible (Fig.16). L’utilisateur se confronte à la problématique de la pérennité des informations personnelles. La récupération des données est parfois impossible et un patrimoine important disparaît du jour au lendemain. Le service du cloud est aussi concerné par cette problématique, même si la sécurité physique des données est tout de même nettement supérieure à une conservation personnelle amateur40. D’après Claude Huc, ce n’est pas forcément la 39 Kroll Ontrack Inc., Qu’est-ce qu’une perte de données ? [en ligne], disponible sur : < http://www.ontrack.fr/explication-perte-donnees/ >
58
40 Colombain J., op. cit.
59
technologie qui est à remettre en cause mais sa façon de l’utiliser41. Claude Huc compare le domaine informatique à celui du transport aérien. Afin de pallier au mieux les risques de perte, il suggère à la manière du système aérien la mise en place d’un véritable système de sécurité composé d’un ensemble de moyens. Ce système comprendrait entre autres une lecture universelle (normalisée) ou encore une duplication sur plusieurs formes de supports. Nous ne sommes jamais à l’abri d’une panne d’électricité, d’un matériel défectueux ou d’un problème technique. Dans le cadre de mon projet, je pense de plus en plus travailler autour d’un support dématérialisé qui ne servira non pas à conserver mais à représenter. Seule une sélection de traces serait « exposée » à travers ce support.
Le vol d’identité et la surveillance La confidentialité des données personnelles est une problématique forte chez le grand public. Dans certains cas, les informations personnelles s’utilisent à des fins commerciales frauduleuses ou à des fins de surveillance gouvernementale42. Les craintes s’amplifient notamment depuis les révélations d’Edward Snowden concernant certains programmes de surveillance de masse américains et britanniques43. L’expression Big Brother44 s’assimile même à cette pratique (Fig.17). Ces doutes sont aussi dus à un manque de transparence de la part des entreprises. Snapchat est un service d’envoi de photos que l’on peut visionner pendant un temps maximum de dix secondes avant que celles-ci ne soient « détruites ». L’application a récemment suscité deux grandes polémiques autour de la sécurité des données. La première, c’est que les photos ne se détruisent pas complètement après leur visionnage. Elles se
Fig.17 « Big Brother is watching you » (sans date) [affiche], in : Wikia, Fiction Encyclopedia, disponible sur : < http://fictionencyclopedia.wikia.com/ wiki/Ingsoc >
42 Marchand S., Qui vous protège vraiment sur internet ? [en ligne], Nova Planet, 16/05/2014, disponible sur : < http://urlz.fr/1cRB > 43 Wikipédia, Edward Snowden [en ligne], disponible sur : < http://fr.wikipedia.org/wiki/Edward_Snowden >
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41 Huc C., « La pérennité des documents électroniques - points de vue alarmistes ou réalistes ? », Bulletin des Archives de France sur la conservation à long terme des documents électroniques [en ligne], octobre 2001, n°7, disponible sur : < http://urlz.fr/1cRq >
44 Orwell G., 1984, Royaume-Uni, Secker and Warburg, 1949, 439 p. Big Brother est un personnage de fiction de ce roman. Il est devenu une expression populaire pour qualifier toutes les institutions ou pratiques portant atteinte aux libertés fondamentales et à la vie privée des populations ou des individus.
61
Le vol d’identité et la surveillance
«
conservent en réalité dans un dossier invisible du smartphone de l’utilisateur45. La seconde, c’est que 4,6 millions de comptes ont été piratés et leurs informations publiquement exposées. L’entreprise avait pourtant promis un risque minime de failles de sécurité46. Pour l’instant, c’est la réglementation américaine qui est la plus développée sur la question de la transparence des applications à contenu personnel vis à vis de ses utilisateurs. Mais pour Etienne Drouard, avocat spécialisé en droit de l’informatique et des réseaux de communication électronique, les lois formelles ne suffisent pas : […] croire en ce qu’on nous dit ne suffit pas, il faut également que ceux qui affirment un certain niveau de protection de la vie privée s’astreignent ou soient astreints à des mécanismes d’audit. Autrement, les discours et les clauses contractuelles ne peuvent pas suffire pour garantir l’effectivité des engagements dont on croit bénéficier.
accède à leurs photos sans leur autorisation48. Si le vol d’identité ou de données n’est jamais impossible, il peut tout de même s’éviter par plusieurs astuces, comme (par exemple) un mot de passe complexe49. Si l’un des concepts se base sur une application comme moyen de représenter les souvenirs, il faut être conscient des risques du monde connecté par rapport aux informations intimes. Certains types de traces seraient proscrits par exemple ; ou bien la confidentialité sera particulièrement travaillée pour que l’utilisateur soit libre concernant l’accès ou non à son espace.
»
Etienne drouard47
Selon une étude Ipsos qui concerne la conservation de photographies numériques, 78% des personnes interrogées craignent que quelqu’un
45 Vaudano M., Snapchat : ces photos éphémères qui ne s’effacent pas, Rézonances, Le Monde [en ligne], 10/05/2014, disponible sur : < http://urlz.fr/1cSz > 46 Breton J., Les identifiants de 4,6 millions de comptes Snapchat dérobés, Les Numériques [en ligne], 02/01/2014, disponible sur : < http://urlz.fr/1cRY >
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47 Drouard E., Extrait de l’article Snapchat gardait en fait vos photos censées être détruites : faut-il faire confiance à qui que ce soit sur le web ?, Atlantico [en ligne], 12/05/2014, disponible sur : < http://urlz.fr/1cSb >
48 Teinturier B., La photo, une passion française, [en ligne], Ipsos, 2013, disponible sur : < http://urlz.fr/1cS0 > 49 Un article de Sébastien Gambs et Christophe Castro détaille certains moyens de protection de la vie privée sur internet : http://urlz.fr/1cSA
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L’absence d’humanité ?
Fig.18 Brooker C., Black Mirror, saison 1, épisode 3: the entire history of you (retour sur image), Royaume-Uni, série, science-fiction et satire, 2011
Dans un épisode de la série télévisée Black Mirror50, les humains sont dotés d’une puce électronique qui enregistre tout ce qui est vu à travers leurs yeux (Fig.18). Ils en visionnent ensuite à tout moment les archives sur un écran. L’épisode montre de manière tragique un homme proche de la paranoïa et qui ne profite plus de ses instants de vie, à cause de l’utilisation abusive de cette technologie. Il finit par découvrir l’infidélité de sa femme et son histoire se brise. Cet épisode de science-fiction illustre les dérives des technologies trop présentes dans la vie quotidienne. Les appareils électroniques fonctionnent de manière automatique. Sans suivi humain, ils n’ont pas conscience des limites éthiques ou sociales à ne pas dépasser. En quelques années, l’informatique devient un phénomène de masse qui modifie des modes de vie. Depuis le début des années 1990, elle se développe à des fins domestiques dans un marché très
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50 Brooker C., Black Mirror, saison 1, épisode 3 : The entire history of you (retour sur image), Royaume-Uni, science-fiction et satire, 2011
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L’absence d’humanité ?
concurrentiel51. Les interfaces homme-machine répondaient alors à un but purement fonctionnel. Ce n’est que depuis quelques années que la sociologie, l’ergonomie ou le design construisent les critères d’une IHM52. La tendance évolue donc vers une forme d’humanisation. Les IHM se pensent pour l’expérience utilisateur en plus de l’usage. Connexion, Contenu, «Customisation», Contexte et Contrôle53 sont des exemples de conditions qui assouplissent les NTIC actuelles. L’UI et l’UX design54 deviennent des disciplines intégrées au processus de création d’une application. Même si la machine ne possède pas de conscience, l’Homme se responsabilise pour que cette machine s’en rapproche le plus possible, selon son but. L’un des objectifs de mon projet serait d’apporter une forme d’humanité à la présentation des traces de vie, basée sur le contrôle de l’homme. Même s’il y aura une recherche autour de la facilité de présenter les traces et de disposer de fonctions automatiques, la poésie visuelle sera évidente à travers la forme graphique que prendra l’ensemble des traces.
51 Wikipédia, L’informatique [en ligne], disponible sur : < http://fr.wikipedia.org/wiki/Informatique#Histoire_2 > 52 Abréviation de Interface Homme-Machine. 53 Rohrbasser P., De la consumérisation à l’humanisation de l’IT, Les Echos [en ligne], 03/06/2012, disponible sur : < http://urlz.fr/1cV1 >
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54 Traduire UI par « User Interface » et UX par « User eXperience ». Un excellent article explique la différence entre ces deux métiers : http://blog.lunaweb.fr/ux-ui-experience-utilisateur-interface/
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La culture du quotidien
C
La connexion inter-générations, dans toutes les situations Selon une étude de l’Insee sortie en 201255, la séparation de l’usage d’internet et des nouvelles technologies entre les générations (ou fracture numérique) s’estompe progressivement avec le temps. Les NTIC56 ne touchent désormais plus seulement les Digital Natives57, avec une pratique quasi-quotidienne. L’internet mobile confirme son essor, avec une utilisation à 75% chez les 15-29 ans. Ce type de connexion se développe majoritairement dans les grandes agglomérations. Fig.19 Volvo, POC, Ericsson, Connect cycle helmet with cars, démonstration vidéo, in : Youtube, youtube.com, [39sec], 2014, disponible sur : < https://www.youtube.com/watch?v=w0rPQpjZhxg >
Avec la disparition de la fracture numérique, le jeune retraité devient un utilisateur potentiel pour un projet qui se base sur une application web. Je pense ici au jeune retraité car c’est une personne qui peut prendre le temps de construire une rétrospective. De plus, il possède de nombreux souvenirs à raconter. 55 Gombault V., L’internet de plus en plus prisé, l’internaute de plus en plus mobile, INSEE [en ligne], 2012, disponible sur : < http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?ref_id=ip1452 > 56 Abréviation de Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication
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57 Traduire en français par Natif Numérique. Personne ayant grandi dans un environnement numérique. (Source : Wikipédia)
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La connexion inter-générations, dans toutes les situations
Il est attesté dans cette même étude une forte participation aux réseaux sociaux et à la récupération d’informations culturelles. L’individu est un émetteur-récepteur très actif des contenus médiatiques et sociaux. Ce constat se doit notamment à une connexion internet qui évolue sans cesse et à une couverture réseau de plus en plus étendue, acceptant toujours plus de données à circuler. Ces observations sont la conséquence de nouveaux usages autour d’internet. L’usage qui s’étend le plus ces dernières années est la mobilité connectée (ou nomadisme numérique). La plasticité des sites internet permet d’utiliser des services comme les messageries ou les réseaux sociaux n’importe où avec un smartphone. L’ennui possible dans les transports, dans une file d’attente, etc. se comble par la consultation rapide des mails, par des Tweets, par une partie rapide de Candy Crush Saga, etc. (Fig.20). L’internaute est dépendant des nouvelles technologies dans toutes les situations, plus seulement dans certains lieux.
temps réel entraîne un déséquilibre avec la sphère privée, dont la frontière avec la sphère professionnelle disparaît au travers des outils numériques (ordinateur, smartphone, etc.). L’intrusion de la mobilité numérique est si forte que l’individu ne prend plus le temps de s’arrêter et génère un stress permanent à l’idée de se déconnecter58. Des troubles compulsifs apparaissent, tels que le fait de regarder machinalement son smartphone toutes les minutes pour voir si un nouveau message est apparu. L’internaute, qu’il soit en mobilité ou non, est aujourd’hui un émetteur-récepteur très actif. Il serait donc intéressant d’exploiter cette voie en imaginant un concept qui récupère des traces en lien avec la vie d’un internaute. Il faudrait également envisager d’utiliser les qualités du nomadisme numérique comme la géolocalisation. Les traces se doteraient alors non plus de repères temporels mais pourquoi pas de repères spatiaux.
Autant pour les professionnels que pour les particuliers, le nomadisme numérique est une pratique qui rend l’individu connecté en permanence. Avec Fig.20 la géolocalisation, certains services s’optimisent Logos des applications Gmail, Twitter avec la position de l’individu. et Candy Crush Saga, Mais la connexion permanente déclenche une in : Google images, forme certaine d’addiction. Pour un salarié par images.google.com exemple, l’usage trop présent de la connexion en
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58 Bobillier Chaumon M-E., Nomadisme et dépendance, des pratiques professionnelles reconfigurées, cadrescfdt.fr [en ligne], 2012, disponible sur : < http://urlz.fr/1aWZ >
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Fig.21 Recherche Google, capture d’écran
Automatisation : comment les informations sont-elles traitées? En informatique, un algorithme est une suite logique d’instructions permettant de résoudre un problème59. En utilisant des critères spécifiques, un logiciel est capable de trier automatiquement des informations dans des catégories. Grâce aux algorithmes, cette opération s’effectue sans intervention humaine. Aujourd’hui, les algorithmes prédictifs se programment pour s’adapter et évoluer selon leur environnement. Sans pour autant remplacer l’intelligence d’un humain (je pense ici au terme d’Intelligence Artificielle), face aux données massives60, l’automatisation de certaines tâches fait gagner un temps considérable à l’Homme. La multinationale Walmart traite ainsi plus d’un million de transactions de clients par heure61. Prenons maintenant le cas d’une utilisation dans la vie quotidienne. En cherchant une ressource sur internet, des moteurs de recherche comme Google font accéder rapidement à une série de résultats en fonction du mot-clé écrit (Fig.21). Un moteur de recherche est une application constituée d’algorithmes qui effectuent le travail de recherche sans l’intervention de l’Homme. Le même principe se retrouve dans les sites-comparateurs tels que 59 Wikipédia, Un algorithme [en ligne], disponible sur : < http://fr.wikipedia.org/wiki/Algorithme > 60 Données massives ou plus communément appelé « Big Data » 72
61 Data, data everywhere, The economist [en ligne], 2010, disponible sur : < http://www.economist.com/node/15557443 >
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kayak.fr62 ou lelynx.fr63. L’affichage de ressources groupées et la comparaison révèlent des nouvelles formes d’exploration d’informations impossibles à générer auparavant et l’individu ne cesse de gagner en confort de vie. L’automatisation, utilisée de façon nuancée, pourrait accompagner l’utilisateur dans la création de rétrospective numérique. Sans complètement remplacer l’Homme, elle pourrait faciliter la mise en forme puis l’interactivité. Par exemple, il serait possible de récupérer des médias (représentant des souvenirs) dans des applications afin de les réunir dans la rétrospective.
62 Kayak est un site-comparateur de vols d’avions avec hôtel. 74
63 LeLynx est un site-comparateur d’assurances.
Les médias sociaux aujourd’hui La fonction première d’un média social est de générer des interactions entre individus ou groupes d’individus et de créer du contenu en utilisant la technologie64. Le prisme de la conversation balaye très largement toutes les catégories d’applications qui intègrent les médias sociaux (Fig.22, page suivante).
64 Wikipédia, Les médias sociaux [en ligne], disponible sur : < http://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9dias_sociaux >
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Les médias sociaux aujourd’hui
Cette infographie regroupe (entre autres) les wikis, les applications de Quantified Self (une souspartie y est dédiée plus loin dans ce mémoire), les messageries instantanées ou encore les réseaux sociaux numériques personnels et professionnels. Dans chaque catégorie, les contenus s’adaptent en fonction de leur finalité.
Je retiens particulièrement les catégories de bookmarking* et de social curation**, qui sont des formes d’optimisateurs de contenu. Pour mon projet, je m’intéresserai aux applications de ces catégories, qui me donneront des pistes pour le travail sur la hiérarchisation des traces de souvenirs, surtout si ces dernières proviennent de différentes applications.
Fig.22 Solis B., JESS3, The Conversation Prism 4.0 [en ligne], 2013, disponible sur : < https://conversationprism.com/ > 76
* Traduire en français par « partage de signets ». Ce type d’application permet aux utilisateurs de partager dans un espace commun le meilleur de leurs liens, photos, vidéos, etc. Exemple : http://www.pearltrees.com/ ** Traduire en français par « prendre soin de ses contenus ». Individuellement, un utilisateur sélectionne des contenus provenant de plusieurs sites pour les afficher dans un seul espace. Exemple : https://about.flipboard.com/
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Les médias sociaux aujourd’hui
Intéresserons-nous maintenant aux réseaux sociaux numériques de loisir. La culture sociale diffère complètement selon l’individu. Algopol est une expérimentation sociologique qui présente sous la forme d’une carte interactive la culture du « réseau d’amis » sur Facebook, avec ses interactions (« likes », commentaires, etc.) et son évolution dans le temps65. Les illustrations cidessous représentent une comparaison entre deux profils analysés par l’application (Fig.23).
Sans entrer dans le détail, nous remarquons que la gestion des communautés (agglomérats de points sur la carte) diffère beaucoup entre les deux profils présentés ci-dessus. La question de la proximité avec tous les « amis » de ce profil se pose. J’ai rencontré Irène Bastard, qui a réalisé sa thèse sur cette expérimentation66. Pour elle, l’outil est un moyen pour un individu de prendre conscience de la réalité des impacts sociaux d’un réseau comme Facebook. L’usage extrême de ces types de media peut amener un individu complètement à l’opposé de l’objectif même d’un réseau social : une forte détérioration des relations interpersonnelles et une vision irréaliste de la vie67.
«
Un vent de schizophrénie souffle. D’un côté, le ”citoyen 1.0” demeure attaché aux principes du respect de ses données personnelles et de sa vie privée au travail, de l’autre, ce même citoyen, version 2.0, est prêt à sacrifier ses droits sur l’autel de la popularité et de l’audience. Coralie RICHAUD68
Chaque petit point représente une personne qui fait partie du « réseau d’amis » du profil étudié. Plus le point est rouge et gros, plus cette personne interagit avec le profil étudié. Si deux points se relient par un fil, c’est que les personnes qui les représentent se connaissent entre elles.
Fig.23 « Comparaison de deux profils sur Algopol », (2014) [Images], in : Algopol, disponible sur : < http://app.algopol.fr/ >
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65 Agence Nationale de la Recherche (dir.), Algopol, 2013, disponible sur : < http://app.algopol.fr/ >
»
La simplicité de publication et de diffusion de contenus engendre parfois ces comportements exagérés qui mènent à la dégradation de son 66 Rencontre lors d’un salon interne d’Orange Labs (entreprise d’apprentissage) à Paris. 67 Higton S., What’s on your mind ? [ajouté en juin 2014], in : Vimeo, vimeo.com, [2 min 36], disponible sur : < http://vimeo.com/97115097 > 68 Richaud C., Extrait de l’article Données personnelles : la schizophrénie citoyenne, Le Monde, 05/06/2014
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Les médias sociaux aujourd’hui
épanouissement personnel et à la démultiplication des fausses personnalités. Les NTIC bouleversent notre façon de nous représenter. La connexion en mobilité, l’automatisation des actions, l’alimentation permanente d’informations… Toutes ces caractéristiques sont une opportunité pour de nouveaux concepts de représentation des souvenirs. Individuels ou collectifs, partagés ou non, les rétrospectives dépendront de scénarios utilisateurs détaillés et de la raison de la représentation. Le but n’est pas de déformer la réalité des souvenirs mais de les présenter d’une façon valorisante pour l’individu.
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81
3
Se représenter pour exister «
Pour se souvenir des images, il faut les singulariser, leur attribuer « une beauté exceptionnelle ou une insigne laideur (…) » car nous ne retenons pas ce qui est ordinaire mais ce qui est remarquable.
»
Alain LIEURY69
69 Lieury A., op. cit., p.26
83
Une construction de soi grâce à des apports individuels et collectifs
A
Façonner sa personnalité et constater son évolution dans le temps
Fig.24 Hofmeester F., « Portrait of Lotte 0 to 14 years in 4 min » (2014) [captures d’écran tirées d’une vidéo], in : Youtube, disponible sur : < https://www.youtube.com/watch?v=_vHRgpZ7NkA >
Lorsqu’un individu revoit des photographies de ses souvenirs, il constate qu’il a réalisé des choses dans sa vie qu’il peut parfois avoir oublié (Fig.24). Ce type de rétrospective procure des émotions positives ou négatives selon l’événement. Les émotions s’associent aux souvenirs, permettant d’adoucir des événements douloureux du passé et à l’inverse d’assombrir des moments heureux70. Les événements douloureux façonnent la personnalité, mais il est important que les bons moments soient rappelés car ils s’oublient parfois facilement au profil de certaines pathologies comme la dépression. La mémoire est une des clés de l’épanouissement personnel d’un individu. Les souvenirs positifs jouent un rôle majeur dans l’état psychologique d’un individu. Je souhaite dans mon projet me focaliser sur ce type de souvenirs et proposer des concepts qui représenteront les traces les plus agréables d’une histoire, afin de les revoir.
84
70 Transformer des mauvais souvenirs en bons, bientôt possible, L’Express [en ligne], 2014, disponible sur : < http://urlz.fr/1aSj >
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Façonner sa personnalité et constater son évolution dans le temps
Revoir des traces de son passé permet de se rendre compte de son évolution. Prenons un exemple pratique. Certains coureurs utilisent une application de tracking71 combinée à un équipement qui capte les réactions du corps, afin de constater leur progression (ou régression) dans le temps.
«
So that when we think about using them to get some systematic improvement, we also think about how they can be useful for self-improvement, for self-discovery, selfawareness, self-knowledge. Alors, quand nous pensons à les utiliser pour obtenir une certaine amélioration systématique, nous pensons aussi à la façon dont ils peuvent être utiles pour l’amélioration de soi, pour la découverte de soi, la conscience de soi, la connaissance de soi.
»
Gary WOLF72 Le principe de mesurer son évolution personnelle en enregistrant les informations de sa vie capturées par des objets connectés (et des applications mobiles) se nomme Quantified Self73. Le but principal est de tirer des enseignements sur soi, mais aussi d’apprendre à mieux connaître son corps pour mieux le maîtriser. 71 Traduire ici le terme « tracking » par « suivi ». Une application de sport-tracking analyse la performance d’un utilisateur en croisant les résultats de plusieurs entraînements, selon différents critères, sur une durée donnée. 72 Wolf G., The Quantified Self [ajouté en juin 2010] extrait de la conférence, enregistrement vidéo, in : TED, ted.com, [5 min 01], disponible sur : < http://urlz.fr/1cb3 > 86
73 Wikipédia, Quantified Self [en ligne], disponible sur : < http://fr.wikipedia.org/wiki/Quantified_self >
«
Traditionnellement, les gens n’apportaient leur appareil que pour des événements particuliers où tout le monde s’habillait et faisait un sourire. (…) on ne sait pas par avance quels moments seront importants.
»
Martin KÄLLSTRÖM74 Appliqué au loisir, une tendance appelée le Lifelogging est un dérivé du Quantified Self. Le principe est d’enregistrer son quotidien pour ensuite le revoir et le partager. Martin Källström a fondé en 2012 avec l’appui de Kickstarter « Narrative Clip » (anciennement « Memoto »), une mini-caméra qui se clipse sur le vêtement et qui prend une photographie toutes les trente secondes75. Les photos prises se transfèrent ensuite sur une application dédiée. Pour visualiser les photos, deux solutions sont proposées : soit une gestion dans le temps, soit une gestion spatiale. Il est parfois plus facile de rechercher le lieu où la photographie a été prise plutôt que le moment exact, surtout quand il y a beaucoup de clichés sur peu de temps. De plus, l’objet connecté filtre automatiquement les photos loupées. Néanmoins, seule une visualisation temporelle et spatiale des photos est possible, il n’existe pas de gestion par événements ou encore une gestion collective.
74 Källström M., extrait de l’article « Le lifelogging, pour enregistrer chaque moment de votre vie », L’Express, 2013, disponible sur : < http://urlz.fr/1cdx > 75 Se référer à la note 35 en page 48 (chapitre 2, partie A).
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J’aimerais, pourquoi pas, utiliser le principe du Lifelogging pour présenter graphiquement le meilleur de l’évolution d’un événement ou d’un voyage par exemple. La récupération des traces biologiques en temps réel apporterait une dimension différente à un souvenir. Il faudra en tant que designer graphique rechercher une façon de présenter ce type de trace, autre qu’une simple timeline. Je souhaite proposer quelque chose de plus immersif et interactif dans la présentation.
La co-construction, donner une autre dimension à un souvenir Aujourd’hui, la coopération est présente dans plusieurs domaines. Parmi les plus connus, Fig.25 nous retrouvons le covoiturage, Logo du site web Kickstarter, in : Google images, images.google.com la colocation, le crowdfunding76 (Fig.25). Mais intéressons-nous aux événements passés dans notre cas. Construire collectivement des souvenirs apporte aussi des enseignements individuels. Il y a d’abord les expériences qui ne se vivent pas forcément au même moment. C’est le cas par exemple d’une épreuve de vie comme un accouchement. Sur internet, les forums spécifiques permettent de discuter de cet événement. Même si les individus ne se connaissent pas, ils peuvent participer à un débat sur la question de leur choix autour de cette expérience commune. Dans cette situation, chaque individu ressent et exprime différemment cette expérience en fonction de la manière dont elle a été vécue mais aussi en fonction de critères personnels (les émotions, l’éducation, etc.). Les femmes qui n’ont pas encore
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76 Traduire en français par « financement participatif ». Expression décrivant tous les outils et méthodes de transactions financières qui font appel à un grand nombre de personnes pour financer un projet, sans intermédiaire. (Source : Wikipédia)
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La co-construction, donner une autre dimension à un souvenir
vécu l’épreuve peuvent découvrir et apprendre grâce aux différents récits des autres. C’est une formation collaborative par la société grâce au croisement des expériences. Il y a ensuite l’événement vécu communément, au même moment et dans le même lieu. Deux cas sont possibles : Les individus ne se connaissent pas entre eux. Lors d’un concert par exemple, des personnes se réunissent dans une passion commune. Le groupe de musique peut utiliser les réseaux sociaux pour communiquer autour de l’événement avec les fans présents. Ces derniers réagissent et donnent leurs retours, qu’ils soient positifs ou non.
Cette discussion autour de l’idée de co-construction m’amène à penser autrement que simplement représenter les traces d’une vie. Pourquoi ne pas montrer un événement à travers plusieurs points de vue ? Cela signifierait que mon projet pourrait se diviser en plusieurs finalités. En voici quelques unes : présenter les traces d’une vie, de plusieurs vies, d’un événement, d’un voyage, d’un lieu…
Les individus forment un groupe avec plus ou moins d’affinités (d’amis, de proches, de famille, etc.). Lors d’un mariage, un « livre d’or » est mis en place afin que les convives déposent des messages destinés aux mariés. Les invités décrivent leurs états d’esprits pendant l’événement. C’est un exemple de partage qui forme un souvenir collectif pour les mariés. C’est une contribution, un apport commun pour préciser un événement et éventuellement y apporter une critique.
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Transmettre
B
Lors de l’animation du café numérique77 (cité dans le premier chapitre, partie A, page 28), j’ai demandé aux participants pour quelles raisons ils conservent leurs traces de vie. Cette sous-partie décrit les différentes réponses obtenues.
Transmettre à sa famille : l’héritage culturel immatériel
«
Moi personnellement, mon père ne m’a rien laissé et ça m’a peut-être fait souffrir. J’aimerais bien laisser une trace écrite à mon fils et à ma fille.
»
Simon, 60 ans78 L’héritage culturel immatériel est une forme importante de patrimoine pour une famille. Michaël Berger a écrit un roman biographique sur son grand-père79 (Fig.26). Ce dernier a été déporté dans un camp de concentration pendant la Seconde Guerre Mondiale et il y a survécu. Michaël a eu la chance d’enregistrer son histoire, il a ensuite décidé d’en écrire un livre. Le cas du grand-père de Michaël est un héritage culturel très particulier. Cela est presque de l’ordre du devoir de perpétuer cette histoire afin de montrer la fierté et la force de la famille. Il est aussi important de montrer l’exemple aux générations futures à Fig.26 Berger M., Son Chemin, France, Elkana, 2014
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77 Laisser des traces, op. cit. 78 Guillemot S., Les motivations des personnes âgées au récit de vie et leurs influences sur la consommation de services biographiques [en ligne], université de Bretagne-Occidentale, Brest, 2010, disponible sur : < https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00542744 > 79 Interview de Michael Berger, ingénieur de métier et écrivain biographe, outil personnel. Annexe n°1 page 117.
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l’échelle d’une famille qu’à l’échelle d’une nation. L’héritage aide à se construire personnellement. Chez l’adolescent notamment, connaître l’histoire de sa famille influence les repères nécessaires à une meilleure intégration des valeurs adultes. Cela peut faire partie d’un processus de remise en question pour l’adolescent, en fonction des antécédents familiaux80. Cette sous-partie appuie le fait que la représentation d’histoires de vies est importante et parfois indispensable. Cela peut être aussi important que la transmission d’un savoir-faire. Le projet deviendrait alors un outil qui aide à la formation et la diffusion de son histoire de vie.
La gestion du deuil à l’ère du numérique Lorsqu’une personne décède, le deuil se fait aussi dans la sphère numérique. Le court-métrage In Memory montre de la force de transmission d’un réseau social après un décès81 (Fig.27). Une mère témoigne après le suicide de son fils. Le profil de ce dernier devient un espace d’hommage qui émeut la famille. Mais grâce à de nombreuses photos et vidéos visibles sur le compte, la mère découvre une partie de la riche vie d’adulte de son fils. Elle bénéficie ainsi d’une forme numérique de livre de vie de son enfant défunt. Le réseau social se transforme alors en mémorial.
Fig.27 72U, In Memory (2015) [vidéo], in : Vimeo, disponible sur : < https://vimeo.com/120512142 >
Dans le cas de ce courtmétrage, Tom Plainwhite (le défunt) a reçu des hommages respectueux. Dans d’autres situations, comme celle du suicide de l’acteur Robin Williams, la famille a fait face à des critiques malveillantes provenant d’inconnus sur toute la toile. La fille de l’acteur, ne supportant pas la violence gratuite
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80 Wenderickx V., « L’adolescence : de l’héritage familial à la liberté individuelle », Cahiers de psychologie clinique [en ligne], 2009, n°33, p.85, disponible sur : < http://urlz.fr/1chG >
81 72U, In Memory, [ajouté en mars 2015], in : Vimeo, vimeo.com, [11min20], disponible sur : < https://vimeo.com/120512142 >
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La gestion du deuil à l’ère du numérique
de certains propos, a préféré fermer son compte Twitter82.
«
Plus tard, des profils comme celui de Michael Jackson se visiteront comme des châteaux.
»
Alain Bensoussan
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Le harcèlement moral et le voyeurisme font partie des dérives dûes au manque de confidentialité de certaines informations personnelles. Des sites comme Paradis Blanc dédient des espaces virtuels à la création de mémoriaux84 et tentent de mieux préserver la mémoire d’un défunt. La citation d’Alain Bensoussan montre la réalité des conséquences qu’un décès peut engendrer sur la toile. Montrer l’histoire de la vie d’un défunt est une étape importante du deuil et cette étape est encore mal maîtrisée dans le monde numérique. En tant que designer graphique, je souhaite non pas travailler sur le mémorial à proprement parler mais plutôt sur la façon de traiter la rétrospective numérique d’un individu pour que ce dernier soit respecté. 82 Parlanti C., Harcelée, Zelda, la fille de Robin Williams, quitte Twitter : les coupables me font gerber [en ligne], Nouvel Obs, 14/08/2014, disponible sur : < http://urlz.fr/1QFD > 83 Bensoussan A., La vie sur le Net est-elle éternelle ? [en ligne], Le Figaro, 22/01/2010, disponible sur : < http://www.lefigaro.fr/ web/2010/01/22/01022-20100122ARTFIG00014-la-vie-sur-le-net-estelle-eternelle-.php > 96
84 Marchal C., Paradis Blanc [en ligne], disponible sur : < http://www.paradisblanc.com/ >
Le « livre de vie » ne se crée pas nécessairement sur un réseau social. Il faut donc chercher une manière de développer l’espace virtuel de représentation de soi. La récupération de l’héritage numérique d’un défunt est bien souvent problématique pour sa famille. La question du devenir des données d’un internaute après sa mort se pose. Auparavant, si le défunt ne communiquait pas de son vivant le code d’accès à un compte en ligne (comme Google Plus), il pouvait être difficile pour la famille de demander la modification ou la suppression définitive de ce compte. L’utilisateur peut maintenant, de son vivant, choisir des personnes proches pour leur léguer ses données personnelles après son décès85. Selon la volonté du défunt, les personnes désignées peuvent soit faire perdurer l’avatar virtuel86, soit supprimer le compte tout en récupérant les informations contenues à l’intérieur. Il sera important de traiter du devenir des rétrospectives générées dans le projet après le décès d’un utilisateur, en plus de la gestion de la confidentialité. L’application pourrait proposer une partie de gestion de la transmission. Il serait possible 85 Gazzane H., Google s’occupe de vos données après votre mort [en ligne], Le Figaro, 12/04/2013, disponible sur : < http://urlz.fr/1QG2 > 86 Poncet G., « Legacy contact » : Facebook facilite la gestion du décès d’un proche [en ligne], Le Point, 13/02/2015, disponible sur : < http://urlz.fr/1QGm >
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par exemple d’ouvrir ou de restreindre la rétrospective à un certain public. Dans le cas d’une rétrospective collective, il faudrait permettre la légation d’une personne à une autre.
Exister et demeurer dans la mémoire collective pour les générations à venir Des souvenirs sont communs à un certain nombre d’individus. Un groupe d’amis, des personnes qui partagent une même passion, un même événement, etc. Les Archives Départementales de la Sarthe soulignent qu’à l’échelle collective, la mémoire est une forme de reconnaissance et d’estimation des biens d’une nation. Elle permet d’apprendre des erreurs du passé pour ne pas les renouveler, et surtout elle forme l’identité collective et individuelle87. Deux catégories se distinguent : les histoires banales, qui ont de l’importance à l’échelle d’un individu ou d’un groupe spécifique, et les histoires marquantes, touchant un grand nombre d’individus et nécessitant un devoir de mémoire.
Fig.28 « Collecte d’archives » (?) [photographie], in : Archives départementales de la Drôme, disponible sur : < http://archives.ladrome.fr/?id=36 >
98
87 Les Archives Departementales de la Sarthe, Pourquoi conserver ? [en ligne], disponible sur : < http://www.archives.sarthe. com/PourquoiConserver.aspx >
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Exister et demeurer dans la mémoire collective pour les générations à venir
«
[…] un écrivain est marqué d’une manière indélébile par sa date de naissance et par son temps, même s’il n’a pas participé d’une manière directe à l’action politique, même s’il donne l’impression d’être un solitaire, replié dans ce qu’on appelle « sa tour d’ivoire ». Et s’il écrit des poèmes, ils sont à l’image du temps où il vit et n’auraient pas pu être écrits à une autre époque.
»
Patrick MODIANO88 Dans cet extrait du discours de remise du prix Nobel de Littérature, Patrick Modiano parle de l’écrivain qui crée des poèmes « à l’image du temps où il vit » et il précise que ces poèmes « n’auraient pas pu être écrits à une autre époque ». Appliquons ce discours pour les traces de vie. Les traces capturées à l’instant où l’événement a lieu présentent des conditions sociales, technologiques, etc. propres à une époque. Ces traces d’événements forts ou banals témoignent de la façon la plus authentique l’évolution de l’Homme au sens général. L’INA89, par exemple, est chargé de la sauvegarde, de la valorisation et de la transmission du patrimoine audiovisuel français (Fig.29). Fondé en 1974, cet institut archive les programmes de télévision et de radio françaises, sous forme analogique et numérique. Cela correspond en 2004 à plus 88 Modiano P., extrait du discours de réception du prix Nobel de Littérature, Le Monde [en ligne], 7 décembre 2014, disponible sur : < http://urlz.fr/1a6z > 100
89 Abréviation de Institut National de l’Audiovisuel.
d’un million et demi d’heures de programmes, soit environ 150 années pour tout visionner90. Toutes les chaînes de télévision et de radio sont enregistrées sans interruption. Grâce à cet organisme, le grand public consulte plus de 100 000 programmes audiovisuels sur internet depuis 2006. Mais le fait intéressant sur l’INA remonte à 2012. L’institut a lancé une opération intitFig.29 ulée « Mémoires partagées », Institut National de l’Audiovisuel, qui a pour but de collecter des disponible sur : < http://www.institut-national-audiovisuel.fr/nous-connaitre/entreimages d’archives amateurs. Le prise/index.html > but de ce projet est de donner la possibilité à tous de montrer ses propres moments forts de vie, et plus uniquement en passant à travers un programme de télévision ou de radio91. Les meilleures traces sont sélectionnées puis intégrées sur un site internet mis à disposition aux internautes. Un patrimoine culturel public se forme grâce à la participation de tous. Cette idée peut être intéressante à développer dans mon projet. L’utilisateur pourrait par exemple proposer à 90 C’est Pas Sorcier, France 3, INA : la mémoire audiovisuelle, émission de télévision, in : INA, ina.fr, [26min14], disponible sur : < http://www.ina.fr/video/2700678001/l-ina-la-memoire-de-l-audiovisuel-video.html > 91 INA, Mémoires partagées, tutoriel vidéo, in : INA, ina.fr, [1min01], disponible sur : < http://www.ina.fr/video/MAN7651803108/ memoires-partagees-video.html >
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Exister et demeurer dans la mémoire collective pour les générations à venir
d’autres personnes (qu’il invite lui-même) de se joindre à la construction de son histoire. Il pourrait s’agir aussi de thèmes dans lesquels des utilisateurs pourraient proposer leurs propres histoires. La mémoire collective peut aussi être un devoir. Par définition, le devoir de mémoire est un devoir moral attribué aux États, qui portent la responsabilité d’entretenir le souvenir des souffrances subies dans le passé par certaines catégories de la population92. Le concept est apparu concrètement après la Première Guerre Mondiale. C’est à la fois une manière d’honorer la mémoire des combattants et des victimes et de faire garder en tête (voire de faire découvrir aux jeunes générations) les crimes contre l’Humanité. Cela est une tentative de toucher pour ne pas répéter les erreurs du passé. Le souvenir se perpétue sous la forme de monuments historiques (les mémoriaux, Fig.30) et de commémorations (sous la forme d’un jour férié dans l’année ou non). Un concept serait à développer avec les nouvelles technologies et une interface graphique immersive. Par exemple, travailler directement dans un lieu avec les traces qui ont existé sur le lieu serait une façon d’observer différemment le passé.
102
92 Association JAMAIS, Définition du devoir de mémoire [en ligne], disponible sur : < http://www.association-jamais.fr/devoir-dememoire/ >
Fig.30 Lebaz J-M., « Le Mur des Noms » (?) [photographie], in : VisitParis Region, Mémorial de la Shoah, disponible sur : < http://urlz.fr/1RDG >
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Les NTIC ont facilité et transformé la finalité du partage de traces de vie Deux formes de partage se développent avec l’arrivée du numérique connecté : celui de la vie de tous les jours et celui avec un intérêt communautaire.
168
millions de courriels envoyés
98000 320 tweets publiés
nouveaux comptes créés
600
nouvelles vidéos mises en ligne
1500
articles de blogs écrits
Fig.31 Toutes les 60 secondes, 2015, illustration personnelle. Informations tirées de l’article « Internet, indispensable dans nos vies ? », disponible sur : < http://www.lametropole.com/blog/ ginette-labarre/internet-indispensable-dans-nos-vies >
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Le partage de moments de vie se décuple depuis plusieurs années avec l’apparition de la messagerie (instantanée ou non) et des réseaux sociaux. La mutualisation va des choses les plus banales aux événements forts de la vie. Gmail, Facebook, Twitter, Tumblr… La pratique, professionnelle ou personnelle, est un moyen efficace de communiquer quasi-instantanément. De plus, c’est un partage cross-media (photos, vidéos, texte) avantageux pour transmettre très rapidement. Ces nouvelles formes de communication deviennent pour beaucoup sources d’un partage journalier. La facilité d’envoi de nouveaux médias provoque un phénomène appelé l’infobésité (ou surcharge d’information, Fig.31). La production d’informations au cours de ces trente dernières années est plus élevée que 5000 ans d’histoire93 ! La surcharge d’information est un risque à mes yeux, car l’Homme ne savoure plus ce qu’il voit autant qu’avant. Mon but est de retrouver une hiérarchisation 93 Sauvajol-Rialland C., « Infobésité », le mal du siècle [ajoutée le 14/06/2013] extrait de l’interview de l’auteure du livre « Infobésité: comprendre et maîtriser la déferlante d’informations », in : France TV Info, francetvinfo.fr, [4 min 24], disponible sur : < http://urlz.fr/1cqi >
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Les NTIC ont facilité et transformé la finalité du partage de traces de vie
des traces, autant dans la gestion que dans la présentation. C’est un des éléments les plus importants à mettre en avant dans tous mes concepts, afin de redonner la maîtrise à l’utilisateur. Les NTIC sont aussi l’occasion du développement de communautés autour d’intérêts communs.
Fig.32 Rosanvallon P., Le Parlement des Invisibles, Seuil, 2014, 68 p.
Raconter la vie est un projet pour les personnes qui s’intéressent à la vie des autres94. Sous la forme d’un site internet, Pierre Rosanvallon propose aux internautes venants de tous les horizons de raconter leurs histoires de vie (ordinaires ou non). Ils utilisent l’écriture et éventuellement des images. Les amateurs comme les professionnels peuvent y contribuer. Une fois le texte rédigé, il peut se finaliser sous la forme d’un livre ou d’un e-book95 téléchargeable. Les utilisateurs peuvent ensuite former des communautés s’ils ont des expériences communes mais aussi partager leur histoire à tous. L’auteur décrit ce projet comme étant un « créateur de liens ».
Toute la force de ce projet réside dans la possibilité que des gens ordinaires, sans aucune expérience d’écriture, se mélangent à des professionnels pour former une seule et même communauté. Tout le monde est placé au même niveau, quelle que soit l’échelle sociale. Le site internet hiérarchise de manière intelligente les récits de vie et propose une génération automatique d’un support de représentation (le livre). Ce travail m’a particulièrement influencée pour mon projet. J’y vois une opportunité d’utiliser judicieusement le numérique à la fois pour une mise en valeur personnelle et pour un intérêt social. En tant que designer graphique, je souhaite prendre appui sur ce concept pour développer (avec d’autres nouvelles technologies pourquoi pas) un outil de mise en valeur d’une histoire de vie qui est simple à l’usage.
94 Rosanvallon P., Raconter la vie [en ligne], 2013, disponible sur : < http://raconterlavie.fr/ >. À noter qu’un essai de 68 pages détaille ce projet : « Le Parlement des invisibles » est disponible aux éditions Seuil (Fig.32). 106
95 Traduire en français par « livre électronique », un format lisible sur ordinateur, tablette, smartphone, etc.
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À travers le numérique, une image de soi transformable à souhait
C
Art numérique, interactivité… Le numérique est aujourd’hui un matériau de transformation psychologique du corps humain.
Enrichir son histoire avec les capacités du numérique Plusieurs applications dans lesquelles les internautes déposent des traces de vie proposent aujourd’hui des formes de regroupement de ces traces. Facebook a lancé depuis deux ans une mini-application, dans laquelle un algorithme génère automatiquement une rétrospective annuelle avec des photographies postées sur un profil96 (Fig.33). L’individu décide ensuite d’en partager ou non le résultat avec ses contacts. Ce sont les données les plus médiatisées qui ressortent dans la rétrospective.
Fig.33 The Guardian, « A Look Back (Rétrospective) » (2014) [vidéo], in : Howerton J., Are You on Facebook? Then a 62-Second Video About Your Life Was Just Posted Online, The Blaze, disponible sur : < http://urlz.fr/1RJC >
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Google propose un principe similaire pour les utilisateurs de Google Plus97. Mais cette fois-ci, ce 96 Miche A., Facebook fête ses 10 ans et propose une rétrospective de votre compte avec Look Back, Be Geek [en ligne], 2014, disponible sur : < http://urlz.fr/1bdV > 97 Lausson J., Google+ va créer une rétrospective 2013 avec vos photos, Numerama [en ligne], 2013, disponible sur : < http://urlz.fr/1beg >
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Enrichir son histoire avec les capacités du numérique
sont les traces considérées comme les plus belles esthétiquement qui sont sélectionnées pour apparaître dans la rétrospective. Ce type de module, appliqué dans un réseau social, suscite deux problèmes. Le premier, c’est qu’il s’impose à l’utilisateur sans que ce dernier ne le souhaite forcément. Cela peut être perçu comme une atteinte à la vie privée. Néanmoins, Google et Facebook sont des réseaux gratuits. L’utilisateur accepte donc de manière indirecte la possibilité que ses données personnelles soient remaniées. Le second, c’est que l’algorithme de calcul ne fait pas la différence entre les bonnes traces, les fausses traces et les traces douloureuses. Le résultat de la « revue » est parfois des images qui n’ont rien à voir avec des traces de vie. D’autres fois, des traces douloureuses s’affichent de façon non-appropriée à la personne98. Je mets ici le doigt sur un point sensible de la gestion des données personnelles. Je pense qu’un réseau social (gratuit qui plus est) n’est pas un support propice à la représentation de traces de vie intimes. C’est un lieu de partage où la confidentialité n’est pas bien gérée et où les données sont exploitées par l’application. J’aimerais donc travailler sur un concept de support numérique adapté à la représentation des
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98 Chatellier A., Facebook : la “revue de l’année” ne fait pas le bonheur de tout le monde, Konbini [en ligne], 2014, disponible sur : < http://www.konbini.com/fr/tendances-2/facebook-revue-annee-cruelle/ >
souvenirs, où les utilisateurs auront une maîtrise complète de la gestion et du partage (éventuel) de leurs traces. Les objets connectés détectent certains codes moteurs du corps humain tels que des actions verbales ou physiques et des émotions. Nous avons vu que les capteurs biométriques s’utilisent notamment dans des applications de sport et de santé. Elles proposent ainsi un suivi très détaillé de l’évolution d’un individu. Des objets commencent à apparaître dans le domaine du loisir, pour le grand public. Nous avons déjà cité le Narrative Clip comme exemple pour la capture de traces99. D’autres objets interFig.34 agissent entre eux ou avec l’utilisateur Berg, « Little Printer » (2011) [photographies], in : Gizmodo, disponible pour transmettre du contenu. sur : < http://urlz.fr/1RJX >
Little Printer est une imprimante connectée100 (Fig.34). L’utilisateur paramètre avec son 99 Chapitre 3, partie A, page 79. 100 Berg, Little Printer [en ligne], disponible sur : < http://littleprinter.com/ >
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Enrichir son histoire avec les capacités du numérique
smartphone des publications qui sont sélectionnées à partir de différentes applications (comme des journaux, des réseaux sociaux ou des blogs). La mini-imprimante va chercher le contenu pertinent sur chaque application programmée puis sollicite son possesseur pour lui demander de l’imprimer. Le petit format du papier (comme un ticket de caisse) se glisse dans un sac pour être lu dans les transports par exemple. Ce concept est intéressant par son principe de trier un certain type de contenu pour le valoriser à travers un support. J’aimerais développer une piste autour de l’idée de personnifier et d’humaniser les machines, en relation avec la présentation des traces de vie. Le principe d’extraire des traces provenant de plusieurs applications est également intéressant si c’est l’utilisateur qui le programme. Mais j’aimerais travailler sur une forme plus écologique que l’impression papier.
musique, sont projetés en mapping vidéo102 sur des cubes placés autour du musicien. Le spectateur se plonge alors dans une expérience sonore immersive.
Fig.35 V Squared Labs, « Amon Tobin ISAM » (2011) [projection vidéo synchronisée], in : V Squared Labs, disponible sur : < http://vsquaredlabs.com/project/amon-tobin/ >
Dans le domaine du spectacle, l’interactivité se considère comme un prolongement poétique de l’Homme. Amon Tobin est un DJ brésilien. Lors de sa tournée live ISAM, il s’est associé avec le studio V Squared Labs pour concevoir une scénographie de son concert101 (Fig.35). Des jeux de lumières, synchronisés avec la
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101 V Squared Labs, Amon Tobin ISAM [en ligne], 2011, disponible sur : < http://vsquaredlabs.com/project/amon-tobin/ >
102 Le mapping vidéo est une technologie multimédia permettant de projeter de la lumière ou des vidéos sur des volumes, de recréer des images de grande taille sur des structures en relief, tels des monuments, ou de recréer des univers à 360°. (Source : Wikipédia)
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Enrichir son histoire avec les capacités du numérique
Fig.36 Aguilar G., « Pixel » (2014) [danse et projection vidéo], in : Théâtre de Suresnes Jean Vilar, disponible sur : < http://www.theatre-suresnes.fr/2014-pixel >
Le numérique se synchronise maintenant avec les mouvements de l’Homme. Parmi les plus récents, le spectacle Pixel de Mourad Merzouki103 (Fig.36). Les danseurs exécutent une chorégraphie à la perfection pour s’harmoniser avec la projection numérique. Les co-réalisateurs du spectacle parlent d’un « langage numérique vivant se faisant par l’intuition du corps »104.
Dans le cas où des traces existent déjà et qu’elles sont stockées dans différentes applications, il serait intéressant de travailler sur un regroupement de ces traces dans un seul et même support. Les objets connectés accompagneraient l’utilisateur en tant qu’extension du corps en temps réel. La géolocalisation, les battements du cœur, les expressions du visage sont autant d’outils qui serviraient à enrichir la construction d’un souvenir. Mais surtout, l’interactivité possèdera une place très importante dans l’ensemble du projet, autant pour humaniser les concepts que pour dynamiser (rendre vivant) l’immersion dans les traces de vie. Mais ce type de concept doit demander un effort technique moindre à l’utilisateur.
La synchronisation en temps réel n’existe pas encore, il faut donc une technique et une connaissance de l’espace irréprochables afin de donner l’illusion d’un prolongement visuel du corps.
103 Merzouki M., Pixel, extraits [ajouté en 2014], in : Vimeo, vimeo. com, [3 min 06], disponible sur : < http://vimeo.com/114767889 >
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104 Mondot A., Bardainne C., citation extraite de l’article Quand la danse rencontre les arts numériques, Konbini, disponible sur : < http://urlz.fr/1cCB >
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Les intérêts de présenter une belle histoire de soi Introduisons cette partie par la citation suivante :
«
Pour raconter la vie, il faut des écritures et des approches multiples. Celles du témoignage, qui restitue le langage immédiat du vécu; celles de l’analyse sociologique, qui rend le monde lisible en restituant les existences singulières dans une conceptualisation des formes sociales; celles de l’enquête journalistique, fondée sur la curiosité d’un regard libre qui révèle des situations méconnues; celles de l’enquête ethnographique, avec son attention au grain des choses et l’engagement de l’auteur; celles de la littérature, qui apporte un supplément d’intelligibilité grâce aux ressorts de la mise en scène du récit et à la force de révélation de l’écriture; celles de la poésie et de la chanson encore, qui rendent différemment présentes les choses de la vie par les effets d’un arrangement des sons et des mots.
»
Pierre ROSANVALLON105 La première chose à retenir dans cette citation, c’est qu’il est possible pour une histoire de vie de se présenter sous plusieurs approches. Selon le contexte, ces approches diffèrent par leurs objectifs et justifient un domaine d’application spécifique (comme la sociologie, l’ethnographie, etc.). L’histoire de vie se révèle sous des angles différents et montre la richesse de son contenu, qui 116
105 Rosanvallon P., Le Parlement des invisibles, Seuil, 2014, p.40
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Les intérêts de présenter une belle histoire de soi
s’adapte pour chaque approche. L’auteur parle aussi dans cette citation des caractéristiques de révélation de la littérature et de la poésie. Ces deux styles de communication utilisent la mise en scène afin de valoriser l’histoire de vie. Il ne s’agit pas seulement de raconter, une dimension supplémentaire est ajoutée pour « montrer autrement ». Pierre Rosanvallon parle à ce propos de « force de révélation ». Travailler la mise en scène d’une histoire de vie est donc une façon d’en révéler la force. Plusieurs styles permettent cela, comme la littérature pour l’écrit, la peinture, le cinéma pour la vidéo, le théâtre, la musique ou la poésie pour l’oral, etc. Pour des amateurs, maîtriser ces moyens nécessite un apprentissage ou l’intermédiaire Fig.37 « Le Scrapbooking » (sans date) [photod’un professionnel. graphie], in : CyberFanny, disponible sur : < http://www.cyberfanny.com/decoration/ scrapbooking.html >
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La mise en valeur peut aussi provenir du simple bricolage. Le scrapbooking106 par exemple, est une pratique de loisir permettant d’obtenir assez facilement un support décoratif qui met en valeur des photographies. Cette pratique existe aussi sur ordinateur, même si l’intérêt pour le jeu de matières et de découpage disparaît alors. Pour un individu, les intérêts sont de posséder un support
106 Wikipédia, définition du scrapbooking [en ligne], disponible sur : < http://fr.wikipedia.org/wiki/Scrapbooking >
attrayant à présenter, de se mettre en valeur et d’en ressortir des sentiments agréables. L’histoire de vie s’assimile et se retient plus facilement. La notion de mise en scène sera une des caractéristiques fondamentales du projet. En tant que designer graphique, je recherche un moyen de mettre en valeur une histoire de vie grâce à la combinaison du numérique et de la mise en scène. Michaël Berger, (cité plus tôt dans le chapitre, partie B, page 88) a réalisé l’écriture du roman biographique de son grand-père en trois ans. Il est intéressant de valoriser ainsi une vie, mais cela n’est pas sans patience et sans coût de production. Nous avons discuté avec lui du principe de mettre en scène une histoire de vie. L’auteur suggère une démarche plus adaptée au grand public :
«
Il serait intéressant de pouvoir laisser les gens s’exprimer eux-mêmes à travers un outil. (...) Il serait alors intéressant de travailler sur un outil qui simplifierait cette démarche (de mise en forme, NDLR), pour la rendre plus accessible à tous.
»
Michaël BERGER107
107 Interview de Michael Berger, op. cit., Annexe n°1 page 125
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Les intérêts de présenter une belle histoire de soi
Il faut simplifier la démarche de travail en utilisant le numérique. Trouver une nouvelle forme de valorisation accessible comme loisir et coûtant peu. Et surtout, que les traces génèrent des émotions agréables ou tristes, la représentation doit s’adapter à ces émotions et les mettre en valeur correctement. Il me semble important également de garder en tête qu’un support unique s’enrichirait par une ou plusieurs personnes à la fois selon la situation.
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Conclusion La mémoire enregistre, conserve et restitue des informations à travers plusieurs systèmes. Un souvenir est un événement marquant de la vie d’une personne qui est enregistré dans le cerveau et qui revient consciemment à l’esprit. Issu de la « mémoire explicite », il communique logiquement avec les connaissances accumulées tout au long de la vie. L’enregistrement d’un souvenir par le cerveau humain dépend d’un contexte spatio-temporel et émotionnel. Un souvenir peut être individuel ou commun à plusieurs personnes. Les souvenirs apparaissent aussi dans le milieu naturel. Ils subsistent visuellement dans l’espace sous différentes formes. L’Homme cherche comme la Nature à conserver une trace physique de ses souvenirs pour trois grandes raisons : pallier des problèmes naturels de mémoire, pérenniser ses souvenirs après la mort et enfin transmettre son histoire personnelle. Pour ce faire, il utilise des outils de « capture » comme le crayon ou l’appareil photographique. Ces outils ont progressivement évolué dans le temps. Aujourd’hui, les outils de « capture de souvenirs » sont essentiellement des appareils électroniques et des objets connectés. Les traces obtenues concernent tous les sens humains mais aussi des sensations propres à l’être humain, comme les battements du coeur ou les émotions. Avec les nouvelles technologies en temps réel, le souvenir peut être immortalisé en possédant beaucoup plus
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d’informations que ce que l’Homme enregistre avec son propre corps. Nous pourrions parler aujourd’hui de « souvenir augmenté » ou d’ « extension de souvenir ». La capture génère une « trace » du souvenir qui se conserve et/ou se représente à travers un support. Ces supports de représentation peuvent être matériels ou immatériels. Les supports matériels sont maîtrisés depuis des siècles. Ils ont subi des évolutions en adéquation avec les technologies apparues en parallèle. Ils évoluent et s’adaptent aujourd’hui en fonction des besoins d’une personne. Les supports immatériels se sont notamment démultipliés avec la démocratisation d’internet. Les espaces de stockage numériques intègrent un nombre incalculable de données. L’Homme retrouve ainsi ses informations à tout moment et partout dans le monde. L’immatérialité ouvre des possibilités de créer des supports de représentation adaptés selon les besoins et flexibles selon le lieu où est l’individu. La capture et la conservation de souvenirs sont donc devenues très simples. Mais ces révolutions technologiques entraînent des conséquences psychologiques et sociales concernant la façon de se représenter. Le premier constat est lié à la facilité de capture, de transmission et de stockage des souvenirs. L’infobésité est un facteur en augmentation chez les utilisateurs intensifs d’internet. L’individu ne privilégie plus le qualitatif face au quantitatif; il se perd dans une masse d’informations. 124
Certaines applications tentent toutefois de faire face à ce constat en proposant un retour à la maîtrise de ce que l’utilisateur veut voir. Le deuxième constat est que la qualité de l’expérience utilisateur se priorise fortement depuis ces dernières années. Les algorithmes sont pensés pour proposer des réponses uniques pour chaque individu, augmentant ainsi le confort de vie de ce dernier. L’image virtuelle est malléable et permet de transformer et de sublimer l’image des souvenirs. Ce facteur peut être à la fois bénéfique et dangereux pour l’individu. Il ne montre pas une image honnête de lui-même mais il peut tout de même constater son évolution dans le temps tout en se mettant en valeur (pour lui-même comme pour son entourage). L’intérêt de se représenter numériquement résiderait donc davantage dans la mise en scène et la mise en valeur des souvenirs. Grâce à la « capture augmentée » citée plus haut, l’Homme n’enregistre pas seulement un événement marquant de sa vie, il crée une véritable œuvre personnelle avec ses souvenirs, à la manière d’un film ou d’un roman graphique. Enfin, le numérique rapproche socialement des groupes de personnes. La co-construction s’est largement développée dans différents domaines. Dans le cadre de la représentation de la mémoire, la construction de souvenirs collectifs est très simplifiée, favorisant ainsi le partage des expériences et des vécus. En parallèle, la diffusion facile d’informations sur le réseau pose aussi la question de la protection de la vie privée. L’individu qui se représente sur internet s’expose à un réseau qu’il ne maîtrise pas 125
forcément. Le plus souvent, il ne se rend pas compte de l’impact de la publication de ses médias. La maîtrise de la confidentialité sur internet est devenu un facteur clé de choix pour l’utilisateur. Entre le hacking et la surveillance, la confidentialité est un sujet particulièrement discuté actuellement.
Utiliser la mise en scène pour embellir des souvenirs sélectionnés ; Redynamiser la rétrospective numérique en demandant peu d’efforts techniques et financiers à l’utilisateur.
À partir de toutes ces observations, je proposerai une réponse avec mon projet de fin d’études à la problématique suivante :
Comment représenter des souvenirs (individuels ou collectifs) dans une société d’infobésité ? Nos souvenirs numériques se perdent parmi des montagnes de media stockés dans de nombreux lieux virtuels différents. Nous ne savourons pas de les revoir, nous ne cherchons plus à les revoir d’ailleurs. Monter une rétrospective de souvenirs peut demander un apprentissage technique et un temps considérables. Cela peut se résoudre par l’engagement d’une personne qualifiée pour réaliser à sa place son histoire (biographes, réalisateurs, etc). Mais cela nécessite un investissement financier conséquent. Le projet de fin d’études se destinera à : Créer une rétrospective numérique interactive avec les meilleurs médias numériques existants (tous types confondus) dans un seul espace virtuel ;
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Annexes
1
Interview de Michael Berger, Ingénieur de métier et écrivain biographe
Restitution d’une conversation vidéo, 18 minutes, 2014 Document cité pages 85 et 107
Peux-tu nous résumer ton parcours scolaire et professionnel ? J’ai réalisé un parcours de 5 ans à l’INSA de Lyon. J’ai été diplômé il y a 2 ans. J’ai effectué mon stage de fin d’études à Singapour, puis j’y ai travaillé pendant 2 ans, dans le domaine des éco-bâtiments (efficacité énergétique, etc). Je vais bientôt déménager à Melbourne pour y chercher du travail. Alors tes parcours scolaire et professionnel n’ont rien à voir avec la rédaction de ton livre ? Non en effet. J’ai pas mal hésité pour mon choix de filière pour mes études, car j’aime beaucoup la littérature. Finalement j’ai choisi une autre voie, mais j’avais toujours l’opportunité de pouvoir écrire un livre un jour. Il y a quelques années, en discutant avec mon grand-père, je lui ai proposé de me raconter son histoire. C’était il y a 5 ans à peu près, j’étais encore dans mes études à ce moment là. Tu as passé 5 ans à rédiger ce livre alors ? Plutôt les 3 premières années. Ensuite, j’avais plus ou moins fini le livre, j’ai essayé de le faire publier. Ça n’a pas très bien marché… Donc je l’ai retravaillé un peu, mais tout a été fait les 3 premières années.
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1 - Interview de Michaël Berger
Je me suis renseignée un peu sur ce livre que tu as écris et qui s’appelle « Son Chemin ». Il est décrit comme un roman. Est-ce qu’il s’agit vraiment d’un roman biographique ? C’est son histoire* effectivement, je suis fidèle à son histoire. Après, il y a eu un travail tout autour du livre. D’abord d’échanges, entre mon grand-père et moi. Cette histoire a été mise en scène dans le livre, ce n’est pas une pure biographie. Le roman permet de raconter une histoire plus développée que le récit initial. Tu as mis en valeur l’histoire de ton grand-père par le roman. En effet. Dans le livre, nous sommes assis, il est en train de me raconter son histoire. C’est moi qui raconte à travers le livre, à la troisième personne, l’histoire de mon grand-père. C’est en quelque sorte sa vie qui est racontée à travers l’histoire de nos échanges. Quelle méthodologie as-tu adopté pour écrire ce livre ? Je pense avoir eu une méthodologie, mais elle s’est faite naturellement. Pour replacer le contexte, mon grand-père n’avait jamais raconté son histoire auparavant. Il a eu une vie assez riche. Il y a quelques années, lorsque je lui ai demandé s’il pouvait me raconter son histoire, il a accepté. Je lui ai proposé d’écrire un livre sur cette histoire. Dès le début quand nous avons commencé à échanger, nous avons enregistré nos discussions. C’est principalement lui qui parle. C’était les vacances d’été quand nous avons débuté les enregistrements, je passais souvent le voir pour échanger avec lui. Je suis repassé le voir de temps en temps dans les mois qui ont suivi. Quand j’ai voulu commencer à écrire, je me suis rendu compte que c’était assez compliqué d’aller et revenir sur les bandes audio. J’ai essayé de retaper tout ce qu’il m’avait dit, mais il y avait eu des problèmes lors de l’enregistrement… J’ai essayé d’en perdre le moins
possible. J’ai écrit de manière très factuelle toute sa vie, afin d’avoir une base pour travailler sur le livre ensuite. J’ai remarqué qu’il faisait souvent des ellipses en racontant son histoire. Par exemple, j’ai commencé le livre en décrivant son enfance, mais j’effectuais des allers-retours entre le passé et le présent. Ce n’est pas complètement linéaire et ça m’a permis d’avoir une structure littéraire forte. Est-ce que tu t’es aidé de personnes pour construire la structure du livre ? Non, je l’ai fait moi-même. Après, j’ai fait des recherches historiques pour en apprendre un peu plus sur chaque partie de la vie de mon grand-père, par périodes. Je me suis retrouvé dans une position un peu difficile, car je ne savais pas si je devais raconter plus que juste son histoire. Dans le livre, je fais parfois des apartés en ajoutant certains détails sur un fait historique que mon grand-père a vécu (par exemple, son grand-père a été déporté à Dachau, Michael a complété le témoignage par des détails historiques, NDLR). Cela permet de replacer le lecteur dans le bon contexte. Tu as collecté l’histoire de ton grand-père, que tu as ensuite restituée et mise en forme, en utilisant le livre comme support. C’est un cas particulier car les seules traces que j’avais pour travailler étaient les échanges que j’ai eus avec mon grand-père. Il a fallu mettre en forme ces conversations, par mon intermédiaire. Il y a beaucoup de gens, plus ou moins âgés, qui n’ont pas forcément raconté leur histoire et qui ont pourtant beaucoup de choses à dire. Il serait intéressant de pouvoir laisser les gens s’exprimer euxmêmes à travers un outil.
* L’histoire de son grand-père, NDLR 130
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1 - Interview de Michaël Berger
Écrire un livre comme tu l’as fait demande beaucoup de travail et d’investissement. Il serait alors intéressant de travailler sur un outil qui simplifierait cette démarche, pour la rendre plus accessible à tous. Cela pourrait peut-être être participatif ? Si quelqu’un souhaite raconter son histoire, il pourrait être mis en contact avec des personnes qui restitueraient cette histoire. Pour moi par exemple, j’ai toujours eu envie d’écrire, mais je ne savais pas sur quoi. Sans avoir de sujet, ce n’est pas évident de se lancer. À partir du moment où j’avais l’histoire de mon grand-père, qui est très riche, ça m’a permis de me lancer.
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133
2
2 - Pourquoi représenter ses traces de vie ?
Pourquoi représenter ses traces de vie ? Étude quantitative réalisée en novembre 2014 157 participants Document cité page 26
Enrichissez-vous vos histoires de vie seul ou collectivement ? Pourquoi ?
Quelles traces de vie conservez-vous le plus ?
Collectivement Photos
Ecrits, peintures
Vidéos
Enregistrements sonores
Mélange de plusieurs formats
58%
20%
16%
2%
4%
Pour qui les conservez-vous ? Les proches
Soi-même
La famille
« Chacun construit son histoire avec/grâce aux autres. » « Ajouter un petit plus à l’histoire auquel on aurait pas pensé. » « [...] surtout s’il y a des souvenirs qui divergent, des points de vue différents sur les situations et souvenirs. » « Les proches participent en proposant un contenu supplémentaire (photo) ou des anecdotes sympathiques à annoter sur les supports (vidéos ou photos). »
Le monde
Seul Plaisir de partager Loisir
Ne pas oublier Bilan psychologique Plaisir de revoir ses propres souvenirs
Héritage culturel Devoir de mémoire
Montrer son existence Perdurer
42%
35%
18%
1%
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« C’est trop intime, ça reste mon jardin secret. » « C’est quelque chose de personnel, ne souffrant pas d’être remis en question. Ça ne doit être vu que plus tard. » « Travail réalisé seul car c’est souvent une surprise que je fais à ma famille (montages vidéos, livres photos, diaporamas photos). »
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Bibliographie Ouvrages • Berger M., Son Chemin, France, Elkana, 2014 Il s’agit du livre écrit par l’écrivain biographe que j’ai rencontré (annexe n°1, page 125). Ce roman raconte l’odyssée d’un jeune juif hongrois (le grand-père de l’auteur) déporté à Dachau .
• Eagleman D., Incognito: les vies secrètes du cerveau, Paris, R. Laffont, 2013, 349 p. Spécialiste en neurosciences, l’auteur sonde les profondeurs de l’inconscient et le fonctionnement complexe du cerveau humain. Il explique aussi l’effet des drogues, la synesthésie, l’intelligence artificielle ou encore les illusions d’optique.
• Lieury A., Le livre de la mémoire, Dunod, 2013, 224 p. Ce livre est un voyage en images au centre de la mémoire. Les aspects médicaux, psychologiques mais aussi culturels, philosophiques et anthropologiques y sont traités, de l’Antiquité à aujourd’hui.
• Orwell G., 1984, Royaume-Uni, Secker and Warburg, 1949, 439 p. Big Brother est un personnage de fiction de ce roman. Il est devenu une expression populaire pour qualifier toutes les institutions ou pratiques portant atteinte aux libertés fondamentales et à la vie privée des populations ou des individus.
• Rosanvallon P., Le Parlement des invisibles, Seuil, 2014, 68 p. Cet essai est destiné à illustrer le projet Raconter la vie, une expérimentation que l’auteur a mise en place en 2013. Par le biais d’une collection de livres et d’un site internet participatif, l’auteur souhaite répondre au besoin de voir les vies ordinaires racontées, les voix de faible ampleur écoutées, la réalité quotidienne prise en compte.
Articles • Berthier A., L’écriture et ses supports [en ligne], L’aventure du livre, BNF, 2011, disponible sur : < http://classes.bnf.fr/livre/arret/ histoire-du-livre/premiers-supports/01.htm >
136
137
• Breton J., Les identifiants de 4,6 millions de comptes Snapchat dérobés [en ligne], Les Numériques, 02/01/2014, disponible sur : < http://urlz.fr/1cRY >
• Lausson J., Google+ va créer une rétrospective 2013 avec vos photos [en ligne], Numerama, 2013, disponible sur : < http://urlz.fr/1beg >
• Bobillier Chaumon M-E., Nomadisme et dépendance, des pratiques professionnelles reconfigurées [en ligne], cadrescfdt.fr, 2012, disponible sur : < http://urlz.fr/1aWZ > • Chatellier A., Facebook : la “revue de l’année” ne fait pas le bonheur de tout le monde [en ligne], Konbini, 2014, disponible sur : < http://www.konbini.com/fr/tendances-2/facebook-revue-anneecruelle/ >
• Legrand D., Est-ce la fin de l’infobésité, le sacre du « slow » et du long format ? [en ligne], Next INpact, 03/01/2015, disponible sur : < http://urlz.fr/1cQz >
• Colombain J., Ce qu’il faut savoir sur le cloud (nuage informatique) [en ligne], France Info, 2013, disponible sur : < http://urlz.fr/1bqW > • Data, data everywhere [en ligne], The economist, 2010, disponible sur : < http://www.economist.com/node/15557443 > • Fouquet M., Coursin G., Le miroir digital ou la nouvelle condition humaine numérique [en ligne], Les Echos, 21 novembre 2014, disponible sur : < http://urlink.fr/8aa > • Gava F., Histoire de l’informatique [en ligne], Université de Paris XII Val-de-Marne, disponible sur : < http://lacl.univ-paris12.fr/ gava/cours/Droit/L3/cours_histoire_info.pdf > • Gazzane H., Google s’occupe de vos données après votre mort [en ligne], Le Figaro, 12/04/2013, disponible sur : < http://urlz.fr/1QG2 > • Huc C., « La pérennité des documents électroniques - points de vue alarmistes ou réalistes ? », Bulletin des Archives de France sur la conservation à long terme des documents électroniques [en ligne], octobre 2001, n°7, disponible sur : < http://urlz.fr/1cRq > • Kroll Ontrack Inc., Qu’est-ce qu’une perte de données ? [en ligne], disponible sur : < http://www.ontrack.fr/explication-perte-donnees/ >
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• Marchand S., Qui vous protège vraiment sur internet ? [en ligne], Nova Planet, 16/05/2014, disponible sur : < http://urlz.fr/1cRB > • Miche A., Facebook fête ses 10 ans et propose une rétrospective de votre compte avec Look Back [en ligne], Be Geek, 2014, disponible sur : < http://urlz.fr/1bdV > • Parlanti C., Harcelée, Zelda, la fille de Robin Williams, quitte Twitter : les coupables me font gerber [en ligne], Nouvel Obs, 14/08/2014, disponible sur : < http://urlz.fr/1QFD > • Poncet G., « Legacy contact » : Facebook facilite la gestion du décès d’un proche [en ligne], Le Point, 13/02/2015, disponible sur : < http://urlz.fr/1QGm > • Rohrbasser P., De la consumérisation à l’humanisation de l’IT [en ligne], Les Echos, 03/06/2012, disponible sur : < http://urlz.fr/1cV1 > • SoonSoonSoon, Regarder des photos-souvenirs avec les doigts [en ligne], 2014, disponible sur : < http://www.soonsoonsoon.com/bp10155 > • Transformer des mauvais souvenirs en bons, bientôt possible [en ligne], L’Express, 2014, disponible sur : < http://urlz.fr/1aSj > • Vaudano M., Snapchat : ces photos éphémères qui ne s’effacent pas [en ligne], Rézonances, Le Monde, 10/05/2014, disponible sur : < http://urlz.fr/1cSz > • Wenderickx V., « L’adolescence : de l’héritage familial à la liberté individuelle », Cahiers de psychologie clinique [en ligne], 2009, n°33, p.85, disponible sur : < http://urlz.fr/1chG > 139
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Sites internet • Agence nationale de la Recherche (dir.), Algopol, 2013, disponible sur : < http://app.algopol.fr/ >
• Institut National de l’Audiovisuel, disponible sur : < http://www.institut-national-audiovisuel.fr/nous-connaitre/ entreprise/index.html > • Les Archives Départementales de la Sarthe, Pourquoi conserver ? [en ligne], disponible sur : < http://www.archives.sarthe.com/PourquoiConserver.aspx > • Marchal C., Paradis Blanc [en ligne], disponible sur : < http://www.paradisblanc.com/ > • Narrative, Narrative Clip [en ligne], 2013, mise à jour le 27/10/2014, disponible sur : < http://getnarrative.com/ > • Orange S.A. (dir.), Memory Life, 2009, mise à jour en 2014, disponible sur : < http://blog.memory-life.com/ > • Rosanvallon P., Raconter la vie [en ligne], 2013, disponible sur : < http://raconterlavie.fr/ > Il s’agit du site internet rattaché à l’essai « Le Parlement des Invisibles ».
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• Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (CNRTL) [en ligne], disponible sur : < http://www.cnrtl.fr/ >
Séries
• Dubuc B., Le cerveau à tous les niveaux [en ligne], disponible sur : < http://lecerveau.mcgill.ca/index.php >
• Brooker C., Black Mirror, saison 1, épisode 3: the entire history of you (retour sur image), Royaume-Uni, science-fiction et satire, 2011
Ce site internet résume le fonctionnement du cerveau humain de manière pédagogique, avec plusieurs niveaux d’apprentissage. Il m’a beaucoup aidée à rédiger la première partie du chapitre 1.
• Gouvernement du Canada, NanoPortail [en ligne], 2013, disponible sur : < http://urlz.fr/1aJM >
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Vidéos • 72U, In Memory (2015) [vidéo], in : Vimeo, disponible sur : < https://vimeo.com/120512142 >
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• Hofmeester F., « Portrait of Lotte 0 to 14 years in 4 min » (2014) [captures d’écran tirées d’une vidéo], in : Youtube, disponible sur : < https://www.youtube.com/watch?v=_vHRgpZ7NkA >
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• INA, Mémoires partagées, tutoriel vidéo, in : INA, ina.fr, [1min01], disponible sur : < http://www.ina.fr/video/MAN7651803108/ memoires-partagees-video.html >
• Ganascia J-G., extrait de l’intervention « La mémoire informatique au service de l’homme », Transversales du CNRS, Mémoires, 2000
• The Guardian, « A Look Back (Rétrospective) » (2014) [vidéo], in : Howerton J., Are You on Facebook? Then a 62-Second Video About Your Life Was Just Posted Online, The Blaze, disponible sur : < http://urlz.fr/1RJC >
• Källström M., extrait de l’article « Le lifelogging, pour enregistrer chaque moment de votre vie » [en ligne], L’Express, 2013, disponible sur : < http://urlz.fr/1cdx >
• Volvo, POC, Ericsson, Connect cycle helmet with cars, démonstration vidéo, in : Youtube, youtube.com, [39sec], 2014, disponible sur : < https://www.youtube.com/watch?v=w0rPQpjZhxg >
Reportages • C’est pas sorcier, France 3, INA : la mémoire audiovisuelle, émission de télévision, in : INA, ina.fr, [26min14], disponible sur : < http://www.ina.fr/video/2700678001/l-ina-la-memoire-de-laudiovisuel-video.html >
Citations
• Modiano P., extrait du discours de réception du prix Nobel de Littérature [en ligne], Le Monde, 7 décembre 2014, disponible sur: < http://urlz.fr/1a6z > • Mondot A., Bardainne C., citation extraite de l’article « Quand la danse rencontre les arts numériques », Konbini, disponible sur : < http://urlz.fr/1cCB > • Richaud C., Extrait de l’article « Données personnelles : la schizophrénie citoyenne », Le Monde, 05/06/2014 • Sauvajol-Rialland C., « Infobésité », le mal du siècle [ajoutée le 14/06/2013] extrait de l’interview de l’auteure du livre « Infobésité: comprendre et maîtriser la déferlante d’informations », in : France TV Info, francetvinfo.fr, [4 min 24], disponible sur : < http://urlz.fr/1cqi >
• Bensoussan A., La vie sur le Net est-elle éternelle ? [en ligne], Le Figaro, 22/01/2010, disponible sur : < http://www.lefigaro.fr/ web/2010/01/22/01022-20100122ARTFIG00014-la-vie-sur-le-netest-elle-eternelle-.php >
• Wolf G., The Quantified Self [ajouté en juin 2010] extrait de la conférence, enregistrement vidéo, in : TED, ted.com, [5 min 01], disponible sur : < http://urlz.fr/1cb3 >
• Drouard E., extrait de l’article « Snapchat gardait en fait vos photos censées être détruites : faut-il faire confiance à qui que ce soit sur le web ? » [en ligne], Atlantico, 12/05/2014, disponible sur : < http://urlz.fr/1cSb >
Oeuvres
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• Collault E., « Chants royaux sur la Conception couronnés au Puy de Rouen » (1530 ?) [manuscrit à peinture], in : Bibliotheque Nationale de France, Manuscrits occidentaux, disponible sur : < http://classes.bnf.fr/livre/grand/129.htm > 143
• Grammaticus S., « Parchemin présentant la Gesta Danorum » (1200 ?) [parchemin], in : Wikipedia, Le Parchemin, disponible sur : < http://urlz.fr/1bpQ >
• « Collecte d’archives » (?) [photographie], in : Archives départementales de la Drôme, disponible sur : < http://archives.ladrome.fr/?id=36 >
• Higton S., What’s on your mind ? [ajouté en juin 2014], film, in : Vimeo, vimeo.com, [2 min 36], disponible sur : < http://vimeo.com/97115097 >
• « Erreur de lecture d’un disque dur sur Apple » (sans date) [Capture d’écran], in : MyDiskManager.com, Formater son disque dur sous MacOs X avec l’utilitaire de disque Apple, disponible sur : < http://urlz.fr/1OA6 >
• Lanthiez B., Cure C., « Hvísl, Whispers of Iceland » (ajoutée en mars 2014) [enregistrement vidéo d’un livre interactif], in : Viméo, [3 min 10], disponible sur : < http://vimeo.com/89790218 > • Merzouki M., Pixel, extraits [2014], spectacle de danse, in : Vimeo, vimeo.com, [3 min 06], disponible sur : < http://vimeo.com/114767889 > • Sagmeister S., « Limited Edition Film Packaging » (2014) [coffret clé USB et Blu-Ray], in : Sagmeister & Walsh, disponible sur : < http://urlz.fr/1Msx > • V Squared Labs, Amon Tobin ISAM [en ligne], mapping vidéo, 2011, disponible sur : < http://vsquaredlabs.com/project/amontobin/ >
Photographies • Aguilar G., « Pixel » (2014) [danse et projection vidéo], in : Théâtre de Suresnes Jean Vilar, disponible sur : < http://www.theatre-suresnes.fr/2014-pixel > • Amet E., cernes5 [en ligne], France, 2006, disponible sur : < http://vplan.com/33r6 >
• Evan-Amos (pseudo), « Usb thumb drive » (sans date) [objet], in : Wikipédia, La clé USB, disponible sur : < http://urlz.fr/1bqA > • Frisch A., « A. v. Koranyi » (20e siècle) [impression photomécanique, héliogravure], in : Zeitschrift für klinische Medizin, Springer Heidelberg New York, Berlin, 1909, disponible sur : < http://www2.biusante.parisdescartes.fr/img/?refphot=07930 > • « La salle des Taureaux, Le panneau de l’Ours » (sans date) [photo], in : ministere de la culture et de la communication, Lascaux [en ligne], 2009, disponible sur : < http://lascaux.culture.fr/#/fr/00.xml > • Lebaz J-M., « Le Mur des Noms » (?) [photographie], in : VisitParis Region, Mémorial de la Shoah, disponible sur : < http://urlz.fr/1RDG > • « Le Scrapbooking » (sans date) [photographie], in : CyberFanny, disponible sur : < http://www.cyberfanny.com/decoration/scrapbooking.html > • Solis B., JESS3, The Conversation Prism 4.0 [en ligne], 2013, disponible sur : < https://conversationprism.com/ >
• Bergheul, Strates géologiques de Ghardaïa, Algérie, 2012 • « Big Brother is watching you » (sans date) [affiche], in : Wikia, Fiction Encyclopedia, disponible sur : < http://fictionencyclopedia.wikia.com/wiki/Ingsoc > 144
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Illustrations et outils personnels • Comparaison des types de traces de vie associées à leurs médias respectifs, 2015, illustration personnelle • Laisser des traces, étude qualitative, 2014, 55 p., outil personnel • Le Cloud, 2015, illustration personnelle • Parcours du stimulus dans la mémoire humaine, 2015, illustration personnelle • Pourquoi représenter ses traces de vie ?, étude quantitative, 2014, outil personnel. Annexe n°2 (page 130) • Similitudes entre mémoires humaine et informatique, 2015, illustration personnelle • Toutes les 60 secondes, 2015, illustration personnelle. Informations tirées de l’article « Internet, indispensable dans nos vies ? », disponible sur : < http://www.lametropole.com/blog/ginettelabarre/internet-indispensable-dans-nos-vies >
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Anna Hervé Mémoire de fin d’études École de Design Nantes Atlantique Master Management du Design et de l’Innovation Promotion 2015