Mémoire PFE Paysage en Mouvement

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Paysage en mouvement Un site régénéré par les “sans-terres” au Brésil

Anna Isfer Zardo ENSA Paris-Malaquais Juin 2019


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Anna Isfer Zardo Directeur d’étude : Christian Comiot Seconde enseignant : Caroline de Saint-Pierre Mutations ENSA Paris-Malaquais Juin 2019 3


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SOMMAIRE

Introduction

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1. Le Campement José Lutzenberger

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a) Historique de la résistance : l’évolution du site

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b) Le campement et son insertion dans la communauté Rio Pequeno

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c) La relation avec les villes environnantes et la production

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2. La vie en communauté

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a) Le quotidien

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b) L’organisation spatiale

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c) L’organisation politique

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d) L’existant: type et disposition des habitations

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3. Projections, intentions et contraintes

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a) Intentions et contraintes

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b) Ressources, matériaux et savoir faire

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c) La place de l’architecte

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Conclusion

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Bibliographie

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Annexes

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Avant propos Pour comprendre ce qui m’a amené à ce projet, je rétrace ici mon parcours académique. J’ai terminé ma licence d’architecture au Brésil (soit 5 ans d’étude), où la dimension technique de l’architecture est prépondérante. Il y a deux ans, j’ai fait un échange académique à l’ENSA de Nantes, et j’ai senti que tout un horizon s’est ouvert pour moi. J’ai beaucoup apprécié la manière de rechercher et de projeter en France, j’ai donc voulu y faire un master. De retour au Brésil, j’ai commencé à étudier la sociologie urbaine et à travailler dans une association qui construit des maisons dans les favelas et aide les habitants à régulariser leur terrain. J’y ai beaucoup appris, et la place de l’architecte dans ces situations de crise est devenue à mes yeux une question sans réponse. Le fait de travailler auprès de ces personnes en situation de grande pauvreté fut très enrichissant, et m’a permis de comprendre la nécessité de descendre du piédestal de position dans des projets complexes de grande échelle, propres à notre époque. Dans un contexte où les seuls matériaux disponibles sont des déchets de construction, l’ingéniosité et le sens pratique des habitants sont une leçon d’humilité pour l’architecte. Il doit alors se remettre en question et apprendre à écouter, à observer, à se taire et à respecter.

Dans le cadre du mémoire à l’ENSA de Malaquais, j’ai étudié les mutations territoriales générées par l’agroforesterie au Brésil, un modèle agroécologique en plein essor. Il est pratiqué par des familles d’agriculteurs, et leur permet de sortir de la misère, de devenir indépendants de l’agro-industrie et de régulariser leurs terres. Ces agriculteurs ont formé un réseau de plusieurs associations, communautés et coopératives autour de ces agroforêts, pour se soutenir, transformer et vendre leurs produits, acheter des machines et construire maisons et espaces partagés ensemble. J’ai exploré in situ plusieurs agroforêts dans des communautés différentes. J’y ai toujours questionné la place de l’architecte. Je voudrais donc sortir de la situation passive, et voir ce que je pourrais apporter à ces lieux et à ces personnes. J’imagine que l’architecte pourrait avoir un rôle d’accompagnateur dans ces situations de crise, vers une transition douce pour une ou des alternatives de société solidaires et soutenables écologiquement. En tant que créateur, amené à travailler avec de nombreux corps de métiers, l’architecte pourrait relier les acteurs (usagers, habitants, concepteurs, bâtisseurs, agriculteurs...) et les pratiques (écologiques, une certaine harmonie environnementale.

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29% forêt 45% Paturage 18% Monoculture 8% Villes réseau d’agroforêts Campement des Sans Terres Usage de la terre au Brésil

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Introduction Le projet aborde une question très importante au Brésil : celle de ses terres, exploitées depuis leur colonisation, via de grandes monocultures (hier la canne à sucre, aujourd’hui le soja). Les racines de ses profondes inégalités sociales et la domination de la nature se sont ainsi développées et consolidées. Les luttes et fonciers et les populations rurales et indigènes sont historiques. Aujourd’hui, les premiers possèdent 70%1 des terres rurales, cultures pour la plupart dédiées à l’exportation vers le marché international. Ils ont recours à la déforestation pour planter des semences souvent OGM et des pâturages de bovins. Mais il reste encore de nombreux paysans qui pratiquent une agriculture de petite échelle, et résistent à la tentation de l’exode rural. C’est un combat politique, idéologique, écologique, social, mais aussi une question de survie. Pour le mener à bien, ils doivent s’organiser et s’implanter dans des lieux où ils peuvent évoluer en paix, et en harmonie avec la nature. Beaucoup ont adopté pour cela l’agroforesterie, une forme de permaculture qui allie culture vivrière et régénération de forêts, et que j’ai étudié pour mon mémoire. L’agroforesterie est une forme d’agriculture agroécologique de domestication des forêts, déjà connue des Amérindiens. Ce modèle a été redécouvert et il est en plein essor au Brésil, notamment via des échanges 1 Gouvernement du Brésil, Censo Agropecuário, IBGE, 2006. Consulté le 09/01/2019, disponible à l’adresse www.ibge.gov.br

de connaissances et des formations organisées par des ONGs et des coopératives. La mise en place de cette agriculture, qui produit 10 fois2 plus de nourriture que la monoculture traditionnelle sur une même surface, peut restaurer des sols extrêmement dégradés par la monoculture. C’est une technique qui imite le fonctionnement d’une forêt et en accélère son processus naturel.3 La particularité de cette forêt est qu’elle est composée essentiellement de plantes qui peuvent nous être directement utiles, fournissant de la nourriture, des plantes médicinales, du bois, des huiles... Aucun fertilisant ou pesticide n’est employé. Ce modèle est pratiqué au Brésil surtout dans des fermes familiales, par des paysans qui veulent sortir de la misère et des paysans sans-terres qui veulent régulariser les lieux qu’ils occupent. Cette agriculture apporte aux paysans une indépendance et une autonomie vis à vis de l’agro-industrie. Ces agroforêts se développent dans plusieurs communautés autour de coopérative qui s’entre-aident et soutiennent les paysans dans plusieurs domaines: échanges des connaissances, des techniques et des semences, construction de bâtiments, achat de machines, transformation et vente des produits. Le réseau existant au Brésil compte sur plus de 3.5004 2 PEREIRA Juã, « Agricultura Sintrópica - Comissão de meio ambiente e desenvolvimento sustentável », Brasília, 2018. 3 GÖTSCH Ernst, Homem e natureza, cultura e agricultura, Recife, Centro Sabia, 1995 GOTSCH Ernst, Natural succession of species in agroforestry and soil recovery, Pirai do Norte, Agrossilvicultura Ltda, 1992 4

COSTA Camila, «Sead destinou R$ 60 milhões para Secretaria de Agricultura Familiar e do Desenvolvimento Agrário, 2017, disponible sur : mda.gov.br/sitemda/noticias/sead-destinou-r-60

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Le campement et les villes environnantes

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exploitations et s’est aussi développé grâce à des ONGs et des églises, d’une manière spontanée, organisme. Le site choisi est le Campement José Lutzenberger, un campement d’une population « sans-terre » en cours de régularisation dans le sud du Brésil, et appartient à la commune d’Antonina. Le site fait partie de la « Zone Protegée de Guaraqueçaba», mise en place par le gouvernement depuis 1997. Cette unité de conservation fait 283 014 ha et comprend quatre communes au total. Sa création a pour but d’assurer la protection de l’une des dernières zones de la Mata Atlantica, une des forêts les plus riches en biodiversité du monde. Elle abrite des espèces rares et menacées, des sites archéologiques, ainsi que des communautés d’une population traditionelle locale, les Caiçaras. De moins en moins nombreux, ce sont des descendants d’indigènes, de colons portugais et d’africains. Ils vivent de la pêche, de la chasse, d’une agriculture vivrière, de l’extraction de matières premières et de l’artisanat.5 Le campement se se situe a 1km du pied de la montagne Pico Parana (1 877 m), et du parc naturel du même nom. Il est proche du littoral et à 2h de voiture, soit 85 km de la ville de Curitiba (capital du département, 1 700 000 hab.). Le site est assez isolé geographiquement. Pour y accéder depuis le centre ville d’Antonina, il faut 1h en voiture, 35km sur une route à en 5 ROCHA Cleber, Saberes caiçaras, Sao Paulo, Paginas & Letras, 2007

partie en terre. Dans un rayon de 30km seule cette communauté et une autre communauté sont présentes. Il s’agit d’une occupation d’un terrain de 230ha, habitée par de 26 familles. liés à des cycles économiques que la région a traversé. Pour le faire, les habitants ont eu de l’aide de plusieurs ONGs, nottament le MST (Mouvement des travailleurs ruraux Sans Terre), un mouvement politique de gauche qui aide les paysans sans-terre à y accéder. Le MST, avec l’appui d’autres associations et ONGs, ont apporté une aide juridique et matérielle au Le campement a aussi choisi de pratiquer l’agroforesterie, en associant la récuperation de la forêt à la production de nourriture, et a déjà gagné un prix grâce à son travail de reforestation. Pour ancrer leur communauté, les habitants voudraient faire un projet du campement sur le long terme et construire de nouveaux lieux communs. La communauté dispose déjà de plusieurs bâtiments collectifs, résultats d’adaptations et de rénovations. Ils ont d’autres besoins en termes d’infrastructure : des lieux de réunion et pouvant accueillir des formations, une crèche, une école, une cantine, une cuisine collective, un espace de prière commun aux différentes pratiques spirituelles, et des habitations pouvant accueillir de nouvelles familles. L’endroit reçoit régulièrement des étudiants, des universitaires qui viennent faire des recherches, des agronomes. Les habitants organisent aussi des Erga (rencontre régionale 11


Production d’une vidéo - médiatisation de leur situation

Appui juridique, articulation politique et d’organisation

Fiocruz (Recherches)

Mouvement des Sans Terres

Événéments d’agroécologie REGA (Réseau agroécologique)

Formation technique, premiers investissemnts

Cooperafloresta (coopérative d’agroforêts) Premières sémences des espèces alimentaires

Acampamento José Lutzenberger Copel (Entreprise d’énérgie)

Université Fédérale du Paraná Recherches academiques

Association Terra de Direitos

Aide jurydique

Acteurs autour du campement

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Aide pour la conception des réglèments internes

Premières sémences des espèces natives


des groupes d’agroécologie), qui peuvent réunir plusieurs centaines de personnes. Les contraintes économiques amènent à réaliser un projet à faible empreinte écologique : utilisation de matériaux locaux ou de récupération, architecture auto construite et low-tech. Les contraintes légales, sanitaires comme environnementales, ont aussi une importance dont je dois tenir compte. Jonas Souza (le plus ancien habitant de la communauté et nommé coordinateur du campement par le MST) souhaite faire du lieu un exemple en terme d’agroécologie et d’écoconstruction. L’idée étant de pouvoir réaliser un modèle qui puisse être répété dans d’autres campements. De grandes quantités de bambou, une argile de qualité et divers bois de construction sont disponibles sur le terrain. Chaque construction est réalisée via des Mutirões, séances de travail collectives.

entretiens avec les familles de la communauté. J’ai participé à leur quotidien, à leur travail, j’ai assisté aux diverses réunions et assemblées, ainsi qu’à leurs fêtes. J’ai crée des liens avec quelques familles, et on continue à échanger sur internet sur le projet. Ce travail de terrain a été l’occasion de questionner mon métier d’architecte, et de mettre en pratique l’écoute, le respect, l’humilité, l’observation et la capacité à comprendre sans juger.

Pour réaliser ce travail, je me suis rendu sur le site à deux reprises. J’y ai séjourné deux semaines, et savoirs des habitants. J’y ai effectué un recherche ethnographique, d’immersion et d’observations, comprenant relevés habités et

Le campement au sein de la Zone de Protection de Guaraqueçaba

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1. Le Campement JosĂŠ Lutzenberger

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communauté Rio Pequeno

ancien propriétaire “posseiros”

60 familles de “caiçaras”, population traditionelle de la région

1960

nouveau propriétaire partie nord

de plusieurs familles, maisons détruites

changement du cours de la rivière et déforestation

5 familles de la partie nord ont résisté, et ont appellé d’autres familles pour les aider

1990

la partie nord est encore en cours de régularisation et compose le Campement José Lutzengerber

la partie sud du site arrive à légaliser les terrains et les deux parties composent la communauté

Rio Pequeno

26 familles, venant de régions différentes du pays résistance avec l’aide de plusieurs associations, légalisation de quelques terrains et ré-ocupation de la totalité du terrain

aujourd’hui 16


a. Historique de la résistance : l’évolution du site et des différentes périodes économiques de production. Au XIXème siècle, le lieu était habité par une communauté Caiçara, pêcheurs du littoral du Parana. Ils occupaient la communauté de Rio Pequeno et le site du campement José Lutzenberger. Une grande partie d’entre eux était considéré comme «posseiros » (squatteurs) et occupait une portion au sud du terrain qui n’avait aucun propriétaire. Ils réussirent plus tard à régulariser leur situation et à devenir propriétaires. Le reste des caiçaras habitait au nord du terrain. En échange de différents travaux, l’ancien propriétaire les laissa habiter ses terres. Ils y sont ainsi restés pendant 60 ans, sans documents de propriété. Après le decès du proprietaire, les terres ont été vendu illégalemement à un éleveur de et humides. Ce terrain ne pouvait légalement pas être vendu, parce que les « posseiros », qui y avaient déjà vécu pendant 60 ans ont ainsi acquis le droit à la terre. Mais l’ignorant, ils ne l’ont pas exercé. En effet il existe une loi au Brésil, qui protège les « posseiros », habitant pendant un certain temps un lieu en échange de travaux. Le nouveau proprietaire refuse alors la présence de cette communauté et commence à les menacer, engage des mercenaires et fait incendier leurs maisons et détruire leurs

récoltes. Peu scolarisés, de nombreux caiçaras ne connaissent pas leurs droits et n’arrivent pas à se défendre. Ils quittent la région. Le peu qui reste résiste, et ils font appel à leurs cercles de continuent, jusqu’à ce qu’ils demande l’aide d’ONGs et du MST, le mouvement des sansterres. Ils leur fournissent un soutien juridique et logistique, en plus de conseils politiques et de formations dans divers domaines (agriculture, construction, transformation de produits…). Ils parviennent alors à s’ancrer sur le terrain : la partie sud arrive à se régulariser, mais la partie nord est encore en processus judiciaire. Les traces du passage de l’éleveur sont bien là. Au-delà des destructions de maisons et de récoltes, le terrain a été en totalité déforesté, le cours d’une rivière a été dévié, et le terrain a été nourrir ses bêtes, il a fait planter du « brachiaria », une plante qui se multiplie rapidement et maintient l’humidité du sol. En 2000 le site devient un parc national et est déclaré zone de préservation de l’environnement. Plusieurs ONG ont tenté de racheter le terrain pour mieux le conserver, faisaient pression sur le gouvernement et désiraient par la suite expulser les habitants. Les habitants décident alors de reforester le terrain grâce à l’agroécologie. Plus précisément via l’agroforesterie, qui leur permet de replanter 17


Photo aĂŠrienne du site, 1998. Source : Weltspiegel

Photo aĂŠrienne du site, 2018. Source : Weltspiegel

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tout en produisant de la nourriture. Ils montent

les habitants à l’agroforesterie, et peu à peu le paysage change, la forêt reprend sa place et la biodiversité se réinstalle. Le camp faisant aujourd’hui partie du MST, il accueille les familles des paysans sans terre qui adhèrent au mouvement.

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Communauté Rio Pequeno

Limites Campement José Lutzenberger 500

100

20

N

0

200

Campement José Lutzenberger


b) La population et son rapport avec la communauté Rio Pequeno Le campement José Lutzenberger fait partie de la communauté Rio Pequeno. Mais, en réalité, la partie sud de la communauté et le Campement José Lutzenberger gardent peu de rélations. La partie sud de la communauté est toujours habitée par des Caiçaras. Le campement José

aussi cette partie de la communauté. Mais, les nouveaux habitants, ne le souhaitent pas spécialement.

étant un campement du MST, garde peu de familles Caiçaras, originaires de la région. La plupart des habitants viennent d’autres régions et sont arrivés ici grâce au MST. Ils viennent en général de régions rurales du Brésil, et ont émigré plusieurs fois avant de trouver le bon endroit. Beaucoup de ces nouveaux arrivés ont connu la faim et la misère des favelas. Cette différence culturelle matérialise des divergences entre les deux communautés. En revanche, il y a des anciens habitants Caiçaras du Campement (dont Jonas, le coordinateur) gardent des bonnes rélations avec la population du sud de la Communauté Rio Pequeno. Certains de ses habitants ont des relations avec des personnes du campement, et utilisent les équipements, font de l’agroforesterie et font entre les envies de plusieurs personnes dans le Campement José Lutzenberger. Pendant les entretiens, il était clair que les familles anciennes, qui gardent contact et relation avec la Communauté Rio Pequeno, veulent que les nouveaux equipements et bâtiments servent 21


Wanderson, Jonas, André, Zé, et Ana Paula

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Udson et Rafael


Lena et ses enfants

Jorge

23


port

1000m 0 500

Le campement dans la commune d’Antonina

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5000m


c. La relation avec les villes environnantes et la production Le campement n’est pas tout à fait autonome en termes alimentaires et ses habitants entretiennent des relations avec les villes proches. Les infrastructures de santé et d’éducation sont inexistantes dans le campement, il faut donc régulièrement s’y rendre. En outre, le but des habitants n’est pas l’autarcie mais bien de visibiliser leur cause et de valoriser leur travail. L’interaction la plus importante avec ces villes est la vente de la production agricole : bananes, manioc, coeur de palmier, maïs, café, citrouille, pomme de terre, orange, cacao, etc. Ils transforment aussi de la nourriture : jus, épices et pulpes. La plupart des produits cultivés est vendue à des écoles publiques dans 4 petites villes de l’état du Parana. Les habitants les vendent aussi dans des marchés d’Antonina et y achètent ceux qu’ils ne peuvent pas produire : sel, produits de nettoyage, etc. Par ailleurs, ils font des échanges de nourriture avec d’autres campements du MST : ils échangent des produits emballés comme des jus contre du riz, des harricots rouges, et tout ce qu’ils ne produisent pas.

vont à l’école : il y a des bus scolaires qui font un aller-retour par jour et un bus qui fait un aller-retour par semaine. La ville de Curitiba, à 85 km de distance, a aussi un certain pouvoir d’attraction. Les jeunes ont parfois l’envie de partir y travailler.

au campement, notamment pour visiter leur famille. Le campement est aussi visité par des agronomes, des universitaires, des membres du MST, et des évènements autour de l’agroécologie y sont régulièrement organisés. La relation entre le campement et les villes a donc une grande importance. Il existe un des aides, d’attirer de nouvelles familles et de promulguer l’agro-écologie.

Du campement au centre ville d’Antonina, il faut 1h en voiture, dont 35km dans une route en partie en terre. Les adultes s’y rendent environ 1 fois par mois, en bus ou en voiture, parfois pour aller voir un médecin ou ponctuellement pour y travailler, les revenus de l’agriculture

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2. La Vie en communauté

Mari Udson Juliana Sandro Sara

Ana Paula Gustavo Lurdes

Jorge

J

Adélio Célio Adolfo Zé Patrício

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Jonas Celia Vera Lauri

Cavalcanti

Nivaldo Lena Rafael

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Le 2 février, 7:15 : labeur

Le 4 février, 16:00 : récolte

Le 6 février, 15:30 : transformation/emballage

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a. Le quotidien Pendant mon séjour au campement, j’ai eu l’impression que le quotidien des habitants était assez routinier, même s’ils travaillent dans des secteurs différents. Pour eux, les changements au jour le jour concernent le climat et la production du moment. J’y ai séjourné en été, pendant les vacances scolaires, et ils avaient à ce moment moins de travail, puisque les écoles qu’ils fournissent étaient fermées. Ce sont elles qui leur demandent le plus de produits. Le travail était réalisé tôt le matin, pour éviter la chaleur (jusqu’à 35°, ressentie 55°).

dans la rue principal, j’ai vu que les gens n’étaient plus dans leurs hamacs, et avaient du retourner travailler. [...] Il n’y avait pas de réunion ce jour là. Plus tard, vers 17h30, Sara m’a vu et m’a appelé pour aller se baigner à la rivière avec tout le monde. Je suis arrivé là, à l’endroit où il y a le radeau, et presque toute la communauté était présente. Adultes, personnes agées et enfants. Les enfants se baignait dans la partie avec moins de fond, et les adultes là où il y en a plus. Ils sont restés jusqu’à 18h jusqu’à ce que peu à peu ils s’en aillent... Sara m’a rapporté qu’ils font ça tous les jours, quand il n’y a pas de réunion”

“Le deuxième jour j’ai accompagné Celia dans son champ, comme convenu la veille. Je me suis reveillé à 6h30 [...] je l’ai rejoint chez elle, où elle m’attendait avec un café, et nous sommes partis cueillir. Elle commence tôt, parce que entre 11 et 15h, l’été, il est impossible de travailler. [...] pendant qu’elle cueillait les bananes avec une machette (et je portais le panier), elle me racontait sa vie, ses techniques agricoles et son agroforêt. Il était tôt mais il faisait déjà très chaud. Avec les moustiques, c’était trop. [...] La température a encore monté, il faisait déjà 35 degrés. Elle m’a proposé de déjeuner sur place. On a mangé du riz avec des fèves, de la salade, du manioc, de la farine de manioc et de la banane cuite. C’est une nourriture consistante, qu’ils mangent tous les jours. [...] Après le déjeuner, il faisait très chaud, et comme les autres, elle est parti faire une sieste, dans le hamac de la terrasse. On dirait que tout le monde dort bien 3 heures, à ces mêmes heures. La chaleur était insuportable à l’intérieur des maisons, et tout le monde dort donc dans des hamacs à l’extérieur. Vers 15h, quand je marchais

Quand il y a des réunions (deux fois par semaine, toujours à 17h30), elle sont indiquées sur un tableau d’informations. “Il y a une réunion par semaine pour chaque secteur de travail, et une autre plus générale. La réunion d’aujourd’hui était à propos du secteur de la transformation. Le thème était les nouvelles recettes qui allaient être offertes aux écoles. Il n’y avait que des femmes. L’une d’entre elles écrivait au tableau les recettes, et les autres discutaient. C’était très convivial, chacune parlait à son tour sans lever la main, malgré quelques points de divergence. Je pense que parce qu’elles étaient peu nombreuses, les discussions étaient plus faciles à gérer.” Le jour suivant, la réunion était différente : “C’était une réunion générale, avec tous les groupes, guidée par Jonas et Sara. La réunion était plus organisée, et quelqu’un était chargé de prendre note. 29


Le 2 février, 17:30 : bain de rivière

Le 3 février, 18:00 réunion

Le 9 février, 19:30 coucher du soleil

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Différence par rapport à la réunion de la veille (qui avait moins de gens), les gens devaient lever la main pour parler. Beaucoup se sont exprimés et disputés, mais le dernier mot appartenait toujours à Jonas et à Sara. J’ai senti un certain respect (ou une peur ?) de la population à l’égard de Jonas. Ce jour-là, il a synthétisé le travail de chaque secteur, et ce qui doit être amélioré. J’ai senti un grand poids et beaucoup de responsabilités sur lui. Beaucoup m’avaient déjà raconté que “tout lui tombe dessus”. [...] J’ai ressenti que tous les sujets lui étaient rapportés. Toutes les disputes entre les personnes, les questions personnelles, les personnes qui ne respectent pas le réglement, tout le monde se réfère à lui pour ces sujets, comme si les habitants ne savaient pas résoudre ces questions eux-même. Il doit tout articuler, tous les secteurs.”

[la montagne la plus haute de la région]. Ils disaient adorer regarder le coucher de soleil là, qui est très beau. Celia était celle qui parlait le plus de son amour de la vie au campement. Qu’elle aimait la forêt, que quand elle était stressée elle allait se reposer dans la forêt et revenait calmée. Elle racontait aussi qu’elle aimait aller à la rivière, et se sentait libre de choisir ses horaires de travail, qu’elle aimait cette liberté.” De fait, après les réunions ou les bains de rivière, chacun retournait chez lui et le silence règnait, chacun de son côté.

Un autre point perçu ici était le rythme plus lent de la vie de la communauté. “Le rythme de la vie du campement était plus lent, et je percevais que la population aimait cette qualité de vie. Dans certaines interviews, des familles qui vivaient enfants étaient libres dans le campement, qu’elles se sentaient en sécurité, qu’ils ne connaissent pas le crime, et qu’ils ont assez à manger. Beaucoup appréciaient aussi de vivre avec son temps et sa propre production, sans avoir à obéir à un patron.” Un autre jour j’ai écrit : “Ce jour-là, je suis aussi passé à la maison de Celia pour voir si elle avait du cœur de palmier (pour mon dîner). Elle était avec Carlos, assis sur un banc en train de regarder le coucher de soleil sur le Pico Parana 31


N

32


b. L’organisation spatiale Les espaces communs extérieurs Le terrain a un total de 230 ha et est entièrement collectivisé. Une fois régularisé, il sera considéré comme « terrain issu de la réforme agraire » et sera propriété du gouvernement, cédé à la communauté. Le MST en sera responsable, et si une famille décide de partir, c’est au MST de choisir une autre famille pour la remplacer. La vente de terrains dans ce type de propriété est interdite. Une route de terre traverse le terrain et dessert bâtiments collectifs et habitations. Elle existe depuis le début de la formation de la communauté Rio Pequeno. Cette rue est

D’autres chemins, près du centre collectif, ont été aménagés par l’ancien propriétaire. Ces chemins, avec la rue principale, sont les plus pratiqués. Les autres chemins et sentiers ont été faits par les habitants, et sont parfois tortueux, notamment pour éviter les lieux inondés. Ils donnent accès à la rivière et à quelques parcelles de production plus éloignées. La rivière est un des espaces collectifs principaux: en deux points, la population s’y baigne tous les jours. Cette rivière est peu profonde et a en moyenne 7m de largeur. On peut la traverser à plusieurs endroits, à pied ou en radeau.

personnes et de tracteurs et les enfants y jouent librement. Les maisons se sont étalées autour de la route : chaque famille a le droit d’occuper un terrain de 30x100m. Ces terrains appartiennent à la collectivité mais leur usage est individuel. La seule partie privée est l’intérieur des maisons. Chaque famille a aussi le droit de cultiver dans un terrain de 100x100 ailleurs dans le campement, mais peu de familles le font, par manque d’accesibilité : les terrains les plus eloignés de la route principale ne sont pas desservis. D’ailleurs, cela génère un grand impact dans la productivité. Personne ne veut cultiver dans ces terrains plus loins, les gens le considèrent « trop loins et inaccesibles » : il n’y a pas de chemins et la végétation bloque la vision et le passage.

Coupe de la rivière

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La route principale

La rivière se traverse à pied ou en radeau

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Coupe de la rue principale

La rue principale

0

50

100

250

ÉlÊvation de la rue principale

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4

1

3 2

36


Les bâtiments communs

1

Aujourd’hui, les bâtiments collectifs se concentrent dans la partie sud du terrain. Ce sont des bâtiments de l’ancienne ferme.

aujourd’hui à ranger camions, tracteurs, et à recevoir assemblées et fêtes. Les familles qui viennent d’arriver s’y installent temporairement avant de construire leur maison. C’est une source de problèmes, parce que les familles peuvent y rester presque 6 mois, jusqu’à ce que leur maison soit terminée. On ne peut alors plus organiser d’assemblées ni de fêtes dans une partie du bâtiment. Le bâtiment de l’administration (2) remplit des fonctions administratives et commerciales, et accueille aussi des familles qui n’ont pas encore construit leur maison ou sont dans leur phase d’essai. Cela cause aussi des problèmes pour les gens qui travaillent à l’administration, qui doivent partager les mêmes espaces avec ces familles. Dans ce bâtiment, il y a l’accès

2

3

s’installent souvent sur sa terrasse pour en

Le bâtiment de l’actuel atelier de transformation (3) ne répond plus aux exigences de transformation des produits mais fonctionne encore. Dans sa partie extérieure, se tient un espace de réunion.

4

La structure de la pepinière (4) , construite avec l’aide d’une ONG, est abandonnée mais sera bientôt réinvestie. 37


Secteurs de travail aujourd’hui Production Infrastructure (dessertes camions...) Transformation Commerce Secteurs à développer Education Santé Communication Tableau utilisé lors des réunions et qui porte des informations sur les prochaines réunions

Règles internes principales : Les familles doivent impérativement travailler : cultures, transformation des produits, commercialisation, infrastructure, logistique...

Tous les enfants sont scolarisés. Un bus scolaire vient les chercher tous les jours.

Interdiction de faire du bruit après 23h.

Abus d’alcool interdit et drogues prohibées.

Chasse et pêche interdites Il est interdit d’installer des clotures autour de sa parcelle. On ne peut pas fermer les portes à clé de sa maison pendant qu’on est dans le campement.

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Utilisation de pesticides interdite.


c. Organisation politique Aujourd’hui, 26 familles habitent le campement. La vie politique est animée, son organisation est encadré par le Mouvement des Sans Terres. Le mouvement vise à reproduire les modes de vies paysans dans les campements et à les dévélopper en suivant 7 secteurs de travail. Actuellement 4 secteurs sont déjà mis en place. Pour dévélopper les 3 autres, il faut accueillir des nouvelles familles. Jonas, qui a organisé le mouvement de résistance depuis les premiers depuis les débuts du campements, en 2000. La vice-coordinatrice est Sara, chargée aussi du secteur de transformation de la nourriture. Chaque secteur a son propre coordinateur, élu par les habitants, pendant les réunions. Au sein du campement des réunions et des assemblées sont organisées au moins une fois par semaine. Les secteurs qui concentrent la majorité de l’activité sont la production, l’infrastructure (qui comprend la logistique, la desserte du lieu et l’acheminement de la production), la transformation des produits, et le commerce des produits. Le campement a un réglement interne long et communauté avec l’aide d’une association de droit. Les règles du campement doivent être bien respectées. La communauté exige des membres investis et productifs, essentiels pour sa survie et son succès.

Pour intégrer la communauté, les familles sont d’abord choisies par le MST, et ensuite par les coordinateurs du campement. Trois mois “d’essai” sont nécessaires. Les familles en période d’essai habitent les bâtiments communs, comme le barracão ou le bâtiment de l’administration. D’ailleurs, les emménagements et les déménagements sont fréquents. De nombreuses personnes habitant des favelas et fatigués par la violence et la misère recherchent un endroit pour vivre et travailler pour leur famille et se portent sur le mouvement des sans terre. Mais une fois arrivées, la transition n’est pas toujours facile. Certains n’arrivent pas à développer leur sens de la communauté, à assister aux réunions, à travailler de manière désinteressée, où à se débarasser d’habitudes qui nuisent comme l’alcoolisme. D’autres ne supportent pas l’isolement des lieux, les campements étant toujours éloignés des villes. Pendant les deux semaines sur place, j’ai connu quelqu’un qui venait de se faire expulser : “Zacarias, 42 ans, vivait seul dans le campement depuis 4 ans. Il venait d’une favela à São Paulo et a migré plusieurs fois avant d’arriver au Campement. (...) Apparemment, il travaillait correctement et avait une bonne relation avec les personnes, mais il était alcoolique et il commençait des disputes avec les habitants quand il était alcoolisé. Son problème a été débattu plusieurs fois dans les réunions, et on a exigé de lui plusieurs fois qu’il arrête de boire, pendant des années. Comme il ne l’a pas fait, il s’est fait expulsé de la communauté, et a eu 39


habitants. Le drapeau du MST est devant la plupart des maisons dans le campement.

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quelques mois pour partir, mais il continue aujourd’hui à y habiter. C’était une situation délicate. Quand je lui ai parlé, il ne savait pas où aller, peut être retourner au Nordeste du Brésil, où il a vécu pendant plusieurs années, mais il n’était pas sûr (...) ”

Drapeau et portraits à l’intérieur d’une maison (Vera)

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1) Architecture traditionnelle “caiçara”

2) Architecture en matériaux de récupération

3) Architecture de parpaing en terre cuite

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d) Les habitations Dans le campement, les familles sont responsables de la construction de leur propre maison. Les enfants, s’ils sont assez grands, participent à ces tâches. Les autres habitants peuvent les aider aussi. Les chantiers durent plus au moins 6 mois. Trois typologies d’architecture se distinguent. L’architecture traditionelle locale, la Caiçara (1), est plus ou moins oubliée. Issue de l’architecture des indigènes, elle est parfaitement adaptée au climat, mais est de moins en moins mise en œuvre: « Quelques habitants m’ont parlé de la paille Guaricana, qui était utilisée dans les toits dans des anciennes maisons Caiçaras. Elle avait une bonne qualité thermique et durait à peu prés 15 ans. Cette technique n’est plus utilisé, vu que les habitants ont maintenant la possibilité d’acheter des matériaux pour le toit à un prix accesible, comme l’amiente-ciment. Par contre, ce matériau n’est pas adapté au climat, et les maisons souffrent de surchauffes. (...) Les familles parlent du toit en Guaricana comme un passé lointain. Quelques-unes disent dommage d’avoir perdu cette technique, et se souviennent que ces toits avaient une qualité thermique bien supérieure aux toits actuels. Mais il rappelle à certaines familles leurs années de misère, quand ils n’avaient pas l’argent de faire autrement. Le toit en amient-ciment est devenu un symbole de leur accension sociale. » Les maisons de ce type sont souvent surélevées du sol, avec un vide-sanitaire, ce qui impêche que l’humidité rentre dans la maison. Cela

montre que cette architecture est trés adapté au climat du site. Les habitations les plus courantes sont en général réalisées avec des matériaux de récupération (2). Ce type d’archtecture est le plus hétéroclite. En effet, la plupart des habitants du campement étant originaires de régions différentes au Brésil, apportent tous des connaissances et des pratiques différentes: l’architecture d’une maison à l’autre varie, dans le choix de matériaux, la forme et la disposition des espaces. Chaque maison est donc réalisée au cas par cas, selon les connaissances et les matériaux disponibles. Les habitants trouvent tout ce qu’il faut dans des décharges ou ont parfois démonté leur ancienne maison et ramené toutes les pièces jusqu’au campement. Les maisons sont des combinaisons de plusieurs éléments: murs de container, verre des décharges, portes, toitures en taule, etc. Des annexes y sont parfois ajoutées. Quelques habitations sont en parpaing en terre cuite (3) achetés en ville. Ce matériau est peu cher au Brésil. Parfois il est mis en œuvre conjointement avec du bois ou avec d’autres matériaux de récupération. Les habitations ont souvent été construites de habitants ont des problèmes dans leur maisons surtout par rapport à leur température. Comme la plupart des habitants ne viennent pas de la 43


Architecture en matériaux de récupération

Architecture en matériaux de récupération

Architecture en bois caiçara

Architecture de parpaing en terre cuite

Architecture en bois caiçara

Architecture en matériaux de récupération

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région, ils utilisent des formes, des techniques, des savoirs et des matériaux qui ne sont pas adaptés au climat d’Antonina, leurs maisons ne sont pas assez ventilées et il y fait trop chaud. C’est le cas quand la toiture est trop basse ou nancier est toujours le plus contraignant, et il en résulte des habitations avec des problèmes thermiques, des fuites et des trous qui laissent passer le vent et la pluie.

bre ait sa propre chambre, alors que d’autres préfèrent avoir une seule chambre pour tous.

Même avec cette hétérogénité, on note des similitudes dans la dispositon des différentes maisons. Il a été observé, dans les relevés habités, que toutes les maisons ont un espace intérieur -extérieur, une extension du foyer de la maison qui comprend une cuisine (voir relevés habités dans les prochaines pages). Cet espace souvent à l’entrée de la maison, en plein-pied, est un espace de vie et de réception. Les espaces plus privés et les chambres sont toujours mises en œuvre de manière différente dans chaque cas. Certaines familles préfèrent que chaque mem-

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Rélevé habité 01 Sara, 33 ans et ses trois enfants Coordinatrice de l’agroindustrie “J’aime pas cette maison, j’ai déménagé ici après avoir divorcé (de Jorge, qui habite aussi dans le campement). Je l’ai construit très vite, avec des matériaux que les gens me donnaient, avec des déchets que j’ai acheté dans des décharges...” Déménagement dans un Campement Sans Terres de Ponta Grossa 12 ans

1986

Naissance à Castro

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1998

2 ans

Déménagement à la périphérie de Paranaguá 4 ans

2001 Retour à Castro

2005

1 an

2007

Installation au Campemement José Lutzenberger

12 ans


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Rélevé habité 02 Celia 47 ans, son mari et leurs deux enfants Production “C’était Carlos (son mari) qui a construit la maison, avec quelques gens d’ici. C’était lui qui a décidé comment elle serait, il est maçon,

Déménagement dans un bidonville à Curitiba 9 ans

1972

Naissance à Esperança Nova

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1981

31 ans

7 ans

2012

Installation au Campemement José Lutzenberger


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Rélevé habité 03 Producteurs “Cette partie là (à droite), était mon ancienne maison à São José, elle était même à ma soeur avant. Quand on est arrivé ici, il y avait des parties en bois qui se sont perdues. Ici (à gauche), on l’a fait nous mêmes, avec du bois d’ici.” Installation au Campemement José Lutzenberger

Déménagement à Sao Paulo 19 ans

1985

2 ans

1966

1987

Naissance à Francisco Alves

Déménagement dans une ferme à São José dos Pinhais Déménagement

50

31 ans

2004

15 ans


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3. Projections, intentions et contraintes

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Climat :

Beaucoup de pluie et beaucoup de soleil

Sol humide

Vents faibles qui viennent d’une seule direction

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a. Intentions et contraintes De mon séjour et des échanges avec les habitants, sont nées plusieurs problématiques, selon les échelles d’intervention : programme nécessaire, choix des matériaux, ressources, méthodes constructives, temps, emplacement des bâtiments, chemins et acessibilité, mais aussi priorités de construction. Quels bâtiments à réaliser dans quel ordre ? Selon des modèles constructifs similaires ou différents ? Les contraintes climatiques sont aussi importantes : le climat du site est très chaud et humide, avec beaucoup de soleil et de pluie et des vents faibles voire inexistants. Il faut donc résistent à l’humidité, et qui créent un confort thermique dans les bâtiments. Le projet tourne autour de plusieurs intentions et constats discutés sur place : développer la communauté, accueillir d’autres familles, augmenter la production agricole, réussir à régulariser la terre et faire du campement un modèle pour d’autres en terme de MST les échanges sont réguliers et engagent les différentes communautés à se surpasser dans l’idée de pouvoir s’entre-inspirer.

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“Mutirão” - Chantier participatif

Matériaux de récuperation

Bambous et bois

Artisanat

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Terre/argile


b. Ressources, matériaux et savoir faire Le campement concentre une richesse de savoir-faire différents, issus des différentes cultures et origines des habitants. Sur place, l’architecture Caiçara, l’architecture en matériaux de récupération et l’architecture en brique (développées dans le chapitre 2) se côtoient. De plus, quelques habitants font de l’artisanat (des paniers, balais, etc), avec un type de liane local (la cipo preto) et des feuilles de palmier. On trouve sur le site de l’argile, du bambou et d’autres bois de construction locaux, des feuilles de Guaricana et des lianes en abondance. D’autres pratiques pourraient aussi se développer, comme la production de briques en terre crue. Les habitants souhaitent acheter

collectifs, dits « Mutirão ». Ce mot provient du terme tupi (une ethnie indigène) motyrõ, qui et bâtiments collectifs sont construits en commun par les habitants du campement. Ce travail en commun se pratique aussi pour les travaux agroforestiers. Il est à la base de la cohésion sociale de la communauté. Les participants y échangent leurs savoirs-faire, leurs idées et leurs expériences.

développer une culture de l’auto-construction et de formations continues, en symbiose avec adaptés.

de fabriquer des telles briques. La constante sur laquelle l’architecte peut travailler serait donc de lier tous ces connaissances, savoir-faire et matériaux différents. Les habitants, qui ont toujours vécu dans la nécessité de se débrouiller avec peu, ont l’habitude de se former, d’apprendre et d’échanger des connaissances entre eux, et seront donc capables de se réapproprier ces savoir-faire.

campement, et celle des populations rurales, s’ancre dans l’entre-aide et les chantiers 57


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c. La place de l’architecte Dans ce projet, la mission de l’architecte passe d’abord par un travail d’investigation approfondie, par la recherche de la compréhension la plus large possible des désirs, des besoins et des attentes de chaque habitant. C’est un processus participatif qui implique directement les usagers et qui demande à l’architecte un sens de l’écoute et du détachement des préjugés architecturaux qu’il peut avoir conçu. J’ai d’abord réalisé un travail de recherche ethnographique: j’ai été sur place, fait partie du quotidien de la population, rencontré, questionné et relevé. Les premières propositions ont été faites sur place, ont été l’objet de discussions avec les habitants et ont été reformulées.

ressources et les batiments déjà sur place. L’architecte est donc le coordinateur de l’espace et du temps, et met en rélation l’économie, les techniques constructives et les matériaux pour projet à plusieurs échelles que la communauté pourra exécuter. L’objectif est de les guider, en proposant des solutions constructives simples qu’ils peuvent facilement s’approprier, de réaliser un schéma directeur de développement du site, par phases, qui organise les priorités de construction et de réorganisation de l’espace.

Après mon séjour, j’ai continué à accompagner et à échanger avec la population à distance. Le projet s’est elaboré avec les avis des habitants, en échangeant avec eux par internet. Suite aux entretiens et réunions, il en est ressorti qu’il faut concevoir avec des matériaux locaux, avec un système constructif accessible pour tous les habitants. L’architecte se doit trouver les bons matériaux et la bonne manière de les mettre en œuvre, tout en évaluant et en s’inspirant des capacités et des savoir-faire des auto-constructeurs. Il est important de faire un réagencement de l’espace en respectant le maximum les 59


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Conclusion Le campement José Lutzenberger montre un fort potentiel. Avec une richesse culturel et des savoirs différents, c’est un lieu qui permet d’accueillir des personnes en situation de crise. Il a déjà eu beaucoup de réussites dans divers aspects, avec un historique qui représente bien sa résistance aux pressions externes. Pour la population locale, vivre dans ce campement est déjà une forme de résistance. Ils y produisent et y transforment une nourriture de qualité, et fournissent des aliments biologiques aux écoles municipales de 4 petites communes de la région. Ils accueillent et organisent des évènements où ils échangent leurs connaissances avec d’autres communautés et universités. Aujourd’hui, ils sont en plein processus de régularisation de leurs terres. L’objectif du projet est de concevoir convient, qui puisse aider au dévélopemmnt de la communauté, et leur permette d’accueillir de nouvelles familles. Il s’agit de développer et augmenter l’impact de la communauté sur le justes, en bonne entente avec l’environnement, de bas coût, conformément avec l’identité locale, et en étant un exemple sur ces points

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Bibliographie AGENDA GOTSCH, « Agricultura Sintrópica », Agenda Gotsch, s.d, disponible sur http://www. agendagotsch.com BEAUD Stéphane et WEBER Florence, Guide de l’enquête de terrain: produire et analyser des données ethnographiques, Paris, Découverte, 1998 BIHOUIX Philippe, L’âge des low tech vers une civilisation techniquement soutenable, Paris, Éd. du Seuil, 2014. BORSATTO Ricardo et al., « Agroecologia e valorização de novas dimensões no processo de reforma agrária », Informações Econômicas, (São Paulo), v.37, n.8, 2007. COSTA Camila, « », Secretaria de Agricultura Familiar e do Desenvolvimento Agrário, 2017, disponible sur : http://www.mda. tas-em-2016 FRIEDMAN Yona, L’architecture de survie: une philosophie de la pauvreté, Paris, Éditions de l’éclat, 2016. GÖTSCH Ernst, Homem e natureza, cultura e agricultura, Recife, Centro Sabia, 1995 GOTSCH Ernst, Natural succession of species in agroforestry and soil recovery, Pirai do Norte, Agrossilvicultura Ltda, 1992 IBGE, Institut Brésilien de géographie et de statistiques, (www.ibge.gov.br). Consulté le 22/03/19 LESTOILE Benoit et SIGAUD Ligya, Ocupações de terra e transformações sociais. Rio de Janeiro, FGV, 2007 NETTO Nelson Eduardo Correa, MESSERSCHMIDT Namastê, STEENBOCK Walter, MONNERAT Priscila, Sistemas Agroforestais e agroecologicos em assentamentos da reforma agrária, Barra do Turvo, Cooperaforesta, 2013 ROCCA Alessandro et PIOT Christine, Architecture low cost, low tech: inventions et stratégies, Arles, Actes Sud, 2010. ROCHA Cleber, Saberes caiçaras, Sao Paulo, Paginas & Letras, 2007 VAN LENGEN Johan, Manual do arquiteto descalço, Porto Alegre (RS), Livraria do Arquiteto, 2004. WINKIN Yves, Anthropologie de la communication: de la théorie au terrain, Nouvelle éd., Bruxelles, Éd. De Boeck & Larcier [u.a.], coll.« Points Essais Sciences humaines », 2001.

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Remerciements Je remercie Sara, Celia et Jonas de m’avoir accueillie aussi chaleureusement et avec tant d’hospitalité. m’avoir reçu chez eux et de m’avoir ouvert en grand la porte de leur communauté. leurs conseils. Je remercie Alexis de m’avoir soutenu tout au long de ce projet. réinvestir dans ce projet. 65


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Annexes

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