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Boulevard du 30 juin, histoire et perspectives d’avenir Anne-Laure Cocatrix

Promoteur : Yves Robert


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Boulevard du 30 juin, histoire et perspectives d’avenir

Travail de Fin d’Etude Anne-Laure Cocatrix Promoteur : Yves Robert Année : 2012/2013 Master II Faculté d’architecture Lacambre/horta de l’Université Libre de Bruxelles


Remerciements 3

Remerciements : Je tiens dans un premier temps à remercier Monsieur Yves Robert, Professeur au sein de l’option Architecture Développement et Patrimoine, pour m’avoir suivi sur ce travail de recherches, ainsi que pour son aide et ses précieux conseils. Je remercie ensuite l’agence d’architecture ARTER, pour sa disponibilité et d’avoir accepté d’échanger sur leurs expériences et leurs travaux à Kinshasa. Je tiens à remercier les professeurs de l’IBTP de Kinshasa pour leur accueil et leurs échanges lors du worshop de l’année dernière. Je remercie d’ailleurs Blaise Kadima, Nigelle Kayiba, et Ephraïm Mangogolo, pour m’avoir fait découvrir leur ville dans la bonne humeur. Un grand merci à Thibaut Devémy pour m’avoir soutenue et supportée depuis le début. Ces remerciements ne seraient pas complets sans un immense merci à mes amis très spéciaux, Emmanuelle Perrin, Baptiste Bridelance et Guillaume Campion qui m’auront aidée et encouragée dans les périodes de doute et qui m’auront énormément fait rire. Mes dernières pensées iront vers ma famille, et surtout mes parents, qui m’auront permis de poursuivre mes études jusqu’à aujourd’hui.


Introduction 4

Problématique : Le boulevard du 30 juin est l’une des artères principales de Kinshasa. Il se situe au nord de la ville et s’étend parallèlement au fleuve sur 7km dans le quartier de Gombe ; quartier historique de la ville et qui concentre aujourd’hui une grande partie des capitaux du pays. Permettant de traverser la ville d’Est en Ouest le boulevard est empreint depuis quelques années à des difficultés de congestions automobiles aux heures de pointe. En 2009, le président Joseph Kabila Kabange, a pour volonté de moderniser le pays. Pour cela il engage le grand projet des 5 chantiers prioritaires, axés sur les infrastructures, la santé et éducation, eau et électricité, le logement, et l’emploi.1 Dès lors une série de projets urbains voient le jour, et notamment celui de la rénovation urbaine du boulevard du 30 juin. Le chef de l’état veut engager, durant son quinquennat, des « projets à impacts visibles »2 afin de redorer l’image de la capitale, d’en faire une véritable ville mondiale incontournable et d’attirer les investisseurs étrangers. Dans ce sens, le boulevard a pour objectif d’endosser le rôle de vitrine prestigieuse du pays, et

devra s’apparenter « aux Champs Elysées3 » congolais. Boostés par les échéances actuelles que sont la célébration des 50 ans de l’indépendance et le sommet de la Francophonie qui s’est tenu à Kinshasa le 15 Octobre 2012, les travaux d’aménagement et les projets immobiliers se multiplient. Aujourd’hui, véritable autoroute urbaine le boulevard commence sa mutation ; mais où va-t-elle l’amener ? Alors même que les premiers bâtiments surgissent à l’extrémité Est de l’axe, je propose à travers ce mémoire un questionnement sur l’histoire, l’évolution et les perspectives d’avenir du boulevard du 30 juin.

1/ Propos énoncés par le président Joseph Kabila, dans sa campagne pour la présidentielle. 2/ Propos énoncés par le Bureau d’étude d’aménagement et d’urbanisme (BEAU). 3/ Propos énoncés par le conseiller principal Kimbembe Mazumba en 2009 et repris sur le site : http://lesignalducontinent.over-blog.com/article-la-rdcpresentera-un-nouveau-avec-les-5-chantiers-42802749.html


Introduction 5 Objectifs :

Méthodologie :

L’enjeu de ce travail est triple, il doit d’abord servir à répertorier un ensemble de documents historiques sur le boulevard afin de créer une base de données qui pourra être communiquée et qui permettra de comprendre l’état actuel du boulevard et son processus d’élaboration. C’est une étude qui se présente comme le témoignage de réflexions entreprises au cours du temps, qui ont façonné le visage actuel du boulevard. Je propose ensuite d’analyser sa situation actuelle sous forme d’images afin d’élaborer et d’expérimenter plusieurs scénarios d’avenir du boulevard pour anticiper les résultats d’un remodelage et tester les limites du territoire.

Une première phase de recherches en archives m’a permis de dégager une série de phases marquantes de l’histoire du boulevard et de retracer son évolution. C’est un travail de compilation de données que j’ai pu ensuite utiliser pour comprendre le contexte idéologique de l’époque ainsi que pour analyser le processus d’élaboration de la ville marquée par des acteurs et des événements majeurs. Je me suis concentrée sur la recherche de documents concernant le chemin de fer avant 1930, puis le boulevard Albert Ier ( «du 30 juin» après l’indépendance). Après un premier voyage à Kinshasa en juin dernier4, j’ai pu me rendre compte de la réalité du terrain de la ville et plus spécifiquement du boulevard. Patchwork d’architecture, c’est aussi un lieu particulier de la ville à la fois dans son histoire que dans ses composantes sociales et morphologiques. La difficulté majeure pour capter les composantes de cet axe réside en son échelle. Le parcours de ces 7km, ne permet pas d’analyser tous les détails et les subtilités. La rencontre avec les architectes de l’agence ARTER, les membres du BEAU, l’analyse de l’étude qu’ils ont menée en 2009 sur le boulevard, ainsi qu’une série de lectures et d’observations sur le lieu m’ont servi à mieux comprendre les enjeux du pays, de la ville et du boulevard ainsi que les ambitions politiques. Cela m’a permis de compléter mon expérience sur le terrain et d’éclairer certains questionnements. Enfin, à partir de ces observations historiques et actuelles, j’ai émis une série d’hypothèses sur les possibilités d’avenir du boulevard du 30 juin.

Echelle de l'étude : L'étude se concentre sur le boulevard et plus particulièrement sur son urbanisme. Cependant afin de comprendre toutes les raisons de son évolution et d'en dégager des perspectives d'avenir, l'analyse prend aussi en compte des composantes architecturales, politiques, sociales, morphologiques sur une échelle plus large que le boulevard.

Eléments graphiques :

Les schémas présents dans l’étude sont des documents que j’ai composés à partir d’éléments (plans, correspondances, articles...) historiques. Ils permettent de synthétiser et recouper plusieurs informations.

4/ Voyage réalisé dans le cadre du projet d’un coopération mené par Wallonie Bruxelles International (WBI), dans le but de répertorier et communiquer sous forme d’une carte touristique le patrimoine immobilier de Kinshasa.


Sommaire 6

II . PLANIFICATION

I . INTERVENTIONS PONCTUELLES

1980

1890

1900

1910

1920

1930

1940

1950

UNE CONCEPTION EN 3 TEMPS

1- 1881/1939 : Des interventions ponctuelles :

Après une analyse historique du boulevard et de ses enjeux, j’ai décidé de découper le temps en trois parties qui correspondent à trois processus distincts d’élaboration du boulevard et plus largement de la ville de Kinshasa.

Depuis la création de la ville de Léopoldville, son urbanisme est essentiellement porté par des enjeux commerciaux. L’aménagement de son territoire marqué par des travaux ponctuels est largement influencé par un opportunisme marchand. L’avenir de la ville n’est pas réellement envisagé sur du long terme et son extension se fait au fur et à mesure de son expansion économique et démographique.


Sommaire 7

III. REFLEXIONS ET CONCILIATIONS

1960

1970

1980

1990

2000

2010

2020

2030

2- 1939/2006 : La planification :

3- 2006/avenir : Réflexions et conciliations :

Cette période correspond à la ville capitale. Depuis 1929, Léopoldville devient la capitale de la colonie du Congo. Les acteurs de la ville entreprennent d’imaginer une nouvelle ville à la hauteur de sa fonction, mais touchée par la crise de 1929, les travaux sont retardés et peinent à voir le jour. Ce n’est qu’en 1939, qu’une vision globale de la ville à long terme est entreprise. Pour la première fois, politiques, urbanistes et services des travaux publics établissent ensemble un projet général et global pour la ville de Léopoldville à travers un plan quinquennal.

Aujourd’hui, des envies de changement et d’amélioration de la ville sont apparues. Alors que l’urbanisation de la ville se base encore sur des plans d’aménagement datant de 1957, 1969, ou 1975 n’estil pas le moment d’engager une nouvelle réflexion? Entre passé, présent et futur, une nouvelle conception et élaboration de la ville est possible.


Introduction historique 8 1. Kinshasa, une ville qui surgit de la forêt Après la création en 1876 par le roi Léopold II de «l’Association internationale pour l’exploration et la civilisation de l’Afrique centrale», Stanley, déçu par le pouvoir politique anglais, décide de s’engager en 1878 auprès du roi belge pour l’exploration du Congo5. C’est l’association entre l’ambition du roi Léopold II et l’action de l’explorateur anglais Henry Morton Stanley qui marqua la naissance en 1881 de l’histoire européenne de Kinshasa. A l’époque, la future ville de Kinshasa est découpée en plusieurs villages dirigés par des chefs et régi par un droit coutumier. Grâce au «traité de l’amitié» signé avec le chef du village de Kintambo, Stanley installa un premier poste, au croisement entre route des caravanes et fleuve. Comme nous le montre le plan du premier poste administratif de Léopoldville de 1889, la connaissance de la réalité du territoire africain est à l’époque encore très sommaire et limitée dans sa structure paysagère et typo morphologique des habitations. En effet, zones de cultures et d’habitations sont plongées au milieu d’un vide, qui en réalité correspond à la forêt tropicale. Les seules indications précises nous indiquent la nature des cultures établies par les belges ainsi que les bâti européens en torchis. Le poste s’organise selon quatre zones d’habitations avec autour des zones de cultures -Une zone d’implantation belge au bord du fleuve où sont indiqués les différents steamers (steamer Stanley, steamer Roi belge, steamer l’Association internationale pour l’exploration et la civilisation de l’Afrique centrale, steamer Henry Reed). - Une seconde zone belge plus dans les terres sur un talus, qui surplombe le reste du poste administratif, où l’on retrouve des magasins, ainsi que la maison du commissaire du district. - Une zone d’habitations «indigènes» indiquée comme «hutte» représentée grossièrement et séparée de l’implantation européenne. - Une zone réservée aux missionnaires Baptist American Union plus en dehors de la zone établie par les belges.

Plan de Léopoldville, 1889 Archives Africaines, Ministère des Affaires étrangères, Bruxelles

5/ Georges Defauwes, conservateur du Musée communal Albert Thys de Dalhem dans «Albert Thys, de Dalhem au Congo “Les facettes méconnues d’un personnage d’exception”» p11


Introduction historique 9 2. L’institution coloniale se met en place Peu de temps après, porté par l’exploration, un second poste est créé plus à l’Est, sur le village de Kinshasa. Les deux districts, Léopoldville Est et Léopoldville Ouest vont se développer de façon parallèle. La présence Belge va se faire plus marquante sur le territoire. Le village de hutte a été remplacé par une série de petites habitations disposées le long de 3 avenues. Même si la ségrégation raciale et spatiale n’est pas encore très développée, les habitations pour européens sont clairement délimitées du reste du bourg par un talus. Le pouvoir colonial à travers un premier camp militaire, son chantier naval et la création d’avenue assoie sa maitrise du territoire et de la population.

Plan de Kinshasa et Léopoldville, 1919 Archives Africaines, Ministère des Affaires étrangères, Bruxelles

Même si les protagonistes belges sont encore peu présents sur ces deux postes administratifs, on y retrouve les principaux acteurs de l’entreprise coloniale : l’Eglise représentée par les Baptist American Union et les missionnaires de Scheut, l’Etat et le Roi Belge à travers un commissaire de district et les camps militaires ainsi que les entreprises Belges, européennes voire internationales.


Evolution du boulevard 10

Naissance du boulevard

1890

Arrivée de Stanley sur les berges du Pool

1900

1910

1920

1930

1940

?

0 Km

+10 Km

CHEMIN DE FER MATADI, 16 MARS 1898.

La ville est divisée en deux agglomérations distantes de 8km : Léopolville à l’Ouest et Kinshasa à l’Est. L’arrivée de la ligne de chemin de fer Matadi-Léopolville va permettre de relier les deux cités. Cette ligne couplée de la «route de Léopoldville» va accélérer le développement de Kinshasa et ? attirer les industries et entreprises venant de toute l’Europe.

I . INTERVENTIONS PONCTUELLES

0 Km

+10 Km

DEVIATION DU CHEMIN DE FER SUR N’DOLO, Après 1930.

Le peu d’espace entre le fleuve et le rail contraint la colonie à repenser la position de la voie ferrée plus au sud. L’aménagement de certaines zones reste flou : la nouvelle gare, le lien avec Kalina, la liaison avec Léo Ouest.

1950

?

0 Km

+10 Km

PROGRAMME QUINQUENNAL 1939-1943 POUR L’AMENAGEMENT DE LEOPOLDVILLE

L’une des priorités du plan quinquennal est l’aménagement du boulevard Albert Ier, son extention et son raccord avec le quartier de Kalina. La place Albert Ier est alors aménagée afin d’accueillir la statue du roi ALbert Ier. Les travaux vont prendre du retard durant cette période de guerre en Europe..

II . PLANIFICATION


Evolution du boulevard 11

? ?

Indépendance du Congo

1960

0 Km

1970

1980

+10 Km

RIQUIER / HEYMANS : UNE VILLE D’URBANISTES 1949-1951

Riquier propose un plan d’aménagement qui sera ensuite repris par Heymans. Il imagine 3 transversales pour relier ville Européenne et ville Indigène. On voit appraitre pour la première fois la volonté de renforcer le pôle commercial du pôle résidentiel autour du boulevard.

1990

0 Km

2000

2010

+10 Km

PLAN D’AMENGEMENT, BEAU, 1969 : DENSIFIER LE QUARTIER DES AFFAIRES

Etabli par le BEAU, le plan d’aménagement appuie la volonté de densifier la zone des affaires. Selon les prescriptions du réglement d’urbanisme, le quartier des affaires doit être dense (R+15 autour du boulevard) et doit s’étendre vers l’ouest de l’axe de circulation.

2020

0 Km

2030

+10 Km

POLITIQUE DES 5 CHANTIERS, 2006 : «MODERNISER LE BOULEVARD»

Dans le cadre des «5 chantiers» du président Kabila, le boulevard est actuellement en train de se «moderniser». Devenu une autoroute urbaine, le but est aussi d’aménager une série de places urbaines. La modernisation doit également passer par une densification de l’ensemble du boulevard.

III. REFLEXIONS ET CONCILIATIONS


Croquis de recherche pour relier le futur boulevard Albert Ier avec le quartier Kalina Archives Africaines, Ministère des Affaires étrangères, Bruxelles


Des interventions ponctuelles


I. Des interventions ponctuelles 14 I.A. Le Chemin de fer Matadi-Léopoldville, le 16 Mars 1898 I.A.1 -Création d’un chemin de fer : 1889

Après avoir établi une première route entre Léopoldville et Matadi à travers le Mont de Crystal6 , Stanley, toujours au service du Roi Léopold II, est convaincu que « Sans chemin de fer, le Congo ne vaut pas une pièce de 2 shillings ! «. Il fait un plaidoyer en faveur du chemin de fer, invoquant pour raison officielle la lutte efficace contre la traite et la disparition du portage et ira jusqu’à esquisser un vaste plan d’équipement ferroviaire de l’Afrique. Le Capitaine commandant Albert Thys, alors homme d’affaire belge est chargé par le roi de créer et d’administrer la Compagnie des Chemins de fer du Congo qui sera établie le 10 juillet 1889 dans le but de développer un réseau d’infrastructures ferroviaires à travers tout le Congo. En 1890 , le chantier de la ligne LéopoldvilleMatadi est lancé7. Face à la violente campagne «anti-congolaise» qui trouve des échos dans les sphères politiques, le général Thys devra diversifier l’origine des travailleurs venant d’Indes, Sumatra, Afrique du sud, de Chine et Macao. Il lui faudra alors huit ans pour arriver le 16 mars 1898 en gare de Léopoldville N’Dolo.

I.A.2-Liaison des districts au service d’une économie : 1898

Séparées depuis 1881, l’arrivée du chemin de fer est l’occasion de connecter les deux entités urbaines. Cette liaison va engendrer un fort développement économique de Léo-Est. En effet, l’urbanisation du district va s’organiser dans un but marchand . Comme on peut le voir sur l’un des premiers plan du district datant de 190? le bourg va se développer entre le chemin de fer et le fleuve. L’urbanisation va se réaliser sur la base d’un quadrillage de rues parallèles aux rives du fleuve. Viennent ensuite se superposer à cette trame de voiries des branches ferroviaires qui irriguent les grandes entreprises installées en front du fleuve. Le paysage de Kinshasa est alors essentiellement marqué par l’industrie et les entreprises. Ces entreprises, comme Confina ou Citas, vont bénéficier à la fois d’un équipement fluvial permettant de se connecter au commerce venant du sud et de l’ouest du pays mais aussi d’un équipement ferroviaire afin d’acheminer les marchandises en direction de Matadi et de l’océan Atlantique. Etant à la fois le terminus de la ligne de chemin de fer et un port d’attache et de transit, Kinshasa va au fur et à mesure asseoir son rôle d’entrepôt du Congo et deviendra un point économique important dans la région du Bas-Congo. Conséquences du développement commercial de Kinshasa, de nouveaux équipements apparaissent à l’intérieur de l’agglomération : notamment un hôtel, une banque et la douane. Aujourd’hui, cette zone comprise entre infrastructures portuaire et ferroviaire, donne encore à voir certains bâtiments de l’époque. L’hôtel ABC8 , premier et unique hôtel de la ville (déjà visible sur le premier plan), qui s’inscrit dans l’architecture préfabriquée de composition Art nouveau de l’époque. Des éléments ont d’ailleurs peut changé, la banque a finalement fait place à la Banque du Congo et les missionnaires de Scheut sont toujours présents, positionnés au même endroit qu’au début du XXème siècle.

Photographie de la première gare de Léo-Est Missison J-M Bel au congo français 1906-1907. BNF Paris

6/ Georges Defauwes, conservateur du musée communale Albert Thys explique dans son ouvrage «Albert Thys, de Dalhem au Congo. Les facettes méconnues d’un personnage d’exception» que cette expérience lui value le surnom de «Boula Matari, l’homme qui fracasse les rochers». 7/ Cet évènement marqua la fin des négociations et des relations avec les missions anglaises et permis au roi Belge une plus grande autonomie dans la gestion du territoire congolais.


I. Des interventions ponctuelles 15

Plan de Kinshasa, 1909 Archives africaines, Bruxelles

Photographie des entrepôts Confina Carte postale ancienne, Delcampes

Photographie du «Grand Hôtel A.B.C Carte postale ancienne, Delcampes

8/ Jusque dans les années 1930, l’hôtel ABC de la Compagnie Commerciale et Agricole d’Alimentation du Bas-Congo, est resté le seul et unique hôtel, accueillant les voyageurs et «expatriés» européens.


I. Des interventions ponctuelles 16 I.A.3- Amélioration des infrastructures : 1910-1921

Etant donné l’emplacement stratégique de la commune de Kinshasa, et son développement important, trois projets d’amélioration des infrastructures sont mis en place entre 1910 et 1921. En 1913, la revue Tribune Congolaise9 publie le projet d’aménagement de la commune de Kinshasa. L’article met en avant la stratégie marchande de l’urbanisme du district. Alors qu’un premier projet devait faire passer le raccordement principal du chemin de fer sur la rive même du fleuve afin d’éviter le plus possible le temps de manipulation des marchandises entre rail et navires, il a été préféré ensuite la céation un entrepôt douanier et l’aménagement de 50m de quais. Le poste de douane va notamment permettre d’obtenir des capitaux pour le remboursement du grand projet ferroviaire engagé par le roi Léopold II. L’infrastructure ferroviaire va marquer fortement l’urbanisme du district. Cette boucle complète qui dessert successivement la gare, les entreprises, les entrepôts et la douane ne perdurera que quelques années, la capacité d’accueil de ce réseau étant limité et ne pouvant s’étendre le long du Congo. Cependant, son tracé elliptique laissera une trace permanente sur la ville, tracé que l’on retrouve aujourd’hui à travers l’avenue Moutombo Katshi, l’avenue Lumbungu et l’avenue Wagenia le long du fleuve.

Carte postale ancienne du port de Kinshasa Delcampe

Carte postale ancienne du poste de douane de Kinshasa Delcampe 9/ Consultable à la Bibliothèque Royale de Belgique dans «Chroniques de Léopoldville de 1881 à 1956»


I. Des interventions ponctuelles 17

Plan du projet d’aménagement de la commune de Kinshasa la revue Tribune Congolaise. 1913, Bibliothèque Royale de Bruxelles


I. Des interventions ponctuelles 18

Parallèlement à ce nouveau tracé, une série de propositions pour l’agrandissement de la gare de Kinshasa vont apparaitre dès 1909, afin de désengorger le trafic de la gare considérée comme insuffisante. La Compagnie des Chemins de fer du Congo propose d’abord d’exproprier les propriétaires M.Valle et Figueiro de chaque côté de la gare afin d’établir de nouveaux bâtiments comprenant des entrepôts, une gare de marchandises et des bureaux réservés à la compagnie. Cette demande va être refusée à plusieurs reprises10 et va engendrer une série de conflits sur les titres de propriété et le rôle de la Compagnie du Chemin de fer du Congo, société privée dans l’élaboration d’un projet d’intérêt public. La compagnie va proposer une série de plans d’aménagement de la nouvelle gare de formation au nord, alors que la colonie était plutôt favorable à un projet situé au sud. Ce projet ne trouvera d’ailleurs pas de solution avant la relocalisation du chemin de fer sur N’Dolo. La compagnie du Chemin de fer obtiendra en contre partie plusieurs parcelles plus au sud qui lui serviront à loger ses fonctionnaires belges indiqué en bleu sur le plan et une partie de sa main d’œuvre «noire», coloré en rouge. (fig)

Plan de la gare de Kinshasa, 1909 Archives Africaines, Bruxelles

Plan des parcelles destinées à la Compagnie du Chemin de fer, 1914 Archives Africaines, Bruxelles

10 - Les premiers échanges entre la Compagnie des Chemins de Fer du Congo et l’institution coloniale datent de 1909 et vont perdurer jusqu’en 1923. Les documents sont consultables au sein du centre d’archives du ministère des colonies, dans la farde des revenus fonciers 1488/58bis/6 gare de Kinshasa.


I. Des interventions ponctuelles 19

Enfin, Georges Moulaert, désigné commissaire général en 1910, préconise de déplacer le port principal vers Kinshasa, ce changement deviendra effectif en 1921. Le port de Kinshasa va devenir incontournable et en 1926 l’ingénieur Bollengier propose un premier projet d’aménagement du nouveau port . L’ingénieur décide de rationnaliser le port et surtout d’en faire une véritable infrastructure. Les marchandises sont d’abord orientées vers

le magasin de douane puis redistribuées au sein de parcelles rectilignes et égales. L’ensemble des parcelles accueillant les entrepôts sera placée en contrebas du reste de la ville et un ponton sera construit. Ce projet ambitieux sera modifié en 1929 par un projet plus restreint demandant moins de modifications, mais ne verra finalement pas le jour.

Plan d’aménagement du port par Bollengier, 1926 Archives Africaines, Bruxelles


I. Des interventions ponctuelles 20 I.A.4 Le chemin de fer, un outil de ségrégation: 1910 -1927 1.A.4.a Prémisse d’un plan ségrégatif Dans une note concernant le lotissement des terrains dans les agglomérations urbaines du 18 janvier 191011, le commissaire du district Georges Moulaert met en avant la nécessité de réglementer l’agglomération au point de vue de «l’esthétique, de l’hygiène générale et de l’hygiène des occupants». Il met en avant deux problèmes qui touchent le district, que sont la taille des parcelles qui lui semble trop petite et la non séparation des populations européennes et «noires». Afin de régler ces problèmes, il propose: «- De séparer quartiers indigènes et européens. - De développer un programme d’éducation des populations européennes et indigènes sur l’hygiène individuelle. - Dans les quartiers européens : 1 noir pour 3 blancs - Dans les quartiers européens aussi appelé quartier central car les hommes de couleurs peuvent circuler et louer un bâtiment. - De préférer les systèmes de pavillons afin de permettre une large circulation de l’air et de la lumière, le bâti ne peut couvrir plus de 20% des terrains. - De construire les bâtiments avec des matériaux durables, dans un souci de décoration et bien entretenus par ses occupants. - 7m entre les avenues et les bâtis limités par des clôtures durables. - Prix des parcelles : 5 à 7 FR/ m² soit 6250-5000francs (quartier européen parcelle de 500-600m²) 1.25 à 0.75FR/ m² soit 500-300FR (indigène parcelle 400m²)» L’argumentaire ainsi que les solutions proposées se basent essentiellement sur des considérations hygiénistes qui vont avoir un impact sur l’organisation de la ville et vont marquer le début d’un urbanisme ségrégationniste. Il faut rappeler qu’à l’époque, le Congo était décrit comme «le tombeau des blancs». A travers cette expression il faut comprendre que beaucoup d’européens succombaient à des maladies encore peu connues de la médecine comme la malaria. Tout en ne

perdant pas de vue les effets de cette ségrégation, la séparation des quartiers européens et «indigènes» étaient aussi alimentée par la crainte épidémiologique. Moulaert justifie notamment cette distanciation par «l’absence de mesures prophylactiques au sein des populations indigènes». Pour lui, au delà de dispositions urbanistiques c’est aussi à travers une éducation des populations que l’on pourra régler les problèmes sanitaires.

1.A.4.b - De la limite au centre : 1912-1927 Fort d’un développement économique rapide, les limites fleuve/ chemin de fer deviennent très contraignantes aux yeux du développement démographique. De plus, alors que LéopoldvilleEst était essentiellement composée d’une population noire à la genèse de son existence, elle accueille maintenant de plus en plus d’expatriés européens. A cela s’ajoute une main d’œuvre essentiellement africaine, toujours plus nombreuse. Le chemin de fer va être la première application de l’urbanisme ségrégationniste énoncé par Geoges Moulaert en 1910. Il va servir de limite physique entre quartier indigène au sud qui compose la main d’œuvre et quartier européen au nord dans lequel on retrouve les entreprises, les habitations européennes, les services et institutions de la métropole comme la douane, la poste et le chef du district. Cette limite sera doublée par deux avenues parallèles de chaque côté de la ligne de chemin de fer (Avenue Strauch côté indigène et l’avenue Van Eetvelde coté européen). Le passage entre quartier européen et quartier Indigène se fait par l’intermédiaire de sept passages à niveau.12 Cette limite raciale ne va pas rester fixe et va devoir se décaler progressivement vers le sud pour suivre la pression démographique de la population européenne. On note déjà en 1917 une première avancée plus au sud de la limite. Le quartier

11/ Centre d’archives du ministère de la colonie, Bruxelles - Revenu foncier portefeuille 40106/10/0 Commune de Kinshasa plan parcellaire. 12/ Voir plan du district de Kinshasa de 1912


I. Des interventions ponctuelles 21

européen a besoin de place, surtout après l’annonce du transfert de la capitale à Kinshasa en 1923, à cette date la limite ségrégative a déjà atteint le futur emplacement de la première zone neutre qui se concrétise en 1927 à travers la réalisation du parc Fernand De Boeck. Le boulevard perdra alors définitivement son caractère de limite raciale.

a.

b.

Schémas illustrant la limite ségrégative, réalisés d’après les plans historiques 13

c.

Limite ségrégative Zone urbanisée «1ère Zone neutre» Parc De Boeck a. 1912 : le chemin de fer comme limite b. 1923 : création d’un hôpital pour européen au sud du chemin de fer c. 1925 : aggrandissement de la zone industrielle au sud/est du chemin de fer d. 1927 : création du parc Fernand De Boecq 13/ Voir plans en annexe du district de Kinshasa de 1912, 1923, 1925, 1927.

d.


I. Des interventions ponctuelles 22 1.A.4.c- Le chemin de fer, trait d’union entre deux urbanismes En 1912, l’urbanisme des quartiers indigènes au sud du chemin de fer est encore flou, on peut observer différentes figures urbaines : damier en biais, proportions différentes, subdivision de la trame de base...Comme nous le montre le plan de 1913, ces figures vont d’ailleurs être rapidement régularisées. Ces morceaux de quartier ont pour point commun d’être très rationnels. Ce quadrillage va permettre d’accueillir un grand nombre de personnes, va devenir un moyen de contrôle du territoire et de ses occupants grâce aux percées visuelles qui en découlent et va surtout permettre une extension rapide de la ville. En se basant sur une trame en damier élaborée à partir de parallèles et de perpendiculaires aux chemins de fer, cette infrastructure ferroviaire va devenir un élément structurant dans l’urbanisme de la ville.

le chemin de fer devient le centre du quartier européen. Il sera le lien entre un urbanisme répondant à des logiques de production au nord, fortement marqué par le tracé du chemin de fer et un urbanisme rationnel dont l’objectif était de loger un plus grand nombre de personnes sur une petite surface. Dès lors se pose la question de garder cette infrastructure ferroviaire comme centre urbain.

Quartier européen

Les quartiers ouvriers, vont peu à peu se décaler et s’accroitre vers le sud alors que les premiers lotissements se trouvant au bord du chemin de fer vont être intégrés au quartier européen. Une nouvelle organisation du quartier européen en intégrant espaces au sud du chemin de fer s’impose donc, et en 1917 l’architecte Gaston Boghemans élabore un projet pour l’aménagement de Léopoldville-Est. On peut noter la volonté d’homogénéiser la partie sud et nord du chemin de fer en les reliant grâce à la création de diagonales qui partent de figures circulaires. Ces figures circulaires vont accueillir espaces publics, places, et notamment la future place Léopold. Alors qu’un projet d’extension de la gare est en cours d’étude, l’architecte imagine une grande avenue arborée, l’avenue des aviateurs reliant la nouvelle gare avec les entrepôts de la douane et le transport fluvial. En 1927, alors que la première zone neutre apparait plus au sud,

Quartier ouvrier 1917

Quartier ouvrier 1913

Quartier ouvrier 1910


I. Des interventions ponctuelles 23

Plan d’amÊnagement de Kinshasa, 1917, Boghemans Archives Africaines, Bruxelles


I. Des interventions ponctuelles 24 I.B. Léopoldville Capitale : déviation du chemin de fer sur N’Dolo L’arrêté Royal du 1er juillet 192314 décide le transfert de la capitale de Boma à Kinshasa. Même si ce transfert ne sera effectif qu’en 1929, ces six années ont permis à Kinshasa de se doter d’une série de nouveaux équipements. On peut noter l’apparition d’équipements sanitaires tels que les hôpitaux, mais aussi les écoles et les administrations. Léo-Est va devenir le centre de cette nouvelle capitale, et va être le théâtre d’une série d’actions et de réflexions sur son urbanisation. Selon le journaliste Roger de Chatelus «Léopoldville n’est alors qu’une vaste plaine poussiéreuse où un peu partout des chantiers naissent entre lesquels passent des avenues incomplètes»15

I.B.1. Revenu foncier au service du changement Avant même l’annonce officielle du transfert de la capitale, des dispositions particulières vont être prises concernant l’accession à la propriété. En effet, les populations européennes restent plus longtemps sur le territoire congolais et aspirent donc à devenir propriétaires. En 1921, le gouverneur général De Say décide d’établir une parcellisation et une numérotation des lots afin d’arrêter les prix de vente et de location des parcelles de terres domaniales, situées dans la circonscription urbaine de Kinshasa. Les parcelles sont d’abord louées pendant deux ans. Après ce terme, les occupants ont le choix d’acheter la parcelle ou de renouveler le bail pour une durée minimum de 5 ans16. Ceci va marquer le début d’une cadastration du territoire et donc d’un revenu foncier qui permettra de financer les transformations de la future capitale coloniale.

Plan de parcellisation de Kinshasa, 1923, De Say Archives Africaines, Bruxelles

14/ Johan Lagae Léopoldville, Bruxelles villes miroirs 15/ Roger de Chatelus, Un an au Congo. Les grandes enquêtes de la «Nation belge», Bruxelles, 1925 16/ Ordonnance du 7 avril 1921, archives africaines ministère des colonies, Bruxelles - Revenu foncier 4106/10/0.


I. Des interventions ponctuelles 25 I.B.2. Le chemin de fer comme «fil rouge» Comme on peut le remarquer sur le plan de Léopoldville de 1923, la ville ne cesse de se développer. Alors que la ville européenne s’étend le long du chemin de fer en direction de Léo-ouest, les quartiers ouvriers continuent leur progression en direction du sud, en étendant la trame urbaine de base sans réelle limite. Au sein de la partie européenne, le quadrillage prédomine, et se base toujours sur la géométrie du tracé de la voie ferrée. Ce chemin de fer reste la structure urbaine dominante à partir duquel partent plusieurs avenues en direction du fleuve. Une fois le découpage du territoire réalisé, les principaux acteurs que

Plan de Léopoldville, 1923 Archives Africaines, Bruxelles

sont les missionnaires et les entreprises continuent à s’implanter sur les nouvelles parcelles dessinées par la Colonie. Parmi ces acteurs, on retrouve l’entreprise Huileries du Congo Belge (HCB) qui obtient de larges parcelles au bord du fleuve ainsi que les missions anglaises. Lien entre deux districts, outil important pour les entreprises, la voie ferrée est aussi devenue au gré de l’évolution de la ville un centre et donc une barrière physique. Dans un contexte d’une future capitale qui doit véhiculer l’image de la colonie, l’emplacement du chemin de fer commence à être remis en cause.


I. Des interventions ponctuelles 26

I.B.3 - Nouveau quartier de Kalina La prochaine capitale essentiellement marquée par l’industrie et les quartiers ouvriers doit maintenant se munir de vraies structures administratives. Apparait alors la volonté de créer de toute pièce un nouveau quartier qui serait à mi-distance de Léo-Est et Léo-Ouest. Grâce à sa position géographique et son avancée sur le fleuve, le quartier de Kalina est choisi dès 1923 pour accueillir les nouveaux équipements administratifs. Le tracé rayonnant qui épouse la forme de la rive du fleuve apparait très rapidement et va être le leitmotiv de son évolution. A partir d’une place circulaire partent plusieurs de grandes avenues, au bout desquelles sont envisagés de prestigieux bâtiments publics,

Plan de Léopoldville, 1923 Archives Africaines, Bruxelles

comme la future maison du gouverneur, ou encore la poste. Ces bâtiments doivent être accompagnés de nouveaux logements pour européens, essentiellement destinés aux fonctionnaires de la colonie. L’urbanisation du quartier va d’abord se réaliser au niveau de sa partie Est faisant le lien direct avec le quartier de Kinshasa, puis va s’étendre progressivement le long du fleuve. Cette partie sera pratiquement terminée durant l’année 1935. Les logements, souvent dessinés par des ingénieurs et rangés par type viennent s’implanter au centre de grandes parcelles verdoyantes. Cependant l’évolution du quartier et sa conception vont être assez lentes et à la veille du plan quinquennal de 1939 son tracé n’aura pas bougé.

Situation des travaux du quartier de Kalina, 31 décembre 1923 Archives Africaines, Bruxelles


I. Des interventions ponctuelles 27

Emplacement Clinique Emplacement résidence du Reine Elisabeth Gouverneur Général

Propriété des soeurs du sacré coeur

Emplacement Immocongo

Plan quartier Kalina, 1939

Zone urbanisée Voie ferrée


I. Des interventions ponctuelles 28 I.B.4 - Déviation du chemin de fer La déviation du chemin de fer sur N’Dolo va se réaliser progressivement entre 1929 et 1933. Après un premier projet de contournement du quartier indigène, il sera finalement décidé de faire passer le rail au cœur du quartier indigène. Ce nouveau tracé va permettre à la fois de garder un lien économique entre les deux agglomérations, mais aussi de supprimer la barrière physique qui handicapait le développement urbain du quartier européen. Cette déviation nécessitera notamment la construction d’infrastructures comme témoigne le pont de la figure(...) situé à N’Dolo et construit en 1932. Comme nous le montre le plan du district urbain de 1936, des problèmes d’urbanisation commencent à apparaitre. On peut pointer 2 problématiques majeures : - la liaison routière entre les deux districts - l’aménagement de la zone de l’ancienne gare qui reste vacante

I.B.4.a .La liaison routière entre les deux districts

Pendant plus de 30 ans le chemin de fer est resté le lien le plus important entre Léo I et Léo II. Son tracé réalisé de façon la plus directe et donc la plus économique est encore très présent. Toujours doublé par les avenues Strauch et Van Eetvelde, la suppression de la voie ferrée engendre des interrogations sur le rôle de ces deux avenues dans l’avenir de la ville. Sur un plan de 1929, on peut voir que la libération des espaces autour de l’ancienne voie ferrée ont permis l’arrivée de nouveaux équipements de loisir comme le centre de tir de Léopoldville et le Mont des arts. Dans cette configuration les deux avenues n’ont pas vocation à se poursuivre. Cependant dans une volonté de réunir les deux districts au sein d’un ensemble urbain l’idée de réaliser un lien routier majeur n’est pas abandonné, et va perdurer jusqu’à aujourd’hui.

I.B.4.b. Aménagement de la zone de l’ancienne gare

A la mort du roi Albert Ier en 1934, un Comité Central pour l’érection du monument à la mémoire du souverain décédé est créé. Deux concours vont être lancés pour la création de l’édifice, qui devra mettre en scène le souverain «dans une position habituelle aux populations indigènes, c’est à dire en uniforme.»17 Très rapidement, il sera décidé d’intégrer cet édifice au sein d’une nouvelle place, située en face de la future nouvelle gare de LéoEst. Cette espace, devant accueillir à la fois le monument, les cérémonies militaires et des emplacements de stationnement pour deux cent voitures, servira de rond-point à circulation giratoire. L’aménagement est pensé à la fois sur le plan urbanistique que pour l’organisation de cérémonie. Le larges pelouses permettront d’accueillir les estrades et une grande avenue pourra supporter un défilé de chars militaires.18 Cette place marque le point de départ d’un aménagement routier qui doit se poursuivre jusque Léopolville-Ouest.

17/ Note du commissaire du district. Archives Africaines GG 14.849 18/ Programme- Réglement du deuxième concours pour l’élaboration d’un projet de Monument à ériger à la mémoire du Roi Albert dans la capitale du congo Belge léopoldville 30 décembre 1936. Archives Africaines GG14.849


I. Des interventions ponctuelles 29

Plan du district urbain de Kinshasa, 1936 Archives Africaines, Bruxelles


I. Des interventions ponctuelles 30

I.B.4.c Le projet d’une nouvelle gare

Un 1er projet de gare provisoire :

Le chemin de fer et la gare étant liés depuis plusieurs années au développement des industries se situant le long du fleuve, la suppression définitive de la gare semble inenvisageable. De plus au delà du transport de marchandises, c’est aussi une infrastructure très fréquentée par les européens qui souhaitaient rejoindre Léo Ouest et d’autres villes. La compagnie des chemins de fer propose d’abord un projet en décembre 1934 d’une nouvelle gare provisoire qui permettra d’accueillir les voyageurs pendant la période d’étude pour la nouvelle gare définitive19. Elle ne se situe pas dans le prolongement du futur boulevard Albert Ier, mais va s’implanter au niveau de l’avenue Camille Janssens, dans le prolongement de l’avenue des Aviateurs. L’axe de l’actuel boulevard du 30 juin, n’est pas encore destiné à être une direction principale pour la future capitale. Il semble que le plan de Gaston Boghemans mettant en avant un lien visuel et circulatoire forts entre le port et la gare reste très présent. Ce n’est qu’en 1935 que sera décidé de reporter l’emplacement de la gare définitive, dans l’axe du boulevard Albert Ier, dans un soucis d’une harmonie visuelle et urbanistique. Le plan atteste pour la première fois de la création d’une gare terminus au gabarit modeste, où les voies ferroviaires se limitent à deux et ne se prolongeront plus au cœur de la ville européenne.

Une seconde gare définitive, teintée par le «colonialisme» :

Parallèlement au projet de monument et aux travaux d’aménagement du futur boulevard plusieurs concours pour la création d’une nouvelle gare vont être lancés. Dans une note indicative de l’architecte René Schoentjes pour l’élaboration du cahier des charges, la pensée ségrégationniste va se retrouver.20 Cette idée de limiter le plus possible les points de contacts entre les populations va ici s’appliquer au niveau des entrées. Le gouverneur général rappelle clairement dans ses directives pour le futur équipement qu’il faut prévoir deux entrées séparées, l’une pour la population européenne en façade principale et l’autre pour celle «indigène» sur le côté sud de la gare. En plus des entrées c’est aussi une circulation intérieure dans le bâtiment qui devra être pensée selon les fréquentations. Contrairement à la population européenne les «Indigène» ne pourront pas passer par la salle des pas-perdus, mais devront accéder directement à l’espace de vente qui leur est réservé.

Projet de Shoentjes :

Après les résultats de plusieurs concours, mettant en avant différents projets de grandes envergures et monumentaux, aucune option n’a vu le jour. Alors que René Schoentjes était en charge de la création de la statu du roi ( en collaboration avec l’artiste sculpteur belge Victor Demanet ), le pouvoir colonial décida de lui confier le projet de la nouvelle gare. Schoentjes, élabore un projet relativement modeste en comparaison avec les autres projets proposés. Le projet largement influencé par le style art déco se développe de façon horizontale. Cette horizontalité est appuyée par le gabarit allongé du bâtiment et des toits plats légèrement débordants.

19/ Voir la lettre sur la gare provisoire du 24 janvier 1935 écrite par le commissaire du district Maquet au gouverneur général. Archives Africaines GG 14.849 20/ Archives Africaines 3ème DG farde 859


I. Des interventions ponctuelles 31 Evolution géographique de l’emplacement de la gare

1ère gare, au niveau de l’actuelle place des braconniers

Gare centrale définitive de René Schoentjes, 1936-39

Gare provisoire

Gare centrale définitive de René Schoentjes


I. Des interventions ponctuelles 32 I.B.5 La naissance d’un boulevard L’aménagement de la place ainsi que l’édification du monument, vont être l’occasion en 1936, pour les services des travaux publics de repenser le profil du boulevard, et son lotissement. Il va être décidé de relier l’avenue Van Eetvelde et l’avenue Strauch en une seule voirie21 pouvant accueillir, voitures, piétons et cycles. Pour la première fois, l’accent va être donné à la circulation automobile en intégrant une deux fois deux voix de 25m de large, séparées par un terre plein végétal. Le futur boulevard d’une largeur totale de 58m sera bordé d’une rangée d’arbres et de lampadaires. Une nouvelle parcellisation va être établie autour du prochain rond point dans le but de dégager la vue autour du monument. Le but étant de mettre en scène le monument du roi dans une perspective grandiose. Cependant en 1937, dans une note indicative destinée au gouverneur général, l’architecte conseil de la colonie, René Schoentjes, pointe une série d’incohérences esthétiques. Alors que ce nouveau boulevard s’étend sur 3km de long, il pourrait s’apparenter en plan à l’Avenue des Champs Elysées à Paris. Cependant la perspective proposée n’atteint pas les objectifs d’une avenue triomphale. «Entourée par des maisons basses et perdues dans la verdure, le monument n’aura pas beaucoup plus de volume qu’une allumette»22 . Il préconise alors d’implanter des arbres de gros volume afin de rétrécir le cadre visuel du monument.

I.B.6 Les logements européens sur le boulevard23 Entre les différents équipements et bâtiments administratifs, la ville européenne doit accueillir de plus en plus d'expatriés et se dote alors de différents modèles de logements. Les logements sont essentiellement les fruits d'entreprises voulant loger leurs employés ainsi que de l'administration coloniale qui doit accueillir ses fonctionnaires arrivés du vieux continent. Les initiatives privées restent très marginales en raison du grand nombre de parcelles réservées à la colonie. Souvent au centre de larges parcelles, les maisons semblent être plongées dans une verdure abondante. Avant les années 1950, les architectes vont produire une série de maisons types qu'ils classent en fonction du nombre de chambres disponibles. Les logements seront fortement marqués par les styles venus d'ailleurs, comme par exemple le cottage anglais ou le bungalow indien24. De plain pied mais souvent surélevé par rapport au niveau du sol, les villas devaient accueillir tout le confort européen. Des dispositifs architecturaux spécifiques pour diminuer l'impact de l'environnement extérieur sur le confort intérieur vont voir le jour. On peut notamment observer sur les coupes l'apparition de treillis moustiquaires en métal au niveau des endroits d'ouverture sur l'extérieur (Baies, portes, corniches...). On remarque aussi une adaptation de ces styles architecturaux occidentaux au climat, notamment au niveau des toitures très peu pentues et débordantes.

21/ Le Commissaire du district Urbain de 1936, L.Morel, explique que cette disposition répond à une conception moderne de la grande route. GG.14.849 22/ Note explicative « Aménagement des abords de la gare de Léopoldville» de René Schoentjes, le 27 février 1937. GG.14.849 23/ Lire la farde 859, 3ème DG aux archives Africaines sur les logements européen à Léopoldville. 24/ Lire syllabus «nouveau patrimoine et enjeux de développement, 2012» Yves Robert, p60


I. Des interventions ponctuelles 33

Plan de maison simple, CETRA Archives Africaines, Bruxelles


Plan d’aménagement de la zone européenne, 1951, Heymans Archives Africaines, Ministère des affaires étrangères, Bruxelles


La planification du boulevard


II. La planification du boulevard 36 Jusqu'en 1939, l'évolution de la ville est soumis aux interventions ponctuelles liées aux opportunités économiques, politiques et démographiques. Son statut de capitale va obliger les acteurs de la ville (politiques, architectes, urbanistes) à penser la ville du futur de façon globale dans le temps afin de répondre aux besoins de ce nouveau rôle.

II.A. Programme quinquennal pour l'aménagement de Léopoldville 1939-1944 II.A.1 Le boulevard au centre des priorités

Durant la période 1929-1939, une série de chantiers ponctuels ont débuté sur le boulevard, mais la plupart n'ont pas vu le jour ou ont très peu avancés. A l'aube de la seconde guerre mondiale, le gouvernement colonial décide d'élaborer un plan quinquennal pour l'aménagement de Léopoldville. Ce plan va permettre une première vision globale de l'effort à apporter à toute la ville. C'est aussi l'occasion de hiérarchiser une série d'actions en dégageant les priorités d'aménagement dans le cadre d'un agenda. L'essentiel des actions ont pour objet l'aménagement du boulevard : En 1939 doit être achevé l'aménagement du rond-point autour du monument Albert Ier afin d'accueillir le monument. Le réseau d'égouttage et l'aménagement de la voirie en face de la gare sont

Plans techniques pour le drainage du boulevard, 1944 Archives Africaines, Bruxelles

prévus en 1940. Puis en 1941, la voirie devra être achevée de la gare jusqu'au carrefour des aviateurs. Le 24 septembre 1941 alors que les travaux continuent à perdre du temps le commissaire de district Roger Le Bussy ordonne le remplacement des crédits destinés à la construction d'un pont pour réaliser le revêtement du boulevard en béton vibré. Les ingénieurs s’emparent du boulevard et plannifient et dessinent le réseau complet d’égouttage. Il va devenir le premier axe de la ville à prétendre aux commodités sanitaires. La circulation, les carrefours, la végétation sont minutieusement étudiés et dessinés sur l’ensemble du boulevard.


II. La planification du boulevard 37 La place de la gare va être un lieu d'étude privilégié. Elle doit à la fois accueillir la future statue du roi et aussi être un lieu de circulation important où se rejoignent plusieurs axes menant à la gare. Finalement, le monument servira de rond-point autour duquel seront établis trois parterres dont deux jardinets et un devant la gare servant au stationnement des véhicules. Avec l'arrivée du monument Albert Ier le boulevard va devenir un outil de mise en scène du pouvoir colonial. Une longue perspective renforcée par un allée d'arbres de chaque côté de la voie viendra asseoir la position centrale de l'ancien souverain belge. Position et essences des arbres sont minutieusement analysées. Alors qu'un premier projet imaginait une double allée d'arbres de tulipiers du Gabon, il sera préféré une seul allée d'arbres composée de manguiers qui permettra une bonne couverture d'ombre et moins d'encombrement sur le trottoir.

Plans d’implantation des plantations pour le boulevard Albert Ier, 1944 Archives des colonies


II. La planification du boulevard 38 II.A.2 Raccorder le quartier Kalina

En 1942, la partie sud du quartier reste en étude et inachevée. La colonie envisage d'abord de continuer l'urbanisation sous forme de lotissements. Cette solution reste en suspens car elle ne règle pas le problème du raccordement du boulevard Albert Ier avec le quartier Kalina. C'est en 1946, qu'apparait les premier croquis pour le raccord entre le boulevard et le nouveau quartier. On imagine d'abord un espace vert courbe qui accueillerait un jardin anglais en terrasse, sur lequel viendrait se rattacher le boulevard lui même courbe. Puis, dans un souci de mise en scène du nouveau palais de justice, on imagine une nouvelle "place de la victoire" (actuellement au niveau du bâtiment Royal) sur lequel donnerait le boulevard. Finalement cette place ne verra pas le jour, mais sera reprise par la suite par les urbanistes Riquiers et Heymans pour l'élaboration de grands axes monumentaux. Le boulevard quant à lui continuera son tracé linéaire vers la zone industrielle TEXAF. La liaison avec Kalina se fera plutôt grâce à des avenues périphériques, et non grâce à un axe central.

Evolution du raccord entre Kalina et le boulevard Albert Ier

Pas de raccord avec Kalina

Espace vert courbe

Plan d’aménagement du quartier Kalina, 1937 Archives Africaine, Bruxelles

Place de la Victoire

Axe monumental qui croise le boulevard


II. La planification du boulevard 39 II.A.3 Aménagement de la première zone neutre

Depuis 1927, la première zone neutre existe à travers le jardin botanique élaboré par De Boeck. Le concept de «zone neutre» va à l’époque être renforcée à la fois par les idées hygiénistes des experts médicaux ainsi que le travail de l’urbaniste René Schoentjes,, qui en 1932, dans son article Considérations générales sur l’urbanisme au Congo Belge25, décrit la cité indigène comme un foyer d’épidémie possible. Il illustre sa théorie par un schéma de ville tripartite (cité européenne, cité indigène et zone neutre). Même si le contexte de kinshasa ne va pas permettre une application aussi forte de ce schéma que dans la ville de Lumbumbashi, dès 1933, on peut remarquer une première volonté de renforcer cette zone en pôle culturel et sportif en y ntégrant de nouveaux équipements dans le prolongement horizontal du parc.

Un «Mont des Arts» va voir le jour sur un point haut de la ville. Ceci n’est pas sans rappeler le complexe urbanistique du même nom qui apparaitra une vingtaine d’années plus tard à Bruxelles même. De forme circulaire il devait s’implanter au sein d’une zone boisée aménagée en parc. Nouveau point stratégique de la capitale, il était accessible à la fois depuis le boulevard mais aussi par une double voie qui menait directement au parc De boeck. Un centre de tir puis en 1936 un premier golf club viendront le compléter. En 1944 cette zone va ensuite être remodeler et étendue jusqu’au boulevard. Le mont de arts va finalement être abandonné et le golf club deviendra un élément majeur de la ville et une respiration verte le long d’une partie du boulevard.

Plan d’aménagement de la zone de loisir, 1944 Archives Africaines, Bruxelles

25/ Voir le schéma en «T» pour la ville congolaise de René Schoentjes


II. La planification du boulevard 40 II.B. Riquier VS Heymans, une ville d'urbanistes Parallèlement aux études menées en métropole, la politique d’aménagement du territoire a véritablement commencée au début des années 50, avec la prise de conscience d’une meilleure utilisation de l’espace.

II.B.1- Contexte de la ville de Léopoldville II.B.1.a Un boom démographique La population de la ville de Léopoldville est à l'époque en forte expansion. En 1948 la revue "Architecture", met en avant une série de problèmes qui touchent la ville et notamment sa croissance démographique. "Au début du siècle, la distribution d'eau fut envisagée, Léopoldville n'était qu'une bourgade peuplée de 300 blancs et 500 indigènes. Le réseau était alors prévu pour 500 blancs et 4000 indigènes. En 1927 on comptait 2700 blancs et 8000 Indigènes, aujourd'hui, 6800 blancs et 80000 indigènes." A ceci s'ajoute un changement du profil sociologique aussi bien dans les populations européennes qu'africaines. L'amélioration des conditions de vie notamment grâce au premiers pas de l'air conditionné26 et le progrès de la médecine vont inciter les européens à rester et créer leur famille au Congo. Alors qu'à l'époque la ville était essentiellement composée de célibataires, fonctionnaires de l'état Belge ou expatriés dans les entreprises, Léopoldville doit maintenant s'adapter à l'arrivée de familles avec plusieurs enfants. C'est aussi une période marquée par une européanisation des modes de vie des africains. L'exode rural des congolais vers la capitale implique à la colonie une réflexion sur l'intégration de ces populations rurales dans le contexte urbain. "à travers la maison et la cité c'est tout le mode de vie africain que nous devons influencer."27 Cette expansion démographique commence à engendrer des soucis de transports, d'étalement urbain et la création d'un réseau de transport en commun apparait comme inévitable.

II.B.2.b Les avancées technologiques

Les années 50 sont aussi caractérisées par des réflexions sur l'utilité de l'air conditionné dans les habitats européens de la colonie. Depuis 1940, une commission était chargée d'étudier les procédés et moyens capables de résoudre pratiquement et économiquement le condionnement de l'air. Les maisons de "type CM3" vont faire l'objet d'essais afin d'analyser si le rendement de ces installations est préférable aux dispositifs architecturaux tels que l'orientation des bâtiments, l'enveloppe protectrice, la circulation d'air, les brises soleils...26Les conclusions de cette étude ne verront finalement pas le jour, et en 1948 dans une note sur le conditionnement de l'air, Riquier s'interroge toujours sur la préférence entre un air confiné avec une température basse ou un air en mouvement avec un degré hygrométrique élevé. Finalement la généralisation du béton dans la colonie et l'arrivée d'une architecture moderniste vont faire apparaitre une architecture climatique mettant l'accent sur les dispositifs architecturaux qui visent à contrôler les désagrément du climat congolais. L'apparition de modernisme tropical qui va s'illustrer notamment à travers les oeuvres de l'architecte Claude Laurens28 vont marquer le paysage du boulevard. Que ce soient les tours Sabena-Immocongo, la résidence Vangèle ou les galleries Moulaert, aujourd'hui ces bâtiments restent des éléments singuliers et remarquables d'une époque majeure de l'histoire de l'architecture.

26/ Voir le dossier sur le conditionnement de l’air dans les logements européens, Archives Africaines, 3ème DG 859. 27/ «Vers un urbanisme africain authentique, de la naissance des grands ensembles à la mobilisation des masses» de Roland Pré. Dans Architecture Aujourd’hui, Paris, n°70, 1957 28/ Voir «Claude Laurens architecture projet et réalisations de 1934 à 1971, Université de Gand»


II. La planification du boulevard 41

Quelques figures du modernisme tropical qui se sont illustrées à Lépoldville : -Claude Laurens -Maurice Houyoux -Paul Copaye -Maurice Heymans -Delépine

-Van Ackere -Marcel Lambrichs -Charles Van Hueten -Van Laarhoven - J.Délire

Photographie actuelle de l’immeuble à appartement CCCI de M.Houyoux,1955 ©Anne-Laure Cocatrix, 2012

II.B.2.c De nouveaux programmes

En 1949, la colonie imagine un renouveau de l’aménagement du territoire à travers un «plan décennal pour le développement économique et social du Congo Belge». Face à la forte expension démographique et grâce aux opportunités technologiques qui arrivent sur le territoire de la colonie, de nouveaux équipements vont apparaitre dans la ville29 : -Stade, avec le stade Tata Raphaël (1948-52) de Van Hentenryck - Hopitaux : Maternité de Kintambo(1951-53) - Equipements scolaires : Aggrandissement de l’université de Lovanimu (1952-56) - Infrastructures fluviales et ferroviaires : gare fluviale de l’ONATRA (1956-59) Le plan décennal va être aussi l’occasion pour l’autorité coloniale de traiter la question des logements pour «indigènes». Cette réflexion va se concrétiser à travers les oeuvres de l’Office des CitésAfricaines (OCA)30 qui entre 1952 et 1960 va créer des ensembles urbains accueillant logements et équipements (tribunaux, dispensaires, écoles, églises...). Ces réalisations aujourd’hui plongées dans un urbanisme informel font partie du territoire et de l’histoire de la ville.

29/ Illsutrations disponibles dans «Kinshasa, architecture et paysage urbains», de Bernard Toulier Johan Lagae, Marc Gemoets, 2012, p 82-105 30/ Exemple d’une cité OCA à Lumbunbashi et des questionnements sur cet héritage colonial à travers le Travail de Fin d’Etude : «La cité Ruashi, oeuvre de l’Office des Cités Africaines au Congo : analyse architecturale, urbanistique et réflexion patrimoniale», de Hossé, ALice, 2011


II. La planification du boulevard 42 II.B.2 - Etude de Riquier II.B.2.a Proposition d’aménagement En 1948, Riquier, architecte belge faisant parti du groupe Alpha, et exerçant à Bruxelles, est invité par la colonie à élaborer une étude approfondie de la ville afin d’en dégager les enjeux. Il réalise dans un premier temps une analyse complète de la ville de Léopoldville en y intégrant des données telles que la population, les espaces végétaux, les relations nationales et internationales, l’emploi, la circulation... Il différencie plusieurs zones : résidentielle (jaune), industrielle (violet), portuaire(bleue), commercialle(orange), zone végétale (vert)... auxquels il s’attache à relever les caractéristiques importantes de chacune. Pour chacune des zones il associe une description et une conclusion sur les mesures à prendre. Il va mettre en avant une série de problèmes urbanistiques liés à l’ingérence et le manque de vision globale de la ville. Pour lui c’est la première fois à Léopoldville que l’on s’attaque aux problèmes urbains.

Admiratif de grands projets comme celui de Lyutens et Herber Baker pour la ville de New Delhi, il propose pour Léopoldville un grand plan de réaménagement, n’hésitant pas à raser quelques zones déjà bâties. Il présente un zoning de la ville en mettant l’accent sur les liens possibles entre quartier européen et quartiers indigènes, grâce notamment à des percées visuelles et des axes monumentaux comme l’axe du dominion ou encore l’axe du palais de justice. Ces axes doivent accueillir les équipements administratifs, culturels et sportifs.

Plan de l’axe du Palais de Justice, 1949 Archives des colonies


II. La planification du boulevard 43

Plan d’amÊnagement de Riquier, 1949 Archives des colonies


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Le boulevard quant à lui doit devenir l’axe majeur de la ville et se densifier en y implantant des immeubles jusqu’à 10 étages. Essentiellement bordé de résidences il doit accueillir à son extrèmité Est une série de commerces en rez-de-chaussée. Il prend soin de différencier deux types de lotissement autou du boulevard : -un lotissement fermé à l’Est du boulevard, les parcelles devant être les plus bâties possible afin d’obtenir un front bâti et monumental -un lotissement ouvert sur la partie ouest gardant un le modèle de

Esquisse de plan d’unité, axe de départ de la Route de l’aérodrome, 1949 Archives Africaine, Bruxelles

la villa sur une parcelle verdoyante. Riquier imagine plusieur axes dont un axe monumental perpendiculaire au boulevard Albert Ier, qui partirait du monument Albert Ier pour rejoindre l’aérodrome. Le

monument Albert Ier serait quant à lui déplacé au sud de sa position actuelle.


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II.B.2.b. Travaux annexes

En parallèle à l'étude urbanistique, le gouverneur général demande à Riquier d'étudier les possibilités pour accueillir les nouveaux fonctionnaires européens. Riquier propose une série d'avant-projets de résidences temporaires. Ces "pavillons d'attentes" doivent répondre à l'afflux important d'européens. Le but est d'y loger pendant une période de quelques semaines les familles européennes en attendant la libération ou la création de logements. Tout comme les autres logements européens ces "thermhouse" sont rangées par type. Chaque type correspond au nombre de chambres que peut accueillir le logement. Le plan s'organise de façon très rationnel avec un couloir au centre qui distribue à gauche les pièces d'eau (salle de bain, cuisine, sanitaires) et à droite une série de chambres dont une légèrement plus grande. L'espace du séjour séparé de la cuisine par l'entrée est ouvert sur une terrasse couverte de taille semblable au living. Le plan de l'avant projet reste très sommaire et n'indique pas les ouvertures sur l'extérieur de façon précise.

Thermhouse de Riquier, 1949 Archives des colonies

Croquis intérieur d’une thermhouse de Riquier, 1949 Archives des colonies


II. La planification du boulevard 46 II.B.3 - Plan d'aménagement d'Heymans II.B.3. a. Grandes lignes directrices Après l’adoption du plan décennal pour le développement économique et social du Congo belge en 1949, Maurice Heymans va devenir le premier directeur du service d’urbanisme. Parrallèlement à l’étude lancée en 1949 par Riquier, Heymans, développe également des notes descriptives devant guider l’urbanisation de Léopoldville. En 1951, «les habitants de Léo ont appris avec surprise que le plan général d’urbanisme de leur cité avait été rejeté. Un vaste projet d’ensemble prévoyant le tracé de voiries capables de faire de Léopoldville une grande capitale avait été établi ; on s’en souvient par l’architecte Riquier, après de minutieux travaux préparatoires. Le projet semblait réunir les suffrages du public et celui de la presse(...). Le gouverneur général avait décidé qu’un nouveau plan serait dressé par ses soins. Pourquoi avoir attendu deux années pendant lesquelles le marché immobilier a été paralysé?»31 Il critique la proposition de Riquier : pour lui, il faut éviter de provoquer des modifications trop importantes dans les parties actuellement bâties de la ville, notamment en réduisant les expropriations. Le projet doit aussi s’attacher aussi bien aux populations européennes qu’aux populations indigènes. La population étant en expansion, il imagine de densifier en construisant en hauteur afin déviter l’étalement de la ville.

grands principes élaborés par Riquier. Il garde notamment l’idée d’intégrer de nouveaux axes structurants, notamment celui que Riquier appelait axe du palais de Justice au coeur des cités indigènes, ainsi qu’un axe monumental qui part de la résidence du gouverneur général, calqué sur l’axe du dominion. Il imagine un renforcement du pôle administratif sur la commune de Kalina et un quartier financier et commercial sur la moitié Est du boulevard.

II.B.3.c Réflexion sur la circulation Au delà de l’aspect fonctionnel, il va pour la première fois proposer une série d’idées concernant la circulation de la population dans la ville. Il semble que l’étalement urbain, va imposer à Léopoldville de s’équiper d’un réseau de transport en commun. Pour cela il propose d’utiliser les rails existants et d’étendre le réseau au boulevard du 30 juin afin de relier Kinshasa à Léo II. Une modernisation du parc grace aux motrices diésel puis l’électrification permettra un accès à bas coût aux différents quartiers même pour les populations indigènes. Il imagine pour le boulevard du 30 juin, un renforcement de cet axe principal ponctué de placettes et de parkings servant à régler les problèmes de stationnement. Pour cela il souhaite diminuer la bande végétale centrale afin d’intégrer une zone de parking de 6m de chaque côté des voix.

II.B.3.b. Un premier plan d’aménagement

Alors encore peu développé au sein de la métropole, Heymans conçoit un premier plan d’aménagement de la ville en 195132. Il élabore un ensemble de prescriptions graphiques et littérales définissant l’affectation du sol. On observe qu’il reprend les

Coupe, profils et dimensions du boulevard Albert Ier , 1949 Archives Africaines, Bruxelles

31/ Archives Africaines, coupure de presse retrouvée dans la farde 3ème DG 859. Titre du journal non indiqué 32/ Archives Africaines 3ème DG 196/321


II. La planification du boulevard 47

Plan d’aménagement d’Heymans, 1949 Archives Africaines Bruxelles


II. La planification du boulevard 48 II.C. L’après indépendance II.C.1 Actions du MFU et BEAU II.C.1.a Présence française sur le territoire congolais Entre 1965 et 1975, confronté à une rapide extension de la population de Kinshasa et une urbanisation incontrôlée de la ville, le gouvernement du président Mobutu, décide quelques années après l'indépendance de faire appel à des experts français dans le but de réaliser un nouveau plan d'aménagement.33 pour le quartier Gombe est alors un lieu de convoitise, déserté par l'administration belge. L'élite congolaise, et le gouvernement essaient alors de récupérer ces précieux terrains et les bâtiments monumentaux de l'ancienne colonie. La zone neutre, quant à elle, commence à être envahie par des constructions informelles. En 1964, la France décide d'envoyer la "Mission Française d'Urbanisme" (MFU) composée de géographes, sociologues et urbanistes... à Kinshasa. En parallèle, le secrétariat des missions d'urbanisme et d'habitat (SMUH), le bureau d'étude et de réalisations urbaines (BERU), la société centrale pour l'équipement du territoire (SCET) et plusieurs bureaux d'architecture privés comme celui d'Auguste Arsac s'implantent dans la capitale. La France va ainsi rapidement asseoir sa place de partenaire privilégié avec le Congo.

II.C.1.b. Le boulevard du 30 juin en retrait : 1967

Politique de décentralisation des activités

Face à la détérioration des infrastructures et l'afflux important de migrants dans la capitale, la MFU met en avant plusieurs travaux prioritaires dont la réparation des routes et ponts ainsi que la résolution du problème des nouveaux quartiers informels. Plusieurs plans topographique, démographique, des réseaux... vont être produits. Un premier plan d'aménagement est établi en 1967 par August Arsac, alors ingénieur architecte pour la MFU. Afin de palier aux problèmes des quartiers de squatte, il propose d'abord de réaliser des cités périphériques ayant leur propre unité intégrée comprenant des zones de services publics, des zones de commerce, et des zones industrielles. Un maillage de circulation lente s'appuyant sur des zones vertes permettent de relier ces différents quartiers avec le centre administratif. Même si le boulevard reste le lieu d'implantation des zones gouvernementales et financières, l'idée est d'intégrer services publics et emploi à l'intérieur des différentes communes de Kinshasa afin de leur donner une autonomie par rapport à l'ancien centre colonial.

33/ Dans son article tiré de «Architectuur en planning in Afrika 1950-1970 «, Johan Lagae justifie également cette situation par le fait que peu de congolais ont reçu un enseignement supérieur pendant la colonisation belge. La ville va donc se retrouver dépourvue de ces experts et va devenir un lieu de convoitise.


II. La planification du boulevard 49

Plan d’amÊnagement du MFU/Auguste Arsac, 1967 Centre de ressources documentaires, Paris


II. La planification du boulevard 50

Un autre centre à créer.

Apparait par la suite un projet pour une nouvelle cité administrative et commerciale, appelée "centre ville"34 . Alors que le quartier de la Gombe et le boulevard du 30 juin restent des symboles de l'institution coloniale, la création de ce nouveau centre administratif, serait pour le président Mobutu la représentation de la nouvelle nation congolaise postcoloniale. Le projet largement influencé par le mouvement moderniste prévoyait un large boulevard qui servirait de grande place publique pour les marches et parades de l'armée, délimitée par de hauts buildings mixtes accueillant administration, équipement de loisir et culturel ainsi que des bureaux et des logements. Cette grande dalle piétonne (semblable à celle du quartier de la "Défense" à Paris) de 100Ha devait être ponctuée de plusieurs tours pouvant atteindre 45m de haut et accueillant un centre financier35. Le but était de déplacer une série d'éléments présents au niveau de Gombe afin de les implanter sur ce nouveau site géographiquement plus central au vue de l'expansion de la ville. Il était imaginé comme un nouveau point central de la ville dans sa fonction en concentrant une multitude d'activités mais aussi dans sa morphologie. En effet le plan d'aménagement et les gabarits attestent d'une volonté de créer un point haut à partir duquel partirait une densification radio centrique de l'habitat. Finalement ce plan deviendra rapidement obsolète face à la forte croissance démographique et au manque de structures légales et administratives pour l'application des prescriptions du plan.

Plan de circulation du nouveau «centre», Auguste Arsac, 1969 Centre de ressources documentaires, Paris

Coupe type pour l’allée des défiles du nouveau «centre», Auguste Arsac, 1969 Centre de ressources documentaires, Paris

34/ L’ensemble des documents de ce projet de «centre ville» sont consultables au centre de ressources documentaires d’aménagement, logement et nature, à Paris, Farde CA D142. 35/ Une série de projets de tours vont être imaginés par des architectes français comme H.CHomette, M.Dougnac et A.Arsac. «La cité de la voix du Zaïre», aujourd’hui tour de la radio, témoigne de cette époque marquée par la recherche de la verticalité.


II. La planification du boulevard 51

Plan masse du nouveau ÂŤcentreÂť, Auguste Arsac, 1969 Centre de ressources documentaires, Paris


II. La planification du boulevard 52

1980

II.A.1.c Le boulevard du 30 juin à densifier : 1975-

En 1972, une nouvelle équipe française est envoyée dans le but de réaliser un nouveau master plan qui prendra en compte l'expansion démographique de la ville. Influencée par les travaux du sociologue Henri Lefebvre, la nouvelle équipe essaie de comprendre l'habitat local et les modes de vie des habitants. Simultanément aux préoccupations sur les quartiers d'habitats informels, une attention particulière est donnée au quartier des affaires, situé à l'extrémité Est du boulevard. Le plan particulier d'aménagement de la zone des affaires reste très fonctionnaliste et montre deux attentions principales. Tout d'abord, il faut densifier cette zone, en réalisant un front bâti le long du boulevard du 30 juin et du boulevard Lumumba. Cette densification doit aussi s'effectuer sur les ilots adjacents le boulevard. Ensuite le boulevard doit aussi rester un axe majeur de la circulation automobile, représentée sur le plan par plusieurs lignes noirs signifiant les voies de circulation. Tout le quartier s'organise afin de pouvoir accueillir un flux important de véhicules. On peut même noter l'apparition de parkings silos et parkings à ciel ouvert qui ponctuent les cœurs d'ilots alentours. La place de la gare est alors transformée en zone verte dans lequel s'entrecroisent des axes routiers et le plan imagine des zones piétonnes et places publiques.

Avec la crise pétrolière de 1973, la France perd beaucoup de d'argent destiné à la coopération internationale, de plus elle n'a plus le monopole de cette coopération, remplacée par d'autres programmes et aides du FMI, UN et de la banque mondiale. En 1973, le MFU diminue son implication dans la ville et change de nom pour devenir le Bureau d'Etude d'Architecture et d'Urbanisme(BEAU), sous la direction du département congolais des travaux publics. Ce département est réduit à un bureau d'étude, et perd son département opérationnel. En 1975 un nouveau plan d'aménagement est conçu bien loin des réalités du terrain. Il prévoit notamment l'arrivée d'un métro ultra moderne ainsi que de grandes infrastructures autoroutières, alors que le plupart de la population n'est pas motorisée. Au niveau du quartier de la Gombe, le plan d'aménagement envisage de renforcer l'habitat dense le long du boulevard, jusqu'au bâtiment "Royale" et imagine une partie de boulevard réservé aux défilés militaires. Le boulevard reste un axe majeur essentiellement résidentiel qui distribue une série d'axes secondaires menant au quartier administratif de Kalina et à des zones de loisirs et d'espaces verts situés le long du fleuve.


II. La planification du boulevard 53

Plan d’amÊnagement de la zone des affaires, 1972 Centre de ressources documentaires, Paris


II. La planification du boulevard 54 II.C.2. Propositions du BEAU de 2009, une continuité. II.C.2.a. Sur des bases anciennes En 2009, le BEAU réalise une étude du boulevard de ses biens immobiliers, dans le but de d'envisager de futurs projets de promotion immobilière sur le boulevard. Cette étude s'inscrit dans le cadre des 5 chantiers initiés par le chef de l'état qui visent à créer des projets de modernisation à "impacts visibles". Cette modernisation comme nous l'indique le compte rendu de la réunion sur la modernisation et le réaménagement du plan directeur de développement de la ville-province de Kinshasa de juin 2009, doit passer par l'élaboration d'un nouveau plan de lotissement et la création d'une liste d'investisseurs privés potentiels.

Reprise du plan d’aménagement de la zone des affaires, 1972 Etude du BEAU, Kinshasa

L'essentiel de l'étude est d'abord d'identifier la nature des biens immobiliers qu'ils soient du domaine de l'état ou du domaine privé, afin de mettre en avant la conformité ou non des bâtiments avec le Plan Particulier d'aménagement de Gombe/Ouest établi en 1981 et le Plan Particulier d'Aménagement de la zone des affaires de 1972. Il est assez curieux de noter que ce travail se base sur des plans et règlements qui datent d'il y a environ 3040ans surtout quand on sait que la ville de Kinshasa évolue très rapidement et qu'elle compte maintenant presque 10 millions d'habitants. L'équipe du BEAU cherche avant tout à mettre l'accent sur l'existence de plans d'aménagement de la ville, la présence de lois et la nécessité de régulariser la ville à partir de ces plans en instaurant une vraie structure opérationnelle pour l'application de ces dispositions.


II. La planification du boulevard 55

II.C.2.b. Un travail d'identification.

Pour ce travail d'identification, le BEAU a réalisé une série de planches reprenant la parcellisation du boulevard ainsi que des photos in situ. Le but est d'abord d'éclaircir le statut foncier de chaque parcelle, qui au fur et à mesure du temps ont vu leurs limites, leur fonctions et leurs propriétaires se modifier. Chaque parcelle est renumérotée, avec une indication sur le propriétaire et sur sa superficie. Les préoccupations du BEAU se portent principalement sur des questions de densité. Chaque parcelle est comparée avec le plan d’aménagement de 1975, afin de déterminer l’état de conformité

Plan de mise en conformité des densités des parcelles, 2009 Etude du BEAU, Kinshasa

de chacune d’elle. D'autres considérations apparaissent sur l'état des espaces publics, et du paysage urbain du boulevard. Le bureau d’étude note des problèmes esthétiques comme les affiches publicitaires, chantiers, ou clôtures, très présents sur le boulevard. Ils illustrent cette série de problèmes par un reportage photographique. Cette étude est avant un outil de travail pour les différents ministères concernés par la rénovation urbaine du boulevard.


Synthèse 56 Synthèse des mécanismes d’élaboration et de développement du boulevard Acteurs :

Nous avons pu observer que le rôle de la puissance publique dans la production et l’organisation du boulevard durant l’époque coloniale est très importante. Elle va se renforcer après l’annonce de transfert de la capitale à Léopoldville. La colonie va délibéremment choisir les quartiers autour du boulevard pour implanter son centre administratif . Essentiellement modelé par le gouvernement général et les instances locales, les acteurs vont ensuite se multiplier dans les années 50, en intégrant des architectes indépendants venus de la métropole et des services dédiés à l’urbanisme des villes congolaises. Toute forme d’urbanisation planifiée et contrôlée s’est arrêtée immédiatement après l’indépendance, à quelques exceptions près comme, entre autres, les espaces résidentiels de la cité Verte et, plus tard, ceux de la cité Mama Mobutu, à l’ouest de la ville la plus grande partie de la ville actuelle s’est développée de façon organique, parfois très chaotique, sans la moindre contrainte, sans la supervision des autorités publiques. Aujourd’hui le gouvernement se lance dans un chantier de modernisation du pays. Le service d’urbanisme ainsi que le BEAU essaient de développer des projets symboles du changement et se réapproprient les outils de conception urbaine.

1881/1908 indépendant Congo

1881- 1908

1908 - 1960

Henry Morton Stanley Roi belge Léopold II Thys Missionnaires de Scheut

Etat Belge Ministère des colonies 1er ministre de la colonie : Renkin de 1908 à 1918 Gouverneur Général Gouverneur de district

Entreprises européennes : Confinas Citas Huilerie du Cogo Belge(HCB) Ollivant magasin Buzon Congo Traiding Sedec + marsavco -> Frères Lever ...

:Etat du

1908 : Congo Belge 1910: Arrivée de l’administration dans la vie des chefferies indigènes

1949 : Création service d’urbanisme 1949 : Plan décennal pour le développement économique et social du Congo Belge Années 50 : arrivée d’architectes indépendants belges


Synthèse 57

Continuités / discontinuités :

1960 - 2006

2006-Aujourd’hui

Etat congolais Service d’urbanisme et BTP MFU BEAU Architectes locaux : Tala Ngaï, Entreprises de construction chinoises

Etat congolais Service d’urbanisme et BTP BEAU Entreprises de construction chinoises, Arabie Sahoudite

1960 : Indépendance du pays 1964 : collaboration avec le MFU 1987 : Protocole d’accord entre la RDC et la République Populaire de Chine.

2006 : Politique des 5 chantiers 2012 : Sommet de la Francophonie à Kinshasa

A travers l'étude historique, on peut distinguer durant le développement du boulevard des phénomènes de continuité qui s'appuient de façon opportuniste sur les éléments du passé (ex: récupération de la trame ferroviaire pour le développement du boulevard ), ainsi que des ruptures avec ce qui précède (ex : boulevard comme limite physique entre quartier Européens/ Indigène avant 1927, qui deviendra après le centre). Comme on peut l'observer sur la frise chronologique, les grands changements dans l'évolution du boulevard ne coïncident pas forcément avec les grands évènements historiques du pays ou de la Belgique (durant l'époque de colonisation). On peut d'ailleurs noter des permanences entre avant et après la décolonisation. Ces continuités et ruptures sont plutôt les fruits de processus et d'évènements plus locaux.


Synthèse 58 CONTINUITES - RUPTURES CREATION DU BOULEVARD ALBERT IER

PROCESSUS ELABORATION DU BOULEVARD

1ère zone neutre

Ligne de chemin de fer Léopoldville-Matadi

Plan quinquennale

INFRASTRUCTURE

Relier les 2 districts 1898 : arrivée du chemin de fer à Kinshasa

Travail sur la circulation ZONAGE

Limite ville européenne et ville «indigène» 1927 : Fernand Boeck créé le parc Boeck qui engendre la première zone neutre

Distinction zone commerciale/ zone résidentielle/ Zone Administrative PAYSAGE

Traitement espaces publics Mise en scène du boulevard Créer des perspectives Developpement vertical

1890

1900

1910

1920

1930

1940


Synthèse 59

EVOLUTION DU BOULEVARD

Heymans Riquier

Indépendance du Congo

Zaïre

Politique des 5 chantiers

2011 : autoroute urbaine

1951: 1er plan d’aménagement de Léopoldville

2011 : réaménagement de la place de la gare

1945 : 1er gratte-ciel Immeuble Forescom

1950

1960

1969: Tour Sozacom-Immocongo

1970

1980

1990

2000

2010

2020


Projet de la nouvelle gare centrale de Kinshasa, 2012 Rakeen


RĂŠflexions et conciliations


III. Réflexions et conciliations 62 III.A De nouvelles perspectives Longtemps perçue de façon négative, décrite comme dangereuse, instable, et tentaculaire les villes africaines postcoloniales doivent aujourdh’ui faire face à des problèmes communs : démographie, gestions des ressources, et la gestion de leurs centres historiques souvent hérités de l’époque coloniale. Véritables métropoles ces villes s'intègrent depuis quelques années à la mondialisation et donc aux problématiques des métropoles du XXIème siècle. On peut déjà dégager une séries de problématiques actuelles communes à ces métropoles : mobilité, inégalités sociales, démographie, gestion de l'énergie ainsi que les questionnements liés aux changements du climat.

III.A.1 Une nouvelle ville au cœur de l'agenda

Les volontés politiques actuelles et les projets en cours illustrent une envie de changement, et l'intention de se projeter dans le futur de la ville, futur qui sera créé par les politiques et les projets eux-mêmes. Face à cette interaction entre actions présentes et avenir il est intéressant de de prendre du recul sur la situation actuelle et les idées reçues. Comme nous l'avons vu dans l'analyse historique ce n'est pas la première fois que le boulevard se trouve au centre des préoccupations. Il correspond à l'épine dorsale du centre historique de la ville, et imaginer le Kinshasa de demain sans une réflexion sur la place du boulevard parait inenvisageable.

Affiche publicitaire «tous pour la révolution de la RDC», représentant les projets de l’agence sahoudienne Rakeen

III.A.2 Méthodologie

L'objectif de l'étude n'est pas d'apporter des réponses toutes faites, continues et statiques, mais bien de questionner et tester le territoire et son contexte afin d'en dégager les potentialités et les limites. Elle n'a pas pour but de produire un plan d'aménagement ou de juger de la pertinence d'un projet, mais plutôt d'ouvrir le champ des possibles. La réflexion sur ce territoire s'inscrit dans une transversalité temporelle. L'étude n'a pas pour but de proposer des hypothèses exclusivement en continuité avec le passé. L'étude historique montre une série de ruptures, de continuités et de reprises idéologiques, qui ont marqué l'évolution du boulevard. Dans cette optique, il n'est donc pas impossible d'imaginer la rupture avec une situation actuelle. C'est à partir de l'assemblage de plusieurs images élaborées grâce à une description et une réflexion sur les caractéristiques actuelles du boulevard, que va se développer une exploration des "futurs" possibles pour le boulevard sous forme de scénarios. Le futur n'étant jamais une valeur sûre, il s'agit ici d'anticiper les effets de ces hypothèses dans le but d'orienter de prochain projets et/ou politiques et/ou autres études.


III. Réflexions et conciliations 63 III.B Images III.B.1. La force de l'image

Pendant plus de 60 ans le boulevard à été une création essentiellement européenne, aussi bien dans sa conception urbaine que dans les réalisations architecturales. Alimenté par des styles d'origines diverses avec une forte présence de bâtiments issus du modernisme tropical le boulevard, il possède aujourd'hui une identité qui lui est propre. Les kinois sont dépositaires d'un centre ville et d'une architecture essentiellement d'origine coloniale qu'ils doivent se réapproprier, transformer et surtout faire évoluer. Après l'indépendance du pays, les acteurs politiques comme les acteurs de la ville ont changé. Ils cherchent maintenant des repères afin de trouver des solutions d'avenir pour le pays. Parmi ces repères figurent les repères visuels. Aujourd'hui intégré dans un monde de globalisation les repères viennent du monde entier. Les images façonnent donc la vision des acteurs sur l'avenir du territoire. et influent les politiques urbaines.

III.B.3. L'image comme concept

Les images peuvent être des outils de réflexion. Elles permettent de dégager les éléments essentiels d'un territoire. J'ai choisi de dégager 3 images qui caractérisent le boulevard et qui seront développées dans les scénarios : - le boulevard comme lieu vertical dans la ville - le boulevard comme représentation de la modernité du pays - le boulevard comme centre

III.B.2. Moyen de visibilité

On peut noter que contrairement à certains lieux qui acquièrent une visibilité grâce à leur réseau d'infrastructures (port, aéroport, autoroute...), le boulevard du 30 juin a plutôt développé sa visibilité à l'international à l'aide de l'image qu'il véhicule. Au moyen de sa concentration d'entreprises, mais aussi des nouvelles communications virtuelles (internet, GSM...) il a acquis une visibilité à l'échelle nationale mais aussi internationale. En effet dans l'imaginaire du kinois ou du visiteur, le boulevard incarne le centre économique de la ville voire du pays entier.

Photographie du boulevard, 2012 © Yves Robert


III. Réflexions et conciliations 64 III.C. Scénarios III.C.1. Scénario 01 : La verticalité au service d'une visibilité internationale. La verticalité :

Visibilité internationale :

Au niveau local, le boulevard s'est construit au fur et à mesure de l'histoire une identité visuelle reconnaissable et remarquable dans le paysage urbain de la ville. Dès son arrivée dans la ville de Kinshasa, le visiteur sera frappé par le paysage qui l'entoure d'une ville horizontale, gigantesque qui s'étale à perte de vue. Au loin dans la brume commencent à apparaitre plusieurs tours qui viennent marquer le tracé du boulevard du 30 juin. A travers un urbanisme ambitieux, le parcours du 30 juin se fait de surprises en surprises ponctué de tours et de bâtiments aux origines diverses. Quelles seraient les conséquences d'un avenir basé sur un boulevard vertical?

Comme dans de nombreuses villes africaines, on assiste à un développement économique important et à l'intégration des états dans une logique globale et mondiale. La dynamique du mimétisme est en marche, et les villes africaines portées par un paternalisme mondial politico-économique cherchent de plus en plus à s'affirmer dans le paysage des villes mondes. Les capitales et plus particulièrement leur centre financier, deviennent des lieux de communication qui utilisent les moyens de leur temps pour symboliser ce qui est cher à la société. Dorénavant, la fabrication de l'image de la métropole contemporaine s'associe de plus en plus au développement des tours. Poussée par un imaginaire progressiste et futuriste, la tour devient un symbole au sein du skyline d'une ville mais aussi à travers la "bataille" de la ville qui aura les plus belles, hautes, tours... Actuellement le boulevard concentre la plupart des capitaux du pays et est véritablement un centre économique et administratif. C'est ici que l'on croise ONG, services de l'état, sièges sociaux, grandes entreprises, hôtels, golf.. Imaginons l'hypothèse que cette inertie économique progresse et se renforce et que le boulevard se développe autour d'une visibilité internationale. A travers cette hypothèse, nous allons tester l'impact d'une verticalisation du boulevard au service de l'image.


III. RĂŠflexions et conciliations 65

Photographie du boulevard prise en haut de la tour Sozacom, 2012 Š Yves Robert


III. Réflexions et conciliations 66

Photographie de l’immeuble Forescom, 1945

Photographie des tours Sabena, 1952

III.C.1.a-Histoire de la verticalité du boulevard : - Alors encore peu touchée par la pression démographique apparait en 1945 à Kinshasa le premier "gratte-ciel" Forescom. A l'époque les arguments mis en avant étaient le prix des parcelles élevé et l'anticipation de la croissance importante du quartier européen. Même si l'opinion publique était hostile à ce nouvel élément dans le paysage de la ville, la professionnalisation des métiers de la construction et l'influence de certains architectes comme Heymans ont permis de continuer cette verticalisation.

- Fleurissent alors dans les années 50 une série de buildings à 1020 étages. dont on peut citer les immeubles Sabena de l'architecte Claude Laurens. A la fois le fruit des avancées techniques en matière de béton mais aussi sous l'influence du courant moderniste, les œuvres du modernisme tropical vont façonner le boulevard jusqu'en 1960.


III. Réflexions et conciliations 67

Photographie de la tour Sozacom, 1972

- Après l'indépendance même si les plans d'aménagement vont rester dans les tiroirs, prescriptions du BEAU vont permettre l'apparition de nouveaux immeubles de plus de 10 étages. En 1969-1971 est construite la tour Immocongo-Sozacom par les architectes André Jacquemin et Claude Strebelle. Aujourd'hui elle reste la plus haute tour du boulevard, appréciée et reconnaissable par la plupart des kinois.

Image de la futur gare centrale de Kinshasa, 2012

- Les premiers projets publiés de la nouvelle place de la gare montrent la volonté de garder une architecture de tour. Architecture image ou nécessité démographique, aujourd'hui cette verticalité fait partie intégrante de l'image que véhicule le boulevard. la tour apparait comme un mode de production moderne et futur du boulevard.


III. Réflexions et conciliations 68

Carte postale ancienne, entrepots Confinas, fin XIXème

Habitation du Gouverneur Général de la colonie à Léopoldville

III.C.1.b-Histoire de la visibilité internationale du boulevard : - Dès la création du district de Kinshasa en 1881, les acteurs européens sont déjà présents, essentiellement entre le fleuve et le chemin de fer. On retrouve les entreprises comme Confina-Cittas qui entretiennent un lien particulier avec l'Europe et contribuent au rayonnement économique de la ville.

- En 1929, alors que Léopoldville devient la capitale de la colonie l'administrations de la colonie et les représentants de la métropole sont transférés de Boma à Léopoldville. Léopoldville accueille alors le gouverneur général, un des représentants de la nation Belge au Congo.


III. Réflexions et conciliations 69

Photographie, du boulevard Albert Ier dans les années 50

La Grande poste construite entre 1949 et 1952 par L. Vershuere devenue après l’indépendance la poste centrale de Kinshasa

- Dans les années 50, le boulevard devient un lieu de communication. Les œuvres de Claude Laurens paraissent à travers plusieurs publications d'architecture comme des symboles du modernisme du tropical. Le boulevard et le quartier de Gombe sont les lieux incontestés pour le développement d'hôtels et lieux de loisirs pour occidentaux. La plupart des entreprises internationales et notamment belges présentes dans le pays implantent leur siège social sur le boulevard.

- Après indépendance les bâtiments administratifs belges ont laissé place à l'administration de la nouvelle république. Les anciens pavillons d'habitation sont maintenant investis par les ambassades et services de l'état. Le boulevard devient un lieu privilégié pour accueillir les sièges sociaux de grandes entreprises nationales et internationales.


III. Réflexions et conciliations 70 III.C.1.c. Impacts : Global VS Local :

«La ville du capital»36:

Ambigüité ou choix politiques : Alors que la période postcoloniale a été fortement marquée par une volonté de démarcation vis à vis de l'époque coloniale, volonté qui s'est notamment illustrée par la Zaïrisation du pays (le boulevard Albert Ier est alors rebaptisé boulevard du 30 juin), aujourd’hui on assiste à une volonté de mimétisme architectural vis à vis des villes occidentales. Dans sa présentation l’agence Rakeen en charge du nouveau projet de gare centrale évoque clairement l’envie d’offrir une achitecture haut de gamme comparable à celle de l’Europe ou des Emirats Arabes Unis. Selon l’agence, les «bâtiments qui datent de longtemps» n’auraient pas le même «qualité de matériaux» et ne seraient plus à la «hauteur des normes internationales». A la recherche d’une reconnaissance planétaire, les agences développent une architecture emblème qui s’adresse au monde et non aux habitants de la ville. Ce scénario pose la question des orientations possibles d’expressions architecturales et de l’image que veut renvoyer la ville sur l’extérieur.

La position des tours dans le skyline de la ville confère aux habitants et promoteurs un prestige et une visibilité, symboles d'une réussite économique et d'une puissance politique de l'état. Elles sont à la fois visibles par les kinois, et permettent à ses occupants d’avoir le privilège d’observer toute la ville.37 Au delà de l’aspect symbolique, les loyers sont élevés et les prestations proposées sont délibéremment de «haut standing»38 La tour devient le support d’un nouvel immoblier, que l’agence Rakeen décrit comme haut de gamme pour accueillir des rendezvous d’affaires et des activités internationales. La tendance actuelle montre que le processus de verticalisation est une réponse à la spéculation foncière39 qui s’abat très fortement sur Gombe. Les tours doivent à la fois répondre à un idéal international d’architecture et de normes, mais aussi à une demande forte de la classe aisée kinoise et internationale. La verticalisation du boulevard n’aurait-elle pas pour conséquence un renforcement des inégalités socio-économiques entre Gombe et le reste de la ville?

Ne serait-il pas le moment de réfléchir sur les possibilités de développer une architecture contemporaine nourrie par son contexte? On peut noter que dans l'histoire architecturale du pays cette hypothèse est déjà apparue à travers plusieurs travaux du modernisme tropical. Le projet de la bibliothèque de Lumbumbashi possède une façade très expressive, réalisation de style modernisme tropical, c’est également le témoignage d’une recherche plastique teintée par l’univers vernaculaire.

Skyline verticalisation du boulevard du 30 juin Skyline verticalisation de la zone des affaires du boulevard du 30 juin

Skyline actuel du boulevard du 30 juin 36/ Nom donné par l’auteur De Souza à la ville pourvue en équipements, services, l’espace de fluidité et du pouvoir hégémonique, qu’il nomme aussi espace de la verticalisation 37/ J. Monnet, «La symbolique des lieux : pour une géographie des relations entre espace, pouvoir et identité,» in Cybergeo, 2007,http://www.cybergeo.eu/ index5316.html 38/ Voir plaquette de présentation du complexe pour la nouvelle gare centrale de Kinshasa, Rakeen


III. Réflexions et conciliations 71

Un paysage urbain transformé :

De l'image à la réalité :

Au delà des conséquences économiques, environnementales et politiques, l'apparition de nouvelles tours le long du boulevard, voire sa verticalisation intensive, nous amène à nous interroger sur l'impact visuel de ce type d'intervention. Alors qu'aujourd'hui le boulevard reste ponctué de hauts bâtiments, une concentretion de tours n’uniformiserait-il pas le skyline du boulevard? Quelle serait par exemple l’impact visuel de la tour Sozacom-Immocongo, actuelle plus haute tour du boulevard dans le skyline du boulevard? Jusqu’où le boulevard doit-il monter?

Ce scénario nécessite un mécanisme de rapide production architecturale et technologique. Pour mettre en place cette hypothèse le gouvernement devra trouver des capitaux et notamment grâce à l'ouvertures des marchés aux investisseurs étrangers. Actuellement le contrat signé en 2011 entre la Chine et la République Démocratique du Congo a permis la rénovation de plusieurs axes majeurs de la capitale dont le boulevard du 30 juin par l’entreprise CREC (China Railway Engineering) en échange de réserves minières (cobalt et cuivre)40. Ceci pose la question du prix pour le pays de cette rapide modernisation. Plus pragmatiquement on peut se poser des questions sur les limites de la gestion d'énergie dans de tels bâtiments alors que l'on connait les difficultés de production et d'approvisionnement de l'énergie dans la capitale. Par exemple, comment amener l'eau en haut de bâtiments de plus de 20 étages ou comment gérer l'électricité dans des bâtiments qui demandent beaucoup d'électricité pour leur fonctionnement quand on sait que la ville connait de régulières coupures d'électricités.

39/ Lelo Nzuzi, dans «Kinshasa planification et Aménagement», explique que cette spéculation s’est renforcée avec le repli des cadres vers Gombe après l’érosion des quartiers collinaires huppés. p131 40/ Voir article du Monde Diplomatique de Tristan Coloma, sur l’accord entre la Chine et la République Démocratique du Congo en 2011


III. Réflexions et conciliations 72 III.C.2. Scénario 02 : Boulevard comme lieu de modernisation écologique "Moderniser" Ce scénario se base sur une interprétation des politiques actuelles. En effet l'objectif énoncé par le président, est de "moderniser le boulevard et plus largement le pays" mais aussi de "développer des projets à impact visible". Au vue de ces intentions, il est intéressant de s'interroger sur la signification de la modernisation et de la portée d'une telle intervention sur le boulevard. Moderniser41 : "organiser quelque chose de manière à la rendre conforme aux besoins d'aujourd'hui " Le terme moderniser est souvent associé à la volonté d'actualiser, de mettre à jour quelque chose. La modernisation est donc intimement liée aux enjeux et idéologies actuels.

Les préoccupations écologiques une donnée mondiale : Même si la protection de l'environnement fait l'objet de querelles idéologiques , entre pessimisme et dénégation des conséquences sur l'avenir de la planète, les effets actuels du changement climatique et de la pollution ont fait naitre une conscience collective internationale. Sécheresses, inondations, pluies acides sont les conséquences directes sur le continent africain d'une industrialisation généralisée et massive de la planète. Bientôt, l'une des trente métropoles les plus peuplées du monde, avec un développement économique important, Kinshasa comme d'autres villes africaines et mondiales situées dans des pays en développement, n'échappera pas à des problèmes communs qui

41/ Définition du dictionnaire Larousse.

touchent les métropoles du XXIème siècle. Alors que les grandes métropoles occidentales réfléchissent à des solutions contre l'accroissement des problèmes environnementaux qui touchent divers domaines comme le logement, la mobilité, l'énergie, la biodiversité...L'intégration de ces enjeux dans le développement du boulevard serait une forme de modernisation en phase avec les enjeux mondiaux actuels.

Ecologie = économie ? On pense souvent que la problématique énergétique ne concerne que les pays occidentaux .Ainsi, les pays en voie de développement ont d'autres enjeux économiques plus "urgents" à régler. Or, la gestion énergétique est véritablement liée à la question économique. Au vue de la croissance des prix de l'énergie qui découle de la raréfaction des ressources mais aussi de l'impact mondial de la pollution sur le climat, l'intégration des villes et pays du sud dans la réflexion sur le développement des villes reste pertinente aussi bien pour des enjeux mondiaux que pour des solutions économiques locales. Le scénario 02 propose de tester l'impact d'un futur basé sur la superposition des questions environnementales avec la réalité d'un territoire très spécifique. Cette transformation du boulevard à pour but de faire de la ville de Kinshasa une ville moderne, voire exemplaire à l'échelle mondiale.


III. Réflexions et conciliations 73

III.C.2.a. L'énergie

En plus des considérations écologiques, la question de l'énergie prend un sens particulier si l'on admet que la ville est victime régulière de coupures de courant dues aus problème de fonctionnement de la centrale hydroélectrique d’Inga42 et aux problèmes de transport de l'électricité vers les différents quartiers. Ce problème matériel renforce le sentiment d'inégalité territorial quand parfois, la priorité d'alimentation électrique par un processus de "délestage" est donnée au quartier des affaires et donc au boulevard 30 juin. Ce n'est pas seulement un problème technique mais aussi un problème social, politique et surtout économique. Paradoxalement même si Gombe concentre le moins de population dans la ville, le quartier reste très énergivore en électricité, notamment à cause des besoins en climatisation de l'air à l'intérieur des immeubles de bureaux et hôtels qui se concentrent à Gombe. Imaginer une totale autonomie énergétique des bâtiments situés sur le boulevard pourrait paraitre utopique mais imaginer le développement futur de cet axe sans prendre en compte ces difficultés serait catastrophique pour la ville.

Des solutions qui viseraient à inclure des équipements technologiques tels que l'intégration de panneaux solaires, la domotique, biomasse dans des solutions architecturales ne doivent pas nier des contraintes fortes liées au contexte du pays. Au delà du prix de l'investissement qui peut néanmoins trouver des solutions à travers des programmes de coopération, ou des financements spécifiques, l'expérience montre les difficultés de maintenance de ce type d'équipement. Ce type de solutions doit s'accompagner d'une mise en valeur des ressources humaines du pays par un système éducatif qui permettrait de former des experts capables de maintenir et de créer ces nouvelles technologies.

Limites et contraintes à prendre en compte :

42/Article de Radio Okapi sur «coupures d’électricité à Kinshasa: la Snel évoque la baisse du niveau du fleuve Congo» de août 2011. http://radiookapi.net/ actualite/2011/08/04/coupures-d%E2%80%99electricite-a-kinshasa-la-snel-evoque-la-baisse-du-niveau-du-fleuve-congo/


III. Réflexions et conciliations 74 III.C.2.b Le recyclage Question du patrimoine immobilier

Repérage des bâtiments de style moderniste tropical le long du boulevard Réalisé à partir du fond de plan JICA (coopération japonaise), de photographies aériennes et de repérages sur site bâtiments de style moderniste tropical

Bien que la construction du boulevard reste relativement récente et fortement marquée par une architecture teintée par l’époque coloniale, imaginer son futur implique une prise en compte de son patrimoine immobilier existant. Une logique de tabula rasa aurait des conséquences dramatiques, non seulement sur le témoignage historique de la ville mais aussi sur l’impact environnemental et économique d’une telle intervention. En effet la destruction puis la reconstruction d’un bâtiment occasionne une dépense d’énergie propre à la construction de l’édifice ainsi qu’une énergie grise. Dans beaucoup de cas une restauration, une reconversion, ou une transformation du bâtiment restent souvent beaucoup moins énergivores et deviennent des opportunités pour réduire l’impact environnemental. L’héritage particulier du modernisme tropical fortement représenté le long du boulevard illustre les premières réflexions sur la maitrise du climat par l’architecture. L’orientation favorable des tours Sabena par rapport au soleil, les ailettes pivotantes de la résidence Vangèle, sont autant d’arguments qui témoignent de la qualité architectural des bâtiments et le contrôle des nuissances du climats. Une réflexion sur la reconversion de ces bâtiments dans une logique environnementale et leur adaptation aux usages contemporains pourraient contribuer à la réduction de consommation d’énergie comme par exemple l’air conditionné en optimisant les procédés architecturaux déjà présents au sein des bâtiments.

Photographie prise en 2012 de la résidence Vangèle réalisée par Claude Laurens en 1952 © Anne-Laure Cocatrix


III. Réflexions et conciliations 75

Limites et contraintes à prendre en compte :

Cette attitude de reconversion du bâti existant possède des limites propres au contexte de Kinshasa. Tout d'abord elle induit une prise de conscience de la notion de patrimoine de la part des autorités et de la population. On sait que cette notion de patrimoine reste une question complexe. L'identification ou non d'un patrimoine à l'égard des biens immobiliers présents sur le boulevard n'est pas chose évidente quand on sait qu'une large partie du bâti est issu de l'époque colonial. Même si l'époque coloniale peut être maintenant considérée comme époque historique du pays, grâce aux retours critiques, l'émergence d'une conscience patrimoniale reste timide. Il convient de différencier Au vue d'une attitude de reconversion écologique du bâti, il semble intéressant d'établir un certains nombre de recommandations associant patrimoine immobilier et développement durable : - Inventorier et identifier : c'est la première étape importante avant toute action. Elle va permet de clarifier les informations sur chaque bâtiment. L'identification en 2009 par le BEAU de deux bâtiments (résidence du premier ministre Patrice

Emery Lumuba et le bâtiment de la Poste centrale ) comme patrimoine43 témoigne d'une première volonté de prendre en compte l'existant dans le futur développement du boulevard. Cependant, l'étude reflète aussi des difficultés d'identification. En effet la description et les critères de reconnaissance sont très succincts. - Formation et structure opérationnelles : Pour réaliser l'identification du bâti existant, cela induit une formation d'experts aux techniques d'inventaire de la ville, mais aussi une sensibilisation aux solutions de reconversion possibles. Ces un travail rigoureux qui demande des moyens opérationnels. (Formation d'experts, outils techniques de relevé,...) - Intégrer les données de l'inventaire patrimonial aux enjeux de développement durable. Tous les bâtiments ne peuvent pas être traités de la même façon. Il est impossible d'établir une solution unique quand on connait la diversité des réalités construites (état de dégradation, structures, éléments techniques..)

43/Voir étude du BEAU sur «l’indetitification des biens immobiliers situés le long du boulevard du 30 juin», Kinshasa


III. Réflexions et conciliations 76 III.C.2.c. La mobilité

Juin du 30

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Le système de mobilité nous montre aujourd’hui : -Une hiérarchie de la mobilité avec comme axes majeurs le boulevard du 30 juin, le boulevard triomphal, l’avenue du 24 novembre et l’avenue des poids lourds. -Un renforcement de cette hiérarchie avec la rénovation des infrastructures routières et l’augmentation de la taille de la voiries sur ces axes, qui les rendent difficiles à parcourir par les autres

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Imaginer l'avenir du boulevard sans tenir compte de la mobilité et inenvisageable quand on sait qu'il concentre une grande partie des flux de circulation et que c'est un axe majeur pour traverser la ville d'Est en Ouest. Aujourd'hui la mobilité est aussi un enjeu économique, énergétique et surtout social. Le parc automobile des kinois est essentiellement composé de véhicules 4x4 ou de veilles voitures très énergivores et polluantes. Sur le plan social, l'accès aux véhicules est réservé à une tranche de la population aisée. Les réalités sociales et économiques imposent à la plupart des kinois un déplacement à pieds ou à vélo. Néanmoins la concentration des activités tertiaires sur Gombe et son rôle de centralité économique et politique, engendrent un déplacement journalier important de la population vers Gombe44. Le congestionnement du boulevard est inévitable car il est le point de chute de plusieurs grands axes de circulation.L'augmentation conséquente ces dernières années du prix du baril de pétrole, la situation économique de la population et la position géographique excentrée du boulevard sont autant d'arguments à prendre en compte pour la réflexion sur les modes de déplacement. Ici, je propose de tester la faisabilité d'un développement de circulations douces sur le boulevard du 30 juin.

Repérage des grands axes de circulation de la ville

utilisateurs. -Des difficultés de circulation sur les axes secondaires, aussi bien par les piétons que par les véhicules motorisés car peu aménagés et une mobilité lente sur ce réseau -Un système de transport en commun basé sur la «débrouille» -Des distances habitat/travail très importantes

44/ Dans son livre Kinshasa, Planification et aménagement, Francis Lelo Nzuzi, note que les kinois se déplacent vers Gombe dix fois plus que les habitants de Gombe vers le reste de la ville. p261


III. Réflexions et conciliations 77

Avec le projet d'autoroute urbaine réalisée en 2012, le boulevard est essentiellement parcouru par une catégorie minime de la population qui a accès à un réseau de déplacement rapide. La coexistence avec les piétons est de plus en plus difficile malgré les nouveaux feux tricolores45. L'augmentation de la vitesse de transport a eu pour effet d'engendrer un grand nombre d'accidents. A ceci s’ajoute la diminution des trottoirs et la suppression des arbres qui permettaient une circulation agréable des piétons à l’ombre. Le parcours du boulevard, sa traversée et son accès sont alors difficiles pour les personnes ne possédant pas de véhicule. Les difficultés d’accès à l’hypercentre engendrent également des densifications du bâti et l’augmentation des loyers sur ces espaces très convoités46 (Près de 1000$ le m² autour de la gare contre 125$ dans les zone d’habitataion formelle)47. Cela a pour conséquence de renforcer la ségrégation sociale entre le quartier de la Gombe et le reste de la ville, mais aussi de modifier le profil urbain du quartier qui se verticalise. On peut imaginer que l'arrivée d'équipements destinés aux piétons et aux vélos mais aussi l’aménagement d’un système de transport en commun permettrait une meilleure accessibilité du quartier par le plus grand nombre. De plus on s’aperçoit que les facteurs de congestionnement ne se limitent pas forcément aux flux importants de véhicules. Débordements des piétons sur la chaussée, arrêts intenpestifs des transports publics informels, mauvaises gestions des zones de parking viennent perturber la circulation. Une meilleure définition des zones de circulation, l’aménagement de zone d’arrêt et une prise en compte des flux piétons qui restent dominants permettraient une diminuation des problèmes de congestionnement aux heures de pointe.

Photographie du boulevard du 30 juin actuellement

Limites et contraintes à prendre en compte : Même si le profil urbain du boulevard offre des possibilités pour l’intégration d’un système de transport en commun il ne faut pas oublier que la plupart des transports en commun (taxi, minibus..) sont de type informel et les normes d’exploitation sont anarchiques. L’intégration d’un réseau de transport public doit se faire avec la négociation des acteurs déjà présents (secteur privé, institution, et secteur informel). Une réflexion sur l’intégration d’une mobilité plus douce sur le boulevard ne doit pas se cantonner à ce secteur géographique mais doit s’accompagner d’une réflexion sur les différents points d’accès secondaires.

45/ L’étude réalisée par Stratec, montre que la marche reste le mode principal de déplacement des kinois : 80% des déplacements. p16 et p30 46/ Observations de Francis Lelo Nzuzi sur le congestionnement du centre des affaires. p246 47/ Données spéculatives relevées par Lelo Nzuzi. p133


III. Réflexions et conciliations 78 III.C.3. Scénario 03 : Boulevard comme centre(S). III.C.3.a Des centres

III.C.3.b Un centre géographique ?

Le boulevard du 30 juin est souvent considéré comme un seul élément, le centre dynamique de la ville, celui qui concentre activités, transactions financières, administrations et bureaux. C'est un lieu d'inertie qui s'est toujours démarqué par sa valeur foncière élevée qui ont entrainé un renforcement des équipements de type, hôtels, commerces et bureaux. Hors si l'on observe de plus près l'histoire et la matérialité de cet axe, ce centre est en réalité une succession sur 7km de plusieurs centres et de plusieurs paysages. A l'aide de l'étude de l'évolution du boulevard j'ai essayé de dégager quatre zones distincts du boulevard qui illustrent la diversité de ce centre linéaire. Ce ne sont pas un système de classement mais plutôt une série d'images représentatives du boulevard : - Centre financier (1), marqué par sa densité. - Centre "vert" (2), espace libre crée par le golf et le cimetière. - Centre pavillonnaire (3) où l'on retrouve encore plusieurs villas qui témoignent de l'époque coloniale. -Centre administratif (4) marqué par la présence des bâtiments de l'ONU et de bâtiments dédiés aux différents ministères et ambassades.

Même si avec l'expansion démographique importante au sud de la ville, le boulevard devient de plus en plus excentré géographiquement, il reste une épine dorsale de la ville en tant qu'axe de circulation. L'un des seuls axes permettant de traverser la ville d'Est en Ouest, il concentre un grand nombre d'automobilistes venant de quartiers différents et est devenu de ce fait un lieu de congestionnement important de l'agglomération kinoise . Au delà d'être un centre de circulation, il se situe dans au cœur d'un lieu stratégique intéressant. Entre berges du fleuve longtemps dédiées aux entrepôts, et l'ancienne "zone neutre" aujourd'hui véritable "poumon vert" du centre ville. Une réflexion sur l'avenir de ces deux espaces adjacents pourrait modifier le rôle du boulevard dans la ville. Plus seulement axe de circulation transversal il pourrait devenir un espace de connexion entre le sud et le nord du centre ville, entre fleuve et zone verte en étant intégré dans une réflexion globale de réaménagement de la zone neutre et des berges comme lieux de loisirs et de culture.

1 3

4

Schéma «plusieurs centres»

2


III. Réflexions et conciliations 79

III.C.3.c Un lieu de suturation : C’est une proposition qui pousse à réfléchir sur des espaces encore peu pris en compte dans l’aménagement de la ville, notamment les berges du fleuves actuellement encore très peu en lien avec le reste de la ville. Les berges ont pour particularité d’être des lieux encore peu utilisées et peu accessibles (zone industrielle, à désafecter..). L’ancienne zone neutre quant à elle, a été aménagée au fur et à mesure de l’histoire comme un lieu de loisir. On pourrait imaginer un projet de rapprochement et de modification de ces espaces avec l’ancienne zone neutre en se basant sur un renforcement de leurs potentialités écologiques et de loisir. Un tel dispositif, implique une remise en question du rôle primaire du boulevard, c’est à dire que le boulevard ne serait plus principalement parcouru sur sa longueur mais plutôt sur sa transversalité. Ceci engendre un changement dans les politiques d’aménagement actuelles qui tendent plutôt à renforcer cette axe comme voies de circulation afin de fluidifier la circulation. Des liens plus directs (visuels, circulation...) entre ancienne zone

espaces de d’aménagement

potentialités

Schéma des espaces de potentialités autour du boulevard

neutre et les berges pourraient être intégrés à une nouvelle façon de traverser le boulevard. Les différentes «centralités» relevées précedemment et que l’on observe en parcourant le boulevard serait conserver afin d’éviter un lissage du boulevard sur sa longueur, lissage qui tend à voir le jour avec la volonté de densifier tout le boulevard. Ici il ne s’agit pas d’un nouveau scénario de zoning, mais plutôt une ouverture sur de nouvelles dynamiques urbaines possibles. Le boulevard est un espace stratégique qu’il convient de penser et d’intégrer dans une vision globale du quartier et de la ville.


Conclusions 80 1. Une nouvelle manière de faire

2. Choix d’orientation

Au début de son existence le boulevard, ancien chemin de fer, était marqué par des interventions ponctuelles, variant au grès des opportunités politiques, économiques, et territoriales. Cette phase reflète les incertitudes quant à l'avenir de la ville. Son urbanisme aux mains d'ingénieurs reste très fonctionnel. Le traditionnel zoning d'abord ségrégatif en 1910, puis fonctionnel dans les années 50 perdure encore aujourd'hui. Alors que l'architecture ne se base plus sur les modèles de la métropole mais cherche un langage plus adapté aux conditions de vie au Congo, la conception urbaine de Léopoldville va par contre se calquer sur les grandes capitales européennes. Chaque chose à sa place, et l'on n'hésite pas à faire référence aux modèles comme les champs Elysées pour imaginer le "Grand Léo". Ce zoning qui se concrétise en 1951 par un premier plan d'aménagement de la ville élaboré par Heymans, est avant tout un instrument de réglementation du territoire complété par plusieurs prescriptions écrites. Il est aujourd'hui en partie responsable de la forte séparation des activités et usages de la ville de Kinshasa. Actuellement, on observe à travers les travaux du BEAU, que l’aménagement du territoire est encore perçu comme une application de règles. Cependant une approche plus thématique du territoire permettrait de capter des réalités qui ne sont pas visibles à travers un plan d’aménagement. Au delà d’une mise à plat du statut foncier et d’un repérage du bâti, il faudrait ajouter une analyse des usages, des expériences urbaines et des réalités sociales du boulevard.

Aujourd’hui il est surtout important de définir une série de stratégies pour l’avenir du boulevard. Faut-il imaginer l’évolution du boulevard en continuité avec son passé, comme un lieu où se concentrent pouvoirs politique, économique et administratif? Doit-il rester un lieu de communication et emblème de la puissance de la nation ? Ou doit-on imaginer son avenir en rupture avec son passé ? Quand le président Joseph Kabila, parle de «révolution moderne» quelle peut être l’application exacte sur le boulevard ? Cette révolution doit-elle passer par l’établissement de buildings contemporains, qui essaient de rivaliser avec les buildings des autres villes mondiales. Les projets qui fleurissent actuellement sont pour le président «un motif de fierté non seulement pour les Kinoises et les Kinois, mais aussi pour l’ensemble de la population de la République»

Nouveau projet du futur hôtel du gouvernement présenté en Août 2013 © Congo Planet, 2 août 2013


Conclusions 81 3. Les acteurs Comme on a pu le noter auparavant les acteurs dans un projet urbain sont assez nombreux et divers. Cependant on s'aperçoit que souvent les projets sont le fruit d'une vision politique qui se concrétise autour d'un débat entre spécialistes, ministères publics et entreprises privées. Il est intéressant de s'interroger sur l'adéquation entre vision politique et réels besoins de la ville et surtout de ses habitants. Ici, l’enjeu est bien un équilibrage entre concertation et gouvernance, entre prospection in situ et vision d’avenir.

Le boulevard est actuellement enclin à un changement rapide qui répond à une vision de mondialisation, vision que l’on peut questionner vis à vis d’une défense du territoire et des compétences présents de Kinshasa.


Bibliographie 82 Archives Africaines du ministère des affaires étrangères, Bruxelles.

Centre de ressources documentaires,aménagement, logement, nature, (CRDALN), Paris.

Dossiers consultés :

Dossiers consultés :

- 3ème DG 859 - 3ème DG 503 - 3ème DG 196 farde 321 et 321/1196 - GG 12.498 - GG 16040 - GG 5525 - GG 14.849 - Revenu Foncier portefeuille : 4106/10/0 - Revenu Foncier portefeuille : 1488/58BIS/6

- Mission Léopoldville, notes préliminaires sur le problème de l’urbanisation à Léopoldville, SMUH, 1965 - CA C210

Cartothèque :

Cartothèque :

- Portefeuille 24 /1/2 - Portefeuille 24 /9 - Portefeuille 24 /10 - Portefeuille 24/11A - Portefeuille 24/17A - Portefeuille 24/17A1 - Portefeuille 24/18 - Portefeuille 216/1B - Portefeuille 315 carte 836 - Portefeuille 361/2950

- CA ZR-31 - CA ZR-32 - CA ZR-33 - CA ZR-34 - CA ZR-40 - CA P77/16 - CA 829 (1) et (2)

-Urbanisme en Afrique équatoriale française, in: l’urbanisme aux colonies et dans les pays tropicaux. Tome 1, 1932 - CA C2060(1) -Atlas de Kinshasa, Marc Pain, 1975


Bibliographie 83 Ouvrages

Articles et études

> Brion René et Moreau Jean-Louis, Association pour la Valorisation des Archives d’Entreprises (1887/1984) - L’inventaires des archives des groupes Compagnie du Congo pour le commerce et l’Industrie et Compagnie du Katanga > Chouaibou Mfenjou Modeste (2003) - L’ Afrique à l’épreuve du développement durable. Ed l’Harmattan > Comeliau CB. (1969) - Conditions de la planification du développement. l’exemple du Congo > Diwouta-Kotto Danièle (2010) - Suites architecturales : Kinshasa, Douala, Dakar > Fumunzanza Muketa Jacques (2011) - Kinshasa, d’un quartier à l’autre, Ed. L’Harmattan > Gondola Didier (1996) - Villes miroirs, Migrations et identités urbaines à Kinshasa et Brazzaville, 1930-1970, -Architectuur en planning in Afrika 1950-1970 = Architecture and planning in Africa 1950-1970, Johan Lagae, 2010 > Johan Lagae (2011) - Claude Laurens architecture projet et réalisations de 1934 à 1971, Université de Gand > Laffond Joly (1957) - Les belles histoires de l’oncle Paul (bande dessinée n°983), les forgerons du rail >Lelo Nzuzi, Francis (2011) - Kinshasa : planification et aménagement > Les éditions de Visscher (1949) - L’urbanisme au Congo > Mossoa Lambert (2012) - Les politiques urbaines en Afrique subsaharienne Contours réels, L’harmattan éd. Etudes africaines. > Toulier Bernard Lagae Johan, Gemoets Marc (2012) - Kinshasa Architecture et paysages urbains > Schoentjes René - Considérations générales sur l’urbanisme au Congo Belge. , ingénieur architecte, ancien ingénieur principal à la colonie, délégué de M.le Ministre des colonies > Secchi Bernardo (2011) - La ville poreuse, Ed. MétisPresses > Secchi Bernardo et Vigano Paola (2009) - Antwerp Territory of a new modernity, Ed. SUN

> BEAU (2009) - Etude du patrimoine immobilier du boulevard du 30 juin > Beeckmans Luce (2009) - African Perspectives 2009. The African Inner City: [Re]sourced. > Coloma Tritan (2011) - Le Monde diplomatique, Quand le fleuve Congo illuminera l’Afrique, «le contrat du siècle» >Defauwes Georges conservateur du Musée communal Albert Thys de Dalhem, Albert Thys, de Dalhem au Congo “Les facettes méconnues d’un personnage d’exception” > Flouriot Jean (Septembre 2005) - Kinshasa 2005. Trente ans après la publication de l’Atlas de Kinshasa > Lagae Johan (2007) - Léopoldville-Bruxelles, villes miroirs ? dans L’architecture et l’urbanisme d’une capitale coloniale > Rakeen (2012) - Dossier pour le projet de la nouvelle gare centrele de Kinshasa > Robert Yves, ICOMOS Paris (2011) - Réflexions autour des interactions entre patrimoine et développement. À partir de l’exemple de la patrimonialisation de l’architecture coloniale en République Démocratique du Congo. > Stratec, Aec, Transurb technirail (2011) - Etude du Plan de Mobilité de Kinshasa, phase 3 : Rapport final > (1957) Afrique Noire actualités, Architecture Aujourd’hui, n°70 >Les cahiers de l’urbanisme n°75, juillet 2010 >Radio Okapi, article Coupures d’électricité à Kinshasa: la Snel évoque la baisse du niveau du fleuve Congo, 2011 > Urbanisme n°369 novembre décembre 2009 > Zaïre/Afrique n°126 juin, juillet août 1978, p365


Bibliographie 84 Sites internets

> http://www.delcampes.net : site de cartes postales anciennes. > http://kosubaawate.blogspot.be/ : Blog retraçant l’histoire de Léopoldville avec de nombreuses illustrations. > http://www.rakeen.com/ : site internet de l’agence responsable du projet de la nouvelle gare centrale de Kinshasa. > http://www.skyscrapercity.com/showthread.php?t=906862 : blog où l’on peut observer l’avancée des travaux des projets actuels. > http://www.presidentrdc.cd/projet.html : portail officiel du président Joseph Kabila

Bande sonore

>http://www.radiookapi.net/files/audio_file_7746.mp3 : Interview de Antoine Lumenganeso, conservateur en chef des Archives Nationale du Congo, sur l’importance de la conservation des archves pour le développement du pays.

Photographies inédites

>2 albums et 334 photographies de la Mission J.-M. Bel au Congo francais en 1906-1907 : premiers témoignages photographiques de Léopoldville et Kinshasa, consultables à la Bibliothèque Nationale de France (BNF) ou sur http://gallica.bnf.fr/

Vidéos

>http://www.katembo.be/Kinshasa.htm : site internet où l’on peut consulter des vidéos et photographies d’époque. Vidéos consultées : >http://www.katembo.be/Films/Patrick/condense5.WMV : témoignage de l’urbanisme et architecture dans les années 1950 >http://www.katembo.be/Kasai/Jose_Foubert/album/LeopoldII/ slides/inaugurationLeopold.html : inauguration de la statue du roi Léopold II >http://www.katembo.be/Films/Beguin06.WMV : vidéo de Gombe

Glossaire

> B.E.A.U : Bureau d’étude, d’aménagement et d’urbanisme, Kinshasa > Cité indigène : terme utilisé à l’époque coloniale pour désigner les quartiers des Africains. Cette dénomination se distingue du «quartier européen» réservé aux colonisateurs. > Léo-ouest : quartier colonial qui se situait autour du premier poste fondé par Stanley sur l’actuel Mont Ngaliema et la commune de Kintambo. Il est parfois aussi appelé «Léo I» > Léo-est : quartier colonial fondé sur l’ancien village de Kinshasa. Il est parfois appelé «Léo II» > MFU : Mission française d’urbanisme > OCA : Office des Cité Africaines instituée en 1952 dans le but de créer rapidement des logements pour «indigènes» > OTRACO : Office des transports Congolais, actuellement Onatra, Office national des transports > SMUH : Secrétariat des missions d’urbanisme et d’habitat pendant la coopération avec la France dans les années postcoloniales > Zone neutre : terme utilisé dans l’urbanisation colonial afin d’indiquer un «cordon sanitaire» de no man’s land pour séparer logements européens et logements africains.


Table des matières 85 Table des matières Introduction Problématique Objectifs Echelle de l’étude Méthodologie Sommaire I)1881/1939 : des interventions ponctuelles II) 1939/2006 : la planification III) 2006/avenir : Réflexion et conciliation Introduction historique 1. Kinshasa, une ville qui surgit de la forêt 2. Institution coloniale se met en place Evolution du boulevard I. Des interventions ponctuelles I.A Le chemin de fer Matadi-Léopoldville : le 16 mars 1898 I.A.1 Création d’un chemin de fer : 1889 I.A.2 Liaison des deux districts au service d’une économie : 1898 I.A.3 Amélioration des infrastrutures I.A.4 Le chemin de fer un outil de ségrégation I.A.4.a Prémisse d’un plan ségrégatif I.A.4.b De la limite au centre I.A.4.c le chemin de fer, trait d’union entre deux urbanismes I.B Léopoldville capitale : déviation du chemin de fer sur Ndolo I.B.1 Revenu foncier au service du changement I.B.2 Le chemin de fer comme fil rouge I.B.3 Le nouveau quartier de Kalina I.B.4 Déviation du chemin de fer I.B.4.a la liaison des deux districts I.B.4.b Aménagement de la zone de l’ancienne gare I.B.4.c Le projet d’une nouvelle gare I.B.5 La naissance d’un boulevard I.B.6 Les logements européens autour du boulevard.

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Tables des matières 86 II. La planification du boulevard II.A. Programme quinquennal pour l’aménagement de Léopoldville : 1939-1944 II.A.1 Le boulevrad au centre des priorités II.A.2 Raccorder le quartier Kalina II.A.3 Aménagement de la première zone neutre II.B Riquier VS Heymans, une ville d’urbanistes II.B.1 Contexte de la ville de Léopoldville II.B.1.a Boom démographique II.B.1.b Les avancées technologiques II.B.2.c De nouveaux programmes II.B.2 Etude de Riquier II.B.2.a Propositions d’aménagements II.B.2.b Travaux annexes II.B.3 Plan d’aménagement de Heymans II.B.3.a Grandes lignes directrices II.B.3.b Un premier plan d’aménagement II.B.3.c Réflexion sur la circulation II.C. L’après indépendance II.C.1 Actions du MFU et du BEAU II.C.1.a Présence française sur le territoire congolais II.C.1.b Le boulevard du 30 juin en retrait : 1967 II.C.1.c Le boulevard du 30 juin à densifier : 1975-1980 II.C.2 Proposition du BEAU de 2009, une continuité II.C.2.a Sur des bases anciennes II.C.2.b Un travail d’identification

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Synthèse des mécanismes d’élaboration du boulevard

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III. Réflexions et conciliations III.A. De nouvelles perspectives III.A.1 Une nouvelle au coeur de l’agenda III.A.2 Méthodologie III.B. Images III.B.1 La force de l’image III.B.2 Moyen de visibilité III.B.3 L’image comme concept

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Table des matières 87 III.C. Scénarios III.C.1 Scénario 1 : la verticalité au service de la visibilité internationale III.C.1.a. Histoire de la verticalité III.C.1.b Histoire de la visibilité internationale III.C.1.c Impacts III.C.2 Scénario 2 : Boulevard comme lieu de modernisation écologique III.C.2.a L’énergie III.C.2.b Le recyclage III.C.2.c La mobilité III.C.3 Scénario 3 : Le boulevard comme centre(s) III.C.3.a Des centres III.C.3.b Un centre géographique ? III.C.3.c Un lieu de suturation

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Conclusions 1. Une nouvelle manière de faire 2. Choix d’orientation 3. Acteurs Annexes 1. Laffond Joly (1957) - Les belles histoires de l’oncle Paul (bande dessinée n°983), les forgerons du rail 2. Atlas, Archives, boulevard du 30 juin kinshasa

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Annexes 90


Annexes 91


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