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Remerci ement S
J’aimerai tout d’abord remercier mon directeur de mémoire, Vinicius Raducanu, pour son investissement, sa patience, et tout le temps qu’il m’a accordé durant ce suivi régulier. Merci de m’avoir laissé libre, comme il me le fallait, en ayant toujours le mot juste pour me faire avancer, ce qui a rendu ce travail passionnant. Merci à l’ENSAM de m’avoir accordé une bourse à l’initiative qui m’a permis de m’aider à partir au Cambodge. Merci au LIFAM de m’avoir accordé une autre bourse pour la réalisation de mes expérimentations. J’aimerais également remercier Raw Impact, pour les expériences inoubliables qu’ils m’ont permis de faire, mais également pour leur con+ance et l’accueil chaleureux que j’ai toujours reçu. Un grand merci à la bambouseraie d’Anduze pour m’avoir fait don de nombreuses sections de bambous, pour le temps accordé par chacune des personnes avec qui j’ai eu affaire. Merci à Robert Célaire, pour la disponibilité et pour le partage de contacts, notamment Pierre Clément que je remercie aussi pour ce long entretient que nous avons pu avoir. Merci à JPL pour les conversations qui m’ont souvent aidé et de m’avoir prêté votre précieux livre. Un immense merci à ’ATM, particulière à JC que j’aurais bien embêté mais aussi à tous les moniteurs pour leur aide et leurs conseils (et pardon pour la scie cloche!). Merci à toutes les chouettes personnes qui m’ont aidé pendant les manipulations, particulièrement Thibault. Merci bien sur à mes proches pour les pénibles relectures de corrections orthographiques mais surtout pour leur patience (pour m’avoir écouté parler ‘bambou’ pendant un an). Finalement, merci à toutes les personnes qui ont contribué d’une façon ou d’une autre dans l’élaboration de ce mémoire (comme ça, je suis certaine que je n’en oublie pas).
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Sommai re Remerciements.........................................................................................................3 Sommaire.................................................................................................................4
Introduction...........................................................................................................9 Chapitre I - Ressource : les grandes originalités ...........................................15 1 - Matière à apprendre.......................................................................................16 1.1 - Expliciter la démarche...................................................................…...16 Le Cambodge L’expérience d’une ONG et d’une nouvelle culture L’apprentissage de la matière par la matière
1.2 - Introduction au bambou.......................................................................31 Localisation Espèces Pousse
1.3 - Pour quoi et pourquoi s’en sert-on?.................................................36 Âge et usages En chantier Renouveau
2 - Les contraintes - pourquoi a-t-on du mal à utiliser le bambou ?..............42 2.1 – Une matière vivante périssable...........................................................42 Faible durée de vie Matière vivante / matière morte
2.2 – Une matière capricieuse.....................................................................47 Instabilité et irrégularité Normes Circuit court
2.3 – Une matière oubliée et rejetée............................................................54 Le bois du pauvre Les méconnaissances Rendre acceptable : Raw Impact
3 - Les avantages - pourquoi devrait-on développer la 'lière bambou ?......60 3.1 - Valeurs environnementales.................................................................60 Local Global Sensibilisation
3.2 – D’autres qualités.................................................................................65 Simplicité Flexibilité
3.3 – Une matière +brée résistante .............................................................68 Capacités mécaniques Composition physique
Conclusion du chapitre I ...................................................................……72
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Sommaire
Chapitre II - Économie : le potentiel social.....................................................75 1 - Le processus de transformation : de la matière au matériau.....................76 1.1- Transformer le bambou ........................................................................76 Cultiver - Récolter Traiter Sécher – Stocker - Vendre
1.2- Les enjeux de longévité .......................................................................87 L’expérience des contraintes climatiques : Raw Impact Les problèmes soulevés par le manque d'attention au milieu Faire émerger des solutions en observant sur site
2 - L’importance de la partie pré-constructive..................................................95 2.1- Un matériau non-standardisable. : le tri ...............................................95 Pourquoi trier les chaumes ? Une première livraison surprenante : Raw Impact
Le bambou carré : contre nature ? 2.2- La conception architecturale...............................................................101 L’intelligence constructive : déjà dans l’organisation du chantier Vers une préfabrication ? Des projets préfabriqués
2.3- Vers d’autres manières d’utiliser le bambou ?....................................108 Question de la culture constructive Du tressage et du maillage… … à la structure en grille tri-dimentionnelles à double courbure
3 - Le potentiel social : apprentissage et autonomisation.............................118 3.1- Notion de développement durable,.....................................................118 L’importance des trois piliers L’aspect social
Les initiatives déjà en marche 3.2- Grow your own house.........................................................................124 Une équipe d’habitués Vers une autonomie
3.3- La transmission par le ’faire’...............................................................128 Une nouvelle organisation de la production : Raw Impact Une recherche de réinsertion professionnelle Une transmission de savoirs, mais aussi de cultures
Conclusion du chapitre II.................................................................................132
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Sommaire
Chapitre III - savoir-faire constructif : vers de nouvelles manières de construire..........................................................................................................135 1 - l’évolution des méthodes au cours du temps...........................................135 1.1- Dans le détail des liaisons traditionnelles .......................................136 Interpénétration, ligatures, chevilles, taille spéci?que Pour aller plus loin Pourquoi ne sont-elles pas optimales ?
1.2- L’évolution vers des liaisons plus technologiques, re@ets des sociétés actuelles ...................................................................................................145 Classi?cation Liaisons contemporaines
1.3- Ré@exion sur l’innovation ..................................................................155 Utilisation de matériaux nouveaux Expérimentations sur des liaisons en bouteilles plastiques Critique de cette nouvelle méthode
2 - La conception architecturale : une pratique nécessaire, au-delà des manières de penser les structures..................................................................162 2.1- l’empirisme du vernaculaire................................................................162 Le vernaculaire Expérimenter, analyser puis (s’)améliorer : : apprendre en construisant Les éléments structurels, comprendre pour améliorer la conception Dans le détail des liaisons
2.2- La combinaison avec d’autres matériaux: vers une intelligence collective ..................................................................................................................165 Métissage Matériaux naturels Matériaux industriels
2.3- Faut-il vraiment un architecte ?......................................................177 Vers un guide de conception : quelle place pour l’architecte ? Des initiatives à multiplier Retour critique sur une conception architecturale : Raw Imapct
Conclusion chapitre III.....................................................................................186
Conclusion Générale........................................................................................189 Et demain ? les axes de recherches qui resteraient à développer.............189 Une invitation mesurée mais enthousiaste à s’emparer du bambou..........191
Table des illustrations.........................................................................................194 Bibliographie.......................................................................................................196 Annexes..............................................................................................................200
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Sommaire
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I nt roduct i on
« Chaque trait de l’architecte représente une délimitation matérielle, et dé nit ainsi l’emploi d’un matériau, entraînant une empreinte énergétique spéci que, liée à l’extraction, la transformation, le transport, la mise en œuvre, la démolition, la décharge… De ce point de vue, il exerce donc un rôle décisif au moment du choix des matériaux. De par son implication simultanée dans le domaine technique et dans le domaine social, on peut estimer que l’architecte occupe une position clé, lui permettant de comprendre les bouleversements en cours et de les mesurer au regard de la tradition de son métier. Il est à la fois acteur et façonneur du milieu habité et, par conséquent, de la pensée contemporaine. (...) La voie souhaitable est celle de l’emploi généralisé de matériaux renouvelables, issus de processus naturels, (…) Techniquement, aucun obstacle ne s’y oppose ; les freins que nous rencontrons sont purement culturels et idéologiques. Il incombe alors à l’architecte d’être capable d’interpeller les acteurs économiques responsables et de démontrer l’ef cience des alternatives possibles. « les architectes doivent se lancer dans des entreprises que nul autre ne saurait imaginer. » L’architecte à un rôle irremplaçable à jouer dans ce processus de transition. (...) Ce faisant, les jeunes architectes doivent se réapproprier les matériaux. » Volker Ehrlich 1 J’ai choisi de partir en quête d’une réappropriation du matériau que j’ai eu la chance d’explorer lors de mon année de césure entre ma licence et mon master : le bambou. En effet, par deux fois, je suis allée découvrir le travail en ONG au Cambodge chez Raw Impact, une organisation australienne qui a décidé de miser sur cette ressource. Trop peu utilisée dans le pays, je suis pourtant très vite devenue convaincue de son potentiel, dans un pays qui souffre de la déforestation et d'inégalités sociales très importantes. On peut raisonnablement imaginer que le bambou pourrait avoir un impact très important pour favoriser un accès au logement si l’on développait cette +lière de construction dans les pays les moins développés, en zone tropicale. Ce matériau apparaît comme un élément d'avenir pour l'habitat social, une solution, si elle reste
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- Le Philotope n°12, MaT(i)erre(s)
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Introduction
locale, envisageable et encore trop peu exploitée par rapport à l'envergure qu'elle pourrait prendre. Mais il s’agit d’un matériau aussi époustouNant que contraignant. En débutant le travail pour ce mémoire, je me suis d’abord intéressée aux liaisons pour la construction de structures en bambou. Mais cela s'est vite avéré trop réducteur, car beaucoup d'autres facteurs interviennent dans le dispositif constructif avec ce matériau. En effet, au-delà des simples manières de lier le bambou, il s'agit en réalité de travailler sur une certaine intelligence constructive : la qualité du matériau de base, de son traitement et de la mise en œuvre, qui passe tout d'abord par un dessin de projet adapté au matériau, sont autant de facteurs qui ne peuvent être dissociés de l'étude des liaisons elle-mêmes. J’ai donc élargi ma réNexion à la dimension architecturale, en gardant en tête cet aspect constructif. En effet, il me semble essentiel pour tout projet de penser simultanément les questions d’architecture et la façon dont va être réellement construit ce dernier. Il s’agit, avec un matériau aussi ancestral, de réNéchir au rapport entre l’habitat vernaculaire et le nouveau projet d’architecture, en interprétant les modes d’habiter locaux. Ma deuxième expérience cambodgienne m’a apporté le recul nécessaire pour réNéchir à mon rôle d’architecte durant cette mission et à la manière de faire le projet qui me semblerait cohérente pour de la construction plus massive à bas prix. J’ai donc pu appréhender des questions essentielles telles que le transfert d’une esthétique traditionnelle vers un nouveau matériau, les notions de tolérance et d’acceptation, l’appropriation d’un lieu par l’habitant, le rapport entre typologies et cultures constructives, l’expérience sensorielle que nous procure un matériau naturel, etc. L’objectif de ce travail est de proposer de nouvelles manières de concevoir et de construire et des axes de recherches à développer. Nous étudierons d'abord celles qui existent pour situer les suggestions ou les améliorations proposées dans le contexte actuel. Il ne s'agit pas de faire un éloge du matériau, mais de dégager des méthodes pertinentes, en utilisant le bambou avec modération et dans des conditions qui lui sont adaptées. Il s'agit donc tout d'abord d'un travail d'observation de projets réels et de l'analyse de leurs méthodes de construction, mais aussi de leurs spatialités et enjeux architecturaux. Le but était en premier lieu, dans une démarche d'économie faible, d'établir un inventaire des procédés qui existent déjà et d'essayer de comprendre leur ef+cacité selon plusieurs critères : en quoi ils sont plus ou moins adaptés au matériau, la facilité et la rapidité de mise en œuvre, la durabilité, la longévité l'entretient nécessaire, le coût global etc.
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Introduction
Ensuite, dans l’optique d’expérimenter la matière, j’ai essayé de construire des prototypes à l'échelle 1:1, a+n de comprendre comment on fabrique, et d’envisager comment on pourrait fabriquer mieux. L'apprentissage par le « faire », semble être une étape importante pour permettre de proposer des améliorations, et pourquoi pas de nouvelles manière de construire. Le mémoire étant un travail de recherche, il s'agit, après la découverte de références, de chercher à comprendre le matériau, avec ses qualités et ses contraintes, à l'aide d'expérimentations, qui pourront être exposées également pour diffuser ces manières de construire. En+n il s'agira d'un retour sur une expérience en situation concrète a+n de tenter d'en déduire comment l'apport de connaissance par la théorie mais également par l'essai-erreur, permet d'améliorer sans cesse son intelligence constructive au service de l’architecture. Bien entendu, comme il s'agit d'une expérience réelle dans une ONG, de nombreux facteurs et acteurs entrent en jeu dans la prise de décisions mais nous essaierons de faire la critique de ces projets de manière la plus objective possible, avec un regard que l’on pourrait dire « extérieur », car mes missions étaient ponctuelles et sur un temps très court. Ces recherches sont effectuées dans un but précis : développer la +lière bambou pour le rendre accessible et pertinent en tant que matériau de construction. Le bambou pourrait permettre de construire quasiment à l'endroit même où il pousse, dans une logique de limitation des transports et donc d'énergie grise. Il est donc le matériau biosourcé fonctionnant en +lière courte par excellence, et on comprend alors qu'il est lié à certaines régions climatiques, celles où il pousse aisément, si l'on exclut l'industrialisation délocalisée. Cela part d’un constat : aujourd’hui le bambou semble être une « icône écologique », mais est très peu utilisé dans une logique économique faible. Mais il est aussi mal considéré par les populations les plus pauvres, alors que c’est justement à elles qu’il pourrait s’adresser le plus, si on essayait de le rendre plus accessible. « L’industrie en général, automobile en particulier, sont fréquemment citées comme les principales sources de gaspillage d’énergie, de sur-consommation de ressources naturelles et des pires formes de pollution. Au contraire, peu d’attention est donnée aux activités qui concernent le domaine de la construction. Et pourtant, c’est aussi l’une des sources majeure d’effets néfastes dans le monde. D’une part, car il utilise des ressources non renouvelables (minéraux, énergie…) en les transformant en matériaux de construction et produits commercialisables et en les assemblant en structures. D’autres part, parce que ce genre de bâtiments nécessite un taux élevé d’énergie pour son utilisation et sa maintenance. Le secteur de la construction, joue donc un rôle important des nombreuses activités qui menacent l’équilibre vital de la 11
Introduction
planète. (…) Ainsi, il fait partie de l’immense gaspillage maintenu par le culte de ‘la modernité qu’importe le prix’. ». 2 Mes convictions, qui s’alignent sur ces propos, m’ont donc poussé à développer ce travail, a'n d’essayer de m’approprier le matériau vivant, contraignant mais prometteur qu’est le bambou. «bamboo is hard in the outside but soft in the inside »3. C’est pourquoi j’ai essayé d’apprivoiser le matériau, pour en comprendre les véritables enjeux. Je me suis donc d’abord demandé si le bambou pourrait vraiment être un matériau judicieux et abordable pour la construction, malgré toutes les contraintes qu’il présente ? Puis s’il existait un réel partage des savoirs et de la recherche autour du matériau ? Quelle économie pourrait-il alors générer, à travers son fort potentiel social ? Quelles sont les techniques de construction et de conception traditionnelles et contemporaines ? Et quelles ré?exions faudrait-il avoir autour de ces techniques pour assurer un développement pertinent ? Quelle innovation pourrait voir le jour, et de quelle manière faudrait-il s’y prendre ? En bref, quel développement on pourrait envisager pour établir le bambou comme un matériau pertinent et accessible pour la construction ? Ce travail tentera de répondre à ses questions, et bien d’autres découleront de la réNexion. Il se présentera en trois chapitres. Tout d’abord, dans le premier chapitre, nous feront l’analyse de la ressource en elle-même, pour présenter ses grandes originalités. Cela permettra de comprendre en quoi le bambou présente des avantages favorables à l’utiliser comme un matériau de construction abordable, malgré toutes ses contraintes. Ensuite, dans un second chapitre, nous étudieront l’économie autour du matériau. Cela engendrera une réNexion sur le potentiel social qu’il présente, et nous essaierons de dé+nir quelle organisation on pourrait mettre en place pour l’instaurer comme un matériau de construction durable, tant sur l’aspect environnemental que sur l’aspect humain. En+n, dans le troisième chapitre, nous présenterons le travail concernant les savoirs-faire constructif, en entrant plus dans le détail des méthodes de liaisons. Il s’agira de dé+nir des pistes d’innovation possible à travers l’étude de l’évolution des techniques, Mais également de comprendre l’importance de la conception architecturale pour une utilisation pertinente du bambou, avec une certaine intelligence constructive.
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Grow your own house, Sim n Vélez and bamboo architecture, publié par le Vitra design museum Idem 12
Introduction
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Chapi t reI Ressource:l esgrandesori gi nali t és
Après une partie introductive sur la démarche de ce travail nécessaire à la compréhension du mémoire dans son ensemble, nous allons, dans ce premier chapitre, présenter la matière. Il s’agit d’une ressource naturelle utilisée à des +ns très variées. Nous verrons que le bambou n’est pas présent sur tout le globe et nous nous demanderons donc où et pourquoi il serait approprié de l’utiliser, en s’appuyant sur une analyse de son état actuel. De sa condition, aujourd’hui, nous essaierons de comprendre pourquoi son utilisation est peu répendue en construction. C’est pourquoi dans un deuxième temps, nous essaierons de comprendre les contraintes que présente cette ressource. Cela permettra de dégager les aspects qu’il faudrait garder en tête lorsqu’on conçoit et construit avec du bambou. Mais en analysant le matériau de façon plus positive, à la +n du chapitre, nous verrons qu’il présente tout de même un grand nombre de qualités, qui sont de véritables atouts pour son utilisation, en construction notamment. Cette partie rappellera son réel intérêt, et pourquoi il serait alors nécessaire de poursuivre la recherche autour de cette ressource. Nous procèderons à la fois très rationnellement, en s’appuyant sur des faits et des données scienti+ques mais également de manière sensible, à partir des expériences de la matière. Ces deux entrées contribueront ensemble à la réNexion sur la pertinence de son utilisation. Malgré toutes les contraintes qu’il présente, le bambou serait-il tout de même un matériau judicieux et abordable pour la construction ?
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Ressource : les grandes originalités
1-Mat i èreàapprendre 1 . 1- EXPLI CI T ERladémarche Il s’agit dans un premier temps d’expliciter certaines informations qui seront utilisées tout au long du mémoire. L’expérience en ONG que j’ai pu vivre me sert à illustrer mes propos, c’est pourquoi il est nécessaire de la présenter et de décrire le contexte général. La démarche d’expérimentations sur la réalisation de prototype demande aussi à être expliquée pour en comprendre l’intérêt. Le Cambodge Le pays est toujours dé+ni aujourd'hui par son histoire forte : le génocide des khmers rouges. En avril 1975 l'armée de Pol Pot envahit la capitale, Phnom Penh, plongeant le pays dans une période d'horreur qui durera cinq ans, pendant laquelle plus de 20% de la population sera éradiquée. L'idéologie imposée par les khmers rouges se veut libératrice de tout système capitaliste a+n de recréer une société basée sur le communisme sans classe. Les villes sont vidées et chacun doit travailler la terre, pour le système. La population est affamée pour vendre toute la production agricole a+n de se procurer plus d'armes et beaucoup mourront également de la famine ou du manque de soin.
Illustration 1: Image du #lm "First they killed my father", témoignage du génocide
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Ressource : les grandes originalités
Tout système monétaire est abandonné, et chaque personne éduquée, ou présentant des signes d'éducation est alors éliminée. Ce massacre fera plus de 1,7 millions de victimes. En 1979, à la +n de cette période, les populations réintègrent les villes de façon désordonnée, les plus démunis restant en campagne, et le pays tout entier tente de reprendre une vie, avec un manque cruel d'éducation. Cela se ressent encore aujourd'hui, car la tranche d'âge adulte actuelle est celle qui a eu la malchance d'avoir été enfant lors de cette terrible période. En termes de ressources, « 1,4 millions d’hectares de forêt ont été abattus, et la plupart des zones restantes ont été affectées négativement. »4. On compterait tout de même 387400 hectares de bambou, soit moins de 3 % de la surface de forêt du pays, situées principalement dans le Nord et autour du Tonle Sap. Mais l’attention sur la valeur des NTFP (non-timber forest products) ne s’est portée que très récemment et « bien que la prohibition sur la coupe et l’export du bois est supposée être en place, le gouvernement cambodgien continue de faire des concessions et a une politique très incertaine à propos des NTFP. Le bambou est coupé et transporté librement dans le pays. »5 Ceci s’est pourtant démontré faux en juin 2016 lorsque notre cargaison de bambou s’est fait arrêté en chemin, rallongeant les délais de livraison. D’après un rapport du département de la conservation et de la protection de la nature du ministère de l’environnement du Cambodge, « il faudrait mettre en place des études de la Nore du pays d’un point de vue écologique, de diversité, de distribution, de propagation et de reproduction. En même temps, la capacité de membres du personnel formés a besoin d’être augmenté et renforcé en termes de travail de terrain, de recherche et de documentation sur le bambou pour faire suite au programme de conservation. Des recherches collaboratives et le développement de lien inter-institutionnels avec les régions environnantes (INBAR, BIC…) devraient être initiés. En+n des étapes de développement devraient être engendrées pour développer un management du système d’information sur la ressource en bambou. » 6 La prise de conscience de la valeur de cette ressource est donc bien réelle, notamment parce que c’est une source de revenu important pour une partie de la population, mais un manque d’engagement de la part du gouvernement ne permet pas pour l’instant de mettre en place de réelles mesures.
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Bamboo resources, conservation and utilization in Cambodia - Meng Monyrak idem Idem 17
Ressource : les grandes originalités
Illustration 2: Famille cambodgienne vivant avec 1$ par jour par personne
La plupart des Cambodgiens vit encore dans une optique de « survie », au jour le jour, n'économisant aucun argent qui pourrait leur permettre de palier à certaines crises de leurs vies. Ainsi les inégalités dans le pays sont encore très fortes et le développement, bien qu'encourageant (taux de croissance de 7% en 2016) reste fragile. En effet un tiers des Cambodgiens vit encore sous le seuil de pauvreté national et vit avec 1$ par jour. C’est aussi pourquoi « 37% des enfants de moins de cinq ans souffrent de malnutrition »7. Selon un sondage de l'UN, le chiffre de personne vivant sous « esclavagisme moderne » serait de 300.000, dû aux problèmes de servitude de dettes. De nombreuses ONG sont présentes dans le pays pour aider ses habitants, l'aide internationale représentant 10% du PIB, car le gouvernement ne semble pas mettre en place de grandes mesures pour palier à ces problèmes. En effet aucune mesure de logement social par exemple n'est instaurée au Cambodge, qui pourrait pourtant suivre l'exemple de son voisin thaïlandais 8. De plus « une loi anti-association a été adoptée, qui autorise le gouvernement à ne pas enregistrer l’ONG ou à les dissoudre, sans passer par une décision judiciaire. Toutes les associations autorisées doivent se soumettre à une « neutralité politique » aux contours très Nous, une loi qui fragilise grandement tous ceux qui tentent de lutter contre les abus des proches du pouvoir ou d’entreprises internationales ». 9
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routard.com Addressing Social Housing and Livelihood Needs in Cambodia, Leakhana Kol routard.com 18
Ressource : les grandes originalités
Il faut aussi expliquer les conditions climatiques cambodgiennes, qui comme la majorité des pays tropicaux présentent deux saisons : l'hiver, de novembre à mai, et la saison des pluies en été de mai à octobre. Pendant la première, « la campagne se dessèche sous un soleil de plomb. Bien que l'atmosphère soit au plus sec, température et humidité grimpent dès le mois d'Octobre pour atteindre leurs maximas annuels au mois de mai. L’humide mousson du Sud Est Asiatique ramène la verdure dans les campagnes cambodgiennes avec des pluies venues de l'Océan Indien et du Golf de Thaïlande. Le schéma le plus habituel alterne matinées ensoleillées et pluies diluviennes du milieu à la +n d'après midi, deux jours sur trois. L'humidité et la température atteignent leurs minima annuels autour d'Octobre, où le climat se rapproche d'un climat Méditerranéen».10 En termes d'altimétries, le pays est très plat, ne présentant des reliefs montagneux que vers la frontière thaïlandaise, ce qui empêche également un écoulement des eaux et accentue la stagnation en période de mousson. Pour comprendre l'impact de cette mousson sur le territoire cambodgien, nous pouvons analyser le Tonle Sap, littéralement « grand lac » qui est le plus grand d'Asie du SudEst. Il sert « de déversoir au trop-plein des eaux en période de hautes eaux et de réservoir en période de basses eaux. Ce lac est donc une protection naturelle, agissant comme une vanne de sûreté, quoique parfois insuf+sante, contre les inondations du Mékong. On estime que le volume du lac peut augmenter selon « une multiplication par un facteur 70 » entre la saison sèche et la saison des pluies. Bien sûr cela n'est pas seulement dû aux pluies, mais également à l'état du Mekong en amont, mais on comprend bien que ces inondations provoquent chaque année des situations de vie particulières au Cambodge, et notamment à Taskor.
Illustration 3: Le Tonle Sap pendant la saison des pluies
10 aboutasiatravel.com
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Ressource : les grandes originalités
L’expérience d’une ONG et d’une nouvelle culture
Illustration 4: Les volontaires long-terme de Raw impact, Juin 2016
Raw impact, une ONG australienne fait pourtant partie de ces organisations et tente de « donner une voix à ceux qui n'en ont pas et de créer des changements positifs dans les villages cambodgiens »11 et des améliorations du niveau de vie de leurs habitants. Leur philosophie est de déterminer les besoins spéci+ques des villages qu'ils aident a+n de dé+nir des opérations réalisables dans le cadre de leurs trois domaines d'action : Soutenir, Eduquer et Protéger. « We are helping those who cannot help themselves »12 à cause du manque d'éducation et des problèmes très récurrents de dettes. Dans le champ de « Sustain » l'idée est de fournir des moyens de subsistance via des initiatives d'agriculture en respect avec l'environnement Pour le domaine de l'éducation il s'agit de fournir des infrastructures et former les professeurs a+n d'augmenter la capacité des écoles primaire pour permettre un plus grand accès à l'éducation. En+n l'équipe de « Protéger » s'évertue à fournir des logements et des infrastructures communautaires sécurisées par le biais de concept innovant et écologiques ainsi qu'aider dans la libération des dettes. D'un point de vue +nancier, seuls 7,5% servent pour son administration, 10% pour son développement, laissant une
11 Raw Impact 12 « Nous aidons ceux qui ne peuvent pas s’aider eux-mêmes » 20
Ressource : les grandes originalités
part de plus de 80% pour les projets. Son organisation repose sur une dizaine de volontaires à long terme (souvent des missions entre six mois et un an), de quelques volontaires depuis l'Australie ainsi que certains emplois, notamment des khmers, eux aussi une dizaine. Mais Raw organise également des missions de courtes durées (deux semaines), faisant venir des équipes de stagiaires-apprentis qui viennent aider sur les projets de constructions, d'éducation ou d'agriculture et découvrir la culture cambodgienne. Ces équipes permettent de fournir la main d'oeuvre nécessaire à la réalisation des projets et de sensibiliser ces personnes à la nécessité dans laquelle se trouvent la plupart des familles que l'organisation essaie d'aider. Ce sont en général ces mêmes personnes, accompagnés de nombreux sponsors, parfois professionnel, qui font les donations nécessaires au +nancement de l'ONG. Pour le moment les quatre projets se situent dans trois provinces différentes : Seeds, Jumpah, Ta Skor et Ko Ki. Nous nous intéresserons tout particulièrement à Ta Skor dans ce mémoire. En effet il s'agit d'un village situé à tout juste 10km au Sud-Est de Phnom Penh, de l'autre côté du Mekong. Il y a environs 150 familles ciblées dans ce projet qui vivent pour l'instant dans des zones que l'on pourrait quali+er de bidons-villes ou qui sont dans de sérieux besoins. C'est également la localisation de Salt school, la première école construite par Raw Impact où s'effectuent actuellement des formations de professeurs. Mais c'est surtout le lieu du plus gros projet de l'ONG : « Every Piece Matters » qui prévoit d'assister une centaine de familles en danger d'expulsion a+n de les reloger dans des maisons en bambou et de résoudre d'autres problèmes (dettes, accès au travail…). En mai 2016, une mission de l'ONG australienne Raw Impact m'a donc été con+ée dans le cadre de ce dernier projet : il s'agissait de concevoir les maisons en bambou, deux modèles qui furent déclinés, ainsi que quelques autres bâtiments permettant la bonne réalisation du projet dans son ensemble : un atelier, une chèvrerie, un préau... Pourtant novice dans l'architecture tropicale, dans la réalité du chantier, dans l'économie du bâtiment et évidement dans le bambou, ma mission était d'imaginer différents bâtiments dans le but de reloger une communauté qui tend à se faire expulser dans une zone rurale toute proche de Phnom Penh. Le contexte dans lequel j'ai pu effectuer ce travail nécessite d'être explicité pour comprendre la suite de ce mémoire. Premièrement, car cette première expérience a inNuencé le choix du thème autour d'un matériau qu'il n'est pas courant d'utiliser en Europe, et m'a poussé à entreprendre des manipulations expérimentales, qui me tenaient à cœur pour apprendre « par le faire ». Deuxièmement, les situations dans lesquelles tendent à être construits les bâtiments qui ont été conçus lors de cette expérience ont une inNuence sur la conception, il est donc important de les connaître pour comprendre certains choix et prises de position. 21
Ressource : les grandes originalités
Illustration 5: Plan masse de l'iBlock, Ta Skor village
Les projets dessinés lors de cette mission étaient destinés à être construits sur un terrain test et temporaire, appelé iblock, avant de commencer l'aventure sur un terrain plus grand, à l'époque alors encore en cours d’acquisition. Il s'agit du projet le plus ambitieux de la jeune ONG. Le but est de reloger une centaine de familles en les aidant à acquérir un terrain. Ils vivent pour l’instant sur des terres appartenant au gouvernement et tendent à se faire expulser, à cause de la construction d'un pont à travers le Mekong qui risque de développer la ville de l'autre côté du Neuve à une très grande vitesse. Ces terres sont situées à quelques kilomètres du village de Ta Skor, le long d'une route que Raw a entreprit de rénover et de surélever, a+n de palier aux problèmes d'inondations. Dans le village, de nombreux habitants ont littéralement les pieds dans l'eau pendant la saison des pluies, vivant parfois même au milieu de l'eau et se déplaçant alors en bateau. Le but étant de leur offrir de meilleures conditions de vie, l'iblock échappe aux inondations et le but sur le terrain +nal, qui est en zone inondable, est de créer des digues pour limiter l'eau sur les parcelles habitables, ce qui semble fonctionner après un test cette année. Ma mission la première année était de concevoir des bâtiments qui devaient donc être facilement constructibles, par une équipe composée d'un seul bâtisseur professionnel, mais lui aussi débutant avec ce matériau et de novices ne parlant que khmer, ce qui complexi+e encore d'avantage le chantier. Mais ils devaient aussi respecter un budget serré, les +nances d'une ONG étant très limitées, tout en donnant 22
Ressource : les grandes originalités
une impression de prouesse technique aux locaux. L'enjeu était en effet de prouver à la communauté que le bambou pouvait être utilisé à d'autres +ns que des simples poulaillers et qu'avec un peu de technique et d'inventivité il était possible de les aider à reconstruire leur village rapidement. Le projet prévoyait d'initier les locaux au travail de construction en bambou pour leur permettre, ensuite, de retrouver un emploi lorsque le chantier serait terminé. En employant des locaux l'organisation initie déjà une reconversion pour certains d'entre eux, et ce dans plusieurs secteurs, comme l'agriculture et l'élevage. L'initiation pouvant aller encore plus loin en leur enseignant l'art de cultiver le bambou, et de le transformer en matériau de construction (séchage, traitement…) qui peut pousser facilement partout dans le climat de la région, a+n de devenir autosuf+sant en matériau de construction. Raw impact, agit donc en profondeur dans les communautés qu’ils aident. Le staff khmer permet d’être au plus proche des populations servant de traducteurs et d'intermédiaires de con+ance et le savoir faire des volontaires australiens permet une ef+cacité sur le chantier, et en bureau. Mon rôle pendant mon séjour chez eux fut donc enrichissant tant en connaissances, sur un matériau dont je ne connaissais rien à la base, qu'en réNexion sur la manière d'agir pour aider. J'ai dessiné en autonomie des bâtiments, désormais construits, grâce à des intuitions plus que des savoirs. Lorsque j'y suis alors retourné un an plus tard, avec bien plus de savoirs théoriques et un recul sur mon travail, il fut donc très intéressant de reprendre le projet. En effet, l'équipe de construction avait aussi, après la construction d'une dizaine de bâtiments, de nouveaux savoirs et principalement savoir-faire. Les contraintes ayant évoluées, il fut question de repenser complètement le dessin des maisons, en essayant de trouver un moyen d'éviter la répétition sur ce futur village de 80 bâtisses.
Illustration 6: 8 maisons en bambou, iblock
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Mais en prenant du recul, je pourrais aussi être critique sur le travail de cette organisation. Il s'avère évident que le problème majeur du travail de l'ONG est la présence quasi automatique de « teams » dans le processus de construction. En effet Raising Awareness Worldwide signi+e sensibiliser à travers le monde. La plupart de l’activité de l’ONG, ainsi que des revenus, est donc en lien direct avec la venue de groupes de personnes pour une courte durée (souvent deux semaines) qui viennent aider sur les chantiers, ainsi que découvrir le Cambodge, avec ses problèmes et ses merveilles. Une sorte de tourisme humanitaire avec lequel je ne suis pas en accord mais qui a le pouvoir, il faut l’avouer, de +nancer la majeure partie des projets. Car il s'avère que ces personnes sont celles qui vont faire des dons, et communiquer autour d’eux leur expérience a+n de sensibiliser leur entourage, qui pourra à son tour faire des dons. Le problème réside dans le fait qu’elles n’ont aucune aptitude dans la construction, ni parfois même dans le bricolage en général. Or tous les plannings de chantier sont pensés en fonction de ces venues. Tout est alors organisé pour que les travaux les plus compliqués (fondations, montage de la structure principale…) soient déjà effectué avant leur arrivée pour qu’ils n’aient plus que les opérations plus faciles à effectuer : montage des planchers, des murs, fabrications des portes et fenêtres, etc. Mais malgré cela, les constructions ne béné+cient pas du meilleur résultat possible en termes de qualité d’exécution des tâches. De plus, avec seulement un charpentier professionnel, l’équipe n’est pas la plus expérimentée qu’il soit. Noter cela peut aider à comprendre les choix de conception effectué les deux années. Apprendre la matière par la matière Ce paragraphe de Volker Ehrlich13 dé+ni à mon sens ce que j’ai pu ressentir à l’aube de ce travail : « La pensée architecturale la plus fertile me semble s’épanouir dans un milieu portant un vif intérêt au côté matériel du projet. Il est fréquent de voir de jeunes architectes à la recherche d’une expérience manuelle leur permettant de nourrir leur pensée architecturale. Des chantiers participatifs, des expériences d’autoconstruction leur permettent d’éprouver concrètement une dimension matérielle dont ils se sentent dépourvus lors de leur formation architecturale. » Ayant eu à peine le temps de pratiquer le bambou lors de ma dernière semaine au Cambodge, j’avais pu percevoir l’importance de manipuler un matériau et de construire « pour de vrai » mais je restais frustrée quant aux apprentissages que j’avais pu en tirer sur un temps si court. Après trois années à concevoir l’architecture seulement en dessin, je ressentais à présent une
13 - Le Philotope n°12, MaT(i)erre(s)
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réelle envie de la voir se concrétiser et cela passe par une mise en matière, comme le dit très bien Peter Zumthor « La place de l’architecture construite est dans le monde concret. C’est là qu’elle à sa présence. Qu’elle parle pour elle. Les représentations architecturales de ce qui n’est pas encore bâti portent la marque des efforts visant à faire parler une chose destinée au monde concret, mais qui n’y a pas encore trouvé sa place. » Désirante de « mettre la main à la pâte », j’ai donc envisagé la réalisation de manipulations expérimentales dès le début de ce travail, sans savoir vraiment, au début, ce que je cherchais. Les expérimentations à l’atelier maquette, que l’on notera plus communément ATM, ont effectivement permis de donner un aspect plus concret à mes recherches. Il me semble important, d’un point de vue pédagogique, de ne pas dissocier le « faire » de la théorie, de plus en plus de systèmes éducatifs alternatifs prônent une nonhiérarchisation de la pratique et de la théorie. On nous dit souvent en école d’architecture que la main est le prolongement du cerveau, « My hand is the extension of my thinking process»14, et qu’ils ne peuvent être dissociés. Dans un processus de conception architectural, le dessin est essentiel pour appréhender le projet, à chaque étape, de l’implantation au détail technique. Il s’agit de la même chose avec ces expérimentations : il me semble bien plus cohérent d’expliciter quelque chose que mes mains ont aussi pu découvrir, et ce dès la phase de préparation, à la phase de mesure en passant par la fabrication. Comment parler d’un matériau sans l’avoir touché? Ce sens est essentiel lorsqu’il s’agit d’appréhender la matérialité, d’autant plus avec un matériau aussi manipulable que le bambou : léger, creux et sonore, doux et lisse, souple ou extrêmement rigide… Les sensations sont multiples et évoluent avec lui. Et je peux af+rmer qu’explorer avec ses mains, plutôt que d’observer avec ses yeux permet de stimuler la pensée. Ce n’est qu’à la +n de mon travail que j’ai découvert ce texte d’Amàco15: « Le mot « matière » est construit à partir de la racine sanscrite « mà » signi+ant « faire avec la main, construire, mesurer ». Le « faire » semble en effet central pour vivre l’expérience d’une véritable rencontre avec la matière. L’apprentissage de la matière suppose d’abord d’en « faire l’expérience » avant d’en « avoir l’expérience ». Il s’agit de redonner au corps et à l’émotion une importance au moins égale à celle que possède aujourd’hui l’intellect dans l’appréhension de la matière. L’expérience, maitre mot du processus de transformation de l’apprenant, l’invite à laisser le vécu déborder le connu, de sorte qu’il se forme à la matière par la matière.» Il me semble en effet intéressant dans ce travail
14 « Ma main est l’extension de mon processus de pensée » Tadao Ando 15 - Le Philotope n°12, MaT(i)erre(s) 25
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de mémoire, qui nous initie à la recherche, de ne pas se limiter à la recherche bibliographique classique mais au contraire de l’ouvrir également à celle de laboratoire, du monde expérimental. En lisant le retour de Caroline Grellier 16, sur son premier travail de recherche sur un matériau en sarment de vignes par exemple, j’ai pu relever que cette « makeuse en matériau » découvrait elle aussi les étapes de travail en laboratoire, après avoir passé beaucoup de temps à « bricoler » ses expérimentations. Cette étape de bricolage, qui a été l’une de mes pistes d’entrée pour ce mémoire permet donc de commencer à découvrir les pratiques de recherche et toutes ses dif+cultés (protocole expérimental dif+cile à concevoir, à tenir etc.) De plus, il existe une optique de transmission du savoir que j’aurais appris au travers de ces « objects concrets » qui découle de ce temps de manipulation. « Autres vecteurs de connaissances, l’expérimentation et l’erreur jalonnent le travail de la matière. Il est fréquent d’entendre chez les artistes, artisans ou architectes qui racontent leur relation à la matière, le vocabulaire de la confrontation exprimant une résistance de la matière. (…) Une matière qui nous résiste nous transforme, nous donne les clés pour mieux la comprendre. » L'un des points intéressant dans le fait de tester différentes façons de construire, est d'expérimenter sans attendre une réussite totale mais au contraire des enrichissements pour progresser dans l'intelligence constructive. Nous sommes aujourd’hui dans une société qui recherche le risque zéro, et accepte très rarement la possibilité de l'échec, pourtant obligatoire dans une expérimentation. C’est aussi ce qui m'a poussé à envisager le « learning by doing » par la manipulation du bambou. Cela vient requestionner la manière d'apprendre, de chercher, et insinue qu'il n'y a pas de hiérarchisation entre la théorie et la pratique. De plus cela s'intègre dans une optique de transmission, partant du constat qu'il y a eu une rupture dans la chaine de transmission de cette culture constructive, considéré comme un véritable savoir. Ainsi essayer de construire me permet de reconquérir cette connaissance dans une optique de transmission à travers ce mémoire. Trouver les budgets nécessaires, faire l’inventaire des outils à ma disposition et de ceux dont j’aurais besoin ainsi que des matériaux fut déjà un travail en soi. De plus j’ai essayé de rédiger un protocole expérimental (annexe), pour organiser mon raisonnement et mes actions. Quelle préparation pour une liaison, quelles actions à effectuer, quels outils nécessaires, quelles mesures à faire… Au +nal, il ne s’agit pas de faire l’éloge de certaines manières de faire plus que d’autres, mais il est évident que certaines ont présenté un niveau de complexité plus élevé que d’autres, que certains assemblages avaient besoin d’un temps de préparation plus long, et que certains
16 http://wwwmakery.info/author/caroline/
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matériaux étaient plus couteux, moins durables etc. Il s’agissait de véri+er des intuitions, mais de manière assez subjective puisqu’il ne s’agit que de mon expérience personnelle. En revanche le résultat, une série de manière d’assembler, peut servir à communiquer ce travail, et la construction en bambou en général. Se donner pour objectif de construire cette série de prototype était en fait l’excuse pour commencer à manipuler et de cela a découlé beaucoup de nouvelles questions pour aller chercher davantage d’informations. Car toutes ces expérimentations ont engendré au fur et à mesures de nouvelles questions, qui pouvaient être résolue par de la documentation, par de nouvelles expérimentations, ou en allant questionner des connaisseurs et qui a permis d’enrichir mon travail et ma réNexion.
Illustration 7: Préparation de différentes sections, à l'ATM
Illustration 8: Prototypes #naux 27
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Mais aussi j’ai aussi découvert la manière qu’a le bambou de stimuler nos sens. Tout d’abord, de part sa composition, avec une couche interne composée de plus gros vaisseaux mais moins dense que la couche externe, le bambou est très dur et semble résistant, même vert. Une +ne pellicule blanche se forme lors de sa croissance depuis le turion (bourgeon du chaume) et le protège de l’humidité et réduit les pertes en eau. Cette protection naturelle donne une certaine douceur au matériau, qui, en plus d’être très lisse au niveau des entre-noeuds, devient très agréable à manipuler. Une fois trempé, séché ou traité cet aspect extérieur change : l’eau par exemple, qui enlève la pellicule redonne de la vivacité à la couleur, tout comme l’huile de lin, qui ne fait qu’accentuer les rainures en lui donnant du brillant. Si l’on chauffe le bambou à haute température il devient alors aussi extrêmement reluisant, et alors qu’on pourrait croire que ces manipulations le fragilisent il s’agit en fait de traitements naturels. Tous ces aspects visuels varient en fonction de l’espèce : il existe des bambous noirs, d’autres jaunes, ou certains encore sont rayés, multipliant les possibilités de conception, bien qu’il faille se rappeler que certaines espèces ne sont pas propices à la construction. Il est très versatile et c’est en cela qu’il est stimulant. Par exemple, la Nexibilité du matériau, particulièrement s’il est encore jeune, le rende très intéressant à travailler. On pourrait tout à fait détourner la fable de la fontaine, « le bambou plie mais ne rompt pas »17. Il est primordial de toucher la matière pour comprendre ses capacités et ses limites. « L’un des problèmes est la courbure, mais c’est aussi la magie et l’opportunité. Tout comme les plus beaux habits épousent parfaitement les courbes naturelles, la manière qu’à d’une maison de se courber autour de vous peut être la bonne »18 Le bambou est également très sonore, de part sa forme creuse, et l’on comprend alors bien l’intérêt de l’utiliser en musique. Lorsque l’on vient le percer ou casser les nœuds, les sons avec de l’habitude, aident aux manipulations. Son craquement est également impressionnant et il est intéressant de l’avoir expérimenté une fois, tout comme l’odeur du bambou coupé : de manière tout à fait subjective cela sent très bon. En+n, comme on peut même manger les jeunes pousses de bambou, nous pouvons réellement af+rmer que ce matériau touche tous les sens de l’homme qui le manipule, et qui peut alors apprendre à connaître le matériau et à en extraire le meilleur en essayant de protéger ses faiblesses.
17 Fables de La Fontaine 18 Elora Hardy, Ibuku
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Illustration 9: Les mains, prolongation de la pensée, découpe en bouche de poisson
Illustration 10: Observation de la #ssuration
Illustration 11: Tests de traitements
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Je pense donc avoir été poussée par mes convictions écologiques, dans mon rôle de future architecte à aller à la rencontre de l’un des matériaux bio-sourcés, que j’aimerai défendre dans ma pratique de l’architecture. Tout comme Pierre Emmanuel Loiret et Serge Joly, je suis convaincue qu’il faudrait revenir à une certaine sobriété et que l’architecture devrait y participer : « L’emploi des matières naturelles telles que la pierre, le bois, la terre, les +bres, comme ressource de construction est probablement à même de véhiculer des émotions, voire une esthétique favorisant un rapport au monde particulier. Des matières saines, qui, au-delà d’une perspective exclusivement performancielle, présentent de véritables qualités haptiques et offrent une assurance terrienne. Elles engagent le sentiment contre le sensationnel, engagent une relation non violente et apaisée avec le monde. Elles permettent de revenir à l’essentiel. » Nous savons que la première production de déchets est le domaine de la construction et nous devenons de plus en plus conscients de l'impact négatif que peuvent avoir certains matériaux, pour la planète mais également pour notre corps. Je suis intimement convaincue que notre génération a le devoir, d'essayer de lutter contre le lobbying des grandes industries de la construction pour revenir à des matériaux plus naturels, plus locaux et pourtant tout aussi performants. De nouvelles alternatives existent déjà et n’attendent qu’à être développées. C’est aussi ce qui m’a poussé à développer ces manipulations ; être acteur pour impulser du changement. C’est également l’idée de l’école alternative de Bogor en Indonésie, ou la plus connue « Green school » à Bali, qui sensibilise leurs élèves par le biais de leur architecture. En effet, la première est un établissement dans un groupe ethnique nommé les Sundanese, qui ont traditionnellement une relation très proche à la nature. Or la maçonnerie a envahi le marché de la construction mais leur parti pris fut de réaliser l’école en bambou, qu’ils quali+ent d’« archaïque », a+n d’engendrer des idées fraiches et une nouvelle appréciation du matériau.19 La transmission de telles valeurs à travers une certaine éducation est quelque chose qui me semble fondamental pour changer le regard vis-à-vis du bambou, et plus largement, des matériaux vivants.
19 http://architectureindevelopment.org/project.php?id=421 30
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1 . 2-I nt roduct i on aubambou
Localisation Bien qu’un effet de mode le rende de plus en plus visible, nous connaissons assez peu ce matériau naturel en Europe, étant le seul continent (avec l’Antarctique) qui ne possède pas de population indigène, mais qui a tout de même été introduit récemment20. Il s’agit pourtant d’un graminée très primitif, qui existe depuis le Crétacé Supérieur et utilisé depuis 3500 avant J-C, principalement en zone tropicale ou subtropicale de la latitude 51° à 47° Sud. « Environs 20 millions de tonnes de bambou sont récoltés chaque année. Cela est équivalent à 8 millions de kilomètres de cannes de bambou, soit 200 fois la circonférence de la terre » 21 La Chine (au grand bonheur du panda géant qui dévore près de 20kg par jour) et l’Inde sont les deux pays présentant la plus grande ressource en bambou, mais toute l’Asie du Sud-Est ainsi que l’Afrique et l’Amérique du Sud sont très bien dotés également, ce qui correspond aux zones les moins développées de la planète, nous donnant un premier argument pour l’utilisation de ce matériau pour le logement social. « Il y a également un côté industriel pour le bambou. Plus de processus industriels devraient se développer si l’on veut que le bambou contribue à loger le milliard de sansabris dans le monde ».22
20 Bambouseraie d’Anduze 21 Grow your own house, Sim n Vélez and bamboo architecture, publié par le Vitra design museum 22 Building with bamboo, JANSSEN Jules 31
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Illustration 12: Répartition du bambou dans le monde
Illustration 13: Forêt de bambou - bambouseraie d'Anduze, une exception européenne
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Espèces Le bambou pousse principalement dans des forêts naturelles, son habitat primitif, mais on le trouve désormais également dans des plantations 23. Parmi les près de 2000 espèces et 75 genres de bambou dans le monde24, une cinquantaine présente des caractéristiques favorables pour des enjeux de constructions (planchers, panneaux, structure…). Le « Chinese bamboo » (Phyllostachys edulis, Moso25) est le plus communément utilisé au monde pour la production industrielle dont la Chine est le plus grand producteur. Mais intéressons-nous plus particulièrement à quelques espèces que nous retrouverons tout au long de ce mémoire, qui n’appartiennent pas au système industriel. Par exemple le Dendrocalamus asper, communément appelé en Cambodgien « Chinese bambou », alors que son origine est malaisienne, est utilisé comme un matériau pour les constructions lourdes comme de l’habitat ou des ponts. C’est celui que l’on retrouve le plus au Cambodge, notamment dans les constructions de BTI. Il atteint entre 20 et 30 mètres de hauteur, avec un diamètre de 8 à 20cm et peut résister à une tempérrature minimale de -4°C 26. Il s’agit d’une espèce résistante mais dont les tissus vasculaires tendent à rétrécir en séchant davantage que certaines autres espèces avec lesquelles il est possible de construire. Par exemple, l’espèce premièrement utilisée par Raw Impact, achetée chez Bambusa Global, une plantation du Nord du Cambodge, dans la province de Mondulkiri est le Bambusa Blumeana. Cette espèce est très polyvalente, car elle peut être utilisée en construction, planchers, vannerie, mobilier, renfort de béton, ustensiles de cuisine, baguettes ou tout autre artisanat comme des jouets ou des chapeaux. Elle a un fort potentiel pour la réhabilitation des sols et est souvent utilisée comme limite naturelle de terres agricoles, comme coupe-vent ou pour prévenir l’érosion le long de rivières.27 Mais Raw Impact ayant pour projet d’avoir leur propre plantation, une nouvelle espèce a été choisie, le Dendrocalamus Sinicus. Aussi appelée « Dragon Bambou » il s’agit d’un massif de bambou géant natif de la province chinoise du Yunnan et du Laos. Il détient le record de diamètre de chaume, allant jusqu’à 37cm avec une épaisseur de 6cm et peut atteindre 46m de hauteur. (450kg). Une plante peut générer une centaine de chaumes et on comprend alors, avec toutes ces caractéristiques, le choix de cette espèce. Pousse
23 24 25 26 27
Fundamentals of the design of bamboo structures, Arce O. A. Bamboo Construction Source Book, Community Architects Network Building Trust International Idem Idem 33
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Le record de pousse du bambou est de 20mètres en seulement 3 mois28, jusqu’à un mètre par jour pour les bambous moyens et géants. Recouverte de gaines protectrices, la jeune pousse a déjà les propriétés du chaume adulte : son diamètre et son nombre de nœuds sont dé+nitifs. Elle prend naissance sur le rhizome qui est une racine souterraine (maximum 60cm) dont la fonction est de stocker et de restituer les réserves nutritives nécessaires au développement de la plante. Au niveau de chaque nœud se trouve un bourgeon pouvant donner naissance à un chaume ou à une nouvelle rami+cation de rhizome, ce qui explique sa propagation, lorsque le bambou est traçant. Il est très rare qu’un bambou disparaisse après sa Noraison, en effet les rhizomes permettent à la plante de se régénérer une fois la Noraison terminée et seuls les chaumes porteurs de Neurs ont tendance à s’affaiblir. Or il existe trois type de Noraison, une régulière qui a lieu chaque année et deux autres toujours mystérieuses. La Noraison grégaire se reproduit à intervalles très longs allant jusqu’à 120 ans, où tous les bambous d’une même espèce Neurissent en même temps sur la planète et la Noraison sporadique qui ne fait Neurir que certains chaumes d’un même massif. « Dans l’avenir la recherche sera peut-être capable, en contrôlant sa Noraison, de changer des bambous en céréale géante aux graines comestibles, notamment intéressant pour les pays pauvres. ».29
Illustration 14: Leur de bambou
28 Bambouseraie d’Anduze 29 Idem
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Une plantation de bambou, si elle est bien utilisée permet une récolte annuelle. Lorsque l’on coupe le bambou, la plante ne meurt pas mais se revitalise : «Les chaumes peuvent être récoltés des plantes de temps en temps en suivant un procédé de rotation. De cette manière, la plante elle-même ne meurt pas. Au contraire, une récolte soigneuse revitalise son développement. »30 78,3 tonnes par hectares (36 tonnes de bambou sec) sont produits en comparaison a seulement 17,5 (10,8 tonnes sec) de bois dans le Coffee Triangle en Colombie (regulation iso 22156 et 22157-2)31. Le rendement du bambou est donc supérieur à celui du bois mais les chiffres semblent dif+cile à obtenir, variant de 3.3 fois selon « Building with bamboo » à 25 fois selon Building Trust International. Jerôme Vatère nous dit que « Le bois n’est pas l’arbre. Lorsque nous parlons ou voyons le bois, l’arbre n’est déjà plus. Le bois est la trace du passé de vivant d’un être : l’arbre. ». Au contraire, le bambou est toujours bambou, s’il est coupé un autre est en train de se régénérer, par les mêmes racines. De plus, on peut relever que le bambou peut devenir jusqu’à quatre fois moins cher que le bois.
Illustration 15: Principe de pousse du bambou traçant
30 Fundamentals of the design of bamboo structures, Arce O. A. 31 worldcat.org 35
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1 . 3-Pourquoietpourquois’en sert on? Âge et usages On peut recenser plus de 1500 usages différents pour le bambou. En effet il est utilisé pour l’alimentation, la vannerie, l’artisanat, l’industrie textile et papetière, et même aujourd’hui pour la fabrication de puces informatiques et de semi-conducteurs. « il vaut encore mieux avoir un repas sans viande qu’une maison sans bambou » 32 Evidement, le bambou présente aussi des caractéristiques mécaniques suf+santes pour un emploi en construction, mais elles dépendent de plusieurs critères : son espèce, son état, son avancement de séchage etc. En effet, son utilisation est fonction de son âge. Dès 30 jours le bambou peut-être utilisé pour l’alimentation, les pousse se consommant lors de festivités, symbole de longévité, dans la culture asiatique par exemple (région d’Ha Giang montagneuses, Nord du Vietnam). On peut même utiliser ses feuilles pour la fabrication de papillotes de cuisson ou pour des boissons fermentées et autres alcools blancs. Après un an il peut servir pour le travail de tissage, notamment pour la fabrication de paniers.
I llustration 16: Pousses de bambou cuisinées
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proverbe chinois 36
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Il sert beaucoup à la fabrication de panneaux tressés pour des remplissages de murs par exemple, avec les lamelles extraites à l’extérieur de la cane. Mais on utilise aussi le bambou pour tous les objects du quotidien, des ustensiles de cuisine, de la vaisselle, des instruments de musique33, du mobilier ou encore de la décoration ou des pièges à poissons. Grâce à ses différentes variétés les usages sont innombrables et varient avec les différentes cultures, et du matériau local. Notons que nous nous intéresserons dans ce mémoire essentiellement aux usages constructifs. Dès deux ans il est donc possible de l’utiliser en construction s’il est coupé en lamelles, pour des remplissages non structurels comme les murs. Ce n’est qu’à partir de trois ou quatre ans, en fonction de l’espèce, que l’on peut s’en servir structurellement, entier ou en lamelle pour les planchers. Il faut également noter que plus il grandit, plus le bambou aura un diamètre réduit, le bas du chaume étant la partie la plus large, mais aussi la plus résistante. On favorisa son utilisation en structure, gardant la partie supérieure pour des usages avec moins de contraintes.
Illustration 17: Vannerie, source "grow your own house"
33 Exemple de référence musicale : « il tape sur des bambous et c’est numéro 1 » Phillipe Lavil 37
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En chantier L’image très répandue des échafaudages asiatiques en bambou est également l’un des usages à citer. Cet exemple est en plus très évocateur des différences de cultures : en Europe nous nous sentons à l’aise sur un échafaudage lorsqu’il est bien rigide alors qu’en Asie c'est tout le contraire, il faut qu'il soit relativement Nexible, car cela n’est alors pas synonyme de forces concentrées et donc de rupture. Dans le même registre que les échafaudages on retrouve très régulièrement le bambou comme étais pour la construction de dalles béton. S’il est très peu utilisé en tant que matériau de construction en tant que tel, il est en revanche très utilisé pour la construction. Cela pose la question du nombre de déchets qu’engendre l’industrie de la construction : l’exemple est frappant avec le béton, le bois de banches est conséquent et, s’il n’est pas réutilisé, génère a lui seul une quantité de déchets incroyable. Ne pourrait-on pas utiliser les matériaux qui nous servent à construire en tant que matériaux de construction ?
Illustration 18: échafaudages asiatiques
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En effet, “D’après Hildalgo (2003), à cause de la faible durabilité de la plupart des espèces de bambous géants d’Asie du Sud-Est, pratiquement tous les pays de cette zone n’utilisent pas le bambou pour la construction des structures principales de leurs maisons”34. Ce constat s’est révélé saisissant lors de mes voyages au Laos, Vietnam et Cambodge, où je n’ai vu aucun quasiment aucun bambou en structure primaire. On le retrouve tout de même en toiture, souvent pour réaliser la charpente, mais également en tuiles. “Le bambou brut reste néanmoins largement utilisé dans les campagnes pour des bâtiments ruraux, des abris temporaires ou des constructions légères pour lesquels il sert notamment de structure (ossature), de planchers légers ou de charpente de toitures. Environ un milliard d'êtres humains habitent tout de même encore des maisons partiellement ou entièrement en bambou.”35 Notons tout de même qu’en 1956 en Indonésie, encore 35 % des maisons étaient en bambou et 35 % de plus combinées avec du bois En 1945 au Bangladesh et en Birmanie le chiffre s’élevait même à 60 % et 90 % aux Philippines36. Nous pouvons nous demander comment ces personnes vivent et construisent leur logement.
Illustration 19: étais sur un chantier, île de Don Det, Laos
34 Traditional and innovative joints in bamboo construction, Andry Widyowijatnoko 35 Perspective du développement du bambou en France métropolitaine 36 Grow your own house, Sim n Vélez and bamboo architecture, publié par le Vitra design museum 39
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Illustration 20: Tuiles de bambou en toiture, Vang Vieng, Laos
Renouveau Mais aujourd’hui à contrario, nous pouvons observer un renouveau du bambou principalement pour des ‘resorts’, des établissements touristiques, des pavillons ultratechnique etc... Citons par exemple, les célèbres bâtiments de Vo Trong Nghia qui a réalisé une multitude de restaurants et d’éco-resort au Vietnam ou le Soneva Kiri Resort en Thaïlande réalisé par 24h-architecture, véritable « icône écologique » de luxe. Dans une démarche ultra-technicisée nous pourrions également prendre l’exemple de Shoei Yon, les recherches de Renzo Piano sur lesquelles nous reviendrons en troisième partie.
Illustration 21: Soneva Kiri Resort, Thaïlande 40
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Illustration 22: Restaurant, Vo Trong Nhia
Cela est une bonne chose pour la communication des avantages qu’offre le bambou, l’exemple le plus connu étant très travail d’Ibuku à Bali qui a une vraie vocation de diffusion. Mais il reste dif+cile de trouver des logements sociaux réalisé en bambou, dans une logique d’économie très faible et c’est sur cela qu’il faudrait désormais, il me semble, focaliser l’attention. En effet, dans ces pays en développement la culture constructive dominante n’est vraiment pas celle des matériaux biosourcé, mais au contraire, on construit à la manière des occidentaux avec le béton ou l’acier par exemple, qui se développent massivement et devienne aux yeux des habitants les seules solutions +ables. Les techniques de construction n'étant plus réellement connues et propagées, peu de projets avec un enjeu d’économie faible voient le jour. Le système économique en place autour du bambou est encore trop faible pour permettre de s’approvisionner facilement. Mais l’un des principaux freins est peut-être également le manque de norme et de réglementation, qui n'existent pas encore dans tous les pays. Seule la Colombie semble s’être réellement emparée du problème, créant l’équivalent d’un DTU : la norme E100. On peut tout de même se demander si c’est vraiment ce qui freine le développement en Asie du Sud-Est, où les normes et réglementations ne semblent pas être la base de leurs cultures. C’est pourquoi il s’agit de continuer le questionnement sur les blocages que subit le bambou. Nous allons développer les aspects négatifs du matériau, qui freinent à l’heure actuelle son utilisation plus massivement.
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2-Lescont rai nt es-pourquoiat on dumalà ut i l i serl ebambou?
2 . 1–unemat i èrevi vant epéri ssabl e
Faible durée de vie L’un des problèmes majeur du bambou est sa courte durabilité. Janssen a proposé quelques indications de durabilité du bambou non traité : de 1 à 3 ans en contact direct avec le sol et en clos ouvert, de 4 à 6 ans sous couvert et sans contact direct avec le sol et de 10 à 15 ans dans de vraiment bonnes conditions de stockage et d’utilisation. En le traitant, et nous reviendrons sur les différentes manières de faire, naturelles ou chimiques) il peut atteindre une durée de vie de près de 40 ans : « L’économie de la préservation est claire : le prix du bambou augmente d’environ 30 %, mais sa longévité de vie s’accroît de 15 ans dans le clos ouvert, et de 25 ans sous couvert. »37 Le « bamboo construction book » étend même cette durabilité à 50ans : « Le bambou traité a une espérance de vie de 50 ans sans perdre ses propriétés structurelles ». En revanche il faut noter qu’aucun traitement ne sera suf+sant à régler des problèmes causés par une conception incorrecte c’est-à-dire qui ne protège pas la construction de l’eau, du soleil et des insectes. « Quand on évoque les propriétés du matériau, le premier problème identi+é est la durabilité des chaumes. En effet, des observations sur le terrain et des témoignages amènent à la conclusion que le bambou pourrit dans certaines conditions en moins d’un an. Quand la complexité de la construction et la disponibilité le permettent, ce n’est pas un problème sérieux, parce que le remplacement est peu cher et simple. » En termes de projets à plus grande échelle en revanche, cela crée un problème de maintenance sur le long-terme. En effet, si l’on change de propriétaire, le problème se complexi+e. « Pour l’instant, aucun processus de préservation n’est immédiatement disponible dans le monde rural, à un coût raisonnable et avec un niveau suf+sant d’ef+cacité et de sécurité. » 38
37 Janssen 38 Arce
42
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De part son caractère périssable, le bambou doit s’adapter à des cultures qui acceptent de réparer, de remplacer. « Les matières naturelles nous invitent à repenser notre rapport au temps en considérant l’idée que l’impermanence peut-être condition d’une forme de permanence. En effet, la poétique et l’intérêt écologique d’un matériau qui, altéré par le temps qui passe redevient matière et pourra être à nouveau transformé, donnent aux matériaux naturels une densité temporelle en ce sens qu’ils possèdent une histoire passée tout autant qu’une histoire à venir. « Les matériaux naturels disent leur âge et leur histoire autant que leurs origines et leur utilisation par l’homme », nous dit Juhani Pallasmaa. Ils ont cette capacité à nous relier à une histoire. Cette « fragilité » du matériau peut-être source d’un recommencement renforçant la mémoire collective, la transmission des savoirs et la culture commune. Dans de nombreuses cultures, le temps de l’entretien du bâtiment est également un moment permettant à la communauté de se rassembler. Les habitants de la ville de Djenné, au Mali, renouvellent ainsi annuellement les enduits en terre de leur mosquée, à l’occasion d’une grande fête où toute la communauté est présente pour construire ensemble.L’impermanence de la matière devient alors un facteur de permanence du lien social et de la mémoire collective. » Amaco. On peut parler d’une telle culture en Asie du Sud-est, avec l’exemple des ponts de bambou. En effet lors de mes voyages j’ai souvent rencontré des ponts de bambou qui étaient remplacés chaque année. A Luang Prabang au Laos par exemple, la population en a fait une réelle attraction touristique, faisant payer le passage pour +nancer la reconstruction l’année suivante. A Kampong Cham au Cambodge, le plus long pont en bambou du monde, une taxe est également exercée pour la traversée, mais je n’ai pas eu la chance de voir cet ouvrage déjà emporté par les eaux, une tradition qui tend à disparaître avec la mise en place d’un pont en béton. Mais même dans des zones bien plus reculées, comme dans la campagne qui borde la Nam Ou au Laos, j’ai repéré que la population utilisait le bambou pour franchir de petites rivières et il est très étonnant de voir la résistance de ces ouvrages qui semblent pourtant très fragiles. On imagine bien qu’ils se réunissent alors pour les consolider, les reconstruire et que cela fait partie d’une certaine tradition. C’est l’un des premiers aspects social que peut offrir le bambou, sur lequel nous reviendrons en seconde partie. Malgré son aspect peu durable le matériau reste tout de même complètement adapté pour des situations temporaires comme le dortoir thaïlandais de la clinique de Mae Tao par exemple. Puisque tous les matériaux (bambou et chaume principalement) ne sont pas destinés à durer plus de deux ans, ils sont disponibles très facilement et le coût est très faible et stable pour la population locale. Le bois est re-employé, provenant de vieux bâtiments en ville. Les structures sont également facilement démontables et remontables partout, un avantage considérable puisqu’il n’y aura plus qu’à trouver de nouveaux remplissages. 43
Ressource : les grandes originalitĂŠs
Illustration 23: Pont en bambou dans un village du bord de la Nam Ou, Laos
Illustration 24: Dortoir de la clinique temporaire de Mae Tao, ThaĂŻlande
44
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Matière vivante / matière morte Construire avec des matériaux vivant est donc une toute autre approche que celle que nous avons, occidentaux, l’habitude de voir. Gilles Perraudin 39 exprime son point de vue sur cette question de manière très tranchée : « La technologie industrielle nous a aliéné de la matière vivante, notre double. Nous ne faisons plus corps avec elle. Pour mettre en forme l’acier, le forgeron lutte. Ou danse. La matière aime être caressée, modelée, cisaillée, apprêtée. Elle se laisse prendre mais le forgeron ne la possède pas. (…) il est ainsi du charpentier, du maçon, du tailleur de pierre. La matière guide leur main vers son désir. Les produits industriels sont de la matière morte. ». Cet architecte a un rapport très fort avec la matière, qu’il perçoit comme un véritable allié de conception . Mais déjà au début du 20ème siècle, Brancusi nous disait que « chaque matériau a sa vie propre, et l’on ne peut pas impunément détruire une matière vivante pour en faire une chose muette et inerte. Il ne faut pas essayer de prêter notre langage aux matériaux, il faut collaborer avec eux pour faire comprendre leur propre langage ». C’est en ce sens que ce travail tente de se développer : comprendre le bambou pour ne pas aller à l’encontre de ses caractéristiques mais au contraire contribuer à son langage propre, ne plus parler d’exploiter le matériau mais s’en servir pour le servir lui-même. On pourrait même aller plus loin dans cette perte de rapport au monde. « Les matières lisses et transformées forment notre environnement quotidien. De nouveaux produits et objets, issus de +lières industrielles, sont conçus pour satisfaire notre insatiable besoin de consommation. Ils sont créés par l’homme à un moment donné. Ils se dégraderont ou nous survivront. Ce sont des matériaux +nis car la vie que nous leur accordons est limitée. Contrairement à ces matériaux, les matières brutes s’inscrivent dans un cycle de vie in+ni. Elles sont en perpétuelles transformations car elles subissent l’action du temps et, par là-même, renvoie à l’origine du monde. (…) Les matières sont vivantes et chargées d’histoire. Certaines espèces se sont adaptées à l’eau ou à l’air ; d’autres à la terre comme l’Homme qui en a fait son milieu naturel. Pourtant l’espèce humaine tente de s’en extraire. A l’heure de la « réalité augmentée », où le cerveau humain est plus sollicité que le corps et où les images de synthèse fusionnent avec celles du réel, l’homme s’éloigne de son environnement pour évoluer dans un monde de plus en plus technologique. Cette perte de contact avec son milieu naturel le dépossède de l’expérience corporelle qu’il fait du monde. » nous explique l’atelier Alba.
39 - Le Philotope n°12, MaT(i)erre(s)
45
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C’est pourquoi je suis convaincue que l’utilisation de matières vivantes est un choix architectural fort : il s’agit de présenter une certaine vision du monde, de proposer un retour à un état plus naturel, plus proche de la terre.
Illustration 25: béton, "matière morte" avec un aspect de bambou tressé
l
Illustration 26: différents aspects de bambou tressé
« Ce qui dure le plus est ce qui recommence le mieux » nous dit Gaston Bachelard40. Or nous avons vu que le bambou se régénérait sur lui-même lorsqu’on le coupait. Alors peut-on dire que ce matériau, bien qu’il ait une durée de vie limité est tout de même durable ?
40 - Le Philotope n°12, MaT(i)erre(s)
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2 . 2–unemat i èrecapri ci euse Le bambou est le matériau vivant le moins stabilisé dans ses caractéristiques constructives. Comme nous le dit Arce dans son texte de 1993, « les propriétés mécaniques basiques ont été traitées par de nombreux auteurs, mais à la différence du bois, les propriétés du bambou ne correspondent pas bien aux espèces à cause de la dépendance à d’autres facteurs comme la localisation géographique et l’âge ». En plus de son caractère instable, on ne peut donc pas parler des espèces de bambou en général, puisque trop de facteurs font varier ses propriétés. Il devient alors impossible de mettre au point un guide pour la construction en bambou, ou même des abaques. Certaines ont été mise au point pour quelques espèces, et donne tout de même une approximation des ordres de grandeur. Il faudrait en réalité que chaque fournisseur, qui connaît ses espèces, leurs âges et la manière dont ont été cultivés les bambous, puissent faire des tests de résistance pour éviter que chaque personne qui se fournisse ne doivent réitérer les tests. Mais il est compliqué de réaliser de telles mesures pour qu’elles soient +ables et précises. Lorsqu’on travaille avec le bambou il faut donc accepter de ne pas en connaître toutes les caractéristiques mécaniques et de procéder par essai-erreur s’il on veut pousser ses capacités plus loin que les approximations que l’on peut avoir.
Instabilité et irrégularité L’exemple le plus frappant du caractère instable du bambou est son «retrait au séchage puis, dans une moindre mesure (une fois sec), des variations selon l’humidité ambiante. Les variations au séchage se situent dans une fourchette de 3 à 12% en largeur de la canne (retraits radial et tangentiel) et sont quasi nuls sur sa longueur (retrait axial), ce qui explique la +ssuration longitudinale fréquente des cannes. À titre de comparaison, le retrait axial des feuillus et conifères forestiers est souvent inférieur à 1% et les retraits radial et tangentiel se situent autour de 10% »41 C’est pourquoi le temps de séchage est primordial. Utiliser du bambou encore vert n’est pas possible s’il l’on veut une construction pérenne, car cela rend très compliqué de trouver un système d’accroche qui s’adapte au diamètre en réduction. Il est en revanche très intéressant de réNéchir à un tel système : quel matériau, quel type de ligature pourrait s’adapter au
41 Perspectives de développement du bambou en France Métropolitaine 47
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cours du temps, soit tout seul, soit à l’aide d’une manipulation facile ? On peut penser au collier de serrage par exemple auquel il suf+rait de donner un coup de tournevis pour resserrer l’attache, ou à certains nœuds qui se serrent à l’aide d’un bâton, ou bien encore à des matériaux thermorétractables qui se comprimeraient davantage avec une deuxième chauffe. On retrouve donc essentiellement le bambou vert dans des pavillons temporaires, car il reste très intéressant à utiliser pour sa souplesse.
Illustration 27: dif#culté pour serrer une liaison en ligature
De plus, l’irrégularité en forme et en diamètre apparaît même au sein du même chaume. En effet, lors de la pousse le diamètre du bambou diminue en même temps qu’il s’élance vers le haut. Il n’est donc pas rare, notamment sur de longues sections, d’avoir des écarts de diamètres pouvant aller jusqu’à quelques centimètres. Cela rend la construction d’un plancher par exemple plus complexe qu’elle n’y paraît, car il est dif+cile de mettre à niveau. Le fait que chaque chaume soit unique en forme est quant à lui handicapant pour liaisonner les sections entre elles, car on ne peut décemment pas 48
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avoir de système régulier. Il faut donc penser à des manières et des matériaux qui s’adaptent, d’où l’intérêt de la ligature, méthode traditionnelle, mais on pourrait également réNéchir à des matières expansibles, ou rétractables, il faut en tout cas une certaine souplesse au départ pour fabriquer des liaisons ajustées, nous y reviendrons dans le troisième chapitre. Il faut aussi noter qu’un chaume n’est pas forcément droit et que si l’on veut travailler avec des formes courbes, il est dif+cile d’incurver chaque chaume de la même manière de façon précise. En+n, la présence des nœuds, disposés de façons inégales, peut être perturbante, par exemple lorsque l’on veut associer plusieurs chaumes pour la réalisation d’un poteau ou d’une poutre. Cela provoque même des irrégularités sur les propriétés mécaniques : « il a été trouvé que la traction au niveau des nœuds n’est que de 80 % de la force aux inter-noeuds ». Ceci s’explique par l’orientation des +bres dans le chaume, car le bambou est un matériau anisotrope, nous reviendrons sur cette caractéristique particulière. La forme naturelle, cylindrique et creuse du bambou, pourtant avantageuse, présente donc également des faiblesses. « Les caractéristiques du bambou lui-même génèrent les dif+cultés des liaisons ».42 D’où, également, l’importance du tri au départ sur lequel nous reviendrons. J’ai pu réaliser cela lors de mes propres essais, l’organisation en amont étant très importante pour sélectionner des sections équivalentes et adaptées à ce que je voulais faire.
Normes C’est pourquoi il serait très dif+cile de construire en bambou en France par exemple, où l’on souhaite s’approcher du risque zéro lorsque l’on construit.L’exemple le plus frappant reste le pavillon ZERI de Simon Velez pour l’exposition universelle de Hanovre. Aucune norme pour le bambou n’existait, il a donc été obligé de construire un prototype à l’échelle 1 en Colombie et de le soumettre à des chargements pour le tester a+n de convaincre les organisateurs allemands que la construction tiendrait la route. Dans la conception d’un projet, l’architecte prend en compte la notion de risque, c’est-àdire d’échec possible, d’inexactitude par rapport à un référentiel accepté par tous, qui sont souvent sous la forme de normes. Or en France, mais en Europe plus généralement, les risques sont chiffrés par des assurances. La prise de risque aujourd’hui est valorisée ou dévalorisée +nancièrement, l’organisation de la société dé+nissant les risques raisonnables, interdisant voir punissant certains risques. «La
42 Traditional and innovative joints in bamboo construction , Andry Widyowijatnoko 49
Ressource : les grandes originalités
réglementation est une photo de la culture constructive large d’un pays (il peut y avoir quelques variations locales). Elle reNète l’acceptable, la mesure, voir (assez rarement) les ambitions d’une société à un moment donné. »43 C’est donc un référentiel à connaître de manière à composer avec lui, la conception doit s’inspirer de l’ensemble des contraintes et usages d’un lieu avant de faire des propositions. C’est un matériau virtuel de conception qui a beaucoup d’implication sur le choix des systèmes constructifs et sur leur compatibilité entre eux ainsi qu’avec l’organisation de production. La réglementation est aussi rédigée pour permettre une certaine stabilité dans les activités industrielle, à la réglementation sont associés les lobbys. Pour les savoirs faire, elle traite de l’ensemble des pratiques validées par l’expérience et les études en laboratoire. »44 Il existe en revanche des normes relatives à l’innovation, les avis techniques (produits) et ATEX (chantier), en France. Mais aucune de ces mesures n’a pour l’instant été traité pour le bambou. Or je partage l’opinion de Pierre Frey qui nous dit que «non seulement il n'est pas rare que les normes soient utilisées pour assurer des systèmes et des positions de domination (les lobbys dont nous parlions), mais elles tendent presque naturellement à brider l'innovation et freiner la curiosité. Ce point ne peut être développé ici mais il est établi qu'en opérant par disquali+cation d'of+ce, elles peuvent marginaliser un matériau que, pour quelque raison, elles n'intègrent pas à leurs systèmes. ». On peut clairement af+rmer que c’est le cas pour le bambou.
Illustration 28: plancher du pavillon ZERI soumis à des chargements
43 Cours de Jean-Paul Laurent sur les cultures constructives, ENSAM 44 Idem 50
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Prenons un exemple au Mexique. En Février 2016, le gouvernement a changé la législation sur les subventions : dorénavant les bâtiments construits en matériaux traditionnels comme le bambou, la paille, le roseau ou même le bois, considérés comme précaires, se verraient refuser les aides pour l’auto-construction. Une initiative qui va donc à l’encontre d’un développement des matériaux locaux, et d’initiatives écologiques. Sur le projet de Comunal, taller de architectura, un travail avait pourtant été commencé avec une communauté à Cuetzalan del progreso autour d’ateliers d’initiation aux techniques de construction, pour fabriquer du logement dessiné en collaboration avec les habitants. Mais le projet ne pouvant pas recevoir de subvention, il devenait dif+cile pour les habitants de faire de l’auto-construction. Il fut donc décidé de concevoir un nouveau modèle, qui supprimerait le bambou pour les parties structurelles a+n de s’adapter aux nouvelles réglementations. En revanche, ils souhaitent continuer de chercher à prouver la viabilité de leur premier modèle, croyant réellement que « les matériaux traditionnels de construction devraient être approuvé dans les politiques de logement a+n de permettre une autonomie des populations indigènes, de promouvoir la valeur de l’architecture vernaculaire et la conservation de connaissances intangibles ».45
Illustration 29: Communal de taller, Mexique
45 https://divisare.com/projects/343164-comunal-onnis-luque-social-housing-production 51
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Circuit court Nous parlerons ensuite de l’importance du caractère local du matériau. Mais même si nous imaginions une alternative où le bambou serait importé chez nous en circuit court (un circuit court ne dépend que du nombre d’intermédiaires, pas de la distance) depuis des exploitations responsables de pays tropicaux, avec une empreinte carbone faible par exemple via un transport maritime, le problème majeur de l’utilisation du bambou, du à sa forme, demeurerait. En effet, ce cylindre irrégulier ne permet pas de réaliser la continuité d’une enveloppe, il est très dif+cile de créer des remplissages qui viennent s’adapter à la forme des porteurs. J’ai pu noter cela lors de mon expérience avec Raw Impact. Même en climat tropical, où l’étanchéité à l’air n’est pas une contrainte, il fut très compliqué de créer des murs étanches à l’eau. En effet l’irrégularité des sections, que ce soit les poteaux ou les lamelles pour fabriquer les murs, génère des espaces dans lesquels l’eau s’in+ltre aisément. De plus la question de la position du mur par rapport à la structure prend tout son sens : pour des raisons évidentes de durabilité il ne faudrait pas laisser la structure apparente, mais alors comment venir attacher les murs à l’extérieur de celle-ci (alors qu’il est beaucoup plus aisé de remplir entre les porteurs). On utilise plus traditionnellement des panneaux de bambou tressés, déjà plus étanches mais dont la +nesse ne permet pas une durabilité suf+sante. Avec des murs fabriqués en lamelles juxtaposées, on obtient une meilleure durée dans le temps mais il faut au minimum trois couches, et une précision dans la construction pour que le dispositif soit étanche. C’est pourquoi, lorsqu’on veut en plus se protéger du froid par exemple au Népal, des systèmes alliant un enduit terre intérieur aux murs de bambou ont vu le jour. Mais le simple matériau ne semble pas suf+sant. On imagine bien qu’en Europe, cela s’annonce encore plus complexe. D’autant plus que nous avons plus pour habitude de travailler avec des éléments de remplissages rigides (carrelage, verre...). Cela va à l’opposé de la culture asiatique qui accepte davantage le caractère Nexible des bâtiments (les échafaudage souple sont plus rassurants). Mais cette culture est liée au fait que les Asiatiques n’ont par exemple pas besoin d’utiliser de verre pour leurs ouvertures, ce qui semble compliqué avec du bambou. Nous utilisons davantage de matériaux très rigides, ce qui est un souci pour d’autres matériaux bio-sourcés qui se développent, par exemple la paille : comment réaliser un carrelage sur une isolation en paille, qui s’affaisse et varie avec le temps ? C’est l’inconvénient de l’utilisation des matériaux vivants dans notre société occidentale.
52
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Illustration 30: dif#culté à réaliser la continuité de l'enveloppe : maison n°1 Raw Impact
Illustration 31: Design de mobilier de Yi-Fan Hsieh, globalisation du bambou
Mais si nous nous posons la question de cette enveloppe continue sur un système poteaux-poutres, serait-ce parce que nous sommes encore en train d’imiter la façon de construire en bois ? Il est possible que des formes architecturales et des modes de mise en œuvre bien plus adaptés au matériau soient possibles, par exemple des structures tridimensionnelles en maillage qui utilise la souplesse du matériau et le rigidi+e en le tressant. Nous reviendrons sur cette question ouverte en troisième partie.
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2 . 3–unemat i èreoubli éeetrej et ée « Le fait que le bambou présente des valeurs imbattables en termes d’argent est l’une des raisons pour l’utiliser à nouveau comme un matériau de construction dans l’hémisphère Sud. Et pourtant, les populations de ces pays ont tendance à continuer d’accepter le prix plus élevé du béton et de l’acier parce qu’ils incarnent le monde moderne tout comme les voitures et les télés »46
Le bois du pauvre «L’une des raisons majeure de la négligence du bambou est le manque d’acceptation par les professionnels de la construction. Les ingénieurs et les architectes préfèrent travailler avec la détermination d’un système ou d’un matériau bien connu, supporté par de solides connaissances de ses propriétés, soutenu par l’existence d’un minimum de spéci+cations du code sur lesquels ils peuvent baser leur jugement et leurs décisions de conception. ».47 Heureusement ce n’est pas le cas de tous, et de plus en plus de professionnels se tournent vers des matériaux qui ne sont pas encore bien connus. Mais il est vrai que ces méthodes ont du mal à se développer, souvent ralenties par le surplus de travail qu’elles représentent. Il n’en reste pas moins que le travail du bambou n’est connu et utilisé, à l’heure actuelle que par peu de professionnels du bâtiment, souvent à destination de populations riches. Il y a eu une réelle coupure de la transmission du savoir, probablement au moment où des matériaux plus contemporains sont apparus sur le marché, s’imposant comme plus durable dans le temps. Le bambou est alors vite devenu « le bois du pauvre », et a même commencé à être abandonné par la population locale, plus sensible à ces nouveaux produits dont l’entretient est moins régulier. « Ce qui est observé dans les zones rurales de l’Asie du Sud-Est est que les gens utilisent toujours le bambou comme dernier recours, comme un ‘’mieux que rien’’. » C’est pourquoi, les toits de tôle se sont aussi multipliés, alors qu’il est évident qu’ils génèrent une surchauffe considérable, qu’ils rouillent dès la première mousson et que, mal mis en œuvre, ils peuvent en plus être +nalement moins étanches. Alors
46 Grow your own house, SimUn Vélez and bamboo architecture, publié par le Vitra design museum 47 Fundamentals of the design of bamboo structures , Arce O. A. 54
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qu’une toiture en chaume, même d’une seule épaisseur permet de diminuer l’apport de chaleur, mais les caractères périssable et inNammable (alors que les Cambodgiens cuisinent en général sous la maison, ce qui n’est donc pas cohérent) rebutent la population de ce matériau traditionnel. Calvin Tiam a mis au point un revêtement de toiture à partir de déchets plastiques, un Néau environnemental des pays en voie de développement. Ce nouveau matériau est 400 fois plus isolant que la tôle et répond peut-être davantage aux attentes des habitants à la recherche de quelque chose qui n’évoquerait pas un matériau « du pauvre ». « L’un des autres problèmes social autour du bambou est la population ciblée qu’on lui associe. Le Professeur Krijgsman (…), a dit une fois que si l’on voulait promouvoir l’utilisation d’un certain système ou matériau parmi la population la plus en besoin, il faudrait d’abord démontrer que c’est aussi une solution acceptable par les plus riches de la société »48 On peut donc se réjouir des initiatives qui utilisent le bambou pour des populations plus riches, comme évoqué précédemment : des complexes hôteliers, restaurants et autres pavillons. Mais il faudrait que cela ne s’arrête pas seulement au tourisme, mais se développe également pour de l’habitat par exemple.
Illustration 32: Restaurant de La Vong, Vo Trong Nhia, exemple d'architecture pour les plus aisés
48 Fundamentals of the design of bamboo structures , Arce O. A. 55
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Illustration 33: Contraste avec un habitat précaire en bois et bambou
Les méconnaissances L’un des exemples marquant de cette incompréhension du matériau est que « le bambou n’est pas approprié pour les charges perpendiculaires parce qu’il n’y a pas de « cross +bers »49 c’est-à-dire que toutes les +bres sont dans la même direction. En effet ce matériau anisotrope (les propriétés varient suivant la direction) présente une faiblesse : « Un test de Nexion cause des contraintes en compression sur la partie supérieure de la poutre, ce qui ne pose pas de problème au matériau. En revanche, cette compression cause des efforts perpendiculaires aux +bres, et cela se produit à l’intérieur du matériau, entre les +bres (lignine), ce qui est un point faible dans la reprise des efforts. Cela est donc le point faible d’une poutre en bambou. » Mais Janseen se pose tout de même une question importante : pourquoi la plupart des ingénieurs pensent qu’une section comme un tube de bambou ne pourrait pas être utilisé comme une poutre ? « Les matériaux en forme de tube qu’ils ont l’habitude de pratiquer sont ceux en acier, ce qui est très cher. Par conséquence, les ingénieurs utilisent toujours des sections en I pour les poutres. Mais si on imagine que le matériau est contraint des deux côtés de manière horizontale vers l’axe de symétrie horizontal : le résultat est quelque chose de similaire à un pro+l de poutre en acier. » Il est donc possible d’utiliser une section en « tube » pour une poutre ! Ce sont des habitudes liées à l’acier qui faussent souvent le jugement. De plus un autre phénomène se révèle facteur d’incompréhensions. « Dans un vrai test de Nexion, les nœuds jouent un rôle de charnière en plastique avec le
49 Bamboo Connections, Chris Davies + Supervisor Pete Walker 56
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diaphragme, ce qui cause plus de déformation. Mais dans un test avec une travée très courte, les nœuds renforcent le chaume qui fonctionne alors comme un arc, avec pour résultat moins de déformation. De nombreux chercheurs ont donné des conclusions fausses car ils n’étaient pas au courant de cela. » Rendre acceptable : Raw Impact Lors de mon expérience chez Raw Impact, les enjeux architecturaux des habitations étaient liés à une observation du style de vie cambodgien en milieu rural a+n de déterminer des usages. Ceux des bâtiments « collectifs » tendent à évoluer assez rapidement, car ils doivent pouvoir être modulables au gré de l'évolution des projets de l'ONG. L'un des aspects de la mission était de faire accepter un nouvel esthétique, dû au changement de matériau, lorsque Raw s’est tourné vers le bambou. En effet il ne sert à l'heure actuelle qu'aux petites constructions éphémères, il fallait donc montrer aux habitants qu'il était possible de construire à une plus grande échelle, plus robustement et pour une durée plus conséquente. Cette question d'esthétique pour le logement social, à prix très bas, est très importante, car il ne s'agit pas seulement de loger les personnes, mais de leur donner un nouveau lieu pour habiter. Or cette notion d'habiter évoque un certain confort, à un sentiment de « chez-soi » qui n'est pas possible si la construction a un aspect qui renvoie une image de pauvreté, une esthétique de « bidonville ». Cette problématique est soulevée dans les camps de migrants par exemple, mais également dans tous les logements sociaux : à quel moment habite-t-on un lieu ? Il faut faire attention aux différentes visions. Celles d'un occidental ou d'un architecte peut parfois être en désaccord total avec celle de l'habitant. Il était implicitement demandé de rompre avec le style traditionnel a+n de prouver les capacités techniques du bambou et de montrer que l'on pouvait réaliser des choses contemporaines. Or il est toujours intéressant de s'intéresser aux traditions en place d'un point de vue esthétique, car cela découle souvent de la typologie, en accord avec le mode de vie, et d'une réponse à des conditions climatiques, dont nous reparlerons ensuite. Le style traditionnel d’une maison khmer rurale se résume en quelques points clé, issu des modes de vie de ses habitants et des conditions climatiques. Il faut tout d’abord noter que tous les bâtiments sont construits sur pilotis pour les problèmes d'inondation en saison des pluies, la zone en dessous de la maison servant d’abris pour garer les scooter mais aussi souvent de cuisine en saison sèche et de lieu de vie (étendre le linge, installer un hamac…). Analysons le plan des « One hundred Houses » un projet de logement social réalisé par Van Molyvann, l’un des plus grands architectes Cambodgien. C’est un projet qui propose une alternative au logement urbain des « shop houses » chinoise que l’on retrouve dans tout le pays. On se rend compte que le plan est d’une grande simplicité : une salle de vie commune pour la famille, qui servira aussi 57
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Illustration 35: Façades - maison n°1
Illustration 36: Maison n°1 - Coupe et plan de toiture
En effet, en venant en rupture avec ce style traditionnel, il était en réalité plus dif+cile de faire accepter un projet aux habitants. En effet l'expérience a prouvé que durant la mission 2017, les Cambodgiens préféraient les projets, qui se rapprochaient +nalement davantage de l'esthétique du pays. Il me semble évident que se détacher de la culture constructive en place peut s'avérer une bonne initiative mais il faut dans ce cas s'attacher à conserver les qualités déjà présentes sur les habitats traditionnels, tant en termes d'usage, qu'en termes de réponses aux contraintes que présente le pays. Intéressons-nous donc aux avantages que présente le bambou, pour comprendre en quoi il serait judicieux d’en développer sa culture constructive.
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3 )L esavant ages–pourquoidevrai t on dével opper l afi l i èrebambou?
3 . 1-val eursenvi ronnement al es Local « l'industrie de la construction est la plus grande consommatrice de ressources naturelles ; et c'est probablement dans ce domaine que des impulsions environnementales peuvent avoir le plus grand impact. » Simon Velez. Ainsi il me semble important de « Consommer ‘plus de matière grise’ pour consommer ‘moins de matières premières’»50 C’est pour cela que je me sens très concernée dans l’utilisation de matériaux naturels, bio-sourcés, issus de réemploi ou même de déchets. Tout comme le collectif Encore Heureux il faudrait tendre « à considérer la matière présente non plus comme un déchet à évacuer le plus loin possible, mais comme un capital à valoriser et à préserver. Toute une chaîne de production et de savoir-faire doit donc être réinventée ou adaptée. L’exposition formule l’hypothèse que ce nouveau regard porté sur la matière génère et générera une nouvelle approche de l’architecture et de la construction. L’ingéniosité ne sera plus uniquement celle du dessin sur la page blanche mais la capacité et l’opportunité de faire avec ce qui est là. » Et dans les zones tropicales, ce qui est là, c’est bien le bambou. Il apparaît évident que c’est une ressource qui devrait être davantage considérée par les populations locale, car cette plante pousse vite, et en abondance. il pourrait s’agir d’un substitut au bois intéressant pour palier la déforestation importante dans certains pays, comme le Cambodge. D’autant plus qu’il existe « besoin toujours plus grimpant de logement pour la population qui ne cesse d’augmenter dans le monde. C’est un argument d’autant plus fort que les régions dans lesquelles pousse le bambou sont identiques à celles avec le taux de population le plus élevé. » Nous pouvons citer l’Inde par exemple qui comptait 1,324 milliard d’habitants en 2016, soit 17,5 % environ de la population mondiale. De plus, d’un point de vue environnemental, le bambou présente d’autres caractéristiques très intéressantes. En effet, de part sa régénération, il existe une
50 Collectif encore heureux
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absorption permanente de CO2. Cruz Rios a estimé à 21,41 tonnes le carbone +xé par an et par hectare51, Janseen à 17 tonnes par hectares et par an (guada au Costa Rica). « On pourrait facilement recommander de petits bosquets de bambou pour tous les poumons verts de nos villes polluées ». Mais il faut tout de même nuancer ce propos en ajoutant que ceci n’est vrai que si le bambou est transformé en produit avec une vocation à une longue durée de vie, et non pas utilisé en combustible. Il n’y a pas vraiment de consensus scienti+que à ce sujet. L’étude des publications scienti+ques par la Bamboo Society of Australia permettrait de conclure « que le bambou n’est pas une plante plus intéressante que les cultures forestières classiques, pour la +xation et la séquestration du carbone. En effet, la capacité de la plante à +xer le carbone est directement liée à son rendement global. Or de nombreuses productions forestières sont en capacité de produire une biomasse totale annuelle supérieure au bambou. » Il s’agit tout de même d’une matière issue du vivant, qui de part son caractère biodégradable, en fait un matériau bio-sourcé avec une faible empreinte écologique. Ses racines très denses permettent de réduire l’érosion des sols et de retenir l’eau en régulant les Nux hydrauliques: cette plante peut retenir l’eau en saison des pluies pour l’utiliser plus tard en saison sèche. Grâce à l’évaporation liée aux feuilles, une forêt de bambou contribue à la réduction de température ambiante « Elle atteint 170L d’eau par m³ pour une bambouseraie adulte en période de croissance en +n de printemps »52. On estime53 qu’il nécessite plus de deux fois moins d’énergie primaire pour sa production que le bois. Mais ces chiffres ne sont +ables que si l’on parle de bambou ‘entier’ non transformé et utiliser localement.
Global On peut observer quelques projets en Europe se développer, le bambou ayant un aspect écologique qui le projette sur le devant de la scène. Mais sur notre continent l’utilisation du bambou n'a pas réellement de sens, car les plantations nécessaires pour la fabrication n’existent pas et le climat trop sec ne correspondant pas au bambou pour des enjeux structurels. Cela implique un transport important et nous n’entrons plus dans un processus de circuit court, perdant ainsi tout son aspect écologique et économique. «Le second frein concerne la limitation climatique et pédologique du bambou.
51 Building With Bamboo: Design and Technology of a Sustainable Architecture, Gernot Minke 52 Perspectives de développement du bambou en France Métropolitaine 53 Building with bamboo, Janssen Jules 61
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nécessaire à sa fabrication. Le bambou perd alors toutes ses qualités environnementales. Il est donc nécessaire de poser un cadre pour l’utilisation de ce matériau : il doit rester local et subir le moins de transformation possible pour qu’il reste vraiment avantageux, tant en termes de respect de l’environnement qu’en termes économiques. « Nous devons constamment nous demander ce que peut signi+er un matériau donné dans un contexte architectural donné. Des réponses justes à cette question peuvent laisser apparaître sous un jour nouveau aussi bien la manière dont ce matériau est utilisé que ses qualités sensuelles et sa capacité à produire du sens. Parvenus au but, nous pouvons donner résonance et rayonnement aux matériaux. » 57 Essayer de cultiver le bambou chez nous ne me semble donc pas cohérent. On pourrait tout de même noter quelques initiatives européennes qui tendent à développer la recherche dans le bon sens, par exemple la fête du bambou à paris, le Bambazar, qui essaie de faire découvrir le travail des artisans européens et d’inciter étudiants et chercheurs à explorer le potentiel bambou. Sensibilisation La grande question reste de convaincre les populations dans le besoin qu’un retour à des matériaux plus naturels pourrait être une alternative plus responsable. Comment convaincre des populations qu’il ne faudrait pas construire massivement avec des matériaux qui dégradent la planète et la santé ? Il s’agirait déjà d’inculquer une éducation autour de l’écologie et de l’environnement, des notions qui ne sont pas même acquise en occident. En effet, par exemple, les questions environnementales ne touchent pas encore du tout les populations asiatiques, qui pro+tent pour l’instant d’un développement qu’ils n’ont pas connu avant. On retrouve un vrai problème de déchets, même dans des sites très touristiques : « plus de dix millions de sacs en plastique sont utilisés par les Cambodgiens, spécialement dans les zones urbaines, chaque Cambodgien utilisant en moyenne cinq sacs en plastique quotidiennement. Si la consommation est déjà excessive, ce sont les comportements concernant les sacs usagés qui posent problème. Nombre de citadins ont pris la mauvaise habitude, depuis de longues années, de jeter les sacs sur la voie publique, créant ainsi multitude de petits dépotoirs sauvages. » La voiture est encore envisagée comme un outil démonstratif de richesse, et seules les très grosses voitures, les plus polluantes, sont désirées. Mais les scooters, utilisés par la majorité de la population sont un réel problème : « Aux côtés des voitures et des camions, les deux-roues à moteur 2 temps participeraient aussi activement à la pollution des villes, notamment dans les pays en développement en Asie et en Afrique.
57 Penser l’architecture, Peter Zumthor
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Ces engins seraient même plus polluants que beaucoup de quatre-roues en raison de leurs rejets de particules mais aussi de composés organiques volatils (COV), parfois plus de 100 fois supérieur à ceux d’un autre véhicule, révèle une étude de plusieurs organismes européens de recherche, dont l’Institut suisse Paul Scherrer de Villigen. ». Certaines mesures commencent néanmoins à être envisagée comme la création de transport publique à Phnom Penh, des journées de l’environnement propre, ou encore des initiatives de scooters « verts ». En effet, un Français a par exemple monté un système de location de scooters électriques sur le site d’Angkor, interdit aux deux-roues pour les étrangers. En plus de faire pro+ter d’une alternative aux touristes, il propose une solution plus respectueuse de l’environnement. Il m’a af+rmé vouloir développer ce système pour la commercialisation, m’expliquant que son argument de force ne serait pas l’écologie mais le prix réduit du carburant qui pourrait intéresser les Cambodgiens. Cet exemple montre bien qu’il faut être agile pour proposer des alternatives qui vont dans le sens de nos valeurs, mais qui pourraient toucher les intérêts des populations. Il s’agit donc d’« un challenge pour trouver et propager des matériaux de construction pour le Tiers Monde qui pourraient être des alternatives à l’acier. De nouveaux matériaux, plus humain et avec une valeur esthétique ajoutée, plus économiques fait à partir de matières organiques, et peut-être fait à partir de bambou »58
Illustration 38: Recyclage du plastique au Cambodge
58 Bambus – Bamboo, sous la direction de Frei Otto
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3 . 2 –da ’ ut resquali t és Simplicité Le bambou est une ressource très abordable, lorsqu’elle est exploitée sur place et que l’on supprime les coûts liés au transport. En effet, pour donner un ordre d’idée, le prix au Cambodge d’un chaume de 6m de long de 80mm de diamètre et de 4$ non traité, et de 12$ s’il a déjà été traité. Pour le transport, Raw paie 250$ pour le transport de 400 chaumes depuis la province de Kratie, soit environ 300km. C’est donc un matériau très peu onéreux. On imagine bien que supprimer tout transport, dans une logique de construire à la place des chaumes, reste utopique. Surtout lorsque l’on sait que couper un chaume ne signi+e pas tuer la plante, il devient peut-être alors plus cohérent de construire à proximité. C’est à ce moment que la notion de maniabilité devient importante. Premièrement, les chaumes, souvent coupés en sections équivalentes au bois (6, 8mètres) pour qu’ils restent utilisables malgré les variations de dimensions, sont très faciles à transporter, sur une simple charrette, ou par camion s’il y a plus de distance. Sa légèreté, liée à sa forme creuse permet une manutention par un seul homme. La manipulation sur le chantier est donc très facile, et permet de répartir la main d’oeuvre, qui peut travailler en binôme seulement, sur tout l’ouvrage. On a ainsi une certaine rapidité de mise en œuvre, qui dépendra bien sûr du type de liaison choisi et de la quali+cation de la main d’œuvre. Les nuisances de chantier sont faibles car il s’agit d’un matériau typique de la +lière écologique. Il permet de construire rapidement et quasiment sans nuisances de chantier (bruit, déchets, encombrement, émanations volatiles) Travaillant souvent seule à l’atelier, j’ai pu me rendre compte de cet avantage que représentait la légèreté. En effet, je pouvais transporter mes chaumes seule, le seul inconvénient étant surtout la longueur. Il était donc facile de transporter, ranger, couper etc : la praticité du matériau a bien été véri+ée.
Illustration 39: Principe de la Convento House : construire à l'endroit où l'on ceuille
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Il offre également une variété esthétique étonnante, d’espèces de couleurs, formes et matières différentes mais également dès qu’on commence à le travailler. Le une plante à tout faire qui engendre une richesse de savoir-faire artisanaux. On peut ainsi le travailler sous différents aspects : contrecollé, tissé, en contreplaqué, en bardage etc.
Illustration 40: Variété de bambou striée, bambouseraie d'Anduze
En+n une très faible transformation est nécessaire. Le fait de réduire ces étapes de préparation du matériau, et donc le temps nécessaire, permet également de diminuer les coûts. Nous reviendrons sur les étapes de transformation, mais il faut signaler que l’absence d’écorce réduit non seulement le temps de production mais aussi les déchets liés au bambou. Ses branches sont également faciles à enlever et le caractère irrégulier doit être accepté par le concepteur. A part un traitement pour la durabilité, il n’y a donc pas grand-chose à faire pour passer de la matière au matériau de construction. Certains chaumes sont parfois courbés dans le sens inverse pour les rendre plus droits, mais cela semble aller à complètement à l’encontre du matériau. Il apparaît plus cohérent de concevoir avec la courbure naturelle du bambou, ou de choisir une espèce qui a tendance à pousser plus droit.
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Flexibilité
« Le Bambou, grâce à ses propriétés uniques d’élasticité, offre des possibilités constructives in+nies, permet des formes originales, aériennes, dé+ant les lois de la pesanteur. »59 Ainsi, son caractère Nexible, bien plus que tous les autres matériaux, donne un potentiel de création incomparable, en plus d’être très résistant aux séismes. Linda Garland, nous dit de façon poétique : « Bamboo houses dance along the tunes of the earth »60 Linda Garland. Bien sur, il s’agit également d’une contrainte, ne permettant pas de grandes capacités de Nexion, en poutre par exemple. Mais si l’on conçoit avec cette contrainte, on peut, par exemple, imaginer des bâtiments avec des formes organiques uniques.61 Une fois encore, on peut se demander si construire en poteauxpoutres est véritablement adapté au matériau. Raw Impact a essayé, accompagné de spécialistes venus d’Australie, de courber des chaumes, pour la réalisation d’une potentielle maison commune. Il n’est pas évident de réaliser de telles opérations car contraindre le chaume diminue à partir d’un certain point ses caractéristiques physiques. Or ce point, à part par essai-erreur, est dif+cile à évaluer. Le bambou a une propriété étonnante, c’est qu’il revient à son état d’origine sans rompre comme le bois pourrait le faire, tout en ayant quand même dépassé sa limite d’élasticité. Janssen explique aussi lors d’un test de résistance que « si l’échantillon était une poutre de bois, il aurait craqué en deux. En revanche, toutes les +bres du bambou existent toujours sans dégâts. La seule chose qui se soit passée est que le lien entre les +bres s’est cassé et par conséquent que la forme circulaire de la coupe a perdu de sa force. Remarquablement, si le chargement est retiré, l’échantillon de bambou reviendrait à sa forme d’origine. Ce phénomène a une grande importance en termes de praticité. Si une maison en bambou a souffert d’un tremblement de terre, certains éléments pourraient présenter des dommages. Mais la maison serait toujours debout et habitable. Des mesures de réparations temporaires, comme un renfort en corde autour du bambou, sont tout ce qui serait nécessaire et les porteurs endommagés pourraient un jour être remplacés. » Cela nous prouve une fois de plus la praticité du bambou, liée à ses caractéristiques physiques, et son avantage pour les zones sismiques n’est plus à démontrer. De plus il est très avantageux d’avoir un bâtiment qui se répare facilement, notamment pour les populations les plus précaires.
59 Elora Hardy 60 « Les maisons de bambou dancent sur les vagues de la terre » 61 « The Potential of Bamboo as Building Material in Organic Shaped Buildings »Esti Asih Nurdiah 67
Ressource : les grandes originalités
Pour Simon Velez« les questions spatiales sont intimement liées, dès le premier coup de crayon, aux contraintes structurelles, constructives et statiques. Velez ne pense l'espace architectural qu'en adéquation permanente avec la question « comment vais-je le construire ? » 62 Les choix architecturaux sont donc guidés par des contraintes, des usages etc... La matérialité est également essentielle, particulièrement car il s’agit d’un matériau naturel, qui nous relie à la terre, nous rapproche de la nature. Ces deux notions viennent participer à la création d’ambiances particulières, qui découlent aussi des choix architecturaux. Cela engendre des sensations particulières sur l’utilisateur. Simon Velez « met un point d’honneur à garantir la stabilité en pratique, mais aussi sur le plan de l’impression subjective qu’elle produit sur leur spectateur ou leur usager. C’est une chose de s’assurer du fonctionnement et de la sécurité de structures qui demeurent souvent indéterminées, c’en est une autre de leur assurer un confort perçu comme irréprochable. Spécialement quand la qualité maitresse du matériau utilisé est sa grande élasticité. Le bambou, matériau « pauvre » peut être utilisé mais moyennant une mise en œuvre qui rende ses performances rassurantes. (…) c’est pour cette raison que l’architecte, dans la maison expérimentale qu’il a construite pour lui-même, a chargé massivement les planchers de l’étage pour éviter que ses hôtes ne soient inquiétés par la perception de leur élasticité naturelle.”
3 . 3–unemat i èrefi bréerési st ant e
Notons tout d’abord que les résultats présentés ici sont à nuancer car ils sont issus de différents tests sur différentes espèces, et que très souvent on donnera les meilleures valeurs. Capacités mécaniques La résistance en traction du bambou (résistance élastique?) peut s’approcher de celle de l’acier : « La résistance en traction est relativement haute et peut atteindre 370MPa »63 En comparaison, l’acier de construction usuel non allié présente des résultats entre 235 et 355 MPa64. Sa résistance en compression, quant à elle, peut atteindre celle du béton : elle peut aller jusqu’à 1200kg/cm² , soit 120N/mm² – MPa. 65
62 63 64 65
Frey http://www.bambouscience.fr/2011/06/24/caracteristiques-mecaniques-du-bambou/ Cours résistance des matériaux Bambouseraie d’Anduze 68
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alors que celle du BTHP, béton de très haute performance est de 100 à 150 MPa. On appelle "module d'élasticité" l'aptitude d'un matériau à résister aux forces de Nexion. Il s'exprime en général en Newtons par millimètre carré. Plus la valeur du module est élevée, plus le matériau est rigide. «Le module d’élasticité MOE est toujours obtenu à partir d’un essai de Nexion. Pour des diamètres inférieurs à 60 mm, Le MOEf moyen est d’environ 13500 MPa et le MORf est en moyenne de 100 MPa. Pour des diamètres supérieurs le MOEf est de 6500 MPa et le MORf est de 50 MPa. Selon les essais nous remarquons que le module d’élasticité en Nexion MOEf croît avec la hauteur de l’échantillon dans le pied de bambou. »66 « A titre d'exemple, l'acier avoisine les 200.000, le titane 100.000, le chêne 12.000 , le frêne 10.000 N/mm2. » 67. En revanche pour le cisaillement « le désavantage est du à la forme creuse, le bambou est dans une position de faiblesse par rapport au bois. Considérons un échantillon de bambou de 100mm de diamètre et 9mm d’épaisseur. Un échantillon de bois de même section aura 51mm2, alors que le bambou n’aura que 18mm pour faire face au cisaillement. Pour des jonctions faites avec des attaches comme des tiges +letées et des boulons par exemple, cela pose un problème. ». Mais « l’avantage est que le bambou n’a pas de rayons comme le bois ». Les rayons sont faibles mécaniquement, et il en résulte que le bambou est meilleur en cisaillement que le bois. Cependant cet avantage est invalidé dans la plupart des cas à cause de la forme creuse. » 68
Illustration 41: Un exemple de prouesse : le Sport Hall de l'école Panyaden, Chiang Mai, Thaïlande
66 http://www.bambouscience.fr/2011/06/24/caracteristiques-mecaniques-du-bambou/ 67 Cours résistance des matériaux 68 Janseen ?? 69
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Notons donc que le bambou est capable de grandes prouesses comme le pont de Simon Velez à Medellin ou le hall de sport d’Earth and bamboo architecture en Thaïlande, présentant tous les deux de très grandes portées.
Illustration 42: Des portées phénoménales : le pont de Simon Velez à Medellin, Colombie
Composition physique Un autre exemple de l’ef+cacité structurelle naturelle du bambou est la répartition des +bres et des vaisseaux au sein d’une section. «La cellulose agit comme renforcement, de façon similaire aux barres d’acier dans le béton armé ou les +bres de verre dans le plastique renforcé. Ces +bres sont concentrées sur l’extérieur de la section. La rigidité que permet cette répartition non-uniforme est de 10 % de plus que celle qu’une distribution plus homogène pourrait offrir. »69 Mais le bambou est un matériau anisotrope, orienté. Comme nous l’avons vu précédemment il présente tout de même une faiblesse en Nexion, car les +bres, qui ne rompent pas, sont tout de même séparées. « Il est très facile d’écraser un morceau de bambou posé à plat. Une simple pression du pied suf+t à aplatir la tige en forme de tube. Les cloisons des nœuds du bambou le renforcent localement. La tige de bambou est plus résistante à l’écrasement au niveau de ses nœuds. L’organisation et l’orientation des +bres donnent aux matières en +bres des propriétés particulières qui
69 -Building with bamboo, Janssen Jules
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varient en fonction de la direction. Une direction importante de ces matières anisotropes est celle du sens des +bres.L'anisotropie (contraire d'isotropie) est la propriété d'être dépendant de la direction. Quelque chose d'anisotrope pourra présenter différentes caractéristiques selon son orientation. La direction de +bres lui permet donc de telles performances en traction et en compression, mais de moins bons résultats en Nexion. »70 Or « des tiges soumises à la traction peuvent rarement être trouvés (Dunkelberg, 1985). Bien que le bambou ait une résistance à la traction très importante il est dif+cile de connecter les chaumes pour maximiser l’utilisation de cette force, particulièrement quand le connecteur est réalisé avec des matériaux traditionnels qui sont souvent issus de ressources naturelles. Dans la plupart des constructions traditionnelles en bambou, la structure est formée de sections droites et entières. Elles sont quasiment toujours en compression ou en Nexion. » Janssen a également comparé le comportement du bambou au bois et à l’acier. « Dans des circonstances normales, l’utilisation du métal est économique parce que la différence entre la contrainte admissible et la contrainte maximale avant rupture est faible, ce qui signi+e que le matériau peut être utilisé de façon optimale. L’utilisation du bois et du bambou, au contraire, est moins optimisé, car la contrainte admissible est très basse par rapport à celle maximale. Mais dans le cas d’une catastrophe naturelle comme un ouragan ou un tremblement de terre, en revanche, la contrainte sera multipliée. Dans ce cas, les contraintes dans l’acier passeront dans la zone d’échec mais pas pour le bois ou le bambou. Cela veut dire que les structures en acier auront plus de dommage alors que la plupart des structures en bois et bambou resteront en bon état. Une maison en bambou est un bon abri pendant un ouragan ou un tremblement de terre. ». On peut donc en conclure que cette matière présente à priori les capacités pour être un vrai matériau de construction.
70 Amàco, mémoire sur les #bres 71
Ressource : les grandes originalités
Concl usi on duchapi t reI
Nous avons exploré la ressource en elle-même pour comprendre si malgré toutes les contraintes que présente le bambou, il serait tout de même un matériau judicieux et abordable pour la construction. Tout d’abord, puisqu’il s’agit d’une ressource qui ne pousse pas partout, nous avons pris conscience que son utilisation locale, aux endroits même où il est capable d’être cultivé, était pour le moment plus pertinent. Nous avons pu comprendre en observant le matériau de manière précise, à travers des données scienti+ques mais également en l’expérimentant, qu’il présentait de nombreuses contraintes. Il est utilisé depuis toujours pour divers usages, mais il est bon de sélectionner rigoureusement les bonnes espèces s’il on veut en faire un matériau de construction performant. Et c’est justement le fait qu’il existe une multitude d’espèces différentes qui rend son utilisation compliquée. En plus, elles réagissent différemment en fonction du milieu (climat, sol…) et l’âge d’un chaume fera aussi varier ses caractéristiques et ses capacités. Toutes ces différences en font un matériau non-stardisable, ce qui freine son utilisation, dans des sociétés toujours plus normées. Il est en effet bon de se questionner sur notre rapport au risque : jusqu’où pourra-t-on appliquer des normes et quelle part d’aléatoire et d’incertitude pourrait-on +nalement accepter ? C’est l’une des raisons qui rendraient impossible son application en Europe. Ajoutons à cela que ses variations de formes et sa Nexibilité ne permettent pas la réalisation d’enveloppe continue et l’adaptation à des remplissages plus rigides tels qu’on les emploie dans notre culture, ce qui le rend inadapté au climat tempéré. En effet le bambou est une matière vivante, et donc périssable. On peut alors se poser la question de ce que l’on accepte en termes d’entretien, puisqu’une maintenance régulière est nécessaire. Il faudrait explorer davantage la notion de coût global pour comprendre si cela n’impacte pas, au +nal, de façon négative l’aspect à priori très économique du bambou. Mais cette matière vivante est en revanche une solution qui offre un rapprochement à la terre, et une certaine vision du monde et de l’architecture. En effet il existe une réNexion derrière le fait qu’un matériau se dégrade avec le temps pour redevenir matière: cela nous pousse à nous questionner sur le rapport au temps de l’architecture. Cet aspect peu durable, qui est en fait l’un des premiers blocages pour l’application en construction, pourrait pourtant être acteur de lien social, par la maintenance régulière qu’il impose, et de mémoire collective. Et cette mémoire, justement, s’est perdue. En effet on se rend compte que le bambou est de plus en plus 72
Ressource : les grandes originalités
délaissé au pro+t de matériaux considérés comme plus durables par les habitants : le béton, la brique, la tôle. Ils sont devenus synonymes de richesses, au même titre que la voiture, rejetant les matériaux naturels locaux. Le bambou est aujourd’hui le « bois du pauvre » et la chaîne de transmission des savoirs et savoirs-faire paraît s’être rompue. Le matériau ne semble plus acceptable aujourd’hui, particulièrement par les populations qu’il cible avec son caractère abordable, c’est-à-dire les plus précaires. Mais on assiste aujourd’hui à un renouveau du bambou pour des bâtiments destinés à des populations plus aisées. Beaucoup d’architectes s’emparent du matériau pour des constructions liées au tourisme par exemple, qui séduit grâce à ses aspects écologique, exotique et authentique. C’est une bonne chose qu’il change de cible, a+n de prouver que le bambou pourrait être tout à fait convenable pour de la construction bon marché également. Pour ce faire il faudrait aussi que le transfert de l’esthétique traditionnelle à une esthétique adaptée au bambou se fasse avec un certain respect des constructions traditionnelles, dont il faut puiser les qualités. Il y a un véritable enjeu pour le faire accepter de nouveau. Mais, malgré toutes ces contraintes, le bambou présente aussi des qualités époustouNantes. En termes de capacité mécaniques, il est loin d’être ridicule puisqu’il s’approche du béton en compression et de l’acier en traction. On pourrait tout à fait l’utiliser pour construire. Sa simplicité de transformation et de mise en œuvre, sa légèreté et sa maniabilité sont aussi de véritables atouts. Sa Nexibilité, qui complexi+e la conception, lui donne pourtant aussi un potentiel créatif étonnant. On peut donc se demander si son utilisation actuelle est adaptée à toutes ces caractéristiques et si elle explore la totalité des pistes que la ressource présente en elle-même. Il s’agit donc d’un matériau vivant et capricieux, certes, mais qui présente de vraies qualités. Il ne demande plus qu’à être expérimenté, en empruntant les bons axes de recherche, qui s’adapteraient à toutes ses caractéristiques. Il était important de comprendre en profondeur le matériau pour réNéchir ensuite à l’économie qu’il représente et approfondir les recherches sur les techniques de construction .
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Chapi t reI I Économi e:l epot ent i elsoci al «Il existe beaucoup plus de compétences, de talents et de créativité que l'économie capitaliste n'en peut utiliser (et) cet excédent de ressources humaines ne peut devenir productif que dans une économie où la création de richesses n'est pas soumise aux critères extérieurs de rentabilité » André Gorz, Ecologica S’il s’agissait de propager l’utilisation du bambou, c’est par les connaissances autour du matériau qu’il faudrait commencer. En effet, nous avons pris conscience de la complexité que représentait le matériau en lui-même. Mais qu’en est-il de sa fabrication, et de son utilisation en construction? L’économie est, par dé+nition, l’ensemble des activités humaines tournées vers la production, l'échange, la distribution et la consommation de biens et de services. Dans ce deuxième chapitre, il s’agit donc de réNéchir sur l’organisation du processus qui permet de passer de la matière au matériau. Bien que le matériau est facilement transformable, les connaissances et la manutention nécessaires à sa culture, puis à toutes les étapes qui permettent une certaine pérennité sont tout de même conséquentes. Puis, pour passer du matériau à l’édi+ce, avec un matériau aussi peu standard, les étapes pré-constructives ne peuvent pas être négligées, notamment le tri. La conception architecturale est aussi nécessaire pour réNéchir à des manières de faire « en s’adaptant plutôt qu’en essayant d’adapter ». Nous réNéchirons donc à la préfabrication comme nouvelle solution possible de l’organisation de la production. De plus, la transmission du savoir relatif au bambou se retrouve dans beaucoup de projets contemporains. Il semble essentiel de recréer la chaine de transmission, et ce, en impliquant et en faisant participer directement les populations. De ce fait, le bambou présente un potentiel social incontestable. Ces étapes essentielles génèrent de l’activité, mais si on changeait de modèle de production, de distribution et de construction, cela impacterait forcément le modèle économique et social. Alors s’il existait un réel partage des savoirs et de la recherche, quelle économie le bambou pourrait-il générer à travers son potentiel social ?
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Économie : le potentiel social
1-L eprocessusdet ransformat i on :delamat i ère aumat éri au 1 . 1 -T ransformerl ebambou
Comme nous l’avons vu précédemment, la transformation de la plante en matériau de construction est relativement facile, ce qui la rend économique. Nous allons décrire les sept différentes phases du processus, qui sont importantes pour la qualité du matériau, mais également pour la longévité d’une bambouseraie. Mais il faut noter qu’une telle culture présente tout de même des dif+cultés. «Pour une propriété familiale , il a été calculé que le bambou donne un béné+ce net de 1285$ par hectare, que l’on peut comparer aux 1860$ pour les bananes et 8000$ pour le jacquier. Dans une plantation, le rendement est de 2285$ par hectare, comparé au sucre de canne qui est à 1430$ et la jute à 340$. » 71 Il apparaît clairement que les plantations sont aujourd’hui seulement viables à une échelle importante. En effet « une plantation de bambou relève rarement du domaine d’un fermier individuel ; c’est une activité commerciale à plus large échelle. Les plantations sont détenues par plusieurs entreprises ou coopératives. Elles ont besoin d’une quantité énorme de bambou, et donc de larges plantations, préférablement situées près d’une rivière qui connecte la plantation avec l’usine. La répartition de si grandes zones pour une agro-industrie qui ne relève pas le l’alimentaire est quelque chose que la plupart des pays où pousse le bambou ne peuvent pas se permettre. » Il faudrait donc, pour qu’un réel changement apparaisse, que des décisions politiques à plus larges échelles interviennent, et que les petites plantations se multiplient a+n de pouvoir contrer le monopole de ces grandes industries. Pour cela il faudrait aussi inciter les architectes et les constructeurs à se fournir dans de petites bambouseraies. Comme on sait qu’« à moins que la production de bambou n’égale ou surpasse la consommation, une telle plantation n’est pas viable.» il faudrait que la demande augmente dans le même temps. L’avantage de ces bambouseraies plus petites mais plus locales est de limiter le coût de transport et ainsi satisfaire tout le monde. Velez en Colombie se bat déjà contre ce genre de problème et pense que « règlementer sa récolte en la soumettant à un système bureaucratique dissuasif d’autorisations décourage sa culture, diminue sa disponibilité et met en danger un écosystème complexe au sein duquel l’humain, le cultivateur et l’usager jouent un
71 Building with bamboo, Janssen Jules, 1995 76
Économie : le potentiel social
rôle essentiel. » Le changement dans l’économie du bambou ont donc encore un long chemin à faire, mais il est possible d’avoir toutes les clés en mains pour l’initier.
Illustration 43: Construction de la pépinière
Cultiver « Comme les gens deviennent de plus en plus conscients de l’environnement, des pépinières ont commencé à ouvrir dans de nombreux endroits. Une pépinière peut être la source la plus facile pour se fournir en matériel et matériaux pour une plantation de bambou. Il peut aussi être une bonne idée, pour une plantation établie, d’avoir sa propre pépinière. » Toutes les informations qui vont suivre viennent de diverses sources, mais principalement du manuel qu’à réalisé Raw Impact pour sa propre bambouseraie. Tout d’abord, les boutures doivent être disposées à l’ombre en saison sèche, avoir des feuilles vertes et très peu de jaunes et des pousses solides. L’âge de maturation avant de les planter varie de 6mois à 2ans. Il est préférable que la terre soit la première couche de sol d’une rivière ou d’un ruisseau avec un pH compris entre 4,5 et 6, plutôt sableuse ou argileuse. On utilise un mélange équivalent de sol, d’écorce de riz brulé (qui ne doit tout de même pas ressembler à du charbon) et du fumier d’origine animale. Il existe 4 façons de reproduire du bambou : par la graine, la séparation d’un jeune chaume du massif, en plantant un nœud du chaume, ou par propagation. La graine est le plus pro+table, car le chaume aura une plus longue durabilité mais la propagation reste la manière la plus simple et rapide. Ensuite, la saison des pluies est idéale pour planter le bambou, début Mai pour le Cambodge, pour irriguer de façon naturelle les jeunes bambous. Le terrain doit être 77
Économie : le potentiel social
labouré 2 à 3 fois avant d’envisager de planter les boutures, à 30-40cm de profondeur, et pour la dernière fois 2 semaines avant. Le plan de plantation présente un espacement de 5x6m ou de 5x8m, en fonction de ce que l’on veut planter en culture intermédiaire. L’espacement est primordial car les rhizomes se propageront à l’horizontale sur les racines. La plupart des arbres tropicaux ne sont pas mono-culturels, ils ont toujours besoin d’autres arbres ou plantes pour grandir. Certains peuvent apporter des nutriments du sous-sol à la couche supérieure ce qui pro+te aux arbres qui n’ont pas de racines profondes (le bambou). C’est pourquoi des cultures intermédiaires sont conseillées dans les bambouseraies, ce qui permet aussi au cultivateur d’obtenir des pro+ts supplémentaires. Ceux-ci ne doivent pas être trop feuillus, pour laisser la lumière passer et doivent avoir des racines profondes. L’Albizia, le Plumeria sont deux exemples conseillés. Il est ensuite recommandé d’utiliser des engrais, soit de l’urée (Nh2CoNh2), naturelle, soit du NPK (Nitrogen, Phosphorus and Potassium), un composé chimique mais que l’on peut remplacer par du purin animal. Le mélange de compost avec la terre au pied des pousses est également intéressant. L’engrais peut être renouvelé 3 à 4 fois par an. L’irrigation est compliquée car il faut que le sol ne soit pas trop sec, mais ne pas en abuser non plus pour que le bambou s’adapte ensuite en saison sèche, la saison des pluies se chargera du reste. Il faut tout de même prévoir une récupération des eaux au cas où il ne pleuvrait pas pendant 4 à 7 jours (il ne mourrait pas mais sa croissance serait ralentie). Il est aussi important de laisser des herbes se propager autour des massifs car elles aident à garder l’humidité du sol. Après 3 à 5 mois il est important de prendre soin des chaumes qui pousseraient moins vite car les plus petits resteraient trop à l’ombre ce qui les empêcherait de grandir davantage. Il est rare de trouver des maladies chez les espèces de bambou, ce qui est un grand avantage.
Illustration 44: Nursery prête à l'emploi, Raw Impact 78
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Récolter L’âge minimal des chaumes à récolter varie de quatre à cinq ans. Il s’agit, dans un massif, de ne récolter, en coupant à au moins 100-200mm du sol au-dessus du second noeud, que les chaumes qui paraissent assez âgé : la couleur tourne au marron, jaune et il n’y a plus de poudre blanche. Il faut en revanche laisser quelques vieux chaumes qui supportent le massif. Le meilleur moment de récolte est au début de la saison sèche, c’est la période où le sucre et l’humidité dans le bambou sont les plus bas. Un taux élevé d’amidon (à la +n de la saison sèche) augmente le risque d’insectes foreurs et d’attaques de champignons et un taux élevé d’humidité (pendant la saison des pluies) augmente la probabilité qu’a le bambou de fendre pendant qu’il sèche. Mais le moment du mois et de la journée compte aussi. 72 En effet le taux d’amidon est au plus bas entre le 6ème et le 8ème jour après la pleine lune à cause de la plus haute gravitation de la lune. De plus, le meilleur moment est avant le levé de soleil, quand la plupart de l’amidon est encore dans les racines, car la photosynthèse n’a pas démarré. Récolter le bambou à ces moments offre trois avantages : ils sont alors moins attractifs pour les insectes, plus légers au transport et sèchent plus rapidement . Il est également recommandé d’effectuer une sélection dès la récolte. L’espacement entre les nœuds (30-60cm) est important pour faciliter la construction, le fuselage du bambou ne doit pas être trop important (10mm tous les 3m) et la rectitude sera également avantageuse.
Traiter Le prétraitement est une étape nécessaire, sauf si l’on prévoit d’appliquer un préservateur. En effet il permet un effet de cicatrisation (phénomène nommé Phytoncide). Le végétal réagit après sa coupe : les pores du bambou se resserrent, et les produits comme le Borax ou la chaux ne pénètrent plus (Par contre, le CCA oui, mais en tuant tout le monde au passage…). La première option, à l’eau, doit donc s’effectuer 2 à 3 jours après la coupe, car les cellules du bambou commencent à se refermer. C’est pourquoi il faut les immerger au plus vite, pour faire couler la sève et retirer le sucre et l’amidon qui attirent les insectes. L’immersion dure entre 4 et 12 semaines, en eau courante, dans une rivière par exemple, avec des pierres pour les garder complètement sous l’eau. La deuxième option, à l’air nécessite de laisser les branches et les feuilles 2-3 jours après récolte, ce qui permet au bambou de
72 Building Trust International
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consommer les derniers apports en sucre et amidon. Les bambous doivent en revanche être disposé hors sol.
Illustration 45: Usine de traitement, province de Mondulkiri
Ces méthodes ne sont tout de même pas aussi ef+caces que les traitements, chimiques ou naturels. « Il est à noter qu’avec sa structure particulière avec moins de 10% de vaisseaux conducteurs, ses nœuds cloisonnés et sa partie externe très dense et cireuse, absorbe mal les traitements », ce qui est l’un des gros désavantage du bambou. À l’atelier, voulant essayer de préserver mes sections, je les ai badigeonnés d’huile de lin (mélangé à de l’essence de térébenthine qui favorise l’imprégnation), un traitement utilisé également pour le bois. Ayant testé sur les deux matériaux, il est clairement apparu que le bambou absorbait beaucoup moins bien et moins vite l’huile. J’ai réalisé l’expérience de traitements : 3 échantillons (un chaleur, un huile, un neutre) laissé au soleil 3 mois. Mais malheureusement cela n’a pas aboutie pour cause de perte des échantillons ! Les traitements naturels sont aussi les plus traditionnels. Mais ce traitement à huile de lin additionnée à 50 % d’essence de térébenthine et un catalyseur est ef+cace contre les insectes et les champignons seulement. Utiliser l’huile en ébullition est aussi possible, mais seulement pour petites sections. L’une des méthodes consiste à enfumer les chaumes, dans un four à 120-200° pendant 12 à 48h. Le problème de cette méthode est le coût engendré par l’investissement dans le matériel et la perte de Nexibilité engendrée. Il est aussi possible d’utiliser la fumée d’un feu ouvert, mais là encore pour les projets de petites échelles (l’artisanat). Un trempage dans une dilution de sel de bore (10g pour 12L) permet d’éviter que les chaumes ne fendent. 73
73 http://leo2l.over-blog.org/article-notre-premier-dome-en-bambou-44693060.html 80
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En+n, le traitement dans un bain de chaux74 (15 % de chaux 85 % d’eau), 4-5 jours après la coupe, semble une des manières naturelles les plus ef+caces. Le mélange placé dans de grandes cuves pendant 12 à 48h, il se forme un +lm à la surface (comme la peau du lait, d’où le nom de ‘lait de chaux’). La partie supérieure du liquide est transvasée par gravité dans les bassins où les bambous à traiter sont placés et trempent environ une semaine. L’avantage est le caractère à la fois antifongique et antibactérien mais surtout non toxique, à contrario des traitements chimiques. Le Borax dissout dans l’eau est le plus connu. Le bambou doit être coupé 4 à 5 jours avant le bain. Mais pour les ouvriers qui les manipulent c’est très nocif, cela rendrait les hommes stériles. De plus il est encore nécessaire d’y ajouter un antifongique et, pour une utilisation ‘extérieure’, la pluie lave le borax et l’ef+cacité se réduit. On peut réaliser ce traitement avec la méthode de Boucherie qui utilise la pression d’une pompe sur un bout ouvert du chaume pour diffuser le Nuide dans la vascularité du bambou. Le trempage reste plus facile mais plus long et a l’inconvénient de nécessiter la suppression des nœuds. Un autre traitement se nomme le « Tanalised CCA » (copper chromium arsenate), qui est emprunté au bois. Dans le domaine des traitements également, on peut se demander s’il est vraiment pertinent de rester sur des méthodes issues d’autres matériaux. De plus il s’agit du plus nocif : il dégage des COV dangereux et si en plus, des colles à base de formaldéhyde sont utilisées, cela produit un cocktail très mauvais pour la santé. Peindre les parties en contact avec l’eau avec de la chreosote est possible également mais présente les même risques ! Pour conclure, « d’une manière générale un bon préservateur (chimique) peut augmenter la durée de vie naturelle des bambous de 15 ans à l’air libre et de 25 ans sous abris. Malheureusement très peu de données sont connues en ce qui concerne le prix de la préservation. L’auteur a calculé à partir d’un cas concret en Afrique en 1985, que la préservation effectuée avec Octabor dans un réservoir ouvert coûte 30 % du prix du bambou. Le même taux a été trouvé au Costa Rica en 1994 avec du Bore et la méthode de Boucherie : le bambou coûte 0,36$ au mètre et la préservation 0,13$ au mètre. »75 Chez Raw Impact, par exemple, le coût de revient d’un chaume déjà traité par la bambouseraie (12$ from Mondulkiri) est quatre fois supérieur à un chaume brut qui coûte 4$ (80mm de diamètre et 6m de long). Il est donc intéressant de se former à réaliser ses propres traitements, mais il faut également choisir le bon, à partir des connaissances sur les avantages et inconvénients de chacun. Raw a choisi un trempage au borax, toxique mais plus durable…
74 http://chalet-bamboo.over-blog.org/article-pourquoi-traiter-a-la-chaux-64956832.html
75habiter autrement.org
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Sécher J’ai pu expérimenter, lors de mes manipulations, les problèmes de séchage. En effet j’ai eu la chance de pouvoir récupérer du bambou Moso, ou bambou d’hiver (Phyllostachys edulis) à la bambouseraie d’Anduze. Il s’agit d’une espèce pouvant résister à -20° et est susceptible d’être la plus développée en France, en particulier dans le sud du pays : ses chaumes sont vert-bleutés au départ et jaunissent avec le temps, d’un diamtère entre 10 et 12cm, et sa taille est de 15 à 28m, culminant à 23m à Anduze. A titre indicatif, la bambouseraie présente deux mètres de limon, dû à de fortes inondations, ce qui rend la terre assez fertile pour la culture du bambou. « Ce bambou est utilisé dans la construction, ainsi que dans l'élaboration de lamellés-collés, pour ameublement, parquets et charpente. Il est également cultivé industriellement pour la préparation de pâte à papier en Chine. » Les chaumes que j’ai pu récupérer n’étaient pas tous à la même étape de séchage, n’ayant pas été coupés au même moment. De plus, comme il s’agissait de chutes, ils étaient stockés horizontalement en amas à même le sol, ce qui n’est pas l’idéal. J’ai donc eu des problèmes de fendillement au cours de mon travail sur certains chaumes, notamment durant les trois mois d’été. Hung, un Laotien qui travaille à la bambouseraie sur les projets de construction, a af+rmé que le climat était trop sec pour utiliser les bambous entiers, qui fendent rapidement. Il ne les utilise donc plus en structure, ce qui demandait trop de travail de maintenance, mais coupés en deux et pour les remplissages.
Illustration 46: Séchage du bambou à la verticale, iblock
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Il faut noter qu’il est possible de le sécher correctement pour l’utiliser en construction lorsque le climat le permet. Il est possible de faire un séchage à l’air libre, ou dans des séchoirs solaires, qui permettent d’atteindre des taux d’humidité plus faibles. Il s’agit d’une serre fermée, dont les murs et le toit sont en plastique ou en verre. De cette manière, des températures plus élevées sont générées à l'intérieur de l'environnement, ce qui favorise le séchage des cannes. Des ventilateurs peuvent être ajoutés à l'infrastructure de base pour accélérer l'air chaud entre les chaumes, ce qui réduit le temps du processus. Pour un séchage à l’air libre il est préférable de disposer les chaumes à la verticale sur un chevalet en isolant d’un contact direct avec le sol. Pour un séchage uniforme, une rotation partielle et quotidienne de chaque tige est recommandée pendant les 15 premiers jours, puis moins fréquemment avec le temps, qui peut varier entre 2 et 6 mois selon les conditions météorologiques. Une autre méthode consiste à placer les tiges à l’horizontale en les protégeant d'un contact direct avec le soleil, qui peut provoquer des +ssures. Pour que le processus de séchage soit
Illustration 47: Stockage des chaumes à l'atelier, iblock - Raw Impact
ef+cace, des séparateurs doivent être placés pour faciliter un bon Nux d'air. Il est également possible d’utiliser des fours identiques à ceux pour le bois, ou d’injecter de l’air chaud à l’intérieur des tiges. À l’atelier, j’ai effectivement conservé les chaumes à l’abri du soleil et de la pluie, mais il n’y avait pas de bonne circulation d’air entre mes sections, c’est pourquoi la majorité a fendu. Notons que le traitement prévient de ces risques, nous nous y attarderons en deuxième partie. 84
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Stocker Pour stocker le bambou, une fois sec et traité, il faut également le maintenir hors sol pour prévenir l’invasion des insectes. Rangés horizontalement avec un support régulier tous les 2,3 nœuds pour éviter la déformation, les chaumes doivent être placés à l’ombre pour éviter qu’il ne fende, avec un courant d’air adéquat pour éviter la moisissure. Cette position horizontale évitera le Nuage des bambous, un phénomène physique qui provoque la déformation irréversible différée (c'est à dire non instantanée) s’il est soumis à une contrainte constante pendant une durée suf+sante. Le stock doit subir une rotation pour assurer que les chaumes ne soient pas stockés trop longtemps. Toutes les deux semaines le bambou doit être tourné et changé de place pour réduire les risques. Cette dernière mesure n’est en aucun cas réalisée chez Raw, qui manque d’une certaine organisation. L’espace de stockage doit aussi être tenu propre et isolé de la poussière due aux découpes, ce qui rend dif+cile le stockage en espace ouvert mais couvert, dans un pays comme le Cambodge où le sol est très poussiéreux.
Illustration 48: Stockage de fagots de lamelles, Ibuku
Produire et Vendre Après tout ces étapes, les chaumes sont déjà prêts pour la construction. Il ne reste plus qu’à les sélectionner, étape important sur laquelle nous reviendrons. Pour des produits de type panneaux ou pour l’artisanat il faut encore les couper, les diviser en lamelles à l’aide d’un outil spéci+que, les plani+er ou encore les contraindre pour les courber. C’est à cette étape qu’une nouvelle main d’oeuvre prendrait également tout son sens, a+n 85
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d’initier des gens à cette +lière et de développer un artisanat qui pourrait être une source supplémentaire de revenu.
Illustration 49: Le processus complet
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1 . 2-l esenj euxdel ongévi t é «Un client pour qui il construisait une maison à 3500 mères d’altitude, et qui lui avait commandé une serre pour des orchidées, se vit livrer un petit pignon vitré bien suf+sant pour en abriter quelques espèces des régions chaudes ; mais il s’entendit surtout recommander de porter son attention sur les nombreux types de cette famille propres à la culture de plein air en régions élevées. » Avec cet exemple très pertinent du travail de Simon Velez, Pierre Frey nous rappelle qu’il est essentiel de prendre en compte les contraintes du milieu où l’on conçoit et construit tout type d’architecture. Ceci est vrai pour obtenir un certain confort, une cohérence avec l’environnement, et une performance énergétique passive, mais lorsqu’on construit avec le bambou c’est avant tout pour approcher la notion de « protecting by design » : l’architecte met en place des dispositifs pour protéger les parties les plus fragiles. Par exemple, les toitures, inspirées de la technique coloniale espagnole sont « très largement débordantes au point d’abriter les façades et éléments de charpente. » Les appuis doivent être hors sol et hors d’eau pour éviter une montée d’humidité par capillarité. Les toitures lourdes, 200kg par m² en moyenne chez Velez, sont une solution qui permet d’opposer leur masse aux vents dominants. « Cet éventail de mesures, qui s’ajoute au traitement protecteur des tiges de bambou, confère aux constructions de Velez une durabilité sans aucune commune mesure avec celle qu’on observe dans le cas de construction vernaculaires traditionnelles usant de mêmes matériaux. ».
Illustration 50: Principe de construction avec le bambou : "comme un mexicain"
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L’expérience des contraintes climatiques : Raw Impact Ces mesures ont en revanche été trop délaissées lors de la conception des premières constructions chez Raw Impact, en 2016, induisant une durabilité des chaumes réduite. L'enjeu climatique était évidement de rendre les bâtiments étanches à l'eau, offrant une protection optimale à ses habitants, et le plus durable dans le temps possible. Mais il faut clairement condamner le manque de recherches sur la force du vent et son orientation. Conscients de l’intensité de la pluie pour l’avoir expérimenté, personne ne pensait que le vent jouerait un rôle si important dans la perte d’étanchéité des façades. Pour le workshop, ces recherches avaient été faites, a+n de le concevoir avec une ventilation optimale, mais la décision avait été de tourner le bâtiment de 90° pour une question d'usage, les considérations climatiques passant au second plan. En tant qu’architecte du projet, je m’étais fait dire que ces questions architecturales occidentales n’étaient pas la priorité dans le projet. Il m’avait été très dif+cile d’argumenter en ma faveur, face à ces décideurs plus expérimentés sur le Cambodge, plus âgés et qui ne parlaient pas ma langue natale. Mais si j’avais à refaire une telle réunion, j’essaierai désormais coûte que coûte de défendre mon avis. À partir de ce moment, les aspects d'orientations des bâtiments avaient alors été beaucoup moins pris en compte pour la conception des maisons, ce qui fut une véritable erreur, à laquelle s'ajoute une fabrication des murs qui se veut économe en bambou, mais de laquelle ne résulte pas l'étanchéité de ceux-ci. Le travail s'était plus tourné vers les aspects architecturaux : les espaces générés, les vues ; et bien sûr, sur l’économie. Mais il s’est avéré que le site est exposé de tous les côtés à des vents forts, Sud-Ouest principalement pendant la mousson, mais également Nord-Ouest certains jours, et même Est en saison sèche. Le terrain étant tout en longueur et, qui plus est de biais, les maisons sont alignées en diagonale par rapport aux points cardinaux, exposant donc toutes les faces à ces vents. On note que les entrées et les ouvertures ont en plus été percées principalement sur les faces avants et arrières, étant les plus exposées. L'une des toitures s'est même envolée, ayant une trop grande prise au vent. On comprend alors l'urgence de réNéchir à ces problématiques majeures.
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Illustration 51: Système de ventilation de l’atelier - non adapté aux vents dominants De plus, notons une information, que l’on trouve dans le « manual de construccion con bambu » : « déterminer le terrain adéquat où va se construire l’habitat est l’un des critères les plus important » a+n d’avoir une construction sure et sain. Or si l’on regarde les terrains choisis par Raw, nous sommes loin de l’idéal puisqu’ils sont soumis aux inodations. Certes, construire une digue et surélever les routes est une option, mais la plus simple reste de choisir un terrain avec moins de contraintes liées au climat.
Les problèmes soulevés par le manque d'attention au milieu L'un des problèmes majeur vient également de la déclinaison du modèle initial qui a rajouté un niveau intérieur aux maisons, sans modi+er le système structurel, qui devient inadapté. Les solives sont apparentes en extérieur, car les murs sont apparents, attachés dans l'espace qu'offre le moisage. Ce débord offre donc à l'eau la possibilité de ruisseler. Cela, bien que fragilisant la structure, n'était jusqu'alors pas décisif. Mais désormais l'eau ruisselle dans le niveau inférieur, et non plus sous la maison, ce qui devient un véritable problème. Ces choix étaient possibles, car les chaumes arrivaient près à l'usage avec un traitement supposé les protéger de l'eau, du soleil et des insectes. Mais il n'était tout de même pas malin d'exposer les structures aux intempéries. Mais cela ne fut acquis qu’une fois testé, trop tard.
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Illustration 52: Débord de plancher avec un test de système protecteur
De plus, le tour des familles a été fait pour demander les problèmes qu’ils rencontraient dans leurs maisons. Le souci majeur vient clairement des murs qui ne sont pas étanches, car il s’agit seulement de lamelles de bambou juxtaposé en deux couches en alternances. Mais leur irrégularité génère des espaces non couverts. Une troisième couche ou une alternance des couches avec des orientations différentes pourrait remédier à ce problème mais cela utilise beaucoup de bambou. Les habitats traditionnels utilisent par exemple des panneaux de feuilles de bananiers tressés, qui semble être un meilleur moyen, bien qu’ayant une très courte durée de vie.Mais cela implique un mélange des matériaux que l’organisation ne semble pas prête à faire pour le moment, essayant de construire au plus proche du 100% bambou.
Illustration 53: Intérieur d'une maison : non-étanchéité des murs 90
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L’émergence des solutions en observant sur site Heureusement, lors de la construction certains aspects négatifs ont été pris en compte en vue d'une amélioration, ou parfois même par inadvertance. La maison n°2 a été construite avec les murs à l'extérieur de la structure, par erreur des ouvriers. Cela permet de résoudre le problème de ruissellement car aucun plancher ne dépasse plus. Mais cette prise de conscience n'a pas été faite à temps, les constructions étant réalisées hors saison des pluies, et toutes les autres maisons ont continué d'être construites sur le plan initial. En revanche on note une amélioration dans l'intelligence de conception des ouvertures. Les entrées sont plus intelligentes : soit elles viennent se placer en renfoncement de la maison, offrant un espace d'entrée protégé, soit elles se font par le dessous. De plus, dans les dernières maisons, il y a moins de fenêtres sur les côtés les plus exposés, ou elles sont placées à des endroits plus protégés, par exemple sous un balcon (qui fragilise par contre la structure). Il faudrait aussi parler de matériaux pour appréhender la question de la durabilité dans son ensemble. Mais on pourrait aussi évoquer un test de mur en terre, effectué par un propriétaire, à l'intérieur. Il semble très satisfait mais cela marche moins bien à l'extérieur, dans le renfoncement protégé de l'entrée, devenant trop humide.
Illustration 54: Maison n°2 - murs à l'extérieur de la structure, une esthétique plus massive 91
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« Ecological, but no extremism, meaning that if we need another material, we use it with moderation... »76 Nous reviendrons sur ces autres matériaux qui peuvent être utilisés intelligemment en complément du bambou.
Illustration 55: Test de mur en terre
De plus, traiter les extrémités des chaumes est essentiel pour ne pas permettre à l'eau de pénétrer. Le plus judicieux, mais pas toujours possible, est d'utiliser le nœud comme bouchon naturel. Mais on peut également remplir l'extrémité de béton, ce qui n'est pas vraiment durable et rajoute du poids à la structure, ou bien d'un mélange de chaux. Il s'agit d'un point dont il faut être conscient dès la phase de tri des chaumes, car il s'agit d'un détail important en termes de durabilité du bâtiment.
76 http://chalet-bamboo.over-blog.org/article-why-prefab-37763746.html « écologiste mais pas extrémiste, ce qui veut dire que si nous avons besoin d’autres matériaux, nous les utilisons avec modération ». 92
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Illustration 56: Traitement des extrémités : béton, noeud plein, noeud percé
Toutes ces erreurs sont tout de même intéressantes, faisant partie de l’apprentissage que peut apporter une expérimentation, dont l'idée primaire est d'accepter que « ça ne marche pas forcément à tous les coups et/ou du premier coup». Ces maisons ne sont que temporaires et leurs habitants se verront construire une nouvelle dans le village. Un an plus tard, il s'agissait de tester des systèmes de protection pour améliorer l’étanchéité des maisons déjà construites. Ils ont été implantés en septembre : une troisième couche de bambou, un écran « double peau » pour couper le vent, un ajout de toiture supplémentaire pour protéger une partie du bâtiment, des demi-chaumes pour protéger la partie supérieure des ouvertures ou venir créer un appui de fenêtre… De nombreuses solutions ont été envisagées et testées, à voir désormais lesquelles sont réellement convaincantes, sur le plan de l'ef+cacité comme de la durabilité.
Illustration 57: Construction de stores
Mais pour les prochaines constructions, sur le terrain dé+nitif, il s'agissait d'envisager une toute autre version de maisons, tant sur le plan constructif que sur l'aspect esthétique qui en découle. Un prototype a déjà été réalisé, a+n de s'essayer sur les questions structurelles et de fabrication. Les idées sont multiples et avoir la possibilité de les expérimenter est une réelle chance et pourra aider à sélectionner les 93
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meilleures solutions pour les maisons à venir. Il faut reconnaître que l'apprentissage le plus Nagrant a été l'importance de considérer les conditions climatiques du lieu pour la conception des habitats avant toute autre considérations. Pour conclure, il faut donc souligner l’importance de l’attention aux contraintes climatiques pour l’utilisation du bambou car une mauvaise conception détériorerait le bambou. Il ne s’agit pas d’un matériau qui, une fois transformé, ne nécessite plus d’attention particulière, mais au contraire d’un matériau qui demande un soin particulier dans sa mise en œuvre et sa maintenance, pour garantir une longévité suf+sante, et cette attention doit être présente dès la phase de préparation du chantier.
Illustration 58: Rajout de protections : panneaux, toitures basses, stores...
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2-L’i mport ancedelapart i epréconst ruct i ve: 2 . 1-un mat éri aunonst andardi sabl e:l et ri Pourquoi trier les chaumes? Nous avons vu plus tôt que l’aspect irrégulier et variable du bambou rendait sa standardisation compliquée, si ce n’est pas impossible. Il existe donc une étape primordiale pour construire en bambou qui est la sélection des chaumes. Ce tri permet de dégager les sections les plus appropriées pour les différents usages sur le chantier. Bâcler cette étape pourrait conduire à deux problèmes : la médiocrité de la construction, par le manque de précision sur le chantier dû à la complexité de mise en œuvre avec des sections qui ne sont pas adaptées et la perte de temps, voir de matière engendrée par une nécessité de recommencer ou reprendre la construction de certaines parties du bâtiment. Il est donc nécessaire, et non pas seulement recommandé, de procéder à une étape de sélection. Certains ouvrages ont essayé de donner une sorte de guide de tri, donnant la tolérance de la déformation du chaume, à partir de leur propre expérience. Il faut en effet que la courbure de la section ne dépasse pas, dans les deux sens, la ligne médiane du chaume.
Illustration 59: règles de construction
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Ils peuvent être répartis en 4 catégories. Les bambous les plus droits pourront être utilisés pour n’importe quoi, mais il est préférable de les conserver pour des éléments porteurs, simpli+ant la construction. Les chaumes courbés à l’une des extrémités ou formant un arc pourront être rendus plus droit a+n d’être utilisés dans comme poutre, ou bien assemblés à d’autres pour former un élément porteur. Il faut pour cela respecter certains principes de construction comme on peut le voir sur l’illustration 39. Les éléments nécessitant le plus de détails, comme une ouverture par exemple, seront également ceux qui auront besoin des chaumes les plus réguliers, pour construire plus facilement de façon précise. Souvent, on construit les poutres à l’aide d’un assemblage de plusieurs chaumes pour obtenir de plus grandes portées. Mais pour ce faire, il est important de respecter certaines règles de construction, comme indiqué sur l’illustration 39, en évitant de croiser des chaumes courbés ou en disposant les parties les plus épaisses en quinconce par exemple. De plus, pour éviter un effet de cisaillement il serait intéressant d’étudier l’emplacement des attaches, qui, plus nombreuses sur les extrémités, permettraient une plus grande ef+cacité. La place des nœuds dans ce type d’assemblage est aussi important car il ne faut pas qu’ils gênent lors de l’empilement. Il en va de même pour les poteaux, qui demandent à ce que les parties les plus épaisses des chaumes soient disposés vers le sol pour reprendre le plus de charges possible, et à ce que les courbures s’évasent vers l’extérieur. Pour Les bambous « tordus » (plusieurs arcs) » seront plutôt utilisé pour de courtes sections, rendant leurs variations moins importantes. En+n les chaumes complètement courbés dans plusieurs directions ne seront pas utilisés en structure. Mais on peut en faire des lamelles, des éléments de remplissages ou encore les conserver pour de l’artisanat. Cette sélection doit donc se faire à deux étapes : quand on choisit lesquels on va transformer ou utiliser tels quels, puis une seconde fois, lorsque l’on choisit lesquels seront destinés aux différentes parties du bâtiment.
Illustration 60: règles de tri
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Une première livraison surprenante : Raw Impact Cela fut expérimenté par Raw Impact, lors de la première construction. L’organisation du chantier n’avait pas pris en compte cette étape et, en plus du délai de livraison retardé pour cause de contrôle lors de l’acheminement, le chantier pris du retard. En effet lorsqu’on conçoit avec du bambou, il est vite arrivé de s’attendre à recevoir un matériau régulier puisque l’on dessine les chaumes en les simpli+ant comme des tubes circulaires, souvent même sans se soucier des nœuds. On vient alors à dessiner des poteaux composés de plusieurs chaumes sans penser à la courbure naturelle du bambou, et lors de sa construction on s’étonne de devoir résoudre des problèmes dus à la droiture du modèle qui ne correspond pas au matériau. Les images des constructions célèbres que l’on peut voir, n’aident pas en cela, car les chaumes semblent toujours être d’une régularité époustouNante. La sélection du bambou doit, dans ces cas-là, être très +nement faite. Bien sur, cela dépend aussi de l’espèce utilisée, et c’est un des critères lors du choix de bambou que l’on utilise en construction, mais même dans les espèces les plus régulières, ces variations existent. Inspiré de ce bâtiment, nous avions donc conçu, pour l’atelier, une structure composée de poteaux à quatre sections, dont l’une était continue jusqu’à la toiture. La livraison n’étant pas de la qualité attendu, il ne fut pas si facile de trouver les chaumes nécessaires à la réalisation de neuf poteaux égaux, et d’autant de poutres, tous supposés être aussi droits que possible. La sélection prit plus de temps que prévu, et malgré tout, il fut dif+cile d’assembler les sections. Lorsque j’ai interrogé le chef de chantier, sur les complexités du chantier, le tri est ce dont il m’a parlé en premier, insistant sur son importance pour gagner du temps par la suite.
Illustration 61: Exemple de chaume irrégulier : dif#culté de mise en oeuvre en structure 97
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chaumes ont été contraints. Raw Impact, à l’aide d’ingénieurs australiens ont fait des tests de courbures pour réaliser des treillis, dans l’optique de la construction du centre communautaire, dessinés avec des poutres courbes. Ces tests ont été plutôt concluants mais la durée de réalisation fut très importante. De plus, il faudrait davantage se pencher sur la résistance de ces treillis pré-contraints, car il n’est pas certain que cette manipulation assure la conservation des propriétés mécaniques. En effet, Janssen parle d’un phénomène étonnant, et très peu connu, à propos de la courbure. En fonction de la taille de la section, le fait de contraindre le chaume peut réduire ses qualités mécaniques, ou au contraire, grâce aux nœuds, agir comme un arc.
Illustration 63: Système de mise à niveau des planchers
Illustration 64: Maquette des treillis courbes testé par Raw Impact 99
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Le bambou carré, : contre nature ? Un procédé étonnant est évoqué dans Grow your own house, il s’agit d’une fabrication de bambou carré ou triangulaire. Cela est réalisé en plaçant la forme désirée autour de la pousse pour la contraindre lors de la pousse et permet de standardiser le matériau et ses propriétés constructives. On pourrait alors imaginer des types de liaisons adaptées à ces formes précises, avec des dimensions standards. Le bambou carré est le parfait exemple de l’homme qui façonne à son image un matériau naturel, au lieu de s’adapter à celui-ci. Cela semble complètement contre-nature, mais il faut nuancer le propos en évoquant que les matériaux vivants pourraient être une nouvelle ressource pour l’architecture. En effet on connaît déjà des chaises, fabriquées en contraignant la pousse des arbres pour obtenir la forme souhaitée. Cela semble plus près de l’oeuvre d’art que de l’architecture. Mais pourquoi ne pas s’inspirer de ce principe, par exemple comme l’a fait Baubotanik en créant une passerelle dont la structure est intégrée pendant la pousse d’arbustes, dans les nœuds des branches et dont la cime permet de faire garde corps et présente un parcours étonnant au milieu des arbres. Ce genre d’initiatives, pourrait être source d’un développement d’une architecture plus proche de la nature. On pose alors une plus grande question: contraindre la nature pour construire revient-il à manquer de respect ou est-ce nécessaire, dans tous les cas, pour permettre de s’abriter ? Pour ma part, il me semble que ne pas chercher une standardisation, mais au contraire essayer d’imaginer des manières de construire pour s’adapter au matériau est la solution la plus cohérente à envisager, en s’inspirant du fonctionnement de la nature. C’est à ce moment-là qu’intervient l’intelligence du concepteur, et que la vraie qualité d’un projet dépend de la valeur ajoutée que les acteurs pourront mettre en place.
Illustration 65: Passerelle végétale de Bobautanik 100
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2 . 2-l aconcept i on archi t ect ural e
L’intelligence constructive : déjà dans l’organisation du chantier Comme nous l’avons vu précédemment l’intelligence constructive commence dès l’étape de tri. Mais les contraintes climatiques sur la production engendrent aussi une saisonnalité et par conséquence des périodes où les stocks ne seront plus réachalandés, et les chaumes seront moins « frais ». Cela doit être pris en compte également dans l’organisation du chantier. En effet, il ne faudra prévoir les stocks à la bonne saison. La première fois, Raw Impact a eu de la chance en commandant le matériau juste avant une phase d’arrêt de production, pendant la saison des pluies. Mais cela devrait être réellement anticipé et organisé en amont. De plus, il faut se demander à quels moments construire ? Par exemple en 2016 chez Raw Impact, nous avons souvent été bloqués par la mousson, devant arrêter la construction dès le début d’après-midi, mais cela provoquait également des problèmes de livraison. Il faut noter une certaine anticipation, car la route avait été surélevée en prévision des fortes pluies. Mais cela ne fut pas suf<sant, car il ne s’agit tout de même que de routes en terre. La livraison a dû être fait par des buf>es tirant des charrettes car aucun véhicule motorisé n’était en capacité d’arriver sur le site du chantier. Un an plus tard, malgré l’expérience acquise, et l’anticipation de la saison des pluies, un camion a tout de même réussi à se renverser, en s’embourbant. Cela pose la question de l’organisation annuelle des chantiers. Il est évidement incohérent de les répartir en suivant les équipes australiennes qui viennent, c’est-à-dire le calendrier de congé australien.
Illustration 66: Sur le chantier, faire participer tout le monde
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Illustration 67: Les femmes préparent le repas pour les ouvriers : l'organisaiton communautaire pour gagner du temps
En septembre 2017, six équipes différentes sont venues, alors que tous les sites étaient encore inondés et certains même inaccessibles. Il serait bien plus cohérent de pouvoir avancer en saison sèche, et de réserver la saison des pluies pour la conception, l’organisation et les commandes en amont, en anticipant les saisons de production.
Pour le terrain dé+nitif d’ « Every Piece Matter» il va aussi falloir envisager une organisation différente des tâches sur le chantier, car c’est désormais 80 maisons qui sont en projet, on peut pour le coup, bien parler d’une production massive de logement. Cela nécessitera beaucoup plus d’effectifs, car le travail ne manquera pas. C’est ainsi qu’il serait possible de créer une réelle économie autour de ce projet en incluant les locaux : nous reviendrons sur ce potentiel. Une organisation du chantier plus effective permettrait de gagner du temps, mais également d’économiser de l’argent, en réduisant le nombre d’éléments à reconstruire, si des prototypes concluant sont construits en amont. Les maisons construites actuellement en sont le contre-exemple, puisqu’elles ont nécessité des améliorations, et donc des coûts supplémentaires et une perte de temps considérable.
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Vers une préfabrication ? Si l’on voulait entrer dans une production massive, de logement social par exemple, il faudrait surement envisager une certaine préfabrication. « Si le bambou est considéré pour du logement de masse, il devient nécessaire de s’intéresser à des options de préfabrication. Imaginons une situation où 1200 maisons doivent être construites annuellement, et chaque maison a besoin de 17 panneaux. Cela veut dire qu’un panneau doit être construit toutes les 6 minutes, donnant 250 jours de travail à 8h/jour, un procédé très industrialisé. La plupart des gens pensent le bambou comme une opportunité rurale pour de petits fermiers et leurs familles. Bien que cela soit vrai, il existe un aspect plus industriel du bambou également. La plupart des procédés industriels nécessitent d’être développés pour contribuer à loger le milliard de personne sans abris de la planète. Il doit aussi être rappelé que l’industrie fournie de l’emploi à une large échelle, ce qui est une nécessité économique dans la plupart des pays en développement. »77 Notons donc que cette idée de préfabrication pourrait-être très intéressante pour la conception plus massive de logement par exemple. Chez Raw Impact, le travail de septembre 2017 a considérablement fait évoluer les maisons initiales. Les enjeux d'usages n'ont guère évolués, car ils répondent toujours aux modes de vie d'une population toujours en place. Mais l'enjeu esthétique change évidement en même temps que les contraintes structurelles : il s’agit désormais d’être plus en harmonie avec le style traditionnel, qui parle plus à la communauté et qui apporte de réelles qualités. Nous sommes partis d’un constat : sur l’iblock, le fait que chaque maison soit unique, même lorsqu’il ne s’agit que d’une déclinaison, donne un aspect plus humain au site et une esthétique plus intéressante. En effet, chacun s’est vu construire quelque chose qui lui est adapté (nombres de pièces etc) et a pu « y mettre sa patte » . Notons les formidables détails des gardes corps de balcons, des systèmes de jardins et de décorations dont ont fait preuve les habitants, débordant de créativité. Tous ces détails participent également à la personnalisation de l'habitat. Mais nous ne parlons désormais plus de 8 familles avec qui traiter, mais de 80. Il semble donc nécessaire de créer une sorte de guide pour aider à la conception personnalisée, tout en gardant une harmonie dans le village. Il m’avait été demandé de concevoir quatre ou cinq type de maisons différentes, à dupliquer mais il ne me paraissait pas envisageable d’avoir vingt fois les mêmes sur le site. L’idée fut donc de penser une structure unique, constructible très rapidement et pour laquelle ont pourrait
77 janseen
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presque imaginer un travail à la chaîne: préparer les bonnes sections, transporter, assembler… sur laquelle on vient greffer plusieurs variantes de remplissage, de toiture et avec des organisations spatiales différentes. Mais comme nous avons vu précédemment, la structure entière doit désormais être protégée du soleil et surtout de la pluie, et donc du vent. Or comment protéger les 3,5m de poteaux nécessaires en cas d’inondations ? C'était le premier dé+ de la nouvelle mission de 2017. Les deux autres concernaient les murs nécessitant trop de bambou et les matériaux. Si l’on veut les rendre étanches, ils doivent être minimisés et entièrement protégés. En+n on souhaite pouvoir, si les habitants arrivent à être convaincus, réaliser la toiture en chaume, pour n'utiliser que des matériaux naturels, et car il semble que cela soit plus ef+cace, même avec une seule couche (cela est surement aussi dû à la pente de toit minimale obligatoire pour la construction d'une telle toiture). En revanche il faut signaler la durée de vie beaucoup moins longue et le risque d'incendie plus fort, qui rebute les habitants. Nous avions évoqué la nécessité des rénovations régulières nécessaires pour un habitat en bambou en prenant l’exemple des ponts d’Asie du Sud Est, sans cesse reconstruit. Mais si la durée de vie plus faible d’un matériau rebute les habitants nous pouvons tout de même nous poser la question du bien fondé d’essayer d’implanter une telle architecture chez une population qui ne semble pas prête à cette maintenance, ou en tout cas pas « éduquée » au fait d'entretenir leur bien. Les premières maisons construites par Raw Impact en bois sont en effet déjà détériorées, mais leurs habitants ne se soucient pas des réparations, attendant une nouvelle aide. Il faut donc, en même temps que livrer un habitat à quelqu’un, lui apprendre comment il pourra maintenir l’ouvrage en bon état, et lui inculquer une certaine autonomie.
Illustration 68: Toiture en feuille de bananier, plus naturelle mais moins résistante - First they killed my father
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Le principe de personnalisation se fait donc en six étapes. La structure de base, de 4x5m est construite à l’aide de 5 porteurs, de poutres treillis (encore en essai) et contreventée. Dans son épaisseur, l’habitant vient organiser le préau autour de l’escalier, à l’aide de planchers en demi-niveaux, partie importante de l’habitat cambodgien. L’habitant peut choisir entre sept modèles, mais ils pourraient encore être plus nombreux et variés. Le béné+ciaire choisi ensuite une toiture parmi sept modèles également. L’esthétique de sa maison sera en grande partie due à son toit, autant de l’extérieur qu’à l’intérieur. Les charpentes ont été travaillées pour pouvoir rester apparentes, car il s’agit d’une pièce unique, qui peut au besoin être partitionnée. Notons que le plancher présente un porte à faux tout autour de la maison pour contribuer à la protection des pilotis et que la toiture descend quasiment jusqu’à ce dernier, pour minimiser le linéaire de mur. Les remplissages sont en effet la quatrième étape : l’habitant peur choisir leur inclinaison et leur position. On vient ensuite ajouter des protections basse pour la structure : stores, toitures basses, panneaux… en fonction de l’emplacement de la maison sur le terrain, par rapport aux autres habitations et de son orientation. Ce travail, très important, de plan masse a donc été repris après mon départ par un jeune architecte cambodgien bénévole pour l’association. En+n, dernière étape, le béné+ciaire peut choisir la partition de son intérieur, la présence d’une mezzanine, le positionnement des fenêtres etc. Cela peut aussi être fait par l’habitant lui-même dans un second temps, si sa famille s’agrandit par exemple. Ces deux dernières étapes justi+ent la présence d’un architecte pour l’accompagner dans ses choix. Ensuite il pourra évidement personnaliser sa maison en se l’appropriant à l’aide de décorations etc.
Illustration 69: EPM : le choix parmi différentes toitures
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Des projets préfabriqués
Le projet de Comunal, taller de architectura au Mexique78 me paraît être un très bon exemple de l’apport que peut avoir une préfabrication dans l’élaboration d’un projet. Il utilise un système de préfabrication modulaire basé sur trois éléments : deux types de treillis et des panneaux de bambou avec leurs variantes. Ces éléments sont préfabriqués et assemblés une fois que la structure principale est terminée ce qui réduit considérablement le temps de mise en œuvre sur le chantier, qui est de seulement une semaine, réduisant le prix de la main d’oeuvre pour un projet à bas prix. Une fois installé, les panneaux de bambou sont enveloppés de textile local utilisé pour les sacs de café et d’une +ne couche de mortier. Le projet est ainsi vite construit, à l’aide de matériaux très locaux, qui permettent de contribuer à réduire le prix des logements. Les performances environnementales sont optimums, à l’aide de système de récupération d’eau, mais également de stratégies bioclimatiques basiques pour combattre les hautes températures de la région. Ce projet répond également, en termes d’espaces, aux coutumes et traditions de la communauté à l’aide d’un grand hall pour faire sécher le café et le maïs au centre de la maison, d’une cuisine perméable et d’un retour à des treillis traditionnels. Il montre bien que la préfabrication d’éléments n’engendre pas forcément une industrialisation qui éloignent des coutumes traditionnelles, mais au contraire, qu’il s’agit d’un véritable atout pour construire à plus bas prix et plus rapidement.
Illustration 70: Les éléments préfabriqués en bambou
78 https://divisare.com/projects/343164-comunal-onnis-luque-social-housing-production 106
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Au contraire, Bambou living est une entreprise qui fabrique des maisons préfabriquées en bambou, mais qui pousse cette préfabrication jusqu’à dénaturer l’idée d’une architecture locale. Leur concept est de proposer des habitats plus ou moins grands, pour différents milieux : tropical ou tempéré (la maison sera alors isolée à l’aide de doubles-murs). Bien que Jeffree Trudeau et David Sands, les co-fondateurs, aient imaginé des maisons personnalisables, cette initiative se détache tout de même d’une architecture située, puisqu’elle peut se « poser » partout, en restant identique. Leur enjeu de « limiter l’impact du montage sur l’éco-sysètme » reste tout de même intéressant, mais il me paraît peu judicieux d’en venir à une préfabrication complète du logement. De plus les prix ne correspondent pas à une population à faible revenus, commençant à 15000$, pour un simple studio.
A la +n des années 1970, le camps de réfugiés de Khao-I-Dang fut construit en Thaïlande. Le projet a réussi à loger 140 000 personnes qui avait fuit la terreur des khmer rouges au Cambodge. Une attention particulière avait été faite pour utiliser des techniques de construction familières aux réfugiés, pour faciliter la rapide extension du camps, usant également le savoir faire d’experts de UNSCO. Khao-I-Dang est une preuve que le bambou est plus qu’adapté à la construction de tels projets. Mais pendant la crise des Khmer rouges, la population cambodgienne a aussi dû se construire des habitats ruraux, précaires, sur le même principes : avec des matériaux locaux et très peu chers.
Illustration 71: Habitats ruraux auto-construits - First they killed my father
Hung, le laotien rencontré à la bambouseraie m’avait aussi expliqué qu’il avait appris à construire en bambou dans un camp de réfugié, avant de quitter le pays. Les savoirs 107
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faire se transmettent donc davantage lorsqu’il s’agit d’une situation d’urgence et il serait bon de s’en inspirer pour être en capacité d’anticiper ces crises. Au domaine de bois Buchet, à Lessac, Simon Velez a également créé un habitat basique de deux étages en bambou, à bas prix. Ses 65m2 coutent seulement 5000$ à construire. A titre comparatif, une maison d’une vingtaine de mètres carré de Raw Impact coûte environs 1500$, ce qui revient approximativement au même. Des chiffres dans Grow your own house af+rment même qu’en utilisant des éléments préfabriqués en bambou, il était possible de réduire les coûts d’un habitat de 5500$ à 2200$. « Dans ce contexte il devient évident qu’il serait important de développer des modèles architecturaux pour le logement low-cost ».
2 . 3-versda ’ ut resmani èresdu ’ t i li serl ebambou ? Question de la culture constructive On peut se poser la question de la culture constructive du bambou : où en eston ? Une culture constructive est toujours en mouvement, elle part souvent de la matière. Puis, on assiste à une copie de la forme employée pour d’autres matériaux mais surtout des organisations de production en place. En évoluant, elle met en place ses propres modes de production et de mise en oeuvre et cela a une répercussion sur l’organisation des entreprises. Puis elle dé+nit ses propres formes et surtout ses propres logiques constructives, ce qui a pour conséquence de former une écriture propre au matériau. Elle peut alors devenir de plus en plus incontournable et obtenir une place dominante avant d’arriver à saturation et de commencer à décliner. L’histoire du béton armé, racontée par Volker Ehrlich, est l’une des plus frappante pour illustrer ce propos et «est révélateur de l’interaction entre l’adoption du matériau et la qualité expressive mise en œuvre. On sait que le béton de l’ère moderne a commencé par être réservé à l’infrastructure, aux fondations, tuyauteries et voies carrossables ou navigables… (...) Les expériences du béton en superstructure se limitèrent d’abord à une reproduction sérielle d’éléments formels, comme des balustrades ou +gurines, pour s’étendre par la suite aux terrasses et à des maisons entières. A ce stade, il n’était pas encore question de rechercher un vocabulaire expressif propre à ce nouveau matériau (...) Douze ans plus tard, un autre pavillon, érigé lors de l’Expo industrielle de l’Association Industrielle de Poméranie, témoigne de la prise de conscience d’une capacité formelle propre au béton armé. (…) Attribuer au béton acier un vocabulaire expressif propre constituait un dé+ +nalement résolu par le fait de comprendre ses capacités statiques. (...) il est aujourd’hui au service de la 108
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troisième génération douée de la maitrise des outils de calculs de ce matériau. En résumé l’évolution du béton dans les mains des architectes a débuté par sa « dissimulation » volontaire, témoignant ainsi de leur embarra face à ce nouveau matériau économe, dépourvu de tout indice expressif dans son état brut. Sa maîtrise formelle parfaite a ensuite permis d’étendre largement ses usages pour conduire +nalement à des réalisations record. Ainsi le béton s’est-il révélé constituer un langage formel cohérent ; son emploi à l’état brut est devenu un signe de +erté des architectes qui se le sont approprié. Pourtant si son usage a généré des ouvrages de qualité hors normes, il a également causé des dégâts architecturaux néfastes (…), son emploi matérialise instantanément un projet architectural dif+cile à modi+er ou adapter. » Si nous sommes toujours dans une phase de la culture constructive qui imite des manières de faire d’autres matériaux, pourrait-on essayer de trouver le vrai langage du bambou ? En effet lorsque l’on sait qu’une corde en bambou ayant le diamètre d'un bras humain peut supporter 14 tonnes, on se rend compte de la capacité que peut avoir ce matériau +bré s’il est utilisé autrement qu’en section pleine. Mais comme le dit très justement Clotilde Félix-Fromentin, « l’esprit n’aime pas les idées vagues, tout occupé qu’il est de rigueur et de nécessité (…) Il s’avère que nous avons aujourd’hui de plus en plus affaire à des matérialités souples, malléables, Nuctuantes, réactives, évolutives… que la dé+nition elle-même confuse empêche de penser.»
Illustration 72: Dôme de Vo Trong Nghia : l'utilisation de la Lexibilité
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Dans nos cultures constructives dominantes actuelles, en occident tout du moins, la souplesse n’est pas habituelle, tout habitués que nous sommes aux matériaux rigides, et nous avons du mal à concevoir avec, tout comme le textile par exemple, qui semble nécessiter une manière de penser différente. Pourtant, Arce af+rme que « Les observations de ces auteurs (Hidalgo 1981, Spoer 1982, Ghavamy 1988, Dunkelberg, sous la direction de Frey Otto, 1985) semblent suggérer que l’une des applications les plus promettantes pourrait être de construire en treillis, en structure spatiales. Les structures poteaux poutres n’étant dé+nitivement pas une bonne option, menant à de très faible et très souples structures. » De nombreux projets ont déjà expérimenté des manières de construire différentes, et semblent parfois plus en adéquation avec le matériau. En effet, assembler ou “tresser peut produire des remplissages pour des murs entre une structure principale, mais aussi une structure auto-portante.” On peut donc distinguer plusieurs types de structures : - Le « classique » poteaux-poutres, sur un plan ou deux plans qui créent des cadres ou des chassis via de l’encastrement. - Le treillis, pour lequel la liaison sera rigide. - Les arches -Lles structures en grille tridimentionnelle, à double courbures. - Les faisceaux. - Les structures suspendues.
Du tressage et du maillage … C’est le cas par exemple de la « Homade mud house » au Bangladesh, réalisé par Anna Heringer et des étudiants de la BRAC University de Dacca. Ce projet mixte en terre et bambou utilise ces deux matériaux de façon à ce qu’ils se complètent. Des murs en terre constituent la structure principale des habitations tandis que les plafonds sont fabriqués en bambou à l’aide de liens de noix de coco tressé. Des éléments en bambou tressé sur la façade permettent de faire pousser des plantes pour protéger le mur de terre et ainsi que des éléments ponctuels de protections. Ces tressages se retrouvent aussi dans les fenêtres pour créer des moucharabiehs qui +ltre la lumière et la chaleur, 110
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Ils sont issus d’un savoir-faire local, tout comme de nombreuses céramiques utilisées dans le bâtiment, et permettent aux membres de la communauté d’être investis dans le projet. « L’architecture reNète une pureté de forme et de matériau. A sa manière le bâtiment en terre du Bangladesh pourrait être une bonne métaphore pour l’architecture en général, pour laquelle les qualités ne sont pas des matériaux éclatant et sophistiqué mais l’humilité, la sensibilité et le courage. »79 De la même manière, la Handmade school au Bangladesh, de la même architecte, utilise le tressage de panneaux pour créer les murs des couloirs, semi-ouverts, dans lesquels règne une atmosphère très particulière grâce aux jeux de lumière.
Illustration 73: Handmade school, Anna Heringer
… À là structure en grille tridimensionnelle à double courbures Mais ce tressage peut-être utilisé à plus grande échelle, de manière structurelle. L'entrelas met en tension le matériau ce qui fait un ensemble avec un rigidité importante. A plat, cela est déjà très résistant (cloisons, plancher) mais dès que l'on fait intervenir la double courbure cela devient vraiment fantastique, et tire la performance
79 http://www.architectureindevelopment.org/project.php?id=35#!prettyPhoto 111
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intrinsèque du matériau.80 Cette même architecte a participé à la première Biennale du Bambou qui s’est déroulée en Chine à Baoxi. Elle nous af+rme que « nous avons besoin de projets pilotes comme celui-ci pour prouver l’excellente qualité structurelle ainsi que leur beauté et leur unicité pour les ancrer dans l’architecture contemporaine. Utiliser des matériaux non standardisés, naturels et locaux mènera à plus de diversité dans les régions urbaines et rurales (...) ». Ces trois projets sont des hôtels composés de coeurs de pierre ou de terre, recouvert d’une « cage de bambou » permettant de créer des espaces semi-extérieurs réservés aux circulations. Ces trois projets s’inspirent de l’esthétique des abat-jours chinois, et permettent aux bâtiments de rayonner la nuit pour valoriser davantage la peau tissée de bambou. Ils sont un véritable hymne aux matériaux naturels, « simple mais pourtant poétique et humain de façon à pousser les compétences des artisanats locaux à un tout autre niveau et laisser la plus grande part des béné+ces à la communauté. » 81
Illustration 74: Hotels pour la biennale du bambou - Anna Heringer
80 Entretien avec Pierre Clément 81 http://www.anna-heringer.com/index.php?id=68
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En revanche, un autre projet, non réalisé cette fois, de Soren Korsgaard arkitekt, la wovenhouse82, utilise cette idée de tissage pour des murs étanche. « En effet le tressage offre une résistance optimale au desserrage sans ajout d’un autre matériau. Au point de liaison, les forces du matériau produisent des forces de frottement qui préservent la forme de la structure même sous de grands chargements.” C’est un projet pensé comme un show-case pour promouvoir le bambou comme un matériau écologique, qui se devait d’être inusuel et accrocheur. En même temps que de méthodes pour traiter le bambou, des méthodes très sophistiquées de tressages ont été développées. La Woven house essaie donc de reprendre cette tradition pour l’utiliser pour de l’architecture, à une bien plus grande échelle. Le fait de tresser les lamelles très Nexibles permet de créer une très grande rigidité, dans des formes très variées qui pourraient donner une expérience architecturale unique où les murs, le sol et le plafond ne sont plus qu’une surface continue, et qui peuvent aussi être tressés de manière à créer des formes pour permettre des assises ou des rangements. Les possibilités de création sont nombreuses, et les tressages plus ou moins épais permettent de laisser passer la lumière ou au contraire d’obtenir des surfaces plus fermées. Il s’agit réellement d’une piste à explorer.
Illustration 75: S'inspirer de la vannerie pour construire à plus grande échelle
82 https://architizer.com/projects/woven-house/
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Cette idée de structure en grille tridimensionnelle n’est pourtant pas nouvelle. On en parlait déjà dans Bambou-Bambus, cet ouvrage regroupant les travaux de plusieurs architectes et chercheurs autour du matériau, publié en 1985. Un chapitre entier est dédié aux structures tridimensionnelles « pour illustrer la variété des bâtiments traditionnel et suggérer la potentielle richesse de formes qu’une architecture de bambou moderne pourrait créer. » De nombreux workshops voient le jour sur ces questions, mais les recherches semblent peiner à avancer dans une direction de réelle possibilité de construction. En effet «comparé à l’utilisation conventionnelle du bambou en construction telle qu’on la connaît, la faible quantité d’exemple de structures tridimensionnelles en bambou est due au prix élevé des liaisons pour ce genre de structure. C’est en contradiction avec la facilité de travail et le bas prix du bambou. » Certaines recherches ont tout de même utilisé des matériaux plus low-cost comme un dôme avec des liaisons en éléments de bouteilles plastiques, ou encore à l’aide de tube de pvc. Nous reviendrons donc sur la question des liaisons dans le chapitre 3, pour étudier s’il serait possible de progresser dans ce domaine. Une question de coût est à se poser, serait-ce également encore moins cher de construire ces structures différement, en utilisant les courbures? Cela est très probable, car ce genre de méthode réduit la résistance que doit présenter chaque liaison, en les multipliant. En revanche il devient plus dif+cile de ne remplacer qu’un élément. La maintenance semble donc plus complxe. Ce genre de question, sur le coût global de telles structures, serait à creuser davantage.
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Illustration 76: dôme réalisé avec des éléments de liaisons à partir de bouteilles plastiques
Utiliser la Nexibilité du bambou semble néanmoins vraiment pertinent. En effet des radius très étroits de courbes peuvent être atteint à l’aide de +nes lamelles individuelles. Si on les regroupe, on peut aussi obtenir des faisceaux. Mais il est très compliqué d’anticiper la résistance en fonction de la courbure que l’on donne à une +bre. De nombreuses recherches ont tout de même été effectuées dans ce domaine et il ne resterait plus qu’à concevoir des prototypes à expérimenter sur le terrain pour créer des repères a+n de construire de cette manière. J’ai pu tester la Nexibilité de tels faisceaux à l’ATM, réalisant avec de +nes sections un poteau qui, à son sommet se transforme en une sorte de demi arche. Une fois de plus l’enjeu principal semble être la manière d’attacher les sections entre elles a+n de les contraindre sans une rupture des capacités mécaniques. On pourrait aussi évoquer les structures suspendues, principalement utilisées pour des ponts, qui se servent de la courbure du matériau pour en trier partie. L’exemple d’architecture qui utilise la Nexibilité du bambou le plus courant est bien sur Ibuku, à Bali. Ils semblent également être les plus compétents dans ce domaine, ayant à leur compte une soixantaine de réalisations aux formes organiques. Ils organisent même des formations autour de la conception et du travail du bambou. Les courbes du bambou sont leurs alliées, ils travaillent d’ailleurs à partir d’elles pour concevoir leurs projets.
Illustration 77: utilisation de faisceaux - Bamboo bambus
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En effet, le travail s’effectue en maquette, qui sont scannées pour véri+er la solidité de la proposition et le respect des normes. Puis le choix des chaumes est effectué à partir de ce modèle, a+n de rester au plus près du dessin initial. Leurs projets, sont aussi impressionnants qu’ils ne sont connus. Pour l’instant ils s’adressent en revanche qu’à une catégorie de population très aisée. Leurs ouvriers, locaux, sont extrêmement quali+és. Cela nous amène à évoquer le potentiel social du bambou, par l’apprentissage et l’autonomisation des populations.
Illustration 78: Dernier projet d'Ibuku, Bali
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Ă&#x2030;conomie : le potentiel social
Illustration 79: Dessin d'ibuku pour un client
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3-L epot ent i elsoci al:apprent i ssageet aut onomi sat i on
3 . 1-Not i on dedével oppementdurabl e,
L’importance des trois piliers La notion de développement durable peut-être est souvent confondu avec celle d’écologie, de protection de l’environnement. Mais il ne faut pas oublier qu’elle est en fait fondée sur trois piliers, trois dimensions distinctes : il doit être à la fois économiquement ef+cace, socialement équitable et écologiquement tolérable. Le social doit être un objectif, l’économie un moyen et l’environnement une condition. Le rapport Brundtland, rédigé par la Commission mondiale sur l’environnement et le développement de l'Organisation des Nations unies en 1987, a donné une dé+nition du développement durable comme «un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs." Cela doit s’installer dans le temps, le développement n’est « durable» que s’il est conçu de manière à en assurer la pérennité du béné+ce pour les générations futures. Or nous avons déjà vu que le bambou a de fortes qualités environnementales. C’est un matériau biosourcé, qui nécessite peu de transformation et donc peu d’énergie grise, sa culture peut être poly-culturelle a+n de ne pas paupériser les terres ; et au contraire le bambou prévient l’érosion des sols ; et il peut être utilisé localement en limitant le transport… Cet aspect n’est plus à démontrer. Nous avons aussi vu que le bambou pouvait créer en lui-même, une économie qui n’est aujourd’hui pas encore très développée ; libres aux futures initiatives d’en faire une économie responsable. Il s’agirait de « développer des pratiques commerciales éthiques pour mieux répartir les béné+ces et les richesses (le commerce équitable...), d’intégrer le coût social et environnemental dans le prix des produits, de chercher à
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développer le tissu économique local. »83 Il faudrait dans tous les cas se baser sur une économie circulaire qui récupère, recycle et répare au lieu de détruire et de produire à nouveau. Le bâtiment en bambou s’intègre tout à fait dans cette démarche puisque ses chaumes abimés peuvent être remplacé très facilement par exemple. De plus, chez Raw par exemple, il existe une forme d’échange particulière : il est souvent demandé aux familles pour qui on construit de s’investir en retour sur certains chantiers : ainsi l’atelier fut construit avec l’aide de trois familles qui ont été relogées quelques mois plus tard, certains ne participant qu’au transport ou à la cuisine, mais ce troc est tout à fait en accort avec un principe de développement durable. Mais il faut aussi l’installer dans le temps, et c’est en cela que l’équipe qui s’occuper d’aider les familles avec leurs dettes est une initiative importante pour l’ONG. En les aidant à apprendre comment économiser chaque jour un petit peu d’argent pour commencer à rembourser, cela permet de pérenniser un niveau de vie plus haut. Mais il faut faire attention car comme le dit très justement Pierre Rabhi « « Il est évident que, pour les catégories les plus pénalisées, le principe de sobriété n’a aucun sens et pourrait légitimement être interprété comme une provocation, ou de la dérision. » Plus tard il pourrait alors être envisagé de créer des initiatives au sein de la communauté pour permettre chaque mois à l’un des membres d’obtenir le revenu suf+sant pour une nouvelle initiative (four, outils…) On pourrait imaginer des alternatives comme une mutualisation des ressources, par exemple plusieurs bambouseraies se regroupant autour d’un même lieu de traitement des chaumes. Il s’agit de limiter les dépenses de chacun et d’entrer dans un processus de partage. Cette notion n’est même pas à introduire dans les cultures asiatiques par exemple. Le repas en est l’exemple le plus frappant, lorsque l’on mange ensemble chacun ne commande pas son plat mais tout le monde pioche dans la multitude de plats au centre de la table.
L’aspect social Reste donc l’aspect social, pour faire entrer le bambou dans un vrai développement durable. Mais une fois de plus, cela reste tout à fait cohérent. Janssen nous parle du rôle du bambou dans la création d’emplois ; « Le bambou est un matériau qui fournit plusieurs opportunités de créations d’emploi parce que beaucoup de produits peuvent être fabriqués avec un faible capital d’investissement. La condition est une structure sociale, particulièrement dans les villages, qui encourage les coopératives, l’éducation et la formation au travail autour des produits en bambou ». En effet le
83 http://www.3-0.fr/
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bambou, en créant de l’emploi, pourrait lutter contre les discriminations en incluant les plus défavorisés, en garantissant de bonnes conditions de travail. Rappelons qu’ « « Il existe un côté industriel pour le bambou également. Plus de processus industriels nécessitent d’être développé si l’on veut que le bambou contribue à loger le million de sans-abris de la planète. Il faut aussi rappeler que l’industrie produit de l’emploi à grande échelle, ce qui est une nécessité dans la plupart des pays en développement. »84 L’essentiel est de développer une industrie durable, qui reste en accord avec les trois piliers. Il est aussi primordiale d’assurer la formation des populations : « Si tu donnes un poisson à un homme, il mangera un jour. Si tu lui apprends à pêcher, il mangera toujours. »Lao Tseu. Nous reviendrons sur cette idée de ré-insertion avec l’exemple de Raw Impact en troisième partie. De plus, d’un point de vue social, en re-créant cette sorte de nouveau village, il est aussi très important de penser au bien-être de la communauté. Essayer de faire avec les demandes de chacun, par exemple dans la proximité du lieu de vie de plusieurs familles qui souhaitent continuer d’habiter proches les unes des autres. Un espace communautaire a également été prévu, lieu de rassemblement, mais aussi de communication et d’information pour tous. En+n, en ré-insérant des savoirs-faire autour du bambou, cela valorise le territoire et permet une préservation d’un patrimoine local. Ainsi le bambou pourrait s’inscrire dans une vraie démarche de développement durable. Il nous reste à approfondir sur ce dernier pilier social, en l’illustrant d’exemples concrets.
Les initiatives déjà en marche En effet de nombreux projets, à travers le monde, qui se tournent vers le bambou, ont un aspect social très marqué. C’est le cas par exemple d’un projet au Bangladesh, du Pany community center, de SchilderScholte architects. Au-delà d’être un centre communautaire, la démarche fut de sensibiliser les locaux aux principes fondamentaux du respect de l’environnement, notamment par le fait d’utiliser uniquement des matériaux et des compétences provenant d’un périmètre de 25km à la ronde. Ainsi, en plus de la sensibilisation, les savoirs-faire locaux sont valorisés (ainsi que le bambou, considéré comme un matériau pauvre) et les habitants de la région deviennent impliqués dans la construction.
84 Building with bamboo, Janssen Jules
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Illustration 80: Pany community center
Mais cela peut prendre une bien plus grande ampleur comme c’est le cas au Mexique, avec le Rural sport center. L’équipe en charge de la conception a travaillé en collaboration avec les habitants et a ensuite offert des ateliers d’initiations et d’apprentissage de méthodes de construction aux locaux. J’ai pu réaliser en parcourant de nombreux projets, que cette initiative était instaurée la plupart du temps, ce qui est en accord avec un développement durable, sur le long terme. « l’équipe a entrainé des bâtisseurs aux techniques de construction indigènes en utilisant des matériaux et des ressources locales, mais à aussi fourni un aiguillage technique issu de méthodes innovantes. L’essentiel du projet fut construit par la communauté en auto-construction. De cette manière, les concepteurs ont été capables de fournir à la ville un centre sportif mais aussi d’éduquer la communauté en apprenant par la participation et la construction. Récupérer des traditions par le biais de matériaux et de techniques de construction sera vital dans le futur à venir. »85
85 http://www.architectureindevelopment.org/
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Illustration 81: Rural sport center, Mexique
Illustration 82: Black bamboo community center
C’est également le cas du Black Bamboo Community Center, en Indonésie. Le projet a été construit par des volontaires de la communauté, mais également avec une participation des architectes, ce qui leur a permis de gagner la con+ance des habitants. « Par cette architecture démocratique et plus égalitaire, tout le monde a appris quelque chose de nouveau à propos du bambou. 122
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Cela inclus aussi les femmes de la communauté, qui ont aidé à insérer le mortier dans les liaisons de bambou, une nouvelle manière de faire pour les volontaires». 86 Au-delà de cette idée de partage de connaissances, l’un des aspects essentiel mais complexe est l’identi+cation des béné+ciaires d’un projet. Par exemple pour le projet de la Casa OE, que nous avons vu précédemment, c’était une étape importante car ils allaient participer à la construction, et être ensuite ceux qui allaient pouvoir répliquer le modèle pour les autres membres de la communauté à qui ils allaient apprendre à leur tour. Le modèle de maison proposé coûte 3500$, ce qui reste abordable à l’aide d’un micro-crédit, et que l’on reste sur un principe d’auto-construction. Il s’agit d’un système de responsabilité partagée a+n de générer un réel engagement et non pas une simple assistance. C’est le même scénario chez Raw Impact, mais le choix des premiers béné+ciaires fut très dif+cile à faire. Les plus démunies et volontaires furent choisis, mais il est dif+cile d’expliquer aux autres habitants pourquoi ils ne sont pas aidés immédiatement aussi.
Illustration 83: Casa OE
86 http://www.architectureindevelopment.org/project.php?id=385 123
Économie : le potentiel social
3 . 2–grow yourown house Une équipe d’habitués On retrouve chez Simon Velez de très fortes intentions sociales. En effet l’architecte a une réelle volonté de former l'équipe qui travaille avec lui sur chantier a+n d'avoir des ouvriers très compétents disponibles. « Autour de lui, sur les chantiers, le premier cercle des collaborateurs de l'architecte est restreint : une dizaine d'hommes expérimentés et formés aux différentes techniques, capables de lire et d'interpréter les dessins, d'organiser les équipes qu'ils recrutent autour d'eux, dans leurs villages par exemple, tous en mesure d'opérer comme chef de chantier. Les équipes s'installent durablement sur le lieu du chantier qui peut durer de nombreux mois, parfois mêmes des années. » Avec de simples croquis à la main il est capable de communiquer comment construire l'édi+ce, en dessinant avec un code couleur connu de tous, pour faciliter et raccourcir le temps de production de document. Cela paraît inconcevable dans notre manière de faire européenne, où les décideurs ne font con+ance qu’aux dessins informatiques et où, la plupart du temps, il faut vendre son projet à l’aide d’images. Et « à partir de là chacun accorde sa personnalité et ses compétences en un bel ensemble », ce qui valorise la main d’oeuvre en lui accordant sa con+ance et en lui laissant une certaine liberté. Les bâtisseurs sont « employés à des tâches très spéci+ques qui requièrent de l'habileté et fondent la +erté du travailleur. » L’organisation du chantier est donc pensée comme un sport d’équipe, où chacun aura son rôle dans un but commun, et « les instruments de la représentation de l'architecte y sont totalement subordonnés. » De plus, « les équipes sont habituées à se délocaliser le temps d'un chantier », ce qui permet une vraie maîtrise, tout le monde étant habitué à travailler ensemble. Encore une fois, cela semble loin de ce que l'on peut connaître, dans un système où les appels d'offre les plus avantageux l'emportent, mêlant des entreprises qui n’ont jamais travaillé ensemble, et au détriment souvent du métier d’artisan, spécialiste de son domaine.
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Ces bâtisseurs, très quali+és, peuvent alors aller réparer leurs habitations ou construire dans leurs villages pendant leur temps libre. En effet, « Ce genre de chantier est le lieu de la production du bâti mais aussi celui d'une formation grâce à laquelle s'acquièrent et se valident des connaissances et un ensemble de savoir-faire. Ce mécanisme est mis en œuvre dans un pays qui connait un taux de chômage endémique élevé, et l'on comprend que l'activité générée sous la houlette de Simon Velez joue un rôle formateur structurant socialement et valorisant pour les personnes. Si l'on rappelle que cette formation touche au domaine de la maison et se rapporte à des matériaux simples et bon marchés, disponibles sur place, on saisit combien elle favorise une importante circulation immédiate des compétences utiles pour améliorer le logement des travailleurs et de leurs proches. » Les choses semblent très simples comme cela mais il faut rappeler que ce processus se heurte à des complications, économiques bien sur, mais également idéologiques, normatives et administratives.
Illustration 84: Grow your own house
En effet, les décideurs actuels ne sont pas du tout dans la même optique, et nos sociétés se développent autour d’expertises, qui fragmente les savoirs. Le rôle de l’architecte, de syntèhse entre tous les domaines du projet, est donc de plus en plus dif+cile tant les acteurs deviennent nombreux. Comme l’explique Pierre Frey « plus la médiation instrumentale est complexe, c’est-à-dire plus la technologie mise en place est sophistiquée, moins l’auteur du projet le maîtrise et plus l’usager +nal de la chose bâtie est tenu à distance ». Il s’agit d’une vraie dématérialisation de l’architecture, qui met de la distance entre le concepteur et le bâtiment. Le travail de Simon Velez remet donc en question la pratique elle-même de l’architecture, redonnant une valeur à ses constructeurs et réduisant la hiérarchie avec l’architecte. 126
Économie : le potentiel social
Vers l’autonomie Mais revenons aux aspects sociaux que Simon Velez met en place. Au-delà de sa propre organisation de travail, il a aussi théorisé la construction en bambou autour d’une idée intéressante : grow your own house. (fais pousser ta propre maison) Le principe est simple : cultiver du bambou puis construire sa maison à l’aide de ces plantes. « Dans les tropiques, en seulement cinq ans, il est possible de faire pousser assez de bambou sur un terrain de 20x20 mètres pour construire deux maisons de 8x8 mètre. Et comme le bambou se propage via son système racinaire, il recommence à pousser immédiatement après avoir été récolté. » D’autres chiffres que ceux de Velez existent, mais restent tout à fait raisonnables : « 500mètres carrés de bambouseraie plantée de Guada angustifolia Kunth produisent tous les cinq ans la récolte des chaumes nécessaires à la construction d'une petite maison. »87
Illustration 85: Noeud complexe de Simon Velez
Cette théorie est très intéressante pour que les populations deviennent tout à fait autonomes quant à la construction de leurs habitats. Il ne reste alors plus qu’à leur donner ‘les armes’ nécessaires pour ‘faire’, une transmission importante.
87 Building With Bamboo: Design and Technology of a Sustainable Architecture, Gernot Minke 127
Économie : le potentiel social
3 . 3-l at ransmi ssi on parl e’fai re‘
« L’humanisme est ce qui va éradiquer l’humanitaire » Pierre Rabhi.
Une nouvelle organisation de la production : Raw Impact Une plantation de bambou a été construite par Raw a+n de devenir à terme complètement auto-suf+sant, ce qui est une excellente idée lorsqu’on imagine la quantité nécessaire au projet entier : 80 maisons sur pilotis d’une vingtaine de mètres carré. Cette nouvelle pépinière, implantée à Koki, un village plus au Nord du pays, permet à la fois de créer de l’emploi là-bas, dans une zone complètement isolée où les habitants ont du mal à devenir indépendant. La conception du bâtiment m’a été attribuée, il s’agissait de faire une sorte de préau pouvant accueillir 5000 semis, avec le moins de matière possible, et surtout de porteurs, qui empêcheraient une bonne circulation. Inspirée par la cathédrale de Simon Velez réalisée à l’aide d’une arche mais dont chaque pile est en fait indépendante structurellement, j’ai imaginé un système de treillis sur ce principe. La nursery est désormais construite, et l’équipe qui travaille autour de l’agriculture a fait les recherches nécessaires à la culture du bambou. Ils ont créé un guide pour transmettre ces savoirs à la famille qui va avoir pour mission de s’occuper de la bambouseraie, et si cela marche bien, cette transmission va se multiplier avec le travail. De plus, dans un but économique, un changement de traitement à été envisagé. En effet, les chaumes « nus» coûtent beaucoup moins cher. Un bain de traitement a donc été construit ainsi que de nouveaux espaces de stockage, à la verticale et à l’horizontale pour les différentes phases. Les chaumes reçus ont seulement subit un traitement d’immersion à l’eau (dans la rivière). Puis il s’agit d’un bain de borax, les chaumes y trempent deux semaines, en restant immergés à l’aide de pierres, avant d’être séchés. A termes, le but est d’utiliser les chaumes produits dans la bambouseraie, et de les traiter avant qu’ils soient utilisables en construction. Un nouvel espace d’atelier sera construit sur le terrain dé+nitif, donnant la possibilité à l’atelier de se transformer entièrement en nouvel espace de traitement. Sur le plan masse initial, un espace de plantation avait aussi été prévu, mais le projet va déjà être très condensé, remettant en jeu cette idée. 128
Économie : le potentiel social
La transmission de savoirs, mais aussi de cultures Mais à l’heure actuelle, une équipe d’une dizaine d’homme travaille déjà à temps plein pour Raw Impact. De tout âge, le plus jeune ayant à peine 18ans, ils ont appris les manières de travailler le bambou. Certains sont plus spécialisés, comme les conducteurs d’excavateurs, mais la plupart effectuent des tâches variées. C’est d’ailleurs peut-être en cela qu’il faudrait évoluer, en spécialisant un petit peu plus chacun sur des tâches plus spéci+ques mais sur lesquelles il sera entrainé et donc plus compétant. Ils sont payés entre 300 et 150$ par mois en fonction de leurs quali+cations et béné+cient de jours de congés, ce qui est très correct lorsqu’on sait que le salaire moyen au Cambodge est de 73$, mais cette répartition de l’argent n’est pas toujours très juste par rapport à leur investissement. En revanche cela ne suf+t pas à les sortir d’une certaine précarité : l’un des garçons, tombé malade et hospitalisé, s’est vu attribuer un salaire très bas à cause de sa longue absence. Ses jours de congés maladie et de congé classiques étant épuisés, l’ONG n’a payé que ses jours de présence. Mais les Cambodgiens n’ont pas d’assurance, et en général pas d’argent de côté, ce qui l’a mis dans une situation dif+cile, surtout lorsqu’on connaît les frais d’hôpital et que le salaire contribue à nourrir sa famille. Cet événement manquait d’humanisme, mais il est aussi impossible, lorsqu’on y réNéchi, pour une organisation ne vivant que sur des dons, de palier aux problèmes de chaque membre de la communauté. En revanche, ils sont encadrés par un charpentier australien, qui a appris leur langue et réussi à créer une équipe soudée. Lors de l’accident de camion auquel j’ai pu assister, ils ont réussi à tous s’investir ensemble pour sortir le véhicule qui s’était embourbé, devant l’assistance composée d’une bonne partie de la communauté, et ce dans la joie et la bonne humeur. Au-delà de leur apprendre un métier, cette expérience leur apprend à travailler ensemble et il existe un réel attachement entre-eux. Les membres du staff khmers, travaillant souvent plus aux bureaux, ont également une vraie transmission de savoirs. Premièrement, ils ont la chance de pratiquer leur anglais quotidiennement ce qui est un véritable atout, la langue étant souvent mal enseignée. Ils progressent également dans leur propre métier, étant donné que leurs missions sont cette fois bien spéci+que (média, +nance, agriculture, logistique, couture…) et qu’elles évoluent avec l’organisme. Ce mélange de culture entre occidentaux et locaux est essentiel pour l’ONG, pour s’ancrer dans le territoire. L’échange culturel est donc véritablement dans les deux sens, et leur présence est ce qui participe à rendre l’expérience unique.
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Économie : le potentiel social
concl usi on duchapi t reI I
Nous nous sommes posés des questions liées à l’économie autour du bambou, c’est-à-dire à l’ensemble des activités humaines tournées vers sa production, sa distribution, et sa consommation en ne s’attardant que sur son utilisation en construction. L’enjeu était de se demander quelle économie le bambou pourrait générer à travers son potentiel social, s’il existait un réel partage des savoirs et de la recherche. En effet il est indéniable que l’organisation de la production actuelle génère différents types d’emploi, souvent grati+ants. Les différentes étapes du processus pour passer de la matière au matériau nécessitent à la fois des savoirs-faire agricoles pour la culture et la récolte du bambou, mais également plus techniques pour les étapes de traitement, de séchages, de stockage etc. Bien que sa transformation soit assez aisée, il faut beaucoup de manutention, notamment parce qu’il est dif+cile de standardiser des outils ou des machines. « Cette architecture est nécessairement liée à une agroforesterie locale et s’ouvre spontanément sur un modèle d’autoproduction pour l’autoconsommation. » Il serait possible de développer cet aspect de travail coopératif à petite échelle, dans une optique de développement durable. De nombreuses initiatives voient le jour en Europe pour revenir à ce genre de système, comme des supermarchés coopératifs, des AMAPS, des cafés associatifs, des monnaies locales etc. Alors pourquoi ne pourrait-on pas imaginer un système économique bien particulier au bambou qui structurerait l’emploi de façon tout à fait adaptée ? Je n’ai pas de réponse précises à cette question, qui dépasse mes compétences de future architecte, mais je peux proposer des pistes de réNexion. Tout d’abord il faudrait baser le développement sur une économie circulaire, qui recycle au lieu de jeter. Un bâtiment en bambou, s’il est bien conçu, peut être facilement réparé, et intègre donc cette notion. Souvent, on retrouve dans les projets un caractère social très fort. En effet l’enjeu de transmission d’un savoir semble être important dans la majorité des projets qui travaillent avec les communautés. On pourrait donc utiliser un système de troc plus que le système monétaire classique, tout de même essentiel si l’on ne veut pas être complètement utopiste : des heures de travail en échange d’aide pour la construction d’une maison par exemple. L’organisation du travail de façon plus communautaire pourrait aussi permettre une mutualisation des outils, tant de traitement que de construction. «Cette architecture détourne sans bruit les grands monopoles de moyens de production sur le marché de la construction, détenus par un tout petit nombre d’empires économiques mondialisés et portés tout naturellement à la poursuite de leur intérêt. » En effet si tout cela est fait avec une 132
Économie : le potentiel social
certaine modération, c’est-à-dire que l’enjeu n’est pas de « grossir» mais de continuer à fonctionner en interne, il ne me semble pas déraisonné de penser que cela pourrait fonctionner. De plus, comme nous l’avons vu chez Simon Velez, il existe avec le bambou une vraie valorisation du travail de l’ouvrier, à l’inverse des chantiers actuels qui privent d’autonomie le travailleur. Ce côté « humain » n’est pas négligeable non plus : « Cette architecture est grande consommatrice de travail quali+é. (...) elle induit le respect du travail de celui qui l’accomplit. Elle se situe aux antipodes de chantiers conduits pour privilégier la rentabilité des fonds investis, la vitesse » « Le bambou doit encore faire la transition (déjà faite par le bois) d’un matériau low-tech à un matériau de construction avec un fort potentiel d’innovation »88 La transition pour passer de la simple «icône écologique » à un vrai modèle économique pour la construction reste à faire. Et c’est aujourd’hui qu’il faudrait la penser pour qu’elle soit durable (partage communautaire etc. ). Les petites initiatives peuvent générer un changement à plus grande échelle lorsqu’elles se multiplient. Elles sont aujourd’hui déjà nombreuses, comme en témoigne la multitude de projets que j’ai pu trouver et recenser au cours de mes recherches pour ce travail. Il s’agirait donc désormais de prendre la question de manière plus globale et d’essayer de penser un système qui s’appuierait sur les connaissances et les compétences de chacun. De nombreux ouvrages ont déjà essayé de regrouper les travaux de divers chercheurs, mais dans notre monde globalisé actuel, avec des outils de communication faciles comme internet, ne pourrions-nous pas avoir, par exemple, une plateforme de partage accessible à tous ? Ce travail m’a appris à voir les choses de façon moins tranchée et si l’on réNéchit à la mondialisation avec du recul, on se rend compte qu’il offre des chances incroyables pour voyager, partager, s’informer etc. De la même manière, j’ai aussi conscience que le développement d’une économie comme on la présente ici n’est pas si facile qu’il n’y parait, notamment tout simplement parce qu’il est dif+cile d’obtenir la « bonne ressource » mais également les méthodes adaptées à chaque besoin spéci+que pour construire avec.
88 Grow your own house, SimUn Vélez and bamboo architecture, publié par le Vitra design museum 133
Savoir-faire constructif : vers de nouvelles manières de construire
1-l’évol ut i on desmét hodesaucoursdut emps
1 . 1- Dansl edét ai ldesli ai sonst radi t i onnell es
Les chaumes de bambou sont employés en construction depuis longtemps, mais l’enjeu majeur est toujours resté le même : comment les assembler ? Comme démontré précédemment, la construction en bambou est le plus souvent lié à un système de poteaux-poutres et de remplissage, bien qu’il ne s’agît peut-être pas de la meilleure des façons d’utiliser le matériau. C’est de ce système constructif que nous parlerons ici, puisqu’il s’agit de relever et d’analyser des manières de faire. Des méthodes traditionnelles d’assemblages, liées chacune à leur lieu d’origine ont donc vu le jour. Elles se caractérisent en général par des matériaux naturels, locaux et peu transformés, mais requièrent différents niveaux de technicité. « Sur le plan de ce que l'on pourrait appeler une typologie des assemblages de bambou, notons les traditions vernaculaires, asiatiques en particulier : elles ont exploré de très nombreuses possibilités et apporté des solutions d'une grande élégance, spécialement dans les jonctions assurées par tenons et mortaises, et verrouillées par des lanières végétales. » Il existe une multitude de méthodes d’assemblage traditionnel et de nombreux ouvrages se sont emparés de la question a+n d’essayer de les rassembler, comme Bamboo -Bambus89, où l’on retrouve nombre de planches d’illustrations de ligatures. Mais il est dif+cile de connecter plusieurs sections en un seul point avec les méthodes traditionnelles de ligatures car cela engendre « des excentricités du transfert de charges dans la connexion »90. En effet, d’après Pierre Frey, « aucune technique traditionnelle n'exploite pourtant complètement les possibilités du matériau. » Nous parlerons alors de l’évolution des méthodes vers des solutions plus technicisées, voir technologiques. Cette partie peut donc aussi être illustrée de mes prototypes réalisés à l’ATM, qui m’ont aidé à tirer des conclusions sur chacune des méthodes, que l’on retrouve en annexe.
89 Bambus – Bamboo , sous la direction de Frei Otto, 1985 90 Traditional and innovative joints in bamboo construction, Andry Widyowijatnoko 136
Savoir-faire constructif : vers de nouvelles manières de construire
Illustration 88: Planche de liaisons de Bamboo, bambus
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Savoir-faire constructif : vers de nouvelles manières de construire
inter-pénétration Le premier des assemblages est l’inter-pénétration. En effet dans la culture asiatique vernaculaire, on ne construit que dans un seul plan. Souvent, on perce donc le bambou pour en insérer un autre de plus faible diamètre mais toujours dans le même axe. Or enlever de la matière n’est pas la meilleure des options car cela réduit la section qui reprend les charges. Il faut donc beaucoup de soin pour réaliser ce type d’assemblage. Il est aussi préférable de les positionner à des « endroits où le point faible est également supporté par d’autres mesures constructives comme des bandages, des nœuds, des sabots ou des barres de renforts. » 91 Ce type de liaison n’a pas été essayé à l’ATM, car j’avais déjà conscience, après mon entretien avec Pierre Clément, architecte français, spécialisé dans les bâtiments bio-climatiques et habitué du bambou, de la faiblesse de ces liaisons. Taille spéci'que Il est aussi possible de construire des liaisons sans ajout de matière. La première façon est d’effectuer une taille spéci+que « quelques connexions spéci+ques sont considérées comme des « liaisons originales qui ne peuvent pas être appliquées à d’autres matériaux.» Il peut s’agir de créer des entailles et des trous pour créer l’assemblage, mais pour l’avoir testé cela requiert beaucoup de temps et de précision, pour une résistance très faible. On peut aussi ne garder qu’un quart de la section du chaume puis, en le rendant plus souple, venir envelopper cette lanière autour du chaume avec qui l’on veut se liaisonner. Il me fut impossible de réaliser cette méthode, mes bambous étant déjà trop secs, et donc rigides, et ne disposant pas de moyen de l’assouplir. J’ai pourtant essayé de le faire tremper dans de l’eau bouillante mais probablement trop peu de temps, et cela n’a pas fonctionné. Une autre idée, allié à ce système de taille spéci+que est de créer une cale avec un bambou de plus faible diamètre qui pénètre à l’intérieur des sections à assembler, de bout. Si l’on effectue en plus des tailles particulières (en biseau, en Z…) il est possible de créer des jonctions intéressantes. Mais le choix des bambous, pour qu’ils aient le parfait diamètre est très compliqué. Ces méthodes sont certes uniques au bambou, mais elles requièrent une technicité et un temps de mise en œuvre considérable, alors qu’elles fragilisent en fait les canes. Il est également possible d’utiliser le bambou sectionné en deux dans sa longueur, créant des demi-cylindres. Juxtaposés en quinconce, il est alors possible de créer des toitures étanches. Mais le bambou et l’eau ne font pas bon ménage
91 -Building with bamboo, Janssen Jules
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Savoir-faire constructif : vers de nouvelles manières de construire
Illustration 93: Outil spĂŠci que
Pour rĂŠaliser les lamelles, un outil en ĂŠtoile est nĂŠcessaire, mais les planches peuvent ĂŞtre rĂŠalisĂŠes Ă la machette, comme me lâ&#x20AC;&#x2122;avait montrĂŠ Hung, Ă la bambouseraie. On effectue des entailles peu profondes Ă lâ&#x20AC;&#x2122;aide dâ&#x20AC;&#x2122;un geste bref et assurĂŠ tout autour du chaume puis on le dĂŠplie doucement a n de crĂŠer une sorte de planche. Les panneaux sont, eux, souvent rĂŠalisĂŠs Ă lâ&#x20AC;&#x2122;aide de bres que lâ&#x20AC;&#x2122;on tresse, de plusieurs manières diffĂŠrentes, liĂŠes aux traditions culturelles de la rĂŠgion. Mais on pourrait aussi imaginer des panneaux avec un cadre dans lequel on vient remplir avec de nes sections, des rondelles, des bresâ&#x20AC;Ś a n de nâ&#x20AC;&#x2122;avoir quâ&#x20AC;&#x2122;Ă assembler le cadre Ă la structure principale. Nous avons testĂŠ ce genre de mĂŠthode pour une fenĂŞtre haute dans lâ&#x20AC;&#x2122;atelier. Il sâ&#x20AC;&#x2122;agissait de ventiler sans laisser la possibilitĂŠ dâ&#x20AC;&#x2122;une ouverture pour garantir la sĂŠcuritĂŠ du bâtiment. Les remplissages, en rondelles de bambou ĂŠtaient agencĂŠs de manière Ă ĂŞtre assez compressĂŠs pour ne plus bouger, crĂŠant un effet esthĂŠtique intĂŠressant.
Mais les cadres ont ni par être rÊalisÊs en bois, pour faciliter la construction, en amont et pour le montage sur le bâtiment. Arquitectura expandida 94 a aussi utilisÊ cette technique pour rÊaliser une paroi. Malheureusement le reste du bâtiment est en polycarbonate, un matÊriau bien moins Êcologique.
94 https://www.archdaily.pe/pe/624982/casa-de-la-lluvia-de-ideas-en-bogota-un-espacio-para-la-culturay-el-encuentro 142
Savoir-faire constructif : vers de nouvelles manières de construire
Illustration 94: Architectura expandida
Pourquoi ne sont-elles pas optimales ? La conclusion de Pierre Frey peut sembler très négative mais est pourtant réaliste, aux vues des enjeux que présente le matériau : « de ces investigations se dégage l'impression qu'aucune technique traditionnelle n'assure un assujettissement suf samment stable et précis des chaumes de bambou pour garantir un report optimal des charges et permettre au matériau de participer à des systèmes statiques complexes, résistants et surs. (…) aucun ne résiste indifféremment aux efforts de traction et de compression. En résumé les qualités théoriques du bambou en général (…) ne sont pas valorisées de manière optimale dans les techniques vernaculaires traditionnelles. » Ces liaisons sont relativement adaptées aux contraintes du matériau, mais n’arrivent pas à être suf sante pour avoir une résistante supérieure, ou ne seraitce égale au bambou : elles cassent avant lui. Elles restent satisfaisantes pour de petites constructions ponctuelles, mais la dif culté intervient lorsqu’on a affaire à des programmes plus importants : de grandes portées, de grandes hauteurs ou plusieurs étages. Ainsi les sollicitations sont plus grandes, les charges que doivent reprendre les liaisons augmentent et les enjeux de sécurité sont plus importantes (particulièrement avec des conditions climatiques extrêmes). La durabilité de ces liaisons est aussi relativement faible et leur remplacement ou leur entretien devient une source de problème, notamment si l’on a un changement de propriétaire par exemple. C’est pourquoi il existe une vraie nécessité d’innovation dans les liaisons pour construire en bambou plus massivement. 143
Savoir-faire constructif : vers de nouvelles manières de construire
En revanche, pour Pierre Clément, transposer une méthode d'assemblage qu'on utilise avec du bois usiné peut fonctionner, mais ce n'est jamais réellement satisfaisant. Il évoque une certaine « puissance du traditionnel ». Il est vrai que, dans l’esthétique d’une liaison, les méthodes utilisant des matériaux naturels sont plus satisfaisantes, puisqu’elles sont plus accordées au matériau. « Mais il y a aussi des types qui font des choses super en étant un peu malins, en utilisant ‘de l'innovant’, avec la bonne dose. » C'est également l’avis de Simon Velez, qui parle d’un « potentiel d'innovation fondé sur la +nesse de l'hybridation et l'agencement de techniques connues, banales en ellesmêmes, dans un ordre et par des connexions inédites. »
Nous pourrions prendre l’exemple du dôme en bambou construit en Iran, à l’aide de tuyaux de gaz. L’idée vient d’un étudiant qui ne savait pas comment construire un dôme et est arrivé à cette idée originale d’abris, prouvant une fois de plus que l’erreur peut mener à de nouvelles idées. Avec seulement 700$ il est possible de construire ce projet de 40m2, réalisable facilement par trois personnes (non-professionnelles) en deux jours. Cet exemple nous prouve qu’avec de l’ingéniosité, et des éléments très simples il est donc possible de concevoir des projets innovants. Nous allons donc nous intéresser aux méthodes innovantes que nous pouvons trouver aujourd’hui.
Illustration 95: Dôme en Iran
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Savoir-faire constructif : vers de nouvelles manières de construire
1 . 2-L’évol ut i on versl esli ai sonspl ust echnol ogi ques,refl et sdes soci ét ésact uell es
Classi'cation Mais avant d’évoquer les méthodes technologiques, essayons d’effectuer une classi+cation des éléments d’assemblage, en s’appuyant sur les méthodes traditionnelles pour y ajouter leurs évolutions. Il est possible, comme le propose Andry Widyowijatnoko dans une version s’appuyant sur le premier travail de Janssen, de les classer en fonction de la manière dont les forces sont transmises dans la liaison et de la position du connecteur. Cela mène à six familles, dont le schéma est probablement plus parlant.
1- transfert des forces en compression par contact avec la section entière. 2- transfert des forces en friction sur la surface interne ou en compression vers le diaphragme 3- transfert des forces en friction sur la surface externe 4- transfert des forces en tension ou en cisaillement par des éléments perpendiculaires connectés, extérieurs (4a) ou intérieurs (4b) 5- transfert des forces perpendiculairement aux +bres 6- transfert des forces en compression vers le centre du chaume par du cisaillement et des contraintes circonférentielles, perpendiculairement aux +bres Bien sur, il est possible qu’une liaison appartienne à plusieurs familles. Cette classi+cation me semble très pertinente, c’est pourquoi je l’ai repris pour les liaisons traditionnelles que nous avons vu précédemment, puis dans un second temps j’y ai ajouté les liaisons que j’avais rencontré dans les projets étudiés, ainsi que celles que je voulais tester à l’ATM. En annexe, on peut trouver un tableau avec les méthodes traditionnelles et innovantes en fonction de ces familles. Nous allons donc évoquer les méthodes plus innovantes, avec lesquelles on construit davantage aujourd’hui, et essayer de véri+er si cette évolution est béné+que pour le travail avec le bambou.
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Savoir-faire constructif : vers de nouvelles manières de construire
Illustration 96: Schéma de classi+cation de trois groupes de liaisons
Notons que toutes ces liaisons peuvent être faites de manière perpendiculaire, pour un poteau-poutre par exemple, mais également avec un angle, pour une toiture, un élément de contreventement, ou tout simplement parce que la conception est faite ainsi.
Liaisons contemporaines Dans le groupe 1, on retrouve donc toutes les liaisons en appuis simples, sur le sol ou sur un autre chaume, idéalement taillé en bouche de poisson, un arrondi s’adaptant à la forme du chaume pour stabiliser l’appui. Mais on pourrait aussi retrouver également les techniques de liaisons pour assembler deux bambous de bout. Dans le groupe 2, on trouve tous les connecteurs qui se placent à l’intérieur du chaume. La plus courante est une liaison à l’aide de béton, et d’une tige +lletée. Il faut bien comprendre qu’« il n'existe pas de liaison chimique entre le mortier de ciment et les +bres du bambou. L'écrou assure une forte liaison entre la tige +letée et le ciment. Le retrait du mortier au séchage empêche l'adhésion aux parois dès lors qu'il est mis en charge. C'est pourquoi il est important d'établir le joint légèrement en amont d'un entrenoeud qui reprendra ainsi l'essentiel de l'effort. Un ruban d'acier boulonné autour de l'assemblage des chaumes peut augmenter la résistance et assure un assemblage mécanique susceptible de résister à des sollicitations extrêmes, spécialement en traction. » Simon Velez et Marcelo Villegas sont les pionniers de cette méthode. L’architecte et l’ingénieur pensent qu’il faut « tirer parti des cultures et des matériaux 146
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traditionnels dans l’art de bâtir et les féconder par l’apport des compétences et de la créativité des très nombreux professionnels (…), mais sans la subordonner aux impératifs des marchés mondiaux des matériaux de construction (béton, acier et verre). »
Illustration 97: liaison de fondation en béton usuelle, et liaison utilisant une bouteille
Dans ce même groupe on retrouve donc aussi tous les assemblages qui font recours à des éléments métalliques. Citons les plus connus comme les platines de Renzo Piano, le connecteur en acier de Shoei Yo, le Jubilee clip joint de Nienhuys, lTCR joint qui est un plat de métal, et le système Pan pour des structures spatiales. Mais il peut aussi s’agir de bois, comme le connecteur Woodcore d’Arce ou bien encore imprimé en 3D.
Illustration 98: Platines de Renzo Piano et connecteur en acier de Shoei Yo 147
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Illustration 99: Shoei Yo, Renzo Piano, Nienhuys, Woodcore
Toutes ces liaisons sont usinées et nécessitent un haut niveau de détail. Elles sont donc très chères, et pourtant, ne semblent pas tout à fait satisfaisante. En effet ces pièces sont donc standardisées alors que le bambou aura du mal à être de section égale et régulière. On peut donc réellement se questionner sur la pertinence de toutes ces innovations, qui sont pourtant les plus nombreuses parmi toutes les familles. Le Groupe 3 regroupe les connecteurs positionnés à l’extérieur du chaume. On peut tout d’abord citer les manchons. L’un d’eux, imaginé pour du logement à Saint-Val, est un assemblage réalisé avec un câble d’acier, fermé par une couronne métallique de la dimension voulue et ces pièces peuvent alors être connectées entre elles dans des nœuds métalliques. Mais ce système impose de standardiser le bambou, en entaillant par exemple les tiges de manières régulières, ce qui nécessite beaucoup de travail, d’une précision remarquable et qui, à mon sens, ne respecte pas les caractéristiques naturelles du matériau. Tous les manchons rigides seront dans ce cas de +gure, par exemple les tubes pvc, avec lesquels ont peut faire des coudes, des liaisons de bout et même des structures spatiales. Il faudrait en réalité trouver un manchon souple qui se rigidi+erait une fois en place en s’adaptant à la section. Inspirée de cette idée, j’ai réalisé une variante, souple, de ligature à l’aide de chambre à air, un matériau de récupération très présent en Asie, grâces à tous les scooters. Ce matériau est très prometteur, par la complémentarité de sa solidité et son élasticité. Le système sur lequel j’ai particulièrement insisté lors de mes tests à l’ATM fait partie de cette famille : il s’agit d’une liaison en bouteille plastique chauffée qui se thermoforme au bambou. Nous y reviendrons dans un prochain temps.
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Illustration 100: Système pour le logement de Saint-Val
Illustration 101: Liaison de l'ATM, en chambre à air et résine
En+n il est possible de créer un système de bandage qui se rigidi+e en utilisant des +bres naturelles et de l’epoxy, ou du +bro-ciment 95. Pour avoir testé deux manières
95 http://ferrocement.com/Shelter-2009/6-14-09-shelter.html 149
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Illustration 102: Fibro-ciment
de procéder, je sais désormais qu’il faut utiliser de courtes bandes, bien imbibées de résine ou ciment, que l’on vient juxtaposer en essayant de croiser autour de la liaison. Il faut être prudent à ce que la liaison ne bouge pas pendant la fabrication, qui nécessite tout de même un peu de temps. Mais une fois sec, ce type de connecteur semble être d’une rigidité sans précédent. « une force humaine ne pourrait pas casser ce genre de lien »96 Mais ce ne sont pas les matériaux les plus naturels qu’il soit. En revanche le laboratoire de recherche de Sup Agro est en train de développer une résine « epoxy » biosourcée et non toxique, qui pourrait redonner un véritable second souf.e, plus écologique, à cette méthode.
Le groupe 4 présente les connecteurs qui transpercent le chaume. Nous avons déjà évoqué qu’enlever de la matière ne semblait pas être la meilleure des solutions. Pourtant c’est dans cette famille que l’on retrouve la méthode la plus utilisée actuellement : le boulonnage à l’aide de tiges 4letées, héritée de la construction en bois. Il est possible de l’utiliser de diverses manières, pour des appuis simples, du moisage, des liaisons avec angles etc. C’est la méthode utilisée par Raw Impact, mais également pas nombre de projets qui voient le jour à l’heure actuelle, et ce à travers le monde, et elle est souvent couplée à un renfort en béton, coulé à l’intérieur du chaume.J’ai pu réaliser de nombreux tests, et il est vrai que c’est d’une très grande simplicité de mise en œuvre. Prenons pour exemple le project ABCD, réalisé à Phnom Penh par un groupe
96 idem
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Illustration 103: liaisons en boulons - ABCD project, Cambodia.
d’étudiants français et Building Trust Cambodia, une ONG très tournée sur la construction en bambou. Il s’agit de construire une structure entièrement en bambou avec pour objectif de devenir un centre pédagogique autour du bambou et un laboratoire de test. Toutes les liaisons ont été effectuées en boulonnage, facile, rapide et durable en termes de temps. « Ce que nous essayons de faire est de passer le mot : il est très simple d’utiliser du bambou et d’obtenir tout ce dont vous avez besoin pour le traiter. A la 4n, nous voulons être capables de dire : « Bonjour le Cambodge, je te présente le bambou, voici comment tu pourrais l’utiliser, maintenant essaie le ». Cette ONG réalise de nombreux projets en bambou à travers le pays, et est aussi à l’origine du premier festival qui lui est dédié pour le promouvoir : le Camboo. Je n’ai trouvé qu’un exemple pour illustrer le groupe 5. Il s’agit de l’Energy Ef4cient Bamboo House par le Studio Cardenas Conscious Design. C’est un projet dont l’enjeu est de développer un procédé d’industrialisation a4n de créer un nouveau système de construction, sur un principe de modularité. Le connecteur, qui n’appuie qu’à des points précis du chaume, explore une nouvelle manière de construire en bambou. Il est « sec », pour ne pas affaiblir le bambou par la perforation ou l’humidité du béton par exemple, et supprimant un éventuel temps de séchage. De plus, il permet un remplacement facile du chaume, si besoin. En aluminium, il est léger et facile à monter pour permettre à des locaux de travailler. Le seul inconvénient que je puisse voir dans cette technique est le prix élevé d’un tel élément. Mais si l’on imagine une construction massive sur ce même principe constructif, les prix pourraient être considérablement réduits.
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Illustration 104: Système de l'Energy Ef cient Bamboo House
En n, dans le groupe 6, on retrouve par exemple le collier de serrage. Pour Pierre Clément, ce type de liaisons « évoque quelque chose de très industriel et entre donc en contradiction avec le bambou, ressource foisonnante et naturelle. » Il faut aussi avoir conscience du retrait du bambou en fonction de l’humidité qui rend le collier de serrage inadapté, sauf s’il existait un moyen de le resserrer facilement. En revanche cet outil est idéal à utiliser pendant la construction, pour des porteurs à chaumes multiples ou pour la réalisation de faisceaux ; c’est comme cela que nous avions fonctionné pour essayer d’en construire un. J’ai pu réaliser un test qui allie un collier de serrage à de la chambre à air et le résultat est déjà plus satisfaisant : le caoutchouc permet une certaine adhérence et pourrait reprendre les variations de formes et de diamètre du bambou. 152
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Illustration 105: Le système d'échafaudages
Les systèmes d’échafaudage pourraient aussi appartenir à cette famille. Ayant travaillé dessus pour un projet d’étude, j’en suis venue à la conclusion qu’une industrialisation d’un tel procédé pourrait être assez cohérent. La rapidité et la facilité de mise en œuvre sont les principaux avantages. L’idée serait d’adapter ce système d’attaches à des barreaux de bois, ou de bambou. Imaginons que tout un chacun puisse acheter les accroches et auto-construire sa petite structure avec de simples tasseaux. Cela pourrait avoir un usage éphémère, pour de l’événementiel par exemple, ou démonstratif, pour que les maîtres d’ouvrage puissent montrer des volumes à leurs clients. On pourrait aussi s’en servir pour de petites structures, ou bien même encore, d’abris temporaires pour de l’habitat d’urgence. Une fois encore, le désavantage est le coût, et l’aspect très peu durable de l’acier. On peut en effet se questionner sur les matériaux qui n'ont pas la même sensibilité à l'eau ou l'humidité et ne vont pas travailler pareil que le bambou. En conclusion, on peut donc réaliser des liaisons incroyablement variées : « de cette manière la forme de la structure n’est pas restreinte ou dé nie par le système de liaison. (…) Cela laisse au concepteur une liberté pour répondre aux circonstances spéci ques » de son projet. Mais d’après l“INBAR Technical Report No. 3”, « pour l’instant, le problème reste de trouver comment transmettre des forces vers d’autres éléments sans utiliser d’équipement trop onéreux ». De plus, d’après Conclusion de Simon Velez : « La construction (en béton) telle qu’elle est conçue dans le tiers-monde produit des espaces caverneux : une caverne a un sol en pierre, des murs de pierre et un toit de pierre. (…) nous ne venons pas de cavernes, nous ne sommes pas des troglodytes, nous venons des arbres et nous sommes des hommes des cîmes, même si aujourd’hui nous vivons dans des cavernes. L’architecture actuelle suit un régime exagéré et malsain, elle est totalement carnivore. L’état de nature exige que nous revenions à un régime plus équilibré, plus végétarien (…) ». Il est donc bon de se 153
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exagéré et malsain, elle est totalement carnivore. L’état de nature exige que nous revenions à un régime plus équilibré, plus végétarien (…) ». Il est donc bon de se questionner sur les matériaux que l’on accepte de mettre en œuvre, bien que, nous l’avons vu, il est souvent plus raisonnable d’utiliser un mix de matériaux, quitte à ce qu’ils soient industriels, a+n d’arriver à des structures satisfaisantes. Il faut donc, en choisissant sa méthode d’assemblage raisonné à partir des critères de performance que l’on cherche à atteindre. On retrouve en annexe la liste, non exhaustive, des questions à se poser pour la sélection d’un système constructif. Il faudrait donc être en capacité de créer une sorte de classement des différentes manières de liaisonner, en fonction de divers critères. Le concepteur pourrait alors choisir grâce au(x) tableau(x). Par exemple, s’il veut construire en grand nombre des bâtiments à bas prix il favoriserait une liaison qui répondrait aux critères suivants : facilité de mise en œuvre, coût du complément matière, durabilité, longévité (durée de vie et entretien) et donc coût global. C’est à ce moment que mon travail d’expérimentation atteint ses limites puisqu’il faudrait que les valeurs du tableau s’appuient sur de vraies mesures de laboratoire et non pas être un classement subjectif, lié à de simples constats. Il aurait fallu établir un protocole expérimental plus précis, mais surtout s’y tenir, ce que je dois avouer ne pas avoir pas réussi. Ceci pourrait donc être la base d’un travail plus approfondi, pour créer une aide à la conception en bambou.
En+n, nous pouvons conclure cette analyse par un constat : les méthodes de constructions utilisées aujourd’hui semblent être le reNet des sociétés actuelles, et cela est probablement vrai de tout temps. En effet, d’après Jean-Paul Laurent, professeur de structure, « les modes de construction représentent la façon dont la société est organisée. » L’échafaudage souple asiatique est en contradiction avec le nôtre, rigide et standard. La culture asiatique présente une certaine souplesse, l’exemple le plus frappant étant le code de la route, quasiment inexistant alors qu’on nous impose de plus en plus de rigueur dans le respect des règles. Un autre exemple pourrait être le système de la pierre massive, qu’il suf+t d’empiler. Le principe paraît presque trop simple, dans notre société organisée de façon complexe, multipliant les intermédiaires, et on a d’abord envisagé de rajouter des barres en acier pour stabiliser la structure, alors que cela produisait l’effet inverse. Il rajoute même qu’aujourd’hui «nous avons de grosses structures, mais fragiles ». Faudrait-il donc se mettre en retrait de ce que la société présente comme acceptable a+n de pouvoir être innovant ?
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Illustration 106: Une construction en bambou qui se base sur sa Lexibilité
1 . 3–réfl exi onssurl’i nnovai t on
Utilisation de matériaux nouveaux Après l’étude des différentes liaisons traditionnelles et que l’on retrouve actuellement, il est intéressant d’essayer de comprendre comment certaines pourraient être améliorées, ou comment on pourrait construire autrement, a+n d’être réellement innovant. Si l’on devait résumer en quelques lignes, il faudrait d’abord rappeler que les liaisons traditionnelles, avec des matériaux naturels, ne présentent pas une longévité suf+sante et ne permettent pas de pousser les capacités intrinsèques du matériau. Les méthodes plus contemporaines ont le désavantage, en plus d’être souvent très couteuses, d’utiliser des matériaux très peu respectueux de l’environnement. C’est pourquoi je me suis tout d’abord intéressée à des matériaux qui pourraient substituer à ceux actuels, dans une recherche de durabilité mais aussi de performance. De l’exploration de solutions alternatives au béton classique, on peut retenir que de nombreuses recherches sont en cours pour trouver des alternatives plus écologiques, avec, pour le moment, une perte de résistance tout de même. Il existe par exemple des bétons à base de recyclage de déchets de chantier (polyester, +bre de verre…) 97, mais 97 https://www.quelleenergie.fr/magazine/batiments-durables/remplacer-beton-materiau-recycle-37652/
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qui ne peut remplacer que des éléments non structurels comme un appui de fenêtre, ce n’est donc pas encore intéressant dans notre cas. Certaines recherches ont également réduit de moitié le taux de ciment en le remplaçant par exemple, et c’est intéressant en Asie, par de la cendre d’écorce de riz, ou de bagasse de canne-à-sucre. 98 Il existe encore des blocs constructifs de +bres naturelles liées avec du ciment, sur le principe du béton de chanvre ou de lin. On pourrait peut-être envisager, à terme, que ce genre de matériau puisse remplacer le mortier classique. Comme on sait qu’il sert à faire adhérer la tige +letée, j’ai également pensé à des colles ; il en existe de nombreuses naturelles, mais seraient-elles assez résistantes ? Et comment pourrait-on améliorer leur ef+cacité ? La résine de pin (pas très asiatique!), de cerisier ou de +cus (nombreux en pays tropicaux), la colle de riz, d’amidon, de poisson, le mastic d’ail… sont des solutions qui existent déjà. Pourrait-on les développer, comme essaie de le faire Caroline Grellier en fabriquant une résine biosourcée aussi résistante que l’epoxy. Au-delà de remplacer le béton, on pourrait peut-être déjà les utiliser pour des éléments moins structurels comme des collages de bambou tressé en façade par exemple. Mais les solutions les plus ef+caces que l’on pourrait créer, qui ressortent de toutes mes investigations, pourraient être de deux natures. La première serait de trouver un matériau qui vienne s’insérer dans le chaume et, à la manière des mousses expansives, occuper la cavité pour venir coincer un élément de jonction. Ainsi, on pourrait avoir des attaches standards et la « mousse » viendrait l’adapter aux différents chaumes. Des alternatives plus bio-sourcées commencent à apparaître, comme une mousse à base de coque de noix de cajou 99. En revanche, là encore, la résistance ne serait pas suf+sante. La deuxième serait de trouver une solution de type manchon, qui serait tout d’abord souple pour s’adapter à la forme irrégulière du bambou, et qui se rigidi+erait ensuite. On pense alors à une solution de type gaines thermo-rétractables, empreintées à la plomberie, de gros diamètre. Mais l’enjeu de ces matériaux n’est pas la résistance mais seulement l’étanchéité. De ce mot « thermo-retractable », est venu l’idée du PET des bouteilles plastiques. En effet mon directeur de mémoire avait déjà utilisé des plastiques de la sorte pour fabriquer des liaisons et il pensait que les bouteilles pourraient probablement fonctionner. C’est une solution que nous avons alors exploré lors de mes expérimentations à l’ATM.
98 http://www.consoglobe.com/beton-ecologique-materiaux-ecologiques-cg 99 http://www.batiactu.com/edito/biosourcer-les-materiaux-de-la-construction-une-te-40725.php 156
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Illustration 107: Mobilier de Micaella Pedros
Expérimentations de liaisons en bouteilles plastiques Il s’agit, à partir de bouteille d’eau ou de soda, on peut en effet réaliser deux types de liaisons adaptées au bambou. Cette méthode avait déjà été utilisé par Micaella Pedros pour fabriquer du mobilier en bois. Elle utilise cette technique pour assembler deux sections de bout, mais aussi la superposition de +nes rondelles croisées pour fabriquer les liaisons perpendiculaires. J’ai alors d’abord testé la première technique, qui fut directement concluante. En fonction de ce que l’on recherche, il faut tout d’abord choisir le type de bouteille à utiliser. Mes expériences ont montré que les bouteilles vertes, de type d’eau pétillante qui sont plus épaisses, étaient bien sur les plus résistantes. Il faut oublier en revanche les bouteille de thé glacé marron, celle d’eau dont le plastique semble très +n et les bouteilles présentant une morphologie très spéciale avec beaucoup de courbure, une section la plus régulière possible sera plus facile à mettre en œuvre. Ensuite, plus le diamètre de la bouteille sera grand par rapport aux chaumes à assembler, plus il sera long de chauffer l’ensemble pour qu’il se thermo-forme, mais plus il y aura de matière sur la liaison (il existe tout de même une limite qu’il s’agirait de dé+nir précisément). Comme l’explique le guide de fabrication en annexe, il s’agit donc de découper une section dans la bouteille, la plus longue possible. On vient ensuite positionner le plastique autour des deux tiges et l’on chauffe l’ensemble, à l’aide d’un décapeur thermique, en faisant tourner les bambous. Il faut laisser le décapeur à une dizaine de centimètres pour éviter qu’il ne brule le plastique et le trou, et chauffer de façon régulière l’ensemble de la liaison, sans quoi le plastique se déforme trop et créer des plis, irrattrapables. C’est pourquoi il est préférable d’effectuer l’opération à deux. Elle prend entre 20 secondes et 2 minutes 30, en fonction de la différence de diamètre des 157
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chaumes. Le plastique, chauffée prend la forme du bambou et se rigidi+e a+n de créer une jonction très rigide. Attention, plus on chauffe, plus la section de plastique se réduit en longueur. Pour améliorer cette technique, il est préférable de placer des noeuds à chaque extrémité de chaumes à assembler : cela permet d’éviter un glissement en traction. On peut également poncer le bambou pour le rendre plus rugueux ou ajouter du sable. En+n, il est possible de renouveler l’opération pour y ajouter une seconde, voir une troisième couche de plastique. J’ai effectué des tests de résistance en Nexion, en chargeant petit à petit l’extrémité de la liaison, encastrée à son autre extrémité. Comme on peut le voir sur les courbes des résultats, cette action améliore considérablement la résistance de la liaison. Notons que deux couches de plastique ne fusionnent pas entreelles, ce qui pose une limite quant au nombre de couches. Il est aussi préférable de commencer par la plus longue section de plastique qui sera placée sous d’autres plus courtes. En+n, l’une des conclusions importante de ces expérimentations est le fait que lorsqu’on atteint un niveau de rupture de la phase élastique, c’est-à-dire que la liaison se déforme mais ne revient plus à son état d’origine, il est tout de même possible de réchauffer l’ensemble pour revenir à l’original. Et ainsi, la liaison présente à nouveau les mêmes résistances que lors du premier test. Cela pourrait être vraiment intéressant dans une optique d’entretien : il n’y a pas besoin de remplacer, mais simplement de
Illustration 108: Liaison en bouteille, ATM
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Illustration 109: Installation d'un test de résistance en Lexion, ATM
« réparer » l’endroit ou il y a eu rupture. Testées également en traction, les liaisons n’ont pas rompu, mais l’expérimentation était limitée à un certain chargement, il n’y a donc pas de résultats concluants pour ces tests. Il est aussi possible de fabriquer des liaisons en T. Après de nombreux tests (et il en resterait encore à faire), je suis arrivée à un résultat relativement satisfaisant. Le protocole est le suivant : On choisit (notion de tri) et on coupe les sections à la taille voulue, de préférence avec une taille en bouche de poisson qui facilitera la manipulation et rigidi+e la liaison. Si cela est possible, un nœud du chaume vertical doit être placé sous l’entaille spéci+que. On dessine ensuite de +nes fentes de la manière suivante : la hauteur doit être égale à 1,6 fois le diamètre de la section horizontale. La découpe, au cutter, puis au ciseau pour les +nitions, doit être précise, sans « cassures » et avec des arrondis aux extrémités. On coupe ensuite le fond de bouteille et on introduit la section horizontale dans les fentes et l’horizontale dans le « corps » de la bouteille. De la même manière, on chauffe au décapeur thermique, en commençant cette fois par le bas, puis pas le goulot et en +nissant par le centre. On peut à la +n couper le goulot pour l’esthétique, mais cela réduit la rigidité. On obtient alors une liaison en T rigide. La limite de mes expérimentations commence à ce stade, n’ayant pas réalisé de test de résistance d’un tel type de liaison. De plus, j’ai pu calculer le moment Néchissant de la meilleure des liaisons de bout, mais il resterait à la comparer, en choisissant une situation bien spéci+que à des charges précises, a+n de prouver que cette méthode pourrait être utilisée en construction. Il s’agirait alors de réaliser une étude sur un modèle dont toutes les charges seraient dé+nies et de comprendre si la liaison serait capable de 159
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transmettre ces charges sans rompre. Ajouté à un certain coef+cient de sécurité, on pourrait alors estimer la faisabilité d’une telle liaison. On peut tout de même imaginer qu’un tel type de liaisons résisterait davantage s’il s’agissait d’une structure conçue en multipliant les éléments porteurs a+n que chacun reprenne moins de charges. L’une des questions qui reste également en suspend est la manière de stabiliser une telle structure : serait-il possible de créer une liaison de biais pour des jambes de force par exemple ?
Illustration 110: Liaisons en T en bouteilles, ATM
Critique de cette nouvelle méthode
Dans Bamboo-Bambus, l’auteur évoque six critères pour juger du bien fondé de l’application d’une nouvelle technologie, c’est-à-dire une technique de construction. Essayons alors de juger subjectivement cette idée de liaison en bouteille. D’abord, on parle de la compatibilité : « l’application d’une certaine technologie est appropriée si elle est compatible avec les conditions sociales, culturelles et économiques du lieu d’application. » D’un point de vue économique, il est clair que cette solution est tout à fait adaptée, puisqu’il ne s’agirait que de réemploi d’un matériau très utilisé, en Asie notamment, il existe une très forte consommation de plastique, qui est trop peu souvent recyclé. On peut même parler d’une valorisation des déchets. En revanche, 160
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culturellement, cette notion de résidu évoquerait surement trop la pauvreté pour être acceptée. Ensuite, il faut une certaine polyvalence de la technologie, ainsi qu’une maturité technologique, c’est-à-dire qu’une technologie n’est appropriée que si elle est prête à être compétitive avec des techniques traditionnelles ou modernes. La polyvalence de cette liaison est énorme, puisqu’on peut en réalité utiliser le système pour assembler n’importe quel matériau, mais la maturité technologique n’est pas atteinte. La compétitivité économique est aussi un critère, en regardant le coût global : il est validé par son coût très faible et sa maintenance extrêmement facile. La sécurité écologique demande à ce que le matériau et les méthodes du processus n’impactent pas l’environnement et soient complètement intégrés à un métabolisme écologique. Le plastique n’est en rien un matériau écologique, mais si on s’installe dans une situation de réemploi, le système devient +able écologiquement. Une attention particulière devrait tout de même être faite aux vapeurs dégagées par le plastique chauffé. En+n, on peut juger de la pertinence d’une technologie par son potentiel d’innovation inhérent : peutelle être davantage développée et améliorée, particulièrement au regard du processus et de la production ? C’est tout à fait le cas ici. Cette liaison répond donc à 4 des critères. Il resterait à la développer pour qu’elle atteigne une certaine maturité technologique. La notion d’acceptation sociale, comme évoqué précédemment, est un autre sujet qui resterait à travailler, mais c’est aussi le cas du bambou lui-même. Réaliser des telles expérimentations sur un nouveau système d’accroche est ce qui m’a permis de réNéchir à tous les avantages et inconvénients que présente le bambou, et comment alors le mettre en œuvre. C’est pourquoi nous allons nous intéresser à la conception des structures, mais aussi de l’architecture, indissociable.
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2-L aconcept i on archi t ect ural e:uneprat i que nécessai re,audelàdesmani èresdepenserl es st ruct ures
2 . 1-l’empi ri smedu vernaculai re Le vernaculaire Gilles Perraudin écrit que « dans les formes vernaculaires, c’est la matière qui guide. Architectures de pierre, de bois, de terre, de paille font corps avec ceux qui les vivent. Il n’y a pas de limites entre le corps des hommes et celui des maisons qui émergent du lieu. »100 Le rôle de l’architecte est de choisir un système ou d’imaginer une méthode, pour assembler cette matière a+n de fabriquer des espaces. Or un architecte ne vit pas dans les espaces qu’il conçoit. Comment peut-il alors apprendre ce qui aura fonctionné ou non dans la conception de son projet ? C’est pour cela que s’inspirer de l’architecture vernaculaire est intéressant. Il ne s’agit pas d’être régressiste et conservateur mais seulement d’apprendre des manières dont sont construits les bâtiments vernaculaires. « Les bâtisseurs d’hier ont su construire avec ce qu’ils avaient à portée de main et ont développé une intelligence « vernaculaire », un savoir faire et penser issu du lieu qui sont encore édi+ants aujourd’hui. Leur architecture, devenue continuité d’un territoire façonné par le temps, propose une expérience intense de l’appartenance terrestre de l’homme »101 En effet, ils ont été construits par des habitants avec ce qu’ils pouvaient trouver autour d’eux, une matière locale donc. Puis ils ont vécu dedans, et ont éprouvé l’architecture qu’ils venaient de créer. Cela leur a permis de s’apercevoir des faiblesses que pouvait avoir leur habitat, et donc d’améliorer au fur et à mesure la construction pour qu’elle soit en accord avec leur mode de vie et le milieu. En construisant eux-mêmes, ils ont aussi éprouvé les dif+cultés techniques, et peuvent alors essayer de trouver des solutions pour perfectionner les méthodes. Les savoirs passant davantage de génération en génération, ils ont alors pu, au cours du temps arriver à des systèmes très satisfaisants.
100 Le Philotope n°12, MaT(i)erre(s) 101 Le Philotope n°12, MaT(i)erre(s)
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Illustration 111: Architecture vernaculaire cambodgienne, First they killed my father
Et c’est en cela que les architectes d’aujourd’hui devraient s’inspirer, car eux n’ont pas expérimenté et encore moins vécu dans ce genre de construction. Il s’agit donc d’analyser en quoi l’habitat est cohérent avec son environnement proche et d’essayer de comprendre pourquoi il est construit de la sorte. C’est comme cela qu’on été construits les plus grands ouvrages de l’histoire, par exemple les cathédrales. On fonctionnait à l’époque par essai-erreur, lorsque cela ne fonctionnait pas, l’ouvrage s’effondrait. On ne garde et transmet alors que ce qui marche, comme le principe de sélection naturelle des êtres vivants. On revient donc à cette notion de l’apprentissage par l’expérimentation. «Avoir l’humilité d’apprendre des bâtisseurs anonymes qui nous ont précédés ne nous dispense pas de jeter un regard critique sur ce savoir-faire traditionnel, ni d’intégrer des pratiques contemporaines. C’est à ce prix, et à condition de faire évoluer l’enseignement en ce sens, que l’on pourra construire un habitat moderne, adapté aux dé+s de notre temps et restant en accord avec les traditions locales et le contexte culturel. » 102
102 Propos d’Henri Van Damme, recueillis dans «En guise de postface...» dans Le Philotope n°12, MaT(i)erre(s) 163
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Illustration 112: habitat vernaculaire à Ma Le, dans le Nord du Vietnam
Ayant fait l’expérience de plusieurs habitats vernaculaires en Asie, je peux aussi af+rmer que ceux-ci ont un pouvoir d’apaisement. Je pense notamment à une auberge à Ma Le, un petit village à la frontière chinoise au milieu des montagnes. Elle était constituée d’un premier niveau en brique de terre et en structure de bois massif, qui étaient là depuis plusieurs générations. L’espace ouvert mais à la fois sombre, était tellement séduisant que nous y sommes resté plusieurs heures, à l’abri dans ce paysage qui semblait in+ni, que nous traversions depuis déjà deux jours. L’étage, tout en bois était également rassurant, offrant différentes ambiances au fur et à mesure que l’on s’enfonçait dans les pièces et donc dans la pénombre. Les matériaux, de part leur discontinuité, laissaient passer des rayons de lumière très faible mais suf+sant pour se repérer. L’endroit pourtant très vétuste était tout simplement beau et tranquillisant. C’est par l’expérience de tels lieux que l’on peut vraiment prendre conscience du pouvoir des matériaux sur nos émotions, et de l’inNuence que peut avoir l’architecture sur notre corps, notre manière d’agir. « Toutes les créations humaines, comme l’architecture par exemple, sont le reNet d’une certaine vision du monde. La plupart des bâtiments d’aujourd’hui ne sont pas contextuels. Ils sont à notre image : déracinés et désincarnés. A l’inverse, la charge émotionnelle contenue dans certaines architectures vernaculaires provient précisément du fait qu’elles ne sont pas coupées et séparées de leurs milieux. Elles sont contextuelles. Enracinées dans leur territoire, elles font corps avec le sol dont elles sont issues. Ces architectures nous font ressentir au plus profond de notre être que la matière est la chair de l’architecture. La matière est aussi la chair du monde et la chair de l’être. Notre chair. Elle nous relie à nous-même et au monde. »103 103 Le Philotope n°12, MaT(i)erre(s)
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Expérimenter, analyser puis (s’)améliorer : apprendre en construisant Prenons l’exemple de Raw impact au cours des huit premières maisons. La construction sur le terrain test a, par exemple, permis d’améliorer les assemblages au +l des constructions. Il faut tout de même nuancer le propos en notant que la qualité d’exécution compte aussi. On peut noter quelques manques de précision dans la construction, que l'on peut observer sur quelques détails ponctuels : des trous dûs à des erreurs de perçage, des clous « dans le vide », des murs construits trop rapidement qui présentent alors beaucoup plus d'irrégularités et sont moins étanches… Les objectifs structurels et de fabrication n'étaient pas clairement explicités lors de la première mission. En effet le premier enjeu était de (se) prouver qu'il était possible de construire en bambou. Il faut noter qu'aucun compagnon n'avait alors déjà travaillé avec le bambou, faisant de ce projet un véritable crash-test. La première structure, de l'atelier, a donc été pensée en observant des projets déjà construits et en se posant des questions de facilité de fabrication. Très vite le choix de liaisons boulonnées s’est imposé comme évident : facile, rapide et durable sur le long terme. Le dessin de la structure semblait extrêmement solide. La structure devait supporter beaucoup de poids du aux machines stockées en étage mais également, après des évolutions d'usage au bambou stocké en dessous. Et elle a très bien résisté à toutes ces charges. De ce fait, l'idée fut de tester un système constructif complètement différent du précédant pour la chèvrerie dans ce souci d'expérimentation : un maillage des poutres, moisées avec les poteaux fut dessiné. Or il n’a pas été tout à fait respecté : l’enchevêtrement des poutres a été remplacé par de simples double-poutres qui rendent l’ensemble beaucoup plus faible. Au-delà des améliorations, construire permet de progresser dans la précision de mise en œuvre, que l’on ne retrouve pas dans la chèvrerie.
Illustration 113: Principe constructif du plancher de la chèvrerie 165
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Illustration 114: #ssure du bambou
L'ensemble des maisons présente, une variété de déclinaisons tant en terme esthétique qu'en termes de détails constructifs, dû aux apprentissages successifs qui ont fait évolué la manière de construire. Il est donc intéressant de les analyser pour dégager les améliorations qui ont pu être faite grâce à ces essais. Lors de la construction certains aspects négatifs ont été pris en compte en vue d'une amélioration, ou parfois même par inadvertance, comme évoqué précédemment pour la maison n°2, qui a été construite avec les murs à l'extérieur de la structure. L’un des apprentissages important est qu’il était préférable d’éviter les portes à faux sans renforts (les balcons par exemple), les débords de toitures trop importants qui présentent une prise au vent, et les surcharges sur les porteurs (par exemple dues à la présence de deux niveaux). On peut déjà remarquer des +ssures sur les constructions. Certaines semblent liées à la mauvaise fabrication : trop de charges sur une poutre soutenant un balcon, mauvaise orientation du chaume, etc. Les plus abimées sont évidemment les plus exposées aux intempéries. D'autres chaumes, pourtant protégés et ayant pro+té d'une bonne mise en œuvre, présentent des +ssures ou des champignons. Ils sont plus inquiétant : s'agirait-il d'un défaut du traitement ? Les éléments structurels : comprendre pour améliorer la conception Pour les fondations, il s'agissait au tout début de badigeonner les extrémités des chaumes en contact avec le sol et la semelle de créosote, et d'enfoncer directement les chaumes dans le béton. La toxicité de cet élément et l'ef+cacité peu concluante du chaume en contact direct avec le sol, même traité, ont poussé à faire un test avec du PVC et de la mousse expansive, résolvant en partie les problèmes dus à l'ancienne 166
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Illustration 115: #ssure du bambou
méthode. Le chaume était alors surélevé du sol, et protégé de l'eau. Mais l'esthétique de cet assemblage assez médiocre ainsi que la matérialité peu durable n'ont pas été tout à fait convainquant non plus. Désormais, les fondations vont être traitées tout à fait différemment : de grands socles de pierres surélèvent la structure et les chaumes sont +xés à l'aide de platines métalliques et de béton, coulés dans le chaume directement pour lier l'ensemble. En ce qui concerne les porteurs, prolonger une poutre ou un poteau est possible. On notera qu'il est tout de même plus commode de dessiner la structure avec des dimensions maximales qui correspondent à celles des chaumes, lorsque cela est possible. D’où l’importance du tri, fondamental avant le début d'une construction, qui anticipe ces problèmes de longueur, réservant les chaumes les plus longs pour les endroits nécessaires. Mais lorsqu'il faut étendre cette longueur, plusieurs méthodes sont possibles. Pour une double-poutre c'est assez facile : il suf+t de s'assurer que la découpe ne plombe pas sur les deux poutres pour répartir la faiblesse structurelle engendrée. Pour une poutre simple on peut rajouter une cale sous la partie de liaison de bout, en ayant conscience que cette orientation fragilise le bambou.
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Illustration 116: prolongement d'une poutre à l'aide d'une cale
Les contreventements ne sont toujours pas maitrisés : ils ne sont pas assez nombreux ou souvent ils ne créent pas de vrai poutre au vent. Il ne faut pas lésiner sur leur quantité, car ce sont eux qui favorisent le maintient de la structure face aux intempéries et aux mouvements de terrain, notamment dans une construction en poteaux-poutres comme celles-ci. Sur des constructions sur pilotis de la sorte, ils sont vraiment primordiaux, on peut le noter en observant les villages Nottants cambodgiens, qui résistent à des mois d'inondation et en notant que la maison n°3, commence à pencher dangereusement ! C'est pourquoi l'utilisation de treillis pourraient être judicieux, pour consolider les structures en même temps qu'on contrevente la partie basse de l'habitat. Souvent, ils nécessitent des tailles spéci+ques à cause de leur inclinaison. Mais se servir du moisage de la structure peut s'avérer très utile. En revanche, il faut éviter d'utiliser des cales pour le contreventement car l'inclinaison du chaume permet à l'eau de s'in+ltrer dans la cale,ce qui est tout à fait déconseillé. En ce qui concerne les ouvertures, on peut noter des problèmes d'étanchéité au niveau des fenêtres, dus à la construction trop approximative et à la qualité des bambous. On rappellera encore une fois l'importance de la sélection a+n de conserver assez de chaumes de bonne qualité pour permettre la construction des éléments nécessitant le plus haut niveau de détail. On pourrait utiliser des demi-bambous pour fabriquer des appuis de fenêtre par exemple ou pour créer des casquettes de protection. Celles-ci peuvent également être construites avec du chaume en partie supérieure. On notera une très belle solution de fenêtre persiennes, trouvé par un habitant, qui permet d'aérer en limitant le ruissellement de l'eau dans la maison.
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Illustration 117: DĂŠtail de cale qui prend l'eau
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Dans le détail des liaisons Il faut également évoquer une intuition qui semble avoir été véri+ée : les liaisons qui enlèvent de la matière sont beaucoup moins performantes. Par exemple, créer un trou de la circonférence d'un chaume pour venir l'y emboiter est plus fragile que de lier ce chaume à l'extérieur du porteur qui vient l’accueillir. Les escaliers ont souvent été réalisés de la sorte et le premier s'est effondré, car de l'eau avait pu pénétrer par ce forage.
Illustration 118: Détail par interpénétration : faible structurellement
Les premiers essais de chevilles en bois et en bambou pour remplacer les tiges +letées ont également été fait, sur la dernière construction notamment, expliquant la simplicité de la maison, car cela a permis de pouvoir y effectuer des expérimentations plus techniques. Ce retour à des liaisons plus traditionnelles s'explique par la volonté toujours grandissante de l'ONG à utiliser des matériaux naturels et de réduire les coûts de construction. Cela ne me semble pas forcément judicieux, notamment pour les liaisons structurelles, car on sait qu'elles ont une durée de vie plus réduite. Or les gens ne semblent pas prêt à l’entretient de leurs maisons. Il faudrait au moins renforcer cela par des ligatures, mais cela nécessite de l'entrainement et des essais a+n de trouver le meilleur nœud. Malheureusement le lien en nylon noir utilisé n’a pas été testé en termes de longévité.
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2 . 2-L acombi nai son avec da ’ ut resmat éri aux :versune i nt ell i gencecoll ect i ve Métissage Nous avons déjà évoqué, pour les liaisons avec l’exemple du béton, qu’il était parfois plus pertinent d’utiliser des matériaux divers ; pas forcément naturels, pour assurer la performance. En est-il de même pour l’ensemble d’une construction ? D’après Simon Velez, « Even in building materials you cannot be racist »104. En effet, avec Marcello Vilegas, ils respectent « une discipline rigoureuse dans leur choix et leur usage en fonction des performances requises, et de l’image qu’ils procurent. En fonction aussi de l’effort, donc de l’énergie grise nécessaire à leur collecte et leur acheminement (…) Et si la résistance du matériau trouvé sur place est relativement faible, Simon Velez conjure cet état de fait par l'ingéniosité de l'assemblage. Si l'architecte ne dédaigne ni le béton armé ni l'acier, c'est qu'il s'y entend à les mettre en œuvre avec une parcimonie exigeante.» Ils semblent avoir compris l’importance de multiplier intelligemment les matériaux pour atteindre un niveau satisfaisant. Imaginons que nous voulions construire en terre : il devient complètement utopique dans la plupart des régions du monde (c’est-à-dire dès qu’il pleut) de penser que le bâtiment entier puisse être construit à l’aide de ce simple matériau, notamment la toiture, car le matériau est sensible à l’eau. Alors bien que le bambou puisse être utilisé dans toutes les parties d’une construction, de la structure au mobilier, il faut avoir le même type de pensée et n’utiliser le matériau que dans des circonstances adaptées. De plus, si l’on réNéchit à des questions architecturales, cela devient aussi presque nécessaire. N’est-il pas plus intéressant, esthétiquement parlant, mais aussi en termes de sensation, de mixer différentes matières, textures et couleurs ? Cela rajoute, à mon sens une qualité architecturale qui serait dif+cile à atteindre avec un mono-matériau. D’ailleurs, il n’est pas plus à démontrer que la mono-culture n’est pas bonne pour les éco-systèmes. Sur le même principe que la permaculture qui observe la nature pour reproduire des systèmes de relations entre les plantes, n’en serait-il pas de même pour l’architecture, surtout si elle utilise des matières naturelles ?
Matériaux naturels
104 « même dans les matériaux de construction, on ne peut pas être raciste » 171
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Nombre de projets utilisent plusieurs matériaux, mais il faut noter que le bambou est majoritairement combiné avec la terre. Matériau naturel par excellence, disponible localement, et également anti-sismique, il semble tout à fait pertinent de les associer. On peut s’en servir pour donner de l’inertie à un bâtiment ou pour réaliser une base « en dur » et faire un étage léger en bambou. L’un des exemples les plus connus, est l’Handmade School d’Anna Heringer et Eike Roswag. Les architectes nous expliquent que « beaucoup de constructions vernaculaire utilisent la terre et le bambou, néanmoins les techniques de constructions sont susceptibles de se tromper et beaucoup de bâtis manquent de fondations solides et ne sont pas réellement étanches. De tels bâtiments nécessitent une maintenance régulière et sont souvent victimes de dégâts, ne durant qu’une dizaine d’années. » Or il est important d’améliorer les conditions de vie des habitants des zones rurales, notamment pour limiter le Nux migratoire vers les villes. Et « le premier potentiel de développement est la main d’oeuvre low-cost et les ressources localement disponibles comme la terre et le bambou. » Le premier niveau est donc réalisé avec d’épais murs de terre dans lesquels se trouvent des niches à l’arrière de la classe. Ces espaces permettent de s’isoler pour se concentrer, ou bien de jouer, seul ou en groupe. « L’étage est, par contraste léger et ouvert, les ouvertures dans les murs de bambou offrant des vues sur les alentours » ainsi que des jeux de lumière. Le plancher intermédiaire est réaliser en couches de bambou et en terre, une méthode analogue des plafonds en plâtre européens. Le porte à faux du toit est supporté par des contre+ches en appui sur le débord des poutres, rendu possible parce qu’il déborde suf+samment
Illustration 119: Coupe de l'école
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Illustration 120: Etage de l'école
pour permettre à l’eau de s’écouler sans abîmer le bâtiment. Le mur en terre extérieur est donc laissé apparent, seuls les encadrements d’ouvertures sont enduits avec de la chaux, alors que les murs intérieurs sont enduits à l’argile. Un tissu est suspendu au plafond et vient créer un espace de ventilation et amener de la couleur. Tous ces matériaux sont donc locaux et naturels, et c’est bien leur mélange subtil qui donne de vraies qualités aux différents espaces de l’école. Les enfants peuvent alors étudier dans des salles qui s’apparenteraient presque à des nids à l’étage, pro+tant de la lumière +ltrée qui y pénètre, ou s’isoler dans des cabanes enduites de terre rouge, fraîches, qui amènent immédiatement, de par leurs formes organiques, un sentiment rassurant. L’aspect brut des matériaux sensibilise les enfants à un respect de la nature tandis que les touches de couleurs viennent apporter de la gaité et du dynamisme nécessaire à une école. Cette simplicité prouve qu’il est possible de construire des projets contemporains, adaptés au climat et aux fonctions de l’édi+ce, en s’inspirant de l’architecture vernaculaire. Un autre projet, au Vietnam cette fois ci, utilise le bambou associé à la terre mais également à la pierre sèche. Il s’agit de la maison communautaire du village de Suoi Re, par 1+1>2. Le rez-de-chaussée est conçu pour venir s’encastrer dans le terrain en pente, pour utiliser l’inertie de la terre. C’est l’espace de rencontre des habitants, qui viennent se mettre au chaud en hiver et au frais en été. Etant la base de la construction en contact direct avec le sol, les murs sont en pierres sèches, tandis que le bambou est réservé aux ouvertures, qui pourraient être remplacées régulièrement si elles entraient en contact avec l’eau. Le plafond est également recouvert de bambou, a+n d’apporter un côté chaleureux à la pièce qui contrebalance l’aspect très froid de la pierre brute. 173
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L’étage, beaucoup plus ouvert sur l’extérieur, est réalisé en terre, et une fois de plus le bambou est réservé aux ouvertures et à la charpente légère, qui supporte un toit en feuilles de palmier. La terre semble donc permettre une base solide pour le bambou, et lorsqu’on sait qu’il est préférable de le surélever du sol, cela devient une solution presque évidente.
Illustration 121: étage inférieur
Le mélange de ces trois matériaux permet à la fois d’être ef+cace thermiquement mais aussi de créer différentes ambiances qui s’adaptent aux fonctions souhaitées. Naturels et bien mis en œuvre, ils permettent de créer un bâtiment qui semble s’adapter à son contexte, tant aux conditions climatiques qu’à la vie communautaire souhaitée, et au paysage. Les architectes ajoutent qu’ils espèrent qu’ « une fois que le projet sera terminé, il renforcera le lien de la communauté, contribuant à une consolidation, à la maintenance et au développement de l’identité régionale. Il s’agit d’une direction, dont ils peuvent pro+ter de l’expérience et dupliquer le modèle pour d’autres zones rurales. »
Le « Manual de construccion con bambu » présente différentes manières d’utiliser le bambou comme support de murs en terre. Ces techniques seront davantage utilisées dans les régions montagneuses, dès que le climat devient plus rude en hiver. Lorsqu’elles sont condensées en un ouvrage, on se rend compte qu’il existe déjà une multitude de techniques de constructions. Ce manuel est donc une base très intéressante qu’il s’agirait de développer pour recenser véritablement toutes les manières de faire. 174
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Matériaux industriels Mais il est également possible de construire avec des matériaux moins naturels. Ce même document évoque par exemple des façons de réaliser un plancher collaborant, réalisé à l’aide de double-poutres en bambou en appui sur une solive en bois. Une première couche en lamelles de bambou supporte une chape de béton de 5mm renforcée par une maille métallique. Le mélange de ces matériaux permet d’atteindre une résistance acceptée aux normes du pays. Cet exemple prouve bien qu’il ne faut pas hésiter à utiliser ponctuellement des matériaux plus courant comme le bois et l’acier pour rendre le bâtiment tolérable et lui donner une chance d’être construit. Il est vrai que ces mises en œuvre plus complexes s’éloignent des manières de faire vernaculaire, mais on peut alors se demander si l’innovation ne pourrait pas être le fruit du mélange entre nos modes de constructions dominants et des techniques plus traditionnelles. En effet, si l’on veut faire accepter des matériaux tels que le bambou et la terre, ne faudrait-il pas passer par un stade de transition dans lequel on mélangerait d’abord ces deux types de matériaux ? Un exemple de projet mélant le bambou à l’acier, semble con+rmer ce propos. En effet, la structure d’Asali bali est capable de couvrir 545m2. Les portiques, qui portent sur plus de 16 mètres, sont des treillis composés d’un ingénieux mélange de bambou et de tirants en acier, permettant de pousser la performance. Conçu par un ingénieur, la structure repose sur un principe d’optimisation des matériaux et des forces ouvrières, les treillis ayant été préfabriqués en atelier pour être assemblés sur site plus rapidement. Cela contribue également à réduire le coût de la construction, qui est très avantageuse par rapport à des projets de même type en bois ou en acier sur le marché indonésien. Une fois encore, cela prouve qu’allier différents matériaux peut être intéressant. Lorsque l’auteur de Grow your own house évoque le travail en collaboration de Simon Velez et CRATerre dit qu’« Aucun des deux n’est assez naïf pour croire que le matériau qu’ils comprennent chacun si bien ne devrait jamais être utilisé en complément d’autres matériaux naturels ou industriels. (…) Au contraire, ils cherchent à accomplir des alliances ou des métissages raisonnés et raisonnable a+n de créer, de la meilleure façon, un modèle alternatif et un développement viable du secteur de la construction et de l’habitation. » Pour donner un exemple, ils recommandent l’utilisation de liants arti+ciels, à une dose modérée mais précise, pour renforcer l’utilisation de la terre.
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Illustration 122: structure d'Asali Bali
Notons que l’on peut aussi, à l’inverse, utiliser le bambou comme renfort d’un autre matériau. Il est possible de le substituer à l’acier pour créer du béton précontraint. Le bambou peut également servir de renfort à l’empilement de sac de terre Mais, il peut être un simple alliage pour une tout autre technique de construction : « les bâtiments en argile offrent une structure rigide en ajoutant des copeaux de bambou ou de la paille à l’argile. A Valdivia, en Equateur, des restes de murs contenant du bambou et de l’argile vieux de 7550 à 5500 années ont été déblayés. » 105 Ces techniques ne sont donc pas nouvelles, et s’inspirer du fait de créer des alliances entre les matériaux est dé+nitivement une bonne idée.
Illustration 123: construction de l’Iblock 100 % bambou
105 Grow your own house, SimUn Vélez and bamboo architecture, publié par le Vitra design museum 176
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Le parfait contre exemple est donc Raw Impact, qui tend à construire en 100 % bambou, notamment pour des raisons économiques. Cela rend la conception très dif+cile. En effet les contraintes d’inondation obligent à construire les bâtiments à 3,5mètres de haut. Mais les pilotis, s’ils sont en bambou, doivent être protégés de la pluie. Hors réaliser cette protection sur de telles hauteurs est un dé+ presque impossible. Il fut alors décidé de construire une toiture basse, ainsi que des stores et panneaux, ce qui est +nalement plus consommateur en matériau et apporte une esthétique qui se rapproche plus de l’Indonésie, en s’éloignant alors de la culture locale. De plus, les murs qui ne sont pas étanches pourraient être enduit de terre à l’intérieur pour rajouter une épaisseur de protection, avec un matériau qui est en plus gratuit. Mais cette option n’a pas été envisagée. En+n, les éléments de protection pourraient mixer d’autres matériaux que le bambou, a+n d’être plus durable, car protéger du bambou avec du bambou semble incohérent. Selon moi, Raw Impact, très emballée par ce matériau, devrait tout de même s’ouvrir au métissage a+n de réaliser des structures bien plus durables.
2 . 3-Faut i lvrai mentun archi t ect e? Vers une guide de conception… quelle place pour l’architecte ? De nombreux ouvrages ont essayé de condenser les savoirs autour du bambou. Par exemple, le Bamboo construction source book donne des conseils de base pour la conception d’une structure, par exemple ne pas utiliser des bambous de moins 70mm de diamètre, dessiner une trame structurelle de 2m maximum, à 3m de haut. Il dé+nit aussi l’espacement entre les solives (60cm) ou même le débord de toit minimum (45cm). Nous avons conçu chez Raw Impact au-delà de ces limites, et bien que nous ne puissions pas encore avoir un retour sur la longévité de la construction, c’est tout de même la preuve que ces conseils sont trop décontextualisés pour être viables. En effet, nous avons démontré que beaucoup de facteurs interviennent dans la conception avec le bambou, ce qui rend impossible une généralisation trop rapide. Il faudrait d’abord se placer dans un certain référentiel: par exemple peut-on démultiplier la structure ou de plus grandes portées sont-elles possibles? Janssen a lui aussi réNéchi à ce que devrait contenir un modèle pour inclure le bambou dans les standards nationaux, de façon plus théorique. Cet ouvrage serait, en fonction des chapitres, un code complet, et pour d’autre seulement des recommandations. Il y intègrerait tout d’abord un chapitre sur la sécurité structurelle pour une conception sensée et solide. Puis il faudrait parler des tests sur le matériau. Actuellement, “chaque laboratoire fait des tests en fonction de ses propres standards”. 177
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C’est un problème pour les chercheurs qui ne peuvent pas faire de tests standards mais aussi pour les utilisateurs qui ne peuvent pas comparer différentes sources. Cette absence de standard est selon lui probablement une des causes qui freine l’acceptation du matériau. Ce texte devrait alors donner une description des propriétés du bambou et un protocole pour les trouver en laboratoire, mais également des lignes directrices pour évaluer cela sur le terrain. Il serait aussi nécessaire de déterminer comment ces tests pourraient être transformés en data pour effectuer des calculs, pour les éléments structurels principalement, mais des principes basiques comme “ne pas concentrer les forces”. Il faudrait aussi déterminer une certaine tolérance: on peut demander une section d’acier de 125mm mais pour le bambou on obtiendra plutôt quelque chose entre 120 et 130mm. Ce qui est encore plus complexe serait d’établir un code pour les calculs de liaisons et de treillis. « C’est une voie dif+cile mais si nous ne la négocions pas, le bambou ne pourra jamais devenir un matériau de construction accepté. » Le problème fut le même avec le bois et a +ni par être résolu, pourquoi ne pourrions-nous pas y arriver avec le bambou ? Les aspects de résistance aux tremblements de terre et aux ouragans est aussi important. Il serait utile d’analyser des constructions en bambou après un désastre naturel de la sorte pour comprendre le fonctionnement des structures qui résistent. A la manière du bois, il serait intéressant de développer des classes de bambou. Lorsque l’on achète du bois, on connaît sa classe, et donc sa résistance au feu, à l’eau etc. Cela pourrait aider le marché. La durabilité et les traitements devraient donc être garantis. La préservation d’une structure comporte la sélection des bambous, de bons détails de conception pour augmenter sa durée de vie et permettre sa maintenance, et les traitements. Il faut donc prendre en compte la sécurité des travailleurs en cas de produits chimiques, et la pollution de l’environnement. « Une fois que ces standards internationaux seront mis en place, l’export sera bien plus facile, particulièrement parce que les produits de bambou sont ‘green’ ». En 2000, Janssen publiait donc déjà des pistes pour la recherche et le développement du bambou. Mais le projet qu’il décrit ici est de grande ampleur et nécessiterait de vraies décisions politiques, et une envie de se réunir pour faire avancer les choses. Mais on peut alors se poser une question cruciale : si l’on réussit à réaliser un « guide » de construction en bambou ; aura-t-on besoin d’architectes pour construire ? Selon moi, le rôle de l’architecte ne serait tout de même pas supprimé. Au contraire, ces lignes directrices faciliteraient son travail, laissant plus de place à la recherche de nouvelles solutions, de développement des méthodes et permettraient de pousser les qualités du bambou plus loin. La collaboration avec des ingénieurs, est aussi absolument nécessaire, a+n d’engendrer des structures +ables, car je suis convaincue que la mutualisation des connaissances favorisera le développement du bambou, comme le prouve l’exemple de Simon Velez et Marcello Villagas. Ce n’est pas 178
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parce que nous sommes en présence d’un matériau low-tech qu’il n’y a rien à travailler en amont des projets, ce qui est particulièrement vrai avec le bambou : pour chaque projet, les recommandations nécessitent d’être adaptées au contexte, en considérant les nombreux facteurs qui entrent en jeux dans la conception.
Initiatives à multiplier Bien sûr nombre de petites initiatives existent déjà. Le Kouk Khleang Youth Center à Phnom Penh, par exemple, a promu tout au long du projet l’utilisation de matériaux naturels appropriés à la culture Cambogienne et à son climat en créant des interactions avec les étudiants en architecture et ingénierie et en organisant des ateliers et des conférences. L’enjeu était de cibler les futurs professionnels du bâtiment pour leur transmettre ces savoirs. Mais le but serait aussi de sensibiliser ces acteurs aux questions de logement à très faible coût, nécessaire dans leurs pays. Certains organismes voient déjà le jour dans cet esprit. Bambù Social, est une ONG qui se concentre sur l’amélioration du logement social par l’utilisation du bambou au Nicaragua. 106 Ils ont, entre autre, créer un modèle de logement avec une méthode constructive simple qu’ils essaient de transmettre localement, à partir d’élément préfabriqués.
Illustration 124: L'une des construction de Bambu Social
106 http://www.bambusocial.com/
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Au Cambodge, beaucoup d’initiative de projets sociaux n’utilisent plus de matériaux vivant, par exemple, l’Incremental collective Housing 107. L’idée était de dessiner une structure low-cost qui pourrait ensuite être complétée par la communauté avec une collecte de fonds supplémentaire. L’idée semble bonne mais les solutions constructives mises en œuvre sont le béton. En revanche notons l’intelligence de la mitoyenneté pour réduire le nombre de fondations et de pilotis. Mais ces logements semblent réellement s’éloigner du style traditionnel khmer. Le concours lancé par Building Trust Internation, Habitat for humanity et Karuna Cambodia, nommé «future pour l’habitat soutenable cambodgien » en 2013 a tout de même généré des réponses avec un retour à des matériaux plus naturels et locaux, ce qui est très bon signe. En effet la Courtyard House est un habitat à 3000$ qui s’inspire réellement de l’habitat vernaculaire en termes de spatialité et de méthodes constructives. En effet il offre à la fois la pièce familiale traditionnelle et un nouvel espace pour la cuisine et les sanitaires, connecté à un jardin en cour, laissant l’espace sous la maison pour le garage et les hamacs. Le rez-de-chaussé est en bois et en brique, des matériaux résistant à l’eau, alors que l’étage se développe en bambou. Ce projet me semble être pertinent en termes de métissage des matériaux, et offre tout de même un habitat réellement économique. Cet exemple montre que les concours peuvent aussi favoriser la recherche et le développement d’idées.
Illustration 125: dessin de l'Incremental collective Housing
107 http://architectureindevelopment.org/project.php?id=388 180
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Il faudrait donc multiplier les initiatives comme celles-ci. Car je suis convaincue que la multitude de petites interventions, rendrait possible des décisions politiques, à échelle plus globale. L’architecture doit s’emparer du problème et essayer, par les outils qui lui sont propres de le résoudre. Tous ces aspects nécessitent donc d’être étudié en amont, et c’est le rôle de l’architecte, qui ne devrait donc pas être supprimé ou même réduit. Retour critique sur une conception architecturale : Raw Impact Prenons une dernière fois l’exemple de mon expérience en tant “qu’architecte” chez Raw Impact et essayons de comprendre quel fut l’intérêt mais aussi les limites de ce que j’ai pu apporter. L'atelier ne fut d’abord construit que partiellement, omettant la partie préau probablement pour des raisons +nancières. Or le dessin de ce bâtiment se voulait en continuité, les contreventements d'une partie servant de support de toiture de l'autre. C’est le début de l’anéantissement du rôle de l’architecte, lorsqu’on commence à ne plus respecter de plans ou de conseils. Après quelques mois de construction à l'iblock, de nouvelles fonctions ont été attribuées au rez-de-chaussée qu'ils voulaient désormais utiliser comme espace de stockage, de travail et d'abris, et même par la suite de zone pour le traitement des bambous, et non plus seulement de parking, qui nécessite plus d’espace couvert. La partie préau fut alors +nalement envisagée. Mais l’ajout du préau, est complètement aléatoire et ne respecte pas vraiment la modénature du bâtiment : il est attaché sous les fenêtres sans alignement, il forme un angle arrondi et son point le plus bas est trop exagéré pour pouvoir circuler librement. Mais l’enjeu esthétique a disparu à ce stade, l’essentiel étant désormais d’avoir les espaces nécessaires au travail des ouvriers et à l’expérimentation de nouvelles méthodes pour continuer à progresser. En revanche l’évolutivité du bâtiment est un point qui peut être considéré comme positif, et qui devrait en fait être considéré dès le départ dans la conception.
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Illustration 126: Construction de l'atelier en deux temps
Mais l'évolution de conception la plus intéressante à analyser est celle des maisons. La première maison que l'on voit en arrivant est la dernière à avoir été construite. Elle est pourtant très simple, ce qui est dommage, car elle ne met pas en valeur les qualités esthétiques initialement prévues. Cela s'explique par le fait que, déjà avant sa construction, une prise de conscience sur le fait qu'il faudrait revoir en profondeur les dessins des prochaines maisons avait été faite. Il y eu donc beaucoup moins de soin apporté aux dernières maisons en termes de qualités architecturales et de construction, répondant seulement au besoin de loger rapidement les familles. On peut aussi noter cela le moment de cette réalisation en observant la générosité des espaces donnée à chacune. Jusqu'à la sixième maison, ils semble être de plus en plus généreux, alors qu'on voit un retour à une sobriété à partir de la maison n°7. Mais ces dimensions très généreuses le sont peut-être parfois trop, offrant des pièces séparées, peu utilisées car elles ne sont pas conformes à la culture cambodgienne. En revanche on peut noter que plus les espaces extérieurs sont nombreux, généreux et diversi+és, plus les gens semblent se les approprier. Il s'agit d'un véritable « plus » pour ces populations qui ont pour habitude de vivre dehors, leur offrant la possibilité de le faire, directement depuis leur maison.
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Illustration 127: évolution des maisons, iblock
En termes d'usage il semblerait que, +nalement, les ouvertures ne soient pas aussi nécessaires qu'on pourrait le penser. Les habitants ne semblent pas beaucoup utiliser l’intérieur de la maison en journée, vivant principalement sur les « daybeds ». Bien qu'elles permettent un apport lumineux nécessaires, elles présentent également des faiblesses lors des intempéries. On note aussi une belle appropriation du dessous de la maison et des clôtures, transformées en jardins. Plus ces espaces sont fermés, plus ils sont utilisés, offrant une sorte de deuxième maison avec différentes pièces comme la cuisine, des espaces pour faire la sieste ou de rassemblement pour la famille, les « daybeds » sont très courants au Cambodge. En revanche, si ce niveau présente une hauteur sous plafond conséquente, le vent s'engouffre plus facilement, réduisant le confort de ses habitants. Lorsque les escaliers sont construits sous la maison et non pas en rajout sur l'une des façades ils permettent premièrement de les utiliser constamment mais aussi de créer des espaces très intéressants, notamment lorsque des demis-niveaux sont créées.
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Savoir-faire constructif : vers de nouvelles manières de construire
Illustration 128: Utilisation quotidienne des daybeds
Tous ces exemples sont la preuve que la conception architecturale en amont est réellement nécessaire. Les variations ont été envisagées sans dessins ce qui empêche de se poser les bonnes questions et de nombreux problèmes en découlent. C’est pourquoi, pour le terrain dé+nitif le projet a été mieux organisé. La conception m’a été donné à faire bien plus en avance que la première fois, permettant un certain recul sur le travail, mais aussi de tester certaines choses avant de se lancer dans la construction de 80 maisons. De plus, toutes les contraintes étaient recensées ce qui rend la conception plus aisé. Les modèles proposés nécessiteraient davantage de travail, encore, car le temps, d’un mois, était très court pour penser la construction de tant d’habitation. Nous pouvons donc espérer que la réNexion va continuer, notamment grâce à l’architecte cambodgien volontaire et aux nombreuses collaborations en Australie (l’université et avec des architectes).
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Savoir-faire constructif : vers de nouvelles manières de construire
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Savoir-faire constructif : vers de nouvelles manières de construire
Concl usi on chapi t reI I I Dans ce dernier chapitre, il était question de rentrer plus spéci+quement dans l’aspect constructif. Nous nous sommes donc demandé quelles ré?exions il faudrait avoir autour des techniques de construction en bambou pour assurer un développement pertinent? En effet il est apparu que ces questions constructives ne s’arrêtaient pas au simple (et pourtant pas si simple) fait de concevoir et d’assembler les structures. Parler d’intelligence constructive ne revient donc pas seulement à évoquer des méthodes d’assemblage ou d’agencer les éléments d’une structure. En effet, et particulièrement avec le bambou, un soin particulier doit être accordé pour qu’il y ait une adéquation entre le bâtiment, le matériau, le système constructif choisi et le milieu dans lequel il s’intègre. De plus, les questions architecturales viennent ajouter une complexité supplémentaire, un bâtiment ne se résumant pas à son enveloppe, mais ayant des vraies questions de spatialité. Tout comme les expérimentations à l’ATM, qui étaient au +nal une excuse pour manipuler et aider à se poser les bonnes questions, ce travail a donc commencé par l’analyse du système de liaison. En comprenant les qualités mais aussi les inconvénients des méthodes traditionnelles et contemporaines, il est possible de dégager des axes de recherches pour poursuivre l’innovation. Essayer de classi+er ces différents types de liaisons a permis de comprendre les différents enjeux que l’on pourrait attendre d’un bâtiment en bambou. Lorsqu’on liste toutes les questions que l’on pourrait se poser pour la sélection d’un système constructif, on comprend que de chaque cas bien spéci+que de projet, certains choix et certaines concessions sont à faire, ou plutôt pour être plus précis une hiérarchisation de l’importance que l’on donne aux critères. Par exemple dans le cas d’un logement d’urgence on privilégiera les critères de rapidité de mise en œuvre et d’économie. Le critère de longévité ne sera pas celui le plus privilégié. En revanche, ce sera l’inverse pour une construction pérenne, où l’on privilégiera plus ou moins en fonction de sa sensibilité la durabilité des matériaux mis en œuvre. En fonction de son équipe, on fera plus attention à la facilité de mise en œuvre et si l’on veut de l’adaptabilité on s’intéressera davantage à l’aspect démontable. Comme chaque situation de projet est unique, chaque réponse devrait l’être aussi, mais pourrait s’appuyer sur une sorte de recensement et classement des liaisons en fonction de chacun des critères. Ceci pourrait être la base d’un travail plus approfondi, lié à de vraies mesures de laboratoire, pour créer un guide de conception en bambou. Ces lignes directrices faciliteraient le travail de l’architecte, qui reste essentiel, laissant plus de temps pour la recherche de nouvelles solutions adaptées. 186
Savoir-faire constructif : vers de nouvelles manières de construire
Nous pouvons aussi conclure qu’il s’agirait de dé+nir, ensemble, ce que pourrait être une intelligence constructive raisonnée et raisonnable qui s’adapterait au matériau. Aujourd’hui nous sommes encore plus souvent en train d’adapter le matériau à des méthodes pré-existantes, empruntées à d’autres matériaux. Par « ensemble » il faut d’abord comprendre qu’il serait pertinent de créer des métissages avec autres matériaux, comme la terre pour ne citer que le meilleur exemple. Mais il faut aussi comprendre qu’il devrait s’agir d’un travail collectif entre différents corps de métier, des architectes, des ingénieurs, des ouvriers, des habitants locaux etc. En effet, et c’est particulièrement vrai avec le bambou, l’intelligence collective mène au développement de meilleures méthodes et permet de pousser les qualités du bambou plus loin. « Construire en bambou requiert de l’expérience et des compétences, et à ce jour une grande quantité de temps ; c’est ce qui a gêné son utilisation dans les pays avec un certain coût de la main d’oeuvre. (…) Que de la superbe architecture soit faite avec du bambou dépend ou non des cerveaux derrière le processus de construction. »108
108 Grow your own house, Sim n Vélez and bamboo architecture, publié par le Vitra design museum 187
Table des illustrations
T abl edesi ll ust rat i ons Illustration 1: Capture d’écran - film "First they killed my father"...........................................................................................................16 Illustration 2: Photo de Raw Impact .........................................................................................................................................................18 Illustration 3: Schéma de l’auteur ............................................................................................................................................................19 Illustration 4 : Photo de Raw Impact ........................................................................................................................................................20 Illustration 5: Schéma de l’auteur ............................................................................................................................................................22 Illustration 6: Photo de Raw Impact .........................................................................................................................................................23 Illustration 7: Photo de l’auteur ................................................................................................................................................................27 Illustration 8: Photo de l’auteur ................................................................................................................................................................27 Illustration 9: Photo de l’auteur ................................................................................................................................................................29 Illustration 10: Photo de l’auteur ..............................................................................................................................................................29 Illustration 11: Photo de l’auteur ..............................................................................................................................................................29 Illustration 12: Mémoire Juliana Bedoya..................................................................................................................................................32 Illustration 13: Photo de l’auteur ..............................................................................................................................................................32 Illustration 14: Schéma de l’auteur ..........................................................................................................................................................34 Illustration 15: image google ....................................................................................................................................................................35 Illustration 16: Image google ...................................................................................................................................................................36 Illustration 17: Livre Grow your own house.............................................................................................................................................37 Illustration 18: http://visualdocumentary.tumblr.com/post/39547514369/bamboo-construction.............................................................38 Illustration 19: Photo de l’auteur ..............................................................................................................................................................39 Illustration 20: Photo de l’auteur ..............................................................................................................................................................39 Illustration 21: Soneva Kiri Resort, Thailande..........................................................................................................................................40 Illustration 22: Restaurant, Vo Trong Nhia................................................................................................................................................41 Illustration 23: Photo de l’auteur ..............................................................................................................................................................44 Illustration 24: Dortoir de la clinique temporaire de Mae Tao, Thaïlande................................................................................................44 Illustration 25: Photo de l’auteur ..............................................................................................................................................................46 Illustration 26: Livre Bambus-Bamboo.....................................................................................................................................................46 Illustration 27: Livre Grow your own house.............................................................................................................................................48 Illustration 28: Livre Grow your own house.............................................................................................................................................50 Illustration 29: Communal de taller, Mexique..........................................................................................................................................51 Illustration 30: Photo de Raw Impact .......................................................................................................................................................53 Illustration 31: Yi Fanhsieh........................................................................................................................................................................53 Illustration 32: Restaurant de La Vong, Vo Trong Nhia............................................................................................................................55 Illustration 33: Photo de Raw Impact .......................................................................................................................................................56 Illustration 34: Schéma de l’auteur ..........................................................................................................................................................58 Illustration 35: Photo de l’auteur ..............................................................................................................................................................59 Illustration 36: Dessin de l’auteur, chez Raw Impact ...............................................................................................................................59 Illustration 37: Photo de Raw Impact .......................................................................................................................................................62 Illustration 38: Image google ..................................................................................................................................................................64 Illustration 39: Schéma de l’auteur ..........................................................................................................................................................65 Illustration 40: Photo de l’auteur ..............................................................................................................................................................66 Illustration 41: Panyaden, earthen and bamboo architecture ..................................................................................................................69 Illustration 42: Simon Velez ....................................................................................................................................................................70 Illustration 43: Photo de Raw Impact .......................................................................................................................................................77 Illustration 44: Photo de Raw Impact .......................................................................................................................................................78 Illustration 45: Photo de Raw Impact .......................................................................................................................................................80 Illustration 46: Photo de l’auteur ..............................................................................................................................................................82 Illustration 47: Photo de l’auteur ..............................................................................................................................................................84 Illustration 48: Ibuku ...............................................................................................................................................................................85 Illustration 49: Schéma de l’auteur ..........................................................................................................................................................86 Illustration 50: Schéma de l’auteur ..........................................................................................................................................................87 Illustration 51: Schéma de l’auteur ..........................................................................................................................................................89 Illustration 52: Photo de l’auteur ..............................................................................................................................................................90 Illustration 53: Photo de Raw Impact .......................................................................................................................................................90 Illustration 54: Photo de l’auteur ..............................................................................................................................................................91 Illustration 55: Photo de l’auteur ..............................................................................................................................................................92 Illustration 56: Photo de l’auteur ..............................................................................................................................................................93 Illustration 57: Photo de Raw Impact .......................................................................................................................................................93 Illustration 58: Photo de Raw Impact .......................................................................................................................................................94 Illustration 59: Building Trust International .............................................................................................................................................95 Illustration 60: Building Trust International .............................................................................................................................................96 Illustration 61: Photo de l’auteur ..............................................................................................................................................................97 Illustration 62: Simon Velez, utilisant les noeuds.....................................................................................................................................98 Illustration 63: Photo de l’auteur ..............................................................................................................................................................99 Illustration 64: Photo de l’auteur ..............................................................................................................................................................99 Illustration 65: Bobautanik......................................................................................................................................................................100 Illustration 66: Photo de Raw Impact .....................................................................................................................................................101 Illustration 67: Photo de Raw Impact .....................................................................................................................................................102 Illustration 68: Capture d’écran - film "First they killed my father".......................................................................................................104 194
Table des illustrations
Illustration 69: Dessin de l’auteur, chez Raw Impact .............................................................................................................................105 Illustration 70: architecture in development ...........................................................................................................................................106 Illustration 71: Capture d’écran - film "First they killed my father".......................................................................................................107 Illustration 72: Vo Trong Nghia...............................................................................................................................................................109 Illustration 73: Handmade school, Anna Heringer..................................................................................................................................111 Illustration 74: Hotels pour la biennale du bambou, Anna Heringer.......................................................................................................112 Illustration 75: Photo de l’auteur ............................................................................................................................................................113 Illustration 76: Image google ................................................................................................................................................................115 Illustration 77: Livre Bambus-Bamboo...................................................................................................................................................115 Illustration 78: Ibukuk ..........................................................................................................................................................................116 Illustration 79: Ibukuk ..........................................................................................................................................................................117 Illustration 80: architecture in development............................................................................................................................................121 Illustration 81: architecture in development............................................................................................................................................122 Illustration 82: architecture in development ...........................................................................................................................................122 Illustration 83: Architecture in development .........................................................................................................................................123 Illustration 84: Livre Grow your own house...........................................................................................................................................126 Illustration 85: Simon Velez....................................................................................................................................................................127 Illustration 86: Photo de Raw Impact .....................................................................................................................................................129 Illustration 87: Photo de Raw Impact .....................................................................................................................................................131 Illustration 88: Livre Bambus-Bamboo...................................................................................................................................................137 Illustration 89: Livre Bambus-Bamboo...................................................................................................................................................139 Illustration 90: Livre Bambus-Bamboo...................................................................................................................................................140 Illustration 91: Image pinterest...............................................................................................................................................................140 Illustration 92: Livre Bambus-Bamboo...................................................................................................................................................141 Illustration 93: Livre Grow your own house...........................................................................................................................................142 Illustration 94: architecture in development ...........................................................................................................................................143 Illustration 95: architecture in development ...........................................................................................................................................144 Illustration 96: Schéma de Andry Widyowijatnoko ...............................................................................................................................146 Illustration 97: Schéma de l’auteur ........................................................................................................................................................147 Illustration 98: Shoei Yo, Renzo Piano ...................................................................................................................................................147 Illustration 99: Andry Widyowijatnoko .................................................................................................................................................148 Illustration 100: Projet de logement de Saint-Val...................................................................................................................................149 Illustration 101: Photo de l’auteur ..........................................................................................................................................................149 Illustration 102: Fibro-ciment.................................................................................................................................................................150 Illustration 103: ABCD project, Cambodge............................................................................................................................................151 Illustration 104: Energy Efficient Bamboo House..................................................................................................................................152 Illustration 105: image pinterest ...........................................................................................................................................................153 Illustration 106: image pinterest ..........................................................................................................................................................155 Illustration 107: Micaella Pedros............................................................................................................................................................157 Illustration 108: Photo de l’auteur ..........................................................................................................................................................158 Illustration 109: Photo de l’auteur ..........................................................................................................................................................159 Illustration 110: Photo de l’auteur ..........................................................................................................................................................160 Illustration 111: Capture d’écran - film "First they killed my father".....................................................................................................163 Illustration 112: Photo de l’auteur ..........................................................................................................................................................164 Illustration 113: Dessin de l’auteur, chez Raw Impact ...........................................................................................................................165 Illustration 114: Photo de l’auteur ..........................................................................................................................................................166 Illustration 115: Photo de l’auteur ..........................................................................................................................................................167 Illustration 116: Photo de l’auteur ..........................................................................................................................................................168 Illustration 117: Photo de l’auteur ..........................................................................................................................................................169 Illustration 118: Photo de l’auteur ..........................................................................................................................................................170 Illustration 119: Anna Heringer...............................................................................................................................................................172 Illustration 120: Anna Heringer...............................................................................................................................................................173 Illustration 121: 1+1>2............................................................................................................................................................................174 Illustration 122: Asali Bali......................................................................................................................................................................176 Illustration 123: Photo de Raw Impact ...................................................................................................................................................176 Illustration 124 : Bambu Social...............................................................................................................................................................179 Illustration 125: architecture in development..........................................................................................................................................180 Illustration 126: Photo de Raw Impact ...................................................................................................................................................182 Illustration 127: Photo de Raw Impact ...................................................................................................................................................183 Illustration 128: Photo de Raw Impact ...................................................................................................................................................184 Illustration introduction: simon velez Illustration chapitre 1: image pinterest Illustration chapitre 2: grow your own house Illustration chapitre 3: photos de l’auteur Illustration fin chapitre 3: grow your own house Illustration conclusion : Bamboo-Bambus
195
Bibliographie
Bi bli ographi e
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Aut res h/p://rawimpact.org/ Magical houses, made of bamboo, Conférence TED Elora Hardy, 2010. Bambou du Vietnam, Arte Reportage, 2013 Inde La Vallée des Bambous, Habiter le monde Arte, 2016 Entretien skype avec Pierre Clément, architecte bioclimatique en Nouvelle Calédonie Visite de la bambouseraie d’Anduze et entretient avec Hung, constructeur en bambou
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ANNEXES
Liaisons finales - expérimentations réalisées à l'atm
Taille spécifique
Appui simple boulons
Moisé boulons
Cheville + ligature
LIgature simple
Ligature + cheville «câle»
Bouteille, de bout
Fond de bouteille, en T
Goulot bouteille, en T
Manchon pvc
Collier de serrage
Résine Epoxy
résultats : tests de résistance des différentes liaisons bouteilles charge de base (bidon) : 1,366kg En jaune apparait le moment maximum, afin de pouvoir comparer les test.
TEST 1:
Type de liaison : bouteille verte (Perrier) unique avec noeuds Temps de chauffe : 1min diamètre bambou : 60mm bras de levier : 44cm
Test 1 chargement (kg) 5 7 moment (Nm) 2,15746 3,02045 courbure (mm) 0,5 0,8 Écart1(mm) 2 4 Test chargement (kg) 5 7 Test 1 moment (Nm) 2,15746 3,02045 chargement (kg) 5 7 courbure (mm) 2,157460,5 moment (Nm) 3,020450,8 TEST 2 : Test 2(mm) Écart 2 0,8 (Orangina/Fanta) 4 Type de liaison transparentes double avec noeuds courbure (mm): bouteilles0,5 Chargement (kg) 3 6 10 15 20 21 Temps de chauffe : 1min20 + 30sec Écart (mm) 2 4 moment (Nm): 65mm 1,3 2,6 4,3 6,5 8,6 9,1 diamètre bambou courbure 1 1,5 2 2 bras de levier(mm) : 47cm écart (mm) 1 2 3 6,5 Test 2 Chargement (kg) 3 6 10 15 20 21 Test 2 moment (Nm) 1,3 2,6 4,3 6,5 8,6 9,1 Chargement (kg) 3 6 10 15 20 21 25 courbure (mm) 1 1,5 2 moment (Nm) 1,3 2,6 4,3 6,5 8,6 9,1 2 écart (mm) courbure (mm) 1 1 1,5 2 2 3 26,5 écart20(mm)
1
2
3
6,5
26 11,2 20 20 26 11,2 26 11,2 20 20 20 20
mm 25 25 15 courbure (mm) écart (mm)
20 20 10 6,5
15 15 5 10 10 0 5
0
0
1,3
2,6
5
1
2 1,5
4,3
6,5
1
2 1,5
3 2
courbure (mm) écart (mm) courbure (mm) écart (mm)
2
6,5 8,6 9,1 6,5 3 2 2
11,2
3 Test03 0 2 2 2 0 1,5 Chargement (kg)1 10 15 16 20 0 1,3 0 2,6 4,3 6,5 8,6 9,1 11,2 Moment (Nm) 4,6 6,9 7,4 9,2 0 Nm 1,3 2,6 6,5 11,2 courbure (mm) 4,3 0,8 8,6 0,8 9,1 0,8 2 écart (mm) 1 Test 3 Chargement (kg) 10 15 16 20 Test 3 Moment (Nm) Chargement (kg) 104,6 156,9 167,4 209,2 25 courbure (mm) 0,8 0,8 0,8 Moment (Nm) 4,6 6,9 7,4 9,2 2 écart (mm) courbure (mm) 0,8 0,8 0,8 2 1 écart20(mm) 1
25 25 15
21 30 9,7 13,8 2 3,2 1 6 21 30 13,8 219,7 30 2 9,7 13,83,2 2 1 3,2 6 1 6
35 16,1 100 100 35 16,1 35 16,1100 100100 100
courbure (mm) écart (mm)
15 10
courbure (mm) écart (mm)
6,5 10 5
3 6,5 2 2 2 1,5 1 TEST 3 : 0 0 5 Type (Orangina/Fanta) double avec nœuds, RE-CHAUFFE 0 de liaison : bouteilles transparentes 3 Temps de chauffe : 2min20 2 2 2 1,3 2,6 4,3 6,5 8,6 9,1 11,2 1,5 1 diamètre bambou : 65mm 0 0 bras 0 de levier : 47cm 2,6 4,3 6,5 8,6 9,1 11,2 Test1,33
Chargement (kg) Moment Test 3 (Nm) courbure (mm) Chargement (kg) écart (mm) Moment (Nm) courbure (mm) écart 25 (mm)
10 4,6 0,8 10
15 6,9 0,8 15
16 7,4 0,8 16
4,6 0,8
6,9 0,8
7,4 0,8
20 9,2 2 20 1 9,2
21 9,7 2 21 1 9,7
30 13,8 3,2 30 6 13,8
35 16,1 100 35 100 16,1
2 1
2 1
3,2 6
100 100
mm 25 25 20 20 20 15 écart (mm) courbure (mm)
15 15 10
écart (mm) courbure (mm)
25 10 105 0,8 55020 4,6 0,8 0,8 0015 4,6 4,6
2
2
3,2
0,8
0,8
6,9 0,8 0,8
7,4 0,8
2 9,2
2 9,7
3,2 13,8
16,1
6,9 6,9
7,4
9,2
9,7
13,8
16,1
Nm
écart (mm) courbure (mm)
10 Test 4 Chargement (kg) 5 10 15 Moment (Nm) 2,4 4,7 7,1 5 3,2 TEST 4 : 2 courbure (mm) 12 50 Type 0,8 de liaison 0,8: bouteille 0,8 transparente (Fanta) unique sans nœuds écart (mm) 5 10 50 Temps de chauffe : cf bambou 0 diamètre bambou : cf bambou 9,2 9,7 13,8 16,1 bras 4,6 de levier6,9 : 48cm 7,4 60 Test 4 Chargement (kg) 5 10 15 50 Moment (Nm) 2,4 4,7 7,1 courbure (mm) 1 50 40 écart (mm) 5 10 50
courbure (mm) écart (mm)
30 60 20 50 10 40 0 30 2,4 20 10
4,7
7,1
courbure (mm) écart (mm)
Test 4 Chargement (kg) Moment (Nm) courbure (mm) écart (mm)
5 2,4 5
10 4,7 1 10
15 7,1 50 50
mm 60 50 40 courbure (mm) écart (mm)
30 20 10
Nm
0 2,4
4,7
7,1
CONCLUSIONS : - En complarant les moments maximums (force x bras de levier), en jaune, on peut conclure que le test le plus concluant est celui réalisé avec deux couches de plastique et la présence de noeuds. Il est supérieur à un test avec un plastique unique et sans noeud. - Lorsque l’on rechauffe cette liaison, on obtient un résultat équivalent, ce qui est très intéressant pour d’éventuelles «réparations». - Le test avec une bouteille de Perrier, différente des autres bouteille semble moins résistant. Mais il est aussi effecté avec des bambous de diamètres inférieurs. Puisqu’on sait que la contrainte est fonction de la surface, il aurait fallut connaitre cette surface (et pour cela mesurer l’épaisseur de plastique) pour comparer ces différents tests de façon plus pertinente.
guide de fabrication - liaison bouteille en T
1 - préparer le dessin des fentes suivant la formule suivante : h=1,6 x d
2 - couper les fentes le plus nettement possible à l’aide d’un cutter et de finitions aux ciseaux
3 - insérer les chaumes dans les fentes sans abimer le plastique
3 - chauffer à l’aide d’un décapeur thermique en restant à 10cm de la liaison
5 - Procéder de manière homogène du bas vers le haut, en tournant le chaume
6 - Laisser refroidir et couper éventuellement le goulot
photos des expĂŠrimentations - les tests de ligature
photos des expĂŠrimentations - les tests en bouteille
photos des expérimentations - les tests de résistance et autres poutre en I / assemblage boulonné / essai raté de résine / essai réussi de résine
liste des critères & questions à se poser pour la conception
Bambou à mettre en oeuvre - Espèce - Sections : diamètre, longueur - Sec/vert - Traitement : longévité Exposition de la structure - protégé - exposé (eau, vent, soleil) - pilotis Organisation de la structure - longueur des portées - nombre de porteurs - nature de l’appui au sol - contreventements Liaison - sens de liaison - enjeux : structurel ou pas - transfert des charges Complément matière liaison - quantité - coût - durabilité du matériau - toxicité Longévité liaison - durée de vie - entretient : facilité, rapidité, coût Mise en oeuvre liaison - rapidité de mise en oeuvre - facilité de mise en oeuvre (savoir-faire) - outils nécessaires (spécifiques? prix?) Complémentarité matériaux - quantité - coût - durabilité du matériau - toxicité
exemple de fiches 'liaisons' réalisées en début de travail 1 LIAISON V/H - BOULON > Base formelle Sens de liaison Vertical / Horizontal Géométrie 3D Enjeux Structure principale Mécanique Encastré ?
> Supplément
Matériaux Boulons + tige filetée Quantité 2 boulons, 2 rondelles, 50cm de tige Coût Cf tableaux coûts Raw Impact Durabilité du matériaux Pas écologique
> Complexité Temps
Outils Perceuse longue mèche Savoir-faire Bas
> Bambou
Espèce cf site Richard Diamètre 120
> Longévité
Durée de vie visée 50 ans - celle du bambou Entretient Pas Rentabilité ?
> Potentiel d’innovation
Traditionnel Empilement - descente de charge basique Innovant Boulons + tige, nouveaux matériaux Amélioration possible - Transposition Matériau + écologique
Bibliographie
Projet Workshop Raw Impact Localisation Cambodge - Taskor Village Date de construction Juillet 2016 Référence Expérience perso
2 LIAISON V/H - BOULON > Base formelle Sens de liaison Vertical / Horizontal Géométrie 3D Enjeux Structure principale Mécanique Articulé ?
> Supplément
Matériaux Boulons + tige filetée Quantité 4 boulons, 4 rondelles, 50cm de tige, cale Coût Cf tableaux coûts Raw Impact Durabilité du matériaux Pas écologique
> Complexité
Temps Boulons + tige filetée Outils Perceuse longue mèche, étaux Savoir-faire Haut
Bibliographie
Projet EPM projet - first house - Raw Impact Localisation Cambodge - Taskor Village Date de construction Septembre 2016 Référence Expérience perso - retours de chantier
> Bambou
Espèce cf site Richard Diamètre 80
> Longévité
Durée de vie visée 50 ans - celle du bambou Entretient Changement câle ? Rentabilité ?
> Potentiel d’innovation
Traditionnel Méthode tradi Innovant Boulons + tige, nouveaux matériaux Amélioration possible - Transposition Matériau + écologique
grilles des familles de liaisons
photos de l'expérience chez raw impact - innodations INNONDATIONS iblock, été 2017
photos de l'expĂŠrience chez raw impact - le chantier 2016: l'atelier
photos de l'expÊrience chez raw impact - iblock Maisons n°1 - 4 - 5 - 6
photos de l'expérience chez raw impact - autres construction pépinière / préau / gasibo / chèvrerie
photos de l'expérience chez raw impact - EPM block vierge vue aérienne et construction de digues
photos de l'expĂŠrience chez raw impact - la population
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J J J J Vinicius Raducanu, architecte, enseignant ENSAM, directeur du mémoire Michel Maraval, architecte, enseignant ENSAM Alexandre Neagu, architecte, enseignant ENSAM Bijan Azmayesh architecte, personnalité extérieure