Des biotechs au smart data Agefi 05 11 2014 Le cluster lémanique semble avoir atteint une taille qui va lui permettre de passer à l’étape suivante. MARJORIE THÉRY Merck Serono abandonnait son quartier général de Genève-Sécheron en 2012-2013, déplaçant plus de mille emplois hors de Suisse. Ce fut un véritable traumatisme. Comme si le bassin lémanique ratait son ambitieux décollage dans les biotechs. Deux ans plus tard, le climat semble diamétralement opposé. S’agissant tant de l’entreprise leader que du cluster. Merck Serono continue d’investir intensément dans la région. Le groupe vient d’inaugurer un nouveau site regroupant la direction des médicaments biosimilaires à Aubonne (L’Agefi du 21 octobre). Avec trois sites dans le canton de Vaud, Merck Serono emploie plus de mille personnes, et une centaine devraient être recrutées à Aubonne l’an prochain. Du côté de Genève-Sécheron, la mise en place du Campus Biotech avance rapidement. La première présentation du site avait lieu hier. Le premier groupe de recherche est arrivé il y a tout juste un an. Depuis lors, un nombre imposant d’entités s’y sont implantées. Plus de 400 personnes occupent le site et les effectifs s’élèveront à 600 à la fin de l’année. Soit la moitié déjà de la capacité. Ce Campus biotech joue en quelque sorte un rôle de cluster en soi dans la Health Valley Suisse. Après plus de dix ans de développements et d’à-coups parfois mal vécus (la faillite de GeneProt en 2005 en fut un autre), l’écosystème des biotech semble être mieux armé pour une nouvelle phase de croissance. En particulier grâce à un timing bien plus propice. A plusieurs niveaux. Du côté académique, l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) s’est transformée en véritable pôle de recherche fondamentale et appliquée, alors qu’elle ne comptait qu’un seul laboratoire de biotech au début des années 2000. L’Université de Genève s’est elle aussi forgé une réputation mondiale, avec pas moins de soixante groupes de recherche dans les neurosciences par exemple. La recherche, autrefois plus cloisonnée, s’est surtout ouverte à des collaborations. Entre les entités académiques elles-mêmes, de différentes disciplines, et avec des partenariats privés. Une dimension également présente au Campus biotech, où les deux institutions collaborent et où le centre Wyss est dédié au transfert de technologies vers le secteur privé. Du côté du marché et de l’évolution technologique, l’heure est aussi au «quantified self» et à la mesure des données biologiques personnelles. Dans ce domaine, le niveau technologique développé en Suisse est bien supérieur à celui de la Silicon Valley. L’un des fils conducteurs revenant dans presque tous les propos des chercheurs rencontrés hier à Genève était ainsi la gestion du big data. Ou plutôt du smart data, avec l’émergence d’une digital medicine. Un secteur healthomics est d’ailleurs dédié à l’étude des données médicales, sans compter la présence sur le site d’un Institut Suisse de Bioinformatique de réputation mondiale.
Le Campus Biotech prend son envol RECHERCHE. Le centre d’excellence en sciences de la vie emploie déjà 400 personnes. Elles seront 600 à la fin de l’année et 1200 quand le centre aura atteint sa vitesse de croisière.
Le Campus Biotech, un centre d’excellence en sciences de la vie qui s’est installé dans les locaux désertés par Merck Serono, à Genève, prend petit à petit son envol. A ce jour, plus de 400 personnes travaillent sur le site. Elles seront 600 à la fin de l’année et 1200 quand le centre aura atteint sa vitesse de croisière. Le but du centre est de promouvoir l’interdisciplinarité en matière de recherche en neurotechnologies et dans le domaine du développement de la médecine digitale, a expliqué mardi devant la presse le directeur de la Fondation Campus Biotech Geneva et directeur du développement du centre Wyss, Benoit Dubuis. Le campus, qui s’étend sur 40'000 m2, fera le lien entre chercheurs et industriels et offrira à de petites entreprises les infrastructures et l’expertise nécessaires pour leur permettre de mettre au point leurs innovations, jusqu’à en tirer des applications pratiques. Dans ce domaine, le centre Wyss tiendra un rôle central sur le site de Sécheron, en donnant une chance à des recherches que d’autres acteurs financiers considéreraient comme risquées. «Nous allons faire en sorte que des projets puissent émerger le plus rapidement possible», a expliqué M. Dubuis. Des appareils qui font encore partie de la science-fiction pourraient sortir de ce formidable creuset. Il serait ainsi possible, grâce à des neuroprothèses, de restaurer la vue. Un autre rêve serait de pouvoir faire remarcher les gens victimes d’une lésion de la moelle épinière et de les faire rebouger après un accident vasculaire cérébral (AVC). Diverses institutions ont déjà pris place dans les étages des différents bâtiments qui composent le campus. Des parties du site sont encore en travaux en vue de les adapter aux besoins de leurs futurs occupants. Parmi eux figure le fameux Human Brain Project, coordonné par l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) et qui prendra ses quartiers en décembre. Ce programme, soutenu par l’Europe à hauteur d’un milliard d’euros sur 10 ans, a pour ambition de modéliser un cerveau humain dans son intégralité, grâce au développement de compétences informatiques nouvelles, imitant le fonctionnement des réseaux neuronaux. Human Brain Project fédère plus d’une centaine d’institutions dans 23 pays. La Fondation Campus Biotech Geneva a été créée par l’Université de Genève, l’EPFL et le canton de Genève pour gérer les aspects scientifiques liés au site. La fondation est locataire. Le bâtiment appartient, quant à lui, à la famille Bertarelli, qui avait fondé Serono, et à l’entrepreneur et docteur bernois Hansjörg Wyss. – (ats)