La chanson de Roland Olivier demande à Roland de sonner le cor Ganelon s’est rendu en ambassade auprès de Marsile, mais pour sauver sa vie, il accepte de dévoiler le plan de marche de Charlemagne : il révèle aux Sarrasins que l’arrière-garde, conduite par Roland, sera facile à attaquer dans le défilé de Roncevaux (Pyrénées) lorsque le gros de l’armée sera déjà parvenu en France. Ganelon espère par cette trahison être débarrassé de Roland. Revenu sain et sauf au camp de Charlemagne il désigne Roland pour commander l’arrière-garde, le désignant comme ambassadeur auprès de Marsile. Roland comprend à son tour qu’il risque d’y laisser sa vie dans ce commandement de l’arrière-garde, mais il accepte cette mission, au nom de son honneur. L’armé de Charlemagne s’est donc mise en marche, il ne reste plus en terre infidèle que l’arrière-garde, avec Roland et son ami Olivier, et les dix pairs de France. Olivier part en premier, découvre la multitude d’énem mis qui ont pris position dans le défilé et s’apprête à les attaquer : il avertit Roland.
LXXX Olivier est monté sur un tertre1. Il regarde à droite parmi un val herbeux, et voit venir cette troupe païenne2: il appelle Roland, son compagnon: “Devers Espagne je vois venir tel vacarme, tant de blanc hauberts, de heaumes flamboyants3! Ceux-là vont causer nos Français grand courroux. Ganelon le savait, le félon, le traître, qui nous désigna devant l’empereur. -Tais-toi, Olivier, répond le comte Roland, c’est mon parâtre, je ne veux pas que tu en sonnes mot.” LXXXI Olivier est monté sur une hauteur. Là il voit bien le royaume d’Espagne, et les Sarrasins, si nombreux rassemblés. Les heaumes luisent, qui dans l’or sont gemmés, et les écus, les hauberts safrés4, et les épieux, gonfanons5 attachés. Les escadrons même, il ne les peut compter. Tant il y en a qu’il n’y sait pas le nombre; et lui-même est tout égaré. Au plus tôt qu’il put, il dévala du tertre, 1
Petite hauteur de terre. En réalité les Musulmans croient aussi en Dieu. 3 Haubert: cotte de mailles ; heaume: casque. 4 Dorées : du nom du safran. 5 Etandards qui ralient les armies autour de leur suzerain. 2
vint aux Français, et leur a tout conté. LXXXII Olivier dit : «J’ai vu les païens. Jamais nul homme en terre n’en vit plus. Devant, ils sont cent mille écus, Heaumes lacés, et blancs hauberts vêtus ; Les hampes6 droites, luisent les épieux bruns. Vous aurez bataille, telle que jamais n’en fut. Seigneurs Français, Dieu vous donne vertu ! Tenez au champ, que ne soyons vaincus ! » Les Français disent : « Maudit soit qui s’enfuit ! Même au prix de la mort pas un ne vous manquera. » LXXXIII Olivier dit : « Les païens ont de grandes forces. De nos Français il me semble y avoir bien peu ! Compagnon Roland, sonnez donc votre cor7, Charles l’entendra, et l’armée reviendra. » Roland répond : « J’agirais en fol [fou] ; en douce France j’en perdrais ma gloire. Je vais frapper de Durendal8 grands coups : sanglante en sera la lame jusqu’à l’or. Pour leur malheur les félons païens sont venus aux ports. Je vous le gage, tous sont condamnés à mort. LXXXIV - Ami Roland, votre olifant9 sonnez ! Charles l’ouïra, fera l’ost10 retourner ; le roi nous secourra, avec tous ses barons. » Roland répond : « Ne plaise au Seigneur Dieu que mes parents pour moi soient blâmés ni que France douce en soit avilie ! Mais j’y frapperai de Durendal assez, ma bonne épée que j’ai ceinte au côté : toute en verrez la lame ensanglantée. Pour leur malheur les félons païens se sont assemblés : je vous le gage, tous sont à mort livrés. LXXXV - Ami Roland, sonnez votre olifant ! Charles l’ouïra, qui est aux ports passant ; je vous l’assure, alors retourneront les Francs. - Ne plaise à Dieu, lui répondit Roland, que ce soit dit de nul homme vivant 6
Manche de bois qui porte l’étendard. Trompe d’ivoire, faite dans une défense d’éléphant, pour sonner à la chasse ou à la guerre. 8 Nom de l’épée de Roland. 9 Autre nom du cor. 10 L’armée. 7
que pour païens je sois allé cornant ! Jamais n’en auront reproche mes parents. Quand je serai en la bataille grande, je frapperai et mil coups et sept cents, de Durendal verrez l’acier sanglant. Les Français sont braves, et frapperont vaillamment; ceux d’Espagne n’auront qui de mort les défende LXXXVI Olivier dit : « À cela je ne sais de blâme. Moi, j’ai vu les Sarrasins d’Espagne ; couverts en sont les vaux11 et les montagnes, et les landes, et toutes les plaines. Grandes sont les troupes de cette race étrangère, et nous y avons fort petite compagnie. » Roland répond : « Mon ardeur en grandit. Ne plaise au Seigneur Dieu ni à ses anges que jamais par moi s’avilisse la France ! J’aime mieux mourir qu’un affront me vienne ! Par nos beaux coups l’empereur mieux nous aime !
1. Relevez les raisons du refus de Roland de sonner du cor et à partir de celles-ci, dégagez les conceptions chez Roland de fidélité. 2. Deux caractérisation sont contrastées dans cet extrait. Expliquez en quoi consiste ce contraste. 3. Le texte repose sur un certain nombre de répétitions. Relevez-les et analysez-les en soulignant les cas où vous avez trouvé un ajout d’un détail, une nuance, une information nouvelle. Quels effets sont ainsi crées ?
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Pluriel de val (vallée).