Mémoire HMO // De le conception à l’exécution, la spécialisation est-elle au service du projet ?

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Habilitation à la Maîtrise d’ Oeuvre en son Nom Propre

Tangram architecte, grande fabrique de projet : De la conception à l’exécution, la spécialisation est-elle au service du projet ?

VIALARD Anouk / Mise en Situation Professionnelle du 02/11/2015 au 28/07/2016 Directeur d’étude / Rémy MARCIANO Tuteur professionnel / Hervé LEROY École Nationale Supérieure d’Architecture de Marseille

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Remerciements.................................................................................4 Pourquoi la HMONP ? .......................................................................4 Parcours et volontés .........................................................................5 Du monde étudiant à la formation HMONP .......................................5 // INTRODUCTION ..........................................................................8

A // PRÉSENTATION DE LA STRUCTURE D’ACCUEIL ......13 1. CRÉATION, DÉVELOPPEMENT ET DIRECTION DE L’ENTREPRISE... 17 - Historique ..................................................................................... 17 - Fonctionnement de la structure .....................................................20 - Fonctionnement d’une équipe ........................................................ 21 - Dynamique de l’agence...................................................................22 - Les moyens de l’agence ................................................................. 23 2. STRATÉGIE COMMERCIALE ET ACCÈS À LA COMMANDE ..........24 - Prospection ..................................................................................25 - Marché public /Privé.......................................................................27 - Référence et approche architecturale..............................................29 3. TRAVAIL EFFECTUÉ AU SEIN DE L’AGENCE // MON RÔLE DANS LE CADRE DE LA MSP // PREMIER BILAN .....................................30 - Premier pas, premières impressions.................................................30 - Panorama des travaux effectués ....................................................31 - Retour sur la MSP...........................................................................50

B// STRATÉGIE ORGANISATIONNELLE ET DIVISION DU TRAVAIL.........................................................53 1. LA SPÉCIALISATION........................................................55 - De la conception à l’exécution: un étape charnière........................... 57


- Partage des connaissances .............................................................61 - Division du travail...........................................................................64 2. CONSÉQUENCES ET LIMITES DE CE CHOIX ORGANISATIONNEL 65 - Perte d’information .......................................................................65 - Perte de temps...............................................................................67 - Polyvalences et ascension hiérarchique ...........................................72 C// CROITRE OU PÉRIR ? QUESTIONNEMENT RELATIF À LA TAILLE DE LA STRUCTURE//ORIENTATION ET PROJET FUTUR...........................77 1. MUTATION DE LA PROFESSION ......................................... 78 - Raréfaction de la commande et complexification ........................... 78 - Stratégie envisagées...................................................................... 80 2. LA TAILLES AU SERVICE D’UNE AMBITION ARCHITECTURALE ? 81 - Grandir pour être plus libre ............................................................ 82 - Croissance et qualité architecturale ................................................82 3. POSITIONNEMENT PERSONNEL ET PROJET FUTUR ................84 - Positionnement personnel quant à la MSP....................................... 84 - Projet professionnel ...................................................................... 86 // CONCLUSION ..............................................................91 Bilan - De la formation théorique à la mise en situation professionnelle BIBLIOGRAPHIE .............................................................. 94 ANNEXES.......................................................................97


REMERCIEMENT Je tiens tout d’abord à remercier les différentes personnes chez Tangram qui m’ont guidé tout au long de ma mise en situation professionnelle et avec lesquelles j’ai développé des liens particuliers. Je tiens également à remercier mon tuteur, Hervé Leroy, pour m’avoir accueilli et formé au sein du pôle logement. Je remercie aussi les architectes maîtres d’œuvre et tous les autres salariés de l’agence ayant pris du temps pour répondre à mes questionnaires. Sans oublier mon directeur d’étude, Rémy Marciano pour son encadrement, sa bienveillance et ses conseils. Enfin, je tiens à remercier ma famille qui me soutient dans mes entreprises, mes colocataires et amis pour leurs conseils avisés.

POURQUOI LA HMO ? La formation HMONP nous donne les outils indispensables pour savoir observer et questionner le métier afin de mieux appréhender les politiques et stratégies de la profession, notions peu abordées durant nos années étudiantes. Cette formation est une opportunité enrichissante qui mêle cours professionnels et activité concrète en agence. Nous apprenons en quelque sorte le mode d’emploi à mettre en œuvre au sein de l’agence mais aussi sur le chantier. Cette période nous permet de poser un bilan sur notre capacité d’adaptation et notre conviction à nous projeter dans le futur en tant que praticien car nous aurons pris conscience des différentes responsabilités qui nous incombent en tant que maitre d’œuvre du point de vue juridique, administratif, mais aussi relationnel. Nous découvrons que l’agence d’architecture, au-delà d’un lieu de création, doit être une entreprise pérenne capable de répondre de manière satisfaisante à la commande et d’entretenir le relationnel avec les maîtres d’ouvrage, les entreprises et intervenants sur un projet commun. L’obtention du titre d’architecte HMONP est une étape indispensable dans le cursus de formation d’un architecte et est une mention obligatoire pour l’acte de construire. Il nous rend légitime sur nos positions et démarches, et modifie notre statut au sein d’une agence.

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PARCOURS ET VOLONTÉS Suite à mes années lycéennes, j’ai entamé directement mes études d’architecture à Paris Val de Seine, où j’ai effectué la totalité de mon cursus. En Master 1, grâce au programme d’échange universitaire, je suis partie en Grèce, à Athènes, afin d’effectuer une année au sein de l’université polytechnique nationale d’Athènes. A mon retour, l’année du diplôme a été pour moi, avec ses longues journées de travail, de réflexion et d’échanges avec les autres étudiants, comme une consécration. Mon sujet, un projet de redynamisation d’un village des Alpes de Hautes Provences au travers de ces ressources locales, en proposant un schéma directeur d’implantation intégré au paysage existant et répondant aux pratiques prospectives des habitants/travailleurs, m’a permis d’aborder à l’échelle urbaine et architecturale la problématique de l’habitat partagé et du vivre ensemble. En complément de mes études, j’ai durant ma licence, avec des amies étudiantes, fait partie d’une toute jeune association : Architectures Solidaires. J’ai participé durant mon année de licence 2, à l’élaboration d’un projet de centre musical et chorégraphique localisé au Mali, à Bamako. Ces réunions entre jeunes architectes étudiants et praticiens, m’ont énormément épanouie. Enfin, j’ai travaillé cette année sur l’aménagement de divers appartements, et pour la réhabilitation d’une maison à Sarlat la Canéda dont les travaux commenceront dans les mois à venir.

DU MONDE ÉTUDIANT À LA FORMATION HMONP Volontairement, j’ai profité de l’expérience offerte par les stages pour travailler dans des agences très différentes, aussi bien par leur structure que par leurs projets. Cette diversité d’expériences m’a permis de mesurer les avantages et inconvénients d’apprentissage offerts par chaque type d’agence. Suite à l’obtention de mon diplôme d’état en Juin 2014, il me paraissait indispensable de prolonger mes expériences avant de me projeter, les stages effectués lors de ma scolarité ne m’ayant pas permis d’acquérir une maturité et une assurance nécessaires. J’ai travaillé six mois au sein de l’agence AutentaIAtelier d’architecture, dans le 11éme arrondissement à Paris, dans laquelle j’ai pu appréhender les multiples rôles de l’architecte, à travers des phases de concours, d’APS, d’APD ainsi que de DCE. Cette

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expérience m’a confirmé mon attrait pour les logements et pour la petite échelle et a été déclencheur de ma démarche de poursuivre par la HMONP. L’agence dans laquelle nous effectuons notre formation oriente notre compréhension de la maitrise d’œuvre. Par ses projets, ses activités mais aussi sa structure et sa communication elle se positionne d’une manière singulière sur le marché. Pour ma formation HMONP, ayant essentiellement travaillé au sein de structures petites à moyennes, je voulais avoir l’expérience d’une grande agence. L’objectif de ma jeune carrière étant de la diversifier au maximum pour pouvoir me positionner, savoir vers quoi je tends et ce qui me corresponds vraiment. Une grande agence se caractérise notamment par sa structuration interne mais aussi par le type et la taille des projets qu’elle produit. Je voulais me confronter à ce type de projet d’ampleur, en comprendre les tenants, les aboutissants et les liens entre les différents intervenants du projet.

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// INTRODUCTION


Postuler pour une habilitation à la maîtrise d’œuvre est l’occasion de me positionner sur la manière dont j’envisage d’exercer ce métier. Après neuf mois passés chez Tangram architectes mais aussi forte de plusieurs expériences professionnelles, je bénéficie à ce jour d’un retour critique sur le fonctionnement et la gestion d’une agence d’architecture. La question du choix de l’agence est essentielle car il conditionne de fait la pratique de la maîtrise d’œuvre. Il suffit de comparer mon expérience de six mois chez AutentaIatelier d’architecture où nous étions quatre et de neuf mois chez Tangram où ils sont plus de soixante. La taille de la structure conditionne le type et l’envergure des projets qu’elle produit. Comme disent les Anglo-Saxons, « size matters », la taille a son importance. A l’encontre de l’image plus ou moins revendiquée de l’architecte artiste ou de l’architecte artisan, à laquelle grand nombre de maîtres d’œuvre restent attachés, la grande agence peut heurter. Si elle ne saurait représenter à elle seule l’architecture française, elle en constitue néanmoins une partie. Démontrant la capacité des sociétés d’architecture à faire jeu égal avec les grandes structures d’ingénierie ou de maitrise d’ouvrage qui sont leurs partenaires de projets, elles portent de fait une part de crédibilité de l’architecte. Tangram Architectes fait partie des grandes agences d’architecture françaises classée au 105ème rang du classement proposé par DA’. Ce classement est le top 200 des plus grandes agences françaises d’architecture classé par chiffre d’affaire. Ce classement ne préjuge en rien de la production architecturale de ces agences, il permet simplement de mieux comprendre la réalité économique de la profession. Au vu du nombre d’employés au sein des grandes agences d’architecture, une organisation interne particulière est nécessaire. La grande agence n’est pas affiliée à une organisation type, il en existe une multitude. Le but de ce mémoire est l’analyse des enjeux et des limites d’une telle structure au travers de sa structuration interne. L’organisation mise en place chez Tangram est celle de la division en pôle. On peut alors se demander si de la conception à l’exécution, la spécialisation est-elle au service du projet d’architecture ? Autrement dit, quels liens existe-t-il entre la structuration interne d’une agence et la pratique de la maîtrise d’œuvre ? L’idée est de proposer un regard critique sur cette structure d’accueil, qui pose indéniablement un jugement de valeur. Ce jugement ne concerne que la précision d’atteinte des objectifs initialement fixés par l’entreprise elle-même au regard des moyens et des méthodes dont elle s’est dotée.

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Pour aborder ces différents questionnements, nous commencerons, dans une première partie, par présenter la structure d’accueil ainsi que son fonctionnement, afin de fixer un cadre au développement de ce mémoire, qui sera basé sur l’expérience que j’ai eue au cours de cette mise en situation professionnelle. Il s’agit là d’analyser la gestion de l’entreprise et d’avoir une première approche des responsabilités professionnelles. Afin de comprendre les enjeux d’une telle stratégie, il semble important d’analyser ce qu’elle est. De fait, dans un second temps, nous établirons le cadre de l’exercice de la maîtrise d’œuvre chez Tangram afin d’en extraire ses particularités. Nous analyserons les liens qui unissent et désunissent les deux grands pôles de l’agence. Nous baserons ces réflexions, interrogations et remarques au travers des différents projets sur lesquels j’ai travaillé et à l’aide de questionnaires adressés à certains protagonistes de l’agence. Cette deuxième partie mettra en lumière les choix d’une telle organisation et ses retombées, à la fois pour le projet d’architecture, les salariés et la pratique de la maîtrise d’œuvre. Enfin, la troisième partie fera l’objet d’un questionnement relatif à la taille de la structure. Elle posera une question essentielle concernant les conditions de la pratique de la profession: Faut-il croître pour survivre ? Autrement dit, la taille d’une agence est-elle la condition essentielle à la pérennité de celle-ci ? Et est-elle gage de qualité ? Elle mettra donc en exergue les liens qui existent entre le choix d’un type de structure et les mutations de la profession. Cette partie sera aussi l’occasion d’argumenter sur mon projet professionnel, des lors empreint de cette MSP. En trois temps, nous ferons le rapprochement entre cette habilitation, les stratégies organisationnelles et mon projet professionnel à court, moyen et long terme. Ce mémoire est le fruit d’une MSP assez complète. J’ai eu la chance de participer à divers projets au sein de pôles différents. Ce qui m’a permis d’avoir un regard exhaustif quant à la pratique de la maîtrise d’œuvre. C’est d’ailleurs, un point que je voudrais mettre en avant. En effet, cette participation à de multiples projets / chantiers est à la fois profitable car elle engendre justement ce regard mais peut être aussi dommageable car elle ne permet pas toujours d’approfondir les divers sujets.

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A//PRÉSENTATION DE LA STRUCTURE D’ACCUEIL

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ORGANIGRAMME TAN TANGRAM LAB (R&D)

DIRECT

Emman

Olivier Bocquet

Président

DEVELOPPEMENT BOIS Anne-Laure Boichot (ext) DEVELOPPEMENT PACA Yann Jusserand (ext) Agnès Bodin (ext) Luc Peybernès Sylvie Stankievitch Sylvie Bertola

URBANISME

PAYSAGE

POLE LOGEMENTS

Chef de pôle Cédric Geeraert

Chef de pôle Laure de Buzon

Chef de pôle Hervé Leroy

Clara Magain

Yannick Campion

Gonzalo Gretter

Camille Thomas

Neïla Benjelida

Rosanne Bénéjean

Eric Druel (ext)

Angela Cansino

Clémence Houpikian

Chawky Feghoul (ext)

Alexandre Keghian (ext)

Barbara Vialette

Amira Mouaki

Sophie Ize (HMO)

Jeroen Dupont Alexis Morillas Ulrike Schiermeier

POLE E.R.P ET OUVRAGES FONCTIONN Chef de pôle Franco Russo Stéphane Descamps Raphaël Escargueil Christine Fulachier Barbara Hugues-Blanc Agnès Noskowicz


NGRAM ARCHITECTES TANGRAM ARCHITECTES INTERNATIONAL - DEV. ASIE

TION

nuel Dujardin

t

NELS

Christopher Green ADMINISTRATION Accueil : Marieva Faure (ext) Administratif : Claudia Fanciullo Comptabilité : Sylviane Gemmi

(ext)

Assistante comptabilité : Haja Nirina Communication : Aileen Orain

POLE TERTIAIRE INDUSTRIE ET INTERNATIONAL

ARCHITECTURE D’INTERIEUR

MOEX

Chef de pôle David Colas

Chef de pôle Laure Masfrand

Chef de pôle Jérôme Guigon

Pierre De Saint-Vincent

Claire Annichiaricco

Romuald Cailly (ext)

Guillaume Vassallo

Aline Charrière

Candice Cassar

Jérémy Lopez

Olivier Couvret (ext)

Eléa Paoli (ext)

Perrine Ezrati Christophe Flachaire (ext) Gwenaelle Lebris Gil Marras Mireille Sorg

Sébastien Caffarel

MAQUETTES

Jaime Hernando


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1. CRÉATION, D’ARCHITECTURE

DÉVELOPPEMENT

ET

DIRECTION

DE

L’ENTREPRISE

HISTORIQUE Le passé et l’histoire de l’agence Tangram ont fortement influencé sa structure et sa manière de fonctionner aujourd’hui en 2016. Bien que l’agence n’ait rien d’une entreprise familiale ni dans sa structure ni sa formation, elle fonctionne telle quelle. Certains individus présents depuis sa création en font d’ailleurs encore partie aujourd’hui. Tangram Architecte est issu de la fusion en 2009 de deux agences marseillaise et aixoise : l’Atelier Amédéo et Associés et FGC Architecte. L’agence regroupe aujourd’hui autour d’Emmanuel Dujardin plus de 60 collaborateurs architectes, urbanistes, paysagistes, architectes d’intérieur, maquettiste. A l’époque d’Alain Amédéo la structure de l’agence était radicalement différente. Alain Amédéo portait un regard particulier sur chaque projet de l’agence, il guidait chaque architecte. Lorsqu’Emmanuel Dujardin entre dans la structure en tant que salarié, celle-ci en comporte 12. En 2010 Alain Amédéo vend ses parts de l’entreprise à Christopher Green et Emmanuel Dujardin, Luc Peybernes et Sylvie Stankievitch sont alors associés actionnaires. C’est à cette époque que la structuration de l’entreprise change. D’une part par sa taille : de 12 salariés elle passe à 35, rendant la hiérarchie et l’organisation antérieures difficiles à respecter. D’autre part par son organisation : Il a fallu répartir les tâches et le temps de travail différemment en divisant l’agence en pôles, le suivi approfondi des nombreux projets étant ingérable pour seulement deux individus. « Cela limite d’avoir un chef qui veut tout contrôler, l’idée était de déléguer de plus en plus, il était impossible de tout concentrer en une seule tête » (extrait d’entretien avec Emmanuel Dujardin) Une structure pyramidale voit alors le jour.

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Tangram Architecte au sein d’une opération de construction

Ce schéma a été réalisé à l’aide de l’ouvrage d’Hervé DEBAVENE et Pierre AXAIRE, 160 séquences pour mener à bien une opération de construction, le Moniteur, 2009, 6ème édition, Paris

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FONCTIONNEMENT DE LA STRUCTURE « Le Tangram est un jeu, constitué de sept figures géométriques simples. La combinaison de ces sept pièces produit un carré une infinité de formes. Seuls l’assemblage et la complémentarité font sens. Aux sept pièces du Tangram correspondent des sept métiers réunis au sein de l’agence : architecte, urbaniste, maquettiste, paysagiste, architecte d’intérieur, économiste, ingénieur... La diversité et la complémentarité des métiers au sein de l’agence, les regards croisés sur des sujets communs, la sensibilité de chacun, la discussion et la confrontation des points de vue, ont pour objet le dépassement des capacités individuelles et le renforcement des concepts. »1 Basée sur la convention collective des agences d’architecture, Tangram est une agence régionale comprenant une soixantaine de personnes de différents corps de métier. Cinquante personnes en moyenne composent le noyau dur de la structure, c’est-à-dire les salariés propres à l’agence. Les autres personnes sont des intervenants extérieurs à l’agence, c’est-à-dire des architectes libéraux liés à la société par un contrat de collaboration libérale. L’agence est donc organisée selon un système pyramidal hiérarchisé. L’atelier est composé de 8 équipes chacune gérée par un chef de pôle. Ces dernières ont été formées selon les compétences et les domaines de prédilection de chacun. Pour étoffer davantage son savoir-faire, l’agence recrute en ce moment un économiste et un BIM manager. L’objectif principal de la société est que toutes les études et documents issus de la maîtrise d’œuvre soient produits en interne et que le recours à la sous-traitance ne soit qu’occasionnel. Au sommet de ce système dirigent Christopher Green et Emmanuel Dujardin. Le président, le directeur général et associés assurent la prospection et mettent en place les principes architecturaux, les choix d’implantation et d’organisation fonctionnelle de chaque projet. Lors du montage de l’opération, et dès les premiers débats conceptuels, un chef de projet est associé au développement du projet. Il est présent aux réunions de conception avec le client dès que possible. Il signe le contrat au nom de la société et reste le référent vis à vis de l’extérieur du début à la fin de l’opération. Le projet est développé par un chef de projet aidé d’un ou plusieurs architectes assistants, en accord avec les associés. Ils établissent le plus souvent les premiers contacts avec le client, prospectent, apportent de nouvelles commandes. Ils 1 Site internet de Tangram Architecte

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définissent avec leurs associés les lignes directrices des projets. Luc Peybernes effectue les faisabilités des projets de l’agence. Ils s’adressent ainsi aux différents chefs d’équipe concernés lors des réunions hebdomadaires du lundi visant à donner l’orientation des projets et de l’agence en générale. Il important de rappeler que Tangram Architecte souhaite évoluer. On parlera de Tangram 2.0. Sans dévoiler la stratégie de l’agence, celle-ci souhaite tendre vers une architecture plus locale et davantage portée sur l’usage en essayant au maximum de refuser de participer à des productions « alimentaires » qui viennent ternir l’image de l’agence. L’agence fait preuve d’une très grande rigueur dans son organisation interne, en termes de classement d’affaire, de gestion de dossiers, d’organisation spatiale, de planning, chartre graphique et communication. Avec plus de soixante employés, cette organisation sans faille, ne semble pas laisser libre cours à l’initiative personnelle mais garantie une cohérence d’ensemble et une optimisation des performances de l’agence. Le temps de travail dédié à une affaire est renseigné quotidiennement sur un logiciel afin d’en analyser sa rentabilité. FONCTIONNEMENT D’UNE ÉQUIPE De tous les pôles, le pôle logement est celui qui regroupe le plus de personnes. C’est le pôle le plus important en terme de quantité de projets, c’est donc celui qui maintient la stabilité financière de l’agence. Je faisais partie de ce pôle. Ce qui pour moi est un avantage car il brasse le plus grand nombre de projet. J’ai eu une vision globale d’une production de logement aussi bien « alimentaire » que qualitatif. La production de logement ramène à la réalité du métier et c’est par cette production que l’on peut réellement se positionner en tant qu’architecte car les contraintes (budgétaire, normes…) y sont considérables. Le chef d’équipe orchestre les différents projets dont il est tenu responsable et décide des effectifs et du temps nécessaire à allouer à une affaire. Après répartition des affaires en fonction des compétences de chacun, le chef de projet dirige les études. Chaque architecte de l’agence gère un projet sous la tutelle de son référent et sous le regard avisé du chef de pôle. Mise à part les DCE conséquents et les périodes de fin de phases les salariés sont amenés à travailler seuls. Le chef de projet assure les missions avec le client, est l’interlocuteur principal du maitre d’ouvrage et des intervenants extérieurs (BET, bureau de contrôle, service d’urbanisme…). Le chef de pôle intervient régulièrement, et suit constamment l’évolution du projet. Les responsabilités sont dont partagées, le chef de pôle profère une certaine liberté aux différents architectes. Ceux-ci se réfèrent alors à lui en cas de problème ou seulement pour faire un bilan de l’avancement. Le chef de pôle est aussi amené à gérer le planning. Au sein du pôle logement, le nombre

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de personne étant assez conséquent (13), deux personnes dotées d’une expérience certaine ont été nommés sous-chef. Ils sont donc référents de certains projets pour alléger le travail du chef d’équipe. DYNAMIQUE DE L’AGENCE L’agence prône une transversalité des compétences et des savoir-faire de chacun. Toutes les équipes de l’atelier sont supposées travailler en étroite collaboration. A titre d’exemple, l’agence est dotée d’un pôle recherche et développement sensés irriguer tous les projets de l’agence. Malheureusement, ce pôle est déconnecté des autres et les recherches ne sont que très peu profitables à l’ensemble de l’équipe. Il y a un donc un manque de communication et de partage des connaissances. C’est au travers des études de cas que j’approfondirai ce point. Encore trop un concept plutôt qu’une pratique quotidienne. La compétence des paysagistes s’étend sur toutes les phases, de l’APD, PC au DCE, où ils produisent des pièces graphiques et écrites des lots espaces verts et espace extérieur. Dans le cas d’un concours ou d’un projet en phase DCE, on retrouve en complément un architecte d’intérieur, qui mettra en place les aspects « esthétiques » du projet par exemple ; les Halls d’entrées et parties communes dans un projet de logement ou alors la décoration intérieure d’un projet hôtelier. L’équipe d’urbanistes collabore continuellement avec celle des paysagistes lors des études urbaines et l’équipe chantier avec les architectes et paysagistes des projets. L’agence souhaite accentuer cette dynamique d’échange et de collaboration interpôle. C’est cette image d’experts collaborant ensemble qu’elle vend. Toutes les pièces écrites sont sous-traitées à un économiste ne faisant pas partie de l’agence. Ce qui est parfois problématique car fait de manière systématique et non appliquée à chaque projet. Enfin il me semble primordial d’appuyer sur le mode de travail. L’agence est relativement innovante quant à cela. Les gérants de cette structure mettent un point d’honneur à respecter certaines règles, comme le temps de travail. Ces droits et devoirs des salariés participent à leur bien-être et épanouissement professionnel. Parfois un peu trop stricte à mon sens, cette manière assez cadrée de pratiquer l’architecture cadre le salarié. Celui-ci doit gérer son travail au cours d’une journée de 7h. Les dépassements d’horaire sont relativement rares et sont décidés en amont avec l’accord du chef de pôle. Ces horaires permettent aux différents employés d’avoir une

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deuxième journée. C’est un cercle vertueux. On pourrait l’apparenter au troisième lieu mis en place dans certains équipements publics. Il me semble que cette approche participe grandement à l’agréable ambiance qui règne à l’agence et qui est le moteur d’une bonne production architecturale accrue. Emmanuel Dujardin construit de jour en jour une structure innovante où chaque salarié peut proposer et évoluer : « en déléguant aux chefs de pôle, je cherche à développer chez chacun cette notion de plaisir et de fierté. Plus les architectes de l’agence seront responsabilisés, plus ils prendront conscience de l’acte de bâtir. Leur laisser des libertés leur permet de gagner en motivation. Si leur discours est construit et qu’il se traduit dans les traits, je leur fais largement confiance. J’essaye au plus de me détâcher et laisser les chefs de pôle gérer. Mon travail est d’assurer une cohérence d’ensemble, mais je passe le relais rapidement. Je reproduis ce qui m’a été transmis ». (Extrait d’entretien avec Emmanuel Dujardin) LES MOYENS DE L’AGENCE L’entreprise se veut de donner les moyens et le temps nécessaires à ses collaborateurs afin de mener au mieux les différents projets. L’entreprise met donc à disposition de ses membres un grand nombre de moyens matériels et immatériels. Cette mise à disposition permet à chacun de gagner de temps et d’être plus efficace. Comparativement aux différentes structures dans lesquelles j’ai travaillé, cette abondance de moyens permet une rapidité d’exécution. Le temps à parti à l’exercice du projet est donc plus conséquent. Depuis peu, la chargée de la communication s’occupe d’éplucher toutes les revues d’architecture, d’art, de paysage, d’urbanisme et d’en faire des synthèses que nous recevons régulièrement par mail. Cette pratique est très intéressante car elle permet à chacun de rester informer sur des sujets divers et qu’elle cible les données. Par ailleurs, l’agence a mis en place un cycle de conférences mensuelles afin d’être toujours informée des dernières innovations et avancées. Ces conférences sont aussi accessibles par tous et leurs thèmes varient. J’apprécie fortement que l’agence participe à la formation continue propre au métier et imposée par l’Ordre. Tous les ans, chaque pôle se doit de préparer une présentation sur les différentes productions de l’année passée afin de tenir informer l’ensemble des architectes de l’agence. Cela rend compte du manque de transversalité patent. Par manque de temps et surement d’envie chacun reste tranquillement au sein de son pôle sans se nourrir des projets de l’ensemble de l’agence. Ce qui est fortement dommageable, au vue du nombre de pôles et donc des compétences diverses affiliées.

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Ces divers moyens rendent compte des bénéfices d’une structure de cette taille. Une telle organisation est indispensable au vu du nombre de salariés. Ces bénéfices permettent de se concentrer au maximum sur le fond des choses et rendent la pratique de l’architecture plus optimale. Cela étant l’inverse permet aussi d’être « débrouillard » et polyvalent quant à n’importe quelle difficulté qu’une agence d’architecture peut rencontrer. L’ADMINISTRATION DE L’AGENCE Une structure de telle taille nécessite un pôle administratif très complet pour mener à bien toutes les entreprises de l’agence. Cette MSP m’a fait prendre conscience de l’importance de ce pôle au sein d’une agence d’architecture, et surtout de l’importance d’en maitriser les subtilités. De près ou de loin, j’ai pu avoir une vision de l’aspect financier et contractuel des projets. Mise à part Emmanuel Dujardin, président de l’agence et Chistropher Green qui s’occupe du développement de la structure à l’international, le pôle administration est composé de 5 personnes. - Claudia FANCIULLO, directrice administrative. - Sylviane Césarole, gestionnaire comptable. - Sylvie Bertola, responsable développement. - Aileen Oirain,responsable communication. - Haja Nirina, assistante de gestion et assistante comptable. - Marieva Faure, Secrétaire (ext).

2.

STRATÉGIE COMMERCIALE ET ACCÈS À LA COMMANDE

Très souvent assimilée à la production de logement et connue pour son travail avec des entreprises de promotion immobilière, l’agence a toutefois su se diversifier dans de nombreux domaines privés et publics. Tangram architecte travaille à l’échelle internationale. Ses références sont nombreuses en matière d’hôtellerie de luxe, notamment en Asie du Sud Est ou dans les Antilles. En France, de nombreux projets

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lui sont confiés afin d’en assurer la maitrise d’œuvre d’exécution. A titre d’exemple, la requalification du Vieux port de Marseille dessiné par Norman Foster, l’extension du Château Lacoste imaginée par Tandao Ando ou encore le chantier de la tour de la Marseillaise conçue par les Atelier Jean Nouvel. D’autres réalisations font de Tangram l’une des agences les plus dynamiques dans le milieu marseillais, avec notamment la requalification de l’InterContinental Hôtel-Dieu, la réhabilitation du Palais de justice Monthyon, la conception de la station de métro la Blancarde, ou encore la redéfinition du Rond Point du Prado. Tangram 2.0 vise davantage l’international et les autres régions de France. L’agence veut se développer en dehors de la région PACA et notamment à Lyon où son implantation a déjà commencé avec un concours de logements gagné. L’idée est de faire de cette agence une plateforme d’experts qui pourraient être amenés à externaliser leurs compétences et productions. Cela est déjà le cas avec l’atelier maquette ou le pôle R&D qui vient d’être subventionné pour mener à bien des recherches touchant à la bioluminescence appliquée à l’architecture (en collaboration avec un doctorant en science). Le principe est celui de la différenciation par rapport aux agences classiques en regroupant et proposant des services divers et innovants. E.Dujardin souhaite que les multiples acteurs potentiels se souviennent de l’agence pour son originalité en termes de services et qu’à terme ils les contactent pour en bénéficier. PROSPECTION Plusieurs personnes sont chargées du développement de l’agence. Encore une fois, c’est un élément essentiel à la survie d’une agence. J’ai pris conscience de la nécessité de ce pôle. Une telle structure nécessite un très bon relationnel de la part de ses dirigeants. La prospection se fait en majorité par le relationnel et la fidélisation de la clientèle. Outre une manière de développer ses connaissances, d’exprimer son positionnement sur la pratique de la maîtrise d’œuvre, l’adhésion à certains clubs permet de conserver des échanges entre professionnels : confrères architectes, maîtres d’ouvrages, assistants aux maîtres d’ouvrages, entrepreneurs, journalistes… avec lesquels il pourrait y avoir des opportunités de collaboration. Yann Jusserand et Agnès Bodin sont chargés de prospecter de faire connaitre l’agence au plus grand nombre. Pour donner du travail à plus de 60 personnes, il faut quotidiennement être à la recherche de nouvelles affaires. L’accès à la commande se fait aussi par le biais de publications. Lorsqu’un bâtiment est livré, il

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Hotel Dieu, architecte mandataire Anthony Béchu, Marseille 2013

Semi piétonisation du Vieux Port, architecte mandataire Michel Desvignes, Marseille 2013

L’Ensoleillé, immeuble de bureaux, Aix en Provence, 2013

@ Tangram Architecte

@ Michel Desvignes

@Voinot

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peut être communiqué dans le cadre d’une exposition, ou dans une revue par exemple. MARCHÉ PUBLIC/ MARCHÉ PRIVÉ Bien loin de la mono-commande, l’agence est présente dans divers domaines : culture, hôtel, enseignement, tertiaire, réhabilitation, sport, santé, ouvrages d’art. En outre, elle s’est aussi fait une place dans le milieu de l’architecture d’intérieure, dans le paysage ou l’urbanisme. L’agence répond à de nombreuses commandes en matière de scénographie, de conception d’espace intérieur, ou d’étude de faisabilité pour des projets urbains. La situation globale de l’agence vis-à-vis de la commande est très représentative. Plus de 90% de cette dernière est privée, c’est en grande partie le logement promotionnel qui finance et fait vivre l’agence. Cela étant, les nouvelles perspectives de l’agence visent à faire évoluer cette commande. La dynamique Tangram 2.0 se veut plus innovante et davantage attachée à l’usage. Dorénavant, l’agence va refuser les commandes alimentaires et se concentrer sur une architecture plus qualitative et ce malgré les normes qui contraignent largement la production de logement aujourd’hui. C’est donc la commande privée qui fait largement vivre l’agence. Néanmoins, depuis quelques mois, les associés visent à donner une nouvelle impulsion à la commande publique qui est souvent porteuse d’une architecture plus contemporaine. Toute la dynamique générée par le marché et les concours publics est quasiment absente de l’agence. Ce non accès à la commande publique représente un manque que j’ai ressenti durant ma MSP. Outre la stratégie commerciale, la commande publique a un côté prestigieux qui fait qu’elle occupe une place de choix chez les architectes, et les concours de maîtrise d’ouvrage publique seraient une bonne vitrine et un faire-valoir pour l’agence. Mise à part la participation aux concours et répondre aux appels d’offre, l’agence est en continuelle recherche de marchés publics pour diversifier ses champs d’action et élargir ses références. D’autre part l’agence se tourne vers d’autres marchés tels que les PPP (Partenariat Public privé) ainsi que la Conception-Réalisation (partenariat avec une entreprise de réalisation). Mais ces marchés sont très contraignants et la place de l’architecte y est souvent bafouée.

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Hôtel 5*, Chateau Lacoste, Le Puy-Saint-Réparade, 2014

Hôtel Toyoko Inn, Marseille 2015

@ Tagram Architecte

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RÉFÉRENCES ET APPROCHE ARCHITECTURALE LE TERRITOIRE «L’architecture de Tangram Architectes se veut contextuelle, elle ne doit pas être objet. Elle résulte de l’interprétation des complexités historiques, sociales, urbaines, culturelles, et économiques et vise à aboutir à des projets justes». LA NATURE «Une présence discrète dans le paysage. Dans nos concepts, il y a toujours une forme de respect de la nature, forte, vivante, partenaire de tous les projets. Nous travaillons en complicité avec l’immensité des lieux, en cohérence avec les échelles du territoire, avec les éléments naturels et le climat. Accepter la disparition de nos projets sous la progression du végétal, parfois un peu envahissant, et trouver la satisfaction dans ce qui émerge encore, nous ramène à la modestie.» LE PROJET «Comme l’archéologue découvrant une cavité dont il devient l’inventeur par cet acte fondateur, Tangram Architectes agit en inventeur de site. C’est la notion de projet avant le projet. Il s’agit de comprendre et apparaître les tracés qui ont formés le paysage, formé les villes, le passage de l’Homme.» LA LUMIERE «La lumière est un thème fondamental que Tangram Architectes, né à Marseille, se doit de travailler avec le plus grand respect et la plus grande attention. Elle génère des épaisseurs et suppose un ajustement permanent des dispositifs structurant le rapport intérieur/extérieur.» LA MATIERE «Partenaire des réflexions continues sur Lumière, la matière qualifie les espaces et va qualifier les lieux jusque dans les plus petites échelles. Tangram Architectes intègre des architectes d’intérieur pour avoir ce thème toujours présent à l’esprit et en amont de tous les projets.» LES FRICHES «Une place particulière est accordée à l’approche sensible du site, que nous essayons de traiter avec un certain humanisme, et afin de composer une architecture douce

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pour les individus. Il est toujours intéressant de créer une complicité avec les pierres qui portent une histoire et leur apporter une nouveauté respectueuse. Conserver, restaurer, valoriser1.» 3. TRAVAIL EFFECTUÉ AU SEIN DE L’AGENCE //MON RÔLE DANS LE CADRE DE LA MISE EN SITUATION PROFESSIONNELLE // PREMIER BILAN PREMIERS PAS, PREMIÈRES IMPRESSIONS Intégrer la famille Tangram pour ma mise en situation professionnelle a été une expérience très enrichissante. Le mot « famille » a toute son importance. Tout au long de ma MSP j’ai eu ce sentiment d’appartenance à une vraie équipe soudée et accueillante. Pour réellement comprendre mon expérience, il est important d’appuyer sur cet aspect. Il y règne une ambiance et une atmosphère très particulière. Bien que la structuration en pôle répartisse largement les salariés, les liens entre ces derniers sont palpables. Les différents employés aiment à travailler ensemble et sont relativement disponibles lorsqu’il y a besoin d’apporter son aide. Il me semble qu’une telle entente ne peut être que profitable pour le projet. Cela étant, il n’y a finalement que très peu de travail en réelle équipe, car à chaque architecte est confié un projet à part entière. Néanmoins, j’émettrai une critique. L’organisation du temps de travail très figée et parfois trop stricte, mériterait quelques assouplissements. Un projet d’architecture vit et évolue quotidiennement. Le travail à fournir n’est pas forcément linéaire et cela peut prendre plus ou moins de temps. Cette rigidité d’horaire n’est pas facteur de dépassement de soi et n’engendre pas un investissement sans commune mesure. Sans entrer dans des conditions organisationnelles et administratives, cette rigidité est à mon sens assez perverse, car le travail doit être fourni en temps et en heure. Le sujet des heures supplémentaires fait largement débat à l’agence. C’est pourquoi les chefs de pôle s’acharnent à demander des délais supplémentaires aux maîtrises d’ouvrage. Le sujet est plutôt épineux. D’un côté il faut satisfaire une demande et respecter un contrat mais cette demande est parfois impossible à réaliser dans le temps imparti. La question des honoraires supplémentaires se pose aussi. A quel moment sommesnous en mesure d’en demander ? Comment conserver de bons rapports avec les 1 Site internet de Tangram architectes

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maîtrises d’ouvrage sans pour autant travailler gratuitement ? Autant de questions primordiales pour judicieusement se positionner en tant que salarié et architecte. PANORAMA DES TRAVAUX EFFECTUÉS Durant les 9 mois de mise en situation professionnelle, j’ai pu suivre l’évolution de différents projets dont principalement des opérations de logements à des phases différentes. Mon intervention a été plus ou moins de longue durée. Je pense que c’est grâce à cette complémentarité que mon apprentissage fut intéressant et formateur.

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Panorama des travaux effectués

M.O.A

M.O.E

Sifer Promotion Architectes: Tangram BET structure: Secmo BET fluides: G2i Economiste: Secmo

Mission

Nov.

DCE

11.02 Pont de Vivaux Est /Ouest, 179/177 logements, commerces, Marseille Logirem

13.04 La Savine, commerces, 65 logements, Marseille

Architectes: Tangram BET structure:EGIS BET fluide: EGIS Economiste: EGIS Labelisation: BBC Effinergie Qualitel, H&E profil A

Nouveau Logis Architectes: Tangram Provençal BET structure: BET fluides: Economiste:

EXE

PCM

06.13 Abadie, Réhabilitation, Commerces, 15 logements, Marseille SAIGI

Architectes: Tangram BET structure: SIGMA BET Thermique: Garcia Ingé BET Acoustique: Garcia Ingé BET VRD: CEC

EXE

10.49 Château Neuf Le rouge, 54 logements collectifs, 8 maisons individuelles COFFIM

Architectes: Tangram, 5+1AA BET structure: Eiffage BET HQE: Etamine

ESQ/Concours

16.14 Clot Bey, 448 logements, Marseille Privé

Architectes: Tangram BET structure: ECS

ESQ

15.46 Montélimar, Réhabilitation hôtel, 40 logements 3f Immobilière Méditerranée

Architectes: Tangram BET structure: Sigma Ingé BET fluide/ VRD: Garcia Ingé Entreprise mandataire: François Fondeville

ESQ, concours, conception réalisation

16.21 Chemin des Tuves, 66 logements sociaux, Marseille 2 Nov. 2015 Début MSP - 9 mois

Déc.


Janv.

Fév.

Mars

Avril

Mai

Juin

Rendu de phase Suivi de chantier

Juillet

29 Juillet 2016 Fin MSP


M.O.A Privé

M.O.E Architectes: Tangram

Mission

Nov.

ESQ

16.29 Le rêve de l’oiseau, Pavillon d’accueil, Plan de-la-Tour

11.47 Friche Rousselot, 353 logements, Aubagne

Pitch Promotion Architectes: Tangram BET GO: Berim BET VRD: Berim BET fluides: Garcia ingé. BET HQE: Next Environnement BET Acoustique: Igetec Economiste: Tangram Constructa

Architectes: Atelier Jean Nouvel/ Tangram BET Structure : BET fluide: Economiste:

OPR DOE

EXE Visa

12.75 La Marseillaise, tour de bureaux, Marseille 2 Nov. 2015 Début MSP - 9 mois

Déc.


Janv.

Fév.

Mars

Avril

Mai

Juin

Rendu de phase Suivi de chantier

Juillet

29 Juillet 2016 Fin MSP


Panorama des travaux effectuĂŠs

M.O.A Sifer Promotion

M.O.E Architectes: Tangram BET structure: Secmo BET fluides: G2i Economiste: Secmo

Mission DCE

@ Tagram Architecte

@ Tagram Architecte

@ Tagram Architecte

11.02 Pont de Vivaux Est /Ouest, 179/177 logements, commerces, Marseille Logirem

@ Tagram Architecte

@ Tagram Architecte

@ Photos personnelles

@ Photos personnelles

13.04 La Savine, commerces, 65 logements, Marseille

Architectes: Tangram BET structure:EGIS BET fluide: EGIS Economiste: EGIS Labelisation: BBC Effinergie Qualitel, H&E profil A

DET


Ma MSP a commencé par la participation à ce projet L’échelle dont j’avais l’habitude quant aux logements ne dépassait pas les 20 ou 30 logements. C’est donc au travers de cette opération que j’ai pris connaissance de la charte graphique, et des méthodes assez strictes de l’agence. Je participais à cette opération dans le cadre du DCE qu’il fallait rendre le plus rapidement possible. Pour me familiariser un peu, j’ai pendant un certain temps repris tous les plans que j’ai réajustés en fonction des diverses évolutions. Beaucoup de coquilles et oublis apparaissaient. Le même travail étant à faire sur les façades. J’ai donc suivi la check liste mise en place quant à l’élaboration d’un DCE, bien qu’étant largement guidée par ma référente, Neila Benjelida. Il s’agissait donc de coter tous les plans, vérifier les nomenclatures et les différentes indications, rajouter les EP en fonction des plans des BET, ajouter les caniveaux et les trop pleins, faire coordonner les plans et les façades, vérifier la typographie, ajouter toutes les indications propres aux normes incendie et PMR, reprendre la localisation des faux plafonds et des soffites en fonction des modifications... On m’a aussi confié la tâche de réajuster, vérifier tous les gardes corps (maçonnés et serrurerie) impliquant d’autres problématiques quant aux normes (appui précaire…). Tout au long de mon passage chez Tangram, j’ai été mobilisée pour ce projet. De l’ordre de quelques jours à quelques semaines au plus, il y avait toujours besoin de main d’œuvre pour mettre à jour, modifier, imprimer… Connaissant dès lors le projet, je m’attelais à la tâche. Ce travail constitue le plus long de mon expérience Tangramienne, riche pour son potentiel d’introduction à l’agence, au monde du logement de masse, et à la promotion immobilière. ACQUIS ++ - Le temps du projet, notion de temporalité - Le jeu des acteurs ( cf réunion ) - Apprentissage de l’organisation interne, de la classification des affaires, de l’organisation du réseau et de la charte graphique Suivre et participer à ce projet de logement fut très formateur. C’est exactement ce que je cherchais en pour ma MSP. En effet, j’ai participé à la fois à la conception et à la réalisation. Avant le démarrage du chantier j’ai été chargée de modifier les plans des appartements. Les potentiels locataires ne voulaient pas vivre dans des appartements avec des cuisines ouvertes, j’ai donc changé tous les plans des cuisines pour qu’elles soient fermées. Situé au sein d’un quartier sensible, ce premier chantier fut une entrée en matière des plus étonnantes. (Tractopelle brulé, conducteur de travaux qui se retire, arrêt du chantier, altercations entre riverains…). Les divers épisodes rendent compte des difficultés d’un chantier. Avant de gérer la mise en œuvre d’un bâtiment c’est bien d’une équipe d’homme dont il est question. Candice Cassar, maître d’œuvre d’Exécution en charge du chantier, m’a enseigné et transmis son savoir au cours de diverses réunions de chantier. Post réunion, elle prenait le temps de m’expliquer tous les éléments que je n’avais pas saisis et m’éclairait sur les suites du chantier. J’ai participé au démarrage du chantier, assisté à la phase terrassement, et lors de la mise en place des réseaux. Encore une fois, des complications apparaissent, les intervenants ont confondu les différents emplacements réservés pour les réseaux, entraînant des modifications in situ de la part des autres intervenants. C’est notamment à travers de ce projet que j’ai compris les principes et les enjeux des Visas et de la DET. Les comprendre théoriquement est une chose mais les pratiquer au quotidien avec les aléas du chantier en est une autre. C’est un chapitre que je souhaite largement approfondir dans ma carrière d’architecte. ACQUIS ++ - Identifier le rôle des différents intervenants sur le chantier, leurs relations contractuelles avec la maîtrise d’ouvrage, es limites d’intervention et de responsabilité de chacun. - Importance du maitre d’œuvre d’exécution, de sa qualité de décisionnaire et créateur d’architecture de qualité.


Nouveau Logis Provençal

@ Photos personnelles

PCM

Architectes: Tangram

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06.13 Abadie, Réhabilitation, Commerces, 15 logements, Marseille

SAIGI

@ Photos personnelles

@ Photos personnelles

Architectes: Tangram BET structure: SIGMA BET Thermique: Garcia Ingé BET Acoustique: Garcia Ingé BET VRD: CEC

DET


Pour ce projet il s’agissait de faire le PCM. Tache relativement simple normalement, celle-ci s’est avérée nébuleuse. Sa particularité est qu’il est passé entre les mains de divers architectes et que les différents documents ont été et la mémoire du projet ont été perdus. Le PC était introuvable et les différents modes de calcul de surface ont évolué. Le PC ayant été obtenu en mars 2008. Le démarrage du chantier a été décalé car l’entreprise de GO a fait faillite entre temps. Christophe Flachaire a du recontacter une entreprise, et reprendre tout le dossier. Quand j’ai pris le dossier en main, sous l’œil avisé de Christophe, la réhabilitation ce bâtiment touchait à sa fin, d’où la nécessité de déposer un PCM pour la conformité. Le principe du PCM étant de notifier les modifications quant au PC, il fallait inévitablement savoir ce qu’il avait été déposé. De plus, ce bâtiment se situe dans le Panier à Marseille, zone protégée (ZPPAUP), les architectes des bâtiments de France sont donc d’autant plus vigilants et regardants. N’ayant que très peu de documents à jours, mis à part l’état de lieux, je suis allée aux archives de la ville, récupérer le dossier concernant le projet. Ce dossier ne comprenait pas le PC à proprement parlé mais seulement une attestation de travaux. Je savais dès lors quelle procédure suivre, l’ayant déjà fait quelques semaines auparavant. Les notions de PC1, PC4 (…) m’étaient alors familières. Quelques questions se posaient quant aux normes incendie. Le projet ayant évolué entre le PC et le PCM, (les commerces ont disparu et se sont transformés en locaux commun) j’ai dû contacter le bureau de contrôle pour vérifier que les indications étaient toujours les bonnes. Par la suite, j’ai constitué le dossier graphique, sur la base des DWG existants et des relevés faits sur place (réajustement des hauteurs en coupe, modifications des plans existants…) rempli le CERFA, et réécrit la notice. Nous ne savions pas exactement s’il fallait rendre l’intégralité des documents fourni slors du PC ou seulement les pièces modifiées. C’est pourquoi, pour éviter tout problème, Christophe a préconisé un entretien avec l’instructeur du PC en charge de cette zone. Nous avons donc été reçus par ce dernier, nous confirmant notre intuition. Travailler avec Christophe fut très bénéfique. Sa pédagogie m’a permis d’avoir des responsabilités plus grandes et une certaine autonomie de travail. ACQUIS ++ - Temporalité du projet - Identification des documents administratifs tels que les cerfa ou les pièces d’un PC - Importance, pour une agence future, d’une organisation poussée quant à la sauvegarde des documents J’ai été propulsée sur ce dossier dans un climat peu serein, le maître d’ouvrage étant très en colère. Il s’agissait d’un projet de 54 logements dans trois bâtiments et de 8 maisons individuelles. Ce dossier était malmené car passé de main en main. Mon travail quant à ce dossier était de reprendre les plans pour satisfaire les volontés de la maîtrise d’ouvrage. N’arrivant pas à vendre l’ensemble des villas, celle-ci voulait y apporter quelques modifications. Je qualifierai cette maîtrise d’ouvrage d’exigeante, ayant tendance à considérer l’architecte comme un simple exécutant de ses désirs. La participation à ce projet m’a fait réaliser à quel point notre rôle doit être sans arrêt rappelé. Le chantier de la villa témoin avait débuté. Un tas de problèmes et d’incohérences entre plan EXE et plans architecte apparaissaient. L’urgence concernait donc la reprise de ses erreurs, pour mettre à jour les plans chantier, les entreprises en ayant besoin pour aboutir la villa témoin. Il était question des escaliers et des trémies qui avaient été dessinées de manière incorrectes et donc mal réalisées. J’étais directement en contact avec le fabriquant, qui, par manque de patience ne voulait pas fabriquer des escaliers non standards et m’affirmait que mon dessin était bancal. A la suite des diverses modifications des documents graphiques propres à l’évolution du chantier, je me suis attelée aux plans de vente. Encore une fois, la rigidité du maître d’ouvrage m’a surprise. Avoir des désirs quant à l’usage est une chose mais imposer un principe d’aménagement en est une autre. Tout en respectant sa demande, nous n’avons pas cédé et avons réussi à conserver notre proposition d’aménagement intérieur. Bien qu’ayant travaillé de manière ponctuelle sur ce dossier, je suis restée dans la boucle tout au long de ma MSP, j’ai donc suivi son évolution jusqu’à mon départ de l’agence.


@ Photos personnelles

10.49 Château Neuf Le rouge, 54 logements collectifs, 8 maisons individuelles COFFIM

@ Tangram Architecte

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@ Tangram Architecte

16.14 Clot Bey, 448 logements, Marseille

Architectes: Tangram, 5+1AA BET structure: Eiffage BET HQE: Etamine

ESQ/Concours


ACQUIS ++ - Gestion de problème avec un fabricant - Gestion des difficultés au sein de l’équipe de maîtrise d’œuvre - Les missions des différents acteurs de la maîtrise d’œuvre et leurs interfaces - Gestion des pressions engendrées par les maîtrises d’ouvrage privées qui ont un besoin de rentabilité immédiat dans leurs projets ?

L’agence a été contactée par l’agence de promotion immobilière, COFFIM pour répondre à cet appel à projet, situé dans le 8ème arrondissement de Marseille, il s’agissait de proposer un ensemble de logement au sein d’un espace végétal. Jeune diplômée, et n’ayant pas encore l’esprit façonné par les normes et les automatismes induits par le logements, mon chef de pôle m’intégra à l’équipe de concours. Au sein du pôle logement, nous étions deux pour répondre à cet appel à projet. Alexandre Keghian, architecte expérimenté et moi, sans oublier le travail crucial des paysagistes. Une fois les documents graphiques rendant compte du PLU (limites, distance, emplacement réservé, hauteurs…) prêts, nous avions dès lors une idée de la SPD possible et de l’insertion du bâti en terme de masse. Nous travaillions en collaboration avec l’agence italienne, 5+1aa. Ce fut une collaboration très intéressante tant d’un point de vue architectural qu’organisationnel. Mon travail venait alimenter celui d’Alexandre. Au commencement, je me suis mise à chercher des références, en accord avec les principes de volumétries et de façades décidés en réunions. Le principal enjeu était de réussir à faire vivre ce lieu comme un parc habité. Avec l’aide de Luc, nous proposions plusieurs implantations possibles traduisant une SPD variables, et donc des choix de réponses différents. C’est finalement la proposition possédant un maximum de SDP qui fut retenue. COFFIM établit le programme, avec l’envie d’y intégrer une résidence multi-générationnelle et des logements pour primo accédants. Cet appel à projet se voulait innovant en termes d’usage, et dans les modes d’habiter. Tout au long du concours, mon travail et celui d’Alexandre étaient complémentaires, en évitant au maximum les pertes de temps. Par la suite, nous nous sommes attelés aux dessins des plans et des différentes cellules. Le but étant de créer un maximum de logements traversants et bi-orientés. C’est à travers cet appel à projet, que mon désir de travailler sur des projets de logement s’est confirmé. Quand l’expérience est présente, la pratique du logement devient presque comme un jeu d’assemblage et de composition. Cela étant, le nombre astronomique de logements à créer nous freina dans la recherche du détail. L’échelle de ces productions est telle que la recherche de détail ne peut être particulière mais s’applique à l’ensemble des logements, comme un principe. Travailler sur ce dossier fut très appréciable, notre chef de pôle nous laissait la main libre de propositions. Pouvant être largement critiquées ou refusées, mes diverses propositions furent à chaque fois prises en compte et analysées. Travaillant beaucoup à la main, le concours est terrain favorable pour cette pratique. Je fus à chaque fois encouragée par mes différents supérieurs pour ce type de pratique. ACQUIS ++ - Comprendre les différents formes de collaboration au sein d’une équipe de maîtrise d’œuvre, entre architecte d’une part mais avec les BET d’autre part - Échanger avec les maîtres d’ouvrage, à trouver les mots et à savoir comment réagir face à certaines situations compliquées. - Comprendre le jeu des acteurs et de les identifier. - Aborder la conception économique dans une approche de cout global axé sur la valeur durable d’un ouvrage.


Privé

Architectes: Tangram BET structure: ECS

ESQ

@ Tangram Architecte

@ Tangram Architecte

15.46 Montélimar, Réhabilitation hôtel, 40 logements

3f Immobilière Méditerranée

@ Tangram Architecte

@ Tangram Architecte

16.21 Chemin des Tuves, 66 logements sociaux, Marseille

Architectes: Tangram BET structure: Sigma Ingé BET fluide/ VRD: Garcia Ingé Entreprise mandataire: François Fondeville

ESQ, concours, conception réalisation


Ce projet, riche de son programme mixte m’a permis d’aborder d’autres problématiques ; à la fois celles concernant les ERP et celles propre à la réhabilitation. Il s’agit de la réhabilitation d’un hôtel à Montélimar et de la création de logements sur la parcelle mitoyenne. J’ai récupéré une faisabilité déjà bien entamée. Le but de mon travail était de trouver une réponse architecturale qui à la fois unissait les deux programmes au sein d’un volume global mais dont l’écriture dénotait d’une différence de programme. En phase ESQ, nous étions encore libres dans nos propositions quant au client. Après un travail de références et de mises à jour des différents plans et coupes entre l’existant et le neuf, je m’attelai au dessin de la façade et à la volumétrie générale. L’idée était de créer un bâtiment dont le vocabulaire architectural était celui de la verticalité, reprenant les grandes ouvertures existantes de l’hôtel. Les bâtiments se rejoignent au niveau de l’attique. La corniche existante de l’hôtel se prolonge sur le bâtiment de logement, créant une continuité, comme une frise, une ligne continue que l’on déroule. Je me sentie un peu perdue sur ce dossier. Je n’avais pas vraiment de chef de projet et je n’arrivais pas à hiérarchiser les priorités. Je passai plusieurs jours à régler des détails de rampes de parking, positionnement des circulations verticales (…) alors que la volumétrie générale n’avait pas encore été validé par le client. Mon travail sur ce projet ne fut que bref, mais me présenta aussi un autre point de vue essentiel propre à notre métier : le payement des honoraires ! Le client nous sollicitait pour avoir une vision globale du projet ; des images issues de la 3D lui ont été envoyées. Suite à cela, il n’était pas satisfait et demandait des changements. Soit, mais celui-ci refusait catégoriquement de payer nos honoraires depuis le début du projet. ce projet avait déjà été mis en stand bye pour les mêmes raisons. Sans contrat écrits, la collaboration était en suspens. Tangram architectes, se permet d’entamer des études sur des projets sans avoir au préalable un contrat écrit. Cela est possible car l’agence ne compte pas sur ces honoraires pour vivre, ce sont des projets qu’elle peut ajouter à ses références plutôt que des projets lucratifs. Cela étant, pour que notre profession soit considérée comme utile et d’intérêt public pour l’ensemble de la population, quelque soit la catégorie sociaux-professionnelle, il me semble important de contractualiser tous travaux, impliquant de ce fait des honoraires. ACQUIS ++ - Les cycles : prospective/ production/ facturation - Impératif de fonctionner avec des contrats écrits, auxquels on ajoute des avenants quand il y a modifications pour être sûrs d’être payés - Importance de la polyvalence quant aux différents programmes auxquels l’architecte peut être confronté Nous répondons à un marché de conception-réalisation pour la construction de 66 logements sociaux à la Savine.pour 3F immobilière Méditerranée. Francois Fondeville est l’entreprise mandataire et nous les architectes mandataires. C’est en respectant le schéma directeur mis en place par l’architecte urbaniste Patrick Germe que nous répondons à l’offre. C’est un projet qui s’inscrit au sein d’une rénovation urbaine du quartier de la Savine. C’est donc un projet d’ensemble, qui permettrait à terme, de donner un nouveau visage à ce quartier aux problématiques d’exclusions sociale et urbaine très présentes. C’est un projet qui se divise en deux, sur deux emplacements bien distincts. On parlera de Bosphore et de Proue. Bosphore est composé de 3 entités ; un bâtiment continu en R+3, un plot en R+4 et quatre maisons individuelles. J’ai notamment participé à l’élaboration des maisons individuelles, puis mon travail s’est étendu à l’ensemble des parcelles concernées : - recherche de principe de façade faisant le lien entre le logement collectif en barre et celui en plot. Bien que différent, il fallait que l’on perçoive cet ensemble comme une unité, un seul projet. - volumétrie générale des maisons individuelles (recherche de référence et production de croquis d’ambiance) - dessin de toutes les façades des deux projets en accord avec le dessin de la façade principale (ajustement de la trame, réutilisation des types d’ouvertures, recherche d’une cohérence d’ensemble) - production des dessins des détails (notamment des gardes corps) et coupes - photoshop des élévations et des coupes


Privé

16.29 Le rêve de l’oiseau, Pavillon d’accueil, Plan de-la-Tour

Architectes: Tangram

ESQ


- mise en page et en forme du carnet de rendu Le chef de projet E.Druel me donnait des indications sur les attentes du projet et me laissait carte blanche dans mes propositions. J’ai été agréablement surprise par les libertés qui m’ont été allouées. C’est en revanche lors d’une réunion avec l’entreprise mandataire que j’ai été désillusionnée. Le budget était déjà bien ficelé et les propositions faites quant aux maisons individuelles le dépassaient. Nous avons donc modifié le projet en fonction, en changeant matériaux de façade, éléments d’occultation (…) tout en ayant dans l’idée de ne pas changer le concept générateur. C’est donc un combat sans cesse avec les maîtrises d’ouvrage ou entreprises. Il me semble primordial d’avoir des convictions et de les porter jusqu’au bout du projet, pour éviter qu’il ne s’émiette et ne perde de son essence. C’est finalement un concours qui a été perdu pour des raisons qui ne tiennent pas à l’architecture. L’entreprise mandataire FF, avait des litiges avec 3F pour un projet antérieur. La collaboration pour un projet futur n’était donc même pas envisageable. Collaborer avec E.Druel fut une expérience remarquable. La faisabilité de P.Germe était très poussée, et stricte. Cela étant, Eric, détourna les obligations et trouva des alternatives plus économiques et qualitatives. Il fit notamment accepter des coursives extérieures avec un grand patio central, alors que la faisabilité ne s’y prêtait pas du tout. E. Dujardin n’était pas vraiment convaincu par ce concept de desserte. Après quelques réunions teintées d’un argumentaire réfléchi et juste, avec le soutien du chef de pôle et des images à l’appui, il accepta le principe. ACQUIS ++ - Comprendre le principe d’une conception-construction, ses enjeux et ses limites, et donc le statut et le rôle de chaque acteur. - Approcher l’analyse économique des réalisations. Ce projet m’a été confié à la fin de ma MSP, une fois que mon chef de pôle ait saisi ce en quoi j’étais capable et surtout ce qui pouvait me stimuler. Assez atypique, il s’agissait d’un projet pour un client privé, propriétaire d’un terrain sur lequel Niki De Saint Phalle avait créé différents espaces. Situé dans le Var, c’est un site encore très protégé où la végétation méditerranéenne rayonne. Les œuvres de l’artiste sont dispersées sur le territoire, comme semées. L’agence avait déjà participé à un projet liant art et architecture : Château Lacoste. Ce fameux client en a donc eu vent et décida de nous contacter et de nous faire confiance. Il s’agit d’un pavillon permettant d’accueillir du public venant visiter les œuvres de l’artiste. Les propriétaires avaient déjà une idée bien précise de l’architecture qu’ils désiraient. Entre roche et végétation, ce pavillon doit faire corps avec le site et jaillir de celui-ci. Contrairement aux œuvres de l’artiste qui détonnent avec le contexte, ce pavillon doit en être la continuité, le prolongement. Hervé dessina un croquis empreint d’une certaine poésie et révélant un dialogue avec le site assez surprenant. Les restanques existantes sont reprises et viennent alors créer la façade principale. Une toiture se voulant ultra plate dépasse de l’enveloppe et vient signifier l’entrée. Le bâtiment semble niché dans ce creux, respectant la topographie et la végétation existante. Le client fut largement satisfait et motivé par ce qu’évoquait le croquis. Mon travail débuta. Hervé me confia donc l’esquisse de ce projet. Le programme assez simple rassemblait, un espace d’exposition, un espace d’archive, et un lieu de vie privé pour les propriétaires. Je m’attelai dans un premier temps aux dessins du site et puis aux dessins des plans. Reprenant l’esprit du croquis, il fallait y intégrer les usages. Je produisis une série de propositions en plan/coupe et croquis ainsi qu’une planche de référence. Le processus de projet était le suivant : lorsque mon argumentaire et documents graphiques étaient aboutis, je les présentais à mon chef de pôle. Après validation, critiques et débat, j’effectuais les modifications nécessaires. A la suite de cela, E.Dujardin, intervenait, modifiait, faisait évoluer à son tour le projet. Fort impliquée car me sentant capable, j’étais en mesure d’en assumer la taille et donc la production. Le client fort satisfait, du travail fourni, je partis de l’agence en ayant confiance et surtout en réalisant que la petite échelle me correspond davantage et met beaucoup plus à l’aise. Elle est maîtrisable, tout comme ses détails.


Pitch Promotion

@ Voinot

@ Voinot

11.47 Friche Rousselot, 353 logements, Aubagne

Architectes: Tangram BET GO: Berim BET VRD: Berim BET fluides: Garcia ingĂŠ. BET HQE: Next Environnement BET Acoustique: Igetec Economiste: Tangram

DOE OPR Livraison


ACQUIS ++ - Preuve d’un management de qualité : recherche chez salariés ce qu’ils leur plait davantage et ce qui pourraient les motiver. - Processus de projet permettant d’avancer rapidement, cela étant grand chef trop présent par rapport au chef de pôle à qui il devrait donner toute confiance

La friche Rousselot est une très grosse opération de 353 logements dont 80 en accession et 273 en social, Aubagne. C’est pour les OPR que je participais à ce projet. Pitch Promotion, nous délivrait des cahiers de pré-livraison. Accompagnés des bailleurs (ICF/Famille Provence et 13Habitat), nous faisions la visite de chaque appartement en notant les différentes anomalies ou malfaçons. Ces visites se faisaient en présence des entreprises et du maitre d’ouvrage. Quand les reprises n’étaient pas trop importantes (type reprise peinture) elles se faisaient sur le moment, quand celles-ci étaient beaucoup plus problématiques, elles étaient notées comme réserve. Je fus interloquée par la qualité de l’ouvrage. Chaque appartement comportait au moins une trentaine de réserves alors que la livraison était prévue quelques semaines après. Ce qui posa problème, est que les entreprises comptaient beaucoup trop sur le maître d’œuvre. Elles attendaient les feuilles de réserves pour agir. Il fallait parfois revenir 3 à 4 fois pour que les reprises soient faites. Cela représente une perte de temps considérable et surtout une perte d’énergie. Les entreprises étaient à bout, et les réserves inscrites étaient en si grand nombre qu’elles ne pouvaient être levées en même temps. Nous revenions régulièrement en constatant que les diverses malfaçons n’avaient pas été reprises. Créant une ambiance des plus électriques entre le maître d’ouvrage et les entreprises. Lors de la dernière visite, les bailleurs demandaient à ce que la date de livraison soit décalée, sachant que les réserves en question ne seraient jamais levées à temps. Mais ils ne pouvaient pas décaler cette réception indéfiniment car la plupart des appartements étaient déjà loués et que la date d’arrivée des locataires arrivait à grand pas. Ils étaient donc coincés entre réceptionner des logements où le SAV allait être très lourd ou décaler la date d’arrivée des locataires. Ce qui est le cas pour certains des bâtiments déjà livrés. Le SAV est très compliqué car les réserves laissées sont très importantes et n’ont pas été traitées quand il était encore temps. C’est donc de manière ponctuelle que je participai à ces OPR, de l’ordre d’une à deux fois par semaine pendant un mois et demi. J’admets regretter de ne pas avoir suivi ce dossier tout le long de ma MSP. J’eusse aimé profiter de l’expérience des maîtres d’œuvre d’exécution de manière plus continue et sur le long terme. ACQUIS ++ - le rôle de l’architecte, soutenir le maitre d’ouvrage car c’est lui le client tout en sachant qu’il peut être trop exigeant ou trop tatillon avec les entreprises (trouver une position juste entre les entreprises qui cherchent du temps supplémentaire à chaque fois et le maitre de l’ouvrage qui est toujours très pressé et rarement satisfait - Faire en sorte que les entreprises respectent le contrat de travaux qu’elles ont signé et ce dans le temps à parti - Aspect relationnel : ne pas froisser le maître d’ouvrage car futur client potentiel tout en lui faisant comprendre qu’il n’est pas le maître du monde ! - Opération trop grosse : non maîtrisable, non appropriable, résultat d’une qualité décevante, SAV lourd.


Constructa

Architectes: Atelier Jean Nouvel/ Tangram BET Structure : BET fluide: Economiste:

EXE Visa

@ Tangram Architecte

@ Tangram Architecte

12.75 La Marseillaise, tour de bureaux, Marseille

Ce panorama montre l’ampleur de notre champ d’action et la nécessité de la multiplicité des compétences requises pour ce métier. C’est en ça que je trouve notre métier particulièrement fascinant. C’est pourquoi, il me semble indispensable de travailler au sein d’agence de taille et de productions différentes pour diversifier ces connaissances, car chaque projet en alimente un autre.


Dans le cadre d’une MSP complète, J.Guigon, chef de pôle chantier estimait qu’il était important d’avoir une vision d’une phase chantier d’un projet. (avis que je partage largement). Tangram architecte est l’équipe qui s’occupe auprès des Ateliers Jean Nouvel du suivi de chantier, des visas et de la DET de la tour de la Marseillaise. J.Guigon s’occupe quasiment à plein temps de ce chantier, directement in situ. Il s’agit d’une tour de bureau sur la nouvelle façade maritime de Marseille. C’est une opération assez emblématique au sein d’un quartier en devenir, là où divers architectes de renoms ont déjà posé leur pierre. Ce projet de 135 m de haut symbolise le renouveau de Marseille. C’est une tour de 31 étages, offrant une vue panoramique sur la ville et sur la mer. Elle se veut être un accélérateur de rayonnement et d’attractivité dans le but de faire entrer Marseille dans le top des 20 métropoles européennes. Ce projet est le fruit d’une conception construction, dont Vinci est l’entreprise mandataire. C’est donc pleine d’excitation que j’ai participé ce projet. J’ai commencé mon intervention par la visite du chantier. A l’époque, les fondations et sous-sols avaient été déjà été coulés. Le bâtiment est constitué d’un noyau principal divisé en 3 parties, contenant les circulations verticales. Durant cette visite, je rencontrai tout le petit monde vivant autour et pour cette tour. N’ayant jamais participé à un chantier de telle ampleur, je fus stupéfaite par l’organisation mise en place. Les différents intervenants ont établis leur point de base dans les cabanes de chantier attenant à ce dernier. C’est une installation pérenne puisse que le chantier est supposé se terminer courant 2018. Jérome Guigon me présenta à l’ensemble des intervenants et de nos différents interlocuteurs. Cette proximité permet une communication et un échange plus simple entre les différents corps de métier. Parée avec mon casque, veste, et gants de chantier, la visite de chantier débuta. Je devais assister J ;Guigon dans ses VISA et compte rendu de visite de chantier. Il me fit donc un état des lieux et un état de l’avancement du chantier. A la suite de cela, je devais faire des fiches révélant les anomalies et défauts du chantier. Je devais donc annoter les différents plans pour mettre en avant les dysfonctionnements (ex : fiche parement 503/ Avant coulage…) le but étant de notifier l’évolution de la qualité du béton après coulage, des détails des joints, des chanfreins. Avec un peu de discernement, l’aide de certains ouvriers et la toile, je réussi à m’en sortir ! Mon travail sur la tour était comparable à un jeu des 7 erreurs. Sur ces fiches constats, j’ajoutais des photos des anomalies observées. Par la suite, ces fiches étaient transmises aux différents intervenants concernés pour qu’ils puissent vérifier, reprendre. Ce qui était assez amusant est la manière dont les ouvriers me percevaient. Remplaçant G.Marras, dont l’expérience dépassait les 15 années, je devais être à la hauteur des qualifications requises. Bien évidemment, J.Guigon vérifiait mes fiches constats avant tout envoi. Cela étant, j’apprécie encore une fois, la confiance qui m’a été donné. Bien que mes responsabilités soient limitées, je pris largement part au chantier le temps à parti. Je me suis mise dans un rôle d’expert, le temps du chantier, donnant des directives ou indications aux ouvriers présents quand j’observais une anomalie ; sensation un peu étrange d’indiquer à quelqu’un ce qu’il doit faire, alors qu’il en connait davantage à la fois en termes de pratique et de temps sur le chantier. Parallèlement j’ai participé à deux réunions de synthèse, l’une concernant la synthèse architecturale et l’autre la synthèse technique. (Avec les différents corps d’état, KONE, SNEF…) Très représentative d’un projet de cette ampleur, je développerais ce point dans un deuxième temps. ACQUIS ++ - Point à retenir : Projet complexe entrainant inévitablement la mise en place d’une machine de guerre/moyen humains, technique et financier mis en œuvre pharaonique/ pôle d’expert - Etre une femme sur ce chantier : pas simple - Confirmé mon attrait pour cette pratique, contact avec de la matière, évolution constante et enfin contact et échange avec des gens constamment - Opération intéressante mais nécessitant une grande division du travail du à l’ampleur du l’opération


RETOUR SUR LA MSP J’ai été engagé dans la SAS (Société par Action Simplifiée) Tangram architectes, quelques mois après l’obtention de mon diplôme. L’agence avait notamment besoin de monde au sein du pôle chantier. L’activité du pôle logement étant toujours la plus accrue, une personne de plus pour renforcer l’équipe paraissait logique. J’ai donc eu la chance d’intégrer une structure de grande taille qui connaissait les objectifs de la HMONP. Bien que globale, ma formation aurait pu être plus soutenue et cadencée. Cela étant, l’intégration au sein de l’agence fût assez rapide et aisée. Intégrer pour un an une telle structure était un choix. En effet, la question de la taille de l’agence est pour moi une problématique principale influençant largement sur la pratique de la maîtrise d’œuvre. Au delà de l’apprentissage pur propre au métier d’architecte et de la conception d’un projet, cette MSP m’a permise de prendre le recul nécessaire pour me positionner aujourd’hui. C’est donc une expérience que je qualifierai de constructive. La formation HMONP n’a-t-elle pas pour but la mise en évidence d’un positionnement critique et personnel sur la pratique de la maîtrise d’œuvre ? J’insisterai largement sur cette notion de temporalité car mon discours quant à cette MSP était relativement différent les quatre premiers mois de travail. C’est pourquoi je diviserai cette MSP en deux temps, de manière chronologique. Lorsque que j’ai été engagée, la demande venait davantage du pôle chantier. L’idée était de partager mon temps entre les deux pôles pour comprendre les liens et les mécanismes qui les unissent. Cette volonté, des plus pertinente s’est avérée difficile à mettre en place. J’étais à 70% au sein du pôle logement et à 30% au sein du pôle chantier. Ce qui reste néanmoins une répartition satisfaisante. Oui, car je n’étais pas cantonnée à un seul projet ou une seule phase. Au cours de cette MPS j’ai regretté justement de ne pas suivre un seul projet et ne de pas être affiliée à un projet en particulier. Mais j’ai vite réalisé que la participation à plusieurs projets me permettait d’avoir une vision d’ensemble des différentes phases. A moi, de les lier entre elles et d’en comprendre les corrélations. Les quatre premiers mois, d’octobre à février ont été le temps de l’adaptation et de l’observation. Par là j’entends une observation active. J’ai tenté de déceler les rouages d’une telle structure. Durant ces 4 mois, les tâches que j’accomplissais n’étaient pas des plus passionnantes et j’avais l’impression de m’éloigner de l’architecture perçue à l’école et au cours de mes stages. Petit à petit, en me familiarisant de plus en plus avec les différents salariés et les diverses pratiques, j’ai compris que je n’étais pas un salarié classique et que mon objectif au sein de l’agence n’était pas le même que le

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salarié x. Mon statut d’architecte en formation HMONP m’a permis d’atteindre une certaine transversalité au sein de l’agence et des différents pôles la constituant ; que j’ai eu du mal à percevoir comme un élément positif constitutif de cette expérience. A posteriori, je réalise que la multiplicité des tâches confiées m’a largement construite. Cela étant, durant cette période, le temps était souvent long et les missions confiées très succinctes ne me permettant pas de m’investir à long terme. Engager une HMONP nécessite de lui fournir du travail, je remettrai en cause cette donnée durant les 3 premiers mois. J’ai été trop souvent affiliée à des tâches très courtes, et les temps de latence entre chacune étaient trop longs. J’ajouterai, que mon rôle lui aussi a été précieux. Fraîchement diplômée, mon regard est certes dénué d’une grande expérience mais il est frais. Mes diverses idées et interrogations ont parfois poussé mes collègues à remettre en question leur choix. C’est donc un échange constant. Et c’est cela que je recherche à fortiori. Intégrer une agence et dans un futur proche en créer une, où chaque architecte se sert des compétences de l’autre, et où chaque vision est prise en considération. Les cinq mois qui ont suivi m’ont permis de comprendre les enjeux et les limites d’une telle structure. Les projets auxquels j’ai participé ne peuvent exister que dans ce type d’agence. Je suis fort satisfaite de cette participation car c’était le but premier en entrant chez Tangram. J’ai donc au cours de ces 5 mois eu, une vision assez globale des projets de l’agence. Le panorama présenté plus haut dépeint cette large expérience. J’ai entamé cette période par deux concours, qui ont été pour moi l’occasion de découvrir les modalités de rendu, à partir du Dossier de Consultation des Concepteurs (DCC) incluant, Cahier des Clauses Administratives Particulière (CCAP), Acte d’Engagement (AE) etc. C’est une pratique très stimulante où les différents intervenants se prennent rapidement au jeu. Ces échanges m’ont permis d’apprendre à assumer mes choix et surtout de les expliquer aux collaborateurs. Ce qui change des études architecture, où seuls les jurys sont à convaincre. C’est durant ces mois que j’ai fait face à mes premières responsabilités professionnelles en tant que salarié. J’ai rapidement pris conscience de la teneur des choses, notamment dans la pratique du chantier. Chaque trait, chaque modification, chaque indication doit avoir du sens pour que les entreprises s’en servent justement. Ma participation aux OPR de la friche Rousselot m’a largement révélé cet aspect du métier. Responsabilités qui auraient pu être plus large à mon goût. N’ayant que très peu eu la main mise sur un projet, je m’en référais toujours à mon chef de projet. C’est l’absence de communication directe avec les maîtrises d’ouvrage et les différents intervenants, mettant l’architecte au centre des échanges, qui m’a le plus manquée. A posteriori, c’est la pratique du concours et du chantier qui m’ont le plus stimulé durant ma MSP. 51



B// STRATÉGIE ORGANISATIONNELLE ET DIVISION DU TRAVAIL


CONCEPTION

URBANISME

PAYSAGE

LOGEMENT

PROJET

EXÉCUTION

OUVRAGE LIVRÉ

ARCHI INTÉRIEUR

ERP // OUVRAGE FONCTIONNELS

TERTIAIRE // INTERNATIONAL

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A l’ère de la mobilité, de l’accroissement des contrats précaires, des différents modes de travailler, il me semble important d’en approcher quelques uns pour poser un regard analytique dessus, ce qui me permettra à terme d’en déceler les avantages et les inconvénients pour ma propre structure. C’est ce que je vais analyser au travers de situations de projet rencontrées et de projets sur lesquels j’ai travaillé. Pour ce faire, j’ai réalisé tout le long de ma MSP des entretiens avec divers professionnels de l’agence. Ces entretiens permettent de comprendre la vision de personnes travaillant dans l’agence depuis X années, emprunts de ses rouages et codes. Ils viennent nourrir mon argumentaire et participent à la cohérence globale de cette analyse. J’ai mis au point trois types d’entretien, un concernant la relation exiguë qui existe entre le pôle chantier et le pôle conception. Au travers des chantiers sur lesquels j’ai travaillé, l’idée est de confronter l’opinion et l’expérience du maître d’œuvre d’exécution et de l’architecte de conception relatif à ce chantier. Un autre type d’entretien est relatif aux questions de structuration interne de l’agence et des différents choix quant à l’évolution de celle-ci. Celui-ci est davantage destiné au personnel administratif et à E. Dujardin. Enfin, un troisième qui consiste à analyser les liens entre les différents pôles de conception aux travers encore une fois des projets que j’ai connus. C’est pourquoi des extraits d’entretien interfèreront avec mon discours tout au long de ce développement (en bleu). Par le biais des questionnaires et de mon analyse tout au long de ma MSP, l’objectif d’Emmanuel Dujardin s’est dessiné. Il a opté pour une stratégie visant des projets d’envergures dont l’aspect lucratif qu’il en retire est assez important et faisant appel à des domaines de compétences divers et variés. De fait, la question du type d’organisation à mettre en place pour atteindre ses objectifs s’est posée. C’est de cette organisation dont il sera question dans ce développement. Quelle est-elle ? Quels ont été les moyens mis en œuvre pour y accéder ? Qu’engendre-t-elle pour le projet d’architecture et pour le salarié ? Enfin, quels liens existent-ils entre la structuration interne de l’agence et la pratique de la maîtrise d’œuvre ? 1.

LA SPÉCIALISATION

Pour comprendre la situation actuelle, il me semble important, de rappeler ce qui a motivé ses choix. Emmanuel Dujardin raconte : « Quand je suis arrivé, il s’agissait d’une petite agence, 12 personnes. L’organisation interne était bien différente d’aujourd’hui.

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A l’époque, l’agence était dirigée par une seule personne, Alain Amédéo. Il contrôlait tout et prenait le temps de corriger chaque projet, la nuit de préférence, laissant sur la table des architectes des calques annotés pour la journée de travail. Lorsque j’ai repris la structure, l’idée était de moins contrôler mes salariés et de leur laisser plus de liberté. Selon moi, il n’est pas possible de tout concentrer en une seule tête. De plus, quand la structure a changé, de 12, nous sommes passés à 35, il était alors impossible d’accorder le même temps sur chaque projet et là n’est pas mon but. » Cet extrait d’entretien, confirme qu’il est question de la taille de la structure. E.Dujardin a fait le choix d’augmenter la masse salariale et de changer complètement d’axe par rapport au passé de la structure. L’une des caractéristiques que possède Tangram est donc son nombre, avec près de soixante employés. Cette stratégie est celle de l’organisation par pôle, que j’appellerai spécialisation. Par stratégie j’entends : « la figure du chef stratège, sa capacité à anticiper et à préparer l’avenir de l’organisation, armé d’un arsenal d’outils et de méthodes sophistiquées.1 » « Après deux ans en tant que président, je réalisai qu’il fallait diviser la structure en pôle. L’idée des chefs de pôle est de les laisser décider et de permettre à tout le monde de se réaliser. » (Extrait d’entretien avec E.D) La première grande division de l’agence est celle qui existe entre le pôle conception et le pôle exécution. Cette division est à la fois théorique et physique, les locaux sont séparés. Cette division est donc le fruit de la suite chronologique d’un projet. La pratique de la maîtrise d’œuvre chez Tangram est donc scindée en deux, à la fois en termes de processus de projet et d’interlocuteur. Cette division est la première pierre relative à la stratégie mise en place. Pour engendrer un maximum de projets différents et d’envergure, la spécialisation semble être la solution la plus adaptée. Car elle est supposée créer une productivité supérieure. Cette sectorisation permet à chacun d’appartenir et de se consacrer à un seul domaine, une seule thématique. Ce système organisationnel n’est pas sans rappeler celui des chaînes de montages où les projets défilent sur un tapis roulant. La spécialisation est l’action ou le fait de rendre compétent quelqu’un dans un domaine ou une activité particulière, dont le but est l’approfondissement, la maîtrise et le perfectionnement de ces derniers. La spécialisation restreint le domaine ou le champ d’action de quelque chose à une activité spéciale, particulière dont le but est de la rendre plus performante dans l’activité choisie. Cette organisation est donc bien une stratégie mise en place qui œuvre pour atteindre les objectifs d’E. Dujardin et de ses associés. 1 Hervé Laroche, Les organisations, état des savoirs, Science humaines, 2005, p9

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E. Dujardin raconte et précise mes propos: « Ce type d’organisation en pôle permet de former des experts. Je souhaite développer chez chacun une notion de plaisir. Je veux qu’ils gagnent en motivation. Cette organisation le leur permet car elle laisse aux architectes des libertés de créations et de propositions. Je les laisse aller au bout de leurs idées, pour qu’ils apprennent de leurs erreurs. Je souhaite que les architectes de chez Tangram aient un discours construit, un argumentaire réfléchis en accord avec les documents graphiques qu’ils dessinent par la suite. Je ne veux pas de simples exécutants. C’est pourquoi, je les pousse à écrire et à traduire leurs intentions en mots. » On notera l’importance du mot « expert ». Chez Tangram il est donc question de recruter des experts dans tels ou tels domaines. L’ensemble de ces experts est réparti dans les différents pôles en fonction de leurs expériences, connaissances et domaines de compétences. Grâce à la spécialisation, formée de pôle d’expert, les clients sont rassurés. E. Dujardin le confirme « Ce type d’organisation formé de pôles d’experts, permet de rassurer le client. Il sait qu’il va avoir à faire à des maîtres avertis. Le point fort de l’agence est que je suis entouré de chefs de pôle qui sont tous plus sachant que moi dans leur domaine, je m’en remets donc à eux. » C’est avant tout un moyen de communication et de vente. Dans la région, l’agence est connue pour cette caractéristique et sa capacité à participer à n’importe quel type de programme. C’est un moyen de se faire connaître et surtout d’être reconnu pour ses compétences transversales et variées. Il est donc question avant tout de l’image. Celle-ci est celle d’une structure où chaque domaine concernant l’architecture y est représenté. Ce choix stratégique est un moyen de séduire une clientèle particulière ayant les moyens financiers de prétendre à ce type d’agence et de projets. La spécialisation est alors un choix pour être plus compétitif sur le marché. Les diverses compétences ne sont pas transversales car elles sont singulières à chacun. Elles ne sont pas détenues par une seule personne mais par plusieurs. Donc il existe une possibilité d’aller chercher l’information auprès d’experts qui eux la détiennent. Donc l’alliance des différentes connaissances de chacun propre à un domaine est mise à disposition pour la réussite du projet. DE LA CONCEPTION À L’EXÉCUTION : UNE ÉTAPE CHARNIÈRE Une fois le DCE terminé, et le dossier marché signé, le projet passe de l’autre côté de la cour. Emmanuel Dujardin nous confie l’une des explications quant à cette première grande division : « Aujourd’hui, l’architecte a très mauvaise réputation sur les chantiers. Les maîtres d’ouvrage préfèrent sous traiter cette mission à des agences ou d’autres

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corps de métier qui ne font que ça. Notre profession est éjectée des chantiers, il faut donc réussir à se positionner pour garder la main mise sur cette phase essentielle. Pour ce, nous avons besoin d’un pôle d’expert dont c’est exclusivement le métier. » Cette distinction entre conception et exécution est donc le résultat d’un constat : les architectes se font exclure des chantiers. Il semble donc cohérent que les agences d’architecture se positionnent et récupèrent cette phase primordiale où tout se règle et se redessine. Pour une cohérence d’ensemble et une facilité d’échange il parait complètement légitime que le projet soit suivi par la même agence du début à la fin. Gonzalo Gretter, chef de projet, argumente quand je lui demande ce qui justifie cette division : « La productivité et la célérité de production, qui est souvent un des points clés pour les maîtres d’ouvrages au moment de choisir un maître d’œuvre. » A l’agence, il est question de binôme. L’architecte de conception va suivre, guider, épauler, l’architecte d’exécution durant tout le chantier. Il s’agit donc de prendre le relais. Pour rappel, il est important de comprendre les rôles de chacun. Gonzalo Gretter, chef de projet nous explique : « Le maître d’œuvre d’exécution garantit le suivi technique et consulte le concepteur sur le suivi architectural. Les responsabilités du maitre d’œuvre de conception en cette phase sont d’un ordre second. C’est plutôt une mission de conseil. » Il est donc question du suivi technique de l’ouvrage. Dans une logique d’optimisation du travail, cette division semble assez cohérente. Il est vrai que la DET est une phase qui nécessite beaucoup de temps, d’expérience et de connaissance pour être compétent dans ce domaine. Candice Cassar, maitre d’œuvre d’exécution nous explique son rôle : « Mon but est de défendre l’âme du projet allié à des compétences plus pointues. Ma mission est de défendre les intérêts, à la fois de la maîtrise d’ouvrage, du projet et enfin de respecter le marché des entreprises. Je suis l’arbitre du projet. Je fais en sorte que les moyens humains et techniques soient mis en place et que la partie économique et le planning soient respectés. »Ici, il ne s’agit en rien de la conception, c’est à priori une pratique assez différente qui nécessite des compétences approfondies dans d’autres domaines. La création de ces deux pôles prend alors du sens. Lorsque je lui demande si nous parlons de deux métiers différents, voici ce qu’elle me répond : « Ce n’est pas deux métiers différents, en tant qu’architecte, nous devons être sachant sur toutes les phases, de l’esquisse à la livraison. Mais on peut aussi choisir une phase dans laquelle on se sent mieux et qui nous correspond davantage. Lorsque tu es architecte d’exécution tu fais aussi de la conception, en effet, tu repenses le projet dans les détails et à une autre échelle. Le dossier marché est composé de plans de « principe ». Il faut donc les concrétiser au travers de dessins de détails notamment. » C’est une particularité du maître d’œuvre d’exécution que j’ai pu observer au cours de réunions

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de chantier sur le projet de LA SAVINE ou encore lorsque je devais reprendre certains détails à l’agence. Durant une réunion, nous avons été confrontées à un problème de calepinage de façade. L’entrepreneur avait besoin de nos ordres pour avancer. C’est par ces détails la que le bâtiment devient qualitatif. Et ces détails sont réglés sur le chantier. Le rôle du maître d’œuvre d’exécution est donc primordial. Il se doit d’être architecte pour en comprendre les subtilités et finesses. Car, certes il s’agit avant tout de solutionner des problèmes plus techniques mais qui auront un impact l’aspect fini du bâtiment. Il est donc nécessaire de les connaître pour guider les entreprises dans la réalisation de l’ouvrage. Le suivi de chantier rend compte de l’évolution constante du projet vers le réel, le palpable. A titre d’apprentissage, la pratique du chantier fait prendre conscience à son concepteur l’impact d’un trait, de son épaisseur… Lorsque j’ai dû redessiner un détail en cours de chantier et que je l’ai observé une fois fini, j’ai pris conscience l’importance de dessin et de ses répercutions. C’est en rendant expert des individus dans un domaine qu’ils seront plus à même d’apporter leurs connaissances au service du projet. Candice se livre à propos de cette division : «elle sert le projet car engendre une spécialisation et donc un savoir-faire davantage maitrisé ». Dans ce sens, Gonzalo Gretter, chef de projet sur LA SAVINE, nous offre son point de vue : « Cette division sert au projet car la tâche de suivi de chantier comporte un grand nombre de formalités administratives et procédurales qui en font un métier à part entière. De même pour le concepteur. Celui-ci, contrôle à tous moments la cohérence de l’ensemble et apporte une vision globale, qui est difficile d’avoir quand on est dans la production » D’autre part, il me semble important d’appuyer sur un autre aspect qui pourrait expliquer aussi cette division. La Direction d’Exécutions des Travaux nécessite un certain type de personnalité et de caractères. Suivre un chantier, et tout ce qui en découle, (les délais, les coûts, la qualité de l’ouvrage, les entreprises…) n’est pas une mince affaire et n’importe qui ne peut pas se prétendre maître d’œuvre d’exécution. Au delà de la pratique et de l’expérience, un tempérament adapté et une capacité de gestion des hommes est plus que nécessaire. Au cours des diverses réunions de chantier auxquelles j’ai participé, j’ai vraiment réalisé à quel point cet aspect était primordial. Candice confirme mes propos : « Au-delà des compétences techniques, un tempérament bien particulier est nécessaire pour le suivi de chantier ». Cette division entre ces deux pôles, est donc à la fois le fruit d’une volonté de productivité, d’une manière d’attirer des maîtres d’ouvrage soucieux d’un suivi architectural rigoureux, et d’une volonté de rendre experts des architectes dans un souci d’une production architecturale qualitative. On peut alors se demander si nous

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15.46 MONTÉLIMAR-LE RELAIS DE L’EMPEREUR

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ne parlons pas de deux métiers différents. A cela Gonzalo Gretter nous répond : « Selon moi, nous parlons de deux métiers différents et c’est dans l’intérêt de la qualité architecturale que ce soit ainsi. Le métier de maître d’exécution prend toujours le dessus dans l’activité de l’architecte, l’éloignant de la théorie, l’expérimentation ou le simple amusement intellectuel, nécessaire à la production d’un objet de culture. » Cette séparation en deux pôles vise une qualité de l’ouvrage mais on peut se demander si elle ne possède pas des limites car qui est mieux placé que le concepteur d’un projet pour en suivre l’exécution et le chantier ? PARTAGE DES CONNAISSANCES La deuxième division est celle qui réside au sein même du pôle conception, celui-ci est subdivisé en six pôles. Ces pôles sont relatifs aux différents types de programme qui existent aujourd’hui. Emmanuel Dujardin a donc fait le choix d’une structuration en pôle thématique. Lorsque que je travaillais sur le projet de MONTÉLIMAR expliqué plus haut, c’est de ce cercle vertueux de la connaissance dont il était question. Il fait donc appel à deux pôles, ERP et logement. Les normes (PMR, Incendies) m’étaient assez étrangères. Mais il existe à l’agence des personnes qui tous les jours travaillent sur ces sujets. Il m’a donc suffi de demander aux différentes personnes de ce pôle, des ouvrages et des explications. Rapidement j’ai récupéré les informations dont j’avais besoin, sans perdre un temps considérable à chercher sur la toile ou dans la bibliothèque de l’agence. Par ailleurs, échanger avec un architecte qui a l’habitude de dessiner des ERP, te permet de comprendre les enjeux de ce type de programme et de hiérarchiser les besoins. Ce partage de connaissance a été possible car il s’agissait d’un programme mixte. Ce flux de savoir est primordial dans l’idée d’une transmission de savoirs et d’un enrichissement personnel. Il me semble donc pertinent de favoriser ces programmes faisant appellent à diverses compétences et donc divers individus. Au même titre, les réunions « archi » du lundi sont véritablement les seuls moments d’échanges inter-pôles. Orchestrées par d’Olivier Bocquet, agitateur architectural, ces réunions sont l’occasion de débattre des concepts, et de l’évolution des différents projets de l’agence. Lorsqu’un projet est en cours de conception, il passe en « réunion archi » avec ses auteurs et protagonistes. Ces réunions sont primordiales car elles nous incitent à réfléchir ensemble sur un sujet commun : le projet. Le but étant

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16.14 CLOT BEY

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de se mettre d’accord sur un concept et d’avancer par la suite ensemble. Car c’est ici que se dessinent les grandes lignes des projets. C’est pourquoi les différents acteurs du projet se doivent d’y participer pour en connaître la teneur mais surtout pour argumenter, faire en sorte que le projet soit plus qualitatif. On parle donc encore une fois d’alliance de compétences, ou de connaissances regroupées dans le but d’atteindre une qualité architecturale commune. La particularité du concours CLOT BEY est entre autre, la collaboration avec l’agence italienne, 5+1AA. Cette agence a notamment réhabilitée les Docks de Marseille. Le programme du concours étant d’envergure, cette collaboration n’a été que bénéfique pour le projet. Les réunions d’équipe formées du maitre d’ouvrage (COFFIM), d’Eiffage, de l’agence 5+1AA et chez Tangram, d’E.Dujardin, d’O.Bocquet, d’un paysagiste, d’Hervé Leroy, d’A.Kegkian, et moi étaient alors l’occasion de mettre en place les grands principes. A l’agence, les compétences réunies étaient donc celles du pôle logement, du pôle paysage et du pôle R&D. Ces réunions étaient quasiment le seul moment d’interaction avec l’agence italienne, ce qui parait logique mais aussi entre nous, ce qui est plus problématique. Ce projet de logement était avant tout un projet de paysage, il était donc primordial que les paysagistes soient présents et actifs tout au long de la conception et ce depuis le début. C’est ce que nous dit A.Farel à propos des BET mais son propos peut aussi être applicable aux divers domaines que l’architecture englobe et se faisant, à une agence d’architecture telle que Tangram. « Enfin, à défaut de maîtriser lui-même parfaitement tous ces savoirs et savoir-faire, l’architecte doit pouvoir coordonner les interventions des spécialistes des différentes disciplines qui œuvrent avec lui, écrire sa partition en tenant compte des spécificités des multiples instruments, en les faisant concourir à bon escient au succès du projet. Et donc une connaissance appropriée de ces domaines apparaît comme nécessaire.1 » Cette pratique du concours telle qu’elle a été traduit ces intentions. C’est en partageant nos multiples connaissances propres à chacun et à chaque pôle que le projet final était de qualité. J’ai eu la chance de participer à toutes ces réunions formelles et parfois informelles. Après l’une de ces réunions, nous étions un peu coincés dans le processus de conception. Ne sachant pas comment traduire nos intentions sur le dessin. Alexandre, mon chef de projet et moi-même sommes montés échanger avec les paysagistes travaillant sur le même dossier. C. G, chef de pôle urbanisme, nous entendait échanger et débattre. Il prit donc part au débat, alors que ce projet ne le concernait pas de près. Après quelques heures de débat, et d’échange, 1 Farel Alain, Le métier à tisser de l’architecte contemporain. Communications, 2008, p114, 115

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il nous aida à trouver un moyen de traduire nos intentions et surtout de les défendre. Je garde en mémoire cette anecdote qui reflète la porosité des domaines de compétences et leurs proximités. C’est pour moi l’un des grands avantages de cette agence, l’échange inter-discipline et la proximité physique la permettant. De la même manière, lors du rendu concours, nous devions fournir des plans de détails des cellules types. Le pôle architecture d’intérieur, en produit quotidiennement. Ces plans sont de qualités car ils y ajoutent des textures, des ombres (…). A l’aide d’une architecte de ce pôle, je réalisais les plans demandés mais avec des méthodes et des techniques que je ne connaissais pas. Encore une fois, j’appris grâce aux compétences et pratiques d’autres pôles. C’est en ça que la présence des pôles est pertinente. DIVISION DU TRAVAIL Ce partage des connaissances fait appel aussi à une autre donnée qui est celle de la division du travail en fonction des compétences de chacun. Au cours de ces réunions nous divisions le travail entre experts. De fait les paysagistes s’occupaient du parc et Tangram et 5+1AA des masses bâties. Ce qui est intéressant ici, c’est l’intelligence dans la manière dont le travail était réparti. En fonction des qualifications de chaque agence, pour le rendu final, nous avons divisé le travail, toujours dans le but d’être le plus efficace et productif possible. C’est pourquoi 5+1AA qui a davantage l’habitude de répondre à des concours et donc possède des méthodes, s’est occupé du rendu graphique de la plupart des documents. Quant à nous, nous étions davantage dans la réflexion et la production de plans, et de cellule type. En effet, Tangram est doté d’experts (en l’occurrence il s’agit d’A.Kekgian) dans la conception de plan de logement, ces derniers pratiquent ça quotidiennement au sein du pôle logement. Nous échangions constamment par mail ou Skype pour observer l’état d’avancement. Entre Alexandre et moi, la division du travail était elle aussi stratégique. Je m’occupais davantage des principes, intentions de façade, concept général, PV de réunions, calcul de SDP, échange avec le maitre d’ouvrage et les BET. Ces différents documents étaient validés par le chef de pôle et présentés pendant les réunions du lundi. Alexandre quant à lui, s’attelait à des tâches telles que la répartition des logements en fonction des volontés du maitre d’ouvrage, calcul de SDP, cohérence d’ensemble, et surtout participait à la conception avec moi. C’est notamment au cours de ce concours que je réalisai ce qu’était le monde de la promotion immobilière, et ses attentes. Bien qu’en phase concours, nous devions constamment fournir des tableaux de surface au maître d’ouvrage et adapter les plans pour obtenir un maximum de SDP alors que le projet en pâtissait.

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Il est important de montrer que ce principe de pôle est attractif et séduisant pour des clients ou des potentiels financeurs. Oliviers Bocquet vient d’obtenir un label et de ce fait des subventions de l’état après avoir soumis son projet de bioluminescence adaptée à l’architecture. Il y a donc la un vrai potentiel d’attractivité dû à la multiplication des compétences et des acteurs, permettant à l’agence d’être sans arrêt active et reconnue. Cette agence est donc un vivier de connaissances qui attire les maîtrises d’ouvrage soucieuses d’avoir à faire à des experts de la phase conception à la phase exécution. Au vue de mon expérience au sein de l’agence et des questionnaires, il semblerait que cette division en pôle ne soit pas toujours optimale et que certains projets en pâtissent. Nous allons tenter d’en comprendre les raisons et l’impact sur les liens qui en résultent. 2.

CONSÉQUENCES ET LIMITES DE CE CHOIX ORGANISATIONNEL

Cette spécialisation ou encore division en pôle est à l’origine de certains dysfonctionnements dont pâtissent les projets et les échanges entre professionnels. E.Dujardin nous donne les raisons d’une telle séparation : « la mission DET est difficile à avoir, pour rassurer le maître d’ouvrage, ce pôle d’expert est nécessaire voire indispensable. On ne peut pas laisser des architectes plus ou moins compétents et expérimentés récupérer des dossiers lourds et complexes. Mais le but du binôme entre maître d’œuvre d’exécution et maître d’œuvre de conception est dans le partage des connaissances. Le but étant à terme de placer deux architectes sur le chantier pour que l’un forme l’autre et qu’il puisse suivre un chantier seul. » Au vu des conséquences évoquées par la suite, on peut se demander si cette scission n’est pas trop rigide, et si une amélioration de la communication et des rapports n’est pas à envisager. Pour d’une part l’épanouissement de l’architecte, le partage des connaissances, la qualité de l’ouvrage et enfin la satisfaction et la fidélisation du maître d’ouvrage. Qu’en est-il si la conformité et la réalisation sont déléguées à d’autres ? Quelles en sont les conséquences pour le projet et dans la pratique de la maîtrise d’œuvre ?

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PERTE D’INFORMATION « La division des tâches dans une conception intégrale porte atteinte à la compréhension du projet par chacun, et à la cohérence des intentions. » (Extrait d’entretien, Gonzalo Gretter). La première conséquence négative de ce type d’organisation est avant tout la perte d’information, notamment entre le pôle conception et le pôle exécution. La transmission se passe après un audit du projet d’une heure ou deux. Gonzalo, chef de projet de la Savine nous explique : « Le chef de projet transmet à la personne qui va faire le projet une narration des intentions, des choix, des idées qui ont guidé la conception au moment de lui transmettre le dossier. Il y a aussi une lecture ensemble, en parcourant les documents avec le signalement des points singuliers ou qui nécessitent une attention particulière. » Après, c’est au maître d’œuvre d’exécution de se débrouiller et d’en comprendre les subtilités. Candice C se confie à ce propos : « il me semblerait naturel et bénéfique pour le projet d’en prendre connaissance dès la phase DCE, mais les choses évoluant assez vite et le manque de temps ne nous le permettent que très rarement. » C’est aussi ce que préconise E.Dujardin : « En ce qui concerne la fracture qui existe entre ces deux pôles, celle-ci tend à disparaître. Un vrai audit des projets est en train de se mettre en place et ce des le DCE, pour que le maître d’œuvre d’exécution ait dès cette phase le sujet dans la tête. Des réunions de transfert de dossier seront aussi programmées en amont. » PERTE DE TEMPS Cette scission est donc à l’origine de situations assez extraordinaires propre à une perte de temps considérable. Lorsque je travaillais sur le projet de LA SAVINE, je me suis retrouvée dans une position fortement désagréable. Participant aux réunions de chantier et étant en charge de réajuster les documents graphiques suites aux modifications des entreprises, je suivais les instructions du maître d’œuvre d’exécution. Cela étant, les modifications portant atteintes à l’esthétique du bâtiment devaient être visées par le maître d’œuvre de conception. Ces allers-retours constants entre les deux sont à l’origine d’une perte de temps phénoménale et de conflits entre les deux architectes. L’un considérait que le travail relevait du maître d’œuvre d’exécution et inversement. Cette situation est aussi le reflet d’un désintéressement pour la phase DET de la part des architectes de conception qui considèrent que leur mission est terminée. Alors que la DET à l’agence est avant tout le fruit d’un binôme.

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10.49 CHÂTEAU NEUF LE ROUGE

RÉUNION DE CHANTIER

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« L’architecte a donc une double mission, il doit assurer la conception de l’œuvre mais aussi, dans un second temps, en contrôler la conformité de la réalisation. »1 Le projet de CHÂTEAU NEUF LE ROUGE, est l’exemple parfait, reflet d’un dysfonctionnement. Eric Leborne, maître d’œuvre d’exécution sur le projet nous raconte comment s’est déroulée la passation de projet : « Malheureusement il n’y en a pas vraiment eu. En tous les cas, elle ne s’est pas faite de manière formelle… Ce qui est très problématique car je ne maîtrisais que très peu le sujet. Qui plus est, il y avait des erreurs sur les plans archi, que je ne pouvais absolument pas déceler. Ces erreurs ont donc été reproduites sur les plans EXE et donc réalisées. » Marie Rosane, la chef de projet en charge du suivi architectural, nous donne son avis : « Pour moi cette passation a été des plus catastrophiques, c’était un concours de circonstances. J’ai dû m’absenter deux mois et personne n’était vraiment au fait sur ce projet. Eric, était plus ou moins livré à lui-même pendant ce début de chantier. Cet exemple montre bien la pertinence du suivi architectural et je dirai plutôt la nécessité de l’échange entre les deux architectes pour mener à bien le chantier. » Ces fameuses erreurs lors de la conception sont celles que j’ai dû reprendre lors de ma participation à ce projet. Il s’agissait entre autres de reprendre des trémies et certains dessins d’escaliers. Ceuxci avaient été visés alors qu’ils étaient faux. Une fois réalisé, Eric prit conscience des erreurs et de modifications à apporter. Ces modifications sont donc à l’origine de frais supplémentaires, d’un maître d’ouvrage mécontent du travail fourni et de temps gâché. Le maître de l’ouvrage a choisi Tangram architecte pour ce projet, notamment car il savait que l’ensemble des compétences propre à un architecte étaient réunis au sein de la même agence. Mais celui-ci ne pensait pas avoir à faire à deux interlocuteurs différents entre les phases relatives à la conception et à l’exécution. Cela a fait l’objet de discorde et de malentendus. Cette division déconnecte le maitre d’œuvre d’exécution, qui n’est alors seulement garant des délais, des couts et de la qualité des chantiers. Mais au vu de ces situations, la qualité du chantier peut être remise en cause. A ce propos Eric Leborne se livre : « la perte d’information est indéniable et l’absence d’une vraie réunion de passation est néfaste à la bonne réalisation du bâtiment. Certains détails ont été « loupés » et nécessitent aujourd’hui des reprises couteuses que personnes ne veut payer.» Cette volonté de séparation entre suivi de chantier et suivi architectural est l’œuvre d’une décomposition des tâches. Permettant donc à l’un d’être davantage technique et à l’autre d’être garant d’une cohérence d’ensemble et 1 Le livre blanc des Architectes op. cit. p9

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d’esthétisme. Mais les deux étant largement liés, cette séparation me parait assez absurde et comme on a pu le constater est à l’origine de malfaçons. Voila ce que nous dit un architecte en charge du chantier de Château Neuf le Rouge : « il manque un lien transversal. A mon avis, le pôle chantier n’est pas assez sollicité pour les retours d’expérience et figer certains détails de conception/en conception. La division en pôle a du bon car elle spécialise. Mais il devient inefficace quand le manque d’échanges transversaux se fait ressentir. » Il est donc encore une fois question d’un manque de lien et de communication entre les deux pôles. «L’acte de bâtir ne peut pas être détaché de l’acte de construire, la véritable maîtrise d’œuvre ne sépare pas conception et réalisation1. » De plus, la personne ayant le suivi architectural est limitée quant aux visites de chantier. La politique de l’agence en autorise seulement une par mois. Davantage est considéré comme une perte de temps et donc d’argent. Mariro nous le confirme : « Les devoirs d’un architecte en charge du suivi architectural est d’une part d’aller régulièrement sur le chantier. L’agence préconise seulement une fois par mois. Cela me semble trop peu, il faudrait y aller toutes les deux semaines. Il faut être réactif sur le chantier. Le maître d’œuvre d’exécution n’a pas tout le projet en tête, certains détails lui échappent inévitablement. Car lui est complètement déconnecté de la phase conception. Notre rôle est de lui indiquer les erreurs, les manquements qui sont choses classiques sur un chantier. » D’autre part, dans une suite logique d’apprentissage et de pratique de l’architecture, une personne ayant conçu un ouvrage est plus à même de le défendre et de l’argumenter face à des entreprises qui parfois cherchent des solutions de facilité et de rapidité pouvant altérer le bâtiment. Comme le dit une jeune architecte de l’agence : « Cela est évidement bien plus intéressant d’être à la fois le concepteur et de suivre le chantier. Ta connaissance du projet te permet d’aller beaucoup plus vite. Mais au sein d’agence comme celle-ci c’est de rentabilité dont il est question. » Etre à la fois le concepteur et le chef du suivi de chantier te permet de prendre du recul sur tes dessins de comprendre tes erreurs. La conception est toujours dotée d’erreur, qu’il faut ajuster, modifier lors de la DET, mais si la personne en charge de la conception n’est pas présente car il s’agit souvent d’aspect technique, le retour sur expérience n’existe pas et cette personne refera alors la même erreur. Encore une fois, cette jeune architecte qui a eu la chance de suivre le chantier du bâtiment qu’elle avait conçu se confie : « C’est un seul métier. C’est très beau de voir ton premier dessin réalisé en vrai. (Gloire de l’architecte, fierté, but de notre métier). Si le projet est scindé en deux, tu n’as plus cette finalité. Le chantier te permet d’apprendre, et d’utiliser ces nouvelles connaissances pour des 1 Le livre blanc des architectes, op. cit. p9

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phases antérieures. C’est une boucle, une vraie continuité. » Il s’agit là d’un cercle vertueux de la connaissance et de l’expérience, qui est rompu dès lors que la pratique du métier est divisée en deux. Car savoir dessiner un détail de menuiserie est une chose, mais échanger avec les entreprises sur sa mise en œuvre, sa pérennité en est une autre, qui permet de prendre du recul et d’être le plus performant possible visant à la qualité du projet. A ce sujet, un architecte expérimenté de l’agence étant aujourd’hui rattaché au pôle MOEX se livre : « il faudrait changer de schéma : garder les pôles par rapport aux types de programme et rattacher le pôle MOEX à chacun des pôles. Car l’architecte maîtrise, se spécialise quant à un programme et devient dès lors plus expert. Il faudrait que les architectes qui suivront à terme les chantiers, participent. C’est une boucle où les différents participants, quelques soient les phases auxquelles ils participent, soient intégrés dès le début, pour qu’il y ait un véritable échange propice à une conception raisonnée et une réalisation logique. » A titre d’exemple contraire, le chantier de la FRICHE ROUSSELOT sur lequel j’ai travaillé s’est déroulé d’une tout autre manière. Le maître d’œuvre d’exécution a exigé pour ce chantier être suivi complètement par la personne l’ayant conçu. « Pour Rousselot, cela a été différent, car j’ai exigé que la personne qui avait conçu le projet suive le chantier avec moi. Elle avait la mémoire du projet. Pour une opération de telle ampleur, une réelle scission aurait été catastrophique en termes d’efficacité. J’aurai perdu beaucoup trop de temps à déchiffrer et à comprendre certains choix ». Lorsque l’on dessine un projet, certaines décisions sont prises après multiples essais et changements, devoir les expliquer à quelqu’un est une perte de temps considérable. Il est donc plus logique que cette personne soit présente au sein même de l’équipe de maîtrise d’œuvre d’éxé. Le maître d’œuvre en charge du chantier précise : « Elle m’assistait quotidiennement, nous pouvions échanger quant aux différents problèmes. Nous cherchions des solutions ensemble sur des problématique de conception. Elle apportait sa connaissance et la mémoire du projet et moi mon expérience de maître d’œuvre d’éxé. Dans ce cas là, la division des tâches et des rôles a du sens. Cette double expérience nous permettait d’être rapides et efficaces ». Ici il ne s’agit donc pas d’un simple suivi architectural mais d’une participation nécessitant une présence quotidienne à la fois au sein du pôle chantier mais aussi à toutes les réunions de chantier. Cette organisation reflète d’une pratique intelligente et formatrice. En effet, le maître d’œuvre de conception de ce projet, n’avait auparavant jamais eu la charge de la DET, après avoir suivi pendant plus de deux ans ce chantier sous la tutelle du maître d’œuvre d’éxé, elle est, dès lors en capacité de suivre un chantier seule. La division des compétences à donc du sens quand celles-ci se partagent et permettent à

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d’autres de se former pour être encore davantage polyvalent. POLYVALENCES ET ASCENSION HIÉRARCHIQUE Cette division en pôle est aussi un grand frein à la polyvalence et à l’ascension hiérarchique. Il n’existe pas de moyen de gravir les échelons. En effet, chaque salarié est chef de son projet, et au-dessus de lui il y a les chefs de pôle. A moins de prendre leur place, il n’y a pas d’évolution possible. D’autre part, ce cloisonnement peut s’avérer néfaste pour une probable recherche d’emploi. Neila se confie : « Mais je trouve cela dommage que l’on sectorise les compétences de chacun. Quand tu arrives à l’agence, on cherche à développer des compétences que tu as déjà. On t’embauche pour une pratique précise. Que va-t-il se passer si je quitte l’agence ? Je serai obligée de chercher une agence qui pratique le logement car c’est mon domaine depuis que je travaille ici, je ne peux pas prétendre à autre chose. L’expérience du concours a montré mes lacunes dans ce domaine. Et cela s’est retourné contre moi alors que l’on était tous coupable de la situation. » On peut alors se demander quelles sont les perspectives d’évolution pour les architectes de cette structure ? Cela étant, il existe une possibilité de changer de pôle. Par cela j’entends, un changement de pôle est envisageable, mais cela te permet de changer de type de connaissance mais pas de statut. Il me semble que d’être affilié au même programme voire à la même phase pendant X années peut s’avérer vite soporifique et répétitif même si cela te rend plus expert dans un domaine précis. En ce qui concerne ma future carrière je trouve cela très réducteur de savoir pratiquer seulement un type de programme. Il est important d’avoir une vision globale pour ensuite s’en servir et la revendiquer. La diversité de la pratique engendre une diversité des connaissances et références, permettant d’alimenter chaque projet quelque soit le type de programme. L’expérience du concours citée par Neila est assez révélatrice. Elle dénote du caractère très monophase de l’agence. Tout d’abord, elle met en avant le réel manque d’un pôle concours au sein de l’agence et de ce fait de personnes ayant connaissances des méthodes adaptées à cette pratique. Neila s’est vu confiée un concours de logement. Celle-ci s’est retrouvée désemparée car elle n’avait jamais ou presque pratiqué ce type de procédure. Ce qui leur a coûté la perte du concours pour des erreurs de compréhension de textes réglementaires. De la même manière, lors du concours CLOT BEY, je me suis aussi retrouvée dans cette situation. Mon chef de projet, n’avait pas non plus l’expérience du concours. A plusieurs reprises, nous avons perdu beaucoup de temps, ne sachant pas comment organiser notre temps

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et hiérarchiser les problématiques en fonction des échéances. Ce savoir se travaille en le pratiquant. Mais encore une fois, c’est un travail d’équipe, où chacun participe et entraînent les autres en fonction de leur niveau de pratique. Ici il ne s’agit pas de connaissance mais seulement de méthode. L’expérience sur le projet PONT DE VIVAUX à été révélatrice d’une organisation douteuse, représentative d’un travail à la chaîne propre au Taylorisme. Il est donc question de la division du travail et des tâches. Pour ce projet, j’avais deux interlocuteurs. A cela s’ajoute une autre jeune architecte en charge des élévations. Le chef de projet, donneur d’ordre, était en charge de la cohérence globale des documents graphiques en vue de la finalisation du DCE. Mais cette répartition des tâches était tellement divisée que cela nous faisait perdre à tous beaucoup plus de temps, laissant place à des incohérences entre les différents documents graphiques (plans, coupes, élévations) supposés être travaillés et corrigés ensemble. A titre d’exemple, lorsque je changeai de position ou le type d’ouverture sur un plan, je devais faire des nuages sur ce fameux plan, et ensuite le notifier pour que la personne en charge des élévations soit en mesure de les adapter. Et inversement entre les élévations et les coupes. A force de diviser le travail entre différents architectes, personne ne s’y retrouvait et des erreurs apparaissaient. De sorte que quelqu’un a dû vérifier et reprendre tout le travail pour uniformiser les documents à rendre aux entreprises. Cette situation assez grotesque fut la cause d’un grand nombre de discorde entre le chef de projet et nous. Cette division est à l’origine d’un réel ennui de ma part, d’une motivation minimale et surtout d’une pratique de l’architecture assez rébarbative et dénuée d’intérêt. La hiérarchie était telle sur ce projet que le moindre contact avec la maîtrise d’ouvrage ou les BET était impossible. J’ai dû me battre pour assister à une réunion avec tous les intervenants et celle-ci s’est avérée très enrichissante, évidemment. En effet, pratiquer la même tâche pendant plus de trois mois, sans pouvoir au moins, uniformiser les différents documents est dénué d’enjeux et donc d’envie. Ainsi, la division du travail au sein du même pôle peut s’avérer problématique, mais ce n’est malheureusement pas l’unique. Celle qui existe entre le pôle paysage et le pôle logement est aussi à l’origine de perte de temps et de discorde. Neila se confie : « il y a eu un manque patent de mise au point en interne, engendrant une perte de temps considérable. C’est le manque de communication et d’échange qui est la base de cette perte de temps. En trois mois d’étude, nous nous sommes réunis seulement 4 fois… Ce manque d’échange entraîne donc une perte de temps, car il faut sans arrêt reprendre les erreurs ou adapter les documents graphiques en fonction des modifications tardives des uns et des autres. De plus la question de responsabilité se

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pose souvent : qui doit reprendre l’erreur ? Savoir à quel pôle cela incombe ? Chacun se rejette la faute… » Enfin, cette séparation est à aussi à l’origine d’une question relativement importante, qui est celle de la griffe architecturale. Cette notion est primordiale, elle permet aux potentiels clients de reconnaître un type d’architecture et de le différencier d’un autre. Sans vouloir être unique et prétendre constamment à l’innovation, il me parait essentiel pour une agence d’architecture d’être reconnue pour la particularité de ses ouvrages. Bien qu’E.Dujardin revendique ce rôle : « Mon rôle est d’assurer une cohérence d’ensemble, les productions de l’agence doivent avoir un lien, je me charge de leur unité. »Ce sont les chefs de pôle qui impulsent les concepts et les grandes intentions. Ces chefs de pôle travaillent directement avec leur équipes et les échanges ne sont que très rares. Mise à part le pôle architecture d’intérieur qui est garant de projets reconnus et emblématiques à Marseille, les autres productions de l’agence peinent à trouver une écriture commune ou griffe particulière. Le pôle logement en souffre en premier, étant le pôle le plus lucratif et donc celui qui produit le plus. Cela étant, cette tendance est en train de changer. Tangram 2.0 clame une architecture davantage commune emprunte du climat, des traditions et des usages propres à la région méditerranéenne. C’est donc davantage d’une écriture propre à des pratiques dont il sera question plutôt que d’une écriture architecturale en tant que telle. On peut se demander si cette spécialisation, au-delà d’un choix stratégique, n’est pas aussi le fruit d’une complexification des projets et de la multiplication des acteurs.« Il devient très difficile, au vu de la complexification des projets, de faire à la fois de la conception et de l’exécution. Cela nécessite un savoir assez pointu. » (extrait entretien Candice) La complexification tend à la sectorisation et donc inévitablement à l’augmentation de potentiel d’action et donc du nombre.

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C// CROÎTRE OU PÉRIR ?

QUESTIONNEMENTS RELATIFS TAILLE DE LA STRUCTURE

À

LA

// ORIENTATION ET PROJET FUTUR


Alors que 70% de la profession exerce seule ou avec seulement un salarié, on peut se demander pourquoi faudrait-il croître ? La taille est-elle une condition à la survie et à la pérennité des agences d’architecture ? La croissance en taille est-elle une évolution inévitable de la profession et celle-ci est elle une composante de la qualité architecturale d’un projet ? C’est ce que nous allons tenter d’argumenter durant cette dernière partie. 1.

MUTATIONS DE LA PROFESSION

« Les fluctuations économiques qui ont touché la profession des architectes, alors même qu’elle était caractérisée par une très forte augmentation de ses effectifs, ont entraîné des mutations dans l’organisation de la profession et dans ses modalités d’exercice. » 1. Comme le justifie cet extrait issu d’une étude : Métier de l’architecture et du cadre de vie émanant du Sénat, notre profession subit des changements. L’ordre des architectes produit des enquêtes sur le devenir de notre métier. « Nous constatons que la profession exprime clairement, à travers ces réponses, sa croyance dans la nécessité de profonds changements, tant dans les formes juridiques et la taille des agences, que dans les compétences réunies pour faire face aux évolutions de la société tout en restant des généralistes de l’acte de bâtir. Les architectes français sont conscients des mutations à accomplir, et savent que le changement ne se fera pas sans de réels efforts puisque 65 % d’entre nous affirment qu’ils pourront s’adapter, mais à condition d’opérer des changements importants ou radicaux »2 Propos recueillis grâce à des enquêtes de l’ordre sur l’avenir des architectes d’ici à 2030 . Cet extrait confirme l’étude du Sénat. Nous pouvons alors nous demander de quels changements s’agit-il et comment les agences d’architecture s’y sont adaptées ? RARÉFACTION DE LA COMMANDE ET COMPLEXIFICATION Aujourd’hui, l’une des difficultés pour les agences d’architecture est l’accès au concours publics. Avec la raréfaction de la commande publique, l’accès à cette commande devient de plus en plus compliqué. Cette difficulté s’avère d’autant plus importante pour les petites agences. Or, cette voie, est l’une des plus noble pour accéder à la commande. « Pour le moindre concours, ce sont désormais plus de 200 1 Site officiel du Sénat 2 ROUANET François, Les architectes et l’évolution du métier d’ici à 2030, Les cahiers de la professions » n°47, 2ème trimestre 2013, PP9-10.

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agences qui postulent. Les petites qui tentent de survivre, et les grandes confrontées à la nécessité de trouver des chantiers pour conserver leurs salariés et leur outil de travail. Un mécanisme qui risque d’amplifier la concentration » olivier namias// les echos. Les agences d’architecture doivent s’adapter à l’évolution de la commande publique. Celle-ci devient plus concurrentielle et plus complexe dans ces procédures. Face à ce nombre croissant, les petites agences n’ont que très peu de chance, et les concours sont pour la plupart remportés par des agences de grandes ou moyennes tailles, quelle que soit l’enveloppe budgétaire du projet. Les agences de petites tailles se font donc dépassées par les autres, de ce fait, l’accès à la commande publique pour celle-ci devient de plus en plus compliqué. A cela s’ajoute, une particularité primordiale à évoquer. Le métier tend à se complexifier et le nombre d’acteur à se multiplier. La taille singularise, permet d’intégrer des compétences, d’être plus solide en termes de savoir-faire et de mieux nous organiser face à la complexité du métier aujourd’hui. Les réglementations évoluent et les procédures deviennent plus complexes faisant peser de nouvelles contraintes pour l’aboutissement des projets. « il y a 15 ans, on posait 10 permis, on avait deux mois après les permis acceptés. Maintenant il n’y a pas un permis que l’on pose sans qu’il y ait un problème, soit de recours, soit parce qu’il manque une virgule dans une pièce administrative » (extrait d’entretien). « Aujourd’hui, La complexité croissante du métier d’architecte semble nous inciter à croître ». L’évolution de la profession est notamment due à la transition énergétique, aux nouvelles règles économiques, et enfin à la transition numérique. Au niveau de la pratique, la complexité s’établie surtout, aux niveaux des normes environnementale, incendie, et d’accessibilités, de l’évolution des logiciels de dessin et la pratique du BIM et enfin de la complexité des procédures avec l’apparition des PPP et des conception-constructions. La taille est un atout lors de la négociation des contrats avec les entreprises de BTP assurant le rôle de mandataire autrefois dévolu à l’architecte L’évolution de la réglementation a des effets sur l’organisation de la maîtrise d’œuvre. Le travail en équipe devient nécessaire, au sein de l’agence et avec des partenaires extérieurs, accentuant la nécessité de gestion d’équipe de projet. Cela implique que l’équipe d’architecte ait cette compétence. Là encore, l’architecte seul ne peut pas l’avoir seul. La complexité de la demande et de la réglementation sur les métiers de la maîtrise d’œuvre font émerger d’autres métiers depuis ces trente dernières années : tels que SPS, OPC, bureau de contrôle, scénographe, architectes d’intérieur (…) il n’est pas question de nouvelles activités mais seulement d’un découpage différent. Ces différentes spécialisations se traduisent par un émiettement des compétences et la création d’équipe de maîtrise d’œuvre de plus

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en plus complexe et de plus en plus difficile à gérer. La crise est aussi celle du rôle de l’architecte. Le praticien de demain devra être formé aux technologies informatiques et environnementales, s’investir davantage dans l’urbanisme et la réhabilitation, se diversifier, s’exporter… Il est urgent de s’adapter. STRATÉGIES ENVISAGÉES Pour ce faire, elles ont recours à plusieurs solutions. Ces solutions engendrent inévitablement un accroissement de la structure. Pour rester solide sur le marché et faire concurrence aux entreprises de BTP, elles diversifient leurs compétences. Tangram architectes, est alors très représentatif de ce type de structure. Pour garder le cap, les agences d’architecture, se diversifient et ouvrent des pôles urbanisme, paysage et parfois même intègrent en leur sein des BET. Il peut aussi être question d’intégrer au sein de la structure, un OPC, un économiste, un programmiste… Ces différents corps de métier ne faisaient auparavant pas partie intégrante des structures, ils travaillaient en sous-traitance ou co-traitance. Celles-ci pouvant dès lors proposer leurs services sur différents domaines et donc différents clients. L’idée est donc de se diversifier pour être plus solide et plus attrayants. Comme disent les Anglo-saxons, « size-matters ». Une grande structure a les moyens de s’armer de compétences variées, capable de faire face aux grands groupe du BTP ou aux structures d’ingénierie, ces partenaires officiels. « notre taille et l’agrégation de tous ces talents nous permettent de garder la main sur l’ensemble des phases, alors que les maitrises d’ouvrage cherchent justement à limiter nos missions en nous excluant notamment des chantiers.1 » constate Christian Devillers. Donc croitre apparait plus comme une nécessité : nécessité de changement, tant dans la forme juridique et dans la taille que les compétences réunies pour faire face aux évolutions de la société tout en restant généraliste dans l’acte de bâtir. Ces agences sont alors plus à même d’affronter des projets complexes nécessitant des compétences diverses et pointues. « L’architecture est passionnante parce qu’elle est multidimensionnelle, convoquant impérativement des approches ou des disciplines multiples, à la fois complémentaires et contradictoires (ou opposées) dans leurs exigences. Depuis Vitruve 1 , quelle que soit la formulation choisie, venustas, commoditas et firmitas, ou forme, fonction et construction, trois approches solidaires sont à la base du travail de l’architecte. Mais aujourd’hui ce dernier ne peut pas se contenter de cela. De nombreuses autres considé- rations sont à intégrer dans sa démarche : l’approche urbaine, l’histoire et la culture de la société, la géographie, le paysage, la sociologie et une réflexion prospective sur l’évolution des modes de vie, 1

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les arts plastiques, les différentes avancées techniques à la disposition des maîtres d’œuvre, l’écologie, le droit et la réglementation, etc. – la liste n’est pas limitative et peut varier selon le contexte. Pourquoi élargir à ce point le champ de ses réflexions ? Parce que l’architecte compose (dans les deux sens du terme) avec la vie quotidienne des gens, qui aujourd’hui est dépendante d’une multitude d’éléments, à l’échelle locale comme à l’échelle mondiale.1 » « Rares sont les structures offrant simultanément les capacités techniques pour affronter la complexité des projets et les reins assez solides pour assumer une année d’études sans rémunération 2». Les agences d’architecture doivent faire face à des mois sans rémunération ou alors très faible. Pour ne pas licencier, et garder la masse salariale, il faut avoir une trésorerie qui le permet. Seules les agences de taille relativement grandes peuvent se le permettre. Les capacités techniques sont aussi largement à intégrer. A l’ère du BIM, toutes les agences doivent se former et petit à petit changer leur mode de travail. Aujourd’hui, seulement les agences d’une certaine taille peuvent se permettre de payer des formations à leurs salariés. Mais à terme, tous les intervenants du projet devront s’y mettre. 2.

LA TAILLE AU SERVICE D’UNE AMBITION ARCHITECTURALE ?

Une agence qui grossit ne risque-t-elle pas de vendre son « âme au diable » ? J’entends par là, d’accepter de la commande alimentaire pour continuer à fonctionner ? Car la masse salariale est telle, qu’il faut trouver du travail à chaque salarié. Cette situation engendre forcément une activité alimentaire permettant à l’agence de tourner même durant les moments de crise. Chez Tangram architecte, certains projets, sont connus pour avoir été des projets de nécessité et non de qualité. Ce qui est inévitable mais dommageable. D’autre part, la taille favorise les contrats précaires (auto-entrepreneurs, passerelle, CDD à objets, qui vient d’ailleurs de faire l’objet d’un vote à l’agence). En effet, notre activité est soumise au contexte. Le flux de commande étant assez aléatoire, il devient nécessaire de pouvoir se séparer rapidement et facilement des individus en fonction de la quantité de projet en cours. Ainsi, choisir de grossir, c’est aussi accepter de participer à la précarisation de notre statut, et surtout celui des jeunes architectes.

1 Farel Alain, Le métier à tisser de l’architecte contemporain, Communications, p25, 2008. 2 NAMIAS Olivier, L’agence d’architecture : Croitre ou périr ?, Les Echos, 14/03/2013, PP27-30.

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GRANDIR POUR ÊTRE PLUS LIBRE Grandir peut aussi être un choix stratégique, une envie d’accéder à des projets d’envergures. La taille répond alors à une ambition architecturale. Comme nous le rappelle Emmanuel Dujardin : « il m’est impossible d’accepter des projets de petites envergures. Ils nécessitent autant de personnes qu’un gros projet et sont plus onéreux. C’est une perte économique énorme pour l’agence, c’est pourquoi nous refusons les projets de moins de 40 logements. L’idée est donc de multiplier le nombre d’affaire tout en refusant les petites. En refusant les petites, cela fait venir les grosses. Il faut choisir des affaires adaptées à notre structure et donc image. Notre production est notre image et permet aux potentiels clients de savoir ce dont Tangram est capable en termes de taille. » L’ambition est de développer une entreprise de maitrise d’œuvre dotée de fortes compétences opérationnelles qui puisse être un interlocuteur de maîtres d’ouvrage eux-mêmes puissants. Ces structures se constituent en référence et en miroir de celles qui exercent la maîtrise d’ouvrage professionnelle ou la direction de grands projets industriels ou d’infrastructure. Les clients importants du secteur privé privilégient ce type de structure, incitant les maîtres d’œuvre qui briguent leurs commandes à développer ce profil. La taille singularise et permet de rassurer les maîtres d’ouvrage qui peuvent être plus confiants dans le suivi de projets s’étirant parfois sur plusieurs années. Le but des grandes agences est donc d’accéder à de gros projets, c’est une volonté intrinsèque. Les gros projets sont souvent emblématiques et une image de vente pour l’agence. La grande agence donne un confort de travail et autorise une certaine prise de risque hors de portée des petites structures : le développement à l’export, voire bureaux d’étude liés à l’agence. Il est donc question de croissance encore et toujours. La volonté de croître répond aux problématiques de la profession évoquées plus haut mais est aussi une volonté personnelle, une vision de l’agence d’architecture et de la société en générale. CROISSANCE ET QUALITÉ ARCHITECTURALE On peut alors se demander si croître est synonyme de qualité architecturale ? Souvent, les responsables de grandes agences d’architecture sont catalogués d’affairistes au profit de petites agences, elles relevant plus de l’artisanat. Cette dualité entre entreprise d’architecture et architecte artisan/artiste est une réelle question dans le choix de la pratique de la maitrise d’œuvre. Bien qu’elle soit un peu clichée, elle entraine une pratique relativement différente. Mais finalement cette différence s’opère sur la taille des projets et non sur la qualité architecturale. Comme nous le rappelle Christophe Flachaire : « une grande agence peut pratiquer l’architecture de manière artisanale, comme certaines petites, cela doit seulement être un choix ».

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Ce questionnement renvoie à la logique qui existe entre faires des affaires et faire des œuvres. Cependant, il est vrai, que les grands projets de logements par exemple, sont difficilement appropriables de par leur taille. La recherche du détail et d’usages différents au sein d’un grand ensemble de logements peut s’avérer plus complexe. Christian Devillers se livre à se sujet : « L’architecture française est fortement marquée par une empreinte artisanale, on peut se demander si ce modèle est toujours adapté au monde d’aujourd’hui. 1» Grandir pour être plus libre, la croissance ne saurait se résumer à un changement de taille, elle correspond à un véritable changement de paradigme. Elle s’accompagne d’une nouvelle organisation et de la mise en place d’outils plus efficaces pour la gestion des projets comme pour celle de l’agence. Le fait de travailler dans une grosse agence permet aux architectes de se concentrer seulement sur cette tâche. Le temps de l’architecte n’est pas imputé par l’obligation de gérer administrativement la structure. Ce qui est souvent le cas dans les agences de petites tailles. La réponse au téléphone, les échanges de mails, l’établissement de notes d’honoraires, le temps passé à la rédaction des dossiers de publication, ou encore l’établissement des dossiers de candidatures; sont autant de tâches inhérentes au métier d’architecte. Lorsque l’équipe de l’agence ne comprend pas de poste de secrétariat, ou d’assistant de direction, toutes les tâches administratives sont relayées au quotidien de l’architecte qui doit composer avec ces dernières pour répartir le temps de travail. Finalement, en comparant le temps passé à effectuer ces tâches (y compris le calcul des révisions, suivi des facturations des honoraires…etc.), au temps de travail effectif sur un projet, il apparaît clairement que le temps attribué à la gestion de la structure est considérable. L’absence d’un tel poste dans cette agence est un manque à gagner sur l’efficacité des architectes dans leur travail quotidien. « Une grande agence peut assumer le recours à de précieuses « fonctions supports « n’exerçant pas de travaux d’architectes : responsable informatique, chargé de développement exerçant une veille juridique et commerciale sur le marché immobilier, ou encore chargé de communication diffusant les réalisations de l’agence auprès des maîtres d’ouvrage potentiels et les dépôts de candidatures aux concours publics. Dans les petites agences, au contraire, ces tâches incombent souvent à une seule personne. »2 Ainsi, il y a des avantages certains à la croissance d’une agence, même si finalement, la taille idéale n’existe pas mais est d’abord en fonction des commandes qu’elle souhaite traiter. La taille de l’agence n’est que le fruit d’une volonté de positionnement. Limiter la taille de sa structure relève d’un choix 1 Christian Devillers, D’ARCHITECTURE, n°205, Décembre 2011 2 NAMIAS Olivier, L’agence d’architecture : Croitre ou périr ?, Les Echos, 14/03/2013, PP27-30.

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professionnel: maitriser l’ensemble des tâches et notamment, la conception. Nombreux sont les chefs de grandes agences, se plaignant d’être happés par la course à la commande, les éloignant de la conception. C’est un point fort mis en avant par beaucoup d’entre nous, jeunes architectes. Les petites agences contribuent activement à la vitalité du secteur en employant des modes de travail spécifiques. La petite agence est souvent pour ses employés, assimilable à une lourde charge de travail, mais elle permet aussi une gestion libre du temps et un accès à son gré d’une tâche à une autre. Cette souplesse du temps de travail, qui permet de s’adapter, valorise grandement ces petites structures. Enfin, pour illustrer l’adaptabilité de leur mode de travail, si besoin il y a, ces agences peuvent associer avec des confrères. 3.

PROJET FUTUR ET POSITIONNEMENT PERSONNEL

POSITIONNEMENT PERSONNEL Cette expérience m’a permis de réaliser qu’il fallait bien se connaître pour pratiquer une architecture qui soit adaptée à ses volontés. Tangram architectes est une structure qui correspond à un certain type d’architectes et pas à d’autres. Il me semble que la voie aujourd’hui est celle de l’exploration, l’adaptation, l’expérience. La vocation de notre temps n’est pas celle de l’expert monotâche, mais celle de l’entrepreneur indépendant, bricoleur, intelligent. Celle du talent “multi-potentiel”. « Il faut se mettre dans les chaussures des gens. L’architecture est de construire des abris pour les humains. C’est tellement noble ! Si tu es constructeur, cela ne t’interdit pas d’être poète. Mais su tu n’es pas constructeur, tu n’es pas architecte. C’est un art appliqué. Un art de frontière, qui déborde tout le temps. Vers la société, le militantisme, la curiosité, l’humanisme… vers la science, la technologie, la passion… Ce n’est pas un art pur, ce qui lui confère sa force. Si l’architecture ne déborde pas, elle tombe dans l’académisme. A moins d’être un con, tu ne peux pas faire de l’architecture coupée de la société.»1 C’est pourquoi la grande première séparation qui existe entre la conception et l’exécution est pour moi un non sens. Elle éloigne l’architecte de sa fonction principale, la construction. Et surtout, elle rompt le cercle vertueux de la connaissance et de l’expérience. Cette division entraîne peut-être une certaine rentabilité, mais à quel prix ? Cette structuration interne n’est pas forcément assimilable aux grandes agences. Nombre d’entre elles gardent le même chef de projet pour le suivre de 1 Harry Bellet, Le Monde culture et idées, Renzo Piano, poète civil, le 17/02/2012

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l’esquisse à la réception de l’ouvrage. Et ce dans une logique de cohérence et de rapidité de compréhension. Cela n’exclut pas de déléguer et de s’adosser aux autres mais en aucun cas la personne référente lègue le dossier à un autre. Cette rigidité n’est pas propre au projet d’architecture et ne me convient pas. Il me parait intéressant d’avoir affaire à des architectes avertis mais la polyvalence de la pratique rend de fait expérimenté. Il n’est pas indispensable d’être expert dans tel ou tel domaine, car les informations existent et circulent. Par ailleurs, développer des compétences nouvelles quant à un programme permet de stimuler le cerveau et d’être alors plus réactif et plus alerte quant aux dossiers suivants. Cela étant, il est vrai qu’en tant que jeune architecte, je ne serai pas encore capable de suivre de manière autonome la DET d’un projet de 350 logements. C’est pourquoi, il me semble important de commencer par des projets d’envergure appropriables, pour se former et apprendre le métier. Dans une agence comme Tangram, cela n’est pas possible. Les projets sont tels qu’ils nécessitent des personnes expérimentées. Sauf si, par chance, comme présenté dans un exemple, vous êtes la personne ayant dessiné le projet et êtes demandée pour suivre la DET en présence du maître d’œuvre d’exécution. Cette opportunité n’est pas des moindres, elle permet d’appréhender le suivi de chantier de grosses opérations pour ensuite s’en sortir seule. Je regrette de ne pas avoir été dans cette situation. Les divers chantiers auxquels j’ai participé, m’ont révélés une réelle envie de pratiquer cette phase de notre métier; que je trouve passionnante. Elle est le fruit d’un travail acharné et obstiné. La construction de l’ouvrage prend alors du sens et la participation de l’architecte de conception devrait être une obligation. Dans un premier temps pour la qualité de l’ouvrage mais aussi pour ce fameux retour d’expérience entre la théorie (conception) et la mise en pratique (exécution). Et c’est d’ailleurs comme ça que j’envisage mon métier, à la fois dans l’apprentissage et le partage constant grâce à un travail d’équipe mais aussi par le biais de retour d’expériences et de connaissance évolutives et partagées. Cette MSP est donc riche d’expérimentation. Bien que très peu libre, j’ai eu une vision assez globale de notre profession au sein d’une telle agence. Les différents membres de l’agence ont largement participé à cette vision. Être dans une agence de telle envergure où chacun a une place bien définie, c’est aussi réaliser qu’il ne faut pas toujours demander confirmation autour de soi mais qu’il faut prendre des décisions quitte à ce qu’elles soient remises en question après. L’organisation très structurée ne pousse pas vraiment à cela mais au sein du pôle logement, Hervé Leroy, essaye néanmoins de donner des libertés aux architectes de son équipe. Il me disait souvent : « dans une grande agence comme celle-ci, tu as moins de responsabilité mais plus de liberté, alors qu’au sein d’une petite agence c’est l’inverse car ton chef de projet

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est constamment derrière toi ». Il faut donc réussir à se placer pour trouver la position la mieux adaptée à soi et à sa pratique du métier. Cette expérience, très enrichissante, m’a néanmoins quelque peu déçue. Le peu de responsabilité qui m’était confiée et ce découpage constant des tâches et des projets, rendent la pratique de la maîtrise d’œuvre parfois lassante et dénuée de sens. C’est le manque de communication avec les différents intervenants du projet, l’équipe de maîtrise d’œuvre et les maîtres d’ouvrage qui m’a le plus pesé. De manière générale, en écrivant ce mémoire, je réalise à quel point ce statut de HMONP et mes récurrentes demandes pour participer à divers projets ont été bénéfiques et ont porté leurs fruits. Bien que succincts, ces neuf mois de HMONP m’ont offert un panel large des différentes phases du projet d’architecture. Inévitablement cette vision reste échantillonnaire, mais ne serait-ce pas l’objectif de la formation HMONP ? De plus, le fait d’être propulsée à court terme sur des projets inconnus et de manière assez brève, m’a permis d’accroître mon potentiel de réactivité et de développer mes capacités d’adaptation et d’absorption de données par rapport à des projets inconnus. PROJET PROFESSIONNEL Tangram architectes a le mérite de donner du travail à une soixantaine de personnes, ce qui, avec plus de 3,5M de chômeurs en France, n’est pas sans importance. C’est une agence qui se préoccupe de la qualité de vie au travail de ses salariés et qui cherche à innover. Cela étant, la commande alimentaire est trop importante et la division des tâches et des pôles peu propice à l’épanouissement professionnel. Aujourd’hui, je cherche donc à intégrer une structure relativement plus petite ou les responsabilités et les libertés sont de fait davantage partagées. Bien que mon projet professionnel ne soit pas défini de façon précise, mais se dessine petit à petit, je souhaite maintenir une ligne directrice qui pourra mener à bien mes intentions sur le long terme. Cette année m’a poussé à comprendre le fonctionnement de l’agence dans laquelle j’ai travaillé, les relations entre les différents acteurs, l’accès à la commande et la fidélisation des maîtres d’ouvrage. Elle a développé ma volonté de travailler en équipe, de savoir organiser mon travail et de développer mon sens du relationnel. Je veux connaître mon métier et ses différentes facettes, travailler pour me former, apprendre par l’expérience. C’est donc au sein d’une agence plus petite,

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travaillant sur des projets d’envergure plus maîtrisable que je souhaite continuer à court terme. C’est pourquoi, tout en diversifiant mon expérience, cette habilitation à la maîtrise d’oeuvre, me permettra dans un futur proche de me pousser vers l’autonomie. Accéder au poste de chef de projet, avoir de réelles responsabilités, tout en glissant vers l’indépendance me parait cohérent. Le but de cette habilitation étant de s’inscrire à l’ordre pour mener à bien et de manière autonome des projets, j’en prends le chemin. C’est donc parallèlement à une activité salariale que je vais y accéder. En effet, je suis en train de créer une association d’architecture solidaire. Bien que ce projet n’en soit qu’à sa genèse, la nécessité d’avoir en son sein un architecte HMONP deviendra très rapidement une obligation. Mon associé ne l’étant pas, je suis aujourd’hui la seule personne à pouvoir prétendre à cette qualification requise. L’Habilitation à la Maîtrise d’œuvre en Son Non Propre nous donne la clé pour créer notre propre agence et par conséquent, signer nos plans. Se pose alors la question de l’association à laquelle je répondrais favorablement. Je suis dès lors associée à un autre architecte, non pas pour palier à des lacunes mais dans la volonté de compléter des forces communes afin de créer une structure stable. De plus, dans le cadre d’une association, l’apport de capital mais aussi l’apport de clients est renforcé. Enfin, je pense que le travail d’équipe est plus enrichissant mais aussi plus efficace que la conduite seule d’un projet. Pleine d’ambition, désireuse et déterminée, bien que largement au fait des difficultés économiques actuelles, je me sens dès lors et ce grâce en partie à cette MSP, à endosser les responsabilités propre à l’architecte pour mener à bien des projets en accords avec ma vision de la société, et ma conception de l’architecture. C’est donc dans un premier temps au travers de cette association que j’y parviendrai. En parallèle, et pour m’adapter aux mutations du métier, je suis une formation Revit, qui d’ici à 2017 deviendra une compétence indispensable dans les concours de marchés publics par exemple. Cette formation, prise en charge par le pôle emploi, me permettra d’être plus flexible, et polyvalente et d’être dès à présent à la pointe du savoir pour prétendre à n’importe quel type de demande. Par ailleurs, cette habilitation de permettra enfin de mener à bien des projets de commande privé. Ma grande famille est désireuse de me voir exercer en mon nom propre pour eux. Divers projets nécessiteux d’un architecte inscrit à l’ordre m’attendent... C’est aussi une façon de glisser petit à petit vers l’autonomie et l’indépendance. Ces expériences me permettront aussi de tisser un réseau professionnel de contacts

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(Maîtrise d’ouvrage mais aussi entreprises, bureaux d’étude) basé sur un rapport de confiance, indispensable lors de la création de ma propre structure, l’accès à la commande étant une des difficultés majeures du métier d’architecte. Je désire développer au travers de ce genre de pratique, mes capacités relationnelles, avec des maîtres d’ouvrage et des missions complètement différents.

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CONCLUSION GÉNÉRALE


Les mois de pratique au sein de l’agence, les nombreux échanges sur le terrain, mais aussi auprès des professionnels qui ont accepté de se pencher sur mes questionnaires m’ont permis de prendre du recul sur la pratique de la maîtrise d’œuvre et de me positionner en tant que future architecte. Cette MSP m’a permis de hiérarchiser en termes d’importance certaines composantes propre à notre profession et pratique. L’une étant le fruit de l’autre. Il s’agit donc de l’organisation interne. Le temps des compétences cloisonnées et propre à un domaine bien défini est selon moi dépassé, cela remet alors en cause la question de la croissance infinie et du rapport à la productivité. La sectorisation au sein de notre profession n’est pas vecteur d’épanouissement professionnel. Il faut donc repenser les modèles et les types de structuration interne dans le but d’être plus performant, et de produire des ouvrages plus intelligents, innovants et qualitatifs à l’usage. « Le rythme de l’innovation s’est accéléré nécessitant de nouvelles capacités d’apprentissage. Les salariés ne peuvent être formés à priori à toutes les situations : il faut que les organisations soient apprenantes. Par ailleurs, la productivité dépend désormais davantage de la qualité des interactions entre les individus ; la dimension collective, interactive et cognitive devient stratégique. Plus généralement elle reflète une conception nouvelle d’une organisation décloisonnée et plus fluide fondée sur le savoir et l’innovation, par opposition au modèle traditionnel, cloisonné et hiérarchique. »1 Encore pleine d’illusions, j’aime à croire qu’il soit encore possible d’être architecte avec des missions complètes. Cette MSP m’a confirmé que le suivi de chantier est crucial dans un but d’apprentissage, de connaissance du détail et avant tout de chose, pour la construction elle-même. Les divers questionnements qui apparaissent lors d’un chantier ne font qu’enrichirent les projets suivants. Il me semble que c’est un cycle et le rompre n’est que le fruit d’un manque de temps et / ou d’un besoin de rentabilité. Cette prise de position me permet aussi d’orienter et de guider mes choix futurs. A mon sens, il est possible d’avoir des missions complètes sur des projets maîtrisables, de plus petites envergures ; où l’architecture du détail et non standardisée est davantage envisageable. L’architecte est un concepteur mais aussi un constructeur. Les mutations de la profession et la complexification des projets rendent cette union parfois compliquée. C’est pourquoi encore une fois la problématique de la taille et de l’envergure du projet sont des questionnements très importants. L’innovation et la recherche architecturale ne sont pas forcément le fruit de grands projets avec de grands moyens, nécessitant des experts dotés de compétences très pointues. Mais cette recherche d’innovation peut se traduire sur des petits projets plus appropriables où les compétences sont moins définies et où 1 Y-F Livian, Organisations : théorie et pratiques, chapitre XII, Dunod, 1998

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les intervenants sont moins experts dans un domaine précis mais sont dotés d’une diversité de connaissances notables. Bien qu’elle m’ait ouvert les yeux sur la difficulté et les enjeux de l’exercice de la profession, la mise en situation professionnelle a affermi mes convictions sur la diversité du métier de l’architecte qui doit être à la fois secrétaire, commercial, gestionnaire, sociologue, géographe, artisan, comptable, juriste, entremetteur, technicien… etc concepteur et constructeur. Et c’est bien pour cela que cette profession est sans cesse en questionnement et qu’elle me passionne autant. C’est pourquoi, l’obtention de cette habilitation m’est cruciale car elle me permettra, dans un futur proche de confronter à la réalité cette réflexion relative à la pratique de la maitrise d’œuvre. BILAN // DE LA FORMATION THÉORIQUE À LA MISE EN SITUATION PROFESSIONNELLE La formation théorique à l’habilitation à la maîtrise d’œuvre en son nom propre aborde de nombreux sujets très riches d’enseignements. Avec les séminaires et les cours magistraux, nous sommes confrontés à des situations et des cas pratiques qui acèrent notre regard pour la mise en situation professionnelle. Il est très intéressant de pouvoir comparer l’enseignement reçu en formation et la pratique en agence le reste du temps. On se rend compte ainsi que la réalité de la pratique n’est pas toujours en phase avec la théorie, du fait des nombreux aléas que nous avons mentionnés dans ce mémoire. Par ailleurs les cours offrent une vision de l’exercice de la maîtrise d’œuvre qui peut paraître effrayante pour les jeunes praticiens que nous sommes, et ce notamment sur les questions de responsabilités. Sur ce point il m’apparaît que l’expérience en agence et la confrontation quotidienne avec ces responsabilités permet de relativiser et surtout de mieux comprendre les enjeux dont on parle. La formation à l’habilitation à la maîtrise d’œuvre est donc un apprentissage itératif entre cours théoriques et pratique professionnelle. Ils se nourrissent l’un l’autre et les échanges avec les différents interlocuteurs, que ce soit à l’agence ou en cours, permettent de comparer les expériences et offrent un panorama riche d’autant de stratégies qu’il n’y a de pratiques de la maîtrise d’œuvre. Ces échanges permettent par ailleurs d’entretenir un point de vue critique par rapport aux enseignements reçus et à la pratique professionnelle de chacun et ainsi se projeter dans notre propre exercice de la maîtrise d’œuvre.

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B I B L I O G R A P H I E Monographie BOUCHAIN, Patrick. Construire autrement. Comment faire ? Arles : Actes Sud, 2006. 190p. CABIN Philippe, CHOC Bruno, Les organisations, état des savoirs, Auxerre : Science humaines, 2005. 412p. FAREL Alain, Le métier à tisser de l’architecte contemporain, Communications, 82p 2008. JACQUART Albert, De l’angoisse à l’espoir. Leçon d’écologie humaine, Paris, CalmammLévy, 2002, 137p. LIVIAN Y-F, Organisations : théorie et pratiques, chapitre XII, Dunod, 1998 MICHEL Florence, Le livre blanc des architectes, Pairs, Fevrier 2004, 58p. POUILLON Fernand, Mon ambition, Paris, Linteau, 2011, 157p. Article de périodique BELLET Harry, Renzo Piano, poète civil, In: « Le Monde Culture et Idées », 17/02/2012 BIAU Véronique, Stratégies de positionnement et trajectoires d’architectes. In: Sociétés contemporaines N°29, 1998. pp.7-25. D’ARCHITECTURE, Le TOP des 200 agences française d’architecture classées par chiffre d’affaire, In « D’A GUIDE supplément à D’ARCHITECTURE », n°205, Décembre 2011, PP21-28. DESMOULINS Christine, Bel avenir pour les petites structures ? In : « D’ARCHITECTURE », 08/03/2010 JACQUOT Catherine, Face aux mutations, soyons convaincants, In « Les cahiers de la profession » n°53, 2ème trimestre 2015, PP1-24.

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NAMIAS Olivier, L’agence d’architecture : Grandir ou périr ? In : « D’ARCHITECTURE » 14/12/2012, PP-12-15. NAMIAS Olivier, L’agence d’architecture : Croitre ou périr ? In : « Les Echos », 14/03/2013, PP27-30. ROUANET François, Les architectes et l’évolution du métier d’ici à 2030, In : « Les cahiers de la professions » n°47, 2ème trimestre 2013, PP9-10. Site internet France, De la difficulté d’être architecte aujourd’hui, [En ligne]. [Rèf. du 03 octobre 2016], disponible sur http://www.lemoniteur.fr/article/de-la-difficulte-d-etrearchitecte-aujourd-hui-13538273 France, Division du travail et concurrence en architecture [En ligne]. [Rèf. du 03 octobre 2016], disponible sur < http://www.persee.fr/doc/rfsoc_0035-2969_1970_ num_11_3_1682 > France, Division du travail et concurrence du marché de l’architecture d’intérieur, [En ligne]. [Rèf. du 03 octobre 2016], disponible sur https://www.cairn.info/revuefrancaise-de-sociologie-2012-2-page-225.htm > France, La place de l’architecte, [En ligne]. [Rèf. du 03 octobre 2016], disponible sur < http://www.metropolitiques.eu/La-place-de-l-architecte.html > France, Métier de l’architecture et du cadre de vie : les architectes en péril, [En ligne]. [Rèf. du 03 octobre 2016], disponible sur < https://www.senat.fr/rap/r04-064/r04064.html >

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ANNEXES


Q U E S T I O N N A I R E S 1 // LA SAVINE Binome: CANDICE CASSAR (ARCHITECTE D’EXÉCUTION) // GONZALO GRETTER (CHEF DE PROJET) CANDICE CASSAR 1. Que faites-vous au sein de l’agence ? Pouvez-vous me décrire votre métier, votre pratique de l’architecture. Sous quelle forme s’opère-t-elle ? Je suis en charge de la partie exécution des projets. Je fais en sorte qu’ils se réalisent / construisent. Je suis architecte de formation mais je me suis vite dirigée vers une approche plus technique et palpable de l’architecture : le chantier. J’ai donc suivi des formations supplémentaires pour acquérir ses compétences techniques. J’ai notamment suivi une formation IPB (Ingénierie Production du Bâtiment). Ma volonté et mission principale est de construire le bâtiment. Il s’agit de rendre le chantier à l’architecte, faire respecter l’état de l’art du projet. Mon but est de défendre l’âme du projet allié à des compétences plus pointues. Ma mission est de défendre les intérêts, à la fois de la maitrise d’ouvrage, du projet et enfin de respecter le marché des entreprises. Je suis l’arbitre du projet. Je fais en sorte que les moyens humains et techniques soient mis en place et que la partie économique et le planning soient respectés. 2. Quelle est votre position / statut dans l’agence ? Ma mission est donc celle de la concrétisation d’un projet, tant du point de vue technique qu’économique. Ce projet a été pensé par x, ma mission est de le monter. 3. Depuis combien de temps êtes-vous la ? Cela va bientôt faire 5ans que je travaille ici. 4. Quelles responsabilités ? Au sein de l’agence mes responsabilités sont celles de l’exécution du dossier marché. J’ai une autonomie totale, je gère mes chantiers librement, je n’ai pas à m’en remettre à d’autres. Mais quand cela est nécessaire, j’ai un soutien de l’équipe conception. Cette position m’est idéale car je ne me sens pas cantonnée, et je ne sens pas vraiment le poids de la hiérarchie.

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5. Que pensez-vous de la division en pôle ? Cela vous permet-il d’être plus efficace ? Performant ? La division en pôle comme elle l’est ici est une organisation que je cherchais. Je m’explique, il devient très difficile, au vue de la complexification des projets, de faire à la fois de la conception et de l’exécution. Cela nécessite un savoir assez pointu. La conception et l’exécution sont complémentaires mais appartiennent à deux mondes différents. Au-delà des compétences techniques, un tempérament bien particulier est nécessaire pour le suivi de chantier. Cette organisation est donc inévitable, la division des taches et des savoirs faire engendre une certaine spécialisation et donc une meilleure aptitude quant à ces taches. Mais je remettrai en cause aussi cette organisation interne pour son manque cruel de transversalité entre chaque entité de l’agence. 6. En ce qui concerne le projet de la Savine, quelle est votre position par rapport à la scission entre maître d’œuvre d’exécution et maître d’œuvre de conception ? La relation conception/exécution fonctionne assez bien. Il y a eu un dialogue constant entre nous deux. Echange et mise à jour en permanence. En revanche, ce projet est passé entre tellement de mains différentes qu’il en pâti. 7. Pouvez-vous m’expliquer comment s’est passé la passation de projet ? La passation de projet se fait lors de réunions. L’architecte en charge du projet le présente. Par la suite c’est moi qui déchiffre les subtilités. Au démarrage je parlerai de décryptage. Avec une certaine expérience, je sais quelles sont les informations importantes et vers quoi me diriger rapidement. Les délais sont souvent sérés mais le mois de préparation du chantier me sert souvent à ça. La passation de projet devrait se faire en amont. Il me semblerait naturel et bénéfique pour le projet d’en prendre connaissance dès la phase DCE. Mais les choses évoluant assez vite et le manque de temps, nous permettent rarement commencer à ce stade la Sur la Savine, j’ai débuté les réunions avec le chef de projet. L’idée est que le chef de projet se sente impliqué. Au commencement il participe donc aux réunions et fait connaissance avec les différentes entreprises qui vont intervenir sur le chantier. Il faut instaurer un climat de confiance mais surtout de communication. Ce projet étant inscrit dans un projet urbain, les réunions propre à cela ne me concerne que très peu. C’est l’architecte en charge de la conception qui s’en occupe. Je parlai donc de binôme. Dès que j’ai une incompréhension, je me dirige vers le référent. C’est un échange constant.

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8. Ne pensez-vous pas qu’il y ait une perte d’information, néfaste à la bonne réalisation du projet ? Quand le binôme fonctionne bien, je dirai que non. Sur ce projet, le référent a toujours été le même. En revanche un grand nombre dessinateur y a participé. Les documents graphiques sont alors « maltraités » ce qui est souvent néfaste à la bonne réalisation du bâtiment. Ce suivi de chantier se passe donc relativement bien car nous sommes très complémentaires. Je ne peux pas en dire autant de tous mes chantiers. Certains référents n’ont pas la même implication et se détachent complètement de l’opération une fois le dossier marché abouti. 9. Dans quelles mesures cette division sert ou dessert le projet ? Cette division est ambivalente. D’un côté elle sert le projet car engendre une spécialisation et donc un savoir-faire davantage maitrisé mais d’un autre coté elle le dessert, notamment quand le référent n’est plus le même ou qu’il se désolidarise de la DET. Cette répartition des taches peut aussi être compliquée quand le chef de projet n’a jamais suivi de chantier. Dans ce cas c’est assez gênant car il ne perçoit et ne comprend pas les enjeux d’un chantier. 10. Quels sont les points architecturaux qui justifient cette scission ? Il y en a toujours sinon cela ne s’appellerait pas un chantier ! 11. Pensez-vous un jour changer de position et reprendre la pratique de la conception ou selon vous, nous parlons de deux métiers différents qui doivent être pratiqués par deux architectes différents ? Ce n’est pas deux métiers différents, en tant qu’architecte, nous devons être sachant sur toutes les phases, de l’esquisse à la livraison. Mais on peut aussi choisir une phase dans laquelle on se sent mieux et qui nous correspond davantage. Lorsque tu es architecte d’exécution tu fais aussi de la conception, en effet, tu repenses le projet dans les détails et à une autre échelle. Le dossier marché est composé de plan de « principe ». Il faut donc les concrétiser au travers de dessins de détails notamment. Les besoins techniques doivent répondre aux envies d’esthétique. L’idée est d’être passée par toutes les phases d’un projet pour en connaitre les subtilités et faire rapidement des aller/retour entre ces dernières. C’est le principe de la pluridisciplinarité de l’agence. Les grosses agences ne laissent que peu de place aux prises de décisions et à la réelle conception. Une fois la faisabilité faite, ils récupèrent une boite vide qu’il faut remplir. C’est davantage un travail de dessinateur que d’architecte. La pratique du chantier me permet d’être autonome et d’avoir en main les rênes du projet. Je suis la référente principale pour les maîtrises d’ouvrage et les entreprises. Je me sens davantage libre.

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• Binome: CANDICE CASSAR (ARCHITECTE D’EXÉCUTION) // GONZALO GRETTER (CHEF DE PROJET) GONZALO GRETTER 1. Que faites-vous au sein de l’agence ? Pouvez-vous me décrire votre métier, votre pratique de l’architecture. Sous quelle forme s’opère-t-elle ? Je donne des orientations et contrôle le travail des gens qui travaillent dans certains projets du pôle logements. Il s’agit de définir les documents nécessaires à chaque phase d’une opération, donner les directives de comment le faire et contrôler le document produit. C’est le métier d’un architecte de conception qui a une certaine expérience. Il s’opère sous la forme conception/production/contrôle 2. Quelle est votre position / statut dans l’agence ? Je suis chef de pôle adjoint. Dans ce cadre, je rends des comptes au chef de pôle et à la direction, et organise le travail d’une partie de l’équipe. 3. Depuis combien de temps êtes-vous la ? Depuis 2005 4. Quelles responsabilités ? Qualité des projets/dossiers. Délais de production. 5. Que pensez-vous de la division en pôle ? Cela vous permet-il d’être plus efficace ? Performant ? Cela permet de diviser le travail dans le sein des structures d’une taille importante comme la nôtre. Dans ce sens on peut dire que cette division nous permet d’être plus efficaces. Nonobstant, la division des tâches dans une conception intégrale porte atteinte à la compréhension du projet par chacun. 6. En ce qui concerne le projet de la Savine, quelle est votre position par rapport à la scission entre maître d’œuvre d’exécution et maître d’œuvre de conception ? C’est un peu la même réponse que pour la question antérieure. Ca va dans le sens de la division des tâches pour fonctionner dans une grande structure et porte atteinte à la vision global du projet et la cohérence des intentions.

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7. Pouvez-vous m’expliquer comment s’est passé la passation de projet ? Le chef de projet transmet à la personne qui va faire le projet une narration des intentions, des choix, des idées qui ont guidé la conception au moment de lui transmettre le dossier. Il y a aussi une lecture ensemble, en parcourant les documents avec le signalement des points singuliers ou qui nécessitent une attention particulière. 8. Quel rôle avez-vous à joué pour le projet ? Après l’avoir dessiné? Quels sont les pratiques du maître d’œuvre de conception ? Qu’entendez-vous par suivi architecturale ? Et surtout quels sont vos responsabilités ? J’ai guidé la conception de ce projet depuis le concours jusqu’à la signature des marchés d’exécution. Dans ce processus, il a eu de moments où mon intervention est très proche de l’équipe et en contacte directe avec la production, et d’autres où mon rôle est plus lointain et lié fondamentalement au contrôle des documents produits. Le maître d’œuvre de conception contrôle à tout moment la cohérence de l’ensemble et apporte une vision globale qui est difficile d’avoir quand on est dans la production et on manque de recul pour percevoir la totalité. Le suivi architecturale est justement la vérification que les aspects architecturaux du projet sont compris et respectés. Le maître d’œuvre d’exécution garantie le suivi technique et consulte le concepteur sur le suivi architecturale. Les responsabilités en cette phase sont d’un ordre second. C’est plutôt une mission de conseil. 9. Ne pensez-vous pas qu’il y ait une perte d’information, néfaste à la bonne réalisation du projet ? Dans quelles mesures cette division sert ou dessert le projet ? L’organisation de l’agence permet de garantir une communication fluide entre les deux pôles. Les personnes échangent souvent et avec fluidité, ce qui permet que la perte d’information soit limitée. Cette division sert au projet car la tâche de suivi de chantier comporte un grand nombre de formalités administratives et procédurales qui en font un métier à part entière. De même pour le concepteur. Dans les petites structures la même personne peut souvent suivre les deux phases mais avec une productivité très maigre par rapport à la nôtre. 10. Quels sont les points architecturaux qui justifient cette scission ? La productivité et la célérité de production, qui est souvent un des points clés pour les maîtres d’œuvre au moment de choisir un maître d’œuvre. 11. Pensez-vous un jour changer de position et être aussi maître d’œuvre d’exécution ou selon vous, nous parlons de deux métiers différents qui doivent être pratiqués par deux architectes différents ? Non, je ne pense pas changer dans ce sens. Selon moi, nous parlons de deux métiers différents et c’est dans l’intérêt de la qualité architecturale que ce soit ainsi. Le métier

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de maître d’exécution prend toujours le dessus dans l’activité de l’architecte, l’éloignant de la théorie, l’expérimentation ou le simple amusement intellectuel, nécessaire à la production d’un Object de culture. //

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CHÂTEAU NEUF LE ROUGE

Binome: ERIC LE BORNE (ARCHITECTE D’EXÉCUTION) // MARIROSAN (ARCHITECTE DE CONCEPTION) // CAMILLE THOMAS (CHEF DE PROJET) ERIC LE BORNE 1. Que faites-vous au sein de l’agence ? Pouvez-vous me décrire votre métier, votre pratique de l’architecture. Sous quelle forme s’opère-t-elle ? Au sein de l’agence, j’interviens en MOEX. Je suis en charge du suivi et de la réalisation des projets Tangram. J’interviens sur le pilotage et le suivi des opérations de logement ainsi que le SAV. Une fois la phase ACT terminée, je récupère le dossier marché avec la liste des entreprises choisies. Je dois mettre en place les réunions de préparation nécessaires pour lancer les études des entreprises et assurer la synthèse afin de démarrer les travaux. J’anime les réunions de chantier, m’assurant auprès de l’architecte de conception que le projet architectural est bien respecté. 2. Quelle est votre position / statut dans l’agence ? Je suis en libéral dans l’agence depuis 9 mois. Etant maitre d’œuvre d’exécution et ayant une formation d’ingénieur j’ai une vision beaucoup plus technique. Il est vrai que je m’accorde davantage avec le choix de l’entreprise que ceux des architectes. 3.

Depuis combien de temps êtes-vous la ?

4. Quelles responsabilités ? Je suis le garant des délais, des couts et de la qualité des chantiers. Je m’assure aussi que chaque entreprise est en règle et respecte les CCTP. 5. Que pensez-vous de la division en pôle ? Cela vous permet-il d’être plus efficace ? Performant ? La division en pôle est une bonne chose car elle permet de poser les limites entre la conception et l’exécution. En revanche, il manque un lien transversal. A mon avis, le pôle chantier n’est pas assez sollicité pour les retours d’expérience et figer certains détails de conception/en conception. La division en pôle a du bon car elle spécialise. Mais il devient inefficace quand le manque d’échanges transversaux se fait ressentir. 6. En ce qui concerne le projet de Château Neuf le Rouge, quelle est votre position par rapport à la scission entre maître d’œuvre d’exécution et maître

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d’œuvre de conception ? Je découvre l’organisation Tangram. J’ai donc compris qu’en tant que MOEX je devais solliciter autant de fois que nécessaire le pôle conception afin de répondre aux impératifs du chantier. (Adaptation, détails d’exe...) 7. Pouvez-vous m’expliquer comment s’est passé la passation de projet ? Malheureusement il n’y en a pas vraiment eu. En tous les cas, elle ne s’est pas faite de manière formelle… Ce qui est très problématique car je ne maitrisais que très peu le sujet. Qui plus est, il y avait des erreurs sur les plans archi, que je ne pouvais absolument pas déceler. Ces erreurs ont donc été reproduites sur les plans EXE et donc réalisées. 8. Pouvez-vous m’expliquer comment se déroule le chantier ? Aujourd’hui le chantier se déroule assez laborieusement voire même mal. La maitrise d’ouvrage est insatisfaite et ne comprend pas que de telles erreurs surviennent alors qu’elle n’a pas sous-traité la mission de DET. Elle ne comprend pas le delta entre le projet et l’exécution ayant affaire à la même agence… Cette organisation est possible et doit surement être efficace quand face à toi tu as un architecte disponible et présent. Cela n’était pas le cas car Mariro n’était pas encore revenu. J’ai du récupérer des informations, comprends l’historiques des modifications seul ou presque. 9. Quelles ont été les difficultés rencontrées lors de la DET ? Comment auraient-elles pu être évitées ? La DET ne se passe que très difficilement, car il y a eu des erreurs de conception, produisant un aller/retour constant avec les entreprises. Elles redessinent des plans dont le dessin initial n’est pas celui qui doit être réalisé. Nous avons aussi face à nous un maitre d’ouvrage des plus exigeants qui ne valide pas forcément les modifications souhaitées en cours de chantier. A cela s’ajoute des problèmes de communication interne à l’agence (avec les entreprises et les MOA). Pour illustrer mes propos, voici un exemple. Nous avons entre autre, dus faire 3 fois certaines trémies. Les escaliers dessinés n’étaient pas des escaliers standards. Le fabriquant n’a pas voulu suivre les models dessinés. Une fois sur place, les trémies ne correspondaient donc pas. Celles-ci ont été taillées plusieurs fois. Ici c’est le dessin qui s’est plié à l’entreprise. Et pour la petite anecdote, à Château neuf le rouge il y a donc 8 villas dont 4 T4 et T5. Les entreprises ont confondu les deux, les dimensions des trémies ont été inter changées. Il faut donc tout reprendre. 10. Ne pensez-vous pas qu’il y ait une perte d’information, néfaste à la bonne réalisation du projet ? Dans quelles mesures cette division sert ou dessert le projet

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Binome: ERIC LE BORNE (ARCHITECTE D’EXÉCUTION) // MARIROSAN (ARCHITECTE DE CONCEPTION) // CAMILLE THOMAS (CHEF DE PROJET) MARIROSAN 1. Que faites-vous au sein de l’agence ? Pouvez-vous me décrire votre métier, votre pratique de l’architecture. Sous quelle forme s’opère-t-elle ? Je suis architecte, mais je ne fais que très peu de réelle conception, la plus grosse partie étant la faisabilité, c’est un autre « pôle » qui s’en charge, en l’occurrence Luc. On parle davantage de projeteur dessinateur, il me semble que c’est lié à la taille de l’agence. 2. Quelle est votre position / statut dans l’agence ? Aujourd’hui je suis en libéral mais j’ai travaillé plus de 10 ans en tant que salarié chez Tangram. Je suis chef de projet. Je prends un dossier en main dès la faisabilité et je le mène à terme, suivi architectural compris. 3. Depuis combien de temps êtes-vous la ? 10 ans 4. Quelles responsabilités ? Je me sens responsable à tous points. Quand je prends un projet en main, je suis responsable de tous les aspects de ce dernier. Que se soit les relations avec la maîtrise d’ouvrage, avec les entreprises que ce soit les démarche auprès de la ville. On ne peut donner la responsabilité à d’autres. Normalement on ne devrait pas aller voir son chef de pôle, sauf en cas de problèmes majeurs. 5. Que pensez-vous de la division en pôle ? Cela vous permet-il d’être plus efficace ? Performant ? Je pense que c’est une très bonne chose. On ne mélange pas les choses, tout en étant connectés. Je suis 100% satisfaite de cette répartition du travail. Pour moi c’est une pratique très efficace, car des que l’on a le dossier en main, chaque pôle est dès le début lié au projet (ex : paysage..) Les architectes d’intérieur participent davantage pendant le DCE notamment pour dessiner les halles. C’est un système très performant et dans la mesure où chaque salarié mène un projet seul, la participation d’autres intervenants est primordiale. Ce système n’est pas rigide car on peut largement prendre possession d’un projet et le suivre de l’esquisse au DCE/ marché, voire au suivi architectural. Cette division en pole permet de faire ce que l’on sait faire. Et puis il faut noter aussi que tu peux changer de pôle, par exemple, Gwenn, qui était

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au pôle chantier depuis deux ans, vient de passer au pôle architecture d’intérieur. Il y a donc des liens et des possibilités d’évolution au sein de la même agence ce qui est un luxe. 6. En ce qui concerne le projet de Château Neuf le rouge, quelle est votre position par rapport à la scission entre maître d’œuvre d’exécution et maître d’œuvre de conception ? Le projet de château Neuf le rouge est un sujet épineux. Oui, car c’est un projet qui est passé de main en main. Au fur et à mesure certaines informations se sont perdues, néfastes pour la bonne réalisation du bâtiment. Aujourd’hui je suis en charge du suivi de chantier de ce projet. J’admets y avoir été contrainte car personne n’était disponible. Je ne suis pas vraiment à l’aise car je n’ai jamais suivi de chantier. C’est donc un exercice que je ne connais que très peu. Pour moi, le rapport entre maître d’œuvre d’exécution et de conception n’est absolument pas une scission car la personne qui a fait la conception fait le suivi architectural, il y a donc un lien. Ce n’est pas une tierce personne. Le suivi architectural est très important. Notre mission est de veiller à ce que le projet architecturalement parlant soit en accord avec les choix initiaux. On parlera de cohérence d’ensemble. Nous sommes en collaboration avec la MOEX. Je mets un point d’honneur à être disponible, car notre aide est primordial. C’est l’âme du projet. C’est nous qui avons connaissance de toute l’historique du projet, son passé, ses évolutions.. Les devoirs d’un architecte en charge du suivi architectural est d’une part d’aller régulièrement sur le chantier. L’agence préconise seulement une fois par mois. Cela me semble trop peu, il faudrait y aller toutes les deux semaines. Il faut être réactif sur le chantier. Le maître d’œuvre d ‘Exe n’a pas tout le projet en tête, certains détails lui échappe inévitablement. Car lui est complètement déconnecté de la phase conception. Notre rôle est de lui indiquer les erreurs, les manquements qui sont choses classiques sur un chantier. La mise en place du suivi architectural est nouvelle à l’agence. Avant c’est l’architecte d’exécution qui devait chercher les informations, on ne parlait pas de binôme, il y avait moins de communication. Aujourd’hui c’est l’architecte de conception qui fait cette démarche. Il se doit d’être disponible car il est complètement dispensable et garant de la qualité architecturale au cours de la DET. « Rester dans le coup jusqu’au bout »

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7. Pouvez-vous m’expliquer comment s’est passé la passation de projet ? Pour moi cette passation a été des plus catastrophiques, c’était un concours de circonstance. J’ai dû m’absenter deux mois et personne n’était vraiment au fait sur ce projet. Eric, était plus ou moins livré à lui-même pendant ce début de chantier. Cet exemple montre bien la pertinence du suivi architectural et je dirai plutôt la nécessite de l’échange entre les deux architectes pour mener à bien le chantier. 8. Quel rôle avez-vous à jouer pour le projet ? Après l’avoir dessiner ? Quels sont les pratiques du maître d’œuvre de conception ? Qu’entendez-vous par suivi architecturale ? Et surtout quels sont vos responsabilités ? Je continue la conception sur place. Il y a sans arrêt des éléments, des détails à changer, à redessiner. Un chantier vit. Il faut donc l’alimenter in situ. 9. Connaissant le projet, pouvez-vous me parler des difficultés rencontrées après avoir récupérer le projet. Quelles ont été les erreurs qui ont rendu la DET compliqué ? La DET est compliquée car il y a une grande perte d’informations. Quand je n’étais pas là, personne n’avait l’historique des modifications. Cela se perd très vite et c’est évidemment ce qu’il s’est passé. Les plans ont été envoyés alors que certaines modifications n’étaient pas encore dessinées ou fausses. Les plans d’EXE ont ensuite été visés alors qu’ils étaient de facto, erronés. C’est pourquoi il y a beaucoup d’erreur sur le chantier et de chose à reprendre, à casser. Le suivi architectural est aussi nécessaire pour savoir exactement ou en est le chantier mais aussi pour la production du PCM. Oui, car il faut présenter les modifications avant /après... ! Les difficultés majeures sont dues au manque de communication entre la MOEX et l’architecte de conception lors de mon absence. Mais c’est aussi largement dû à un manque de détails. Ce projet manquait scrupuleusement de détails. Et enfin, le temps a partie n’était pas suffisant. Il fallait faire vite car la maitrise d’ouvrage nous pressait. Les documents fait dans l’urgence, il n’y a pas eu assez de relecture de plans, d’où les erreurs sur le chantier. On a trop souvent tendance à dire que l’on va régler les problèmes de conception une fois le chantier démarré. Mais c’est souvent trop tard. Aujourd’hui j’ai repris en main le dossier, mais le début a été assez laborieux. Nous avons eu des longs échanges avec Éric pour cerner les problèmes et les incohérences de conception et de réalisation. Jai repris le contact avec tous les intervenants, les entreprises, les fabricants, les BET pour mettre tout à plat et repartir

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en ayant trouvé des solutions. 10. Ne pensez-vous pas qu’il y ait une perte d’information, néfaste à la bonne réalisation du projet ? Dans quelles mesures cette division sert ou dessert le projet ? Oui forcément ! 11. Pensez-vous un jour changer de position et être aussi maître d’œuvre d’exécution ou selon vous, nous parlons de deux métiers différents qui doivent être pratiqués par deux architectes différents ? On parle de deux métiers différents qui se complètent. Si j’ai l’opportunité de changer, oui mais tout dépend des conditions !! Il me semble qu’il n’est pas nécessaire de suivre une formation MOEX pour pratique de la DET, en revanche il faut certaine expérience pour être à l’aise. Ne pas pratiquer de chantier (en générale) ne veut pas dire que le projet au stade de la conception va en pâtir. Le suivi architectural et les visites de chantier suffisent pour compléter ces connaissances et être davantage expert et sachant. //

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3 // FRICHE ROUSSELOT Binome: ROMUALDE (ARCHITECTE D’EXÉCUTION) // PERRINE(ARCHITECTE DE CONCEPTION) ROMUALD 1. Que faites-vous au sein de l’agence ? Pouvez-vous me décrire votre métier, votre pratique de l’architecture. Sous quelle forme s’opère-t-elle ? Je suis architecte, maitre d’œuvre d’exécution. Je gère différent suivi de chantier. Mon rôle est de faire construire les bâtiments par les entreprises à partir du moment où le dossier marché est bouclé. Je fais aussi beaucoup d’expertises. S’il y a des contentieux, j’assiste les experts. Connaissant parfaitement le déroulé du chantier, grâce aux comptes rendu de chantier, archives et dossier marché, je peux justifier de notre bonne pratique. 2. Quelle est votre position / statut dans l’agence ? Je suis architecte libéral, j’ai été salarié chez Tangram mais l’autonomie que me confère le statut de libéral me convient davantage. Ce statut me permet d’avoir mes propres affaires, travaillant seulement deux jours ici. 3. Depuis combien de temps êtes-vous la ? Je travaille ici depuis 2008. 4. Quelles responsabilités ? Je détiens toutes les responsabilités. Sur tous les chantiers que je suis pour l’agence, j’engage ma propre responsabilité d’architecte. Je signe en mon nom tous les documents contractuels, j’ai le pouvoir de signature. 5. Que pensez-vous de la division en pôle ? Cela vous permet-il d’être plus efficace ? Performant ? Cette division n’est pas efficace à 100%. La personne qui a réalisé le projet devrait être avoir plus de temps pour le suivi architectural. Il devrait y avoir davantage de liens et d’échange. Il me semble que cette division en pôle est efficace en terme de programme le projet est un tout et ne peut pas être divisé en deux. 6. En ce qui concerne le projet de ROUSSELOT, quelle est votre position par rapport à la scission entre maître d’œuvre d’exécution et maître d’œuvre de conception ? Pour Rousselot, cela a été différent, car j’ai exigé que la personne qui avait conçu le

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projet suive le chantier avec moi. Elle avait la mémoire du projet. pour une opération de telle ampleur, une réelle scission aurait été catastrophique en terme d’efficacité. J’aurai perdu beaucoup trop de temps à déchiffrer et à comprendre certains choix. 7. Pouvez-vous m’expliquer comment s’est passé la passation de projet ? Il n’y a pas eu de passation de projet. Elle m’assistait quotidiennement, nous pouvions échanger quant aux différents problèmes. Nous cherchions des solutions ensemble sur des problématique de conception. Elle apportait sa connaissance et la mémoire du projet et moi mon expérience de maître d’œuvre d’éxé. Dans ce cas la, la division des taches et des rôles à du sens. Cette double expérience nous permettait d’être rapides et efficaces. 8. Quelles ont été les difficultés rencontrées lors de la DET ? Comment auraient-elles pu être évitées ? 9. Ne pensez-vous pas qu’il y ait une perte d’information, néfaste à la bonne réalisation du projet ? Dans quelles mesures cette division sert ou dessert le projet ?Pour Rousselot cela ne s’est pas passé comme ça. Mais sinon je vois la pratique de l’architecture en 4 points : programme /idée/ projet/ réalisation. C’est un aller retour entre tous ses points : dialectique inhérente au projet de sa conception à sa réalisation. L’idée est de rechercher la mémoire du projet pour faire la réalisation, l’un sans l’autre n’est pas possible. Deux regards sont nécessaires, un très précis et technique et un plus général et « historique ». D’autre part, il y a un réel problème quant à la répartition des honoraires entre les différentes phase de conception et celle du chantier. Généralement, la réparation est de 60% pour les phases avant la signature des marché et 40% pour l’exécution. Au cours d’un chantier ta responsabilité est complètement engagée sur des choix techniques, réglementaire… Le calcul n’est pas approprié aux potentiels risques pris. ( de manière plus général, la division des phases, entraine donc une division des hono, qui peut s’avérer néfaste pour le projet.) 10. Pensez-vous un jour changer de position et reprendre la pratique de la conception ou selon vous nous parlons de deux métiers différents qui doivent être pratiqués par deux architectes différents ? Nous parlons d’un seul métier, celui d’architecte. Pour la bonne réalisation d’un projet, il faut que le concepteur comprenne que la finalité est la construction. Une bonne conception n’est que si cette composante est largement intégrée. Je ne suis pas seulement maître d’œuvre d’Exe, j’ai des projets personnels, que je conçois de l’esquisse à l’exécution.

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11. Qu’est ce que vous aimeriez changer/conserver ? Il faudrait changer de schéma : garder les pôles par rapport aux types de programme et rattacher le pôle MOEX à chacun des pôles. Car l’architecte maîtrise, se spécialise quant à un programme et devient dès lors plus expert. Il faudrait que les architectes qui suivront à terme les chantiers, participent. C’est une boucle où les différents participants, quelque soit les phases auxquelles ils participent, soient intégrer des le début, pour qu’il y ait un véritable échange propice à une conception raisonnée et une réalisation logique. //

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Binome: ROMUALDE (ARCHITECTE D’EXÉCUTION) // PERRINE(ARCHITECTE DE CONCEPTION) PERRINE 1. Que faites-vous au sein de l’agence ? Pouvez-vous me décrire votre métier, votre pratique de l’architecture. Sous quelle forme s’opère-t-elle ? Je suis architecte, mais sur mes fiches de paye on me nomme collaborateur d’architecte… Je ne suis pas inscrite à l’ordre. Quand je suis arrivée ici, j’ai commencé par travailler au sein du pôle logement. Mon évolution ici est assez atypique. J’ai débuté sur un projet de 350 logements, la friche Rousselot. J’étais donc du coté de la conception. J’ai pris le projet en main du permis jusqu’au DCE. Je devais m’en tenir la. La pratique de l’architecture ici est particulière, le projet est divisé entre les deux pôles (conception / exécution). Par manque d’effectif, on m’a demandé de suivre le chantier. J’ai travaillé 3 ans sur ce projet entre la conception et le suivi de chantier. Aujourd’hui je suis en charge d’un nouveau chantier de logement. Je m’occupe du suivi de chantier. 2. Quelle est votre position / statut dans l’agence ? Je suis salariée, j’appartiens au pôle exécution dirigé par Jérôme Guigon. 3. Depuis combien de temps êtes-vous la ? Cela fait 6 ans que je travaille et je suis chez Tangram depuis 4ans. 4. Que pensez-vous de la division en pôle ? Cela vous permet-il d’être plus efficace ? Performant ? Cette organisation a de bons et de mauvais cotés. Etre architecte c’est un métier de conception et de réalisation. Voir le projet naitre sur les dessins et le voir sortir de terre. Dans une grosse agence comme celle la, ce n’est pas la philosophie. Grâce à Rousselot je me suis rendue compte des erreurs à ne plus faire en phase DCE. Ce qui est compliqué lorsque l’on suit un projet du début à la fin, c’est d’être juge et partie sur le chantier. Tu ne peux pas te positionner à l’extérieur du problème. L’interlocuteur est le concepteur, les entreprises et le maitre d’ouvrage le savent. 5.

En ce qui concerne le projet de Rousselot, quelle est votre position ? A quel

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stade en est-il ? Quelles difficultés a-t-il rencontré ? Aujourd’hui le chantier est fini et les logements sont livrés. Ce chantier a été compliqué car les entreprises étaient défaillantes. Ce projet était trop gros et les interlocuteurs chez Dumez ont constamment changés. Il y a eu une grosse perte d’information entre eux néfaste à la bonne réalisation du projet. 6. En phase conception, quels ont été les acteurs du projet au sein de l’agence ? Quels sont les liens entre ces derniers ? Avec quels autres pôles avez-vous travaillé pour ce projet ? En phase conception j’étais assistant chef de projet. J’ai dessiné le projet du permis au DCE. Ce projet est un quartier de ville, les paysagistes ont donc énormément participé. . Ils étaient très autonomes, il n’y avait pas de perte de temps. Nous travaillons avec les plans en XREF sur autocad. Quand les plans archis évoluaient, ils modifiaient en parallèle leurs plans sans faire des allers retours et inutiles. A l’époque il y avait un économiste en interne. C’est lui qui rédigeait les CCTP. C’était très pratique. Ils étaient mieux rédigés et surtout on pouvait rapidement intégrer des modifications. 7. Aujourd’hui le chantier est terminé, pouvez-vous m’expliquer comment s’est passé la passation de projet ? Et comment s’est déroulé la DET entre maître d’œuvre d’exécution et maître d’œuvre de conception ? Il n’y en a pas eu ayant à la fois conçu et réalisé le projet. J’ai travaillé en binôme avec mon référent, maitre d’œuvre d’exécution. C’est lui qui avait la responsabilité du chantier. A l’origine je devais seulement avoir le suivi architectural. Vue l’ampleur du projet, mon référent a exigé ma présence au quotidien. Il voulait que je l’assiste pour la bonne réalisation du chantier. Ce fut un gain de temps pour les visas et les mises à jour car je connaissais le projet par cœur, des que l’entreprise soulevait des problèmes, je savais exactement quoi faire. Entre mon référent et moi ca s’est très bien passé. Etant libéral, il travaillait deux jours par semaine sur ce projet : un jour au sur le chantier pour la réunion hebdomadaire et un jour à l’agence. Je l’assistais au quotidien, j’allais avec lui aux réunions de chantier. C’est lui qui portait le chantier, qui rédigeait les comptes rendus de chantier. Ce fut un apprentissage sous tutelle. Pour toutes les questions techniques, de mises en œuvre, je pouvais m’en référer à lui. Des que je ne savais pas, au lieu de chercher une solution de rapidité, j’avais le temps du prendre du recul et de réfléchir à une solution vraiment adéquate. Avoir un chef comme lui fut très formateur. Ayant la connaissance du projet, de son historique, j’étais en charge du suivi architectural, des plans DET, des visas, des réunions de synthèse. Mon référent était davantage du coté technique et organisationnel.

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8. Ayant eu la chance d’avoir la DET, tout en ayant conçu le projet, quel est votre regard quant à la division des taches ? L’intérêt de la division en pôle est dans la productivité. Dans une petite agence tu es obligé de tout faire. Ici, les taches sont réparties de manière à pouvoir passer plus de temps à réfléchir à l’usage et aux cellules type. La complexification des projets et des outils de conception mène inéluctablement à la division en pôle. Aujourd’hui, les maîtres d’ouvrage sont très pressés. Le travail doit être fait très rapidement. Dans le privé tu es à la merci du client. La rapidité de production est donc une composante essentielle. Le manque de temps nous pousse à répartir le travail différemment et à ne produire que la matière première. Les 3D, les maquettes, sont faites en interne à l’agence. L’idée est de sortir la matière première, et tu la passes aux autres pour qu’ils produisent leurs éléments. C’est l’usine. 9. Ayant aujourd’hui un nouveau chantier dont vous n’avez pas suivi la conception, pouvez vous me comparer des deux processus? AVANTAGE / INCONVÉNIENT La situation dans laquelle je suis quant à ce nouveau chantier est aussi atypique pour l’agence. Ici je n’ai absolument pas conçu ce projet. Mais j’ai participé au projet en amont, dès la phase marché. Nous sommes passés en marché négocié car l’analyse des offres était infructueuse. Il a fallu réadapter le projet au budget. J’ai donc largement dû modifiés les plans. Les entreprises proposent de nombreuses variantes, je dois intégrer celle qui est la plus adaptée à l’architecture dessiné et au budget. La personne qui s’est occupé de la conception n’étant plus disponible à plein temps pour s’en occuper, c’est moi qui ai pris le relais. Aujourd’hui j’ai connaissance de ce projet avant même la DET entamée. Ce qui est assez rassurant et bénéfique pour la suite. Enfin, les maître d’ouvrage étant très pressés, le DCE a été réalisé en seulement un mois. Des coquilles et erreurs apparaissent dans le dessin. Pour éviter tous problèmes durant le chantier, je les reprends des à présent. Mon expérience de 2 ans de suivi de chantier à Rousselot m’aide énormément dans le dessin de certains détails. Je suis beaucoup plus à même de trouver des solutions en amont grâce à mon vécu sur le chantier. (Notamment sur les détails : étanchéité, joint de dilatation, relevé d’étanchéité…) Comme dis plus haut, ne pas participer à la conception permet lors de la DET, d’avoir un œil neuf, et de prendre du recul. Pendant le chantier, cela engendre des rapports moins conflictuels avec les entreprises. N’étant pas l’auteur des potentielles erreurs, je ne suis pas prise à partie. Pour ce qui est des inconvénients, le principal est la perte d’information. Par exemple, aujourd’hui, je modifie les plans. N’ayant pas conçu le projet, je cherche des solutions quant à certains dysfonctionnements, qui peut être ont déjà été essayées mais qui s’avèrent infructueuses. C’est donc une réelle perte de temps. La personne ayant

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conçu le projet a suivi tout un processus de conception que je ne connais pas. Les échanges et les différents allers retour avec le concepteur sont essentiels mais prennent beaucoup de temps. 10. Ne pensez-vous pas qu’il y ait une perte d’information, néfaste à la bonne réalisation du projet ? Dans quelles mesures cette division sert ou dessert le projet ? Il y a donc oui une perte d’information lorsque les personnes changent. Mais à deux, les discisions sont plus mures, plus réfléchies. Ces diverses réflexions servent largement le projet. Cela est évidement bien plus intéressant d’être à la fois le concepteur et de suivre le chantier. Ta connaissance du projet te permet d’aller beaucoup plus vite. Mais au sein d’agence comme celle-ci c’est de rentabilité dont il est question. 11. Pensez-vous un jour changer de position ou selon vous, nous parlons de deux métiers différents qui doivent être pratiqués par deux architectes différents ? C’est un seul métier. C’est très beau de voir ton premier dessin réalisé en vrai. (gloire de l’architecte, fierté, but de notre métier). Si le projet est scindé en deux, tu n’as plus cette finalité. Le chantier te permet d’apprendre, et d’utiliser ces nouvelles connaissances pour des phases antérieures. C’est une boucle, une vraie continuité. 12. Qu’est-ce que vous aimeriez changer/ conserver ? Je suis un peu effrayée à l’idée d’être seule pour ce nouveau suivi de chantier. Etre assistance d’une personne expérimentée est très formateur. D’autre part, je souhaiterai travailler sur des projets en conception et en exécution. L’idée serait de diviser mon temps de travail entre les deux pôles, pour réellement mettre en pratique cette boucle de la connaissance et du retour d’expérience. //

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4 // EMMANUEL DUJARDIN Questions relative à la structure

1) L’agence étant le fruit de son passé, quels ont été les changements, modifications ? Pouvez-vous me décrire l’historique de l’évolution ? Quand je suis arrivée, il s’agissait d’une petite agence, 12 personnes. L’organisation interne était bien différente d’aujourd’hui. A l’époque, l’agence était dirigée par une seule personne, Alain Amédéo. Il contrôlait tout et prenait le temps de corriger chaque projet, la nuit de préférence, laissant sur la table des architectes des calques annotés pour la journée de travail. Lorsque j’ai repris la structure, l’idée était de moins contrôler mes salariés et de leur laisser plus de liberté. Selon moi, il n’est pas possible de tout concentrer en une seule tête. De plus, quand la structure a changé, de 12, nous sommes passés à 35, il était alors impossible d’accorder le même temps sur chaque projet et la n’est pas mon but. Après deux ans en tant que président, je réalisai qu’il fallait diviser la structure en pôle. L’idée des chefs de poles et de les laisser décider et de permettre à tout le monde de se réaliser. 2) Quel est votre role dans la structure Mon rôle est d’assurer une cohérence d’ensemble, les productions de l’agence doivent avoir un lien, je me charge de leur unité. J’essaye de donner de plus en plus de responsabilité à chacun, pour ce, je souhaite que chaque architecte de l’agence devienne de plus en plus expert dans leur domaine. 3)

Que s’est-il passé lors de la passation ?

4) Pourquoi avoir choisi ce type d’organisation en pôle ? Ce type d’organisation en pole permet de former des experts. Je souhaite développer chez chacun une notion de plaisir. Je veux qu’ils gagnent en motivation. Cette organisation le leur permet car elle laisse aux architectes des libertés de créations et de propositions. Je les laisse aller au bout de leurs idées, pour qu’ils apprennent de leurs erreurs. Je souhaite que les architectes de chez Tangram aient un discourt construit, un argumentaire réfléchis en accord avec les documents graphiques qu’ils dessinent par la suite. Je ne veux pas de simple exécutant. C’est pourquoi, je les pousse à écrire et à traduire leurs intentions en mots. 5) Quelles ont été les motivations principales ? Ce type d’organisation formé de pôles d’expert, permet de rassurer le client. Il sait qu’il va avoir à faire à des maitres avertis. Le point fort de l’agence est que je suis

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entourée de chef de pôle qui sont tous plus sachant que moi dans leur domaine, je m’en remets donc à eux. Cela étant, je suis pour une mobilité au sein des pôles. C’est une richesse dans le parcours de chacun d’être polyvalent et de s’essayer à tel ou a tel domaine. Les individus évoluent et leurs désirs aussi. Ils peuvent donc en faire la demande. 6) Êtes-vous satisfait de ce type d’organisation ? Pouvez-vous me décrire les avantages/inconvenants de ce type d’organisation ? notamment entre pole conception et exécution ? Aujourd’hui, l’architecte a très mauvaise réputation sur les chantiers. Les maitres d’ouvrage préfèrent sous traiter cette missions à des agences ou d’autres corps de métier qui ne font que ça. Notre profession est éjectée des chantiers, il faut donc réussir à se positionner pour garder la main mise sur cette phase essentielle. Pour ce, nous avons besoin d’un pole d’expert dont c’est exclusivement le métier. Les chantiers sont de plus en plus complexes et vu le contexte actuel, il est indispensable de s’entourer de personnes ayant des compétences approfondis dans ce domaine. Cela ne doit pas être de l’à peu près. //

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HMONP - La spÊcialisation est-elle au service du projet d’architecture ?


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