URBANLAB_Projet de fin d'études

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SOMMAIRE Introduction

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ANALYSE BERLIN, UNE VILLE AUX MULTIPLES VISAGES

p.008

Histoire contemporaine et bipolarité de son identité Une ville territoire, reflet d’un développement décentralisé Une trame verte et bleue prédominante

SINGULARITE DE SA VACANCE

p.016

Le vide urbain Les délaissés à Berlin, approche contextuelle et historique Friches et initiatives Friches et spéculation

UNE VILLE EN TRANSITION

p.034

Contre-culture Gentrification Désindustrialisation Double reconversion économique et urbaine

MEDIASPREE

p.048

Un projet ambitieux mais controversé Une forte privatisation des berges Dichotomie des deux rives, la rive droite... ...Et l’acupuncture urbaine rive gauche Une épaisseur active les pieds dans l’eau

UN POTENTIEL LEVIER D’ACTION DANS LUISENSTDAT NORD Bilan actuel et marges de manoeuvre Arpentage rive gauche et opportunités Luisenstadt, ou le petit Berlin Un patrimoine industriel délaissé en séquence transversale à la Spree Une séquence particulière

p.076


STRATEGIE UNE EPAISSEUR PARTICULIERE AUX POTENTIALITES MULTIPLES

p.92

Réappropriation des berges de la Spree Les reconnecter à la Kopenicker Strasse

RETABLIR UN DIALOGUE ENTRE EPAISSEUR INDUSTRIELLE ET TISSU RESIDENTIEL

p.112

S’appuyer sur des potentialités pour transcander cette reconnexion Cohabitation programmatique pour un antifonctionalisme

APPROCHE LOCALE POUR UNE STRATEGIE GLOBALE

p.118

Un organisme d’urbanisme alternatif Un outil pour féderer les initiatives L’auto-organisation

PROJET S’APPUYER SUR L’EXISTANT

p.130

Histoire du site et état des lieux Organisation Spatiale et projection programmatique

L’ESPACE PUBLIC COMME INTERFACE

p.138

Générer un espace public en rez-de-chaussé... ... Et le connecter aux «höfes» résidentielles

PALIMPSESTE DES TRAMES

p.146

Réinterpréter la trame historique en épaisseur végétale La trame structurelle actuelle comme support de l’activité La nouvelle trame : les tiers-lieux, liant entre espace public et activités Intersection des trames et définition d’espaces

STRUCTURANTES ET STRUCTURELLES : LES PILES

p.160

Générer des espaces sans les contraindre Les piles : une nécessité

ENTRE MATERIALITES ET USAGES

p.168

Conclusion

p.174


Introduction

V

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ille mondiale culturelle et artistique de premier plan, Berlin est la 3ème ville la plus visitée d’Europe derrière Paris et Londres. Son récent statut de capitale a éveillé en elle l’ambition de rayonner au travers d’une nouvelle identité de toute puissance politique, économique et financière.

et Kreuzberg où les nombreux délaissés deviennent particulièrement convoités. Se retrouvant figés, ils perdent de leurs usages et appropriations citoyennes au profit de barricades par un phénomène qui dénature et aseptise une ville pourtant qualifiée jusqu’à présent de «pauvre mais sexy».

Le début des années quatre-vingt-dix et la réunification de l’Allemagne marque le début d’une rapide évolution de sa structure urbaine, entre chantiers urbains spectaculaires et muséification de sa culture et de son histoire. Véritable ville musée où le passé émerge à chaque coin de rue, la ville ne motive pas seulement l’attrait de touristes mais aussi celui d’investisseurs venus profiter d’une ville en forte transition.

L’enjeu de Berlin semble aujourd’hui résider dans la recherche d’une nouvelle identité conciliant son histoire, sa personnalité culturelle et alternative et ses nouvelles ambitions économiques et financières.

Récemment sortie des différents conflits qui l’ont atrophiée, Berlin devient une des capitales les moins chères d’Europe. Et malgré ses grands chantiers urbains récents, elle témoigne encore de nombreux délaissés urbains. En ajoutant à cela les divers sites industriels désaffectés par la forte désindustrialisation qu’elle a subie, Berlin présente aujourd’hui de nombreuses opportunités foncières et immobilières. Reflet d’une ville en mutation, le vide urbain semble étroitement lié à l’identité de Berlin. Empreinte d’un passé destructeur, puis lieu fertile pour diverses initiatives socioculturelles et artistiques faisant de Berlin un haut lieu de la contre culture urbaine alternative, il est devenu depuis quelques années la matérialisation d’une forte spéculation de la part d’investisseurs peu scrupuleux. Car de l’attrait pour sa culture à sa dynamique nouvelle depuis la chute du mur, Berlin connaît une forte gentrification de ses quartiers centraux comme Mitte

C’est dans cet idéal d’équilibre que le projet de renouvellement urbain Mediaspree est apparu intéressant. Stratégiquement réparti sur les quartiers centraux les plus enclins aux phénomènes de gentrification et de spéculation, il s’agit d’un projet de réimplantation d’activité à la confluence de l’économie et de la création par le réinvestissement des berges de la rivière Spree et la requalification d’un ancien tissu industriel. Mais derrière l’occasion d’une régénération urbaine au profit d’une économie créative et culturelle, le projet désormais bien entamé soulève déjà quelques interrogations face à ses ambitions initiales. Alimenté par des investissements privés, Mediaspree a plutôt fait penché la balance en faveur d’une privatisation de la Spree par les sièges sociaux d’entreprises internationales nouvellement implantés. Si cette intervention conforte une image de puissance économique et financière recherchée par Berlin, elle occulte en revanche les aspects socioculturels, artistiques et créatifs nécessaires à cet équilibre identitaire.


En s’appuyant ainsi sur les vides urbains encore présents aux abords de la Spree et en requestionnant le potentiel de flexibilité d’un tissu industriel préservé par Mediaspree, nous renverserons la tendance opérée jusqu’à présent pour retrouver un équilibre entre orientation économique et maintient d’une qualité publique et socioculturelle accessible à tous. Afin de mettre en exergue notre stratégie, nous envisagerons la colonisation d’un tiers lieu d’activité créative au sein d’une friche industrielle comme véritable levier d’une nouvelle séquence urbaine véhiculant urbanités et espaces publics jusqu’à la Spree.

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BERLIN, UNE


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VILLE AUX MULTIPLES VISAGES


Histoire contemporaine et bipolarité de son identité

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vec près de douze millions de visiteurs chaque année, Berlin fait désormais face à une attractivité énorme, allant jusqu’à déconcerter certains de ses habitants ayant connu des contextes moins fastes. A la réunification en 1990, Berlin devient une ville aux multiples visages : héritage du communisme d’une part, du libéralisme d’autre part, et désormais capitale de la première puissance européenne avec l’ambition de rayonner comme une ville-monde lorsque celle-ci sort meurtrie d’un passé lourd, de la confrontation de deux blocs idéologiques jusqu’aux successifs conflits mondiaux du début du XXe siècle… L’importance des monuments met en lumière une culture et une histoire riches et variées qui font ainsi de Berlin une ville très touristique. Cette muséification de sa culture, de son histoire et de son patrimoine à été particulièrement accentuée à partir du début des années quatre-vingt-dix. Véritable ville état qui se voit héberger les institutions politiques allemandes transférées depuis Bonn, Berlin devient aussi une nouvelle place économique et financière qui conserve une qualité de vie exemplaire. Mais derrière cette nouvelle dynamique, Berlin doit faire face à une forte dualité entre recherche d’une identité de toute puissance rayonnante et préservation de son identité actuelle : celle d’une ville hétéroclite. Cette dualité identitaire entre des aspirations économiques nouvelles et une personnalité « cool et branchée » d’une ville « pauvre mais sexy » Berlin est ainsi une ville à la personnalité bipolaire. Si la ville a pu se retrouvée sous-tendue entre des idéaux antagonistes au cours de son histoire, elle semble aujourd’hui partagée entre des tendances contradictoires, entre muséi-

fication de sa culture et contre culture alternative, renouveau urbain et préservation du patrimoine, mise en lumière de son histoire et droit à l’oubli, rayonnement international par sa puissance politique ou rayonnement par son hétéroclisme culturel, croissance de certains de ses quartiers attractifs et décroissance des autres… Berlin, c’est très vite les quartiers populaires face à l’hyper-centre commercant et son faste architectural, la ville aux 140 musées qui relatent son lourd passé face aux divers galeries d’art qui témoigne de son statut de haut lieu de la contre culture underground et alternative, ou encore l’ensemble des instances politiques et étatiques allemandes face à de grands évènements comme la fashion week ou encore le festival du cinéma Berlinale. Visiblement à la recherche d’une identité, Berlin semble devoir composer entre des aspirations diverses par la recherche d’un équilibre : tendre vers des ambitions nouvelles sans occulter la richesse de son hétéroclisme actuel.

ANALYSE


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ANALYSE


Une ville territoire, reflet d’un développement décentralisé

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apitale de l’Allemagne, Berlin est un Land (équivalent du département en France) inclut dans un autre : celui de Brandebourg (3734 km2). S’il était question de fusionner ces Land en un seul : Berlin-Brandebourg, cette décision à été rejetée en 1996 par le Land de Brandebourg qui ne voulait pas partager l’astronomique dette financière berlinoise (60 milliards d’€ aujourd’hui). Land, et véritable ville-état de près de 892 km2, Berlin est la plus grande ville d’Allemagne pour une superficie 8,5 fois plus importante qu’une ville comme Paris avec paradoxalement que 50% d’habitants de plus. Constituée de 23 arrondissements de 1990 à 2001, leur nombre est aujourd’hui ramené à 12 intégrants 95 quartiers différents. Longtemps séparée entre Est et Ouest, la ville s’est en effet émancipée comme l’auraient fait deux villes se tournant le dos.

Spandau

Son fort étalement urbain lui fait profiter de nombreuses respirations végétales et aquatiques faisant aussi d’elle une ville territoire.

Charl - Wilm

Steg Zehlen

ANALYSE


8,5X

LA SUPERFICIE

DE

PARIS

Reinickendorf

lottenburg mersdorf

glitz ndorf

Pankow Lichtenberg Marzhan Hellersdorf

Mitte Friedrichshain - Kreuzberg Tempelhof Schรถneberg Neukรถlln

Treptow Kรถpenick

ANALYSE

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Une trame verte et bleue prédominante

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ais si Berlin a su acquérir une certaine variété par son histoire et son contexte, elle jouit aussi par son fort étalement d’une variété non moins aussi importante : son paysage et son environnement naturel. Située en plein cœur de la plaine germano-polonaise, Berlin est au confluent de la Spree et de la Havel. Zone anciennement très marécageuse, celle-ci est ponctuée de nombreuses rivières ainsi que de nombreux lacs et plans d’eau aux abords des deux principaux fleuves. L’eau est ainsi omniprésente à Berlin, tout comme la végétation. Certes plus étendue avec une densité urbaine bien plus faible que Paris, Berlin observe 45% de sa superficie investie par le végétal. La ville tend à maintenir ce ratio par une politique de compensation : toute nouvelle opération architecturale ou minérale sur le territoire doit être compensée par la création d’espaces verts in situ si cela est possible, ou ailleurs dans le territoire. La ville a aussi tendance à privilégier dans sa politique urbaine le développement naturel des biotopes. C’est pourquoi une cartographie des espaces verts à Berlin est ainsi à nuancer: sur 45% de la superficie végétalisée, la ville intègre aux divers parcs et jardins l’ensemble des vides urbains, friches et délaissés où la nature a su reprendre ses droits.

la Havel

ANALYSE


45% SUPERFICIE

DE LA

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Tiergarten

la Spree

Tempelhofer Park

ANALYSE


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SINGULARITE DE SA VACANCE


Le vide urbain

L

a notion de vide urbain est complexe et demande souvent d’être spécifiée. Si le vide est prit comme la stricte notion antagoniste du plein, il pourrait alors être vu comme une représentation en négatif de l’espace bâti de la ville. Mais une telle représentation est-elle vraiment celle du vide ? Ces espaces libres, non bâtis, ainsi obtenus par négatif sont-ils à qualifier de vide lorsqu’ils permettent divers usages et fonctions comme irriguer la ville pour la voirie ou l’urbaniser et la faire respirer pour les parcs et jardins ? Et que dire du plein et des espaces bâtis sans un vide environnant nécessaire pour les faire ne serait-ce qu’exister ? Dès lors, doit-on parler de vide urbain si et seulement s’il est question d’un espace non seulement vide, physiquement dégagé, mais en plus vide de sens pour le fonctionnement, l’organisation et la caractérisation de la ville bâtie ?

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On préfèrera alors parler de délaissés urbains : des vides urbains sans fonction ou destination apparente ne constituant pas de réelle définition de la ville et résultant souvent d’un abandon ou d’une désaffectation les condamnant à devenir des terrains en vacance.

Le terme de vide semble ainsi trop générique et abstrait pour réellement qualifier des espaces paradoxalement très concrets: dans l’absolu, Berlin possède 40% de vide sur sa superficie totale : des espaces dégagés qui font la ville comme la voirie pour la circulation et le dessin de la ville bâtie, les parcs et jardins pour sa respiration et son cadre de vie, les cœurs d’ilots et cours privatives pour les usages divers liés à l’habitat, les plans d’eau et rivières pour les loisirs et assurer un apport en eau potable… Restent alors sur ces 40% d’espaces libres 14% de « vides urbains » au terme très abstrait mais à l’image bien concrète dans la pensée de la ville : ces espaces sans signification ou l’ayant perdue, tombés en désuétude et devenus ainsi des espaces à conquérir et à requalifier non seulement pour eux mais surtout pour la définition de la ville au sein de laquelle ils prennent place.

ANALYSE


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ANALYSE


Une dent creuse dans Kreuzberg


Les délaissés à Berlin, approche contextuelle et historique

L

’apparition de ces délaissés urbains est caractéristique d’un contexte de crise et de transition, souvent lié à la désindustrialisation ou encore au phénomène de rétrécissement urbain. Si Berlin peut se reconnaître dans un tel contexte, massivement désindustrialisée et subissant une décroissance de certains de ses quartiers depuis la réunification, il faut en plus opérer à un devoir de mémoire et considérer une approche historique de la ville : considérablement détruite durant les bombardements alliés de la 2nde guerre mondiale, la ville peine à retrouver sa densité d’avant-guerre et conserve des séquelles aujourd’hui matérialisées par de nombreuses dents creuses, voire des terrains vagues là où les destructions ont été les plus totales.

Ci-dessous : un îlot au front bâti discontinu dans Friedrichshain.

ANALYSE

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Tout juste sortie du conflit, Berlin se retrouve l’épicentre du conflit idéologique de guerre froide entre capitalisme et communisme. Scindée en deux, Berlin opère à une reconstruction décentralisée où chacun des protagonistes préfère concentrer ses efforts loin de la zone de démarcation. Ignorée, cette zone qui traverse pourtant Berlin en son cœur, se verra même agrémentée dès 1961 du Mur de Berlin: un véritable rideau de fer comprenant miradors et champs de mines et opérant en un véritable «no man’s land» allant de trente jusqu’à cinq cent mètres de largeur au niveau de la Potsdamer Platz. Il ne tombera qu’en 1990.

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Ci-contre : un terrain vague aux abords de la Spree dans Friedrichshain. Au loin, la East Side Gallery témoignant du tracé du mur. ANALYSE


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ANALYSE


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ANALYSE


Ci-contre : une ancienne caserne militaire aujourd’hui désaffectée.

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Et dans un contexte de guerre encore récent, les délaissés actuels ne trouvent pas seulement leurs origines dans les destructions ou tables rases opérées au cours de l’histoire, mais peuvent aussi être dus à d’anciens édifices militaires comme de nombreuses casernes n’ayant plus sens aujourd’hui. Pour ce qui est de ces délaissés bâtis désaffectés, on parle alors de friches et dans le cas présent, de friches militaires, nombreuses à Berlin. Celles-ci s’ajoutent aux nombreuses autres typologies de friches à Berlin comme les friches industrielles, derniers vestiges d’un âge d’or de ce secteur qui perdra ensuite 45% de ses emplois à la fin des années quatre-vingt-dix, ou encore les friches contemporaines, plus rares, qui témoignent de la crise économique actuelle par des squelettes d’édifices et des chantiers interrompus faute de provisions. ANALYSE


Si ces délaissés présentent de prime abord une image négative du paysage urbain en reflétant de véritables nécroses urbaines, il faut garder à l’esprit qu’à une ère où les villes doivent se construire sur ellesmêmes ou s’étendre, cette vacance à Berlin est un véritable potentiel de développement à moyen terme auquel peu de villes peuvent prétendre. Et paradoxalement, ces nombreux délaissés urbains sont ainsi très bien accueillis par la population berlinoise qui en l’état existant constituent une véritable réserve foncière afin de verdir la ville. Cette importante végétation sauvage, libre et spontanée est à voir comme un principe d’aménagement à part entière à Berlin. Ni plantée ni entretenue, il ne s’agit non pas d’une négligence mais d’une véritable gestion extensive généralisée laissant la végétation potentielle s’exprimer là où elle l’entend, et laissant les habitants en profiter lorsque ces terrains en attente sont libres d’accès. 024

Mais quelle que soit la nature de ces délaissés urbains, ceux-ci possèdent toujours une limite parcellaire et celle-ci peut être matérialisée de façon physique par l’usage de clôtures et barrières rendant l’espace vacant inaccessible. En effet, le délaissé urbain est toujours et quoi qu’il arrive la propriété d’une personne physique ou morale dont les intentions diffèrent… Propriétés de la ville ou d’investisseurs, ces délaissés urbains n’ont pas tous le même impact sur la ville et peuvent présenter des enjeux divers quant à son évolution.

Ci-contre : un délaissé de voirie réinvesti par de l’habitat autoconstruit en plein Kreuzberg. ANALYSE


Friches et initiatives

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orsqu’ils sont la propriété de la ville, ces délaissés urbains présentent de véritables opportunités d’appropriation citoyenne qui au travers d’initiatives variées révèlent de grandes richesses d’usages et forment un terrain propice aux expérimentations urbaines. Cette vacance semble constituer un véritable terreau d’urbanités participatives et donc un véritable levier d’action pour une transformation urbaine en douceur et concertée. Ces espaces marqués par un temps de veille parfois prolongé sont propices au développement d’usages temporaires, souvent des activités culturelles sociales et/ ou artistiques. Et c’est la régénération de ces espaces qui est permise par le développement de ces usages non planifiés. La temporalité du réaménagement est ainsi directement remise en question dans son aptitude à la flexibilité. En effet, plutôt qu’un réaménagement pla-

nifié, ces usages et initiatives temporaires font la part belle à une certaine capacité d’adaptation aux différents aléas du marché, aux crises et à l’incertain. En introduisant plus de flexibilité dans le système de planification, ils facilitent une réelle aptitude d’adaptation à long terme. Véritables laboratoires urbains pour la ville, ces délaissés peuvent démontrer que les contenus des projets installés pendant son temps de sommeil peuvent jeter les bases d’opérations innovantes de renouvellement sur le long terme. Consciente de cela, la ville de Berlin n’hésite pas à mettre ses terrains délaissés, parfois très vastes, à disposition d’initiatives citoyennes très nombreuses.

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ANALYSE



Vaste et récemment très médiatisé, la mise à disposition de l’ancien aéroport de Berlin-Tempelhof, emblématique par son rôle tenu lors des ponts aériens en plein conflit de guerre froide mais aussi du fait qu’il s’agisse du troisième plus grand bâtiment au monde par son emprise au sol après le pentagone et le palais royal de Bucarest. Fermé en 2008, il est reconverti en gigantesque parc urbain plus vaste que Central Park à New York avec près de 380 ha. Le tarmac fait désormais place aux vélos, skate et autres chars à voile alors que les pelouses désormais fleuries sont devenues des aires de loisirs et de pique-nique.

Tempelhofer Park



De grands projets ont ainsi vu le jour, comme le Prinzessinnen garten. Ouvert en 2009, il s’agit d’un jardin urbain installé sur une parcelle en sommeil dans le quartier de Kreuzberg. Autrefois véritable décharge urbaine, le lieu est désormais arboré et composé de différents jardins thématiques, de potagers, serres, restaurant, jeux pour enfant et même une bibliothèque. S’il semble s’agir d’une initiation au jardinage, chacun peut en plus bénéficier du fruit de son travail et apprécier cet espace sur le plan social comme lieu de rencontre privilégié entre les différents habitants du quartier. Divers autres initiatives prennent place ici et là dans Berlin sur des délaissés rendus accessibles par la ville sous l’impulsion d’initiateurs ou « acteurs temporaires ». Ces derniers peuvent profiter d’un foncier aux coûts de location peu élevés voire inexistant, d’une flexibilité des usages, et d’un environnement créatif qui favorise les liens sociaux. La ville quant à elle s’assure d’une sécurisation et d’une maintenance « low-cost » des sites, mais profite surtout de très bons indicateurs quant à son renouvellement.

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Ci-contre : le LichtPark en bord de Spree et le PrincessinnenGarten. ANALYSE


Friches et spéculation

A

la réunification, les subventions fédérales accordées à la partie ouest de la ville sont supprimées et la très ambitieuse politique du renouveau de Berlin reflétée par les grands chantiers de la fin du XXe (Potzdamer Platz, Museum Insel, etc.) font croître une dette de plus de soixante milliards d’euros aujourd’hui. Espérant dès le départ la venue d’investisseurs qui ne sont finalement pas venus si vite que ça, Berlin n’a cessé se vendre « à la pièce » aux plus offrants, ou plutôt aux plus patients…

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Berlin se vend à la pièce, avec près de

Mds

DE DETTES

Ci-contre : le chantier de la PotsdamerPlatz au début des années quatre-vingt-dix. ANALYSE


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ANALYSE


Une friche industrielle en bord de Spree : la EisFabrik


Aujourd’hui, n’ayant plus le droit de se séparer de son foncier et si la mise à disposition des délaissés que possède la ville apparaît comme séduisante, le problème est amené à se poser lorsqu’on sait que près des ¾ de la ville sont détenus par des fonds d’investissements privés. Et dans une capitale récente, celle de la 1ère puissance économique européenne, résolument tournée vers l’avenir et jusqu’alors la moins chère d’Europe s’opère alors une forte spéculation de la part d’investisseurs et propriétaires privés qui savent mettre à profit la temporalité au service d’intérêts financiers qui figent le foncier berlinois. Et les délaissés urbains n’y réchappent pas puisque s’ils semblent en sommeil, ces espaces sont en réalité très actifs sur un plan financier… Beaucoup moins en revanche sur un plan urbain et social lorsque la propriété se matérialise trop souvent par des barrières et clôtures. De fait, si l’abondance de délaissés urbains à Berlin s’explique en partie par son contexte et son histoire, elle s’explique aussi aujourd’hui comme étant la matérialisation d’une importante spéculation immobilière. Et si certains de ces délaissés s’avèrent être de formidables outils de dynamique urbaine par le biais de diverses initiatives rendues possibles par leur accession, beaucoup perdurent barricadés comme de véritables nécroses urbaines aux potentialités avortées.

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ANALYSE


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UNE VILLE EN TRANSITION


Contre-culture

E

n réalité, à la réunification, Berlin ne devient pas seulement une nouvelle capitale, mais se retrouve propulsée sous le feu des projecteurs : le monde entier découvre dans le courant des années quatre-vingt dix une ville branchée, désinhibée d’un passé lourd, et haut lieu de la culture alternative depuis quelques décennies. C’est l’épicentre non plus de la guerre froide, mais des contre-cultures urbaines. Emergent alors massivement dans l’ancien Berlin Est des squats artistiques et culturels autogérés et de nombreuses galeries d’art. Riche en friches industrielles, bureau désaffecté et immeubles aux loyers dérisoires, Berlin attire des artistes venus de toute l’Europe. Le bourgmestre de Berlin qualifiera même sa ville de « pauvre mais sexy » et c’est ainsi tout un marketing territorial qui s’appuiera sur un avant-gardisme reconnu.

Mais parce que cette promotion culturelle a fonctionné bien au-delà de toutes les attentes, les promoteurs et investisseurs cherchent à faire de bonnes affaires, sans être conscients qu’ils tournent le dos à cet esprit alternatif qui a fait la renommée de Berlin. Longtemps une exception en Europe, la ville qui comptait les prix de l’immobilier parmi les plus bas du marché est désormais frappée de plein fouet par la spéculation et la gentrification.

Ci-dessous : Street Art dans Friedrichshain

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ANALYSE


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Une dent creuse dans Kreuzberg ou le pignon comme support d’expression


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Quartier de PrenzlauerBerg


Gentrification

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et élan culturel et artistique a véritablement contribué au renouveau et à la revalorisation de certains quartiers très populaires, dont les plus centraux qui se trouvaient autrefois à l’Est comme Mitte, Kreuzberg ou encore Friedrichain. Mais du rayonnement nouveau de la capitale à son essor artistique et culturel de premier ordre, Berlin fait face à une gentrification très accélérée depuis sa réunification.

Étonnamment, lorsqu’elles s’installent dans un quartier considéré comme « défavorisé », ces démarches culturelles et artistiques, en révélant le potentiel d’un territoire et en initiant un mouvement de revalorisation, aboutissent à cette gentrification ; alors même qu’elles n’auront pas forcément souhaité ce processus de ségrégation urbain et social. C’est d’ailleurs les premières à se mobiliser contre.

Ce phénomène de gentrification ne peut être vu comme un processus bénéfique sous prétexte d’apporter de la richesse dans un quartier. Des quartiers populaires se voient réappropriés par des groupes plus favorisés socialement parlant, entrainant des mouvements de population : les plus aisés s’installent, les autres partent.

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Ci-dessus : des témoignages d’habitants ANALYSE


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Par ailleurs, Berlin est une ville de locataires, avec seulement 14% de propriétaires (contre 44% pour le reste de l’Allemagne) ce qui facilite le phénomène de «turn-over » auquel les artistes euxmêmes finissent par plier en quittant des quartiers qu’ils étaient les premiers à rendre attractifs.

Dotée de nombreux édifices vacants à la réunification, Berlin fait désormais face à une véritable pénurie de logement et une forte pression immobilière : près de 16000 nouveaux arrivants chaque année pour seulement 4000 nouveaux logements construits par an. De plus, le processus de rénovation énergétique en cours pousse les investisseurs à acquérir, rénover puis relouer à des prix devenus prohibitifs pour les anciens occupants.

De façon générale, le bail moyen sur tout nouveau loyer dans la capitale a augmenté de 12% sur une période de trois ans entre 2007 et 2010. Les baux existants ont eux augmentés de 5,5% sur la même période. Mais cette augmentation est bien plus forte si l’on s’attache à certains quartiers les plus enclins à la gentrification comme ceux de Mitte, Kreuzberg, Friedrichain, ou encore Prenzlauerberg et désormais Neukolln qui observent une augmentation moyenne de près de 30% sur nouveau bail de 2007 à 2013.

Le Berlin bohème et artistique semble désormais faire place peu à peu à un Berlin dédié à la consommation et aux affaires. Et cette transition n’est que le reflet social d’une profonde double reconversion : urbaine, mais aussi économique.

Si la gentrification peut s’expliquer par l’attrait nouveau pour une ville devenue branchée, ce n’est là pas la seule raison. 041 Loyer mensuel moyen €/m² 2006 2013 PANKOW

REINICKENDORF

LICHTENBERG

SPANDAU MITTE

KREUZBERG - FRIEDRICHAIN

MARZAHN

CHARLOTTENBURG

ZEHLENDORF - STEIGLITZ NEUKOLLN TREPTOW

TEMPELHOF

Ci-contre : un exemple, celui de l’artiste Blu qui cette année, en pleine nuit, a censuré de peinture noire l’une de ses œuvres qui comptait pour beaucoup dans la renommée du street art au sein du paysage berlinois. ANALYSE


Désindustrialisation

C

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ar comme le reste de l’Europe, l’Allemagne a du amorcer sa reconversion économique suite à une massive désindustrialisation entamée dès les années 80 et trouvant son paroxysme à la réunification. Berlin perd alors près de la moitié des emplois de ce secteur à ce moment là. L’industrie est pourtant la base de la puissance allemande. De tradition ancienne, elle est particulièrement stimulée au XIXème siècle par le charbon et la sidérurgie. Si la région de la Ruhr est connue pour être un bassin industriel d’importance, c’est le cas aussi de la région de Brandebourg autour de Berlin. Aujourd’hui encore, de l’automobile à l’industrie pharmaceutique, l’industrie représente toujours 90% des exportations de l’Allemagne, deuxième commerce extérieur après les USA. Toutefois, la désindustrialisation semble avoir changé le paysage économique et industriel Allemand, et notamment berlinois.

ANALYSE


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Principaux sites désindustrialisés depuis la réunification ANALYSE



Double reconversion économique et urbaine

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our faire face à une économie désormais globalisée, Berlin doit entrer dans une ère postindustrielle d’externalisation des filières de production et de tertiarisation de l’industrie par la création de services ajoutés (R&D, Marketing, communication, etc.). L’activité industrielle est ainsi délocalisée, et se voit alors agrémentée d’une activité tertiaire connexe composée de divers services. Mais si l’industrie a dû s’adapter en changeant de visage, c’est tout le paysage économique berlinois qui a du évoluer. Berlin est ainsi devenu une ville prisée par les domaines de la communication et des médias. On dénombre près de quatre-mille nouvelles créations de start-ups sur les sept dernières années dont notamment SoundCloud, Spotify ou encore Zalando pour les plus renommées.

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Cette reconversion du paysage économique berlinois entraine une reconversion du paysage urbain par une activité créative qui a souvent tendance à réinvestir le patrimoine industriel délaissé. La malléabilité et l’ouverture offertes par ces vastes plateaux conviennent très bien à ces activités nouvelles basées sur un travail en open-space et coworking.

Ci-contre : la Factory, un incubateur pour start up financé par Google. C’est notamment l’entreprise SoundCloud qui y est installée. ANALYSE


MITTE

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KREU

Mais c’est peut-être le projet MediaSpree qui témoigne le mieux de cette double reconversion. En réimplantant de nouvelles activités économiques dans les domaines notamment des médias, il engendre de profondes transformations aux abords directs de la Spree qui véhiculait autrefois le commerce industriel. ANALYSE


FRIEDRICHSHAIN 047

UZBERG

ANALYSE


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MEDIASPREE


Un projet ambitieux mais controversé

P

lus grand projet d’investissement privé de la ville, Mediaspree est probablement le plus vaste chantier de renouvellement urbain que connaît la capitale. Après les grands chantiers des années 90 et de la réunification - qui donneront naissance au « tourisme de chantier » comme avec ceux de Potzdamer platz, de l’île aux musées ou du quartier de Friedrichstrasse - Mediaspree est à la fois un projet urbain et économique. Il s’inscrit directement dans la nouvelle dynamique de transition de l’économie vers les services en réimplantant en bord de Spree diverses activités tertiaires, dans les domaines notamment des médias, de la communication et de la création.

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Opéré dès les années 90, il prend véritablement forme de 2000 à 2008 en livrant ses opérations les plus emblématiques réparties sur près de 180ha sur les arrondissements à la fois de Mitte, Kreuzberg-Friedrichain et Alt-Treptow. Aujourd’hui, Mediaspree représente près d’une quarantaine de projets d’ampleurs diverses achevés ou en cours de part et d’autres de près de 3,5km de la rivière Spree. Une quinzaine de projet restent encore en cours de réflexion sur de nombreux lots non construits. Mais derrière cette vitrine d’une économie nouvelle, motrice d’un véritable renouveau urbain dans une ville qui renaît et cherche sans cesse à aller de l’avant, Mediaspree fait aussi l’objet d’une vaste critique.

ANALYSE


051

ANALYSE


C’est ainsi au travers d’initiatives citoyennes de protestation comme « Mediaspree versenken » (naufrage de Mediaspree) fondée par l’architecte Carsten JOOST sous le slogan « Spreeufer für alle ! » (rives de Spree pour tous !) que les détracteurs se manifestent pour faire valoir leurs opinions. Sont ainsi reprochés des millions d’euros de subventions du sénat de Berlin pour prendre en charge l’installation de certaines entreprises comme MTV ou Universal. On notera aussi la démolition de certains vestiges du mur de Berlin côté rive droite au niveau de la plus grande galerie d’art à ciel ouvert du monde : la East Side Galerie, qui passe très mal auprès des berlinois, surtout lorsqu’on apprend que celle-ci s’opère au profit d’une tour de logements de standing les « pieds dans l’eau » ou d’un embarcadère pour desservir la salle O2 World. De part et d’autre de la Spree, ce sont aussi les nouvelles infrastructures techniques (voirie, éclairage…) qui font craindre une hausse des coûts de maintenance, financés par les fonds publics, une hausse des prix des loyer et donc à nouveau une certaine gentrification. Mais l’objet premier de la controverse porte d’abord et avant tout sur une certaine privatisation des bords de Spree.


MediaSpree rive droite


C’est ainsi au travers d’initiatives citoyennes de protestation comme « Mediaspree versenken » (naufrage de Mediaspree) fondée par l’architecte Carsten JOOST sous le slogan « Spreeufer für alle ! » (rives de Spree pour tous !) que les détracteurs se manifestent pour faire valoir leurs opinions.

De part et d’autre de la Spree, ce sont aussi les nouvelles infrastructures techniques (voirie, éclairage…) qui font craindre une hausse des coûts de maintenance, financés par les fonds publics, une hausse des prix des loyer et donc à nouveau une certaine gentrification. Mais l’objet premier de la controverse porte d’abord et avant tout sur une certaine privatisation des bords de Spree.

Sont ainsi reprochés des millions d’euros de subventions du sénat de Berlin pour prendre en charge l’installation de certaines entreprises comme MTV ou Universal. On notera aussi la démolition de certains vestiges du mur de Berlin côté rive droite au niveau de la plus grande galerie d’art à ciel ouvert du monde : la East Side Galerie, qui passe très mal auprès des berlinois, surtout lorsqu’on apprend que celle-ci s’opère au profit d’une tour de logements de standing les « pieds dans l’eau » ou d’un embarcadère pour desservir la salle O2 World.

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Les riverains manifestent leur opposition à l’égard de MediaSpree ANALYSE


Une forte privatisation des berges

C

ette privatisation d’une véritable ressource foncière en terme d’espace public est en effet au cœur des débats. Et sans institution spécifique pour sa gestion, Mediaspree n’est en fait qu’une étiquette qui témoigne d’un attrait massif des investisseurs dont l’évolution sera décisive dès 2002 par l’avancement par le Sénat du « projet Mediaspree » dans le cadre d’un plan d’aménagement du territoire. Mediaspree peut alors presque être considéré comme une initiative privée résultant davantage d’un consortium de différents groupes d’intérêt : le sénat, les arrondissements, mais surtout les propriétaires fonciers et les investisseurs en tous genre, notamment du milieu du BTP.

vestisseur et promoteur TLG Immobilier ou encore la Deutsche Post entre autres. Cette association Mediaspree eV. se définit comme point de contact entre investisseurs et entreprises diverses et variées. Son champ d’action se définit à la fois comme conseil aux entreprises, communication auprès des propriétaires et courtage des biens et propriétés. Ces intérêts privés, financiers et spéculatifs ne présentent alors que très peu d’intérêt pour l’opinion des résidentiels et pour une conception concertée du projet Mediaspree. Les abords de la spree, potentiels vecteurs d’urbanités et les espaces publics sont massivement oubliés au profit d’une privatisation de sites et parcelles d’exception qui permettent d’agrémenter l’objet économique initial du projet d’opérations de logements et d’hôtellerie très haut de gamme générant des profits maximums.

Une association « Mediaspree eV. » est même créée en 2004 avec près de 21 membres dont le californien AEG, l’in-

055

Partiellement accessible Inaccessible ANALYSE


Cette privatisation et cette négligence de l’aspect durable et social du projet de renouvellement urbain Mediaspree est la première source de conflit entre divers jeux d’acteurs et des résidents désireux de davantage d’urbanité dans le projet. Les habitants proposent notamment via « Mediaspree versenken » un dégagement de 50m depuis les bords de Spree jusqu’aux nouvelles constructions pour l’aménagement de berges publiques, ou encore des bâtis limité à une vingtaine de mètres de hauteur pour mieux s’intégrer au tissu existant. La prise en compte d’espaces piétons et cyclistes leur est primordiale ainsi que la présence d’espaces verts nombreux pour ponctuer le projet dans son ensemble. Ils émettent aussi l’idée de morceler les terrains encore disponibles pour ouvrir la concurrence à de plus petits investisseurs voire des initiatives culturelles. Car en privatisant et en s’accaparant les rives, Mediaspree opère un déplacement de certains projets culturels alternatifs qui faisaient la richesse et l’hétérogénéité des

quartiers en question comme le Yaam ou le Katerholzig. Ces initiatives artistiques et culturelles qui faisaient la richesse de Berlin en colonisant des délaissés urbains en bord de Spree se retrouvent contraint d’être délocalisés au profit de l’étalement des investisseurs de Mediaspree.

Source : MediaSpree Versenken Ci-contre : le YAAM en haut et le KaterHolzig en bas.

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YAAM KaterHolzig

Initiatives ANALYSE



Dichotomie des deux rives, la rive droite...

C

ette privatisation des berges, si elle est valable de part et d’autre de la Spree, ne se manifeste pas de la même façon sur la rive droite et sur la rive gauche. Côté rive droite, la zone où s’étend Mediaspree aujourd’hui a été massivement détruite pendant la deuxième guerre mondiale et s’est ensuite retrouvée en plein cœur de la zone de démarcation lors de la guerre froide. La East Side Gallerie qui la parcourt sur plus d’un kilomètre témoigne aujourd’hui de la tabula rasa opérée par le Mur de Berlin. Située en secteur soviétique dans sa totalité, la rive droite a en plus été sujette à un urbanisme lâche typique de l’Est berlinois.

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Vaste et dégagée, cette rive a été la plus planifiée et la plus bâtie par l’élan insufflé par Mediaspree.

Ci-contre : la rive droite ANALYSE


059

ANALYSE


060

ANALYSE


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Elle est le reflet aujourd’hui des réalisations architecturales les plus imposantes et concentre la majeure partie des opérations neuve de Mediaspree qui se succèdent les unes après les autres, du siège de la BVG au siège de Coca-Cola Compagny en passant par les sièges sociaux de Daimler/ Benz, MTV, Universal, ou encore le EnergieForum et l’impressionnant hôtel NH. La controversée salle d’ évènements O2 World y figure elle aussi en bonne place et ses abords, aujourd’hui délaissés, font l’objet d’un vaste programme de densification pour ériger un « quartier Anschutz » (AEG : Anschutz Entertainment Group).

ANALYSE


Trônant fièrement sur la Spree, ces opérations de la rive droite ont pourtant majoritairement toutes été bâties légèrement en retrait de la rivière laissant une largeur d’une dizaine de mètre de pseudo « espace public » : un quai réhabilité où l’on peut effectivement voir quelques usagers, vélos et jeunes mamans avec poussettes, mais un espace très monolithique manquant cruellement de végétation et pour lequel il faudra s’être armé de patience afin d’y accéder après s’être faufiler entre les différents sièges sociaux et à travers les différents véhicules des employés sur les parkings.

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En somme, un espace « semi-public » à la qualité pauvre et seulement accessible aux heures ouvrables des entreprises. Des berges qui semble donc plus avoir été pensé pour les pauses « lunch » des employés que pour l’ensemble des berlinois.

Ci-dessous : les grilles d’accès au siège d’Universal Music, mais aussi aux berges.

ANALYSE


Berges de la rive droite


064

ANALYSE


...et l’acupuncture urbaine rive gauche

V

ictime du même syndrome de privatisation et de ségrégation que la rive droite, la rive gauche n’est pourtant pas impactée de la même façon par l’influence de Mediaspree. Hormis le nord de la rive dans le quartier de Luisenstadt Nord (Mitte), celle-ci était majoritairement située dans Berlin Ouest. Elle hérite donc d’un tissu existant plus dense que celui d’en face. Elle témoigne aussi d’une activité industrielle libérale plus dynamique qu’en secteur soviétique avec la présence encore aujourd’hui en bord de fleuve de nombreux bâtiments significatifs de cette période et souvent protégés au titre des monuments historiques. La région était effectivement fortement occupée par l’industrie à des siècles où la Spree était alors vue essentiellement comme un vecteur commercial.

Ci-contre : Init, réhabilitation d’un édifice industriel où siègent de nouvelles activités en bord de Spree, rive gauche. ANALYSE

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Dans le cadre du projet Mediaspree, seules deux opérations neuves d’envergure ont réussi à s’installer : le siège d’Allianz au sud, et le complexe Ver.di plus au nord qui concentre bureaux et groupement de syndicats. Non loin de cette réalisation, le Deutsch Architektur Zentrum (DAZ) et quelques petites opérations de logement sont venus prendre place. Le reste de l’action entammée dans le cadre du processus de régénération urbaine qu’est Mediaspree se résume essentiellement en une véritable acupuncture urbaine qui se traduit par de nombreuses réhabilitation « en douceur » du patrimoine bâti existant. Parmi elles, l’Arena, ancien hangar industriel devenu lieu d’évènementiel, le « château d’eau », ancien parc commercial converti en lofts d’affaire, le palais de l’industrie et sa spectaculaire extension en porte-à-faux au dessus de la spree qui héberge de nombreuses entreprises, l’ancienne boulangerie de l’armée devenue centre de mode ou encore les différentes usines désaffectées comme celle de machines à coudre, de confiture ou textile comme la VelvetFabrik. Cette dernière accueille notamment le siège de groupes de presse magazine ou encore celui de la célèbre start-up de vente en ligne Zalando. L’intervention sur la rive gauche semble donc adhérer à la charte générale de Mediaspree orientée sur un renouveau économique par la régénération urbaine. De nombreuses startups et autres entreprises liées à l’économie tertiaire et créative se sont implantées accompagnées d’une nouvelle offre de logements. En revanche, l’action opérée sur cette rive est beaucoup plus sensible que celle opérée sur la rive droite en jouant de rénovations douces et ponctuelles qui préservent le tissu existant et composent avec le passé. Dès lors, comment expliquer que cette rive puisse faire l’objet des même remontrances que la rive d’en face de la part du lobby anti-Mediaspree ? Pourquoi perdure-t-elle si inaccessible là où elle n’a visiblement pas fait l’objet des mêmes privatisation que sa voisine ? ANALYSE


067

ANALYSE


La KรถpenickerStrasse


Une épaisseur active les pieds dans l’eau

D

ans le cadre du projet Mediaspree, les interventions concernant la rive gauche ont réhabilité un patrimoine industriel contenu dans une « épaisseur industrielle » prise en étau entre la Spree et la Köpenicker strasse ; axe routier Berlinois majeur qui longe la Spree et relie le SudEst du Land au centre-ville. Si cet axe est aujourd’hui un important flux commercial à l’heure du tout automobile, il était davantage lieu d’interactions entre les citoyen à une ère industrielle où le commerce s’opérait de façon préférentielle par la Spree. Aujourd’hui, les statuts de la Spree et de la Köpenicker strasse se sont inversés et la rivière devient porteuse de potentialités multiples en tant que vecteur d’urbanités au sein d’une ville plus durable. Mais en adéquation totale avec cette nouvelle réalité, la reconversion par Mediaspree de cette épaisseur industrielle en épaisseur active en implantant une nouvelle économie créative a de nouveau opéré en une privatisation des berges qui aujourd’hui se traduit par une véritable fracture longitudinale qui brise la connexion du citoyen à la Spree.

Ci-dessus : la KöpenickerStrasse en 1905 et 2015

ANALYSE

069


L’activité industrielle s’implantait de façon à se retrouver littéralement les pieds dans l’eau tel des édifices vénitiens. Cette absence d’accès et de berges reflète l’appartenance autrefois du fleuve au champ sémantique de l’économie plutôt qu’à celui des échanges sociaux. Dans un contexte de reconversion urbaine et économique, l’ambition de Mediaspree a été sur cette rive gauche de convertir cette épaisseur industrielle en épaisseur d’activités tout en conservant un tissu industriel berlinois typique : des ilots à la densité optimisée qui par le principe des « höfes » (cours de passage) successives plutôt que celui de la cour centrale, multiplient les surfaces utiles et densifient fortement les rives de la Spree. Pour l’heure, la rive gauche reste donc privatisée par les nouvelles entreprises venues siéger dans un patrimoine industriel où höfes et patios sont saturés de véhicules d’employés et utilitaires divers.

Une höfe intermédiaire 070

Succession de höfes en séquence ANALYSE


WissingerHofe, hofe sur Spree 071

WissingerHofe, hofe intermĂŠdiaire ANALYSE


Saturation automobile jusqu’en bord de Spree



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Privatisation d’une höfe sur Spree


Pour l’heure, la rive gauche reste donc privatisée par les nouvelles entreprises venues siéger dans un patrimoine industriel où höfes et patios sont saturés de véhicules d’employés et utilitaires divers.

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KöpenickerStrasse

Activités

ANALYSE


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UN LEVIER D’AC


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TION DANS LUISENSTADT NORD


Bilan actuel et marges de manoeuvre

C

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omme nous avons pu le voir, si le projet de renouvellement urbain Mediaspree compte de nombreuses opérations réalisées, beaucoup sont encore à l’état d’étude, voire de fiction, et en dépit de cette dynamique nouvelle, la forte spéculation laisse encore en sommeil certains terrains délaissés. Face à un bilan mitigé quant au succès de ce projet sur l’ensemble des thématiques urbaines en jeux, économiques certes mais surtout sociales, des initiatives tentent de mettre cette vacance au profit de propositions alternatives. C’est ce que tentent de réaliser d’anciens gestionnaires d’une célèbre institution socioculturelle berlinoise : le Bar 25. Délogés en 2010 du site du « Holzmarkt » (marché de bois) sur la rive droite, ils créent un lieu semblable, le Katerholzig, dans une ancienne savonnerie sur la rive gauche. Réhabilitée en logements –toujours en chantier- ils sont à nouveau délogés en 2014. A la surprise générale, on les retrouve désormais sur leur premier terrain, aujourd’hui le dernier délaissé de la rive droite à l’échelle de Mediaspree. Ils viennent de finaliser un établissement culturel auto construit, le Katerblau, première pierre d’un projet aussi vaste que la parcelle qu’il s’apprête à occuper : le projet Eckwerke / Holzmarkt. Il s’agit d’un programme mixte mêlant habitat, travail, art et culture au sein d’un cadre public végétal de grande ampleur, coopératif et participatif mais aussi auto construit pour le Holzmarkt village. Et cette fois-ci, aucun risque d’être délogés : le fond de pension suisse qui a répondu à l’appel d’offre de la mairie de Berlin pour ce terrain leur a signé un bail plus que symbolique de 50ans en échange d’un entretien et d’une valorisation du site.

Si à l’echelle de Mediaspree, les délaissés urbains de la rive droite côté Friedrichain se font désormais rares en raison d’une massive planification, ce genre d’initiatives semblent rester possibles sur la rive gauche où l’intervention par acupuncture n’a pas été totale et laisse encore certains terrains en attente. Cette vacance entraine une discontinuité de l’épaisseur active et présente des respirations ponctuelles qui apparaissent alors comme de véritables leviers d’action pour rompre cette continue rupture de dialogue entre Spree et tissu résidentiel.

ANALYSE


Le bar 25 rive droite

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Le KaterHolzig rive gauche

Et le futur projet Eckwerke / Holzmarkt Ă nouveau rive droite

ANALYSE


1


Arpentage rive gauche et opportunités

A

près arpentage en descendant la Spree sur sa rive gauche du sud de Mediaspree vers le centre-ville, la première opportunité foncière qui ouvre une véritable faille à travers ce tissu industriel ségrégatif est la célèbre friche de Curvystrasse.

Aujourd’hui, le site est inexploité et barricadé par son propriétaire et une opération de logements de standing serait prévue suite à une acquisition par des investisseurs.

C’est ici que l’artiste italien précédemment cité Blu a réalisé sa célèbre fresque - désormais censurée – contre un pignon d’îlot. Longtemps accessible, elle a été le lieu de résidences en auto construction pour des populations en mal de logement, mais aussi l’un des sites envisagés pour l’installation du BMW Guggenheim Lab’, une installation socioculturelle temporaire et mobile à travers différentes grandes villes du monde aux problématiques identifiées (shrinking cities, etc.) qui ouvre sur différentes formes de réflexion sur la ville durable.

Ci dessous : la friche de CurvyStrasse

ANALYSE

081


Plus au nord, après avoir entre aperçu bon nombre de nouvelles réhabilitations et contraints presque systématiquement de les parcourir par la köpenickerstrasse et non par la Spree, émerge un immense site aux potentialités fortes. On ne l’assimilera pas à un délaissé car il témoigne d’activités toujours en cours. On y trouve d’abord une enseigne de marché alimentaire discount en préfabriqué qui ne semble pas implantée de façon durable. Mais c’est surtout un centre de tri immense installé sur une parcelle publique appartenant à la mairie qui serait à long terme désireuse de s’en séparer pour relocaliser ce centre de tri plus en périphérie ; à long terme donc.

082

Ci-dessous : Centre de tri de la ville de Berlin en bord de Spree

ANALYSE


2


MITTE

FRIEDRICHSHAIN

3

KREUZBERG

ALT-TREPTOW


Mais répartie sur 3 quartiers dont Alt-Treptow puis principalement Kreuzberg, la rive gauche de Mediaspree finit par aboutir au nord dans le quartier de Mitte, hyper centre de Berlin. C’est peut être cette répartition sur trois arrondissements et donc une division sous trois instances qui a permit à cette rive de se régénérer de façon plus sensible et plus diffuse là où la rive droite, sous la tutelle exclusive de Friedrichain sur près de 3,5km, a probablement été plus perçue par l’arrondissement comme projet de grande ampleur à planifier de façon générale et massive. Le fait est que le nord de la rive gauche sur lequel aboutit l’arpentage avec le troisième site identifié se situe sur l’arrondissement de Mitte, plus précisément un ancien quartier appelé Luisenstadt Nord. Périphérie excentrée de l’arrondissement le plus central de Berlin qui a préféré ces dernières années concentrer sa refonte urbaine en son cœur, celle-ci, quelque peu oubliée des grands projets depuis la réunification, présente une aubaine en terme d’espaces vacants notamment au nord de la rive gauche de Mediaspree.

085

ANALYSE


Luisenstadt, le petit Berlin

L

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uisenstadt est un ancien quartier historique de Berlin dont le nom a un peu disparu après avoir été éclaté entre les quartiers de Mitte et de Kreuzberg suite aux plans du « Grand Berlin » de 1920. Délimité au nord et à l’est par la Spree, au sud par la Skalitzer strasse et à l’ouest par la Linden strasse, il a été le quartier le plus densément peuplé de Berlin avant une massive destruction lors de la 2nde guerre mondiale. La majeure partie du quartier, le Luisenstadt Sud, reflète l’aire la plus vivante et la plus typique de Kreuzberg aujourd’hui. Luisenstadt Nord quant à lui est la partie située sur l’arrondissement de Mitte. Si la limite entre le nord et le sud du quartier Luisenstadt est d’ordre administrative, elle a aussi été matérialisée de façon physique au cours de l’histoire par le Mur de Berlin lors de la guerre froide alors que Kreuzberg était à l’ouest et Mitte à l’est. A une échelle différente, le développement de ce quartier a donc été le reflet de celui de Berlin dans son ensemble : une reconstruction partielle du tissu ancien avec toujours de nombreuses dents creuses au sud, contre une démolition, puis reconstruction d’un nouveau tissu lâche de grands ensembles d’habitation en accord avec l’urbanisme moderne et la charte d’Athènes au nord du quartier, anciennement à l’est.

LUISENSTADT NORD

LUISE

ANALYSE


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ENSTADT SUD

Le Mur de Berlin ANALYSE


Site d’étude aux abords directs de la Spree et du mail arboré sur l’ancien tracé du mur


A la réunification, c’est un quartier qui doit renouer avec lui-même. Le tracé du mur sur un ancien canal recouvert devient désormais un important mail arboré avec un parc public. Objet de séparation, ce tracé devient objet de rencontres et d’échanges sous forme d’une trame verte et bleue comme véritable dynamique pour le quartier, reliant le Landwerk Kanal à la Spree autour d’espaces massivement végétalisés. A titre d’exemple, le logo de l’association du quartier n’oublie pas de le mettre en valeur.

Mais le quartier possède encore quelques délaissés urbains aux abords de la Spree pouvant éventuellement renverser la tendance. Si l’ancienne épaisseur industrielle a été particulièrement réinvestie d’activités nouvelles dans Luisenstadt Sud, sur Kreuzberg, le quartier de Luisenstadt Nord, longtemps occulté par l’arrondissement de Mitte, possède un important patrimoine industriel délaissé aux abords directs de la Spree. Et c’est ainsi sur un site composé de deux ilots jouxtés de part et d’autre de la Köpenicker strasse qu’aboutit l’arpentage, au nord de la rive gauche de Mediaspree.

Cette trame est enrichie de nombreux délaissés et espaces verts qui permettent au quartier, s’il reste divisé dans sa forme urbaine, de retrouver une unité et une identité sur le plan social et culturel. Car la question de l’identité est importante dans une ville hétéroclite en pleine transition, surtout dans un quartier atypique comme luisenstadt qui a toujours su faire cohabiter par le passé habitat résidentiel et activités économiques industrielles.

089

Mais à une ère de transition où les changements de paradigmes imputés laissent peu à peu entrevoir la Spree comme véritable vecteur d’urbanités plutôt que de commerce, l’économie qui a déjà amorcé sa transition se relocalise dans les anciens sites industriels en bord de Spree, nombreux sur Luisenstadt. Cette cohabitation d’usages qui a fait l’identité de ce quartier ne semble plus perdurer lorsque sous l’élan de Mediaspree, l’épaisseur active ainsi formée prive les résidents d’une attente nouvelle : celle de l’accessibilité à la Spree. Cette nouvelle épaisseur active apparaît comme une nouvelle barrière d’usages privatisant la Spree dont se serait bien passé le quartier Luisenstadt après la guerre froide.

ANALYSE


Un patrimoine industriel en séquence transversale à la Spree

L

e premier ilôt en bord de Spree est le site d’une ancienne fabrique de glace : la Eisfabrik. Construite en 1896 et aujourd’hui parmis les plus vieilles fabriques traditionnelles d’Allemagne, véritable cathédrale industrielle, elle fait l’objet d’une mesure de préservation en tant que bâtiment classé. Isolée du reste du tissu, la Eisfabrik meuble un « cœur d’îlot » ouvert sur la Spree. Un terrain vague lui est accolé s’étendant de la Spree jusqu’à la Köpenicker strasse, soit sur toute l’épaisseur industrielle. La parcelle de la Eisfabrik elle ne profite pas d’une telle visibilité depuis la Köpenicker strasse : il faudra traverser une frange bâtie secondaire depuis l’absence de front bâti de l’ilot pour y accéder.

090

paraît alors tel une nécrose industrielle au cœur d’un ilot pourtant résidentiel de ce côté de la Köpenicker strasse. Totalement traversant, ce site communique avec les ilots résidentiels plus en retraits depuis la Spree, du côté de la Melchior strasse, là encore par une rupture du front bâti résidentiel de l’ilot. Ce site est celui de la Postfuhramt : l’ancien centre de tri postal de Berlin. Ainsi, de leurs fronts bâtis discontinus jusqu’à leurs cœurs d’ilot respectifs en passant par une succession de höfe végétales et de couronnes bâties secondaires perméables, ces deux ilots mettent en dialogue un fort patrimoine industriel au travers d’une séquence urbaine transversale à la spree comme un véritable réseau secondaire inexploité.

L’ilot d’en face est lui aussi discontinu dans son front bâti.C’est un vaste site désaffecté constitué de nombreux bâtiments qui ap-

LA EISFABRIK

LA POSTFUHRAMT

ANALYSE


SĂŠquence urbaine

1

2

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5 6 7 8

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PROBLEMATIQUE En misant sur le potentiel des vides urbains délaissés berlinois, comment mettre à profit cette vacance, ces espaces non qualifiés au service d’urbanité nouvelles à une échelle locale comme territoriale ?



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UNE EPAISSEUR PARTICULIERE


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AUX POTENTIALITES MULTIPLES


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berges aseptisĂŠes, linĂŠaires berges potentielles

STRATEGIE


Réappropriation des berges de la Spree

L

e peu de respirations encore présentes le long de la rive gauche laissent encore envisager un possible aménagement de berges le long de la spree, notamment au niveau des sites déjà identifiés lors de l’arpentage comme au niveau de la friche de Curvystrasse, du centre de tri de déchets ou encore de la Eisfabrik. Mais il semble difficile d’arriver à un aménagement d’ensemble et uniforme sur l’ensemble de la rive compte tenu des typologies industrielles conservées qui viennent s’aventurer jusqu’au bord de l’eau. La question qui se pose alors est de savoir comment composer avec le tissu en place pour requalifier les rives de spree sans obtenir un aménagement ponctuel et discontinu seulement là où cela est encore possible. Il s’agit de requestionner ces typologies fonctionnelles pour se réapproprier les bords de spree et les investir de davantage d’urbanités.

C’est pourtant cette contrainte d’un tissu au départ inadapté qui fait émerger un principe d’aménagement pourvu d’originalité et d’une certaine richesse dans sa variété : S’il on peut envisager des berges classique, de type plage, là où les opportunités foncières le permette, l’idée est de voir les höfes industrielles enclavées en bord de spree comme des accès ponctuels à l’eau ayant chacun leur identité et leur ambiance. Les envisager comme étant à la ville ce que les criques sont au bord de mer en les rendant publiques par un droit de servitude. Pour assurer la connexion entre des berges éventuelles et ces « criques » urbaines, des berges flottantes assimilables à un sentier peuvent assurer le contournement des bâtis « les pieds dans l’eau » et ainsi assurer une continuité longitudinale du parcours le long de la spree. Un parcours le long de la spree qui ne se ferait pas au travers de grandes berges uniformes et monotones, mais au travers d’une succession d’ambiances séquencées, tantôt minérales, tantôt végétales, entre berges, sentier flottant et höfes rendues publiques.

LINEARITE

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Docks aménagés

Plages urbaines Calanques urbaines

Sentiers

Débarcadères

SE REAPPROPRIER


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STRATEGIE


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Photomontage d’une réappropriation de höfe sur Spree STRATEGIE


Reconnexion sur quai

Reconnexion sur plage

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Reconnexion sur rdc public en front d’eau

Reconnexion sur « calanque » Programmations publiques et socioculturelles Activités STRATEGIE


Les reconnecter à la Köpenicker Strasse

S

i la réappropriation et la requalification des berges dans une dynamique longitudinale à la spree est essentielle, travailler sur une dynamique transversale d’accessibilité à cet aménagement nouveau l’est tout autant. Mettre à profit la spécificité morphologique du tissu industriel conservé et particulièrement le principe de höfes connectées pour générer un nouveau type d’espace public séquencé depuis la Köpenicker strasse vers la Spree. Le jeu de compression / dilatation opéré par ces successions de höfes crée ainsi un rythme de scansion d’ambiances variées en traversant aussi bien des franges bâties que des respirations désormais publiques. Si le tissu actuel a été fortement réinvestit par de nouvelles activités, il est important d’enrichir ce principe d’aménagement des höfes en incitant à l’avenir l’implantation de programmes plus publics et/ou socioculturels dans les rez-de-chaussée des bâtis, sans pour autant leur ôter leur statut de lieux d’activités désormais acquis. Elever la privatisation et l’activité dans les édifices pour généraliser des höfes en rez-de-chaussée publiques, créant des séquences aussi bien minérales que végétales qui cadrent la Spree depuis la Köpenickerstrasse.

STRATEGIE

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STRATEGIE


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STRATEGIE


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STRATEGIE


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Photomontage d’une réappropriation de höfe intermédiaire STRATEGIE


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RETABLIR UN DIALOGUE ENTRE


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EPAISSEUR INDUSTRIELLE ET TISSU RESIDENTIEL


S’appuyer sur des potentialités pour transcender cette reconnexion

L

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a stratégie de reconnexion par requalification de l’épaisseur active et instauration d’un droit de servitude pour se réapproprier ses höfes en un espace public connecté et séquencé jusqu’à l’eau permet ainsi de rétablir un dialogue de la spree vers la köpenickerstrasse. Mais pour véritablement reconnecter le tissu résidentiel à la spree, il est important d’envisager ce nouveau réseau comme un principe d’aménagement global. Il s’agit alors de transcender ce réseau secondaire d’espace public connecté au delà de la kopenickerstrasse pour créer de vraies séquences urbaines au travers des nombreuses höfes et cœurs d’ilots du tissu urbain berlinois. Pour cela, la potentialité offerte par les ilots de la Eisfabrik et de la Postfuhramt – de part et d’autre de la kopenickerstrasse – apparaît comme un véritable levier d’action afin d’expérimenter cette reconnexion comme nouveau plan d’aménagement. En effet, s’il est normal de trouver une friche industrielle comme celle de la Eisfabrik en bord de spree et au sein de l’ancienne épaisseur industrielle, la situation de la Postfuhramt est quant à elle paradoxale. Véritable nécrose industrielle, ce site prend place au cœur d’un vaste ilot résidentiel en marge de l’épaisseur industrielle. De la couronne périphérique résidentielle au cœur de l’ilot, une couronne végétale de höfes vient faire tampon entre la première couronne bâtie constituée d’habitations et une seconde, essentiellement constituée des différents bâtiments de la postfuhramt qui ceinturent sa parcelle et le cœur d’ilot. En cœur d’ilot, la parcelle de la Postfuhramt est en plus traversante permettant ainsi une séquence depuis le tissu résidentiel plus en retrait jusqu’à la Spree et la Eisfabrik.

STRATEGIE


ActivitĂŠ Logement Friches

115

STRATEGIE


Cohabitation programmatique pour un antifonctionnalisme

C

omme nous l’avons vu précédemment, la cohabitation en élévation des programmes, usages et usagers dans l’épaisseur active est essentielle dans l’accompagnement d’une réappropriation des rez-de-chaussée et d’une stratégie de requalification et reconnexion des respirations offertes par les höfes : n’envisager les lieux de travail que dans les étages des édifices préservés et proposer des programmations plus public et/ou socioculturelles en rez-de-chaussée, liées au nouvel espace public.

laissée que constituent la Eisfabrik et la Postfuhramt comme une vraie marge de manœuvre. En effet, si cette séquence permet d’étendre un réseau d’espace public connecté, elle est aussi l’occasion, par sa vacance, de réenvisager une implantation programmatique différente de part et d’autre de la köpenickerstrasse et rompre avec une vision fonctionnaliste consistant à toujours destiner l’ancienne épaisseur industrielle à de l’activité. Avec un front bâti résidentiel discontinu, constitué de nombreuses dents creuses, l’ilot de la Postfuhramt peut ainsi être densifié d’une offre de logements supplémentaire sur sa périphérie, tout en conservant des poches d’appel et de respiration pour maintenir une connexion de l’espace pu-

Mais cette approche de la reconnexion, de la réappropriation, du dialogue avec la spree par l’aspect programmatique peut elle aussi être transcendée au delà d’une vision seulement verticale si l’on considère à nouveau la séquence urbaine dé116

Front bâti discontinu

STRATEGIE


blique vers le cœur d’ilot en passant par la couronne végétale de höfes résidentielles.

espace public par des programmations socioculturelles dans les rez-de-chaussée en dialogue étroit avec la requalification de la Eisfabrik comme centre culturel.

Mais cette densification par le logement est surtout à opérer sur l’ilot de la Eisfabrik - où périphérie mitée et terrains vagues offrent une véritable réserve foncière - pour prolonger le tissu résidentiel jusqu’aux abords de la Spree et ramener une diversité programmatique au sein de l’épaisseur active. Une densification résidentielle qui puisse rester poreuse et offrir des respirations successives de type « höfes » pour générer cet espace public secondaire connecté comme interface de la cohabitation entre public, résidents et actifs, et préserver une accessibilité à la Spree. Et toujours dans une logique de mixité programmatique verticale, enrichir cette

Enfin, pour parfaire cette dynamique de mixité et de volte-face programmatique de part et d’autre de la Köpenickerstrasse, l’implantation d’activité de type créative sur la Postfuhramt en marge de l’épaisseur active est l’occasion de mettre en exergue le réseau secondaire d’espace publique comme interface entre un cœur d’ilot actif et une périphérie résidentielle.

Programmations socioculturelles Activités Logement Espace public

STRATEGIE

117


118

APPROCHE LOCALE


119

POUR UNE STRATEGIE GLOBALE


Un organisme d’urbanisme alternatif

L

’ensemble des observations faites sur Berlin, de l’abondance de ses délaissés urbains comme réserve foncière à l’émergence de nombreuses initiatives d’expérimentation citoyenne, a amené une réflexion sur la programmation à mettre en place sur la Postfuhramt comme lieu d’activité. C’est dès lors l’idée d’un «organisme d’urbanisme alternatif» : l’UrbanLab, qui a ainsi émergée. Un organisme capable de mettre à profit la vacance pour en faire le lieu de nouvelles expérimentations urbaines. Un acteur de la ville capable d’ouvrir temporairement les délaissés au public sur une temporalité qui serait celle de leur spéculation afin de réactiver et gérer une réserve foncière négligée et en sommeil.

120

Si l’accessibilité au peu de parcelles encore publiques est considérée comme acquise grâce à une ville qui cherche à favoriser ce genre d’initiatives, c’est par un système de baux emphytéotiques que l’accessibilité aux parcelles privées peut-être envisagée. En contre partie, l’entretient et la valorisation du site par les initiatives pour lesquelles il devient le support assure un intérêt auprès des propriétaires cherchant à en prolonger la spéculation. Ainsi rendus accessibles, ces espaces vacants comme nouvel espace public seront désormais réappropriables par les habitants.

LOGEMENTS TEMPORAIRE

ESPACE PUBLIC EVOLUTIF

STRATEGIE


RESIDENCE D’ARTISTES

ES

121 STUDIOS, SALLE DE CONCERT RADIO CITOYENNE

MARCHE COOPERATIF HEBDOMADAIRE

STRATEGIE


Un équipement pour fédérer les initiatives

S

122

’il permet la mise à disposition du foncier sur un plan administratif, notamment en tant que médiateur entre les différents acteurs de la ville (institutions, propriétaires, associations et habitants), l’UrbanLab ne sera pas seulement un organisme « institutionnel » ou associatif, mais un véritable équipement urbain à la programmation mixte.

La réflexion sur cet UrbanLab, véritable outil actif au service de la régénération urbaine par la concertation et la participation, fait ainsi émerger de grandes directives programmatiques : un pôle public (loisir) en interface entre un pôle d’activités (la manufacture), un pôle socioculturel de diffusion (l’antenne), et un pôle de gestion (l’administration).

Orienté sur l’activité, et notamment créative et productive, il sera un outil de concrétisation des initiatives et de développement concerté et participatif de la ville en mettant en regard créatifs et artisans, mais surtout les différents publics par une cohabitation sociale et fonctionnelle au travers d’une forte mixité programmatique. Un lieu de rencontre et d’échanges pour ceux qui font la ville, c’est à dire ceux pour qui elle est faite, où l’activité de création compose à la fois avec un espace public en cœur d’ilot, mais surtout avec des espaces de diffusion et de communication.

Enfin, travailler sur une vision partagée et concertée de la vacance à Berlin, c’est aussi accepter que cette profusion de délaissés constitue un véritable gisement de matières diverses pouvant être réemployée et/ou constituer un stock exploitable. Et c’est dans cette logique de réemploi et dans une démarche durable d’économie de matière et de moyens que la préservation du patrimoine se pose sur chaque délaissé, qu’il apparaisse comme support d’une nouvelle colonisation ou comme stock de matériaux à démanteler pour réemploi futur. L’UrbanLab sera ainsi agrémenté d’un pôle matière (la ressourcerie).

Faire de cette nécrose industrielle un lieu d’activité en dialogue direct avec le tissu résidentiel dans lequel il s’insère, mais aussi en lien étroit avec le nouvel espace public sur lequel il s’implante. A la rencontre des usages et usagers (public, résidentiels et bien sûr actifs), ce lieu d’activité doit véritablement tendre vers un « tiers lieu » où dialogue, échanges, concertation et participation autour du travail, de la création ou de la simple réflexion puissent fédérer les initiatives et expérimentations citoyennes sur la vacance berlinoise. Considérer un programme stratégique qui puisse rayonner de façon territoriale afin d’envisager la vacance comme un système alternatif et transitoire pour faire la ville.

STRATEGIE


E IER AT

STOC KD E

STOC KD EM

’OEUVRE D AIN M

ARTISANAT

RECYCLERIE

123

STO C K MP

ES

C

O

PUBLIC

AT

IV

DE

ACTIVITES ETE

NCES

STO C K D

STRATEGIE

I T I N ’I


L’auto-organisation

L

e principe de ce projet nécessite un montage singulier pour un lieu aux ambitions vastes dont l’objectif n’est pas son développement, mais celui du territoire sur lequel il est implanté. L’idée est d’investir la parcelle de la postfuhramt pour implanter l’UrbanLab de la même manière que ce dernier investira les divers sites délaissés pour y implanter les initiatives futures auxquelles il contribuera. Il constitue en quelque sorte la première pierre d’un projet plus vaste à l’échelle du territoire. Réaliser l’UrbanLab revient entre guillemets à édifier la première grue nécessaire à l’édification autonome des suivantes.

124

Enfin, si l’UrbanLab assurera un accompagnement dans la réalisation d’initiatives, il assurera aussi à l’avenir l’accompagnement sur le plan administratif de porteurs de projets potentiels sur divers délaissés dans Berlin afin de les aider à se constituer SCIC.

Contrairement à la Eisfabrik détenue par un fond d’investissement, cet ancien site de tri postal est détenu par la ville avec qui il sera plus aisé de composer. Il sera donc question d’un montage sous forme de SCIC (Société Coopérative d’Intérêt Collectif) en partenariat financier entre la ville et les porteurs du projet. En effet, la forme associative apparaît comme la réalité d’une gestion participative et alternative tout en associant rentabilité et « vivre ensemble » par un fonctionnement collégial où gestionnaires et adhérents ont leur place dans les décisions. La ville reste donc propriétaire, et la SCIC locataire par le biais d’un bail emphytéotique d’un montant souvent très symbolique voire nul. Le site de son côté est autogéré et les acteurs sont aussi producteurs de son développement et de son financement par les retombées financières des divers équipements ou établissements (bar, etc).

STRATEGIE


125

STRATEGIE




PROJET

128


Intervention sur l’îlot de la Postfuhramt afin de mettre en exergue une stratégie de reconnexion des habitant à la spree par le biais d’un nouveau tiers lieu d’activités fédérateur d’initiatives nouvelles : l’UrbanLAB

129


130


131

S’APPUYER SUR L’EXISTANT


La postfurhamt : histoire et état des lieux

A

ncien centre de tri postal de Berlin érigé en 1893, la Postfuhramt était originellement constituées de plusieurs bâtiments de style classique organisés en couronne autour d’une vaste cour en cœur d’ilot qui accueillait les chevaux et les véhicules des postiers. Equipés de rampes d’accès, ces bâtiments permettaient le repos des chevaux durant la nuit à tous les niveaux. Orientés vers la cour centrale, ceux-ci tournaient manifestement le dos à la ceinture résidentielle de l’ilot.

Ci-desous : Plan des édifices de 1893

132

PROJET



En 1925, le site est métamorphosé pour faire place à six nouveaux bâtiments principaux qui reprennent dans l’ensemble l’implantation des anciens bâtiments à l’exception d’un qui vient massivement meubler le centre de l’ancienne cour. C’est le passage à des véhicules électriques qui a motivé l’édification de bâtiments industriels plus adaptés à la recharge et à l’entretien des nouveaux véhicules. Inchangé aujourd’hui mais très vétuste, le site de la Postfuhramt a été désaffecté par la ville à la réunification en 1990.

1

2

134 6 3

PROJET


135

4

5

PROJET


1 11,2m

La halle d’accueil 35m 23m

2

La halle Ouest

9,6m 50m

27,5m

29,5m

3 7,5m

La guérite

60m

10,5m

136

4

8,2m

La halle nord 58m

11,7m

5

La halle Est

9,6m

59m 29,5m

6

Le générateur

18,8m

32,7m

37,4m

PROJET


137

PROJET


Organisation générale de la parcelle et projection programmatique

L

138

a disposition des bâtiments actuels ainsi que la morphologie de la parcelle permettent d’orienter la spatialisation du programme à mettre en place. A l’ouest du générateur central, la parcelle est longiligne et traversante permettant de qualifier un flux principal sur lesquels viennent successivement s’accrocher la halle d’accueil, la halle ouest et la guérite. En considérant ce flux principal comme le nouveau flux public de la séquence urbaine qui lie l’ilot à celui de la Eisfabrik puis à la Spree, ce sont les pôles programmatiques de «loisirs» (espaces publics) et d’ «antenne» (communication, diffusion) qui réinvestiront ces bâtiments. Fortement identifiable par sa typologie, la guérite qui à l’image d’une porte semble donner un cadre au site depuis la séquence sera investie par le pôle «admin» (gestion). Par ailleurs, la parcelle est plus enclavée à l’Est du générateur et celle-ci qualifie un flux secondaire giratoire autour de ce dernier, desservant la halle Est et la halle Nord.

En considérant ce flux secondaire comme un flux de matière, c’est le pôle « ressourcerie » qui investira la halle nord afin de stocker la matière provenant du flux principal avant de la renvoyer vers la halle Est où celle-ci sera travaillée par le pôle «manufacture» (ateliers). Cette position en enclave de parcelle des lieux de travail leur assure calme et quiétude. Toutefois, il n’est pas question de créer une ségrégation entre public et actif et c’est pourquoi le générateur central assurera un rôle de rotule au sein du site : des espaces de travail dans les étages et une halle polyvalente en rez-de-chaussée à la programmation libre et en interface avec l’ensemble des différents pôles programmatiques. Ligne de force.

Dominante public Dominante travail

PROJET


Flux

139

PROJET


138


139

L’ESPACE PUBLIC COMME INTERFACE


Générer un espace public en rez-dechaussée

D

140

ans le cadre de la stratégie de reconnexion envisagée au travers d’une séquence publique ponctuée de respirations successives que constituent les höfes et cœurs d’ilots, la parcelle est considérée comme un vaste espace public qui jouera en plus le rôle d’interface entre la couronne résidentielle et l’activité à venir. Pour étendre une vaste respiration branchée à la séquence, la première intervention consiste à s’affranchir des limites dedans/dehors des bâtiments existant par la démolition de leurs enveloppes respectives. L’issue du diagnostique a montré qu’il était de toute façon inenvisageable de conserver la brique de façade et la tôle de couverture sur la plupart des bâtis. Seuls la guérite et le générateur conservent leurs façades en brique dans les étages supérieurs ainsi qu’au niveau de leurs cages d’escaliers qui viennent prendre appui au sol, c’est à dire sur le nouvel espace public. Le rez-de-chaussée de la parcelle devient ainsi totalement dégagé, ponctué ici et là par les reprises verticales des structures existantes conservées.

PROJET


Démolition des enveloppes 141

Nouvel espace public en coeur d’îlot PROJET


Démolition des limites et annexes 142

Nouvel espace public étendu aux höfes résidentielles PROJET


Le reconnecter aux höfes résidentielles

A

fin de poursuivre cette mise en réseau des respirations et réenvisager un dialogue et une cohabitation de la périphérie résidentielle de l’ilot avec son cœur, les limites absolues de limite de propriété constituées de murs ainsi que certaines annexes ne présentant aucune qualités architecturales sont détruites. La parcelle communique ainsi directement avec les hôfes résidentielles.

143

A l’issue des différentes démolitions, le coeur d’îlot devient accessible et communique avec sa périphérie résidentielle par des porosités et perméabilités

PROJET


144


143

PALIMPSESTE DES TRAMES


Réinterpréter la trame historique en épaisseur végétale

A

fin d’assurer l’intimité des höfes résidentielles désormais reliées au nouvel espace public de cœur d’ilot, la trame historique des bâtis de 1893 est réinterprétée en une trame végétale se faufilant au travers des structures actuelles conservées. Cette nouvelle épaisseur végétale permet ainsi de redonner un cadre à la parcelle et de créer un tampon pour filtrer les porosités et perméabilités entre le cœur d’ilot et les hofes. Si la trame historique délimitait une cour centrale en tournant le dos à la couronne résidentielle de l’ilot, cette trame végétale cadre désormais un nouvel espace publique tout en préservant un dialogue avec la couronne résidentielle.

146

Reprenant la trame historique, la nouvelle épaisseur végétale agit comme un filtre laissant désormais un dialogue entre couronne résidentielle et activités de coeur d’îlot.



La trame structurelle comme support de l’activité

L

e projet propose d’élever les espaces dédiés et/ou privés liés à l’activité et au travail. Si ce geste peut être vu comme un clin d’œil à l’élévation des chevaux dans les bâtis d’autrefois ou en référence plus actuelle avec la guérite, il s’agit surtout de mettre en exergue la dynamique de cohabitation verticale des programmes avec des lieux d’activité en étage qui permettent de préserver des espaces publics en rez-dechaussée. Les démolitions opérées en rez-de-chaussée sur la guérite et le générateur mettent en lumière une lévitation de leurs niveaux supérieurs au dessus du nouvel espace public.

Ces volumes préservés accueilleront l’administration au sein de la guérite, et les lieux de travail en co working du pôle manufacture au niveau du générateur.

148

1 2

PROJET

1

Bureau en co-working

2

Administration

3

Ateliers de préparation/démantèlement ressourcerie

4

Ateliers en co-working, FabLab


Espace public dégagé GSPublisherEngine 0.49.100.99

La trame structurelle conservée va permettre au niveau des halles Nord et Est de suspendre les espaces dédiés de la ressourcerie et des ateliers sans empiéter sur le nouvel espace public généré. Et c’est ainsi en s’élevant que le projet propose une réinterprétation de la halle : si celle-ci couvrait de vaste espaces de rezde-chaussée par ses portées structurelles importantes, elle génèrera désormais des espaces en hauteur en supportant de nouveaux planchers au niveau de sa nef centrale.

Suspendre l’activité GSPublisherEngine 0.49.100.99

La halle génératrice d’espaces GSPublisherEngine 0.49.100.99

Prendre appui GSPublisherEngine 0.49.100.99

S’élever GSPublisherEngine 0.49.100.99

3

4

PROJET

149


Nouvelle trame : les tiers lieux comme liant entre espace public et activités

E

n interface entre le nouvel espace public de coeur d’ilot et les lieux d’activités en hauteur, une nouvelle trame de rez-de chaussée vient accueillir des espaces de tiers lieu permettant une forte cohésion sociale entre actifs et public autour de la création, la conception et le partage de ressources. Cette trame légère, poreuse et perméable s’efface au profit de l’espace public tout en s’affranchissant de la trame structurelle actuelle. Par des jeux de compression et de dilatation, elle ouvre le dialogue sur le coeur d’ilot tout en créant des tensions pour minimiser les flux connectés aux höfes afin d’assurer calme et quiétude à ces dernières. On retrouvera ainsi au sein de cette nouvelle trame les espacesl es plus publics comme le snack/ bar, le magasin ou encore une halle de coeur d’ilot à la programmation mixte.

Nouvelle trame de RDC GSPublisherEngine 0.49.100.99

1

Accueil / magasin

2

Pôle pédagogique

3

Halle végétale / Snack-Bar

4

La Halle

5

Accueil / magasin ressourcerie

6

Ateliers partagés

7

Expédition

150 1

2

3 5

7

4 6

PROJET


Plan de Rez-de-chaussĂŠe

1

2

5 3

151 6 4

6 7

PROJET


152


153

Perspective depuis les ateliers partagés vers le générateur


Intersection des Trames et définition d’usages

T

ravailler verticalement avec ces volumes que sont les tiers-lieux est apparu comme une nécessité tant il était souhaitable d’étendre le lien entre les différents usagers du projet. Ces volumes autonomes viennent transcander les étages et opérer une gradation de ces espaces. S’en suit alors la création d’espaces secondaires «clos» dialoguant les uns avec les autres laissant apparaître un entre-deux qui abrite les espaces communs d’échange entre usagers et public.Dans les espaces de travail, l’emergence de la trame du rez de chaussée vient refermer les espace les plus dédiés (co-working) tandis que la résultante qualifie les espaces de détente et d’éventuelles rencontres avec le public. 154

Intersection des trames en élévation

Au deuxième niveau, les espaces de travail sont exclusivement dessiné par l’influence de la trame de rez-de-chaussée. Pour récupérer les circulations verticales de l’édifice, des passerelles s’élèvent au dessus des espaces de détente du niveau 1.

GSPublisherEngine 0.49.100.99

Gradation des espaces les plus publics vers les plus dédiés GSPublisherEngine 0.49.100.99

PROJET


156

Plan étage 2 PROJET


156

PROJET


Coupe transversale à la séquence

157

Coupe longitudinale à la séquence

PROJET


158

PROJET


159

Perspective sur les bureaux en coworking à l’étage du générateur

PROJET


160

STRUCTURANTES ET


161

STRUCTURELLES : LES PILES


Organiser l’espace sans le figer

L

a mise en place de « piles » qui viennent transcender les différents niveaux de nos bâtiments permet de générer par leur organisation spatiale et leur rythme des sous-espaces flexibles et modulables. Elles intègreront donc toutes les pièces fonctionnelles des espaces, telles que les stocks, les appentis, les cuisines ou encore les sanitaires. Ces piles seront plus occasionnellement à envisager comme des tiers-espaces tant leur proximité permet des les lier et de créer en leur sein des espaces plus intimes, pouvant ponctuellement être à l’abri des regards.

161

Dans les ateliers partagés, les piles compartimentent le volume et qualifient des espaces de travail ouverts mais distincts. Elle hébergent notamment stocks et sanitaires.

Rez-de-chaussée manufacture PROJET


162

Colonisation des piles à travers le projet

Dans la halle végétale, les piles hébergent un snack ou supportent un perchoir... PROJET


Les piles : une nécessité

P

ar ailleurs, ces piles assurent en plus un rôle technique en permettant l’integration de monte-charges ou en assurant le circuit des fluides et flux techniques de chaque édifice. Mais loin d’être de simples locaux techniques, elles donnent au site une écriture commune au travers de ses bâtis pourtant différents. Elles lui assurent surtout son maintien : si elles ne sont pas nécessaires à la portée verticale des nouveaux planchers, elles permettent en revanche de contreventer la dynamique de la nouvelle structure venue se suspendre aux halles.

Structure métallique existante

162

Colonisation des piles Complétée d’une nouvelle structure métallique par boulonnage

GSPublisherEngine 0.49.100.99

Integration de monte-charges... GSPublisherEngine 0.49.100.99

ou de flux techniques GSPublisherEngine 0.49.100.99

Equilibre de la dynamique de la nouvelle structure

Afin d’assurer le maintien des nouveaux planchers

GSPublisherEngine 0.49.100.99

PROJET


163

PROJET


ENTRE MATERIALITES ET USAGES

C

es deux termes nous semblent intrinsèques et viennent aboutir notre réflexion sur ce projet. Nous avons choisi de composer avec les ressources présentes sur le site afin de pousser au bout notre réflexion sur la question du patrimoine et de ce qu’il induit. Suite aux démolitions et à la mise à nue des structures, nous avons commencé à constituer un premier « stock » de matière que nous réinventons dans le projet. Le fait d’utiliser un matériau plutôt qu’un autre nous permet une nouvelle fois de hiérarchiser les

espaces (espace chauffés, espaces hors d’eau, hors d’air). Nous avons souhaité par exemple composer avec une gamme de matériaux allant du plus transparent au plus opaque pour définir les « tiers-lieux » et leurs sous-espaces. Ces volumes en rez-de-chaussée sont en quelque sorte travaillés de manière à inviter les passants sous ce voile qui semble se lever. Les façades les plus exposées seront traitées en bac acier (récupéré sur les halles) afin de garantir un certain confort aux usagers. Puis le volume se découvrira en passant

164

PROJET


par un polycarbonate opaque avant de devenir un polycarbonate translucide qui laissera apparaître les volumes en briques qui sembleront alors léviter. Les piles quant à elles, par leur manière de coloniser le site de façon diffuse et de lui redonner une nouvelle identité, sont traitées comme des marqueurs forts de l’espace, avec un code reprenant celui de l’ensemble de la signalétique du site.

Perspective sur les ateliers partagés entre actifs et public

165

PROJET


Conclusion Inscrit dans une dynamique locale de reconnexion des habitants avec la Spree, le projet travaille sur une mise en réseau physique du vide urbain ainsi que sur sa requalification en espace public secondaire. Connecté, séquencé et rythmé d’ambiances variées et singulières, ce nouveau réseau d’espace public devient ainsi une réelle opportunité de réappropriation citoyenne. Repoussant les limites de la privatisation lorsque celles-ci n’ont pas lieu d’être, c’est toutefois la question de l’annexion des höfes résidentielles qui, si elle enrichie significativement un tel réseau, peut poser la question de l’intimité et de la sécurité.

166

Rendre appropriables ces espaces sans signification à l’heure actuelle est un enjeu important dans la question du projet urbain. Perçus négativement dans le paysage urbain, ils constituent pourtant une véritable richesse pour la régénération urbaine. Outre le fait qu’ils constituent un foncier disponible sans nécessité de s’étendre, ils présentent surtout une opportunité pour l’expérimentation de nouvelles urbanités. Une réappropriation concertée par de plus petits acteurs - voire les habitants euxmêmes par le biais de la participation et l’autoconstruction – apparaît comme le moteur d’une transition douce et maîtrisée vers la ville de demain. Cette régénération urbaine par une approche locale s’appuyant sur la particularité et la singularité de chaque espace mais aussi sur cette dynamique de réappropriation assure ainsi une maitrises totale des attentes, que ce soit en terme de programme, de temps ou encore de moyens. Dans un contexte urbain où les délaissés sont encore nombreux, Berlin doit rester consciente de cette capacité d’anticipation et de flexibilité de son renouveau urbain par la réappropriation de sa vacance. Si elle tend à devenir une ville durable par sa

vision résolument tournée vers l’avenir, ce n’est que par la prise en compte de ses ressources qu’elle y parviendra. Elle doit ainsi réenvisager sa ressource foncière non plus comme source de profits financiers, mais comme réelle source d’urbanités en reconvoquant sa ressource socioculturelle et artistique et ainsi enrayer sa perte d’identité dûe à la logique spéculative.

CONCLUSION


167

C’est pourquoi le choix a été fait d’inscrire le projet dans une dynamique plus globale en proposant un véritable outil pour la régénération urbaine par la réappropriation des délaissés à l’échelle territoriale.

CONCLUSION


168


BIBLIOGRAPHIE Ouvrages Ascher F., Apel-Muller M., La rue est à nous... tous!, Au Diable Vauvert, 2007. Chopin J., Delon N., Encore Heureux, Matière grise, Pavillon de l’Arsenal, 2014. Lucan J., Où va la ville aujourd’hui ? Formes urbaines et mixités, Editions de la Villette, 2012. Paquot T., Repenser l’urbanisme, Infolio, 2013. Rambert F., Colombet M., Carboni C., Un bâtiment, combien de vies ?, Cité de l’architecture et du patrimoine, 2015. Thiberge C., La ville en creux, Editions du Linteau, 2002.

Périodiques Fauve C., Gauzin-Müller D., Par les habitants, pour les habitants, EK n°42, décembre 2014. Karolyi E., L’autopromotion à 19, EK n°42, décembre 2014.

Web Kahn F., Culture et urbanisme, une gentrification inéluctable ?, http://www.artfactories.net/Actes-des-rencontres-Culture-et,442-.html http://www.xn--kpenicker-strasse-zzb.de/Postfuhrhof/Postfuhramt.html http://fbinter.stadt-berlin.de/ http://www.stadtentwicklung.berlin.de/ http://www.openberlin.org/ http://www.freespaceberlin.org/

169


170

A

l’ensemble de l’équipe enseignante du master «Entre usages et paysages urbains» - et tout particulièrement Clémence - pour leur suivi et leurs conseils, ainsi qu’à l’ensemble de nos proches, familles et amis, pour leur soutien... Merci.




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