Diploma

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Intervenir dans le tissu PAVILLONNAIRE en jachère 2 scénarios pour Détroit


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Introduction

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Motor City

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Détroit Shrinking city Ville néolibérale

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A la recherche du grand projet

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Humilité comme posture

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Classification Objet/tissu

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Désurbanisme Rurbanité La ville archipel de Ungers La nature productive d’hilberseimer Fiber city / Tokyo 2050

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Processus d’effacement Decamping Detroit / C.Waldheim La Défense / OMA Application au projet

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Move you House

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Concevoir Projet «Nord» Vs Projet «Sud» Monument, permanence et effacement

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Lexique Projet 1: entretenir le type et l’enrichir Exploitation de différentes temporalités Stratégie de désurbanisation Le monument : outil urbain / Instrument identitaire

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Projet 2: interroger le type pour le transformer Improve your Lot Stratégie de mise en jachère Retour à l’idéal pastoral

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Bibliographie

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Remerciements

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Introduction

La ville sur laquelle notre intérêt se porte est d’une grande spécificité : il s‘agit de la ville américaine ; nous nous situons géographiquement dans son centre sans l’activité économique auquel elle est associée, dans un tissu assimilé par sa forme et son activité aux «Suburbs». Dans cette confusion, nous prenons un parti définitivement urbain, entendu ici comme maintien de la forme. Mais le projet ne peut se réduire à maintenir, nous employons le dépeuplement pour révéler une diversité dans le tissu pavillonnaire, enrichir la forme, (dans notre cas réduite à un type, lui même inclut dans un système rigide). Cette diversité n’est pas gratuite comme l’architecte contemporain esthète la préconise, elle nous permet de diversifier les usages dans une lecture hiérarchisée de la ville, et lui transmettre une flexibilité qui garantira plus tard sa pérennité. Nous tentons donc d’employer la désurbanisation comme une opportunité de donner de la valeur à la ville, condition essentielle à une nouvelle densification. La ville se vide, c’est un fait. Deux attitudes face à ce phénomène sont caricaturées : le maintien est un déni de processus en cours, l’accélération est le terrain fertile pour l’alternative, dont la radicalité mène au cynisme. La difficulté de projeter la ville de Détroit, de par sa situation économique et sociale dramatique, et la stigmatisation dont elle est victime fit l’objet d’un mémoire réalisé en Master1, et nous ne nous étendrons donc pas sur cette

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question. Pour briser ce dilemme, nous avons orienté notre travail vers une méthode : nous nous sommes extraits du réel, pour pouvoir comprendre dans quelle mesure une étude de la forme peut répondre à une question sociale. Nous employons le dessin de relevé comme un moyen objectif de compréhension. Mais c’est en instaurant un rituel, en s’appliquant à répéter notre protocole que nous définissons, que nous élaborons nos outils. La méthode que nous avons sélectionné est la classification, mettant le rapport affectif à la réalité accablante de la ville de côté au profit de la logique, nous permettant d’élaborer une correspondance entre structure logique de l’architecture et structure de la classification elle même. Le choix de la classification était autrefois une posture d’architecte, elle est ici employée pour enrichir nos outils, car nous avons opéré d’autre part une réduction des outils pour projeter la ville : la grille hippodamienne, et la maison sont les éléments exclusifs sur lesquels porte notre travail. Comme éléments constitutifs, notre proposition les intègre autant comme objet qu’à l’échelle de la ville. Le social et la mémoire ne sont pas pris en compte, et pourtant ils sont des éléments qui déterminent nos choix, inhérents au projet. De la même façon, peut être pour se protéger des critiques légitimes qui nous seront faites, nous préférons assumer l’ambigüité du projet quant à la question Qu’est ce qui est existant qu’est ce qui est de vous : Etant dans l’acte contraire du travail de l’architecte qui projette ce qui n’est pas mais qui est destiné à le devenir,

nous projetons ce qui est mais est destiné à ne plus l’être, nous pouvons embrasser tout le site comme des éléments constitutifs du projet, ou au contraire refuser la moindre implication physique en arguant la règle comme notre seul pouvoir décisif. Nous avons choisi de faire deux propositions pour cette mise en jachère progressive du territoire, la première quand le processus de désurbanisation n’a pas encore commencé, la seconde dans un tissu ou le phénomène est déjà en cours. La confrontation des deux est pour nous une occasion de développer deux langages, deux manières d’appréhender une réalité sur un fond commun (et éviter ainsi le rapport dualiste simplificateur), la maison et la grille. La première entretient avec rationalité, la seconde interroge avec souplesse. Le premier projet met en commun, le second divise en propriétés. Si l’on rapproche les deux propositions, elles ne peuvent s’imbriquer, mais elles renforcent chacune leur identité.

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Plus de 25 % de ses habitants vivent sous le seuil de pauvretĂŠ : Motor City est deux fois plus pauvre que la moyenne nationale.

plan de DĂŠtroit, Universal Map Enterprises, New Ed, 2005

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« Motor City,

pauvre, violente et abandonnée»

« Il y a encore trente ans, Detroit, la capitale de l’automobile comptait deux millions d’habitants. Aujourd’hui, il n’en reste qu’environ 800 000, dont une très grande majorité d’AfroAméricains. Plus de 25 % de ses habitants vivent sous le seuil de pauvreté : Motor City est deux fois plus pauvre que la moyenne nationale. Le centre a été déserté par la communauté blanche dans les années 1980. Des quartiers entiers se sont vidés de leurs habitants. Avec la montée de la criminalité et la crise économique, la communauté blanche a trouvé refuge dans des banlieues plus chics. Détroit détient le triste privilège d’être la ville la plus dangereuse des Etats-Unis. Rien qu’au mois de juin, il y aurait eu trente meurtres. Son jeune maire de 38 ans, Kwame Kilpatrick, surnommé « le maire hip-hop » pour l’intérêt qu’il porte à cette musique, a été inculpé en mars pour une affaire de corruption mêlant vie privée et politique. Il a démissionné en septembre et est en prison. La crise des subprimes - ces crédits immobiliers à risques - n’a pas épargné la ville. En 2007, Détroit était la ville qui a connu le plus grand nombre de saisies immobilières. Sur les six premiers mois de 2008, le prix des maisons a chuté de 60 %. « C’est le moment d’investir, on peut acheter une très belle maison pour 10 000 dollars ! », ironise Paul Bensman, un promoteur immobilier. « Mes amis me demandent «mais comment tu fais pour vivre à Détroit ?» Moi, je reste optimiste. Je suis sûr que cette ville peut trouver une alternative à l’automobile. »

BRAFMAN, Nathalie, Motor City, pauvre violente et abandonnée, Le Monde, 04.12.2008

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Cet article, échantillon très représentatif de ce que l’on peut lire dans la presse écrite sur Détroit, stigmatise assez justement les faits, qui bien que réels et propres à la ville, semblent aussi participer à l’élaboration du “mythe” de Detroit comme ville condamnée. En effet, la compilation des ces chiffres et données alarmantes, choisis dans le but d’alimenter une vision fanstasmée d’un désastre social et économique, résume certes une situation qui relève de la tragédie, mais qui ignore sa plus grande complexité. Détroit, berceau de l’industrie automobile américaine, à vu la première route goudronnée de toute l’histoire de l’humanité, réalisée en 1901; un an plus tard, grâce à cette industrie, la ville a compté son premier millionnaire, Ransom 1 Olds . En effet Detroit a été le théâtre de la réussite d’un système économique et politique libéral avant d’être celui de l’échec incontestable de ce dernier. Cette caractéristique extrême des situations participe vraisemblablement a ce besoin d’exacerber les événements. La ville prend donc son essor au début du siècle dernier et profite de cette efficacité propre au continent pour fructifier, et ce pendant un demi siècle, période pendant laquelle l’industrie automobile n’a jamais vraiment cessé de se développer, malgré la grande dépression. Cette période correspond à la suprématie indiscutée des Etats-Unis sur le reste du monde, sa capacité innovatrice lui est acquise, et son industrie flamboyante en est la preuve irréfutable. Attentive à son image, Détroit montre son plus beau profil: alors que les plus pauvres, privé de leur dernier biens, après la crise de 1930, tentent d’accéder en Californie... Detroit est idéalisé, et apparaît comme modèle d’intégration. A travers tout le pays, on montre et on salue la construction de ces quartiers ouvriers, modèles

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d’une architecture fonctionnelle, hygiéniste et non ségrégationniste. Les premiers migrants sont accueillis en grande pompe, et c’est l’image qui va rester. La fresque de Rivera « Détroit Industry » glorifiant les ouvriers travaillant dans l’usine de Rouge Plant, suscite la plus grande attention, en 1933. Le faste et la frénésie dans lequel Détroit se complaît jusqu’à la fin des années 1960 atténue les signes avant coureurs et pourtant révélateurs de sa future faillite. Le premier événement date de 1929. Avant cette date, les banques de Détroit semblent prospères, du moins virtuellement. L’argent des banques est systématiquement injecté dans les industries automobiles, perçues comme invincibles. Entreprises et banques ont leur destin lié, et ne peuvent exister l’une sans l’autre. Le système est totalement corrompu. Lors de la banqueroute de 1929, les banques ne peuvent supporter l’effondrement du Dow Jones, car elles ont accordé trop de prêts pour pouvoir rembourser le public. Détroit n’est pas le seul responsable du déclenchement de cette crise, mais plus que les autres, elle vivait au-dessus de ses moyens, et la corruption a amplifié l’impact sur cet effondrement du jeudi noir. L’arrivée des voitures asiatiques sur le marché américain en 1965 surprend Détroit. Dans un premier temps, les grandes firmes américaines regardent dédaigneusement cette concurrence qui ne fait pas le poids face aux géants nationaux. Pourtant, les firmes japonaises s’emparent d’un nouveau marché, en proposant des voitures peu coûteuses. Lorsque les trois grandes firmes américaines prennent conscience du danger, il est déjà trop tard. L’automobile américaine, malgré ses dimensions, a pris une image obsolète, la main d’oeuvre peu qualifiée est montrée du doigt. La lenteur d’adaptation des entreprises est critiquée à travers tout le pays : Détroit devient une honte nationale.


Le pays garde une vision très naïve de la situation à Détroit jusqu’en 1967. La présence des très riches et des très pauvres dans des quartiers juxtaposés était, pour les américains, la preuve d’une belle réussite de mixité sociale. Le peuple américain ne s’attendait pas aux révoltes de 1967, puisque l’émeute de 1943 avait eu un très faible retentissement sur les grands medias. Les américains resteront longtemps choqués par la violence des « émeutes ». Détroit tombe de façon soudaine mais justifiée de son piédestal, et elle ne s’en est toujours pas remise. Cette prise de conscience était indispensable pour que le gouvernement se décide à intervenir là où les administrateurs de la ville avaient renoncé. Aujourd’hui, les intentions de campagne du président Barack Obama sur la question de l’indépendance énergétique et de l’écologie, associée aux difficultés économiques des trois constructeurs automobiles américains, General Motor, Ford et Chrysler placent de nouveaux Détroit au cœur de l’attention des médias. En effet, le sénateur démocrate a beaucoup insisté sur la situation des constructeurs automobiles, qui après les difficultés dues à l’augmentation du prix de l’essence, sont désormais inquiétés par la crise financière, les concessionnaires faisant faillite, et les gens ne pouvant obtenir de prêt pour acheter une voiture : « lorsque j’ai discuté avec les constructeurs automobiles, ils sont actuellement, de toute évidence, dans la ligne de mire. [...] il est important pour nous d’obtenir des garanties de prêts pour les constructeurs automobiles, mais il faut qu’ils se montrent responsables et qu’ils produisent, à l’avenir, des voitures à basse consommation de carburant. A cet égard, Détroit a traîné les pieds trop longtemps. Il s’agira d’une de mes priorités absolues parce que le transport représente environ 30% de notre

consommation énergétique totale. Si nous obtenons ce résultat, nous pouvons non seulement nous rapprocher de l’indépendance énergétique, mais nous pouvons également créer 5 millions d’emplois dans notre pays, y compris au coeur de l’Amérique 2 » . Tous les ingrédients sont là: stigmatisation, galvanisation du peuple sur sa capacité à s’adapter et faire face à de nouveaux défis, et redevenir maîtres du monde. On assiste à un renversement total pour la ville de Détroit, car si elle est critiquée pour ses erreurs passées qui la rendent indigne de son pays, elle est appelée à devenir à nouveau un moteur de l’économie américaine, le futur président s’engage même à favoriser cette reconversion. Les périodes les plus fastes comme les plus difficiles du pays font de Détroit leur symbole, depuis la révolution industrielle jusqu’à la protection de l’environnement.

1. The Detroit Almanac, 300 years of life in Motor City, Detroit Free press, Detroit, 2006 p. 59 2. Université de Hofstra, Débat Mac Cain/Obama animé par Bob Schieffer, 15/10/2008, sur la question de la dépendance pétrolièrehttp://www. lemonde.fr/web/vi/0,47-0@2-829254,54-1101639,0. html

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« Détroit = Shrinking City » Le contexte dans lequel le projet trouve ses racines est la décroissance de la ville. Les villes ont depuis toujours connu des cycles de croissance, de stagnation mais aussi de contraction. Les statistiques accablantes révèlent la triste réalité de Détroit. Ce dernier phénomène est devenu le théâtre de l’émergence d’un type de projet caractéristique de ce début de XXIème siècle fut mis à jour, disséqué et défini par Schrumpfende Städte / Shrinking Cities, groupe de recherche dirigé par Philipp Oswalt et composé d’architectes, d’urbanistes et d’artistes qui s’intéressent au phénomène de “rétrécissement” des villes. Dépeuplement, abandon progressif des espaces et du bâti, le projet initié par Oswalt tente de trouver dans cette apparente fatalité des outils pour retrouver des qualités dans la ville qui se nanifie. Leur intérêt se porta tout d’abord sur les villes jumelées de Halle et Leipzig en Allemagne, pour s’ouvrir ensuite à d’autres villes : Manchester/Liverpool en Angleterre, Ivanovo en Russie et Détroit. Ces recherches ont conduit à l’élaboration d’une grande base de données, constamment mise à jour, parue sous la forme de deux volumes. Un premier consacré à l’analyse, un second intitulé “Intervention” où sont rassemblés de nombreux projets élaborés par d’autres, et regroupés par types. Nous trouvons dans ce volume le pire et le meilleur, Broadacre City partage la page avec une tentative vaine de projet alternatif par des étudiants. Ce document fut toutefois un outil 1 précieux dans notre travail. 8

Le fait d’intervenir dans une “shrinking city” implique d’accepter un phénomène de désurbanisation, et donc de revoir sa logique et ses pré requis afin de s’adapter à une situation d’urbanité en crise. Une question se pose alors : Quel rôle l’architecte peut-il jouer en ne se concentrant non pas sur des enjeux de construction, d’urbanisation et de densification, mais à l’inverse : de programmation et de conception qualitative d’une dé-construction, dés-urbanisation, dé-densification ? L’approche des shrinking cities préconise de briser ce dilemme en cherchant d’autres scénarios de développement qui n’emploient pas futilement les éléments disponibles pour mener les shrinking cities à une aire de croissance standard, mais plutôt d’employer les uniques qualités en positif. Le pré requis est alors d’abandonner l’idée d’uniformité et de consciemment emphaser les différentes qualités. Notre position sera dans un premier temps d’analyser et de disséquer ce phénomène à travers di vers paramètres, pour dans un second temps synthétiser et recombiner ces éléments dans le but d’explorer de nouvelles typologies qui pourront prendre part à l’urbanisme de Détroit. La singularité de notre PFE tient dans ce paradoxe à mieux percevoir et théoriser. Nos enjeux sont alors de révéler la pertinence de ces modifications et qualification du territoires ainsi que les nouveaux modes de vie.


« Détroit = Ville néolibérale » Ford Urbanism

temporary housing for workers, Willow Run, Detroit historical museum, 1943.

Au début du XXème siècle, la population de Détroit est de 285 000 habitants. L’industrie automobile explose alors, les usines fleurissent rapidement dans la première frange de la ville, des logements ouvriers sont construits d’urgence à proximité, l’immigration vers la Motor City est incontrôlable. L’expansion de cette frange est si rapide que l’on donne comme nom, à chaque nouveau boulevard périphérique, la distance qui le sépare du Downtown (6 miles Road, 7 miles Road, etc.). Le boom de l’industrie automobile est si éclatant qu’il fige tous les urbanistes, assistant au spectacle de la force de la machine, abasourdis. En effet, cette effusion urbaine ne laisse pas le temps de réfléchir aux questions de l’expansion, de la mixité, des infrastructures, ou d’une quelconque volonté externe. La machine à ses règles dans une logique implacable. Rem Koolhaas décrit Manhattan à travers une théorie qui s’est développée par elle-même, et qu’il a 2 seulement mise en évidence à posteriori . De la même façon on pourrait désormais écrire le manifeste rétroactif de Détroit, ville néo libérale, dans le sens où sa logique est si implacable que l’état providence est inexistant.

1. OSWALT, Philipp, Shrinking Cities volume 2, interventions, Hatje Cantz ed. , 2006, 831 pages 2. KOOLHAAS, Rem, New York délire: un manifeste rétroactif pour Manhattan, Paris, Chêne,1978

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The city is a compagny L’expansion urbaine, due à l’industrie automobile, a donné à la ville une nouvelle échelle, conférant plus de force au projet de Henry Ford. Chaque employé doit pouvoir venir à son travail en voiture, et le système des voiries doit le lui permettre. On lance la construction des streets cars. La ville se constitue comme Ford envisage la production: l’ouvrier, chez Ford, consomme le produit de son propre labeur, pour renforcer l’implacabilité du système dans lequel il est impliqué, et de manière à écarter toute alternative. Le citoyen consomme le territoire de manière si définitive, qu’il bannit lui-même la moindre possibilité d’ordonnancement. Il entérine un système qui l’exclut intrinsèquement: La répartition géographique des populations est incluse dans les règles du jeu, les plus éloignées des sites de production étant les plus riches, elles ont plus de moyens financiers et de raisons d’emprunter leur véhicule. Notons tout de même qu’il fallut attendre les émeutes de 1967 pour que la classe supérieure abandonne le centre ville qui lui était attribué dans la tradition

Le camps militaire, analogie de la tente, sa parcelle, rapport front/backyard avec la typologie du pavillon Nord américain

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bourgeoise. La réussite de cet urbanisme, en devenant effectif, puisqu’il ne peut être régulé par un tiers, devait le conduire à sa propre perte. La saturation entraîne le déclin, comme c’est le cas pour toute industrie ou service. Les infrastructures insuffisantes entraînent des bouchons, et des retards qui vont à l’encontre du rêve de Ford. James Howard Kunstler écrit dans geography of nowhere : «the city trouble were greatly aggravated by changes in the physical patterns of life wrought by the car culture». En 30 ans, la population a été multipliée par 7, la ville s’est laissée complètement submerger. La ville devient une entreprise quelconque, confrontée à son cycle de vie irréversible, elle peut contempler son avenir dans la banalité inexorable de la courbe de Gauss . Mais on ne délocalise pas la ville, qui se définit par ses coordonnées géographiques. On se tourne vers ses managers, inexistants, puisque la rationalité supposait un auto accomplissement (donc sans direction).

projection d’un camps de pionniers, document non daté, the Rediscovery of North America, Barry Holstun LOPEZ, Lexington, the university press of Kentucky, 1990, p8


Ford city, pioneer city Libérée de tout préjugé, la ville industrielle se développe dans un temps très court, elle doit optimiser la production, et devenir sa traduction spatiale. La ville est en perpétuelle transformation, constamment articulée par le capital, le travail et la matière, et par rien d’autre, contrairement à la ville européenne. Ce sont dans ces mêmes termes que se sont constitués les camps des pionniers, pragmatiques, provisoires, au service exclusif de la production et à l’accumulation de richesses. On peut en effet faire un parallèle entre le colonialisme et le fordisme, les deux forces qui ont probablement le plus agi sur le paysage américain. Ces deux régimes, d’après le naturaliste Barry Lopez, considèrent leur environnement naturel comme «a store for raw materials and a set of logistical obstacles to be 1 overcome in the pursuit of optimized profits». Peter Gordon, dans une projection d’un camp de pionniers en Géorgie typique du XVIIIème siècle illustre naïvement ce rapport à l’environnement. La nature est un ensemble homogène, qui n’est rien d’autre qu’un territoire à conquérir,

Plan de Savannah, Georgie, première ville planifiée aux EtatsUnis, James Oglethorpe, parcs publics dans la trame orthogonle, 1733

prêt à disparaître. On se trouve dans une telle rationalité, que la ville semble se construire elle-même obéissant à son propre mécanisme, le capital. Le geste de l’urbaniste est réduit à la définition d’une enceinte. L’espace dégagé, neutre, vierge, attend fébrilement la négociation entre le colon et le capital. Cette conception de la pratique urbaine est opposée à la logique du palimpseste, chère à la vieille Europe, dont on mesure l’âge d’un territoire domestiqué au nombre de couches qui la compose, à son épaisseur. Ici, on conquiert l’espace horizontalement, il n’a pas d’épaisseur, il n’est considéré qu’en terme de potentiel (exploité ou à exploiter). La rationalité nous renvoie à l’imagerie du camp militaire. En revanche, en entretenant la fiction d’un urbanisme permanent, il s’en écarte.

1. LOPEZ, Barry Holstun, the Rediscovery of North America, Lexington, the university press of Kentucky, 1990

Les deux axes qui détermineront la spécificité du projet dans son contexte sont l’urbanisme libéral, amoral, dont Détroit est l’archétype, et le thème de la désurbanisation, phénomène en cours à Détroit. La ville est divisée en deux, son centre d’affaire et le reste de la ville, le destin du second dépend du premier, ce qui explique pourquoi il est l’objet de toutes les attentions. Nous avons exclu de notre travail ce centre d’affaire, pour se concentrer sur le tissu pavillonnaire qui l’entoure. 11


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A la recherche du «grand projet» Après avoir déterminé notre sujet vers la fin de l’année 2007, nous avons souhaité enclencher rapidement le projet, de manière à pouvoir aller sur place en confrontant nos esquisses à la réalité. Conditionnés par les documents à notre disposition, des graphiques chocs du premier volume des shrinking cities, aux témoignages alarmistes de Stalking Detroit, en passant par les reportages d’investigation télévisés ou autres références cinématographiques, nous nous devions de prendre la mesure de la situation en répondant par un « grand projet ». Grand projet comme réponse à notre dégoût pour le libéralisme urbain, comme un moyen de mesurer notre implication auprès des gens qui souffrent à Détroit, avec cynisme et chimère utopique comme mots d’ordre. A la recherche de radicalité, avec pour référence le Monument continu, nous avons exploité littéralement la proposition de Superstudio, ignorant que la force du mouvement radical résidait dans son rapport à l’abstraction ambiguë qu’il entretient. L’enjeu était alors d’embrasser les facteurs économiques, sociaux, et culturels, la réponse fut donc unique. De nombreuses analyses incombent la faillite de la ville à sa trop faible superficie, et l’empêchent de tirer parti de la prospérité de la banlieue. Notre proposition était de densifier la frontière de la ville, dans cette frange où le foncier n’a plus aucune valeur pour enclencher un processus de migration. Le projet s’inclut dans cette logique de la ville comme le reflet du capital, la main d’oeuvre bon marché se met à disposition des plus riches dont la propriété jouxte Detroit. Mais le rapprochement de populations aux revenus si opposés fait jouer la spéculation foncière en défaveur des plus aisés, bientôt condamnés à

quitter leur maison pour aller s’installer bien plus loin dans la banlieue. Le projet compte alors sur une réaction de proche en proche qui permet, comme ce fut le cas lors des émeutes de 1967 , d’investir peu à peu un patrimoine qui lui est refusé, et de se libérer de la prison qu’est Détroit. Le regard critique que nous portons sur cet avant-projet peut s’expliquer en le rapprochant d’autres travaux similaires, nombreux à Détroit, qui ont cette ambition démonstrative, et qui se définissent comme étant une extraction de la réalité. En partenariat avec le Frac Orléans, l’artiste architecte Kyong Park a démonté une maison abandonnée de Detroit pour la rassembler à l’exposition Archilab de 2001. Ce projet nommé «24620: house Abducted», difficile à interpréter, fait parti de ce type de cette production contemporaine dénonciatrice. De toute évidence, il cherche en premier lieu à alerter l’opinion publique. Mais on peut s’interroger sur cette décontextualisation de la problématique. Vise-telle justement à outrer cette réalité pour la rendre plus flagrante. Quoi qu’il en soit, les moyens sollicités pour le déplacement de la maison, ajoutés au spectacle de ce regroupement d’une soit disant élite, plus branchée qu’intellectuelle, déconnectée de la problématique, en train de fêter le vernissage de l’exposition, serait sans doute insoutenable pour celui qui dut abandonner cette même maison. Le risque de toute intervention extérieure de la part de celui qui revendique sa position d’intellectuel, est de tomber dans la caricature stérile.

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En arrivant à Détroit, nous avons très vite compris que ce projet n’allait flatter que nos égos. Par une présentation succincte du projet aux autochtones, ils montrèrent systématiquement une sorte de lassitude à voir que leur ville était une fois de plus carricaturée, manipulée à des fins malhonnêtes. Ce mémoire ne doit pas être un prétexte pour retracer tous nos détours et faire la généalogie des impasses auxquelles nous avons été confrontés. Cependant, le changement de cap effectué après cet échec fut déterminé par cette angoisse de tomber dans la caricature, et il semble essentiel de le souligner pour comprendre la suite de notre travail.

Superstudio 7ème ville: Continuous production conveyor- belt city, dans Casabella n°361, 1969, p 52

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Projet «24620: house Abducted», Kyong Park, Archilab 2001


Pire, on peut reprocher à notre projet comme à celui de Kyong Park d’entretenir le mythe de Détroit. Les deux démarches sont finalement similaires à celle des journalistes américains qui, s’ils ne déforment pas les images, les sélectionnent pour coller au fantasme que l’américain moyen s’est construit à propos de Détroit. L’ironie est telle que la phrase d’ouverture de Debord, détournant le fétichisme Marxien de la marchandise, introduit La société du spectacle par cette phrase: « Toute la vie des sociétés dans lesquelles règnent les conditions modernes de production s’annonce comme une immense accumulation de spectacles. ». La notion de « spectacle » suivant la définition de Debord s’applique merveilleusement au contexte de détroit, berceau de Motown, compagnie de disque américaine. Il est à la fois l’appareil de propagande de l’emprise du capital sur les vies, aussi bien qu’un « rapport social entre des personnes, médiatisé par des images ». Debord serait conforté dans sa thèse sur l’aliénation de la société de consommation, car Détroit en est l’illustration littérale, le « spectacle » s’est substitué à « l’immense accumulation de marchandises », et apparaît comme le stade achevé du capitalisme. Ludwig Feuerbach, en écrivant ces mots, semble s’adresser directement à Kyong Park,« Et sans doute notre temps... préfère l’image à la chose, la copie à l’original, la représentation à la réalité, l’apparence à l’être... Ce qui est sacré pour lui, ce n’est que l’illusion, mais ce qui est profane, c’est la vérité. Mieux, le sacré grandit à ses yeux à mesure que décroît la vérité et que l’illusion croît, si bien que le comble de l’illusion est aussi pour lui le 1 comble du sacré. » 1. FEUERBACH, L’essence du christianisme, Préface à la deuxième édition

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«Humilité comme posture» Pour renverser notre démarche, nous avons choisi de multiplier les relevés, de prendre le temps pour redessiner, pour s’imprégner de la ville et de son tissu pavillonnaire. Résolus à ne pas nous fier aux documents produits par d’autres, nous avons circonscrit notre étude autour de trois documents: les vues en plan de Google Earth, les vues d’avion de Mapslive, et les travelling que nous avons réalisés in situ. Ces sources ont été sélectionnées car elles suivent un protocole dans leur fabrication qui ne fait aucune distinction, ne créée aucune hiérarchie. Les images photographiques du réel sont autant de regards sur la réalité, produits dont la manufacture est réduite à sa fabrication, qui séparément sont insuffisants, mais qui, regroupés, nous permettent d’avoir une vision englobante du site. L’étape suivante fut de faire un travail de redessin de ces documents, afin de constituer notre propre base de donnée. Autocad permet d’effectuer des opérations basiques de duplication qui nous obligent à constamment extrapoler, interpréter, deviner et comprendre. Notre démarche questionne l’outil en renversant son usage. Traditionnellement en amont de la fabrication, en créant une représentation filaire des masses existantes, chaque droite pose question. Or dans le cas présent, la représentation permet de réinterroger le bâti postérieurement à sa production. Ce fut également une manière d’interroger la profession. L’architecte dessine des plans pour ordonnancer des masses, qu’il envisage de faire construire, ou tout du moins voir construite. Aucun plan d’ensemble n’a été réalisé dans le tissu pavillonnaire de Détroit, et pourtant on est écrasé par la logique interne du système. En dessinant ces plans, nous nous réapproprions un contexte produit par une logique économique, et légitimons les qualités intrinsèques de ce système: hiérarchisation des 20

éléments, composition du bâti. Nous avons réalisé des plans grâce à Google Earth, dessiné des façades à l’aide des travelling, et des perspectives avec Maps Live. Geste dérisoire, autant dans le sens de la dérision que dans son aspect vain, préalable indispensable pour nous: Cet exercice nous a permis de mettre à jour les valeurs architecturales et urbaines du site. Cette étape est une analyse, dans sa définition primaire: Décomposition d’une chose en ses éléments, d’un tout en ses parties. En revanche nous refusons de la considérer comme les architectes l’emploient traditionnellement: Il n’est pas question pour nous de s’y reporter pour justifier nos choix à posteriori, de la ranger dans une phase préliminaire au projet, comme l’Observer pour Faire, elle lui est inhérente. Nous revendiquons l’héritage de Rossi, pour qui observer est un faire: percevoir signifie créer une unité, saisir une multiplicité de détails dans l’unité d’une image. Toutes ses problématiques sont traversées par la question de l’image urbaine, de son architecture. Cette image se charge de valeurs de tout le territoire vécu et construit par l’homme. A propos du contexte, la question de l’honnêteté est fondamentale, nous avons changé radicalement de posture entre avant et après notre voyage à Détroit. Tout projet est confronté à cette question simple. Quelle part de réelle intuition doit on accorder au projet ? N’est ce pas courir le risque de se voir par la suite justifier cette dernière par les éléments du contexte ? C’est à dire de manipuler les données du site afin de se conforter dans cette première intuition ? Afin de ne pas tomber dans ce travers, nous avons fait le choix de nous laisser un large temps consacré à l’analyse. Pas seulement parce que c’était notre dernière opportunité de le faire avant de rentrer dans la vie active,


mais plutôt comme façon de digérer la somme des informations acquises, et de conserver notre flegme. La plus grande part d’intuition concernant le projet fut donc la manière dont nous avons mené notre analyse, avec ce souci de ne pas avoir une idée préconçue sur la finalité de l’étude, et de se laisser embarquer dans une recherche méthodique, systématique, voire quasi obsessionnelle, au travers de la représentation et de la mise en relation des éléments du site. Le choix de ce dernier illustre cette constante remise en question, cette incertitude cultivée. Tout d’abord le long des 28 km rectiligne de la 8mile Road (site 1), nous nous sommes aperçus que la confrontation entre les communautés n’était pas aussi caricaturale que ce à quoi nous nous attendions. Nous sommes partis à la recherche d’un site qui justifie notre grand projet critique, nous l’avons trouvé à la frontière avec la ville de Grosse Pointe (site 2): Cette ville limitrophe de Détroit, historiquement très riche, avec un taux de remplissage du tissu de pratiquement 100%, fait face à l’un des quartiers les plus pauvres de Détroit, le Far East Side, dont le taux d’occupation est le plus faible de la ville. Puisque nous nous intéressions à la frontière, ici orientée Nord/Sud, notre site était une bande est/ouest intégrant d’un coté Détroit (à l’Ouest) et de l’autre Grosse Pointe (à l’Est). Après avoir abandonné l’idée du projet manifeste, nous avons pourtant gardé notre site, échantillon symptomatique de la décomposition progressive du tissu pavillonnaire. Le projet prenant forme peu à peu, nous sommes revenus à une échelle plus importante, choisissant une tranche de Détroit de 1,5 x 10 km (site 3). Enfin, nous avons défini deux territoires pour développer nos stratégies. Nous avons parfois regretté cette indécision, qui expose au risque d’un travail inabouti, et qui est un moyen de se protéger de la critique (site 4).

Site 1: le projet manifeste cynique

site 2: effritement du tissu/frontière, analyse néo-style

site 3: le rite, l’obsession du relevé

site 4: Projet Nord/ projet Sud, 2 scénarios de mise en jachère

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bati

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parcellaire

dĂŠcompostion du site par tranche de statut

la vĂŠ de c


site ut

la végétation, un élément caractérisation des vides de composition

façades visibles

Pages 22-23: comprendre le site 2 en redessinant ses couches

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Multiplier les modes de reprÊsentation du site 2: Page 24- vue est et ouest sur mapslive. Page 25- maquette au 1/500ème

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«Certaines définitions, de part leur certitude, ou bien par le type de choix définitif qu’elles affirment, ont définitivement cours; et leur répétition obsessionnelle permet de vérifier didactiquement leur efficacité par rapport au processus de connaissance en architecture, qui est ensuite une application constante au monde des forme». GRASSI, Giorgo, L’ Architecture comme métier et autres écrits, Liège : Mardaga, 1983 , p 51

Site 2: élévations p 28-29

http://detroit-disurbanism-project.blogspot.com/2009/02/caracteristiques-du-lieu-dintervention.html

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Site 2: élévation p 30-31

http://detroit-disurbanism-project.blogspot.com/2009/02/classification-objettissu.html


Y

OC UPUBM EF QBSDFMMFT OC QBSDFMMFT PDDVQÊFT

Multiplier les modes de représentation du site 3: photo aérienne; voiries et bâti; densités de27bâti.


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A

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B

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La hantise du projet alternatif Cette recherche en plan, en axonométrie et en façade a été un moyen de nous positionner par rapport au projet alternatif dont le langage esthétique obéit à ses propres codes de représentation, même s’il s’en défend. Le croquis naïf, le dessin à main levée est préféré au plan à l’échelle urbaine, assimilé à la planification de la seconde partie du XXème siècle, jugée autoritaire, inhumaine, et vouée à l’échec. L’exemple du zonage illustre bien cette timide révolution. Si le zonage est proscrit, en réalité la question est plus sémantique que sémiologique, il est réapparu sous une nouvelle forme. Plus colorée, sa définition est dissoute par des frontière étirées, et le terme zonage est paraphrasé. L’ouverture revendiquée par l’alternatif le condamne à ne plus savoir se définir, d’un coté se targuant d’avoir retenu les erreurs du passé sans parvenir à trouver sa révolution, de l’autre se méfiant des progressistes en risquant de paraître réactionnaire. Le résultat singulier est si consensuel qu’il est difficile d’en parler, surtout dans son royaume de Détroit. La problématique de la ville est si complexe, la situation tellement critique, qu’elle nécessite beaucoup d’humilité, et devient un terrain fertile pour ce type de projet. Les acteurs du projet urbain à Détroit

pourraient être comparés aux seconds pionniers (ceux qui considèrent avoir un temps d’avance sur la société, mais qui sont seulement les premiers moutons du troupeau) de la question environnementale il y a une dizaine d’années. En s’emparant de la question, ils la galvaudent et empêchent d’autres de s’en saisir d’une autre façon. Le projet Adamah, évoqué plus loin fantasme le retour d’un vie proche de la nature en augmentant les contrastes de l’image pour nous donner à voir du vert très vert, et un ciel bleu très bleu. Le néant créatif nous permet de jouer au jeu des 7 erreurs, ou vert et ciel bleu sont les transformations principales, version croquis à la main avec des crayons de couleur pour les étudiants de l’université du Michigan Taubman ou collage Photoshop pour les étudiants de l’Université du Michigan Mercy . Ces derniers, pour nous convaincre tout à fait, ont ramené la vie sous un auto-pont, ce qui semble aussi facile à planifier pour les architectes que le ciel bleu. Et pour les derniers réfractaires, constatez que le projet est un tel succès que même la nuit, les gens sont toujours là. Il n’ont même pas du tout bouger depuis le début de la journée, sont-ils réels?

Nos hésitations quant à la posture à adopter dans notre projet comporte ainsi les qualités de ses défauts: nous refusons le projet Landscape Urbanism, tout autant que l’urbanisme acupuncture, mais nous revendiquons les deux ensemble. Nous voudrions éviter de cataloguer trop vite le projet, pour que le local s’enrichisse du global, et inversement.

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A P R E S

A V A N T

projet d’étudiant, université du Michigan Taubman

Le projet Adamah

A V A N T A P R E S

A V A N T

projet d’étudiant, université du Michigan Mecy

A P R E S

projet d’étudiant, université du Michigan Mecy

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Classification « Objet/tissu »

Conformément à notre intention de révéler cette diversité, nous nous sommes plongés dans l’étude de l’objet, le pavillon: la rigidité du système suggère différents types d’approches, l’objet peut être décomposé en trois façades qui obéissent chacune à leur règle, qui donne lieu à trois études.

La façade principale, est la seule qui doit être vue, elle est la seule composée, ordonnée. Sorte de hangar décoré, elle manipule les signes avec ostentation, sa constitution extérieure est indifférente à ce qui passe dans l’objet. Cette expression du multiple dans l’unité est saisissante, il était pour nous essentiel de pouvoir rendre compte de cette diversité à travers notre production. Avec cette étude menée depuis l’espace public sur la maison individuelle, symbole culturel des états unis, nous cherchons à décortiquer cette façade afin de rentrer dans son épaisseur, de décomposer et de hiérarchiser des éléments qui la constituent pour mieux comprendre l’image qu’elle nous renvoie. Par une démarche similaire au scientifique G.Cuvier, qui introduit le principe de subordination, nous mettons en place un classement méthodique par arborescence, qui, dans un premier temps nous permettra de mettre en évidence un style, et dans un second, sera surtout l’occasion de la remise en question de ce dernier.

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L’analogie formelle et fonctionnelle de cette série d’édifices nous permet de définir un type de pavillon. Une arborescence est mise en place en échos au travaux de Darwin et de sa théorie sur l’évolution des espèces : César Daly, fondateur de la Revue générale de l’architecture et des travaux publics pense que le mot “Style” est analogue au mot “espèce” car, comme l’espèce, le style se définit 1 par sa faculté d’engendrer son semblable. Dans ce processus de comparaison et de superposition des formes déterminant le type, sont éliminés les caractères spécifiques de chaque édifice pour ne conserver que les éléments présents dans chacune des unités de la série. Le type apparaît alors comme un schéma issu du processus de réduction à une forme de base commune d’un ensemble de variantes formelles. Le type, résultat de ce processus de réduction suppose la possibilité de variantes formelles illimitées, qui peuvent aller jusqu’à entraîner la modification structurelle du type lui 2 même .

1. SABOYA, Marc, Presse et Architecture au XIXe siècle : César Daly et la Revue générale de l’architecture et des travaux publics, Paris, Picard, 1991, P 196 2. ARGAN, Giulio Carlo, “ambiguité du type”, in projet et destin : Art, Architecture, Urbanisme, Paris, La Passion, 1993 3. OSTROWETSKY, Sylvia, et BORDREUIL, J.S, Le Néo-style régional: reproduction d’une architecture pavillonnaire, Paris: Dunod, 1980


Notre volonté était de mener cette étude sur un plan comparatif et évolutionniste. Le diagramme ne se borne pas à présenter un catalogue d’éléments classés ni à définir un type à proprement parlé, mais d’introduire les composants d’un style caractéristique de cette architecture de lotissement Au désir identitaire, la production pavillonnaire propose la dérive stylistique du code Néo qui se définirait par la collection finale de micro déformations locales en droit séparables les unes des autres, ou du moins dont les 3 rapports sont rendus difficilement pensables . Dans le cas du style néo, la problématique ne se situerait plus dans le décompte des écarts de style, mais dans la valeur stylistique de ces différents traits qui bien qu’au départ définis pour perdurer, sont bientôt trahis, puis abandonnés dans leur répétition. Ces traits de valeur stylistique sont caractérisés par leur généralité, c’est à dire par leur fréquence au sein d’une aire et par leur valeur distinctive, de différenciation. Deux types de signifié peuvent leur être associés, un signe d’usage (dénotation), ou un signe de connotation, qui renvoie aux valeurs idéologiques et culturels.

Ce qui est nouveau avec le néo, c’est que l’écriture même d’un style, sa production, procède de cet espace, le trait stylistique comme trait distinctif. Le néo intériorise la fonction sous un paravent qui ne lui ressemble plus. La façade latérale n’existe pas, si elle peut se charger d’apporter un peu de lumière dans l’objet, c’est qu’elle a rempli sa fonction. Il s’agit de la façade la moins architecturée, elle répond aux exigences de ce qui se passe à l’intérieur de l’objet exclusivement, elle est le pendant antinomique de la façade principale: les châssis de fenêtres sont tous de formats différents, sans préoccupation des alignements. Pour l’architecte, c’est probablement la façade la plus scandaleuse. Cependant, sa version en bout d’îlot transforme son statut, hésitant à assumer son rôle de façade latérale, et cherchant à se doter des apparats de la façade principale. Nous avons donc eu l’impudeur de consacrer cette rue qui révèle ses façades hybrides, de la redessiner méticuleusement, outrageusement, procurant un immense plaisir à ce doux détournement. Ce travail nous permet de faire le lien entre façade principale et façade arrière, qui font l’objet d’études séparées. Il renforce cette ignorance entretenue par les façades d’un même objet, et légitime notre étude segmentée.

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Diagramme représentant la divergence des espèces de Darwin’s Origin of species, 1859

La façade arrière est liée à la façade principale dans son gabarit (proportion de la façade, type de toiture) et par sa fonction (accès à l’extérieur, ouvertures sans vis à vis), elle apparaît au premier regard être sa version concise. Cette fois l’objectif de notre étude était de mettre en place un système de mesure de l’écart qui sépare la façade avant de la façade arrière. Il apparaît très vite que l’on peut construire une façade arrière avec l’arbre généalogique élaboré pour la façade principale, mais les caractéristiques des éléments par catégorie sont très différentes, et certaines sont vides. Nous avons alors identifié les éléments constitutifs de la façade arrière comme l’exemple qui suit: La maison fait sa mijaurée, elle réclame quel que soit son occupant des traitements de faveur: l’indispensable espace tampon entre le dedans et le dehors, dont l’expression côté front et back est différente. En retrait sur la façade

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principale, elle exprime le fait que cette façade est une extension de l’espace public, nous parle de l’hospitalité bienveillante de ses habitants, qui considèrent cette façade comme le reflet d’eux mêmes. Cet espace intermédiaire du côté du jardin intérieur est plus une extrusion, qu’on peut considérer comme une extension du privé habité vers un espace extérieur également privé. Nous avons voulu complexifier ce rangement binaire (cet élément est typique du front, cet autre caractéristique du back), en raisonnant en terme de gradient de similitude avec la façade front. Il en résulte un produit relatif, ou la distinction entre façade front et back est plus ou moins évidente, et si une façade front ne peut être prise pour une façade arrière, l’inverse est en revanche possible.


On doit à Georges Cuvier d’avoir établi une classification moderne des animaux. Mais il est surtout à l’origine de l’anatomie comparée. Selon Cuvier, les organes des animaux ne sont pas seulement juxtaposés. Ils dépendent les uns des autres. En 1812, il énonce la loi de corrélation des formes. Il en découle que si l’on possède une pièce essentielle de l’animal, les dents en particulier, on peut reconstituer le reste du corps. La sarigue du Gypse de Montmartre est l’exemple le plus célèbre de ce principe des corrélations.

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Exemple de 3 variations, associées à leurs positions géographiques et leurs variations formelles: Nous sommes parvenus à mettre en évidence l’élément principal contenu dans notre intention initiale. Cette intention consistait à dépasser le rapport manichéen la banlieue prospère blanche/ville pauvre noire, et déchirer l’expression physique de cet état, la frontière. La forme devient le dernier élément significatif de ce lien. Nous avons réalisé un film qui cristallise cette problématique: http://detroit-disurbanism-project.blogspot.com/2009/02/classification-objettissu.html

La synthèse de la classification est un moyen de renverser notre démarche, pour se dégager de sa lecture linéaire. Ci-dessous nous introduisons la notion de dégré architectural pour interroger la force symbolique des éléments caratéristiques. Du haut, avec Mies Van Der Rohe et sa composition rationnelle qui intègre au tout, à Venturi & Scott Brown en bas, et sa composition provocatrice symolique qui exclue du tout. Notre approche didactique nous autorise, pourquoi pas, tous les écarts, à condition d’alimenter un débat.

excédent intégré habité

excédent indépendant

BALCON

excédent intégré vide

TOITURE

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excédent indépendant


Le principe de catégorie des traits stylistiques comme traits distinctifs utilisé dans la classification occulte les ambiguïtés formelles qui peuvent exister entre les pavillons, et masque ainsi une certaine redondance du système. Cette réduction n’est effective que dans le refus de la voir s’opérer, notre étude vise à rendre compte d’un foisonnement, sans pouvoir se défaire de la méthode de regroupement. Il apparait que par une nouvelle lecture de notre classification, le regard porté sur l’objet peut se focaliser sur ses parties. L’exemple présenté ci-contre illustre cette problématique. Nous portons notre attention sur le croisement des catégories «nb d’étage» et «chien assis»: De bas en haut, nous nous sommes déplacés insensiblement de la catégorie «1 niveau, 1 chien assis» à «2 niveaux sans chien assis». Il apparait que l’ordre établit dans notre étude ne prend de valeur que dans cette lecture transversale, pour enrichir notre regard et comprendre le caractère symbolique des éléments caractéristiques. Notre regard est passionnément amusé par la troisième image, avec ce pavillon qui se met à genoux pour nous supplier, par le dérisoire encadrement de sa toiture sur sa façade, de bien vouloir le nommé 1 niveau avec 1 chien, et bien soit, dans notre grande humanité, cette faveur lui est accordée. 43


«On ne peut parler de projet sans parler des techniques nécessaires à sa réalisation ainsi que de son aptitude à exprimer et à décrire les choix formels et leur succession logique ; on ne peut parler du projet sans parler de l’analyse (puisque celle-ci permet de connaître la matière même du projet). On ne peut parler de l’analyse sans parler de ses techniques. Je ne m’attarderai pas ici sur ces techniques ; pourtant il est nécssaire de dire au moins le sens particulier que, parmis elles, prend la classification. Il faut rappeler le sens de la classification en architecture sur un plan purement théorétique ; celui-ci apparaît dans les deux éléments les plus importants émanant d’une étude des classifications : 1) existence d’une correspondance entre structure logique de l’architecture et structure de la classification elle même, 2) sens de la méthode conçue en fait comme processus de définition de l’architecture. Ces deux observations sont essentielles pour énoncer correctement le rapport entre l’analyse architecturale et la projetation. Elles postulent en effet que l’analyse (conçue comme construction par genre et par classes) s’identifie au projet, soit dans le processus du faire (processus de la composition), soit dans la reconnaissance même d’une structure logique de l’architecture incarnée par une succession, précisément logique, des choix du projet.» GRASSI, Giorgo, L’ Architecture comme métier et autres écrits, Liège : Mardaga , 1983 , p 52

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«Désurbanisme»

Les projets qui suivent ont constitué notre de base de référence quant aux attitudes et propositions possibles face à la problématique du désurbanisme. Ils ont en commun de prendre l’apparition de ces vides comme une opportunité de proposer un nouveau modèle urbain, de renverser cette caractéristique qui pourrait apparaître comme étant une faiblesse en une potentialité.

Rurbanité L’origine de cette utopie nous vient du courant moderne, cherchant à décentraliser la vieille ville compacte, en faveur de la « looser city », qui réconcilie la ville avec la campagne. Ebezener Howard fut le premier à imaginer la Garden City, en 1898 : il s’agit surtout de réorganiser la ville avec son coeur (58 000 habitants), sa ceinture agricole, et l’apparition de ce qu’on appellera plus tard les edge cities (32 000 habitants), connectées à la ville principale par cette enceinte verte. Ce projet est une réponse à l’étalement urbain, pour lui rendre une lisibilité, et la nature un rejet de la ville industrielle. Cependant, la rentabilité reste au centre de l’organisation urbaine. Cette ceinture n’est pas uniquement contemplative, elle est produc-

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trice, le garde manger plus que le poumon de la ville. Après la première guerre mondiale, l’architecte allemand Lebercht Migge lance la bataille du « Everyone self sufficient » en faveur de la création de « productive green areas », thème développé dans « das grüne Manifest » paru en 1 1919 . Ludvig Hilberseimer, concepteur du plan directeur du parc Lafayette à Détroit, ira encore un peu plus loin dans cette logique, en considérant la nature comme un simple outil de production pour la communauté, au service du capital. Pour rentabiliser cette production, il pense la nature comme Ford conçut son usine. Comme pour Ford, l’Homme de Hilberseimer consomme le fruit de son propre labeur, dans un objectif d’autosuffisance. Frank Lloyd Wright adaptera cette utopie à la culture américaine. Il centre son projet sur la propriété, convaincu qu’elle est indispensable à la véritable démocratie. La nature s’individualise donc, l’urbaniste autoritaire disparaît, c’est une révolution. Conséquence « Broadacre City will be nowhere, yet everywhere » (fig. 35). La ville décrite par Wright est, quand elle s’est concrétisée, une ville en crise: la ville en faillite se traduit par la multiplication des initiatives individuelles, condition de survie, comme ce fut le cas à Moscou entre 1989 et 1992, où 65% des familles russes firent pousser des légumes dans leurs propres Datchas pour


subvenir à leurs besoins. Cette autosuffisance devient un enjeu majeur de la mutation de certaines villes: Hong Kong, 45% des légumes consommés par ses habitants est produit sur place, et atteint 84% pour Shangai. Le cas des Community gardens à New York, archétype de la ville Globale, est très intéressant: il concerne tout de même 70 000 fermiers actifs, et 250 000 New Yorkais en profitent « occasionnellement 2 » , ce qui n’empêcha pas Giuliani de s’y opposer fermement, agitant le spectre des vieilles sorcières: « This is a free-market economy, welcome 3 to the era after Communism » . Décidé à ne pas subventionner cette initiative, il mit fin au bail payé par les city farmers en 1998 et tenta de revendre les parcelles inoccupées. Mais le poids médiatique des associations défendant les jardins communautaires, et le soutien de donations privées permirent à 114 jardins de survivre. Changement d’ère ou régression réactionnaire, quoi qu’il en soit ce constat est pour certains la preuve de l’essoufflement de la globalisation, et donne lieu à un nouveau type de projet, le projet alter mondialiste.

Broadacre city, Frank Lloyd Wright, 1932

1. MIGGE, Leberecht, “Das Grüne Manifest”, in Funktionalität,und Moderne: Das neue Frankfurt und seine Bauten, Ed. Christoph Mohr & Michael Müller, 1984. 2. MEYER-RENSCHAUSSEN, Elisabeth, Unter dem Müll der Acker:Die Community Gardens in New York City, Ed. Königstein/ Taunus, 2004 3. GIULIANI, Rudolph, conférence de presse devant les communautes de cultivateurs urbains, New-York, 1997

Garden community, New-York, 2005

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Ungers et la ville archipel Pour Ungers, c’est toutes les villes qui sont menacées par le phénomène de « shrinkage », il prend l’exemple de New-York pour illustrer son propos, dont il explique l’exode par le changement de mode de vie. Il invente alors la ville archipel, et tente de la mettre en oeuvre à Berlin, accompagné de Rem Koolhaas: « la ville était détruite, déchirée, trouée et c’était cela sa « mémoire ». L’économie ensuite : Berlin stagnait, se dépeuplait depuis la création du mur, malgré mille incitations institutionnelles ou fiscales, et l’on ne voyait pas comment un retournement suffisant pouvait tout à coup apparaître et fonder économiquement un projet de réurbanisation générale. Si bien que ce que proposait l’IBA nous semblait être ce que, justement, il ne fallait pas faire. On avait là, me semble-t-il l’occasion d’infléchir, d’adapter ce qui existait déjà. Mais on avait là, surtout, l’occasion de faire de la ville une sorte d’archipel territorial ; un système d’îles architecturales

entourées de forêts et de lacs dans lequel les infrastructures pouvaient jouer sans dommage, sur un mode presque pictural (un peu comme Peichl l’a fait avec ses stations émettrices) avec une périphérie libre, en se glissant à l’intérieur de grands interstices végétaux. Au fond tout cet accident historique (Berlin détruit par la guerre est à nouveau détruit dans les années cinquante…) pouvait avoir un rôle métaphore, mais sur une trajectoire exactement inverse de 1 celle de l’IBA.» Cities within the City est amenée par Ungers comme une solution au problème des Shrinking Cities, en libérant la ville de sa décomposition 2 par une requalification du vide.

1. Rem Koolhaas, entretien avec Bruno Fortier, La Grande Ville, in L’Architecture d’Aujourd’hui, n° 262, avril 1989 p 92. 2. Sophie Dars, la mise en archipel de la ville en décomposition, les origines insulaires de la pensée métropolitaine de l’OMA, ENSA Paris Malaquais, 27/09/2007

3. Oswald Mathias Ungers, Rem Koolhaas, Peter Riemann, Hans Kollhoff, Arthur Ovaska, « Cities Within the City » : Proposals by the Sommer Akademie for Berlin », in Lotus International n°19, 1978, pp82-97.

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L’opinion courante selon laquelle les quartiers historiques d’une ville ne peuvent être préservés et sauvés que par addition et intégration de bâtiments s’avère erronée voire illusoire. » Le processus de dépopulation ne peut laisser une chance. L’idée de « réparer » la ville, si elle est mal interprétée, peut engendrer sa destruction, impliquant une densification du bâti. Le concept de réparation d’une ville oublie un fait établi : la plupart des espaces tombent en ruine précisément parce que, dans la plupart des cas et surtout pour Berlin, il n’y a pas nécessité d’augmenter la densité. En effet, il y a confusion entre les nécessités réelles et en conséquence « le Kitch est produit au nom de la bonne volonté et du bon goût » 3

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La nature productive de Hilberseimer Cette idée appartient à Hilberseimer, qu’il a développée tout d’abord dans Nature Of Ci1 ties , puis expérimentée dans le parc Lafayette à Détroit avec Caldwell. Hilberseimer partageait l’enthousiasme de Caldwell pour une vie proche de la nature, et tendait davantage vers les bénéfices immédiats d’une vie proche des parcs cultivés et jardins potagers en tant que manifestations d’un paysage productif. Comme le montre 2 The New Régional Pattern , les délicats dessins de Caldwell illustrent un urbanisme presque entièrement remanié, libéré du lourd appareil de la forme urbaine traditionnelle, dans lequel le paysage garantit l’ordre social et spatial. Redonner vie à un grand urbanisme, cette conviction aboutira plus tard au seul projet de renouvellement urbain intéressant de la ville, qui est un succès encore aujourd’hui.

Le projet Adamah Le projet ADAMAH est la version édulcorée de la théorie soutenue par Hilberseimer: plus aboutie dans sa productivité, elle perd son ambition sociale. Le rôle médium de cette nature ayant disparu, le projet, délibérément conçu avec naïveté et sans se soucier de ses origines, comporte très peu d’intérêt. Il est présenté ici car il fit beaucoup parler de lui, grâce à une forte 3 couverture médiatique et parce qu’il continue à être vivement défendu par des organisations communautaires. Il convient donc de s’y intéresser, car bien sûr le plus important pour un urbaniste visionnaire est de rendre les habitants, objet de toute son attention, les plus heureux possible. 50


Fiber city Le Japon, ayant connu son pic de croissance démographique en 2005 avec une population d’environ 130 millions d’habitants, prévoit que sa population passe en dessous de la barre des 100 millions d’habitants en 2050. Elle a lancé pour tokyo un grand plan visant à anticiper cette dédensification: « tokyo 2050 Fibercity ». L’étude dirigée par l’architecte Hidetoshi Ohno, adopte le concept de “fibres”, en fait le modèle de la ville linéaire, en suivant les grandes lignes de transport et de communication, en opposition avec le modèle atomique traditionnel des villes 4 occidentales . Les 4 stratégies de réorganisation urbaine se concentrent sur une manipulation de ces fibres spatiales pour changer Tokyo: - Green finger, consiste à abandonner et à reconvertir les zones situées à plus de 800m des stations de trains en zones vertes, en estimant que la future population urbaine cherchera à se rapprocher de ces dernières, centres nerveux d’activité de la ville et de ses banlieues. - Green partition, consiste en une protection accrue contre les désastres naturels (tremblement de terre ou incendie) en donnant de l’air aux zones résidentielles surpeuplées.

Des chemins verts sont mis en place comme pare-feu, et pour rendre les quartiers résidentiels plus agréables à vivre. - Green web, vise à convertir les voies rapides internes à la ville en parcs linéaires et en voie d’accès d’urgence utilisables pendant une crise. Cette stratégie prend toujours comme hypothèse une diminution de la population et par conséquent du trafic routier. - Urban wrinkle s’attache à la rénovation ou l’amélioration de quelques points remarquables dans la ville pour en faire sortir leur potentiel et les rendre attractifs. Typiquement, ce sont des lieux de structure linéaire comme de vieux canaux, des bords de rivières, des rues en pentes… avec un potentiel d’attraction non exploité ou gâché par leur situation. Ces lieux sont généralement considérés comme ayant une valeur historique et cette étude tente de les mettre en valeur. Toutes ces axes de propositions sont tournées vers une intégration du vert, d’éléments naturels intégrés à l’intérieur de la ville dans un souci d’améliorer l’environnement général de vie.

1. HILBERSEIMER, Ludwig, The Nature of Cities: Origin, Growth and Decline; Pattern and Form; Planning Problems.1955 2. HILBERSEIMER, Ludwig, The New Regional Pattern : industries and gardens, workshops and farms, Chicago, Ed. P. Theobald & Company , 1949 . 3. Detroit weekly metrotimes, 31/10/2001 4. HIDETOSHI, Ohno, Tokyo 2050 : fibercity, JA, n 63, p 2-136, 2006

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« Processus d’Effacement » Decamping Detroit / C. Waldheim Une de nos références quant à la capacité de révéler le potentiel dans l’effacement progressif d’un territoire est le projet de Charles Waldheim, directeur des études supérieures à l’école d’architecture de Chicago, et Marili SantosMunné, architecte installé à Bâle, professeurassistant dans l’université du Michigan, qui projetèrent « Decamping Detroit », en 1995. Ce projet s’inspire de l’histoire de l’urbanisme américain, et plus spécifiquement de celui de Détroit, pour tirer parti de ses potentialités. Ses auteurs assument leur position de projeteurs actifs de la ville, en prenant le maximum de précaution (facilité de sa mise en oeuvre, démocratie participative, etc.). Origines Ce proj de l’abandon progressif de Detroit. Walhdheim en parle suivant ces termes: « for once, with the Detroit Vacant Land Survey, Detroit’s planners were up to speed with events on the ground, even if they were up to momentarily out of step with popular public opinion formed by the media and fuelled by 1 equal parts nostalgia and denial» . Ce projet envisage le fordisme comme modèle urbain: La ville se laisse modeler par son industrie, répond instantanément à ses besoins, et devient aussi flexible que le modèle européen n’est permanent. La ville de Ford est sans scrupule, elle dévore et se rétracte, mais reste toujours opérationnelle. «As a product of mobile capital 52

and speculative development practices in the service of evolving models of production, Detroit 2 was a clear and unmistakable success» . Ford a construit des mobil-homes, faute de mieux, les résidents ont voulu maçonner leurs fondations. Pourtant, lorsque l’industrie automobile s’est effondrée, la ville fut abandonnée, sans état d’âme. En détruisant les bâtiments abandonnés, la municipalité confère sa légitimité au processus en cours, et y prend part. Faire face à la réalité Le projet présenté propose de reprendre l’attitude employée pour le Détroit Vacant Land Survey, mais avec plus d’ambition. Il part du postulat que l’abandon de Détroit est irrévocable, et décide de programmer cette abandon, étape par étape, sur une durée étalée, jusqu’à son retour à l’état de nature. La finalité n’intéresse pas les projeteurs, qui décident de se concentrer sur le processus. Il n’y a pas de retour, il n’y a pas de nature, puisque le fruit des mutations de ce territoire lui donnera un nouveau statut, de forme indéterminée. Dans sa démarche, ce projet pourrait être qualifié de «Landscape Urbanism», il s’interroge sur des questions similaires à celles que se posent les urbanistes préoccupés par l’étalement urbain.

1. WALDHEIM, Charles, SANTIS-MUNNE, Marili, “Decamping Detroit”, Stalking Detroit, Actar, 2001, p107 2. Ibid, p106


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Comme l’avait initié le Detroit Vacant Land Survey, la stratégie nécessite le dégagement de réserves d’espaces, leurs statuts doivent rester indéterminés. Il est seulement nécessaire d’établir des stratégies infrastructurelles, au regard des objectifs écologiques et sociaux fixés par tous les acteurs du territoire en question «their future viability as true void spaces depends upon the imaginary and mythic conditions of their founding». L’équipe appuie son propos sur le film Stalker de Andreï Tarkovski. Le protagoniste évolue dans la « zone », espace contaminé, toxique, conséquence du déclin post-industriel. Ce scénario est en train de se produire à Détroit. 4 étapes: - Délocalisation: évacuation et relogement des populations volontaires, regroupement des services publics, et délimitation de zones nouvellement constituées. Le démembrement des activités politiques et économiques opère une altération du statut de la zone. - Effacement: assainir la zone évacuée. Destruction d’espace spécifiques, enflammement, implantation d’espèces animales sélectionnées, et de plantes qui précipitent la déterioration des zones d’activités abandonnées, et accélère la durée aboutissant à la ruine. - Absorption: reconstitution partielle de microenvironnements est l’objectif de cette phase, obtenue par la plantation d’arbres et l’inondation. Cette phase est la plus longue. Les semences plantées doivent agir lentement, la zone devient une réserve pour devenir un «ex-urban park». - Infiltration: spéculation sur la future réappropriation des zones. Les tâches effectuées auparavant permettent d’envisager une grande diversité d’usage. Ces zones sont devenues économiquement viables. « Detroit’s zones will continue as open-ended responses to individual or collective demands placed on the landscape and its infrastructure as ambient absences » . Sept exemples de définitions de zones sont ensuite développés, comme un stand de tir de pigeons, un espace d’entraînement militaire, un refuge pour l’immigration et la naturalisation, un centre expérimental d’agriculture intensive. Toutes ces activités sont empruntées à l’univers militaire, elles illustrent ce devenir permanent de zones calquées sur une économie. 54

1. KOOLHAAS, Rem, MAU, Bruce, S, M, L, XL, Small, Medium, Large, Extra-Large / Office for Metropolitan Architecture, New-York, Monacelli Press, 1998 p1090-1135


The process of erasure could be scraped over times in a surreptitious way- an invisible reallity. We could gradually scrape whole areas of texture off the map, and in 25 years the whole area would be available » 1

La Défense / OMA Le projet touche à de nombreuses notions pertinentes pour réinventer Détroit, il devient le reflet de ce renversement possible de la programmation traditionnelle dans un territoire spécifique, colonisé, puis abandonné, et effacé. Les références convoquées ont pour effet de vider en définitif la ville de son contenu. On est loin du mythe de l’apologie du vide tant redouté. On pense davantage au projet de l’OMA pour la défense, où l’agence fit la proposition de décomposer les phases visant l’effacement progressif (25 ans) des traces d’urbanité, pour un remplacement subséquent par une grille autonome prête à accueillir une nouvelle architecture.

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T. LA GORCE , A. G. SULZBERGER, To Save a Venturi House, It Is Moved, New-York times, 13/03/2009

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« Move Your House » Les deux projets s’appuient sur le déplacement possible des maisons comme un outil pour manipuler l’urbain. Sans cynisme, le mouvement de la ville n’est pas envisagé comme une machine qui dévore un territoire (cf Superstudio, p18) ni comme élément exogène type walking city porteur d’un quelconque message, mais davantage comme un mécanisme qui nous approche de l’image de ville comme un organisme en réequilibrage constant.

fig. 1

A l’image de la maison Lieb de Venturi, déplacée de Long Beach Island dans New-le Jersey jusque à Long Island, nous nous basons sur cette possibilté de déplacer les maisons. Si toute la première partie de notre travail (l’analyse de l’objet maison) semble distante au projet, elle dicte cependant nos choix, et celuici en particulier. Nous avons traité la maison et ses singularités. Celles-ci expriment l’identité de ses occupants et doit donc pouvoir leur rester associés.

fig. 2

La famille rouge décide de quitter Détroit, alors que le territoire qu’elle occupe est en phase constituée. La famille verte, en revanche, se trouve dans une zone en cours de transformation, elle est déplacée avec sa maison sur le lot de la famille rouge, pour permettre à la figure urbaine de perdurer. La maison sera autant l’élément fondateur qui constitue la ville, que l’objet fragile que nous manipulons.

fig. 3

espace en transformation

espace constitué 57


Concevoir

L’enjeu commun aux deux mises en jachère progressives du tissu pavillonnaire est de trouver ou de retrouver une flexibilité du territoire à travers la disparition du bâti d’une part, et des infrastructures d’autre part. Aujourd’hui, si le tissu pavillonnaire de Détroit fonctionne, il doit avoir un taux de remplissage de 100%, sinon on considère la situation critique. Notre approche considère que lorsque le taux de remplissage du tissu est maximal, le système fonctionne, nous ne le remettons pas en question. Mais il est si contraint que nous envisageons la dédensification comme une opportunité à saisir, pour retrouver une diversité. Nous ne cherchons surtout pas à créer cette diversité par atavisme européen quant à l’enseignement de l’architecture, ou parce que la répétition nous oppresse dans ces quartiers, cette répétition est fondamentale, c’est une caractéristique dont nous voulons assurer la pérennité. Avec les deux projets, nous attribuerons notre réussite au fait que vous jugerez qu’avec un taux de remplissage de 70, 50, ou même 10%, vous soyez convaincus de la viabilité de ce territoire, sans avoir la sensation d’une instabilité, d’une

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situation en devenir. Nous déploierons alors tous nos efforts pour montrer les nouvelles opportunités d’usage, l’enrichissement du tissu acquis par la flexibilité retrouvée du système. Nous entendons dans la mise en jachère l’attention particulière à organiser le vide, pour lui redonner à chaque instant la possibilité de se redensifier. Mais la mise en jachère sous-entend l’idée de laisser reposer, d’abandonner temporairement, alors que les deux projets refusent cette idée de mise en parenthèse, chaque lopin de terre étant viable à tout instant. On retient aussi dans la mise en jachère un phénomène saccadé, des temporalités différentes, dans une tendance générale progressive. Enfin c’est par les espaces vides, nouvellement qualifiés, et ainsi libérés de leur caractère indéterminé, que se révèle la capacité de transformation du territoire. Ces deux projets s’attachent à supprimer l’espace public, actuellement privé de capital et de définition, pour le rendre aux communautés (au nord) et aux particuliers (au sud).


Nous choisissons de nous focaliser sur deux lieux aux caractéristiques de densité opposée. Le premier, au nord, dont le système de grille est aujourd’hui saturé, et le second, au sud, dans lequel est inclus notre premier site d’étude, qui présente de nombreux lots vacants, et qui a par conséquent commencé à se désurbaniser.

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Projet «Sud» Vs projet «Nord» Les deux propositions de désurbanisme s’intègrent dans la trame de Jefferson, découpage orthogonal du territoire américain, puisqu’elles reposent sur la réunion d’îlots inclus dans ce système. En effet, ces plans ont l’ambition de recomposer de nouveaux fragments urbains à partir de ceux déjà existants au sein de cette grille hyppodamienne. Ces nouvelles typologies urbaines intègrent les caractéristiques de rationalité, de systématisme déjà présentes sur le site, comme éléments constitutifs du projet (analyse des éléments caractéristique). En ce qui concerne notre position quant à la prise en compte des phénomènes en cours sur le site, nous n’avons pas adopter de stratégie de principe, chaque choix est une constante négociation à travers les éléments existants, décision de ce qui doit être considéré comme une force à préserver, ou comme une faiblesse à laisser de côté. Nos propositions sont si contraignantes que nous ne nous positionnons pas sur des phénomènes urbains établis, nous les entretenons: Le cas des regroupements des activités le long des infrastructures par exemple n’a pas été pour nous une question, nous acceptons ce principe, et tentons d’en tirer parti: il est inclus dans les communautés au Nord comme un moyen de renforcer leur identité, et maintenu au sud pour s’en servir de barrière physique entre l’infra et le bâti. 60


«L’ architecture pour atteindre une certaine grandeur doit être oubliée, ou proposer simplement une image de référence qui se confonde avec le souvenir.» ROSSI, Aldo, Autobiographie scientifique, Marseille : Parenthèses , 1988 p83

Monument, permanence, effacement.

Y

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Monument, vestige d’une ancienne voirie, bordée de pavillons, et de gens qui les ont habités. Ils sont sans nostalgie, comme un signal, une allusion à la structure originelle du tissu pavillonnaire. La permanence de la ville est en question, la présence du monument menacée. Aldo Rossi désignait le monument (au sens vrai), comme un outil de compréhension et de redécouverte de la ville constituée. Dans notre projet, ce monument, c’est un voyage à travers une histoire, une mémoire collective de la ville de Détroit, qui engage des pratiques linguistiques, corporelles et sociales, c’est différent d’une histoire qui valorise les individualités et des discours du savoir. Il pourrait être jugé par certains comme un objet de dévotion archéologique, mais il est pour nous un élément moteur de la dynamique de la ville. Il structure la morphologie de la ville, en tant qu’élément permanent constitutif de l’architecture de Détroit. 61


Recouvrement progressif de la voierie, site 1

Infrastructure Deux types d’infrastructure sont considérées dans notre projet, et font l’objet d’interventions différentes: -L’infrastructure orientée nord/sud est divisée en deux: la voirie goudronnée, c’est l’espace public autour duquel les façades principales s’organisent et la venelle, ou circulent les réseaux d’eau et d’électricité. -L’infrastructure orientée Est/Ouest est secondaire, goudronnée, elle permet surtout l’accès à l’infrastructure Nord/Sud.

Infrastructure cachée Dans les deux projets, l’enjeu principal de la désurbanisation est de créer les conditions pour une nouvelle densification. Il est essentiel de conserver le potentiel du tissu et donc de pouvoir réactiver cette infrastructure suivant l’usage décrit ci-dessus. Cacher l’infrastructure, c’est modifier son usage, (en la rendant inaccessible), ou supprimer sa fonction (en la recouvrant ou la laissant être recouverte par le temps). Ainsi, nous jouons avec l’apparition de traces qui sont le témoignage d’une histoire partagée. 62

Imaginaire/représentation/ langage Le projet s’associe à un imaginaire, dans le sens où sa représentation tient une place prépondérante, véhiculant des images suggérées. Il entretient ce degré d’indéfinition qui laisse libre court aux interprétations. Le choix de la représentation des plans et coupes en filaire, sans texture, est un moyen de fixer les limites du projet, et de suggérer ce qui l’accompagne. De même, la maquette blanche nous permet de désincarner une réalité pour se l’approprier. Le choix des mots comme monument ou allée d’honneur sont chargés de signification, notre lexique donne à lire notre imaginaire qui lui est associé. Souvent par jeu didactique et parfois volontairement excessif, chacun peut associer à ce vocabulaire ses propres images.


Lexique Monument Vestige d’une ancienne urbanité, sa permanence renvoie à une histoire collective, et devient un ancrage autour duquel la ville se transforme: il n’est donc un objet de dévotion archéologique étranger à la ville. La maison est l’unique élément de projetation, et comme nous nous refusons à construire, le monument est la maison. -Renvoyant à la vision traditionnelle du monument, une porte témoigne au nord de la disparition d’une voirie recouverte. Le monument est alors un instrument identitaire pour la communauté qui le partage: elle peut se l’approprier, et en retour celui-ci renforce la définition de leur entité, en s’inscrivant dans son enceinte physique. -Habité au sud, le monument témoigne de la typologie disparue. Il prend peu à peu vie avec la généralisation de la typologie renversées et de la typologie allée d’honneur. Le même phénomène aura lieu plus tard lorsque le Ranch Estate commence à proliférer sur le territoire, les dernières typologies créent sont localement conservées, pour devenir des monuments. Ensemble, ils sont constitutifs de la ville.

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1. unité parcellaire dans la grille

Typologie d’origine Pour décrire la typologie d’origine, notre méthode est la décomposition des façades, qui nous permet de comprendre l’organisation de la parcelle dans la grille: -la façade principale est le côté ostentatoire de la parcelle, elle feint la richesse, la générosité, l’hospitalité. Jardin arboré, espace sans clôture, petit perron. -la façade arrière répond aux stricts besoin de ses usagers, sans fioriture, sans effet. C’est la façade cachée, souvent clôturée, c’est l’espace privé par excellence. -les façades latérales sont inexistantes, il est inutile d’y accorder la moindre attention. En bout d’îlot, cette façade se contorsionne pour devenir présentable, sans vraiment y parvenir.

2. principe du «miroir»

Pour comprendre la parcelle dans la grille, il faut simplement imaginer un miroir devant chacune des façades, positionnée le long de la frontière de la parcelle. La voirie n’est tolérée que devant les façades principales. Ce fonctionnement en miroir permet cette radicalité des usages segmentés autour de la maison.

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3. extrapolation


Typologie renversée En supprimant l’usage d’une voie entre deux îlots et en conservant les pavillons les plus proches de cette voirie cachée, nous créons un nouveau type d’habiter: la façade arrière devient la façade principale, la partie cachée est révélée avec impudeur. La façade composée est alors reliée à celle qui lui fait face par une voirie dont l’usage est supprimé. Nous renversons la typologie tout en lui donnant les outils, de chaque côté pour trouver une nouvelle configuration: la parcelle vide côté public et la voirie fermé côté privé facilite cette mutation.

Typologie allée d’honneur Cette proposition joue inversement à interroger la typologie d’origine en la renforçant: on supprime cette fois deux parcelles, la longue perspective accentue la composition de la façade principale, et son caractère ostentatoire. Cette analogie à la cour d’honneur, ajoutée à la répétition de ce type latéralement, est un moyen de tourner en dérision la typologie d’origine.

Communauté Le principe de communauté est la notion qui a orienté une partie importante de notre travail pour le projet nord. La communauté revêt un sens différent de la gated community, associée à un retrait de la société. Dans notre cas, elle structure la ville sans s’en isoler, puisque l’objectif est de tirer parti de la désurbanisation pour donner accès à un nouvel espace à partager, un espace sur lequel peut être entrepris une activité économique.

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Ludwig Hilberseimer:

« Modeler de grandes masses selon une loi générale en maitrisant la multiplicité (…) le cas général et la « loi » son mis en évidences et exaltés, l’exception est alors écartée , la nuance s’efface, règne la mesure, qui contraint le chaos à devenir une forme, une forme logique, univoque, mathématique : une loi » 1 Giorgio Grassi:

« Pour connaître la nature réelle du fait urbain comme œuvre profondément humaine, nous devons admettre l’actualité d’une proposition qui (…) propose de considérer aussi une dimension de l’idéal, et donc le type, comme une aspiration humaine à la certitude. » 2

Projet 1: Entretenir le type et l’enrichir

Le principe proposé au nord s’appuie sur le taux de remplissage de 1 pour organiser la dédensification sans concession, en conservant la force du système par une stratégie rationnelle. Les règles de fonctionnement du tissu pavillonnaire sont donc conservées mais l’usage du territoire libéré est mis au service de la communauté. Ses règles conservées sont le maintien du pavillon avec sa parcelle, ses pavillons voisins et son accès direct à la rue depuis la façade principale. Ce maintien des règles n’est pas opéré dans une intention conservatrice, la principale raison est que la grille de compréhension du tissu est diaphane, elle définit le statut des sols si clairement qu’elle ne nécessite aucune barrière. La rigidité du système proposé vise à maintenir ce type d’urbanité. Le système repose sur l’organisation de la dédensification d’un, deux, quatre ou huit îlots, définissant des ères destinées à des communautés: tout le travail repose sur l’exploitation des espaces libérés, pour leur donner une définition. Ici, notre intention est de regrouper des particuliers, qui conservent leur parcelle et leur pavillon, mais qui disposent d’un nouvel espace à partager. Nous devons donc accentuer le sentiment d’identité, 66

par le partage d’espaces sur lesquels peuvent être entreprises des activités à but lucratif, la mise en commun de ressources, l’organisation de la densité et de la perméabilité de l’entité. La constitution de ce phasage obéit aux règles exposées ci-dessous. La rigidité de cette ère programmée de 1 à 8 îlots est courcircuitée par la possibilité à tout moment de se lier à son voisin, et de se séparer au sein d’une entité. A chaque instant, des communautés peuvent donc ajouter un îlot voisin dans leur propre espace, ou même un regroupement d’îlots (qui sous-entend la présence d’une autre communauté) à condition que la phase de dédensification soit la même. Nous imposons cette condition, car elle est un facteur essentiel identitaire, qui rend visible à eux-mêmes ainsi qu’aux autres l’existence, et les frontières de cette communauté. Pour se faire, ils négocient un droit de préemption avec les propriétaires concernés, et rendent prioritaire la dédensification de l’entité la plus remplie. 1 HILBERSEIMER, Ludwig: Großstadt-Architektur, 1927, in L’ Architecture comme métier et autres écrits, Liège : Mardaga, 1983 , p 49 2 GRASSI, Giorgio, L’ Architecture comme métier et autres écrits, Liège : Mardaga, 1983 , p 50


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Exploitation de différentes temporalités

«Wiederabbau», Eric TSCHAIKNER, Shrinking cities 2 Intervention, 2006, p107

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Chaque phase du système se décompose en deux temps. Dans une première étape, dont la durée est très courte, les résidents de la zone à vider sont délocalisés vers des aires où l’urbanité est maintenue, prenant la place de résidents qui ont quitté Détroit .Dans la seconde étape, les maisons destinées à disparaître sont mises à disposition des habitants de l’îlot. La matérialité du bâti est alors considérée comme une réserve, dans laquelle la communauté peut venir puiser, transformer ou déconstruire. Nous l’employons comme un instrument identitaire, pour nourrir le désir de vivre ensemble tout en s’excluant d’une autre communauté. Cette appropriation physique par le voisinage conduit à une dématérialisation progressive du bâti, qui, par cette opération de soustraction, donne à voir ses entrailles, rend lisible les différentes couches qui le composent. Cette consécration d’une temporalité étirée, pour rendre visible les entrailles du sujet, est une posture parfois également adoptée à l’échelle de l’objet, comme 1 en témoigne le projet Wiederabbau , pour le palais de la République, bâtiment symbolique à 1. TSCHAIKNER, Eric, dans Shrinking cities 2 Intervention, Hatje Cantz Verlag, 2006, p107


Berlin: geste vain, mais plein de sens, pour tenter de mettre à nu l’incompréhensible. Gordon Matta Clark travaillait de cette façon dans la première partie de sa vie, dénonçant les inégalités en découpant des bâtiments emblématiques, comme un devoir de mémoire, et pour comprendre la misère des occupants des lieux. La conclusion est incluse dans le protocole, il n’y a rien à trouver en découpant un bâtiment de logements sociaux, rien à comprendre, ou peut être un certain voyeurisme qui remplit le spectateur de mal être, et le confronte à sa propre responsabilité. Peu à peu, les maisons disparaissent, et la typologie de l’îlot prend la forme escomptée, pour une longue durée. On empêche personne de quitter cet îlot, mais il sera alors remplacé par un résident qui a été déplacé depuis un îlot qui enclenchait une phase de transformation. Cette lente disparition du bâti laisse place au langage esthétique et signifiant de la ruine, qui trouve un échos dans la représentation du mythe de Babylone par Bruegel. En effet, si dans cette utopie urbaine, le voile d’incertitude qui entoure cet ouvrage, (la représentation de Bruegel est basée sur des récits dont les auteurs ont participé à la conception du mythe de Babylone)

Représentation de la tour de Babel par Bruegel, 1563

«bingo», Gordon Matta-Clarck, Niagara falls, New-York, 1974

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et la démesure de l’édifice expliquent en grande partie sa popularité, c’est le rapport du bâti à la religion, du physique au mystique, qui nous permet de comprendre cet édifice. La genèse dit: « Allons ! Bâtissons-nous une ville et une tour 1 dont le sommet touche au ciel» . La métaphore nous suggère l’immensité du chantier, qui, s’il a un début, n’aura pas de fin, et nous renvoie au grand dogme de la religion, la promesse de la vie éternelle. Mais Ulrike Wegener remarque que ce dessin nous laisse à voir ruines et échafaudages, mêlant cycles de construction et 2 déconstruction , conférant à la tour le statut de ruine en construction, garante de son éternité, mais condamnée au perpétuel devenir. Ce qui concède une telle force au patrimoine architectural de Detroit, est cette manifestation ostentatoire de l’échec de l’homme qui se plie sous le joug de la nature. Celle-ci reprend ses droits, et insuffle au lieu une atmosphère paradoxalement oppressante et reposante à la fois : notre propre régression est patente, l’équilibre retrouvé rassurant. C’est bien la manifestation temporelle de l’humanité en déclin qui explique la fascination pour la ruine. Chaque ruine abandonnée est le témoin d’une histoire douloureuse, et la ruine habitée l’est encore davantage, puisqu’elle signifie que la douleur persiste.

1. La bible, Ancien Testament, Le Pentateuque -Genèse 11.4 2. WEGENER, Ulrike B., Die faszination des Masslosen: Der Turmbau zu Babel von Piter Bruegel bis Athanasius Krircher, Hildesheim, Olms, 1995

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L’architecture à Détroit parle de ce renouvellement dans la décomposition, mais c’est le programme qui en témoigne. L’approche américaine lorsqu’il s’agit de son propre patrimoine nous laisse assister, incrédules, à l’absence totale de considération qu’ils ont pour la conservation de leurs bâtiments. La transformation du book Building, utilisé pour son altitude comme antenne de télécommunication, ou du Michigan theatre pour son volume comme parking, est sans doute l’unique représentation possible de la ruine américaine, sans nostalgie ni remord, mais tellement narrative pour le spectateur. On se rapproche de la vision de Rowe, par la superposition d’écritures, et de celle esquissée par Bruegel, par des signes d’abandon qui subsistent mêlés à l’apparition de signes nouveaux.


Antennes de télécommunications sur le book building abandonné, 2003.

Côtoiement des époques, de bâtiments abandonnés et occupés, photo prise lors du séjour à Détroit, 02/08.

Michigan theatre, 1927

Michigan theatre, aujourd’hui, devenu un parking.

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-Dégagement d’une aire vide en coeur d’îlot, premier élément à partager qui permet d’identifier la communauté. Nous ne pouvons imposer la constitution d’une communauté cette décision appartient aux individus qui font le choix de ce regroupement, nous incluons la possibilité d’une incapacité ou d’une indisposition à ce partage: l’espace intérieur est alors découpé entre les résidents de l’îlot, qui négocient entre eux. Pendant cette phase, on laisse le tissu se dissoudre peu à peu, sans imposer de déplacements de population. Comme une entrée en matière, c’est une fois que le coeur de l’îlot est évidé, qui prend donc un temps indéterminé, que peut être enclenché véritablement le schéma de dédensification.

exclusivement, qui construit son identité: un vide, lieu de sociabilité, un élément d’échange et point de connexion entre les habitants et la matière bâtie qui les entourent... On peut regretter cette urbanité résistante plus qu’un atout prêt à amorcer la mise en jachère, laissant alors apparaître le projet comme une négation de cette dédensification. Ce n’est pas notre préoccupation, il s’agit ici d’envisager une urbanité dont la densité puisse atteindre un COS inférieur à 0,1, sans ambiguïté, maintenant autant que possible le rapport du bati à l’espace public dans l’épaisseur de sa périphérie. Il n’est pas question pour nous de fantasmer la zwischen city, ou le Landscape Urbanism. Nous faisons donc une distinction entre l’appréhension de la ville depuis l’espace public, et celle du résident qui détient un autre regard, cette fois intériorisé, qui participe à la constitution de son espace habité.

-Suppression partielle des voies internes, de manière à créer une enceinte à ce nouvel îlot, qui ne peut plus être traversé. On efface ainsi une partie des voies rendues inutiles, pour renforcer l’unité du nouvel îlot. Les impasses constituées désservent 4 rangées de pavillons qui se font face, minimum souhaitable pour respecter le principe du tissu. L’espace libéré est intériorisé, nous renvoyant à l’image de la cour intérieure, il bénéficie physiquement, et visuellement, aux habitants de la communauté

-Suppression de l’épaisseur bâti, côté voirie orientée Est/Ouest, et retardement de la découverte de ce vide. Il s’agit de supprimer les impasses, pour conclure cette disparition de la voirie orientée Nord/Sud. Mais cette disparition doit rester relative, nous voulons en garder la trace par l’introduction du monument. Nous avons défini les conditions de sa mise en oeuvre: inhabité, il est mis en place pour conserver une enceinte, pour distinguer le dedans du dehors. Il est lié à l’infrastrucure disparue, et

Stratégie de désurbanisation

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renforce l’identité de la communauté, mais sa présence reste dépendante de son contexte: comme le plan de Hausman pour Paris, il ponctue une perspective. Le monument est désacralisé, il devient un instrument typolgique. Paradoxalement, la permanence du monument reste seulement associée à l’élaboration de la définition de notre monument, car nous le manipulons sans précaution particulière: Si l’infrastructure disparaît, la perspective n’existe plus, le monument devient inutile, il est détruit. Nous envisageons que c’est cette fois c’est l’infrastructure qui est mise en jachère, dans le sens qu’elle n’a pas disparu. Elle est mise en sommeil, prête à retrouver son usage au moment de la redensification. En fonction de l’usage du coeur d’îlot déterminé par une communauté, ces voies peuvent partiellement réapparaître, structurant ce vide à reconquérir. -Raccrochement du vide du cœur de l’îlot à l’infrastructure environnante dans la longueur de ce dernier, depuis la voie orientée Nord/Sud. Ainsi, l’îlot laisse à voir sa tranche intérieure vide, en opposition avec l’alignement des pavillons encore présents. Cette typologie fait écho à celle d’origine dans le sens où elle retrouve cette même organisation de trame verticale. De plus, elle s’apparente à une organisation repérée dans notre étude des éléments caractéristiques du plan parcellaire.

-Expansion du vide dans la largeur de l’îlot: l’alignement des pavillons subsistant, constitutif de l’ilot d’origine, disparaît, et l’unité devient traversée dans ces deux axes principaux par le vide. Par cette liaison horizontale à l’infrastructure, l’ilot s’ouvre, sa périphérie laisse apparaître l’espace libre interne. Attentif à retrouver une souplesse en fin de processus, on inverse la logique précédente puisqu’au lieu de définir un ensemble destiné à disparaître, nous prescrivons le maintien des quatres pavillons aux angles de l’ensemble. Les parcelles baties restantes subissent alors ce phénomène d’abandon non réglementé de désurbanisation déjà observé dans la partie sud du site de projet. L’avant dernière phase désigne le maintien d’un ensemble de bati à l’un des angles, généralement le moins touché par la destruction. Ce groupe de maisons constitue alors les derniers éléments du système d’origine encore habité. Dans la phase ultime, ces dernières viennent à disparaître, comme pour l’entrée en matière, dans une temporalité étirée retrouvée. L’unité est alors complètement vidée de ses habitants. Seul subsiste les monuments et quelques tracés, témoins de l’urbanisation de ce territoire.

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Le Monument: Outil urbain/ instrument identitaire Le monument, aussi bien que le patrimoine mis à disposition des communautés se centre sur l’objet de la maison. Les projets qui suivent nous ont servi de référence quant à l’exploitation possible de ce type de bâti. Leur ambition est de catalyser des pratiques urbaines, ils sont ancrés dans une réalité qu’il est essentiel de considérer. Cette stratégie, quel qu’en soit l’initiateur, compte sur la participation des résidents, indispensable à sa crédibilité. Il n’est pas question de programme, il en résulte le monument sans célébration d’aucun événement passé, ou d’une quelconque personnalité décédée. Ce projet peut varier sur son ambition sociale et esthétique. Le projet de collectif regroupe une pensée urbaine sans théorie, et sans grande conséquence sur la ville. Il est la quintessence de la misère urbaine, et son reflet physique. Il part d’initiatives individuelles ou associatives, qui se serrent les coudes dans une ville qui les

a oubliés. Ce témoignage public doit être pris en compte. Il est le seul monument spontané, et nous permet de mesurer les conditions de vie inacceptables des minorités majoritaires à Detroit. Il est une photographie, n’a aucune aspiration, et n’est porté par aucun intellectuel, qui souvent ne leur accorde aucune attention, si ce n’est le mépris. Deux projets doivent retenir notre attention: le projet Heidelberg. Tyree Guyton, qui depuis 1986, investit peu à peu toutes les maisons abandonnées de la rue Heidelberg, par des sculptures, peintures ou autres assemblages, à partir d’objets trouvés dans les environs du site. Ce projet est pour l’artiste un médiateur pour retisser un lien communautaire, un instrument social, puisque tous les enfants du quartier sont appelés à participer. Un projet controversé également, par l’accueil divisé des populations avoisinantes. La plupart des réalisations du projet Heidelberg furent détruites par les autorités. La force symbolique de cette illusion (connotations

« Detroit did not become great through centrally planned vision. Detroit became great through the million of spontaneous, very personal and not always beautiful visions of its people. » STULL, Thomas, Is saving Detroit ruins truly absurd?, The Detroit News, 24/12/1995 projet nord: monument urbain

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paradoxales de la poupée éternellement naïve, et son utilisation comme objet détruit, abandonné) confère-t-elle la force subversive du monument en tant qu’oeuvre d’art? Ironie, monumentaliser les cracks houses devient le moyen le plus efficace de faire détruire les bâtiments abandonnés. C’est d’ailleurs ce qui incita le groupe d’artistes DDD, (Detroit. Demolition. Disneyland) à peindre les façades de maisons abandonnées en orange, systématiquement détruites dans le mois qui suivait par les services municipaux chargés des démolitions. Une proposition intermédiaire se situant entre la dénonciation et le catalyseur est celle de l’école d’architecture de Mercy, à Detroit. Les intentions plurielles de ce projet rendent compte de la complexité de la problématique. L’objet de son intervention est également le pavillon. Si la dimension sociale est centrale dans ce projet, on retiendra surtout la concentration sur l’objet, en tant que patrimoine de Détroit. L’objet abandonné entraîne un phénomène de réappropriation, qui est typique à Détroit.

Paint it Orange, «DDD Project»

The «Heidelberg Project»

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La logique de rentabilité devient la plus performante pour sauvegarder le patrimoine de la ville. Contrairement au centre ville, cette question ne se pose pas pour le propriétaire de la parcelle qui l’a abandonnée, mais pour les résidents du quartier environnant le bâti. L’architecture vidée de son contenu, devient cette fois un contenant à disposition des autres. Le projet FireBreak, par ses «interventions mercenaires», a pour premier objectif cette appropriation de la ruine comme patrimoine. Bien souvent support physique d’une réflexion, le bâti devient en premier lieu un support publicitaire: de manière littérale avec le projet HouseWrap , marquant la construction de nouveaux logements par une organisation communautaire, mais aussi comme le miroir de l’activisme de ses habitants, avec le projet Hayhouse , promouvant la plantation de foin pour la désintoxication des sols par les habitants des quartiers Est. Le projet HouseWrap, avant de le comparer à l’emballage du Reichstag, peut être rapproché avec la démarche de Christo et Jeanne-Claude, par son intention populaire d’être assimilé par tous. Se rendre accessible est une stratégie de communication indispensable pour Détroit, et inhérente aux travaux de Christo, reconnu pour son talent promotionnel de communication. L’effet plastique des interventions FireBreak est remarquable. On peut pousser ce jeu analogique encore un peu plus loin, en le rapprochant de l’architecture élitiste minimale japonnaise, qui replace ce patrimoine de Détroit dans une culture contemporaine de l’architecture métropolitaine. La N House de Aoki semble même avoir du mal à tenir la comparaison avec le projet HousePrint.

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HouseWrap, projet FireBreak à Détroit, et Wrapped Reichstag, Christo et Jeanne-Claude , 02/07/1995


Hayhouse, projet FireBreak à Détroit, et Nira House (Leek House), Terunobu Fujimori, 1997

HouseWrap, projet FireBreak à Détroit, et emballage du Reichstag, Christo & JeanneClaude, 1995

HousePrint, projet FireBreakà Detroit et N House, Jun Aoki, Yokohama, Kanagawa, 2008

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principe de desurbanisme

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simulation hors contexte

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exemple de desurbanisation d’un ilot

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http://i583.photobucket.com/albums/ss271/detroitdisurbanismproject/Simulationnord-1.gif

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«Un étrange souvenir, ou une étrange expérience du rationalisme, mais qui gardait toujours présent à l’esprit le fait que la réalité ne pouvait être saisie que sous un seul aspect ; et donc que la rationalité –ou un minimum de lucidité– permettait d’en analyser l’aspect le plus fascinant : l’irrationnel, le non exprimable.» ROSSI, Aldo, Autobiographie scientifique, Marseille : Parenthèses, 1988 p98

Projet 2: Interroger le type pour le transformer

Pour le projet sud, la problématique est toute autre, puisque le tissu est déjà largement dédensifié. Il engage une réponse spécifique, plus lié au contexte que le projet Nord. Cette fois, nous devons nous détacher de la rationalité du système, déjà déchiré, pour ouvrir le champs des typologie d’habité, et l’enrichir par cette diversité.

Si dans le projet nord ce sont les entités qui conditionnent l’organisation de la mise en jachère, c’est cette fois l’infrastructure qui devient moteur de la transformation. Nous créons de la forme pour composer de la ville, pour statuer les espaces. C’est cette fois la propriété qui dirige la dédensification, nous orientons le champ des possibilité de négociations, en rendant possible à chacun d’agrandir son terrain s’ il le désire. Notre position est libérale, mais étant donné la situation des marchés en 2009, il est de bon ton de la placer dans un cadre réglementé. Nous nous réservons le droit de réclamer le départ d’un propriétaire qui sort du cadre de notre planification, mais au gré de la dédensification, la ville trouve son équilibre, et les règles disparaissent peu à peu: Lorsqu’une parcelle est abandonnée, elle est tout d’abord léguée à celui qui est désigné dans le plan pour en devenir le propriétaire, puis ensuite les voisins de la parcelle qui sont désignés par le plan enchérissent pour l’obtenir, et enfin il n’y a plus de règle, le système devient autonome.

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Monument: le fonctionnement traditionnel du tissu du pavillon avec sa parcelle, ses pavillons voisins et son accès direct à la rue depuis la façade principale devient un lointain souvenir. Nous voulons laisser subsister cette trace, dont le rapport à son nouvel environnement devient plus anecdotique que dans le projet nord. Dans la définition de Rossi du monument comme outil de compréhension et de redécouverte de la ville constituée, nous nous autorisons à considérer que la protection de cette trace fait des éléments sauvegardés des monuments partagés. Il n’y a pas de programme spécifique attribué à la définition du monument, nous décidons que l’habiter est une manière de le rendre actif, et nous rapproche d’une autre définition du monument: il renvoie à la permanence, il facilite la mutation d’autres éléments qui se situeront dans une histoire constituée de ces objets structurant. 2 manières de supprimer l’infrastructure: l’élément principal qui guida ces deux propositions est notre attention à tirer parti du vide, et non de le subir comme c’est le cas actuellement. Dans les deux cas nous ne pouvons parvenir à rendre visible tout de suite l’exploitation foncière du vide, et considérons le fait que s’établissent des clôtures. Nous ne sommes pas encore intervenus dans le tissu, notre intrusion dans un territoire chaotique doit se faire de manière progressive, pour que la nouvelle écriture apparaisse insensiblement.


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« Improve your lot »

Interboro partners project 1. ARMBORST, Tobias, “however unspectacular:the new suburbanism”, in Shrinking Cities volume 2, interventions, Hatje Cantz ed. , 2006, p324

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L’agence Interboro réfute le modèle de la ville-nature, théorie romantique et régressive selon elle. Elle lui préfère la ville banlieue, phénomène déjà en cours d’élaboration à Detroit d’après leur étude: «however unspectacular stems from our convicition that the suburbubanization of Detroit does not have to follow national 1 trends, but can do better» . Dans leur projet, le développement ne signifie ni densification, ni restauration ni encore planification par un quelconque organisme, public ou privé. Il s’agit simplement d’une requalification des parcelles vacantes, comme moyen de rendre viable un territoire occupé par une population pauvre, et ainsi empêcher les mécanismes de gentrification à l’avantage de tous les autres acteurs de la ville, de s’enclencher. Puisque le foncier n’a plus aucune valeur, les propriétaires de ces quartiers à l’abandon peuvent s’approprier les terrains vides jouxtant le leur pour l’usage de leur choix.


Leur analyse, qui justifie cette intervention, s’appuie sur trois points: - La ville de Detroit n’est pas une shrinking city, c’est une région qui continue à s’accroître. - Le problème de la ville de Detroit est l’inégalité de sa croissance en comparaison avec celle de sa banlieue, qui s’apparente à une politique ségrégative qu’il faut continuer à combattre. - Toutes les tentatives d’injection de capital pour revitaliser Detroit ont échoué, il faut trouver une politique alternative à cet urbanisme de l’assistanat. Interboro tente de problématiser une réalité à Detroit pour se l’approprier. En radicalisant une pratique qui échappe à toute programmation elle veut échapper aux organisations de planification urbaine. La stratégie devient pragmatique et immédiate.

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Rassemblement de deux ilots en vue de la fermeture d'une voie.

Apparition de la typologie "renversée"

Stratégie de mise en jachère 1: réunion de 2 îlots: nous avons constaté 2 que les poches résistantes s’organisaient autour de la voirie, et non à l’intérieur d’un îlot: nous comprenons que le pavillon demeure si son Rassemblement de trois ilots en vue de la fermeture de deux voies. Apparition de la typologie "allée d'honneur" reflet subsiste, hors ce reflet c’est le pavillon 1 qui lui fait face et non celui qui lui tourne le dos. Pour engager une nouvelle pratique d’habiter, nous supprimons l’usage de cette infrastructure médiation en son sein, mais de définir un lieu, qui lui permettait paradoxalement de subsister: comme une cour intérieure, où l’accès est réservé nous avons fait ce choix, car cette typologie est aux résidents. Conséquence, l’accès se fait par celle du village traversée par la route nationale, le backyard: les pavillons qui empêchent l’accès qui devient le médiateur entre le dedans du à la nouvelle typologie sont ceux qui doivent dehors, l’espace public, le vecteur social, qui disparaître. Pour ceux qui ne gênent pas, car lie l’activité, le service à l’étranger, et ou sont certains pavillons ont déjà disparu dans la zone mis en scène les duels. Evoquant la ville du Far qui nous intéresse, ils demeurent. Ils seront West, cette main street s’oppose au territoire supprimés dans une deuxième étape, plus tard, vierge à conquérir qui l’entoure, c’est la caverne pour rendre plus visible la typologie créée. Il rassurante dans laquelle on se sent protégé. y a donc une inversion c’est la façade arrière 2 Nous sommes loin de cette configuration, le qui devient la façade principale: c’est pour nous territoire qui l’entoure a été domestiqué et une manière d’interroger ces façades, et par nous voulons qu’il le reste. L’étranger n’y a pas notre étude de la façade principale en fonction sa place, il n’y a aucune activité. En fermant de la façade arrière, nous pourrions enclencher l’accès à cette main street, nous engageons une des 1propositions pour adapter les façades à revalorisation de ce qui devient un espace où cette nouvelle typologie. La façade arrière n’est l’on est et non où l’on passe. Il y a un effet pas complètement exhibée, l’objectif n’est pas lotissement, qu’il ne faut pas confondre avec la l’inversion simpliste et forcée: une parcelle vide communauté, l’objectif n’est pas de faciliter la la sépare de l’espace public, la perception qu’on

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Rassemblement de deux ilots en vue de la fermeture d'une voie.

Apparition de la typologie "renversée"

Rassemblement de trois ilots en vue de la fermeture de deux voies.

Apparition de la typologie "allée d'honneur"

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en a est relative. 2: réunion de 3 îlots: la deuxième possibilité prend le maintien de la hiérarchie façade principale sur rue/façade arrière invisible depuis l’espace public comme prérogative principale. On conserve donc un îlot entier, pour supprimer l’infrastructure qui la borde de chaque côté. La logique est la même quant à la suppression des pavillons: ceux qui rendent inaccessible la nouvelle typologie créé sont supprimés, ceux qui ne gênent pas sont tolérés dans un premier temps, puis seront supprimés plus tard. La distance qui sépare le pavillon de son infrastructure est plus importante que pour la réunion de 2 îlots, dégageant une surface importante devant la façade principale. On pourrait faire une analogie, volontairement abusive, à la typologie du château, par cet accès magnifié: l’importance de la distance qui sépare l’entrée dans la propriété au seuil

de la maison permet au visiteur de découvrir lentement toute les subtilités de la somptueuse façade, la charpente retenant le peyron devient une colonnade, la symétrie de la composition de la façade prend un tout autre sens. Le chemin à l’intérieur de l’îlot est conservé, il facilite l’accès, en catimini, aux employés de pavillon. Cette typologie conserve davantage les caractéristiques de la typologie d’origine que la stratégie exposée auparavant. Constitution des nouveaux monuments: Avant d’enclencher l’étape suivante, nous déterminons de nouveaux monuments, qui témoigneront de cette histoire. Ils cohabiteront avec ceux qui ont été désigné à l’origine, pour structurer le territoire, comme un moyen de se situer dans l’espace et dans le temps. Ils sont garants du maintien de l’infrastructure: on définit que la voie autour de laquelle est établi un monument ne peut être recouverte, il devient littéralement un élément permanent constitutif de la ville Ranch Estate: le modèle auquel se réfère la dernière étape de ce projet est la ville diffuse, relativement homogène. Il fut difficile pour nous de nous positionner sur cette question de la ville nature, mais elle était incontournable dans notre stratégie de désurbanisation. Cette

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rassemblement d'ilots en vue de réduire l'infrastructure (A)

définition des maisons à détruire pour permettre le futur accès

fermeture de la voie interne (B)

1. GHORRA-GOBIN, Cynthia, La Ville américaine : de l’idéal pastoral à l’artificialisation de l’espace naturel, Annales de la recherche urbaine, no 74, mars 1997.- p71

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suppression des maisons en bordure du nouvel ilot

apparition des nouvelles typologies (C)

vision d’une civilisation se définissant comme le moyen de mettre en perspective ville et campagne et d’y établir une relation organique s’est avérée un des principaux fondements du débat intellectuel américain au siècle dernier . Il ne s’agit pourtant pas d’une problématique 1 purement américaine . En effet, l’Utopie de More au XVI ème siècle ou encore La ville du soleil de Campanella au XVIIème siècle reposaient déjà sur l’avènement d’une société urbaine aux fondements agraires. Cette conception a été reprise par les Puritains fuyant l’Ancien Monde et s’identifiant au peuple auquel Dieu aurait demandé de fonder la «Nouvelle Jérusalem». La situation actuelle ne peut plus être pensée de manière dualiste, la ville contemporaine ne peut plus être opposée à la campagne. Nous tentons à travers notre proposition d’enrichir cette vision simplificatrice. Notre proposition joue avec les clichés de l’idéal pastoral, tout en incluant l’actualisation du mythe Marlboro. Tout en se référant en permanence à sa tradition et à son « idéal

pastoral », l’Amérique a voulu inventer un cadre de vie qui ne relèverait pas uniquement des seules exigences de la corporate society, société capitaliste entièrement façonnée par les seuls intérêts de l’entreprise. L’ironie de cette réconciliation entre la complexité de la ville et la simplicité d’un mode de vie proche de la nature à Détroit tient dans le fait que l’échec de la corporate society a facilité l’avènement de cette réconciliation. Elle n’a pourtant de réconciliation que le nom, l’artificialité est constitutive de cette dernière étape, elle est contenue dans son nom: le lotissement de Ranches. Le cheval blanc de Buffalo Bill est remplacé par le pickup noir Chevrolet de GM, leur désir de liberté est le même, nous offrons à notre nouvelle génération Marlboro une ère de jeu dans lequel son 4x4 trouve toute sa place: nous fixons la règle que chaque ranch doit laisser la largeur de la parcelle voisine libre: ce chemin en terre sert d’infrastructure secondaire pour accéder à sa propriété.

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Retour à l’idéal pastoral

Le ranch est l’idéal défendu par Catherine Beecher, représentante du féminisme domestique après la guerre civile, qui identifia la famille, sous la responsabilité de la femme, à la maison entourée d’un jardin. La famille est devenue en même temps une entité sociale et spatiale. Isolée de la ville et de ses maux, elle est perçue comme le cadre par excellence du développement et de l’épanouissement de l’enfant et de l’adulte . Nous cherchons à des renverser ce mythe. L’économie est apparition dans la des banlieue, nouvellesisolons pression maisons en typologies dure dunous nouveld’elle ilot pour redéfinir le cadre d’épanouissement dans la ville abandonnée. La nature est devenue un outil pour maintenir et préserver le statu-quo d’une municipalité ou d’un quartier de banlieue. Ce processus identifié par les chercheurs comme une volonté de reléguer les populations des centres villes est désigné par le sigle NIMBY. Ils entraînent une dévalorisation du foncier qui permet aux plus pauvres d’accéder à l’idéal des plus riches. Notre Ranch Estate, en jouant avec ses symboles, devient synonyme de l’identité américaine, soit d’une nation rurale qui a accepté de devenir urbaine – sans se destituer de sa tradition – et qui a cherché à concilier le meilleur des deux mondes.

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rachat des parcelles voisines


mins itionde des chemins apparition de des chemins de se traverse (D)

du système du système générali émergence des émergence contours des contours émergence des contoursgénéralisationgénéralisation "ranch" "ranch" "ranch" circulatoires circulatoires (E) circulatoires

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simulation hors contexte

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J’ai toujours cru que dans la vie comme dans le domaine de l’architecture, lorsqu’on est à la recherche de quelque chose, on n’est pas seulement en quête de cette chose ; dans toute démarche il existe toujours un degré d’imprévisibilité, comme une sorte de répugnance à conclure. ROSSI, Aldo, Autobiographie scientifique, Marseille : Parenthèses, 1988 p98

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Bibliographie LIVRES (par ordre alphabétique) •ARGAN, Giulio Carlo, Projet et destin : Art, Architecture, Urbanisme, “ambiguité du type“,Paris: La Passion, 1993, 280 pages •CAXTEX, Jean, DEPAULE, Jean-Charles, PANERAI, Philippe, Formes urbaines : de l’îlot à la barre, Paris: Dunod, 1978, 230 pages •DAVIS, Mike, City of quartz : Los Angeles, capitale du futur, Paris: La Découverte, 1997, 391 pages •DEGOUTENT, Stéphane, Prisonniers volontaires du rêve américain, Paris, Editions de la Villette, 2006, 398 pages

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•POMMER, Richard, et David SPAETH, In the Shadow of Mies, Ludwig Hilberseimer, Architect, Educator, and Urban Planner, 1988, 328 pages •ROSSI Aldo, L’ architecture de la ville, Paris: l’Equerre, 1981, 295 pages •ROSSI, Aldo, Autobiographie scientifique, Marseille: Parenthèses, 1988 p98 •REPS, John William, la ville américaine, Assouline, 1954, 457pages •REPS John W. , La ville américaine: fondation et projet, Mardaga , 1981, 387 pages •SOUCY, Claude, crise des centres de ville, Paris, centre de sociologie urbaine, 1974, 284 pages •SUGRUE, Thomas J, The Origins of the Urban Crisis: Race and Inequality in Postwar Detroit, Princeton University Press, 2005, 416 pages •Verb crisis, Barcelone, ACTAR, 2008, 294 pages •WALDHEIM, Charles, DASKAKAKIS, Georgia, Stalking Detroit, Actar, 2001, 157 pages

•KOOLHAAS, Rem, New York délire: un manifeste rétroactif pour Manhattan, Paris, Chêne,1978, 260 pages •KOOLHAAS, Rem, Mutations, Barcelone, Actar, 2001, 720 pages

•KUNSTLER, James, the geography of Nowhere: The Rise of Amerrica’s Man-made Landscape, Paperback, 1994, 304 pages •OSTROWETSKY, Sylvia, et BORDREUIL, J.S, Le Néo-style régional : reproduction d’une architecture pavillonnaire, Paris: Dunod, 1980, 184 pages OSWALT, Philipp, Shrinking Cities volume 1, International research, Hatje Cantz ed. , 2005, 734 pages •OSWALT, Philipp, Shrinking Cities volume 2, interventions, Hatje Cantz ed. , 2006, 831 pages

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•STOHR, Kate, Redevlopment plans have long failed in Détroit. The newest round are différent, but will they work?, Architectural record, 08/2004, p72-75 •CHABARD, Pierre, GROSJEAN, Bénédicte, Mac’s, Pass Paradisio au borinage :quand le loisir exploite la ruine, Architecture d’aujourd’hui, n°348, sept-oct 2003, p 75-82 •SOWA, Axel, Zollverein ou l’espoir d’une renaissance, Architecture d’aujourd’hui, n°348, septoct 2003, p 83-89 •Auteur inconnu, Détroit tries again : The rebirth of a City, and this time it could work, U.S News and World Report, v27 n°16, 25/10/1999, p34 •STASZAK, Jean François, détruire Détroit. La crise

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deserts on public health in Detroit, Lasalle Bank Report 12/2007

•Detroit, profile of a city, University of Mercy, Detroit, 10/2007 111


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Remerciements •ENSEIGNANTS: Can Onaner, Florian Hertwerk, toute l’équipe enseignante du département thp, Philippe Simon, Pierre Bourlier. •FROM DETROIT: John Gallager, Bill Mac Graw, Romain Blanquart •ON LES APPELLE LES PETITES MAINS, A TORD: Bertille Saunier, Anthony Thevenon, Jean-Baptiste Barbet, Julien Barrios, Thibault Saint-Olive, Thomas Bouchet et Gaetan Morales.

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PFE février 2009 / Département THP / ENSA Paris-Malaquais Ondine MASSON & Antoine PASCAL Professeurs encadrant: Florian HERTWECK & Can ONANER


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