De la conception aux usages, mémoire de master 2, ENSP Versailles

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Master de recherche « Théories et démarches de projets de paysage »

_De la conception aux usages Le parc Martin Luther King et le square des Batignolles, deux espaces représentatifs de leurs époques : le XXIème et le XIXème siècle. Leurs conceptions différentes induisent-elles des usages différents ?

Antoine Sautet Soutenu le X juillet 2012 à Versailles sous la direction de Sonia Keravel et Frédéric Pousin

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Remerciements Je tenais à remercier tout le corps enseignant du Master 2 «Théories et Démarches du Projet de Paysage» de l’Ensp Versailles pour cette nouvelle vision du paysage qu’ils m’ont apportés : Sophie Bonin, Roland Vidal, Didier Bouillon, Pauline Frileux, Bertrand Folléa, Yves Luginbuhl, Martin Van Der Toorn, Gilles Vexlard et Pierre Donadieu. Mais aussi, Aïcha, Dominique Garrigues, Didier Favre, Christine Huvé et H. Je remercie plus particulièrement Sonia Keravel et Frédéric Pousin pour leur gentillesse et leur disponibilité tout au long de l’écriture de ce mémoire.

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A mon grand-père, Bernard

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« Si vous voulez voir le jardin décoratif par excellence, vous l’aurez à Paris, et disons bien vite que l’invention en est ravissante. C’est du décor, pas autre chose, prenez-en votre parti, mais du décor adorable et merveilleux. La science et le goût s’y sont donné la main ; inclinez-vous c’est un jeune ménage »

George Sand, La rêverie à Paris, 1867

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Résumé : Ce mémoire s’intéresse à la relation qui existe entre la conception et les usages à l’intérieur d’un parc, d’un square urbain, ou comment la conception d’un site induit-elle des usages à travers la question suivante : deux conceptions différentes induisent elles des usages différents ? Pour répondre à cette problématique, ce mémoire sera basé sur la comparaison de deux sites, représentatifs de deux époques marquantes du paysages le XIXème siècle et le XXIème siècle, et proches l’un de l’autre : le square des Batignolles, conçu par Adolphe Alphand et le parc Martin Luther King conçu par Jacqueline Osty. Trois grandes parties structurent cette étude. La première concerne la présentation du contexte dans lequel s’inscrivent les deux sites ainsi qu’une présentation, sous la forme d’une promenade écrite, de ces deux espaces. La seconde partie traite du contexte au sein desquels les parcs ont été conçus: les grands travaux d’Haussmann au XIXème siècle et le grand Paris au XXIème siècle. Au delà des contextes, cette partie se penche sur les courants paysagers, les formes, les influences, qui ont permis d’aboutir à la création de ces deux espaces. Enfin, la troisième partie s’intéresse à la relation entre la conception et les usages en «décomposant» les deux sites selon des critères établis en amont comme les limites, le mobilier, l’hydrographie, la nature. Ce mémoire se termine par une conclusion générale, synthétisant les résultats de cette recherche ainsi qu’une bibliographie.

Mots-clés : Conception, usage, comparaison, Alphand, Haussmann, Osty, parc, square, époque, historique, XIXème siècle, XXIème siècle, promenade, contemporain, contexte, paysage, paysagiste

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Summary : This thesis examines two design sites, park and urban square, in relation to their design concept and the utilization: do different design concepts result in different usage? The research is based on the comparison of two sites: Square de Batignolles, designed by Adolphe Alphand and Martin Luther Kind park, designed by Jacqueline Osty. These design sites are located close to each other and are representatives of their own time period, the landscape architecture of 19th and 21st century. The study consists of three parts. The first part introduces the design context of the sites. Also, the design sites are introduced using the method of the description as the walking tour on the sites. The second part is examines the conception of the sites during different eras: from the work of Haussmann in the 19th century to the Great-Paris era in the 21st century. In addition to the context of the sites, the design types, models and influences during their design period are examined. The third part is about the relationship between the design concept and the utilization of the site. The different usages are categorized by the analysis: boundaries, furniture, hydrographs and nature. The conclusion of the results and the bibliography can be found at the end of the research.

Keywords : Conception, practice, compare, Alphand, Haussmann, Osty, park, square, period, historical, 19th century, 21th century, walk, contemporary, context, landscape, landscape-architect

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I. Introduction

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II. Un square et un parc dans Paris a. Introduction

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b. Le XVIIème arrondissement, un quartier éclectique c. Promenade dans ... : 1. Le square des Batignolles 2. Le parc Martin Luther King

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III. Deux espaces conçus avec 150 ans d’écart a. Introduction

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b. Le XIXème siècle et les squares parisiens Haussmanniens 1. Rappel historique ----------------------------------------------- 34 2. Les squares parisiens ----------------------------------------------- 36 3. Le square des Batignolles -------------------------------------- 40 4. Pratique et théorie du système : Le système de construction -- 42 5. Qui fréquentait le square des Batignolles ? -------------------- 43 c. Le XXIème siècle et les parcs urbains du XXème-XXIème siècles 1. Le contexte général -------------------------------------- 45 2. Le grand Paris -------------------------------------- 46 3. La nouvelle vague des paysagistes ----------------------------- 47 d. Conclusion

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IV. Lorsque la conception induit des usages a. Introduction

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b. Le square des Batignolles d’après le plan d’Alphand : un espace aux usages homogènes 1. Les limites : un espace fermé sur lui-même --------------------------------------- 53 2. Les entrées : une caractéristique des squares --------------------------------------- 57 3. Les cheminements : courbes de rigueur --------------------------------------- 57 4. Le mobilier : une unité et sobriété --------------------------------------- 59 5. L’hydrographie : un morceau du décor --------------------------------------- 61 6. La topographie : support de ce paysage --------------------------------------- 61 7. La nature : un tableau -------------------------------------------------------- 64 c. Le plan de transformation du square des Batignolles, 1940 : vers une évolution de la conception et des usages ------------------------------------------------------------------ 71 d. Qu’en reste t’il aujourd’hui ?

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e. Le parc Martin Luther King : une conception contemporaine multipliant les usages 1. Les limites : un site ouvert sur la ville ------------------------------------------------ 91 2. Les cheminements : linéarité de rigueur ------------------------------------------------ 97 3. Le mobilier : une diversité au service des usages --------------------------------------- 98 4. La topographie : artificielle ------------------------------------------------ 105 5. L’hydrographie : décorative et utile --------------------------------------------------------- 107 6. Le sport : un usage très présent --------------------------------------------------------- 107 7. La nature : le fil conducteur du parc ------------------------------------------------ 111 f. Qu’en sera t’il demain ?

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V. Conclusion générale

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VI. Bibliographie

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1. Photographie aérienne, Le square des Batignolles et le parc Martin Luther King, Google Earth

150 mètres. C’est la distance qui sépare ces deux espaces, conçus à 150 ans d’intervalle.

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I Introduction

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L’occasion de voir deux éléments représentatifs de deux époques différentes proches l’un de l’autre est quelque chose de relativement courant dans le domaine de l’architecture. Cela avec plus ou moins de réussite et provoquant souvent une réaction de l’observateur. Observer ce rapprochement entre deux jardins d’époques différentes et marquantes du paysage est quelque chose de beaucoup plus rare mais c’est le cas dans le 17ème arrondissement de Paris où le square des Batignolles et le parc Martin Luther King se côtoient, se frôlent. 150. C’est la distance, en mètre, qui les sépare. C’est aussi le nombre d’années qui les séparent. Comment ne pas être interpellé par une telle proximité et pourtant une grande différence d’époque, de style ? Le square des Batignolles représente le XIXème siècle, période essentielle dans l’évolution de Paris et des squares et jardins parisiens ; le parc Martin Luther King est l’image du présent et de cette vague écologiste que l’on retrouve aujourd’hui dans de nombreuses créations paysagères contemporaines. Ces espaces, réalisés avec cent cinquante ans de différences ont chacun leurs histoires, leurs évolutions et malgré ce siècle et demi qui les séparent, des éléments qui les rapprochent. Mon parcours à l’Ecole Supérieure d’Architecture des Jardins à Paris (ESAJ) m’a amené à faire des projets à travers différents types de paysages et j’y ai développé une attirance plus particulière pour les projets urbains. J’ai d’ailleurs passé mon diplôme de fin d’étude avec un site ancré dans un environnement urbain dense et relativement complexe puisqu’il s’agissait de l’aménagement de la pointe Nord de l’Ile-Saint-Denis, située au nord ouest de Paris. Cet intérêt pour le paysage urbain vient sans doute du fait que j’ai toujours vécu en ville, que le paysage urbain m’est familier et que

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le fait d’aménager des espaces de vie, de composer avec la nature, élément essentiel pour le quotidien des citadins, m’intéresse particulièrement. De part ma formation et mon intérêt pour les parcs et jardins urbains, j’ai donc naturellement orienté le choix de mon sujet de mémoire dans cette direction. J’ai souhaité traiter d’un sujet qui me permettrait de combiner différentes méthodes de travail, différentes disciplines comme l’histoire, l’histoire des jardins, mais aussi l’étude de projet, le terrain et le dessin. Lorsque l’on réalise un projet ou analyse un projet, chaque élément doit avoir une justification, un but. Une des questions qui revient régulièrement lorsque l’on s’intéresse à un espace est : « qu’est ce qu’on y fait ? ». Ce qui revient s’interroger sur les usages de cet espace. Le rapport entre la conception et l’usage est étroitement lié : les usages découlant de la conception. En théorie, car certains usages, certaines appropriations de l’espace, sont parfois indépendantes de la conception et apparaissent au fil du temps ou viennent aussi de l’imaginaire de l’utilisateur et de détournements. Ces deux espaces évoqués précédemment, me sont apparus à première vue, complètement différents ; opposés en tous points. La première impression est-elle toujours la bonne ? Ces espaces, aux conceptions différentes semblent être voués à des usages différents. Les usages à l’intérieur même de ces espaces ont ils toujours été les mêmes ? Ont ils évolués avec le temps ? Et ces espaces ont ils vus leurs conceptions subir des transformations ? Il me semblait également intéressant de se pencher sur deux espaces dont l’histoire est inversée. Pour le plus ancien, c’est une histoire déjà à laquelle nous allons nous intéresser alors que pour le second, c’est une histoire qui s’écrit en ce moment même. La problématique de ce mémoire sera la suivante : En quoi la conception de

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deux espaces représentatifs d’époques marquantes du paysage, le XXIème et le XIXème siècle, induit-elle des usages différents (ou pas) ? Mon hypothèse de départ étant que deux conceptions différentes induisent des usages différents. Cette étude s’articulera en trois grandes parties. La première présentera les deux sites dans leurs états actuels sous la forme d’une promenades, la seconde s’intéressera aux contextes au sein desquels ces espaces ont été conçus et la troisième et dernière partie, coeur du mémoire, s’intéressera donc au rapport qu’il peut y avoir en la conception et les usages et en quoi deux conceptions différentes vont amenées à des usages différents ou pas.

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II Le Corpus

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Le corpus d’un mémoire est ce que l’on appelle l’objet d’étude. Dans le cas de ce mémoire, on parlera d’objets d’études au pluriel car le corpus est composé de deux éléments que sont le square des Batignolles et le parc Martin Luther King. Ces deux espaces paysagers se situent à proximité l’un de l’autre dans le 17ème arrondissement de Paris. Cette première partie a pour objectif de présenter cet arrondissement situé au Nord Ouest de Paris ainsi que les deux sites étudiés. Il me semblait nécessaire de présenter l’environnement dans lequel se situent ce parc et ce square. Une présentation qui a pour but de permettre au lecteur de visualiser ces endroits. Il s’agit d’une description des lieux tels qu’ils sont aujourd’hui et non tels que j’ai pu le ressentir. C’est une promenade écrite.

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1. Le XVIIème arrondissement de Paris, source Apur 2. Photographie aérienne du XVIIème arrondissment de Paris, source Apur

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a. Introduction On peut trouver des textes, des documents, des gravures ou des photographies concernant ces deux espaces. Les jardins d’Alphand, lors des grands travaux d’Haussmann ont été traités de nombreuses fois, notamment au sein de la très intéressante et complète thèse de Luisa Limido, L’art des jardins sous le second empire, et part leurs concepteurs eux-mêmes comme dans Les promenades de Paris d’Alphand alors que le parc Martin Luther King a été sujet à plusieurs articles ou reportages télévisés ; des supports de communication en rapport avec leurs époques. L’enjeu de ce mémoire n’est pas de reprendre ce qui a déjà été fait sur ces espaces mais de les analyser, les comprendre en orientant la question sur les usages et la comparaison entre ces lieux ; question qui n’a pas encore été traitée. Avant de plonger dans l’histoire et l’analyse de ces sites, avant d’étudier leurs concepteurs, avant d’analyser leurs plans et de rechercher le rapport qu’il peut y avoir entre usages et conceptions, je tenais à présenter ces deux espaces tels qu’ils sont aujourd’hui ainsi que l’environnement dans lequel ils s’inscrivent. b. Le XVIIème arrondissement de Paris Le XVIIème arrondissement est l’un des vingt arrondissements de Paris. Il est situé sur la rive droite de la Seine au nord-ouest de la ville. Il est délimité à l’ouest par Neuilly-sur-Seine et Levallois-Perret, au sud par les XVIème et le VIIIème arrondissements, à l’est par le XVIIIème arrondissement et au nord par Clichy-la-Garenne et Saint-Ouen. Très étendu d’ouest en est, le XVIIème arrondissement comprend plusieurs quartiers : Ternes, Plaine-de-Monceaux, Batignolles.Le square des Batignolles et le parc Martin Luther King sont situés dans le quartier des Batignolles. Ce quartier, au nord de Monceau, était le quartier le moins peuplé et appartenait à la commune de Clichy. L’origine de son nom n’est pas connue avec certitude, mais il pourrait dériver de bastillole ou de bastidiole, ce qui voulait dire petite bastide ou petite maison de campagne.

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Deux modes de représentation du 17ème arrondissement au XXIème siècle et au XIXème siècle. 1. Vue sur le parc Martin Luther King, le square des Batignolles, Paris et sa banlieue. Photomontage, Paris, 2011 2. Plan du square des Batignolles et des ses alentours vers 1865, quartier des Batignolles, source : Archives de Paris, 2012

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Ce lieu-dit commença à se développer au Premier Empire avec la construction par la « Société des entrepreneurs Navarre et Rivoire » de petites maisons de campagne avec jardinet, puis de grands immeubles destinés à des personnes encore plus modestes. En 1827, le quartier qui faisait alors partie de la commune de Clichy, était surpeuplé. Ses habitants demandèrent alors de faire sécession afin de se constituer en commune. Cela leur sera accordé en 1830 par un édit de Charles X qui crée une nouvelle commune baptisée « Batignolles-Monceau ». Celle-ci sera finalement annexée en grande partie à la ville de Paris et intégrée à l’arrondissement, tandis qu’une autre portion de son territoire réintègrera la commune de Clichy. Jusqu’en 1860, le XVIIème arrondissement d’aujourd’hui était complètement en dehors des limites de Paris. En effet, l’enceinte de Thiers, construite dans les années 1840, s’étendait le long de l’actuel boulevard de Courcelles. Par la loi du 16 juin 1859, certains faubourgs de Paris sont annexés à la ville. Batignolles-Monceau est partagé entre le nouveau XVIIème arrondissement et Clichy et le quartier des Ternes appartenant à Neuilly depuis la Révolution est entièrement rattaché à Paris.En 2006, l’arrondissement était peuplé de 161 327 habitants sur 566 95 hectares, soit 28 453 hab/km². On peut noter que depuis 1861, période à laquelle le square des Batignolles est conçu, la population du XVIIème arrondissement à doublé. Le XVIIème arrondissement, à la jonction des quartiers bourgeois de l’ouest parisien et des quartiers populaires du nord-est, présente une sociologie hétérogène et peut être divisé schématiquement en trois zones : - une zone relativement populaire, au nord de l’avenue de Clichy : quartier des Épinettes ; qui est plus proche du parc Martin Luther King. - une zone mixte entre l’avenue de Clichy au nord et la rue de Tocqueville au sud, attirant notamment des jeunes couples urbains : quartier des Batignolles. - une zone de grands immeubles haussmanniens à l’ouest de la rue de Tocqueville, avec une sociologie proche de celle du 16e arrondissement voisin: quartiers de la Plaine Monceau et des Ternes ; plus proche du square des Batignolles même si cette notion de proximité des deux espaces est à tempérée étant donné la proximité déjà existante de deux espaces.

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1. Photographie aÊrienne, Le square des Batignolles, Google Earth 2. Photographie personnelle de la rivière du square des Batignolles, Mai 2012

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c. Promenade dans ... : 1. Le square des Batignolles Le square des Batignolles est d’une surface de 16 615 m2 ce qui en fait l’un des plus grands squares parisiens. Aujourd’hui, il possède 3 entrées : 2 entrées place Charles Fillion (une au Sud, une à l’Est) et une entrée rue Cardinet (au Nord). Le square est clôturé sur chacun de ses quatre côtés et sa limite à l’Est est la voie ferrée qui mène à la gare Saint-Lazare. (cf. partie III, Le square des Batignolles d’après le plan d’Alphand : un espace aux usages homogènes) Le square des Batignolles est composé de quatre îlots ; vallonné, il retranscrit le paysage du Jura. Les pelouses du square sont toutes inaccessibles aux promeneurs. C’est une nature à observer que nous propose ce square. Nous verrons par la suite comment ce square a évolué, comment ses limites se sont agrandies et ses usages évolués. Cette première partie n’a pour but que de le décrire tel qu’il est aujourd’hui et d’en décrire ses usages et son ambiance. Ce jardin, légèrement vallonné, recèle d’éléments remarquables pour les promeneurs : des arbres remarquables, en particulier quatre platanes plantés en 1840 et 1880, de 32, 33, 34 et 38m de haut, dont l’un fait 5,90m de circonférence. Sans conteste parmi les plus grands de Paris. D’autres espèces végétales sont visibles dans le square comme des féviers d’Amérique, un saule tortueux, des noisetiers de Byzance, un frêne à feuilles d’Aucuba, des plaqueminiers du Japon, un citronnier trifolier et un séquoia géant. L’une des caractéristiques du square et l’un de ses atouts est qu’il paraît beaucoup plus vaste que sa superficie réelle et son parcours est ponctué d’éléments remarquables. Une rivière au point haut du square qui coule à travers les rocailles et court à travers les rochers pour finir sa course dans un bassin aux formes arrondies, diverses espèces d’oiseaux et de poissons,

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Photographies personnelles au square des Batignolles. Paris, mai 2012 : 1. Panorama sur un cheminement du square, Photographies personnelles au square des Batignolles. Paris, mai 2012 2. Vue sur les pelouses centrales du square, Photographies personnelles au square des Batignolles. Paris, mai 2012

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3. Vue sur les pelouses et allÊe du square, Aquarelle Paris, mai 2012 4. Vue sur l’un des platanes plantÊs en 1860, Photographies personnelles au square des Batignolles. Paris, mai 2012

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ainsi qu’une sculpture en pierre noire de Volvic des « Vautours », de Louis Monard (1930). Elle voisine avec un buste du poète parnassien Léon Dierx (1838-1912), qui vécut dans le quartier, par Bony de Lavergne. Les socles sont vides. Il s’agit des seuls vestiges de statues qui furent fondues pendant l’occupation. Si en 1862, date de sa création, ce square était totalement dépourvu «d’accessoires», aujourd’hui nous pouvons en relever un certain nombre. En effet, nous pouvons trouver : deux espaces de jeux d’enfants comprenant XXX, un espace de balançoires, un manège, une serre et un marchand de confiseries. A noter que depuis une trentaine d’années, un boulodrome est adjacent au square et semble en faire partie mais cet espace fonctionne indépendamment du square et est dirigé par une association.

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1. Photographie aérienne, Le parc Martin Kuther King, Google Earth 2. Croquis personnel d’une allée du parc Martin Luther King, Paris, Mai 2012

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2. Le parc Martin Luther King Le parc Clichy-Batignolles est le fruit d’une longue réflexion commencée en 2002. La paysagiste Jacqueline Osty et son équipe travaillent depuis 2004 à la conception de ce parc, en deux grandes phases. La 1ère phase de 43 000m², soit 4,3 ha, a ouvert en octobre 2007 et s’est achevée en décembre 2008. Il s’agit de la partie la plus révélatrice de la démarche environnementale du parc et aussi de la plus végétalisée. La 2ème phase qui portera la surface totale du parc à 100 000 m² est programmée ultérieurement. La fin du chantier est prévue pour 2015. Le parc Clichy-Batignolles se décline autour de 3 thèmes : les saisons, le sport et l’eau. Le thème des saisons était cher à la paysagiste Jacqueline Osty qui a voulu un parc dont l’intérêt soit réparti sur toute l’année et non sur telle ou telle période uniquement. Le thème du sport est un rappel au programme initial qui devait être le village olympique des jeux olympiques 2012 alors que l’eau est un thème qui fait référence à l’écologie, axe fort du projet. Le jardin du rail (petit jardin thématique en mémoire de l’activité originelle du site), ses chaises longues, l’aire de jeux pour les enfants et les terrains de sports constituent l’espace détente. Au centre du parc, une grande pelouse d’environ 1ha est vallonnée (point commun avec le square des Batignolles) : des buttes de 1 à 4 mètres de hauteur rappellent un muscle de la jambe (vue en plan surtout). Ces courbes contrastent avec l’aspect rectiligne des allées. Au sommet de chaque butte, une plate-forme permet d’observer les ambiances végétales et les aires de jeux. Le jardin de prunus, vers l’impasse Chalabre, est une zone en triangle. Elle est composée de petites buttes d’environ 1 mètre de hauteur et d’arbres à fleurs.

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1. Croquis personnel du parc Martin Luther King vers la ville, Paris, Mai 2012 2. Croquis personnel rĂŠalisĂŠ depuis la butte du parc Martin Luther King, Paris, Mai 2012

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La placette située à cette entrée du parc est ornée de rails de chemin de fer incrustés dans le sol. Par leur géométrie particulière, ces pièces de métal guident le visiteur vers l’intérieur du parc. Deux zones d’aires de jeux pour les enfants et les adolescents, en particulier un skate parc, un terrain de basket ball, une aire de « balle au mur » et une aire de jeux de ballon, sont encadrées par des arbustes et des arbres à fleurs. Ils forment une végétation dense. Entre les deux zones, une bande de jardins remonte depuis la rue Cardinet jusqu’au bassin biotope. Elle est composée d’un mail de magnolias, du jardin du rail et de pelouses ouvertes plantées d’arbres de hautes tiges. Les trois derniers aménagements, qui ont ouvert en décembre 2008, sont les «gradines», le «bassin biotope» et le Bâtiment de la Forge. Les «gradines», ou gradins, sont ponctuées de saules et de bouleaux bancs. Elles permettent de contempler le bassin biotope et de le longer en partie. Le bassin biotope (3 000 m²) jouxte les «gradines» et longe la Petite Ceinture. Ce plan d’eau paysager abrite des plantes aquatiques et de bords d’eau : nénuphars, iris, roseaux, jonc fleuri... un écosystème riche et varié. S’il a une fonction esthétique et paysagère, ce bassin a aussi une vocation écologique et environnementale. Alimenté en eau non potable et en eau de pluie, le bassin permet une épuration naturelle de l’eau par décantation et grâce à la filtration de plantes spécifiques. Cette eau est ensuite utilisée en partie pour l’arrosage du parc, en complément des eaux pluviales. Le Bâtiment de la Forge a été réhabilité. Situé près de la Petite Ceinture, le toit de ce bâtiment datant du 19e siècle est en partie recouvert de panneaux solaires. Il accueille les locaux techniques et ceux du personnel, une loge pour les agents d’accueil et de surveillance et des toilettes publiques. Une centrale solaire thermique de surface (22 m2) chauffe l’eau des sanitaires des locaux techniques. Une centrale solaire photovoltaïque (135 m²) couvre les besoins équivalents en énergie pour l’éclairage du parc. Depuis décembre 2008, il rend hommage au pasteur américain Martin Luther King (1929-1968), prix Nobel de la paix en 1964 qui lutta toute sa vie contre les préjugés raciaux aux Etats-Unis et a prit le nom de parc Martin Luther King.

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III Les contextes de crĂŠations

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Comment comprendre un site sans connaître les circonstances dans lesquelles il a été conçu ? Comment comprendre un site sans connaître celle, celui ou ceux qui l’ont créés ? Ou les courants qui guident, ou ont guidés, les concepteurs ? Cette seconde partie s’intéresse à une période majeure dans l’urbanisme parisien, le second empire, qui aboutit à la création de nombreux jardins et squares qui aujourd’hui encore structurent l’ensemble de la répartition des espaces verts dans la métropole parisienne. Nous verrons également dans quel contexte le parc Martin Luther King est apparut, quel était le programme initial prévu sur le site du parc actuel et son évolution passée et future.

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a. Introduction Le square des Batignolles est apparu lors d’une des périodes les plus marquantes de l’histoire de France et sans doute l’une des plus importantes de l’histoire de Paris, le XIXème siècle et les grands travaux d’Haussmann. Alors qu’aujourd’hui le phénomène de « participation » qui rend acteur la population dans les projets de parcs ou d’aménagements se répand de plus en plus, il me semble important de s’intéresser également au concepteur de ce parc qui, sans se soucier de l’opinion publique mais en se basant sur ses qualités de paysagiste, et les directives qu’il recevait, a su créer un espace qui fonctionne encore cent cinquante ans plus tard. Cette plongée dans l’histoire du square des Batignolles a aussi pour but de répondre à certains questionnement ou inversement, à en soulever. Une liste non exhaustive de ces questionnement comprendrait : Quand ? Pourquoi ? Comment ? Par qui ? Pour qui ? le square des Batignolles a été conçu. Je m’efforcerai autant que possible de pratiquer des allers-retours entre le passé du square et son état d’aujourd’hui si certains éléments pourraient trouver une résonance de nos jours. b. Le XIXème siècle et les squares parisiens Haussmanniens 1. Rappel Historique Le square des Batignolles a été créé au XIXème siècle, en 1862 plus précisément. Le XIXème siècle correspond à une période de l’histoire de France riche en événements. Pour éviter une partie sur l’histoire de France longue et redondante, j’ai choisi de ne résumer que la période historique concernant la création du square des Batignolles : le Second Empire. Le Second Empire est le système constitutionnel et politique instauré en France le 2 décembre 1852 lorsque Louis Napoléon Bonaparte, le Président de la République française, devient « Napoléon III, empereur des Français ».

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Ce régime politique succède à la Deuxième République et précède la Troisième République.[1] Le Second Empire est une époque marquante pour l’urbanisme Parisien. Sur les ordres de Napoléon et sous la direction du Baron Haussmann, la capitale va connaître de nombreux bouleversements. En 1852, la situation de la ville de Paris d’un point de vue urbanistique est critique, presque catastrophique ; Paris « asphyxie », [2] les maladies se propagent et le choléra fait des ravages.

1. Source internet : Encyclopédia.fr 2. Patrice de Moncan, Paris, Les jardins du Barons Haussmann, les éditions du Mécène, Paris 2009 3. Edouard Fournier, Paris démoli 4. Géraldine TexierRideau, Le square haussmannien, thèse

Paris est dans le manque. Un manque général : Paris manque d’hygiène, de « soleil », « d’eau », de « verdure » [2]. En 17 ans, c’est pas moins de 600 000 arbres, 1835 hectares de bois et jardins qui seront créés. C’est dans le but de transformer les ghettos et les rues, d’assainir l’eau et l’air viciés de la ville que ces transformations de la ville de Paris eurent lieu. La ville est pensée pour la première fois dans son ensemble. Pour décrire ces travaux, Édouard Fournier écrit dans le préface de Paris démoli : « la santé descend avec l’air, et la pensée sereine avec la lumière du soleil » [3]. C’est la pensée hygiéniste qui apparaît. Elle consiste à croire qu’apporter de la nature en ville, qui concrètement se traduit par la création de parcs et jardins, réduirait les maladies et contribuerait à une meilleure hygiène de vie. Il est intéressant de remarquer qu’aujourd’hui, ce courant réapparaît, dans la veine du courant écologiste. Le Paris du second empire, connaît en moins de 15 ans, un « bouleversement chromatique, en passant du noir au vert » [4]. Cette notion de couleur est intéressante car peut souvent évoquée dans les ouvrages. Ces grands travaux, souvent contestés, ont néanmoins apportés une grande nouveauté

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1. Luisa Limido, L’art des jardins sous le second empire, Pays/ Paysages, Champ Vallon, 2002 2. Dictionnaire de l’Art des Jardins. 3. Dictionnaire de l’Art des Jardins.

aux Parisiens, la « couleur verte » dans leur ville et leur quotidien. Si Haussmann a mis en œuvre les volontés de Napoléon III, il n’a pas agit seul. La qualité des hommes dont il s’est entouré a grandement contribuée à la réussite de son entreprise. Les principales figurent de cette équipe sont: Adolphe Alphand (1817-1891) directeur du Service des Promenades et Plantations, Jean-Pierre Barillet-Deschamps (1824-1873), servit à Alphand « d’aide en qualité de Jardinier en Chef » [1], Gabriel Davioud (1824-1881) chargé de l’ensemble des constructions des bois et parcs aménagés, et Eugène Belgrand (1810-1878) en charge de l’approvisionnement et l’assainissement des eaux. Au sein de cette équipe, le plus haut placé est Adolphe Alphand. C’est lui qui a le « dernier mot » dans les décisions concernant son service, Luisa Limido décrit cette structure comme « une structure hiérarchique très rigide, régit à partir d’Haussmann» [1]. 2. Les Squares Square : n.m. (1836) mot emprunté à l’anglais qui dérive de l’ancien français esquarre, qui signifiât équerre. Jardin public d’une dimension réduite, généralement clos et aménagé au milieu d’une place [2]. « Le square est conçu comme un lieu de détente et de rencontre qui vient d’Angleterre. Ce n’est qu’au début de la deuxième moitié du XIXème siècle qu le square fait son apparition en France sous l’impulsion de Napoléon III. Les squares sont avant tout un décor urbain, lieux de promenade et de détente, les jeux y sont pratiquement interdits à l’exception des jeux calmes à proximité de la mer. Ce n’est qu’avec le temps que les jeux finirent par devenir l’un des éléments du square ; on y trouve aujourd’hui le plus souvent des bacs à sable » [3]. Min. Env., 1979

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« Indépendamment des parcs plus ou moins étendus, nous trouvons dans nos villes des espaces plus restreints, mais qui n’en constituent pas mois un apport très important au point de vue de l’esthétique et de l’hygiène. Chaque fois que les impérieuses nécessités de la circulation le permettent, toutes les places libres doivent être transformées en surfaces engazonnées et plantées. En général on donne à ces endroits le nom de squares. Ils peuvent être de dimensions très réduites ou prendre une extension considérable. Ils sont souvent situés à l’intérieur des pâtés de maisons, au centre d’un carrefour, sur une place suffisamment vaste et si leur aménagement s’apparente aux règles énoncées ci-dessus pour les parcs, il n’en demeure pas moins que leur utilisation n’en est pas à la même échelle. (..) il faudra éventuellement prévoir des bancs, un jeu de sable et éventuellement d’autres amusements pour les enfants » [1]. Bon Jar., 1947

1. Dictionnaire de l’Art des Jardins. 2. F. Choay, Haussmann et le système des espaces verts parisiens, La revue de l’Art n°29, 1975, p. 86 3. M. Vernes, Au jardin comme à la ville 1885-1914, le style municipal , Parcs et promenades de Paris, Paris, éditions du Demi-Cercle/Pavillon de l’Arsenal, 1988, p.16

Les squares et places plantées, ont vus leurs répartitions guidées par des exigences économiques, impliquant une confrontation à l’existant. Ces espaces ont une fonction sociale clairement affichée. En effet, à cette époque, les gens du peuple, de la classe ouvrière, n’ont pas accès aux espaces verts ou ils leurs faut prendre le train pour se rendre aux bois de Boulogne ou de Vincennes ; une partie des squares créés leurs sont destinés. « Investir tous les vides » [2]. Cette phrase peut résumer à elle seule l’idée directrice d’Haussmann quant à sa politique d’aménagement des squares dans Paris et leurs répartitions. Il ne faut cependant pas croire qu’il s’agit là d’un raisonnement simpliste. En effet, les squares occupent une position stratégique en diffusant au cœur même des quartiers cette « onde » verte, « intrication de la nature et de la ville »[3] offrant aux habitants de nouveaux usages.

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1. Alphand, Promenades de Paris, 2. Haussmann, Mémoires

Dans Les Promenades de Paris, d’Alphand [1], directeur du service des Promenades et Plantations, la hiérarchisation des espaces verts s’établie sur un modèle bien réglé (ordre de grandeur, du bois aux plantations d’alignement). Nous pouvons cependant remarquer que dans le chapitre lié aux squares, la présentation des vingt réalisations ne suit aucun ordre particulier. Il est intéressant de noter que ce qui différencie un square d’une place plantée est la présence ou non de grille autour du site. Car autrement, entre ces espaces, «la ressemblance des uns et des autres est à peu près complète» selon Haussmann. Il faut bien comprendre que ces squares ont été réalisés sur des espaces résiduels aux grandes manœuvres de l’urbanisation d’Haussmann ou déjà existants. Ce fût le cas du square des Batignolles et cent quarante ans après, ce fût également le cas du parc Martin Luther King. D’après les Mémoires d’Haussmann [2], cinq catégories concernant l’histoire des contextes de création des squares peuvent être dégagées. Ils peuvent être : issus de percements (ex : square Saint-Jacques), liés à la création d’un édifice public, ou réalisés sur une ancienne place (ex : square Trinité, square Temple), aménagés sur des terrains non lotis (ex : square des Innocents), transformations d’une place plantée ou jardin (ex : square de la place des Vosges). Tous ces exemples concernent l’ancien Paris entre 1853 et 1869. Dans la couronne de Paris, cinq squares ont été créés, aménagés, sur d’anciennes places de village entre 1862 et 1863 ; c’est précisément le cas du square des Batignolles. De nombreuses places publiques ont été transformées en square. Au nom de l’hygiénisme et de la paix sociale. C’est en 1858, que les premiers squares publics sont créés ; succédant ainsi aux squares privés réservés aux riverains dont le modèle d’inspiration provient du modèle londonien.

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La naissance des squares vient également, voir surtout, du contexte social en France à cette époque. En effet, le salariat se développant, la vie urbaine a prit une nouvelle ampleur, plus conséquente, et une nouvelle « temporalité » [1] s’est développée engendrant donc la nécessité de créer des lieux de vie à proximité des habitations.

1. Vincent SainteMarie-Gauthier, Pratique et Théorie du système

C’est dans ses Mémoires, que le baron Haussmann résume ainsi son objectif: « c’est plaisir de voir, chaque jour de repos, les masses populaires envahir les deux bois, s’y répandre de toutes parts, et s’y divertir avec le sentiments qu’elles sont bien là chez elles […] la création dans Paris même […] de squares […] répartis sur toute la surface de la Ville, où les classes ouvrières pussent employer sainement une portion des heures de repos » [2].

3 et 4. C. Daly, Promenades et plantations, parcs, jardins publics, squares et boulevards de Paris, op. cit., col 245

2. G. E Haussmann, Mémoires, VictorHavard, Paris, 1890, Tome III, p 225-226.

En 1862, est décidé la création de cinq des sept squares réalisés dans la couronne, dont le square des Batignolles, de manière à ce que « la zone annexée de l’ancienne banlieue ait sa large part dans les travaux d’hygiène, d’utilité et d’embellissement entrepris par l’administration municipale ». [3] Pour ces différents squares, la stratégie a été la même : l’enjeu était d’investir le cœur d’anciennes places de village de premières importances et de les uniformiser en les transformant en squares « parisiens ». [4] Les cinq places de la couronne parisienne concernées sont : Batignolles, Belleville, Charonne, Grenelle et Montrouge.

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1. Arch. De Paris, VO11 224 2. Arch. De Paris, VO11 224

3. Square des Batignolles La place des Batignolles est la plus emblématique de ces places puisqu’elles regroupent tous les enjeux des squares du XIXème siècle à elle seule : centre de village regroupant églises, mairies, écoles ; surfaces et plantations préexistantes. La place primitive située derrière l’église des Batignolles a été ouverte en 1835 ; elle est déclarée d’utilité publique par le Conseil municipale en 1845. En 1847 sont construits une mairie et des bâtiments d’écoles signés P.-E. Lequeux. En décembre 1858, Alphand envoie un « projet de square à établir sur la grande place » [1].Au départ, deux projets sont envisagés par Alphand : l’un tendant à transformer l’espace disponible en place plantée, lieu de passage, de traversée ; l’autre étant une ébauche du square tel qu’il fut dessiné et aménagé. Il y a cette volonté de distinguer l’usage que doit avoir un lieu. Le programme initial prévoit : « la transplantation de certains arbres, le vallonnement du terrain, la création de pelouses plantées de massifs, d’un bassin et d’une fontaine et la mise en place d’une grille ouvragée » [2]. La différence entre les deux programmes réside dans le fait de réutiliser ou non les arbres et par conséquent, l’occupation totale ou partielle de la surface en pelouses. Cette première proposition de projet ne verra pas le jour car le maire des Batignolles sait que l’annexion à Paris se fera tôt ou tard et que le projet sera réalisé par le service des Promenades et ne juge pas nécessaire de se précipiter pour un tel projet. C’est en 1862, après l’annexion des Batignolles à Paris que le projet voit le jour. Des cinq places concernées, la place de Batignolles est celle qui subit le plus de transformations. Le projet est proche de celui proposé en 1858

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par Alphand : « 14 300 m2 son réaménagés au moyen de pelouses, rocailles, lacs et pièces d’eau, clos d ‘une grille bordée de deux rangées d’arbres en parties réutilisés » [1].

1. Géraldine TexierRideau, Le square haussmannien 2 et 3. Les jardins d’Haussmann

Aujourd’hui, ce square est considéré comme « un résumé à lui seul du jardin paysagé du Second Empire avec sa grotte, sa cascade, sa rivière, son lac miniature et ses essences rares […] sans oublier le train qui passe à proximité et qui menait alors au Pecq. » [2]. De ses propres dires, le Baron Haussmann qualifie le square des Batignolles comme « la plus considérable des promenades de ce genre qui furent créées dans la banlieue suburbaine après son annexion à Paris, en 1860 » [3]. La création de ce square par Alphand provoque une réaction positive des riverains, la preuve en est par cette « pétition » (p.74 Ibid., 4 avril 1862) témoignant de la reconnaissances des riverains pour ce « magnifique square » qui leur permet également de réaliser une « plus-value » sur leurs parcelles. Cependant, l’effet de nouveauté et d’enthousiasme général retombe et le contrecoup arrive assez rapidement. En effet, des plaintes sont déposées dénonçant « le mauvais état des équipements, un entretien non suivi, […] et la présence de portillons d’entrées », dans les axes des voies de circulation, « permettant une traversée plus aisée ». Cette requête a été refusée par le service des Promenades et elle a montrée un tournant, marquant la différence entre les places plantées et les squares, ceux-ci sont destinés à l’arrêt et non au simple passage. Les portillons resteront donc en place ; le square n’est pas une simple articulation de l’espace, c’est un espace en lui-même. Au sein de ces grandes manœuvres orchestrées par Haussmann (et Alphand), « le square réinventé est devenu une anti-place de circulation. »

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1. Luisa Limido, L’art des jardins sous le second empire, Pays/ Paysages, Champ Vallon, 2002 2. V. Fournel, op.cit, 1865 p 92-93

4. Pratique et théorie du système : Le système de construction Pour comprendre le square des Batignolles, il faut comprendre comment étaient aménagés les squares et jardins d’Alphand dans les grandes lignes. Cela a été évoqué dans le précédent paragraphe mais essayons d’approfondir ce thème qui, montrera en partie, en quoi ce square est représentatif de son époque. Les espaces verts créés sous Haussmann sont basés sur un système comportant plusieurs domaines. Celui qui nous intéresse plus particulièrement est celui de la conception. En effet, du grand parc urbain au square, ces espaces sont aménagés autour d’éléments incontournables que sont « une vallée, des vues que l’on offre aux promeneurs, sur la composition paysagère et des percées visuelles de l’espace urbain » [1]. Si l’on observe trois exemples marquants de l’œuvre d’Haussmann à trois échelles distinctes, on remarque qu’ils sont basés sur le même système hydrographique. Une rivière pour le square des Batignolles, rapides et bassins pour les Buttes-Chaumont, la Serpentine pour le bois de Vincennes. On retrouve cette idée de systèmes dans l’ensemble de la conception des squares jusqu’au niveau du mobilier urbains (le plus souvent en fonte). Les grilles des espaces verts sont conçues dans le soucie de « hiérarchiser » les espaces en jouant sur les hauteurs, les formes plus ou moins complexes. Logiquement, les clôtures extérieures seront par exemple les plus hautes et les plus travaillées. Dans la thèse de Luisa Limido, L’art des jardins sous le second empire nous apprenons que les jardins parisiens, y compris les squares, sont des « jardins d’expositions » [2] dans le sens où ils recréés des paysages connus et reconnus de France comme les falaises d’Etretat au Buttes-Chaumont ou, « l’aspect de certaines vallées solitaires des Vosges et du Jura » aux squares

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des Batignolles [1].Le chemin de fer, en contre bas du square, élément qui constitue la limite ouest du square, est décrit comme « un élément à contempler » au square des Batignolles. De nos jours commun, le train, pouvait évoqué le voyage et l’inconnu au XIXème siècle. 5. Qui fréquentait le square des Batignolles ?

1. A. Martin, ParisPromenades dans les vingt arrondissements, Paris, 1890, p307 2. Luisa Limido, L’art des jardins sous le second empire, Pays/ Paysages, Champ Vallon, 2002

Alors qu’aujourd’hui mon impression première sur le square des Batignolles tends à le décrire comme un square « élitiste » de part sa fréquentation, la thèse de Luisa Limido nous apprends que les squares étaient très fortement utilisés par les classes populaires. Cela est fort bien décrit par Alain Fournel « la redingote ne fait qu’y passer ». « Le square des Batignolles […] deviennent bientôt les espaces de prédilection du peuple »On peut s’interroger sur l’évolution du quartier des Batignolles en général qui était au XIXème un quartier populaire, en périphérie de Paris et qui aujourd’hui est un des quartiers les plus huppés de Paris. « alors que les jeunes mères, travaillant ou lisant pour la forme, se groupent sur les chaises, alors que les bonnes, aux coiffures longuement enrubannées, s’entassent sur les bancs, alors que les fillettes et les garçonnets organisent des rondes, lancent la balle ou s’essoufflent à suivre les capricieuses évolutions du cerceau ; prêtez l’oreille aux papotages des bonnes, aux conversations des dames et vous sortirez de là tout étonné de connaître par le menu l’âge, les habitudes, les ressources, les espérances et les troubles de tous les ménages du quartier ». A. Martin, Paris-Promenades dans les vingt arrondissements, Paris, 1890, p307Si le square est un lieu où le public se mélange, « des lignes de démarcation se traduisent naturellement », « les bonnes, les mères, la bourgeoisie d’un côté, le peuple de l’autre ». Une mixité était visible au square des Batignolles. Une mixité des sexes, des âges mais aussi des classes sociales. Cette première partie de recherche sur le square des Batignolles m’a permis de comprendre le pourquoi de sa création, de son emplacement mais elle m’a surtout permis de confirmer un élément essentiel de ce mémoire sans lequel il aurait pu s’agir d’un hors sujet global : cet espace est bien représentatif de son époque.

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1. Image d’un projet sur le Grand Paris, www.projets-architectureurbanisme.fr 2. Le Paris du XIXème siècle

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c. Le XXIème siècle et les parcs urbains du XXème-XXIème siècles 1. Le contexte général En XXXX Paris voit sa candidature pour les Jeux Olympiques rejetée au profit de celle de Londres. Le projet mis en place par le maire de Paris, Bertrand Delanoë et son équipe, est donc annulé. Une partie essentielle de ce projet prévoyait d’installer sur le terrain d’anciennes voies ferroviaires, situées dans le 17ème arrondissement à Paris, le village olympique. Déjà, l’architecte David Grether et la paysagiste Jacqueline Osty devaient s’occuper de la conception de ce projet. Le projet étant annulé, une place vacante était donc disponible. L’opportunité de créer un parc cet même un éco quartier apparue. Lorsque l’on observe le Paris actuel, c’est à un Paris saturé que l’on a à faire. Les espaces y sont rares et les espaces prévues pour les espaces verts encore plus. L’échec de la candidature de Paris aux JO de 2005 représentait une opportunité quasi inespérée de créer un espace de cette envergure. Puisque nous nous intéressons au contexte général autour de l’aménagement de ce parc, il est indispensable de faire un court rappel des transformations futures de la ville de Paris ; transformations qui se regroupent sous le nom : Le Grand Paris. Et puisque nous étudions deux espaces, représentatifs de deux époques, il est intéressant de noter que ces deux espaces ont été créer lors de périodes de mutations de Paris : les travaux d’Haussmann et le Grand Paris. Cependant, on notera également que les travaux d’Haussmann se concentraient sur Paris même, sur l’intériorité de la ville alors que le Grand Paris cherche à s’ouvrir sur la périphérie, à créer des connexions avec les banlieues et même., il semblerait que le Grand Paris, selon Nicolas Sarkozy, « s’étendra jusqu’au Havre ».

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2. Le Grand Paris Qu’est ce que le Grand Paris ? Il n’existe pas de définition exacte de cet immense projet mais le Grand Paris pourrait être définit ainsi : Le Grand Paris est un projet visant à transformer l’agglomération parisienne en une grande métropole mondiale et européenne du XXIe siècle, afin qu’elle soit « en symbiose avec son environnement », à l’instar des cinq premières (New York, Londres, Tokyo, Shanghai et Hong Kong). Ce projet mené par le gouvernement, et plus spécialement par Christian Blanc, alors secrétaire d’État chargé du Développement de la région capitale, a proposé la création de pôles économiques majeurs autour de Paris, ainsi que la création d’un Réseau de transport public du Grand Paris performant qui relierait ces pôles aux aéroports, aux gares TGV et au centre de Paris. La Société du Grand Paris sera un établissement public chargé de créer un nouveau métro automatique (« Grand Paris Express », 200 km de voies et 75 gares, évalué à 32,5 milliards d’euros) dans la banlieue parisienne : voir ci-dessous « Projet de Christian Blanc ». Le projet est aussi institutionnel. Il s’agit de créer une structure de gouvernance institutionnelle entre Paris et son agglomération. Le Grand Paris serait la fusion du département de Paris et des départements de la petite couronne, dont la création est recommandée par le Comité pour la réforme des collectivités locales présidé par Édouard Balladur en mars 2009. Ce projet est aussi plébiscité par le sénateur Philippe Dallier, viceprésident de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Paris Métropole est, quant à lui, un syndicat mixte ouvert qui regroupe la Ville de Paris, la région Île-de-France et plusieurs dizaines de collectivités territoriales de son agglomération.

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3. La nouvelle vague de paysagistes Nous avons donc deux époques qui témoignent de deux visions différentes de Paris, de l’urbanisme, et, nous le verrons, de la conception paysagère. Alors que les travaux d’Haussmann étaient justifiés par l’hygiénisme, le contexte actuel de la pratique paysagiste est clairement orienté vers un autre courant, celui de l’écologie. Elle se définie comme : « Position dominée par le souci de protéger la nature et l’homme lui-même contre les pollutions, altérations et destructions diverses issues de l’activité des sociétés industrielles. (L’écologisme a pris à partir de 1980 une réelle importance politique, d’abord en Allemagne, puis en France et dans l’ensemble de l’Union européenne. Dans les années 1990, son influence s’est concrétisée par la participation de partis écologistes dans plusieurs gouvernements européens.) » . Nous verrons par la suite comment le parc Martin Luther King s’inscrit dans ce courant à travers l’étude de sa conception. A Paris, l’un des parcs les plus représentatifs et précurseurs de ce courant est le parc André Citroën de Gilles Clément et Allain Provost qui allie modernité et écologie. Monique Mosser et Hervé Brunon, le décrivent dans leur livre Le Jardin Contemporain, comme un espace de 14 ha qui « renoue avec l’ampleur des grandes réalisations haussmanniennes » p.47. Le parc Martin Luther King s’étendra sur une surface de 10 ha et s’inscrira, il me semble, parmi la liste des œuvres majeures des parcs et jardins parisiens. Dans la veine de ce courant qui guide la majorité des projets actuels, il faut citer Pascal Cribier et revenir sur un livre traitant de ce sujet avec force, Le jardin en mouvement : de la vallée au champs via le parc André-Citroën de Gilles Clément. La seconde tendance que j’ai pu relever dans les aménagements paysagers contemporain est celle qui consiste à prendre conscience de l’environnement autour du site aménagé. Le rapport projet/environnement est capital. C’est une des différences marquantes que j’ai pu observer par rapport aux

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aménagements du XIXème siècle dont le but était de créer un espace fermé, un morceau de paysage dans la ville, une bulle. Nous verrons ce rapport projet/environnement plus précisément dans l’analyse du plan du parc Martin Luther King. Outre le fait que les deux espaces étudiés aient été conçus dans lors de deux périodes marquantes de Paris, qu’ils ont été conçus sur des terrains vagues, il faut souligner que nous étudions d’une part un site « achevé », et d’autre part un site en création. Le sens chronologique est inversé. Ces deux sites paysagers ont été aménagés lors de périodes marquantes pour l’urbanisme et le paysage parisien, le Grand Paris d’une part et le second empire d’autre part. Ces deux projets sont le résultat de l’imagination, la réflexion et le travail de deux paysagistes important de leurs époques, Jacqueline Osty et Adolphe Alphand. Cette seconde partie nous a permis de comprendre les circonstances dans lesquelles ces deux espaces ont été conçus, par qui, pourquoi, et comment. Il était important de montrer que ces lieux étaient et sont encore aujourd’hui: représentatifs de leurs époques. Ils reprennent les grandes tendances paysagères de leurs époques et sont même considérés comme des «modèles du genre».

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IV La conception induit des usages

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Après avoir présenté les sites d’étude, leur environnement ainsi que les contextes de créations, cette troisième partie présentera le rapport entre la conception et les usages. Les deux espaces ont été traités séparément pour plus de fluidité et de continuité mais des allers-retours entre les deux seront régulièrement fait. Les éléments clés de la conception ont été déterminés (mobilier, limites, topographie ...) et seront repris en parallèle pour le square des Batignolles et le parc Martin Luther King ; ils donnent la trame de cette partie. Le square des Batignolles sera traité en suivant l’ordre chronologique de son histoire ; du dessin d’Alphand au projet de transformation des années 1940 jusqu’à aujourd’hui ; mettant en parallèle l’évolution de la conception du square avec l’évolution des usages. Le parc Martin Luther King sera étudié dans son état actuel avec un paragraphe sur le projet futur dans sa globalité.

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1. Plan du square des Batignolles. Les Promenades de Paris, Alphand, 1867 2. Plan de Paris en 1871, source internet: www. broermapsonline.org/members/ Europe/France/Paris/paris_und_ umgebung_1871.html 3. Portrait d’Adolphe Alphand, Les promenadades de Paris.

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a. Le square des Batignolles d’après le plan d’Alphand : un espace aux usages homogènes 1. Introduction Le plan ci-contre, issu du livre Les Promenades de Paris d’Alphand, est le plan le plus ancien et le plus précis que j’ai pu trouver concernant le square des Batignolles. Cet ouvrage, en deux volumes fût écrit entre 1867 et 1873. Le square des Batignolles a été aménagé en 1862 ; cet ouvrage est donc paru cinq ans après la création du square et je n’écarte pas la possibilité que certaines transformations eurent lieux entre temps mais ce plan sera celui qui servira de plan de « référence » pour l’étude de ce square. On peut noter que cette représentation, ainsi que nombreuses autres du livre, n’oriente pas le square au Nord ; je n’en ai pas trouvé la raison. Pour des raisons pratiques, j’ai choisi de respecter cette orientation lorsque je traiterai le square des Batignolles seul. Il est intéressant de relever le fait que cette représentation issue des Promenades de Paris ne présente pas le square dans son environnement. On retrouve systématiquement cette manière de présenter les plans dans l’œuvre d’Alphand. Pourquoi ? Nous verrons par la suite que cela s’inscrit dans la continuité de l’ambiance excluant la ville des squares essinés par Alphand. La première observation que l’on peut faire concerne sa forme : c’est un rectangle et la superficie du square, en 1862, est 14 300 m2.` 2. Les limites : un espace fermé sur lui-même Lorsque l’on procède à l’analyse d’un site, l’un des éléments à aborder en premier est la limite du site. En effet, elle détermine la dimension du site, elle renseigne sur les abords de celui-ci et elle peut traduire la volonté du concepteur d’en faire un site ouvert ou un site fermer ; ce qui amène à des usages différents. Les limites du square des Batignolles sont franches, infranchissables, clairement définies. C’est en effet une des caractéristiques

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1. Coupe de la cl么ture, photographie du livre Les Promenades de Paris, Alphand, 1867 2. Porte affiche, photographie du livre Les Promenades de Paris, Alphand, 1867 3. El茅vation de la cl么ture, photographie du livre Les Promenades de Paris, Alphand, 1867 4. Kiosque du gardien, photographie du livre Les Promenades de Paris, Alphand, 1867 5. Plan de la cl么ture, photographie du livre Les Promenades de Paris,

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Alphand, 1867

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des squares créés au XIXème. Cela marque, il me semble, une volonté de créer un espace replié sur lui-même, un espace « autonome », un espace à part entière, à la différence des places plantées par exemple. L’autre volonté qui explique cette conception fermée sur la ville vient d’Alphand lui-même qui décrit l’environnement du square comme « les abords plus prosaïques qu’il a fallu complètement cachés » [1].

1. A. Alphand, Les promenades de Paris

A noter que le chemin de fer n’est, à cette époque, pas la véritable limite du square ; nous verrons par la suite que le square fut agrandi et que sa limite actuelle est la clôture le séparant du chemin de fer. Le square est donc délimité sur chacun de ses quatre côtés par une grille (cf. ci-dessous), dont, le dessinateur est Davioud. Si les grilles dessinent la véritable limite, ce que l’on peut appeler la « limite dure » en périphérie du square, la végétation vient compléter, renforcer, souligner cette limite. Une nouvelle fois, la volonté de se couper de l’extérieur est remarquable. Cette végétation en périphérie du square semble être dense et devait agir comme un écran vis à vis de l’extérieur comme nous pouvons d’ailleurs l’observer sur l’élévation de la clôture ci-contre. A contrario, elle est basse, hormis les arbres plantés, en son centre, de manière à pouvoir observer l’ensemble du square, ses vallonnements, pouvoir s’observer mutuellement et être vue. Un jeu de pleins et de vides est créé. Le plein en périphérie, le vide au centre. Les limites d’un espace se retrouvent à l’intérieur même de celui-ci et divisent, compartimentent l’espace. Elles peuvent aussi avoir un rôle de restriction ou de protection. Les limites sont souvent matérialisées par une clôture, une grille. Dans le square des Batignolles, l’accès aux pelouses étaient interdits en 1862 (d’après les photographies et les détails techniques) et l’est toujours aujourd’hui. Une nouvelle fois, le rapport entre conception et usage est indéniable et fait de ce square un lieu d’observation, de déambulation.

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1. Les entrées du square, photographie retouchée issue du livre Les Promenades de Paris, Alphand, 1867 2. Les cheminements du square, photographie retouchée issue du livre Les Promenades de Paris, Alphand, 1867

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3. Les entrées : une caractéristique des squares Si l’on s’intéresse aux entrées du square, on peut noter qu’elles sont au nombre de quatre, placées sur chacun des côtés. Ces entrées, discrètes et de tailles réduites, sont plus ou moins situées aux centres des quatre côtés. Ce n’est pas visible sur le plan mais ces entrées étaient pourvues de portillons, qui furent peu appréciés par la population au début (cf. chapitre précédent) car ils ne facilitaient pas la traversée directe du square, qui furent peu appréciés par la population au début (cf. chapitre précédent) car ils ne facilitaient pas la traversée directe du square. Ceci est un autre élément montrant cette volonté d’en faire un lieu où l’on reste. 4. Les cheminements : courbes et vallonnements Observer les entrées du square, nous amène inévitablement à analyser les cheminements de cet espace. En effet, nous pouvons remarquer que les cheminements allant de droite-gauche et de haut-bas que j’appellerai pour plus de simplicité les cheminements centraux du square, relient les entrées qui se font face. Mais pas exactement : il y a un léger décalage. Ces décalages, voulus par Alphand, ont été dessinés pour deux raisons envisageables. La première est de pousser le promeneur à découvrir le lieu, à y pénétrer pleinement. Le paysage n’est pas donné au promeneur, il doit venir le chercher. C’est une sorte d’invitation; une invitation à l’imaginaire ; une invitation à entrer dans un nouveau paysage. Un autre usage se détache à travers la conception du square et cet usage est celui de la découverte. On remarquera que le cheminement central (allant de gauche à droite sur le plan) suit exactement le tracé de l’eau jusqu’au bassin. La seconde raison, qui rejoint cette explication sur la volonté de créer un espace en soit, de ces décalages réside dans le fait que le but de cet espace n’est pas d’en faire un espace de traversée. Ce n’est pas une place plantée,

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1. Les angles du square, photographie retouchĂŠe issue du livre Les Promenades de Paris, Alphand, 1867, 2. Banc vue de face et de profil, photographie du livre Les Promenades de Paris, Alphand, 1867 3. Autre banc vue de face et de profil, photographie du livre Les Promenades de Paris, Alphand, 1867

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pas un carrefour, c’est un square et les usages en sont différents. Le but n’est pas d’aller un point A à un point B de la façon la plus directe : le but est la déambulation, la promenade. Voilà l’usage premier de ce square. Ces cheminements centraux sont sinueux, de largueurs différentes et se croisent au centre du square. L’explication qu’il me vient pour ces différences de largueur est la suivante : le chemin étroit, au centre, est celui qui passe à travers tous les artifices créés dans ce jardin que sont la cascade, le ruisseau, les vallonnements, le bassin, et son étroitesse rapproche le promeneur de ces créations. C’est en quelque sorte un usage qui est créé. Pourquoi cette centralité ? Pour amener l’Homme au centre de la nature ? Un cheminement « périphérique » fait le tour du square. Encore une fois, ce cheminement n’est fait que de courbes. Il permet de contempler le square de tous les points de vue possibles : du point haut, au point bas, de chacun des côtés. Ce cheminement périphérique est ponctué de haltes qu’Alphand a placé aux angles du square (voir le plan ci-contre). En effet, sur l’angle en haut à droite et sur les angles en bas à gauche et à droite, on peut voir des bancs dessinés (cf ci-dessous). J’ai pu en compter 27, soit 9 par angle (cf ci-dessous). 5. Le mobilier : une unité et sobriété La question du mobilier est importante car le mobilier induit des usages et reflète aussi les mœurs des époques. Si l’on s’intéresse aux bancs, on remarque qu’ils peuvent conduire à différents usages. Nous verrons cela lors du chapitre sur l’étude de la conception du parc Martin Luther King. En effet, un banc peut conduire à plusieurs positions physiques (position assise, semi debout, ou allonger) qui amènent elles-mêmes à plusieurs usages (lecture, observation, repos). Les bancs du square des Batignolles représentent le modèle classique des

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1. Le rocher de la cascade du square des Batignolles vue de face, photographie du livre Les Promenades de Paris, Alphand, 1867 2. Le rocher de la cascade du square des Batignolles vue de profil, photographie du livre Les Promenades de Paris, Alphand, 1867 3. Plan et coupe du passage de la

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rivière, photographie du livre Les Promenades de Paris, Alphand, 1867 4. Gravure du square des Batignolles, vue intÊrieure Les Promenades de Paris, Alphand, 1867

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bancs des parcs et jardins du XIXème ; dessinés par Davioud, fait de fonte et de bois peint en vert. Leur usage premier sera celui de la position assise. 6. La topographie : reconstitution d’un paysage Nous ne nous pourrions pas conclure cette analyse du plan d’Alphand sans étudier la topographie du square et sa végétation. Bien que la topographie ne soit pas un usage en soit, elle peut en engendrer ou en faire partie. Ici, la topographie est un élément important du site. Cela l’est également pour le parc Martin Luther King. Dans les deux sites, nous avons à faire à une topographie artificielle. Concernant le square, cette topographie vise à recréer un paysage car elle « offre l’aspect de certains vallons des Vosges et du Jura »[1]. Elle permet d’offrir au promeneur plusieurs points de vue et des découvertes. Elle contribue aussi a donner une sensation d’espace au site, de profondeur. Le point haut du site (à gauche sur la coupe) correspond à l’endroit où se situe la cascade. Si l’on suit l’idée d’Alphand, ce point correspond au sommet « de la montagne », origine de la source d’eau qui vient se déverser dans « la vallée ». Nous pouvons donc en déduire, une nouvelle fois, que la conception et l’usage sont liés puisqu’elle contribue à renforcer le but premier de cet espace. 7. L’hydrographie : de la source au lac Après avoir observé les limites, le mobilier ou la topographie de ce square, il me paraissait important de s’intéresser à l’hydrographie. En effet, celle-ci tient une place toute particulière au sein de ce square et son utilisation, opposée à celle du parc Martin Luther King, mérite que l’on s’y attarde. L’hydrographie, l’eau, est une composante régulière des parcs et jardins; moins souvent des squares. Elle peut être liée à des usages de natures différentes qui peuvent être pédagogique, ludique, liée à la biodiversité et au développement durable ou «décorative». C’est dans cette dernière catégorie que vient se classer l’élément «eau» du square des Batignolles.

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1. Coupe longitudinale du square des Batignolles, photographie du livre Les Promenades de Paris, Alphand, 1867

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En effet, au XIXème siècle, nulle notion de développement durable, de recyclage de l’eau ou autre. L’eau était présente dans un but purement décoratif et s’inscrivait dans un mode de conception bien déterminé (cf, partie II Pratique et théorie du système : Le système de construction). On peut brièvement rappeler que le but des conceptions d’Alphand en 1860 était de recréer un paysage, donner l’illusion au promeneur d’être dans un paysage lointain. Alphand et son équipe recréaient des paysages comme un peintre sur une toile. Le square des Batignolles est censé représenter un paysage du Jura avec ses vallonnements et ses cours d’eau sauvages. Une «rivière» est donc visible au square des Batignolles ; elle trouve son origine au niveau du point haut du square, sous la forme d’une cascade. Elle traverse le square de part en part, symétriquement au cheminement et termine sa course dans bassin de forme arrondie. Ce cours d’eau est une représentation miniature des cours d’eau de montagne qui prennent leur source au sommet par la fonte des neiges et ruissellent jusqu’au lac situé en contre bas dans la vallée. Au XIXème siècle, cette rivière artificielle représente une prouesse hydrologique à travers laquelle l’homme assoit sa domination sur la nature. Ce cours d’eau est un appel à la contemplation. C’est l’usage qui s’en dégage. 8. La nature : comme un spectacle Enfin, la dernière caractéristique de ce lieu à étudier est sa végétation. Dans sa thèse sur les jardins du Second Empire, Luisa Limido s’est intéressée à la question de la nature dans les jardins et squares. C’est une nature «domestiquée», «artificielle» qu’elle y décrit. Il y a une artificialité extrême dans la nature telle qu’elle fut représentée dans le square des Batignolles mais plus généralement dans l’ensemble des squares et jardins créés sous Alphand.

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La question d’avoir une nature « naturelle » peut être discuté car cela est ce t’il possible dans un parc ou square urbain ? Nous verrons par la suite que dans le parc Martin Luther King, c’est vers une nature à l’aspect naturel que s’est dirigée Jacqueline Osty tout en concédant que celle ci restait artificielle.

1. Luisa Limido, L’art des jardins sous le second empire, Pays/Paysages, Paris, 2002

C’est dans le choix des végétaux, la façon de les présenter que le square des Batignolles bascule dans l’artificialité. En effet, l’usage de la nature selon Alphand est un usage lié à l’évasion, l’éblouissement, et quelque part la curiosité, et la botanique. C’est un usage qui est lié avec les autres usages que nous avons étudiés précédemment ainsi qu’avec la conception générale du square. L’étude de ce square des Batignolles montre une volonté de créer un espace fermé sur les alentours, un espace où l’usage premier est la déambulation, la marche, la contemplation du paysage recréé. Les limites marquées, les chemins sinueux, la végétation invitent le promeneur à s’évader. Il me semble que c’est le premier usage de ce square. On peut mettre cet usage en relation avec le contexte historique et le fait que cet espace était avant tout destiné aux travailleurs du « peuple »[1] à qui Alphand proposa, à travers la conception de ce square, de s’évader du quotidien. Nous avons là un exemple qui nous montre comment à travers la conception un usage principal se dégage. Le jardin du XIXème siècle est un jardin d’exposition comme le qualifie Luisa Limido. Le second empire a marqué un tournant pour la société. Celleci est passée à «une société de consommation régie désormais par l’argent», «tout doit être montré, tout doit être exposé»[1]. Cette tendance se répercute, s’observe aussi à travers les jardins. Le modernisme du second empire apparaît dans les jardins, grâce aux nouveautés technologiques horticoles et aux nouvelles espèces végétales. Il y a en plus de cette volonté de montrer

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1. Séries de croquis rapide sur le thème de la balade au Square des Batignolles, 12 Mai 2012

2. Gravure du square des Batignolles à vol d’oiseau, photographie du livre Les Promenades de Paris, Alphand, 1867

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la nature, la volonté de la contrôler, dans la Revue Horticole de 1859, on peut ainsi lire : «l’horticulteur soumettra la nature à tous ses caprices, lui imposera sa volonté et saura la gouverner à son gré» [1]. De nouvelles variétés sont crées, issues de «prouesses» scientifiques, d’autres espèces, exotiques et rares sont importées et exposées car elles marquent une nouvelle la domination de l’homme sur la nature. C’est pour ces raisons que les espèces tropicales ont eu une place importante dans les squares et jardins du XIXème siècle.

1. Sahut, L’horticulture au dix-neuvième siècle, Revue Horticole, p88, 1859

Les espèces végétales exotiques présentent au square des Batignolles - Cannes à sucres - Widigias - Figuiers - Palmiers - Désespoirs du singe ... L’étude de ce square des Batignolles montre une volonté de créer un espace fermé sur les alentours, un espace où l’usage premier est la déambulation, la marche, la contemplation du paysage recréé. Les limites marquées, les chemins sinueux, la végétation invitent le promeneur à s’évader. Peut être à oublier une ville encore hostile et difficile à vivre. Il me semble que c’est le premier usage de ce square. On peut mettre cet usage en relation avec le contexte historique et le fait que cet espace était avant tout destiné aux travailleurs du « peuple » à qui Alphand proposa, à travers la conception de ce square, de s’évader du quotidien. Nous avons là un parfait exemple qui nous montre comment à travers la conception un usage principal se dégage. On notera que les jeux pour enfants ou toutes autres distractions n’existaient pas à cette époque et qu’ils apparaîtront progressivement par la suite. L’étude du plan de transformation du square des Batignolles des années 1940 montre cette évolution de la conception et des usages.

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1. Le square des Batignolles d’après une gravure de Bertrand, 1867, Archives de Paris.

Cette représentation du square des Batignolles montre l’ambiance du square au XIXème avec ses promeneurs, ses vallonnements particuliers, sa rivière et ses végétaux exotiques. Elle est aussi significative quant à la manière de représenter un site. Comme Alphand, Bertrand a choisi d’ignorer la ville, laissant penser qu’il s’agit d’un paysage naturel, loin de la ville. C’est à la fois le square des Batignolles que nous pouvons observer ici mais c’est aussi un mode de représentation du paysage, la façon de penser le paysage au XIXème siècle que nous pouvons percevoir à travers cette gravure.

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1. Le plan du square des Batignolles dans son état vers 1940. Photographie prise à la Bibliothèque administrative de la ville de Paris

2. Plan de transformation partielle du square des Batignolles. Photographie retouchée prise à la Bibliothèque administrative de la ville de Paris

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b. Etude du plan de transformation partielle du square des Batignolles J’ai eu connaissance de ce projet d’après un article de Bernadette Blanchon publié dans le livre Parc et Jardins au XIXème siècle. Je n’ai malheureusement pas réussi à retrouver le plan original mais seulement une photographie à la bibliothèque administrative de Paris qui daterait de 1940. Il semblerait que de nombreux plans, croquis, photographies anciennes aient été négligemment jetées par manque de place dans certains locaux. D’après certaines recherches auprès de personnes qualifiées dans ce domaine, la date de 1940, période de l’après guerre est fortement plausible. De même qu’une date précise et exacte fût impossible à trouvée, il en fut de même pour son concepteur. Cependant, quel qu’en soit l’auteur de ce plan, ce projet de transformation est néanmoins intéressant lorsque l’on s’intéresse à la conception, aux usages et au rapport qui existe entre eux. Historiquement, il peut révéler des éléments importants sur la pratique paysagiste et les courants de l’époque. Il faut préciser que ce projet n’a pas été réalisé mais on peut retrouver certains de ces éléments dans le square d’aujourd’hui. Bien qu’il n’ait pas vu le jour, ce projet est un élément à étudier car il témoigne d’un tournant dans l’approche paysagiste envers les squares. Nous verrons plus tard comment cette approche des squares a évoluée, notamment à travers l’exemple d’un projet de la paysagiste Florence Mercier, paysagiste du XXIème siècle. Si l’on reprends la définition du square, issue du Dictionnaire de l’art des Jardins, on s’aperçoit que les usages des squares ont évolués, changés depuis le 1862 : « Le square est conçu comme un lieu de détente et de rencontre qui vient d’Angleterre. Ce n’est qu’au début de la deuxième moitié du XIXème siècle que le square fait son apparition en Françe sous l’impulsion de Napoléon III. Les squares sont avant tout un décor urbain, lieux de

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1. Plan de transformation du square des Batignolles et les nouveaux usages prĂŠvu dans le projet. Photographie retouchĂŠe.

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promenade et de détente, les jeux y sont pratiquement interdits à l’exception des jeux calmes à proximité de la mer. Ce n’est qu’avec le temps que les jeux finirent par devenir l’un des éléments du square ; on y trouve aujourd’hui le plus souvent des bacs à sables » Min. Env., 1979 La notion de la « purification » du corps et de l’esprit, appelé hygiénisme, s’estompe. Cette notion était étroitement liée à celle de la balade. La balade, étant nous l’avons vu précédemment, l’usage principal des squares du XIXème siècle. On ne va plus seulement au square pour se « purifier », pour se balader ou pour être vu et voir uniquement. La société a évoluée et les comportements avec. Une envie de liberté émerge. Une liberté de l’esprit et du corps. Ce plan de transformation du square illustre bien ce nouvel état d’esprit et semble précurseur des usages que l’on retrouve dans les parcs et jardins actuels. De nouveaux usages apparaissent et certains perdurent jusqu’à aujourd’hui. Si nous nous attardons sur la liste des nouveaux éléments que proposent ce projet, nous pouvons relever : - Bac à sable - Salle de verdure - Toboggan - Plage - Cage - Bascule - Salle de repos - Planche Oscillante - Pataugeoire Le rapport entre la conception et les usages est de nouveau évident. La conception va induire de nouveaux usages. Puisque ce mémoire traite de

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1. Photographie ancienne du square des Batignolles, vue de artistique, période de la Belle Epoque, source : http://www. didierfavre.com/ 2. Photographie ancienne du square des Batignolles vu de l’intérieur, période de la Belle Epoque, source : http://www. didierfavre.com/

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deux époques distinctes, on peut s’arrêter sur le fait que certains de ces éléments se retrouvent dans le parc Martin Luther King. La bascule, le toboggan, la plage, la cage sont autant d’éléments que l’on trouve dans le parc. Ce projet de transformation était en quelque sorte annonciateur des futurs aménagements paysagers. La période de l’entre deux guerres, qui correspond à la période où ce projet à été dessiné, voit émergée une critique des squares et jardins haussmanniens. Une rupture semble être désirée avec les travaux d’Alphand. En effet, si l’on observe ce projet de transformation, il se place clairement en opposition avec le projet initial. Le square n’est plus un lieu d’observation, « d’admiration du paysage » mais un lieu où l’on « pratique » l’espace. La place du corps dans l’espace est modifiée. Cette notion du corps dans l’espace sera un thème important dans les aménagements futurs, comme dans le parc Martin Luther King. Hasard ou pas, le projet vise à transformer la partie la plus emblématique du square puisque c’est la zone la plus vallonnée qui est concernée. C’est aussi dans cette zone que se trouve la cascade, élément fort et représentatif du square et des aménagements du XIXème siècle. Cet espace, à l’origine prouesse hydraulique et zone à admirer est, d’après ce plan, dédié à multiples nouveaux usages. Des usages opposés à ceux existants puisque nous pouvons relever un toboggan et une pataugeoire. Nous passons d’un paysage «à voir» à un paysage «à pratiquer». En «s’attaquant» ainsi au coeur du projet d’Alphand, le concepteur de ce projet de transformation marque clairement une volonté de changer la vision de la pratique paysagiste ainsi que la fonction et donc les usages des parcs et jardins. Pouvons-nous voir dans ce projet une provocation vis-à-vis des travaux d’Alphand ?

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1. Photographie ancienne du square des Batignolles vu de l’intérieur, période de la Belle Epoque, source : http://www. didierfavre.com/ 2. Photographie ancienne du parvis du square des Batignolles vu de l’intérieur, période de la Belle Epoque, source : http://www.didierfavre. com/

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3 et 4. Photographie ancienne du square des Batignolles vu de l’intérieur, période de la Belle Epoque, source : http:// www.didierfavre.com/

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1 et 2. Photographie ancienne du square des Batignolles vu de l’intérieur, période de la Belle Epoque.

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3 et 4. Photographie ancienne du square des Batignolles vu de l’intérieur, période de la Belle Epoque.

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1. Photographie personnelle de maquette retouchée, le square des Batignolles, Vue d’Ouest, Pavillon de l’Arsenal, Paris 2. Photographie personnelle de maquette retouchée, le square des Batignolles, Vue d’Est, Pavillon de l’Arsenal, Paris

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3. Photographie personnelle de maquette retouchée, le square des Batignolles, Continuité avec le parc Martin Luther King, Pavillon de l’Arsenal, Paris

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d. Qu’en reste t’il aujourd’hui ? Si j’ai choisi de traiter plus particulièrement le square des Batignolles au moment de sa conception, c’est d’une part pour mettre en évidence la différence d’époques entre les deux espaces, mais aussi car il n’a pas subit beaucoup de transformation depuis 1862. La forme générale du parc n’a guère changée mais elle a légèrement évoluée à travers de nouveaux usages ou agrandissements. En effet, les limites du square ont changées. Autrefois, le square était un espace fermé sur ses quatre côtés par des grilles, des trottoirs en faisaient le tour. La voie ferrée n’était donc pas à proprement dit une des limites du square. C’est en 1944 que le square a été agrandi. Cet espace, très minéral, n’a quasiment pas été modifié après avoir été annexé au square. C’est un espace très minéral qui ressemble fortement à un trottoir (cf. photographie ci-contre). Ce n’est pas un espace paysager venu renforcé ou dénaturé le dessin originel du square mais c’est un espace qui a son importance car il apporte nouveaux usages et de nouvelles vues. Par exemple, on trouve à l’endroit de cet agrandissement des balançoires, et un espace clos où les enfants peuvent faire du roller ou du kart à roulettes. Cela peut paraître anodin mais connaissant l’histoire des square du XIXème siècle et de ce square en particulier cela montre une réelle évolution de la manière de penser, percevoir et pratiquer les squares. Cet aménagement reste situé en périphérie du square ; cela est dû au fait que de la place était disponible à cet endroit mais on peut également y voir une volonté de ne pas dénaturé l’ensemble du site. L’ambiance est la même, l’usage principal reste celui de la balade, de la contemplation. Bien sûr, des jeux d’enfants sont apparus, dans les angles du square, une nouvelle fois pour ne pas le dénaturer. Nous avons vu dans l’analyse du plan d’Alphand que c’était aussi dans les angles que se trouvaient les endroits de détentes, de repos ; les lieux où l’on venait s’asseoir, échanger. Ce n’est qu’une continuité que d’avoir installé les jeux d’enfants

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1, 2. Aquarelles, Vue du square des Batignolles, Travail personnel, Avril 2012

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à ces endroits. La société ayant évoluée, il était nécessaire de diversifier quelque peu les usages. Il est important de faire un retour sur le plan de transformation partielle du square (cf. Le plan de transformation partielle du square des Batignolles) que nous avons étudié précédemment. Nous y avons vu comme une «provocation» au dessin original d’Alphand et cela en était probablement une mais ce projet était en quelque sorte précurseur des futures modifications du square. Bien sûr, on ne trouve pas aujourd’hui toboggan, plage ou pataugeoire mais les jeux d’enfants, situés dans les angles étaient déjà dessinés sur le projet. Il semble évident que ce projet de transformation a influencé les modifications du square par rapport à celui de 1862. Aujourd’hui pas de toboggan, de plage ou de pataugeoire mais des jeux d’enfants, situés dans les angles qui étaient déjà dessinés sur le projet de transformtion. Il semble évident que ce projet ait influencé les modifications du square par rapport à celui de 1862. Ou est-ce tout simplement le bon sens et le respect d’une des oeuvres les plus représentatives d’Alphand et Haussman ... ? Quoiqu’il en soit, un parfum d’ancienneté persiste dans ce square, à l’image de ce que l’on peut ressentir lorsque l’on se promène au parc Monceau (situé à Paris dans le 8ème arrondissement) ; par la forme du square en générale mais aussi par son mobilier, ses clôtures, ses luminaires, ses balançoires ou son manège. Il y a une sensation de calme aussi, de tranquilité qui se dégage de cet endroit et qui contraste avec l’agitation qui règne au parc Martin Luther King. Le square s’est malgré tout laissé porter par la vague écologique de ces dernières décennies et nous pouvons y voir des nichoirs pour les quelques canards et autres espèces d’oiseaux qui y résident. Ces oiseaux ne resteraient ils pas dans le square sans ces nichoirs qui sont installés au milieu du bassin ? Faut il, au prix de quelques artifices écologiques dénaturer un square du XIXème siècle ? Ces nichoirs dénaturent le bassin et l’ambiance que l’on devrait y retrouver. Cela ressemble plus à de l’artifice qu’à un aménagement nécessaire.

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1. Croquis personnel, Vue du square des Batignolles sur la voie ferrĂŠe, Avril 2012

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De même, il semblerait que le savoir-faire dans l’art des plantations sur le modèle ancien ce soit quelque peu perdu car les monticules de terre sur lesquels sont plantés de petites fleurs aux couleurs «surnaturelles» laissent à désirer. Enfin, ne nous pouvons conclure ce chapitre sans remarquer le fait que la population n’est sans doute pas la même qu’au XIXème siècle. En effet, nous avons vu que ce square était destiné aux classes populaire et ouvrière. Dans son ouvrage, Luisa Limido les décrits parfaitement. Au XIXème, ce quartier vient tout juste d’être rattaché à Paris et est un quartier populaire, assez pauvre.

Ces photographies aériennes montrent l’évolution du square des Batignolles depuis 1943. Nous pouvons remarquer que les changements sont minimes. Le site en : 1. 1943 2. 1949 3. 2002 4. 2012

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1. Le projet du parc Martin Luther King et de l’éco quartier, photomontage, SEMAVIP, Paris. 1. Zoom sur le projet du parc Martin Luther King et de l’éco quartier, photomontage, SEMAVIP, Paris. 3. Maquette du parc Martin Luther King, photographie retouchée prise au Pavillon de l’Arsenal.

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Le parc Martin Luther King

Le parc Martin Luther King est un parc très récent puisqu’il a été inauguré en 2007; son histoire est courte mais néanmoins riche en événements. C’est un espace en mutation qui s’inscrit dans un vaste projet paysager et immobilier et il a fallu choisir un instant T de son évolution pour l’analyser et avoir un plan de référence. Cet instant T sera représenté par le parc d’aujourd’hui. Ce plan sera celui qui correspond le plus à sa forme actuelle puisqu’il s’agit d’une photo aérienne datant de 2012. Si Alphand a choisi de ne pas orienter ses plans au Nord dans son ouvrage Les promenades de Paris, ceux que nous étudierons concernant le parc Martin Luther King le seront. Aux cours de mes recherches, j’ai constaté que l’œuvre, Les Promenades de Paris, d’Alphand faisait abstraction des alentours, ses aménagements y sont décontextualisées, alors que les documents montrant le parc Martin Luther King font toujours ressortir le quartier alentour. Ce constat, qui s’applique à tous les aménagements actuels, montre combien l’environnement du projet entre en compte dans la conception de celui-ci. On ne vient plus «poser» un morceau de paysage comme le faisait Alphand, on construit un espace en fonction de ce qui l’entoure.

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Ces photographies aériennes montrent l’évolution du site sur lequel le parc Martin Luther a été conçu depuis 1943 ainsi que l’évolution de l’emprise du projet à partir de 2008.

1943

Les anciens entrepôts Sncf laissent progressivement place au parc. Le site en : 1. 1943 2. 1949 3. 2001 4. 2004 5. 2005

1949

6. 2007 7. 2008 8. 2012

2001

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2004

2008

2005

2009

2007

2012

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1. Les limites du parc Matin Luther King. Photographie aĂŠrienne retouchĂŠe, travail personnel 2. Un site ouvert sur la ville, Photographies personnelles, Paris, 2012 3. Un site ouvert sur la ville, Photographies personnelles, Paris, 2012

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1. Les limites : un site ouvert sur la ville

Le premier élément à analyser concerne les limites du site. Elles sont de natures diverses : au nord-ouest, c’est la petite ceinture qui constitue la limite du site, au sud-est, c’est la rue Cardinet et au nord ce sont des immeubles alors qu’au sud, les vestiges de la gare Sncf. Il faut savoir que ces limites vont évoluer car le parc sera au centre d’un Eco quartier. Avec le temps, les limites Nord et Sud seront principalement des immeubles d’habitations comme le montre les images suivantes. A l’inverse du square des Batignolles, les limites laisse passer le regard. Il y a cette volonté d’inscrire le site dans son environnement, de l’inclure dans la ville. Cette notion, très importante dans la conception et les usages que cela implique, est appuyée par le tracé des cheminements. En effet, dans cet espace, nul boucle ou chemin circulaire, les axes principaux concordent tous avec un axe de l’environnement du site. Là où Alphand a voulu isoler les usagers du reste de la ville, Osty a choisi de créer un échange perpétuel entre le parc et la ville : « La trame urbaine vient se prolonger dans le parc ; du parc on perçoit la ville et de la ville on perçoit le parc » Cette volonté d’inscrire un site dans son environnement proche est un des grands objectifs des paysagistes actuels lors d’aménagements et cela est également visible dans des espaces comme le parc André Citroën ou le parc de la Villette à Paris où le parc de Gerland à Lyon (dessiné par Claire et Michel Corajoud et Gabriel Chauvel). Et puisque nous sommes actuellement dans ce mouvement du Grand Paris, nous pouvons voir cette volonté de lier Paris et sa banlieue à travers les grands axes du site. Si les limites ne définissent pas un usage a proprement dit, elles y participent. L’observation (le regard) peut être définit comme un usage et les limites du parc Martin Luther King permettent une vision sur le parc lui-même et sur la ville. Il y a un échange intérieur/extérieur qui se créer.

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1. Photographie aérienne, Le parc André Citroën, un site ouvert sur la ville, Paris, Google Earth 2. Photographie aérienne, le parc de la Villette, un site ouvert sur la ville, Paris, Google Earth

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A l’échelle du quartier, le but fut aussi de « relier différents quartiers, plus cossu avec le quartier des Batignolles et moins cossu avec les quartier des Epinettes ». Cette volonté explique la mixité sociale qui existe dans le parc Martin Luther King et ce ressent moins au square des Batignolles. Les limites sont de multiples formes et se retrouvent à différentes échelles d’un site. Les limites principales sont celles que nous avons traitées ci-dessus ; c’est à dire celles qui délimitent le site ; puis il y a celles que l’on retrouvent à l’intérieur du site, qui découpent, délimitent celui-ci. Elles peuvent être de simples marquages au sol et donc autoriser le promeneur à les franchir ou être symboliser par des barrières, des clôtures, et empêcher le passage. Elles peuvent être symboles d’autorisation ou d’interdiction. Une différence au niveau des limites par rapport au square des Batignolles est remarquable ; elle se situe au niveau des limites « intérieures » du site. Nous avons vu qu’à l’intérieur du square des Batignolles les espaces étaient divisés en quatre îlots et délimités par des arceaux qui rendent les pelouses inaccessibles. Ce type de limite n’existe pas dans le parc Martin Luther King. Cette différence de conception provoque de nombreux usages différents (cf. Partie III, Les limites). Il semblerait que cette différence soit une généralité lorsque l’on compare des parcs et jardins de ces époques comme nous pouvons l’observer avec le parc André Citroën et le parc Monceau par exemple.

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1. Frise du parc Martin Luther King rĂŠalisĂŠe depuis la butte centrale du parc, Un parc ouvert sur la ville, travail personnel, Paris, Avril 2012

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1. Les cheminements du parc Martin Luther King. Photographie aérienne retouchée, source : Google Earth 2. Muscles de la jambes, source : http://fr.123rf.com/ photo_7877665_rendu-3d-lesmuscles-de-la-jambe-males.html 3. Les cheminements du parc, Photographie personnelle retouchée prise au Pavillon de l’Arsenal, Paris 2012.

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2. Les cheminements : linéarité de rigueur Les cheminements sont rectilignes, longs et en continuités avec les axes urbains alentours. Les grands axes du parc le traversent de bout en bout, du Nord au Sud ou d’Est en Ouest. C’est ici que ce pose le rapport entre la conception et l’usage d’un site et que repose l’intérêt de la comparaison : les cheminements vont ils conduire à des usages particuliers liés à leurs tracés ? Est ce qu’un parc aux cheminements rectilignes est inadapté à la balade par rapport à un square aux cheminements courbes ? Au square des Batignolles, le tracé sinueux des chemins invite clairement à la balade, à la rêverie. La courbe peut être vue comme une métaphore du rêve, de la douceur. Notre hypothèse de départ tend à affirmer que deux conceptions différentes induisent des usages différents ; le cas des cheminements peut nous apporter un élément de réponse négative. En effet, d’après les observations que j’ai pu faire sur le site et ma propre expérience de celui-ci, rien ne montre que le parc Martin Luther King n’a pas pour usage celui de la balade. Ces cheminements, pour la grande majorité droits, traversent des ambiances différentes, et amènent à des zones importantes du parc (bassin, jeux, pelouses). La linéarité des tracés n’empêche pas la balade et nombreux sont les usagers qui parcourent le site pour faire une promenade. La différence que nous pouvons relever réside dans le fait qu’au parc Martin Luther King, la balade est sujette à des pauses car les cheminements amènent le promeneur à des endroits clés du site où celui-ci est invité, à travers une conception adaptée, à «rester» sur place. Deux conceptions différentes peuvent donc produire le même usage. On peut cependant penser que la balade sera moins « introspective » qu’au square des Batignolles.

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Cependant, tous les cheminements du parc ne sont pas rectilignes. En effet, au centre du parc, nous pouvons observer des lignes courbes. Ces lignes, qui correspondent à des cheminements, amènent le promeneur vers le belvédère du site. Nous reviendrons sur le belvédère lors de l’étude de la topographie du site. Dans l’introduction, je me suis penché sur le fait que chaque élément d’un projet avait une justification ; ces cheminements courbes sont le résultat de l’interprétation des « muscles de la jambe chez l’Homme » explique J. Osty. C’est aussi un rappel au « programme d’origine ». D’un point de vue technique, c’est courbe sont aussi un moyen d’arriver au belvédère en respectant les normes PMR (personnes à mobilité réduites). Alphand semblait ignorer la ville, pourtant en grande transformation, dans ses créations et cherchait à en éloigner le promeneur pour lui recréer une bulle, une évasion totale. Les cheminements, courbes, des squares et jardins s’opposent radicalement avec le tracé rectiligne du Paris d’Haussmann. A l’inverse Jacqueline Osty a choisi de calquer le tracé des allées du parc sur le tracé de la ville. Cependant, ces deux conceptions différentes n’influent pas selon moi sur l’usage de la balade. 3. Le mobilier : une diversité au service des usages Le mobilier est vecteur d’usage. Avec l’évolution des parcs et jardins s’est accompagné une évolution du mobilier. Si nous avons vu que le mobilier du XIXème siècle était « simple » et en nombre réduit, le mobilier du parc Martin Luther King est d’une grande diversité de types, de formes, de matériaux et conduit par conséquent à de multiples usages. Le mobilier du parc s’accorde avec les différentes ambiances que l’on y trouve. Par exemple, près des jeux d’enfants ou des zones d’activités, c’est un mobilier pouvant accueillir plusieurs personnes qui a été installé. On y créé de la convivialité. A l’inverse, là où l’ambiance est plus intime, c’est un mobilier pour une ou deux personnes que l’on observe. C’est une évolution

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notable des parcs et jardins contemporains par rapport à ceux du XIXème siècle. Les matériaux et les formes changent également. Comme nous l’avons précédemment, les bancs du XIXème siècle, que nous retrouvons encore aujourd’hui dans les squares et jardins du XIXème siècle, étaient tous du même modèle : dessinés par Davioud, ils sont en bois, peints en vert, et à l’armature métallique. Leur forme arrondie s’accorde avec celle des tracés de l’époque. Ceux du parc Martin Luther King s’accordent avec aussi avec le tracé du parc. Leur forme est droite, rectiligne. Les matériaux sont plus diversifiés également. Le mobilier créé, conforte des usages et participe aux ambiances du site. Il provoque aussi des postures, des attitudes, des mouvements. Le mouvement dans un espace, et notamment dans un square ou un parc, est guidé par la conception du site ; la conception produisant des usages, les usages produisant des mouvements. Si le mouvement ne peut pas être définit comme un usage en tant que tel, il est intimement lié à celui ci. En exagérant un peu, la conception du square des Batignolles n’amène qu’à deux positions (ou mouvements) principales : la position assise, et la position debout (ou marche). Les jeux d’enfants, assez simple, n’en proposent finalement pas d’autre. A l’inverse, le parc Martin Luther King est objet à de multiple mouvements, multiples positions de la part de ses usagers: assis sur un banc, assis au sol, allongé sur des chaises longues ou dans l’herbe, debout, semi debout, adossé, plus toutes les positions engendrées par la pratique du sport (basket, football, pingpong) et les jeux d’enfants. L’étude des différentes positions possibles sur l’un des bancs du parc Martin Luther King montre la diversité des poses possibles (cf. ci-contre). Une certaine monotonie se dégage du square des Batignolles qui laisse place

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1, 2, 3, 4 et 5. Les bancs du parc Martin Luther King, photographies personnelles, Paris, mars 2012

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à plus d’hétéroclisme au parc Martin Luther King. Cette étude sur le mouvement, revient à s’interroger sur la place du corps dans le parc qui est l’un des trois thèmes sur lesquels le parc a été conçu avec le sport et les saisons. Il me semble que Jacqueline Osty a choisi de placer le corps au centre du parc. La multiplicité des usages, des surfaces accessibles au public, des formes de mobilier font que le corps est au centre de la conception du parc à l’inverse du square des Batignolles où c’est la nature et le paysage recréés qui sont les « acteurs principaux » du lieu. L’étude du mobilier et par extension des mouvements et de la place du corps confirme l’hypothèse de départ : deux conceptions différentes induisent des usages différents.

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1. Croquis personnels, Les différentes postures observées dans le parc Martin Luther King, Paris, Avril 2012

2. Les cinq positions possibles sur l’un des bancs du parc Martin Luther King, étude du mouvement, Photographies personnelles, Paris, 2012.

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1. Les cinq positions possibles sur l’un des bancs du parc Martin Luther King, Êtude du mouvement, Photographies personnelles, Paris, 2012.

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1. Photographie de la butte centrale du parc Martin Luther King, Photographie personnelle, Paris, Mai 2012 2. Panorama réalisé depuis la butte du parc Martin Luther King, photographie personnelle, Paris, 2012 3. Coupe schématique de a topographie du parc Martin Luther King par rapport à la pente du terrain naturel, travail

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personnel, 2012

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4. La topographie : artificielle C’est un élément important du site car la topographie du parc Martin Luther King contient de nombreux points communs avec celle du square des Batignolles. En effet, la topographie du site est totalement artificielle et Jacqueline Osty précise que cette topographie est « entre l’artifice et l’héritage » car le « socle » du parc, remblai des vois Sncf, est lui aussi de nature artificielle. A l’origine, explique Jacqueline Osty, lors de la conférence au pavillon de l’Arsenal, le site était en pente douce en suivant la topographie autour du site allant jusqu’au Sacré Cœur, au cœur de la Butte Montmartre dans le 18ème arrondissement. Les remblais et l’ancienne occupation du site (plateforme Sncf), ont rendus le terrain « totalement plat ». Cette platitude ce fut un avantage car ce terrain devait accueillir exclusivement des terrains de sport. Le projet a majoritairement conservé cette topographie plane sur l’ensemble du site sauf pour la conception d’un belvédère au centre du parc. Ce belvédère, point haut du site, fut conçu dans plusieurs buts : il « permet de voir d’en haut » l’ensemble du site, de positionner le promeneur en « situation de plongée », d’avoir « une vue sur la tour Eiffel », mais aussi de « créer de l’intimité », »de voir sans être vu ». Cet « artifice absolu », comme le décrit Jacqueline Osty, permet donc de créer plusieurs usages. Son artificialité, le fait qu’il permette d’observer le site dans son ensemble, la nature qui l’entoure sont autant de points communs avec la topographie du square des Batignolles. Quelque soit le lieu, la conception d’un belvédère induit toujours l’usage du regard, de l’observation. La différence qui peut exister est dans la portée de cette observation. En effet, le point haut du square des Batignolles ne sert qu’a observer l’ensemble du square alors que dans le parc Martin Luther King, le belvédère donne à voir sur le site mais aussi sur la ville.

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1. En bleu, la zone du bassin du parc Martin Luther King, Photographie aĂŠrienne retouchĂŠe, Google Earth 2. Panorama du bassin du parc Martin Luther King, Photgraphie personnelle, Mai 2012 3. Croquis du bassin et ses alentours, Travail personnel, Paris, Avril 2012 4. Le bassin du parc Martin Luther King, Photgraphie personnelle, Mai 2012

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5. L’hydrographie : décorative et utile Nous avons vu que dans le square des Batignolles l’eau était un élément purement décoratif qui est élément du paysage recréé par Adolphe Alphand. Dans le parc Martin Luther King, l’eau joue aussi un rôle important mais qui n’est pas dévolu au seul but de décorer le parc et c’est la grande différence entre ces deux usages différents de l’eau. C’est au nord-est du parc que se situe un vaste bassin dont les abords ont été aménagés, devenant l’un des endroits phares du parc. La conception de cet endroit a été voulue de manière à ce que le bassin et ses abords deviennent un lieu que l’on pratique : le bassin peut être traversé de part en part. Au delà de l’usage de la promenade, il y a un usage pédagogique que l’on peut attribuer à ce bassin car nombreuses sont les espèces de volatiles que l’on peut y observer (héron cendré, canards, poules d’eau). Les promeneurs peuvent découvrir ses espèces relativement rares en ville. Outre les usages décoratifs et pédagogiques, ce bassin a un rôle très important dans le fonctionnement du parc. En effet, l’eau du bassin est régulièrement utilisée pour l’arrosage de l’ensemble du parc. Nous sommes ici très clairement face un exemple de la volonté de Jacqueline Osty d’aménager cet endroit avec une volonté écologique. Chose absente des aménagements des parcs et jardins du XIXème siècle. Cette étude sur la l’hydrographie du site nous amène à constater que la conception d’un élément peut amener à plusieurs usages et que cette multiplicité des usages est «la marque de fabrique» du parc Martin Luther King.

6. Le sport : un usage très présent La place du sport dans ce parc est importante. D’une part car c’est un usage directement lié à l’histoire de ce site, d’autre part pour la place que lui a donner Jacqueline Osty dans la conception du lieu.

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1. En rouge, la zone des terrains de sport du parc Martin Luther King, Photographie aérienne retouchée, Google Earth 2, 3, 4. Série croquis sur le thème du sport au parc Martin Luther king, Travail personnel, Paris, Mai 2102

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En effet, comme nous l’avons vu précédemment, le site sur lequel le parc Martin Luther King a été conçu devait être le village des jeux olympiques d’été 2012. Sa topographie totalement plane s’y prêtait parfaitement. Un projet avait même été préparé par Jacqueline Osty et Laurent Grether avant que la candidature française soit rejetée au profit de la candidature anglaise. Cet échec a permis la création du parc Martin Luther King et Jacqueline Osty a voulu garder une trace de cette candidature. Le sport est devenu l’un des trois axes du projet de la paysagiste. Contrairement à d’autres éléments du parc qui se retrouvent dans de nombreux aménagements contemporains, (ouverture sur la ville, linéarité, écologie), le sport n’est pas très répandu dans les parcs et jardins parisiens ; du moins, ce n’est pas un usage programmé (on peut observer de nombreux joggeurs au parc Monceau qui est un usage loin des pensées d’Alphand ou au parc André Citroën). A Paris, les sports tels que le football ou le basket se pratiquent souvent dans des stades que l’on retrouve en périphérie de la ville, ou dans des city-stades souvent situés sous le métro aérien. Pouvoir pratiquer ces sports dans un parc urbain est donc un phénomène rare. Comme le mobilier induit des usages (cf. Mobilier), il en est de même pour le sport. Cependant, nous ne pouvons pas réduire la conception de terrains de sport qu’à l’usage du sport. Sur un terrain, c’est une «série d’usages» que l’on peut observer. Il y a les discussions, les échanges, les simples observateurs, les échauffements ; c’est aussi un sentiment de convivialité que l’on ressent, de dynamisme aussi. Lorsque l’on étudie les éléments d’un site, il est intéressant de s’apercevoir qu’ils ont finalement des liens entre eux, des interconnections. Nous avons étudié auparavant à travers le mobilier, la place du corps dans le parc et la volonté de Jacqueline Osty, de placer «le corps au centre du parc». Nous avons aussi vu comment la conception peut permettre de multiplier les mouvements, de rendre «actif» l’usager. Choisir de conserver l’usage initial prévu sur le site fut un «devoir de mémoire» mais Jacqueline Osty s’en ait également servit pour accentuer un peu plus sa volonté de multiplier les usages, de les juxtaposer.

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1. En vert, les zones de nature du parc Martin Luther King, Photographie aÊrienne retouchÊe, Google Earth 2. Aquarelle, La nature au parc Martin Luther King sur fond d’urbanisation, travail personnel, Mai 2012

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7. La nature : le fil conducteur du parc «L’usage de la nature » est primordial dans un espace paysager. Il peut être de plusieurs types : décoratif, botanique, éducatif, naturel. Dans le parc Martin Luther King, cet usage occupe une place forte. Ce fut les des « fils directeurs » de la conception. Nous avons vu que la nature du square des Batignolles (cf. Square des Batignolles, 6. La nature : un spectacle) a été choisie pour éblouir les promeneurs avec des espèces rares, exotiques. C’est aussi une nature extrêmement maîtrisée que l’on peut y voir ; c’est une nature à « regarder » qu’a choisi Alphand. C’était aussi une manière de montrer la domination de l’Homme sur la nature. La pratique paysagiste ayant évoluée, la vision de la nature a suivit cette évolution et elle n’est plus utilisée comme un pur élément de décoration de l’espace. Si la nature était un « spectacle », les aménagements contemporains cherchent une forme de nature « naturelle ». Cela passe par l’utilisation de friche, dont la première créée dans un parc public fut celle du parc André Citroën, de plantes qui donnent cet aspect libre, de taillent moins régulières. C’est aussi la biodiversité qui est recherchée. On peut se demander si il n’est pas paradoxal de vouloir créer une nature naturelle ? Si la biodiversité n’existe pas d’elle-même ? Si il est bien nécessaire de la provoquée ? La nature telle que la voulue Jacqueline Osty se veut présente mais discrète. Elle accompagne l’aménagement, le sublime mais pas au détriment d’autres usages. La nature n’est plus seulement un objet à voir, elle se pratique. Au sein de ce parc, Jacqueline Osty a voulu « lier aménagement paysager et ambiances, par un traitement du paysage, de façon à pouvoir accueillir différents usages ». La nature en ville est aujourd’hui l’un des thèmes les plus discutés par les paysagistes et chercheurs. Elle a été au centre de l’aménagement du parc. Il est assez courant que les squares ou jardins perdent de leur intérêt en automne ou en hiver et c’est un écueil que Jacqueline Osty a voulu éviter. D’ailleurs, la paysagiste confie que « les saisons ont été le fil

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1. Photographie, La nature au parc Martin Luther King, travail personnel, Mai 2012

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conducteur du parc », « l’intérêt est renouvelle au fil des saisons, les allées se transforment, les couleurs changent ». En été, par exemple, les usagers assistent à « une profusion de fleurs, graminées, couleurs et d’ombres légères ». Ce parc est marqué par une forte volonté de ne pas séparer les usages de la nature : « il « ne met pas le végétal à l’écart et intègre dans ces paysages les usages » (J. Osty). Lors de la conférence de Jacqueline Osty au pavillon de l’arsenal, elle a conclu sa présentation du parc Martin Luther King par une phrase à laquelle mon opinion s’accorde : « Au XIXème siècle, on cherchait à reconstituer un monde, on était curieux des inventions jardinières, des végétaux exotiques, rares, aujourd’hui, on est plus touché par un paysage naturel ».

f. Qu’en sera t’il demain ? Le parc Martin Luther King est un projet en mutation. A l’inverse du square des Batignolles, ce parc en est au stade «embryonnaire» de son histoire. L’un est vieux de 150 ans alors que l’autre n’a que 5 ans. Aujourd’hui, le parc s’étend sur 4,3 ha mais il sera prolongé dès 2013 de 2,5 ha et s’étendra sur 10 ha en 2017. Ce sera alors l’un des plus grand parc de la métropole parisienne. Le square des Batignolles a été réalisé sur un terrain vague, comme le parc Martin Luther King, mais les alentours du parc n’ont que peu changés. L’emprise des bâtiments qui entourent le parc est restée la même. Pour le parc Martin Luther King, la problématique est toute autre : le parc est au centre d’un projet immobilier. C’est autour de lui que l’on construit. Des logements, des commerces, des services urbains, des bureaux et le futur palais de justice de Paris. De nouvelles stations de métro, tramways sont

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1. Carte du projet globale du parc Martin Luther King et du projet d’éco-quartier autour du parc, source : Maison du Parc située à l’entrée du site, Paris, 2012

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également prévues afin de desservir au mieux ce futur éco-quartier. Ce projet va bien au delà du simple parc urbain. C’est un morceau de ville qui est en train de se créer. Un pont entre Paris et sa proche banlieue aussi ; ce qui est finalement l’une des ambitions du Grand Paris que nous évoquions au début de cette étude (cf. c. Le XXIème siècle et les parcs urbains du XXèmeXXIème siècles, 2. Le grand Paris). La carte ci-contre, présentant le projet, nous montre bien l’ampleur du projet et même si elle existait déjà, la différence d’échelle entre le parc Martin Luther King et le square des Batignolles mais aussi les rôles différents que portent ces espaces. Alphand a créé un lieu pour «oublier la ville autour» alors que Jacqueline Osty a crée un parc autour du quel la ville se bâtie. Le parc n’est il qu’un prétexte à l’urbanisation ? Il faut savoir que si le parc a été bien accueilli par la population du quartier, le projet immobilier est sujet à plus de débats. L’urbanisation massive, les nuisances sonores et visuelles entre autres. Un autre problème a retenu mon attention car il concerne le parc. En effet, certains usagers assidus du parc émettent des craintes quant à la hauteur des immeubles limitrophes au site qui produiraient une ombre trop grande qui s’étendrait sur le parc. Un effet, nuisible pour les usagers mais aussi la nature du parc. Une information démentie par les responsables du projet immobilier.

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V Conclusion générale

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A travers ce mémoire, j’ai voulu étudier le rapport entre l’idée d’un ou d’une paysagiste et le résultat de ce travail sur le terrain. Du dessin à la réalité ; de la conception aux usages. Mais aussi comment deux conceptions différentes ont engendrées des usages différents. J’ai souhaité comprendre l’importance du dessin d’un site dans son utilisation future. Peut être était-ce aussi une manière de mieux comprendre le métier de paysagiste. Comprendre aussi que quelque soit le résultat final d’un site, le paysagiste n’a pas toutes les cartes entre ses mains car la dernière carte est entre les mains de l’usager qui va comprendre et utiliser l’espace à sa manière. J’ai compris que les paysagistes donnaient les grandes directions, les grandes lignes, avec plus ou moins précisions, mais qu’ils ne pouvaient pas tout anticiper. Ils peuvent aussi donner plus ou moins de liberté, de champ d’action aux promeneurs. Ils peuvent essayer de les «cadrer», de les diriger, ou au contraire, de leur laisser un champ d’action libre. Il y a les paysagistes «dirigistes» et les paysagistes «libertaires» pour caricaturer ma pensée. Cependant, en poussant un peu plus loin cette réflexion, nous avons pu constater qu’il existait bel et bien un rapport entre la manière d’exercer le métier de paysagiste et le gouvernement en place. Cette étude, basée sur la comparaison m’a également permis de comprendre deux grandes époques du paysage français. Deux époques marquantes qui correspondent à deux périodes mouvementées de l’urbanisme parisien. L’objectif de ce mémoire était aussi de comparer pour mieux comprendre. En effet, l’étude d’un des deux sites seuls aurait peut être pu faire l’objet d’un mémoire à part entière ; en entrant plus encore dans les détails de la conception ; mais la comparaison entre le parc Martin Luther King et le square des Batignolles permet une prise de distance de l’un par rapport à l’autre qui m’a permis de mieux les comprendre. Ce n’était pas non plus comparer pour comparer. La comparaison est l’élément m’a permis de prendre conscience

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de la dimension historique qui sépare ces deux espaces si proche. En traversant la rue pour aller de l’un à l’autre, c’est 150 ans d’histoire du paysage que nous traversons et même si ces espaces ne représentent que deux instants de cette histoire, ce n’est qu’en comparant ces endroits que l’on peut s’en rendre compte. Cette notion de la temporalité a été un élément important dans le construction de ce mémoire. Elle m’a permis de comprendre les évolutions de la société, de la ville et des moeurs qui, évoluant, engendrent de nouvelles demandes et donc, de nouveaux usages. Le square des Batignolles et le parc Martin Luther King ont été conçus avec des objectifs différents. L’un fut créé dans le but de faire oublier la ville, l’autre dans le but de s’y intégrer. Pour faire «oublier la ville», Adolphe Alphand a recréé un paysage faisant appel aux souvenirs des promeneurs ou simplement à leur imaginaire. Il a créé un lieu dont la conception est tournée vers un usage principal : la promenade. Tous les éléments du square que nous avons étudiés précédemment converge en ce sens. Si cet espace était au XIXème siècle la preuve d’une maîtrise de l’homme sur la nature, d’une domination même, il ne plaçait pas l’homme au centre de cet espace mais bel et bien la nature et ce paysage artificiel. L’usager devient contemplateur d’un «tableau naturel». Jacqueline Osty a quant à elle choisi de placer l’homme au centre de son projet en accordant une importance toute particulière à la place du corps dans le site. Le paysage ne s’observe plus seulement, il se pratique. Ce fil directeur de la conception du parc vient se raccorder à deux autres axes forts du projet que sont les saisons et le sport. Là où la nature devait émerveillée le public au XIXème siècle par sa rareté, son originalité, elle doit maintenant accompagner ce public tout au long des saisons et paraître naturelle. Et c’est là qu’un ambiguïté se créée ; peut on parler de nature «naturelle» dans ce cas là ? N’est ce pas une manière de masquer le côté artificiel du site ? La conception du parc Martin Luther n’est pas axée sur un usage en particulier. Il y a une volonté de multiplier les usages, et surtout de les juxtaposer. C’était une des volontés de Jacqueline Osty qui ne «voulait pas scinder les usages».

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1. Perspective du projet de l’extension du parc Martin Luther King, source : www.clichybatignolles.fr 2. Le square des Batignolles à vol d’oiseau, gravure, Les promenades de Paris, Alphand

Un exemple des représentations des deux sites qui reflètent aussi leurs époques et les moyens de communications visuelles qui leurs correspondent.

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L’usage de nature peut être couplé à celui des jeux d’enfants ou du sport par exemple. Il se dégage du square des Batignolles une certaine homogénéité dans les usages, le mobilier, la conception en générale et c’est une des différences majeures entre les deux sites. Le parc Martin Luther King semble être un puzzle ou chacune des pièces est représentées par un usage. S’il manque une pièce, le puzzle n’est pas complet mais on peut continué à en percevoir la forme générale, on peut continué à le pratiquer. A l’inverse, le square des Batignolles semble être fait d’une seule et même pièce. L’intérêt de ce mémoire réside aussi dans le fait que j’ai pu étudier deux sites dont l’histoire est inversée. D’une part le square des Batignolles, un site que nous avons pu analyser depuis ses premiers plans jusqu’à aujourd’hui, avec ses modifications, ses évolutions et d’autre part, le parc Martin Luther King, qui est un parc en très récent. C’est une chose que l’on peut encore ressentir sur le site. Il sera amené à évoluer dans les années à venir et peut être serait il alors intéressant de poursuivre cette étude ? Si les vidéos enregistrées lors de conférences ou d’interviews contenaient les informations nécessaires, j’ai le regret de ne pas avoir pu rencontrer la paysagiste Jacqueline Osty pour échanger directement avec elle, notamment sur la question de la comparaison avec les deux espaces ou sur leur proximité car ce sont des questions qui n’ont pas été abordées. Cette étude des éléments principaux qui fondent le square de Batignolles et le parc Martin Luther King nous a permis de démontrer que deux conceptions différentes aboutissent à des usages différents mais que cela n’est pas une règle absolue. Une part des usages est indépendante de la conception. Il serait intéressant de confirmer (ou pas) ces résultats en continuant ce travail de comparaison sur d’autres sites présentant les mêmes enjeux, les mêmes intérêt. Enfin, après l’hygiénisme, l’écologisme, je m’interroge sur la nature de la prochaine vague qui imprégnera le paysagisme ?

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VI Bibliographie

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