Y a-t-il une femme dans l'atelier ?

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Y a-t-il une femme dans l’atelier ? Denise Scott Brown est architecte dans l’agence qu’elle dirige avec son mari Robert Venturi. Enseignante à l’UCLA, elle a signé et cosigné des publications et des traités d’architecture de notoriété internationale. Dans l’article Sexisme et star system en architecture, elle confronte ses idées initiales couchées sur papier en 1975 et ses constats actuels, sur un thème qui lui tient particulièrement à cœur depuis toutes ces années, la condition féminine. Au-delà d’un récit personnel et d’une brève analyse sociologique du microcosme que constitue le milieu de l’architecture, Denise Scott Brown esquisse l’évolution chronologique de la deuxième vague des féminismes qui ont pris leur essor dans les années ’60, période coïncidant avec le début de son activité professionnelle. Le « ressenti » et le « vécu », nouveaux indicateurs sociologiques et valeurs si chères aux architectes, ponctuent son récit. Il s’agit d’un véritable plaidoyer pour l’exercice de l’architecture en toute égalité des genres. L’architecte, mot épicène (ni masculin, ni féminin : neutre), véhicule dans l’imaginaire collectif une multitude de clichés plus sexistes et discriminants les uns que les autres. L’auteure les épingle pour mieux les déconstruire avec, pour toile de fond, le star system. Elle accuse la société dans son ensemble : modèle patriarcal, enseignement, médias, etc. Elle pointe plus particulièrement le star system et le sexisme, autre véritable système basé, lui, sur la différenciation des rôles, qualités, etc. attribués aux genres féminin et masculin. Ces deux systèmes impliquent des discriminations mécaniques, en relations mutuelles, interdépendantes. Le star system exacerbe, selon elle, les problèmes engendrés par le sexisme : « En architecture, tout corps de théories et de projets semble devoir être associé par les critiques à un individu unique, et plus leur critique est exaltée, plus elle se focalise sur cet individu. » Et forcément, cet individu est un homme : « Le club de l’architecture exclut toujours les femmes. » Il faut ici entendre club dans son sens élitiste et fermé. Le rapport qu’elle entretient avec son ami/amant/mari/associé Robert Venturi, la notoriété de leur agence et le nombre de publications relatives à leurs travaux communs permettent de mieux comprendre les conséquences du star system et les différences de traitement d’un individu et de son travail selon son genre. La femme de tête, Denise, est effacée : disparition de son nom chez les éditeurs et sur les couvertures des publications, faveur à la figure et à la parole du mari lors des interviews concernant leur architecture, etc. Denise est sans cesse assignée à son statut de femme et/ou d’épouse, rarement à celui d’architecte et associée. Et ce, malgré les notes d’informations à l’intention des journalistes rappelant le rôle, égal, même si différent, de Denise dans le processus créatif en atelier. Ce double système éprouvé par Denise et par de nombreuses autres architectes est si aliénant qu’il leur fait douter d’elles-mêmes, de leurs compétences et de la place qu’elles occupent. Elle regrette aussi l’inaccessibilité tacitement organisée des femmes architectes aux niveaux supérieurs de créativité, de responsabilité, de partenariat et de représentation. C’est le tristement fameux plafond de verre (glass ceiling), heureusement traversé par certaines, Denise en tête et Zaha Hadid, autre figure de proue. Denise a longtemps tu sa colère pour ménager les susceptibilités et pour ne pas freiner sa carrière. Aujourd’hui, elle se


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