AFRIKArchi Magazine #2

Page 1

AFRIKArchi M A G A Z I N E

VILLAGE OPERA DE LAONGO

Une architecture hors pair dans le sahel africain

1

URBANIsME

LA VILLE AFRICAINE DU XXI e sIECLE

Tribunes d’acteurs qui imaginent l’avenir des villes africaines CRItIqUE ARChItECtURALE

LE MONUMENt DE LA RENAIssANCE AFRICAINE

Un caprice de Président Africain

#2


AFRIKARCHI PRESENTE

EXPOSITION INTERNATIONALE ARCHIGENIEUR #2 AFRIQUE UN MARCHE EN MILIEU URBAIN EN AFRIQUE

PARIS

KUMASI

KAMPALA BAMAKO

COTONOU

UBERLANDIA

LOME

CASABLANCA DES MARS 2013

en partenariat avec : info@afrikarchi.com

TUNIS KIGALI

Ne pas jeter sur la voie publique - afrikarchi © 2012

SAINT-DENIS


EDITORIAL

EQUIPE REDACTIONNELLE REDACTION DIRECTEUR DE PUBLICATION ET DE REDACTION Romarick ATOKE (romarick.atoke@afrikarchi.com)

DIRECTEUR AJOINT DE PUBLICATION ET DE REDACTION Khader BERREKLA (khader.berrekla@afrikarchi.com)

REDACTRICE EN CHEF Sinatou SAKA (Bénin) REDACTEUR EN CHEF ADJOINT Roland YAO KOUASSI (Sénégal) REDACTEURS Abiola AKANDE YAYI (Brésil) Fred ATOKE (Mali) Laure AUGEREAU (Maroc) Jean-Paul BIGIRIMANA (Rwanda) Manchini DEFELA (Côte d’Ivoire) Khara CISSE (Sénégal) Roland YAO KOUASSI (Sénégal) Francis SESSOU (Bénin) Serano STAHEL (Ghana) Rachidatou TCHAGBELE (Gabon) ONT COLLABORE A CE NUMERO Lahbib EL MOUMNI Salima KARABERNOU GRAPHISTE Serges Claude MEKA OTELE (Tunisie) PUBLICATION NUMERIQUE Boris HOUSSOU (France) ABONNEMENTS Ecrivez-nous à : magazine@afrikarchi.com

Magazine Édité par AFRIKArchi 90, Aveunue des Acacias 91800 Brunoy – FRANCE Tél : +33 (0)6 26 57 41 60 +33 (0)6 82 83 68 87 www.afrikarchi.com

Chers lecteurs, Notre premier numéro, lancé en septembre dernier à la Cité de l’Architecture et du Patrimoine, a ouvert la voie à ce nouveau projet. Depuis septembre dernier, nous avons fait du chemin. Nos représentants et nos membres, au sein de nombreux pays africains, ont repéré, analysé, contribué au sein de ce magazine, autour d’enjeux territoriaux, urbains, architecturaux que connaissent l’Afrique, dans sa diversité. Dans le Maghreb, en Afrique subsaharienne, francophone mais aussi anglophone, et même jusqu’en Afrique du Sud. Des enjeux qui ont trait tout aussi bien à l’architecture, qu’à la construction. Nous avons également souhaité aborder la question des matériaux comme celle de l’urbanisme, ou encore de la voirie et des réseaux. Mais également des questions patrimoniales. C’est tous ces sujets passionnants que nous vous invitons à découvrir au sein de ce deuxième numéro d’AFRIKArchi Magazine. Notre association, a elle aussi poursuivi son développement. Nous avons proposé aux jeunes professionnels et étudiants africains mais également étrangers et issus de la diaspora, de concevoir des projets innovants dans le cadre du deuxième Concours international ARCHIGENIEUR AFRIQUE. Autour de la thématique du marché en milieu urbain, nous avons reçu à nouveau plus de 1000 participations, issues d’une trentaine de pays africains et étrangers. La délibération du Jury est déjà programmée pour le 25 Février prochain. Un grand moment en perspective ! A la suite de la délibération, nous organiserons comme le veut la tradition, une exposition itinérante des meilleurs projets, en Afrique et dans le monde. Nous allons organiser prochainement une nouvelle conférence et continuons à développer des partenariats avec des écoles, universités et entreprises. Nous continuons également à valoriser les meilleurs projets, en prospectant des fonds pour la réalisation du lauréat de la première édition du concours, « le Baobab Urbain ». Quant à ce magazine, nous l’initions, mais comme vous le savez c’est avant tout le vôtre. Une nouvelle fois, nous vous invitons bien sûr à le lire et à le partager autour de vous, mais n’hésitez pas à également nous faire part de vos propositions d’articles, publications ou photographies. Notre comité éditorial se chargera de sélectionner les propositions les plus pertinentes. Enfin, nous souhaitons également faire appel à vous, nos lecteurs, car pour que cette initiative perdure, nous avons également besoin de la rendre pérenne financièrement. Si vous aimez nos actions, vous pouvez nous soutenir en adhérent à l’association ou simplement en effectuant un don. Mais nous sommes également ouverts à toute proposition de mécénat ou de partenariat. Nous comptons sur vous, et avons à l’esprit que chaque lecture est déjà un soutien. Pour une Afrique ouverte, développée, valorisée, et reconnue sur la scène internationale. Khader BERREKLA Secrétaire Général d’AFRIKArchi

AFRIKArchi © Fev - Mar - Avr 2014

La reproduction, même partielle, des articles publiées dans AFRIKArchi Magazine est interdite. AFRIKArchi Magazine décline toute responsabilité pour les documents remis. Les photos et illustrations avec la mention © DR sont des éléments à droits réservés. Les articles sont libres de toute publicité, y compris l’agenda. Les dessins techniques reproduits sont non-contractuels.

« Ce magazine, nous l’initions, mais comme vous le savez c’est avant tout le vôtre. Nous comptons sur votre précieux soutien »


CRITIQUE ARCHITECTURALE

La Statue de la Renaissance de Dakar

Après son inauguration en grande pompe en 2010, que restet-il aujourd’hui de ce monument censé surpasser la Statue de la Liberté ou l’Arc de Triomphe ? Critique architecturale, urbaine et environnemental d’un édifice dont l’état, quelques années après son ouverture, pose question.

23

A LA UNE

Le village-opéra de Laongo Un urbanisme et une architecture respectueux du site et offrant de réels bénéfices pour les populations environnantes. Un projet original et ambitieux pour le BurkinaFaso. A découvrir !

24

PATRIMOINE

Ouidah, moule de l’art contemporain africain Retour sur la restauration du musée d’art contemporain de la ville de Ouidah au Bénin, dans une ancienne bâtisse de 1922 entièrement rénovée par la Fondation Zinsou. Une rénovation exemplaire et une manière innovante d’apporter la culture dans les milieux populaires africains.

40

TRIBUNE

La ville africaine du XXIème siècle Quatre tribunes, quatre visions : quel avenir pour la ville africaine de demain ? Des acteurs et des passionnés de l’architecture africaine nous dévoilent leur approche de la ville africaine du XXIème siècle.

4 | #2

46


A LIRE AUSSI...

Sommaire

ARCHITECTURE 7

Hope City, le rêve deviendra-t-il réalité ?

8

Jean-Joël Mebaley et l’Ordre Gabonais des Architectes

11

Housing in Kigali

14

Concours du Pavillon d’architecture au Niger

17

Archibat et la Côte d’Ivoire

CONSTRUCTION 36

A quand les AFRICODES ?

38

Des constructions viables au Bénin ?

PATRIMOINE 42

Les journées du patrimoine de Casablanca

44

Décrépitude de Tombouctou, l’ancêtre

URBANISME & VRD 56

A quand des contrats africains dans les domaines de l’assainissement, de l’urbanisme et des VRD ?

58

Algérie, un urbanisme qui pose question

60

Dakar à l’heure du développement durable

64

Liaisons urbaines à Porto-Novo, la possibilité d’un entre-deux créatif

AGENDA 68

Les prochaines dates-clés

Crédits photographiques : Couverture, pages 24 à 35 © Francis Kéré Architecture ; page 7 © OBR Architectes ; pages 8 et 9 © DR ; page 10 © AFRIKArchi pages 11 à 12 © DR ; pages 14 et 15 © A. Yayi et RS de Lima ; pages 17 à 23 © DR ; page 36 © AFRIKArchi ; page 38 © Romarick Atoke ; pages 40 à 49 © DR ; page 50 © Jean-Louis Fulcrand ; pages 51 à 56 © DR ; page 58 © AFRIKArchi ; Pages 60 à 62 © DR ; pages 64 à 67 © Francis Sessou et Franck Houndégla ; page 58 © DR. Sommaire : © Francis Kéré Architecture et © DR.

www.afrikarchi.com | 5


APPEL A COLLABORATION BENEVOLAT

LE

GRAND

COTONOU Projet de charte architecturale, urbaine et paysagère

Les enjeux du projet > Améliorer l’accessibilité, l’assainissement et les VRD dans les quartiers de la ville.

> Proposer des aménagements d’espaces verts paysagés durables et de qualité dans la ville.

> Désengorger la ville et proposer des solutions > Privilégier les circulations routières et piétonnes sécurisées à travers la ville et rénover l’éclairage > Proposer des identités architecturales, urbaines et les percées.

Architectes Ingénieurs Urbanistes Topographes ... Sociologues Historiens Anthropologues ... Acteurs locaux Consultants ...

Explication et Diffusion de la démarche sur la ville. Elaboration du cahier des charges & plan d’actions

1

2

Mise en place

Equipe

2013

Sensibilisation & Implication d’entreprises nationales et internationales

Visites de sites Précision des actions à mener

3

4

5

Bouclage d’une première proposition du projet

6

7

Activater la première graine

8

Egrainer

Fédérer :

Activer :

Pérenniser :

Recherches Etudes Archives Cartes Bibliographie Entretiens

Echanges Conférences et tables rondes occasionnelles, melant experts, usagers et acteurs de la ville.

Workshops, Expérimentations, Construction maquette ou échelle 1 Prototypage

Présentation du projet à la municipalité de Cotonou Recherches d’investisseurs nationaux et internationaux

2014

2015

Vous êtes interessé par une collaboration internationale pour ce projet sur le Grand Cotonou. Où que vous soyez, Contactez-nous!

www.globalarchiconsult.com

Global Archiconsult Call Us : +33 (0)6 26 57 41 60 contact@globalarchiconsult.com


ARCHITECTURE | Ghana

Hope City. Le rêve deviendra-t-il réalité ? Un grand projet pour la capitale ghanéenne

À

l’heure présente, il n’est rien de plus qu’un terrain négligé, couvert par quelques arbustes et des herbes sauvages. Mais dans quelques années, cet espace recouvert de verdure juste à la sortie de la ville d’Accra au Ghana, sera sans doute transformé en un terrain fertile aux plus grandes innovations technologiques du monde. Le projet est une initiative de M. Roland Agambire, Président du Groupe AGAMS et Directeur de RLG Communications Group Ltd, en collaboration avec le gouvernement ghanéen. Dans le cadre de la politique nationale de développement, l’objectif est de tourner le Ghana vers une société de la connaissance et de jouer un rôle actif dans l’économie mondiale. Hope City sera l’hôte d’un ensemble de bâtiments et des installations constituant un important parc technologique. L’ensemble du projet devrait couvrir une superficie totale d’environ 1 200 000 m². Il a été conçu comme une ville de façon verticale composée de tours reliés entre elles par des ponts à différentes hauteurs, avec des installations publiques et privées. L’ensemble est composé de six tours. La plus haute s’élèvera à plus de 270 mètres et comptera soixante-quinze étages. Il s’agira tout simplement du plus haut bâtiment du continent africain. Deux autres tours compteront soixante étages et feront 216 mètres de hauteur, quant aux trois autres, elles mesureront 152 mètres de hauteur. Le projet a été conçu par les italiens Paolo Brescia et Tommaso Principi de l’agence Open Building Research. La conception architecturale est basée sur la forme de maison ronde traditionnelle, principalement trouvée dans trois régions au Nord du Ghana. « Nous voulions recréer à une échelle différente le même sentiment de la maison. L’objectif du projet est de créer un lieu de vie, de découverte et d’exploration qui reflète la tradition et la culture des populations locales dans un cadre urbain, contemporain.», explique Paolo Brescia.

Un projet permettant la création de 300 000 emplois Le site de construction de Hope City initialement prévu à Donkonaa, a été déplacé à Prampram. Le changement est lié à plusieurs raisons. Il s’agissait de satisfaire les intérêts des investisseurs et d’alléger la tâche dans l’acquisition des terres pour ce projet de plus de 10 milliards de dollars. Le nouveau site pour le projet couvre un espace de 900 acres, sera situé à proximité du futur aéroport international et du port prévu pour les années à venir. « Le nouveau site à Prampram possède une topographie avec peu de contraintes et des aménagements de transport seront réalisés pour accéder facilement au site. » En outre, le nouvel emplacement offre plus d’espace, permettant la création de 300 000 emplois au lieu des 50 000 emplois estimés à l’ancien site. La société souhaite cependant préciser que le site à Dunkunaa sera lui aussi développé, mais autour d’un concept différent qui est en cours d’élaboration. L’installation abritera une université technologique, des centres commerciaux, bureaux, zones résidentielles, des centres de jeu ainsi qu’un hôtel cinq étoiles. En somme, ce projet vise à accueillir les plus grandes entreprises de technologie et de télécommunications, telles que Microsoft ou Google. Le lancement des travaux était initialement prévu pour le mois de juin 2013, mais pour des raisons encore inconnues, le projet connait désormais un retard considérable d’au moins 5 mois. De plus, pourquoi encore et toujours faire appel à des architectes occidentaux pour bâtir nos villes plutôt que de mettre en pratique nos valeurs culturelles et nos compétences locales ? Jusqu’ici, l’on ne peut encore se prononcer sur les retombées de ce méga-projet, mais une question reste en suspens : le rêve deviendra-t’il réalité ? Serano STAHEL

www.afrikarchi.com | 7


ARCHITECTURE | Gabon - Interview

Jean-Joël Mebaley et l’Ordre Gabonais des Architectes Afrikarchi Magazine a rencontré Mr Mebaley Jean Joel, Conseiller de l’Ordre Gabonais des Architectes (O.G.A.) à son cabinet DESTINY EA. Dès les salutations, Mr Mebaley nous faisait déjà faire le tour de ses locaux dont le matériel traduisait un cabinet high-tech. La courtoisie, le charme, la bonne humeur de ce Monsieur ne pouvait que nous mettre à l’aise. Nous prenons place dans son bureau pour l’interview. M. Mebaley, vous êtes le conseiller de l’OGA (l’Ordre Gabonais des Architectes). Pouvez-vous vous présenter et nous présenter l’OGA ? Je suis Architecte Senior, membre et conseiller de l’OGA, Directeur du Cabinet DESTINY Executive Architects, et Expert formateur en entreprise. OGA est une institution née par décret présidentiel placée sous la tutelle du Ministère des travaux publics. Elle regroupe tous les architectes habilités à exercer au Gabon, et fonctionne comme une association de professionnels. A sa création en 1976, il n’y avait pas d’architectes libéraux gabonais ; mais plutôt des architectes d’État et des architectes étrangers exerçant au Gabon. Aujourd’hui, 37 ans après, on compte plus de 20 cabinets d’architecture bien structurés et ayant pignon sur rue. Quelles sont les activités de l’OGA et combien d’Architectes y sont inscrits ? L’OGA recense, suspend ou interdit les architectes inscrits en son sein et organise la profession. Le recensement se traduit par l’inscription des jeunes architectes gabonais diplômés et de tout architecte expatriés qui viennent exercer au Gabon. Ils ont le devoir de se faire enregistrer à l’OGA, dès leur arrivée au Gabon. Lorsque qu’un expatrié s’installe pour une durée limitée il n’est pas inscrit à l’Ordre ; mais se fait chapeauter par un autre Architecte inscrit au Tableau de l’Ordre. L’inscription au Tableau de l’Ordre se fait une fois par an, et sur demande. Après sa publication les nouveaux 8 | #1

postulants seront enregistrés mais ne figureront qu’au prochain Tableau. Actuellement, nous avons une soixantaine de professionnels figurant au Tableau. L’OGA fonctionne grâce aux cotisations mensuelles de ses membres et œuvre depuis peu pour la promotion des architectes gabonais. Est suspendu ou interdit toute personne ne respectant pas le règlement de l’Ordre ou dont les actions et travaux jettent du discrédit sur la fonction d’architecte. Extraits du règlement : L’article 9- « En conformité avec les dispositions de l’U.I.A, le terme « architecte » est réservé par la loi à une personne qui est professionnellement qualifiée, diplômée en architecture et inscrite au Tableau de l’Ordre. Nul ne peut porter le titre d’Architecte ou s’en prévaloir, s’il ne remplit les conditions ci-dessus » L’article 17- « Les personnes physiques titulaires d’un agrément en architecture portent le titre « d’Agréé en architecture » et figurent au Tableau de l’Ordre ».

Quel est votre rôle en tant que conseiller de l’Ordre ? Il va de soi, je conseille le Président de l’Ordre de manière générale sur le fond ainsi que sur la forme. Pourriez-vous nous dire quelques mots sur votre parcours ? Pour moi, rien n’était prévu dès le départ. Je fais mon cursus au Lycée, à Makokou où j’obtiens mon bac série D. Amoureux des sciences, je m’inscris à l’UOB (Université Omar Bongo de Libreville, en faculté des sciences.


Seulement très vite les cours m’ennuient : rencontrer les mathématiques partout devenait assez dur à supporter pour « un touche à tout » comme moi. La diversité des cours du lycée me manquait énormément. Il me fallait trouver une filière plus riche. La création de l’USTM (Université des Sciences et Techniques de Masuku), où se dérouleront dorénavant nos cours, n’a fait que me déprimer encore plus : Masuku (Franceville) constituait pour moi un coin perdu très éloigné de mes repères. Par chance avant la fin d’année, le concours d’entrée à l’EAMAU à Lomé, se présenta. C’est ainsi que je saisis l’occasion de découvrir de nouvelles choses. Croyez-moi, je n’en fus pas déçu. A Lomé, je fus tout de suite séduit par le fonctionnement libre et éclectique de l’EAMAU : pas de local fixe pour les cours, mais des bâtiments dispersés un peu partout, certains cours se déroulaient même dans l’enceinte de l’Université de Lomé. Les étudiants séjournaient aux alentours de ces bâtiments et la navette était assurée par un bus. J’étais émerveillé. Sur ces bancs me viennent l’idée de la création du Cabinet DESTINY. En 1993, jeune diplômé, je suis Architecte freelance. Où que j’aille, j’aménage un coin dans mon studio qui me sert de cabinet. A mes débuts à Makokou, je m’installe avec du matériel acheté en France. Je passe après à la fonction publique en tant qu’Architecte du Ministère des Travaux Publics chargé du contrôle des travaux. Puis, je suis pris dans une entreprise privée, SOCOBA (Société de Constructions et de Bâtiment), en tant qu’Architecte en chef des travaux de Bâtiments. J’y ai créé en 2003, le Département Études afin de répondre au mieux à la concurrence et d’introduire depuis la formation à la qualité pour son fonctionnement durable. En 2008, je lance ma propre structure, celle-là qui a toujours été dans mes pensées depuis 1991, DESTINY EA. « DESTINY » car c’est le destin qui m’a conduit à l’Architecture.

L’aisance avec laquelle je conçois les demandes de mes clients m’amène à penser qu’on naît architecte. On peut le devenir après une formation ; mais dans ce cas, votre travail reflètera le plus souvent celui de votre maître à penser et vous aurez du mal à exceller ! Aujourd’hui, bien que la passion brûle en moi, je pense remettre le cabinet aux mains de la jeune architecte, Melle PAMBO pour me lancer vers d’autres horizons.

Quelle est votre opinion sur l’architecture au Gabon, les défis de l’OGA ? Il n’y a malheureusement pas d’Architecture au Gabon. On n’a pas encore annoncé la mort d’un seul Architecte gabonais mort à la tâche. Tout simplement parce que peu de travaux nous sont confiés. Si des Cabinets se retrouvent sans travail, il faut regarder du côté des décideurs gabonais pour comprendre pourquoi. Tout dirigeant devrait laisser de l’architecture à son peuple, car après sa disparition c’est son architecture qui reste. Le cas des civilisations anciennes ou encore plus récemment celui de Oscar Niemeyer, grand Architecte brésilien en est une illustration. Pas d’architecture pas de développement. L’OGA n’est devenue très actif que ces dernières années. En 2000, il n’y avait que 5 cabinets d’architecture gabonais. Mais en 2009, il y a eu une restructuration organisationnelle de l’OGA par le biais de l’élection d’un bureau de l’Ordre. Et également, un accent particulier porté sur la Communication (interventions dans différents médias, Tableau de l’Ordre, insertion dans les annuaires locaux,…). Dorénavant, il s’agit en plus de recenser, d’organiser la profession, de parler d’Architecture et de faire parler d’Architectes. Ces trois dernières années sous le mandat de Mr Thierry OKENGUE un travail institutionnel a été fait. Nous avons multiplié les rencontres professionnelles avec l’ensemble des intervenants dans l’acte de bâtir.

www.afrikarchi.com | 9


ARCHITECTURE Quels sont les freins que l’OGA a eu à rencontrer dans l’exercice de ses fonctions ? L’OGA en tant que telle n’a pas eu de freins. C’est d’une part l’arrivée tardive sur le marché d’architectes libéraux gabonais et d’autre part l’intervention d’architectes internationaux sur des projets gabonais qui contribue à l’absence de l’architecture gabonaise. L’OGA multiplie ses rencontres de sensibilisations, la balle est dans le cas des autorités gabonaises. Que pensez-vous d’AFRIKArchi ? C’est selon moi une très bonne initiative. Vous avez tout mon soutien. D’ailleurs, pour votre prochain concours, je vous propose le thème de l’habitat rural. C’est une problématique réelle ici au Gabon où 80% de la population est concentrée à Libreville. Du coup, l’environnement dans les campagnes, de nombreux hectares, reste peu touchée et l’on pourrait imaginer un cadre de vie en accord avec la nature, agrémenter l’Agriculture pour avoir de belles perspectives et créer aussi des espaces utiles pour une autosuffisance alimentaire. Pensez-y !

Quelle est votre vision de la ville africaine du XXIème siècle ? La ville africaine reste un modèle unique à réinventer. En faisant une synthèse de tous les problèmes rencontrés à travers les siècles pour l’aménagement d’une ville et avec les puissants outils de projection actuels, l’Afrique est le lieu où on peut faire les plus belles villes. Un message pour les jeunes acteurs africains, étudiants comme professionnels ? Il faut toujours soigner son image : langage, carte et habillement. Depuis ses locaux jusqu’au travail que vous rendez, tâchez de le faire de façon irréprochable. Se mettre en valeur pour espérer en retour une considération digne. Apprenez à réaliser à vos clients ce qu’ils sont à mêmes de vous payer. Ne vous tuez à la tâche que quand cela en vaut la chandelle. Proposez des solutions adaptées aux bourses de vos clients. Ne vous laissez pas décourager et apprenez à démarrer l’impossible avec le disponible. Rachidatou TCHAGBELE

Clin d’oeil

C

ourant décembre 2013, l’association AFRIKArchi a été accueillie par M. Bruno Mengoli, le Directeur de l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Paris-la Villette, l’une des plus importantes écoles d’architecture de France. Cet échange a permis de valoriser les actions entreprises par l’association afin de développer l’échange international autour des domaines de l’architecture, de l’urbanisme, de l’ingénierie, mais également de promouvoir les jeunes talents africains à travers le monde. Au cours de cette rencontre, les jalons d’un partenariat ambitieux ont été posés, puisque le

10 | #1

Directeur de l’école a sondé AFRIKArchi sur les potentialités de partenariats pédagogiques entre l’école parisienne et les écoles et universités en Afrique. L’établissement a ainsi souhaité nous auditionner dans le cadre de sa réflexion portant sur la création d’enseignements ayant trait à l’Afrique. Bref, ce partenariat met donc en exergue des perspectives de développement intéressantes pour l’association et pour l’établissement... et nous vous annonçons dès maintenant une bonne nouvelle à venir très prochainement ! Khader BERREKLA


ARCHITECTURE | Rwanda

Housing in Kigali

R

wanda, officially the Republic of Rwanda, is a country in central and eastern Africa with a population of Approximately 10,5 million(2012). Rwanda is located a few degrees south of equator, and it is bordered by Uganda, Tanzania, Burundi and Democratic Republic of the Congo. All of Rwanda is at high elevation (country of a thousand hills), with a geography dominated by mountains in the west, savanna in the east. The climate is temperate with two rain season and two dry seasons every year. Kigali City, the capital of Rwanda, is one of the fastest growing cities in Africa and has the fastest rate of urbanization. As we work towards our goal of becoming a leading urban centre in the region and on the African continent, we will try to follow a route of sustainable development, through balancing the needs of the economy with that of the environment and the community. In 2007, the Kigali conceptual master plan by US based Oz architects, developed by the Singaporean city planners Surbana envisaged a de-centralized city with densely populated sub-centres connected with a mass transit system to a sparkling new central business district - a new financial and IT hub for East Africa -. Rapid urbanization caused in part by an ever increasing population and rapid rural to urban migration has and will continue to put pressure on the capital city of Rwanda. Apart of Kigali master plan, the government

of Rwanda produced legal framework documents such as: National land policyin 2009, National urban housing policy, National human settlements policy which contain regulations on grouped housing known as IMIDUGUDU in Kinyarwanda. The government of Rwanda is reinforcing and encouraging its people to live in IMIDUGUDU. Within this strategy, it is easier to provide facilities, infrastructures, and services for grouped housing. The view of government on urban housing, is dense housing which can accommodate many people, that is why, the city of Kigali will accommodate 3million and today’s population about 1 million. This article discusses and describes housing issues between the African and the local Rwandan mostly in urban areas like Kigali. Kigali Housing is characterized by large squatter settlements largely developed spontaneously and without planning. The discussion reveals an analysis of existing built form, urbanization and demographic pressure, government attempts to react on and organize these spontaneous processes. The target of this article is to give solutions on the following questions: What kind of Housing is suitable for those growing urban population/cities? Are Rwandan people ready to live in small flats within high-rise building? Is this suitable both in terms of urban models and culturally and socially sustainable development of Rwanda? What housing typology suitable for cities like Kigali? www.afrikarchi.com | 11


ARCHITECTURE Urban housing is a worldwide need, especially urgent in rapidly growing cities of the developing world, evident in unplanned and informal communities.( Bhatt. V & Rybczynski. W, 2004). Kigali, a young city, is founded in 1908 by the German Richard Kandt. Kigali City has the fastest rate of urbanization. Its density is particularly very high (1,049 in 2002 and 1,556 persons per square kilometre in 2012) and the city continues to grow at rate of 5.7% per annum. Recently the City of Kigali instigated a Housing Demand study which identified the need to build over 300,000 ‘formal houses’ over the next 10 year period. The current data shows that Kigali has 223,000 houses with 50% are in good condition, 32% need upgrading and the rest rate needs to be replaced. The government of Rwanda is facing such problems, for provision a systematic approach to affordable housing for all the people residing in the city. From its creation till now the city has been developed, built in different ways. The housing needs continue to grow in such manner informal settlements were created. The city of Kigali is characterized by informal settlements, in which the majority of the urban poor live . And low income people, they are in urgent need of upgrade or replacement or are located on steep land deemed unsafe. This, in combination with land clearance for new city developments, has justified demolition and re-settlement of many central communities to the edge of the city in new planned village-like developments. The character of Kigali’s citizens is that everyone wants to have a small house. The edges of the city are being developed informally to have a sense of ownership. These people who live in those small units they are not familiar with high rise buildings. If you walk around Kigali’s informal areas you discover that everyone wants to maximize land by building it which make those places lacking open spaces such as playgrounds, and public squares. You may find houses with small pathways in between sometimes bordered with buildings walls or fences. The use of fences is predominant in informal and formal settlements; these fences are used for privacy and security reasons. Businesses are along those small streets, there is a mix of commercial activities within the dwellings, and some buildings have shops in the front and bedrooms at the back. There is no separation of activities in informal settlements.

An informal area with mix of activities at Gitega

12 | #1

Banyahe, an informal neighborhood in Kigali

All the projects focusing on Umudugudu (grouped housing) like Gacuriro, Gisozi (Chez Gaposho), Kibagabaga, and Batsinda. There was not consideration about different economic classes. The first three are for high and medium income which represents a small percentage of people of Kigali. The only village that people for low income can afford is Batsinda, even it was built to accommodate people relocated from Kiyovu. All of these housing projects contain one typology; there is no variety of typologies which make these places for a certain group. In these places, there is a separation of activities which is different to the life of informal areas.

Nyarutarama typical house for medium and high income

To conclude, the type of housing that is suitable for Kigali’s residents, is a housing which contains various typologies, mixed, which can combine all facilities, services and infrastructures. The housing typology should be flexible, being able to be changed as users wanted. Planning housing in Kigali, town planners and architects need to recycle wasted spaces mostly wasted due to the physical character of Kigali where 50% is on high slope with the gradient of 20%. Most of houses built in these areas are on high risk, they are unsafe. One of the options that can help us to adapt on those places, is using retaining walls which become building walls, circulation, drainage and recreational spaces which are lacking in informal areas. Currently there is no creative way to adapt on those areas.

Jean-Paul BIGIRIMANA


Maintenant disponible en kiosque

www.afrikarchi.com | 13


ARCHITECTURE ARCHITECTURE| Récompense

Abiola Yayi et Robert Soares de Lima

Lauréats du concours : Le pavillon d’architecture en terre au Niger

L

e pavillon de Terre, issu de la proposition du concours, doit refléter dans son projet architectural, l’utilisation du matériau terre dès les premiers croquis. La relation entre le site et le pavillon aussi doit être explicite, puisque l’idée d’une architecture unique qui puisse s’implanter dans n’importe quel endroit a été surmontée. Le territoire africain possède des particularités qui nécessitent un regard plus attentif aux questions architecturales, climatiques et sociales. Sur le continent, il existe tant de nuances qu’il serait impossible de penser à une architecture unique qui se répèterait indéfiniment sur tout le continent. Niamey possède un climat semi-aride selon Köppen, avec peu de pluies durant l’année, et même certains mois sans pluie. Ceci implique la nécessité de penser à une architecture qui réponde à ces conditions climatiques rudes. La terre crue comme élément de construction offre ainsi un excellent confort thermique, qui maintient à l’intérieur des édifications une température douce durant toutes les différentes saisons de l’année. Ceci est dû aux propriétés naturelles de 14 | #1

l’argile maintenues in natura. (ABCP, 1987 apud SATO). Ainsi, ce matériau se définit comme un excellent choix pour la construction civile dans cette ville.

Un matériau qui répond aux enjeux socio-économiques du territoire d’implantation du projet Vaincus les préjugés, la terre crue comme matériau de construction répond aussi aux enjeux de la réalité socio-économique africaine. La terre est facilement accessible, c’est un matériau de proximité. Quand il est bien travaillé, ce matériau offre des conditions d’habitabilité supérieures à la grande majorité des matériaux actuellement utilisés dans la construction civile. Mieux encore, la terre a une valeur symbolique qui depuis toujours fût associée à la notion de culture africaine. Rien de plus naturel donc que ce matériau qui, en s’adaptant aux quelques améliorations technologiques qu’offre notre ère, peut retrouver sa place de choix dans le quotidien des populations.


Le concours d’idées international-Pavillon de l’Architecture en Terre prétend, entre autres aspects, transmettre le message que la terre comme matériau de construction, n’a pas besoin d’être substituée par d’autres matériaux soi-disant ‘’nobles ‘’ étant donnée la réalité de l’Afrique qui est très différente de l’Europe, principalement. Il est donc incohérent de vouloir simplement importer l’architecture d’autres régions vers l’Afrique.

Nous avons aussi pris en compte également des données sur la pluviométrie, observé les édifications existantes et la végétation des alentours du site. Enfin, nous avons considéré les flux principaux existants et à développer, ainsi que les types d’activités développés aux alentours du site.

Nous avons utilisé la technique connue en milieu francophone de la terre pisé, appellée ’’taipa’’ au Brésil, pays de formation des membres de Une architecture bioclimatique, notre équipe. Cette technique est appelée plus réalisée avec la technique de la spécifiquement taipa de pilão. En général, dans terre pisé cette technique, la terre crue est compactée entre des plaques de bois appelées ‘’taipais’’, que sont Notre proposition consiste en une analyse mises l’une à côté de l’autre, qui donneront forme minutieuse du site sur lequel sera construit le au mur. Nous croyons qu’il est préférable d’utiliser pavillon. Ainsi nous avons observé l’insolation qui une technique utilisant la terre crue que d’autres l’atteint, en prêtant attention à son orientation ; où la terre est cuite, car la ressource énergétique nous avons cherché des informations susceptibles utilisée est moindre dans le cas de la terre crue. de nous indiquer les vents dominants de la ville de Abiola YAYI Niamey.

www.afrikarchi.com | 15


ARCHITECTURE

CONSULTANT AFRIQUE VOUS FACILITE LA REALISATION DE VOS PROJETS

EN AFRIQUE

Annuaire International de consultants en externalisation de compétences (outsourcing) pour l'Afrique. Les consultants sont classées par secteurs d'activités et par pays.

International Directory of consultants in outsourcing competences (outsourcing) for Africa. Consultants are classified by sector and country.

www.consultant-afrique.com 16 | #1


ARCHITECTURE | Côte d’Ivoire - Interview

Guillaume Koffi & Ismaël Boga N’Guessan ARCHIBAT ET LA CÔTE D’IVOIRE

C’est un Guillaume Koffi décontracté, heureux que nous avons rencontré dans le Cabinet Koffi & Diabaté Architectes à Cocody (Abidjan). Les mains dans la poche, la cravate laissée quelque part pour souffler la simplicité, le sourire brillant comme une fleur blanche, et les yeux bleuis de joie et de sympathie... ARCHIBAT, ce grand rendez-vous de l’architecture et du bâtiment, qui a ouvert ses portes pour la quatrième fois le 7 octobre 2013 à l’Hôtel Ivoire, a laissé l’exultation large à la bouche des organisateurs. Guillaume Koffi, président du CNOA-Conseil National de l’Ordre des Architectes de Côte d’Ivoire, en est le premier. Lui l’un des cerveaux de cette idée impressionnante qui fait aujourd’hui croître l’espoir et l’espérance des Architectes de Côte d’Ivoire. Aujourd’hui, ARCHIBAT a fermé ses portes. En attendant la cinquième édition, ARCHIBAT 2015, quel bilan fait-on de l’édition 2013 et des éditions précédentes ? Quelles perspectives pour demain ? Guillaume Koffi se livre…

www.afrikarchi.com | 17


ARCHITECTURE Comment est né ARCHIBAT et qui en sont les initiateurs ? ARCHIBAT est né du rêve concomitant de deux amis, Ismaël N’Guessan, professionnel de la communication et moi-même. Parce qu’effectivement, nous avons senti le besoin de promouvoir l’Architecte, l’architecture et le bâtiment en Côte d’Ivoire, en particulier. Cela fait plus d’une dizaine d’années maintenant qu’il fallait faire quelque chose pour pouvoir sensibiliser les pouvoirs publics et les populations face aux différents fléaux que nous subissons. Ceci, au niveau des villes : les constructions anarchiques, le peu de considération que nous avons pour l’environnement. Mais il s’agissait aussi de faire comprendre aux gens que le fait de subir tout cela n’était pas une fatalité, et que l’avenir de nos villes, la qualité de nos villes dépendait tout simplement de nous. Il fallait donc trouver une plateforme pour pouvoir exprimer tout cela. Mais comme ce sont des sujets qui peuvent être ennuyeux pour le commun des citoyens, nous avons trouvé qu’allier cette problématique-là à une plateforme d’échange commercial sur les des matériaux de construction pouvait permettre de rassembler sur un même lieu, tous les acteurs du cadre bâti. C’est ainsi qu’est né en 2007 la première édition d’ARCHIBAT. C’était un grand défi ! Cette année nous en sommes à la quatrième édition.

Quels enjeux étaient visés ? Nous avions établi différents thèmes. En 2007, à la première édition d’ARCHIBAT, c’était : « Bâtissons mieux aujourd’hui, pour mieux vivre demain ». Ensuite en 2009, « changeons nos villes, pour changer nos vies ». Et en 2011, nous avons choisi un thème lié à l’actualité sociopolitique, qui était « Le droit au logement ».

18 | #1

Et en cette année 2013, nous l’avons baptisé « Habiter autrement » pour pouvoir effectivement répondre à la problématique de logement pour le grand nombre. Il faut que nous changions notre mode d’habitation, notre façon de vivre ensemble. Il faut pouvoir vivre densément. Ce qui veut donc dire vivre plus collectif, vivre en hauteur, et cela n’est pas une fatalité pour les Africains. C’est aussi la mise en place de règles de vie que nous puissions respecter. Je pense que les pays développés l’ont fait avant nous. Alors il faudra pour ce faire sensibiliser les populations et se donner les moyens d’y arriver. Et ce sont des choses en lesquelles nous croyons. Il suffit que nous soyons aidés, épaulés par la puissance publique.

Justement, pensez-vous que tous ces problèmes politiques et électoraux, sont un frein à la réalisation effective de tous ces projets ? Vous savez, ce sont des combats de très longue haleine. On le constate, et cela est mondialement connu, que les calendriers politiques ne correspondent pas aux calendriers des projets humains. Mais, il reste à nous de trouver les mécanismes qui vont pouvoir faire concorder les deux choses. Sinon ce sont deux concepts diamétralement opposés. Cela est clair. Mais, c’est à force de leur rabâcher les oreilles qu’ils peuvent s’aligner. Parce que c’est important que les politiques aient de la considération pour nos projets, car ils les concernent aussi de toutes les façons.

Alors quelles avancées peut-on noter depuis la première édition ? Simplement la preuve que nous sommes là. Et même si toutes nos préoccupations ne sont pas prises en compte, les gens savent maintenant que nous existons.


Cela signifie-t-il que ce n’était pas le cas avant ? Aujourd’hui, on nous écoute plus ou moins. Et on sait également, que le travail que nous avons accompli depuis maintenant 8 ans commence à porter ses fruits. Et je le disais tantôt, c’est un travail de longue haleine. Présentement, on a l’actuel ministre de tutelle qui est très réactif. On ne dit pas que ce sont nos thèmes à belle glande qui l’ont emmené à prendre ces grandes décisions, mais nous y avons contribué. Cette année, vous-même vous l’avez constaté, le nombre de décrets qui a été pris est très important ! Et cela est à saluer. Car ces décrets ont pour but de faciliter l’accès aux actes qui consolident le droit sur le foncier. C’est-à-dire le type de propriété définitif qui s’appelle aujourd’hui l’ACD (Arrêté de Construction Définitive) signé il y a 3 mois à peine. Avant, on avait une multitude d’actes avant d’accéder à la pleine propriété. Aujourd’hui, il n’y a qu’un seul acte. Et nous, cela nous réjouit. Il y a eu également ce nouveau décret qui fixe un barème par rapport à la purge foncière au niveau des terrains villageois. C’est une avancée notable, plafonnée à 3000 francs CFA le mètre carré. Il s’agit désormais de le rendre opérationnel sur le terrain. Mais là, c’est une autre bataille. Au niveau de la loi, c’est déjà une avancée. Des décrets sur la copropriété aussi, qui permettent également aux syndics d’avoir un recours immédiat devant les juridictions de sorte que, si quelqu’un ne paye pas ses charges de copropriété, on puisse saisir ses biens pour pouvoir faire avancer les choses. Tous ces décrets déjà signés en 2013, c’est énorme ! On n’avait jamais vu cela auparavant. C’est vrai que ce n’est pas facile, mais nous avons foi que nous allons arriver quelque part, au bout de nos rêves. Puisqu’on peut déjà noter un grand pas vers le changement.

Quel est le budget d’une telle manifestation ?

Cela voudrait-il dire que les précédents ministres n’avaient pas fait leur travail ?

C’est d’abord un salon local mais qui est ouvert sur le monde et surtout sur l’ensemble des pays de la sousrégion. Nous avons également les exposants qui viennent de France, de l’Afrique du Nord notamment du Maroc et de la Tunisie. Et sa spécificité c’est qu’elle traite déjà de problèmes locaux pour pouvoir sensibiliser les populations, cible de proximité. L’autre chose, est que nous essayons d’ouvrir la discussion sur un certain nombre d’acteurs qui, à priori, n’ont rien à voir avec le bâtiment. Cette année par exemple, pour ARCHIBAT, nous avons initié un volet académique qui s’appelle ARCHIACADEMIE qui a permis d’inviter des acteurs divers, pour parler du « Pilotage d’une opération immobilière de A à Z ».

(Rires) N’oublions pas que nous sortons d’une grave crise qui a duré une dizaine d’années. Et les problèmes les plus préoccupants étaient les coups de boutoir politico-politiciens. Et on accordait très peu d’attention aux choses de la société. Dieu merci, nous sommes aujourd’hui dans un cycle beaucoup plus apaisé. Et les ivoiriens se sont remis au travail. Il n’y a qu’à voir les travaux effectués dans la ville d’Abidjan pour comprendre qu’il y a tellement de choses qui donnent l’espérance, qui accrochent.

Ah oui, cette question ! (Rires). Quand on a lancé ARCHIBAT en 2007, c’était un rêve de fou. Nous n’avions pas d’argent pour organiser une telle manifestation. Par contre, nous avions des idées, nous avions de l’imagination. Alors avec très peu, un budget minimum de 7 millions FCFA à l’époque, nous avons lancé le premier salon. Bien sûr, parce qu’il faut le dire, la mise en place opérationnelle a été progressive et avec la contribution des exposants. Tout ça pour vous dire que faire des choses intéressantes, ce n’est pas qu’un problème d’argent. C’est d’abord la volonté, de l’organisation, du sérieux et beaucoup de travail.

Par rapport aux autres salons mondiaux, quelle est la spécificité de ce salon ?

www.afrikarchi.com | 19


ARCHITECTURE

A gauche, Ismaël Boga N’Guessan et, au centre, la Première Dame de Côte d’Ivoire

Le thème donc intéresse les Architectes, les promoteurs mais également les banquiers, qui de façon traditionnelle, en terme de financement des travaux de l’habitat, sont essentiellement portés sur les crédits acquéreurs, ces crédits qu’on fait aux individus qui veulent acquérir une maison. Mais, comment voulez-vous qu’on puisse acquérir une maison, si celui qui fait la promotion de ces maisons n’est pas instruit sur les questions ? Voilà comment nous avons réussi à faire participer tout ce monde et cela a eu un impact positif. Tout le monde est informé, alors mieux les choses sont.

Ce salon peut-il vraiment être considéré comme la vitrine de l’architecture africaine ? Ce serait peut-être prétentieux ! (Rires). Mais, il contribue à mieux faire connaître l’Architecture, l’architecte et le métier. Il y a 7 ans, par ici, quand on parlait d’Architecte, on entendait dire « c’est quoi celui-là ? Bah comment donner autant d’argent à quelqu’un qui fait de petits dessins, qui a un rôle si limité… » D’autres encore disaient « Les Architectes sont chers » Et pourtant, tout travail mérite un salaire. Et puis attention, le travail que fait l’Architecte permet non seulement d’avoir des constructions de qualité, et aussi de faire des économies sur les chantiers. Parce que, quand on construit sans Architecte, on est exposé à des erreurs monumentales qui pourraient coûter beaucoup plus chères que les honoraires de l’Architecte… En quelques années, on a contribué à mieux faire connaître le métier. Maintenant, je pense que l’architecture africaine est multiple. L’architecture à Ouagadougou n’est pas la même que l’architecture à Abidjan. Nous avons effectivement en Côte d’Ivoire la prétention d’avoir une écriture abidjanaise, ivoirienne de l’architecture. Et même, nous avons une marque que nous voulons et pouvons exporter vers les autres pays de la sous-région. 20 | #1

Quelle est la place des jeunes architectes dans la promotion de ce salon ? Nous, au niveau de l’ordre des architectes, nous nous battons pour que les jeunes aient entièrement leur place dans le tissu architectural. Parce que l’avenir leur appartient. C’est pourquoi, ARCHIBAT cette année a organisé des formations pour eux. Elles les ont réunis et leur a apporté les outils et rudiments pour une architecture vivante, et un urbanisme de proximité. Nous avons organisé aussi un atelier avec une quinzaine de jeunes architectes qui sont intervenus sur l’espace d’Adjouffou, quartier précaire situé dans le District d’Abidjan. Il le fallait. Parce que les gens pensent toujours que les Architectes et les Urbanistes ne servent que pour les grands projets. Mais non. Ce n’est pas vrai. Les gens doivent savoir que là où on a besoin d’Architectes, c’est là où il y a le moins d’argent. Et donc notre rôle à nous, c’est de transmettre notre hargne à ces jeunes pour qu’ils aient déjà du cœur et de la volonté. Devant le manque de professionnalisme dans le milieu du bâtiment en Côte d’Ivoire, devant le presque rejet des Architectes jugés trop chers, quelle politique concrète l’État et les Architectes de Côte d’Ivoire envisagent-ils pour la planification et le respect de la hiérarchie et des normes dans ce domaine ? Je pense que nous ne devons pas faire la politique de la chaise vide vis-à-vis des pouvoirs publics. Même si nous avons du mal à nous faire entendre, il faut que nous soyons présents pour dire au monde ce qu’est notre travail, notre si noble métier. Même si nous avons le permis de construire qui, avec toutes les crises successives que nous avons subies, a été cet instrument quelconque utilisé comme formalité administrative, il faut renouer justement avec cette tradition qui exige


que le permis de construire soit le passage obligé au niveau de l’acte de construire. Et qu’au niveau de la commission du permis de construire où nous sommes membres, malheureusement qu’à titre consultatif pour l’instant, nous ne jugions véritablement pas que des règlements de prospect et d’alignement au niveau de la réglementation urbaine mais que nous jugions aussi la qualité architecturale. Ce qui n’est pas le cas pour l’instant. Et si nous introduisons cette notion là au niveau de l’instruction des dossiers de construire, nous allons forcément améliorer la qualité architecturale. Parce que cette qualité architecturale passe également par l’éducation des masses. Et puisque les goûts et les couleurs ne se discutent pas, chacun allant avec sa définition du beau, il faudra alors juger par la qualité technique qui ne doit pas faire l’objet de marchandage. C’est donc une progression vers laquelle nous allons pour améliorer notre cadre de vie. Moi le premier. Parce que voyez-vous, je suis très critique sur la physionomie de la ville d’Abidjan qui s’est énormément dégradée. Et comme j’ai l’habitude de le dire à mes collaborateurs, Abidjan n’est beau que de la vue d’avion. Parce que quand on descend à échelle humaine, quelle catastrophe ! Mais, je pense que le temps et le travail permettront d’arriver à bout de tous ces maux-là.

Ismaël Boga N’Guessan, l’autre homme fort d’ARCHIBAT

Alors quelle marque comptez-vous laisser à cette jeunesse que vous avez transformée, émue de par votre plume, votre charisme qui donne envie de rêver et tout le renouveau que vous avez apporté à la grande famille des architectes de Côte d’Ivoire ?

S’il y a quelqu’un qui justement se bat pour promouvoir la plume des Architectes de Côte d’Ivoire, c’est cet homme très peu connu, humble, qui fait office de respect : Ismaël Boga N’Guessan. Initiateur du concept ARCHIBAT avec son ami de tous les jours, Guillaume Koffi, ce stratège en marketing a fait de ce salon, le porte-voix, la ligue de l’architecture de Côte d’Ivoire. Si, aujourd’hui la Côte d’Ivoire n’a pas encore de véritable écriture architecturale, elle a des produits et des hommes de qualité pour construire son empreinte et exporter sa plume. C’est cette image que veut vendre Ismaël N’Guessan qui s’est confié à AFRIKArchi Magazine le 21 novembre 2013.

Ce que j’ai envie de léguer véritablement aux jeunes Architectes, c’est une école d’architecture. Et, je compte ouvrir les premières classes de cette école en septembre 2015. Pourquoi ? Parce qu’en Côte d’Ivoire, nous n’en avons pas. L’école panafricaine (EAMAU) est à Lomé. Et la Côte d’Ivoire a aujourd’hui 24 millions d’habitants. Et nous ne sommes que 200 Architectes. C’est donc normal que nous ne puissions pas avoir notre impact sur la vie et les constructions. Nous serions 2000, 3000, en ce moment nous aurions de l’influence. Alors mon rêve, c’est qu’il y ait le plus d’Architectes possible. Et que dans chaque collectivité locale, dans chaque administration, il y ait des Architectes. Et là, vous verrez que vont bouger les choses. Et personnellement, ce que je demande aux jeunes, c’est d’avoir une formation solide. Parce que voyez-vous, nous sommes 200 Architectes, mais sur ces 200, si nous ne sommes que 10 qui vivons convenablement du métier, franchement, c’est un scandale ! Ce n’est pas normal ! Il faut donc de l’intégrité intellectuelle, de la recherche d’innovation, du travail. Il faut faire des constructions de qualité.

Pouvez-vous vous présenter à nos chers lecteurs ? Je suis BOGA N’Guessan Ismaël, Directeur de la société AS-MARKETING, accessoirement, Commissaire général d’ARCHIBAT. ARCHIBAT, pourquoi ? Qui en sont les initiateurs ? C’est une initiative commune entre AS-MARKETING et le Conseil national de l’Ordre des Architectes de Côte d’Ivoire qui fait son petit bonhomme de chemin et qui enregistre des croissances notables autour de 10%, preuve de l’engouement et de la professionnalisation de ce salon. www.afrikarchi.com | 21


ARCHITECTURE Après cette dernière et brillante édition 2013, quelle lecture faites-vous de ARCHIBAT et surtout d’ARCHIBAT 2013 ? Avez-vous des regrets ? Des échecs ? Des défaites ? Qu’espérez-vous pour la suite ? Aussi étonnant que cela puisse paraître, nous n’avons aucun regret. On ne peut enregistrer d’échec. Parce que sur toute la ligne, ce salon n’a été que succès, tant au niveau des visiteurs, qu’au niveau des exposants, tant au niveau des résultats financiers qu’au niveau de l’internationalisation du salon, tant au niveau des innovations qu’au niveau de la sensibilisation des populations, tant au niveau de l’organisation qu’au niveau de la trame des produits et des annonceurs, avec des croissances encourageantes. En terme de perspective, c’est surtout la possibilité de trouver un espace qui va être en capacité d’accueillir la prochaine édition qui reste en ce moment une priorité. Parce que si nous n’avons pas d’espace, nous serons au regret de dire que l’aventure s’arrête.

De quelle manière qualifieriez-vous l’architecture ivoirienne ? Premièrement, je dois préciser que je ne suis pas Architecte. Mais pour ma part, je pense qu’on ne peut pas parler de courant d’architecture avec une identité ivoirienne qui s’exprime et qui est visible. En tout cas, ce serait prématuré de croire même à sa possible existence. Déjà s’il n’y a pas d’école nationale d’architecture, cela suppose que les architectes ivoiriens sont de prime abord des architectes formés ailleurs. Donc, ils sont en train de construire selon des méthodes, des sciences ou des outils importés. Alors on ne peut pas parler de production architecturale à l’ivoirienne. On peut cependant noter aujourd’hui qu’il y a quand même des architectes qui se distinguent par la qualité des œuvres qu’ils produisent. Sinon à proprement dit, on ne peut pas parler d’architecture ivoirienne. Peut-être que l’histoire de demain va écrire une école ivoirienne d’architecture. Peut-être bien. Car si même pour beaucoup, les grands édifices en Côte d’Ivoire ont été faits par les premiers architectes ivoiriens, il faut aller leur dire que c’est une erreur. C’est simplement des gens qui n’ont fait que jeter leurs signatures sur des œuvres architecturales importées. Puisque autrefois, sur nos chères terres, ce sont les européens qui avaient le marché, alors ceuxlà devaient forcément passer par certains architectes ivoiriens pour signer leurs plans et obtenir un permis de construire. Donc en réalité, toutes les œuvres que nous voyons aujourd’hui sont des œuvres d’ailleurs. Et il faut le savoir.

22 | #1

Une école d’architecture pour septembre 2015, a promis Guillaume Koffi, le croyezvous ? Je n’ai pas à ne pas le croire. Le besoin est là. C’est une brillante initiative. C’est un vœu. Et lui en tant que Président de l’Ordre des architectes a vu le besoin, a tenu aussi compte d’un certain nombre de facteurs. Je n’ai aucun jugement à émettre. C’est juste un souhait que je peux accompagner. Si nous avons une école d’ingénierie travaux publics, d’Agronomes, d’Architectes d’intérieur, alors pourquoi pas une école d’Architectes ? C’est quelque chose qui manque. Et quand on voit le besoin d’architecture dans notre pays, le besoin d’architectes et de création, de design, c’est une brillante initiative que je ne peux qu’accompagner et prier même pour sa réalisation effective. Votre rêve pour ARCHIBAT et la jeunesse ivoirienne. La jeunesse est la clé de la vie. Et nous faisons tout cela pour eux. Mon rêve, c’est que les jeunes, à l’occasion des visites, fassent preuve de curiosité pour découvrir le meilleur dans chaque activité du bâtiment. C’est le lieu de les éduquer. Et qu’ils sentent qu’ils sont la relève. Manchini DEFELA


ARCHITECTURE | Critique Architecturale

La Statue de la Renaissance de Dakar Un monument en déliquescence

«

A l’instar de la Statue de la Liberté aux États-Unis, l’Arc de Triomphe et la Tour Eiffel à Paris, je veux donner une certaine image de la Renaissance africaine, après six siècles de ténèbres nous allons vers la lumière » dixit Abdoulaye WADE, architecte de cette œuvre située à Dakar au Sénégal. Le site dédié à la Statue de la Renaissance est partagé par une centrale de production de la Sénégalaise des Eaux (Société des Eaux du Sénégal). Et en face, sur une hauteur se trouve le Phare de Dakar. La Statue est bâtie entièrement en bronze et culmine à plus de 100m de haut, sur une colline surplombant Dakar. Malheureusement, le béton, le pavé et la réverbération ont subi les affres du temps de manière extrêmement rapide pour une œuvre qui a coûté 21 millions d’euros et inaugurée en grande pompe, en 2010.

refuges de reptiles et autres animaux dangereux pour les visiteurs. Un manque notoire de propreté est également évident, avec des bouts de papiers, des plastiques et des boîtes de conserves vides qui jonchent le sol. Une fois la grande entrée franchie, où se tiennent quelques soldats en faction, le visiteur est livré à lui-même. Absence de guide pour faire la visite du site. En somme, on s’y dirige comme on peut. Une situation géographique, en hauteur, au bas de laquelle se trouve un quartier précaire. La guérite servant de billetterie a elle aussi subi les séquelles du temps. C’est un endroit propice au pâturage de nombreux bovins qui pullulent aux alentours du site. Les animaux domestiques sont également nombreux à divaguer autour du monument.

Un monument plus grand que la Statue de la Liberté

La nature reprend ses droits sur un site très peu entretenu

Situé en haut de 251 marches, la sculpture monumentale en bronze d’une cinquantaine de mètres est plus grande que la Statue de la Liberté, à New York ! Elle représente une famille se libérant du joug de l’esclavage et de l’obscurantisme, et regardant vers l’avenir radieux et la lumière. Cette construction n’a toutefois donné aucun emploi aux sénégalais ; même les tâches les plus basses étaient exécutées par les nord-coréens. Un problème de taille, alors que que la renaissance africaine passe d’abord par l’autosuffisance alimentaire, la confiance dans l’expertise locale ainsi que la bonne gouvernance.

Au vu de ce site, l’entretien n’est pas régulier. Une peinture qui s’écaille et mue…Un ascenseur qui fait souvent des siennes avec des coupures intempestives d’électricité… Le matériel n’est pas entretenu. Le podium sur lequel ont presté des chefs d’État et autres invités lors de la cérémonie d’inauguration se dégrade lui aussi. Là, à côté des matériels qui agonisent. Ils sont soumis aux intempéries du climat. Un escalier géant et abrupt. Il n’existe pas non plus de passerelle pour le passage des personnes à mobilité réduite ou des personnes âgées voulant visiter la Statue de la Renaissance. Un nouvel exemple de réalisation déconnectée de la réalité qui nous fait croire que parfois, nous en perdons le bon sens.

La verdure a repris ses droits autour de la Statue de la Renaissance. La végétation se voit sur les escarpements menant jusqu’à la Statue. Les broussailles deviennent des

Roland Yao KOUASSI

www.afrikarchi.com | 23


ARCHITECTURE

DOSSIER

Le village-opĂŠra de Laongo The Opera Village, Laongo 24 | #1


Laongo, Burkina-Faso Francis KĂŠrĂŠ Architecture

www.afrikarchi.com | 25


ARCHITECTURE | Dossier

Un village opéra au plein coeur du Burkina-Faso. Au premier abord, ce projet parait complètement fou. Mais celui-ci prend rapidement corps grâce à l’architecte Francis Kéré. Comme il est d’usage avec Kéré, les préoccupations locales, environnementale, et l’implication des populations est au coeur de ce projet exemplaire. Découvrons-le !

«

Lorsque j’ai été confronté à la question d’une maison d’opéra pour l’Afrique, j’ai d’abord pensé que c’était une blague. Une telle imagination ne pouvait venir que de quelqu’un qui soit ne connaît pas l’Afrique , ou qui est tellement borné d’absurdité. Ce fut spontanément ma première réaction» . (Francis Kéré)

Mais quand Francis Kéré a rencontré Christoph Schlingensief, l’initiateur visionnaire du projet « Opéra pour l’Afrique», il savait que ce n’était pas une blague... Bien que le Burkina Faso soit l’un des pays les plus pauvres de la planète, il est aussi un pays fier avec une population fière. Ce que beaucoup de gens ne savent pas, c’est que le Burkina Faso est le centre du cinéma et du théâtre africain. Christoph Schlingensief a réussi à convaincre Francis Kéré qu’un projet d’art qui contribue à façonner ou réveiller l’identité culturelle d’une communauté est important pour le développement d’un pays. Et si Francis peut arriver à construire ce bâtiment avec ses méthodes, en intégrant les populations locales, en utilisant des matériaux locaux, ainsi que la participation des personnes et leurs préoccupations, alors ce projet serait une excellente opportunité pour un pays aussi pauvre.

26 | #1

Le Burkina Faso a été victime d’importantes inondations à la fin d’Août 2009. À l’époque, Francis Kéré voyageait au Burkina avec Thomas Goerge, le scénographe de Christoph. Celui-ci a donc été témoin de cette inondation et des destructions qu’elle a causé. Quelques heures après que l’eau ait reculé, Francis et Thomas ont essayé de regarder un site à Ouagadougou, la capitale, que Christoph avait identifié comme un emplacement possible pour l’opéra. Mais ce site n’existait plus. Il avait simplement été emporté par la crue. Les personnes qui vivaient auparavent heureux, sur ce site, avaient tout perdu en quelques heures. Après cette expérience, ils ont réalisé le projet d’Opera House se devait alors d’intégrer la question la plus importante : aider les gens à reconstruire leurs maisons par l’élaboration d’un prototype de maison qui serait approprié pour cette population et pourrait être dupliquée. Pour Francis, architecte et urbaniste, ce fut l’occasion de développer un module qui pourrait être intégré dans le projet. Cette catastrophe a ainsi, d’une certaine manière, été initiatrice du projet de l’Opera Village.


Le Village-Opéra se pose sur un terrain de 12 hectares sur un petit relief de Laongo, à une heure de voiture de route de la capitale du Burkina Faso, avec vue sur le paysage ouest-africain du Sahel. Le site est connecté à la route principale à l’ouest du site qui rejoint Ouagadougou. Il est prévu un théâtre, des ateliers, un centre de santé, des logements, des panneaux solaires et un puits, une école pour 500 enfants et adolescents avec des cours de musique et de films. La partie principale du projet correspond à la salle des fêtes qui inclut un théâtre à l’intérieur. La scénographie de la salle de théâtre a été conçue et construite pour une pièce de théâtre en Allemagne et n’a plus été utilisée par la suite. Maintenant, celle-ci va être réutilisée au Burkina Faso pour les besoins du village opéra.

Les rangées de sièges et les murs intérieurs seront recouverts de tissus burkinabé. Tout le théâtre sera entièrement clos sur une hauteur de 15m et sera abrité des conditions climatiques . Le village en lui-même est constitué de modules simples et basiques, qui selon l’usage qui en est fait, varient en taille et en équipement. Les modules les plus simples sont auto-construits. Les matériaux locaux tels que l’argile, la latérite, les briques de ciment, le bois de gomme sont utilisés pour la construction. Le béton est utilisé pour les éléments tels que des poutres, les poteaux, les fondations. La salle de théâtre occupe une position centrale, elle est pensée comme le lieu de rencontre et d’échange pour des personnes de différentes cultures.

www.afrikarchi.com | 27


ARCHITECTURE | Dossier

Burkina Faso fell victim to major flooding at the end of August 2009. At the time, Francis was travelling with Thomas Goerge, Christoph’s stage designer, in Burkina, and thus was a witness of this flood and the destruction it caused. A few hours after the water had receded, Francis and Thomas tried to look at a site in the capital Ouagadougou that Christoph had identified as a possible location for the opera But when Francis Kere met Christoph Schlingensief, house. the initiator and visionary of the projekt «Opera House for Africa», he knew that it was no joke. But this site, located at the intersection between «When I was first confronted with the question of an opera house for Africa, I initially thought it was a joke. Such a fantasy could only come from somebody who either doesn’t know Africa, or who is so saturated that all he can think up is nonsense. That was my first, spontaneous reaction.» (Francis Kéré)

Although Burkina Faso is one of the poorest countries on earth, it is also a proud country with proud peoples. What many people don’t know – Burkina Faso is the centre of African film and African theatre. Christoph Schlingensief managed to convince Francis Kéré that an art project which helps to shape or awaken the cultural identity of a group is important for the development of a country. And if Francis can construct this building with his methods, by integrating local people, using local materials, involving people and their concerns there, then this project is also right for such a poor country.

28 | #1

official and informal settlements, didn’t exist anymore. It had simply been washed away by the flood. The people who had been living there happily had lost everything within a few hours. After this experience, they realized that one shouldn’t just speak of the opera house project, but more important of a way to help people rebuild their houses by developing a house prototype that would be suitable for these people. For Francis as an architect and urban planner, this was an opportunity to develop a module that could be integrated into the project. This catastrophe was the initiator for the project ‘opera village’.


The Opera Village arises on a 12-hectare land on a little rise in Laongo, one hour car drive from the capital of Burkina Faso, overlooking the West African landscape of the Sahel zone. The infrastructure provision is given by connection to the main road in the west of the site which is going to Ouagadougou. Planned is a festival theatre, workshops, a health station, guest houses, as well as solar panels and a well, a school for up to 500 children and teenagers with music and film classes.

The total theatre will be completely enclosed by a 15m high covering to shelter it from the climatic conditions. Simple basic modules, which depending on the equipment differ in quality and function , constitute the entire village. The most simple modules should be built in self-construction. Local materials such as clay, laterit, cement bricks, gum wood and loam rendering will be used for construction. For reinforcing elements such as beams, columns, ring-beams and foundations, concrete will be used. Due to the massive walls and big overhang of the roofs, air conditioning could be disclaimed in most buildings.

Central part of the project is the festival hall with the total theatre inside. This stage with auditorium was designed and constructed for a piece of theatre in Germany and not used anymore The theatre hall should be a place of encounter and afterwards. Now it is going to be transformed in exchange for people of different cultural and family Burkina Faso for the needs of the Opera Village. background. To be maintained is the support construction of the stand and the rotating stage. The seat rows and interior walls will be covered with Burkinabe fabrics.

www.afrikarchi.com | 29


ARCHITECTURE

30 | #1


ARCHITECTURE | Dossier

www.afrikarchi.com | 31


ARCHITECTURE

32 | #1


ARCHITECTURE | Dossier

www.afrikarchi.com | 33


ARCHITECTURE

34 | #1


Datasheet | Fiche technique Program Mixed-use (theater, medical center, school, housing...)

Programme Mixte (théâtre, centre médical, école, logement...)

Client Festspielhaus Afrika gGmbH

Maître d’ouvrage Festspielhaus Afrika gGmbH

Built area 14.230m²

Surface bâtie 14 230 m²

Status Under construction

Statut En construction

Architect Kéré Architecture

Architecte Kéré Architecture

Structural engineering ICI, Answer Architects

Ingénieur structure ICI, Answer Architects

Construction supervision Kéré Architecture

Suivi de chantier Kéré Architecture

Plant Engineering Kéré Architecture

Ingénieur réseux Kéré Architecture

Landscape design Kéré Architecture

Paysagiste Kéré Architecture

Special thanks to Francis Kéré Architecture. All Documents - © Kéré Architecture

Remerciements à l’agence Francis Kéré Architecture. Tous documents graphiques - © Kéré Architecture

Khader BERREKLA, avec Roland KOUASSI

www.afrikarchi.com | 35


CONSTRUCTION | Réglementation

Normes et constructions en Afrique

A quand les AFRICODES ?

L

’Afrique, continent de toutes les croissances, assure son développement aussi par la construction des infrastructures telles que les barrages, les ponts, les routes et les stades.

Nul ingénieur ne saurait dimensionner et construire sans études de sol et autres variantes techniques pour établir sa note de calcul. Ces études sont régies par des normes et réglementations qui doivent évidemment être les plus fidèles possibles à l’environnement de l’ouvrage. Pour nos calculs, nous avons tous eu à appliquer des théorèmes, des principes, des normes, des règlements à caractère universel établis par des savants, datant parfois de l’époque antique. Toutefois pour ce qui est des constructions de grands projets, il est important aussi de prendre en compte la particularité de l’environnement dans lequel il sera placé. Il ne s’agit plus d’appliquer des formules universelles; mais aussi les normes du pays établis en fonction de sa particularité géotechnique, géophysique, hydrique etc… 36 | #2

Pourtant toutes les notes de calcul en Afrique sont truffées de normes étrangères (NF, SIA, AASHTO, EUROCODES,…) établies dans un contexte environnemental différent du nôtre. D’aucuns diraient qu’il n’y a pas de mal à procéder ainsi! Il faut rappeler que la science par définition exacte n’existe pas, elle tolère juste une marge d’erreur et la métrologie nous le dit si bien : l’accumulation de multiples « petites » erreurs conduisent indéniablement à des valeurs fausses. Ainsi, se multiplient les frais de réparation sur un même projet.

Allez dans les bibliothèques d’Universités africaines et trouvez une classification des sols par régions, ou une norme technique de dimensionnement de votre pays. Peu d’entre vous en trouveront! Certains pays ont fait des progrès dans ce sens : l’Algérie à son code parasismique (le RPA), le Congo-Kinshasa a sa propre classification de sols, Madagascar à son règlement anticyclonique, la Tunisie, le Maroc, le Cameroun ont leurs propres normes techniques (NT, NM, NC). Ces progrès restent éparpillés, car tous les pays du continent ne


sont pas au même niveau. La plupart utilisent encore aujourd’hui des normes ou règlements établis depuis plusieurs décennies, faute de mise à jour. Le Guide pratique de dimensionnement des chaussées pour les pays tropicaux, de 1984, en est une illustration.

Des réglementations ancestrales et très différentes selon les pays Pour compliquer les choses la plupart des entreprises étrangères œuvrant sur le continent n’utilisent pas le même règlement : si au Gabon on applique les normes françaises, l’Angola elle va privilégier les normes espagnoles ou portugaises, le Congo travaillant avec des normes belges et françaises… L’absence de cadre normatif est criante en Afrique, elle est ainsi encore influencée par les normes des anciens pays colonisateurs qui ne partageaient pas, jusqu’à récemment encore, le même règlement. Dans ces conditions, les coopérations inter-Etats dans le domaine technique restent très faibles. Il est ainsi difficile de garantir des constructions fiables ou respectant leur durabilité annoncée, ou encore de participer à l’élaboration des normes internationales ISO. On assiste à l’application de techniques non adaptées, diverses ou de niveau beaucoup trop élevé (plus de 7m de large pour des routes rurales de 20 à 30 véhicules par jour, par exemple) entrainant une perte d’énergie et d’argent, pénalisant les communautés et les États emprunteurs. Si depuis 1970, le 14 Octobre est la journée mondiale de la normalisation ; c’est depuis cette année que le 19 Juin est décrétée, journée africaine de la normalisation par l’Organisation Africaine de la Normalisation (ORAN/ARSO) née en 1977. L’ORAN œuvre pour l’établissement de politiques communes en matière de système de normalisation et d’évaluation, afin d’améliorer le commerce intra-africain.

à tous les niveaux. La formation d’Experts qualifiés est aussi à encourager afin de renforcer les capacités des organismes de normalisation.

Une prise de conscience émergente des acteurs concernés Dans le domaine de la route, de multiples actions sont menées, depuis les années 60, par le biais de conférences, séminaires, journées et congrès de chercheurs et spécialistes, pour l’évolution des politiques et techniques routières en Afrique. Le CTGA, en collaboration avec divers acteurs dont l’ALBTP (Association des Laboratoires de Bâtiments et de Travaux Publics), annonce bientôt la mise à jour du « Guide pratique de dimensionnement des chaussées pour les pays tropicaux » prenant en compte les spécificités des pays ; un confort de plus pour les usagers, une harmonisation des limites de charges d’essieu, voire une facilitation commerciale pour les États. Plusieurs rencontres importantes sont également programmées pour 2014. Nous pouvons citer le 2ème forum international « Des Normes pour l’Afrique » prévu pour le mois de février à Kinshasa. Pour le Secrétaire général de la Francophonie, le Président Abdou Diouf, cela démontre que « la normalisation constitue une étape majeure pour l’inscription de l’Afrique dans la chaîne des valeurs internationales ». C ’est dire l’éveil des consciences et l’intensification des efforts pour la réalisation et l’harmonisation des standards. L’établissement d’un code unique dans le domaine de la construction par l’Europe, EUROCODES, résout le problème de la pluralité des normes. Il ne nous reste plus qu’à rassembler nos énergies pour redéfinir les parties incohérentes à nos écosystèmes. Des techniques, des produits spéciaux, des normes pour l’Afrique, tel est notre souhait. Espérons que cela aboutisse aux AFRICODES ! Rachidatou TCHAGBELE

Selon le Dr. Marcelin Kana, Secrétaire général du Comité Transnational des Géotechniciens d’Afrique (CTGA), la normalisation est une entreprise participative, qui requiert de la volonté politique, de l’expertise, des moyens et surtout du temps et de l’abnégation. En d’autres termes, pour de grandes avancées, il faut disposer des outils nécessaires aux recherches et expérimentations en grandeur nature et vulgariser la normalisation www.afrikarchi.com | 37


CONSTRUCTION | Regard

Des constructions viables au Bénin ?

L

a nécessité impérieuse de disposer d’une demeure représente pour bon nombre de béninois un besoin très important, de nos jours plus qu’hier parce que les grandes villes se développent très rapidement ! Mais au-delà de la volonté de jouir d’un habitat, les propriétaires exigent surtout la qualité. Pour remédier à cette situation, les architectes et les urbanistes du Bénin, conscients de leur rôle d’intermédiaire entre l’État, les Collectivités locales et les citoyens ont décidé de prendre en compte les valeurs du développement durable. La promotion de ces valeurs permettra de bâtir un cadre de vie de qualité qui réponde à la fois aux besoins présents et aux aspirations des générations futures malgré l’absence d’un cadre juridique. L’architecture au Bénin est très contrastée déjà par le choix des matériaux de construction qui sont majoritairement constitués de tôles et de faux plafonds alors que l’on se trouve dans un pays tropical. A Cotonou, le béton et le ciment, le toit plat ou le bac alu, avec des fenêtres constituées de lames mobiles en verres ou encore de vitres réfléchissantes arborent les rues des quartiers résidentiels.

38 | #2

Une architecture hétéroclite dans un cadre urbain à maîtriser Cependant, pour tenter de résoudre ces problèmes, il importe aussi pour les architectes et les urbanistes de limiter l’étalement urbain. Cette forme urbaine conduit à la spéculation foncière et à des coûts exorbitants en infrastructures et en équipements. Il s’agit plutôt de promouvoir une densification optimale des tissus urbains centraux et périphériques, notamment ! Mais avant cela, il sera nécessaire de concevoir et réaliser des projets à titre expérimental. D’une part, en proposant des formes d’habitat alternatif qui intègrent à la fois les préoccupations d’individualité, d’intimité et de densité. D’autre part, que cette forme d’habitat soit dense et réponde aussi aux besoins d’individualité, de propriété et de spécificité des ménages. Les projets doivent également favoriser les solutions innovantes au regard de l’environnement relatif aux énergies renouvelables, à l’assainissement collectif, au biogaz, et aux réseaux de courants faibles collectifs, etc… Sinatou SAKA


Gastronomie|Critiques Culinaires|Art de vivre| Cours de cuisines africaines | Recettes|Conseils

TĂŠl : +33 (0)1 80 37 19 95 | +33 (0)6 26 57 41 60 | contact@terroir-africain.com | www.terroir-africain.com

Jouez avec Terroir Africain & Tentez de gagner

Lancement très prochainement ...


PATRIMOINE | Bénin

Ouidah, moule de l’art contemporain

Ouvert le 9 novembre 2013, le nouveau musée de Ouidah au Bénin, est le premier musée consacré à l’Art contemporain africain de l’Afrique subsaharienne ! Cette initiative est pétrie par la Fondation Zinsou, créée en 2005 par le financier franco-béninois Lionel Zinsou.

L

e choix de Ouidah, n’est pas anodin. Il s’agit d’une ville historique et où se croisent différentes cultures fortes. Ce musée est abrité par la Villa Ajavon, une bâtisse de 1922, au style afro-brésilien abandonnée par ses propriétaires et complètement rénovée par la Fondation Zinsou. L’objectif premier de ce Musée est de promouvoir l’Art contemporain de la ville de Ouidah. Promu par la jeune passionnée et pétillante MarieCécile Zinsou, ce musée est considéré comme « un outil fondamental pour donner à voir la création de notre continent à notre époque ». En dépit, des problèmes plus urgents dont les béninois font face, elle tente vaille que vaille d’apporter l’Art à la portée de tous. Pour Marie-Cécile Zinsou, il s’agit donc de valoriser la culture afin qu’elle participe au développement du pays. Elle a relevé des défis et en 8 ans, 4 millions de personnes ont visité les expositions de la Fondation Zinsou. Le musée d’Ouidah vise ainsi le même but, pour ainsi mettre en valeur et représenter dans toute sa splendeur la particularité de productions artistiques africaines.

40 | #1

Démocratiser l’accès à la culture pour tous Cette promotion s’inscrit totalement dans un objectif de démocratisation de la culture. Il s’agit d’amener vers les populations l’art et ainsi les rapprocher et les motiver à la création. En outre, ce musée a aussi un rôle de conservatoire du patrimoine artistique pour transmettre le savoir-faire africain aux générations futures. Comme l’explique Marie Cécile Zinsou dans une interview donnée à Slate : «Cette ville fut un point d’embarquement des esclaves vers les Amériques. Elle est aujourd’hui l’une des plus pauvres du Bénin, avec taux de chômage des plus terribles. Le musée permettra d’éclairer Ouidah d’une façon positive ». Marie-Cécile Zinsou ajoute, « savoir d’où l’on vient pour comprendre où l’on va, et donc ainsi, pouvoir déployer toute sa créativité ».


Toutes les fenêtres et les volets du bâtiment ont dû être remplacés. Des sanitaires ont été créés. L’électricité a été installée dans le respect des normes actuelles. L’escalier a été sécurisé. L’intérieur et l’extérieur ont été repeints pour se rapprocher des couleurs d’origine qui avaient, quant à elles, disparues depuis longtemps. La cour a été transformée en jardin pour revenir à la configuration d’origine. Enfin, la maisonnette attenante à la maison principale a elle aussi été entièrement rénovée. En somme, un travail d’orfèvre pour un bâtiment d’une grande qualité patrimoniale. Il faut ajouter que la participation aux expositions du musée d’art contemporain de la ville de Ouidah est totalement libre et gratuite. La première exposition du musée accueille, «Chefs-d’œuvre de la collection» et des œuvres d’artistes locaux et internationaux tels que Frédéric Bruly-Bouabré, Romuald Azoumé, Bruce Clarke ou Samuel Fosso. Des artistes que l’on ne présente plus en matière d’art africain sur la scène internationale et qui seront désormais plus connus chez eux grâce à la Fondation Zinsou. Sinatou SAKA

Selon les informations que nous avons eu au niveau des responsables du musée, un an de travaux a été nécessaire pour restaurer cet édifice du patrimoine de Ouidah. Avant d’aborder ce chantier colossal, de nombreuses recherches ont été effectuées, tant documentaires, qu’auprès des descendants de la famille Ajavon. La contrainte était de rénover l’édifice dans le respect des principes architecturaux d’origine. Tous les corps de métier béninois ont apporté leur savoir-faire et ont été particulièrement précautionneux lors de ce chantier d’exception.

Un travail d’orfèvre pour un bâtiment exceptionnel Le bâtiment a d’abord été consolidé. Le toit en pagode, particulièrement caractéristique de la bâtisse, ayant disparu, il a fallu le recréer intégralement (réparation de la dalle, création de la charpente, couverture du toit). Les façades bétonnées ont été rouvertes. Les sols ont été remis à niveau. Une grande partie des boiseries également reconstruite à partir des exemples originaux qui se trouvaient encore en place. www.afrikarchi.com | 41


PATRIMOINE | Maroc

Les journées du Patrimoine de Casablanca 6ème édition - du 1er au 6 avril 2014 Fortes de leur succès croissant (15 000 visiteurs en 2014), les journées du Patrimoine invitent le grand public à découvrir une autre facette de leur ville, longtemps plus connue pour son dynamisme économique que pour ses monuments. Plus de 150 guides bénévoles, répartis sur cinq sites, s’engagent chaque année, une énergie mise au service des populations tant il est vrai que le patrimoine est l’affaire de tous et que la délicate question de sa préservation passe par la mobilisation des habitants.

C

asablanca est une ville qui s’est majoritairement construite au XXème siècle contrairement aux grandes cités impériales du Maroc. Certes, des vestiges témoignent d’une occupation du site très ancienne (500 milles ans av.JC), de l’existence d’une cité, appelée Anfa, protégée par ses remparts dont on a retrouvé des traces datant du XIème siècle. Rasée par une expédition punitive portugaise au XVème siècle, il faut attendre trois siècles pour qu’elle renaisse de ses cendres par la volonté du sultan alaouite Sidi Mohammed Ben Abdallah. Mais même dotée de remparts, d’une mosquée, d’une médersa et de hammams, celle que l’on nomme « Dar el-Beida », la ville blanche, préfiguration de son destin futur, a des allures de bourgade et doit connaître bien des hauts et des bas avant d’aborder un

42 | #1

tournant décisif dans la deuxième moitié du XIX ème siècle. Sa position stratégique en fait en effet un port d’exportation de céréales et de laine en direction de l’Europe qui connaît alors une grave pénurie. L’introduction de la navigation à vapeur accélère l’intensification de ces échanges qui deviendront également un commerce d’importation. L’activité du port de Casablanca attire des populations de tous les horizons : des ruraux, des commerçants de Fès, de Tanger ou d’Essaouira, des Européens. Tous s’entassent dans la médina qui, peu à peu, substitue à un habitat précaire des constructions en dur. Aujourd’hui, l’aspect de ces habitations et de ces hôtels pour voyageurs ont une configuration très éloignée des médinas traditionnelles : grandes fenêtres et balcons témoignent


déjà de la spécificité de l’identité de Casablanca : une ville métissée, cosmopolite, ouverte sur son port et le monde.

pour la modernité. Ils vont forger ensemble, grâce à l’extraordinaire vitalité de l’artisanat marocain, ce qu’on appelle aujourd’hui le style néo-marocain.

Un laboratoire de la ville moderne au XXème siècle

Pour répondre à la demande croissante de logements, Lyautey lance la construction d’un quartier répondant aux modes de vie d’une population plus traditionnelle. Esquissé par Albert Laprade, construit à partir de 1922 par les architectes Auguste Cadet et Edmond Brion, le quartier des Habous semble exister depuis toujours tant ses habitations protégées de la rue, ses voies en arcades abritant des commerces et ses équipements collectifs appartiennent à la tradition marocaine. Mais rien y fait, dès cette époque, le mot « bidonville » est inventé à Casablanca. La pénurie de logements est le mal endémique de la trop attirante capitale économique. Le quatrième pôle, proposé à la visite par les Journées du Patrimoine, témoigne avec les anciens abattoirs des besoins impressionnants de la ville pour nourrir sa population puis, avec les cités de la périphérie, des tentatives, dans les années 50, sous la direction de Michel Ecochard, de répondre à la nécessité pour les habitants de se loger. Casablanca, encore une fois, devient un champ d’expérimentation en matière de logement social dont les modèles traverseront la Méditerranée pour essaimer en Europe et devenir les foyers de l’indépendance.

La crise du logement et la spéculation immobilière sont une autre spécificité de Casablanca. Elles seront canalisées, à défaut d’être maîtrisées, par l’application à Casablanca, véritable laboratoire expérimental à ciel ouvert, d’une discipline encore balbutiante en Europe : l’urbanisme. La ville « moderne » voulue par le Maréchal Lyautey en 1912, s’édifie au-delà des remparts de la médina. Lyautey fait appel auprès de lui d’une équipe dirigée par Henri Prost, qui met en place des principes toujours visibles aujourd’hui : alignement et mitoyenneté des immeubles, réglementation urbaine définissant le gabarit des constructions, hiérarchisation des voies (des grandes artères comme le boulevard Hassan II aux rues résidentielles) séparation des fonctions. Ainsi, en pendant à la place des Nations Unies, connectée au port, moteur de l’activité économique, est aménagée la place Mohammed V destinée à recevoir les bâtiments officiels de la ville. De 1917 à 1937, s’élève ainsi un ensemble d’édifices signés par des architectes qui ont en commun une égale fascination pour la tradition marocaine et

Laure AUGEREAU

www.afrikarchi.com | 43


PATRIMOINE | Mali

Décrépitude de Tombouctou, l’ancêtre État actuel du patrimoine architectural au nord du Mali, notamment des mosquées, des mausolées et des manuscrits après les évènements de 2012 orchestrés par des organisations terroristes.

L

a ville de Tombouctou fût fondée vers le Vè siècle et connut son apogée économique et culturelle aux XVè et XVIè siècles. C’était un haut lieu de la diffusion de la culture islamique avec l’université de Sankoré comprenant 180 écoles coraniques et comptant 25 000 étudiants. Carrefour au cœur de l’Afrique et au centre de l’Empire du Mali, Tombouctou était un véritable lieu de commerce où se négociaient les manuscrits et le sel venant du nord contre l’or, le bétail et les céréales provenant du sud. En 1988, l’UNESCO fit rejoindre la ville de Tombouctou aux 745 biens culturels répertoriés au patrimoine de l’humanité. Les trois grandes mosquées de Djingareyber, Sankoré et de Sidi Yahia, seize mausolées de saints et les places publiques, témoignent toujours de ce passé prestigieux. Les mosquées sont des exemples exceptionnels de l’architecture de terre et des techniques traditionnelles d’entretien continu.

Les grandes mosquées Mosquée de Sankoré

Bâtie au XIVe siècle, elle a été restaurée par l’Imam Al Aqib entre 1578 et 1582. Il fit démolir le sanctuaire et le reconstruisit en lui donnant les dimensions de la Kaaba de la Mecque. Mosquée de Sidi Yahia Construite vers 1400 par le marabout Cheick El Moktar Hamalla dans l’attente d’un saint qui se manifesta quarante ans plus tard en la personne du chérif Sidi Yahia, qui fut alors désigné comme Imam. La mosquée a été restaurée en 1577-1578 par l’Imam Al Aqib.

Les mausolées 14 mausolées sur les 16 inscrits sur la liste du patrimoine mondial ont été détruits durant les incidents. 2 mausolées en mai 2012, 7 en juillet 2012, 3 en septembre et 2 en décembre. 44 | #1

Mausolée Cheik Alpha Moya et Sidi Ben Amar, avant/après

Les manuscrits de Tombouctou Les manuscrits de Tombouctou représentent un patrimoine documentaire très important dont le nombre est estimé à environ 300 000. Ils sont constitués de documents anciens, écrits ou recopiés localement, acquis sur des marchés d’Afrique du Nord, d’Al-Andalus ou du Machrek, ou envoyés par des pèlerins depuis des pays musulmans éloignés. Beaucoup d’entre eux datent de l’âge d’or de Tombouctou, qui se situe entre le 12e et le 15e siècle. Ils traitent de sujets variés allant des études religieuses aux mathématiques, en passant par la médecine, l’astronomie, la musique, la littérature, la poésie, l’architecture, ou encore les pratiques ésotériques et portent le témoignage de la richesse historique de la ville, à la fois carrefour culturel et centre d’apprentissage. Nous estimons qu’environ 4 200 manuscrits de l’institut des hautes études et de recherches islamiques Ahmed Baba ont été brûlés et que 300 000 autres issus de la région de Tombouctou sont exposés au trafic illicite » a déclaré Lazare Eloundou-Assomo du Centre UNESCO du patrimoine mondial, qui dirige au premier semestre 2013 la mission de l’UNESCO envoyée pour faire un état des destructions. Sources : - UNESCO « Dossier d’information sur le Mali » - « La destruction des mausolées de Tombouctou au Mali » par Alexandre Boza Fred ATOKE


PATRIMOINE | Mali

!! SIGNEZ LA PETITION !!

fro e d m a m CS I R B

ma t e

AFRICAN OR F A als ri

www.afrikarchi.com | 45

Made from African Materials or Fabrics


URBANISME PATRIMOINE & VRD

TRIBUNE

La ville africaine du XXI 46 | #1

èm


me

Casablanca, 2013

siècle www.afrikarchi.com | 47


URBANISME URBANISME&&VRD VRD | Tribune

La ville africaine fait sa mue

M

a ville «africaine» ? Paris ne ressemble pas à Vilnius ni à Prague ni à Séville. Et bien qu’elle partage certaines caractéristiques et une partie de leur histoire, il semble inapproprié voire déplacé de les assimiler. De la même manière, l’Afrique n’est pas un être homogène ! C’est bien là que résident sa richesse et son avenir. Si les patrimoines culturels et architecturaux africains ont malheureusement eu tendance à mourir avec les anciens, ma ville africaine passera par leur réappropriation. Les techniques ancestrales ont fait leurs preuves, et il faut les redécouvrir. Elle aura su reprendre le fil de son histoire avant la fracture coloniale, sans nier cette partie de son héritage, aussi sanglante ait-elle pu être, mais sachant prendre ce qu’il y a de mieux de chaque côté. Il faudra remonter le fil pour retrouver ces savoirs ancestraux, recenser et étudier le patrimoine et construire l’ingénierie qui réponde aux besoins que l’on aura identifiés. Et in fine être fiers, enfin, à la fois de ce que l’on a en propre et de ce que l’on partage. Elle ne se contentera plus de n’être qu’une pâle copie exportée d’une vision caricaturale des villes «occidentales», ne répondant ni aux attentes des populations ni aux réalités de leur vie et niant

Tunis, Tunisie

48 | #1

tous ses héritages pourtant si riches. Elle trouvera son vocabulaire propre, selon ses besoins, ses ambitions. Bref, ses règles du jeu qu’il faudra d’abord établir. La forme se construit par l’expérimentation qui met en œuvre un savant mélange des enjeux et de l’héritage. Si ce travail a déjà commencé par des initiatives individuelles, ma ville africaine saura être le théâtre de cette expérimentation perpétuelle mais raisonnée. Toutes les échelles sont à penser, de la brique aux marchés, en passant par les bâtiments administratifs, les écoles, les bâtiments culturels et d’habitations. Pour construire une ville, penser l’urbanisme est évidemment aussi important que construire l’architecture. Là aussi, il faut partir des besoins et des traditions, déterminer et gérer les flux. L’analyse des historiens et des sociologues devrait être une des bases de travail des urbanistes et des architectes. La singularité des villes africaines entre elles et par rapport aux autres régions du monde se dessinera d’elles-mêmes. Ces principes, non exhaustifs peuvent s’appliquer dans de nombreux cas et à toutes les échelles. Rien ne vaut un exemple pour l’illustrer.


Casablanca, Maroc

L’architecture en terre est un patrimoine que l’on retrouve sous diverse formes dans une grande partie de l’Afrique. Elle s’inscrit dans une longue tradition qui varie d’une région à une autre, au travers des époques et des utilisations. Elle est, aujourd’hui, largement délaissée au profit du béton, pourtant totalement inapproprié dans la plupart des cas. Ce matériau possède une multitude de qualités : constructif, thermique, esthétique. Il présente l’avantage d’être disponible, et souvent de bonne qualité, dans plusieurs régions. L’ingénierie et la recherche sont largement capables d’améliorer ses performances, de l’adapter aux contextes et aux différentes utilisations pour lui donner sa modernité. Dans ce cas, tout le processus d’exploitation, de création et de mise en œuvre nécessite l’industrie, la recherche, la formation et de la main d’œuvre. Et cela ne peut se faire qu’en Afrique. Cette architecture déjà inscrite dans l’histoire entrera dans notre modernité.

Vous l’avez compris, c’est une multitude de villes africaines qu’il reste à définir, la matière première est présente et depuis longtemps, il s’agit maintenant de la mettre enfin en mouvement. Ces défis sont bien plus vaste qu’on ne saurait l’imaginer, mais si l’architecture et l’urbanisme ne peuvent exister sans une réelle volonté, des acteurs et une économie, ce sont les moteurs évident d’un nouveau souffle : aucune avancée ne se fera sans eux. C’est bien cette ville africaine que l’on souhaite voir émerger, actrice et reflet d’une Afrique qui travaille à se trouver.

Marion BEAUMONT, Etudiante en architecture

www.afrikarchi.com | 49


URBANISME URBANISME&&VRD VRD | Tribune

La ville des Afriques comme ville africaine du XXIème siècle

– Architecte Nîmes le 9 janvier 2014

S’il y a un continent Africain, il y a aussi heureusement des Afriques LLE DES AFRIQUES » comme VILLE DU Africaine XXI éme SIECLE d’aujourd’hui redeviendra cette ville des plurielles, etAFRICAINE la ville Afriques :VILLES EN CHAPELETS ET CHAPELETS DE VILLES...POUR nent Africain, il y a aussi heureusement des Afriques plurielles, et la ville UNE VILLE DES AFRIQUES LINEAIRE ENFIN RECONNUE rd’hui redeviendra cette ville des Afriques :

VILLES EN CHAPELETS ET CHAPELETS DE VILLES LA VILLE VILLE, LA PISTE et L’IDENTITE …..POUR UNE DES AFRIQUES LINEAIRE ENFIN RECONNUE :

E

mportée par le vent de l’oubli, enfouie sous les LA VILLE, LA PISTE et L’IDENTITE marques de la mondialisation d’une urbanité, je le vent de l’oubli, enfouie sous les marques de la mondialisation d’une suis née ou plutôt arrivée à date imprécise, il y a bien née ou plutôt arrivée à date J’aspire imprécise, il y aàbien longtemps. à longtemps. enfin rappeler monJ’aspire nom :enfin «ville om : « ville desdes Afriques », reconnaissable et identifiable par tous par ceuxtous qui Afriques», reconnaissable et identifiable ceux qui parlent de tout et de rien mais pas n’importe et de rien mais pas n’importe comment, en dehors des discours normatifs, et comment, en dehors des discours normatifs, et ils sont x !! nombreux !! Linéaire et non 1 concentrique, je veux reconquérir mon territoire décimé par l’exploitation de mes richesses humaines, naturelles ou minières et retrouver ma

HAPELETS ET CHAPELETS DE VILLES …..POUR UNE VILLE DES AFRIQUES LINEAIRE ENFIN RECONNUE :

50 | #1

ruralité en reconnaissance de la qualité de mon sol comme équilibre vital pour accueillir ma démographie exponentielle. «La piste» était mon histoire, ma colonne vertébrale vitale, de la petite «piste ombragée» avec ses équipements et marchés égrainés aux grandes routes caravanières, il en reste quelques bribes. A travers «la piste» retrouvée, rencontre entre urbanité et ruralité forgera à nouveau mon identité pour la reconquête de mon territoire en favorisant et focalisant les habitudes des mobilités circulaires et migratoires. Pour nos ressources adaptées, nous savons maintenant retrouver l’eau ponctuellement, utiliser le soleil et régénérer les sols, nous pouvons donc éviter ces immenses mégalopoles et nous développer identitairement. Si je dois survivre, ne pas m’étouffer, je dois m’étirer, m’effilocher, aller à la rencontre d’une ruralité et son agriculture vivrière tout en donnant en parallèle les moyens d’une reconnaissance à cette agriculture pour s’affirmer et exister. Mon projet de ville doit donc trouver un processus d’organisation et de composition pour favoriser les rencontres des filières rurales et de l’urbain et non plus les opposer. Mais la tyrannie de la route permet-elle encore le partage de cette piste ? Je me rêve en ville fractale et non plus euclidienne : à savoir bâtie à partir de processus itératifs de figures se répétant à l’infini en autosimilarité avant tout combinatoire, à l’image de l’élaboration de certains de mes quartiers populaires ou villages traditionnels. Conservons dans l’esprit cette linéarité et regardonsla à partir des deux pôles qui s’attirent, comme un axe structurant qui se développe de façon «fractale» à savoir comme des nervures végétales. L’attirance peut se produire également à l’occasion de la création de l’axe de tension. Il faut éviter que les deux points grossissent, mais c’est bien cette nouvelle tension qui les fait se développer par attirance réciproque : une sorte de large boulevard qui doit devenir l’ossature principale d’une ville à l’épaisseur maîtrisée, elle-même étant la butée d’une ruralité exportable….. et conversons alors sur la


mémoire de cette ville… Quels que soient les continents les villes se tissent mais aussi se dessinent. Sans renier ma mémoire collective, pour m’organiser, au-delà de la nécessité de prendre en compte des logiques techniques (telles que celles des réseaux et circulations) quel dessin puis-je me réserver ? Il suffit d’aller chercher une ville dessinée sur le modèle de ces merveilleux « tissus Africains colorés » souvent exposés le long des routes ou séchant au soleil et au vent, irriguant et stimulant l’imaginaire comme de merveilleux plans d’urbanisme murmurés. Suggérant des formes étonnamment novatrices dont les motifs offrent souvent une signification pertinente, alors quel grand espoir si je me tisse suivant des motifs rituels mais bien différenciés pour chaque territoire. Me voilà donc dessinée comme un tapis tissé mais sans bords comme si les fils du tissage se diluaient dans ces magnifiques territoires, juste pour une mise à disposition discrète de services mais aussi comme si les territoires ruraux venaient également irriguer ce cordon urbain

pour lui donner sa vitalité et régénérer les échanges. Par leur ténacité et organisation multiple, les femmes me feront vivre à nouveau. Aujourd’hui ma population est jeune et dynamique, elle a besoin de ville pour s’exprimer et apprendre. Mais il va falloir faire face au vieillissement de cette population, urbanité et ruralité juxtaposées pourront gérer l’intergénérationnalité sous le regard bienveillant des femmes. Linéaire et non concentrique, fractale et non plus Euclidienne, dessinée comme les motifs en bandes de nos merveilleux tissus colorés, je retrouve ma force le long de corridors d’échange. Tout est encore possible pour moi « ville des Afriques », sauf qu’aujourd’hui les schémas que l’on m’impose ne correspondent pas à mon identité. Je serai à nouveau la «ville des Afriques» et non plus la ville Africaine. Jean-Louis FULCRAND, Architecte

Abidjan, Côte d’Ivoire

www.afrikarchi.com | 51


URBANISME URBANISME&&VRD VRD | Tribune

Urban Planning in Africa – Could we leapfrog?

T

he world as we know it is undergoing fundamental change in spatial patterns. Indeed, it has been so for a while. Settlement patterns are one of the most dynamic facets of the human experience; in fact they are, as we know it, a reflection of any civilization in space as history is with respect to time. In 2007, we passed a landmark in history, where more than half of the world’s population officially lived in urban areas. According to projections from the United Nations, a dip is nowhere near; urbanisation is set to reach about 85% and 65% by 2050 in developed and developing countries respectively. By figures that will mean that, population gain in urban areas is projected at 2.6 billion, absorbing all population growth expected by 2050 while drawing in more people from rural areas. Now considering the developing world, Africa is set to see an increase by 0.9 billion. This will mean increased pressure on urban areas with its attendant effects, high demand in services and facilities. There is no doubt that the cities in the developing world are the attractors. In Africa, if you want to be in the flow of opportunities move to a city! The rising middle-income class is happening in the cities, the internet, mobile and other technology revolutions are all happening there. Mainly because infrastructure is existent, facilities are somewhat provided and more so political power has is domiciled there. Cities are a rich mix of economic, social and cultural dynamics. Like magnets they attract! In spite of all these opportunities in the city, challenges persist, planning is a headache, most cities do not have urban master plans to control development, they thus move with the wind. In situations where they exist, they are not implemented or are far out-dated with such an increasing urbanisation rate. The conclusion one can easily draw is that to most African governments which are plagued with other major problems, urban planning is a “luxury”. It is not too much of a priority; in as much as we can leave the people to make their own cities why bother?

52 | #1

One could imagine that in such a state of affairs everything passes in the city, chaos is the order. Challenges reach new heights and sometimes grow out of proportion, compounding issues. In the shadow of this absence of planning a lot goes on with the city. Development is by piecemeal. It is more or less like a tasteless potpourri made up of bits and pieces, a patchwork to say the least. Taking my city Accra as a case, over the past decade we have seen the springing up of gated communities to its north-eastern part mainly around the current Kotoka International Airport. What has that engendered? A striking dichotomy of Accra and Accra, affluent neighbourhoods with major facilities and the less downtown ones with practically nothing. The historic inner core of the city (mainly the majority Ga communities) is deserted with poor facilities. Another pop-up feature is the recent so called airport city, with major new developments springing up here and there like an invasion somewhat creating a ghetto. These are just minor developments, which could have been mastered in the presence of a master plan. In the light of all these, my view is that if Afri ca is to develop we should begin to take planning of our cities serious, especially with the projections of urbanisation we will see in the coming years. As it were, most of these challenges will be captured if we are to plan our cities. Urban sprawl, ghettoization of affluent and poor neighbourhoods, communal means of transport, health and educational facilities etc. will all be thought through in a typical master plan, projections made and strategies put in place. Aren’t these the same problems our governments have been trying to solve? I am more than convinced that to tackle the many ills of the African society, we should begin to start planning our cities, and in earnest whiles making room for the approaching 0.9 billion! Making a case for urban design of our cities brings to light, the issue of which particular model in view of the numerous ones the field of urbanism has witnessed through history.


Accra, Ghana As a continent, we were able to leapfrog to mobile technology .we have done so in other technology fields in some ways because for instance there was a lack of infrastructure as in the case of fixed-line telephony. But one of the main reasons that gives us this urge is because we lurk behind mostly, that gives us a secondcomer advantage. We should begin to seriously make the best out of this. Now, getting back to which model of urban design I believe we could once again, leap frog to sustainable urban design. Most of the models we see and hear of from Howard’s garden city, to Le Corbusier’s radial city of the industrial heights down to post-fordist green urbanism have all been responses in some sort to crisis that plagued the human society. We in Africa need not relive the same experiences; we have the second-comer advantage to leapfrog to sustainable urbanism. By this we will be looking at all facets of sustainable development in our planning. That will mean economic, social and environmental improvement and equity for our population. Sustainable urban planning will mean checking urban sprawl through compact cities, being resource efficient, providing for communal means of transport, addressing social and economic equity among others.

Current models of western sustainable urbanism are in most cases more or less “accessorization” of buildings, i.e. attaching gadgets to buildings. Some are what I describe as sustainable “upgrading” or “infill” as most of the infrastructure exists already. Our case with African cities is different. Infrastructure is inexistent or below standard. We will have to really look at the whole big picture, pick through elements that will have a domino effect of sustainability, an integrated systems approach I guess. So, my view is that in aiming at taking urban design seriously we could leap frog to integrating sustainable development principles and in doing that I believe the way to go is through an ecosystem approach of integration. Systems, which work like a natural ecosystem, where all is systemised, loops are closed, no waste! Above all, we should not forget to contextualise these concepts. The African context should be in no way left out that will bring out our true identity. In Africa, we need to pick through elements that will have a domino effect of sustainability, an integrated systems approach. Hassan Mohamed YAKUBU, Chercheur en urbanisme

www.afrikarchi.com | 53


URBANISME URBANISME&&VRD VRD | Tribune

La ville africaine rêvée, celle du XXIème siècle

C

es dernières décennies, la majeure partie des capitales africaines ont connu un véritable étalement urbain accompagné d’une croissance rapide de la population. Ce phénomène s’explique par l’absence de gestion du foncier ainsi que le rachat des terres en zones rurales par des particuliers ou entreprises nationales voire internationales, provoquant le départ des habitants déjà pauvres de ces zones rurales vers la ville. Tous ces facteurs entraînent la surpopulation des métropoles africaines qui peinent évidemment à accueillir dans des conditions décentes cet afflux de populations, très souvent de chercheurs d’emplois sousqualifiés. Les villes africaines sont aujourd’hui confrontées à des problèmes majeurs sur lesquels il serait temps de se pencher. Compte tenu de la démographie sans cesse croissante, les gouvernements ne pourront plus répondre efficacement aux demandes de logement, aux conditions d’hygiène, aux standards d’assainissement et aux problèmes de mobilité que doivent désormais affronter les grandes villes africaines. Il ne s’agit toutefois pas de copier des modèles d’urbanisme et d’architecture occidentaux ou orientaux. Il ne suffit pas non plus de reproduire les modèles coloniaux, tels que le damier, ni les façades avec des ordres grecs ou romains qui s’utilisent très souvent sans étude préalable et qui n’ont aucun lien avec l’urbanité, le site ou encore le projet. Dorénavant, il est question de bâtir avec toutes les ressources de la science et de la technique, tout en satisfaisant du mieux possible les exigences propres à nos usages et en déterminant des formes nouvelles, une nouvelle harmonie de l’urbanité, des volumes, des pleins et des vides. Il est tout aussi important de concevoir des schémas d’assainissement et de réseaux projetés sur le long terme et une architecture qui ait sa place dans les conditions particulières de sa localisation géographique. Il faut également que ces projets s’intègrent dans une valeur esthétique et fonctionnelle propre à notre sensibilité. Ces projets doivent aussi prendre en compte les enjeux liés à la mobilité des personnes comme des biens. En somme, des projets qui se doivent de véhiculer une réelle identité architecturale pour le territoire dans lequel ils s’insèrent.

54 | #1

Le développement des capitales africaines ne peut se faire sans la mise en place de tous ces éléments. Le plus important n’est pas de réaliser des projets d’envergure répondant à des besoins ponctuels, mais de les effectuer en pensant à l’avenir donc des solutions durables. Car compte tenu de la croissance économique et démographique connue par ces villes, il serait avantageux de concevoir des projets adaptables aux grands changements urbains qui se dessinent à l’horizon. Au delà des projets apparaissant sous la forme d’opportunités, qu’elles soient foncières ou politiques, les villes africaines ont besoin d’être pensées, réfléchies, appréhendées dans leur globalité. Elles ont besoin d’une réflexion qui aille au delà de l’aménagement d’un lieu précis ou d’un quartier. L’Afrique a aussi besoin du développement de typologies architecturales propres. De formes qui soient adaptées à ses besoins, à ses ressources, et plus généralement aux spécificités du contexte local dans lequel le projet s’insère. L’art de construire a pu évoluer selon les générations tout en conservant, sans les altérer, les caractères de base de l’architecture et de l’urbanisme. Il est donc grand temps de faire émerger de nouvelles réflexions et de nouvelles solutions pour résoudre le problème de l’habitat en Afrique. Le choix de l’urbanisme vertical en Afrique, souvent peu envisagé au profit d’un urbanisme horizontal, pourrait être une solution. C’est pour cette raison qu’AFRIKArchi a choisi le thème « Logements collectifs en milieu urbain en Afrique » lors de la première édition de son concours international ARCHIGENIEUR AFRIQUE. Cette initiative à laquelle ont participé plus de 1.000 étudiants et jeunes professionnels africains est devenue dès sa première édition une fierté africaine. Fort de cette réussite, l’association lance le 1er Octobre 2013 la deuxième édition du même concours dont le thème est « Concevoir ou réhabiliter un marché en milieu urbain en Afrique ». Le choix de ce sujet est lié aux multiples enjeux que peut revêtir un tel programme du point de vue des relations sociales, des flux et de la mobilité, de la gestion des stocks, de l’hygiène, ou encore de l’environnement. Il s’articule en complémentarité avec le thème de la première édition, dans la mesure où il porte la volonté d’un travail sur un espace public majeur et spécifique dans l’urbanisme africain.


Cotonou, Bénin Une conférence de presse a ainsi eu lieu le 13 Septembre 2013 à La Cité de l’Architecture et du Patrimoine à Paris. L’association envisage de lancer lors de cet événement son magazine nommé « AFRIKArchi Magazine ». Elle ambitionne de faire de ce magazine le pionnier des œuvres architecturales, urbanistiques et d’investissement en immobilier en Afrique. Avec mon entreprise, Global Archiconsult je travaille avec des professionnels et experts des domaines de l’architecture, de l’urbanisme et de la géographie. Nous travaillons actuellement sur un projet de charte architecturale, urbaine et paysagère intitulé « Le Grand Cotonou ». L’objectif du projet est de proposer à la ville des aménagements d’espaces verts paysagers durables de qualité et de privilégier les circulations routières et piétonnes sécurisées. Nous souhaitons également rénover l’éclairage et les percées, améliorer l’accessibilité, l’assainissement et les voiries réseaux divers (VRD) dans les quartiers, afin de désengorger la ville. Il est temps que de tels projets sortent de nos tiroirs et puissent voir le jour. Les architectures sans espaces verts, sans espaces publics, doivent évoluer vers des architectures conçues en fonction du site, de son orientation, de la direction du vent et de la lumière naturelle. Des rapports tels que celui entre le plein et le vide ou entre le bâti et la rue doivent également être pris en considération.

Cependant, le tout doit être fait en concevant des projets non pas utopiques mais réalistes et respectueux de l’environnement. Des projets qui puissent véritablement répondre aux besoins des villes. Par conséquent, des projets privilégiant l’utilisation des énergies solaires et l’utilisation des matériaux locaux doivent être multipliés. L’un des enjeux de la ville africaine de demain porte aussi sur une manière de pouvoir subvenir à l’alimentation des populations urbaines de plus en plus croissantes. Un développement de l’agriculture péri-urbaine pourrait être à ce titre une solution. Cela éviterait le long périple auquel font face les cultivateurs en zone rurale à acheminer en ville le fruit de leurs récoltes. Les décideurs africains devraient davantage appuyer les démarches de promotion et vulgarisation des matériaux locaux africains, dont la réactualisation et l’utilisation pourraient pleinement contribuer à la sortie de crise économique de ces pays. Tribune parue dans le numéro spécial #4 de JEUNE AFRIQUE sur les Villes Africaines, Septembre 2013 Romarick ATOKE, Président d’AFRIKArchi

www.afrikarchi.com | 55


URBANISME & VRD | Regard

A quand des contrats africains ?

Dans les domaines de l’assainissement, de l’urbanisme et des VRD

D

urant ces dernières années, des centaines de contrats ont été signés entre les gouvernements africains et les grands groupes internationaux, qu’ils soient américains, européens ou asiatiques. Mais force est de constater que ces contrats de projets à court ou long terme sont opérés uniquement dans les domaines de l’énergie, des infrastructures administratives, du transport et de la logistique, des télécommunications et de l’agro-alimentaire. Qu’en est-t-il des projets dans les domaines de l’assainissement, de l’urbanisme ou encore des voiries et réseaux divers (VRD)...!?

S’ il y en a, ils se comptent du bout des doigts comparés aux projets dans les domaines pré-cités. Est-ce à dire que l’Afrique n’a pas besoin de ce type de projets!? Ou juste que nos gouvernements africains se préoccupent peu, voire pas du tout de ces domaines ?

Une situation similaire dans la plupart des villes d’Afrique subsaharienne Pourtant, la lecture est la même dans la majorité des villes africaines notamment celles de l’Afrique subsaharienne. Même dans les grandes capitales africaines, il suffit tout juste de passer dans les rues pendant les saisons de fortes pluies pour constater le calvaire auquel font face les populations et l’état dramatique des rues et maisons dans les quartiers. On souligne notamment dans les villes comme Cotonou, Lomé, Niamey, ou Douala des eaux stagnantes impressionnantes et qui atteignent parfois 1.10m de hauteur. 56 | #1

Souvent, face à ces situations, nos dirigeants africains proposent des solutions à court terme et non durables. Prenons le cas de Cotonou, où les dirigeants mettent en place des mesures de pompage d’eau d’un quartier à un autre. Les riverains n’ont satisfaction que pendant quelques heures, car il suffit d’une autre pluie diluvienne pour que les mêmes quartiers soient inondés à nouveau. Le constat est ainsi connu de tous : les villes africaines aujourd’hui connaissent pratiquement toutes des situations d’étalement urbain considérables et les problèmes liés au traitement et à la gestion des eaux et des déchets ne sont quasiment pas étudiés. Ainsi, ils peinent à trouver des investisseurs sur du long terme. En 2030, l’Afrique comptera environ 300 millions de nouveaux citadins. Vingt ans plus tard, 60 % des africains vivront en milieu urbain, soit 1,3 milliard de personnes. La population active la plus importante et la plus jeune au monde sera africaine. Et d’après les études, les vingt plus grandes métropoles de la planète seront africaines. Aujourd’hui, l’Afrique compte non seulement les pays affichant les plus forts taux de croissance économique au monde, certains affichant des chiffres supérieurs à 9%. Il est donc plus qu’opportun de répondre à la demande et de satisfaire les populations de ces villes africaines. Car, le tout ne suffit pas d’avoir de belles infrastructures mais il faut aussi pouvoir assurer le traitement des eaux, des déchets, d’avoir des voiries adaptées mais également que ces nouveaux réseaux soient gérés de manière optimale. Les décideurs africains doivent désormais agir sans plus tarder pour que ces domaines soient enfin pris en compte dans la signature des contrats avec de grandes entreprises, pour un développement urbain orienté vers la satisfaction des populations. Romarick ATOKE


www.afrikarchi.com | 57


URBANISME & VRD | Algérie

Algérie, un urbanisme qui pose question

D

epuis de nombreuses années, une importante crise du logement frappe le pays. Afin de réduire la situation de pénurie favorable au développement du logement insalubre, des organismes publics et privés sont chargés de la promotion et de la maîtrise d’ouvrage de ces grandes opérations d’aménagement urbain. De nombreux acteurs sont impliqués dans ces opérations et ce sont souvent des quartiers entiers qui sortent de terre à proximité ou en bordure d’agglomérations existantes. Jusque là, tout va bien. Mais ces constructions de logements par centaines, sont souvent réalisées à la vavite. Au final, ces réalisations répondent-t-elles réellement aux attentes et aux aspirations de la population ?

Des constructions récentes mais déjà en mauvais état De petits immeubles mais aussi des tours de six, huit, dix, quinze étages, sont ainsi disposées de manière plus ou moins aléatoire sur un espace vacant. Le plus souvent, ces immeubles accueillent uniquement du logement. Aucun programme commercial ou de bureaux ne s’y adosse. Pire, ces nouveaux quartiers comptent très peu d’équipements publics. Quelques écoles 58 | #1

ou terrains de football, soit. Mais il faut rarement compter sur des équipements culturels ou de loisirs. Souvent, il n’y a pas non plus d’équipements sociaux tels que des maisons de quartiers, ou des locaux pour les associations locales. Pourtant, l’on sait que ce qui fait l’intensité de la ville est avant tout sa mixité fonctionnelle, et l’on sait surtout à quel point ce type d’équipement répond à de criants besoins des populations. Ces constructions donc, sont souvent réalisées à la va-vite afin de pouvoir tenir les délais de livraison. Il va de soi que cette rapidité nuit à la qualité des édifices. La qualité des matériaux utilisés et surtout des prestations de travaux s’en ressent. Rapidement, de nombreuses malfaçons apparaissent : infiltrations d’eau, joints de fenêtres mal réalisés, peintures qui s’écaillent dans les logements et les parties communes... Architecturalement, ces édifices sont, de plus, souvent d’une extrême pauvreté. Une structure béton, un remplissage en parpaings de ciment ou de terre cuite, quelques balcons par ci, par là, et un enduit avec quelques couleurs différenciées afin d’égayer le paysage – mais bon, pas trop quand même –. Les ascenseurs tombent en panne de manière récurrente, et les délais de réparation sont longs, obligeant les habitants à emprunter les escaliers pour monter de nombreux étages.


De plus, l’appropriation de ces édifices par les habitants se fait de manière complètement désordonnée. Aucune règle n’est respectée ce qui donne lieu à de réelles problématiques. Des habitants transforment fréquemment leurs balcons par l’installation de grilles, de fenêtres, voire même de murs en parpaings. Des paraboles fleurissent anarchiquement aux façades. Tout cela contribue à dénaturer l’aspect initial de l’édifice, et naturellement, accentue l’aspect dégradé des lieux. Ces logements neufs, qui se veulent être un eldorado pour des populations souvent pauvres et vivant antérieurement dans des taudis, se transforment ainsi rapidement en cauchemar.

Des espaces publics de faible qualité Au delà de la question du bâti, la qualité des espaces publics laisse souvent à désirer. Les espaces verts sont généralement peu nombreux ou, dans le meilleur des cas, peu entretenus. Il en est de même en ce qui concerne la présence d’aires de jeux ou de loisirs pour les enfants et les jeunes, souvent nombreux et qui disposent rarement de structure d’accueil. Les espaces extérieurs sont majoritairement composés de parkings, bien que ceux-ci auraient pu être enterrés. Il existe souvent peu de bancs ou d’espaces de repos et d’agrément à l’extérieur. La qualité même des matériaux de revêtement de sol et souvent très pauvre : un simple revêtement bitumineux permettant la circulation automobile, rien de plus. Même dans les opérations les plus réussies, si la situation est correcte durant les premiers mois qui suivent l’inauguration, les réalisations se dégradent souvent très vite. Évidemment, au delà de ces aspects, rien n’est pensé dans la ville pour les personnes dont la mobilité est difficile. Bien sûr l’on pense aux personnes handicapées, mais également les mères de famille avec des poussettes ou encore les personnes âgées. Les rues sont souvent escarpées, les trottoirs abîmés, sans entretien, et parfois même, avec des différences de niveaux en fonction du bâtiment qui y est adossé puisque évidemment, aucune réglementation n’est appliquée. Même pour un piéton en bonne santé, la circulation est difficile et relève parfois du parcours du combattant.

Pas d’approche environnementale et des réseaux défectueux A ces difficultés s’ajoute également la question des réseaux. L’eau, l’électricité, le gaz, sont souvent très rapidement défectueux. L’éclairage public est aléatoire dans les rues. L’on construit à tour de bras des quartiers de centaines de logements au sein de milieux naturels et d’écosystèmes sans même se soucier de leur existence. Cela pose de réelles questions d’aménagement en harmonie avec la nature alors que partout ailleurs l’on cherche à tendre vers une ville frugale. Par ailleurs, il n’existe aucune réglementation concernant les pancartes publicitaires et enseignes de boutiques s’installant anarchiquement les unes à côté des autres, et parfois à même la rue. Cet aspect, paraissant banal au premier abord, marque particulièrement le paysage urbain. Les pancartes de boutiques sont une prolifération de couleurs aux dégradés hasardeux, polices d’écritures excentriques et images mal détourées.

Un défaut criant de gestion et d’entretien A l’issue de ces différents constats, se pose la question de la gestion de ces espaces et bien évidemment de la manière dont ils sont entretenus. Alors que le chômage est très fort dans le pays, ne pourrait-t-on pas employer des centaines de personnes à entretenir le bâti, les espaces publics et somme toute à faire de ces espaces des lieux où il est enfin agréable de vivre ? A titre d’exemple, la propreté des nouveaux quartiers mais aussi plus généralement, des villes laisse souvent à désirer. S’entassent très régulièrement au pied des immeubles et le long des rues, des dizaines de sacs poubelles mais également des monticules de déchets. Il va de soi qu’une telle situation n’entraîne que et donc à nouveau une certaine insalubrité. N’est-ce pas pourtant le fléau initial contre lequel il fallait lutter ? Nous ne pouvons qu’espérer que les pouvoirs publics prennent enfin ces problématiques à bras le corps, pour une ville plus saine et plus agréable. Nous espérons que ceux-ci ne reproduiront pas les mêmes erreurs que la France dans les années 60, qui face à une crise du logement similaire, a construit les grands ensembles d’habitat social, quartiers de banlieue en difficulté que nous connaissons toujours aujourd’hui. Khader BERREKLA


URBANISME & VRD | Environnement

Dakar à l’heure du développement durable

Ces dernières années, le débat global sur le Développement Durable et l’Environnement reconnaît de plus en plus le rôle des villes et le besoin de réponses innovantes en matière d’urbanisme face à la dégradation de l’environnement et au changement climatique.

D

ans le cadre des différentes conventions et conférences organisées sur le changement climatique, le développement urbain durable est présenté comme l’une des conditions essentielles à l’avenir de notre planète. Les villes et les autorités locales constituent donc des leviers privilégiés pour établir des objectifs de conservation de la biodiversité. Ainsi, de plus en plus, les villes autour du globe se saisissent de la question en développant des actions pour atténuer les effets du changement climatique à travers l’Agenda 21, le plan climat territorial et les éco-quartiers.

En Afrique, l’on relève encore peu d’initiatives en faveur dans le domaine. En effet, la question reste encore méconnue et les autorités doivent gérer des problématiques considérées comme plus urgentes : les crises alimentaires, l’accès à l’éducation, à la santé, à des services de bases décents etc… Cependant, le continent est de plus en plus touché par des incidents ou des 60 | #1

catastrophes naturelles que l’on peut imputer au changement climatique. C’est le cas des glissements de terrain, des inondations, des érosions de sols, de la désertification qui ont des impacts considérables sur la structure déjà fragile des villes, résultat de processus d’urbanisation non contrôlés ! Les villes sont surpeuplées avec des habitats informels, peu résistants, et un système d’évacuation d’eaux inefficace.

Des initiatives très peu nombreuses dans les villes africaines Le changement climatique devient une préoccupation urgente à laquelle il faut faire face et qu’il est néséssaire d’intégrer dans les réflexions de développement des collectivités africaines. C’est dans ce contexte que la Région de Dakar a initié en 2011 dans le cadre de la


coopération décentralisée qu’elle mène avec la Région de l’Ile de France, l’élaboration d’un Plan Climat Territorial Intégré (PCTI). Le Conseil Régional de Dakar, en tant que maître d’ouvrage, porte politiquement le PCTI, mobilise et coordonne les acteurs locaux autour de la démarche. La Région de l’Ile de France intervient quant à elle en tant que co-maître d’ouvrage en apportant un appui financier mais aussi en favorisant un renforcement de capacité des acteurs institutionnels. Par ailleurs, l’ARENE -Agence Régionale de l’Environnement et des Energies Nouvelles- a été mobilisée dans le cadre de cette initiative. Ainsi dans le cadre de l’élaboration du PCTI, L’ARENE fournit à la Région de Dakar un accompagnement adapté au contexte et aux problématiques de son territoire.

Deux études pour évaluer les enjeux La capitale sénégalaise, comme la plupart des villes des pays en voie de développement est confrontée à une croissance démographique rapide et à une urbanisation massive qui ont de graves conséquences sur son environnement. Ce sont l’érosion côtière, les inondations, l’insalubrité urbaine, la désertification. Dakar est, aujourd’hui, l’une des villes les plus polluées d’Afrique. Ainsi, l’objectif du Plan Climat Territorial Intégré est la lutte contre les effets du changement climatique dans la capitale sénégalaise et la réduction des émissions des gaz à effet de serre. Dans cette perspective, deux études ont été lancées afin d’avoir une idée précise de la situation environnementale du territoire : Un diagnostic énergétique ou bilan carbone visant à identifier les principales causes des émissions de gaz à effet de serre et par la suite déterminer des mesures d’atténuation, c’està-dire des actions permettant de réduire le niveau de ces émissions. une étude identifiant les forces et les faiblesses du territoire dakarois face au climat soit la vulnérabilité du territoire, et pouvant faire ressortir des éléments d’aide à la décision en matière d’adaptation, ou des actions visant à rendre la ville résiliente face aux aléas climatiques.

Les résultats de ces études confirment ainsi la forte exposition de la ville aux variations du climat et sa grande dépendance énergétique. Par ailleurs, elles mettent en exergue que les industries et les activités humaines telles que les déplacements et les habitations sont les principales causes d’émission des gaz à effet de serre. En juillet 2013, un événement a été organisé à Dakar afin de lancer officiellement le PCTI. Lors de cette rencontre, les résultats des deux études ont été présentés et un processus de concertation a été engagé à travers l’organisation de quatre ateliers thématiques (identifiés à partir des résultats des études) « réseaux », « aménagement et bâti », « production et consommation responsable des déchets », « gouvernance ». Ces ateliers ont rassemblé de nombreux acteurs ; notamment la société civile, les représentants des communes et les ministères concernés, le corps enseignant, les partenaires privés locaux, nationaux et internationaux. Par la suite, un croisement des données récoltées dans le cadre des deux diagnostics, avec les productions de ces quatre ateliers, a été réalisé afin d’identifier des tendances d’orientation stratégiques qui doivent être débattues lors de la prochaine étape de concertation en décembre 2013. En outre, d’autres ateliers spécifiques sont organisés afin d’alimenter le PCTI en éléments plus précis comme la sécurité alimentaire, le bâtiment et la transition énergétique.

Un mode de gouvernance innovant Afin d’assurer un suivi optimal du projet et une appropriation de la démarche au niveau local, un comité de pilotage entièrement composés d’acteurs locaux a été constitué sous la présidence du conseil Régional de Dakar. Les acteurs composant ce comité interviennent dans des domaines concernés par la question du changement climatique-les transports, l’aménagement du territoire, l’environnement et ceux-ci proviennent des Institutions, des Universités, des Associations et des ONG spécialisées. www.afrikarchi.com | 61


URBANISME & VRD

Cette instance est en charge de suivre l’élaboration du PCTI, sa mise en œuvre, formuler des recommandations et réorienter les actions lorsque nécessaire. Par ailleurs, dans le cadre du PCTI, la réfléxion est élargie à une zone allant au delà des limites physiques de la Région d’où la nécessite d’associer d’autres acteurs locaux concernés. C’est le cas par exemple, de la zone de Niayes gérée administrativement par la région de Dakar et par trois autres régions avec une implication de leurs représentants. Enfin, le développement de sessions de formation à l’attention des cadres et des élus de la région sont envisagées afin de renforcer leurs connaissances sur cette problématique et ses enjeux.

Des enjeux environnementaux pris en compte dans les schémas d’aménagement En parallèle au lancement du PCTI, la question du changement climatique est intégrée dans le cadre de l’élaboration d’autres plans de développement de la région, notamment dans la révision du schéma régional d’aménagement territorial ou bien encore dans le cadre du programme qui vise à l’amélioration de la mobilité urbaine : mise en circulation de véhicules moins polluants, réflexions menées pour la relance du chemin de fer afin de désengorger la circulation et réduire la pollution...

62 | #1

Les orientations ainsi que le plan d’action du PCTI doivent être définies en 2014. Les actions définies seront principalement de long terme, allant au delà des échéances électorales, dont il faudra assurer la continuité. En outre, se posera aussi la question des financements, le cadre de la coopération décentralisée ne suffisant pas à développer des actions d’une telle ampleur. Enfin, l’articulation entre les différentes actions menées sur le territoire reste primordiale pour la mise en œuvre du PCTI. A titre d’exemple, il existe sur le territoire de la Région de Dakar plusieurs coopérations décentralisées dont certaines souhaitent développer des actions dans le domaine de l’environnement. Il est donc nécéssaire de coordonner toutes ces actions afin d’éviter des redondances ou des incohérences. Il reste que ces défis ne sont pas insurmontables et le PCTI reste tout de même un outil novateur, susceptible de devenir une référence au niveau du continent. Il commence ainsi à jouir d’une certaine notoriété et est déjà cité comme exemple lors de rencontres internationales, telles que Nantes Eco City 2013. Khara CISSE


Global Archiconsult

DEFINIR A CHAQUE PROJET UNE IDENTITE

> Architecture > Construction > Architecture d’intérieur > Urbanisme > Audits techniques > Gestion & suivi de chantier > Etude de projet > Permis de construire > Conseils

CONTACT US Daoz Corporation & Global Archiconsult

CONTACT US

90, AVENUE DES ACACIAS 91800 BRUNOY - FRANCE Tél : +33 (0)6 26 57 41 60 +33 (0)1 80 37 19 95 contact@globalarchiconsult.com

www.globalarchiconsult.com

www.afrikarchi.com | 63


URBANISME & VRD | Focus

Liaisons urbaines à Porto-Novo : la possibilité d’un entre-deux créatif Soutenu par l’Institut Français, Liaisons Urbaines est un projet expérimental d’une durée de trois ans qui vise à requalifier des espaces publics au cœur de 3 villes africaines en mobilisant des capacités d’innovation locale. La première réalisation a été inaugurée le 25 janvier 2013 à Porto-Novo (Bénin). Pour ce volet intitulé « Manger à Porto-Novo », l’équipe de coordination et de mise en œuvre réunissait l’Ecole du Patrimoine Africain-EPA (porteur du projet), Gérard Bassalé, directeur du centre culturel Ouadada (coordinateur artistique) et Franck Houndégla, scénographe muséographe (directeur artistique de l’opération).

64 | #1


L

a requalification de la place Agonsa Honto à PortoNovo s’inscrit dans une démarche expérimentale de valorisation d’espaces publics dans 3 villes africaines au rythme d’un projet réalisé par an. Cette approche expérimentale s’intéresse à des espaces délaissés par le rouleau compresseur d’une croissance urbaine galopante et dont les constructions privées, réalisées avec ou sans architectes, le disputent souvent à d’imposants édifices publics ainsi qu’à d’importants travaux d’infrastructure. Ces délaissés de la croissance urbaine jouent pourtant un rôle essentiel qui est celui de liaison entre équipements, constructions publiques et constructions privées.

L’essentiel : Ce sont deux troncs d’Hysope Africaine, portant du linge que l’on croirait tendu là, à sécher ; mais qui en réalité participent d’une œuvre purificatrice et conjuratoire, en accueillant les vêtements de défunts brutalement emportés, par accident ou par noyade.

Une expérimentation pour valoriser l’espace public dans les villes africaines

C’est une télévision, étrangement posée sur des briques, à côté d’une valise poussiéreuse, dont on peut bien se demander ce qu’elle y fait. Gare au passant qui trouverait-là une occasion de remplacer son téléviseur ; en réalité, la symbolique de cette installation artistique qui ne dit pas son nom est des plus subtiles : « L’oeil de Zangbêto, gardien de la nuit, vous observe ! »

La place Agonsa Honto située dans le quartier Adjina à Porto-Novo est une place vodoun attenante au couvent des adeptes du vodoun Agonsa. Elle se présente comme une petite esplanade sablonneuse de forme trapézoïdale, augmentée sur sa grande base par un retour d’angle de même aspect. Elle est bordée sur deux côtés par deux voies automobiles passantes, et adossée par les deux autres côtés au front bâti d’une concession familiale. C’est un porche en position axiale adossé à ce front bâti qui indique la présence du couvent derrière les murs de la concession. Dans son rapport ouvert à la rue, ce ne sont pas des clôtures qui définissent les limites de la place car elle fait volontiers corps avec le trottoir et la chaussée. Des étals marchands constituent le front traversant aux structures légères par delà lesquelles on perçoit les murs de la concession familiale Sessou Dè Dravo. Des passants vont et viennent, traversent cette place par la diagonale ou la longent par les bords, la contournent, s’y arrêtent un instant, ou y discutent avec des amis. Une végétation éparse mais choisie reste visible et présente sur la place en toute saison. Le lieu est marqué. Par la présence remarquable d’un arbre majestueux au premier abord, répondant au nom imagé de Ficus barbelé. En position centrale, il polarise l’espace de la place par sa taille imposante, rejetant en périphérie toutes les autres composantes spatiales. Son rayonnement donne à la place une aura quelque peu mystérieuse. Pourtant, cet arbre à l’ombrage généreux, n’a aucune utilité cultuelle. C’est peut-être en cela que repose tout son intérêt à cet endroit. A la manière d’un leurre, il focalise toute l’attention, tandis qu’en périphérie et dans la marge se joue l’essentiel. L’essentiel, qui demeure invisible aux yeux, ou presque.

Ce sont des offrandes en calebasses, fendues par le temps, ou précieusement emballées d’un linge blanc, posées là, au pied de l’Iroko, jonchant le sol, entre sachets plastiques multicolores qu’emporte le vent, boîtes de conserves rouillées, herbes folles, bouts de papiers et journaux usagés.

C’est encore un signe sous le porche donnant accès au couvent ; l’oeil averti seul sait que, derrière l’équipe de jeunes footballeurs en herbe sautillant sous le porche, les feuilles de Raphia ornant la porte en bois indiquent l’interdit absolu de franchissement.

Un espace polyvalent Située sur le domaine public, mais gérée par une collectivité familiale, lieu de célébration cultuelle mais aussi lieu d’activités commerçantes de proximité, la place Agonsa Honto est un espace polyvalent riche et subtil qui présente tous les caractères d’un espace public au sens canonique européen du terme. L’absence de clôture qui en délimite précisément les contours le laisse penser de manière trompeuse. En réalité cet espace est une propriété privée mais n’a pas vocation à être clôturé. Il se présente comme une grande cour extérieure, prolongement organique de la concession familiale vers la rue, le quartier et la ville. Il faudrait pour le qualifier, envisager une typologie d’espaces au statut particulier, à mi-chemin entre droit coutumier et droit civil moderne. Cette configuration a longtemps été source de tensions avec les autorités municipales en termes de gestion urbaine. Ce type de contentieux remonte à plusieurs décennies, puisque l’actuelle place Toffa, anciennement baptisée Place du gouverneur Jean Bayol, est un espace amputé sur l’emprise d’une ancienne place Vodoun.

www.afrikarchi.com | 65


URBANISME & VRD Les stands achalandés de la place Agonsa accueillent suivant les heures de la journée : une vendeuse de bouillie, une vendeuse de pain, une vendeuse de beignets sucrés et salés, une vendeuse de fruits et légumes, plusieurs vendeuses de riz ou de pâtes à base de semoule de manioc, d’igname ou de maïs, un petit moulin, une épicerie mais aussi un restaurant-maquis. Suite à la médiation des responsables de la collectivité familiale et pour des raisons évidentes de sécurité, le dépôt-vente de carburant et de produits pétroliers n’a pas été maintenu sur le site après la rénovation. Les commerçants sont tous issus de la collectivité Sessou Dè Dravo en charge de la gestion du lieu, mais aussi et avant tout, garante du culte dédié au vodoun Agonsa. De ce fait, la place Agonsa Honto se transforme également en espace de célébrations rituelles et festives aux jours sacrés. Prêtres et adeptes vodoun vont à la rencontre des populations de la ville de Porto-Novo pendant la grande cérémonie du Hounwè, dans l’espace théâtral d’une place qui devient alors la scène ouverte du plus grand spectacle du calendrier liturgique vodoun. D’autres communautés sollicitent et obtiennent facilement l’utilisation de cette place à des fins de rassemblement festif ou de célébrations particulières. Les fêtes du Korité (Aïd-el Fitr) ou de la Tabaski (Aïd-el Kebir) sont l’occasion pour tous les fidèles musulmans de communier avec leurs frères des autres communautés. Les célébrations de Pâques et de Noël donnent également lieu à des rassemblements festifs de la communauté chrétienne.

Maintenir les qualités d’usage L’un des enjeux du projet de requalification, au-delà du maintien des qualités d’usage et spatiales existantes, consistait précisément à tenter de les mettre en valeur par des aménagements contemporains qui respectent aussi bien le caractère sacré que le caractère profane de cet espace. A la fois espace sacré, espace profane ; espace cultuel, espace du rituel ; espace clos, espace ouvert ; espace couvert, espace à ciel ouvert ; espace marchand, espace du marchant ; espace culturel, espace multiculturel. La place Agonsa Honto est tout cela et bien plus encore. Elle s’inscrit dans un réseau de places vodoun qui structure la ville de Porto-Novo conformément aux choix des ancêtres fondateurs de lignage Yorouba, Goun, Mahi. Plus que toute autre, elle atteint un subtil équilibre d’énergies, entre contingences de la nourriture matérielle et vertus de la nourriture spirituelle.

66 | #1

L’orientation générale du projet de réaménagement repose de ce fait sur cinq grands points : conforter la lisibilité et l’identité de la place ; améliorer l’apparence, la fonctionnalité et la gestion de l’espace ; lier créativité et pertinence de la réponse technique avec le contexte urbain, social et culturel ; nettoyer, assainir et réhabiliter le cadre global ; enfin, créer des structures dédiées à l’activité des commerçants ainsi qu’à l’accueil des clients. Par sa réalité construite, le résultat final est le fruit d’un travail collaboratif interdisciplinaire. C’est une synthèse des savoir-faire qui a permis de tendre vers l’idéal d’un Gesamtkunstwerk : entre aménagement d’espace, architecture, design, peinture, sculpture, poterie, vannerie, ferronnerie, vidéo et photographie. L’implication des membres de la collectivité dans le processus d’élaboration ainsi que dans la phase opérationnelle a été un élément clé de la réussite du projet. La réorganisation des espaces de vente et la rénovation du cadre bâti doivent beaucoup à cette approche intégrée qui a permis de donner au site une nouvelle identité visuelle. A travers son approche expérimentale, le projet de requalification se veut aussi un projet exemplaire. Cette volonté affichée a pour double objectif de sensibiliser les autorités municipales et les décideurs sur l’importance qu’il faut apporter au traitement qualitatif des paysages urbains, tout en montrant que ce type d’intervention est bel et bien possible avec un petit budget. Cette démarche semble aujourd’hui confortée par l’accueil favorable réservé à l’intervention et à l’appropriation immédiate des lieux par les usagers. Au mois de décembre 2013, le lancement d’une étude de faisabilité portant sur une première tranche de 8 nouvelles places à réaménager en partenariat avec la mairie de Porto-Novo était en cours. Vient de paraître : BASSALE Gérard, Enjeux des places vodoun dans l’évolution de la ville de Porto-Novo, in C. MENGIN et A. GODONOU (dir.), Porto-Novo : patrimoine et développement, Publications de la Sorbonne / École du patrimoine africain, 2014

Francis SESSOU


www.afrikarchi.com | 67


AGENDA

Les prochaines dates-clés EVENEMENTS

LES JOURNEES DU PATRIMOINE A CASABLANCA 6e Edition | Du 1er au 06 Avril 2014 à Casablanca au Maroc

SEMINAIRE DE FORMATION : « L’utilisation des matières premières locales dans la transformation du paysage urbain africain » Du 24 au 26 Février 2014 à l’Espace Michel Dirat à Libreville au Gabon

Organisées par Casamémoire, les journées du patrimoine sont des journées lors desquelles des visites guidées sont traditionnellement organisées dans l’ancienne Médina, dans le quartier des Habous et le quartier Hay Mohammadi. A celles-ci s’ajoutent des animations culturelles et des conférences autour de la thématique du patrimoine au sein de toute la ville de Casablanca. SENSING SPACES - ARCHITECTURE REIMAGINED 25 January to 6 April at the Royal Academy in London

Organized by London based Royal Academy, Sensing Spaces is a heroic project to put these subtile qualities at the centre of attention. It is the most ambitious architectural exhibition by the Royal Academy for decades, occupying its ample main galleries with installations the size of houses. This exhibition hosts seven architectural practices from six countries and four continents, 23 000 square feet. One monumental exhibition to visit to find out works of architectes such as Francis Diébédo Kéré, Pezo von Ellrichshausen, Kengo Kuma, Grafton Architects.

Ce premier séminaire de formation organisé par Edu’Art, sera présenté par le Docteur Abdel-Wahed El-Wakil, Professeur agrégé par l’Union Internationale des Architectes. Il sera développé lors ce événement dédié aux architectes, techniciens en BTP ainsi qu’à l’administration publique, plus points tels que les Etudes sociales, techniques et de l’environnement.

Ce magazine est aussi le vôtre !

- Vous souhaitez contribuer à cette aventure par vos articles, vos photos, vos compétences ? - Vous êtes une entreprise, une association, une collectivité, désireuse de se faire connaître dans un média dédié aux acteurs africains du BTP ? Contactez-nous ! magazine@afrikarchi.com 68 | #1


AFRIKArchi

en collaboration avec

Youssouf Sawadogo & Zied Hattab

Lauréats du 1er Prix Concours ARCHIGENIEUR AFRIQUE 2012

lancent un

APPEL A DONATIONS pour la réalisation du

BAOBAB URBAIN bibliothèque - espace public - infirmerie

CONTACTEZ-NOUS POUR VOS DONS Tél : +33 (0)6 26 57 41 60 | +33 (0)6 82 83 68 87

info@afrikarchi.com | www.afrikarchi.com


AFRICA BUILDING OF THE YEAR 2014 EDITION

POWERED BY AFRIKARCHI


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.