Mémoire Master Elodie SELAMANANA

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LES MANIFESTATIONS DE LA NATURE DANS LES VILLES MALGACHES

Entre paysages économiques et Tiers-paysages urbains

Mémoire de recherche

Malalatiana Elodie SELAMANANA Première année de Master « Aédification – Grands territoires – Villes » Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble

Directrice de Mémoire : Sophie PAVIOL Soutenance : 21 Juin 2012

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LES MANIFESTATIONS DE LA NATURE DANS LES VILLES MALGACHES / Entre paysages économiques et Tierspaysages urbains / Auteur : M Elodie SELAMANANA / Mémoire dirigé par Sophie PAVIOL

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Sommaire REMERCIEMMENTS ................................................................................................................................................. 4 INTRODUCTION ....................................................................................................................................................... 5 PARTIE I ................................................................................................................................................................... 7 A-

DES PAYSAGES ECONOMIQUES DANS LA VILLE : l’agriculture urbaine .......................................................... 8

1-

La délimitation spatiale de l’agriculture urbaine ............................................................................................ 9 a-

La plaine cultivée ..................................................................................................................................... 10

b-

Les vallons cultivés .................................................................................................................................. 11

2-

La multifonctionnalité de l’agriculture urbaine ........................................................................................... 13 a-

La fonction alimentaire et économique ................................................................................................. 13

b-

La fonction territoriale socio-patrimoniale ............................................................................................ 14

c-

La fonction environnementale ................................................................................................................ 14

B-

DES PAYSAGES ECONOMIQUES MENACES PAR L’URBANISATION ............................................................... 16

1-

Les impacts spatiaux de l’urbanisation ......................................................................................................... 17 a-

Le remblaiement de la plaine ................................................................................................................. 18

b-

L’urbanisation illégale sur les collines .................................................................................................... 19

c-

L’activité de briqueterie sur les espaces agricoles ................................................................................. 19

2-

Les impacts environnementaux ................................................................................................................... 20 a-

Pollution industrielle et contre-performance rizicole en plaine ............................................................ 20

b-

Dégradation de la qualité sanitaire des produits maraîchers dans les bas-fonds................................. 20

3-

La limitation des impacts .............................................................................................................................. 21 a-

Compromis entre acteurs de la ville ....................................................................................................... 21

b-

De l’appui à l’agriculture à la participation des agriculteurs à l’aménagement urbain ........................ 22

PARTIE II ................................................................................................................................................................ 23 A-

LES DELAISSES ET LEUR EMPLACEMENT DANS LA VILLE .............................................................................. 24

1-

La place Bien Aimé ....................................................................................................................................... 26

2-

La place de la Colonne .................................................................................................................................. 27

3-

La place du Marché ...................................................................................................................................... 28

B-

LES DELAISSES ET LEUR RAPPORT AVEC LA SOCIETE .................................................................................... 29

1-

Les délaissés et l’institution .......................................................................................................................... 29 a-

Les raisons du délaissement des jardins par l’institution ...................................................................... 29

b-

Les raisons de l’éventuel ressaisissement des jardins par l’institution ................................................. 30

2-

3-

Les délaissés et les riverains ......................................................................................................................... 31 a-

Le délaissement des jardins par les riverains : des raisons historiques ................................................ 31

b-

Les jardins et leurs qualités : des espaces à réapproprier ..................................................................... 32 Les délaissés et la notion du sacré ............................................................................................................... 32

CONCLUSION ......................................................................................................................................................... 35 BIBLIOGRAPHIE ..................................................................................................................................................... 36

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REMERCIEMMENTS

Ce mémoire a été dirigé par Sophie PAVIOL. L’importance qu’elle a accordé dès le début de ce travail, à l’étude de cas, a contribué pour beaucoup à la progression de ce mémoire. De ce fait, je tiens à lui adresser mes sincères remerciements et je voudrais également lui exprimer ma reconnaissance pour ses conseils, sa disponibilité et son soutien. J’exprime également mes remerciements à l’équipe de la Commune Urbaine d’Antananarivo (CUA), plus particulièrement, Andry RAKOTOARISOA chef de Service Environnement et Agriculture Urbaine et Jean-Yves RAMANAMIDONA, chargé de mission Agriculture urbaine et Environnement, Benoît COPPENS D’EECKENBRUGGE, étudiant paysagiste, en stage de fin d’études à la CUA, qui n’ont pas hésité à donner des conseils et à me communiquer tous les documents servant de support analytique pour l’élaboration de ce mémoire. En outre je remercie l’ensemble des personnes qui ont participé, de près ou de loin, à La réalisation de ce mémoire en m’aidant pour la recherche des documents, en me relisant ou en me soutenant moralement. Pour finir, je tiens à remercier ma famille plus particulièrement mon père qui a consacré beaucoup de son temps au début de mes recherches à aller à la rencontre de l’équipe de la CUA pour leur exposer la problématique de ce mémoire afin de me fournir les documents pertinents.

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INTRODUCTION

Quatrième île du monde par sa superficie, Madagascar s'est séparé du continent africain il y a environ 165 millions d'années. Légèrement plus grande que la France, il se trouve dans l'Océan Indien face aux côtes africaines, à 400 km à l'est du Mozambique. Le tropique du Capricorne coupe le Sud de Madagascar au niveau de Toliara. La flore malgache est l'une des plus riches au monde. Sa diversité biologique est caractérisée par la présence de multiples espèces endémiques, notamment des plantes en majorité médicinales. Les scientifiques estiment que l’île compte entre 12 000 et 13 000 espèces dont 80 % sont endémiques [Mittermeier et al. (1987) ; Karpe et Ranindriana (2004)]. La nature est très présente sur l’île et se manifeste différemment d’une région à une autre. Sur la côte Est, une vaste forêt tropicale dense et humide longe l’île du Nord au Sud tandis que sur la côte Ouest se développe des forêts sèches et denses. Vers le centre, on a la savane et quelques forêts des hautes montagnes. Cette diversité de manifestation est aussi observée d’une ville à une autre à Madagascar ; c’est l’objet de ce mémoire. Afin de bien répondre à la problématique précitée en s’appuyant aux termes et aux textes du paysagiste Gilles Clément, l’étude se compose de deux grandes parties. La première partie met en exergue la manifestation de la nature en paysage agricole dit « paysage économique » identitaire de la ville d’Antananarivo, la capitale. La deuxième partie présente la nature comme espace délaissé dit « Tiers paysage », une réalité observée dans les villes côtières notamment la ville de Toamasina. Dans la capitale, Antananarivo, la nature est représentée par un vaste espace agricole formant un paysage emblématique. Un paysage qui est marqué par la grande plaine rizicole et les vallons maraichers dominant dans la ville. L’agriculture occupe une part importante de la superficie de l’agglomération d’Antananarivo, ce qui fait d’elle un paysage identitaire, mais, actuellement, menacé par la progression de l’urbanisation. Des nouvelles planifications urbaines sont à mettre en place pour faire cohabiter ensemble l’urbanisation et l’agriculture dans une optique de développement durable de la l’agglomération d’Antananarivo. La ville de Toamasina, une ville naturellement verte, est la ville des Tiers paysages. Des différentes raisons sont à l’origine du délaissement des espaces verts autrefois, aménagés par les colonisateurs. Le délaissement de ces espaces considérés comme des simples héritages coloniaux a permis à la nature d’y reprendre ses droits et de faire de ces espaces des nids de la diversité biologique au cœur d’une aire urbaine. La valorisation économique de cette biodiversité est pour la ville un moyen pour revaloriser ces délaissés. Une fois considérés par leur valeur économique, ces espaces vont voir leurs valeurs environnementale et culturelle reconnues. Cela permet de tisser un nouveau lien entre les riverains et ces espaces naturels, et de promouvoir un développement de la ville.

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Paysage rizicole Madagascar

Espace naturellement vert

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PARTIE I LA NATURE DANS LA VILLE D’ANTANANARIVO Des paysages économiques identitaires à préserver

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A- DES PAYSAGES ECONOMIQUES DANS LA VILLE : l’agriculture urbaine

Antananarivo est située sur les Hautes Terres centrales de la grande Ile de l’Océan Indien, Madagascar. C’est une ville tropicale d’altitude (1 250 à 1 450 m) avec une topographie marquée par des marais, des collines et des bas-fonds. Cette configuration a favorisé une évolution en plusieurs étapes. De gros travaux d’aménagement hydraulique de la plaine (3 000 ha) ont été réalisés dès la fin du XVIIe siècle pour permettre sa mise en valeur rizicole. D’abord concentrée sur les hauteurs, la ville est descendue dans la plaine dès la période coloniale avec l’aménagement du centre. La ville a une superficie totale de 425 km² dont 43 % sont des espaces agricoles où la riziculture domine. Le paysage reflète la symbiose entre la riziculture, la cressiculture et la culture maraichère formant un paysage économique dans la plaine ou les bas-fonds, et l’habitat. L’agriculture est un élément important et inséparable du système de fonctionnement de la ville d’Antananarivo. L’agriculture urbaine est multifonctionnelle : elle assure une fonction alimentaire et économique pour la ville, une fonction territoriale patrimoniale, sociale et environnementale tout en réalisant que ces espaces agricoles sont un véritable poumon vert pour la ville qui aujourd’hui est soumise à la pollution.

Antananarivo entre plaine et collines

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1- La délimitation spatiale de l’agriculture urbaine L’agriculture urbaine se définit par une localisation géographique dans la ville et sa proche périphérie, la destination au moins partielle vers la ville de ses produits, et l’existence d’une alternative entre usage agricole et urbain non agricole des ressources. Ainsi, la délimitation de ce type d’agriculture n’est pas figée dans le temps, elle évolue en fonction de la compétition foncière et sociale entre usages, la ville transformant l’agriculture du rural proche en agriculture urbaine au fur et à mesure de son extension. La ville d’Antananarivo est marquée par une topographie complexe caractérisée principalement par une grande plaine, des collines et des vallons. L’agriculture occupe une grande surface de la commune urbaine, notamment une grande partie de la plaine et les vallons. Dans le Sud du territoire de la ville, elles apparaissent résiduelles tant l’urbanisation croît rapidement. A l’Ouest, on retrouve des parcelles plus importantes, certaines coincées entre la ville et la zone industrielle se développant sur la digue, mais il faut aller vers le Nord pour voir de grandes étendues cultivées et saines à perte de vue entre les collines des hauts plateaux.

Carte topographique de la ville d’Antananarivo

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a- La plaine cultivée La plaine du Betsimitatatra est une entité marquante par sa grandeur et sa platitude. Elle a été toujours connue pour sa vertu agraire. Depuis l’époque royale, la plaine est considérée comme une source de richesse et prospérité par les nombreuses récoltes qu’elle procure. C’est un grand paysage agricole ponctué de cabanes et fermettes agricoles isolées sur des îlots au milieu des rizières. Le fleuve alimente cette plaine, par ses débordements cycliques, en éléments minéraux propices à la culture du riz modelant et structurant le paysage. Mais désormais, les techniques modernes permettent d’investir la plaine malgré les aléas du fleuve. La qualité des sols argileux et l’humidité de la plaine permettent plusieurs récoltes de riz par an. Ces rizières ceinturaient autrefois la ville, mais ne forment plus une continuité aujourd’hui à cause de l’urbanisation.

Plaine de Betsimitatatra

La plaine cultivée

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b- Les vallons cultivés Les vallons sont des espaces étroits, intercalés entre les collines. Ils voient les constructions descendre depuis les hauteurs puis s’entasser autour des espaces cultivés en contrebas. Certains vallons accueillent encore un mince filet de rizières dans leur point bas. Cependant, un autre type d’agriculture plus discret prend place en pied de pente sur les collines, ou dans les vallons. Ces cultures sèches souvent associées à quelques arbres fruitiers. On trouve du manioc, du maïs, des taros et nombre d’espèces maraîchères installées dans de petites parcelles, créant un damier plus fin et diversifié que celui des rizières. L’importance de ces vallons est d’assurer une liaison et une respiration verte dans un tissu urbain incohérent et pollué. Leur intérêt est la continuité: ces liaisons vertes qu’elles offrent, suivant le fil de l’eau et permettant une circulation transversale suivant des axes parallèles Nord Sud.

Les vallons

Les vallons cultivés

Organisation spatiale des cultures

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La grande plaine rizicole

Ilot habitat des agriculteurs

Organisation parcellaire de la plaine rizicole

Les vallons maraîchers

Organisation parcellaire des maraîchages

Maraîchages serrés par un tissu urbain en plein expansion

L’ensemble de plaine et vallons cultivés forment un paysage économique identitaire de la ville d’Antananarivo, dans le cadre où il génère un dynamisme alimentaire et économique. Il constitue, ainsi, la seule trame verte qui permet à la ville, un tissu urbain proche de l’asphyxie. L’emplacement de l’agriculture urbaine est déterminé surtout par la facilité d’accès à la ville. En effet, l’agriculture urbaine entretient une relation très étroite avec l’aire urbaine d’Antananarivo. L’agriculture est désormais un des éléments majeurs composant le système urbain d’Antananarivo par les différentes fonctions qu’elle assure au profit de la vie urbaine.

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2- La multifonctionnalité de l’agriculture urbaine Au nord et au sud, la place de l’agriculture dans l’espace urbain a évolué ces dernières années. De simple réserve foncière destinée à accueillir à plus ou moins long terme l’expansion urbaine, l’espace agricole devient progressivement un bien commun capable de générer du développement durable. Dans le contexte urbain, le concept de durabilité de l’agriculture renvoie pour beaucoup, d’une part, aux conditions de pérennisation in situ de l’occupation agricole de l’espace, étant donné que la construction sur un espace agricole est un phénomène largement irréversible ; d’autre part, à la contribution de l’agriculture au développement durable de la ville. La planification spatiale se réfère désormais à des projets urbains ou territoriaux, dans lesquels l’agriculture pourrait prétendre à un rôle au nom de sa multifonctionnalité.

a- La fonction alimentaire et économique La fonction la plus apparente de l’agriculture urbaine est l’approvisionnement alimentaire de la ville. Elle est plus évidente pour les produits périssables tels que les produits maraîchers que pour les céréales qui peuvent faire l’objet de transport sur de longues distances et de stockage. Cependant la riziculture urbaine d’Antananarivo participe fortement aussi à l’autoconsommation des ménages urbains et joue un rôle significatif sur le marché à certaines périodes de l’année. Le riz de l’agglomération, majoritairement de première saison, contribue à réguler le marché (étalement des approvisionnements, stabilisation du prix) à des périodes où d’autres sources sont défaillantes, particulièrement en début de période de soudure en décembre et janvier, et atténue le rôle du riz importé d’avril à juin avant l’arrivée massive du riz du Lac Alaotra (principal grenier à riz de Madagascar). Ce rôle régulateur de l’agriculture urbaine a également été mis en évidence pour plusieurs produits maraîchers comme la tomate, la carotte ou le concombre. La production locale permet de compléter l’approvisionnement extérieur même si elle entre parfois en concurrence avec les produits d’autres zones des Hautes Terres ou du moyen-est. Le modèle de la tomate, devenue un produit de diversification rentable pour l’agriculture malgache fortement axée sur le riz (Rakotoarisoa, 1995 ; Moustier et David, 1999), est particulièrement éclairant (N’Dienor et al, 2005). Du fait de son caractère périssable, sa culture s’est beaucoup développée à proximité d’Antananarivo. La tomate est aujourd’hui le produit maraîcher le plus répandu auprès des consommateurs de la capitale.

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b- La fonction territoriale socio-patrimoniale À l’image des fonctions alimentaire et économique qui révèlent la valeur matérielle rendue par le secteur, les fonctions de nature patrimoniale et sociale confirment le caractère multifonctionnel de l’agriculture d’Antananarivo. À Antananarivo, peu de parcelles sont en friche. L’agriculture, le riz en particulier, marquent le territoire non construit. Dans le périurbain, l’exploitation représente un outil de travail pour les ménages agricoles mais est également un lieu de résidence et de conservation et transmission du patrimoine familial (rizières ancestrales). Ces fonctions patrimoniales se conjuguent pour sécuriser les ménages agricoles et faciliter l’investissement quand les occupants sont propriétaires de leurs terres ou d’au moins une partie d’entre elles. L’agriculture urbaine inculque aussi des valeurs sociales d’amortisseur de crise. L’agriculture n’absorbe pas l’exode rural à Antananarivo comme c’est le cas de façon structurelle dans certaines grandes villes. Les agriculteurs, même non-propriétaires, sont en majorité originaires de la zone. Les nouveaux arrivants trouvent plutôt à s’employer dans l’industrie, les services ou le commerce, souvent dans l’économie informelle. Ce sont des secteurs qui accueillent aussi le surplus de main-d’œuvre de l’agriculture (pluriactivité, jeunes générations...). Cependant, pendant la crise économique et politique de 2002, c’est l’agriculture qui a absorbé le trop-plein de salariés de l’industrie, mis à pied par la fermeture de nombreuses entreprises et le ralentissement de l’activité économique. Le retour à l’exploitation agricole familiale a permis à nombre d’entre eux de retrouver rapidement une activité alternative et en cela de limiter la recrudescence de la pauvreté, et parfois même entraîner une modification des systèmes de production agricole (intensification du maraîchage) et le développement d’activités para-agricoles (briques).

c- La fonction environnementale Aux côtés de la fonction alimentaire, d’autres fonctions de l’agriculture urbaine sont devenues importantes et commencent à être prises en compte dans la planification urbaine, comme la protection de la ville contre certains risques notamment l’inondation et érosion, l’élimination de déchets urbains et surtout forme le poumon vert qui fait respirer la ville. Chaque année à la saison des pluies et généralement après la récolte, la plaine rizicole est inondée de façon variable au moins sur la rive gauche du fleuve Ikopa qui borde Antananarivo mais aussi sur la rive droite, malgré son réaménagement récent. Les terres

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rizicoles sont aujourd’hui considérées comme un moyen efficace et peu coûteux de protéger la ville contre les inondations, en jouant un rôle de zone tampon. L’agglomération d’Antananarivo produit tous les jours près de 700 tonnes de déchets ménagers. Plus de 80 % de ces déchets sont déversés dans la décharge d’Andranilatra, située à 10 km du centre-ville. Cette décharge fonctionne depuis 1966, occupe aujourd’hui près de 15 ha et accumule une dizaine de mètres de hauteur de déchets qui posent un réel problème de salubrité à la ville. L’utilisation expérimentale sur des tomates d’un criblé de décharge dit « terreau », fabriqué artisanalement par une association caritative donne des rendements au moins égaux aux modes actuels de fertilisation. L’obtention de références en systèmes maraîchers, voire ultérieurement en systèmes rizicoles, se poursuit. Ainsi l’agriculture représente un débouché potentiel pour les déchets solides urbains. La ville d’Antananarivo est assez verte si l’on tient compte du taux d’espace libre de près de 40%. Bien que cette surface comprenne les surfaces agricoles de la plaine, il reste un bon nombre de lacs, marais, boisements, parcs, jardins et savanes. Mais seuls les espaces privés, parcs ou jardins particuliers présentent des végétaux à de multiples endroits. Malgré ce constat c’est l’absence de végétation dans l’espace public qui est marquante à Antananarivo. Seule la ville coloniale présente des parcs et jardins publics mais leur état est souvent mauvais et ces quelques espaces sont souvent trop isolés les uns des autres pour avoir un réel impact dans la ville et créer une dynamique verte capable d’exploser hors de ces grilles pour reverdir la ville. En effet, l’agriculture urbaine se présente comme la coulée verte aérant le tissu urbain d’Antananarivo. Ces espaces agricoles forment une masse de verdure et un véritable poumon vert de la ville envahie par toutes sortes de pollution.

Par son insertion dans l’aire et la vie urbaine, l’agriculture est un des leviers d’action majeurs conduisant au développement durable de l’agglomération d’Antananarivo. Cependant, face à l’urbanisation, l’agriculture urbaine est menacée. Elle voit ses espaces grattés par la croissance urbaine qui se traduit par les remblais sur les espaces rizicoles. D’où, la question de la préservation de l’agriculture urbaine face à l’urbanisation est un véritable défi à relever pour la ville d’Antananarivo. 15


B- DES PAYSAGES ECONOMIQUES MENACES PAR L’URBANISATION

Depuis une vingtaine d’année : il y aurait un mouvement de colonisation des terres agricoles par des édifices en tout genre, conduisant ainsi à la disparition de l’agriculture urbaine. Ils sont souvent révélateurs de peurs diverses. Certains, telle la frange dite supérieure de la population, regrettent la disparition d’un patrimoine naturel, historique et culturel. D’autres, tels que les agriculteurs et les consommateurs de produits agricoles urbains, voient la progression de l’urbanisation comme une menace directe à leur principale ressource, qu’elle soit économique ou alimentaire. Aujourd’hui avec une population totale de 1,7 millions (10 % de la population du pays) et un taux d’accroissement de 3,6 % par an, Antananarivo connait aujourd’hui une forte croissance urbaine. Les surfaces agricoles sont alors menacées par l’expansion urbaine. L’urbanisation gratte de plus en plus les espaces agricoles, un phénomène représenté par les remblais, plus précisément des masses de terre qui ont été transportées dans le but de surélever une parcelle agricole ou marais le plus souvent, pour pouvoir y construire des habitats. L’agriculture urbaine est un secteur multifonctionnel : fonction alimentaire et économique, fonction socio-patrimoniale et fonction environnementale. En effet, la diminution des espaces agricoles à cause de l’expansion urbaine génère des différents impacts notamment des impacts spatiaux et impacts environnementaux. La multifonctionnalité de l’agriculture et les enjeux liés à la croissance de la ville suscitent la rénovation des politiques publiques d’aménagement de l’espace et d’appui aux activités urbaines.

Expansion urbaine au détriment de la plaine agricole

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1- Les impacts spatiaux de l’urbanisation Le développement de la ville d’Antananarivo a commencé sous le règne d’Andrianampoinimerina, c'est-à-dire à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle. A cette époque, il fut marqué par les politiques démographiques et agricoles volontaristes. Le souverain fixa et concentra la population croissante sur la colline d’Analamanga. Parallèlement, il entreprit la transformation des marais de la plaine du Betsimitatatra17, situés 250 mètres en contrebas de la ville, en rizières. La présence des rizières permettait de lutter contre les famines et par conséquent de faire accroître la population et de nourrir les habitants. A cette époque l’urbanisation et le développement de l’agriculture allaient de pair, conférant ainsi un caractère rural à la nouvelle capitale merina. Ce caractère rural demeura jusqu’aux années 1960, non sans quelques modifications (La Cité des Mille, 1998). Le périmètre de la ville d’Antananarivo s’agrandit : entre 1905 et 1958 la superficie administrative de la capitale malgache passa de 30 km² à 61,82 km². Aujourd’hui, le phénomène semble s’accélérer et s’effectuer de plus en plus au détriment de l’agriculture urbaine. L’urbanisation progresse autour de ses pénétrantes ainsi que des principaux axes de communication. Elle se diffuse dans les terrains alentours, originellement destinés à l’agriculture. Le paysage de l’agglomération s’en trouve fortement modifié. Des terrains agricoles ont cédé la place à des constructions de tous ordres (infrastructures, logements, industries, commerces) de façon plus ou moins prégnante : le tissu urbain peut être dense, ou au contraire lâche. Cette mutation paysagère traduit la prise en étau de zones de cultures par les espaces urbanisés. C’est surtout le cas dans les IVe, Ve, VIe arrondissements de la CUA, le long de la route d’Ivato, dans la banlieue nord-est et autour de la RN7.

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Le développement de la ville au détriment des terres agricoles progresse sans détour (remblaiement de la plaine), involontairement (érosion des bassins versants) ou de façon insidieuse (activité briquetière).

a- Le remblaiement de la plaine Les remblais anarchiques de la plaine, notamment pour l’industrialisation dans la deuxième moitié des années 1990, ont causé la disparition de nombreuses rizières et une perturbation forte de l’ensemble du régime hydraulique de la plaine. Ces remblais occasionnent des inondations dans les bas quartiers nouvellement urbanisés et augmentent le risque de rupture de la digue à la saison des pluies. L’un des plus connus est la construction de la cité des 67 Hectares, sur 67 ha de remblais à l’ouest du canal Andriantany. Cette opération, voulue et encadrée au départ, annonce la tendance future au remblaiement de la plaine. Des espaces dans la cité étaient destinés à rester verts, mais ces interstices ont été peu à peu peuplés par des populations démunies sans que les décideurs urbains n’aient pu l’empêcher.

Rizières mitées

Maison en dur sur du remblai

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b- L’urbanisation illégale sur les collines L’urbanisation spectaculaire, souvent illégale et peu maîtrisée de collines anciennement rizicoles accroît les risques d’érosion et de comblement des petites parcelles des bas-fonds intra-muros, aggravés par les inondations et la quasi-inexistence de réseau d’assainissement et d’évacuation des eaux usées. Le cas du colmatage intempestif du vallon cressonnier d’Ambanidia à chaque saison des pluies, préfigure l’évolution de plusieurs sites dans la ville.

Colline habitée

Forme de construction illégale

c- L’activité de briqueterie sur les espaces agricoles Le remblaiement peut prendre une forme plus insidieuse. La fabrication de briques dans les parcelles argileuses, après la récolte du riz, est une activité très dynamique et rémunératrice, étant donné la forte demande pour la construction dans l’agglomération. Elle a tendance à se poursuivre tant que l’exploitant n’atteint pas les couches de gley situées sous l’argile à environ 60 cm de profondeur (en moyenne trois à quatre saisons de coexistence riziculture-briques). L’atteinte de ces couches rend la parcelle impropre à la culture de riz ainsi qu’à l’activité briquetière elle-même. Le devenir « naturel » de la parcelle concernée est alors la construction : le système annuel « riz-briques-canards-pêche » laisse place à la trajectoire « riz-brique, remblai, construction ». Cette activité mite le paysage et porte atteinte à la dynamique hydraulique de la plaine et à la durabilité de la riziculture.

La briqueterie: une activité impulsée par l'urbanisation qui remet en cause la fertilité des rizières

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2- Les impacts environnementaux La croissance urbaine qui se traduit par le remblaiement des espaces rizicoles, est autant marqué par des habitats que des zones industrielles. En effet, c’est la présence de ces industries qui détériorent le plus non seulement l’agriculture urbaine mais aussi l’environnement de la ville toute entière, à travers le rejet des eaux usées, des déchets chimiques et des fumées.

a- Pollution industrielle et contre-performance rizicole en plaine Malgré la séparation récente des réseaux d’irrigation et d’assainissement, les rizières en plaine sont souvent polluées par débordement des canaux d’évacuation dû au mauvais drainage global. Si la pollution urbaine y a peu d’effet significatif sur le rendement du riz, la pollution industrielle en revanche a des conséquences très dommageables dans les zones de concentration des rejets, effectués le plus souvent directement dans les canaux d’irrigation. Cette pollution induit un allongement du cycle tallage-floraison, une abondante production d’éléments végétatifs avec des difficultés de fructification, un remplissage insuffisant des grains qui se traduit par des rendements plus faibles à proximité des usines. Lorsque la pollution est forte, la culture du riz peut même devenir impossible et la rizière abandonnée redevient un marais.

b- Dégradation de la qualité sanitaire des produits maraîchers dans les bas-fonds Les bas-fonds intra-muros concentrent fortement les eaux usées. Celles-ci pourraient servir à l’irrigation à condition d’être traitées par lagunage, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Et elles sont inaptes à la vie de certains organismes car devenues trop « riches » en matière organique (riz, poisson). Les agriculteurs récupèrent ces eaux pour produire des légumes dans les têtes des bas-fonds autrefois rizicoles. Ils aménagent de petits collecteurs artisanaux, détournant parfois pour cela des réseaux d’évacuation de l’eau pluviale. Ils tirent avantage du faible taux de raccordement au réseau d’eaux usées de la population tananarivienne : moins de 20 % dans la CUA (Commune Urbaine d’Antananarivo). Autre externalité liée à la concentration urbaine, ces effluents pollués peuvent dégrader la qualité sanitaire des produits maraîchers au point de les rendre impropres à la consommation.

Pollution sur les maraîchages à cause des déchets industriels et domestiques

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A titre d’exemple, les analyses physico-chimiques montrent la forte présence de métaux lourds dans les cressonnières intra-muros de la vallée d’Ambanidia et une contamination fécale excessive. Ce produit, valorisé directement à proximité immédiate, est très rémunérateur. Pourtant, sa partie comestible est souillée de bactéries qu’on ne peut pas supprimer par un lavage soigné à base d’eau de javel. Il est donc formellement déconseillé de le consommer cru ou même cuit. On note d’ailleurs le délaissement de ce légume-feuille, par ailleurs très prisé car riche en éléments nutritifs, par les consommateurs aisés. Une segmentation de son marché pourrait se mette en place avec une sous-filière cresson « propre », produit avec de l’eau de source, vendu notamment en grande surface, permise par une disposition à payer de certains consommateurs pour avoir l’assurance de consommer un produit cultivé dans de bonnes conditions sanitaires. Pour l’instant, la qualité du cresson dépend plus de la localisation de fait des parcelles et des conditions d’arrivée de l’eau que d’une véritable stratégie des producteurs.

3- La limitation des impacts L’agriculture urbaine n’est pas seulement un paysage économique dans la ville, c’est un paysage économique de la ville, c’est-à-dire, elle est désormais un élément inséparable du système urbain de l’agglomération d’Antananarivo. Il est alors indispensable de limiter les effets négatifs du choc entre l’urbanisation et l’agriculture en trouvant des compromis générant une cohérence urbaine à travers ces deux éléments. En effet, par les multiples fonctions qu’elle assure au profit de la ville, l’agriculture urbaine nécessite une prise en compte conséquente dans toute planification urbaine, afin de retrouver le bon ménage entre l’urbanisation et l’agriculture qui, autrefois, cohabitaient bien ensemble pour former un tout harmonieux. Pour cela, l’agglomération d’Antananarivo a besoin de rénover sa politique publique d’aménagement d’espace et des activités urbaines. Cette rénovation engage l’implication des agriculteurs et des autres groupes d’usagers de la ville, ce qui suppose le renforcement de leur capacité de participation, pour gérer les conflits et les compromis entre eux.

a- Compromis entre acteurs de la ville La rénovation des politiques repose sur une plus grande participation des acteurs de la ville à leur conception. Les processus de concertation, de négociation et les conditions et modalités de leur mise en œuvre peuvent être analysés comme des formes d’action collective. Dans le cas de la gestion durable de l’espace urbain à Antananarivo, l’action collective et la coordination peuvent faciliter les compromis entre acteurs et usagers de la ville (État, collectivités locales, industriels, consommateurs, agriculteurs, etc.). Le rôle de bassin tampon dévolu à la plaine rizicole d’Antananarivo pour protéger les quartiers de la ville basse des inondations, peut aller de pair avec une riziculture performante. Le riz de première saison doit être repiqué début septembre et récolté au plus tard en janvier avant la période des cyclones et des fortes pluies. Pour cela, les agriculteurs doivent être assurés à la fois d’une mise en eau précoce des rizières (mi-août) mais aussi 21


d’un drainage amélioré après récolte permettant de préparer les terres et de réaliser les pépinières dans de bonnes conditions, ce qui suppose de nouvelles relations de coopération entre responsables urbains et riziculteurs (lâchers d’eau en août, accompagnement technique des agriculteurs, protection contre la spéculation foncière...). Dans le cas déjà abordé du cresson, la croissance démographique et le développement de l’urbanisation œuvrent dans le sens à la fois d’une augmentation de la demande du produit et d’une dégradation de sa qualité. Le résultat du rapport de force entre ces facteurs aux effets contraires sera déterminé en grande partie par l’attitude des consommateurs face au risque de contamination de leur alimentation et à leur capacité à mobiliser la puissance publique pour la défense de leurs intérêts mais aussi à terme de ceux des agriculteurs.

b- De l’appui à l’agriculture à la participation des agriculteurs à l’aménagement urbain L’agriculture urbaine est reconnue depuis quelques années dans plusieurs pays comme faisant partie intégrante du processus d’urbanisation et comme un moyen de réduire la pauvreté et d’améliorer la ration alimentaire des citadins. Cependant à Antananarivo, à l’image de la société civile, les agriculteurs, et en particulier ceux à très faible revenu, ne sont pas suffisamment organisés pour négocier efficacement avec les autorités ou des groupes d’usagers de la ville plus structurés et plus puissants qu’eux. Il en découle un accès limité des agriculteurs aux ressources, intrants, services (microfinance, information, appui technique...), qui empêche les plus vulnérables d’entre eux d’exprimer leur réel potentiel et de participer pleinement à la sécurité alimentaire, à la création de revenus et à la génération d’emplois. De plus, le statut précaire de certains petits producteurs les oblige à utiliser des sites pollués, dégradés ou instables, rendant leurs pratiques risquées ou même dangereuses pour la santé humaine des citadins, la leur et pour l’environnement. Ces groupes ont besoin de formation et d’organisation pour améliorer leur situation économique individuelle et éviter le développement d’une agriculture à deux vitesses : des exploitants en prise directe avec les secteurs de la transformation et de la grande distribution ; et une petite agriculture familiale dans l’incapacité d’accumuler. Une plus grande reconnaissance des autorités et des autres usagers de l’espace urbain, plus de légalité et de représentation institutionnelle, leur permettraient de participer plus activement à la formulation des politiques publiques et des stratégies qui visent à améliorer leur situation et faciliteraient leur intégration et leur contribution à part entière à la planification urbaine.

La prise de conscience par les décideurs des nombreux services, pour l’essentiel non marchands, rendus par l’agriculture à la ville, est plus récente. Les autorités locales reconnaissent aujourd’hui qu’il est indispensable de conserver des espaces ouverts, protégeant la ville en cas d’inondation et desserrant la contrainte d’assainissement. Elles apprécient de plus en plus le rôle social de l’agriculture étant donné la vulnérabilité de certains ménages, cherchent aussi à cultiver l’image « verte » de la capitale et, au final, portent un regard positif sur l’occupation agricole des espaces ouverts. 22


PARTIE II LA NATURE DANS LES VILLES COTIERES Des Tiers-Paysages à valoriser

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A- LES DELAISSES ET LEUR EMPLACEMENT DANS LA VILLE

La ville de Toamasina (Tamatave) est la capitale économique grâce à son port qui est le premier grand port de l’île et la deuxième agglomération urbaine de Madagascar avec 225000 habitants. Elle se situe sur la côte-Est, une côte connue par son climat chaud et très humide, propice à la végétation luxuriante. En effet, les grandes biodiversités de Madagascar sont regroupées sur la côte Est dans les forêts tropicales. C’est ce qui explique la forte présence de végétation dans la ville de Tamatave ; une végétation qui se développe sans intervention humaine. La ville de Toamasina est une ville naturellement verte. Des jardins ont été aménagés au cœur de la ville à l’époque coloniale ; des jardins conçus dans l’esprit de « jardin européen », lieux de détente, de promenade pour les colons. Aujourd’hui, ces jardins ne sont plus que des terrains en attente d'affectation ou en attente d'exécution de projets suspendus aux provisionnements budgétaires, aux décisions politiques. Historiquement, pendant la colonisation jusqu'à la 1ère république en 1960 Toamasina était la plus belle ville de Madagascar. Elle était une référence sur le plan de l'urbanisme. Dès 1890, quand Tamatave fût décrétée commune en octobre 1897, il a fallu réorganiser la ville avec un nouveau plan d'urbanisme. Avec cette réorganisation de la ville, furent mis en place les espaces verts d'Ampasimazava, plus précisément des jardins nommés « places » par la ville et par les habitants : la place Bien Aimé, la place du Marché et la place de la Colonne. Aujourd’hui, la ville ne compte que ces trois jardins comme espaces verts, aucun parc ou jardin n’a été aménagé malgré l’évolution de la ville. Pourtant, ces trois espaces sont délaissés.

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Végétation tropicale et luxuriante – Côte Est

Toamasina, une ville naturellement verte

Emplacement stratégique du quartier colonial

Les jardins à l’échelle du quartier d’Ampasimazava

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1- La place Bien Aimé « La place Bien Aimé » est un jardin implanté au centre du Vieux Tamatave, dans le quartier d’Ampasimazava. Un quartier dont l’emplacement ciblé par les colonisateurs est très stratégique : au bord de la mer, pas loin du Grand Port. Le jardin est bordé par des vieilles bâtisses caractéristiques de l’architecture coloniale. Des maisons à deux niveaux avec des grandes galeries appelées « varangues » et des colonnades. « La place Bien Aimé » est connue par l’essence très caractéristique qui le compose : les arbres centenaires appelés « Banians », des arbres géants aux racines aériennes d’origine indienne. Le jardin est moyennement accessible à cause de son emplacement au cœur du vieux quartier. Loin des grands axes, il est desservi par des petites ruelles souvent inondées par la pluie. En effet, l’usage de cet espace est seulement à l’échelle du quartier. « La Place Bien Aimé » est le seul espace vert que les habitants de ce quartier ont su s’approprier malgré son délaissement par l’institution politique de la ville. C’est devenu un lieu de loisirs et de rencontre: les habitants y viennent pour se retrouver, c’est un lieu où les jeunes du quartier viennent s’amuser. En tout, le jardin « place Bien Aimé » est un lieu de cohésion sociale et culturelle du quartier d’Ampasimazava. Aujourd’hui, ce jardin est revendiqué par les habitants comme un patrimoine culturel de la ville de Tamatave.

Bâtisse coloniale bordant le jardin

Ruelles desservant le jardin

Les banians, élements emblématiques du lieu

Un jardin protégé par les banians

Un espace de cohésion socio-culturelle

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2- La place de la Colonne Ce jardin est aussi situé dans le quartier colonial d’Ampasimazava. Il est aménagé au bord d’un grand axe, le boulevard Joffre qui est la principale artère commerciale de la ville. Concernant l’architecture, le jardin est entouré par des bâtiments hôteliers et des demeures typiques de l’époque coloniale. Le jardin «place de la Colonne » est un espace physiquement et visuellement accessible et surtout bien éclairé. Paradoxalement, cet espace est totalement délaissé : le jardin était aménagé, à l’époque, en vrai espace de détente avec des mobiliers adéquats. Aujourd’hui, la nature y a repris ses droits au détriment des mobiliers. En fait, le jardin, dès son aménagement a connu une histoire qui creusait de plus en plus la discorde entre les colons et les indigènes de la ville de Tamatave. D’après l’histoire, au XVIIe siècle, la prophétesse Timasy Vavitiana habitait en ce lieu et y faisait des miracles. Elle fut enterrée sur ce site, puis ses descendants perpétuèrent la tradition en se faisant successivement inhumer dans ce qui devint un lieu de culte où la population se rassemblait. Cette pratique religieuse traditionnelle déplaisant aux missionnaires, l’administration coloniale décida d’exhumer et expulser au cimetière municipal les reliques sacrées et afin d’empêcher le culte, on édifia un monument entouré de chaînes. Cette histoire a marqué les descendants. Actuellement, c’est la seule chose que les riverains retiennent du jardin et c’est ce qui explique le délaissement total du site.

Carte postale du jardin « place de la colonne »

Un jardin déserté

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3- La place du Marché Le jardin « place du Marché » se trouve entre « la place Bien Aimé » et la « place de la Colonne ». Il est serré entre les petites ruelles desservant les demeures coloniales. Concernant, l’essence en elle-même du jardin, elle ne présente pas une caractéristique particulière de l’espace. Des petites ruelles desservent le jardin et les vieilles demeures coloniales du quartier. A cet endroit se trouvait le premier marché des habitants d'Ampasimazava, qui était transféré au « Bazar Be » actuel en 1899 par l’administration coloniale pour en faire un jardin. Les indigènes ne fréquentaient plus le lieu à cause de cette mutation d’occupation du sol. Et jusqu’aujourd’hui, le reniement de ce jardin par les habitants et les institutions politiques font de ce jardin une véritable réserve foncière en cours de mutation qui est en train de s’opérer. Le jardin est, actuellement, en phase d’être muté en une zone commerciale. L’espace public délaissé devient donc un espace commercial privé fermé, où toutes les couches de la population n’y ont pas accès. La nouvelle activité proposée dans ce jardin rappelle l’activité initiale, le commerce. Mais la différence se remarque même dans leur appellation, centre commercial et marché. C’est deux termes sont complètement différents car le premier souligne nettement l’objectif commercial tandis que le deuxième prône autre chose à part le commerce, le sens de la convivialité.

Jardin non entretenu, souvent inondé

Arbres rasés, construction d’un centre commercial

Chaque espace avait déjà son entité et son usage avant de les transformer en jardin. Les habitants n’ont jamais pu accepter ce changement, et ne voit en ces espaces que l’image de l’autorité coloniale. Cela les conduit au délaissement de ces espaces qui, pourtant, rassemble une grande biodiversité à mettre en valeur au profit du développement durable de la ville. En effet, ces trois jardins forment le tiers paysage du centre urbain de Tamatave. Ils correspondent à des terrains en attente d'affectation ou en attente de réalisation de projets suspendus aux provisionnements budgétaires, aux décisions politiques. Les délais, souvent longs permettent aux espaces verts d'acquérir un couvert forestier. Ces Tiers paysages, quel rapport entretiennent-ils avec la société ? 28


B- LES DELAISSES ET LEUR RAPPORT AVEC LA SOCIETE Du point de vue sociétal, le Tiers paysage est regardé comme, un espace de nature dans le cas de saisissement du Tiers paysage par l'institution, un espace de loisir ou un espace sacré quand les riverains le saisissent et un espace improductif dans le cas de délaissement de celui-ci par l'institution. Dans la ville de Toamasina, aux yeux de l’institution, les jardins « place Bien Aimé », « place de la Colonne » et « place du Marché » sont vus comme des espaces de rejet, de déchets, de marge, espaces improductifs dont l’exploitation n’est pas rentable. En effet, ces espaces sont alors considérés comme des réserves foncières, en attente d’une décision prioritaire pour le développement de la ville. Pour les riverains, ces jardins sont des espaces non revendicables, privés d'espérance. L’histoire de l’aménagement de ces espaces en 1897 n’a pas été oubliée par les habitants et les conduisent à renier ces jardins. Le jardin dont l’aménagement n’a pas créé une discorde entre les indigènes et les colons, « la place Bien Aimé », est le seul que les habitants du quartier ont su s’approprier. Le tiers paysage peut être un espace sacré au regard des habitants. Un lieu sacré où ils viennent faire des vœux, se recueillir, c’est le cas du Baobab dans le centre de la ville de Mahajanga (Côte-Ouest de l’île) ou tout simplement un lieu interdit (fady pour les malgaches). Par le rituel, ces lieux ne peuvent pas être entretenus, on doit les laisser tels quels.

1- Les délaissés et l’institution a- Les raisons du délaissement des jardins par l’institution Après l’indépendance, les autorités de la ville de Toamasina n’ont pas entrepris des mesures d’entretien de ces espaces verts laissés par les colonisateurs. Aucun autre parc ou jardin n’a été aménagé. Plusieurs facteurs favorisent ce délaissement. La ville de Toamasina est une ville verte. Grâce à son climat chaud et humide les végétations se développent facilement, des végétations souvent luxuriantes qu’on retrouve particulièrement dans chaque parcellaire de la ville. Il y a aussi les quelques routes tracées et plantées à l’époque coloniale. Tout cela rassemblé, fait que la ville de Toamasina soit une ville verte à l’état naturel. Les autorités utilisent alors cet argument pour expliquer leur priorité pour le développement économique et le manque d’intérêt porté aux espaces verts urbains. Le délaissement des jardins « place Bien Aimé », « place de la colonne » et « place du marché » par l'institution coïncide avec un point de vue dévalorisant : friche, délaissé, décombre, décharge, terrain vague, etc. Les gens désertant ces lieux, les autorités les considèrent alors comme des espaces improductifs et sans intérêts. Les jardins deviennent ainsi des réserves foncières. D’où le saisissement de ces espaces par l’institution pour proposer des nouveaux critères positifs, la mutation en zone d’activité économique.

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Madagascar est un pays sous-développé, et la ville de Toamasina est son poumon économique. Dans cette ville le développement économique est une priorité, parfois au détriment des autres aspects du bon fonctionnement de la ville. En effet, la seule question qui se pose sur le devenir de ces jardins est : peut-on espérer une croissance, un développement économique? C’est le cas du jardin « place du Marché » : la commune de Toamasina a décidé de le transformer en zone commerciale. Tous les arbres centenaires sont abattus, le jardin est rasé.

b- Les raisons de l’éventuel ressaisissement des jardins par l’institution En fait, si on regarde d’une manière plus disponible, le tiers paysage et un nid de la biodiversité. Ces jardins délaissés dans la ville est une véritable réserve biologique au cœur de la ville. Le délaissement du Tiers paysage par l'institution ne modifie pas son devenir, il l'entretient, garantit le maintien et le déploiement de la diversité, ne signifie pas délaissement absolu. L’institution ne voit en ces espaces délaissés que des lieux sans intérêt qu’il faut convertir en zone d’intérêt économique. Cependant, il est indispensable de souligner que la biodiversité en elle-même est une source économique non négligeable que l’institution aura à prendre en compte. Si elle pouvait voir en ces espaces leur qualité, le développement de la ville avancera plus dans la notion du développement durable, une notion que la Terre entière prône aujourd’hui. La biodiversité joue un rôle important dans le système économique ; elle fournit des biens et de services pour l’économie à la fois à l’échelle locale et à l’échelle régionale. Plusieurs éléments de la biodiversité sont utilisés comme des matières premières pour la production d’autres biens et services marchands. Ici, dans le cas de ces jardins de ville, l’institution aurait à trouver ses intérêts par la valorisation économique de la biodiversité de ces espaces. La Côté Est est la zone géographique où l’on enregistre la plus grande présence de plantes médicinales et aromatiques, spontanées ou endémiques du pays comme le girofle, la cannelle, le gingembre, le poivre noir, le géranium et beaucoup d’autres plantes médicinales qui poussent facilement dans la région. En effet, en transformant les trois jardins en jardins de plantes médicinales ou aromatiques, l’institution peut favoriser le développement local du commerce des produits thérapeutiques ou cosmétiques, de la médecine traditionnelle, un système sanitaire encore très utilisé par la masse populaire dans la ville à cause, d’une part , de son efficacité et d’autre part, à cause du coût élevé des soins paramédicaux modernes. Ce ressaisissement n’apportera pas seulement des intérêts économiques mais aussi des intérêts patrimoniaux qui feront développer les aspects récréatifs et culturels notamment le tourisme. Les trois jardins de la ville fonctionneront comme fournisseurs des petites enseignes locales spécialistes en matière de plantes médicinales. Les nouveaux jardins des plantes deviendront jardins références pour les autres villes côtières qui se retrouvent dans la même situation que Toamasina sur les jardins délaissés.

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Finalement, Le tiers paysage ne doit pas être considéré par l’institution comme un point négatif pour la ville, il ne doit pas être le délaissé absolu, il doit être « le délaissé par excellence ». Le ressaisissement de ces lieux dits « délaissés » permet de requalifier la ville de Toamasina à partir de ses propres ressources identitaires. Cette requalification n’est autre qu’une bonne stratégie menant au développement durable de la ville de Toamasina, de la région Est.

2- Les délaissés et les riverains a- Le délaissement des jardins par les riverains : des raisons historiques Les riverains renient ces jardins communaux qui ont été aménagés par les colonisateurs. Ce reniement remonte à l’origine de l’aménagement de ces jardins. En 1897, quand les colons réorganisent la ville de Tamatave, ils ont aménagé des espaces verts dans la ville dont les jardins « la place Bien Aimé », « la place de la Colonne », et « la place du Marché », des espaces de détente uniquement pour eux et leurs familles. L’emplacement qu’ils ont choisi pour aménager ces jardins a été des lieux d’intérêt culturel et religieux pour les indigènes. Pour ce faire, ils ont délocalisé ces pratiques d’indigènes pour en faire des jardins. Cela a été le cas de la « place de la colonne », qui a été un lieu de culte pour les indigènes, et la « place du Marché » qui a été le marché des indigènes. Cette histoire a marqué les indigènes et leurs descendants, qu’après l’indépendance, ils continuent à ignorer ces jardins. Ces jardins sont alors livrés à eux-mêmes, la nature reprend ses droits face au délaissement humain. En effet, les riverains ne voient en ces espaces que l’autorité absolue des colonisateurs. Ce regard bien accroché à l’historique empêche les gens à voir les potentiels et à investir ces lieux. Tous les jardins issus d’une mutation au détriment des indigènes sont ignorés par les riverains. C’est un délaissement voulu et tenu, un délaissement d’origine historique mais pas à cause des raisons classiques de délaissement comme la non accessibilité ou le manque de visibilité. La « place Bien Aimé » est le seul jardin qui n’a pas connu une histoire à l’origine de son emplacement. Après le départ des colons, les habitants ont vu en cet espace, sa qualité et ont su l’investir. Le jardin n’étant pas desservi par des grands axes, n’étant pas visible depuis les axes principaux, l’usage de ce lieu est surtout à l’échelle du quartier. Tous les riverains des quatre coins de la ville n’arrivent pas à s’approprier le jardin. Son aménagement n’a pas été pensé à l’échelle de la ville, il a été aménagé pour les colons, donc au sein de leur quartier. Les trois jardins de la ville de Toamasina ont été pensés et aménagés pour les colonisateurs. D’où leur implantation dans le seul quartier, le quartier d’Ampasimazava, le quartier colonial de la ville. Les indigènes ayant vu leurs pratiques délocalisées de ce quartier ont délaissés le site, une histoire qui continue jusqu’aujourd’hui. Cependant, il est nécessaire qu’on puisse montrer aux riverains les qualités de ces jardins qu’ils délaissent, que ces espaces sont d’une grande richesse pour la ville. Il est temps qu’ils se rendent compte de l’importance de ces lieux pour l’amélioration de leur cadre de vie. 31


b- Les jardins et leurs qualités : des espaces à réapproprier Les délaissés dits Tiers paysages sont des véritables réserves de biodiversité. Ils constituent des sites d’intérêts écologiques sans que les riverains s’en rendent compte. Pour mettre en avant les qualités de ces espaces, il est nécessaire de les valoriser en mettant en place une nouvelle planification sur la requalification de ces jardins délaissés afin que les riverains puissent se les approprier et les reconnaître en tant qu’espace faisant partis de la ville. En effet, la biodiversité assure des fonctions multiples au profit de l’aire urbaine. Sans parler de ses fonctions économiques dont la production de biens et services marchands, elle assure le maintien et la soutenabilité de la sphère écologique. Depuis longtemps, l’écologie a admis le rôle fondamental de la biodiversité dans le maintien des écosystèmes. La biodiversité assure et conditionne les services environnementaux notamment l’épuration et la dépollution de l’air et de l’eau dans un tissu urbain envahi en permanence par la pollution, la concentration des substances toxiques générées par les activités humaines, la protection de la terre contre les cyclones qui frappent souvent la région Est… Grâce à ses différentes fonctions environnementales, la biodiversité est considérée comme un support de vie pour la société. La préservation et la mise en valeur de la biodiversité permet d’améliorer le cadre de vie des habitants de la ville de Toamasina. Par ailleurs, la diversité biologique est aussi étroitement liée à la diversité culturelle. Le souci de préserver la biodiversité rejoint souvent celui de maintenir les savoir-faire et les traditions locales, notamment la médecine traditionnelle. L’érosion de la biodiversité peut donc conduire à la disparition de certaines cultures ancestrales. Ces qualités précitées, une fois mises en valeur, les trois jardins délaissés de Toamasina seront appropriés par les riverains. Pour cela, le délaissement de ces lieux ne doit plus être absolu. Ces lieux doivent être des délaissés par choix, c’est-à-dire, des lieux où l’intervention humaine pour l’entretien est très limitée afin de préserver et valoriser la biodiversité. Ces lieux peuvent devenir des jardins de plantes médicinales et aromatiques. Des espaces verts publics où les riverains peuvent venir pour découvrir et familiariser avec les richesses naturelles de la ville de Toamasina et de la Région Est. Les jardins autrefois délaissés deviendront des espaces de récréation pour les riverains et d’intérêts touristiques, des espaces d’interaction culturelle.

3- Les délaissés et la notion du sacré Au niveau de la société, le délaissé est regardé aussi comme un espace sacré. L’espace n’est pas un délaissé absolu, il est particulièrement respecté. En général, c’est un espace où les gens viennent faire des vœux, se recueillir et apporter des sacrifices, un rituel religieux. Ces lieux sont souvent des espaces verts dans lesquels a été enterré un membre de l’ancienne royauté, ou un chef de religion traditionnelle, ou tout simplement un espace avec un arbre sacré. Cette notion de sacré coïncide avec le non investissement du lieu, c’est-àdire : le rapport qu’entretiennent les gens avec ce lieu est purement rituel. D’où le respect absolu de l’espace, l’intervention humaine y est interdite, seule la nature domine l’espace.

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A Madagascar, la côte-Ouest est une référence dans la notion d’espace sacré. Aujourd’hui, beaucoup de gens suivent encore des rites traditionnels religieux sur cette côte, d’où la présence de plusieurs espaces sacrés encore respectés. La ville de Mahajanga est la capitale de cette région Ouest. Dans cette ville, un espace sacré est encore reconnu et respecté par les riverains, le Baobab géant du centre-ville, devenu un emblème de la ville.

Emplacement stratégique du quartier colonial

Un arbre espace sacret dans un tissu urbain

Le Baobab, point reliant la ville à la mer

De la ville à la mer

Cet espace occupé par le Baobab est situé au bord de la mer, au carrefour de trois axes majeurs (avenue de France, le Boulevard Pointcarré et le boulevard Marcoz). Le baobab de Mahajanga est connu par sa circonférence exceptionnelle de 21.70 mètres à 1m du sol, sa hauteur ne dépasse guère 10m. "Baobab" est un mot sénégalais d'origine arabe qui désigne un arbre à tronc démesuré. Madagascar possède sept espèces de Baobab, une seule est commune à l’Afrique celui de Mahajanga. Celui-ci a plus de 800 ans. Son tronc servit de poteau d'exécution pour les condamnés à mort. 33


Par son emplacement, il se présente comme le centre de la ville et de la région. Tout converge vers lui, pour l’admirer, le respecter et l’implorer pour des vœux de bonheur et de réussite. Il se présente aussi comme un point de repère, point de départ pour lire et traverser la ville grâce à ces trois axes principaux qui entourent notamment l’avenue de France, qui part du baobab et partage la ville d'Ouest en Est vers la RN4 en direction d’Antananarivo, la capitale. Ce Baobab est un lieu sacré pour les riverains mais aussi pour la ville car l’institution en a fait un attrait touristique. Ainsi, l’espace autour de l’arbre a été aménagé en clôture pour éviter tout débordement touristique qui pourrait nuire au respect de ce lieu sacré. En effet, ce lieu est un délaissé car l’entretien est vraiment limitée, cependant, il est respecté. Le Tiers-Paysage considéré comme un espace sacré est issu d’un délaissement voulu qui entre en accord avec la notion du Tiers-paysage apparaissant comme une réserve biologique sur de la ville.

Le délaissement du Tiers -Paysage coïncide avec, soit un point de vue dévalorisant : friche, délaissé, décombre, décharge, terrain vague ; soit un point de vue moralisant : lieux sacrés, lieux interdits. On sait que, comparé à l’ensemble des territoires soumis à la maîtrise et à l’exploitation de l’homme, le Tiers-Paysage constitue l’espace privilégié d’accueil de la diversité biologique. Le nombre d’espèces recensées dans un champ, une culture ou une forêt gérée est faible en comparaison du nombre recensé dans un délaissé qui leur est attenant. Ainsi, Considéré sous cet angle, le tiers paysage apparaît comme l’espace du futur et que son délaissement n’est autre que son entretien. La prise en considération du Tiers-Paysage en tant que nécessité biologique conditionnant l’avenir des êtres vivants modifie la lecture de la ville et valorise des lieux habituellement considérés comme négligeables. Il revient au politique d’organiser la partition des sols de façon à ménager dans son aire d’influence d’espaces d’indécision, ce qui revient à ménager le futur dans une stratégie de développement durable.

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CONCLUSION

Pour conclure, la nature peut se manifester sous plusieurs formes et aspects, tout en gardant sa fonction principale qui sert de support de vie à l’humanité. De cette fonction principale, on peut tirer sa fonction environnementale. Une fonction qu’on associe souvent à la nature. Certes, dans une ville, souvent, on la considère comme un poumon qui fait respirer la ville de toutes les pollutions qui l’envahissent. Dans une aire urbaine, la nature signifie tranquillité, sérénité et bien être, ce qui est à l’opposé de la dynamique de la vie urbaine. C’est le cas dans les villes européennes. Cependant, la nature n’est pas seulement une ressource écologique. Elle est multifonctionnelle, tant à l’échelle urbaine que territoriale. Sa multifonctionnalité est très remarquable dans un pays en voie de développement comme Madagascar où la priorité se repose sur l’économie. Dans la ville d’Antananarivo la nature se présente sous un aspect économique tout en assurant ses fonctions environnementales et socio-patrimoniales. Elle participe au développement économique de la ville et à l’amélioration du cadre de vie de ses riverains qui ne cessent d’accroître. Avec cette croissance urbaine, le développement de l’agriculture est plus qu’indispensable. Ainsi toute planification urbaine doit veiller à prendre en compte la présence de ce paysage économique emblématique de la ville d’Antananarivo. La nature peut parfois exprimer ses droits en plein cœur d’un tissu urbain. La manifestation des Tiers-paysages dans la ville de Toamasina en est un vrai exemple. Des jardins anciennement investis par les colons, niés par les riverains et oubliés par l’institution de la ville deviennent des espaces délaissés où la nature se développe dans son état sauvage. En effet, ces espaces renferment une richesse biologique exploitable notamment des plantes médicinales et aromatiques. Reconnaître les valeurs écologiques et les valeurs économiques directes ou indirectes de cette richesse, revient à reconnaître la capacité de faire de la ville de Toamasina une ville durable. L’objectif de ce mémoire étant de montrer que le rôle de la nature dans une ville durable va au-delà du rôle écologique que les gens ont souvent tendance à concilier avec le terme nature. Elle peut se manifester autrement qu’un simple espace vert et entrer en jeu direct avec le développement urbain. Les villes malgaches ont beaucoup d’intérêts à élaborer une rénovation politique publique avec des projets urbains toujours en phase avec la nature.

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