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MIXITÉ DE MATÉRIAUX

« Avant que les industriels du béton arrivent à produire un vrai béton bas-carbone, il va s’écouler un peu de temps. Mais les besoins en bâtiments sont trop importants pour attendre. Cela n’a donc rien de surprenant si ces mêmes entreprises complètent leur activité avec des filiales de construction bois à même de répondre aux obligations bas carbone de la RE 2020 » , rappelle Steven Ware.

D’autant qu’en France, pour prévenir le mauvais comportement du bois en milieu humide, il y a une obligation d’utiliser le béton pour toutes les parties souterraines d’un bâtiment, même si celui-ci est en bois. Fondations, parking en soussol, caves, jusqu’à la dalle du rez-de-chaussée, sont en béton. En surface, c’est la règlementation Incendie qui contraint à concevoir le noyau central, qui correspond aux cages d’ascenseur et aux escaliers, également en béton. C’est encore la même réglementation qui intime l’obligation d’encapsuler les planchers bois. « Pour moi, l’avenir, c’est l’hybride » reprend l’architecte britannique : « Il faut mettre le plus de bois possible afin de bénéficier de tous ses atouts. Tout en acceptant de faire appel à l’acier ou au béton dans le cas, par exemple, d’une problématique sismique, afin d’optimiser la structure. Il en est de même pour la résistance au vent : A partir d’une certaine hauteur, la structure doit être lestée. » S’il ne peut y avoir de ville du futur sans la présence du matériau bois dans ses immeubles, encore faut-il tenir compte de l’argument financier que représente une mixité de matériaux. A la question « Le bon sens économique ( utilisation du béton et de l’acier moins chers que les matériaux biosourcés ) peut-il prévaloir sur le bon sens écologique ? » , on a envie de répondre : En aucune façon, car mettre le bon matériau au bon endroit signifie avant tout construire bas carbone et, de fait, utiliser les matériaux biosourcés au détriment de tous les autres. D’ailleurs, l’indice de construction RE 2020 version 2031 ne pourrait pas se satisfaire d’une construction en bois à 75 %... Mais en sommes-nous si sûrs ?

Economie circulaire

L’objectif est de l’architecture frugale est de créer des espaces répondant aux besoins premiers des occupants tout en minimisant les coûts, les déchets et l’impact environnemental.

Au cœur des enjeux des villes de demain, la problématique des ressources ( qui ne sont pas illimitées ) et celle des déchets composent le cercle vertueux de l’économie circulaire. L’économie circulaire est un modèle économique qui vise à passer d’une société du tout jetable, basé sur une économie linéaire ( extraire, fabriquer, consommer, jeter ) vers un modèle économique plus circulaire pour éviter l’épuisement des ressources de la planète. Autrement dit, il faut apprendre à consommer avec sobriété, améliorer la durabilité, limiter les gaspillages et faire de nos déchets de nouvelles ressources. Ces enjeux sont à la fois environnementaux, économiques et sociaux : Préservation des ressources naturelles, de notre environnement (biodiversité, climat), de notre santé, permettre le développement économique et industriel des territoires, réduire les déchets et le gaspillage ( loi antigaspillage ). En France, la transition vers une économie circulaire est reconnue officiellement comme l’un des objectifs de la transition énergétique et écologique et comme l’un des engagements du développement durable. Faire mieux avec moins, cela vaut aussi pour le bois. « Parce que nos forêts n’ont pas la capacité à livrer du bois de construction autant que nécessaire, pas plus que les autres forêts d’Europe qui ont besoin de temps pour se renouveler. Dans l’univers de la construction bois aussi, il faudra mettre en place un système de recyclage pour que les produits comme le CLT, les lamellés-collés, … puissent être réexploités ; pas simplement brûlés ou transformés en OSB » recommande Steven Ware dont le service de R&D de l’agence travaille à la question.

Vidéo : QUELS MATÉRIAUX POUR CONSTRUIRE DES BÂTIMENTS BAS-CARBONE ? © Demain la ville

Vers une architecture frugale Économe en énergie, en matériaux, en technicité, en territoire, l’architecture frugale fait de plus en plus d’adeptes. Si le béton reste incontournable, les promoteurs, donneurs d’ordre, architectes, urbanistes, …affichent une curiosité de plus en plus forte pour tous les matériaux biosourcés, avec le bois en tête de gondole, la paille, le béton de chanvre, le bambou, … et géosourcés, comme la terre crue et la pierre sèche.Mais audelà de cette construction neuve écoresponsable et saine, il faut aussi prendre conscience de l’impact " temporalité " sur la mise en place d’une ville plus respirable, aux bâtiments plus vertueux et bas carbone.

Cinq ans, c’est, en moyenne, le temps nécessaire à la construction d’un immeuble. Pour un projet d’urbanisme, les délais sont de 15 ans, au mieux. Construire durable et frugal, c’est le nouveau credo des architectes.C’est arrêter de détruire et, même, savoir ne pas construire, mais régénérer, reconvertir, réhabiliter, rénover, même en conservant des structures en béton, ( reconnu pour son inertie thermique ) et transformer, agrandir, redonner vie grâce au bois, entre autres. C’est ce que nos villes réclament pour retrouver tout leur sens et leur respirabilité. Dans une société qui se voudrait moins consumériste, cette recherche de frugalité sous-entend aussi une proximité des matériaux de construction. Développer un urbanisme favorable à la santé ( air, bruit, présence de nature en ville, opportunités de déplacements actifs ), favoriser la sobriété énergétique, réduire les émissions de gaz à effet de serre, séquestrer le carbone, évoluer vers une économie circulaire, favoriser les espaces naturels et la biodiversité (rafraîchissement urbain, perméabilité de la ville, résilience alimentaire) y compris dans la reconquête des fonciers dégradés.Telles sont les nombreuses missions que se sont donnés les acteurs de l’architecture frugale, pour arriver à travers nos crises actuelles. Le chemin est long, mais les envies sont fortes.

Texte : Mireille Mazurier

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