Article—Possibilités en temps de crise / Pieter T\'Jonck—A+238 (FR)

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OCTOBRE – NOVEMBRE 2012

LE PAYSAGE ET LE MÉTIER DE PAYSAGISTE EN BELGIQUE

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REVUE BELGE D’ARCHITECTURE

A+238 LE PAYSAGE C’EST LA DÉMOCRATIE

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13E BIENNALE DE VENISE

QUE PEUT ENCORE SE PERMETTRE L’ARCHITECTURE? TECHNIQUE TOITURES VÉGÉTALISÉES


texte Pieter T’Jonck

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POSSIBILITÉS EN TEMPS DE CRISE

David Chipperfield ne mâche pas ses mots. Il est fréquent que la société ne comprenne pas ce que l’architecture peut lui apporter dans la structure du vivre ensemble. C’est en partie dû aux architectes eux-mêmes. Il condamne par ailleurs cette agaçante habitude des architectes “de construire des objets qui s’apparenteraient à un cri au milieu de la médiocrité”. Il compare même les architectes à des pâtissiers. On les invite à rehausser les petites fêtes de leur présence, mais ce faisant, ils galvaudent leur véritable mission : donner forme à la vie des individus ou de la société. A contre-courant, David Chipperfield ambitionne ici d’amorcer un rétablissement du lien entre l’architecture et la ‘société civile’. C’est la seule solution qui puisse permettre aux architectes de surmonter leur crise identitaire. En outre, cela donnera au public une idée de leur mode de pensée. Pas un salon de la construction David Chipperfield parle bel et bien d’architecture, pas d’urbanisme. Dans son introduction, il cite presqu’incidemment ‘Architecture beyond building’, la biennale d’Aaron Betsky de 2008. Pas un mot, par contre, de l’édition ‘Cities. Architecture and society’ signée Richard Burdett en 2006. L’un et l’autre mettaient pourtant l’accent sur l’intégration urbanistique de l’architecture. David Chipperfield n’en a cure. Il chante les louanges de Venise – et de l’Italie – comme terre d’accueil par excellence d’une exposition sur l’architecture. Ce sont en effet les bâtiments, et non l’urbanisme, qui ont façonné Venise. Une ville sans ‘vides’.

La 13e Biennale d’Architecture de Venise a démarré sous de mauvais auspices : les crises économiques n’augurent rien de bon pour les architectes. Si le commissaire David Chipperfield a choisi d’intituler cette édition ‘Common Ground’, c’est parce qu’il considère que l’architecture traverse également un autre type de crise.

Trois intrigantes installations extérieures d’architectes portugais – hasard ou non – illustrent à la perfection la puissance et l’impact de l’objet construit. Dans le jardin de l’Arsenal, Álvaro Siza a construit autour de quelques arbres un épais mur aux formes étranges, qui évoque d’une façon convainquante la perception de l’espace vénitien. Au bord de l’eau, une construction d’Eduardo Souto de Moura joue sur les vues et les liens que l’architecture permet ou empêche. Les frères Aires Mateus défient quant à eux les lois de la pesanteur par des voûtes qui se balancent au-dessus des berges. Ici, de telles installations grandeur nature font toutefois exception. La Biennale n’est pas un ‘Bauausstellung’ où l’on expose de véritables bâtiments, mais un lieu où l’architecture est essentiellement représentée par d’autres moyens. Mû par son aversion pour l’architecture de divas, David Chipperfield voulait éviter que cette biennale présente exclusivement des ‘bâtiments phares d’architectes de premier plan’. “Je voulais […] faire réagir mes collègues aux grandes tendances professionnelles et culturelles de notre époque, qui mettent une telle emphase sur les actions individuelles et isolées. Je les ai plutôt encouragés à démontrer l’importance de l’influence et de la continuité de l’effort culturel pour illustrer les idées communes qui constituent la base d’une culture architecturale”. Il a demandé aux architectes invités de documenter leur imaginaire, leurs influences, leurs attentes et leurs collaborations plutôt que leur propre travail. Le sujet est en effet le ‘Common Ground’, en tant que véritable terreau de l’architecture.

Humanisme Il est remarquable de constater la diversité des réactions à cette invitation. Norman Foster présente un écrasant montage vidéo où défilent rapidement des images de tous types de bâtiments et de lieux publics possibles. Ils attirent de nombreuses personnes, à des fins très diverses, comme le plaisir de l’art ou la lutte sociale, voire pour des conférences nazies douteuses. La dernière image montre Stonehenge. Le message de Norman Foster semble prouver que depuis les origines des temps, l’homme s’est manifesté dans et par l’architecture. Cette rhétorique vaguement humaniste sonne un peu creux. En l’occurrence, les légitimations humanistes de l’architecture sont toutefois monnaie courante. L’installation d’Urban Think Tank et de Justin McGuirk en est un bel exemple. Ils documentent la manière dont des pauvres squattent une tour de bureau vide à Gran Horizonte, à Venise. Outre des slogans et photographies d’Iwan Baan, l’installation se compose d’un restaurant avec des murs en brique nue. Où, mieux qu’autour d’une table, peut-on parler des défis sociaux? Le jury de la Biennale leur a décerné le Lion d’Or pour ce projet. Dans cette installation, les architectes se positionnent modestement comme étant au service de ‘Monsieur Tout-leMonde’, dont ils estiment qu’ils ont d’ailleurs des choses à apprendre. Cet esprit habite également des pavillons nationaux tels que celui des USA et du Japon. Ce dernier présente la manière dont trois jeunes architectes, sous la direction de Toyo Ito, ont conçu un ‘Home for all’ pour les victimes du tsunami et ce, en dialogue avec elles. L’idée d’une planification participative trouve ici une seconde jeunesse. Les prétentions problématiques de cet aspect ne sont toutefois pas abordées : ce pavillon a remporté le Lion d’Or du pavillon national.


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The Ambition of the Territory. Projets pour une Flandre métropolitaine jusqu’au 6 janvier 2013 deSingel, Anvers www.desingel.be visites guidées de l’exposition 18 novembre et 16 décembre 2012

© laura bown

L’ARGENT ET LA SURCONSOMMATION ONT TORDU LE COU À L’ARCHITECTURE.

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Architecture pure et dure Notons toutefois que les contributions de ce genre ne sont qu’une minorité. Ce qui ressort toutefois clairement de cette édition, c’est que les bâtiments et plans concrets jouent un rôle de premier plan. On pourrait par exemple s’attendre à ce que le thème ‘Common ground’ génère de lui-même une attention spécifique pour la relation entre l’architecture et l’environnement, mais c’est l’inverse qui semble se produire. Le pavillon italien a beau déborder de plantes, on ne peut pas dire qu’il se soucie véritablement de durabilité. Le pavillon allemand part d’un motif écologique, mais l’adapte immédiatement à une pratique concrète de la construction, via une séduisante présentation. ‘Reduce/Re-use/Recycle’ applique le principe de ‘l’échelle de Lansink’ sur la récupération des déchets de matériaux aux du processus de construction. L’idée est de donner une seconde vie aux bâtiments plutôt que d’inlassablement les démolir pour reconstruire. Ce revirement s’annonçait déjà dans l’édition précédente, ‘People meet in architecture’, dirigée par Kazuyo Sejima, mais il ne s’agissait alors que d’idées et de rêves. Ici, la démonstration relève parfois du ‘hardcore’ architectural. Toshiko Mori présente des modèles grandeur nature de détails de construction complexes qu’elle a conçus ellemême, ou créés par des maîtres modernes tels que Breuer, Johnson, Wright, etc. O’Donnel + Tuomey ont construit une tour en planchettes de bois, un ‘Vaisseau’ inspiré des poèmes de Seamus Heaney. Ils établissent le lien avec la technologie de la brique utilisée dans leurs précédents projets, dont ils sont de fervents promoteurs. Pour le grand public cependant, ces démonstrations sont souvent impénétrables. L’œuvre du photographe Thomas

© audrey contesse

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Struth, par contre, est plus intelligible et fascinante. Dans une exposition au sein de l’exposition, il présente ses images de villes. On n’y voit quasiment jamais d’êtres humains, ce qui donne aux bâtiments et aux rues une réalité propre et un caractère singulier parfois très aliènant. Grandiose. Nostalgie Il semblerait que le titre ‘Common Ground’ éveille une certaine nostalgie. Celle du temps où l’architecture était encore un facteur social d’envergure et où construire était encore une démarche qui avait du poids, notamment au sens figuré. Les architectes se replieraient-ils sur leur ‘core business’ en raison du poids de la crise sur la profession? Les espagnols savent en tout cas de quoi ils parlent. Luis Fernández-Galiano, par exemple, fait ressentir leurs doutes. Même s’ils ont été à la base d’un important réveil urbain grâce à des projets qui ont soulevé beaucoup de commentaires, la crise les a cloué au tapis. C’est qu’il démontre par de minuscules maquettes de projets renommés, rangées dans des tiroirs. On ne peut que s’en émouvoir. Même OMA, invité permanent que l’on ne peut soupçonner de verser dans la nostalgie, se tourne vers le passé. Rem Koolhaas entonne un chant funèbre à la perte de l’utopie de l’architecture en tant que projet de société. Pour cela, il met en évidence quelques bâtiments publics importants des années 1960-70. Des mégacomplexes comme le South Bank Center de Londres ou l’hôtel de ville de Cergy-Pontoise, près de Paris. Ces audacieux projets ont été réalisés par des architectes fonctionnaires de grands bureaux de planification urbaine. Ils ne ressentaient pas le besoin de briller au firmament des architectes, mais leur œuvre n’en

reste pas moins déterminante pour les villes concernées. Ces bureaux de planification ont à présent totalement disparu face à l’avancée de la privatisation. Cela prouve qu’avec cette disparition, la foi dans les affaires publiques et le secteur public s’est également évaporée. Pâtisserie Ce dont se plaint Rem Koolhaas fait écho à ce que David Chipperfield qualifie de pâtisserie architecturale ; cet argument est toutefois balayé, chiffres à l’appui et d’un rire contrit, par les Crimson Architectural Historians. Dans un montage hilarant inspiré des triptyques médiévaux, ils démontrent que les architectes ne sont plus sollicités que pour les projets culturels – la pâtisserie Chipperfield – et qu’ils sont hors jeu pour tous les chantiers importants ayant un impact sur la société, par exemple la construction de nouvelles villes. Leur utopie des ‘new towns’ du XXe siècle a vécu. Les nouvelles villes sont de grandes opérations financières destinées aux quelques privilégiés qui peuvent se payer le luxe de s’y réfugier, à l’abri des agressions du monde extérieur. Rares sont ceux qui parviennent à expliquer ce qui a mal tourné. Le pavillon israélien est un des rares à critiquer de manière acerbe les conditions actuelles de production de l’architecture. Le rez-de-chaussée du pavillon ressemble à une boutique de gadgets. Ce n’est qu’en montant à l’étage que l’on découvre la provenance de ces gadgets : l’exposition montre comment, en l’espace de quelques décennies, le néolibéralisme a radicalement changé la nature des bâtiments et de l’espace public en Israël. L’argent et la surconsommation règnent désormais en maîtres dans cet ex-Etat-providence. Cette ‘commodification’ a tordu le cou à l’architecture.


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plus pétillantes, dont la découverte prend toutefois beaucoup de temps. Ce n’est pas le cas de la petite et précieuse maquette de l’Allemand Robert Burghardt. Il s’agit ici d’un collage d’icônes de la construction moderniste. L’auteur a voulu faire construire ce sublime cadavre exquis – et totalement inutile – à l’emplacement même du ‘Palast der Republik’. Ce bâtiment abritant jadis le Parlement est-allemand a récemment été démoli pour des motifs incompréhensibles, si ce n’est une haine profonde de tout ce qui rappelait la RDA. Ce projet, construit ou non, peut être considéré comme une sorte de commémoration de la turbulente histoire dont nous héritons.

de gauche à droite Le Pavillon belge, Norman Foster (Arsenal), OMA (Pavillon central du Giardini), San Rocco (Arsenal)

© audrey contesse

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Un des effets collatéraux de cette évolution est la montée en puissance des médias (virtuels) dans le débat public. Herzog & De Meuron expliquent comment la combinaison crise-débat médiatique leur a été préjudiciable pour l’Elbphilharmonie. Ce bâtiment était appelé à être un joyau de la nouvelle ‘Hafencity’ à Hambourg, mais les litiges, les défaillances budgétaires et le désistement de certains investisseurs ont entraîné d’interminables retards de chantier et une réduction du volume. Tous les protagonistes ont étalé leurs désaccords au grand jour, largement relayés dans la presse allemande. Herzog & De Meuron exposent ces coupures de presse, sans commentaire. Il appartient au visiteur de réfléchir à l’‘autonomie’ du projet à notre époque. Dans une installation très spirituelle, FAT, Architectural Doppelgängers Research Institute, San Rocco et Ines Weizman pointent du doigt une autre menace qui plane sur la tradition architecturale. Des modèles d’architecture tels que la ‘Villa Rotunda’ ont de tout temps été recopiés et recyclés, mais aujourd’hui, les droits d’auteur ayant été érigés en principe économique omnipotent, les architectes n’ont absolument plus la même liberté par rapport à ces créations. C’est ce que le collectif a voulu tester en tentant d’acquérir les droits sur un projet de maison créé par Adolf Loos pour Joséphine Baker. A la lecture, on n’en revient pas. Seconde nature Certaines installations explorent en profondeur les traditions conscientes ou inconscientes ainsi que les habitudes en matière de construction. Le Lion d’Argent a, par exemple, été attribué à un projet de campus à Lima signé Grafton Architects, qui s’appuie sur un

parallèle entre l’architecture séculaire que l’on trouve notamment au Machu Picchu et leurs illustres prédécesseurs, comme Paolo Mendes da Rocha. Dans tous ces cas, l’architecture devient une sorte de seconde nature, un deuxième étage posé sur le niveau naturel. Cino Zucchi présente une composition libre de vitrines emplies d’objets similaires – ni objets architecturaux, ni créés de sa main, mais des cendriers, des bobines ou des photographies des personnes vêtues de manière identique. Ils suggèrent que notre culture matérielle est un terreau inattendu quoique déterminant pour l’architecture. Son œuvre a reçu une mention spéciale du jury. A l’inverse, dans le cadre d’une exposition collective, Caruso St John montre l’importance d’une réflexion intellectuelle et d’un dialogue avec l’histoire. Le fil conducteur est l’œuvre de l’architecte maniériste britannique John Soane. Quelques magnifiques dessins provenant de son studio sont d’ailleurs exposés. Dans ce manifeste à contre-courant, le bureau Bovenbouw Architecten de Dirk Somers joue un beau rôle. Il a par ailleurs détaillé son approche dans le Jaarboek Architectuur Vlaanderen. La contribution de San Rocco, revue qui ne paraîtra que 20 fois pour traiter d’une série de thèmes prédéfinis, est plus légère voire ironique. On y trouve les résultats de l’édition consacrée aux ‘collaborations’, présentées sur une gigantesque table, jonchée de maquettes et de textes. Ces éléments documentent des projets auxquels ont travaillé au moins deux architectes, simultanément ou à quelques siècles d’intervalle. On y découvre comment des chefs d’œuvre peuvent émerger de grands malentendus, et à quel point le fond et la forme ne coïncident jamais à la perfection. C’est l’une des contributions les

Art L’art, en tant qu’interlocuteur naturel de l’architecture, était un thème récurrent. David Chipperfield avait personnellement invité le tandem d’artistes suisses Peter Fischli et David Weiss (décédé avant l’inauguration). Leurs photographies d’aéroports dévoilent le caractère anonyme et désincarné de cet épicentre de la vie moderne. Seul bémol : la relative obsolescence du message. L’architecte Peter Märkli, quant à lui, a décomposé les proportions d’une salle de l’Arsenal en y plaçant de lourds socles en béton, orientés avec précision en fonction des axes présents. Ces blocs étaient surmontés de cinq sculptures brutes de personnages humains, œuvre de Hans Josephsohn, et d’une statue d’Alberto Giacometti. De cet ensemble émanait un sentiment de ‘profondes vérités’, au détriment de la pertinence du récit. Cette pertinence, c’est dans l’installation de Paul Robbrecht, Hilde Daem et Marie-José Van Hee que l’on pouvait la trouver. Quelques petites maquettes et


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CETTE ESPÈCE DE MÉGAÉVÉNEMENT SOUFFRE D’UNE FORME D’EXCÈS. DOMMAGE QUE LA SÉLECTION NE SOIT PAS UN PEU PLUS STRICTE.

© tine cooremans

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Paul Robbrecht, Hilde Daem et Marie-José Van Hee (Arsenal)

surtout les films de Maarten Vanden Abeele illustrent la longue collaboration entre ces architectes. Tout aussi important était en outre le lien explicite qu’ils établissent avec l’œuvre d’artistes tels que Luc Tuymans et Anne Teresa De Keersmaeker, et de commissaires comme Chris Dercon et Laurent Busine, présentés ici comme d’importants interlocuteurs. Bien entendu, Cristina Iglesias ne pouvait manquer à l’appel. C’est avec elle que Robbrecht et Daem ont conçu la place Leopold de Wael à Anvers (près du KMSK). Son ‘toit’ en treillis métallique ‘Passage V (The Dreams)’ a même déterminé l’image de l’installation. L’excès nuit en tout L’un dans l’autre, cette biennale offre une très riche palette d’idées sur le thème ‘Common Ground’. Il y a bien plus à y découvrir que ce qu’il est possible d’énumérer ici. Cette espèce de méga-événement souffre d’une forme d’excès. La sélection pourrait être un peu plus stricte. Tous les participants n’ont pas eu la même intelligence en traitant le thème. On a parfois même été surpris par la pauvreté de la contribution de certaines ‘stars’. Hans Kollhoff a rempli une salle de maquettes. Il s’agissait aussi bien d’études de façades Renaissance réalisées par ses étudiants à l’ETH de Zurich que de ses propres études pour la façade du gratte-ciel de la Potsdamer platz à Berlin ; preuve de son obsession pour les immeubles berlinois classiques. Sans idées neuves toutefois. Zaha Hadid, elle aussi, a essentiellement mis son propre travail en valeur, notamment par une spectaculaire structure en double cône réalisée en plaque de métal. Par une installation didactique, elle prouve qu’elle n’est pas née de la dernière pluie. Avec les modèles de recherche d’ingénieurs tels que Heinz Isler,

Frei Otto ou Felix Candela, on a pu constater comment des formes convaincantes émergent d’une recherche structurelle poussée. Quant aux deux installations, plus intrigantes, de Valerio Olgiati et Tod Williams Billie Tsien Architects, elles surfent sur une idée comparable. Dans une salle de l’Arsenal, Olgiati a suspendu un volume blanc immaculé, une table flottante, surmontée d’une poutre plate blanche, encore plus imposante. Sur la table, une série d’architectes de renom présentaient des images de leurs sources d’inspiration, dont certaines pleines d’esprit et de pertinence. Deux photos à peine pour Diener & Diener, dont une représentant un empilement de livres donnant accès à une terrasse. D’autres photographies étaient tout simplement prétentieuses. Pour MVRDV, l’inspiration visuelle viendrait d’une surface blanche vierge. Une approche peu plausible, immédiatement démontée un peu plus loin par leur film ‘The Why factory’ : une parabole à la fois cynique et d’une choquante naïveté sur un nouvel urbanisme basé sur la liberté d’initiative et de collaboration. Même impression pour le ‘Wunderkammer’ de Williams et Tsien : dans un petit pavillon du jardin de l’Arsenal, ils ont rassemblé des boîtes contenant les objets favoris d’architectes réputés. Dans ces deux cas, l’attrait reposait davantage sur la ‘starmania’ plutôt que sur le sens intrinsèque des images. C’est également le point faible de la sélection de David Chipperfield. Malgré les bonnes intentions du concept, on croise relativement peu de jeunes talents émergeants, surtout des noms célèbres : Peter Zumthor, par exemple, qui passe quasiment pour un gourou dans un film de Wim Wenders. Que subsiste-t-il ici du ‘Common ground’? Tout aussi célèbre, Luigi Snozzi respecte davantage le thème, une

fois encore essentiellement par des films. Sa manière de réhabiliter les petits centres-villes est racontée à travers l’effort collectif des gestionnaires et des habitants qui portent le projet et le rendent possible. La planification et l’urbanisme sont relativement rares dans cette biennale. Exceptions notoires, le pavillon français et celui de la Belgique, aménagé par la Communauté flamande. Ce pavillon va donc à l’encontre de l’esprit de l’époque, même si Architectural Workroom Brussels (AWB) s’est laissé guider par le thème. Littéralement. AWB a rassemblé des artistes, urbanistes, architectes et cartographes afin d’esquisser une nouvelle perspective d’avenir pour notre paysage morcelé. ‘The ambition of the territory’ entend ainsi traduire dans l’architecture et l’urbanisme l’ambitieuse initiative du gouvernement flamand ‘Vlaanderen in Actie’. L’idée de base est que le modèle de la ‘ville compacte’ n’est pas applicable dans des domaines tels que la Flandre et la Vénétie, qui connaissent une tradition vieille de plusieurs siècles de développement dispersé. Condamner cet ‘étalement urbain’, c’est ignorer ses qualités spécifiques et ses possibilités de développement. Un développement ciblé de synergies entre l’industrie, les zones de loisirs, agricoles et résidentielles pourrait offrir une solution. Le message donné à Venise n’est pas assez fort à cause d’un excès de matériels pas assez ciblé. L’exposition associée, présentée à deSingel, exprime beaucoup mieux ce point. Une seconde chance justifiée.


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