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Jean-Pierre Vergauwe, avocat jp.vergauwe@jpvergauwe.be – Cet article peut également être consulté sur le site www.jpvergauwe.be

Les assurances responsabilité des constructeurs INTRODUCTION Durant plusieurs décennies, le législateur est resté singulièrement muet en matière d’assurance dans le domaine de la construction. Cette lacune fut dénoncée vainement à plusieurs reprises tant il est vrai que la responsabilité des édificateurs ne saurait être efficace sans la garantie d’une assurance couvrant ce risque particulièrement important. En effet, quel architecte ou entrepreneur est en mesure de couvrir sa responsabilité civile professionnelle – notamment décennale – sur ses fonds propres alors que les conséquences de cette responsabilité sont parfois très lourdes ? Les architectes ont été les premiers à apporter une réponse à cette question par le biais de leur règlement de déontologie de 1985. Par ailleurs, les architectes ont revendiqué, à juste titre, la possibilité de créer des sociétés pour l’exercice de leur profession qui soient reconnues comme telles et non plus comme de simples sociétés de services. En effet, les architectes pouvaient certes constituer une société, mais elle ne servait qu’à la mise à disposition de moyens leur permettant de pratiquer leur art. Ces sociétés étaient cependant considérées comme transparentes en terme de responsabilité dans la mesure où seul l’architecte, personne physique, détenteur du diplôme et inscrit à l’Ordre des Architectes, jouissait du monopole légal et donc, en contrepartie, seule cette personne physique assumait la totale responsabilité attachée à cette profession. L’architecte se trouvait donc en position instable face au monde de la construction puisque les autres intervenants (entrepreneur, ingénieur, promoteur, etc.) pouvaient quant à eux exercer leur profession sous le couvert d’une société. En outre, pour échapper à ses responsabilités, l’entrepreneur ou le promoteur disposait de la faculté de se déclarer en faillite, option non permise à l’architecte. Confrontés aux mêmes risques et responsabilités que leurs partenaires de la construction, les architectes n’étaient manifestement pas à armes égales. C’est pourquoi l’Ordre des Architectes milita en faveur de la reconnaissance de la société d’architecte titularisée, c’est-à-dire inscrite comme telle à l’Ordre et apte à exercer par elle-même la profession et les activités d’architecte. Cette action a incité le législateur à intervenir enfin en plusieurs phases. 1. La loi LARUELLE du 15 février 2006 Après plusieurs concertations fructueuses avec la Ministre Laruelle, la reconnaissance de la société d’architecte fut acquise par la loi du 15 février 2006 mais avec un corolaire essentiel et logique, à savoir l’obligation légale et non plus seulement déontologique pour tout architecte, personne physique ou société, de couvrir la responsabilité. La loi dite Laruelle modifiait donc la loi du 20 février 1939 sur ces deux points. 30 >

architrave – mai 2021 – n° 207

2. La loi du 31 mai 2017 L’avancée significative produite par la loi Laruelle n’était pas suffisante puisque demeurait entière la question de l’assurance obligatoire des autres intervenants et participants à la construction. Ce pas fut franchi par la loi du 31 mai 2017 relative à l’assurance obligatoire de la RC décennale de l’entrepreneur, de l’architecte et des autres prestataires du secteur de la construction, entrée en vigueur le 1er juillet 2018. Comme le rappelle l’exposé des motifs, cette loi met fin à la discrimination relevée par la Cour Constitutionnelle dans son arrêt n° 100/2007 du 12 juillet 2007 ; la Cour relevait que la discrimination entre l’architecte et l’entrepreneur n’est toutefois pas la conséquence de l’obligation d’assurance imposée aux architectes par la loi attaquée, mais bien de l’absence, dans le droit appliqué « aux autres parties intervenants à l’acte de bâtir », d’une obligation comparable. Le législateur est donc à nouveau intervenu en promulguant la loi du 31 mai 2017 afin d’imposer aux personnes visées une assurance couvrant la responsabilité civile visée aux articles 1792 et 2270 du Code civil pour une période de 10 ans à partir de l’agréation des travaux. Cette loi vise donc exclusivement la responsabilité décennale. Les vices véniels ne sont pas visés. L’article 6 de la loi définit les limites inférieures de la couverture. J’ai commenté cette loi dans un article précédent : Assurance des constructeurs ? Enfin, mais peut mieux faire (paru dans la revue architrave n° 194, décembre 2017). Cette deuxième intervention législative n’était pas suffisante. En effet, 1° seuls les vices graves susceptibles d’engager la responsabilité décennale sont concernés ; la loi en effet limite son champ d’application à la solidité, la stabilité et l’étanchéité du grosœuvre fermé de l’habitation lorsque cette dernière met en péril la solidité ou la stabilité de l’habitation. A cet égard, la loi est en retrait par rapport à la loi du 15 février 2006 précitée. En effet, l’article 4 de cette loi n’est pas limité à la responsabilité décennale. 2° le législateur a prévu une série d’exclusions visées à l’article 3 de la loi parmi lesquelles il convient de retenir notamment les dommages immatériels purs, ainsi que les dommages apparents ou connus par l’assuré au moment de la réception provisoire ou résultant directement de vices, défauts ou malfaçons connus de lui au moment de ladite réception. 3° les dommages matériels et matériels pris en compte doivent être supérieurs à 2500 euros ; le législateur ne définit pas


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