Mémoire H.M.O.N.P - Environnement et Pratique : à quand la bonne entente ?

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environnement

et

pratique

À Quan d La bon n e ent en T e ? Mémoire HMONP 2019

Rémi Arnaud



environnement

et

pratique

À Quan d La bon n e ent en T e ? Mémoire HMONP 2019

Rémi Arnaud


Cet ouvrage réalisé en vue de la préparation au dîplome d’Habilitation à la Maîtrise d’Oeuvre en son Nom Propre de l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Lyon.

Année universitaire

2019-2020

Agence d’accueil Agence d’Architecture Philippe Guénot 87 Avenue des Bruyères 69150 Décines-Charpieu 04 72 12 17 20 contact@guenot-archi.com

Période

Du 01 octobre 2018 au 31 juillet 2019

Tuteur

Philippe Guénot, architecte D.P.L.G

Université

Université Lyon 1 Claude Bernard

Directeur d’étude

Yves Moutton, architecte D.P.L.G, enseignant à l’ENSAL

Membres du Jury Gilles Desevedavy, architecte D.P.L.G, enseignant à l’ENSAL Charlotte Vergely, architecte D.P.L.G, enseignante à l’ENSAL Christophe Boyadjian, architecte D.P.L.G, enseignant à l’ENSAL Marcel Ruchon, architecte D.P.L.G, enseignant à l’ENSASE Élisa Soria, architecte D.P.L.G


remerciements

J

’adresse mes remerciements aux personnes qui m’ont aidé dans la réalisation de ce mémoire et de mes études d’architecture. En premier lieu, je remercie l’ensemble de l’équipe de l’Agence d’Architecture Philippe Guénot : mon tuteur, Philippe Guénot, mais également Claire Barthélémy, Olivier Lannoy, Déborah Defarge, Sophie Vandecavez, et Julie Defrenet. Leurs conseils, leur bienveillance, leur bonne humeur sont des qualités indéfectibles dans l’aboutissement de leur travail. J’adresse également mes remerciements à l’ensemble des enseignants, professionnels, et collaborateurs qui de part leurs paroles, leurs écrits, leurs conseils et leurs critiques m’ont permis de développer ma réflexion, ainsi que ma posture architecturale. Parmi ces rencontres, on peut citer la Team AURa, et plus particulièrement Remy Mouterde et Maxime Bonneville, mais aussi l’ensemble des camarades de Terra Nostra, les enseignants du DEM AACC de l’ENSAL, et notamment Karine Lapray, ainsi que mes deux partenaires de PFE Marie Brelest et Louise Lemoine. Je tiens à remercier mon directeur d’étude, Yves Moutton, pour m’avoir encadré, orienté, aidé, et conseillé. Pour finir je remercierai tous ceux qui ont participé de près ou de loin à mon parcours, parents, familles, amis, aux personnes qui, bien que leur nom ne figurent pas dans ce document, étaient bel et bien présentes dans la contribution de mes études.


Sommaire


Introduction

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I. Se former à l’environnement

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1. L’acte de bâtir

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2. Le choix de l’environnement

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3. La synthèse des connaissances théoriques

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4. Une formation qui ne fait que commencer

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II. Pratiquer le métier d’architecte

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1. L’agence d’architecture Philippe Guénot

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2. Une méthodologie de travail rodée

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3. Une architecture modeste

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4. « Le développement durable c’est compliqué »

III. Comment introduire concrètement la notion de développement durable dans la pratique professionnelle ?

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1. Impulser la démarche environnementale : la sensibilisation

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A. 1 étape : la sensibilisation et la formation B. Appliquer les principes de l’architecture bioclimatique

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2. Construire des bâtiments respectueux de l’environnement : la notion carbone

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A. La notion carbone et l’énergie grise B. Le travail du compromis C. En route vers la RE 2020

58 59 64

3. Concevoir une architecture durable : la sobriété et la résilience

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A. Une architecture durable par la résilience B. Une architecture soutenable par la sobriété C. Le réemploi, entre résilience de la matière et sobriété de la ressource

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ère

Conclusion Bibliographie / Note / Sources iconographiques

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introduction


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L

« es sommets sur le climat se succèdent, les conférences sur l’état de la planète se multiplient, nous croulons sous l’avalanche des rapports plus alarmants les uns que les autres. Et l’on se rassure avec une multitude de déclarations d’intention et de bonnes résolutions. Mais force est de constater que si la prise de conscience progresse, sa traduction concrète est dérisoire face à l’accélération des phénomènes que nous sommes censés juguler. Les mots servent trop souvent de camomille mielleuse pour conforter nos excès de civilisation. Nous sommes technologiquement époustouflants, culturellement affligeant.s Nous assistons en spectateurs informés à la marche vers la catastrophe globale »1. Il s’agit là de l’introduction Osons, un livre de Nicolas Hulot publié à la veille de la COP 21, qui elle même donna lieu à l’accord de Paris en 2015 visant à limiter le réchauffement climatique en dessous de +2°C d’ici 2100. Ce discours, jugé alarmiste sur la gravité de la situation du climat, a été plus ou moins redondant depuis presque un demi-siècle, avec une accélération croissante sur cette dernière décennie. Après la démission de Nicolas Hulot au poste de ministre de la Transition Énergétique et Solidaire il y a plus d’un an et demi, la prise de conscience de l’urgence climatique s’est accélérée de façon spectaculaire de la part de la société civile. Mais à l’heure où l’écologie est dans toutes les bouches, quel constat l’architecture peut-elle faire en 2020, 48 ans après le premier rapport scientifique du couple Meadows2 ? Si l’on regarde les différents chiffres et objectifs définis par l’accord de Paris, le secteur du bâtiment en France n’est pas du tout un bon élève. Le budget carbone 2015-2018, c’est à dire les émissions de gaz à effet de serre sur cette période, sont supérieur de 14,5% par rapport à leurs objectifs (publication sur septembre 2019), et de manière globale il représente encore un quart des émissions de gaz émis par la France3. Si l’on se penche sur l’énergie, le secteur du bâtiment représente 45% de l’énergie consommée loin devant les secteurs du transport (27%) et de l’industrie (24%)4. Mais alors pourquoi le bâtiment est-il un si mauvais élève ?


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Environnement et pratique, à quand la bonne entente ?

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epuis plusieurs années, le bâtiment se dote d’un outil réglementaire notoire : la réglementation thermique. Initiée en 1974 avec plusieurs versions (RT 1974, RT 1984, RT 1988, RT 2000, RT 2005, puis RT 2012), elle a permis de développer des outils performants dans la réduction des consommations d’énergie. Aujourd’hui la RT 2012 impose une certaine consommation maximale d’énergie à ne pas franchir, un indice d’ouverture pour le confort d’été, ainsi qu’un besoin de chauffage maximal. Pour autant, les derniers chiffres de 2019 cités ci-dessus ne sont pas à la hauteur des enjeux. Mais d’où vient le point de blocage permettant d’atteindre ces objectifs ? Vient-il de la réglementation ? De la profession ? Pour savoir si la réglementation est à la hauteur ou non des enjeux, il faut étudier ce qu’elle prend en compte et comprendre son fonctionnement. La RT 2012 nous impose des consommations maximales à ne pas dépasser, et non une consommation neutre (égale à 0 kWh/m2/an). Cette règle s’applique uniquement sur les bâtiments neufs, qui ne représentent seulement que 1% du patrimoine immobilier français. 75% du parc immobilier français datent d’avant 19755. La construction neuve doit certes améliorer son processus énergétique, mais face à la masse des « passoires thermiques » que constitue le bâti français, cela reste relativement faible. La réhabilitation du corps bâti de la période des trente-glorieuses est un enjeu primordial pour atteindre les chiffres ciblés. Néanmoins, cela n’absout pas la construction neuve de réduire drastiquement son emprunte carbone. Si l’on étudie le fonctionnement de la norme, on s’aperçoit que ce dernier est en plein débat. En effet la future Réglementation Environnementale 2020 (RE 2020), prévoit une évolution fondamentale de la règle, avec l’objectif d’une consommation d’énergie nulle et une prise en compte de l’emprunte carbone dans la construction et la vie de bâtiment. Dit autrement, chaque élément de construction et de fonctionnement sera mesuré en équivalent CO2, et le total de cette emprunte carbone sera limité, comme la consommation d’énergie actuellement en vigueur. Ce nouveau dispositif redéfinit complètement la méthode de projet, et nous détaillerons plus en profondeur cette évolution. Mais la réglementation n’est pas la seule responsable, il ne s’agit que d’un outil législatif minimal permettant de respecter les engagements. Cet outil peut être jugé suffisant ou insuffisant, il ne dédouane pas la profession de la responsabilité de ce


Introduction

qu’elle construit. La norme n’empêche pas la profession de faire mieux que la loi. Plusieurs labels permettent d’ailleurs de dépasser les exigences de la RT 2012 : BBC, Effinergie, Minergie, Passiv’haus, etc. La réglementation impose uniquement un minimum, et une grande partie de la profession se félicite de respecter la norme, et donc d’en faire le minimum. C’est là tout le paradoxe de la RT 2012 citée trop souvent comme « vertueuse » par les architectes pratiquants sur les sites internet et dans les revues. A l’heure où les campagnes de communication sont plus importantes que le fond lui même, la RT 2012, ni plus ni moins que la norme minimale depuis le 1er janvier 2013, il y a 7 ans…

Mais alors que se passe-t-il lorsque l’on parle de responsabilité. Quelle est la responsabilité de l’architecte dans l’acte de construire ? Non pas sur l’aspect purement législatif comme elle est enseignée dans le cursus de la HMONP, mais également sur l’aspect moral, éthique et bien sûr environnemental. L’architecture engendre les modes d’habiter et par conséquences les modes de consommation. Il détient donc une grande responsabilité dans la création du monde de demain, et de surcroit une responsabilité vis à vis des générations futures qui y habiteront. C’est notamment se que Nicolas Hulot, pour ne pas le répéter, martèle depuis de nombreuses années : « Citoyen, usager et consommateur, quelles sont nos responsabilités civiques et professionnelles pour léguer aux générations qui viennent une Terre agréable à habiter ? »6. Le parallèle de ce qu’une génération laisse à la suivante, peut se faire avec l’oeuvre de la période moderne, qui essuie de nombreuses critiques de ses contemporains. On peut ici parler des grands ensembles avec une échelle de projets de taille démesurée. La production de barre de 300 logements n’est plus possible aujourd’hui et à bien des égards puisqu’elle ne serait pas acceptée par la société. De plus l’utilisation de tout béton, qui peut paraître très noble pour les architectes de part leur culture, n’est pas du tout acceptée par les populations vivant dans ces logements. Pour autant, ces édifices font parti du patrimoine paysager français, et il serait un non sens écologique de les détruire pour reconstruire un « éco-quartier » à la place.

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Environnement et pratique, à quand la bonne entente ?

Il s’agit là du nœud central de mon propos, l’existence des nombreuses ambiguïtés entre la réalité de la pratique et l’action à mener pour endiguer le réchauffement climatique. La question de la communication des agences d’architecture autour de l’environnement n’est pas la seule ambiguïté. On peut aussi se demander pourquoi installe-t-on encore des VMC simple flux dans les bâtiments, alors que la ventilation naturelle, bien plus économe en énergie et en euros, existe depuis bien plus longtemps ? Pourquoi utilise-t-on du bois de construction issu des forêts d’Europe de l’Est, alors que la France produit 8 fois plus de bois qu’elle n’en coupe sur son territoire7. Ce sont ces multiples paradoxes qui sont profondément frustrants. A tel point que lors de la 3ème rencontre du réseau ENSA-ÉCO, les écoles d’architecture et du paysage titrait : « Changement climatique : les architectes veulent-ils faire partie du problème ou de la solution  ? ». Car les solutions existent, et depuis des décennies, il suffit de regarder les travaux de Renzo Piano, Philippe Madec, Nicolas Michelin, le bureau d’étude TRIBU, ou encore Tectoniques Architectes pour parler de scène architecturale lyonnaise.

L’étude de ces contradictions est la base de ce travail de mémoire sur la pratique architecturale, car elles sont présentes au quotidien dans le monde professionnel. Architectes, bureaux d’étude, promoteurs, particuliers, bureaux de contrôle, entreprises, etc., tous ces acteurs de la construction n’ont pas du tout la même vision du monde du bâtiment ; et l’architecte, dans son rôle de chef d’orchestre, se doit de donner la cadence. Mais ces contradictions ne sont pas la finalité de ce travail, la finalité de ce mémoire de HMNOP s’articule autour d’une problématique simple : Comment introduire concrètement la notion de développement durable dans la pratique architecturale ? Afin de répondre au mieux à cette problématique, il est important de comprendre le schéma de réflexion qui m’a amené à cette question. Nous étudierons dans un premier temps le parcours que j’ai suivi tout au long de ma scolarité, qui a, jusqu’à maintenant, énormément participé à l’élaboration de ma posture architecturale. Et sans grande surprise, la question de développement durable a été le fil conducteur de l’ensemble de mes études.


Introduction

Une fois les études terminées, il faut travailler, gagner sa croûte comme on dit, et les premières expériences effectuées m’ont permis de voir l’écart entre la théorie et la pratique, notamment sur la question environnementale. Le deuxième temps de ce mémoire traitera donc rapidement de la pratique tel que je l’ai expérimentée à ce jour, permettant d’établir un constat de la place de l’environnement dans la pratique professionnelle. L’intérêt du mémoire n’est pas dans le constat mais bien dans les solutions et plus particulièrement leurs démonstrations. Il est cependant nécessaire de comprendre d’où l’on vient pour expliquer où l’on va, c’est ce qui permet de construire et d’exprimer sa posture. La troisième partie traitera donc des solutions plus ou moins efficaces pour répondre concrètement à la question environnementale. Il s’agit là de montrer des approches environnementales, des méthodes de travail, et des démarches soutenables vis à vis de la planète sur court, moyen et long terme, afin réconcilier pleinement l’environnement et la pratique.

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i. Se former à l'environnement


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omme dit précédemment, pour savoir où l’on va, il faut savoir d’où l’on vient. A l’instar de tout étudiant, mon parcours universitaire est à la base de la construction d’une position architecturale. Les différents choix et opportunités faites durant ces études ont grandement participé à l’élaboration d’une posture professionnelle et d’un sens critique nécessaire à la vie active et privée.

1. L'acte de bâtir C

omme tout gamin, la construction est un domaine qui m’a toujours fasciné depuis mon enfance, mais c’est sans doute la volonté de bâtir qui m’a donné l’envie de devenir architecte. Le monde de la construction n’était pas du tout enseigné dans les programmes secondaires de l’époque (2004-2011), il a fallu attendre le lycée, et plus particulièrement le TPE (Travaux Pratiques Encadrés), en 2010, pour pouvoir se rapprocher de ce secteur. Il s’agissait du premier enseignement de projet que développent les lycéens, tel qu’on le connaît dans le cursus universitaire. Avec deux camarades, nous nous sommes posés la question : « Comment construire une cabane pour enfant, dans un cadre de développement durable ? ». Nous sommes donc partis de 0, n’ayant eu aucun enseignement en la matière, nous avons étudié la notion de bâtir, inexistante dans le corpus d’enseignement lycéen. Avec la rencontre de plusieurs professionnels du bâtiment, nous avons pu donner une réponse concrète à cette question : le déroulement de l’acte de bâtir, le système constructif, la provenance et la transformation des matériaux de construction, ainsi qu’un prix final pour l’élaboration et la construction de cette cabane.

À la sortie du lycée, faute d’admission au sein des ENSA, je me suis inscrit en IUT Génie Civil. Ces deux ans d’études m’ont permis d’acquérir des compétences techniques concrètes dans la plupart des domaines du bâtiment : structure, construction, topographie, thermique, énergétique, réseaux, travaux public, etc.


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Environnement et pratique, à quand la bonne entente ?

Les matières du bâtiment n’étant pas enseignées dans le secondaire, l’IUT Génie Civil fait office de passerelle entre un cursus général et le domaine du bâtiment. La formation regroupe une multitude de matières permettant de comprendre comment le monde du bâtiment fonctionne : de la promotion à la maintenance. Dans ce panel d’enseignement, je me suis plus particulièrement intéressé aux études thermiques et constructives. Alors que le Grenelle de l’Environnement était voté à l’assemblée nationale, les IUT ont accéléré les processus de formation sur la question environnementale. Même si la plupart des professeurs issus de formation d’ingénieur étaient réticent à ce changement de programme, plusieurs noyaux de corps enseignant commençaient à comprendre la trajectoire obligatoire que devait prendre le secteur du bâtiment sur la question environnementale. L’architecture était la grande absente de cette formation, ce qui laissait place à de nombreux préjugés sur le métier. L’architecte étant au centre du processus de conception, ce manque venait un peu ternir la diversité des matières enseignées. Il m’a donc fallu attendre la fin de l’IUT pour retenter une nouvelle fois l’admission au sein d’une ENSA, et réussir à intégrer l’ENSAL.

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râce à une Validation des Acquis et des Enseignements, l’ENSAL m’a permis d’accéder directement en 2ème année de l’école d’architecture. Malgré des domaines d’études complètement différents du lycée, l’IUT allait dans la continuité de la pédagogie lycéenne, tandis que les écoles d’architecture ont des méthodes d’enseignements radicalement différentes d’un cursus standard. L’acclimatation a donc été plus rude que prévu, avec comme premier projet la réalisation d’un immeuble dans le quartier de la Confluence à Lyon, abordant la mixité des logements et des bureaux. Une fois l’adaptation au processus de projet faite, j’ai pu me donner pleinement à la diversité des champs d’enseignements fournis : art, ambiance, urbanisme, sociologie, construction, structure, etc. Avec une conscience environnementale déjà amorcée, je me suis une fois de plus intéressé plus particulièrement à ces questions au sein de l’ENSAL, ce qui n’a fait que renforcer mes convictions.


Se former à l’environnement

2. Le choix de l'environnement Les enseignements liés à la question environnementale en Licence à l’ENSAL sont abordés d’une manière très théorique. Il a donc fallu attendre le Master pour pratiquer concrètement des projets de A à Z sur cet enjeu. Le déclic sur l’intérêt primordial du développement durable s’est réalisé avec le tout premier projet de Master. Le domaine d’étude de Master (dit DEM) : Architecture, Ambiance et Culture Constructive (AA&CC), dirigé par Remy Mouterde, professeur et ingénieur structure à l’ENSAL, s’est inscrit dans le cadre d’un évènement international sur la construction en terre crue. En 2016, a lieu à Lyon le Congrès International de la Terre Crue : Terra 2016, Lyon Capitale de la Terre. Dans le cadre de ce colloque, les ENSA de Grenoble et de Lyon, développant un domaine d’étude conjoint de master depuis plusieurs années, décident de participer à ce congrès en réalisant un prototype d’habitat à l’échelle 1/1. L’équipe pédagogique est spécialisée dans la culture constructive et le « Do It Yourself ». Cette culture constructive a été initiée par le professeur grenoblois Patrice Doar, cofondateur du laboratoire de recherche CRATerre et lauréat 2016 du Global Award For Sustainable Architecture. Le congrès rassemble des universitaires, professionnels, experts et étudiants autour de l’architecture en terre. L’objectif de ce prototype est de faire la promotion du matériau terre crue au grand public comme aux professionnels. Le projet consiste à construire 300 m2 d’habitat préfabriqué aux Grands Ateliers de l’Isle d’Abeau, mettant en valeur les possibilités de ce matériau. Terra Nostra8, de son nom, est conçu, construit et implanté à Lyon, à 95% par des étudiants de différentes ENSA, de l’INSA de Lyon et de l’IUT Génie Civil de Grenoble. L’édition 2016, portait principalement sur les questions liées au développement durable notamment dans les zones urbaines. Le prototype se veut donc un habitat passif et low-tech.

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e prototype est un véritable objet d’expérimentation et un outil pédagogique extrêmement puissant. Une contrainte majeure nous a été imposée : la préfabrication. Le choix des matériaux de construction s’est donc imposé à nous : bois, terre, paille. Au vue des convictions du corps enseignant, ainsi que les attentes du congrès, la construction devait respecter 2 notions : la dimension passive du logement, soit une production d’énergie supérieure à celle consommée, mais également la dimension carbone de la construction, par l’utilisation de matériau bas carbone. Avec la préfabrication, le bois est apparu comme un matériau évident: léger, bio-sourcé, facile à façonner, et à très faible impact carbone. La terre, matériau incontournable dans ce contexte, se marie merveilleusement bien avec le bois. La préfabrication nous a imposé un transport des éléments 2D et 3D construits par camions, d’une largeur maximale de 2,50 m. La terre n’étant pas un matériau travaillant en traction, le bois nous a permis d’encastrer des éléments constructifs en terre, tel que le pisé, et de pouvoir les manipuler par grue. Quant à la paille, elle nous a permis de montrer les mélanges qu’elle peut offrir avec la terre, comme le torchis ou la brique de terre paille compressée (Figure 1 à 6 p.18). Au final, 4 éléments constructifs en terre ont été réalisés et fabriqués par les étudiants sur ce prototype : un mur en pisé, non structurel pour les raisons évoquées précédemment, mais faisant un clin d’œil direct au patrimoine de la région lyonnaise et iséroise ; des briques de terre-paille compressées, à des fins d’isolation ; des panneaux de terre, servant de cloisonnement intérieur, ainsi que de doublage ; et de l’enduit terre mélangé à la chaux appliqué en extérieur et en intérieur.

Fig. 1 à 6 - Photo de la fabrication du prototype Terra Nostra par les étudiants 1 - Conception des plans de fabrication 2 - Fabrication de panneau de terre (méthode coulée) 3 - Débitage des poutres de planchers 4 - Fabrication du mur pisé 5 - Remplissage de l’ossature bois en brique de terre compacté 6 - Assemblage des modules 3D




Se former à l’environnement

Au bout de 6 mois de conception, 4 mois de fabrication, 2 semaines d’implantation et 1 semaine de finition, le prototype Terra Nostra a pu prendre place sur l’Esplanade François Mitterrand à la Confluence de Lyon pendant 3 mois. Avec plus de 7000 visiteurs, les étudiants ont pu partager leur expérience et promouvoir leur vision d’une architecture bas carbone, sobre et économe en énergie via leur projet (Figure 7 et 8 p.20). C’est dans ce cadre particulier que j’ai pu rencontrer tout un réseau de professionnels fermement ancrés dans le développement durable. Architectes, professeurs, artisans, et maître d’ouvrage, ont tous transmis aux étudiants une partie de leur savoir-faire et de leur vision de l’acte de bâtir. J’ai pu ainsi grandement me familiariser avec l’architecture bioclimatique, les bâtiments low-tech, la notion bascarbone dans la construction, ou encore la ventilation naturelle. A la sortie de cette expérience, j’ai pris conscience que produire une architecture respectueuse de l’environnement n’a rien de compliqué, mais qu’il suffit de sortir d’une certaine monotonie du moellons-plâtre-VMC et d’appliquer du bon sens commun dans l’architecture.

Fig. 7 et 8 - Photos finales de la réalisation du prototype

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Environnement et pratique, à quand la bonne entente ?

3. La synthèse des conaissances théoriques Après l’expérience extrêmement enrichissante de Terra Nostra, le Projet de Fin d’Études de l’école d’architecture nous a permis de synthétiser nos connaissances. Il s’agissait également de sortir du cadre idyllique produit par cette aventure, afin de retourner sur la conception d’un projet de manière plus traditionnelle : de l’analyse d’un site aux plans d’exécution du projet. Cette dernière année d’étude a été l’aboutissement et la validation des enseignements passés. Le PFE nous a permis de mettre en pratique tout l’apprentissage, et si je dis nous encore une fois, c’est parce que je considère qu’une bonne architecture est une architecture conçue en groupe. Un projet c’est une équipe, et le travail d’équipe est, selon moi, primordial pour faire murir un projet. Ce dernier projet universitaire a donc été réalisé à 3, et mes 2 camarades étaient également des étudiantes de l’aventure Terra Nostra.

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otre projet se situe à Annecy, dans un quartier des années 60. La ville a délocalisé les serres horticoles de son agglomération, elle s’est donc retrouvée avec une parcelle de 3 Ha quasi vierge de toutes constructions à 5 minutes du centre-ville, à la frontière d’Annecy-le-Vieux. La destination de ce site est l’habitation, et la ville a gelé tous les permis de construire, afin de réfléchir à une cohésion d’ensemble, à l’échelle du quartier, et à des prix abordables. En effet, il faut savoir que Annecy est la 3ème ville la plus chère de France, derrière Paris et Nice, la question de la spéculation immobilière était au cœur du projet. Le sujet du PFE se précisant, la notion environnementale nous paraît naturelle et même imposée par l’enseignement, laissant place à la problématique suivante : Comment réhabiliter et densifier un quartier résidentiel annecien dans une démarche durable et post-carbone ? Fig. 9 (haut) - Porjet urbain : Parenthèse urbaine Fig. 10 (bas) - Projet 1 : Logements collectifs neufs






Se former à l’environnement

Notre réponse, la parenthèse urbaine (Figure 9 p.23 et Figure 11 p.24), s’articule autour de la notion de réversibilité, que nous avons développée sur 3 axes. Le premier est la réversibilité comme nouveau mode de vie, elle s’est traduite sous la forme d’habitat modulable (Figure 10 p.23). Le deuxième traite de la réversibilité fonctionnelle, avec la conception d’un parking aérien transformable en logement (Figure 11 p.26). Et le troisième et dernier axe aborde la réversibilité au service de la résilience climatique, traduite par la réhabilitation de logements collectifs des années 60, proche du site (Figure 12 p.26).

Au travers de ces 3 projets nous avons démontré la faisabilité architecturale, technique, énergétique, acoustique, et économique de bâtiment bas carbone. Le projet d’habitat modulable en est le parfait exemple. Il est entièrement conçu en modules bois préfabriqués, utilise une ventilation en double flux l’hiver et naturelle l’été, est orienté au Sud avec un gestion pointue des apports solaires hiver et été. Son bilan énergétique est plus que satisfaisant, puisqu’il s’agit d’un bâtiment à énergie positive, conforme au label E4C2 de la future RE 2020 (grade le plus élevé de la RE 2020). Et pour finir, les logements produits ont un prix de construction de 1 850 €/m2 HT. Par la suite, le prix de vente des logements atteint 3 450 €/m2 TTC, et rentre ainsi dans la catégorie des logements abordables à Annecy (< 3 700 €/ m2 TTC). En conclusion de ce PFE, nous démontrons qu’il est possible de produire une architecture bioclimatique, bas carbone, et low-tech : une architecture respectueuse de l’environnement, cohérente dans son ensemble, et à des prix raisonnables. Mais ce travail ne se serait pas fait sans l’aide d’une l’équipe pédagogique pluridisciplinaire passionnée (architecte, ingénieur, thermicien, acousticien, économiste, programmiste), qui exerce professionnellement depuis de nombreuses années dans cette dynamique. Ils nous ont ainsi montré les différents leviers d’actions possibles pour produire une architecture bas-carbone.

Fig. 11 (p.24) - Projet urbain : Parenthèse urbaine / Fig. 12 (haut) - Projet 2 : Parking aérien transformable / Fig. 13 (bas) - Projet 3 : Réhabilitation et extension en toiture de logements

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Environnement et pratique, à quand la bonne entente ?

4. une formation qui ne fait que commencer U

ne fois l’exercice endurant que représente le PFE fini, et la pression retombée, il ne parait pas inintéressant de regarder derrière soi pour étudier son parcours, afin d’analyser les points clefs de la formation d’architecte ainsi que les premiers ingrédients formant notre posture architecturale.

Les 5 ans d’études en architecture décomposent totalement notre vision du monde et de la société tel quelle est enseignée dans notre scolarité. Nous sommes formés à concevoir des espaces dans lesquels la société évolue. Mais pour concevoir ces espaces, il faut comprendre la société. Et c’est là toute la difficulté de la tâche : comprendre une société en plein mouvement, qui évolue de plus en plus vite, qui fait face à des défis de plus en plus grands. Il y a là une notion d’anticipation qui est primordiale dans notre métier, et à toutes les échelles (sociétales, réglementaires, constructives, etc.), ce qui rend la tâche extrêmement compliquée. Anticiper les choses, c’est avant tout comprendre comment elles fonctionnent. Il s’agit de la base de réflexion d’un projet. Comprendre un projet, c’est comprendre sa fonction, son utilisation, son utilisateur, son environnement, et son objectif. C’est en comprenant le fonctionnement d’un système que l’on en fait la meilleure critique. Et c’est avec les meilleures critiques que l’on fait avancer le projet jusqu’à sa maturité.

Les enseignements sur l’environnement que j’ai suivi à l’ENSAL sont d’une grande diversité, avec des points de vue du corps enseignant qui divergent, mais, malgré cet apport très important, l’étude reste globalement théorique. Le cadre idyllique créé par l’école entraine une certaine dissonance entre l’enseignement et la réalité de la pratique. Car la place du développement durable dans le bâtiment reste encore en grande partie à la marge du gros de la production. N’étant pas confronté à des


Se former à l’environnement

ingénieurs, des maîtres d’ouvrage ou des entreprises, durant le cursus universitaire, nous arrivons sur le marché de l’emploi avec un bagage plus ou moins théorique sur l’environnement. Et il peut être difficile de se défendre sans une maîtrise globale du sujet (technique, économique, culturelle, sociétale, etc.). Mais les écoles d’architectures ont un avantage indéniable : leur diversité d’enseignements et la pluridisciplinarité des enseignants. La pluralité des domaines et des matières étudiées est considérable. Elle représente la principale force de ces études, ce qui nous permet de comprendre et d’anticiper, comme cité en amont. Nous ne sommes pas formés à savoir tout faire, mais plutôt à nous intéresser à tout, afin de pousser au maximum notre curiosité. L’école nous pousse ainsi à nous former, à améliorer nos processus de projet, à rechercher les dernières innovations en matière d’environnement, etc. Le PFE n’est que l’aboutissement d’une formation, mais aucunement une finalité. La formation du métier d’architecte est loin d’être finie, elle se passe sur l’ensemble de sa carrière. Nous développons sans cesse notre ouverture d’esprit et notre métier, et c’est grâce à cette curiosité que nous sommes capables de construire notre avenir.

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ii. la pratique du métier d'architecte


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Le parcours suivi en école d’architecture m’a permis de développer une approche du projet et une vision de l’architecture : pluridisciplinarité, travail d’équipe et développement durable. Pour autant, ces éléments ne sont pas appliqués par toutes les agences d’architecture. De nombreuses méthodes existent avec une efficacité plus ou moins performante suivant les contextes, donnant lieu à un écart notable entre la théorie et la pratique. Pour illustrer mon propos, j’appuie cette analyse sur l’Agence d’Architecture Philippe Guénot, dans laquelle j’ai réalisé la Mise en Situation Professionnelle, et dans laquelle je pratique depuis un an et demi.

1. l'Agence d'Architecture philippe Guénot L’agence d’Architecture Philippe Guénot est la première vraie expérience que j’ai pu avoir depuis l’obtention de mon Diplôme d’État d’Architecte en 2017. Fondée en 2000 par Philippe Guénot, elle est composée de 7 collaborateurs dont 5 architectes, 1 assistante administrative et 1 assistante comptable. Située à DécinesCharpieu depuis 7 ans, elle évolue dans un espace dédié à la création, avec un artiste peintre et une agence de communication. Il s’agit d’une structure à taille humaine qui prône avant tout une philosophie conviviale et familiale. L’agence exerce dans le domaine de la conception architecturale et de la maîtrise d’œuvre. Elle répond à des particuliers, logements collectifs, bâtiments industriels, tertiaires, médicaux et cherche à ouvrir son marché de plus en plus vers la commande publique sur le logement et les bâtiments administratifs. L’agence répond également à des programmes de divertissement tels que des parcs indoor, karting, ou centre aquatique. La diversité des programmes travaillés est une volonté revendiquée de l’agence, faisant partie de sa culture. Il s’agit d’un moteur dynamique, permettant d’être en perpétuel apprentissage et de diversifier le travail effectué.


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Environnement et pratique, à quand la bonne entente ?

2. une méthodologie de travail L’agence d’Architecture Philippe Guénot est avant tout une agence à taille humaine qui axe l’ensemble de son organisation de travail sur cette échelle. Elle s’organise autour de 2 pôles : un pôle administratif et un pôle dessin. Le pôle administratif s’occupe essentiellement de la gestion de l’entreprise, de la comptabilité, de l’administratif, des appels d’offres et de la gestion des chantiers. Contrairement au reste, la gestion de chantier en phase OPC est gérée principalement par Philippe Guénot, le chef d’agence, avec un appui différé de la part du reste de l’équipe pour certaines tâches administratives liées à cette phase. Le reste des tâches est effectué par l’assistante administrative et l’assistante comptable. Le pôle dessin, dont je fais parti, est constitué quant à lui de 4 collaborateurs architectes qui travaillent la conception architecturale de la phase programmation/ esquisse à la phase EXE, voire chantier. Chaque collaborateur gère seul ses propres projets de façon quasi-autonome, avec un pilotage du chef d’agence, plus ou moins impliqué sur chaque affaire suivant l’expérience des collaborateurs. Il est important de souligner que le pôle dessin n’est pas simplement un poste de dessinateur. Malgré le fait qu’une grande partie du travail repose sur le dessin pur (plan 2D, maquette 3D, infographie), le dessin architectural est en grande partie à l’appréciation de chaque collaborateur architecte. Chaque chargé d’affaire doit également assurer la bonne conduite du projet avec l’ensemble des acteurs (bureau d’étude, entreprise, maître d’ouvrage, etc). Une fois qu’un projet atteint la phase chantier, celui-ci est « transféré » au chef d’agence, afin qu’il puisse effectuer la mission OPC. Cette méthode de travail insiste sur la reconnaissance du diplôme et du métier de l’architecte, revendiqué par la philosophie de l’agence.


Pratiquer le métier d’architecte

L’agence GUÉNOT est une des rares agences d’architecture lyonnaise à être certifiée ISO 9001. Cette norme ISO permet de mettre en place un système de management de la qualité de l’entreprise. Elle assure au client la conformité des prestations face à ses exigences et aux exigences réglementaires9. En outre ce travail de management de l’entreprise permet de définir une organisation, des finalités, des processus de travail, une implication des collaborateurs et des opportunités d’amélioration, avec pour objectif une amélioration continue des processus. L’amélioration continue des processus de travail se fait par la création d’une multitude d’outils. Parmi eux, se trouvent des fiches d’amélioration. Elles sont émises par l’ensemble des collaborateurs, sont discutées de façon collégiale tous les trimestres par l’ensemble de l’équipe. Il peut s’agir de la création d’une bibliothèque informatique, de la communication avec les clients, du paramétrage de l’outil informatique, mais également de la vie de l’entreprise (tâches quotidiennes, occupation des locaux, etc.). Cette remise en cause du travail permet d’impliquer l’ensemble des collaborateurs dans la vie de l’entreprise, et de donner des responsabilités à chacun. L’interaction entre une liberté de conception et une organisation bien définie est une garantie de cette amélioration tant recherchée. Le fait d’opérer de la phase programmation à l’exécution de chantier de manière continue et en partielle autonomie permet d’avoir une vision globale sur le processus du métier d’architecte, et ainsi d’être force de propositions.

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Environnement et pratique, à quand la bonne entente ?

3. une architecture modeste L’agence d’Architecture Philippe Guénot revendique une architecture modeste. Elle développe une architecture simple, concise et plurielle. L’agence travaille essentiellement avec des maîtres d’ouvrage privés (particuliers, promoteurs, industriels, entrepreneurs, etc.), par conséquent elle se définit à l’inverse d’une « boite à concours » (concours publics et privés, culture spécifique de la conception sur l’organisation, etc.). Elle travaille avec n’importe quel client, privé comme public, et oriente son architecture autour d’un programme sur mesure, à l’écoute du client afin de produire des projets de qualité (Figure 14 à 17 p.35 et 36). L’agence souhaite également concevoir et diriger l’ensemble de ses projets afin de travailler sur toutes les phases architecturales, de la programmation au chantier. Cette pratique permet d’avoir un retour direct entre la conception et la réalisation, mais également un suivi architectural sur chantier, pour pratiquer pleinement le métier d’architecte.

L’architecture développée au sein de l’agence recherche avant tout une efficacité de la démarche, qu’elle soit constructive, architecturale, conceptuelle, etc. Elle ne se cache pas de produire une architecture alimentaire sur certains projets (industriels, logements sociaux, etc.), auxquels il est difficile d’allier qualité architecturale et coût de construction. La production de projets pour des particuliers est moins impactée par ce phénomène et laissent place à une plus grande générosité dans la création architecturale et dans son expression. L’agence intègre très peu la notion de développement durable dans sa démarche de conception. Des sujets comme le réemploi, les matériaux bio-sourcés, le BEPOS (Bâtiment à Énergie Positive), l’architecture bas-carbone, etc. sont complètement absents du vocabulaire des collaborateurs. L’architecture bioclimatique est approchée sur la production de maison individuelle, mais reste marginale sur l’ensemble du travail de l’agence. Fig. 14 (haut) - Construction d’une maison bioclimatique à Saint-Genis-en-Laval (2006) Fig. 15 (bas) - Réaménagement du pavillon d’accueil de l’office de tourisme de Lyon (2007)




Pratiquer le métier d’architecte

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l y a là un léger paradoxe qui s’installe dans le processus de création de l’agence. La volonté d’amélioration continue du processus de métier (ISO 9001) est en décalage par rapport à la production architecturale. Cette volonté d’amélioration du processus architectural n’est pas aussi forte que la volonté d’améliorer le processus de métier. La recherche de l’innovation, le regard sur la production extérieure ou encore la compréhension des enjeux environnementaux ne sont pas des objectifs majeurs de l’agence. Et cet écart d’implication sur certains sujets peut créer différentes ambiguïtés dans le métier d’architecte. Mais pourquoi la pratique de développement durable n’est-elle pas incluse dans la production ? Quelles sont les raisons d’un tel écart entre la pratique et l’environnement ?

Fig. 16 (haut) - Réhabilitation de la « Petite halle » à Lyon 7 (2013) Fig. 17 (bas) - Construction du « Spa du Clos » à Chasseneuil-du-Poitou (2017)

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Environnement et pratique, à quand la bonne entente ?

4. « c'est compliqué » La première fois que j’ai énoncé la notion environnementale au sein de l’agence, une réponse m’a directement été faite : « c’est compliqué ». Cette petite réponse en dit long sur le paradigme entre environnement et pratique. Mais pour comprendre l’écart qui les sépare, il faut en comprendre les raisons. Ces raisons peuvent être liées à une multitude de facteurs, plus ou moins impactants, mais elles diffèrent aussi selon le contexte. Les raisons qui vont être évoquées ne sont pas toutes liées au contexte de l’agence GUÉNOT, loin de là. Elles proviennent des différentes expériences professionnelles vécues, des rencontres et des enseignements reçus. Il s’agit plus d’un état des lieux, mais en aucun cas d’un jugement sur le fonctionnement ou la posture d’une agence.

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our commencer, l’une des principales raisons est le manque d’information et de formation sur ce sujet. En effet, l’enseignement du développement durable au sein des écoles d’architecture est récent, d’environ une génération (soit 10 ans). Les générations précédentes n’étaient pas formées à ces sujets, d’où un manque crucial de connaissances dans le domaine, installant ainsi une différence notoire de la culture architecturale entre les générations d’architecte. Malheureusement, au sein des agences d’architecture, la formation professionnelle est au bon vouloir de la direction. En effet, la majeure partie des collaborateurs architectes, diplômés DPLG ou DE, ne sont pas inscrits à l’ordre, et donc non reconnus par la profession. Par conséquence, ils ne bénéficient pas de la formation professionnelle continue obligatoire (avec un quota de 20h de formation par an). La formation sur ces thématiques est la base pour comprendre les enjeux, pour avoir les bonnes informations et pour se positionner sur une culture commune. La réalité économique d’une entreprise est également un facteur non négligeable. Toute entreprise doit « faire tourner la boite », avoir des clients pour vendre des prestations. Si on y rajoute la conjoncture actuelle des honoraires de maîtrise


Pratiquer le métier d’architecte

d’œuvre et l’appel à la concurrence, on peut obtenir une certaine complaisance sur les demandes du maître d’ouvrage, ne laissant pas de place au compromis, à la négociation ou à la pédagogie. Mettant ainsi l’environnement bien loin dans l’ordre des priorités à gérer, car l’entreprise peut être dans une situation de survie économique. Le réseau de l’entreprise est aussi une cause significative. En effet, la clientèle représente en quelque sorte l’image de l’architecture que l’on produit. Il peut être difficile de faire du développement durable avec des clients complètement hermétiques à cette dynamique. Mais le réseau concerne également les différents bureaux d’études qui sont des acteurs incontestables du bâtiment, avec des visions et des formations multiples, au même titre que les collaborateurs au sein d’une même agence. Si ces acteurs ne sont pas sensibles à la question environnementale, alors la démarche peut être d’autant plus difficile à entreprendre. Mais la principale raison de cet écart est sans nul doute sociétale, et il faut assumer de le dire sans tabou. Nous avons du mal collégialement à répondre aux enjeux environnementaux dans l’ensemble des secteurs d’activités. Le réchauffement climatique est une notion tellement abstraite qu’il nous est impossible d’en voir ou d’en imaginer les conséquences concrètes. Nos synapses cognitives n’ont pas été éduquées, dans une société de consommation, à ce paradigme. Et nous préférons donc ne pas regarder le problème en face, ne pas y « croire », minimiser son importance et le reporter à plus tard. Alors que toute la problématique s’articule malheureusement autour de la temporalité des conséquences.

Malgré

des situations qui peuvent être plus ou moins complexes suivant les contextes, le développement durable n’est pas encore une norme dans le bâtiment. Les raisons sont tout autant variées que les parcours professionnels, laissant place à une multitude de facteurs. Pour autant il existe de nombreuses solutions pour répondre aux enjeux environnementaux de manière concrète et de façon immédiate ou non.

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iii. comment introduire concrètement le développement durable dans la pratique professionnelle ?


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Les deux premières parties de ce travail de mémoire d’HMONP ont largement établi un certain constat : je ne pratique pas ce que j’ai appris. Dit d’une façon moins triviale, il y a là une différence notoire entre la théorie enseignée dans les ENSA et la réalité du travail d’architecte dans la pratique. Cet écart n’est en rien une découverte, il s’agit ni plus ni moins d’un constat récurent à la sortie des études. Le cadre théorique nous apprend l’étendue des savoirs que doit connaître l’architecte pour pratiquer son métier, et le cadre professionnel permet de pratiquer l’architecture avec l’ensemble des contraintes socio-économiques dans lequel nous évoluons. C’est-à-dire avec des contraintes liées aux réalités économiques du secteur du bâtiment sur une échelle macro, mais aussi liées aux réalités économiques d’une entreprise sur une échelle micro. Autrement dit : « il faut faire tourner la boutique ». L’interrogation plus en profondeur sur cette distance séparant la théorie de la pratique, et plus particulièrement ses causes et ses conséquences, a permis de répondre à une incompréhension. Incompréhension due à la formation que j’ai reçue et aux valeurs qui m’ont été inculquées lors de mes études, que je ne retrouve pas dans le monde professionnel. Cette incompréhension peut paraître naïve, mais ne pas la comprendre, ne permettra pas de pratiquer pleinement le métier d’architecte. L’objectif est donc de montrer comment introduire l’environnement dans la démarche professionnelle lorsque celui-ci en est absent, en réalisant une liste d’actions permettant une réelle transition. Il s’agit là d’un travail d’information et de synthèse des connaissances, cherchant à énumérer l’ensemble des leviers à notre disposition pour trouver des actions concrètes sur le court, moyen et long terme. L’adjectif « concret » a toute son importance, car la transition ne se fait pas avec des mots ou des images, mais bien avec des actes.


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1. impulser la démarche environnementale : la sensibilisation a. 1 ère étape : la sensibilisation et la formation

La sensibilisation est la première étape de la transition, et il existe une multitude de manières de se sensibiliser à la question environnementale. Commençons par la formation professionnelle, elle est obligatoire dans le cadre de l’inscription à l’ordre des architectes, avec un total de 20h/an minimum. Ce quota peut parfaitement être utilisé pour se familiariser sur le domaine en question. L’ordre des architectes met en ligne de façon régulière des formations qui entrent dans le cadre de l’inscription au tableau. La rubrique « Développement Durable » est la plus fournie du site, avec 184 formations proposées en novembre 2019 dans toute la France. Les thèmes abordés sont aussi vastes que la question : généralités, réhabilitation, méthodes, matériaux, urbanisme, qualité de vie, questions sanitaires, etc.10. Le moniteur du bâtiment établit aussi une liste exhaustive de formations professionnelles dans son catalogue de formation édité chaque année11. Il existe également des formations professionnelles gratuites comme les MOOC. Un MOOC, acronyme de Massive Online Open Courses, prononcé « Mouk », est un cours accessible via internet de manière gratuite. L’inscription se fait de la même manière qu’un site internet lambda, avec une participation à durée déterminée. Les supports de cours sur internet se font via des vidéos, des QCM, des PDF ou des forums de discussion. L’énorme avantage des MOOC est la liberté totale d’organisation, le principe étant de suivre la formation 2 à 3 h/semaine sur x semaines. La plateforme MOOC Bâtiment Durable12 propose des formations gratuites sur 6 semaines sur la qualité de l’air, l’humidité dans le bâtiment existant, la précarité et la rénovation énergétique, les matériaux biosourcés et leur mise en œuvre, etc.


Comment introduire concrètement la notion de développement durable dans la pratique professionnelle ?

La sensibilisation peut également se faire via des évènements particuliers tels que des conférences, des visites de chantier, des salons ou des expositions de travaux. Si on se concentre sur la scène lyonnaise auquelle je fais parti, les OFF de Développement Durable donnent de la lisibilité aux projets « pionniers », considérés hors-normes, en préfigurant les modes de faire et les solutions architecturales. L’association VAD propose une multitude d’évènements liés au développement durable. « Ville & Aménagement Durable mobilise un réseau de 2000 professionnels en Auvergne-Rhône-Alpes, autour des enjeux du bâtiment et de l’aménagement durable. Son rôle est de penser les territoires de demain, en s’appuyant sur les retours d’expérience (expertise, retour terrain), le débat, la formation et l’information »13. Elle propose des formations, des visites de chantier avec une expertise du bâtiment, des fiches d’informations de bâtiments exemplaires (coût, efficacité énergétique, techniques de construction, etc.), des ateliers de rencontre des professionnels, etc. Internet est également une grande source d’information, qu’il faut savoir manier. Suite au grand débat national de l’hiver 2019, l’ordre des architectes a mis en ligne une plateforme dédiée aux étudiants et architectes qui souhaitent se lancer dans la transition écologique. Il s’agit d’un « centre de ressources et d’innovations consacré à la transition écologique. La plateforme a pour objectif d’informer, de partager les connaissances et de promouvoir les solutions en lien avec l’architecture et le cadre de vie »14. L’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie (ADEME) met aussi en ligne sur son site une multitude d’études et d’expertises poussées sur la question énergétique dans le bâtiment (chauffage, ECS, production d’électricité, ventilation, usage, impact carbone, etc.)15.

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e former et se renseigner sur ces questions permet ainsi d’éviter la désinformation, d’obtenir un regard large sur l’ensemble des innovations et d’étudier les solutions qui existent. En plus des apports théoriques, ces évênements participent grandement à la création d’un réseau professionnel en adéquation avec une posture architecturale.

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Environnement et pratique, à quand la bonne entente ?

B. appliquer les principes de l'architecture bioclimatique

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out en se formant et se sensibilisant sur le développement durable, plusieurs actions simples et concrètes peuvent être mises en place sur les projets d’une agence. Adapter le projet avec son climat, ou la mise en application des bases de l’architecture bioclimatique sur les phases de conception en fait parti. Même si cela peut paraître une évidence pour une certaine partie de la profession, la mise en œuvre de ce type d’architecture n’est pas un réflex pour toutes les agences, pour l’avoir vécu lors de certain stage et emploi. Pour autant, sa pratique est loin d’être inconnue dans la profession. Éveillée depuis les années 90, la conception bioclimatique est inscrite dans la réglementation thermique en vigueur, la RT 2012. L’introduction du concept de Bbio (indice de besoin bioclimatique du bâtiment) vise à promouvoir une conception bioclimatique. Cependant le Bbio peut laisser perplexe aux vues des ambiguïtés qu’il provoque. En effet, en se focalisant sur le confort d’hiver, et non sur le confort d’été, cet indicateur permet à une maison noire d’obtenir un meilleur Bbio qu’une maison de couleur blanche16. Malheureusement pour la RT 2012, la physique élémentaire nous apprend qu’une surface noire absorbe la chaleur du soleil, alors qu’une surface blanche la renvoi dans l’atmosphère. Avec cette chaleur absorbée, la maison noire partiticipe donc à l’effet de serre que nous sommes censés endiguer. Il y a là un non sens écologique. L’architecture bioclimatique ne se traduit pas par un indice d’ingénierie, laissé à la seule compréhension des bureaux d’étude, mais bien par une réflexion d’ensemble d’un projet avec un contexte, et d’un peu de bon sens. Même si ce paradoxe n’est qu’une anecdote de la RT 2012, il permet de prendre conscience que respecter strictement la norme n’est pas forcément la panacée.

L’architecture bioclimatique s’inscrit avant tout dans son environnement. Avec la connaissance de cet environnement (géographie, climat, biodiversité, risque naturel), elle va chercher à s’y adapter, par des stratégies, des solutions et des techniques architecturales. La base de son fonctionnement repose sur l’adaptation du projet


Comment introduire concrètement la notion de développement durable dans la pratique professionnelle ?

au climat hivernal et estival pour ce qui concerne la France. Tirer parti des ressources gratuites, comme le soleil, le vent, et l’eau sont des stratégies indispensables sur ce point. Les schémas de principe de la stratégie bioclimatique sont aujourd’hui des fondamentaux de l’enseignement architectural, que Kristell Menez, dans son ouvrage La Maison Écologique, nous décrit de manière simple. La stratégie d’hiver consiste elle à tirer parti du soleil. « À cette période de l’année, le soleil est rasant. Ses rayons pénètrent pourtant la maison grâce à la serre. Ils viennent chauffer les masses thermiques, qui réchaufferont la maison pendant la nuit. L’utilisation du chauffage au bois élève le niveau ambiant de la température et contribue aussi à l’accumulation de la chaleur dans les masses thermiques. La maison ne souffre pas des vents froids de l’hiver car un talus planté d’arbres résistants l’en protège. »17 (Figure 18 p.45).

Fig. 18 - Schéma de principe de la stratégie d’hiver

La stratégie d’été consiste à se protéger du soleil. « Pendant la journée, les rayons du soleil chauffent la toiture de la maison et de la serre. Les pièces à l’étage souffrent peu de la chaleur parce qu’elles sont fortement isolées. L’air chaud emmagasiné dans la serre s’évacue par l’aération prévue à cet effet. Le reste de la chaleur se

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Environnement et pratique, à quand la bonne entente ?

dissipe par la ventilation naturelle. Au cours de la nuit, les fenêtres sont ouvertes et laissent entrer l’air frais. Celui-ci rafraichit les masses thermiques de la maison (sol et murs et sera restitué dans la journée. »18 (Figure 19 p.46).

Fig. 19 - Schéma de principe de la stratégie d’hiver

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ette représentation de l’architecture bioclimatique est symptomatique de ce que l’on en retient. Il s’agit d’une illustration quelque peu raccourcie, représentant un cadre idyllique de la conception d’une maison individuelle. Pour autant elle décrit parfaitement les préceptes principaux de cette conception : travailler avec le soleil, le vent, l’eau et le sol. Une multitude de projets a réinterprété ces schémas théoriques, comme la maison de Patrick Blanc par l’architecte Jean-Luc Moulin (Figure 20 p.47), la maison Kopf construite par l’architecte Hermann Kaufmann (Figure 21 p.48), ou encore dans une forme plus extravagante, l’Héliodome de l’ébéniste-designer Éric Wasser (Figure 22 p.48). Mais ces principes sont loin d’appartenir à l’architecture contemporaine, Franck Llyod Wright mettait déjà en pratique la protection solaire et le travail de l’inertie Fig. 20 - Maison individuelle en Isère par Jean-Luc Moulin


Comment introduire concrètement la notion de développement durable dans la pratique professionnelle ?

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dans sa Maison de la cascade pour Edgar J. Kaufmann (Figure 23 p.50). Même si cette référence est loin de prendre en compte les enjeux actuels, il est intéressant de comparer les éléments architecturaux entre la Maison de la cascade de 1939 et la production d’habitation bioclimatique actuelle. Fig. 21 (haut) - Maison Kopf à Au (Autriche) par Hermann Kaufmann Arkitekten (2000) Fig. 22 (bas) - L’Héliodome à Stasbourg de Éric Wasser (2008) Fig. 23 (droite) - Maison de la Cascade à Mill Run (États Unis) par Franck Llyod Wright (1939)

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C’’est sans doute l’architecture du Vorarlberg qui a su être pionnière sur la question bioclimatique : L’école primaire de Bruno Spagolla (Figure 24 p.50), les logements collectifs Öldzbündt de Hermann Kaufmann (Figure 25 p.51), et bien entendu l’immeuble de bureaux 2226 à Lustenau en Autriche, par Baumschlager Eberle. L’approche constructive et énergétique de ce bâtiment est rarement mise en œuvre. Elle s’appuie sur l’inertie d’un bâtiment massif et sur sa capacité de stockage de chaleur et de rayonnement. C’est un immeuble sans chauffage, ni climatisation et la température oscille entre 22 et 26 °C. Les fenêtres et les portes positionnées en


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profondeur structurent la composition de façade avec une fonctionnalité propre : des apports thermiques et une ventilation naturelle mécanisée sur les menuiseries (Figure 26 et 27 p.52 et 53). Fig. 24 (gauche) - École primaire Marul à Raggal (Autriche) par Bruno Spagolla (1999) Fig. 25 (droite) - Logements collectifs Öldzbündt à Dornbirn (Autriche) par Hermann Kaufmann (1997) / Fig. 26 et 27 (p.52 et 53) - Immeuble de bureaux 2226 à Lustenau (Autriche) par Baumschlager Eberle (2012)

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l est primordial d’appliquer de manière systématique ces méthodes sur l’ensemble des projets, et pas seulement sur la maison individuelle. L’intelligence de l’architecte se trouve principalement dans l’application de ces principes théoriques sur un site, avec des contextes et des programmes divers et variés. Renzo Piano a toujours été un fervent défenseur de l’architecture bioclimatique. En 1991, il réalise les bureaux de son agence de Punta Nave en Italie. Avec son profil en escalier, inspiré des terrasses cultivées voisines en pente, Renzo Piano utilise le vent et le soleil pour concevoir une architecture composée « d’espace, de soleil et de nature » (Figure 28 et 29 p.54 et 55).

Fig. 28 (gauche) - Schéma d’esquisse du principe bioclimatique de l’agence RPBW Fig.29 (doite) - Bureaux de l’agence RPBW à Punta Nave (Italie), par RPBW (1991)


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Comment introduire concrètement la notion de développement durable dans la pratique professionnelle ?

L’agence Lipsky-Rollet Architectes a travaillé l’architecture bioclimatique sur l’ensemble de sa carrière. Le projet Amplia à Lyon (2013) est une parfaite démonstration de l’architecture bioclimatique appliquée aux logements collectifs. L’installation de loggias comme intermédiaire thermique modulable jumelées à la double orientation des logements, offre une qualité d’espace indéniable. La plurifonctionnalité des éléments architecturaux montre l’intelligence du bâtiment : la terrasse a plusieurs fonctions : ventilation, protection solaire, serre d’hiver, et espace modulable (Figure 30 et 31 p.56 et 57).

Au travers de ces exemples, l’architecture bioclimatique montre qu’elle ne se cantonne pas à des schémas de principe été/hiver, mais qu’elle fixe des objectifs précis du point de vue du bilan énergétique sur la durée de vie du bâtiment, sur la pression environnementale qu’il va générer et sur le confort et la santé des occupants. L’architecture bioclimatique repose sur la prise en compte de 4 piliers d’une construction dite « soutenable » : l’insertion dans le territoire, les matériaux et le chantier, les économies d’énergie et la sobriété d’usage, ainsi que le confort et la santé19, dont nous allons maintenant étudier plus en profondeur les solutions.

Fig. 30 (gauche) - Logements collectifs « Amplia » à Lyon 2, par Lipsky et Rollet (2013) Fig. 31 (droite) - Schéma de principe d’un appartement type

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2. construire des bâtiments respectueux de l'environnement: la notion carbone a. la notion carbone & l'énergie grise

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’un point de vue scientifique, l’impact environnemental se détermine au travers de l’émission de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Cette émission « est due tout d’abord à la vapeur d’eau (0,3% de l’atmosphère en moyenne), puis au gaz carbonique (0,04% de l’atmosphère), puis à des gaz qui sont présents dans des proportions encore plus faibles (méthane, 0,00018%, protoxyde d’azote, 0,00003%, et d’autres encore plus rares) »20. L’indicateur référence dans tous les domaines qui rapporte la quantité de gaz à effet de serre émis est mesuré par son équivalent en dioxyde de carbone (CO2). La notion carbone vient donc de la prise en compte dans la construction de l’émission de gaz à effet de serre en équivalent CO2, exprimé en kilogramme par unité de fabrication (Kg/uf ; uf étant différent suivant le matériau utilisé : ml, m2, m3, u (unité), etc.). Pour réduire les émissions de GES, deux stratégies sont à prendre en compte : leur réduction au sens strict et leur stockage. Afin de réduire les émissions de GES dans le bâtiment, il est nécessaire de choisir les méthodes de fabrication, les matériaux, les mises en oeuvre et les usages les moins émetteurs. Concernant le stockage, il s’agit de tirer parti de la photosynthèse des plantes qui absorbent le CO2 dans l’atmosphère pour en rejeter de l’oxygène (O2). Ainsi l’ensemble des matériaux d’origine organique (biosourcé) stocke le carbone pour une durée estimée à 100 ans. Il est donc possible d’avoir des matériaux de construction ayant une émission de GES négative, comme le bois qui va stocker du carbone toute sa vie.


Comment introduire concrètement la notion de développement durable dans la pratique professionnelle ?

Le secteur du bâtiment étant le plus consommateur d’énergie en France (45%)

21 , ce dernier s’est doté d’un autre indicateur : l’énergie grise, exprimée en mégajoule par unité de fabrication (MJ/uf). L’énergie grise est la quantité d’énergie consommée lors du cycle de vie d’un matériau ou d’un produit : la production, l’extraction, la transformation, la fabrication, le transport, la mise en œuvre, l’entretien et le recyclage. Dans cette énergie grise, il faut également regarder l’énergie grise non renouvelable, c’est-à-dire l’énergie procédée d’origine non renouvelable, dont les apports sont nécessaires dans le processus de mise en œuvre pendant le cycle de vie22. Concernant l’énergie grise, la seule stratégie valable est la réduction de la consommation d’énergie, qui passe par l’ensemble du cycle de vie du matériau.

B. travailler le compromis

Ainsi pour déterminer l’impact environnemental des différents types de construction, il faut en calculer 2 valeurs physiques : l’énergie grise (en MJ/uf) et l’émission de GES en équivalent CO2 (en Kg/uf). Mais prescrire des éléments constructifs uniquement sur leur impact environnemental n’est pas en accord avec la réalité de la pratique. Le coût d’investissement de chaque élément doit également être pris en compte. Il peut être intéressant alors de comparer l’impact environnemental au prix de mise en œuvre des matériaux. C’est ce que nous allons rapidement étudier au travers de 3 exemples : les isolants, les systèmes constructifs et les menuiseries.

L’isolation

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l existe une multitude d’isolant sur le marché : polystyrène, polyuréthane, laine de roche, laine de verre, laine de bois, ouate de cellulose, paille, fibre de bois, chanvre, laine de mouton etc. Lorsque on calcule leur emprunte carbone et énergétique (Figure 32 et 33 p.60 et 61), on s’aperçoit que les traditionnels isolants dérivés du pétrole, polystyrène et polyuréthane, ne sont clairement pas bons pour l’environnement, sans grande surprise. Contrairement à l’idée reçue, la laine de bois rigide, souvent utilisée en façade sous forme de panneau, n’est pas forcément à recommander aux vues de

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l’énergie grise qu’elle consomme (4,5 fois supérieure à la laine de bois semi-rigide sur l’énergie grise et l’émission de CO2). Les isolants biosourcés (d’origine organique) sont en grande partie moins impactants que les laines minérales largement utilisées dans la pratique. La préconisation de l’isolant doit prendre en compte cette base de travail, mais pas seulement. L’épaisseur d’isolant pour une résistance équivalente est à spécifier, notamment en réhabilitation, ce qui peut mettre de côté la paille, dotée d’une plus grande conductivité thermique. La question du prix est un des points sensibles dans la décision finale. Même si l’utilisation d’isolants biosourcé est un peu plus chère qu’une laine minérale, la différence économique rapportée sur le prix total d’une opération peut paraître marginale. C’est là que commence le travail du compromis.

Fig. 32 (gauche) - Énergie grise non renouvelable par m2 à résistance thermqiue égale (R=6) Fig. 33 (haut) - Production de GES d’un m3 de certains isolants thermique égales Fig. 34 (bas) - Énergie grise non renouvelable par m2 à résistance thermqiue égale (R=6)


Comment introduire concrètement la notion de développement durable dans la pratique professionnelle ?

Les systèmes constructifs

En France le béton est sacré roi depuis le début du XX

siècle, d’où une présence minérale très forte dans le paysage de l’hexagone. Pourtant le mode de construction est loin d’être sans impact sur l’environnement. L’industrie de la cimenterie représente à elle seule 5 à 7% des émissions de GES dans le monde23. Lorsque l’on compare les différents systèmes constructifs présents à la Figure 34 p.61 et 35 p.62, on s’aperçoit qu’un système béton + polystyrène est 20 fois plus consommateur d’énergie grise qu’un mur à ossature bois rempli de paille. Malgré l’esthétique remarquable que le béton peut apporter, sa standardisation pose de réels problèmes à l’échelle planétaire. La question du prix est indéniable dans cette problématique, même si le prix d’un mur à ossature bois peut être du même ordre que celui d’un béton coulé. L’agence lyonnaise Tectoniques Architectes le démontre depuis plusieurs années en réalisant une architecture 100% bois, avec des coûts de construction compétitifs vis à vis du béton. èm»

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Fig. 35 (gauche) - Comparatif émission carbone / énergie grise de différent types du poutre Fig. 36 (droite) - Comparatif carbone / énergie grise / coût d’inverstisssment des menuiseries


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Les menuiseries

En

tant qu’élément principal de la composition de façade, le choix de sa matérialité représente un réel enjeu architectural, mais aussi un réel impact sur l’environnement. Parmi les 3 matériaux utilisés pour sa fabrication, un seul représente un impact modéré : le bois (Voir Figure 36 p.62). La menuiserie PVC est un produit très prisé des promoteurs pour son prix attractif, mais peu intéressant sur le bilan environnemental : 2,5 fois supérieur au bois. Et contrairement à la vision noble que peut avoir l’aluminium, sa fabrication est 3 fois plus impactante que celle du bois. Le bois est donc la meilleure solution technique connue pour réduire les impacts environnementaux, mais à un certain coût : le double pour une menuiserie fixe, et plus 15 à 35% pour une menuiserie à 2 ouvrants à la française.

Matériau de construction

Énergie Grise non renouvelable (MJ/uf)*

Énergie grise totale (MJ/uf)*

Émission C02 (Kg/uf)*

Prix (€/m2) (Pose et fourniture)** Fixe

OF 2 ouvrant

Coulissant 2 vantaux

PVC

5 760

6 030

363

250 €

550 €

Aluminium

6 790

8 020

450

200 €

650 €

350 € 550 €

Bois

2 200

4 670

144

450 €

750 €

650 €

Bois/ Aluminium

3 740

6 320

256

550 €

850 €

750 €

*Base de donnée EcoBAU, cours de Master « Techniques et Stratégie Eco-responsable », dirigé par Lauréna CAZEAUX, ENSAL, 2016 **Base de donnée de M. Vincent DUBREUIL, économiste, intervenant dans le cadre du Master AACC, ENSAL, 2017.

L’élaboration d’un tableau de comparaison entre l’impact environnemental et le prix

d’un élément constructif est un formidable outil d’aide à la conception, permettant un réel apport au débat entre la maîtrise d’ouvrage et la maîtrise d’oeuvre. Bien que l’objectif de ce mémoire n’est pas dans l’élaboration de ce comparatif, il serait très intéressant de pousser cette démarche sur l’ensemble des choix architecturaux: revêtement de façade, ventilation, chauffage, revêtement de sol, brise soleil, etc. Car cette comparaison permet d’établir des compromis entre un enjeu environnemental et économique. Il est difficile de montrer patte blanche du premier coup, et de concevoir un bâtiment bas carbone du jour au lendemain.


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Mais il est possible de faire avancer les paliers petit à petit en prescrivant des éléments constructifs à faible impact. Lorsque la maîtrise d’ouvrage impose un système constructif peu écologique, l’architecte doit être force de proposition pour pallier ou compenser ce défaut. Pourquoi ne pas prescrire de l’isolant biosourcé ou des menuiseries bois si la structure est imposée en béton ; ou mettre en place un revêtement composite (dérivé du pétrole) sur une ossature en bois, plutôt qu’un revêtement bois, peu accepté par son vieillissement. Cette démarche amène rapidement à une multitude de choix permettant ainsi une grande diversité de solutions et d’expressions architecturales. Le compromis peut également se faire sur une autre échelle, dans un partenariat avec une maîtrise d’ouvrage, il peut être intéressant de travailler un projet exemplaire sur deux. L’objectif est de faire avancer les paliers petit à petit, de réussir de petites victoires, et de sensibiliser à son tour les autres acteurs du bâtiment. Au delà de l’aspect technique et calculatoire de cette démarche, l’intérêt est d’obtenir des ordres de grandeur de la notion carbone sur les solutions constructives.

C. en route vers la re 2020

O

n entend souvent dire que « les petits pas ne servent à rien », mais ils sont d’une utilité absolue pour sensibiliser. Mais malheureusement, leur impact est faible et ne représente que les premiers paliers à franchir pour répondre à l’objectif de 2°C d’ici 2050. Il est donc indispensable de s’orienter vers une production globale de bâtiment bas carbone. C’est ce que la Réglementation Environnementale 2020 met en place pour les bâtiments publics depuis le 01 janvier 2018, et va mettre en place à partir du 01 janvier 2021 pour l’ensemble des nouveaux projets. La RE 2020 durcit les exigences environnementales de la RT 2012 et introduit divers paramètres en plus. Tout d’abord, la RE 2020 se fixe un nouveau cap à atteindre pour réduire les consommations d’énergie : la production de bâtiment « passif » ou à énergie positive. Un bâtiment à énergie passive génère autant d’énergie qu’il en consomme pour assurer son fonctionnement et le confort de ses occupants. Tandis


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qu’un bâtiment à énergie positive, ou BEPOS, génère d’avantage d’énergie qu’il n’en consomme pour ses besoins, l’excédent étant redistribué au réseau. Pour atteindre ces objectifs énergétiques, la RE 2020 invite à se tourner vers l’autoproduction d’énergie renouvelable (photovoltaïque, solaire thermique, géothermie, etc.)24. La réduction carbone est l’autre cheval de bataille de la RE 2020. Elle prend en compte l’empreinte carbone des bâtiments tout au long de leur cycle de vie, depuis la phase de fabrication des matériaux, en passant par la mise en œuvre , l’utilisation du bâtiment jusqu’à la déconstruction et le recyclage des matériaux. Voilà pourquoi nous parlons désormais de Réglementation Environnementale (RE), plutôt que Réglementation Thermique (RT), avec pour objectif la décarbonisation du bâtiment. La réglementation s’appuie sur l’expérimentation du label E+C-, lancé depuis plusieurs années par les associations Alliance HQE-GBC France, Éffinergie et BBCA. Elle vérifie si ces nouveaux seuils sont financièrement et techniquement atteignables. Le E+ signifie « plus d’Énergie » : créer et injecter de l’énergie via le bâtiment. Le Csignifie « moins de Carbone » : réduire l’impact carbone du projet. Un référentiel est à fournir pour toute nouvelle demande de permis de construire avec la consommation d’énergie, l’impact carbone et l’analyse du cycle de vie du bâtiment. L’énergie se calcule de la même manière que la RT 2012 (en KWhep/m2.an) avec 4 paliers (E1 = RT 2012 -5% ; E2 = RT 2012 -20% ; E3 = RT 2012 -30% ; E4 = bâtiment passif) qui peuvent varier suivant le programme. Le bilan carbone contient 2 paliers (C1 et C2) rapportés à la surface de plancher (Kg eq. CO2/m2 SDP), nécessaires pour l’obtention du label BEPOS. Le dernier point consiste à réaliser l’Analyse du Cycle de Vie du bâtiment (ACV). Il s’agit d’étudier l’impact environnemental du projet sur une durée de vie de 50 ans25, avec l’élaboration des fiches FDES des matériaux. L’analyse du cycle de vie est une avancée majeure dans la réglementation. Elle permet de prendre en compte les usages sur toute la durée de vie du bâtiment, tel que les consommations énergétiques des appareils ménagers (réfrigérateur, lave vaisselle, lave linge, etc.) et des appareils électroniques (ordinateurs, télévisions). Cette démarche sensibilise énormément sur notre rapport à la consommation, bien souvent masqué par une économie qui doit tourner.

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Figure 37 - Équipement culturel Maison pour tous (2018) Programme : Lieu : Architecte : Coût d’opération : Surface : Ratio : Bilan environnemental :

Salle polyvalente Four (38) onSITE Architecture Étudiants de l’ENSAG (DesignbuilLAB) 200 000 € 150 m2 1 333 €/m2 Niveau Passif (Équivalent Niveau E3)

Descriptif : Démonstration d’une architecture éco-responsable et contemporaine dans un processus industrialisé, en partenariat avec l’ENSAG, par l’utilisation de matériaux naturels et locaux, tel que le bois et le pisé. La production s’est faite hors site, aux grands Ateliers de l’Isled’Abeau, pour réduire les déchets.


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Figure 38 - Équipement éducatif Collège du Chéran (2018) Programme : Lieu : Architecte : Coût d’opération : Surface : Ratio : Bilan environnemental :

Collège, demi-pension et logements de fonction Rumilly (74) AER Architectes + ADELA 13 200 000 € HT hors VRD 6 680 m2 1 976 €/m2 Niveau Passif (Équivalent Niveau E4)

Descriptif : Cette construction s’articule autour de valeurs revendiquées : une approche écologique et durable, une réduction de l’énergie grise du bâtiment, une maîtrise de l’énergie avec l’obtention du label PASSIV’Haus, une mise en valeur des ressources locales avec l’utilisation de bois de construction et de bois énergie (chaufferie bois).

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Figure 39 - Équipement administratif Siège de la Communauté de Commune de l’Oisans (2017) Programme : Groupe scolaire et salle communale Lieu : Le Bourg d’Oisans (74) Architecte : Atelier des Vergers + CPL Architecte Coût d’opération : 2 445 000 € HT Surface : 1 149 m2 Ratio : 2 127 €/m2 Bilan environnemental : BEPOS (Équivalent Niveau E4) Descriptif : Le bâtiment s’inscrit dans un environnement complexe, entre les ombres portées de la montagne et l’aléa climatique. La conception est orientée vers une stratégie passive avec une structure et une enveloppe 100% bois des Alpes et de l’isolant recyclé (métisse et cellulose). « Le matériau bois a été utilisé entre tradition (charpente massive) et modernité (lamibois de hêtre pour la reprise des portes à faux). Un bardage en fibro-ciment rappelle le côté minéral des montagnes »26.


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Figure 40 - Logements collectifs L’Escale Confluence (2014) Programme : 26 logements sociaux, 51 logements en accession et commerces Lieu : Lyon (69) Architecte : Atelier d’Architecture Hervé Vincent + Hermann Kaufmann Coût d’opération : 10 165 000 € HT Surface : 6 876 m2 Ratio : 1 478€/m2 Bilan environnemental : Label PASSIV’Haus (Équivalent Niveau E3) Descriptif : En réinterprétant la coursive des traboules lyonnaises, Hervé Vincent et Hermann Kaufmann font la démonstration d’une architecture passive reposant sur 4 piliers : inertie, surventilation nocture (tous les logements sont traversants pour permettre une surventilation naturelle la nuit.), baisse des apports inertes et protections solaires. Le projet questionne également le concept de l’habitat bourgeois du XIXème siècle en minimisant les espaces perdus.

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Figure 41 - Logement individuel Maison passive en ossature bois et paille (2017) Programme : Maison individuelle + local agricole Lieu : Chaussan (69) Architecte : C. Chapelet et A. Gély Coût d’opération : 244 000 € HT Surface : 219 m2 (107 habitable + 112 agricole) Ratio : 1 114 €/m2 Bilan environnemental : Niveau passif (Équivalent Niveau 4) Descriptif : Le projet s’insère dans la pente et construit un habitat passif en matériaux biosourcés : structure bois et remplissage paille, ouate de cellulose sous toiture, enduit terre et chaux en intérieur, bardage bois en mélèze, menuiserie bois et mur de refend en brique de terre crue. Lauréat du Off du Développement Durable 2019 dans la catégorie « Matière frugale et faire autrement », les habitants n’ont toujours pas eu besoin de se chauffer depuis leur emménagement.


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La prise en compte de cette réglementation ne doit pas remettre en cause les principes de l’élaboration d’un projet. L’intelligence de l’architecte repose sur la multitude de choix et de solutions architecturales possibles et à imaginer sur cette question environnementale. Au travers de ces exemples, la diversité des formes, l’interprétation de la protection solaire, l’inertie d’un bâtiment, sa connexion au territoire, son rapport à la nature et aux ressources, la composition d’une façade sont des questions tout autant essentielles dans l’élaboration de projets respectueux de l’environnement. Cependant il existe certaines limites au système, notamment sur la fiabilité des données et des outils de calcul. L’utilisation de ces outils est nécessaire, mais il faut prendre une certaine distance pour ne pas tomber dans une forme de paradoxe, comme cette maison blanche avec un coefficient bioclimatique inférieur à la maison noire. Le plus important est d’anticiper les approches pour en connaître les impacts, et d’appliquer un certain bon sens. Si l’on regarde de près, la RE 2020 met en pratique plusieurs leviers de l’architecture bioclimatique : l’insertion dans le territoire, les matériaux, les économies d’énergie et la sobriété d’usage. N’y aurait-il pas là un mea-culpa de la réglementation sur une vision de l’architecture bien décriée par le passé, laissant place à une architecture plus sobre et plus résiliente.

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3. concevoir une architecture durable et soutenable : la sobriété et la résilience a. une architecture durable par la résilience

L

a résilience désigne originellement : « la résistance d’un matériau aux chocs», c’est à dire le fait de rebondir. Cette définition a ensuite été étendue « à la capacité d’un corps, d’un organisme, d’une espèce, d’un système, d’une structure à surmonter une altération de son environnement »27. En psychologie, la résilience est un phénomène consistant à pouvoir revenir d’un état de stress post-traumatique. De manière similaire, en architecture, la résilience se traduit par la capacité d’un bâtiment à absorber une perturbation et à retrouver ses fonctions à la suite de cette perturbation. Cette notion de résilience touche ainsi à tous les domaines liés à l’architecture : matériau, usage, urbanisme, transport, fonctionnement du bâti, etc. Le concept de résilience réinterroge totalement la façon de penser le système urbain et bâti avec leurs perturbations. Dès lors, l’opérationnalité du concept passe par la nécessité d’adapter le fonctionnement du système aux perturbations potentielles, notamment ses composants. Cela demande donc une certaine anticipation afin de gérer au mieux d’éventuelles crises. Prenons un exemple simple : la canicule de l’été 2019 a eu pour conséquence directe l’explosion d’achat de climatiseur en France. Sans parler du non sens écologique que représente la climatisation (Figure 42 p.73), cet épisode montre le défaut des bâtiments modernes et actuels à assurer un niveau de température intérieure confortable l’été en cas de forte chaleur. En ce sens, les bâtiments ne sont donc pas résilients face à ces dysfonctionnements, puisqu’ils ne régulent pas le changement d’état extérieur, provoquant ainsi une solution externe au fonctionnement du bâti : l’achat d’un climatiseur. Au vu de l’évolution actuelle du réchauffement climatique,


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il faut prendre en considération que ces évènements caniculaires sont estimés au nombre d’une fois par an à horizon 2030, et 5 fois à horizon 2050. Sachant que la durée de vie d’un bâtiment est estimée à 50 ans, l’achat d’un climatiseur représente t-il la réponse architecturale du niveau le plus bas de la RE 2020 (RT 2012 -5%) ?

Fig. 42 - BD « Rester cool, fraicheur sans climatisation »

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Au delà de la question provoquante, la résilience pointe le doigt sur l’obsolescence des bâtiments sur le moyen et long terme, de l’échelle urbaine à l’échelle du matériau. Elle re-questionne les bâtiments au travers des usages et des programmes qui induisent nos modes de vie. La démocratisation du moteur à essence après la seconde guerre mondiale a donné libre cours à un étalement urbain sans précédent, au palmarès d’un département français bituminé tous les 10 ans. Avec des déplacements de plus en plus rapide, l’habitat s’est éloigné du lieu de travail, augmentant ainsi les flux de transports. La limite de cet aménagement du territoire se pose lorsqu’il n’y a plus d’essence à la pompe, posant ainsi le principe fondamental de la décroissance énergétique déclenchée en 2008. La question du développement urbain est au cœur de la problématique. En évitant le mitage engendré par la voiture ; c’est à dire l’implantation d’édifices dispersés dans le paysage naturel ; la densification des petites et moyennes agglomérations est une réponse à la résilience urbaine. Ces urbanités possèdent déjà des infrastructures fonctionnelles : routes, services, commerces, écoles, réseaux, etc. En développant des modes de déplacements doux et des transports en communs, cette densification évite de laisser une tranche de la population dans une impasse énergétique. L’architecte franco-suédoise Anna CHAVEPAYRE insiste sur « la nécessité de revenir à la nature et de réinvestir les villages, plutôt que de construire de nouveaux lotissements neufs. Une façon de se réapproprier une certaine liberté que n’offrent pas les grandes villes »28. La densification des zones pavillonnaires, c’est ce que propose la démarche BIMBY, « Bluid In My Back Yard », de Benoit Le Foll et David Miet qui « consiste à permettre et encourager les propriétaires de maisons individuelles à densifier leur parcelle en y autorisant la construction pour d’autres par division foncière »29. Avec la vente du terrain, les propriétaires possèdent ainsi un apport économique conséquent pour la réhabilitation thermique de leur maison.


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La réhabilitation énergétique des logements est le sujet majeur de cette transition énergétique. 75% du parc immobilier français date d’avant 197530 et est implanté en grande partie dans les zones pavillonnaires et les centres bourgs. La réhabilitation permet à ces bâtiments d’être en résilience vis à vis du climat extérieur de plus en plus instable. Concentrer son activité sur la réhabilitation des passoires thermiques est un acte fort et concret, comme la réhabilitation d’une maison traditionnelle par WAW ARchitectes (Figure 43 p.76) ou le Centre de la Mer des Wadden par Dorte Mandrup (Figure 44 p.77). Sur une échelle plus importante, l’expérimentation REHA du Plan Urbanisme Construction Architecture (PUCA) lance des appels à projet sur la réhabilitation d’ensembles de logements collectifs avec une ambition : « accompagner le développement de la réhabilitation lourde des bâtiments de logements dans une perspective environnementale, économique et sociale»31. Cette démarche explore de nouveaux champs d’approche globale de la réhabilitation, avec pour objectif une performance énergétique environnementale et un confort semblable au neuf via des restructurations urbaines, l’émergence de solutions innovantes, évolutives et bas carbone. La réhabilitation du grand ensemble de Bourg Vieux à Voreppe (38), par l’agence Tekhnê, met en exergue une méthode transversale qui réinterroge l’éco-rénovation : désenclavement, densification, mixité des formes, nouvelles fonctions, réversibilité des logements, matériaux bio-sourcés (diminution facteur 2,7 des consommations énergétiques et 4,5 sur les GES) (Figure 45 p.77).

La résilience s’applique aussi aux matériaux et à leur capacité à retrouver leur fonction initiale. L’exemple du matériau terre est significatif, puisqu’il est en quelque sorte un matériau inépuisable. La technique du pisé permet de compacter de la terre humidifiée pour en réaliser des murs porteurs. Une fois altérée, la terre argileuse peut redevenir de la terre au sens propre, ou bien être réemployée de nouveau comme matériau de construction. Au delà du cycle infini que propose ce matériau, le terre apporte un sens profond sur ce qu’est habiter la terre, avec toutes les significations qu’il peut générer. La même philosophie s’applique aussi à la pierre, comme nous l’explique Gilles Perraudin : « La pierre on peut la démonter et la remonter ailleurs. On la récupère c’est l’histoire du Colisée à Rome »32.

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Fig. 43 (droite) - Réhabilitation d’une maison traditionnelle à Ambillou, par WAW ARchitectes (2013) Fig. 44 (haut) - Restructuration du Centre de la Mer des Waddens à Esdjerb (Danemark) de Dorte Mandrup (2017) Fig. 45 (bas) - PUCA RÉHA 2012 : Réhabilitation du grand ensemble de Bourg Vieux à Voreppe, par Tekhnê (2012)




Longtemps mis de côté avec l’avènement du béton au XXème siècle, la technique du pisé redécouvre une certaine modernité au XXIème siècle. Par son faible impact carbone, de nombreux architectes la mettent en oeuvre grâce à une industrialisation progressive de la filière. L’architecte Wang Shu, ambassadeur de l’architecture en terre, a construit pendant 10 ans plus de 20 bâtiments dont certains en pisé sur le campus de Xiangshan en Chine (Figure 46 p.78). En France, l’agence grenobloise NAMA s’est imposée sur ce matériau avec la réalisation du Conservatoire Européen des échantillons de sols (Figure 47 p.78). L’adaptation de ce matériau est l’une de ses grandes forces, comme le démontre Philippe Reach sur Le CAP, construit avec de la terre coulée (Figure 48 p.79). De par son inertie et son hygrométrie, la terre apporte une qualité et un confort de vie indéniable.

L’un des derniers points que peut interroger la notion de résilience porte sur le choix de la programmation. L’exemple des centres commerciaux ou des entrepôts de logistique, sortis de pleine terre en zone périurbaine à la place de champs agricoles, représentent-ils un développement durable ? Est-ce à l’architecture et l’urbanité de trouver des solutions résilientes, ou est-ce au programme d’être résilient? Une interrogation qui impose un positionnement fort de l’architecte sur les questions de programmation et le sens des projets. Fig. 46 (haut) - Wa Shan Guesthouse à Hangzhou (Chine), par Whang Shu (2013) Fig. 47 (bas) - CEES à Orléans, par NAMA Architectes (2015) Fig. 48 - Pépinière d’entreprise Le CAP à Saint-Clair-de-la-Tour, par Philippe Reach (2019)


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B. une architecture soutenable par la sobriété

Au

delà de la résilience architecturale, la notion environnementale pose également la question de la sobriété. Souvent citée comme base fondamentale de l’architecture bioclimatique, la sobriété est une réponse à la soutenabilité de notre mode de vie. « Choisir la simplicité, ce n’est ni renier la modernité, ni adopter une vision passéiste de l’existence. Au contraire, c’est prendre du recul sur nos actes par rapport aux autres et par rapport au monde qui nous entoure »33.

La sobriété entre ainsi rapidement en connivence avec la résilience en s’appliquant sur l’ensemble des composants de l’architecture comme le développement urbain. L’insertion d’un projet dans le territoire implique d’abord l’économie du territoire : limitations des besoins de transports, pertinence économique et sociale, mixité des équipements de logements, travail, éducation, approvisionnement, loisir, etc. La sobriété du territoire passe par un emploi raisonné du foncier, l’utilisation des ressources locales, un respect de l’air, du sol, des eaux et de la biodiversité, afin d’alléger l’empreinte écologique. La sobriété questionne également la dimension des bâtiments, et demande à limiter des mètres carrés inutiles. « Chaque mètre carré non nécessaire supplémentaire requiert plus d’investissement, plus d’énergie, plus d’entretien »34. En toute logique, pour devenir sobre, un bâtiment doit donner plusieurs fonctions à un espace ou un élément architectural. « Tout élément d’une maison qui ne remplit pas 3 fonctions est écologiquement inutile et doit être abandonné dès la conception » nous explique Jean Claude-Mengoli35. Le multi-usage prend en compte l’ensemble des éléments d’un bâtiment. Prenons en exemple la coursive extérieure, sa fonction principale est de donner l’accès aux logements, mais elle peut aussi servir d’espace tampon l’hiver suivant sa position et sa composition, elle permet de travailler la porosité, le seuil entre l’espace public et l’espace privé, ce qui rejoint l’utilité sociale par la rencontre de ses voisins, et peut permettre la création d’espaces communs semiprivatifs mutualisés.


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Le choix des matériaux est un acte de sobriété en soi : sobriété de ressource, sobriété de transport, sobriété de fabrication, sobriété de mise en œuvre. La sobriété de ressource remet en question la standardisation de certains matériaux. En effet, les pénuries de matériaux sont à prévoir dans un futur très proche étant donné les consommations actuelles. Dans le bâtiment c’est le zinc qui disparaitra en premier, en 202536. La préconisation de toitures zinc chéries par les architectes pose alors question. Ensuite viendra le sable, 3ème ressource la plus utilisée dans le monde, un rythme d’extraction 9 fois supérieur au pétrole, d’ici 2100 malgré son incommensurable quantité37. Mais avant sa disparition, il aura provoqué une destruction des paysages littoraux, de leurs écosystèmes, des crues, des disparitions d’îles (Malaisie, Indonésie), et bientôt la destruction des fonds marins (dernière réserve naturelle du sable bitumineux peu exploitée, avec le Canada). « Le ciment et le sable sont devenus des matériaux précieux. Il faut les utiliser uniquement pour les fondations ou les ouvrages où l’on ne peut pas faire autrement »38, nous alerte Dominique Gozin-Müller. L’utilisation de matériaux renouvelables et recyclables est la seule piste pour stopper le gâchis de ressources. La sobriété des transports se traduit par l’utilisation de matériaux locaux, via leur extraction, leur fabrication et leur mise en œuvre. On trouve ainsi le bois français, via des espèces largement produites sur nos territoires (mélèze, épicéa, douglas, hêtre, sapin, chêne, pin, frêne), la paille de céréales produitent par nos agriculteurs (blé, orge, avoine, seigle, riz de Camargue), la pierre extraite dans plus de 600 carrières en France (granit, calcaire, grès), la terre en pleine expansion en Rhône-Alpes, MidiPyrénées, Languedoc-Roussillon et les régions côtières de la Manche (torchis, pisé, bauge, adobe), ainsi que la plupart des isolants biosourcés fabriqués à partir de fibres végétales (paille, fibre de bois, ouate de cellulose, laine de chanvre, etc.). La sobriété de fabrication se traduit par l’utilisation de matériaux à faible impact carbone. Le bois, la pierre, la terre crue, les isolants biosourcés utilisent des procédés d’extraction et de fabrication relativement faible en énergie, contrairement au béton, à la terre cuite, aux dérivés plastiques qui demandent des apports énergétiques conséquents (four à 1 500 °C pour la fabrication du ciment).

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La sobriété de mise en œuvre se traduit par l’emploi de techniques simples, mais aussi de techniques permettant le réemploi des matériaux que nous étudierons plus en profondeur pour clôturer cette partie. La sobriété des matériaux de construction se détermine aussi sur des critères non étudiés ici comme la ressource en eau, la protection des milieux, la santé, les ressources énergétiques disponibles, la pollution de l’air, la pollution des eaux, etc.

P

réconiser et mettre en place des matériaux « naturels » de provenance locale et renouvelable, biosourcé (issu d’origine organique), sains (vis à vis de la santé des usagers) et à faible empreinte écologique est à privilégier. Avec l’office de tourisme de Plainfaing dans les Vosges, Christophe Aubertin produit une architecture ultra locale (Figure 49 p.83). Inscrit dans des circuits cours, le projet permet de saisir la variété et les nuances des « produits » qui s’offrent à nous sur le territoire, un vrai terroir. Les murs porteurs sont en pierre massive de grès rose des Vosges, la charpente bois et les aménagements intérieurs en épicéa, le parquet en chêne, le bardage en mélèze, et les aménagements extérieurs en grès rose des Vosges. Le plan rond est choisi pour son économie de matière, car c’est celui qui déploie le minimum de linéaire de façade. Au total, 95% de la matière est de provenance locale (extraction, transformation et mise en œuvre, hors fondation). L’économie des matériaux est également une piste de la sobriété. Au RDC d’une opération de 90 logements et bureaux à Lyon, les agences AdMINIMA et Arbo&Sens ont réalisé leurs bureaux « Ni Ni Ni » : ni faux-plafond, ni plancher technique, ni habillage mural. L’isolation des murs est en laine de chanvre-lin-coton apparente, les locaux sont non climatisés et dotés d’une ventilation naturelle. Une pile à combustible produit de l’électricité en fonctionnant avec de l’hydrogène et de l’air, permettant d’atteindre les exigences BEPOS (Figure 50 p.83).

Fig. 49 (haut) - Office de tourisme à PLainfaing, par Christophe Aubertin (2019) Fig. 50 (bas) - Bureau Ni Ni Ni à Lyon 9, par ADMinima (2018)





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Dans cette démarche d’économie de matériaux, l’agence Z Architecture a travaillé la réhabilitation à minima sur le projet du Hub créatif Hôtel 71 à la Confluence de Lyon (69). L’ancienne maison bourgeoise est réhabilitée en laissant la façade dans son expression originelle avec la même attention sur les espaces intérieurs. Le rajout est marqué par des matériaux bruts et des peintures vives sur les ornementations du XIXème siècle, montrant ainsi une réponse contemporaine à l’économie de matériaux (Figure 51 à 53 p.84 à 85). Avec la construction du pavillon éphémère pour le World Design Event au Pays Bas, les agences Bureau SLA et Overtreders W ont développé la sobriété par la mise en oeuvre (Figure 54 p.86). Le pavillon du peuple est une architecture en kit. « Sans clous, ni vis, ni colle ! Pas même besoin de perçeuse, visseuse ni autre outillage. Le people’s Pavillon est, à lui seul, une démonstration nouvelle sur l’art et la manière de mener à bien une architecture (temporaire) à la faveur d’éléments « prêtés ». autrement dit, tout est, dans cet édicule, parfaitement réutilisable »39 (Figure 55 p.87). L’ensemble des assemblages de la structure bois font appel à des sangles et des courroies de tension.

Fig. 51 à 53 (p.84-85) - Hub créatif Hôtel 71 à Lyon 2, par Z Architecte (2019) Fig. 54 (gauche) - Dessin illustrant la réversibilité par la mise en oeuvre, de Matière Grise Fig. 55 (droite) - Pavillon du Peuple à Eindhoven (Pays Bas), par Bureau SLA et Overtreders W (2017)


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Environnement et pratique, à quand la bonne entente ?


Comment introduire concrètement la notion de développement durable dans la pratique professionnelle ?

La sobriété énergétique est le réel défi auquel nous sommes confrontés. Et on ne le dira jamais assez, mais l’énergie la plus écologique est celle que l’on ne consomme pas. Au delà de la question énergétique liée à la construction et aux matériaux largement étudiée jusqu’à maintenant, la sobriété énergétique pose la question des usages. Rendre un bâtiment sobre, c’est lui permettre de consommer le moins d’énergie lié aux usages des occupants et au fonctionnement du bâtiment. Utiliser des appareils électroménagers performants labélisés A+++ ne suffit pas. L’exemple du sèche linge est l’un des plus frappant. Consommer de l’énergie pour sécher le linge alors qu’il peut sécher naturellement parait totalement aberrant. A qui la faute? Problème partagé, entre le promoteur qui réduit le logement pour être rentable à court terme, l’architecte qui ne propose pas des espaces pour cette fonction, et la famille qui achète un nouveau sèche linge à -70% le dernier vendredi du mois de novembre. Hormis l’exemple du sèche linge, le but n’est pas de renoncer aux technologies, mais de les mutualiser pour diminuer les consommations d’usage. En mutualisant une partie des usages inscrits aujourd’hui dans les logement, comme la buanderie, cela permet de gagner de la surface à l’intérieur du logement, mais aussi de proposer un autre modèle de vivre ensemble au sein du logement collectif, ce qui existe d’ores et déjà dans les pays du Nord de l’Europe. C’est ce que propose SOA Architectes et Nicolas Laisne sur l’îlot Pré-gaudry à Lyon (660 Logements), en intégrant de nombreux espaces mutualisés : local de réparation de vélos, un sharing corner dans chaque hall (bibliothèque d’objets partagés), des chambres d’hôtes pour les habitants, une serre végétale pour les semis et plantes des propriétaires en vacances et des salles et terrasses communes (Figure 56 p.88).

Fig. 56 - Construction de l’îlot Pré-Gaudry à Lyon 7, par SAO Architecte et Nicolas Laisne (2017)

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révolution numérique et les nouvelles technologies associées envahissent de plus en plus nos bâtiments. La soutenabilité de cette révolution commence à être de plus en plus remise en question vis à vis de l’énergie qu’elle consomme et des ressources de matières premières nécessaires à la fabrication des outils informatiques. « C’est sans doute le principal problème du monde du high-tech, que l’on nous fait miroiter. Sous prétexte de rechercher une toujours plus grande efficacité ou efficience technique, on développe des technologies plus compliquées, souvent avides de ressources plus rares et non renouvelables »40. Une maison bioclimatique doit-elle forcément être équipée de domotique, dont la tablette de commande change tous les 3 ans ? « Nécessairement complexe, la technologie de pointe est fascinante par bien des côtés. Mais est-elle indispensable à notre bien être ? Doiton se perdre dans une nouvelle dépendance ou s’approprier le fonctionnement de notre maison. L’essentiel semble de réussir à obtenir la performance voulue sans ajouts excessifs de technologie »41. Il n’est pas facile de renoncer à une forme de confort apporté par la technologie, mais la démarche low tech est une réponse concrète à un modèle soutenable. Gilles Perraudin a su démontrer la démarche low tech par la construction d’une maison individuelle à Montélimar à 160 000€ HT. Construite en pierre et en bois local, d’une surface de 96 m2, elle est chauffée uniquement à l’aide d’un poêle à bois et du soleil. Les murs sont entièrement dépouillés, permettant ainsi la variation des ombres dessus tout au long de la journée, modifiant la perception volumétrique de l’espace. La famille est nomade dans la maison, « l’hiver nous nous rapprochons du poêle à bois, au printemps et à l’automne, nous sommes dans la grande pièce de vie, l’été nous sommes en bas. Ce nomadisme interne est source d’une économie d’énergie et nous a permis de redéfinir notre notion de confort. Nous ne voulons pas vivre à température constante, 20° été comme hiver, il faut accepter les variations. »42 (Figure 57 et 58 p.91).

Fig. 57 et 58 - Maison individuelle en pierre à Montélimar, par Gilles Perraudin (2019)



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Environnement et pratique, à quand la bonne entente ?

La démarche low tech (basse technologie) consiste en 3 points : réduire les besoins, optimiser les systèmes, et choisir des méthodes alternatives. Avec une approche holistique et arbitraire, Karine Lapray, co-présidente du bureau d’étude TRIBU, propose des exemples d’applications de cette démarche via des composants de l’architecture : matériaux, énergie, eau, déchets et santé (Figure 59 p.90).

Démarche low-tech Exemple

Matériaux

Énergie

Eau

Déches

Santé

Transition vers des modes de vie durables Conception du projet : calpinage, dimensionnment, adaptabilité

Conception bioclimatqiue Performance énergétique de l’enveloppe

Optimiser les systèmes

Choix des matériaux : pérénité, énergie grise et autres critères

Choix des équipements techniques performants

Choisir des méthodes alternatives

Matériaux réutilisés, récyclés, biosourcés

Intégere des énergies renouvelables

réduire les besoins

Limitation des emballages

Ventiller avec des débits suffisants Limiter les sources de polluants intérieurs

Choix d’équipements économes

Gestion du tri efficace

Entretien Maintenance régulière

récupération des eaux pluviales et des eaux grises

Compostage Méthanisation

Intégration du végétal


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C. Le réemploi, entre résilience de la matière et sobriété de la ressource

Aujourd’hui, un bâtiment représente une masse importante de matériaux qui, lorsque cet édifice arrive en fin de vie, se retrouve dans nos déchèteries (Figure 60 p.93). Il s’agit d’une définition choisie mais non assumée de l’architecture moderne et contemporaine. Pourtant, le constat de la non soutenabilité matérielle du modèle de développement actuel fait relativement consensus. La réutilisation et le recyclage constituent l’un des grands enjeux pour les années à venir. L’économie circulaire modifie notre usage des déchets avec l’idée que tout peut se réutiliser, considérant ainsi nos déchets comme une ressource. Alors, la pratique du réemploi, entre résilience de la matière et sobriété de la ressource, doit être envisagée comme une opportunité et non une contrainte.

Fig. 59 (gauche) - Démarche « Low tech » par Tribu. Fig. 60 (droite) - Dessin illustrant notre rapport à la ressource, de Matière Grise

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our autant le réemploi n’est pas une notion contemporaine. Durant des siècles, les pratiques de réemploi des matériaux étaient omniprésentes dans le secteur du bâtiment. A l’époque où le transport prenait du temps et dépendait des sources d’énergies humaines et animales, tout ce qui était à portée de main était le bienvenue. Les édifices désaffectés faisaient office de carrières de matériaux pour la construction ou l’ornementation. Les blocs de pierre pouvait être redécoupés, les briques réemployées tel quel, le bois de charpente scié et redimensionné, l’acier et le bronze fondus et réutilisés. Pendant l’époque romaine, il y avait une véritable éthique en matière de réemploi de composants architecturaux. Colonnes, chapiteaux et architraves étaient considérés par les autorités publiques comme une sorte de patrimoine mobile. Le devoir de préservation s’étendait au delà de la fin de vie de l’édifice. Ces pratiques de valorisations sont restées la norme au long des siècles jusqu’à ce que les choses basculent avec l’industrialisation du secteur du bâtiment, dont le XXème siècle signale une rupture dans ce domaine43. Du XVIIIème au XIXème siècle le réemploi est un modèle économique à part entière. Lors de la démolition d’un bâtiment, les « placards » sont publiés dans les journaux ; il s’agit là d’annonces de vente de biens liées à une démolition. Les biens à vendre sont énumérés, et les acheteurs ont le loisir de venir inspecter les lots. Le rapport entre les coûts de démantèlement et les bénéfices tirés de la vente des matériaux est de 1 à 3. Cependant la rentabilité du remploi s’est trouvée mise à mal par la mécanisation de l’industrie de la démolition, l’augmentation de la pression foncière et la standardisation de matériaux non recyclables (béton et plastique) poussant ainsi progressivement ces pratiques séculaires du réemploi à la marge des activités du secteur du bâtiment44.

Fig. 61 (haut) - La maison personnelle de Jean Prouvé à Nancy, par Jean Prouvé (1954) Fig. 62 (bas) - Notre-Dame-du-Haut à Romchamps, par Le Corbusier (1955)



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Malgré une période très industrialisée et tournée vers une globalisation de la consommation, certains architectes modernes ont su travailler avec l’intelligence de la ressource. Pour construire sa propre maison à Nancy, Jean Prouvé a réemployé des éléments destinés à ses maisons d’habitations d’urgence. Il récupère ainsi des stocks de son usine de Maxéville, la structure métallique du soubassement et les panneaux d’aluminium à hublots d’une maison tropicale, ainsi que des panneaux bois (Figue 61 p.95). Célèbre pour sa coque de béton et sa volumétrie singulière de Le Cobusier, la chapelle Notre-Dame-du-Haut, à Ronchamp, est une architecture du réemploi. Qui se doute que derrière ses hauts murs blancs, en béton projeté enduit de chaux, se cachent les pierres de l’ancienne chapelle, détruite pendant la Seconde Guerre Mondiale ? (Figure 62 p.95)

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e quoi parle-t-on exactement lorsque l’on utilise le terme réemploi ? L’architecte Jean Marc Huygen précise qu’il y a « trois actes de récupération distincts : la réutilisation, qui consiste à se resservir de l’objet dans son usage premier ; le réemploi, d’un objet ou partie d’objet, pour un autre usage ; le recyclage, qui réintroduit les matières de l’objet dans un nouveau cycle »45. Ainsi la réutilisation conserve la fonction, le réemploi conserve la forme et le recyclage conserve la matière (Figure 63 p.97). Le réemploi demande à concevoir autrement. Réemployer nécessite moins d’énergie que de recycler, mais réclame plus de créativité. Il s’agit de concevoir par réaction, par opportunisme, par souplesse mentale. Les contraintes réelles peuvent dès lors prendre la place des doutes existentiels dans l’acte de conception. « La matérialité de l’architecture n’est plus un résultat à obtenir à partir d’une image hyperréaliste à priori. La matière devient un point de départ qui conditionne la création architecturale »46.

Fig. 63 - Dessin illustrant les différents mode de réemploi, de Matière Grise


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ans l’ouvrage Matière grise, réalisé pour l’exposition du même nom au Pavillon de l’Arsenal à Paris sur le thème du réemploi en architecture, Julien Chopin et Nicolas Delon, fondateurs du collectif Encore Heureux, séquencent le réemploi en 5 parties : initier, concevoir, s’approvisionner, construire et déconstruire. « Initier », car le réemploi est un acte de nécessité quand il n’y a pas de ressources. Il devient éthique dans une société d’abondance où l’on sait pourtant que les ressources s’épuisent. Cet engagement doit être porté à plusieurs : maître d’ouvrage, constructeur, concepteur, et demande une volonté de fer mêlé à un positivisme solide. « Concevoir », car le réemploi comme tout acte de construction appelle à des méthodes de conception diverses et sans protocole unique. Un concepteur de bâtiment devra composer avec les grandes catégories comme l’usage, le budget, le délai, la réglementation, la stabilité, l’environnement, le style, la durabilité, la performance énergétique, ou encore les matériaux. « S’approvisionner », car par définition, l’approvisionnement est l’étape charnière qui conditionne tout projet de construction, et plus encore, lorsqu’il s’agit d’une stratégie de réemploi. Nombreux sont ceux qui s’arrêtent au milieu du gué, découragés par les efforts considérables que demande cette alternative à la commande en catalogue. Mais la technologie numérique apporte du nouveau potentiel au réemploi, par l’élaboration de catalogue numérique (base de données accessibles, quantités en temps réel, géolocalisation.) Le maillage du territoire est incontournable pour réussir à changer à grande échelle, augmenter l’offre et susciter la demande. « Construire » car le réemploi passe à l’acte concret. Le choix des entreprises en charge de cette mise en forme de la matière est très important. Le réemploi chamboule la rédaction du DCE, puisqu’il permet des possibilités d’ajustement et exprime le résultat à atteindre, modifiant ainsi le rapport entre concepteur et constructeur.


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« Déconstruire », ou ne plus démolir. Il ne s’agit pas de patrimonialisation du cadre bâti, mais de hiérarchiser les modes d’intervention sur le bâti existant : entretenir, réparer, réhabiliter, transformer avant tout. Avant de détruire un bâtiment, Patrick Bouchain encourage l’examen de conscience du concepteur : sera-t-on capable de faire mieux en construisant du neuf ?47. Mais au lieu de démolir, à la dynamite, déconstruire permet de récupérer les matériaux et de construire à côté autre chose, sans nier le passé. Au travers de ces 5 principes, le réemploi se traduit par un contexte. Il raconte à chaque fois une histoire, une rencontre, une circonstance, une opportunité, qui se matérialise par la volonté du concepteur. Les exemples et propos suivant sont tous issus de l’ouvrage Matière Grise de Encore Heureux.

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Figure 64 - Les bureaux de Oktavilla à Stockholm (Suède), par Elding Oscarson (2009) Dans une ancienne usine de textile, les architectes installent le siège d’une agence de presse. Ayant vu des piles de vieilles revues accumulées dans les anciens locaux de leur client, ils décident d’en réemployer une partie. Les revues sont regroupées en petits tas, puis simplement empilés du sol au plafond pour constituer les cloisons.


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Figure 65 - Europa, Siège du conseil de l’Union Européenne à Bruxelle (Belgique), par Philippe Samyn & Partners, (2015) Pour le nouveau siège du conseil de l’Union Européenne, Philippe Saymyn imagine une façade composée de vieilles fenêtres en chêne collectées dans chacun des États membres. L’objectif est atteint grâce à l’implantation d’un brocanteur bruxellois qui mobilise son réseau et effectue le relevé précis de chaque fenêtre. « Contrairement à ce que pensaient au début les esprits critiques, aucun problème particulier ne s’est présenté. Au contraire, l’offre a été pléthorique »48.

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Figure 66 (gauche)- Lavezzorio Community Centre à Chicago (États Unis), par Studio Gang Architects (2007) La construction de ce centre d’hébergement associatif est rendue possible par de nombreuses donations en nature. Pendant 5 ans, le projet architectural évolue au gré des promesses et des arrivées de lots de matériaux. La façade porteuse, qui tire parti des différents stocks de ciment et de granulat, est inspirée des strates géologiques et de leur dessin aléatoire. « Le joint de reprise entre deux branches de béton, cauchemar de tout architecte, se transforme en ode enjouée à la fluidité du matériaux »49. Figure 67 (droite) - Hôtel Patato Head à Seminyak Bali (Indonésie), par Andramatin Architects (2010) Ce club balnéaire de luxe, situé à Bali, est habillé d’une enveloppe de fenêtres à claire-voie en teck datant du XVIIIème siècle, chinée dans tout l’archipel indonésien.



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Figure 68 - Le Musée marin Kaap Skil à Oudeschild (Pays Bas), par Mecanoo Architecten (2011) La façade de ce musée maritime est constituée de pilotis ayant été immergés pendant quarante ans, issus de la remise en état de canaux dans le nord des Pays-Bas. Les architectes, peinant à trouver du bois de réemploi en quantité suffisante ont été informés de l’existence de ce gisement par l’agence régionale de l’environnement.


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Figure 69 - Le Lieu Unique à Nantes, par Construire (Patrick Bouchain) (1999) Pour la réhabilitation de l’ancienne usine LU en centre culturel, l’agence Construire propose aux artisans d’apporter sur le chantier des matériaux susceptibles d’être réemployés, tel que des vitrages déclassés et des planches de bateau. Des traverses de chemin de fer servent à la terrasse du restaurant. Des bidons d’acide exportés au Mali sont rapatriés sous le statut d’œuvres d’art pour assurer la correction acoustique de la salle de spectacles. « Le lieu unique a été le bâtiment des rebuts du monde »50.

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Figure 70 - Buvette Third Wave Kiosk à Torquay (États Unis), par Tony Hobba Architects (2012) Les murs de cette buvette de bord de plage sont faits de palplanches usagées ayant eu pour première fonction de protéger les habitants de l’état de Vitoria des inondations de 2010-2011. Figure 71 - Bureaux Abatoir 8B – Matadero à Madrid (Espagne), par Arturo Franco (2009) Dans l’enceinte des anciens abattoirs de Madrid, convertis en lieu culturel d’avant-garde, le hangar 8B est transformé en bureaux. Alors que le chantier est entamé, l’architecte remarque une montagne de tuiles à proximité, destinées à la décharge. Grâce à l’implication des ouvriers, il imagine et réalise un nouveau type de cloison intérieure avec ces tuiles.



conclusion


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Afin de réconcilier l’environnement et la pratique, il nous faut commencer par dépasser les préjugés que nous avons sur le développement durable, arrêter de mettre en opposition le bâtiment et l’environnement. « Osons dire que l’écologie ne doit plus être un vulgaire enjeu partisan, elle est un enjeu politique au sens plus noble. Ce n’est ni un sujet de gauche, ni de droite, ni du centre, c’est un sujet supérieur. C’est simplement l’avenir et la sauvegarde de la famille humaine et de son écosystème, la planète »51. Et pour se faire, il nous faut prendre conscience de l’urgence dans laquelle nous nous trouvons pour mieux répondre aux enjeux. Comme nous l’avons vu, cette prise de conscience ne peut se faire que par la compréhension profonde de la problématique et des conséquences. Le développement durable ne doit pas être perçu comme une contrainte, mais bien comme une opportunité. Produire une architecture respectueuse de l’environnement est possible, et une multitude d’acteurs le fait déjà au quotidien, sans pour autant être en marge de la société. Cela relève d’un changement de paradigme, où l’économie du court terme n’est plus la seule doctrine. Ce changement de référentiel, propre à chaque génération, permet d’appliquer un certain bon sens en architecture. Car ce changement de logiciel est nécessaire, si l’on veut éviter un point de blocage provoquant des incompréhensions et des réactions radicales. Je ne souhaite pas être le donneur de leçon, car je n’en ai pas le rôle, ni la légitimité, mais répéter indéfiniment la même chose et en attendre des résultats différents n’a pas de sens52. J’ai donc tenté de donner des outils et des informations nécessaires aux changements afin d’être constructif pour se tourner vers l’avenir.

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our s’émanciper du système dominant, il faut montrer les possibilités d’une voie plus durable. Cela peut commencer par une multitude de petites actions concrètes, applicables du jour au lendemain, tel que la sensibilisation. C’est au travers de conférences, de salons, de rencontres et de formations que l’on peut prendre en main le sujet pour être dans l’action. Car une multitude de recherches, d’analyses et d’expérimentations ont été faites par des acteurs engagés, donnant un retour sur expérience depuis plus de 20 ans. Une fois que l’on maîtrise ces sujets, il est priomodial de sensibiliser à son tour les collaborateurs avec qui nous travaillons. Et c’est ce que je m’efforce de faire, à mon échelle, depuis plus d’un an. Appliquer


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les principes de l’architecture bioclimatique est un acte on ne peut plus concret. Cela peut paraitre anodin dit ainsi, mais cette méthode relève encore des acteurs engagés et non de la profession en totalité. Les 4 leviers principaux de conception bioclimatique sont à utiliser sur chaque projet : l’insertion dans le territoire, les matériaux et le chantier, les économies d’énergie et la sobriété d’usage, ainsi que le confort et la santé. Il n’y a pas de stratégie bioclimatique passe-partout, mais des solutions adaptées aux ressources offertes par le site et aux contraintes qu’il impose, donnant lieu à des arbitrages. L’arbitrage entre la lumière et la chaleur n’est pas le même pour du bureau, du scolaire ou du logement. L’arbitrage entre la stratégie d’hiver et la stratégie d’été n’est pas le même à Annecy, Lyon ou Valence. Il n’existe pas de solution magique, mais une infinité, et elles ont toutes des avantages et des inconvénients. L’architecture bioclimatique questionne un paramètre peu employé jusqu’alors dans le bâtiment : la notion carbone et l’énergie grise. Une fois prise en compte, la lecture de conception d’un bâtiment et le choix des matériaux pour le construire sont complètement transformés. Par des conséquences indépendantes de leur volonté initiale, les matériaux standardisés se retrouvent dans une mauvaise posture. Une des solutions la plus concrète se trouve dans la prescription des matériaux : utiliser des menuiseries bois plutôt que PVC ou aluminium, de l’isolation bio-sourcée plutôt qu’une laine minérale, de la ventilation naturelle plutôt qu’une VMC simple flux, un système de chauffage à granulé bois plutôt qu’une climatisation réversible, etc. Il s’agit là d’un travail de compromis et de consensus entre une réalité économique et culturelle du client et des enjeux environnementaux indéniables. Pousser à terme, le processus de conception, utilise uniquement des matériaux à faible impact environnemental, conçoit avec les ressources naturelles à disposition (vent, eau, soleil) et prend en compte les consommations de la construction, du fonctionnement et surtout de l’usage. C’est en quelque sorte ce que souhaite imposer la future réglementation RE 2020, applicable au 1er janvier 2020, et c’est dans cette démarche globale que l’on peut construire une architecture bas carbone. Il y a là un marché qui ne demande que de la diversité et de l’innovation architecturale de la part des architectes et de acteurs de la construction.


Conclusion

Mais la production de bâtiment bas carbone n’est en rien une finalité, car même si elle consomme et rejette moins de CO2 qu’un bâtiment dit « conventionnel », elle n’est pas non plus vierge de tout impact. Il faut donc aussi repenser notre rapport à la construction, à l’architecture, et notamment au droit à construire, qui indirectement, pose la question du droit à polluer. L’effort doit être mis sur la réhabilitation colossale du patrimoine français, plutôt que sur la construction neuve, afin de rentabiliser les investissements passés. La question de l’aménagement du territoire et des programmes qui en découlent est au cœur de cette problématique. Redynamiser et réinvestir les centres-bourgs, plutôt que construire de nouveaux centres commerciaux en périphérie, permet à terme de s’affranchir de transport polluant de plus en plus impactant économiquement dans les foyers. Il faut élargir le spectre de lecture du fonctionnement de la société pour proposer une architecture du long terme, et en finir avec des logiques de court terme, afin de produire une architecture axée sur la sobriété et la résilience.

Au travers du parcours que j’ai suivi jusqu’à maintenant, la résilience et la sobriété en architecture sont les deux réponses qui m’apparaissent comme évidentes pour développer une architecture durable et soutenable. Durable pour donner une stabilité aux générations futures, et soutenable pour limiter les crises de ressources à venir. Car ce sont là les objetifs à atteindre si l’on veut limiter le réchauffement climatique, ce qui est mon cas. En travaillant sur ces deux notions, cela me permet ainsi de trouver du sens dans l’architecture et dans la profession. Il s’agit de la question fondamentale de cet exercice de mémoire : Quel architecte je souhaite être et quelle architecture je souhaite développer ? Je souhaite développer la résilience en architecture car elle pose la question de ce qui est légué aux générations futures. Qu’est ce que notre génération retient de la production architecturale moderne ? Et quelle critique elle en fait ? La réhabilitation thermique des bâtiments, l’omniprésence de la voiture sur l’aménagement du territoire, la notion d’échelle de projet à taille démesurée, sont des conséquences directes de la production architecturale et urbaniste moderne, qui ont pesé et pèsent encore sur la production architecturale contemporaine. Dans ce cas, nous pouvons

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également nous poser la question de ce que retiendront les générations futures sur notre production architecturale ? Et quelles conséquences notre production aura sur les générations futures ? Nous vivons actuellement une période de transition majeure dans tous les domaines de notre société, et l’architecture n’est pas épargnée. Les contestataires de cette transition sont comparables à la critique du mouvement classique envers les modernes au début du XXème siècle. Pour autant, l’architecte et l’architecture sont toujours présents aujourd’hui, mais cette dernière se pratique de façon différente. Le parallèle peut également se faire sur la période de transition entre le dessin au rotring et le dessin informatique, qui a suscité de nombreuses réactions dans notre propre profession. L’architecture et l’architecte existeront donc d’une manière ou d’une autre bien après notre passage, mais dans une application différente. L’intérêt de la résilience en architecture est la capacité de notre production à pouvoir encaisser la transition actuelle. Car qu’on le veuille ou non, il est d’ordre factuel que le climat change, et de plus en plus rapidement. Les bâtiments que nous construisons doivent pouvoir répondre aux usages d’aujourd’hui et de demain. Le fonctionnement du bâti avec son environnement et la manière de l’utiliser vont complètement muter dans les prochaines décennies. Si dans 20 ans, l’été 2019 devient la norme, et que nos habitations ne sont pas prévues pour, quelle est la crédibilité de l’architecte dans son métier ? Il est donc pressant d’anticiper les altérations qu’ils peuvent subir. Il existe de nombreuses pistes d’innovation liées à la résilience en architecture, comme le travail de la réversibilité, l’adpatation. Certains architectes modernes ont été l’avant garde de ce que l’on appelle aujourd’hui l’architecture transformable, comme Le Corbusier qui a largement développé les possibilités du module avec son plan libre. Le métier d’architecte, comme l’architecture devra également devenir résilient pour ma génération, s’il veut s’adapter aux changements annoncés et ne pas rester dans les doctrines du XXème siècle.

Le deuxième point que je souhaite développer est la sobriété architecturale qui pose également la question de ce qui est légué aux générations futures, notamment


Conclusion

sur l’impact de l’architecture sur le réchauffement climatique. Car elle n’a pas son égale pour occuper le terrain (Figure 72 p.113). En effet, et nous l’avons déjà évoqué, l’équivalent d’un département français se transforme en bitume tous les 10 ans en France53. Et après des années de construction à profusion, la sobriété ne peut devenir que la norme pour réduire l’empreinte écologique. Elle représente une démarche plus modeste conjuguée à un discours nouveau : élaborer des projets discrets dont l’utilité sociale est évidente et immédiate, fabriquer des initiatives dont l’usage, plus que la forme, est mis en avant et incarner des architectes et des maîtres d’ouvrage au service de l’intérêt du plus grand nombre plutôt que du marché. « L’architecture sert à la construction réfléchie des espaces où les gens vivent »54, répond simplement Alejandro Aravena, lauréat du prix Pritzer 2016 et commissaire de la 15ème Biennale d’Architecture de Venise lors de cette exposition.

Fig. 72 - Dessin illustrant l’épuisement des ressources et des sols, de Matière Grise

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Conclusion

Le travail d’Alvaro Siza est une belle démonstration de la sobriété architecturale. Précurseur de ce que Kenneth Frampton appelle le régionalisme critique, Siza va trouver le chemin d’un certain modernisme en puisant parmi les sources locales traditionnelles et les techniques artisanales. Il recontextualise le projet avec son site, en étudiant la topographie, les paysages, le soleil et le vent. La Capela Do Monte, l’une de ces dernières œuvres, en est l’exemple même (Figure 73 p.114). Cette chapelle située au Sud du Portugal fonctionne sans électricité, ni chauffage ou eau courante. Grâce à l’utilisation de murs épais en briques perforées et revêtues d’un enduit calcaire intérieur et extérieur, le bâtiment peut se chauffer et se refroidir naturellement. La sobriété architecturale ne doit pas être vue comme un retour en arrière, caricaturée par le Moyen Âge, mais bien comme une production raisonnable et soutenable. Faire mieux avec moins, c’est en quelque sorte l’enseignement de la sobriété heureuse de Pierre RABHI. Dans cette dynamique, le développement des low-tech est une étape indispensable, comme le précise Philippe Bihouix, ingénieur, spécialiste français des matériaux rares et de l’épuisement de ressources55. Et depuis plusieurs années, différents architectes en font la démonstration, tels que Dominique Gauzin-Müller et Philippe Madec. Ils développent ensemble ce qu’ils appellent la frugalité heureuse, reposant une sobriété de l’énergie, de la matière, de la technicité et du territoire, et font appel par leur Manifeste pour une frugalité heureuse et créative, à suivre cette voie. « La transition écologique et la lutte contre les changements climatiques concourent à un usage prudent des ressources épuisables et à la préservation des diversités biologiques et culturelles pour une planète meilleure à vivre. Le maintien des solutions architecturales urbanistiques et techniques d’hier, ainsi que des modes actuels d’habiter, de travailler, de s’alimenter et de se déplacer, est incompatible avec la tâche qui incombe à nos générations : contenir puis éradiquer les dérèglements globaux. » 56

Fig. 73 - La Capela do Monte à Barão de São João (Potugal), par Alvaro Siza (2018)

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Le concept de frugalité heureuse que revendique Philippe Madec répond à la question de la résilience et de la sobriété. Au travers de L’écurie : manifeste d’une architecture frugale, il fait la démonstration d’une réhabilitation écoresponsable exemplaire. Il n’y a pas de chauffage utilisant une énergie extérieure au site : 1 poèle à bois pour toute la maison utilisant le bois des propriétaires, de l’eau chaude solaire, et une ventilation naturelle assistée non contrôlée. Seules les matières sont travaillées : pas de peintures intérieures, bois massif pour toutes les cloisons, les planchers et les portes, et de l’isolation des murs en béton de chanvre enduit en chaux/chanvre. On compte également un système de récupération des eaux de pluie, un traitement autonome des eaux grises et des eaux brunes, et une mise en œuvre de panneaux en laméllé cloué. (Figure 74 et 75 p.117). Au dela de la question économique que soulève ce type de projet, Philippe Madec répond à la sobriété et la résilience en architecture par la frugalité. Mais la frugalité est seulement une réponse parmi une multitude. Je ne souhaite pas me positionner sur une définition précise d’une architecture, mais plus sur des notions universelles et scientifiques telles que sont la sobriété et la résilience. L’emploi du terme de « frugalité » fait apparaître une certaine connotation dans le disours. qui peut amener des réticences. J’adhère ainsi à la démarche mais pas forcément à la forme. En revanche, ce qui est intéressant à soulever dans ce genre de discours, c’est la création de nouveaux récits, auxquels Cyril Dion accorde une importance primordiale. « Il nous invite à considérer la place des nouveaux récits comme moteur principal de l’évolution des sociétés. Il nous enjoint de considérer chacune de nos initiatives comme le ferment d’une nouvelle histoire et de renouer avec notre élan vital. À mener une existence où chaque chose que nous faisons, depuis notre métier jusqu’aux tâches les plus quotidiennes, participe à construire le monde dans lequel nous voulons vivre »57.

Fig. 74 et 75 - « L’écurie, manifeste pour une architecture frugale », Rénovation d’une écurie en maison à Plouguin, par Philippe Madec (2016)



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Ainsi, la sobriété et la résilience en architecture sont les deux réponses à la posture architecturale que je souhaite développer ; la sobriété permettant de limiter les risques liés aux changements climatiques, et la résilience permettant l’adaptabilité de l’architecture à ces changements. Cette posture architecturale est le fruit d’une réflexion introduite au début de ce mémoire, sur la responsabilité des générations actuelles envers les générations futures. En tant qu’élément central dans l’acte de construire, l’architecte pilote, dirige et oriente les différents acteurs de la construction, il est donc important d’assumer pleinement les responsabilités qui dégagent d’un tel poste. Prendre ses responsabilités, c’est avant tout être force de propositions, mais également d’en assumer les échecs, et d’en tirer les enseignements. Car toutes les propositions en faveur de l’environnement n’aboutiront pas forcément. Mais pour éviter d’être dans une forme de renoncement et d’autocensure, il est nécessaire de les soutenir. Ce soutien devient bien plus facile avec le travail d’une équipe qui partage une vision commune (collaborateur, bureau d’étude, contrôleur technique, etc.). S’entourer d’acteurs engagés dans le développement durable, est une des clefs pour réussir complètement cette transition. Comme la continuité de la formation, qui est essentielle dans notre métier, qu’elle soit dans la pratique quotidienne ou dans un cadre pédagogique. Prendre du recul sur sa production architecturale, avoir un esprit critique et la remettre en cause si nécessaire permet de ne pas rester sur la satisfaction personnelle de son travail, et ainsi être en amélioration continue de son architecture. Le métier de l’architecte est à l’image de ce que l’on construit, et il m’est donc difficile de ne pas agir en spectateur informé. Il paraît cohérent d’appliquer ses convictions et son éthique personnelle dans la pratique professionnelle, avec un regard lucide pour ne pas tomber dans la naïveté. « Notre énergie ne peut venir que de notre enthousiasme, de notre aptitude à être la bonne personne au bon endroit, à exprimer nos talents, à faire ce qui nous passionne et nous donne envie de nous lever, chaque matin »58.


Conclusion

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bibliographie

Architecture Traité de la construction en terre de CRATerre Parenthèse, 355 pages, 2006

La maison écologique, un choix d’avenir de Kristell Menez Rustica éditions, 222 pages, 2008

La réhabilitation énergétique des logements de Catherine Charlot-Valdieu, Philippe Outrequin Edition du Moniteur, 271 pages, 2011


Bibliographie / Notes / Sources iconographiques

La construction écologique, matériaux et technique de Jean-Claude Mengoni Terre Vivante, 303 pages, 2011

Entre désir, confort et normes, contemporain, 1995-2012 de Monique Eleb, Phillipe Simon Mardaga, 303 pages, 2013

le

logement

Matière Grise : Matériaux, réemploi, architecture de Encore Heureux, Julien Chopin, Nicolas Delon Pavillon de l’Arsenal, 365 pages, 2014

Ruralités Post-Carbone Sous la direction de Anne Coste, Luna d’Émilio, Xavier Guillot Publications de L’université de Saint-Étienne, 256 pages, 2018

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Environnement Combien de catastrophes avant d’agir ? de Nicolas Hulot et le Comité de Veille Écologique Éditions du Seuil, 200 pages, 2002

Le changement climatique expliqué à ma fille de Jean-Marc Jancovici Seuil, 101 pages, 2009 (réédition de 2017)

L’âge des Low Tech de Philippe Bihouix Éditions du Seuil, 330 pages, 2014


Bibliographie / Notes / Sources iconographiques

Manifeste Négawatt, en route pour la transition énergétique de l’Association Négawatt Babel, 385 pages, 2015

Comment tout peut s’effondrer de Pablo Servigne & Raphaël Stevens Édition du Seuil, 296 pages, 2015

Osons de Nicolas Hulot Éditions les liens qui libèrent, 93 pages, 2015

Petit Manuel de Résistance Contemporaine de Cyril Dion Domaine du possible/Actes Sud/Coilibri, 249 pages, 2018

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Environnement et pratique, à quand la bonne entente ?

Sociologie Du luxe au confort de Jean-Pierre Goubert Belin, 191 pages, 1988

L’invention du confort, naissance d’une forme sociale de Olivier Le Goff Presse Universitaires de Lyon, 215 pages, 1994

Espèces d’espaces de Georges Perec Galilée, deuxième édition, 185 pages, 2000


Bibliographie / Notes / Sources iconographiques

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notes

Introduction 1. Nicolas HULOT, Osons, 2015, p.5 2. En 1972, quatre jeune scientifiques du MIT rédigent à la demande du Club de Rome une rapport qu’ils intitulent The Limits to Growth. Ce dernier établit les conséquences dramatiques d’une croissante exponentielle dans un monde fini. Il est présidé et rédigé par Donella Meadows, décédé en 2011, spécialiste des systèmes, professeur d’études environnementales à l’Université de Darmounth (New Hampshire), ainsi que son marie, Dennis Meadows, professeur émérite de l’Université du New Hampshire en gestion des systèmes, d’où son nom de rapport Meadows. Jorgen Rangers, professeur de stratégie climatique à la BI Norwegian Business School à Oslo, et William W. Behrens III font également parti de l’équipe scientifique. 3. Chiffres publiés par l’Observatoire climat-énergie des ONG Réseau Action Climat et CLER, et confirmé par le Ministère de la Transition Écologique, publié sur le site de l’express le 18 septembre 2019 (www.lexpress.fr). 4. Chiffres cités dans le média vendura (www.vedura.fr) 5. Chiffres cités dans le média vendura (www.vedura.fr) 6. Nicolas HULOT, Combien de catastrophes avant d’agir, 2002, p.17 7. La production biologique annuelle de en volume des arbres vifs s’élève pour la France à 86 400 000 m3 en moyenne sur la période 2006-2010 selon la page Forêt de France de Wikipédia. Tandis que le volume annuel produit par le sciage d’arbre français est de 10 517 000 m3 selon la page Filière bois de Wikipédia également (wikipedia.org).

I - Se former à l’environnement 8. Pour plus d’informations au sujet du prototype Terra Nostra se rendre sur le site terralyon2016.com ou sur la page Facebook prototypeterra2016


Bibliographie / Notes / Sources iconographiques

II - Pratiquer le métier d’architecte 9. wikipedia.org : « ISO 9001 »

III - C

omment introduire concrêtement la notionde développement durable dans la pratique professionnelle ? 10. www.architectes.org 11. Formation 2020, Le Moniteur, 2019, 114 pages 12. www.mooc-batiment-durable.fr 13. www.ville-amenagement-durable.org 14. www.architectes.org/transition-ecologique 15. www.ademe.fr 16. wikipedia.org : « architecture bioclimatique » 17. Kristell MENEZ, La Maison Écologique, p. 21 18. Kristell MENEZ, La Maison Écologique, p. 20 19. wikipedia.org : « architecture bioclimatique » 20. Jean-Marc JANCOVICI, Le changement climatique expliqué à ma fille, p.14 21. Chiffres cités dans le média vendura (www.vedura.fr) 22. wikipedia.org : « énergie grise » 23. Conférence de Jean-Marc JANCOVICI : « A quand la rupture énergétique », 2017. Donnée de Carbon 4. 24. www.poujoulat.fr/fr 25. www.blog.materielelectrique.com/reglementation-environnementale-re-2020 26. www.atelierdesvergers.fr/portfolio/ 27. wikipedia.org : « résilience » 28. www.lemonde.fr 29. L’essentiel N°141, Mai-Juin 2013, p.2 30. Chiffres cités dans le média vendura (www.vedura.fr) 31. www.urbanisme-puca.gouv.fr 32. Propos recueillit dans l’interview de Gilles Perraudin sur le site www.chroniques-architecture. com

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33. Kristell MENEZ, La maison écologique, 2008, p.9 34. Jean-Claude MENGOLI, La construction écologique, p.15 35. Jean-Claude MENGOLI, La construction écologique, p.15 36. www.consoglobe.com 37. www.planetoscope.com 38. Interview de Dominique GAUZIN-MÜLLER par le Conseil national de l’Ordre dans le cadre de l’ouverture de la plateforme Transition écologique sur Architecte.org 39. Extrait de l’article « Façon Puzzle », EXE N°38, 2019-2020, p.137 40. Philippe BIHOUIX, l’âge des low tech, p.138 41. Jean-Claude MENGOLI, La construction écologique, p.16 42. Propos recueillit dans l’interview du propriétaire sur le site www.chroniques-architecture.com 43. Michel Ghyoot et Lionel Devlieger, Déconstruction et réemploi, p.16 44. Michel Ghyoot et Lionel Devlieger, Déconstruction et réemploi, p.38 45. Jean-Marc HUYGEN, La Poubelle est l’architecte : Vers le réemploi des matériaux, Actes Sud, 2008. 46. Julien Chopin et Nicolas Delon, Matière Grise : Matériaux, réemploi, architecture, 2014, p.87 47. Interview de Patrick Bouchain « Plutôt que dynamiter les immeubles, poussons des murs et les cloisons », dans Télérama, N° 3001, 21 juillet 2007. 48. Citation de Philippe Samyn, Matière Grise : Matériaux, réemploi, architecture, 2014, p.173 49. Citation du Studio Gang Architects, Matière Grise : Matériaux, réemploi, architecture, 2014, p.192 50. Citation du Patrick Bouchain, Matière Grise : Matériaux, réemploi, architecture, 2014, p.281


Bibliographie / Notes / Sources iconographiques

Conclusion 51. Nicolas HULOT, Osons, 2015, p.14 52. Nicolas HULOT, Osons, 2015, p.27 53. www.frugalite.org/fr/le-manifeste 54. Réponse de Alejandro ARAVENA, lauréat du prix Pritzer 2016 et commissaire de la 15e Biennale d’Architecture de Venise en 2016 à la question : « A quoi sert l’architecture ? » (www. lesechos.fr). 55. Philippe BIHOUIX, L’âge des Low Tech, Éditions du Seuil, 330 pages, 2014 56. www.frugalite.org/fr/le-manifeste 57. Cyril DION, Petit Manuel de résistance contemporaine, 2015, 4e de couverture 58. Cyril DION, Petit Manuel de résistance contemporaine, 2015, p.138/139

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sources îconographiques

Figure 1 : Figure 2 : Figure 3 : Figure 4 : Figure 5 : Figure 6 : Figure 7 : Figure 8 : Figure 9 : Figure 10 : Figure 11 : Figure 12 : Figure 13 : Figure 14 : Figure 15 : Figure 16 : Figure 17 : Figure 18 : Figure 19 : Figure 20 : Figure 21 : Figure 22 :

Photo de Terra Nostra ©TeamAuRA Photo de Terra Nostra ©TeamAuRA Photo de Terra Nostra ©TeamAuRA Photo de Terra Nostra ©TeamAuRA Photo de Terra Nostra ©TeamAuRA Photo de Terra Nostra ©TeamAuRA Photo de Terra Nostra ©TeamAuRA Photo de Terra Nostra ©TeamAuRA Perspective réalisée pour le PFE : Parenthèse Urbaine de Marie BRELEST et Louise LEMOINE Perspective réalisée pour le PFE : Parenthèse Urbaine de Marie BRELEST et Louise LEMOINE Perspective réalisée pour le PFE : Parenthèse Urbaine de Marie BRELEST et Louise LEMOINE Perspective réalisée pour le PFE : Parenthèse Urbaine de Marie BRELEST et Louise LEMOINE Perspective réalisée pour le PFE : Parenthèse Urbaine de Marie BRELEST et Louise LEMOINE Photo de l’Agence d’Architecture Philippe Guénot Photo de l’Agence d’Architecture Philippe Guénot Photo de l’Agence d’Architecture Philippe Guénot Photo de l’Agence d’Architecture Philippe Guénot Dessin de Kristell Menez, La Maison Écologique, 2008, p.21 Dessin de Kristell Menez, La Maison Écologique, 2008, p.20 La Construction Écologique, 2011, p.43 www.hkarchitekten.at www.blog.designity.fr

Rémi ARNAUD, Rémi ARNAUD, Rémi ARNAUD, Rémi ARNAUD, Rémi ARNAUD,


Bibliographie / Notes / Sources iconographiques

Figure 23 : Figure 24 : Figure 25 : Figure 26 : Figure 27 : Figure 28 : Figure 29 : Figure 30 : Figure 31 : Figure 32 : Figure 33 : Figure 34 : Figure 35 : Figure 36 :

Figure 37 : Figure 38 : Figure 39 : Figure 40 : Figure 41 : Figure 42 : Figure 43 : Figure 44 : Figure 45 : Figure 46 : Figure 47 : Figure 48 : Figure 49 : Figure 50 :

www.artcheologie.files.wordpress.com www.spagolla.at/volksschule-marul www.hkarchitekten.at www.baumschlager-eberle.com www.baumschlager-eberle.com Schéma du livre Piano, p.39 www.565broomesoho.com www.lipsky-rollet.com www.lipsky-rollet.com La Construction Écologique, 2011, p.84 La Construction Écologique, 2011, p.24 La Construction Écologique, 2011, sp.24 FDES INES créabois isère Tableau réalisé par l’auteur : *Base de donnée EcoBAU, cours de Master « Techniques et Stratégie Ecoresponsable », dirigé par Lauréna CAZEAUX, ENSAL, 2016 **Base de donnée de M. Vincent DUBREUIL, économiste, intervenant dans le cadre du Master AACC, ENSAL, 2017. ©LaurianeLespinassePhotographe / www.lauriane-lespinasse.wixsite.com ©LavierArvanud / www.prixnational-boisconstruction.org www.atelierdesvergers.fr www.rhonesaonehabitat.fr www.insituarchi.com/maison-basse-consommation-et-passive Dessin de la BD « Rester cool, fraicheur sans climatisation » de Alain Bonarel et Emmanuel Patte www.archdaily.com www.journal-du-design.fr www.tekhne-architectes.com terra-award.org/finalists iwan.com/portfolio/wa-shan-guesthouse-hangzhou-china/ www.kevindolmaire.com topophile.net www.ville-amenagement-durable.org/Bureaux-Ni-Ni-Ni

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Figure 51 : Figure 52 : Figure 53 : Figure 54 : Figure 55 : Figure 56 : Figure 57 : Figure 58 : Figure 59 : Figure 60 : Figure 61 : Figure 62 : Figure 63 : Figure 64 : Figure 65 : Figure 66 : Figure 67 : Figure 68 : Figure 69 : Figure 70 : Figure 71 : Figure 72 : Figure 73 : Figure 74 :

www.z-architecture.fr www.z-architecture.fr www.z-architecture.fr Matière Grise : Matériaux, réemploi, architecture, 2014, p.262 www.bureausla.nl/project/peoples-pavilion www.soa-architectes.fr chroniques-architecture.com chroniques-architecture.com « Approche du Développement Durable en Esquisse et APS », cours de Karine LAPRAY, TRIBU, Master 2 domaine d’étude AACC, ENSAL, 2017. Matière Grise : Matériaux, réemploi, architecture, 2014, p.17 Matière Grise : Matériaux, réemploi, architecture, 2014, p.77 Matière Grise : Matériaux, réemploi, architecture, 2014, p.78 Matière Grise : Matériaux, réemploi, architecture, 2014, p.85 Matière Grise : Matériaux, réemploi, architecture, 2014, p.146 Matière Grise : Matériaux, réemploi, architecture, 2014, p.172 Matière Grise : Matériaux, réemploi, architecture, 2014, p.194-195 Matière Grise : Matériaux, réemploi, architecture, 2014, p.242 Matière Grise : Matériaux, réemploi, architecture, 2014, p.246-247 Matière Grise : Matériaux, réemploi, architecture, 2014, p.283 Matière Grise : Matériaux, réemploi, architecture, 2014, p.306 Matière Grise : Matériaux, réemploi, architecture, 2014, p.331 Matière Grise : Matériaux, réemploi, architecture, 2014, p.14 https://archicree.com https://www.atelierphilippemadec.fr


Bibliographie / Notes / Sources iconographiques

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Imprimé en France, à Lyon, en Décembre 2019 Papier 100% recyclé, EU Ecolabel Couverture : Papier kraft issu de forêt durable, EU Ecolabel par le service de reprographie de l’ENSAL pour le compte de l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture



Environnement et pratique, à quand la bonne entente ? La

question environnementale est devenue depuis bientôt 2 ans un sujet majeur dans le paysage français et international. Déchénant toutes les passions, il n’a pas excepté l’architecture et sa pratique. L’environnement est vécu par une partie de la profession comme une contrainte majeure à la création architecturale, et remet en cause une grande partie des méthodes de conception et de la culture constructive française, provoquant ainsi des incompréhensions et des réactions radicales. Mettant la priorité sur la limitation du réchauffement climatique, la posture architecturale que je développe ici, met complètement de côté les préjugés sur le développement durable. Ce mémoire expose les différentes solutions concrètes pour réussir la transition énergétique, à la fois sur le court, moyen et long terme. Au travers d’une multitude d’exemples et de projets démonstrateurs, je tiens à montrer que l’architecture peut atteindre une esthétique et une composition architecturale qualitative. Avec le parcours et la culture que j’ai suivi jusqu’alors, et convaincu de la nécessité de changer de comportement dès aujourd’hui, la résilience et la sobriété en architecture m’apparaissent comme les deux réponses pragmatiques pour répondre aux enjeux de notre génération.


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