8/12/09
15:53
Page 1
ROTTERDAM
0911_0735_couv:0911_0735_couv
Déjà parus dans la même collection sous la direction de Gwenaël Querrien
Cité de l’architecture et du patrimoine - IFA, 72 p., ill. coul., 20 euros) par Chantal Callais et Thierry Jeanmonod avec le concours de Gilles Ragot
• Los Angeles
(2005, Cité de l’architecture et du patrimoine - IFA, 72 p., ill. coul., 20 euros) par Jean-Louis Cohen • Hambourg (2002, IFA, 72 p., ill. coul., 20 euros) par Denise Noël et Florian Kossak • Beyrouth (2001, IFA, 68 p., ill. coul., 20 euros) par Jade Tabet avec Marlène Ghorayeb, Éric Huybrechts et Éric Verdeil (2000, IFA, 68 p., ill. coul., 19,82 euros) par Françoise Ged
•
Shanghai
• Casablanca (1999,
D E
patrimoine - IFA, 72 p., ill. coul., 20 euros) par Rémi Papillault • Bordeaux (2006,
P O R T R A I T
20 euros) par Elisabeth Essaïan • Chandigarh (2007, Cité de l’architecture et du
V I L L E
Moscou (2009, Cité de l’architecture et du patrimoine - IFA, 72 p., ill. coul.,
P O R T R A I T
D E
V I L L E
ROTTERDAM
IFA /Fondation EDF, 60 p., ill. coul., 19,82 euros) par Jean-Louis Cohen et Monique Eleb • Hanoi (1997, IFA /ACCT, 60 p., ill. coul., 19,82 euros) par François
•
Nantes (1996, IFA /DATAR, 60 p., ill. coul.,
19,82 euros) par Gilles Bienvenu, François Bodet, Michaël Darin et Marie-Paule
• Buenos Aires (1995, IFA /PIR-Villes, 60 p., ill. coul., 19,82 euros) par Graciela Schneier-Madanes • Lille (1993, IFA /DATAR, 60 p., ill. coul., 19,82 euros) par Alain Demangeon • Berlin (1992, IFA /DATAR, 60 p., ill. coul., 18,29 euros) par Corinne Jaquand • Londres (1991, IFA /DATAR, 60 p., ill. coul. et n&b, 15,24 euros) par Andrew Saint, Charlotte Ellis et Martin Meade • Dakar (1990, 24 p., ill. coul., 7,62 euros) par Alain Sinou • Rio de Janeiro (1989, 24 p., Halgand
ill. coul., 7,62 euros) par Margareth et Romao Pereira, Cecilia dos Santos et
• Tokyo (1989, 24 p., ill. coul., 7,62 euros) par Sylvie Chirat • Marseille (1989, 24 p., ill. n&b, 7,62 euros) par Michel Peraldi • Lisbonne (1988, 24 p., ill. n&b, 7,62 euros) par Anne-Marie Châtelet • Sao Paulo (1987,
Vasco Caldeira
24 p., ill. n&b, 7,62 euros) par Margareth et Romao Pereira, Cecilia dos Santos
• Istanbul (1987, 24 p., ill. coul., épuisé) par Pierre Pinon, Alain Borie, Stéphane Yerasimos et Attila Yücel • Rabat (1986, 16 p., ill. coul., épuisé) par Saïd Mouline et Serge Santelli • Le Caire (1984, 16 p., ill. n&b, épuisé) par Sawsan Noweir et Mercedes Volait • Alger (1984, 16 p., ill. n&b, épuisé) par Luc Vilan • Pékin (1983, 16 p., ill. n&b, épuisé) par Philippe Jonathan • et Vasco Caldeira
Rotterdam, 2009, collection « Portrait de ville », numéro spécial d’Archiscopie, 20 euros.
C I T É D E L’ A R C H I T E C T U R E E T D U PAT R I M O I N E / I F A
Decoster et Djamel Klouche
C I T É D E L’ A R C H I T E C T U R E E T D U PAT R I M O I N E / I F A
0911_0735_couv:0911_0735_couv
8/12/09
15:53
Page 2
Rotterdam
Bibliographie sélective Publications Paul Groenendijk, Piet Vollaard, Architectural Guide to Rotterdam, Rotterdam, 010 Publishers, 2007 (néerl./angl.).
par Thierry Mandoul et Sophie Rousseau Collection « Portrait de ville »
dirigée par Gwenaël Querrien
Plan : Paul Groenendijk, Architecture Urbanism and Greenspace Map of Rotterdam, 1:20000, 2001. Paul van de Laar, Mies van Jaarsveld, Historical Atlas of Rotterdam: the City’s Growth Illustrated, Amsterdam, SUN, 2007.
Rotterdam Urban Vision, Spatial Development Strategy 2030, Rotterdam, Gemeente Rotterdam, 2007. Crimson Architectural Historians, Felix Rottenberg, WiMBY! Hoogvliet, Future, Past and Present of a New Town, Rotterdam, NAI Publishers, 2007. Patricia van Ulzen, Imagine a Metropolis. Rotterdam’s Creative Class, 1970-2000, Rotterdam, 010 Pulishers, 2007.
SOMMAIRE Éditorial
1
Introduction
3
Rotterdam : eau, ville et port
5
Formes d’une ville
19
Habiter Rotterdam
35
Stratégies du Rotterdam contemporain
47
Promenades dans Rotterdam
64
Wouter Vanstiphout, Rotterdam en de architectuur van J. H. van den Broek, Rotterdam, 010 Publishers, 2005.
Rotterdam waterstad 2035, catalogue édité dans le cadre de la Biennale internationale d’architecture de Rotterdam de 2005, Rotterdam, Episode Publishers, 2005. Han Meyer, Leo van den Burg, Working for the City: 25 Years of Work from the Urban Design Departments of Amsterdam, Den Haag and Rotterdam, catalogue de l’exposition éponyme, Amsterdam, SUN, 2005. Susanne Komossa, Han Meyer, Max Risselada, et al., Atlas of the Dutch Urban Block, Bussum, Thoth, 2005. Ewout Dorman, Ernst van der Hoeven, Michelle Provoost, et al., Too Blessed to be Depressed: Crimson Architectural Historians 1994-2001, Rotterdam, 010 Publishers, 2002. Cor Wagenaar (dir.), J. J. P. Oud, Poetic Functionalist, 1890-1963. The Complete Works, catalogue d'exposition, Rotterdam, NAI Publishers, 2001. Hetty E. M. Berens, W. N. Rose, 1801-1877, Stedebouw, civiele techniek en architectuur, Rotterdam, NAI Publishers, 2001. Marlite Halbertma, Patricia van Ulzen (dir.), Interbellum Rotterdam, kunst en cultuur 1918-1940, catalogue d’exposition, Rotterdam, NAI / Stichting Kunstpublicaties, 2001.
Thierry Mandoul est architecte, docteur en histoire de l’université de Paris-VIII et chercheur au laboratoire Architecture Culture et Société. Il travaille sur l’histoire et la théorie architecturales et urbaines aux XIXe et XXe siècles. Il a publié de nombreux articles sur l’actualité architecturale et urbaine nationale et internationale, et plusieurs ouvrages : Entre raison et utopie. L’Histoire de l’architecture d’Auguste Choisy (Mardaga, 2008), L’Habitation en projet. De la France à l'Europe, avec Monique Eleb, Anne-Marie Châtelet, et al. (Mardaga, 1990) et Penser l'habiter, le logement en questions, avec Monique Eleb et Anne-Marie Châtelet (Mardaga, 1988). Chercheur invité au Centre canadien d’architecture à Montréal en 2006, il est enseignant à l’école d’architecture de Paris-Malaquais (thierry.mandoul@wanadoo.fr). Sophie Rousseau est diplômée de l’école d’architecture de Paris-Belleville (1985). Lors de séjours prolongés à l’étranger, elle effectue pour le compte du PUCA et de l’UNFOHLM, en collaboration avec Roger-Henri Guerrand, des recherches sur le logement social en Europe. En 1992, elle crée son propre bureau de consultante internationale (aujourd’hui basé à Rotterdam), poursuit ses recherches et organise de nombreux voyages d’études. Après Londres et Bordeaux, elle est enseignante depuis 1999 à la faculté d’architecture et d’urbanisme de l’Université technique à Eindhoven aux Pays-Bas (s.rousseau@bwk.tue.nl). Les auteurs tiennent à remercier : Han Meyer (professeur d’Urban Design - Theory and Methods à la TU de Delft), Wouter Vanstiphout (Crimson Architectural Historians, professeur de Design and Politics à la TU de Delft), Susanne Komossa (professeure associée à la TU de Delft), Jules Deelders (poète), Isabelle de Vries (Havenbedrijf, programmation Développement du port), Ivo van Opstel (ancien maire de Rotterdam), Elizabeth Poot et Jean Piret (urbanistes retraités du service dS+V de la Ville de Rotterdam), Nico Tilles et Anoek van den Broek (membres de l’équipe Climat Initiative de la Ville de Rotterdam), Peter de Geef (membre de l’équipe du Waterplan), Herman Rohmer (historien) pour leurs précieuses informations, Anne Pellissier et Idris Yangui (étudiants à l’ÉNSA de Paris-Malaquais), et tout particulièrement Lex Helwig (programmation Développement des transports en commun, service dS+ V de la Ville de Rotterdam) pour sa patience et son soutien. La rédaction s’associe aux auteurs pour remercier les photographes Jan Klerks ainsi que Joep Boute et Peter Schmidt du service dS+ V de la Ville de Rotterdam, pour leur amicale collaboration. La rédaction remercie également : le Rijkswaterstaat, le Marketinggroep Wilhelminapier, le service Gemeentewerken Rotterdam / département Landmeten en Vastgoedinformatie, Tom Kroeze et Frits Palmboom pour leur aimable contribution.
Han Meyer, City and Port. Urban Planning as a Cultural Venture in London, Barcelona, New York, and Rotterdam: Changing Relations between Public Urban Space and Large-scale Infrastructure, Utrecht, International Books, 1999. D’Laine Camp, Michelle Provoost (dir.), Stadstimmeren, 650 jaar Rotterdam stad, catalogue d’exposition, Rotterdam, Phoenix & den Oudsten, 1990. Frits Palmboom, Rotterdam, verstedelijkt landschap, Rotterdam, 010 Publishers, 1987. Documentaire Carel van Hees, André van der Hout, 2 km 2. Het heden van de stad (Pays-Bas, 2008, 78 mn, coul.).
Rotterdam, collection “Portrait de ville”, numéro spécial d’Archiscopie Directeur de publication : François de Mazières, président de la Cité de l’architecture et du patrimoine Direction de la collection : Gwenaël Querrien Texte : Thierry Mandoul et Sophie Rousseau Coordination éditoriale : Wilma Wols Maquette : Jean-Michel Brisset Crédits photographiques et sources : Aeroview ; Alsop Architect ; Aviodrome Luchtfotographie Lelystad ; BGSV Bureau voor stedebouw ; DPI Animation House (courtesy Marketinggroep Wilhelminapier) ; Frits Palmboom ; Gemeentearchief Rotterdam ; Gemeente Rotterdam - dS + V / Joep Boute (JB), Jan Klerks, Peter Schmidt (PS) ; Gemeentewerken Rotterdam département Landmeten en Vastgoedinformatie ; Historisch Museum Rotterdam / Han van Senus ; Thierry Mandoul (ThM) ; Jeroen Musch ; Nederlands Fotomuseum / Frits J. Rotgans ; OC Graphics (courtesy 01-10 Architecten) ; OMA ; Provast (courtesy MVRDV) ; Gwenaël Querrien (GwQ) ; Quist Wintermans Architekten ; Rijkswaterstaat ; J. F. H. Roovers (courtesy Van Tilburg Ibelings von Behr) ; Sophie Rousseau (SR) ; Spaarnestad Photo / D. F. Eberhard ; Team CS (courtesy Benthem Crouwel) ; Tom Kroeze ; UN Studio ; Van Bergen Kolpa arch. ; Van Tilburg Ibelings von Behr arch.
© Cité de l’architecture et du patrimoine, 2009 1 place du Trocadéro et du 11-Novembre, 75116 Paris. Tél. +33 (0)1 58 51 52 17, fax +33 (0)1 58 51 59 92, archiscopie@citechaillot.fr www.citechaillot.fr, rubrique Publications Achevé d’imprimer en décembre 2009 par DEJAGLMC - 95146 Garges-lès-Gonesse ISBN 978-2-916183-17-6 ISSN 0768-5785 - N° périodique 0610 E 81986 20 euros / franco : 22,50 euros
Photo de couverture : Le Scheepmakershaven, avec, en fond de perspective, la Witte Huis (1897). Sur la gauche, la tour Scheepmakerstoren (T. F. R. Pino) et, au centre, la tour Red Apple (KCAP). Ph. © Th. Mandoul, 2009.
Ce numéro est diffusé aux abonnés du n° 81, décembre 2008, d’Archiscopie IMPRIMÉ SUR PAPIER CERTIFIÉ PEFCTM N° CHAÎNE DE CONTRÔLE FCBA / 10-31-1144
0911_0735_int:09110735_int
8/12/09
15:37
Page 1
É D I T O R I A L Premier port de commerce international de la planète jusqu’en 2003, Rotterdam a été dépassé depuis par deux métropoles asiatiques : la géante Shanghai (18,6 millions d’habitants sur 6 340 km2) et Singapour, la cité-État (4,8 Mhab., 699 km2). La deuxième ville néerlandaise reste néanmoins le premier port européen - une part de son fret chemine depuis la mer du Nord jusqu’au cœur de l’Europe de l’Ouest via le Rhin et la Meuse - et le troisième mondial, alors qu’elle ne compte que 588 000 habitants dans ses limites administratives. Mais l’agglomération en compte 1 100 000 et l’échelle significative est plutôt la Randstad Holland, région qui concentre près de la moitié de la population néerlandaise (16 500 000 habitants au total) autour de quatre villes-pôles, les trois autres étant : Amsterdam (743 400 hab.), La Haye (472 087 hab.) et Utrecht (281 011 hab.). Rotterdam est situé au nord de la vaste zone de delta du Rhin et de la Meuse, jouxtant celui de l’Escaut, un territoire fluctuant où les limites entre terre et eau – celle de la mer, mais aussi celle des rivières - varient, non seulement en fonction du changement climatique, mais au fil du temps : apport d’alluvions, érosion, stigmates laissés par les inondations. Elles varient aussi du fait des aménagements, commencés dès le XIIIe siècle et jamais interrompus, pour gagner de la terre ferme et se défendre contre la mer, mais aussi contre les crues des rivières. Digues, polders, dragage de chenaux, canaux, barrages, portes géantes pouvant faire bouclier contre les attaques des tempêtes sont autant d’ouvrages de défense et de domestication de l’eau. On est en effet ici dans une région très basse des Pays-Bas, certains secteurs étant à plus de 6 m au-dessous du niveau de la mer et les reliefs quasi inexistants. Dès l’origine, la relation entre la ville et l’eau est fusionnelle, si bien que, contrairement à de nombreuses villes européennes dont le développement initial est radioconcentrique, Rotterdam tient sa forme très étirée de la poursuite de son port. Celui-ci s’est en effet déplacé d’est en ouest au fil de son histoire, le long du fleuve, pour rester accessible à des vaisseaux puis à des porte-conteneurs et des supertankers de plus en plus grands, jusqu’à installer aujourd’hui ses nouveaux bassins sur la mer du Nord, à plus de 30 km des premiers situés au cœur du centre-ville. Malgré la relative petite taille de la deuxième ville des Pays-Bas, son aura et son dynamisme sont une réalité, non seulement du point de vue économique mais aussi dans le domaine de l’urbanisme et de l’architecture contemporaine. Rotterdam, ville moderne, est aujourd’hui une des destinations fétiches des architectes, au même titre que des métropoles qui font plus de dix fois sa taille. Son centre ayant été presque entièrement détruit par les bombardements en 1940, la ville n’a préservé que quelques rescapés du carnage comme témoins de son passé, pour leur qualité intrinsèque ou leur valeur symbolique. Pour le reste, le parti fut pris d’achever les démolitions perpétrées par la guerre en rasant les bribes urbaines qui restaient, ce qui a laissé le champ libre aux urbanistes et aux architectes de la reconstruction et à leurs successeurs. Mais la page n’était qu’apparemment vierge car, aussi curieux que cela puisse paraître quand on pense au plat pays, la géographie a ici une présence très forte, qu’elle soit “naturelle” comme les multiples bras du delta ou façonnée par la main de l’homme. Si les différentes périodes de l’architecture de l’après-guerre sont toutes présentes à Rotterdam dont le skyline s’est élevé peu à peu, les récentes constructions en hauteur - comme aussi la haute pile à laquelle est suspendu le pont Erasmus devenu l’emblème de la ville - créent des pics qui sont autant de repères dans le paysage urbain qui s’étire jusqu’à la mer du Nord. On en a une excellente perception, en particulier en ce qui concerne la succession des bassins, du haut de l’Euromast.
Ph. © Gw. Querrien
Gwenaël Querrien
0911_0735_int:09110735_int
8/12/09
15:38
Page 2
0911_0735_int:09110735_int
8/12/09
15:38
Page 3
INTRODUCTION Il n’y a pas si longtemps, la ville était encore couchée. Elle s’allongeait le long du fleuve sur le vaste delta où Rhin, Meuse et Escaut viennent mêler leurs eaux à celles de la mer du Nord. Rotterdam, ville portuaire, restait insaisissable aux regards des voyageurs venant de terre, presque indiscernable, posé au creux des polders, derrière leurs digues et leurs rideaux d’arbres. Seules des infrastructures du port, des bateaux et quelques constructions périphériques modernes constituaient les éléments émergents d’un panorama aux larges visions horizontales, mélancoliques ou dramatiques selon les lumières. Aujourd’hui, ce paysage n’est presque plus. Il s’est métamorphosé en moins de vingt ans. Des tours ont été érigées en de multiples endroits. La ville s’est redressée sur les deux rives et en son centre. Elle se tient debout, de plus en plus droite, aussi droite que les downtowns des villes du monde global auxquelles Rotterdam a l’ambition d’appartenir et pour lesquelles l’accumulation de gratte-ciel est devenue la forme symbolique d’un dynamisme économique mondialisé. Gracieux ou non, ces buildings dessinent des horizons inédits pour une ville néerlandaise, aux allures de mini-Manhattan. La nuit, leurs lumières répondent aux torchères et aux éclairages lointains du port maritime. Le jour, ils sont autant de repères hétéroclites figurant la position de quartiers transformés, autant de coordonnées mesurant l’étendue de la substance urbaine sur son territoire et dans ses nouvelles relations au fleuve. Ils matérialisent ce que Rotterdam a recherché tout au long des XIXe et XXe siècles : orienter la ville vers la Nouvelle Meuse, ses rives sud ouvrières et son port, et instaurer, par l’architecture, une harmonie entre l’activité économique du plus grand port industriel d’Europe et la vie quotidienne et résidentielle de ses habitants. Associer la ville, le port et le fleuve est déjà l’objectif au XVIIe siècle lorsque Rotterdam, par la création d’un quai, tourne ses belles demeures vers le cours d’eau. L’évolution industrielle des activités portuaires n’a cependant cessé par la suite de rendre caduc ce rapport de convenance. L’essor économique, l’intensification des échanges marchands et l’augmentation des volumes de fret, la mécanisation et la division du travail grandissantes sur les docks, les questions de logistique, de contrôle et de sécurité n’ont fait qu’éloigner toujours plus les aires portuaires de la ville. Les superstructures du port s’étirent aujourd’hui sur plus de 30 km, du centre-ville à la mer, le long d’une voie navigable en partie artificielle – la Nieuwe Waterweg – conduisant directement les bateaux de grands tonnages aux débarcadères des ports. La création de ce canal à la fin du XIXe siècle a façonné Rotterdam comme le port techniquement le plus accessible et le plus avancé en Europe. Son déploiement vers l’embouchure sur la mer du Nord fait qu’il est aujourd’hui rare d’apercevoir des navires de commerce de haute mer depuis les rives du centre-ville. Seuls les convois incessants de barges porte-conteneurs remontant vers le Rhin suggèrent l’intensité de son activité commerciale et économique avec le reste du monde. Aussi, le regard d’un visiteur porté sur la ville de Rotterdam estil pénétré plutôt par la modernité architecturale de cette cité que par l’image d’un port, de son trafic ou de ses infrastructures. Se déplacer dans le centre de la ville revient à se mouvoir dans les imaginaires ou les songes les plus insensés d’un architecte moderne. On se voit transporté dans le photomontage Metropolis (1923) de Paul Citroen où modèles et prototypes architecturaux s’additionnent au commun de la construction, où s’accumulent leurs éclats. Architectures expérimentales ou génériques, tours, barres, maisons s’entrechoquent, se superposent, voire s’affrontent. Il est difficile de saisir une cohérence, encore moins une harmonie dans ces enchevêtrements. Quelques-unes des architectures les plus extravagantes de ces cinquante dernières années s’y juxtaposent, parfois jusqu’au vertige. S’il est une ville européenne qui ait fait de la modernité sa condition d’existence, il s’agit bien de Rotterdam. 3
Illustration p. 1 : le centre-ville de Rotterdam vu depuis l’Euromast, avec, sur la gauche, le centre médical Erasmus et, sur la droite, le pont Erasmus. Ph. © Gw. Querrien, 2007.
Illustration p. 2 : une “métropolis” européenne. Émergent, à gauche, la tour de logements Wijnhaeve (KOW) et, au centre, la Blaaktoren (ou “Pencil Tower”) surplombant les maisons-cubes (P. Blom). Ville de Rotterdam, dS+ V, ph. © P. Schmidt.
0911_0735_int:09110735_int
8/12/09
15:38
Page 4
0911_0735_int:09110735_int
8/12/09
15:38
Page 5
Rotterdam : eau, ville et port Eau, digues et polders : les conditions vitales de Rotterdam Rotterdam serait-il donc le royaume du fugitif ou du transitoire ? N’y aurait-il rien d’immuable, de constant dans cette ville ? S’il existe une permanence, c’est l’énergie infinie déployée par ses habitants pour sauvegarder leurs terres saturées d’eau. La ville s’est sans cesse imaginée et façonnée dans sa relation à l’eau, celle de la mer, de ses rivières et de ses sols. Rotterdam, port fluvial, s’est développé au confluent de la Nouvelle Meuse (Nieuwe Maas) et de la Rotte, rivière dont il tire son nom, là où les eaux salées de la mer se mélangent aux eaux douces et où l’amplitude des marées est encore perceptible. Si cette particularité, qui limite les échouages, a favorisé son expansion, la cité est restée longtemps un port secondaire dont la croissance fut gênée par les changements fréquents du tracé de sa voie navigable, liés à l’instabilité de la zone deltaïque. Sans dunes, bassins de rétention, digues, écluses et barrages, Rotterdam serait noyé sous des mètres cubes d’eau. Si on se réfère au niveau de référence 0 de la mer à marée basse mesurée à Amsterdam (N AP , Normaal Amsterdams Peil), la région de Rotterdam est la plus basse des Pays-Bas. Le polder Prins-Alexander, quartier au nord-est de la ville, se trouve ainsi près de six mètres en dessous du NAP. La première digue sur la Rotte, la Middeldam – aujourd’hui la Hoogstraat (rue haute) –, est construite vers 1270. Elle constitue un maillon de la digue ininterrompue qui longe le cours du fleuve d’est en ouest sur sa rive
nord et protège l’arrière-pays des inondations. Elle forme l’un des rares reliefs du territoire, encore identifiables aujourd’hui, sur lesquels repose une partie du réseau de circulation. Derrière cette digue, les populations de l’ancien Rotta peuvent, ainsi rassurées, se réinstaller le long de la Rotte endiguée et sur la Middeldam. Ces nouvelles implantations prennent le nom de Rotterdam. En 1340, deux jours après l’obtention de ses droits de cité définitifs, Rotterdam est autorisé à creuser une voie navigable pour rejoindre, à Overschie, le Schie, cours d’eau reliant Delft au fleuve. Cette infrastructure se révèle essentielle au développement économique de Rotterdam. Elle renforce sa compétitivité face aux villes voisines de Schiedam, Delft et Dordrecht et brise la domination qu’exerce la première sur la navigation du Schie. En 1348, le Rotterdamse Schie est ouvert et, avec la Rotte, Rotterdam peut développer son commerce avec l’arrière-pays. Après 1389, Delft va creuser sa propre bretelle à partir d’Overschie et créer le port de Delfshaven au débouché du Schie sur la Meuse. Par la suite, les rivières sont progressivement endiguées et la poldérisation des terres au-delà de la digue peut commencer. Ces sols spongieux nécessitent un entretien constant assuré par des regroupements de propriétaires terriens, les waterschappen (organisations de l’eau), apparus dès le XII e siècle. Ils prennent en charge, avec les paysans mis à la corvée, les travaux nécessaires à la protection des populations contre les dangers de l’eau : entretien des canaux, des digues, des écluses, des bar5
Delft
1
Overschie 4 3 Rotterdam
2 Schiedam
Delfshaven
Nouvelle Meuse
1 - Delftse Schie 2 - Schiedamse Schie 3 - Delfshavense Schie 4 - Rotterdamse Schie
Vue depuis l’Euromast, avec, au premier plan, le Park, puis le Scheepvaartkwartier, le pont Erasmus (UN Studio) et, à son débouché, le quartier Kop van Zuid. Ph. © Gw. Querrien, 2007.
8/12/09
15:38
Page 6
Coll. Gemeentearchief Rotterdam. D. Wijnand (d’après C. Hoek)
0911_0735_int:09110735_int
Carte reconstituée des origines de la ville, autour de 1340, au confluent de la Rotte et de la Nouvelle Meuse.
Gezicht op de Rotte, J. Gabrielsz Sonjé, 1692. À l’horizon, Rotterdam avec la tour de l’église St. Laurens émergeant au cœur
© Frits Palmboom
Coll. Historisch Museum Rotterdam, inv. n° 10838, ph. Han van Senus
du delta.
Schéma des premières digues du delta de la Meuse autour de 1400. S. = Schiedam, R. = Rotterdam, V. = Vlaardingen, M. = Maassluis, B. = Brielle.
rages et des quais, construction et entretien des ruisseaux de drainage séparant les champs, maintien des niveaux de l’eau par des pompes1. Le développement économique de la ville a des conséquences inattendues sur la présence de l’eau et sur sa gestion dans les polders au nord de Rotterdam. L’afflux de nouvelles populations stimule les activités portuaires. Le bois, indispensable à la construc6
tion des bateaux et des maisons, se faisant rare et cher, il est remplacé, comme combustible, par la tourbe que l’on extrait des campagnes environnantes. L’exploitation intensive de ce matériau se traduit au XVIIe siècle par une résurgence des eaux. De nombreux terrains situés au nord-est de Rotterdam sont de nouveau inondés, jusqu’à former de grands lacs. À partir du XIXe siècle, ils sont progressivement reconquis à des fins agricoles, à l’exception du lac de Kralingen et de ceux de Hillegersberg qui deviennent des lieux d’agrément où les Rotterdamois aisés érigent leurs villas avec jardin. Les modes de drainage et le tissu des polders engendrent et organisent le territoire du delta. Trois paysages sont nettement identifiables. Au nord, au plus près du fleuve, issu des modes d’exploitation des terres agricoles aux XIIe et XIIIe siècles, le territoire est constitué de lanières de terre séparées par des petits fossés d’eau, appelés sloten, avec un tracé perpendiculaire aux routes ou aux digues. Vus du ciel, ces fossés dessinent des arêtes de poisson dont la colonne centrale suit plus ou moins les méandres de la Nouvelle Meuse. Au-delà de ces rubans, les nouvelles techniques d’assèchement du XXe siècle ont généré de grands polders drainés selon des trames orthogonales régulières. Enfin, sur la rive sud, on trouve un type de territoire formé par une mosaïque de petits polders plus ou moins circulaires. Ces ringpolders disposent d’un système de drainage autonome dont le tracé régulier s’interrompt ou se déforme lorsqu’il rencontre les digues d’enceinte. Ici pas de rubans mais un patchwork de polders de différentes tailles accolés les uns aux autres. Les structures de ces polders sont déterminantes dans la constitution des formes urbaines de Rotterdam. Au nord, les spéculateurs du XIXe siècle exploitent les potentiels de densification des parcelles en lanière. En comblant un ruisseau de séparation sur deux, ils aménagent les rues et optimisent ainsi l’accès aux logements. Au sud, le caractère introverti des polders séduit les concepteurs des quartiers expérimentaux du début du XXe siècle pour qui les dimensions nucléides de ces entités pouvaient stimuler le sentiment d’appartenance à de nouvelles communautés. Mais de tout temps la constructibilité de ces polders a posé un certain nombre de difficultés techniques concernant la stabilité des bâtiments. Elles furent résolues par l’utilisation de fondations profondes sur pieux allant chercher la couche de sable dure entre 15 et 20 m au-dessous du sol. Autrefois, la performance de ces fondations était contrainte par la longueur des troncs de bois disponibles et par les techniques d’enfoncement dans les sols ; elle est aujourd’hui pratiquement sans limites. Mais si les édifices sont bien fondés, les rues se tassent et se déforment au fil des ans et du mouvement des terres. Elles forment le paysage singulier des espaces publics urbains de Rotterdam souvent instables, parfois chaotiques, où l’on trébuche quelquefois. Une
1 – Aujourd’hui encore, les waterschappen s’occupent, avec les municipalités, de la politique et de la gestion de l’eau, ainsi que, depuis 1975, du contrôle de sa qualité.
0911_0735_int:09110735_int
8/12/09
15:38
Page 7
La présence des digues dans le paysage aujourd’hui. À gauche : l’Oostzeedijk dans le tissu urbain. En bas : une digue protégeant le port à l’embouchure
façon somme toute involontaire de rappeler au flâneur que la terre qu’il foule est le fruit d’un éternel combat contre l’eau. La présence de l’eau pose bien d’autres problèmes. Ainsi, lorsque l’ingénieur Willem N. Rose (18011877) prend ses fonctions d’architecte de la Ville en 1839, il doit faire face à une cité insalubre aux canaux remplis de matières fécales. Afin de venir à bout de la puanteur et de freiner la propagation des épidémies, il conçoit, en 1841, un premier projet d’assainissement et d’embellissement de la ville, le Waterproject (le projet de l’eau). Malgré la gravité reconnue de la situation, il faut attendre 1854 et une nouvelle épidémie de choléra pour que soit enfin mise en œuvre une deuxième version de son projet. La promulgation en 1851 de la Loi sur les municipalités (Gemeentewet), rendant celles-ci
Ph. © S. Rousseau Ph. © S. Rousseau
Ph. © S. Rousseau
Ph. © Th. Mandoul
du fleuve.
responsables de la santé publique, n’est probablement pas étrangère à la réalisation de ces travaux. Le projet de Rose, élaboré en collaboration avec J. A. Scholten, propose le tracé d’une succession de singels, canaux non navigables aux berges en pente douce et végétalisées, autour de la ville. Creusés à la limite des exploitations agricoles et reliés à la rivière par des systèmes de pompage, ces singels permettent l’évacuation des eaux stagnantes. Ils dessinent les nouveaux contours de la ville en doublant sa surface. Ce projet associe avec 7
À gauche : Delfshaven. Ci-dessus : le lac de Kralingen avec à l’horizon la silhouette des tours du centre-ville.
8/12/09
15:38
Page 8
Ph. © S. Rousseau
Coll. Gemeentearchief Rotterdam
0911_0735_int:09110735_int
En haut : plan d’exécution de 1854 du deuxième Waterproject de W. N. Rose ing. et J. D. Zocher paysagiste. En bas : vue actuelle du Westersingel, l’axe culturel de la ville.
talent une approche hygiéniste, un objectif esthétique et une gestion de la croissance urbaine. Il dote la ville d’espaces publics dont l’aménagement est confié au paysagiste Jan D. Zocher (1791-1870) qui sait faire preuve aussi, à cette occasion, d’une maîtrise astucieuse de la spéculation immobilière. Ainsi Westersingel, Spoorsingel, Noordsingel, Crooswijksesingel et Boezemsingel voient-ils le jour. Plantés d’arbres, agrémentés de petits bassins et d’agréables allées de promenade, ces singels sont rapidement bordés de riches villas et de maisons de maître. Au final, l’opération se révèle financièrement fructueuse pour la municipalité. La ville s’agrandissant, de nouveaux espaces verts seront nécessaires. Dans ce dessein, le directeur des services des Travaux municipaux Gerrit J. de Jongh (1845-1917), nommé en 1879, s’appuie sur l’expérience de Rose et 8
complète l’œuvre de celui-ci par l’aménagement des Provenierssingel, Bergsingel et Heemraadssingel. L’ensemble de ces canaux structure encore aujourd’hui les espaces verts du centre-ville de Rotterdam. Entre-temps, pour les Rotterdamois les plus démunis, buvant toujours l’eau polluée des singels, les problèmes de choléra persistent. Aussi, Christiaan B. van der Tak (1814-1878), le successeur de W. N. Rose au poste d’architecte de la Ville et le directeur des services des Travaux municipaux de 1861 à 1878, s’attelle-t-il à améliorer l’approvisionnement en eau potable des habitants. Il aménage, en 1874, pour la Drinkwaterleidingbedrijf (Compagnie d’approvisionnement en eau potable) les terrains qu’elle a acquis à proximité du parc Oude Plantage, situés à l’est de la ville dans le prolongement de la digue Honingerdijk. Désormais, Rotterdam est doté d’un équipement moderne de traitement des eaux abrité dans une remarquable architecture industrielle éclectique en brique, qui répondra aux besoins des citadins jusqu’au milieu du XXe siècle. Après la seconde guerre mondiale, la réalisation de vastes quartiers de logement accroît considérablement les besoins en eau potable de la ville. Les anciennes infrastructures de la Honingerdijk ne sont plus en capacité d’assurer sa qualité. Entre 1959 et 1977, les services municipaux de production d’eau potable confient à l’architecte Wim G. Quist (° 1930) et à son collaborateur C. van Gent la conception de trois nouveaux complexes – Berenplaat (1959-1965), Petrusplaat (1969-1974) et Kralingen (1973-1977) – situés plus en amont sur la Nouvelle Meuse pour capter une eau de meilleure qualité. Grâce à l’implication précoce de ces maîtres d’œuvre dans le processus de conception, l’architecture est un élément incontournable de ces usines, combinant contraintes techniques et ambitions esthétiques innovantes.
De la ville-port à la ville et son port L’eau, bien sûr, n’a pas seulement structuré le paysage de Rotterdam. Elle est la condition même de son existence, et le destin de cette ville portuaire en dépend. À l’origine, Rotterdam est l’un des nombreux petits ports de pêche du delta de la Meuse et du Rhin au même titre que Schiedam, Vlaardingen, Maassluis. C’est à la réalisation de deux grandes infrastructures fluviales, l’une au XIVe siècle, le Rotterdamse Schie, l’autre au XIXe siècle, le chenal du Nieuwe Waterweg, que le port de Rotterdam doit son essor économique. La première ouvre une voie de communication avec Delft et Leyde, grandes villes marchandes de la Hollande-Méridionale. La deuxième assure une connexion définitive à la mer du Nord et aux océans du monde entier. À partir de la seconde moitié du XIVe siècle, le canal du Rotterdamse Schie stimule l’expansion économique de la ville et de son port à l’embouchure de la Rotte. Le trafic est si intense sur les canaux et sous les ponts qu’une charge de maître de pont (brugmeester) est créée en 1373 pour chacun des quatre quartiers de la ville. Sa tâche consiste à organiser la navigation et la gestion des ponts ainsi que leur entretien. Bien qu’occupé trois mois et demi en 1572 par les
15:38
Page 9
Espagnols, Rotterdam est relativement épargné lors des guerres de rébellion des Néerlandais contre la couronne castillane de 1568 à 1609 puis de 1621 à 1648. La chute d’Anvers en 1585, qui pousse luthériens et calvinistes – soit le quart de la population – à s’expatrier, est bénéfique aux Rotterdamois. Leur port, autrefois spécialisé dans le commerce de la bière et du chanvre, voit s’installer des commerçants fuyant l’oppresseur catholique, qui introduisent et développent le négoce des produits raffinés comme les tissus, les vins, les olives, les épices et la peinture. Les enceintes dressées en 1575 permettent de les protéger et de développer de nouvelles infrastructures. Blaakhaven (port “noir”) et Nieuwe Haven (Nouveau Port) sont aménagés entre la ville existante et les rives du fleuve, de part et d’autre de l’Oudehaven (Vieux Port). Les activités citadines et portuaires des quelque 5 000 habitants sont indissociables et se partagent l’espace intra-muros. Le port de Rotterdam est particulièrement bien situé à mi-chemin entre l’Europe du Nord et la mer Baltique d’une part et les pays du Sud et la mer Méditerranée d’autre part. Un important réseau de distribution dessert son arrière-pays et facilite son développement. Rapidement, ses installations portuaires ne suffisent plus. Mais avant de pouvoir réaliser de nouveaux bassins, les Rotterdamois doivent s’assurer d’une meilleure navigabilité du fleuve souvent obstrué de sédiments. Ainsi des aménagements, sur la rive gauche, de terrains achetés en 1589 à la commune de Feijenoord permettent-ils d’augmenter l’intensité du courant et de réduire les entraves à la navigation. De nouvelles infrastructures portuaires sont ensuite exécutées à l’ouest sur la rive droite, entre le fleuve et la ville moyenâgeuse. En 1592, commencent les travaux du Haringvliet (cours d’eau des Harengs), suivis de ceux du Leuvehaven (port du Loup, 1598) et du Scheepmakershaven (port des Constructeurs de bateaux, 1613). Le commerce du vin, en particulier avec le Sud-Ouest de la France, est si florissant que le marché aux vins de Rotterdam devient vite l’un des plus célèbres de la contrée. Les revenus substantiels des taxes sur l’alcool sont investis dans la construction d’une infrastructure portuaire spécifique : le Wijnhaven (port du Vin, 1613). Le Bierhaven (port de la Bière, 1614) et le Glashaven (port du Verre, 1614) complètent ces aménagements. Achevée en 1616, cette extension double quasiment la superficie de la ville, lui donnant une figure triangulaire, nucleus qu’elle conservera jusqu’au bombardement allemand de 1940. Au début du XVIIe siècle, on estime la population de Rotterdam à plus de 17 000 habitants. La création de la Vereenigde Oost-Indische Compagnie ou V OC (Compagnie unie des Indes orientales, 1602-1799) par les Provinces-Unies donne naissance à l’une des toutes premières et très puissantes entreprises capitalistes. Elle développe un impérialisme sans précédent sur le monde et sur l’Asie du Sud-Est en particulier. Ses comptoirs des Indes orientales font la richesse des six principales villes bataves, dont Rotterdam, qui administrent la compagnie. La prospérité du Siècle d’or hollandais marque de son empreinte la ville qui désormais se tient au bord du fleuve. Même si commerçants et marchandises parta-
Coll. Gemeentearchief Rotterdam
8/12/09
Coll. Gemeentearchief Rotterdam
0911_0735_int:09110735_int
gent les mêmes lieux, une dualité urbaine se dessine clairement entre la Landstad (ville de la Terre) et la Waterstad (ville de l’Eau). Cette dernière oppose à la ville historique surpeuplée et malodorante des vues attractives sur les bassins du port. L’usage exclusif des quais pour l’accostage des bateaux de marchandises, certes souvent transgressé, est définitivement supprimé au début des années 1600 lors de la création de la V OC . Avec le bassin du Zalmhaven, port du Saumon et chantier naval, l’activité portuaire se déplace vers l’ouest, aux limites de la ville. Entre le fleuve et Scheepmakershaven, reliant les quartiers de l’Oudehaven à ceux du Leuvehaven, un quai planté d’arbres et une longue promenade publique sont aménagés à partir de 1613, les Boompjes (littéralement petits arbres). Ce lieu marque une première étape dans la composition d’une façade urbaine monumentale sur les rives 9
En haut : De Blaauwe
Molen van den hoek van de kare-melkshaven te zien, aquarelle de Gerrit Groenewegen, ± 1798-1802. Vue de Blaak, avec, à gauche, l’ancienne bourse détruite en 1940. En bas : le travail des dockers dans l’Oudehaven en 1933.
8/12/09
15:38
Page 10
Coll. Gemeentearchief Rotterdam
0911_0735_int:09110735_int
Coll. Gemeentearchief Rotterdam
1340
1700
1900
1935
1990
Doc. Anne Pellissier, Idris Yangui
1970
du fleuve, constituée de somptueuses maisons de commerçants ouvertes sur les horizons du delta, où se marient travail, activités portuaires et représentation d’une société de marchands. La cité ne connaît plus de grandes expansions portuaires avant la seconde moitié du XIXe siècle et l’essor engendré par la révolution industrielle. La croissance du commerce international, en particulier avec l’Amérique du Nord et les Indes orientales, et l’utilisation progressive de bateaux à vapeur propulsent alors Rotterdam dans la course à l’optimisation de ses ressources portuaires pour mieux conquérir le monde. Ainsi, afin d’améliorer la navigabilité entre Rotterdam et la mer du Nord, la Ville autorise-t-elle en 1855 à canaliser un des bras naturels du delta. L’ingénieur Pieter Caland (1826-1902) conçoit le projet en s’inspirant d’études françaises et anglaises sur l’influence des marées et de réalisations comme le canal de Suez. Les travaux du Nieuwe Waterweg (Nouvelle Voie navigable), que de nombreuses procédures d’expropriation retardent, débutent en 1863. Long de 18 km et de 11 m de profondeur, le canal est construit pour que la ville et le port soient accessibles aux navires de haute mer. Aucun pont, aucune écluse ne vient entraver la régularité et la fréquence du passage des bateaux. 10
Aujourd’hui encore, le Nieuwe Waterweg constitue, avec le canal d’Amsterdam (Noordzeekanaal), l’un des plus grands ouvrages hydrauliques des Pays-Bas. Le premier bateau l’emprunte le 9 mars 1872. Au même moment, de grandes compagnies maritimes rotterdamoises se créent, telles que la Holland Amerika Lijn en 1872 qui assure en particulier les liaisons transatlantiques, ou bien la Rotterdamsche Lloyd, compagnie anglo-hollandaise fondée en 1875 qui navigue et commerce principalement vers les Indes orientales (aujourd’hui l’Indonésie) et l’Extrême-Orient. Désormais, le trafic maritime ne cesse de croître, et les produits de l’exploitation économique et agricole des Indes néerlandaises, comme le café, le tabac, le thé, les épices, affluent sur les quais du port. Dès lors, les infrastructures de la Waterstad, rive droite, se révèlent obsolètes. Les ponts situés à l’entrée de chaque bassin interdisent l’accès aux plus gros navires, et la volonté de les charger et de les décharger sans tenir compte des marées entraîne l’abandon des anciens bassins. Après une première extension d’entrepôts et de bureaux vers l’ouest sur la rive droite autour des nouveaux ports de Veerhaven et Westerhaven (1852-1854), formant le district du Scheepvaartkwartier, la rive gauche de la Nouvelle Meuse devient le territoire d’aménagement principal du port de Rotterdam à partir de 1870. Le projet de développer des aires portuaires sur la rive sud n’est certes pas nouveau. Dès les années 1830, différentes planifications sont envisagées par le conseil municipal. Rose propose en 1843 des extensions sur les terres vierges de l’île de Feijenoord. Mais ce projet restera sans suite. Au début des années 1860, un jeune conseiller municipal et homme d’affaires, Lodewijk Pincoffs (1827-1911), qui occupera des fonctions importantes au sein de la Rotterdamsche Bank (devenue plus tard ABN-AMRO) et de la compagnie maritime transatlantique NederlandsAmerikaansche Stoomvaart Maatschappij (future Holland Amerika Lijn), prend les choses en main. Avec le soutien de plusieurs banquiers, il fonde la Rotterdamsche Handelsvereeniging (RHV, société commerciale). Pincoffs fait adopter en 1863 son projet d’aménagement de nouvelles infrastructures portuaires sur l’île de Feijenoord par la RHV en collaboration avec la Ville. Il ne s’agit pas d’une planification territoriale habituelle, car le projet transforme ce site en une zone douanière franche où sont supprimés les restrictions à l’importation et les droits de douane. Cette mesure fait en quelque sorte de ce port une terre étrangère, et si Feijenoord appartient encore géographiquement à Rotterdam, bien qu’entouré d’un mur, il devient indépendant dans bien d’autres domaines. Ainsi le conseil municipal de Rotterdam perd-il en grande partie la maîtrise spatiale de l’expansion de la ville, dont la possibilité de projeter une extension urbaine pour Feijenoord telle que Rose avait pu l’envisager. Le projet de Pincoffs se résume en une juxtaposition de réseaux d’eau, de rails, de quais et d’entrepôts. La RHV concourt à l’élaboration des bassins portuaires du Binnenhaven (18741878), de l’Entrepothaven (1873), du Spoorweghaven
8/12/09
15:38
Page 11
(port du Chemin de fer, 1873-1879) avec leur écheveau de voies de chemin de fer et de routes d’accès, à la réalisation des quais et de leur pavage ainsi qu’à la création des réseaux d’assainissement. Pour cela, il a fallu élever le niveau du sol de l’île de Feijenoord, créer une île au milieu du fleuve – Noordereiland – et construire trois ponts sur la Nouvelle Meuse, le Koninginnebrug (1870), le Willemsbrug (1878), ainsi que le Willemsspoorbrug (1877), pont de chemin de fer, reliant ces nouveaux territoires portuaires de la rive gauche à la ville. Les travaux s’achèvent à la fin des années 1870, et ce projet aurait pu être l’exemple d’une coopération public-privé réussie si la RHV n’avait subi d’importants revers financiers dus à des malversations comptables. Reconnu coupable de pratiques irrégulières, Pincoffs fuit aux États-Unis (1879) afin d’échapper à ses créanciers et à un scandale public. La Ville de Rotterdam se voit dans l’obligation de reprendre le passif de la faillite, ce qui l’endette pour de nombreuses années et met fin au fonctionnement privé du port. Avec le projet de Pincoffs pour l’île de Feijenoord, le processus d’éloignement des activités portuaires est enclenché et le concept même d’unité de port et de ville est en voie d’être abandonné, même si la liaison visuelle reste préservée. Il l’est totalement avec le projet de G. J. de Jongh pour la rive sud. Directeur municipal du département des Travaux publics à partir de 1879, ce dernier fait creuser de grands bassins, le Rijnhaven (18871894), le Maashaven (1898-1905) ainsi que la première phase du Waalhaven (1907-1931). Ces infrastructures, créées à l’image de la largeur du fleuve et de ses pratiques de batellerie avec les navires ancrés au milieu du cours, sont conçues pour traiter rapidement, de bateau à bateau, les marchandises en transit principalement vers l’Allemagne comme le charbon, les minerais et les céréales. Les grands bassins sont quasiment sans entraves pour faciliter l’accessibilité des navires de haute mer, à l’inverse des bassins étroits de la RHV dont les ponts disposés aux embouchures font désormais
Coll. Gemeentearchief Rotterdam. Ph. F. von Pöppinghausen
Coll. Gemeentearchief Rotterdam. L. Angerer, 1904 (d’après E. Hesmert)
0911_0735_int:09110735_int
obstacle à l’entrée des cargos. Dans le port projeté par G. J. de Jongh, les navires peuvent s’amarrer aussi bien à une bouée au milieu du bassin qu’à un quai. Ainsi le Waalhaven pouvait-il en contenir jusqu’à 140. Construit en trois étapes entre 1907 et 1930, le bassin est exceptionnel par son gigantisme ; sa superficie de 310 hectares en fait alors le plus grand bassin creusé dans le monde. Entre le bassin du Waalhaven et la Nouvelle Meuse s’établissent les premières installations pétrolières, Rotterdam ayant, dès 1862, fait commerce du pétrole avec les États-Unis. Mais le stockage de ce produit nauséabond et dangereux sur les quais des Boompjes va accélérer l’éloignement des activités portuaires du centre-ville : dès 1876, les produits pétroliers sont déplacés de la rive nord à Sluisjesdijk sur la rive sud. De Jongh complète le dispositif de la rive nord, qui conserve des activités de stockage, avec des bassins de 11
Ill. p. 10 : en haut, le projet Coolpolder (W. N. Rose, 1858) ; en bas, le viaduc ferroviaire avec la statue d’Érasme (± 1890) ; dans la marge, évolution du tracé de la Meuse et croissance du port. En haut : De Haven
van Rotterdam, gravure montrant les infrastructures portuaires. En bas : le Binnenhaven en 1891.
0911_0735_int:09110735_int
8/12/09
15:38
Page 12
Les entrepôts Santos (J. P. Stok Wzn, Ville de Rotterdam, dS+V, ph. © J. Boute
J. J. Kanters), lieu de stockage de café le plus moderne au début du
XXe
s.
Les moulins à farine Latenstein (J. J. M. Vegter) surmontés d’un cube
Ville de Rotterdam, dS+V, ph. © J. Boute
Ville de Rotterdam, dS+ V, ph. © J. Boute
en pavés de verre.
L’Entrepothaven avec, à droite, le bâtiment des Vijf Werelddelen (Th. J. Stieltjes) et le nouveau port de plaisance.
dimensions plus modestes comme le Parkhaven (19031908), le Sint Jobshaven (1906-1908) et le Schiehaven (1904-1909). L’ensemble constitue le secteur du Lloydkwartier qui fait aujourd’hui l’objet d’une reconversion urbaine. Dans le prolongement et toujours plus vers l’ouest, se situent les quatre ports de Koushaven, IJsselhaven, Lekhaven et Keilehaven creusés entre 1912 12
et 1916. Ce développement portuaire s’arrête après la réalisation du port de Merwehaven au début des années 1930. De façon générale et afin d’entreposer les marchandises sous forme de tonneaux, sacs ou caisses, les quais des bassins nord sont plus larges que ceux de la rive sud où la marchandise ne fait que transiter. Entre 1880 et 1914, ce sont près de 80 millions de florins qui ont été engagés dans le port. L’importance et la concentration de ces investissements génèrent des interrogations au sein du conseil municipal qui doute parfois de leur rentabilité. Cependant, grâce à ces engagements financiers, Rotterdam deviendra un des premiers complexes portuaires du monde. En 1910, 50 % de la population de la ville travaille dans ce secteur.
Les châteaux de l’industrie portuaire La réalisation de ces bassins a été l’occasion d’édifier de remarquables entrepôts, hangars, usines et silos qui comptent aujourd’hui parmi les bâtiments les plus anciens de ces lieux. Ces architectures industrielles illustrent, depuis leur apparition dans les années 1870 jusqu’au dernier construit au milieu des années 1960, l’évolution des techniques de construction et de gestion des marchandises. L’entrepôt franc des Vijf Werelddelen (Cinq Continents) – où les marchandises stockées en transit de l’étranger pour l’étranger sont exemptes de taxe – est conçu par l’ingénieur Th. J. Stieltjes et bâti le long du quai de l’Entrepothaven à l’initiative de la RHV. Entré en fonction en 1879, il est représentatif des entrepôts de la fin du XIXe siècle. C’est une imposante construction de plus de 30 000 m2, de 200 m de long pour 37 m de large, avec des façades porteuses en brique percées de petites ouvertures, des murs pare-feu et des planchers soutenus par des colonnes de fonte. De même type, l’entrepôt Santos à Katendrecht, de Jacobus P. Stok Wzn (1862-1943) et Jan J. Kanters (1869-1920), livré en 1903 pour stocker sur ses six étages le café venant du Brésil, a longtemps été considéré comme le plus moderne de la ville. La physionomie de ces châteaux de l’industrie portuaire change progressivement avec la généralisation de l’emploi du béton armé et à la suite d’expériences menées sur le transbordement mécanique des marchandises. Ainsi le Sint Job du Sint Jobshaven (1911-1913, J. J. Kanters) constitue-t-il une figure typologique originale avec ses trois grues mobiles sur le toit et ses balcons côté bassin pour faciliter le transfert des cargaisons. Les structures à ossature béton confèrent aux entrepôts soit l’apparence d’un squelette avec son remplissage de brique, soit l’aspect de grandes surfaces dépouillées ayant apparemment perdu leurs fonctions porteuses. Les entrepôts JapanChina (1947), Molukken (1948), Eersteling (1950) ou les hangars conçus par J. J. Kanters en 1920 pour recevoir les balles de coton témoignent de ces évolutions constructives mais aussi des recherches d’optimisation des surfaces de stockage, de protection contre le feu ou les intempéries et de résistance des planchers. Si les hangars, avec leurs formes massives et allongées, constituent une silhouette familière de ces lieux, l’architecture des silos et des usines est certainement la plus
Page 13
remarquable du paysage portuaire rotterdamois de la première moitié du XXe siècle. Stimulant toujours l’imaginaire, les silos du port comptent parmi les plus beaux exemples des évolutions techniques du béton armé. Leur hauteur évolue avec les progrès en matière de fondations. Le premier silo à grains de Rotterdam date de 1910. Il s’agit du Graansilo de la Brielselaan dans le Maashaven. Dessiné par J. P. Stok Wzn, il est agrandi par Jan Brinkman (1902-1949) et Leen van der Vlugt (18941936) en 1931. Il s’élève à 20 m et dispose de compartiments octogonaux, mettant en œuvre des structures en béton originales. Pour son extension en 1931 est employée pour la première fois aux Pays-Bas la technique du coffrage glissant. Les silos à ciment NCHM dans l’Eemhaven d’Alexander Bodon (1906-1993, agence DSBV) forment depuis 1964, avec leur alignement de huit cylindres en béton armé posés sur pilotis, l’exemple le plus sculptural des silos du port. Parmi les nombreuses usines bâties le long des quais, le HaKa de Herman F. Mertens (1885-1960) et J. Koeman fait figure à part. Cet édifice, construit en 1932 dans le Lekhaven, combine, dans une architecture blanche d’avant-garde, un programme coopératif original d’usine et de locaux commerciaux, d’ateliers, de stockage et un silo. Avec l’usine Van Nelle, le HaKa est l’exemple le plus accompli d’un art moderne de l’entre-deux-guerres. Mais le plus spectaculaire, par sa taille et le cube de verre juché sur son toit, est sans conteste le bâtiment des moulins Latenstein à Katendrecht de Jo J. M. Vegter (1906-1982), livré en 1952. Cette forteresse industrielle énigmatique toise toujours aujourd’hui les évolutions de Kop van Zuid du Wilhelminakade et de Katendrecht. Situé entre le Rijnhaven et la Nouvelle Meuse et faisant face au centre-ville, le Wilhelminakade a accueilli de 1873 à 1971 le siège de la célèbre compagnie Holland Amerika Lijn, dont l’extension Art nouveau (19011919) – par J. Müller, Constant M. Droogleever Fortuyn (1846-1928) et C. B. van der Tak – laissée à l’abandon est devenue en 1992 un hôtel à la mode. Ce quai était la dernière terre que foulaient les candidats à l’émigration vers le Nouveau Monde, dont nombre venaient de l’Europe de l’Est. De cette épopée, qui modifia le destin de millions de gens, il ne reste aujourd’hui que les coques tendues et les murs de béton d’une fortune disparue, ceux du terminal (1946-1949) et des bureaux de la compagnie transatlantique (1950-1953, aujourd’hui Las Palmas), tous deux conçus par l’agence Van den Broek & Bakema. Ces bâtiments industriels ont été rénovés dans le cadre du projet de Kop van Zuid, comme le seront prochainement les entrepôts Pakhuismeesteren (1940-1941). Dans les années soixante, l’avènement du transport par conteneurs aura pour conséquence la disparition des hangars et entrepôts des horizons portuaires de Rotterdam.
Desseins portuaires La création des grandes infrastructures portuaires de Rotterdam a toujours nécessité des démolitions et des recompositions territoriales et administratives. Delfshaven fut annexé en 1886, Kralingen en 1895, et le
Ville de Rotterdam, dS+V, ph. © J. Boute
15:38
Ph. © Th. Mandoul
8/12/09
Ph. © Th. Mandoul
0911_0735_int:09110735_int
creusement du bassin du Maashaven, situé sur la commune de Charlois, fut l’occasion d’annexer cette dernière la même année. La construction de ce port a entraîné également la démolition sans état d’âme du village de Katendrecht devenu à l’achèvement des travaux en 1911 une péninsule portuaire entre le Rijnhaven et le Maashaven, causant le déplacement de plus de 3 500 per13
De haut en bas : usine HaKa (H. F. Mertens, J. Koeman) ; vieux entrepôts au cœur du Wilhelminapier ; le terminal de la Holland Amerika Lijn (Brinkman, Van den Broek & Bakema).
8/12/09
15:38
Page 14
Ph. © S. Rousseau
Ville de Rotterdam, dS+V, ph. © J. Klerks, 2008
0911_0735_int:09110735_int
En haut, les zones portuaires du
XIXe
s.
aujourd’hui reconverties (Katendrecht au centre, avec le SS Rotterdam). En bas, le Maashaven.
sonnes. Il s’y est développé l’un des quartiers ouvriers les plus pauvres de la ville, cerné de voies de chemin de fer, d’entrepôts et de silos, où résidaient main-d’œuvre à bon marché et marins de passage. Durant l’entre-deuxguerres, Katendrecht abritait une véritable Chinatown représentant alors l’une des plus grandes communautés 14
chinoises en Europe. Après la seconde guerre mondiale, bars de nuit et prostitution y prospérèrent jusqu’à constituer un rosse buurt (quartier chaud) connu sous le nom de Kaap (cap). Les annexions de communes, essentiellement vers l’ouest, n’ont pas toujours été le résultat d’une politique territoriale volontairement expansionniste. Elles engageaient aussi la Ville à absorber de grands polders dont l’entretien serait ensuite à sa charge. Mais à chaque fois que la gestion du port et de sa croissance s’est posée, Rotterdam s’est dressé contre l’existence de toute installation portuaire indépendante qui aurait pu rivaliser avec les siennes. La commune de Hoek van Holland, bien que située à l’embouchure du fleuve sur la mer du Nord à plus de 30 km du centre-ville de Rotterdam, est ainsi annexée dès 1914. Suivront Pernis (1934), Hoogvliet (1934) et IJsselmonde (1941) sur la rive sud. Le territoire actuel de la municipalité de Rotterdam (319 km2, dont 206 km2 de terre) résulte de cette absorption progressive, entre la fin du XIX e siècle et la première moitié du XXe siècle, d’anciennes communes des deux rives, dont Hillegersberg, Overschie et Schiebroek sur la rive nord. La ville comporte aujourd’hui onze arrondissements. À la fin de la première guerre mondiale, le port de Rotterdam est grandement affecté par l’effondrement du commerce international. La ville travaille d’arrache-pied afin de recréer une nouvelle économie. Au début des années 1920, le premier aéroport de Rotterdam est plani-
8/12/09
15:38
Page 15
Ph. © Frits J. Rotgans, 1960 / Nederlands Fotomuseum
0911_0735_int:09110735_int
fié par Abraham C. Burgdorffer (1862-1932) et construit, sur la rive sud, sur le territoire du Waalhaven. On creuse des bassins sur les deux rives, dont Merwehaven et Waalhaven, premier et deuxième ports pétroliers. À la suite du krach de 1929, un programme de travaux d’utilité publique est lancé pour aménager les espaces verts du Kralingse Bos et du Vroesenpark ainsi que l’extension du cimetière de Crooswijk. La terre utilisée est extraite des ports de Merwehaven et Waalhaven et transportée sous forme de boue par pipeline. En septembre 1944, le port de Rotterdam est détruit par les Allemands. Sa restauration est jugée prioritaire par rapport à la reconstruction du centre-ville, parce qu’il est vital pour l’avenir économique de toute la ville, voire du pays. Les premières actions menées par les Rotterdamois consistent à dégager les quais, retirer les gravats, relever les grues, enlever les navires qui obstruent les darses et le Nieuwe Waterweg. La réparation des quais suit et, en même temps, les bassins sont dragués et agrandis pour recevoir de plus gros navires. Tout ce travail est achevé en 1950 et célébré dans l’exposition “Rotterdam Ahoy” qui, montrant aussi les futurs projets, annonce au monde entier que le port est désormais prêt à accueillir les plus grands navires. Le conseil municipal prend des mesures pour poursuivre l’élargissement de la zone portuaire vers la mer. En 1946, le temps est venu de considérer l’aménagement d’un troisième secteur portuaire pétrolier à l’ouest de Pernis dans le domaine de Botlek et d’une zone industrielle, avec l’Eemhaven, à l’est de Pernis. Mais ce n’est que dans le milieu des années cinquante que l’expansion de ces ports se concrétise, les multiples bassins étant achevés entre 1946 et 1960. Le développement économique de Rotterdam après la seconde guerre mondiale s’accomplit grâce à l’accroissement rapide du commerce international, en particulier celui des produits pétroliers. La Ville permet aux compagnies pétrolières d’installer des infrastructures portuaires répondant à l’augmentation constante des tonnages et des moyens de la distribution. Des multinationales, comme Shell et Caltex, choisissent de s’implanter à Rotterdam pour cesser de transporter le
Waalhaven 1920-1940
Maasvlakte 2 2008-2030
Europoort 1960-1970
Vieux ports 1400-1800
Merwehaven 1920-1940 Pernis 1920-1940 Anciennes zones d’activités 1800-1900 Eemhaven 1946-1960
Maasvlakte 1978-2008 Botlek 1946-1960
pétrole brut par camions-citernes le long du Rhin et le livrent désormais par oléoduc vers la Ruhr. L’Autorité portuaire de Rotterdam est une société publique associant la municipalité et l’État. Elle gère, exploite et promeut le port et sa zone industrielle, développe et organise le transport maritime dans le port et dans la zone d’approche au large de la côte. Elle veille à l’entretien du domaine nautique et des quais, s’assure qu’il existe un foncier suffisant pour les entreprises, prend en charge l’amélioration et la construction des routes, des rails, des voies navigables et des pipelines. Pour réguler la navigation sur le fleuve et garantir une meilleure sécurité, Rotterdam sera le premier port, en 1956, à s’équiper d’un système de radars. Entre 1960 et 1970, l’Autorité construit un grand port pétrolier – le quatrième de son histoire – au-delà de Botlek et du village de Rozenburg, au plus près de la côte, là où les plus grands navires-citernes peuvent s’amarrer. Ce projet est à l’origine d’un plan global pour le port et la zone industrielle connu sous le nom de Plan d’Europoort. Se succédant le long de la Nouvelle Meuse et du Nieuwe Waterweg, Pernis Shell, Botlek et Europoort fusionnent visuellement en une seule et même gigantesque zone portuaire pétro-chimique avec de nouvelles aires de 15
En haut : vue depuis la terrasse de l’Euromast vers le Lloydkwartier. En bas : schéma chronologique des grandes étapes du développement du port (d’après un document des autorités portuaires de Rotterdam).
8/12/09
15:38
Page 16
Ph. © www.aeroview.nl
0911_0735_int:09110735_int
Vue aérienne de l’Europoort. La plage à l’embouchure du fleuve sur fond de zones industrielles.
Les pistes cyclables parallèles aux voies Ph. © Th. Mandoul
ferroviaires et routières permettent de découvrir la diversité
Ph. © Th. Mandoul
du paysage portuaire.
16
manutention qui s’étendent sur plus de 20 km, de l’embouchure du delta jusqu’à Hoogvliet et Pernis. La capacité et la modernité de ces installations, pouvant accueillir des supertankers transportant jusqu’à 400 000 tonnes de pétrole, procurent à Rotterdam un quasi-monopole des arrivées d’hydrocarbures en Europe, et Rotterdam devient en 1962 le plus grand port du monde. Il le restera jusqu’en 2003, date à laquelle il est dépassé par Shanghai et Singapour. Soutenus par le gouvernement des Pays-Bas, une industrie sidérurgique et des chantiers navals trouvent aussi place dans ces installations portuaires et participent à la croissance des industries lourdes de la région. Les travaux du port ne s’arrêtent jamais. Sa survie semble conditionnée à un développement et une extension continus, sans cesse planifiés. Dès 1957, le conseil municipal, après avoir adopté le Plan d’Europoort, propose la construction du Maasvlakte – une péninsule artificielle à conquérir sur la mer du Nord – qui se réalisera entre 1970 et 2008. Les travaux d’aménagement, avec la construction d’une digue encerclant presque 40 km2 de bancs de sable progressivement remblayés, commencent dès le début des années 1960 afin de permettre l’extension de l’Europoort toujours plus vers l’ouest. Lorsqu’en 1960, le premier container est débarqué sur un quai de Rotterdam, personne ne mesure encore l’impact que cette invention aura sur les futures évolutions du port. Ce nouveau système de transport va en effet modifier la destinée initiale du Maasvlakte, projeté à l’origine pour développer le marché de l’acier. Ainsi, au début des années soixante-dix, le port de Rotterdam décide-t-il d’y installer un des premiers terminaux à conteneurs. Les moyens de levage automatisés, les porte-conteneurs gigantesques, les milliers de conteneurs juxtaposés et
15:38
Page 17
empilés engendrent un nouveau paysage à l’embouchure du delta. L’image d’une ville industrielle standardisée surgit, composée de caisses de métal aux couleurs bigarrées, sans cesse faite et défaite par des grues et des portiques aux jambes en échalas. Plus de dix millions de conteneurs par an transitent aujourd’hui par Rotterdam. À la spécialisation des navires, dont la capacité augmente sans cesse pour réduire les coûts, correspond une spécialisation des quais et des zones portuaires, dont les dimensions s’accroissent avec la création de plateformes multimodales (rail, route, eau) favorisant les dessertes avec l’hinterland. De telles conditions repoussent les limites portuaires et conduisent le conseil municipal, les responsables de l’Autorité portuaire de Rotterdam et ceux du département des Travaux publics et du Développement urbain à concevoir des plans successifs de développement territorial du port et de ses activités. Dès 1969, le Plan 2000+ envisage d’étendre la zone d’activité industrielle au sud de la Meuse, dans la région de la Zélande, et d’élargir le Maasvlakte. Le plan est rejeté par l’opinion publique et la crise pétrolière de 1973 met fin à cette spéculation. Les autorités portuaires tablaient sur une augmentation de 40 % du trafic portuaire à l’horizon 2020, revue à la baisse ces derniers temps en raison de la crise économique actuelle. Le port est condamné à évoluer, à proposer aux industriels de nouveaux terrains conquis sur la mer. Ainsi Maasvlakte 2, dont le chantier a commencé le 1 er septembre 2008, offrira-t-il en 2013, 1 000 hectares supplémentaires de terre avec bassins en eau profonde pour le transbordement de conteneurs et l’industrie chimique. Une croissance jugée indispensable par les responsables du port. Le port est ainsi devenu un monument horizontal s’étendant sur plus de 40 km et couvrant 10 000 hectares. Le paysage est singulier et ne s’apprécie que depuis la route ou le fleuve. Les grues s’affairent auprès des navires, leurs puissantes silhouettes rouges, bleues, jaunes, montées sur échasses, évoquant des pachydermes daliniens. Elles gèrent, rangent, organisent simultanément les produits chimiques, les minerais, les marchandises liquides ou solides en vrac, les véhicules, le fret réfrigéré, la nourriture, les conteneurs. L’appel à la fiction est fort, l’envie de se promener aussi. Mais si le port fonctionne 365 jours par an et 24 heures sur 24, il est fermé, interdit au commun des mortels. Système clos et contrôlé, il incarne l’accomplissement du rêve d’une cité sécurisée et ordonnée. L’espace se mesure par l’emplacement des stockages, le classement des matériaux, les formes de circulation. Le port de Rotterdam est la plus organisée des villes fonctionnelles que l’on puisse imaginer. C’est un lieu hors de tous les lieux, bien qu’il soit effectivement localisable. Le port de Rotterdam, telle l’hétérotopie de Michel Foucault, a le pouvoir de juxtaposer en un seul lieu réel plusieurs espaces a priori peu compatibles. Aujourd’hui espace industriel, il se veut aussi naturel et écologique ; l’été, on peut y voir sur les plages des baigneurs à côté des supertankers et des pistes cyclables balisées. De tout temps, on y a rencontré des usages éphémères et des
Ph. © Th. Mandoul
8/12/09
Ph. © Th. Mandoul
0911_0735_int:09110735_int
objets insolites ou spécifiques, comme un village patronal entouré de bassins, ou encore un parking municipal aménagé pour la prostitution, un bateau-prison pour demandeurs d’asile, voire l’atelier de l’artiste Joep van Lieshout déclaré Ville autonome en 2001.
En haut : le Nieuwe Waterweg offre aux navires un accès direct continu à la mer. Vue prise à Hoek van Holland. En bas : la plage du Maasvlakte, prisée par les familles et les windsurfers.
17
0911_0735_int:09110735_int
8/12/09
15:39
Page 18
0911_0735_int:09110735_int
8/12/09
15:39
Page 19
Formes d’une ville Des origines au Siècle d’or Si l’on trouve des traces de la présence de chasseurs dans le Maasvlakte 7 000 ans avant J.-C., ce n’est que vers l’an 1000 qu’un petit bourg se constitue à l’endroit même où se situera plus tard Rotterdam. Balayé par les grandes inondations de 1164, le site est de nouveau occupé après les travaux d’endiguement du milieu du XIIIe siècle. La population se développe, et les constructions se concentrent le long des rives du cours d’eau appelé la Rotte. Le premier document mentionnant le nom de Rotterdam date de 1281, mais la ville ne bénéficiera, de manière temporaire, de droits de cité qu’à partir de mars 1299. Le comte Guillaume IV de Hollande l’élève définitivement au rang de ville le 7 juin 1340. Rotterdam compte alors un peu plus d’un millier d’habitants. Grâce à l’ouverture en 1348 du canal du Rotterdamse Schie, les communications du bourg se développent avec Delft et son arrièrepays via la rivière Schie. Les droits de passage instaurés sur les bateaux utilisant le canal depuis la Meuse font la richesse de Rotterdam. Au XIVe siècle, la ville est un petit centre urbain divisé en quatre quartiers. Elle s’accroît lentement à l’intérieur de murs d’enceinte dont la construction a commencé en 1358. Ses bâtisseurs ont vu grand comme en témoigne une carte de 1588 où figurent de nombreux terrains intra-muros non bâtis à l’est et à l’ouest. Ce territoire s’est ensuite agrandi, notamment à partir de 1412, lorsque le comte Guillaume VI accorde à la ville le droit de s’étendre par-delà les fossés vers la Meuse. Le déve-
loppement de ces nouveaux quartiers portuaires s’effectue à partir de 1550 principalement grâce à l’économie florissante de la pêche au hareng. En 1560, la population de Rotterdam est estimée entre huit et dix mille habitants. Vu de loin, le centre-ville est dominé par le clocher de la Sint Laurenskerk construite entre 1499 et 1525 et par la tour de l’hôtel de ville dans la Hoogstraat. Le principal projet réalisé dans les années 1550 est la grande place du marché, le Grotemarkt, dont la renommée repose avant tout sur la présence de la statue d’Érasme sculptée par Hendrick de Keijser et érigée en 1622. Si Rotterdam sort peu meurtri des guerres de rébellion contre le royaume castillan, l’incendie de 1563, par contre, parti semble-t-il d’une tonnellerie dans le quartier de l’Oostnieuwland, dévaste tout l’est de la ville. Mais comme souvent dans l’histoire des villes, le feu offre aussi l’opportunité de résoudre certaines situations construites tortueuses et de mettre en œuvre des solutions innovantes. C’est à Simon Dammasz van Dueren, de 1577 à 1595, puis à Adriaen Lenertsz van Noorden à partir de 1603, que l’on confie la tâche de la reconstruction urbaine. Outre l’abandon progressif de l’usage du bois pour celui de la brique, la cité s’organise pour la première fois selon une pensée rationnelle et conceptualisée, à partir de modèles d’espaces publics et d’une recherche esthétique. Cependant, le projet demeure éloigné des concepts de villes idéales de la Renaissance. Les Rotterdamois préfèrent une approche pragmatique aux grands desseins et aux plans réguliers. À Rotterdam, pas de palais royal, pas 19
Vue plongeante depuis les coursives des logements du Lijnbaan sur la Schouwburgplein. Ph. © Th. Mandoul.
0911_0735_int:09110735_int
8/12/09
15:39
Page 20
À gauche : plan de la ville fortifiée, extrait de l’ouvrage Stedeboek de Von Braun Coll. Gemeentearchief Rotterdam
Coll. Gemeentearchief Rotterdam
et Hogenberg, Cologne, 1588.
À droite : la porte de Delft en 1920, avec, au premier plan,
Coll. Gemeentearchief Rotterdam
le Rotterdamsche Schie.
Plan de 1689, montrant le triangle historique et la dualité entre la ville de l’Eau Ville de Rotterdam, dS+V, ph. © P. Schmidt
et la ville de la Terre.
La Schielandshuis, un des rares vestiges du XVIIe s., abrite aujourd’hui le musée de la Ville.
de perspectives convergentes sur des monuments, pas d’axes du pouvoir mais des vues ouvertes vers l’horizon. Ville marchande, la place du marché et la maison des échevins occupent une place importante dans l’espace urbain. La bourgeoisie citoyenne est l’élément essentiel de cette culture urbaine. Celle-ci repose sur une relative homogénéité du corps social, l’inégalité des fortunes ne 20
traduisant pas une différence radicale de statut social du fait de l’existence d’une vaste classe moyenne, le middenstand, qui englobe de l’artisan au négociant enrichi. Il en découle un puissant et permanent contrôle social et une conscience de la responsabilité à la fois collective et individuelle de la chose publique. Les riches marchands qui administrent alors Rotterdam facilitent l’intégration d’immigrés fuyant les persécutions religieuses et amenant avec eux, sinon leur fortune, au moins leur réseau. La tolérance, affaires obligent, profite à l’épanouissement des activités commerciales, et la ville s’enrichit matériellement et culturellement. Le village de pêcheurs est devenu un port très influent. Naît alors une rivalité avec Amsterdam qui ne cessera pas de sitôt. Au cours du deuxième tiers du XVI e siècle, la ville s’étend vers le fleuve, d’abord pour des raisons militaires : les fossés sont creusés parallèlement aux anciens vers la Meuse, puis complétés par des remparts renforcés de bastions. Les marchands de Rotterdam ont su immédiatement tirer parti de ces agrandissements pour améliorer la navigation et le commerce, transformant les anciennes douves en ports intérieurs protégés. À l’ouest, le port ainsi créé, à partir de 1575, prend le nom de Blaak. La partie orientale construite à partir de 1576 est appelée Nieuwe Haven. Au sommet nord du plan triangulaire irrégulier de la ville, à la hauteur actuelle de la Hofplein, la Rotte et le Schiekanaal se ramifient en plusieurs canaux et fossés. Le Coolvest à l’ouest (sur l’emplacement du Coolsingel), un autre au nord-est sur le tracé de l’actuel Goudsesingel et les rives du fleuve composent alors le périmètre de la cité. Les extensions du port et de la ville se construisent donc à l’extérieur de la digue, vers le sud, sur les rives du fleuve : en moins d’un demi-siècle, ce secteur, dit Waterstad, couvre une superficie presque équivalente à celle de la ville existante, dite Landstad. Ces nouveaux lieux, à l’air plus sain et aux vues imprenables sur le fleuve, attisent la convoitise des plus fortunés. Certains s’arrangent pour contourner la réglementation, qui réserve ces terres aux activités portuaires, et y font construire leur demeure. Au début du XVIIe siècle, une fois l’usage exclusif des quais pour l’accostage des bateaux de marchandises levé, une façade urbaine se construit sur les rives de la Meuse complétée d’une longue promenade publique : les Boompjes. En 1659,
15:39
Page 21
Rotterdam décide de reconstruire l’ensemble de ses portes, dont trois, côté fleuve, sont achevées en 1665. À cette même période est réalisée la Schielandshuis, siège du waterschap en charge des eaux de la ville et des alentours. Conçue sans doute par le commerçant et historien Jacob Lois (†1676) en association avec l’architecte Pieter Post (1608-1669), cette maison est l’unique témoin architectural de ce Siècle d’or ayant survécu – après une reconstruction partielle en 1864 – au bombardement de mai 1940. Au XVIIIe siècle, quand l’économie des Provinces-Unies décline au plan international, Rotterdam arrête un temps sa croissance après la création du port de Zalmhaven à l’ouest des fortifications. On assiste surtout à une métamorphose esthétique de la ville, immortalisée par plusieurs peintres, grâce à une nouvelle architecture et à l’aménagement des espaces publics. La plupart des quais des docks sont désormais plantés et les maisons changent d’aspect. À partir du XVIIe siècle, les façades à corniche horizontale se généralisent et remplacent les alignements de pignons. L’architecte italien Jan Guidici, qui vécut à Rotterdam de 1770 à 1819, réalise plusieurs édifices publics comme l’église Sint Rosalia (1777-1779, détruite par le bombardement), ou la caserne de la marine (marinierskazerne), de l’Oostplein. La nouvelle porte de Delft (1768-1772) de l’architecte Pieter de Zwart, située au sommet du triangle de la ville, acquiert rapidement une renommée en tant qu’édifice néoclassique emblématique de Rotterdam. Démontée en 1939 à cause du trafic automobile, endommagée en 1940, la porte sera réinventée par l’architecte Cor Kraat (° 1946) dans une structure tridimensionnelle filaire et reconstruite entre 1988 et 1995 sur son emplacement d’origine. Au cœur du triangle, à l’emplacement de l’actuelle Hoogstraat, s’est développé un centre-ville animé.
Hygiène, urbanisme et chemin de fer : la ville du XIXe siècle Après une période économique difficile et politiquement troublée, sous influence française entre 1795 et 1813, les Pays-Bas deviennent une monarchie constitu-
tionnelle en 1815. Pendant les premières décennies du XIXe siècle, Rotterdam connaît peu de transformations spatiales, si ce n’est la destruction progressive des portes de la ville à l’exception de celle de Delft et la construction d’édifices publics ou religieux. Ainsi, de 1827 à 1839, Pieter Adams (1770-1846), l’architecte de la Ville (Stadsbouwmeester), conçoit-t-il la bourse, la mairie et la Sint Domenicuskerk qui seront dévastées par les bombes de la seconde guerre mondiale. Son successeur, l’ingénieur W. N. Rose, nommé à l’âge de 38 ans, restera en poste jusqu’à 1855. Il sera ensuite ingénieur-conseil auprès de la municipalité jusqu’en 1877. Sous sa direction, la ville est bouleversée dans sa morphologie et dans ses équipements. Pour cette cité insalubre, sans système d’égouts, où quelque 90 000 habitants s’entassent à l’intérieur du périmètre des anciennes enceintes, l’ingénieur conçoit et réalise à partir de 1841 le Waterproject. Ce dispositif spatial savant combine un système de drainage (creusement de singels) avec un plan de réaménagement des faubourgs par-delà les fossés du Coolsingel et du Goudsesingel. Ces nouveaux secteurs, avec leurs canaux au tracé sinueux et pittoresque, doublent la surface de la vieille ville et englobent les faubourgs à l’ouest et à l’est. Légèrement à l’écart des extensions périphériques et reprenant la forme triangulaire du plan de la ville, le dispositif organise une limite à l’expansion urbaine non contrôlée et compose des centralités linéaires arborées pour un futur déploiement de la ville au-delà de ces singels. Pour Rose, le Waterproject s’inscrit dans un grand plan d’amélioration de l’hygiène – santé physique, morale et sociale – de la vieille ville. Il repose sur la construction d’un hôpital sur le Coolsingel (1839-1848), l’éradication des nombreux taudis du centre, où les maladies infectieuses prospèrent, et un développement urbain par-delà les enceintes démolies. Ainsi sur les terres souvent inondées de Cool et de Rubroek situées à l’ouest de Rotterdam, du Westersingel à Delfshaven, Rose projette, en 1858, le Coolpolderplan. L’ingénieur reprend le principe de son projet d’extensions portuaires à Feijenoord (1843) : une grille orthogonale de larges bassins découpant plusieurs quartiers rectangulaires
1340
1700
1900
1935
1970
1990 La croissance urbaine de Rotterdam et le développement de ses espaces verts.
21
Le front urbain de la Noordereiland, avec, en arrière-plan, le pont désaffecté De Hef.
Doc. Anne Pellissier, Idris Yangui
8/12/09
Ph. © Gw. Querrien
0911_0735_int:09110735_int
8/12/09
15:39
Page 22
Ph. © S. Rousseau
0911_0735_int:09110735_int
Ponts levants : De Hef, Coll. Gemeentearchief Rotterdam. Ph. ± 1880
désaffecté et classé Monument historique, et, derrière lui, le Koninginnebrug.
Le viaduc ferroviaire, sur la Rotte comblée, qui, de 1877 à 1993, traversait le centre-ville.
divisés en îlots au cœur desquels se trouvent des jardins. Si ces opérations font l’objet d’une approche planifiée par les services de la Ville, on ne peut pas en dire autant de l’arrivée du chemin de fer. Deux lignes desservent alors Rotterdam. La ligne Amsterdam-Haarlem (1839) atteint Rotterdam en 1847 (via Leyde et La Haye) dans une gare terminus toute proche de la Delftse Poort – non loin de l’emplacement actuel de la gare centrale. Une deuxième ligne relie Rotterdam à l’Allemagne via Utrecht en 1855, à partir d’une gare à l’est de la ville, proche de la Nouvelle Meuse, et qui deviendra la Maasstation en 1876. La question délicate reste leur interconnexion, résolue tardivement parce que la Ville craignait que le train ne fasse concurrence au port. La jonction se fera en deux étapes. En 1877, la prolongation de la première ligne, à travers la ville, enjambe le fleuve et permet ainsi le raccord avec sa rive sud et, au-delà, avec la Belgique. La solution retenue fait passer le train de la gare Delftse Poort en viaduc aérien à travers le triangle historique et franchir le fleuve par le Willemsspoorburg. Le projet comble la Rotte et une coulée de métal remplace désormais la rivière au cœur de la ville qui porte son nom. En 1899, la construction de la Ceintuurbaan, à laquelle la Hofpleinlijn vers Scheveningen sera raccordée en 1908, complète le dispositif. L’implantation de voies ferrées et de gares stimule la croissance économique de la ville tout en apportant son lot de problèmes urbains dont la résolution influencera longtemps les choix urbanistiques des responsables locaux. En cette fin du XIXe siècle, alors que la figure de l’industriel a remplacé celle du marchand, Rotterdam s’enrichit d’un certain nombre d’édifices représentatifs par leurs
Le quartier du Wijnhaven Ville de Rotterdam, dS+V, ph. © J. Boute
avec la Witte Huis au milieu des gratte-ciel, dont : à gauche, le Willemswerf (W. G. Quist) ; au centre, le Red Apple (KCAP) et les Waterstadtorens (HM Arch.) ; à droite, le Wijnhaeve (KOW).
22
15:39
Page 23
programmes, leurs formes et leurs matériaux issus de l’industrialisation florissante. Bâtiments de bureaux, entrepôts, magasins, usines constituent, en dehors du logement, les éléments caractéristiques de cette métamorphose urbaine. Le bâtiment le plus emblématique de cette période est sans conteste la Witte Huis (1897-1898) de l’architecte Willem Molenbroek (1863-1922). Avec ses 11 étages et ses 45 m de haut, il est alors le plus grand immeuble de bureaux d’Europe. Ce “gratte-ciel” aux façades et murs porteurs exprime une nouvelle source d’influence à laquelle les architectes et les artistes de Rotterdam seront très sensibles : celle des États-Unis. Ici en l’occurrence, il s’agit du San Francisco Examiner, construit en 1890 par John Root (1850-1891), que Molenbroek amalgame à une architecture française “Grand Siècle”. L’ensemble est un édifice éclectique décrié par la critique d’alors mais apprécié des Rotterdamois d’aujourd’hui parce qu’il est l’un des rares témoins du passé de leur ville. Le Poortgebouw, édifié quelques années plus tôt en 1879 sur l’île de Feijenoord, est un autre exemple notable d’édifice de bureaux. Œuvre de l’architecte J. S. C. van der Wall, ce siège de la Rotterdamsche Handelsvereeniging (R HV ) tient sa singularité de sa situation à l’extrémité d’une darse et au-dessus d’une route, qui en fait une porte de contrôle des activités du bassin. Plus récents, dans le Scheepvaartkwartier, les immeubles de bureaux tels que l’Elevatorhuis (19141915) de Michiel Brinkman (1873-1925), le Van Uden de J. H. de Roos (1909-1916) ou le SHV (1914-1916) de J. P. Stok Wzn, sont des exemples remarquables de l’Art nouveau local. Ce dernier architecte, auteur de nombreux immeubles de commerce et de bureaux à Rotterdam, est aussi le concepteur du bâtiment Hulstkamp (1889-1895), le long du Maaskade, à l’architecture néo-Renaissance. Ancienne manufacture pour fromage puis distillerie, il fait partie des châteaux de l’industrie, au même titre, mais plus modestement, que les entrepôts sur deux niveaux du Westelijk Handelsterrein dans le Scheepvaartkwartier, bâtis en 1894 par l’architecte T. L. Kanters. Les trente-six entrepôts disposés en fond de parcelle, de part et d’autre d’une impasse, sont aujourd’hui reconvertis en un ensemble de galeries d’art, de cafés et de restaurants organisé sur deux niveaux autour d’une rue intérieure couverte (2001, H. Klunder et J. W. van der Weerd). Un des lieux les plus fréquentés en cette fin de siècle est le passage conçu par J. C. van Wijk (1844-1891) et détruit en 1940. Lorsqu’il ouvre ses portes, en octobre 1879, les clientes affluent pour découvrir les trente boutiques de cette galerie commerciale, regroupées sous une verrière reliant la Korte Hoogstraat au Coolsingel.
L’essor d’une ville À la veille du XXe siècle, la révolution industrielle bat son plein, les activités portuaires prospèrent et provoquent l’afflux d’une population rurale en quête d’un avenir meilleur. Entre 1880 et 1900, le nombre d’habitants à Rotterdam passe de 160 000 à 315 000. Un contrôle de la croissance urbaine devient nécessaire. La loi de 1901 sur
le logement offre aux autorités locales ce pouvoir puisqu’elle impose, entre autres, aux villes de plus de 10 000 habitants de se doter d’un plan d’extension renouvelable tous les dix ans. En 1903, Rotterdam charge G. J. de Jongh d’établir ce premier plan. Celui-ci n’est au final guère plus qu’une compilation réactualisée des extensions urbaines récentes. L’accent porte autant sur les zones d’urbanisation à l’ouest (Coolpolder notamment, avec le Heemraadssingel envisagé comme futur axe principal de la ville) que sur l’établissement de meilleurs systèmes de communication entre les différents quartiers en aménageant de grands boulevards. Il dote notamment le Mathenesserlaan d’une largeur permettant le transfert de marchandises du port à travers la ville, ce qui stimule l’implantation de petites fabriques à ses abords et favorise la diversité du nouveau tissu urbain. De Jongh permet aussi à Rotterdam de passer à l’ère de la
Cafés dans les entrepôts reconvertis du Westelijk Handelsterrein.
Ph. © S. Rousseau
8/12/09
mécanisation et de l’électrification des transports et de la ville. Rotterdam est en effet la dernière grande ville néerlandaise à se doter d’un tramway électrique. En 1905, des capitaux belges permettent la réalisation par la Rotterdamsche Elektrische Tramwegmaatschappij (RETM) de la première ligne qui relie les quartiers riches de Kralingen (Honingerdijk) au Park (Westerlaan) via la place de la Bourse. Le réseau s’étend rapidement : neuf lignes dès 1910, treize en 1913. En 1910, Abraham C. Burgdorffer succède à De Jongh, jusqu’en 1922. Il conçoit un plan de circulation dans le centre-ville établissant une hiérarchie entre voies principales, rapides, et voies secondaires, lentes. Il prévoit un système triangulaire de circulation rapide sur le Coolsingel et le Goudsesingel ; côté Nouvelle Meuse, Blaak forme la connexion est-ouest. Ce plan n’a pas été mis en œuvre, mais il constituera une source d’inspiration lors de la reconstruction après la seconde guerre mondiale. Plus concrètement, Burgdorffer aménage le Coolsingel, en comblant le Coolvest, et y implante la 23
Coll. Gemeentearchief Rotterdam
0911_0735_int:09110735_int
Vue intérieure, dans les années 1920, du passage qui reliait jusqu’en 1940 le Coolsingel à la Korte Hoogstaat.
0911_0735_int:09110735_int
8/12/09
15:39
Page 24
Premier plan d’extension de Rotterdam établi Coll. Gemeentearchief Rotterdam
par G. J. de Jongh en 1903. L’animation du carrefour de la Hofplein en 1929 avec, au fond à gauche, le café Loos
Coll. Spaarnestad Photo. Ph. D. F. Eberhardt
(J. P. Stok Wzn).
Le Coolsingel dans les années 1930 avec, sur la gauche, le café De Unie Coll. Spaarnestad Photo. Ph. D. F. Eberhardt
(J. J. P. Oud) et l’entrée du passage, et, au fond, De Bijenkorf (W. M. Dudok).
24
nouvelle mairie (1912-1920) de Henri Evers (18851919) et la poste (1915-1923) de Kees Bremer (18801948). Dès lors, le Coolsingel devient le nouvel axe économique de Rotterdam et la Hofplein, située à son extrémité nord, un carrefour animé où les différents modes de circulation s’enchevêtrent (trains, autos, trams, vélos). C’est aussi un des hauts lieux de divertissement de la ville, avec notamment le café Loos (J. P. Stok Wzn, 1908), fameux pour ses lunchrooms pour dames, phénomène émergeant des débuts de l’émancipation féminine. Travaillant pour le service municipal des Travaux publics de 1913 à 1916, avant de former avec Marinus Jan Granpré Molière (1883–1972) et A. J. Th. Kok un cabinet d’architecture et d’urbanisme renommé, l’architecte Pieter Verhagen (1882-1950) participe à l’élaboration de nombreux dessins de quartiers d’habitation ouvriers comme Spangen, Crooswijk, Charlois, Beukelsdijk et Rozenburg. Grand admirateur de Henry David Thoreau2, il cherche à réconcilier la ville moderne avec la nature. Son approche du paysage l’amène à utiliser l’élément végétal pour relier entre eux des quartiers existants disparates. Cette démarche donne jour au Rotterdam contemporain. Au sortir de la première guerre mondiale, il conçoit, avec Granpré Molière et Kok, la première cité-jardin rotterdamoise, Vreewijk, qui reçoit immédiatement un bon accueil international. Produit du libéralisme ambiant, ville à deux vitesses,
2 – Philosophe américain (1817-1862), “père” de l’écologie et de l’histoire environnementale.
0911_0735_int:09110735_int
8/12/09
15:39
Page 25
Ci-contre : la partie ouest de la Waterstad. Le Leuvehaven délimité au sud par les Boompjes et à l’ouest par le Schiedamsedijk qui se prolonge par le Coolsingel.
3 – Confié d’abord à Michiel Brinkman décédé en 1925, le projet revient à son fils âgé de 21 ans. Les historiens conviennent que Van der Vlugt en est réellement le concepteur, avec l’aide de M. A. Stam qui suivit l’exécution.
dont la modernité impressionna Le Corbusier. En bas : la façade reconstituée sur le Mauritsweg du café De Unie.
vœux de son directeur, Cornelius H. van de Leeuw (1890-1973), qui imagine une collectivité à l’ouvrage se regardant. Le grand magasin De Bijenkorf (la Ruche) fut une autre pièce maîtresse du Mouvement moderne à Rotterdam, avant qu’il ne soit endommagé par les bombardements de 1940 et finalement démoli dans les années 1950. Construit en 1929 par Willem M. Dudok (1884-1974), il offrait à ses clients des points de vue sur la ville depuis une salle de restaurant et une terrasse panoramique disposées sur le toit. Sur le Coolsingel, un cabaret familial – 25
Ph. © Th. Mandoul
avec ses quartiers pauvres du centre-ville et du sud, Rotterdam adhère à la Modernité, ce dont témoigne notamment le mouvement De Opbouw. Cette association, fondée en 1920 à Rotterdam par Willem Kromhout (1864-1940) et où furent actifs artistes, graphistes et architectes – comme Van den Broek, Van Tijen, Van der Vlugt, Oud, Stam… –, a eu une grande influence en matière d’architecture moderne aux Pays-Bas et préconisait, outre “la lumière, l’air et l’espace”, l’utilisation de méthodes rationnelles et de procédés industriels. De Opbouw et De 8 (une association similaire fondée à Amsterdam en 1927) ont participé aux Congrès internationaux d’architecture moderne (CIAM) et, à partir de 1932, ont publié ensemble la revue De 8 en Opbouw. Parmi les réalisations architecturales de cette période, l’usine Van Nelle (1925-1931) est sans conteste le joyau de l’architecture fonctionnaliste rotterdamoise. L’œuvre, cosignée J. Brinkman et L. van der Vlugt3, est en bien des points révolutionnaire, aussi bien par sa structure porteuse avec ses poteaux champignons et ses murs-rideaux que par sa composition en autant de volumes que d’éléments du programme. Chaque volume correspond à une fonction singulière comme l’administration ou le traitement du thé, du café, du tabac. Les volumétries et les plans libres composent avec les exigences de la chaîne de fabrication et les
Van Nelle (Brinkman & Van der Vlugt),
Ph. © S. Rousseau
Ville de Rotterdam, dS+V, ph. © J. Klerks, 2008
Ci-dessous : l’usine
8/12/09
15:39
Page 26
Ph. © Gw. Querrien
0911_0735_int:09110735_int
du musée Boijmans van Beuningen. Ci-dessous : un des deux pavillons marquant les entrées du Maastunnel (J. P. van Bruggen, et al.). En bas : les escalators bondés du Maastunnel en 1949, alors un des rares points de passage entre
Ph. © Th. Mandoul
les rives du fleuve.
connu sous le nom de café De Unie – conçu par Jacobus J. Pieter Oud (1890-1963) ouvre ses portes en 1925. Sa façade, traitée comme un tableau du mouvement De Stijl, n’avait obtenu qu’une autorisation temporaire pour vingt ans. Malgré sa destruction par le bombardement de 1940, elle deviendra l’une des œuvres les plus marquantes du Rotterdam avant-gardiste – au point que sa façade a été reconstituée en 1986 sur la Mauritsweg par Carel Weeber (° 1937). Mais la grande figure de l’urbanisme de l’entre-deuxguerres à Rotterdam demeure celle de Gerrit W. Witteveen (1891-1979). Après avoir reçu une formation d’ingénieur en génie civil et travaillé pour l’État sur le dossier des chemins de fer, il est nommé directeur (1924) du nouveau service du Développement de la ville (Stadsontwikkeling), puis directeur général en 1939, jusqu’à sa démission en 1945. Witteveen est le premier à introduire dans ses plans une vision d’ensemble de la ville. Cela le conduit à en tracer les limites dans son plan d’extension de la rive sud en 1926. Il prévoit même le creusement d’un canal de 100 m de large entre le terri-
Coll. Gemeentearchief Rotterdam
Ci-dessus : les jardins
26
toire urbain et la campagne, reliant le port de Waalhaven à la Nouvelle Meuse. Mais ce projet démesuré est immédiatement condamné. Witteveen fait preuve de plus de pragmatisme et de savoir-faire pour l’aménagement d’une vaste propriété de 56 hectares située à l’ouest du centre-ville sur la rive droite. Le projet Dijkzigt, du nom de la villa des propriétaires Van Hoboken, actuellement le musée d’Histoire naturelle, a pour caractéristique d’avoir conservé cet espace ouvert dans la ville afin de composer un ensemble végétal urbain : le Museumpark. Plusieurs constructions voient le jour dans la partie orientale du parc : le musée Boijmans (1928-1935), œuvre de l’architecte Adrianus van der Steur (1893-1953), et trois villas “blanches” modernes, dont la villa Boevé (1931-1933) et la villa Sonneveld (1929-1933) dues aux architectes Brinkman et Van der Vlugt. Ces dernières font partie du patrimoine architectural le plus remarquable de l’entredeux-guerres rotterdamois. Un immeuble de bureaux conçu pour Unilever (1930-1931) par H. F. Mertens vient terminer le parc à l’ouest. Aujourd’hui, le Museumpark est devenu un haut lieu de la vie culturelle de Rotterdam avec la présence de plusieurs musées dont l’Institut néerlandais d’architecture (N AI ), tout en demeurant une oasis de verdure. Plus à l’ouest, la municipalité développera, à partir de 1965, le grand complexe hospitalier et universitaire Erasmus. Enfin, en bon ingénieur, Witteveen manifeste un vif intérêt pour la question des infrastructures routières et ferroviaires de la ville qui, planifiées sans égard pour le tissu urbain existant, ont engendré des espaces résiduels et des rues en cul-de-sac. Compte tenu des nombreux canaux et du fleuve, il est difficile de circuler dans la ville elle-même ainsi que dans sa périphérie. Aussi Witteveen cherche-t-il à améliorer l’interconnexion des différentes gares entre les rives nord et sud. Il est à l’origine, entre autres, du déplacement du zoo pour permettre un meilleur accès à la gare centrale, du percement de la rue Meent, du réaménagement de la Hofplein et de la construction d’un tunnel sous le fleuve, le Maastunnel (1937-1941). Ce dernier est composé de trois passages – pour les automobiles, les piétons et les vélos –, avec des entrées nettement identifiables par les deux pavillons de ventilation conçus par l’architecte A. van der Steur. La revue des services techniques municipaux le qualifie, dès 1938, de symbole de liberté, de vitesse et de modernité. Mais cette connexion ne peut suffire. Witteveen projette aussi la construction d’un pont à la hauteur de Kop van Zuid – à l’endroit même où sera bâti, dans les années 1990, le pont Erasmus – et envisage, pour la première fois dans une ville hollandaise, d’expérimenter un réseau de voies rapides périphériques avec des autoponts. De façon générale, le plan Witteveen tente de rétablir dans la ville l’équilibre entre l’habitat, le travail et les loisirs. La seconde guerre mondiale met un terme aux projets en cours.
Une reconstruction sous influence Le 14 mai 1940, la Luftwaffe bombarde le centre-ville. En quelques heures, 25 000 logements et 5 500 bâtiments – entreprises, écoles, églises – sont détruits. Un
0911_0735_int:09110735_int
8/12/09
15:39
Page 27
Le centre-ville : ci-contre, en 1932 ; ci-dessous, en mai 1946, après le déblaiement des gravats.
Coll. Gemeentearchief Rotterdam
Ph. © AVIODROME Luchtfotografie, Lelystad
Ph. © AVIODROME Luchtfotografie, Lelystad
incendie s’ensuit, sur 258 hectares. La Witte Huis, la mairie, la poste, la bourse et quelques rares autres édifices sont épargnés. Sur 144 bâtiments récupérables, très peu seront finalement réhabilités comme la Schielandshuis et la Sint Laurenskerk. Les autorités préfèrent la démolition. Une grande partie des gravats est utilisée pour combler des canaux et aménager notamment la Schiekade, Blaak et Schiedamse Vest qui figurent aujourd’hui parmi les principaux axes de circulation de la ville. Le bombardement fait table rase de sept siècles d’histoire urbaine et laisse 77 000 Rotterdamois sans abri. Dès le 18 mai, Witteveen commence, sous le contrôle de l’occupant, la conception de son plan de reconstruction. L’Histoire semble lui offrir la page blanche tant souhaitée par les urbanistes modernes de l’entre-deux-guerres. Le bombardement a souvent été analysé comme le moment fondateur du Rotterdam moderne, d’une renaissance de la ville, de l’émergence d’une société nouvelle qui aurait pris conscience de vivre un changement profond et irréversible. Cette destruction du cœur de Rotterdam, que l’artiste Ossip Zadkine figurera quelques années plus tard par un corps à la poitrine évidée – sculpture intitulée À une cité dévastée –, est devenue le point de départ d’un récit sur la modernité de cette ville, structurant les objectifs, les hasards, les causes en un tout cohérent. La réalité est plus prosaïque et tout autre. La reconstruction de Rotterdam est certes l’œuvre d’urbanistes, mais elle est surtout le résultat de l’action de personnalités influentes du monde de l’industrie, réunies dans le Club Rotterdam créé en 1928, dont le but est
27
Plan de reconstruction de Rotterdam de C. van Traa, 1946, avec projection d’un zonage fonctionnel sur le centre-ville.
0911_0735_int:09110735_int
8/12/09
15:39
Page 28
Ph. © Tom Kroeze, Rotterdam
d’être utile aussi bien à l’intérêt général de la ville qu’à celui de ses membres. Dirigé depuis 1931 par Van de Leeuw, le directeur de l’usine Van Nelle, le Club Rotterdam exprime son désaccord concernant le plan de reconstruction que Witteveen lui présente en juin 1940. Il estime, comme nombre d’architectes, qu’il reflète une époque révolue. Le Club Rotterdam s’oppose notamment à ceux qui perçoivent la proximité des activités portuaires comme un danger et une source de débauche. Il plaide au contraire pour l’émergence d’une nouvelle communauté ouverte au monde et pour la création d’un espace public en phase
Le Coolsingel en 1970 avec les pavillons de l’exposition “C 70”. Au fond, dans l’axe du Coolsingel, le complexe scolaire Technikon (Maaskant, et al.).
avec celle-ci. Le concept de la “fenêtre ouverte sur le fleuve” du plan de Van Traa va répondre à ces objectifs. L’ingénieur Cornelis van Traa (1899-1970), adjoint de Witteveen, reprend en effet le projet après avoir été nommé urbaniste de la Ville. Il est plébiscité par le Club Rotterdam et pour cause : Van Traa participe depuis plusieurs mois à des réunions sur le devenir de la ville avec ces industriels. Le plan est présenté à la municipalité en 1946. Van Traa, tout en reprenant les grands éléments structurants du projet urbain de Witteveen, s’appuie sur les théories de l’urbanisme moderne. Son plan repose sur l’organisation d’un réseau de transport ainsi que sur une stricte division fonctionnelle du territoire selon les principes du zonage (travail, récréation et habitation). Ainsi 28
Westersingel, Weena, Goudsesingel, Groenendaal, Blaak, Westblaak forment-ils désormais les limites du nouveau centre-ville. Blaak devient le quartier des banques et des compagnies d’assurances. Coolsingel reste le quartier des affaires. Le secteur entre Coolsingel et la gare est destiné aux complexes de cinémas et de théâtres. La partie comprise entre Coolsingel, Westblaak, Westsingel et Weena devient le territoire du commerce ; celle entre Mariniersweg, Goudsesingel, Oostplein et Groenendaal un quartier de bureaux pour les petites et moyennes entreprises. La zone d’habitation est limitée par Eendrachtsweg, Westblaak, Leuvehaven. La limite ouest de ce nouveau centre-ville est le Maastunnel. L’ouverture sur le fleuve est créée par le prolongement du Coolsingel sur la Schiedamsedijk (la digue de Schiedam) jusqu’à la Nouvelle Meuse, entraînant, pour dégager la vue, la démolition de ce qu’il restait de l’ancien grand magasin de Dudok. Étonnamment, cette vue sera de nouveau entravée par la construction du Musée maritime (1981-1986) de W. G. Quist, un choix aujourd’hui fort critiqué. Le plan de Van Traa devient un cadre juridique pour le travail des architectes du Mouvement moderne, dont Van den Broek et Bakema, Van Tijen et Maaskant. Ceux-ci donnent forme à la modernité rotterdamoise et en particulier à l’architecture des surfaces de vente, inventant, à partir des années 1950, de nouveaux temples dédiés à la consommation et aux services. Parmi les réalisations les plus marquantes, figure la rue piétonne commerciale du Lijnbaan (1951-1953), conçue par Jo H. van den Broek (1898-1978) et Jaap B. Bakema (1914-1981), avec ses logements collectifs, les Lijnbaanflats (1954-1956) de Hugh A. Maaskant (1907-1977). Au cœur du grand vide laissé par le bombardement, les architectes dessinent une nouvelle artère commerciale de soixante-cinq magasins, sur deux niveaux, qui s’alignent de part et d’autre d’une rue piétonne. Les circulations automobile et de service sont rejetées en périphérie du quartier restructuré, tout comme les barres de logements collectifs qui s’ouvrent sur des jardins publics. Cette innovation urbanistique et architecturale définit le prototype du centre commercial et résidentiel urbain de la reconstruction. Elle sera visitée et réinterprétée par des professionnels du monde entier. Construit au sortir de la guerre, le Groothandelsgebouw (1947-1953) de Willem van Tijen (1894-1974) et H. A. Maaskant est un véritable monument à proximité de la nouvelle gare centrale de Sybold van Ravensteyn (1889-1983) achevée en 1957 (en cours de démolition), une réponse originale à la pénurie de commerces et de bureaux. L’idée avancée en 1944 par l’entrepreneur Frits Pot est de regrouper entrepreneurs et commerçants de la ville dans une grande “ruche” pour réduire les coûts de construction et les délais. Le bâtiment occupe un vaste îlot rectangulaire de 220 m sur 84 m et mesure 43 m de haut. Il se caractérise par une structure en béton simple et répétitive qui trouve son expression en façade dans la reproduction monotone d’un seul type de panneau. Les camions de livraison disposent d’une rampe d’accès jusqu’au premier étage. Sa salle de cinéma sur le toit, avec sa
0911_0735_int:09110735_int
8/12/09
15:39
Page 29
grande fenêtre ouverte sur la ville pendant les entractes, fait de ce bâtiment l’un des pionniers en matière de programmation composite. Enfin, pour remplacer l’ancien grand magasin de Dudok, l’architecte Marcel Breuer (1902-1981) projette à l’angle du Coolsingel et de l’actuelle Beurstraverse un nouveau Bijenkorf (1955-1957) sous la forme d’une boîte presque entièrement close. Le revêtement de la paroi est constitué de panneaux hexagonaux en travertin à l’image d’un nid d’abeilles. Seuls le restaurant et les bureaux disposent de larges fenêtres horizontales. Il faut aussi évoquer le grand magasin Ter Meulen (1948-1951) et le magasin de meubles (19491951) sur le Lijnbaan de Van den Broek et Bakema, Les immeubles de bureaux de W. M. Dudok – De Nederlanden van 1845 (1942-1952), tout de brique dans un rationalisme fonctionnel – et deux réalisations de J. J. P. Oud – la Savings Bank (1942-1957), marquée d’un classicisme fonctionnel, et les bureaux Utrecht (1954-1961), dans un style international – participent au renouveau de la ville, tout comme l’hôtel Hilton (19601964) de H. A. Maaskant et F. W. de Vleming. Rotterdam se dote aussi d’un grand tri postal moderne, le Stationspostkantoor (1945-1959) des architectes E. H. A. & H. M. J. H. Kraaijvanger. Conçu pour un triage totalement automatisé, l’édifice mesure 34 m de large et organise une reprise de charge sur une seule file centrale de colonnes. Les façades sont en béton brut avec briques de remplissage. Enfin, malgré la réalisation de plusieurs équipements culturels comme la salle de spectacle De Doelen (1955-
Ci-contre : la rue Karel Doormanstraat en 1960, avec, à droite, les immeubles du Lijnbaan (H. A. Maaskant, et al.). Colonne de gauche : en haut, le grand magasin
Ter Meulen (Van den Broek et Bakema) ; en bas, une des trois cours intérieures du Groothandelsgebouw (H. A. Maaskant, W. van Tijen).
de la rue piétonne du Lijnbaan vus depuis une coursive d’un “Lijnbaanflat”. En bas : le nouveau
Bijenkorf de M. Breuer et la sculpture de N. Gabo.
Ph. © Th. Mandoul
Ville de Rotterdam, dS+V, ph. © J. Boute
Ph. © Th. Mandoul
Ph. © J. F. H. Roovers, ± 1960
Coll. Gemeentearchief Rotterdam
Ci-dessous : les toits
29
8/12/09
15:39
Page 30
Ph. © www.aeroview.nl, 2002
Coll. Gemeentearchief Rotterdam
0911_0735_int:09110735_int
En haut : projet de double rotonde à la hauteur de l’Oudehaven
1966, les frères Kraaijvanger et R. H. Fledderus) ou le cinéma Thalia (1953-1955, J. P. L. Hendriks, W. van der Sluys et L. A. van der Bosch), Rotterdam peine à reprendre sa place sur la scène culturelle néerlandaise.
(C. van Traa, 1946). En bas : l’échangeur de la Kleinpolderplein.
Nouvelles infrastructures de transport La modernisation de Rotterdam s’opère non seulement par la construction d’équipements, mais aussi par l’amélioration de ses infrastructures de transport. La réalisation d’un aéroport sur le polder Zestienhoven – celui de Waalhaven, rive gauche, ayant été détruit préventivement pour éviter son utilisation par les troupes allemandes –, sera un pas significatif vers la société moderne. Les travaux débutent en août 1955, et l’aéroport ouvre dès 1956. Mais confronté à la concurrence de Schiphol, l’aéroport majeur hollandais, distant seulement de 60 km du centre de Rotterdam, il ne jouera jamais un rôle important dans le développement de la ville. L’entrée réelle de Rotterdam dans l’époque contemporaine est liée à l’augmentation de la circulation automobile et à la place que lui accorde la municipalité dans ses projets urbains. À partir du plan de Van Traa de 1946, les planificateurs travaillent sur la création d’un vaste 30
réseau. Ce que la guerre n’a pas détruit peut l’être à tout instant pour le bien de la circulation routière et, lorsque se pose la question de la connexion de la rive droite en centre-ville avec l’île de Noordereiland, l’Oudehaven est menacé de destruction ainsi que la Witte Huis. Van Traa prévoit à cet endroit la croisée d’axes de circulation majeurs et la réalisation d’un gigantesque rond-point censé résoudre tous les problèmes de flux. Relier les deux rives du fleuve se révèle si complexe et la solution proposée si coûteuse que les plans, sans cesse reportés, ne seront jamais réalisés. Sur les terrains réservés pour cette opération, la Ville construira par la suite la bibliothèque centrale (1977-1983) de Van den Broek et Bakema, les logements-cubes (1978-1984) de Piet Blom (1934-1999) ainsi qu’une partie de la station de métro Blaak (1987-1993) de Harry C. H. Reijnders (° 1954). À partir de 1955, le Maastunnel et l’ancien pont métallique Willemsbrug n’étant plus en mesure de faire face à l’expansion du trafic automobile, l’État donne la priorité à l’aménagement d’une voie de circulation rapide autour de la ville, en forme de parallélogramme : la Ruit (le Carreau). C’est un monument d’autoroutes et d’échangeurs tels que Kleinpolderplein, Terbregseplein et IJsselmondseplein. Ce projet, dont les grandes lignes avaient déjà été tracées avant la guerre, est achevé en 1973. Pour cela, le ministère des Travaux publics doit financer deux franchissements du fleuve : à l’est, un pont en arc à tablier suspendu, le Van Brienenoordbrug, mis en service en 1965 ; à l’ouest, le tunnel Benelux sous la Nouvelle Meuse, entre Vlaardingen et Hoogvliet, dont le premier passage est achevé en 1967 puis complété par d’autres tunnels pour une ligne de transport en commun et une piste cyclable. Pour parfaire ce dispositif autoroutier périphérique, la municipalité décide de remplacer le Willemsbrug afin de garantir un meilleur accès au centre-ville depuis Noordereiland. Le nouveau Willemsbrug, ouvert en 1981, permet de préserver définitivement l’Oudehaven et devient, avec ses deux haubans rouges, un maillon du lien visible et symbolique entre les rives nord et sud. De la même manière, la création d’un métro, inauguré en 1968, participe au développement des relations entre les deux rives du fleuve. Il compte aujourd’hui deux lignes qui distribuent le territoire de Rotterdam, de part et d’autre de la Nouvelle Meuse du nord-est au sud-ouest.
Retour à des valeurs urbaines Cette grande machine à circuler n’est cependant pas sans conséquence. Elle provoque de nombreux effets de barrière – certaines infrastructures devenant elles-mêmes infranchissables – et fragmente la ville en un archipel de grandes îles entre lesquelles coulent des rivières d’automobiles. Rotterdam, la grande victime de la guerre, l’enfant gâté des pouvoirs publics, est devenu le premier port du monde. Mais le spectacle des grues et des pelleteuses de la reconstruction a cédé la place à un urbanisme moderne de plus en plus critiqué par l’opinion publique, tant au centre que dans les quartiers périphériques. En ville, en particulier dans les vieux quartiers épargnés par le bombardement, les habitants s’opposent à la démoli-
8/12/09
15:39
Page 31
tion de leurs logements vétustes. Un vent de contestation se lève. La jeunesse remet en cause l’ordre établi et dénonce la société de consommation et ses dérives. Les défenseurs de la nature s’opposent au Plan 2000+, une extension du port qualifiée de mégalomane. Grande échelle et production de masse ne font plus recette. Ce mécontentement général se traduit par la victoire, en 1974, des socialistes aux élections municipales. Dès leur prise de fonction, ils décentralisent l’ensemble des services municipaux et démocratisent les procédures de concertation. La nouvelle approche urbaine dite Bouw voor de buurt (construire pour le quartier) s’accompagne d’un goût prononcé pour le small is beautifull qui prône le retour à une échelle plus humaine. Une nouvelle génération d’architectes, adeptes de la Nieuwe truttigheid (littéralement : la nouvelle ringardise) et de l’architecture proliférante, fait émerger une architecture urbaine singulière. Les projets de logements, d’ateliers et de magasins de Sint Jacobsplaats (1975-1981) de Jan Hoogstad (° 1930) et d’Aat S. van Tilburg (° 1942), l’ensemble de logements de Leuvehaven (1975-1980) d’A. J. ter Braak, ou bien encore le quartier de Hofdijk (1977-1983) de Jan Verhoeven (1926-1994), avec ses toits rouges à deux pentes, ont en commun, outre une critique de l’urbanisme moderne, la réintroduction du rapport à l’eau en centre-ville et la recherche d’une image de maison urbaine, d’identité de quartier, voire villageoise, au cœur de la ville. Plus radical est le pont urbain de cubes (1978-1984) de P. Blom, élève d’Aldo van Eyck et membre du Team X, qui articule le long d’une rue surélevée des logements sociaux et des commerces. Son projet de reconversion de l’Oudehaven restaure le lien entre lieux de détente et activités maritimes par de grandes terrasses de cafés avec vue sur les vieux bateaux ancrés dans le port. Le vent de contestation s’étend vers l’est, lorsque le patrimoine industriel de l’ancienne usine de traitement des eaux DWL est menacé de destruction après sa cessation d’activités en 1977. L’année suivante, une communauté de jeunes créateurs militants, Utopia, dont un certain nombre d’étudiants de la faculté d’architecture de Delft4, occupe le vieux château d’eau et s’oppose à la démolition. Le groupe élabore entre 1983 et 1996 avec les services municipaux et l’urbaniste Elizabeth Poot un projet alternatif de logements préservant l’héritage industriel. Station de pompage, bassins de décantation, locaux techniques deviennent le cadre de vie d’une population à la recherche de nouveaux équilibres moraux, sociaux, économiques, environnementaux. Pendant les années 1970, les élus de gauche s’opposent aussi à la construction de bureaux en centre-ville. Aussi les trois tours d’Europoint (1971-1975) de l’agence américaine Skidmore, Owings & Merrill (SOM), dans lesquelles s’installent les services d’urbanisme, sont-elles implantées sur la Marconiplein, dans l’ouest de la ville, à la limite des infrastructures portuaires. En parlant de la
4 – Parmi lesquels Hans Oldewarris et Peter de Winter, fondateurs, en 1987, de la maison d’édition d’architecture 010 Publishers.
Ph. © S. Rousseau
0911_0735_int:09110735_int
tour Shell (1973-1976) située sur la Hofplein, le maire adjoint à l’urbanisme, aura ce mot célèbre : “Ce sera la dernière érection du capitalisme dans la ville.” Mais pour certains artistes du milieu underground rotterdamois de l’époque, notamment le poète et écrivain Jules Deelders et le photographe Paul Martens, Rotterdam se fourvoie et souffre d’une grave crise d’identité. Ils ne reconnaissent pas leur ville dans ce culte de la petite échelle et rejettent avec virulence la Nieuwe truttigheid. Pour eux, Rotterdam, c’est justement tout le contraire : une grande ville avec une circulation chaotique, des grands immeubles, une vie nocturne et un esthétisme rude et technique. Les décideurs des années 1980 reprennent à leur compte les propos des milieux artistiques. Le discours officiel affirme la nécessité de donner une image de métropole internationale à la ville, passant notamment par la densification du centre et de certains quartiers et par la reconquête d’une place importante sur la scène culturelle néerlandaise. Le conseil municipal propose en 1985 le projet Binnenstadsplan ou Inner City. La démarche vise le développement de quatre entités territoriales du centre-ville dénommées : Parkendriehoek (Triangle des parcs), Centrumruit (Carreau du centre), 31
Le Westersingel (avec le Mauritsweg à droite du singel) et son musée de sculptures en plein air. Au fond à droite, des tours du quartier d’affaires de la Weena et, à gauche, le Groothandelsgebouw.
8/12/09
15:39
Page 32
Ville de Rotterdam, dS+V, ph. © J. Boute
0911_0735_int:09110735_int
enfin, avec l’aménagement du parc des Musées (19851993) par Rem Koolhaas en collaboration avec le paysagiste français Yves Brunier (1962-1991). Cette impulsion culturelle sans précédent s’inscrit dans la continuité de la politique que la Ville avait lancée à la fin des années 1970 avec la création de la bibliothèque centrale, la restauration de la Schielandshuis – lieu principal du Musée historique de Rotterdam – et surtout le Musée maritime (1981-1986) et le théâtre de la Schouwburg (1982-1988) de W. G. Quist, pour ne citer que ces exemples. Le Carreau du centre est une aire quadrangulaire recouvrant la partie haute du centre-ville, où le Lijnbaan constitue la grande figure urbaine axiale. Le principal projet sur cette zone est la constitution d’un boulevard, Weena, de 60 m de large reliant, d’ouest en est, la gare et le carrefour de la Hofplein. Après des années de déshérence, ce boulevard, profitant de sa proximité avec la gare, a pris en moins d’une décennie l’aspect d’une artère métropolitaine bordée de tours. Plusieurs multinationales y ont installé leur siège ou leurs bureaux comme
La Schouwburgplein (A. Geuze / West 8) avec ses lampadaires-grues. Sur la gauche, le cinéma multiplex (K. J. van Velsen) et, au fond, la salle de concert De Doelen (les frères Kraaijvanger,
Ph. © Th. Mandoul
et al.).
Hofplein avec vue sur le quartier d’affaires de la Weena.
Tunneltracé (Emprise du tunnel ferroviaire) et Waterstad (Ville de l’eau). Le Triangle des parcs prolonge le concept élaboré par Witteveen dans les années vingt en concentrant le renouveau des institutions muséales à proximité de Dijkzigt et du Museumpark. Une nouvelle dynamique est créée avec la construction de l’Institut néerlandais d’architecture (N AI 5, 1988-1993) de Jo M. J. Coenen (° 1949), du Kunsthal (1988-1992) de Rem Koolhaas (° 1944) et du musée d’Histoire naturelle (1992-1995) d’Erick van Egeraat (° 1956), des extensions du musée Boijmans van Beuningen (1997-2003) de P. Robbrecht et H. Daem, et, 32
les assurances Nationale-Nederlanden (1986-1991, A. Bonnema) ou Unilever (1988-1992, J. Hoogstad). L’architecture, souvent postmoderne, est dans son ensemble assez convenue. Cependant, la densité de l’opération et la présence de nombreuses galeries marchandes au pied des tours ont permis d’établir plusieurs passages entre ce nouveau boulevard, le Lijnbaan et les
5 – Il s’agit d’un projet national regroupant trois instances amstellodamoises de recherche et de documentation dont la Ville a obtenu qu’il soit installé à Rotterdam.
8/12/09
15:39
Page 33
Ville de Rotterdam, dS+V, ph. © J. Klerks, 2008
0911_0735_int:09110735_int
grands équipements culturels tels que De Doelen, un complexe de cinéma (1992-1996) ou le théâtre de la Schouwburg. Ces équipements, regroupés sur la Schouwburgplein (1990-1997), font de cette place un haut lieu de la culture que le paysagiste Adriaan H. Geuze (° 1960) a souhaité transformer en un podium urbain éclairé par des grues-luminaires. Il est aujourd’hui chargé de restructurer la place. La troisième entité territoriale est définie par l’emprise du tunnel ferroviaire ouvert en 1993. La destruction en surface de l’ancien viaduc ferroviaire a redonné à la ville une large et longue tranchée nord-sud, la Binnenrotte. L’idée romantique de retrouver la rivière la Rotte n’a pas été adoptée. Rotterdam a préféré faire de ce lieu une place de marché, peu animée les jours où les commerçants sont absents. La réalisation d’un grand marché couvert, conçu par MVRDV, donnant sur la Binnenrotte, et l’occupation progressive du périmètre par des immeubles de logements, dont certains de grande hauteur, des bureaux et des commerces devraient rendre ce site plus vivant et plus attractif. Dernière entité du projet Binnenstadsplan, la Waterstad englobe, sur la rive nord, une surface triangulaire couvrant les anciens bassins – Leuvehaven, Wijnhaven, Scheepmakershaven –, allant du carrefour de la Churchillplein aux rives de la Nouvelle Meuse en passant par Blaak. L’ensemble fait l’objet d’une densification verticale progressive, commencée en réalité à la fin des années 1970 autour de la Churchillplein et sur le front du fleuve. L’immeuble de bureaux blanc (19831989) de W. G. Quist est l’expression d’un phénomène devenu incontournable, le retour du tropisme de cette ville pour son fleuve. On assiste enfin, à l’instar des travaux menés par Oriol Bohigas sur Barcelone, à une
volonté politique de revalorisation des espaces publics de la ville. Il s’agit de réduire la place accordée aux automobiles et d’aménager des espaces publics : le Coolsingel est redessiné, le tramway roule sur des tapis d’herbe, les pistes cyclables se mutiplient... Sur le quai nord de la Nouvelle Meuse, Kees W. Christiaanse (° 1953, agence KCAP) est chargé de concevoir le redéveloppement des Boompjes (1989-1990). Malgré le projet de restaurant (1989-1990) de Mecanoo6 et l’implantation du Maastheater (1994-1996), le résultat reste peu convaincant. L’importante artère routière sur berges et la double hauteur du quai créée à la suite de la grande inondation de 1953 font des Boompjes et du Maasboulevard des espaces souvent déserts. Mais l’idée maîtresse qui guide désormais le développement de Rotterdam, et qui était déjà l’un des axes du plan de Van Traa de 1946, est de créer depuis la Churchillplein une fenêtre ouverte sur le fleuve et ses activités portuaires. La ville de Rotterdam renoue avec sa dimension maritime en se tournant enfin vers sa rive sud, ce à quoi va contribuer la reconversion des friches portuaires de Kop van Zuid à partir de 1987.
6 – Henk J. Döll (° 1956), Erick L. J. M. van Egeraat (° 1956), Francine M. J. Houben (° 1955), Roelf Steenhuis (° 1956), Chris de Weijer (° 1956).
33
Vue aérienne montrant la trace persistante de l’ancien triangle historique de la ville et de la Rotte comblée (la Binnenrotte). Au premier plan, l’immeuble Willemswerf.
0911_0735_int:09110735_int
8/12/09
15:39
Page 34
0911_0735_int:09110735_int
8/12/09
15:40
Page 35
Habiter Rotterdam Alors que des Néerlandais fortunés se partagent, avec les touristes du monde entier, le centre-ville d’Amsterdam, c’est une population haute en couleur qui anime celui de Rotterdam. À quelques centaines de mètres de la gare centrale, la West-Kruiskade, une de ses plus célèbres rues commerçantes, invite au voyage. Chinois, Caribéens, Indiens s’y mêlent et marchandent. Ils reflètent une infime partie de la diversité des 162 nationalités qui peuplent aujourd’hui Rotterdam. En 2008, plus de 588 000 habitants, dont 46 % étrangers, résident dans un parc de plus de 287 000 logements. Ces habitations, comme leurs occupants, disent tout haut ce qui sépare Rotterdam de la capitale batave, sa grande rivale. La ville portuaire présente un visage plus populaire fait d’architectures domestiques modestes mais souvent modernes et innovantes, voire d’avant-garde.
Vers un logement d’avant-garde On ne trouve pas à Rotterdam l’équivalent des riches habitations de commerçants amstellodamoises du XVIIe siècle. Ce qui pouvait s’en rapprocher, comme les maisons des marchands construites sur les Boompjes, a été détruit. S’il existe encore çà et là, principalement autour du port de Delfshaven, quelques maisons des XVIIe et XVIIIe siècles, le Rotterdam des belles demeures remonte tout au plus à la seconde moitié du XIXe siècle, période où la ville connaît sa plus grande croissance démographique et où l’industrie du bâtiment devient la deuxième activité après celle du port. Bien que les familles aisées n’aient eu de cesse de vouloir déserter la
ville au profit de La Haye avec ses beaux quartiers à proximité de la plage, quelques opérations d’habitations bourgeoises ont tout de même été réalisées et subsistent encore. C’est le cas du Scheepvaartkwartier autour du port de Veerhaven, qui présente un ensemble homogène d’immeubles et de maisons de ville construit, côté centre-ville, sur le plan d’extension du XVIIIe siècle du Zalmhaven et pour sa partie ouest, dans la seconde moitié du XIXe siècle, selon le tracé de W. N. Rose. Le long de la Parklaan s’élèvent de somptueuses villas réalisées pour des industriels ou des banquiers fortunés. Elles donnent à l’arrière sur le parc de Muizenpolder ou sur le Schoonoordpark qui assuraient le lien entre Parklaan et l’avenue Westzeedijk au nord. L’un des plus beaux fleurons de l’architecture domestique néo-Renaissance de la fin du XIX e siècle a été construit là par l’architecte J. C. van Wijk : des demeures mitoyennes cossues sont assemblées selon un plan général en fer à cheval autour d’un jardin central dessiné par Hendrik P. Berlage (1856-1934). Mais c’est le long des berges verdoyantes des singels que se trouvent les architectures domestiques bourgeoises les plus remarquables, généralement construites entre 1870 et 1930. Heemraadssingel, conçu par G. J. de Jongh et réalisé entre 1890 et 1926 sur les terrains du Coolpolder, en est un des exemples les plus aboutis. Les façades souvent éclectiques ou Art nouveau de ces maisons de maître en bande, à deux ou trois étages, sont caractérisées par une travée verticale largement vitrée avec bow-windows et balcons ouvrant les vues des 35
Trente années de logements : des maisons-cubes (au premier plan) à la tour Red Apple, avec, à son pied, l’Académie des beaux-arts (K. Christiaanse), la gare et la station de métro Blaak (H. C. H. Reijnders, et al.). Ph. © Th. Mandoul.
8/12/09
15:44
Page 36
Ph. © Th. Mandoul
0911_0735_int:09110735_int
Ville de Rotterdam, dS+ V, ph. © J. Boute
Ci-dessus : maisons de marchands sur le Wijnhaven, dont les façades remontent au
XVIIIe
s.
Ci-contre : lotissement bourgeois dans le Scheepvaartkwartier, Koningin Emmaplein,
Ph. © Th. Mandoul
1891.
Lotissements bourgeois à Kralingen, Voorschoterlaan et Concordialaan, 1891-1904.
pièces principales sur le canal. L’ornementation fait de chacune de ces maisons une œuvre unique, les architectes les plus connus en étant J. van Gils, C. N. van Goor et P. G. Buskens. Entre 1830 et 1900, le parc de logements de Rotterdam passe de 16 000 à 45 000 habitations. Construites par des particuliers et des entrepreneurs privés, elles respec36
tent les alignements imposés par les services municipaux. En échange, ces derniers les raccordent au réseau d’eau potable et aux égouts, et prennent à leur charge l’entretien des rues. La municipalité prend soin d’acheter des parcelles situées aux emplacements stratégiques. Elle peut de la sorte menacer les propriétaires récalcitrants d’entraver l’accès à leur propriété. A priori chacun y trouve son compte, les propriétaires n’ayant aucun frais d’entretien et la municipalité économisant sur les coûts d’aménagement des voiries. Il en a été ainsi pour la Voorschoterlaan et l’avenue Concordia construites entre 1891 et 1904, qui rassemblent quelques-uns des plus beaux échantillons de maisons de ville bourgeoises éclectiques et Art nouveau de Rotterdam. Les habitants les plus démunis s’entassent, quant à eux, dans une ville qui n’est pas équipée pour les accueillir. Entre 1880 et 1900, le nombre d’habitants de Rotterdam augmente de 160 000 à 315 000 personnes. Un tiers de cette croissance est dû à l’installation de nouveaux arrivants, principalement des paysans des provinces de la Zélande et du Brabant du Nord, et un quart aux habitants des territoires des communes environnantes annexées. La crise du logement ouvrier est alors aiguë. Elle profite aux spéculateurs sans scrupules qui, grâce aux nouveaux systèmes hypothécaires, achètent à crédit des parcelles rurales aux portes de la ville. Ils y construisent de petits immeubles dont les logements “à alcôves” (placards à lits) et sans confort sont loués à des prix exorbitants, et où il n’est pas rare de trouver des familles de dix personnes. Cette production, connue sous le nom de revolutie bouw, caractérise le tissu urbain des quartiers ouvriers du XIXe siècle à Rotterdam. La loi de 1901 sur le logement, dite Woningwet, met progressivement un terme à ces excès, même s’il faudra attendre 1937 pour que Rotterdam interdise les logements à alcôves, alors qu’Amsterdam le fait dès 1905. La Woningwet oblige désormais chaque municipalité à édicter un règlement pour toute nouvelle construction. La loi autorise l’État à avancer des financements à faible taux d’intérêt aux communes et aux associations à but non lucratif désireuses de produire de l’habitat social. Parmi les grands “monuments” domestiques de cette époque, il faut évoquer la cité-jardin de Vreewijk réalisée à l’initiative du banquier K. P. van der Mandele au bénéfice des classes défavorisées. Conçue sur la rive sud, à partir de 1916, par H. P. Berlage (premières esquisses), P. Verhagen, J. H. de Roos, W. S. Overreijnder et surtout M. P. Granpré Molière, elle est en 1930, avec ses 3 000 logements, une des plus grandes d’Europe. Composée de plusieurs lotissements assemblant des maisons individuelles mitoyennes pittoresques et des équipements, Vreewijk est parfois présentée comme le contre-exemple réussi des citésjardins modernes qui verront le jour à Rotterdam pendant l’entre-deux-guerres. À partir de 1919, les conditions sont réunies pour que Rotterdam se lance dans une production quantitative et rationnelle du logement ouvrier, après que l’introduction du vote au suffrage universel, en 1917 pour les hommes et en 1919 pour les femmes, ait modifié l’ordre politique
0911_0735_int:09110735_int
8/12/09
15:44
Page 37
établi et porté le SDAP, le parti travailliste social-démocrate, au pouvoir. Nommé cette année-là maire adjoint de Rotterdam, le socialiste Arie Heijkoop (1883-1929), avec son collaborateur, l’ingénieur A. Plate, s’attèle à l’amélioration des conditions de vie des travailleurs et à faire régresser la pénurie de logements ouvriers. Il s’appuie sur des propositions typologiques innovantes, ainsi que sur l’emploi de nouvelles technologies et sur des recherches en matière d’industrialisation. J. J. P. Oud, architecte de la Ville de 1918 à 1933, va participer à l’avènement de cette nouvelle architecture et contribuer à faire de Rotterdam la ville de l’avant-garde hollandaise. Commencé en 1918, Spangen est le premier quartier de logements pour ouvriers construit après-guerre par la Ville. À partir d’un tracé urbain en étoile de Burgdorffer, Oud et Brinkman réalisent entre 1919 et 1922, sur sa partie ouest, quatre îlots fermés de taille et d’organisation distinctes. Deux trapézoïdaux, conçus avec Johan C. Meischke (1899-1966) et Pieter Schmidt (1888-1955), contiennent en leur centre des équipements scolaires et de services ainsi que des jardins. Deux autres, rectangulaires, montrent un travail particulier sur la cour commune en relation avec les appartements, de plain-pied ou en duplex, et leurs distributions. Les angles sur rue de ces îlots font l’objet d’une réflexion esthétique savante d’Oud. Mais l’innovation de Spangen repose surtout sur la proposition de M. Brinkman dont l’îlot rectangulaire de 84 m sur 144 m, comportant plus de 260 logements, rompt avec toutes les typologies en usage à l’époque. Brinkman projette des bâtiments alignés sur rue avec cours intérieures ouvertes et équipées de services collectifs tels qu’une buanderie, des douches publiques, un système de chauffage central, un solarium, un garage à vélos. On y trouve deux types de logements : des appartements de plain-pied au rez-de-chaussée et au premier étage, accessibles depuis la cour, et des maisonnettes desservies par une large coursive intérieure au deuxième étage. Tous les logements ont ainsi un accès privatif direct depuis l’extérieur et bien qu’ils soient de surfaces réduites – 57 m2 pour trois chambres –, ils sont conçus fonctionnellement selon les idées modernes sur le logement minimum : division jour / nuit, rangements intégrés, cuisine meublée, avec vide-ordure, et plan d’ensemble rationnellement distribué. Aujourd’hui, l’opération est en attente d’une deuxième réhabilitation, après une première peu satisfaisante à la fin des années 1980, visant à redonner à ce quartier le visage de l’utopie positive qu’il avait à l’origine. Au moment où Brinkman achève au nord-ouest de Rotterdam l’ensemble de Spangen, la Ville entreprend d’explorer l’utilisation de nouveaux matériaux et procédés constructifs afin de réduire les temps de mise en œuvre et les coûts de production. À Bloemhof, dans le sud de la ville, maîtres d’œuvre et maître d’ouvrage expérimentent l’emploi du béton préfabriqué dans les lotissements de Kossel I et II (1921-1924) – du nom de la firme allemande qui développe le procédé constructif – d’après les plans de l’architecte J. Hulsbosch, puis de Stulemeijer I (1923) et II (1924-1925) conçus par J. M. van Hardeveld, enfin sur la Lange Hilleweg (19281929) avec les architectes W. van Tijen et W. Greve. À ces
Quartier d’habitat populaire dense du
XIXe
s.
à Oude Westen. Cour et coursive de l’opération de M. Brinkman à Spangen (1919-1922).
Ph. © Th. Mandoul
Ph. © DR
de logement social
Angle d’un îlot de logement social de J. J. P. Oud à Spangen
Ph. © Th. Mandoul
(1919-1920).
37
9/12/09
Ph. © S. Rousseau
0911_0735_int:09110735_int
15:00
Page 38
expériences s’ajoutent les recherches typologiques menées par la Ville, comme celles pour l’îlot Reserveboezem III (1922-1924) à Crooswijk (dont la démolition est aujourd’hui programmée) avec des appartements pour couples sans enfants qui communiquent avec ceux de leurs voisins, veufs ou veuves avec enfants. Grâce à la promulgation d’une loi sur le logement d’urgence en 1918, qui autorise la construction de logements temporaires, J. J .P. Oud conçoit des habitations dites semi-permanentes pour les familles les plus démunies. Il projette à Oud-Mathenesse, entre Spangen et Schiedam, le Witte Dorp (le village blanc, 19221924), un lotissement de 343 maisonnettes en bande – disposées selon une succession de triangles concentriques –, au centre duquel se trouve une place publique. L’image de ce village avec ses toits en pente et ses formes élémentaires enrichies de détails raffinés
Logements sociaux. En haut : Reserveboezem III, à Crooswijk (rive nord), 1924.
Ph. © Th. Mandoul
Sur la rive sud : ci-contre, logements en béton, procédé Kossel, quartier Hillesluis,
Ph. © S. Rousseau
1921-1924 ;
ci-dessus, De Kiefhoek à Bloemhof, 1925-1930 (J. J. P. Oud).
contraste fortement avec la ville industrielle qui l’entoure, sans qu’il apparaisse toutefois comme une solution d’avant-garde. La durée de vie du lotissement envisagée par Oud était de vingt-cinq ans : elle sera de plus de soixante. Malgré les protestations des habitants et des historiens de l’architecture, la Ville démolit ces logements d’urgence en 1985 pour les remplacer par un lotissement insignifiant. 38
Le projet de maisons en bande d’Hoek van Holland (1924-1927) instaure une période de recherches néoplasticiennes et modernes sur la production du logement ouvrier axées sur l’habitation standardisée et une mise en œuvre scientifiquement organisée. Il s’agit, pour reprendre les mots d’Oud, de créer un appartement Ford (Wohn-Ford), conçu pour une famille type et offrant le confort moderne. Ces projets et la recherche de l’“espace minimum” nécessaire au bien-être d’une famille ouvrière rejoignent la quête que poursuit Ernst May (1886-1970) à Francfort à la même époque. Cette démarche est immédiatement saluée par la scène architecturale internationale. Elle fait d’Oud un architecte d’avant-garde reconnu. Le célèbre quartier du Kiefhoek (1925-1930) sur la rive sud de Rotterdam assied définitivement cette renommée. Ce lotissement de 291 maisons individuelles en bande, avec ses deux magasins et son jardin d’enfants, son église et son service commun d’eau chaude, constitue un des grands moments de l’histoire de l’architecture hollandaise. Il démontre comment un habitat individuel dense, économique et moderne, peut composer de façon savante des formes urbaines cohérentes insérées dans un contexte existant. Pour des raisons de techniques constructives et d’évolution des modes de vie et de confort, ce lotissement a été rasé et reconstruit à l’identique, entre 1990 et 1995, sous la conduite de l’architecte Witze Patijn (° 1947), avec des modifications de plans d’appartement. Autre icône des années 1930, un ensemble de logements collectifs conçu par J. H. van den Broek est édifié dans le quartier de Blijdorp en bordure du Vroesenpark. Réalisée entre 1929 et 1935, l’opération présente les principaux caractères de l’architecture et de l’urbanisme modernes : l’îlot ouvert sur le parc, une esthétique abstraite, une distribution fonctionnaliste et flexible des plans d’appartement, des façades révélant les procédés de construction (structure poteaux / poutres en béton apparente et briques de remplissage), de larges ouvertures vitrées. Van den Broek – dont la première œuvre est un remarquable ensemble de trois immeubles constituant la place de Mathenesseplein (1927-1929) – réalisera par ailleurs des centaines de logements pour des entrepreneurs privés, seul puis associé avec J. Brinkman, puis avec J. B. Bakema. Les architectes W. van Tijen, Brinkman et Van der Vlugt expérimentent pour leur part l’habitation verticale en réalisant l’opération de Bergpolder (1932-1934) : un immeuble d’acier et de verre de neuf étages composé de logements identiques hautement standardisés, distribué par coursives et doté d’un ascenseur – le premier à être installé dans un habitat populaire. Il constituera, avec ses locaux communs en rez-de-chaussée, un prototype pour de nombreux immeubles de logements économiques à venir. En collaboration avec H. A. Maaskant, W. van Tijen réitère l’opération deux ans plus tard en concevant une barre de logements plus luxueux (1936-1938), avec vue imprenable sur le lac de Kralingen. Toutefois, la structure qui devait être en acier est remplacée par une ossature en béton pour des raisons économiques. Ainsi les architectes de l’avant-garde rotterdamoise n’élaborent-
8/12/09
15:44
Page 39
Colonne de gauche :
Ph. © Th. Mandoul
0911_0735_int:09110735_int
en haut, logements collectifs à Overschie, ouvrant sur le Vroesenpark, 1929-1935 (J. H. van den Broek) ; en bas, logements sociaux à Bergpolder, 1932-1934
ils pas seulement des logements pour les plus démunis ; ils savent aussi séduire la riche bourgeoisie éclairée. En effet, c’est également à Brinkman et Van der Vlugt que le directeur de l’usine Van Nelle confie la conception de sa propre maison (1927-1929) à Kralingen puis, deux ans plus tard, celle de la villa Sonneveld (1929-1933) à Rotterdam même. Ces tentatives et expérimentations architecturales et urbaines démontrent l’ouverture d’esprit et l’inventivité des acteurs et des architectes fonctionnalistes rotterdamois, bien éloignés de l’architecture de l’école d’Amsterdam, dont ils dénoncent les débordements formels et critiquent le manque de qualité et de confort des logements. Mais la diversité des expériences ainsi que l’empirisme pragmatique du choix de leurs implantations trahissent une conception au coup par coup de la politique urbaine, à l’opposé de la gestion cohérente d’autres villes de la même époque : Francfort et Vienne établissent de grands plans régulateurs, tandis qu’Amsterdam met en œuvre le plan de Berlage puis celui de Cornelius van Eesteren qui fait des prévisions démographiques un des fondements de son plan de 1935.
Ph. © Th. Mandoul
Ph. © Th. Mandoul
(Van Tijen, et al.). Ci-contre : immeuble de logements bourgeois donnant sur le lac de Kralingen, 1936-1938 (Van Tijen, et al.).
en 1961), Brabants Dorp sur la Zuidplein (rasé en 1966), ainsi que Landzicht (1941), la cité-jardin De Vaan (1944) et le Wielewaal (1949) qui existent encore. Ce sont des baraques réservées aux familles nombreuses les plus démunies. Leurs habitants ont souvent mauvaise réputation et sont vite qualifiés d’“asociaux”, ce qui entrave leur accès à de meilleures conditions de logement. À Rotterdam, la crise du logement sera la plus forte et la plus longue du pays malgré la rapidité avec laquelle furent conçus les plans de reconstruction du centre-ville par Witteveen en 1941 puis par Van Traa en 1946. Le port a besoin de main-d’œuvre et les immigrés affluent en nombre, en particulier de l’Europe du Sud et des anciennes colonies. En 1954, 23 000 familles habitent des taudis et 24 000 sont en attente d’un logement. Pour en obtenir – ou en partager – un, un permis doit être délivré par les autorités. Aussi, nombreux sont ceux qui
Ph. © Th. Mandoul
Le logement de l’après-guerre Le 14 mai 1940, le bombardement de Rotterdam anéantit en quelques heures le centre-ville. Aux 25 000 logements dévastés, laissant 77 000 personnes sans abri, il faut hélas rajouter les 2 661 logements détruits le 31 mars 1943, par une erreur de l’armée de l’air américaine, jetant 18 000 personnes supplémentaires à la rue. Pour répondre à l’urgence, on construit des logements provisoires : Utrechtse Dorp sur le Noordkanaal (rasé 39
Habitation moderne ouvrant sur le lac de Kralingen, 1955-1958 (C. Slob).
8/12/09
15:44
Page 40
Ph. © S. Rousseau
0911_0735_int:09110735_int
La place Plein 1953 à Pendrecht (C. I. A. Stam-Beese
Ph. © Th. Mandoul
urbaniste).
Ci-dessus et ci-contre : logements collectifs et habitat individuel dans le quartier
Ph. © Th. Mandoul
d’extension Ommoord.
s’installent illégalement. Pourtant dès 1946, la construction de nouveaux quartiers a été relancée, leur planification datant souvent de l’avant-guerre. C’est le cas, sur la rive nord, avec Blijdorp, Schiebroek, Overschie, OudMathenesse et, sur la rive sud, avec Carnisse, puis Lombardijen, Zuidwijk et Pendrecht. 40
Ces quartiers de l’après-guerre sont conçus selon un principe d’unité de quartier (wijkgedachte), une théorie développée pendant la guerre7 qui pose la question de la relation du tout à ses parties. L’objectif est d’ordonner la ville le plus clairement possible à partir des composants successifs comme le voisinage, le quartier, le secteur (buurt, wijk, stadsdeel). L’extension urbaine se doit d’être perçue comme une entité décentralisée composée de quartiers nettement séparés les uns des autres. De grandes coulées vertes les dissocient et de larges axes de circulation les relient à la ville existante. Entre 1946 et 1977, les quartiers de Kleinpolder (1947-1955), Pendrecht (1949-1953), Hoogvliet (1947-1975), Het Lage Land et Ommoord (1962-1977) sont réalisés selon ce principe. Ils sont l’œuvre d’une femme architecteurbaniste du département de Planification urbaine et de la Reconstruction, Lotte Stam-Beese (1903-1988). Pendrecht, quartier destiné à l’origine aux travailleurs du port et situé le plus à l’ouest des projets urbains réalisés sur la rive sud, est sans doute l’opération la plus aboutie de toutes. C’est le premier projet établi à partir du concept d’unités de vie (wooneenheden) développé par Van Tijen & Maaskant et Brinkman & Van den Broek. Pour des raisons sociales, économiques et esthétiques, différents types de logements sont combinés
7 – Cf. l’étude publiée en 1946 sous la direction de l’ingénieur A. Bos, directeur de la planification urbaine de la Ville, sous le titre :
De Stad der toekomst. De toekomst der stad, Rotterdam, éd. Voorhoeve.
8/12/09
15:44
Page 41
pour former la matrice de l’unité de vie. Cet élément générateur est composé d’un assemblage orthogonal de maisons en bande et d’immeubles d’habitation de trois ou quatre étages distribués par des escaliers et des coursives. On y distingue trois catégories de logements, pour les personnes âgées, les célibataires et les familles. Le concept d’unité de vie instaure une hiérarchie clairement exprimée entre les unités de base, équipées de commerces de proximité et celles d’échelle supérieure de quartier, accueillant des équipements comme des écoles et des lieux de culte. La répétition et la juxtaposition des constructions font émerger une nouvelle esthétique rationnelle et leur standardisation permet de réaliser une économie substantielle. Mais leur uniformité, qui se voulait aussi l’expression de l’égalité de tous face au logement, est aujourd’hui critiquée pour sa monotonie. En centre-ville, le plan de Van Traa de 1946 prévoit la construction de 10 000 logements et de milliers de mètres carrés d’espaces commerciaux, de travail et de bureaux. Une nouvelle typologie d’îlots et d’immeubles modernes apparaît, reposant sur la constitution de grands îlots rectangulaires dont les larges cours centrales sont aérées, ensoleillées et accessibles à la circulation automobile. Elles servent à la fois de lieu de récréation, de parking et d’accès de service pour les commerces et les bureaux situés en rez-de-chaussée des immeubles, comportant par ailleurs cinq à six niveaux de logements. Les abords de Groenendaal et d’Oostplein ont été reconstruits selon ce modèle et l’architecture des immeubles varie suivant leur concepteur et la date de leur réalisation : toiture à deux pentes pour les immeubles de la fin des années quarante ; toiture-terrasse, structure en ossature béton et remplissage pour ceux des années cinquante. Les plans des appartements bénéficient du confort moderne avec balcons ou loggias et mettent en application les divisions fonctionnalistes jour / nuit et servi / servant. La critique formulée à l’égard de ce dispositif spatial repose en grande partie sur le fait que les appartements s’ouvrent sur la cour et les espaces de service. Cette confusion des genres a suscité de nouvelles réflexions urbaines et architecturales, conduisant à l’inauguration du célèbre quartier du Lijnbaan (1954-1956) de H. A. Maaskant, A. Krijgsman et H. D. Bakker autour du nouveau concept de centre commercial piétonnier (1951-1953) de J. H. van den Broek et J. B. Bakema. Commerces et logements sont ici séparés. Les immeubles d’habitation de trois, neuf et treize étages s’articulent autour d’un square verdoyant ouvert à tous. Bien que dotés de tout le confort moderne et situés en centre-ville, ils n’attirent pas les populations aisées espérées qui leur préfèrent la maison individuelle en périphérie. Les années de l’après-guerre ont ainsi répondu au choix d’une société privilégiant une prospérité collective plutôt qu’individuelle, dont l’origine est à rechercher dans le puissant sentiment communautaire caractéristique des Pays-Bas, à la base de la construction de l’État-providence néerlandais. Mais à partir de 1965, l’ancien système de la vie collective se fissure. Style de vie non conventionnel, culture de la contestation, refus de la hié-
Ph. © Th. Mandoul
0911_0735_int:09110735_int
rarchie, émancipation, politisation conduisent à remettre en question les politiques urbaines. Cela d’autant plus que, durant les années 1970, la production massive de logements neufs et les ambitieux plans d’extension de Rotterdam et de son port avaient laissé beaucoup de logements vétustes sans entretien dans les vieux quartiers spéculatifs du XIXe siècle, occupés par une population de condition modeste ainsi que par des étudiants. Deux projets de rénovation urbaine vont focaliser l’attention publique sur ces secteurs. L’un porte sur la création d’une voie d’accès au centre-ville nécessitant la destruction de centaines de logements des quartiers de l’Oude Noorden et de Crooswijk, ainsi que sur l’achèvement du comblement de la Rotte en ville. L’autre concerne le quartier d’Oude Westen promis à la démolition dans le cadre d’une rénovation urbaine radicale. Les habitants de ces quartiers manifestent leur désaccord au point de faire du sujet l’ordre du jour principal des élections municipales de 1974 qui seront remportées par le PVDA, le parti travailliste qui soutient leurs revendications. Comme un peu partout en Europe du Nord, la consultation et la participation des habitants aux projets de réhabilitation des quartiers populaires vivent leur heure de gloire. C’est l’époque du Bouw voor de buurt – construire pour le quartier –, soutenu par de jeunes architectes comme Witstock, Eijkelenboom, Hammel, Girod & Groeneveld et Quist pour l’Oude Westen. La démarche combine à la fois démolitions, rénovations, constructions et créations d’espaces publics et de jardins, tout en préservant la trame urbaine existante. Entre 1974 et 1977, 25 000 logements sont achetés et rénovés par la municipalité. En 1990, ce sont au total 50 000 logements qui ont été réhabilités. Ces diverses initiatives expliquent le fait que le mouvement des squatters n’ait pas eu à Rotterdam l’ampleur qu’il a connue à Amsterdam. Par ailleurs, dans le cadre de la politique nationale de regroupement familial (19731983), les travailleurs immigrés turcs et marocains trou41
Les immeubles du Lijnbaan, 1954-1956 (H. A. Maaskant, A. Krijgsman, H. D. Bakker).
0911_0735_int:09110735_int
8/12/09
15:44
Page 42
vent des logements pour leur famille dans ces quartiers. Cependant, les projets de réhabilitation font peu de place à la classe moyenne qui ne trouve plus à se loger en centre-ville. Pour tenter d’enrayer l’hémorragie, la Ville y stimule la réalisation de logements plus confortables. Ceux du Leuvehaven, de la Hofdijk et du Delftsevaart sont typiques de la production d’habitations en accession à la propriété des années 1970. Plus spectaculaires seront, à la fin de cette décennie, les célèbres logements-cubes de P. Blom. À partir de 1975, l’habitat collectif en hauteur, du type du quartier moderne d’Ommoord (1962-1977), a pratiquement disparu des programmes de construction laissant place à un urbanisme à petite échelle. Les
nouveaux quartiers d’extension, qui comportent de nombreux espaces dits verts et qui sont baptisés “quartiers en chou-fleur” (bloemkoolwijken) du fait de leur distribution en cul-de-sac (en principe pour éviter les accidents d’enfants), ont une architecture néo-villageoise, qualifiée de nouvelle architecture ringarde (Nieuwe truttigheid). Le débat sur la forme urbaine est relancé par le complexe de logements sociaux Peperklip (1979-1982) de C. Weeber, sur la rive sud. À contre-courant des adeptes de la Nieuwe truttigheid, celui-ci réintroduit une certaine monumentalité à l’échelle du port. Malheureusement, l’ensemble ne tardera pas à devenir le quartier à problèmes le plus célèbre de Rotterdam.
À gauche : l’ensemble de logements sociaux De Peperklip, 1979-1982 (C. Weeber). À droite : rénovation urbaine du centre-ville autour du Delftsevaart, 1975-1981 (J. Hoogstad, A. S. van Tilburg, N. F. J. Zwarts). Ci-dessous : opérations autour de Blaak. De g. à d., la station de métro Blaak
Ph. © Th. Mandoul
centrale (Van den Broek
Ph. © Th. Mandoul
et la bibliothèque & Bakema), la Blaaktoren et les logements-cubes, 1978-1984 (P. Blom).
Ph. © S. Rousseau
Les autorités de Rotterdam stimulent la recherche de typologies adaptées à des formes de cohabitation moins traditionnelles. En 1980, de jeunes étudiants en architecture de l’université de Delft, qui forment à cette occasion le groupe Mecanoo, remportent le concours de logements pour jeunes de la Kruisplein (1981-1985). Dans la foulée, la Ville réalise quelques opérations de dé-densification remarquables, comme le projet de la Tiendplein (1984-1990) dans le quartier d’Oude Westen. Le groupe Mecanoo y remodèle l’espace public en articulant avec dextérité une terrasse de jeux pour enfants située au-dessus de garages et une place reliée par un porche à la rue commerçante.
42
Politique et production néo-libérales du logement À la fin des années 1970, la politique de l’État-providence est à son apogée. Son intervention dans le secteur du logement, justifiée à ses débuts par la pénurie de l’après-guerre et l’explosion démographique, l’est
0911_0735_int:09110735_int
8/12/09
15:44
Page 43
ensuite par un souci d’égalité et de qualité de vie. Aussi bien les loyers que la construction de logements sont dans une large mesure subventionnés, et près de 70 % de la population habite un logement locatif aidé, ce qui pèse lourd sur le budget du royaume. La maîtrise des dépenses publiques, imposée par la future création de la monnaie unique, va modifier profondément l’orientation de la politique néerlandaise du logement dans les années 1990. Peu à peu, les pouvoirs publics se désengagent et les organismes H LM sont privatisés. Ainsi l’ancienne association municipale de logement social devient-elle la W BR – Woningbouw Bedrijf Rotterdam –, l’entreprise de logement de Rotterdam. On estime alors qu’un pourcentage maximum de 30 % de logements sociaux doit suffire à garantir la continuité et la qualité de la production d’habitat social. Les corporaties (nouvelle appellation des organismes de logements sociaux) ont désormais le droit de construire et de vendre de l’habitat haut de gamme à condition de réinvestir leurs profits dans l’entretien et la gestion de leur patrimoine social. Ce système prône la mixité sociale. Il veut stimuler la rotation et la diversité des parcours résidentiels. Dès 1992, une note du ministère néerlandais de l’Habitat, dite VINEX (Vierde Nota Ruimtelijke Ordening Extra), définit les principes encadrant la construction de nouveaux logements à la périphérie des villes. Une économie de marché consensuelle est mise en place qui favorise la production de l’habitat individuel en accession à la propriété. Ces quartiers d’extension – comme Nesselande, une opération VINEX située dans le nordest de Rotterdam – sont développés par les corporaties en partenariat avec des promoteurs privés devenus incontournables car en grande majorité propriétaires des terrains à bâtir. La directive Mensen-Wensen-Wonen (les hommes, les désirs, l’habiter), parue en 2000 et signée par l’ensemble des acteurs de la production du logement aux Pays-Bas, met l’accent sur la qualité. Il ne s’agit plus de se loger mais d’habiter. Pour répondre aux aspirations des consommateurs (que sont devenus les habitants) à un logement sur mesure, il faut stimuler la diversification du parc de logements. La montée en puissance de l’individualisme s’accompagne d’une remise en cause des réglementations urbaines. Une partie de Nesselande devient ainsi un terrain d’expérimentation de la déréglementation inspirée du concept urbain Wilde wonen (l’habiter libre / sauvage) de l’architecte C. Weeber : il devient possible d’acquérir des parcelles constructibles exemptées de tout contrôle esthétique. Ce développement de l’habitat individuel a pour effet pervers de vider les quartiers de logements sociaux de leurs habitants les plus solvables. La rentabilité étant devenue la règle, les corporaties se font désormais concurrence et, fortes du savoir-faire acquis en collaborant avec les promoteurs privés, cherchent à capter la clientèle moyenne, voire aisée, en intégrant de l’habitat individuel dense dans leurs programmes de reconversion. Le quartier de Crooswijk, en cours de réhabilitation, et dont les futurs logements individuels sont conçus par Adriaan Geuze, en est une illustration.
Ci-contre : logements dans le quartier DWL, 1983-1996.
sur la Kruisplein, 1981-1985 (Mecanoo).
En bas : opération de reconversion de la Tiendplein à Oude Westen, 1984-1990 (Mecanoo).
Ph. © S. Rousseau
Ph. © Th. Mandoul
Ville de Rotterdam, dS+V, ph. © J. Boute
Ci-dessous : logements
43
0911_0735_int:09110735_int
8/12/09
15:45
Page 44
Ci-contre : l’ensemble de logements individuels Nabuurschap à Hoogvliet, avec des espaces publics collectifs, 2005-2009 (Van Bergen Kolpa).
dans le quartier VINEX Nesselande
Ph. © Th. Mandoul
Ph. © S. Rousseau
commencé en 2001.
Ph. © S. Rousseau
Ph. © Jeroen Musch
Colonne de droite : opérations de logements
Ci-dessus et ci-contre : quartier VINEX Nieuwe Terbrugge. Les Landjes, opération de logements individuels denses, ouvrant sur des canaux et s’organisant autour de plateformes qui couvrent des parkings et distribuent les maisons en bande, 1998-2001
Ph. © Th. Mandoul
(Mecanoo).
44
La Ville développe tout de même une politique de restructuration des quartiers défavorisés, ayant recensé 100 000 habitations économiques vétustes. Celles-ci sont situées en majorité sur la rive gauche et principalement dans les extensions modernes de l’après-guerre réalisées à l’initiative d’organismes de logements sociaux, ainsi que dans des quartiers construits au XIXe siècle ayant aujourd’hui un fort taux de propriétaires occupants. Dans les quinze ans à venir, la Ville souhaite rénover, avec l’aide de l’État pour les zones en grande difficulté, les grands quartiers de logements de la périphérie. Dix-neuf sites sont concernés, à Hoogvliet, Charlois, IJsselmonde, Feijenoord, KralingenCrooswijk, Delfshaven et Hillegersberg-Schiebroek, des territoires qui concentrent de nombreux problèmes économiques et sociaux. La Ville affiche sa volonté de mener ces rénovations selon des approches adaptées à chaque situation. L’expérience W IMBY ! (Welcome In My Backyard!) menée par le groupe Crimson8 à Hoogvliet prend en compte les singularités de la population résidante et réinvente une nouvelle forme de participation. Transformant le plan de rénovation urbaine prévu en un processus de négociation original, Crimson appelle à produire un urbanisme expérimental et créatif qui réutilise la matière physique et sociale existante pour le bien de la collectivité. Pour ces architectes-historiens, la tabula rasa ne peut constituer une solution.
8 – Ewout Dorman, Annuska Pronkhorst, Michelle Provoost, Simone Rots, Wouter Vanstiphout, Cassandra Wilkins.
8/12/09
15:45
Page 45
Avec Hoogvliet, Rotterdam renoue avec une certaine tradition expérimentale en matière d’urbanisme et de logement, comme aussi depuis quelques années avec les projets dits Hot-spots ou Klushuizen (maisons à bricoler). Ces opérations, aussi qualifiées de gentripunctuur, sont suivies par le S E V (Stuurgroep Experimenten Volkshuisvesting). Ainsi, pour le projet du Wallisblok dans le quartier Spangen, la Ville s’estelle portée acquéreur d’habitat privé dégradé. Elle a pris en charge la mise en sécurité et l’a cédé à des prix défiant toute concurrence à une population de condition modeste et plutôt jeune avec une obligation d’investissement d’un minimum de 80 000 euros dans l’aménagement de chaque logement. 75 habitations ont été rénovées en 39 maisons / appartements par les nouveaux propriétaires organisés en association et encadrés par l’architecte Ineke Hulshof (° 1954). L’opération est un succès et a fait l’objet d’une publication dans l’annuel de l’architecture néerlandaise 2007/2008. L’essor – notamment à Rotterdam – du parti populiste du Rotterdamois Pim Fortuyn (assassiné en 2002) et le meurtre du cinéaste Theo van Gogh en 2004 ont exacerbé aux Pays-Bas le débat sur l’immigration et consacré la répartition des habitants de ce pays en “autochtones” et “allochtones”. À Rotterdam, dirigé depuis janvier 2009 par le maire travailliste d’origine marocaine Ahmed Aboutaleb9, le quartier BospolderTussendijken (Delfshaven) à forte population immigrée fait l’objet de deux projets singuliers. Le premier – le Medi (1999-2008) – vise in fine une certaine mixité sociale même s’il est destiné aux classes moyennes. Dû à l’initiative de Hassani Idrissi, entrepreneur d’origine marocaine soutenu par la municipalité, cet ensemble de 93 logements en accession à la propriété a été réalisé par un promoteur et deux corporaties dans une architecture d’inspiration méditerranéenne (Geurst & Schulze). Il comporte des appartements et des maisons de ville de types variés regroupés autour d’une cour
Ph. © S. Rousseau
Ph. © S. Rousseau
0911_0735_int:09110735_int
centrale accessible par cinq grandes portes fermées la nuit. Des études de marché ont permis de préciser le “concept” et le profil des futurs propriétaires : “les nouveaux Rotterdamois”, jeunes ménages urbains – autochtones comme allochtones –, de formation supérieure, sensibles à la création et à la culture. Le second projet, également soutenu par la Ville et un organisme social, a une approche plus communautariste. En 2002 dans la Bruijnstraat, plusieurs familles turques ont constitué une association, Biz Botuluyuz, afin de faire réaliser des logements économiques en accession à la propriété aidée, répondant à leurs besoins ainsi qu’à leurs goûts et souhaits concernant les plans et la distribution (pièces carrées mieux adaptées au mobilier turc, emplacement des toilettes, terrasse commune en cœur d’îlot…) : 9 maisonnettes et 15 appartements ont été ainsi conçus par l’architecte marocaine Nadia JellouliGuachati et livrés en 2008. Ainsi, s’il existe encore une réflexion singulière sur l’habiter et le logement à Rotterdam, elle est peut-être à rechercher dans l’application de stratégies ponctuelles, comme celles soutenues par le groupe Crimson, dans des opérations dites de gentripunctuur, ou encore dans des programmes conçus pour des populations spécifiques, comme les personnes âgées. Innovations et expérimentations résident alors dans la capacité de ces projets à œuvrer en faveur d’une implication active des habitants et à établir des processus d’organisation débouchant sur des relations plus équilibrées avec les autorités municipales et les promoteurs. Une façon de renouer avec les grandes expérimentations en matière de logement qu’a connues Rotterdam dans les années 1920.
9 – Aux Pays-Bas, les maires sont nommés par le Commissaire de la reine pour une durée de six ans. Le conseil municipal, élu tous les quatre ans, intervient dans la définition du profil recherché, reçoit les candidats sélectionnés par le Commissaire et émet un avis.
45
À gauche : une opération
Klushuizen. Ci-dessus : la cour intérieure du Medi à Bospolder, 2002-2008 (Geurst & Schulze).
0911_0735_int:09110735_int
9/12/09
15:00
Page 46
0911_0735_int:09110735_int
8/12/09
15:45
Page 47
Stratégies du Rotterdam contemporain Difficile de se frayer un chemin jusqu’au centre-ville lorsque l’on descend en gare de Rotterdam en ce début d’année 2009. Dès l’arrivée, le voyageur est plongé dans un bouillonnement, une effervescence de chantiers. Celui de la gare en premier lieu qui doit accueillir en 2011 le Thalys. L’achèvement de la ligne à grande vitesse devrait porter la fréquentation de 111 000 passagers par jour à plus de 300 000. L’ancienne gare, conçue par Sybold van Ravesteyn en 1957, ne pouvant absorber une telle augmentation du trafic, a été démolie – avec pour victime collatérale le premier projet construit de Rem Koolhaas : une station de bus réalisée en 1987. La conception de la nouvelle gare avait été, après concours, confiée à l’architecte britannique William Alsop (° 1947). Mais l’aspect “verres à champagne” a déplu au parti de Pim Fortuyn, Leefbaar Rotterdam, qui, après avoir gagné les élections municipales de mars 2002, s’empressa de destituer le maître d’œuvre anglais pour lui préférer Team CS – l’équipe des architectes Benthem & Crouwel, Meyer et Van Schooten –, et West 8 pour les espaces publics. Quittant la gare, le visiteur affronte les sols retournés du parvis et voit se profiler à l’horizon les travaux au début du Westersingel et devant la Schouwburgplein. Il s’agit du Calypso, un immeuble résidentiel aux façades de verre pliées, dont le projet fut longtemps contesté par les riverains et que certains présentent comme un lot de consolation attribué à Alsop après son éviction du projet de la gare. D’ici fin 2012, 407 appartements s’élèveront jusqu’à 71 m de haut, posés sur un socle de bureaux et de boutiques et intégrant une nouvelle église qui remplacera la
Pauluskerk, la paroisse du père Hans Visser, “l’abbé Pierre” de Rotterdam. Au final, tout le centre-ville de Rotterdam est sens dessus dessous, et ce pour quelques années encore. Les mouvements des grues et les battages des palplanches enfoncées dans le sol rythment le paysage urbain au point que certains parlent même d’une deuxième reconstruction. À moins que la crise économique mondiale ne modifie la donne, Rotterdam s’est lancé dans la réalisation d’un nombre conséquent de projets destinés à revaloriser son centre ainsi que ses friches portuaires, tendant à ce que le fleuve redevienne le centre de gravité de la vie quotidienne rotterdamoise.
Kop van Zuid, la nouvelle attraction d’une ville pour son fleuve Dans quelles directions et selon quels processus Rotterdam doit-il se développer ? Ces questions, les édiles n’ont jamais cessé de se les poser. La ville doit-elle s’étendre vers l’ouest, tel que De Jongh l’avait envisagé avec ses avenues et ses canaux ou bien Witteveen avec ses parcs et son tunnel ? Doit-elle s’ouvrir sur la Nouvelle Meuse reprenant en cela l’idée de Van Traa avec sa “fenêtre sur le fleuve”, ou bien s’étendre au-delà, sur la rive sud, selon celle de Rose d’une extension de la Waterstad ? Les lignes de croissance se tendent aujourd’hui d’autant plus vers l’ouest et le sud qu’elles recouvrent désormais des friches portuaires ou des ports en évolution. L’idée d’un développement du site de Kop van Zuid, sur la rive gauche, a été avancée dès 1982, lors du premier 47
Vue sur Kop van Zuid, avec la Maastoren (Dam & Partners), le pont Erasmus, le complexe Wilhelminahof (cité administrative et judiciaire, Kraaijvanger & Urbis ; C. G. Dam), le théâtre Luxor (Bolles + Wilson) et la tour KPN (R. Piano). Ph. © Th. Mandoul.
15:45
Page 48
© Alsop Architects
8/12/09
Ph. © Th. Mandoul
0911_0735_int:09110735_int
Ci-dessus : la gare centrale en chantier, avec, au fond, le quartier d’affaires Weena. À droite : le projet Calypso © Team CS
(W. Alsop), sur le Mauritsweg (Westersingel). Ci-contre : le projet de la nouvelle gare centrale (Team CS).
Vision de la Noordereiland, illustration de la couverture du rapport
Nieuw Rotterdam, 1987.
événement AIR (Architecture International Rotterdam), organisé par la section Architecture de la fondation des Arts de Rotterdam10 et portant sur le thème “The Image of the City”. L’opération fait alors l’objet de débats et de spéculations dans le cadre du concours d’idées auquel contribuent les architectes Josef Paul Kleihues, Aldo Rossi, Oswald Mathias Ungers et Derek Walker. Kop van Zuid devient ainsi un laboratoire en matière d’architecture et d’urbanisme et acquiert une visibilité dans le milieu professionnel international11. La Ville opère un tournant dans sa politique urbaine en 1987 sur la base de deux études qu’elle a commandées : Vernieuwing van Rotterdam et Nieuw Rotterdam. Celles-ci plaident pour une approche globale des problèmes et axent la revitalisation socio-économique sur le développement des services, sur un nouveau rapport entre la ville et son port, sur la reconquête des friches portuaires et sur la création d’une image de Rotterdam comme métropole internationale. Ces deux documents font aussi état d’idées, de tendances et de projets – dont Kop van Zuid – impulsés par différents organismes ou mouvements souvent non institutionnels. L’intérêt de la municipalité se porte alors sur deux aires portuaires qui ont cessé leur activité à la fin des années 1960 : Delfshaven Buitendijks sur la rive droite, à l’ouest du centre-ville, au-delà de la tour panora48
mique Euromast (1958-1960) ; Kop van Zuid sur la rive gauche en face du centre-ville. Une reconversion simultanée de ces friches se révélant économiquement irréalisable pour une ville de taille moyenne comme Rotterdam, c’est finalement Kop van Zuid qui est choisi comme premier territoire d’extension, grâce notamment à la détermination de l’urbaniste Riek Bakker (° 1944), directrice du département Développement urbain de la Ville de 1986 à 199112. L’agence de Teun Koolhaas (1940-2007), avec H. de Boer, est chargée du plan directeur du secteur qui s’étend du quartier de Feijnoord à l’est à ceux d’Afrikaanderwijk et de Katendrecht à l’ouest et qui intègre la péninsule du Wilhelminapier entre la Nouvelle Meuse et le Rijnhaven même si elle s’en distingue topographiquement. Commencé en 1993, l’aménagement de Kop van Zuid devait en principe se terminer en 2010. Tout ne sera sans doute pas achevé à cette date mais, à terme, devraient être construits 400 000 m2 de bureaux, 755 000 m2 de logements, 95 000 m2 d’équipements et autres usages. L’accent est mis sur les relations entre l’architecture et l’aménagement urbain ainsi que sur la notion de mémoire collective qui apparaît comme un élément incontournable pour la transformation de ces lieux. Aussi en 1994, le conseil municipal décide-t-il de protéger le pont transbordeur métallique appelé De Hef (1924-1927) dont l’activité a cessé le jour où fut inauguré (1993) le tunnel ferroviaire sous la Nouvelle Meuse. C’est une des premières fois à Rotterdam, qu’une infrastructure obsolète relative au che-
10 – Devenue par la suite un centre d’architecture de la Ville. 11 – AIR 82 a aussi donné lieu à une exposition et une publication sur les architectures portuaires : P. de Winter, J. de Jong, et al.,
Havenarchitectuur: een inventarisatie van industriële gebouwen in het Rotterdamse havengebied, Rotterdam, éd. Rotterdamse Kunststichting Uitgeverij, 1982. 12 – De 1991 à 1993, elle est directrice des services de l’Urbanisme et du Logement social.
8/12/09
15:45
Page 49
min de fer et au port est préservée et reconnue comme un objet culturel, porteur d’une valeur historique. Suivront les bassins portuaires comme le Binnenhaven et le Spoorweghaven, des bureaux comme le Poortgebouw et des entrepôts comme le Vrij Entrepot de Vijf Werelddelen. La présence des grands bassins et des traces des anciennes voies ferrées adjacentes a d’ailleurs induit la création de grands axes de composition nord-sud pour réorganiser le triangle de l’opération de Kop van Zuid, lui-même découpé en différentes entités : Zuidkade, Landtong, Entrepot, Spoortunnel Locaties, Stadstuinen, Peperklip et Parkstad. Au fur et à mesure que les Rotterdamois redécouvrent les installations portuaires délaissées, le rôle et l’importance du fleuve tendent à se modifier. D’abord voie de communication et de transport mais aussi frontière naturelle séparant
Ph. © Th. Mandoul
Ph. © S. Rousseau
Ville de Rotterdam, dS+V, ph. © P. Schmidt
0911_0735_int:09110735_int
les deux rives, la Nouvelle Meuse apparaît peu à peu comme l’élément commun qui les relie. Le pont suspendu Erasmus (1990-1996), conçu par Ben van Berkel (° 1957) & Caroline Bos (° 1959), inscrit le fleuve dans le paysage et s’impose non seulement comme vecteur d’union des deux rives mais aussi comme emblème de Rotterdam. La silhouette immédiatement identifiable de son immense pylône blanc marque la nouvelle centralité urbaine. Trois 49
Kop van Zuid : vue aérienne en 2008 ; les logements à gradins du Landtong (De Architekten Cie) ; l’opération De Compagnie (H. Kollhoff, 2005) avec, à droite, la Maastoren.
0911_0735_int:09110735_int
8/12/09
15:45
Page 50
Ci-contre : projet du Wilhelminapier côté sud, avec, au premier plan, de g. à dr., les tours New Orleans (A. Siza), © DPI Animation House
San Francisco et Boston (A. Cruz) et Havana (Cruz y Ortiz). Ci-dessous : projet du
© DPI Animation House
Wilhelminapier côté nord,
avec, au premier plan, de g. à dr., les tours KNP (R. Piano), Ph. © www.aeroview.nl
Rotterdam (R. Koolhaas / OMA) et Baltimore (N. Foster). Ci-contre : Kop van Zuid
Ville de Rotterdam en collab. avec BGSV Bureau voor Stedebouw
et la Noordereiland en 2007.
Ci-dessus : le projet de Kop van Feijenoord.
voies relient dès lors le centre-ville à la rive sud : celle passant par le pont Willemsbrug, celle plus à l’ouest du tunnel sous la Nouvelle Meuse, et, entre les deux, celle passant par le pont Erasmus sur lequel circulent piétons, voitures, vélos et un tramway. La ligne de métro reliant la gare centrale préexistait, mais la station Wilhelminahof (1991-1998) 50
vient compléter le dispositif de connexion du quartier au réseau de transport en commun. Le pont Erasmus est essentiel dans la stratégie de développement qui reposait alors sur la constitution d’un axe économique nord-sud allant de l’aéroport à Kop van Zuid et Zuidplein, en passant par la gare centrale et le Coolsingel. L’opération, comme beaucoup de projets urbains européens, tente d’équilibrer les intérêts publics et privés. Les autorités publiques nationales et municipales ont commencé à investir lourdement dans les infrastructures, les premiers bâtiments administratifs et culturels, les logements sociaux, pour ensuite laisser la place aux financements privés qui assurent, entre autres, la construction d’environ 70 % des logements du site. À côté des bassins, plusieurs figures architecturales imposantes marquent désormais ce territoire. Au grand ensemble de 549 logements sociaux, dit le Peperklip (1979-1982), inscrit dans un même lacet courbe et continu d’appartements préfabriqués, conçu par C. Weeber, répondent les grands immeubles à cour (emprise de 100 m x 110 m) du quartier de Landtong (1991-1995) de Frits van Dongen (° 1946) et les logements collectifs postmodernes (De Compagnie, 2000-2005) de Hans Kollhoff (° 1946). La présence, à proximité, du théâtre Luxor (1996-2001) de Julia Bolles (° 1948) et Peter Wilson (° 1950) et d’une cité administrative (1994-1997), par C. G. Dam et Kraaijvanger & Urbis, renforce la sensation de pesanteur architecturale, notamment les jours de grand vent hivernal. Même si le quartier central Stadstuinen met en œuvre une relative variété typologique savante, combinant immeubles collectifs (1992-2002) de Kees Christiaanse (KCAP) et maisons de ville, la répétition d’une même matrice renvoie plus à la mécanique génératrice du grand ensemble de Pendrecht qu’au projet plus habile et subtil de Borneo construit à la même période sur les friches portuaires d’Amsterdam. Le développement de Kop van Zuid devrait se poursuivre selon trois directions. Vers le sud-ouest, la première phase de Parkstad a récemment débuté sur les traces étroites des anciennes voies de chemin de fer entre Afrikaanderwijk et Kop van Zuid, de part et d’autre de la grande avenue Laan op Zuid. Parkstad devrait se transformer en quartier résidentiel (1 200 logements, des écoles et des équipements) et assurer un lien entre les différents districts, anciens et nouveaux, du sud de Rotterdam. Encore plus au sud, au bout de Laan op Zuid où s’élève le Feyenoord Stadion – stade de football conçu par Brinkman & Van der Vlugt (19341936) et rénové en 1994 –, sont programmés un stade, des parcs de sport et d’activité, ainsi que des logements entourés de plans d’eau. L’agence KCAP est chargée des études. Enfin à l’est, entre Kop van Zuid et la Nouvelle Meuse, l’aménagement de Kop van Feijenoord doit améliorer les espaces publics et les liens entre quartiers. Proche du centre-ville, via le Willemsbrug, ce quartier est de plus en plus recherché comme lieu de résidence ou bien pour l’installation de nouvelles industries. Environ 1 700 logements devraient y voir le jour, principalement le long du bassin du Koningshaven, sous la forme de grands îlots rectangulaires aux programmes variés, le long des voies de chemin de fer enterrées ainsi qu’à l’extrémité du bassin du
15:45
Page 51
Nassauhaven. Un nouveau pont dans le sillage de l’actuel pourrait offrir une connexion directe et logique avec le centre de Rotterdam. À terme, l’objectif de la Ville est d’exploiter la dynamique économique et démographique créée par l’opération Kop van Zuid pour requalifier la constellation de quartiers populaires limitrophes tout en conservant leur identité. Kop van Zuid a lancé un mouvement général de reconversion des docks en aires résidentielles métropolitaines combinant des activités tertiaires, culturelles et de loisirs avec l’habitat. Ces opérations délaissent le dogme du zoning pour une conception et une programmation diversifiées. Elles deviennent des lieux recherchés pour la qualité de leur environnement, la singularité de leurs points de vue, leur inscription dans le panorama fluvial de la ville. Ces péninsules sont d’autant plus convoitées qu’elles se trouvent proches du centre et bien desservies par les transports publics, d’où le risque de gentrification excessive de certains secteurs. Le Wilhelminapier (Norman Foster arch. coordinateur), la tête de proue de l’opération Kop van Zuid ouverte sur la Nouvelle Meuse, est à ce titre significatif. Sur l’ancien embarcadère de la Holland Amerika Lijn doivent s’élever une dizaine de tours de 100 à 170 m de haut. Aujourd’hui, deux immeubles de grande hauteur flanquent l’hôtel New York. L’un est le World Port Center (1995-2000) de 124 m de haut conçu par Foster and Partners, qui abrite la direction et le contrôle du trafic du port autonome de Rotterdam. L’autre, le Montevideo (1999-2005), élaboré par Francine Houben (Mecanoo), est un immeuble résidentiel associant 192 logements de luxe, des espaces de services et des bureaux. À l’extrémité opposée et au pied du pont Erasmus, la tour de bureaux KPN (1997-2000) de Renzo Piano, malgré ses 98 m, fait déjà figure de construction mesurée et fragile avec sa façade en dévers. Elle le fera plus encore, une fois sorties de terre les autres tours : la tour Baltimore de Foster de 170 m, New Orleans (158 m) d’Alvaro Siza, Havana (154 m) de Cruz y Ortiz et enfin Rotterdam de Rem Koolhaas (OMA) de 150 m de hauteur. Cette dernière est un ensemble de plus de 155 000 m2 composé d’un socle commun de services, de magasins, de restaurants, de salles de cinéma et de congrès, ouverts 24 heures sur 24, sur lequel reposent en équilibre trois tours fragmentées multifonctionnelles (bureaux, logements et hôtel). Les différents programmes sont organisés par blocs distincts, mitoyens et superposés. La distribution et la forme de cette opération expriment ce qui a conduit le destin du Wilhelminapier : la recherche d’une ville verticale, d’une image de congestion urbaine selon le concept koolhaasien, faisant de cette jetée la presqu’île réduite et fantasmée de Manhattan, modèle de réussite de l’économie libérale mondialisée. Le dernier signe de cette quête de la verticalité à Kop van Zuid est la construction en cours de la Maastoren (Dam & Partners), une tour de bureaux de 165 m de haut, qui sera pour quelques mois la plus haute tour de la Hollande. Elle s’élèvera début 2010 au pied du pont Erasmus, à l’angle du quai et de la Laan op Zuid, non loin d’un édifice de bureaux (2008-2010) conçu par Felix Claus (° 1958) et Kees Kaan (° 1961).
Kop van Zuid, vue sur la tour KPN depuis le Wilhelminakade.
Ph. © Th. Mandoul
8/12/09
Ph. © Gw. Querrien, 2006
0911_0735_int:09110735_int
La reconquête des ports : Katendrecht et Delfshaven Buitendijks Plus à l’ouest, la péninsule de Katendrecht, entre les bassins du Rijnhaven et du Maashaven, a longtemps été le lieu d’une industrie portuaire florissante. De ses hangars, de ses logements pour ouvriers, de son Chinatown, de ses lieux de prostitution, il ne reste plus grand-chose. Katendrecht connaît aujourd’hui une profonde métamorphose. La Ville cherche à conserver cependant une échelle architecturale modeste, en rien comparable avec la densité du Wilhelminapier. Dans un environnement agréable, dominera un habitat en bande n’excédant pas deux niveaux, dont des maisons de brique (2000-2002) des architectes anglais Gerard Maccreanor (° 1961) et Richard Lavington (° 1962) et des logements disposés en trois îlots rectangulaires allongés (2005-2007) de Claus & Kaan dans le secteur du Laankwartier. Côté fleuve, la construction de deux tours (1997-2003) conçues par DKV13 à la pointe du quai et la présence du SS Rotterdam amarré et transformé en hôtel et attraction touristique font de Katendrecht un lieu nettement identifiable depuis l’autre rive. Une passerelle avec pont levant,
13 – Dolf Dobbelaar (° 1952), Herman de Kovel (° 1953), Paul de Vroom (° 1953).
51
Laan op Zuid, avec, sur la droite, un alignement de logements collectifs conçus par DKV et KCAP.
15:45
Page 52
Ville de Rotterdam, dS+V, ph. © J. Boute
8/12/09
Ph. © Th. Mandoul
Ph. © S. Rousseau
© Quist Wintermans Architecten
0911_0735_int:09110735_int
le Rijnhavenbrug (Quist Wintermans), devrait dès 2010 rompre son isolement relatif en reliant Katendrecht à l’extrémité du Wilhelminapier. La création d’un centre européen de la Chine (ECC, 20092012, Joke Vos) prévue à l’entrée de la péninsule, sur sa partie la plus étroite, renforcera encore son attractivité. 100 000 m2 de boutiques, de restaurants, de bureaux et de logements manifesteront l’intérêt de Rotterdam pour cette 52
civilisation et surtout pour son commerce. Katendrecht ayant été habité il y a un siècle par un Lumpenproletariat chinois et en étant resté longtemps marqué, l’argument identitaire a été avancé pour justifier le choix de ce site. Faut-il voir là l’opportunisme d’une société libérale ? Perceptible depuis Katendrecht, de l’autre côté du fleuve, à l’ouest du centre-ville, un édifice périscopique d’une soixantaine de mètres de haut clôture, pour un temps, la silhouette des tours de la rive droite : c’est le Shipping & Transport College (2000-2005) de Willem Jan Neutelings (° 1959) et Michiel Riedijk (° 1964), un centre international d’enseignement maritime qui marque le Lloydkwartier. Séparés de Delfshaven par une voie rapide, les quais du Müllerpier et du Lloydpier constituaient le vieux port donnant sur trois bassins, Parkhaven, Sint Jobshaven et Schiehaven. Compte tenu de l’ouverture sur le fleuve et de la proximité du centre-ville, ils font l’objet d’une forte densification urbaine, le Müllerpier étant aménagé par KCAP et le Lloydpier par Neutelings & Riedijk. Le premier, et le plus avancé des deux projets, comprendra à terme un ensemble résidentiel de treize édifices réalisés par différents maîtres d’œuvre, comportant 575 unités de logements, une garderie, des appartements pour personnes âgées et des magasins. Kees Christiaanse considère chacun de ces bâtiments comme des objets autonomes, des ready-made à assembler comme dans un collage, créant une variété spatiale et constituant pourtant un ensemble urbain. De loin, le Müllerpier ressemble à un ancien port avec ses blocs compacts en brique qui imitent l’architecture robuste des entrepôts. De près, l’impression d’un labyrinthe urbain dans lequel s’incrustent des jardins publics et des terrains de jeux prédomine, avec des espaces plus ou moins intimes mais aussi quelques appartements dont les vues et la lumière ont été sacrifiées. Le quai est routier et constitue le moyen d’accès principal aux parkings souterrains intégrés dans chaque immeuble. À ce jour, l’aménagement urbain du Lloydpier, qui doit son nom à la société maritime Rotterdamsche Lloyd, est à moitié réalisé. Sur la première partie du quai s’élève un ensemble singulier associant des reconversions d’entrepôts en logements et en activités tertiaires, comme le Sint Jobsveem, et des architectures contemporaines. Des dizaines d’entreprises, principalement dans les secteurs de l’audiovisuel et des nouvelles technologies, s’y sont installées. Des créateurs en tout genre s’y regroupent. Le projet doit finir de se développer sur l’extrême pointe trapézoïdale du Lloydpier dont l’agence Neutelings & Riedijk prévoit la densification. En jouant sur les hauteurs et les orientations des nouveaux immeubles, chaque logement devrait pouvoir profiter pleinement des vues sur le fleuve. De nombreux autres ports font l’objet d’aménagements spéculatifs, comme Coolhaven, ancien port historique de Delfshaven, ou bien IJsselhaven, Lekhaven et Keilehaven, où une ancienne zone de triage doit être transformée en un parc public d’un kilomètre de long. L’ensemble devrait redonner une impulsion positive à tout un quartier à fort taux de population d’origine étrangère. De manière générale, la politique de reconversion des bassins portuaires et des friches laissées par le départ des activités vers les nou-
8/12/09
15:45
Page 53
velles zones portuaires plus à l’ouest, est un challenge urbain pour les vingt à quarante années à venir. Elle devrait permettre à Rotterdam de continuer à croître dans ses propres limites communales tout en produisant un urbanisme novateur, en rupture avec celui, fonctionnaliste, qui avait engendré ces territoires industriels monofonctionnels. Par leur situation et leur configuration, ces secteurs en déshérence constituent une importante réserve foncière propice à des mutations urbaines d’envergure. Actuellement, la municipalité – en collaboration avec les autorités portuaires – met l’accent sur le secteur dit Stadshavensgebied ou CityPorts. Ce projet englobe 1 600 hectares (dont 600 ha d’eau), sept fois plus que la surface de Kop van Zuid. Il est intégré dans le programme Randstad 2040, document de cadrage rendu public fin 2008 par le gouvernement hollandais – une vision à long terme du développement territorial en matière de construction et d’aménagement, mais aussi de protection de la nature, d’éducation, de santé et de participation au marché du travail. La première opération est la reconversion du site portuaire RDM (Rotterdamsche Droogdok Maatschappij) en RDM (Research, Design & Manufacturing). Il s’agit de créer une aire d’éducation et d’activités, RDM Campus, où cohabitent et collaborent un ensemble d’établissements d’enseignement (parmi lesquels l’Académie d’architecture installée dans le Droogdok 17, ancien siège social de la RDM datant de 1913-1916), des entreprises innovantes, une école et des ateliers maritimes. Dans le RDM Innovation Dock, l’ancienne salle des machines de 23 000 m2 et de 12 m sous plafond, des étudiants travaillent déjà avec des entreprises sur la conception de nouvelles formes de mobilité et d’énergie. Le campus, l’ancien village patronal de Heijplaat et les anciens terrains de quarantaine devenus des squats – aujourd’hui investis par des artistes – vont bientôt constituer un quartier à part entière. Des lignes de transports publics par ferry et bus doivent rompre l’isolement de ce port. Car il reste aujourd’hui à Rotterdam à mettre en œuvre une politique de transport multimodal efficace – par terre et par eau – pour réduire l’éloignement de ces zones entre elles et avec le centre-ville.
Ph. © S. Rousseau
Ville de Rotterdam, dS+V, ph. © J. Boute
0911_0735_int:09110735_int
efforts de la municipalité vise aujourd’hui à régénérer l’hyper-centre en essayant de faire revenir les classes moyennes et les plus fortunées, et d’y attirer aussi bien les entrepreneurs que les touristes. Pour rendre la cité plus attractive, la Ville a favorisé l’aménagement des espaces publics pour améliorer à la fois l’image et les liaisons. Cela repose sur la requalifi-
Illustrations p. 52 : en haut, le Maashaven avec vue sur Katendrecht, avec, en front de quai, l’opération de Claus & Kaan ; au centre à gauche, Rijnhavenbrug, projet de passerelle entre Katendrecht et le Wilhelminapier (Quist Wintermans) ; au centre à droite, Katendrecht, avec les tours d’habitation (DKV) et les maisons en bande (Maccreanor Lavington) ; en bas, le Mullerpier. En haut : le Lloydkwartier, rive droite, avec le Scheepvaarten transportcollege (Neutelings Riedijk). En dessous : vue depuis
Augmenter les densités du centre-ville et ses richesses L’autre grand chantier urbain des années à venir concerne le centre-ville. À l’intérieur du Ring de Rotterdam, sur un territoire équivalent à celui de Paris intra-muros, vivent seulement quelque 480 000 habitants. Une partie des
Ph. © Th. Mandoul
le St. Jobshaven
53
sur le Mullerpier avec, au fond, l’Euromast. Ci-contre : parc pour
skaters sur le Westblaak (D. van Peijpe, dS + V).
9/12/09
15:00
Page 54
Ph. © Th. Mandoul
Ph. © GW. Querrien
0911_0735_int:09110735_int
La rive nord vue depuis Kop van Zuid : en haut, les tours De Hoge Heren (W. Arets) au débouché du pont Erasmus et, à droite, la tour de Tuns + Horsting ; ci-dessus, le quai des Boompjes devant les trois tours
Ph. © Th. Mandoul
de Klunder Architecten.
Le Leuvehaven avec, au premier plan, le Musée maritime en plein air.
cation des sols – dessin et mise en œuvre de matériaux spécifiques, mobilier urbain, présence du végétal – et sur l’affirmation de trois grands axes majeurs nord-sud composant le centre-ville auxquels s’interconnectent d’autres voies : le Coolsingel, présenté comme l’axe économique, le corridor de la Binnenrotte et l’axe culturel du Westersingel. Le Westersingel est certainement le canal le plus connu de Rotterdam, creusé dans le cadre du plan de Rose. Les belles demeures construites entre 1870 et 1900 qui le bordent ont, pour la plupart, perdu leur destination résidentielle. Elles hébergent aujourd’hui plusieurs instituts culturels, dont l’Alliance française. Le Westersingel est aujourd’hui exemplaire du travail effectué par la Ville sur les espaces publics durant cette dernière décennie. À la fin des années quatre-vingt-dix, les berges du canal et les 54
voies qui le longent sont recréées. Côté Mauritsweg, le tramway glisse désormais sur un parterre engazonné et planté d’arbres. Une collection de sculptures à ciel ouvert est disposée tout le long de cette “coulée verte”. La “Beeldenroute” expose tout aussi bien des œuvres de Picasso, d’Artschwager, de Penone, de Rodin, que de Coop Himmelb(l)au. Ce singel, à l’atmosphère paisible et verdoyante, contraste profondément avec les autres espaces publics du centre-ville plus proches de la beauté plastique et minérale des villes nouvelles. Rendre la ville plus agréable à vivre passe en partie par la requalification de ces espaces publics, la création de terrains de jeux (skateboard), etc. Le deuxième objectif de la municipalité repose sur le désir d’organiser le re-développement spatial de Rotterdam et de son centre-ville à partir des quartiers
15:45
Page 55
existants et de leurs capacités à capitaliser des caractères et des aspects distinctifs. Cinq secteurs ont été ainsi déterminés : la nouvelle ville de l’eau, Nieuwe Waterstad, avec les quartiers de Wijnhaveneiland et Scheepvaartkwartier, les territoires de la gare centrale, les quartiers du Lijnbaan et du Coolsingel, le Laurenskwartier et Rotterdam Hoboken avec le campus de médecine. Après de nombreux débats, le choix a été fait de densifier le centre-ville en construisant des tours dans des lieux considérés comme stratégiques. Un verticalisme calculé et calculateur, en quelque sorte, des points d’“acupuncture urbaine” multiples, pour paraphraser Jean Nouvel. Les tours jumelles noires De Hoge Heren (1995-2001) de Wiel Arets (° 1955) en sont un exemple. Situées à l’extrémité du Scheepvaartkwartier sur l’ancien port du Zalmhaven dans l’axe du pont Erasmus, elles offrent plus de 200 appartements agrémentés de tous les services pouvant répondre aux exigences d’une clientèle aisée et affairée. La transformation du quartier Wijnhaven, ancienne installation portuaire de Rotterdam totalement reconstruite dans les années 1950, devrait s’opérer de la même manière en assurant un équilibre entre les nouvelles constructions et celles existantes et convertir ce secteur de bureaux en un lieu d’activités et de résidence. L’agence KCAP, coordinateur du projet, cherche à profiler les tours de grande hauteur en attribuant à chaque parcelle un volume total de construction limité, si bien que, plus on construit haut, plus le bâtiment doit être effilé. À la pointe de Wijnhaven, l’opération Red Apple de K CAP (qui doit s’achever cette année et dont le site Internet proclame : Room for the happy few) est le complexe résidentiel emblématique (cf. ill. p. 22) des récents aménagements du centre-ville qui associent à la fois divers types de logements, des bureaux et des magasins. Elle repose sur la superposition, dans un équilibre quasi instable, de trois unités indépendantes dont une tour de 120 m de haut ainsi qu’un édifice pentagonal atteignant 53 m. L’objectif est de tirer parti de la position stratégique qu’occupe le Wijnhaven entre le centre-ville de Rotterdam et Kop van Zuid. Le Lijnbaan et le Coolsingel constituent le centre urbain commercial. Le second a longtemps formé une barrière difficile à franchir pour les piétons du Lijnbaan se rendant dans le quartier commerçant de la Hoogstraat. La Beurstraverse (1993-1996) – dite le Koopgoot, la “coulée aux achats” – de Pi de Bruijn (° 1942) permet de passer sous le Coolsingel. La Ville souhaite aujourd’hui revenir sur les principes de la séparation des fonctions qui organisent le Lijnbaan avec les commerces en partie centrale et les logements rejetés en périphérie et densifier ce secteur. La proposition de Claus & Kaan d’implanter six nouvelles tours à l’angle de chaque cour ouverte et arborée du Lijnbaan a provoqué une polémique sur l’opportunité de transformer aussi radicalement cette œuvre de l’urbanisme moderne. La municipalité a récemment reporté le projet mais le présente toujours comme un de ses objectifs. Le troisième quartier est celui de la gare centrale avec l’aménagement de deux grandes opérations : Weenapoint, devant la gare, et Schiekadeblok, au nord-ouest de la
Ph. © Th. Mandoul
8/12/09
La Beurstraverse (De Architekten Cie,
et al.), avec, au premier plan à gauche, le grand magasin De Bijenkorf et, au fond, la Hoogstraat.
Ph. © S. Rousseau
0911_0735_int:09110735_int
La Binnenrotte, avec, à gauche, le City Building (Bosch Haslett) et la tour d’habitation Statendam (H. Kollhoff).
Hofplein. L’ensemble constitue l’un des chantiers les plus importants en cours à Rotterdam. La composition d’une nouvelle entrée de Rotterdam est devenue incontournable avec la croissance du trafic ferroviaire. Il s’agit en l’occurrence d’améliorer les relations spatiales et fonctionnelles entre la gare et la ville, d’intensifier et de densifier le caractère commercial, tertiaire et culturel des lieux. Le Laurenskwartier incarne le cœur historique de Rotterdam qui, malgré sa destruction quasi totale en 1940, est resté l’un des quartiers animés de la ville avec ses cafés et ses boutiques. Il est aujourdhui très hétérogène et 55
Sur la droite, l’immeuble d’habitation De Hofdame (Klunder Architecten).
8/12/09
15:45
Page 56
(JHK Architecten), la Maastoren, De Hef, le pont Erasmus. Ci-dessus : maquette de l’opération Linea Nova, surélévation-extension du magasin Ter Meulen en cours de construction (Van Tilburg Ibelings von Behr). Colonne de droite, de haut en bas : Didden village (MVRDV) ; Hoog aan de Maas, projet de reconversion et d’extension d’une banque (01-10 Architecten) ; projet d’extensionreconversion de la poste (UN Studio).
L’architecture comme force d’impulsion Pour mettre en œuvre ces mutations urbaines dans les prochaines décennies, la communauté rotterdamoise fait appel aux architectes et à l’architecture. Le choix d’architectes renommés, en fonction du projet et de la spécificité du site, doit garantir la réussite de la métamorphose. À l’inverse de ce qui s’est passé jusque dans les années 1970, la ville affiche aussi son objectif de réutiliser son héritage architectural dans une dialectique interactive. La densification du centre résulte désormais d’un consensus régissant les relations entre état existant et projet. Mais, à 56
Ville de Rotterdam, dS+V, ph. © J. Boute
de gauche à droite, le bâtiment Unilever
© OC Graphics
En haut : vue sur le Koningshaven, avec,
d’une grande diversité architecturale de qualité variable. Il souffre paradoxalement d’une certaine marginalisation, étant dépourvu de tout caractère de centralité. Dans l’étude d’un master plan confié à KCAP, Kees Christiaanse propose, comme sur le Müllerpier, de redéfinir et de hiérarchiser clairement les espaces publics et de considérer les édifices existants ou à venir comme autant d’objets autonomes à positionner de manière équilibrée afin de les transformer en un ensemble urbain cohérent. Le marché hebdomadaire sur la Binnenrotte fonctionnant comme un catalyseur, c’est à partir de cette activité, somme toute ancrée de longue date, que la Ville envisage la transformation de ce secteur avec la construction – confiée à MVRDV – du nouveau marché couvert, associé ici aussi à des logements et des bureaux. Le cinquième et dernier secteur du centre-ville que Rotterdam veut développer est le centre hospitalier Erasmus et la faculté de médecine. L’ensemble va être restructuré (2004-2017, EGM Architecten) pour moderniser l’hôpital et mieux articuler avec le reste du centre-ville ce territoire où des milliers de personnes convergent chaque jour. Un parking – desservant aussi les institutions culturelles voisines et intégrant un réservoir pouvant absorber jusqu’à 10 millions de litres d’eau – doit ouvrir en 2010 à proximité du Museumpark (Paul de Ruiter, ° 1962). Enfin, si le futur pont près du Willemsbrug était bientôt réalisé, la transformation des Boompjes pourrait être accélérée, alors que ce quai-promenade reste en partie inexploité.
© UN Studio
© Van Tilburg Ibelings von Behr arch.
Ville de Rotterdam, dS+V, ph. © J. Boute
0911_0735_int:09110735_int
0911_0735_int:09110735_int
8/12/09
15:45
Page 57
Ci-contre : requalification de la Binnenrotte. De gauche à droite, les projets : Blaak 31 (KCAP) ; marché couvert et logements (MVRDV) ; logements Rotta Nova
Ci-dessus : le projet de réserve pour les œuvres d’art du musée Boijmans van Beuningen (MVRDV). Le projet “Coolsingel”, complexe commercial, de bureaux © OMA
Rotterdam, peut-on encore parler de surélévation ou de plans d’extension alors que la métaphore chirurgicale ou biologique paraît souvent bien plus adaptée ? À différentes échelles architecturales ou urbaines, prothèses, greffes et parasites ont envahi le paysage urbain et seul le ciel est leur limite… L’exemple peut-être le plus significatif de ces transformations est le siège d’Unilever (2000-2004), dit “le pont”, conçu par JHK Architecten. De Brug est un volume rectangulaire de quatre étages qui donne l’illusion de flotter à 26 m du sol, au-dessus de l’usine existante, en s’appuyant sur un noyau central et de frêles poteaux situés aux extrémités. Cumulant performances techniques, audace plastique et rapidité d’exécution, ce bâtiment incarne pour certains élus municipaux la mentalité conquérante de Rotterdam. L’opération Linea Nova, en cours, située au cœur de la ville sur la place Binnenwegplein, donne un autre aperçu des démarches originales de densification du centre de Rotterdam. Il s’agit d’un bloc de 70 m de hauteur, comprenant 105 logements, construit au-dessus du grand magasin Ter Meulen réalisé entre 1948 et 1951 par Van den Broek et Bakema. La nouvelle construction repose sur des colonnes porteuses qui traversent l’ancienne de part en part. Entre ciel et terre, un parking assure l’interface. Par cette greffe, le cabinet d’architectes Van Tilburg Ibelings von Behr crée un édifice complexe aux fonctionnalités plurielles tout en remettant le grand magasin dans son état d’origine. À l’échelle de la maison, le groupe MVRDV agit de même lorsqu’il projette l’extension d’une habitation unifamiliale, le Didden village (2002-2006), avec ses dépendances sur le toit d’une ancienne construction en brique. Bien que l’ensemble soit conçu à l’image d’un village, avec sa place et ses maisonnettes, ces additions colorées sont pour MVRDV un modèle démontrant les capacités de densification verticale de la ville. Autre exemple de densification, le parasitage par une tour de bureaux, Hoog aan de Maas, d’une ancienne banque sise sur les Boompjes, qui sera bientôt transformée en hôtel par 01-10 Architecten. La nouvelle construction, fondée à l’arrière de la parcelle, s’élèvera à 78 m tel un périscope au-dessus du bâtiment existant, pour offrir aux occupants des vues
© MVRDV
© Provast
(De Architekten Cie).
panoramiques sur la Nouvelle Meuse. De même, le futur bâtiment cubique de Koolhaas, disposé au cœur du centreville, sur la Binnenwegplein, devrait jouer lui aussi d’une forme de parasitage. Le cube, qui contient à la fois des magasins, des bureaux, un musée, un théâtre et des restaurants ainsi qu’au moins 150 appartements, réorganise son environnement immédiat en incorporant (à la fois formellement et programmatiquement) des édifices voisins, dont l’immeuble bancaire érigé après le raid aérien de 1940. À travers ces opérations, auxquelles on peut ajouter la transmutation du bureau de poste sur le Coolsingel par B. van Berkel – sa vocation postale est supprimée au profit d’un complexe hôtelier et commercial –, s’exprime un goût de la performance, de l’exploit technique mais aussi de l’efficacité, de l’accomplissement d’un destin. Si ces bâtiments existent pour eux-mêmes, signifiant par leurs formes originales la vitalité et la puissance de leurs commanditaires, leur force absolue réside dans le fait qu’ils constituent des symboles susceptibles de catalyser une fierté collective grâce à des images fortes comme celles du pont Erasmus ou des cubes de P. Blom. Le risque que cette démarche soit poussée à l’excès se lit dans le projet du marché public De Markthal (2004-2012) sur la Binnenrotte. Pour son auteur, Winy Maas (° 1959), il s’agit d’ajouter une nouvelle icône au centre de l’ancien cœur historique de Rotterdam, le Laurenskwartier, sous la forme d’une arche monumentale conçue à partir d’un programme de logements collectifs, de commerces et d’un parking public. L’iconicité est obtenue par la débauche et la rondeur d’une forme qui semble vouloir faire de l’archi57
et de logements (R. Koolhaas / OMA).
8/12/09
15:45
Page 58
Ville de Rotterdam, dS+V, ph. © P. Schmidt
0911_0735_int:09110735_int
Le Kunsthal (R. Koolhaas / OMA).
tecture avant tout un art du spectaculaire et non plus un enchantement. L’arche étant encadrée par un immeuble de bureaux – Blaak 31 (2008-2010) conçu par KCAP – et une tour d’habitation – Rotta Nova (2008-2011) de 78 m de haut, conçue par F. van Dongen –, c’est tout un quartier qui exhibera des formes insolites et ahurissantes, à l’échelle du vide de la Binnenrotte. Globalisation oblige, ces édifices qui s’ajoutent au skyline de Rotterdam sont l’expression de la compétition mondiale que se livrent les villes afin d’afficher une modernité incarnée par des projets architecturaux et urbains radicaux qui peuvent être perçus comme des provocations à la limite du réalisable. Comme beaucoup de métropoles, Rotterdam use du star-system. Siza, Foster, Piano, Alsop, Kollhoff, Cruz y Ortiz, de Portzamparc, pour ne citer qu’eux, ont été sollicités par la Ville. Mais Rotterdam est doublement partie prenante du processus de starisation, à l’inverse d’un Bilbao par exemple, car, faut-il le rappeler, plusieurs architectes ou équipes listés dans le Who’s Who mondial de l’architecture y sont installés : MVRDV de Winy Maas, West 8 d’Adriaan Geuze, Neutelings & Riedijk, KCAP de Kees Christiaanse, Claus & Kaan et bien sûr OMA de Rem Koolhaas. L’architecte de la congestion serait-il devenu ce qu’il est, s’il n’avait pas vécu à Rotterdam ? Rotterdam détruit n’a-t-il pas enfanté son Janus ? Si New York a permis à Rem Koolhaas de définir sa notion de “manhattanisme”, Rotterdam serait pour l’architecte de S,M,L,XL l’expression de la terrifiante beauté de la ville européenne du XXe siècle. Ce port partagerait avec Berlin un destin dramatique, celui d’un centre-ville bombardé et rasé, puis remplacé par un “cœur artificiel avec le vide pour âme”. La théorie de la congestion laisse place à celle du vide “et son potentiel illimité de liberté14”. Rotterdam n’est-il pas aussi un peu cette ville générique, concept cher à Koolhaas, cette “ville sans qualité ni identité particulière, amnésique, à opposer à la ville européenne traditionnelle attachée à son centre et ses vestiges historiques” ?
D’une culture entre événementiel et consommation à une politique urbaine plus sociale Après plusieurs projets infructueux pour Rotterdam, Koolhaas est lauréat du concours international du centre d’art contemporain, le Kunsthal (1988-1992). C’est un ensemble de salles d’expositions temporaires organisé selon un plan carré, traversé en son centre par une rampe 58
qui relie le point haut de la route Westzeedijk au point bas d’un chemin est-ouest traversant le Museumpark (19851993) – un parc dont Koolhaas est également le concepteur avec le paysagiste français Yves Brunier – jusqu’au musée Boijmans van Beuningen. Mais, à son projet pour le NAI (Nederlands Architectuurinstituut), un triangle répondant au carré du Kunsthal, le jury du concours d’architecture a préféré celui de J. M. J. Coenen. Cependant, avec la construction du Kunsthal, Koolhaas acquiert une renommée internationale et dans une moindre mesure, il en va de même pour le NAI de Coenen. Ces deux institutions et leurs architectures, avec le musée Boijmans van Beuningen et le Natuurmuseum, ont contribué ces vingt dernières années à animer le cœur de Rotterdam et sa politique culturelle. Avec ces équipements, Rotterdam participe pleinement à la compétition que se livrent les métropoles européennes et internationales via les institutions muséales. Art, art contemporain, architecture (avec sa Biennale en particulier) sont des leviers qui propulsent la valorisation de la ville. Rotterdam, comme beaucoup d’autres métropoles, a fait le choix d’exposer sa culture dans des lieux permanents mais aussi par le biais de manifestations plus ponctuelles, dont de nombreux festivals : musiques du monde, musique classique sur scène flottante, jazz, musique romantique, cinéma, festivals de rue et des jardins cachés, etc. La cité génère aussi une multitude d’autres activités de loisirs, de divertissement et de consommation plus ou moins sophistiquées. Comme Paris, la ville possède sa plage sur la Nouvelle Meuse l’été, ses nuits blanches, ses régates et ses courses automobiles, son marathon en centre-ville. Derrière cette mise en scène festive des Boompjes ou du Coolsingel se pose la question de la consommation des espaces urbains dans des buts qui ne relèvent plus uniquement de l’intérêt général mais aussi d’enjeux économiques importants nécessitant à plus ou moins court terme une rentabilité financière. Certes, Rotterdam n’est pas encore une corporate city, comme l’atteste l’engagement de la Ville dans la politique de restructuration de quartiers défavorisés. Mais le problème du déséquilibre social et économique entre le Rotterdam des riches au nord et celui des pauvres au sud, reste entier à l’aube du XXIe siècle, même si l’un des objectifs du projet de Kop van Zuid était d’y remédier. Pact op Zuid, un nouveau programme ambitieux d’un milliard d’euros financé par l’État, la Ville et trois de ses arrondissements, auxquels cinq corporaties se sont associées, pourra-t-il dans les dix ans à venir mettre fin au déséquilibre nord-sud qui ne fait que s’aggraver ?
14 – Cf. “Berlin-Rotterdam”, in Rem Koolhaas, Bruce Mau,
S,M,L,XL, New York, éd. Monacelli Press, 1995, p. 207 : “Ils n’ont pas voulu voir que les bambins qui dans les années cinquante, pataugeaient joyeusement dans les bassins au pied des barres, ont grandi et forment aujourd’hui un troupeau de mutants urbains parfaitement capables de remplir et d’exploiter ce plan postmoderne où tout est possible.”
0911_0735_int:09110735_int
8/12/09
15:45
Page 59
Rotterdam face aux défis écologiques
1990. Outre des mesures pour réduire la consommation énergétique de l’éclairage public et optimiser le système de chauffage urbain, elle incite les particuliers à végétaliser leur toiture (en 2009, 30 € / m 2 de subvention cumulée de la Ville et du waterschap) et dote elle-même d’une “cinquième façade” verte certains bâtiments publics, comme les archives et la bibliothèque municipales en 2008. Mais si ce dispositif peut aider à résoudre des problèmes de stockage temporaire d’eau de pluie, son potentiel architectural reste limité. Au cœur des débats sur l’instauration d’une nouvelle relation entre ville et nature, bâti et végétation, Rotterdam ne compte pas encore de quartiers ou de bâtiments réellement innovants, même si l’opération de reconversion en quartier d’habitation des terrains DWL de l’ancienne usine de traitement des eaux de la ville au début des années quatre-
Sur le Niewe Waterweg, les deux portes Ph. © Rijkswaterstaat
À la recherche de nouveaux équilibres énergétiques Au-delà des questions sociales, les défis écologiques, et en particulier le réchauffement climatique et la montée du niveau de la mer qui lui est liée, concernent Rotterdam au premier chef. Aujourd’hui, la région de Rotterdam est, à elle seule, responsable de plus de 20 % des gaz à effets de serre des Pays-Bas. Depuis quelques années, le parc éolien sur le site portuaire produit 151 mégawatts (10 % de la production nationale). Les pouvoirs publics – à divers échelons dont la Ville – et les autorités portuaires prévoient de nouvelles installations dans le Maasvlakte 2 et au large dans la mer du Nord, afin de doubler cette capacité. Côté ville, la municipalité s’est engagée à diminuer de 50 % ses propres émissions de CO2 en 2025 par rapport à
59
du Maeslantkering (W. G. Quist) ne se ferment habituellement qu’en cas de tempête.
0911_0735_int:09110735_int
8/12/09
15:45
Page 60
vingt peut en constituer les prémices. Une aspiration que les habitants des logements De Landjes (19982001), conçus par F. M. J. Houben de Mecanoo, semblent aussi partager entre leurs cours communes et leurs jardins privés ouvrant sur des canaux. Pour coordonner les démarches visant les objectifs du développement durable, un groupe de recherche et d’innovation a été formé, sous l’intitulé Rotterdam Climate Initiative, réunissant notamment des services municipaux et des chercheurs de l’Université technique de Delft. Il s’agit de transformer ce défi en de véritables opportunités permettant en même temps d’améliorer l’attractivité de la ville. Une première piste consiste à associer des programmes producteurs et d’autres consommateurs d’énergie calorifique ou réfrigérante afin d’éviter les pertes d’énergie. On associe par exemple une patinoire avec une piscine. D’autres expérimentations concernent les digues. Ainsi un garage inondable devrait-il être intégré dans l’ancienne digue Rotterdamse dijk qui longe la Hudsonstraat : en cas d’inondation, l’eau s’y engouffre et la digue devient un barrage avec un bassin de rétention intégré. L’inondation étant prévisible, le garage est facile à évacuer. Ailleurs sont proposés le rehaussement et le renforcement de digues en forme d’escalier dont les “marches” ou les “terrasses” seraient disponibles pour d’autres utilisations (voirie, terrains de jeux...).
Repenser les modes de transport urbains Réduire l’usage de la voiture est un autre axe essentiel de la politique municipale. Les lois sur les extensions urbaines appelées VINEX imposant de relier ces quartiers au centre-ville, les transports publics ont connu récemment un fort développement : le métro dessert désormais le quartier de Nesselande au nord, et une extension de tramway relie, par le pont Erasmus, le quartier de Carnisseland, au sud, à la gare centrale. Pour séduire les automobilistes, le nouveau concept de TramPlus propose davantage de confort aux passagers, l’augmentation de la vitesse moyenne des trams grâce à des lignes en site propre, l’installation d’un système d’information en temps réel. Trois lignes existantes (vers Vlaardingen, IJsselmonde et Carnisseland) ont été également requalifiées de la sorte. La nouvelle ligne du RandstadRail, une forme de RER, actuellement en construction, reliera, sans doute en 2010, la gare centrale de Rotterdam et celle de La Haye. En ce qui concerne les déplacements liés plutôt au temps libre, le chemin de fer entre Hoek van Holland (et sa plage) et Schiedam sera adapté pour un usage mixte de rames de métro et de trains de marchandises. Toujours pour réduire le parc automobile en ville, des associations se sont créées pour la location de voitures sur abonnement. Le système permet à leurs cotisants de louer un véhicule, 24 heures sur 24, et pour une période allant d’un quart d’heure à plusieurs jours. Les vélos restent l’arme néerlandaise la plus efficace. Mais si la Ville aménage des pistes cyclables, la programmation des places de parking à vélos reste trop limitée. Le chiffre de 5 000 places prévu pour la gare centrale peut paraître conséquent : il est cependant au60
dessous des besoins estimés, beaucoup de Néerlandais possédant deux bicyclettes, une pour le trajet du domicile à la gare, l’autre pour celui de la gare d’arrivée à leur travail. Le transport par eau sera probablement une solution du futur. La RET, la compagnie des transports en commun, créée en 1878 et privatisée en 2007, prévoit d’étendre sa flottille de Fast Ferry. Depuis l’été 2008, ces bateaux-bus relient Rotterdam à Dordrecht et Hoek van Holland au Maasvlakte, facilitant ainsi l’accès aux nouveaux sites du port. Pour les urbains plus fortunés, des watertaxis desservent 37 pontons aménagés par la Ville et répartis le long des deux rives du fleuve.
Rotterdam, entre terre et eau L’implantation de Rotterdam au cœur d’un delta a fait, comme on l’a déjà dit, sa force mais aussi sa faiblesse au fil de son histoire. Située entre deux grands espaces naturels – le cœur vert (ou ce qu’il en reste) du Randstad, d’un côté, et le cœur bleu / vert du delta de la Zélande de l’autre, lieu de détente des citadins des grandes villes environnantes –, Rotterdam doit tenir compte aujourd’hui d’un nouveau facteur, ou plutôt d’un facteur dont l’actualité revient en force : la montée des eaux, celles de la mer et tout autant celles des cours d’eau. Les Pays-Bas se préparent à une augmentation du niveau de la mer, d’ici 2100, de 35 à 85 cm par rapport à 1990. Pourtant, il n’est pas prévu de modifier les principes de protection mis en place à la suite de la tempête de 1953 qui avait provoqué de graves inondations en Zélande et dans l’ensemble du delta. Ces mesures consistent d’une part en l’apport massif et répété de sable pour renforcer la côte et d’autre part en la mise en œuvre du Deltaplan, à savoir la fermeture des bras du delta par un système de digues – à l’exception toutefois de la Nouvelle Meuse afin de ne pas gêner la navigation. Pour protéger le port et la ville de Rotterdam, le Nieuwe Waterweg est équipé d’un système de protection sous la forme de deux grandes portes qui se ferment en cas de risque de forte tempête, le Maeslantkering (1987-1997, W. G. Quist). Ces portes massives glissent le long de tours-piliers aux formes étudiées pour lutter contre la pression de l’eau. Cette manœuvre, qui prend deux heures, empêche l’évacuation de l’eau des rivières de l’arrière-pays vers la mer. Aussi, à la hauteur de Spijkenisse, le Hartelkanaal sert-il de canal de déversement pour éviter que les eaux s’accumulent dans la zone de l’Europort. En ville, plusieurs aménagements – sacrifiant irrémédiablement le rapport ville / port – sont exécutés, notamment, sur la rive nord, la réalisation du Maasboulevard (2x2 voies) et le réaménagement des Boompjes, tous les deux mis aux normes de hauteur imposées par le Deltaplan, ainsi que, rive sud, la construction d’une nouvelle digue sur l’emplacement du marché de la Hillelaan (donnant sur les bassins du Rijnhaven), sur laquelle passe désormais une voie aérienne de métro. Quant aux rivières, elles représentent aujourd’hui un risque plus immédiat que la mer, si l’on tient compte du système de protection existant. En 1993 et 1995, les inondations dues à leur débordement ont ravivé les
8/12/09
15:45
Page 61
Ph. © S. Rousseau
0911_0735_int:09110735_int
débats et démontré que, partout aux Pays-Bas, beaucoup d’infrastructures édifiées comme protection contre les eaux devaient être renforcées à cause de l’accroissement du débit des cours d’eau sous l’effet d’un régime pluvial plus abondant dans son ensemble et moins constant, alternant des périodes de fortes pluies et des périodes de sécheresse. Ce phénomène aggrave le tassement – inéluctable et progressif – des sols dans les terres poldérisées dû à l’indispensable pompage. Le fond du débat se déplace par ailleurs du fait de nouvelles approches qui remettent en cause les équilibres instaurés depuis un demi-siècle entre enjeux écologiques, agricoles, portuaires et urbains. Une des solutions consiste à agrandir les lits des rivières, creuser des rigoles parallèles, étendre les champs de débordement des eaux, et donc y interdire d’autres occupations. Rendre à l’eau des territoires pour lesquels des générations de Néerlandais se sont sacrifiées est une véritable révolution. Les experts s’affrontent aussi sur une éventuelle réintroduction des eaux salées dans les territoires du delta. La région de RotterdamDordrecht présente en effet l’originalité de cumuler ces deux types de montée des eaux. À l’échelle territoriale, le nouveau mot d’ordre “habiter avec l’eau” nécessitera probablement plusieurs générations avant d’être vraiment accepté. Au niveau de l’architecture cependant, l’élément “eau” est depuis longtemps valorisé : des habitations amphibies ou flottantes sont construites ici ou là, comme dans la commune voisine de Dordrecht. Des recherches similaires viennent d’être lancées dans le cadre du projet Stadshaven déjà évoqué. Cette question de la montée des eaux stimule l’imagination de certains architectes, comme M VRDV qui projette les réserves du musée
Boijmans van Beuningen à 35 m au-dessus du sol. L’eau demeure donc un souci pour les édiles. En 2001, la Ville a lancé un grand programme de restauration des singels de Rose. En août 2007 a été publié le Waterplan de Rotterdam. Il préconise d’accorder plus de place à l’eau tout en prenant, notamment, en compte la régulation des eaux des polders, source de conflits entre le monde agricole et celui du développement urbain. Le plan attribue à chaque quartier un programme de rétention temporaire d’eau, entre autres par le truchement des “toits verts”, des “places bleues” – des bassins où les enfants pourront barboter après l’orage –, ou la création de nouveaux canaux comme le prévoient certains projets du programme de Pact op Zuid, au sud de la ville, pour agrémenter la restructuration urbaine des quartiers de l’après-guerre. Face aux défis du réchauffement climatique et de la montée des eaux, l’attrait de l’eau permettra-t-il cependant de séduire suffisamment d’investisseurs et de nouveaux habitants pour répondre aux objectifs de densification du centre-ville et de reconversion des friches portuaires ? Beaucoup d’attention, de consultations, d’imagination collective seront nécessaires pour articuler les stratégies écologiques à long terme et le développement urbain, surtout si celui-ci reste aux mains d’un marché privé aux logiques à court terme. Rotterdam saura-t-il résoudre ce dilemme ?
61
Watertaxi longeant les bateaux et les grues du Musée maritime en plein air au Leuvehaven.
0911_0735_int:09110735_int
8/12/09
15:45
Page 62
Aéroport
Oude Noorden Kleinpolder
A20 Crooswijk
Overschie Blijdorp Spaanse Polder
Noord
k dij zee t s We
85
Nouvelle Meuse
Lloydkwartier
W es te rk ad e
Delfshaven
83
te
SCHIEDAM
Coolhaven
ot
26
Bo om pj es
67
Ma asb
18
Leuvehaven
en hav rwe Me
Bospolder
er
Cool
Dijkzigt
NieuwMathenesse
nn
Tussendijken
A
Oude Westen
K
Bi
Middelland
el Schiedamsedijk sing Cool
Nieuwe Westen
Spangen
37 a en We l rsinge Weste
OudMathenesse
en al dijkw rkhav aven Pa Henegouwerlaan s’Gr
111
urg nb e mp Goudse Po sing el
36-A
36-B
n
36-C ave
h gs n ni Ko
Kop van Zuid
Wilhelminapier
en hav n j i R
e 84 rkkad Pa
Katendrecht
84 Do kla an
185
en av mh Ee
A4
Pernis
Heijplaat
en hav s a Ma
aan lsel e i r B
an Putsela
Feijenoord 1
Carnisse
Waalhaven
Charlois
180
Pendrecht
Zuidwijk
Rhoon Hoogvliet Poortugaal
ALBRANDSWAARD Carnisseland
1 km
0911_0735_int:09110735_int
8/12/09
15:46
Page 63
133
Carte de Rotterdam Lageland
Ci-contre, partie centrale. Ci-dessous, emprise du territoire communal. Fond de plan : © Ville de Rotterdam, dienst Gemeentewerken Rotterdam, afdeling Landmeten
Lac de Kralingen
en Vastgoedinformatie.
Limites de Rotterdam
Prinsenland
A. City Informatiecentrum, Coolsingel 197, avec une grande maquette du centre-ville.
ROTTERDAM
Outre les noms de quartiers et de secteurs
Kralingen
d’opérations (en noir) sont indiqués ceux des principaux bassins portuaires (en bleu). Les rues signalées (en violet) sont celles
Ma asb oul eva rd
qui délimitent les secteurs des promenades qui suivent. Sont aussi repérées, par les numéros
A16
des fiches des promenades, quelques constructions structurant le paysage urbain (pont, gare, parc, tour...)
n ve
et des opérations périphériques.
129
selaan
2 e Ros e straa t
uid
e eus M lle uve o N
oord 174
Vreewijk
IJsselmonde
Lombardijen
18.
Gare et station de métro Blaak
26.
Tour Red Apple
36-A.
Pont Erasmus
36-B.
Pont Willemsbrug
36-C.
Pont ferroviaire De Hef
37.
Gare centrale
67.
Museumpark
83.
Het Park
84.
Maastunnel
85.
Euromast
111.
Usine Van Nelle
129.
Quartier DWL
131.
Logements à Hoek van Holland
133.
Quartier VINEX Nieuwe Terbregge
135.
Quartier VINEX Nesselande
136.
Quartier Ommoord
174.
Logements De Kiefhoek
180.
Zuiderpark
185.
RDM - Rotterdamsche Droogdok Maatschappij
190.
Station d’épuration
191.
Dispositif coupe-vent
192.
Barrière anti-tempête Maeslantkering sur le Nieuwe Waterweg
131
A15
192
133
191
BARENDRECHT
190
136
135
0911_0735_int:09110735_int
8/12/09
15:46
Page 64
PROMENADES
dans Rotterdam
Quelque deux cents adresses de bâtiments ou de lieux sont proposées dans ces promenades. Les amateurs d’architecture contemporaine séjournant à Rotterdam pourront utilement les compléter en consultant le riche guide référencé dans la bibliographie. Le classement retenu ici vise à faciliter le repérage sur la carte de la ville par un découpage en 9 secteurs selon des grands axes : 6 secteurs pour la rive nord, dont 3 au centre-ville, à commencer par le triangle historique, puis en le contournant par l’ouest et vers le nord, de façon concentrique ; 3 secteurs pour la rive sud, du centre vers la périphérie de plus en plus éloignée.
M° - station de métro, B - n° ligne de bus, T - n° ligne de tramway, A - bateau-bus Aqualiner, NS - gare ferroviaire. Les numéros des photographies correspondent aux numéros des notices. À l’intérieur des notices, les numéros blancs dans les carrés ocre renvoient aux illustrations de la partie texte précédente (numéro de page).
5 RIVE NORD CENTRE-VILLE I : TRIANGLE HISTORIQUE. ENTRE POMPENBURG ET BOOMPJES / MAASBOULEVARD, ET ENTRE LE COOLSINGEL ET LE GOUDSESINGEL 1. Nouvelle Delftse Poort
Ph. © ThM
1988-1995, C. J. Kraat. Pompenburg. M° Stadhuis. Commémoration postmoderne de la Delftse Poort de 1772. 2. Hôtel de ville
7
1912-1920, H. J. Evers, et al. Coolsingel 40. M° Stadhuis. Lourd monument néo-Renaissance.
Ph. © SR
3. Bureau de poste
10
56
1915-1923, G. C. Bremer ; 2009-2012, UN Studio. Coolsingel 42. M° Stadhuis. La façade austère ne révèle nullement l’ampleur du hall principal en forme de parabole, un potentiel exploité par le projet d’extension / reconversion en complexe hôtelier. 4. Bourse
1925-1940, J. F. Staal ; 1973, extension, A. Staal ; 2002-2006, restructuration, Mecanoo. Beursplein 37. M° Beurs. Bâtiment reconnaissable à sa tourclocher et au bow-window de sa salle de conférences sur pilotis.
Ph. © ThM
5. Immeuble Erasmushuis / HBU
1938-1939, W. M. Dudok ; 1986, extension, Kraaijvanger Arch. Coolsingel 104. M° Beurs. À l’origine une “tour” de bureaux et longtemps la principale émergence
64
du centre-ville, cet immeuble est une œuvre majeure de l’architecture fonctionnaliste des années 1930. 6. Logements, ateliers et boutiques 42 1975-1979 ; 1977-1981, J. Hoogstad, A. S. van Tilburg (HWST), N. F. J. Zwarts (Studio 8) ; 2006, nouvelle façade de la tour, V. Mani. Sint-Jacobsplaats / Haagseveer / Galerij / Delftsevaart. M° Stadhuis. Cette opération s’inscrit dans le cadre de la politique de reconquête du centre-ville des années 1970. La répétition d’un même immeuble à gradins compose le front de deux canaux, des pontons permettant de les longer. Une tour de 18 étages et un bloc d’habitat dense complètent l’ensemble (environ 1 000 logements).
7. Immeuble De Nederlanden van 1845
Vlasmarkt 1. M° Beurs. Ce magasin de chaussures, surmonté d’une réserve et de bureaux, avec murs-rideaux, est un des plus beaux bâtiments de la reconstruction. 10. Église St. Laurenskerk
1499-1525. 1952-1971, restauration, J. Poot, J. C. Meischke ; 1976-1981, extension, W. G. Quist. Grotekerkplein 15. M° Blaak. Unique témoignage monumental de la ville médiévale. 11. Immeuble d’habitation De Hofdame 55
2003-2007, Klunder Architecten. Angle Bagijnenstraat / Binnenrotte. M° Stadhuis. Cet immeuble à cour et jardin intérieur comporte plus de 200 appartements et participe à la requalification de la Binnenrotte. 12. City Building
55
1942-1952, W. M. Dudok ; 1991, Grand Café Dudok, H. H. R. Kossmann, J. Dijkman. Meent 88. M° Stadhuis et Beurs. Remarquable construction rationaliste en structure béton avec habillage brique.
1998-2003, Bosch Haslett. Angle Binnenrotte / Librijesteeg. M° Blaak. La volumétrie et les matériaux de ce bloc dense lui confèrent un caractère cristallin.
8. Schielandshuis
55 2006-2009, H. F. Kollhoff, Rapp+Rapp. Binnenrotte. M° Blaak.
20
1662-1665, J. Lois avec P. Post ; 1981-1985, restauration, J. Walraad. Korte Hoogstraat 31. M° Beurs. Construit pour l’organisme s’occupant des eaux, ce bâtiment est un des plus anciens rescapés du bombardement de 1940. Il abrite le musée de la Ville. 9. Magasin Huf
1953-1954, Van den Broek & Bakema ; 2007-2009, rénovation, W. de Jonge.
13. Tour Statendam et Laurenshof
14. Caisse d’épargne - Spaarbank
1942-1957, J. J. P. Oud. Botersloot 25. M° Blaak, T 7. Avec sa façade de brique blanche, ses rigoureuses symétries et ses ornements, cet édifice consacre le retour de J. J. P. Oud à un certain néoclassicisme architectural.
0911_0735_int:09110735_int
8/12/09
15:46
Page 65
14
26. Red Apple
22 34
1977-1983, Van den Broek & Bakema ; 2002-2004, restauration, Van Velzen, Lafeber, Bonneur. Hoogstraat 110. M° Blaak. Reconnaissable à sa façade en verre en cascade, ce bâtiment constitue un des jalons de la Binnenrotte.
2002-2009, KCAP. Wijnhavenpunt. M° Blaak. 200 logements, des lofts habitattravail, des services, des commerces et des parkings sont répartis dans une tour de 128 m et un bloc de 9 étages en porte-à-faux au-dessus d’immeubles 1950 réhabilités et intégrés dans l’ensemble.
18. Gare et station de métro Blaak
27. Tours d’habitation Wijnhaven
1987-1993, H. C. H. Reijnders, L. I. Vakar ing., E. M. Haring arch. municipal (station de métro). L’emplacement de cette gare a été l’un des centres de la ville historique.
22 Waterstadtorens, 1996-2005, H. J. Duyzer (HM Architecten). Scheepmakerstoren, 2003-2008, T. F. R. Pino (SOL Design). Wijnhaven / Jufferstraat. M° Leuvehaven.
17. Bibliothèque centrale
42
34 42
19. Immeuble Blaak 31
2007-2011, KCAP. Blaak 31. M° Blaak. Cet immeuble de bureaux, constitué de trois blocs en surplomb sur le boulevard, participe à la transformation urbaine du quartier S t. Laurens et de la Binnenrotte. 20. Amsterdamsche bank / Incassobank
1946-1950, E. H. A. & H. M. J. H. Kraaijvanger. Blaak 40. M° Blaak. Architecture traditionnelle de brique et de marbre symbolisant la renaissance économique de Rotterdam au début des années 1950. 21. Tour de bureaux ROBECO
1987-1992, W. G. Quist. Coolsingel 120. M° Beurs. Exercice “néo-miessien” de Quist, à proximité du carrefour de la Churchillplein. À la croisée du Coolsingel et de Blaak, une dizaine de tours ont ainsi été érigées entre 1976 et 2008 constituant un premier centre d’affaires, avant celui de Weena. 22. Musée maritime
54
1981-1986, extension en 2004, W. G. Quist. Leuvehaven 1. M° Beurs. La collection de ce musée sur plan triangulaire se prolonge en plein air le long des bassins du Leuvehaven. 23. Pont Regentessebrug
1897-1899, D. B. Logemann. Wijnhaven / Posthoornstraat. M° Beurs et Blaak. Du temps où le Wijnhaven prospérait. 24. Tour de logements Wijnhaeve 2
22
2006-2010, KOW.
28. Logements du Leuvehaven
1975-1980, Apon, Van den Berg, Ter Braak, Tromp. Glashaven, Wijnkade, Jufferkade, Scheepmakerskade. M° Beurs et Leuvehaven. Un des premiers exemples de reconversion portuaire en quartier d’habitation. 29. Immeuble de bureaux het Witte Huis 22
1897-1898, W. Molenbroek. Wijnhaven 3 / Geldersekade. M° Blaak. Avec ses 45 m de haut, cet ancien donjon du capitalisme local rescapé des bombardements est un des édifices emblématiques de Rotterdam. 30. Maisons-cubes
2
34. Boompjes
1989-1990, aménagement, K. W. Christiaanse ; restaurant (au n° 701), Mecanoo. M° Leuvehaven, B 48. Ce projet d’espace public a tenté d’effacer les obstacles physiques créés par la surélévation des quais répondant aux nouvelles normes du plan Delta et par la réalisation du Maasboulevard en 2x2 voies, afin que le centre-ville renoue avec son fleuve. 35. Hôtel, bureaux et salles de conférence
Ph. © ThM
1953-1955, H. A. Maaskant. Groenendaal 47-225. M° Blaak et Oostplein, T 7. Remarquable architecture fonctionnelle de style international.
36
± 1750. Wijnhaven 13, 15, 21. M° Blaak et Oostplein. Lors des travaux du métro, ces maisons ont été rasées puis reconstruites avec une structure béton. Les façades ont été reconstituées brique par brique.
1983-1989, W. G. Quist. Boompjes 40. M° Leuvehaven, B 48. Construit sur une lame de terre entre port et Nouvelle Meuse, cet édifice blanc est la première expression de la reconquête des quais.
17
54
1986-1989 / 2006, Tuns + Horsting. Leuvehaven 80. M° Leuvehaven. Architecture de l’ère du spectacle, à la croisée de l’axe nord-sud (le bas du Coolsingel) et de l’axe est-ouest (Boompjes), à l’entrée du pont Erasmus.
Ph. © SR
16. Immeuble d’habitation et magasins
25. Maisons de marchands
22 33
18
36. Les ponts sur la Nouvelle Meuse
A - Erasmusbrug (et abords) 1 4 46 1990-1996, UN Studio. M° Leuvehaven (rive nord) / M° Wilhelminaplein (rive sud). Emblème de la ville, ce pont a un tablier de 802 m suspendu à un unique pylône de 139 m. B - Willemsbrug 1975-1981, C. Veerling (Gemeentewerken). C - Pont ferroviaire De Hef 21 22 56 1924-1927, P. Joosting. Koningshaven. D - Koninginnebrug 22 1924-1929, A. H. van Rood, W. G. Witteveen. Koningshaven. B 32 et 48 pour les 3 ponts.
Ph. © JK
1945-1949, H. A. Maaskant, W. van Tijen. Goudsesingel 66-202. M° Blaak et Oostplein, T 7. Ce bâtiment répondait à la pénurie de locaux professionnels au sortir de la guerre.
Willemswerf
21
34 42
1978-1984, P. Blom. Blaak / Spaansekade. M° Blaak. Apogée du travail théorique et pratique de Blom sur la ville et son architecture, la maison-cube est conçue comme un refuge suspendu au-dessus du boulevard Blaak.
CENTRE-VILLE II : COOL, OUDE WESTEN ET DIJKZIGT. ENTRE WEENA ET WESTZEEDIJK, ET ENTRE LE S’GRAVENDIJKWAL / HENEGOUWERLAAN ET LE COOLSINGEL
31. Maisons de marchands
2005-2013, Team CS (Meyer & Van Schooten, Benthem Crouwel) ; West 8 (espaces publics). Stationsplein. M° Centraal Station. En prévision de l’arrivée du TGV en 2011, une gare multimodale est en construction, associée à de vastes aménagements urbains alentour tels que Schiekadeblok et Weenapoint.
54
1980-1989, Klunder Architecten. Boompjes 266-666. M° Leuvehaven. Ces trois tours identiques forment un front monumental sur la Nouvelle Meuse. 33. Immeuble de bureaux
36-B
48
1700-1710. Haringvliet 84 à 98. M° Blaak. Maisons de marchands enrichis par la pêche et le commerce du hareng au XVIIe s. L’ensemble est classé Monument historique. 32. Trois tours d’habitation
37. Gare centrale (Centraal Station)
Ph. © ThM
15. Hôtel industriel
Wijnhaven. M° Blaak. La tour (71 m de haut, 24 étages) abrite des appartements de luxe. Les façades en brique et le sommet en pyramide à degrés veulent évoquer le New York du début du XXe s.
38. Groothandelsgebouw
29 31
1945-1952, H. A. Maaskant, W. van Tijen ; 2000-2005, rénovation, Van Stigt. Stationsplein 45. M° Centraal Station. Cet imposant hôtel industriel
65
Ph. © SR
Aujourd’hui le Berlage Instituut.
0911_0735_int:09110735_int
8/12/09
15:46
Page 66
38
Ph. © ThM
(220x84x43 m), organisé autour de trois cours intérieures, devait répondre à la pénurie de locaux commerciaux après la guerre. Les premiers étages sont distribués par des rampes carrossables. Son ancienne salle de cinéma et ses terrasses offrent une vue panoramique. 41
39. Quartier de la Weena, 1982-1992 32 Entre la gare centrale et Hofplein. siège social de Nationale-Nederlanden, 31 48 1986-1991, A. Bonnema. siège social d’Unilever, 1988-1992 ; logements, 1987-1990, J. Hoogstad. M° Centraal Station. Des immeubles de bureaux impersonnels de grandes entreprises comblent, à partir des années 1980, le vide laissé par les bombardements entre la gare centrale et la Hofplein.
Ph. © SR
40. Bouwcentrum, Centre d’information pour la construction
Ph. © ThM
43
48
1946-1948, J. W. C. Boks ; 2000, rénovation par Schiller Arch. Diergaardesingel / Kruisplein 15. 1955-1956, extension au Weena 760, W. Eijkelenboom, A. Middelhoek (EGM). M° Centraal Station. Édifice à plan centré, à seize côtés. Ossature béton coiffée d’une coupole en béton et pavés de verre.
Ph. © SR Ville de Rotterdam, ph. © PS
48. Cinéma Thalia
1953-1955, J. P. L. Hendriks, W. van der Sluys, L. A. van den Bosch ; 2002, restructuration, Barkema & Reijnen. Kruiskade 55. M° Stadhuis. Avec une salle de 800 places. 49. Hôtel Atlanta
1920-1931, 1950 (nouvelle aile), F. A. W. van der Togt ; 1965, extension et restructuration, Groosman Partners. Aert van Nesstraat 4 / Coolsingel. M° Stadhuis. Bâtiment préservé des bombardements, mêlant architecture moderne et Art déco.
43. Bureaux Shell
1956-1960, C. A. Abspoel ; 1973-1976, tour, Zanstra, De Clercq, Zubli & Lammertsma. Hofplein 19 et 20. M° Stadhuis. Le socle de ce complexe, construit partiellement sur pilotis, permettait l’accès à la gare Hofplein. La tour de 26 étages, critiquée lors de sa construction, est un repère visuel au nord du centre-ville. 44. Schouwburgplein
18 32
1990-1997, A. H. Geuze (West 8). M° Centraal Station. Place piétonne, avec circulation automobile périphérique contrôlée, encadrée par les principaux équipements culturels de la ville. 45. Cinéma multiplex Pathé
Ph. © ThM
1951-1953, Van den Broek & Bakema (avec F. J. van Gool) ; 1962-1966, extension idem (avec H. Klopma) ; 1954-1956, logements, H. A. Maaskant, A. Krijgsman, H. D. Bakker ; 1968-1969, extension de l’Oldenbarneveltplaats, A. Krijgsman. M° Stadhuis et Beurs Ensemble de 65 boutiques, sur deux niveaux, le long de deux rues piétonnes partiellement couvertes. Les locaux de service sont sur l’arrière, distribués par des voies desservant aussi les barres de logements. Celles-ci, de 3, 9 et 13 étages, sont organisées autour de jardins publics. Projets de rénovation en cours.
1954-1959, E. H. A. & H. M. J. H. Kraaijvanger ; 2007-2009, restructuration, Claus & Kaan. Delftseplein 31. M° Centraal Station. De vastes plateaux libres répondent à la mécanisation du travail de tri. Béton brut et bandeaux vitrés caractérisent cette architecture rationnelle et fonctionnaliste. En cours de reconversion. 1960-1964, H. A. Maaskant, F. W. de Vlaming. Weena 10. M° Stadhuis.
54
47. Centre commercial piétonnier du Lijnbaan et logements 29 41
41. Central Post (ex-tri postal)
42. Hôtel Hilton
51
Kraaijvanger, R. H. Fledderus ; 1993-1999, extension : conservatoire et académie de danse, J. Hoogstad. Schouwburgplein 50 / Kruisstraat 2. M° Centraal Station.
32
1992-1996, K. J. van Velsen. Schouwburgplein 101. M° Centraal Station. 46. Salle de concert De Doelen
1955-1966, E. H. A. & H. M. J. H.
66
50. Grand magasin De Bijenkorf 29 55 1955-1957, M. Breuer, A. Elzas ; 1974, parking, DSBV avec M. Breuer & T. Devin. Coolsingel 105. M° Beurs. Boîte massive ayant une structure en béton et des façades plaquées en pierre de travertin. Une extension est prévue sur l’arrière : la B’tower (magasins, logements) de Wiel Arets (2009-2011).
51. Centre commercial la Beurstraverse 55
1991-1996, De Architekten Cie, J. A. Jerde ; urbanistes : S. P. van Breda, T&T Design. Entrées : Hoogstraat et Lijnbaan. M° Beurs. Ce passage piéton commerçant de 300 m, en partie à ciel ouvert, permet de franchir en sous-sol le Coolsingel. Il relie le centre commercial de la ville de l’aprèsguerre au quartier commerçant historique de la Hoogstraat. 52. Parc pour skaters
18
53
1998-2000, D. van Peijpe (dS + V - sces municipaux) avec J. Glissemar, G. J. Hoorn. Terre-plein de Westblaak
M° Eendrachtsplein, T 7. 53. Grand magasin Ter Meulen Linea Nova 29 56
1949-1951, Van den Broek & Bakema ; 1976-1977, extension, idem (avec H. B. J. Lops) ; 2003-2010, rénovation et extension, Van Tilburg Ibelings von Behr arch. Binnenwegplein. M° Beurs. Ce grand magasin de l’après-guerre fait l’objet d’une extension verticale un immeuble de logements - portant le tout à 70 m de haut. 54. Snack-bar Bram Ladage
1990, K. W. Christiaanse, M. J. van der Stelt. Binnenwegplein 24. M° Beurs. Clin d’œil à l’Amérique des fast-foods et du Pop Art. 55. Église orthodoxe russe
1994-2004, L. Waardenburg. Schiedamse Singel 220. M° Leuvehaven. 56. Bureau et résidence privée
2009, Kühne & Co. Boomgaardsstraat 34. M° Eendrachtsplein. Cet immeuble lamelliforme de 54 m de long et 5 m d’épaisseur, posé sur pilotis, referme un îlot et reforme la rue. 57. Café De Unie
25
1985-1986, C. J. M. Weeber. Mauritsweg 35. M° Eendrachtsplein, T 7 Seule la façade “De Stijl” du café De Unie (1924-1925) de J. J. P. Oud, situé alors sur le Coolsingel et détruit par le bombardement de 1940, a été reconstruite à l’identique. 58. Westersingel (Waterproject) 8 31 1859-, W. N. Rose, J. A. Scholten Hzn, J. D. Zocher Jr ; 2000, réaménagement, M. Struijs (dS + V). M° Centraal Station. et Eendrachtsplein, T 7. Ce singel, qualifié d’axe culturel, est agrémenté d’un musée de sculptures en plein air.
59. Logements et boutiques
1975-1979, P. P. Hammel ; 2006-2007, restructuration, Mecanoo. Nieuwe Binnenweg 2-34. M° Eendrachtsplein, T 7. Un des premiers projets du groupe d’action Oude Westen, conçu avec la participation des habitants du quartier. 60. Logements et commerces
1930-1932, J. H. van den Broek ; 1998, rénovation, Putter Partners. Nieuwe Binnenweg 149 / Mathenesserlaan 190-192. M° Dijkzigt, T 4. Immeuble d’angle (R+6) avec magasins en RDC. 61. Logements Tiendplein
43
1984-1990, Mecanoo. Palmdwarsstraat / Coolsestraat / Zijdewindeplein. T 21 et 23. Cette opération de dédensification du vieux tissu urbain spéculatif du XIXe s. regroupe 97 logements autour d’une place publique.
0911_0735_int:09110735_int
8/12/09
15:46
Page 67
62
64. Musée Chabot
1938-1939, G. W. Baas, L. Stokla ; 1976, extension, Groosman Partners ; 1993, restauration, F. C. de Weger. Museumpark 11. M° Eendrachtsplein, T 7. Cette villa moderne, avec son jardin sur le toit-terrasse, devenue musée en 1993, est l’un des joyaux des années trente. 65. Musée Boijmans 26 van Beuningen et son jardin
CENTRE-VILLE III : NIEUWE WERK, SCHEEPVAARTKWARTIER. ENTRE WESTZEEDIJK / VASTELAND ET PARKKADE / WESTERKADE, ET ENTRE PARKHAVEN ET SCHIEDAMSEDIJK 70. Église norvégienne démontable
1914, M. Poulsson & A. Arneberg. Westzeedijk 302. T 8.
1
36
1890, J. C. van Wijk. Koningin Emmaplein 1-15 / Westzeedijk 92-106. T 8. Figure urbaine monumentale en fer à cheval avec jardin central. 72. Westelijk handelsterrein
23
78. Atlantic-Huis
1928-1930, P. G. Buskens ; 2003-2008, rénovation, G. J. Hoorn. Westplein 1. T 7, A Willemskade. Immeuble de bureaux Art déco en brique et verre, reconvertis en logements. 1909-1916, J. H. de Roos, W. F. Overreijnder. Veerhaven 14-15. T 7. Siège de la compagnie, avec l’appartement du directeur aux deux derniers étages. 80. Het Nieuwe Werk
1847-, W. N. Rose dessin urbain ; divers architectes. Parklaan et alentour. T 8. Le quartier combine avec élégance entrepôts et logements. Côté fleuve, l’alignement des façades blanches compose un front urbain.
73. Tours de logements De Hoge Heren 54
82. Bureaux Elevatorhuis
1951-1953, H. N. M. Nefkens, A. J. M. Buijs ; 1999-2000, extension, BIAS Arch. Willemskade 13. T 7, A Willemskade. Maison d’accueil pour marins, surélevée et transformée en hôtel de tourisme.
67. Museumpark
75. Wereldmuseum (ex-Yachtclub)
1985-1993, Y. Brunier paysagiste, OMA, P. Blaisse. Entre Museumpark et Westzeedijk.
1849-1851, A. N. Godefroy ; 1982-1986, restauration, J. M. Homan. Willemskade 25. T 7, A Willemskade.
74. Zeemanshuis
68
79. Immeuble Van Uden
81. Immeuble Parklaan
1992-2001, W. M. J. Arets. Gedempte Zalmhaven 47-749. M° Leuvehaven, T 7, A Willemskade. Ces deux tours jumelles de 102 m de haut, aux façades en béton préfabriqué couleur anthracite, abritent 200 logements de luxe, dont environ 50 en location de courte durée, un lobby panoramique, une piscine, une salle de gymnastique...
Ph. © SR
1914-1916, J. P. Stok Wzn, G. Diehl. Westerkade 1-6. T 7. Le hall d’entrée de ce bâtiment à la façade en pierre et à l’angle arrondi est décoré de carreaux de céramique turquoise.
1894, Th. L. Kanters ; 1999-2001, restauration, H. Klunder, J. W. van der Weerd. Van Vollenhovenstraat 15. T 7, 8 et 20. Reconversion de hangars, par un promoteur privé, en un ensemble commercial branché : cafés, restaurants, cavistes, galeries d’art.
hôpital Dijkzigt 1952-1960, A. Viergever, B. M. den Hollander (sce municipal) ; 2009-2017, restructuration et constructions nouvelles, B. Molenaar (EGM Architecten). Dr Molewaterplein 60. faculté de médecine 1965-1968, OD 205 ; 2009-2011, extension, Claus & Kaan. Wytemaweg / Dr Molewaterplein 40. parking souterrain 2005-2010, P. de Ruiter, OMA (paysage). Museumpark. M° Dijkzigt et Eendrachtsplein. L’hôpital Dijkzigt, intégré dès les années 1970 au sein d’un nouveau centre hospitalier universitaire comprenant aussi la faculté de médecine, devrait être remplacé par un ensemble de constructions nouvelles. La tour de la faculté de médecine (114 m) est couverte de panneaux conçus par J. Prouvé.
64
77. Immeuble de bureaux SHV
Ph. © SR
1992-1995, E. L. J. M. van Egeraat. Westzeedijk 345. T 8. Le musée est logé dans la villa néoclassique Dijkzigt (J. F. Metzelaar, 1850). Un pavillon de verre attenant contient l’espace des expositions temporaires et la bibliothèque.
71. Maisons bourgeoises
1928-1935, A. van der Steur ; 1963-1972, 1re extension, A. Bodon (DSBV) ; 1980-1991, pavillon de jardin, H. A. J. Henket ; 1997-2003, 2e extension, P. Robberecht, H. Daem. Museumpark 18-20. M° Eendrachtsplein, T 7. 66. Erasmus Medisch Centrum
69. Musée d’Histoire naturelle
1908-1909, B. Hooijkaas Jr, M. Brinkman. Veerdam 1. T 7, A Willemskade. Le bâtiment aux façades décorées de briques émaillées abrite un club d’aviron et de voile créé dès 1851.
Ph. © GwQ
1929-1933, Brinkman & Van der Vlugt ; 1999-2001, restauration, Molenaar & Van Winden. Jongkindstraat 12. M° Eendrachtsplein, T 7. Un des édifices les mieux conservés du style Nieuwe Bouwen, branche néerlandaise de l’architecture moderne. Maison-musée depuis 2001.
58
1988-1992, OMA. Westzeedijk 341. T 8. Une succession de rampes organise le parcours des salles d’expositions, exploitant le dénivelé existant entre le niveau haut de la digue de protection et le niveau bas du Museumpark.
76. Clubhouse De Maas
1931-1933, W. van Tijen. Parkstraat 2. T 8. Immeuble moderne d’habitation bourgeoise, comportant un appartement par niveau. Structure porteuse en métal et façades en mur-rideaux, un des premiers réalisés aux Pays-Bas. 1914-1915, M. Brinkman. Parklaan 8. T 7 et 8. L’entrée disposée latéralement forme la seule altération à l’ordonnancement classique de la façade. 83. Het Park
1852-1863, J. D. Zocher Jr, L. P. Zocher arch.-paysagistes ; ± 1870, orangerie, écuries..., J. F. Metzelaar ; 1913, restaurant Parkzicht, M. Vermeer ; 1960, aménagement jardin (Floriade), J. T. P. Bijhouwer, et al. Entre Westzeedijk et Parkkade. T 8. Le site, occupé à l’origine par trois résidences d’été et aménagé en plusieurs phases, a été réunifié et entièrement ouvert au public après 1875. Il a connu depuis plusieurs réaménagements. 84. Maastunnel et bâtiments de filtrage 26
67
76
Ph. © ThM
63. Villa Sonneveld
68. Centre d’art De Kunsthal
Bel édifice néoclassique, l’ancien Yachtclub, devenu “musée du Monde”, devrait rouvrir en décembre 2009 après rénovation.
78
Ph. © ThM
1988-1993, J. M. J. Coenen. Museumpark 25. M° Eendrachtsplein, T 7. Le bâtiment se compose de quatre sections exprimées dans la volumétrie : un auditorium avec café et librairie, des salles d’exposition, les archives (bâtiment oblong posé sur arcades) et la bibliothèque (volume vitré) surmontée de bureaux.
M° Eendrachtsplein, T 7 et 8. Une vision renouvelée des jardins par l’écriture de récits et de collages poétiques. Quatre séquences organisent le parc, entre le Kunsthal et le NAI, la dernière étant altérée afin de réaliser un parking souterrain.
79
Ph. © ThM
62. Institut néerlandais d’architecture (NAI)
0911_0735_int:09110735_int
8/12/09
15:46
Page 68
85 89. Autour de la Schiecentrale
et pittoresque en brique. 96. Immeuble GEB
1958-1960, H. A. Maaskant ; 2004, intérieur, J. A. des Bouvrie. Parkhaven 20. T 8. Cette tour d’attraction, offrant une vue à 360° sur la ville et le port, a été construite à l’occasion de la Floriade, une exposition internationale d’horticulture.
Restructuration et extension Bureau 25KV, 1996-2000 ; Kraton 230, RTV-Rijnmond / Schiecentrale 4B, 2002-2007 ; hôtel-restaurant Stroom, 2005 (avec Star Design), R. Winkel (Mei). Lloydstraat 1, 5, 7-19. Cette ancienne centrale électrique est devenue le centre d’un complexe comprenant notamment, dans des bâtiments reconvertis ou nouveaux, des espaces de travail destinés aux entreprises de la communication et des nouvelles technologies, un hôtel, des unités d’habitation, un supermarché, une salle de sport.
86. Église orthodoxe grecque
90. Bureaux de la Rotterdamse Lloyd
1947-1957, Th. J. Taen, Ch. Th. Nix. Westzeedijk 333. M° Leuvehaven et T 7, 8, 20 et 25.
1922, J. Müller, C. B. van der Tak. Lloydstraat 31-51. Ce bâtiment expressionniste, classé Monument historique, abrite désormais des bureaux et des logements.
1937-1941, J. P. van Bruggen, A. van der Steur. Parkhaven (rive nord) / Charloisse Hoofd (rive sud). T 8 / T 2. Ce tunnel sous la Nouvelle Meuse comporte trois passages séparés, pour voitures, vélos et piétons, et deux pavillons d’accès identiques.
Ph. © SR
85. Euromast
Ph. © ThM
Delfshaven
88
SECTEUR OUEST : MIDDELLAND, NIEUWE WESTEN, DELFSHAVEN, MATHENESSE, SPANGEN, TUSSENDIJKEN, BOSPOLDER. À L’OUEST DE LA HENEGOUWERLAAN / S’GRAVENDIJKWAL ET AU SUD DU CHEMIN DE FER VERS HOEK VAN HOLLAND
Ph. © SR
DELFSHAVEN
89
53
7
Autour des bassins du vieux port de Delft, habités autrefois par des pêcheurs, s’installèrent à partir du XVII e s. de nombreuses brasseries. Le long du Voorhaven, on retrouve des vestiges des XV e et XVI e s. comme l’église (Aelbrechtskolk 20, 1417) ou l’ancien hôtel de ville (Aelbrechtskolk 12, 1580) qui, après l’annexion de Delfshaven par Rotterdam, devient un bureau de police et abrite depuis 1996 une brasserie. LE LLOYDKWARTIER (87 à 92)
Ph. © ThM
La restructuration de la partie est de cette zone portuaire du XIXe s. a été confiée à Neutelings Riedijk. T8, A Jobshaven. 87. Théâtre OT
Ph. © SR
92
88. Le St. Jobsveem
103
Ph. © ThM
2001-2004, F. H. J. Ziegler. St. Jobsweg 3. Un parallélépipède de verre renferme la forme archétypale d’une construction avec toiture à deux versants contenant la salle de spectacle. L’entre-deux peut être utilisé aussi bien comme coulisses que comme espace public. 1912-1914, J. J. Kanters ; 2004-2007, restauration / reconversion, Mei arch. en stedebouwers, W. de Jonge. Lloydstraat 138. Cet ancien entrepôt a été transformé en logements - dont 10 penthouses sur le toit - et en locaux d’activités. Pour conserver son apparence massive, ont été créés 3 atriums pour l’éclairer, le ventiler et organiser les circulations verticales et les entrées.
68
91. Scheepvaarten transportcollege
53
1927-1931, W. G. Witteveen, J. Poot, A. van der Steur. Rochussenstraat 230-736. M° Coolhaven. À l’origine “gratte-ciel” de bureaux, abritant dans son socle des espaces publics et des ateliers, cet immeuble de 50 m de haut est aujourd’hui dévolu à des logements pour étudiants. 97. Heemraadssingel (Waterproject)
1896-1903, G. J. de Jongh. T 4, 21 et 23. 98. Didden village
56
2002-2007, MVRDV. Beatrijsstraat 71. T 21 et 23. La première réalisation de cette agence à Rotterdam est un prototype de densification de la ville existante. Juchée sur une maison et un atelier, cette “addition” prend la forme d’un micro-village de polyuréthane bleu.
2000-2005, Neutelings Riedijk. Lloydstraat 300. Le volume de ce centre d’enseignement maritime (secondaire et supérieur) ressort comme un signal dans le quartier. Une batterie d’escaliers mécaniques conduit le visiteur jusqu’au sommet de la tour de 65 m.
99. Bureaux et entrepôts Diepeveen & Co
92. De Maaskant ou bâtimentporche Müller-Thomsen
1931-1932, H. F. Mertens, J. Koeman. Vierhavenstraat 40-42. M° Marconiplein. Bel exemple d’architecture moderne.
1958-1961, H. A. Maaskant. Schiehaven 15. Enjambant des rails et un passage pour camions, un des édifices fonctionnalistes les plus spectaculaires du port. Aujourd’hui reconverti en bureaux. 93. Mullerpier
52 53
La restructuration de cette darse du XIXe s. a été confiée à la fin des années 1990 à KCAP. Parmi les réalisations, notons deux complexes de logements et de services pour seniors situés : St. Jobskade 10. T 8, A Jobshaven. Block 3 (Aert van Nes) 1999-2003, Neutelings Riedijk, Van Bergen Kolpa. Le volume en gradins de ce bâtiment en brique abrite 42 appartements et une piscine. Witte de With 2003, EGM Architecten. La façade de cet immeuble de 20 étages est couverte de bandes de briques noires, blanches et grises. 94. Lycée Rotterdamsch lyceum
1928-1929, J. H. de Roos, W. F. Overreijnder. Pieter de Hoochstraat 29. T 8. Bâtiment “dudokien” en brique. 95. Éditions Wyt & fils
1923-1925, W. Kromhout Czn ; 2004, restauration, Drost + Van Veen. Pieter de Hoochweg 111. T 8. Architecture rationnelle
1929-1930, W. Kromhout Czn. Pelgrimsstraat 1. M° Delfshaven. Bâtiment d’angle en brique reconnaissable à sa “tour réclame” de 30 m de haut. 100. Bâtiment HaKa
13
101. Entrepôt de coton
1920, J. J. Kanters. Keilestraat 39. M° Marconiplein. Cet entrepôt abrite l’atelier de l’artiste J. van Lieshout. 102. Pavillon de vente aux enchères de fruits
1951-1955, H. A. Maaskant. Marconistraat 25. M° Marconiplein, T 23. La façade principale de ce bâtiment, arrondie et avec bow-windows, donne sur les activités portuaires. 103. Bureaux du district de l’Oud-Mathenesse
1923, J. J. P. Oud ; 1993, restaurant, W. Patijn. Aakstraat 8. M° Marconiplein, T 23. 104. Logements à Spangen
37
1919-1922, M. Brinkman. Jutus van Effenstraat et alentour. M° Marconiplein. Complexe de 273 logements sociaux célèbre pour sa rue-coursive. 105. Logements à Spangen
37
1919-1920, J. J. P. Oud. Pieter Langendijkstraat 2-88. M° Marconiplein. Îlots fermés de logements sociaux, dont une partie seulement du bloc VIII a été préservée lors d’une rénovation. 106. Le Medi
45
2002-2008, Geurst & Schulze.
0911_0735_int:09110735_int
8/12/09
15:46
Page 69
107
1927-1929, J. H. van den Broek ; 1999-2006, restauration, Z. Zavrel, Putter Partners et E. Bakema. Mathenesserplein. T 21 et 23. Cet ensemble de logements avec commerces en RDC rappelle certaines compositions urbaines de Berlage à Amsterdam. 110. Mosquée Mevlana
1995-2001, H. W. D. Toorman. Mevlanaplein 1. B 32. SECTEURS NORD / OUEST, NORD ET EST. ENTRE LE CHEMIN DE FER VERS HOEK VAN HOLLAND ET LE RING (AUTOROUTE A20), ET ENTRE LE GOUDSESINGEL / OOSTMOLENWERF / MAASBOULEVARD / NOUVELLE MEUSE ET LE RING (A16) 111. Usine Van Nelle
25
1925-1931, Brinkman & Van der Vlugt ; 1999-2003, restauration, W. de Jonge. Van Nelleweg 1. B 43. Cette ancienne usine de tabac, café et thé, novatrice par son architecture et son fonctionnement, est un must du Mouvement moderne. Elle a été reconvertie en “Design Factory” avec bureaux et espaces pour l’événementiel. 112. Zoo de Blijdorp
1937-1941, S. van Ravesteyn ; 2001, Oceanium, Schroeder Design. Van Aerssenlaan 49. B 40, 44 et 49. Remplaçant le premier zoo, aménagé par le paysagiste Zocher près de la gare centrale, le deuxième a une architecture en courbes et des ornements symbolisant l’origine des animaux. 113. Logements Eendracht (Blijdorp)
1929-1935, J. H. van der Broek. Vroesenlaan / Van der Horststraat / Navanderstraat. B 33 et 49. Îlot en U ouvrant sur un parc, constitué de logements modernes à l’esthétique abstraite et à la distribution fonctionnaliste et flexible. 114. Logements Bergpolder
39
1932-1934, W. van Tijen, Brinkman & Van der Vlugt ; 1992-1993, restauration, Op ten Noort Blijdenstein. Dr De Visserstraat 65-207 / Abraham Kuyperlaan. T 25. Cette barre R+8 d’appartements
117. Complexe scolaire Technikon 28 1955-1970, Maaskant, Van Dommelen, Kroos, Senf. Benthemstraat 2. M° Stadhuis, T 25. Reliés par un socle commun, trois bâtiments - dont un, courbe, de 220 m de long et de 10 étages abritent des écoles techniques, un théâtre et des locaux sportifs.
118. Viaduc ferroviaire de la ligne Hofplein
1899-1908, A. C. C. G. van Hemert. Vijverhofstraat. T 4 et 25. Ce viaduc de 189 arches en béton, long de près de 2 km, abrite des boutiques, des ateliers et des entrepôts. Il a été récemment acheté par des corporaties pour redynamiser les quartiers adjacents. 119. Logements Hofdijk
1977-1983, J. Verhoeven. Entre Pompenburg, Stroveer, Hofdijk et Vredenlaan. T 7 et 8. Disposé sur un canal en boucle, cet ensemble de 580 logements, en petits immeubles (R+3, R+4) avec toitures à deux pentes, a une morphologie inspirée des quartiers anciens. 120. Maisons de marchands
± 1700. Rechter Rottekade, n° 405 à 417. M° Stadhuis, B 38. Seuls témoins des édifices construits sur la Rotte. 121. Logements et boutiques Wereldhaven
1941-1943, J. Wils (partie gauche) ; 1949-1951, J. C. Bolten, D. Dürrer, A. E. G. & J. D. Postma. Entre Goudsesingel et Warande. M° Oostplein. Un des rares exemples d’îlots bâtis selon les principes urbains de W. G. Witteveen. 122. Crooswijksesingel et Boezemsingel (Waterproject)
1859-, W. N. Rose, J. A. Scholten Hzn, J. D. Zocher Jr. T 8, B 38. 123. Logements de Reserveboezem
III
38
1924, probablement de J. Klijnen. Kerkhofstraat / Kerkhoflaan / Rijsthofstraat. B 38 et 46. Une opération d’expérimentation
Ph. © SR
109
125. Villa Van der Leeuw
1927-1929, Brinkman & Van der Vlugt ; 1975, 1re restauration, H. D. Bakker ; 1990, M. D. Booy (Van den Broek & Bakema). Kralingse Plaslaan 38. M° Voorschoterlaan. La villa privée à toit-terrasse du directeur de la fabrique Van Nelle avec vue sur le lac de Kralingen.
Ph. © SR
109. Logements et boutiques
1895-1899, W. C. Metzelaar ; 1863-1872, prison, A. P. Pierson. Noordsingel 113-117. T 4. La prison, située derrière le tribunal en cœur d’îlot, a un plan en étoile.
1998-2001, Mecanoo. Cimetière St. Laurentius, Nieuwe Crooswijkseweg 123. B 28, 46.
116
126. Villa privée
1989-1991, Mecanoo. Kralingse Plaslaan 88. M° Voorschoterlaan. Cette demeure, hommage aux villas modernes, est entièrement “domotisée”. 127. Lac et parc de Kralingen
Ph. © SR
1896-1899, D. B. Logemann. Mathenesserlaan 315. B 32 et 44. Bâtiment à l’architecture éclectique italianisante.
116. Tribunal
124. Chapelle Ste-Marie-des-Anges
7
1927-1930, J. R. A. Koops, J. T. P. Bijhouwer (sces municipaux). Plaszoom et alentour. M° Voorschoterlaan. De Jongh l’avait envisagé dès 1911, mais l’aménagement du parc et du lac s’est fait à la fin des années 1920 dans le cadre de la lutte contre le chômage.
118
Ph. © ThM
108. Anciennes archives municipales
Spoorsingel, Noordsingel 1859-, W. N. Rose, J. A. Scholten Hzn, J. D. Zocher Jr. Provinierssingel, Bergsingel 1896-1903, G. J. de Jongh. M° Centraal Station, T 25.
128. Deux villas à patio
1985-1989, R. L. Koolhaas (OMA). Onderlangs 44-46. M° Kralingse Zoom, B 36. Maisons mitoyennes posées sur le versant d’une digue. Dans la partie supérieure, l’étage principal s’organise autour d’un patio. 129. Quartier DWL
119
43
Respectueuse de la structure urbaine, cette reconversion des anciens terrains de la compagnie de production d’eau potable du XIXe s. en quartier de logements sociaux est le fruit de la collaboration entre le groupe militant Utopia et une urbaniste de la Ville, Elizabeth Poot. T 21. château d’eau 1871-1873, C. B. van der Tak (sces municipaux). Watertorenweg 180. bâtiments de filtrage 1928-1929, 1941, 1950, A. van der Steur (sces municipaux) ; 1979-1983, restauration, W. Patijn, J. Mulder (sces municipaux). logements 1983-1996, divers architectes. 130. Maisons
Ph. © SR
2006-2008, N. Jellouli-Guachati (XS2N). Angle Bruijnstraat / Rosener Manzstraat. M° Delfshaven, T 8, 21 et 23. Logements conçus à l’initiative et selon les souhaits d’une association de familles turques.
115. Singels du Waterproject
sociale - immeubles en briques, R+2 -, où les appartements pour couples sans enfants pouvaient communiquer avec les logements plus grands réservés aux veufs ou veuves avec enfants. Vouée à la destruction par le projet de rénovation urbaine de Nieuwe Crooswijk d’Adriaan Geuze.
36
1891- ± 1904, divers architectes.
69
124 Ville de Rotterdam, ph. © JB
107. Logements Biz Botuluyuz
traversants distribués par coursives propose un modèle de logement économique inspiré de Gropius.
128
Ph. © ThM
Schippersstraat / Blokmakersstraat / Medinastraat. M° Delfshaven et Marconiplein, T 8. Ensemble de 103 logements disposés autour d’un espace central minéral.
0911_0735_int:09110735_int
8/12/09
15:46
Page 70
131
Ph. © DR
Avenue Concordia / Voorschoterlaan. M° Voorschoterlaan, T 21. Ce quartier de maisons de ville est l’un des plus beaux exemples de promotion privée du XIXe s. AU
NORD DU RING
(A20
ET
A16),
DE L’OUEST VERS L’EST
Ph. © ThM
137
140
131. Logements à Hoek van Holland
1924-1927, J. J. P. Oud ; 1999, restauration, W. Patijn, J. van Kampen, K. Overmeire. 2e Scheepvaartstraat, Hoek van Holland. NS Hoek van Holland Haven. Célèbre barre blanche de logements, de 3 pièces au RDC et de 2 ou 4 pièces à l’étage.
Ph. © SR
132. Logements Lupine
142
2008, Mei arch. en stedenbouwers. Zilverschoonstraat / Aronskelkstraat / Cyclaamstraat / Spireastraat. T 25. Opération de démolition et de reconstruction réalisée avec la participation des habitants. 117 logements sont répartis dans 3 blocs, de R+2 à R+4, qui forment un espace public intérieur. 133. De Landjes - quartier VINEX Nieuwe Terbregge 44
1998-2001, Mecanoo. Entre Dirk van Prooijesingel et Pieter van de Polsingel. B 35. Des passerelles permettent d’enjamber les canaux et de relier entre elles les plateformes qui couvrent les parkings et distribuent les maisons en bande.
Ph. © ThM
134. Quartier Prinsenland
144
1982-1998, Frits Palmboom. Dans l’aménagement de ce quartier d’habitation, l’urbaniste a pris en compte les formes parcellaires de l’ancien polder. logements, 1989-1993, Mecanoo. Ringvaartplasbuurt /Jacques Dutilhweg et alentour. M° Prinsenland, Schenkel, Capelsebrug.
Ph. © ThM
135. Quartier VINEX Nesselande
Ph. © SR
146
44
2001-, dS + V (sces municipaux) et divers architectes. Wollefoppenweg et alentour. M° Nesselande. Ce quartier principalement constitué d’un habitat individuel dense (en moyenne 35 logts/ha) s’organise autour d’un lac agrémenté d’une plage. station de métro Nesselande 2000-2006, H. Moor. équipements scolaires et pour personnes âgées 2003-2006, Cita architecten. Robert van ’t Hoffstraat. maisons Périscopes 2005-2006, J. Vos. Waterwijk, Marinus van Elswijkkade. 12 logements, une goutte d’architecture dans un océan de médiocrité. villa van Rooij 2008, Van Heerden & Partners. Aper Bouwmankade 41.
70
Villa privée aux intéressants jeux de vide et de double hauteur. 136. Quartier Ommoord
40
1962-1977, C. I. A. Stam-Beese. President Rooseveltweg et alentour. M° Binnenhof, Graskruid, Hesseplaats et Romeynshof. Un des derniers quartiers de grandes barres de logements sociaux de l’après-guerre. RIVE SUD LE NORD DE FEIJENOORD : KOP VAN ZUID. DE LA NOUVELLE MEUSE À LA DOKLAAN / BRIELSELAAN / PUTSELAAN / 2 ROSE STRAAT E
M° Wilhelminaplein. 137. Bâtiment Unilever, Bruggebouw 56 2000-2004, JHK Architecten. Nassaukade 3. B 38. Ce bâtiment-pont a été assemblé sur place, puis hissé à 26 m et glissé au-dessus des bâtiments existants.
138. Logements et commerces De Vijf Werelddelen 12
1874-1879, Th. J. Stieltjes ; 1991-1995, Cepezed. Handelsplein. B 38. Cet entrepôt emblématique a été transformé en bureaux et en une centaine de logements. Une galerie marchande a trouvé sa place dans l’atrium créé sur toute la longueur de l’édifice. 139. Logements De Peperklip
1979-1982, C. J. M. Weeber. Rosestraat / Stootblok / Draaischijf. B 38. Plaidoyer pour la préfabrication et la rationalisation de l’habitation, cette opération de 549 logements sociaux (barres et sections de cercle) reste controversée et concentre une population défavorisée. 42 49
Ce quartier se compose de 10 îlots rectangulaires disposés de part et d’autre d’un jardin public central. Selon leurs positions, les logements varient dans leur typologie et par le choix des architectes. La brique préserve une unité. KCAP a conçu les 4 îlots au nord et au sud du quartier, avec des immeubles à balcons vitrés en saillie. DKV a dessiné un front urbain monumental sur Laan op Zuid (5 immeubles identiques de 9 étages). Six villas urbaines (Molenaar & Van Winden) et des maisons de ville occupent le cœur du quartier. T. Karelse et J. van der Meer ont composé un alignement de maisons mitoyennes sur la rue s’ouvrant sur le Binnenhaven. 143. École primaire De Pijler
1996-1997, KCAP. W. G. Witteveenplein 10. T 25. Côté rue, la brique posée sur champ produit une texture rêche et continue sur l’espace public en contraste avec la façade bois sur cour. L’école dispose de deux classes de plein air. 144. Tour de bureaux Maastoren 46 49 2006-2009, Dam & Partners Laan op Zuid / Stieltjesstraat C’est la plus haute tour du pays (161 m). La peau de ses façades, d’un gris métallique, change de couleur selon les conditions climatiques.
145. Immeuble de bureaux Vancouver
2008-2010, Claus & Kaan. Laan op Zuid (Spoorweghaven). Entre l’exubérance des logements de Kollhoff et la Maastoren, cet édifice enveloppe laconiquement ses huit étages et ses 11 000 m2 de bureaux d’une grille uniforme.
140. Poortgebouw - Bâtimentporche
146. Station de métro Wilhelminaplein
1879, J. S. C. van der Wall. Stieltjesstraat 27-38. B 38. Autrefois siège de la Rotterdamsche Handelsvereeniging, ce “bâtimentporche”, situé près de l’entrée de l’ancienne zone franche du port, fut longtemps un squat d’artistes.
1991-1998, Zwarts & Jansma. Cette station de 135 m de long est la plus profonde du pays (à -16 m). Son aménagement est volontairement “luxueux” pour attirer les usagers vers le métro.
141. Logements Landtong
49
1991-1997, F. van Dongen (De Architekten Cie) ; aménagement de la place centrale, Atelier Quadrat. Helmersstraat / Levie Vorstkade / Louis Pregerkade. Ce premier et vaste complexe résidentiel réalisé à Kop van Zuid logements, équipements et espaces publics - est organisé en îlots carrés avec des immeubles à gradins. 142. Laan op Zuid
51
1993-2002, KCAP, DKV, T. Karelse, J. van der Meer, et al. Autour de la W. G. Witteveenplein (entre Laan op Zuid / Lodewijck Pincoffsweg / J. B. Bakemakade / Vuurplaat). T 25.
147. Tour de contrôle du pont Erasmus
1992-1996, Bolles + Wilson. Wilhelminaplein. Passerelle onirique, aménagement des abords et tour de contrôle visent à stimuler l’appropriation des berges du nouveau quartier. WILHELMINAPIER (148 à 155)
Le plan directeur de 1992 de Foster & Partners organise cette péninsule en trois zones, implantant côté Rijnhaven des tours d’habitation, côté ville des bureaux et au centre des équipements et des logements. M° Wilhelminaplein, navette. 148. Las Palmas
13
1950-1953, Van den Broek & Bakema ;
0911_0735_int:09110735_int
8/12/09
15:46
Page 71
152
157. Logements Cité
1995-2000, Foster & Partners. Wilhelminakade 801. Le premier locataire de cette tour de bureaux de 124 m, qui jouxte l’hôtel New York, est le Port de Rotterdam.
2009, Tangram. Laan op Zuid / Veemstraat. T 25. Reliées par un bâtiment bas, deux tours de 84 et 75 m de logements trendy pour étudiants et jeunes en début de carrière, avec salle de fitness, restaurant, salles de réunion.
150. Terminal de la Holland Amerika Lijn 13
1946-1949, Brinkman, Van den Broek & Bakema. Wilhelminakade 699. Hall d’accueil des passagers, couvert de six coques en béton, d’une portée de 18 m. 151. Tour New Orleans
2007-2010, A. Siza. Wilhelminapier. Tour monolithique blanche de 166 appartements luxueux qui s’inscrivent en redan. À sa base, un socle étiré abrite un cinéma et un théâtre. 152. Hôtel New York (ancien siège de la Holland Amerika Lijn)
1901, 1908, 1919, J. Müller, C. M. Droogleever Fortuyn, C. B. van der Tak ; 1991-1993, restauration, D. de Vos. Wilhelminakade 88 / Koninginnenhoofd 1. La restauration de ce bâtiment fut un élément essentiel dans la reconversion du Wilhelminapier. Son architecture Art nouveau, les réaménagements intérieurs contemporains et sa vue panoramique vers le port en ont fait un des plus célèbres cafés-hôtels de la ville. 153. Tour de logements Montevideo
1999-2005, Mecanoo. Landverhuizersplein. Longtemps la plus haute de la Hollande (152 m), cette tour d’habitation est le pendant de la tour de bureaux de N. Foster. Ensemble, elles forment la proue du Wilhelminapier. 154. Tour KPN Telecom
46 51
1997-2000, R. Piano. Wilhelminakade 123. Située au pied du pont Erasmus, cette tour de 98 m et 23 étages présente une façade lumineuse constituant un panneau d’affichage géant. 155. Théâtre Luxor
46
1996-2001, Bolles + Wilson. Posthumalaan 1. Sa couleur dominante (rouge), sa situation (au pied du pont Erasmus) et son architecture (néoplasticienne) font de ce théâtre de 1 500 places
158. Logements Hillekop
1985-1989, Mecanoo. Hillekopplein. M° Rijnhaven. La tour de cet ensemble fut l’une des premières réalisées dans le cadre d’une opération de restructuration. KATENDRECHT (159 à 165)
14
Cette presqu’île, autrefois célèbre pour ses bars à prostituées et l’importance de sa communauté chinoise, fait l’objet d’une profonde restructuration, physique et sociale. M° Rijnhaven, B 77. 159. Entrepôts Santos
12
1901-1903, J. P. Stok Wzn, J. J. Kanters. Brede Hilledijk 95. Ces entrepôts de café de six étages ont été les plus modernes du port. 160. Moulins à farine Latenstein
1948-1952, J. J. M. Vegter. Veerlaan 3 / Rijnhaven Z.z. Spectaculaire château de l’industrie. Un cube de verre est posé sur son toit. 12
161. Laankwartier
52
2005-2010, Claus & Kaan. Maashaven N.z. 3 îlots rectangulaires - avec à terme 180 logements de types variés s’inscrivent dans une certaine continuité avec l’ancien tissu urbain du lieu. 162. Parkkwartier
2005-2009, Geurst & Schulze. Entre Maashavenkade et Walhallalaan. 3 îlots de 128 logements avec des équipements : église chinoise, pharmacie, école primaire, salle de sport. L’architecture plutôt postmoderne s’inspirerait des vieilles villes néerlandaises. À l’arrière, certaines parcelles sont libres à la construction individuelle. 163. Logements
52
Bolderpad / Kabelhof 1997-2003, Agence DKV. Les deux tours d’habitation s’articulent autour d’une plateforme surélevée avec des logements individuels denses. Katendrechtsestraat / Ertsstraat 2000-2002, Maccreanor Lavington. 36 maisons placées dos à dos. L’ensemble est entouré
165. SS Rotterdam
Ph. © ThM
2001-2005, Monolab. Walhallalaan 94, Parkkwartier. Maison de ville privée. 14
1952-1959, W. Stapel (RDM), C. J. Engelen (HAL). 3e Katendrechtse Hoofd 25. Ce paquebot de luxe de la Holland Amerika Lijn, aujourd’hui à quai, est restructuré en centre de congrès et complexe hôtelier.
156
166. Afrikaanderplein
1999-2006, OKRA Landschapsarchitecten. M° Rijnhaven et Maashaven. Cette place, à l’aménagement compartimenté, accueille deux jours par semaine un marché très animé. 167. Mairie d’arrondissement et logements
Ph. © SR
149. World Port Center
164. Body House
158
1999-2005, J. D. Bekkering Maashaven O.z. 230. M° Rijnhaven et Maashaven. Ce bâtiment sculptural redessine le front du Maashaven, dont la vue est partiellement entravée par le métro aérien.
Ph. © ThM
1996-2000, 2008 (extension), E. L. J. M. van Egeraad. Posthumalaan 90. T 25. Dans ce parallélépipède simple d’apparence, la vie collective s’organise autour d’un atrium central qui s’ouvre par un mur-rideau sur le bassin du Rijnhaven.
168. Immeuble de logements Natal
1985-1990, F. van Dongen (De Architekten Cie). Paul Krugerstraat 96. M° Rijnhaven. Ce long bâtiment courbe à R+4 posé sur pilotis ménage une vue traversante entre les commerces en RDC.
161
169. Moulins à farine De Maas (MENEBA)
1913-1915, M. Brinkman, puis diverses extensions, Brinkman & Van der Vlugt ; 1957-1958, extension, M. J. L. Gadron. Brielselaan 115 / Maashaven Z.z. M° Maashaven, T 2. Divers silos et bâtiments en béton.
Ph. © ThM
156. Hogeschool INHolland (ex-Ichthus)
de quatre blocs de logements de quatre niveaux.
162
170. Silo à grains
1910, J. P. Stok Wzn ; 1929-1930, Brinkman & Van der Vlugt ; 1952, A. E. G. & J. D. Postma. Brielselaan 7 / Maashaven Z.z. M° Maashaven. Ce colosse - premier silo en béton du port - fait aujourd’hui l’objet d’une reconversion en pépinière d’entreprises du secteur créatif. 171. Usine d’incinération de la ROTEB
Ph. © ThM
un élément fort de ce nouveau quartier.
164
1990-1993, M. Struijs (sces municipaux). Brielselaan 175. T 2. L’édifice se caractérise par une succession de parois incurvées métalliques de couleur argent. LE SUD DE FEIJENOORD ET AU-DELÀ. ENTRE LA DOKLAAN / BRIELSELAAN / PUTSELAAN / 2 ROSE STRAAT ET L’AUTOROUTE A15 (RING) E
172. Quartier de logements expérimentaux en béton
Ph. © SR
2001-2007, restauration et extension, Benthem Crouwel. Wilhelminakade 330. Ce bel exemple d’architecture fonctionnaliste - anciennement les ateliers et entrepôts de la Holland Amerika Lijn - abrite notamment le musée néerlandais de la Photographie, des espaces d’exposition et des entreprises du “secteur créatif”.
Ces logements en bande sont
71
0911_0735_int:09110735_int
8/12/09
15:47
Page 72
Ph. © SR
173
178
désignés par le nom du procédé de construction employé. T 25, B 66. Kossel I et II 38 1921-1924, J. Hulsbosch. Hortensiastraat / Hyacintstraat. Korrelbeton 1928-1929, W. van Tijen, W. Greve. Lange Hilleweg 163-185. Stulemeijer I 1921-1923, J. M. van Hardeveld. Dortsmondstraat / Heer Daniëlstraat. Stulemeijer II 1924-1925, J. M. van Hardeveld. Walravenstraat et alentour. Ces expériences impulsées par le visionnaire maire adjoint socialiste Heijkoop, alias “Arie béton”, devaient tester l’efficacité des nouvelles techniques de construction en béton.
Ph. © SR
173. Patrimonium’s hof
185
1916, A. K. Kruithof ; 1992, Post Ter Avest Van Remundt. Entrée : Jasmijnstraat. T 2 et 25. Ces 168 logements sociaux furent une nette avancée en matière de confort, en dépit des séjours à alcôve. La rénovation a réduit leur nombre à 103.
Ph. © ThM
174. De Kiefhoek
Ph. © ThM
188
38
T 2 et 25, B 66. logements 1925-1930, J. J. P. Oud ; 1990-1995, restauration, W. Patijn. 1re en 2e Kiefhoekstraat / Lindtstraat. église Hersteld Apostolische kerk 1928-1929, J. J. P. Oud ; 1992-1994, restauration, Van Divenbode & De Jong. Eemstein 23. L’influence des recherches allemandes sur l’habitat ouvrier et l’espace minimum est ici très perceptible. 175. Cité-jardin Vreewijk
Ph. © ThM
189
191
1913, 1res esquisses, H. P. Berlage ; 1916-1919, M. J. Granpré Molière, P. Verhagen, et al. 1919-années 1930, divers architectes. Groenezoom et alentour. T 2, 20 et 25, B 76. En 1930, l’ensemble compte 3 000 logements.
2002-2006, Arons & Gelauff, P. Blaisse paysagiste. Grote Hagen 566-772. T 2 et 23, B 145. Réparti en deux bâtiments, dont un sur pilotis, ce complexe de 104 appartements pour seniors (55+) fut la première opération de rénovation de ce quartier. 180. Zuiderpark
1951, J. G. M. C. Hanekroot (sces municipaux). Zuiderparkweg et alentour. M° Zuidplein, B 64 et 68. Conçu dès l’origine comme un lieu moderne d’activités et de loisirs en plein air avec piscine, terrains de sport, etc., ce quartier devait articuler les nouvelles extensions avec la ville existante et former un cœur vert dans la partie sud de la ville. 181. Quartier Zuidwijk, Meyenhage et alentour
AU
SUD DU RING
(A15) NORD
ET VERS LA MER DU
HOOGVLIET (186 à 189)
1947-1975, C. I. A. Stam-Beese, et al. 2000-2015, rénovation urbaine, WIMBY! Welcome into My Backyard!, piloté par le groupe d’historiens de l’architecture et de l’urbanisme Crimson, a fait naître des projets divers, aussi bien par leur taille que par leurs approches : sociale, culturelle et artistique, architecturale et urbaine. M° Hoogvliet puis B 78. 186. School-parasite
2003-2005, Ch. Seyferth. École de Tuimelaar, Lengweg 146. Petit local temporaire servant d’extension à l’école. 187. Logements pour seniors
1954-1958, W. van Tijen. M° Slinge, T 25. La construction des 4 300 logements de ce quartier, conçu comme Pendrecht sur le principe urbain d’unité de voisinage (cf. infra), a été mise en œuvre avec une technologie hautement standardisée. 182. Quartier Pendrecht
salle des machines 1939, A. F. M. Stoopman ; 2004, restauration, Fabrique, F. H. Hulshof. Heijplaatstraat 21.
40
1949-1953, C. I. A. Stam-Beese. Slinge / Zuiderparkenweg / Groene Kruisweg. M° Slinge. Le concept de l’unité de voisinage et des îlots ouverts qui structurent ce quartier est l’œuvre d’une des premières femmes architectes-urbanistes des Pays-Bas. Outre d’intéressantes réhabilitations de logements (cf. Stellendamstraat, H. van Schagen, 2003-2005), l’église St. Bavo (Slinge 775, H. N. M. Nefkens, 1958-1960) mérite le détour.
2004-2007, VMX Architects. Alverstraat. Une coursive avec balustrade vert fluo relie les 80 logements pour personnes âgées installés dans cet ensemble des années 1970. 60 autres appartements sont situés dans un second bâtiment avec des boutiques au RDC. 188. Logements Condor
2005-2007, Zeinstra-Van der Pol. Dijna Johannaweg 141-237. Situé dans la partie la plus ancienne de Hoogvliet, cet ensemble de 6 étages est construit sur pilotis pour ne pas obstruer la vue sur le parc. 189. Salle De Villa et aménagement du parc
HEIJPLAAT (183 à 185)
2001-2008, FAT architecture. Herikweg 5. De type hangar décoré, cette salle multifonctionnelle, située dans le parc Heerlijkheid Hoogvliet, a été conçue en participation avec les habitants.
B 68, A RDM
190. Station d’épuration
176. Mosquée Essalam
183. Silo de ciment de NCHM
2002-2010, Molenaar & Van Winden. Colosseumweg. NS Station Zuid, T 23 et 25.
1964, A. Bodon (DSBV). Bunschotenweg 125. Un silo très sculptural.
177. Stade de football Feyenoord
184. Village patronal de Heijplaat
1959-1965, W. G. Quist. Berenplaat. Vingt piliers de béton supportent une toiture en coques séparées par des bandeaux vitrés.
1934-1936, Brinkman & Van der Vlugt ; 1993-1994, Zwarts & Jansma. Olympiaweg 50. T 25, B 48.
1914-1918, H. A. J. Baanders. Rondoplein et alentour. Une enclave d’habitat ouvrier aux allures de cité-jardin, perdue au cœur du port.
178. Quartier De Veranda
Ph. © SR
de logements individuels en bande. 179. De Plussenburgh
1998-2010, S. Soeters, J. van Eldonk, R. Uytenhaak, D. Ponec. Piet Smitkade et alentour. T 23. Ce nouveau quartier résidentiel de 1 200 logements, organisé en sept îlots fermés, associe de grandes barres de plus de 10 étages perpendiculaires au fleuve, des barres de taille moyenne et des rangées
72
185. RDM - Rotterdamsche Droogdok Maatschappij désormais Research, Design & Manufacturing
bureaux 1913-1916, H. A. J. Baanders ; 1938, extension, S. de Clercq. Heijplaatstraat 17. L’Académie d’architecture de Rotterdam vient de s’installer dans l’ancien siège social de la RDM.
191. Dispositif coupe-vent
1983-1985, M. Struijs (sces municipaux). Europaweg (Calandbrug). Ouvrage monumental (1 750 x 25 m) protégeant le Calandkanaal du vent. 192. Barrière anti-tempête Maeslantkering 59
1987-1997, W. G. Quist. Nieuw Oranjekanaal 139, Hoek van Holland. RET ferry. Portes monumentales sur le Nieuwe Waterweg protégeant la ville contre la montée des eaux lors des tempêtes.