Key note address by Mr. J.P. Bachy

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PNUD – New-York 7-8 janvier 2014 Side Event ________

Intervention de Jean-Paul BACHY Président du Conseil Régional de Champagne-Ardenne Responsable international de l’Association des Régions de France _________ C’est une bonne nouvelle que de voir le PNUD, agence des Nations Unies, qui est un organisme intergouvernemental, décider d’associer les collectivités territoriales et leurs élus, à la réflexion prospective sur les enjeux du développement post 2015. C’est le signe d’une prise de conscience. Tout le monde le sait. Beaucoup le disent : les défis du développement sont mondiaux. Mais les solutions sont locales. Je n’en prendrai que deux exemples : - s’il est un défi propre à toute la planète, c’est bien celui de l’eau. Mais qui gère les adductions d’eau potable et l’assainissement, si ce n’est les maires ? - le défi de l’éducation se pose aussi à l’échelle mondiale. L’explosion démographique nécessite des efforts de scolarisation sans précédent. L’évolution des technologies nécessite des compétences toujours plus pointues. Mais tout commence à l’école. Dans chaque village, c’est aussi l’affaire du maire que de s’occuper de son école. Puis, tout se poursuit jusqu’au lycée et à l’université. C’est alors l’affaire des régions.  Faire de la décentralisation un objectif stratégique et un levier de la mise en œuvre des politiques de développement a donc tout son sens. Car si le développement est tributaire de la paix et des grands équilibres diplomatiques qui sont de la compétence des Etats, rien ne peut se faire sans l’intervention des collectivités et de leurs élus. Ils sont détenteurs, autant que les gouvernements, de la légitimité démocratique et du mandat donné par la population. Ils sont au contact de la société civile. Ils sont porteurs des enjeux de proximité, vécus au quotidien par les habitants. Rapprocher les pouvoirs des citoyens est un levier de la démocratie. Mais c’est également un gage d’efficacité. Car raccourcir les circuits de décisions les rend aussi plus pertinents.

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 La démocratie locale est vieille comme le monde. Mais le monde a changé. Les problématiques du développement doivent donc aussi changer. Je voudrais le démontrer, en me basant sur 5 considérations : 1) Pendant des années, et selon des schémas hérités de l’ère coloniale ou postcoloniale, accompagner le développement se résumait, pour l’essentiel, à répartir entre des pays, réputés plus pauvres (en majorité du Sud) l’aide technique et financière mobilisée par des pays réputés plus riches (en majorité du Nord). Ce schéma n’a plus de sens. Car la crise a changé la donne. La croissance des pays riches s’essouffle, alors qu’elle explose dans les pays émergents. De nouvelles grandes puissances et de nouveaux potentiels apparaissent : l’Inde, la Chine, le Brésil, l’Afrique… Le modèle classique de l’aide publique touche ses limites. Car les budgets s’épuisent. Les pays dits « sous-développés » deviennent des pays émergents, dont les ambitions légitimes s’affirment de jour en jour. Ce qu’ils demandent, c’est moins de l’ « aide » que du partage d’expérience, de la codécision, du partenariat gagnant/gagnant. Lorsqu’ils se rencontrent, de quoi parlent les maires, les présidents de régions, les élus de différents pays : de leurs problèmes, bien sûr, mais surtout de leurs projets : comment répondre aux besoins de santé des populations locales ? Où trouver l’argent pour construire les infrastructures de transport, et comment les gérer ? Comment faire travailler ensemble les PME ? Comment donner un métier aux jeunes ? Comment trouver ensemble les modes de financement et d’organisation, permettant d’optimiser les investissements créateurs d’emplois ? Plutôt que de parler d’aide au développement, ce qu’il faut faire c’est du co-développement. 2) Seconde considération. Depuis 50 ans, le phénomène urbain et la métropolisation, au Sud comme au Nord, ont été considérés comme la clé du développement et de la modernité. L’exode rural s’est accéléré. La croissance des grandes villes aussi. Il est urgent de remettre en cause ce modèle. Car, en entassant toujours plus de populations dans les villes, on les rend de moins en moins vivables (sauf à y dépenser des sommes de plus en plus folles). Car on y accumule aussi tous les problèmes : pollution, pauvreté, insécurité, discriminations… Comment nourrir les populations urbaines, si ce n’est en gardant des territoires ruraux suffisamment peuplés, pour y valoriser dans de bonnes conditions les ressources agricoles ? Comment relier les villes les unes aux autres sans créer les infrastructures nécessaires ? Comment préserver et gérer les fleuves et les gisements d’eau potable ou d’énergie pour les habitants des métropoles, sans investissements structurants en dehors des périmètres urbains ? Le développement des villes ne peut se concevoir sans développement d’espaces et de territoires intermédiaires, dynamiques, vivants, en capacité de se donner, eux aussi, des perspectives d’avenir, et de fixer les populations. La recherche de nouveaux équilibres territoriaux et d’un modèle de croissance plus intelligent, explique l’émergence de plus en plus significative du fait régional. Sans doute, le fait régional est-il encore beaucoup trop récent, pour s’inscrire dans des formes institutionnelles claires et stabilisées. Mais de plus en plus et partout, les régions sont perçues comme l’échelon le plus pertinent de la mise en œuvre des politiques publiques. Car elles sont à la fois un échelon de proximité, tout en ayant des compétences et une dimension suffisamment larges

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pour mener des politiques structurantes. Elles constituent le premier niveau intermédiaire, entre les Etats et les populations. On doit tirer de cette analyse, une conclusion simple : réduire les enjeux du développement aux seuls échanges entre les villes est clairement une erreur, génératrice d’inégalités et de déséquilibres redoutables. Mieux vaut parler de développement et d’aménagement des territoires dans leur globalité. Le travail mené par CGLU, dans ses rapports avec les Nations Unies, va dans ce sens. Une étape majeure a été franchie, lors du dernier congrès à Rabat. Les instances de CGLU sont maintenant convaincues du rôle et de la place des régions. Cette évolution est essentielle. Elle va dans le bon sens. 3) Troisième considération. Toute politique publique mérite d’être évaluée. Il en est des politiques de développement comme des autres. A quoi apprécie-t-on leur efficacité ? L’indicateur le plus classique est celui du PIB, qui mesure l’évolution des taux de croissance. On doit aujourd’hui en concevoir les limites. Car dans le même pays, sur les mêmes territoires, la croissance peut générer, non un progrès global, mais des inégalités et des ruptures redoutables. Les progrès économiques et la démocratie, dans les pays du Nord, comme dans ceux du Sud, ont-ils créé partout les conditions d’une société plus harmonieuse et plus égalitaire ? Rien n’est moins sûr ! Soutenir la croissance est indispensable au développement. Encore faut-il s’interroger sur le contenu de la croissance. A côté des outils de mesure traditionnels comme le PIB, il est donc indispensable de se doter d’autres indicateurs. Parce qu’ils sont, par définition, proches des populations, les élus des territoires sont en capacité, mieux que d’autres, d’apporter des éléments d’appréciation sur la mise en œuvre des politiques publiques. Il est temps de généraliser ce que certains organismes ont déjà popularisé sous le nom « d’indicateurs du développement humain ». Le bonheur, certes, ne se réduit pas en équation et reste difficile à mesurer. Mais les indicateurs de bien-être (état de santé des populations, niveau d’hygiène, logement…) d’inégalités, ou de niveau d’éducation sont classiquement utilisés. Il faut en faire des outils d’évaluation synthétiques plus opérationnels. La contribution des élus territoriaux à ce type de réflexion ayant pour objet de bâtir un « observatoire permanent du développement humain », peut être extrêmement féconde. 4) Quatrième considération. Le développement n’est pas une démarche qui se décrète par le haut. Ce n’est pas non plus quelque chose qu’on octroie. C’est quelque chose qui se construit, et part du terrain. Encore faut-il que les populations concernées aient la capacité de se prendre en mains, et de contribuer elles-mêmes à leur propre développement. Poser ce problème, c’est poser le problème de la formation. La meilleure école de formation est celle qui résulte des échanges directs entre élus. Car il n’est rien de plus révélateur et de plus instructif que la confrontation des pratiques. C’est là que se forge l’expérience. Encore faut-il que l’on donne aux élus, que leurs langues différentes et leurs lieux de résidence et d’exercice de leurs responsabilités, tiennent parfois éloignés les uns des autres, les moyens de communiquer et de se rencontrer. Les technologies modernes d’information et de communication rapprochent les distances : téléformation, téléréunions, …etc. Mais la mobilité a un coût. Il est indispensable que, sur ce point, le PNUD apporte son concours, et soit un levier facilitateur. Avec les grandes associations de collectivités au niveau national, on peut imaginer que le PNUD négocie des contrats pluri-annuels de formation et

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échanges d’élus et de fonctionnaires territoriaux. Ce peut être aussi un des objectifs de l’après 2015 que de les mettre en place. Ce peut être un objectif immédiat que de soutenir un certain nombre « d’expériences pilotes ». 5) Cinquième considération. Soyons clairs : ce ne sont ni les gouvernements, ni les élus locaux qui créent les emplois. C’est le rôle des Etats et des collectivités que de susciter les conditions favorables à l’investissement et à l’émergence de nouvelles activités. Mais ce sont les entreprises qui créent la valeur ajoutée. Le développement d’un territoire est d’abord lié à la bonne santé des PME qui s’y trouvent implantées, et à sa capacité d’en attirer d’autres, pour répondre aux besoins des populations et des marchés. Toute réflexion sur le développement, qui passerait sous silence le rôle des entreprises serait vouée à l’échec. Dans la perspective de l’après 2015, il est indispensable d’associer le secteur privé à la définition des stratégies à mettre en œuvre, et des moyens opérationnels permettant de faire travailler ensemble représentants des gouvernements, élus et représentants des milieux économiques. Le programme ART a permis au PNUD de réaliser, dans cet esprit, des opérations exemplaires. Elles sont encore trop peu nombreuses. Elles doivent être valorisées, et servir d’exemples, partout où c’est possible. Conclusion Telles sont quelques unes des réflexions que je souhaitais vous communiquer à l’occasion de cette rencontre. Elles sont le fruit de l’expérience que porte l’Association des Régions de France au nom de qui je m’exprime devant vous. L’ARF assure un travail de mise en cohérence des multiples partenariats que les régions françaises entretiennent avec d’autres régions du monde. Plus de 450 accords de coopération ont été passés, qui se répartissent en gros, pour moitié, entre régions francophones et régions non francophones. De ce foisonnement d’initiatives diverses, on ne peut tirer aucun modèle. S’il en existait un cela se saurait ! L’ARF est cependant porteuse d’une expérience particulièrement riche. Avec le gouvernement français, et les autres associations d’élus, nous souhaitons en tirer le meilleur, au sein de la Commission Nationale de Coopération Décentralisée que préside le Premier Ministre, de telle sorte que le message de la France, dans la perspective de l’après 2015, soit à la fois concret et cohérent. Ce qu’il y a de meilleur, nous sommes aussi disposés à vous l’apporter, au sein du PNUD, dans les conditions qui vous paraitront les plus utiles. N’hésitez pas ! Merci de votre attention.

Jean-Paul BACHY

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