Printemps 2024

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Catalogue

GALERIE MAGDELEINE

Printemps 2024

Paris

Lucie Bouclet & Paul Menoux

+33 6 48 76 69 09 galeriemagdeleine@gmail.com www.galeriemagdeleine.com

PARIS
Galerie Magdeleine 60, rue de Verneuil 75007

Fondée par Lucie Bouclet et Paul Menoux, deux passionnés formés à l’École du Louvre de la licenceaumaster,laGalerieMagdeleineapour vocation d’apporterun nouveau regard surles tableaux et dessins des XVIIIe et XIXe siècles.

Forts de notre parcours académique et de notre amour commun pour les recherches approfondies, les œuvres que nous présentons font l’objet d’une attention particulière avant d’être présentées au public. Notre sensibilité artistique, nourrie par une admiration profonde pour l'esprit des XVIIIe et XIXe siècles, guide chacun de nos choix. En qualité de jeunes marchands, nous souhaitons offrir à notre clientèle une expérience immersive dans cet univers artistique captivant Nous nous employons à étudier soigneusement chaque attribution et nous sommes attachés au fait de raconter l’histoire de chaque toile.

À travers nos expositions et notre collection attentivement sélectionnée, nous invitons les amateurs d'art à explorer les multiples facettes de cette époque charnière de l'histoire de l'art.

Le musée Léon-Dierx de La Réunion a fait l’acquisition auprès de la Galerie Magdeleine d’une toilereprésentant Virginieaubain,présentéeauSalonde1844parHenri-FrédéricSchopin(1804-1880).

Cette œuvre fait écho à une autre œuvre de l’artiste, exposée au même Salon : Manon Lescaut et d’Esgrieux dans le désert, présentée en page 52 du présent catalogue.

Henri-Frédéric Schopin, Virginie au bain, Salon des artistes vivants, 1844, n°1615.

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SOMMAIRE

Antoine Monnoyer, Jetée d’anémones doubles. Vers 1720. ........................................... 3

Charles-Louis Clérisseau, Projet de décor. Maison antique, jardins de Tsarkoe-Selo pour Catherine II de Russie. Décembre 1773.......................................................................... 5

Gérard van Spaendonck, Bouquet de fleurs et fruits. 1779.........................................

Henri-Nicolas Van Gorp, La jeune mère. 1791.

JENNY DESORAS, Portrait de Marie-Charlotte Nizon de Saint-Georges. Vers 1807-1809..... 22

Augustin THIERRIAT, Étude de pavots. 1809. ...........................................................

Julie DUVIDAL de MONTFERRIER, La mort de Cléopâtre. Vers 1818............................ 27

Attribué à Anthelme TRIMOLET, Une fileuse dans un intérieur. Vers 1820-1825. ............

Angélique MONGEZ, Étude pour les Sept chefs devant Thèbes. Vers 1825.........................

Jan Adam Kruseman, La diseuse de bonne aventure. 1825. ...........................................

Attribué à Ary Scheffer, Scène d’inondation. Vers 1820-1825.. .................................

Christian Albrecht JENSEN, Portrait de jeune fille Vers 1823-1825.

Jean-Baptiste Maes-Canini, Jeune romaine en dévotion. Second quart du XIXe siècle

Jean-François Eliaerts, Bouquet dans un vase en terre cuite. Vers 1830. .....................

Henri Frédéric Schopin, Manon Lescaut et D’Esgrieux dans le désert.. 1844..................

Augusta LEBARON-DESVES, Sainte Marane et sainte Cyr 1844.

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Antoine Monnoyer (Paris 1671 - Saint-Germain-en-Laye 1747)

Jetéed’anémonesdoubles.

Vers 1720

Huile sur toile, cadre Régence d'époque.

H : 41 ; L : 31 cm.

Un ensemble de neuf anémones sont assemblées en bouquet dans une composition libre qui associe naturalisme et interprétation artistique de la nature. En effet, la tige de l’une des anémones, en s’échappant du bouquet et en formant une courbe sinueuse défiant les lois de la gravité, contraste avec la représentation presque scientifique de l’anatomie des fleurs et de leur feuillage.

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AntoineMonnoyerestforméauprèsde son père, Jean-Baptiste Monnoyer (16361699). Son apprentissage a lieu en Angleterre lorsque son père fut convoqué par sir Ralph Montagu, ambassadeur extraordinaire de CharlesII en France depuis 1666, pour décorer l’hôtel Burlington1 En l’assistant à la réalisation de ce décor fastueux, Antoine Monnoyer apprend à composer avec les formules décoratives de son maître À partir de cette période une place de choix est accordée à l’Anemone coronaria

Antoine Monnoyer séjourne ensuite à Rome puis est reçu à l’Académie en 1704, après avoir travaillé au Trianon. Il oeuvre au décor de la chapelle de Versailles et peint deux grands formats pour le château de Meudon dans les années 1710.

et fleurs, vers 1725. Musée du Grand Siècle.

C’est à l’étranger que le jeune Monnoyer s’illustre et diffuse le style familial en retournant tout d’abord en Angleterre jusqu’en1729,puisen séjournant àRomeavant de voyager vers 1733 au Danemark et en Suède. Il fait figure d’artiste voyageur couru dans les grandes cours européennes pour ses représentations séduisantes de fruits et de fleursquiconnaissentunvifsuccèstoutaulong du XVIIIe siècle.

Influencé par la peinture de son père, il réussitnéanmoinsàmettreenavantsonpropre style qui visait une portée beaucoup plus décorative. Ce tableau représentant des anémones bleues pâle, couleur qui n’existe pas dans la nature, en est l’illustration Antoine Monnoyer réinterprète des spécimens naturels enutilisantunepalettedecouleursquelquepeu fantaisistes, ce qui lui permet d’harmoniser sa composition et de jouer sur des effets de contrastes chromatiques séduisants à l’œil.

1 Claudia Salvi, « Jean-Baptiste Monnoyer et Antoine Monnoyer. Problèmes d'attributions (…). Identification de son morceau de réception à l'Académie de Peinture et Sculpture », La Revue du Louvre et des musées de France, Réunion des musées nationaux, Noisiel, 2002, no2, p. 55-63.

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Détail. Antoine Monnoyer, Nature morte aux pièces d’orfèvrerie, plats de raisins et de pêches, guirlandes Détail. Sotheby’s London, 5 décembre 2019, lot n°181

Charles-Louis Clérisseau (Paris, 1721 - Auteuil, 1820)

Projetdedécor.

Maisonantique,jardinsdeTsarkoe-SelopourCatherineIIdeRussie.

Décembre 1773.

Aquarelle, plume et encre brune, lavis brun et gris sur papier.

Au revers : tampon de l'Ordre de Saint-Alexandre Nevski.

H : 33 ; L : 32 cm.

Encadrée par des frises de rinceaux et des médaillons représentant des scènes antiques, des ruines animée sont représentées au centre de cette feuille d’étude. La plinthe du mur qui devait recevoir le décor est représentée, complétée par quelques moulures, donnant une idée de l’échelle monumentale prévue pour ce projet.

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Élève de Blondel et de Boffrand à l'Académie Royale d'architecture, CharlesLouis Clérisseau remporte le grand prix de 1746 et séjourne à Rome, comme pensionnaire du roi, de 1749 à 1754. Il y peint des compositions architecturales influencées par le maîtredugenre :GiovanniPaoloPanini(16911765). Il devient l'ami de Piranèse, dont il partage le goût des ruines et la passion de la Rome antique. Alors que le règlement de l’AcadémiedeFranceàRomel’autoriseàrester deux ou trois ans, le temps de parfaire son éducation artistique, il prolonge sa pension avant de brusquement quitter l’Académie en 1754. Il reste à Rome, effectue des voyages à Venise, à Paestum, pour ne rentrer en France qu’en 1768.

De retour à Paris, il est agréé et reçu dans la même séance à l'Académie royale, le 2 septembre 1769, présentant deux gouaches : des Bains etdes Ruines d'architecture.Sacarrière prend un tournant décisif lorsqu'il est choisi par l'administration des Bâtiments du Roi pour exécuter une commande à destination de Catherine II de Russie. Clérisseau est alors recommandé par Falconet, proche de l'impératrice.

Le 2 septembre 1773, Catherine II, inspirée par l’ouvrage de Michel François Dandré Bardon, Collection sur costume des anciens (Paris, 1772)1, adresse ainsi une lettre à Falconet : « je voudrais avoir le dessin d’une maison antique, distribuée intérieurement à l’antique. […] je veux tout cela ; je vous prie de m’aider à satisfaire cette fantaisie, que je paierai sans doute 2». Dans cette lettre, elle demande à Falconet d’écrire à Charmes Cochin, secrétaire de l’Académie Royale de Peinture et de Sculpture, afin qu’il lui fournisse le nom d’un architecte qui pourrait créer une maison dans le style antique dans les jardins de TsarskoeSelo. Cochin propose Clérisseau en novembre.

Le 6 décembre, l’impératrice écrit : « j’ai retrouvé la lettre de Cochin que vous m’avez envoyée. Je suis avec lui et vous de l’avis qu’il ne pouvait pas s’adresser mieux pour la maison antique qu’il ne l’a fait ; ce M. Clérisseau paraît avoir toutes les qualités requises pour exécuter à ravir le projet de la maison antique dont j’ai la fantaisie 3».

Entrainé par le goût du colossal qui le caractériseetfaisantéchoàsesétudesromaines de monuments antiques, Clérisseau ne tient aucunement compte du programme transmis par Falconetdanslesvingt-quatre dessins qu’il fait parvenir à l’Impératrice. Il transforme le petit caprice commandé par l’Impératrice en un gigantesque palais à l’échelle des Thermes de Caracalla.

Dans une lettre au prince de Galitzine datée de la fin du mois de décembre, Falconet rapporte le mauvais accueil reçu par les dessins de Clérisseau : « Il est démontré que M. Clérisseau est aussi impertinent qu’il feint d’être sourd. Vous avez vu, mon prince, tout ce que j’ai écrit à Paris sur la maison antique et vous savez que la demande de S. M. I. ne contenait autre chose qu’un petit pavillon dans un jardin. Vous avez lu le maudit projet qui n’irait pas moins à construire un palais immense trois fois plus grand que celui de l’impératrice. Il a mis S. M. I. de fort mauvaise humeur, et avec juste raison. [...] S. M. I. ne veut plus rien, absolument rien qui vienne de cette boutique. 4 »

Excepté notre œuvre, plusieurs autres dessins, conservés à l'Ermitage, témoignent du travail effectué par Clérisseau pour la maison antique de Catherine II. L'un d'eux, représentant une niche ornée d'une statue est particulièrementproche denotre dessin par ses multiples panneaux à motifs de candélabres et d'arabesques ainsi que ses médaillons aux scènes antiques. Une vue complète d’un pan de mur reproduit également la même structure sur les panneaux centraux.

1 Thomas J. McCormick, Charles Louis Clérisseau and the genesis of neo-classicism, 1990.

2 Louis Réau, Correspondance de Falconet avec Catherine II, 1767-1778, Paris, E. Champion, 1921, p. 217.

3 Idem, p. 229.

4 Idem, p. 231.

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Charles Louis Clérisseau, Projet de décoration intérieure pour Catherine II de Russie, plume et encre brune, lavis brun et gris sur papier, 35,3 x 30,3 cm Saint-Pétersbourg, musée de l'Ermitage (Inv. OP-2606).

Charles Louis Clérisseau, Intérieur de temple en ruines avec une vasque, plume et encre brune, lavis brun et gris sur papier ; 30,5 x 36,5 cm., collection particulière : vente, Paris, Artcurial, 4 février 2011, n° 46

Charles Louis Clérisseau ; Projet pour la maison antique, élévation intérieure, Hermitage (n° d’inventaire inconnu).

Charles Louis Clérisseau, Fantaisie architecturale, 1782, gouache, plume et lavis brun, souligné à l'encre de Chine sur papier, 47,1 x 60,5 cm. SaintPétersbourg, musée de l’Hermitage (Inv. OP16919)

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Il est également à noter que la vue de ruines représentées sur notre dessin demeure un leitmotiv dans l'œuvre de l'artiste. Deux dessins témoignentdu travail de Clérisseau sur ce motif : Un petit dessin à la plume qui semble être une étude préparatoire au grand tableau central de notre projet de décor.

Une grande gouache sur laquelle l’on distingue toutefois quelques modifications est également conservée par le musée de l’Hermitage.

Malgré le refus de son projet russe, Clérisseau mettra à profitses expérimentations dans un projet plus tardif à destination d'un particulier parisien. Reprenant la même esthétique,ilréaliseentre1779et1782ledécor intérieur du salon de l'Hôtel Grimod de la Reynière.

Jan Chrystian Kamsetzer, Vue du Grand Salon de l'Hôtel Grimod de La Reynière à Paris, aquarelle sur papier, Bibliothèque de l'Université de Varsovie.

Le tampon présent au dos de la feuille semble indiquer que le dessin est passé par la Russie.Eneffet,endépitdesadéconvenueavec l’artiste, Catherine II décide de lui acheter son fonds de dessins en 1783. Ces derniers ont été rassemblés par l’artiste dans un même portefeuille en comportant 1120. Il est aujourd’hui difficile de distinguer les vingtquatredessinsduprojetpourCatherineIIetde savoir s’ils étaient tous présents dans le fonds vendu à l’Impératrice puisque ce dernier comporte un assemblage de divers projets pour des museums5. Tous les dessins de l’Hermitage ont été marqué de l’estampille de Paul Ier, ce qui n’est pas le cas pour ce dessin. Ce dernier n’est donc jamais entré dans les collections de CatherineII.Ilauraitétévenduoudonnéavant l’achat du fonds par cette dernière

Détail. Verso du dessin.

5 Chevtchenko, Valerii. Charles-Louis Clérisseau : 1721-1820 : dessins du Musée de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg : [exposition, Paris, Musée du Louvre, salle de la Chapelle, 21 septembre - 18 décembre 1995 ; Saint-Petersbourg, Musée de l’Ermitage, 1996. Paris: Réunion des musées nationaux, 1995, p. 73.

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Gérard van Spaendonck (Tilbourg, 1746 - Paris, 1822)

Bouquetdefleursetfruits. 1779.

Gouache aquarellée sur papier.

Signé et daté en bas à droite : Van Spaendonck / 1779 H : 15.5 ; L : 13 cm.

Provenance : Vente anonyme (Me Bussillet), 28 janvier 1936, n°76.

Cette œuvre représente un bouquet composé de nombreuses espèces de fleurs, rassemblé dans un vase godronné en marbre reposant sur une tablette sur laquelle des fruits sont disposés et dont la tranche est signée du nom de l’artiste. L’œuvre miniaturisée présente une touche spontanée et vive donnant vie à cette nature idéalisée propre au XVIIIe siècle.

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Gérard van Spaendonck est l’un des premiers artistes à avoir introduit la peinture florale d’origine néerlandaise en France. Né aux Pays-Bas dans un contexte familial qui le destinait plutôt à l’administration, il étudie néanmoins à l’académie de peinture d’Anvers chez Jacob III Herreyns dès 1764. Cinq ans après, en 1769-1770, il se rend à Paris et parvient à intégrer l’Ecole supérieure de dessin dirigée par Jean-Jacques Bachelier, peintre à la cour de France. En 1773-1774, Gerard van Spaendonck fait ses débuts à la Manufacture royale de Sèvres en qualité de fournisseur de modèles aux peintres sur porcelaine.

IlexposepourlapremièrefoisauSalon de 1777 et est admis à l’Académie royale de peinture et de sculpture en 1781. Il est ensuite nommé professeur de peinture florale au Jardin des Plantes à la suite de Madeleine Basseporte. En 1786, il devient peintre du cabinet de Marie-Antoinette.

Très lié au pouvoir, il a contribué à une cinquantaine d’aquarelles pour les Vélins du Roi et a fourni des dessins pour la manufacture royale de Sèvres.

Certaines espèces de fleurs sont mises en avant par van Spaendonck, et notamment la Rosa Centifolia ou la « Rose cent-feuilles », aussi appelée « Rose de Hollande »1. Celle-ci apparaît aujourd’hui comme une signature visuelle du peintre, puisqu’elle apparait dans la grande majorité de ses compositions, et souventaucentredecelle-ci, comme c’est le cas pour notre gouache.

Miniaturiste de Louis XVI, Spaendonck a adapté son sujet de prédilection, les fleurs, à la miniature, à l’instar de cette aquarelle gouachée, technique que l’artiste a mis en avant au cours de sa carrière. L’exécution est plus rapide et plus enlevée que dansseshuiles.Elleestsoutenueparsaparfaite

connaissance des espèces représentées et par son expérience dans la peinture sur vélin.

Ses miniatures représentant des bouquets connaissent un vrai succès au cours desacarrière.Illesdéclinedansdesmédaillons ouvragés, des cadres miniatures et certaines sont montées sur des boîtes précieuses. Les bouquets, amples, remplissent l’espace et présentent un agencement soigné afin de donner de l’harmonie et un équilibre dans les couleurs.

1 Florine Albert. Catalogue raisonné de l’oeuvre peint de Gérard Van Spaendonck (1746-1822). Sciences de l’Homme et Société. 2020, p. 21.

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Gérard Van Spaendonck, miniature sur velin, Paris, Musée du Louvre (Inv. TH 1465).

Henri-Nicolas Van Gorp (Paris, 1758 - Beaumont-sur-Oise, 1820)

LaJeuneMère. 1791.

Aquarelle gouachée sur papier. Signé et daté sur le tronc d'arbre au sol : 1791 Van Gorp. H : 31 ; L : 22 cm.

Cette charmante aquarelle prend place dans un jardin luxuriant qui sert d'écrin aux deux jeunes femmes assises. Tandis que l'une tient l'ombrelle qui les abrite, l'autre presse son sein d'où s'écoule du lait. La statue d'un amour complète la scène, il semble tirer sa flèche vers la jeune mère.

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Henri-Nicolas Van Gorp est reçu à l’Académie Royale de peinture et de sculpture en 1773, il est alors le protégé d’Étienne Jeaurat. Il est pensionnaire de l’Académie pendant douze ans durant lesquels il devient l’élève ou un condisciple de Louis-Léopold Boilly (1761-1845). Ces artistes s’inscrivent dans un même courant,, tout comme JeanBaptiste Mallet (1759-1835) à qui de nombreuses aquarelles de Van Gorp ont été attribuées .

Mais sa peinture aux accents moralisateursetsentimentaux,inscritedansun contexte contemporain, se distingue des œuvres de ses condisciples. Certains de ses tableaux, notamment Le retour d’un Hussard danssafamille, Salonde1798ouencore Laleçon de bienfaisance, 1806 (Saint-Omer, musée de l’hôtel Sandelin) connaissent un véritable succès et sont reproduits en gravure.

Van Gorp expose au Salon régulièrement de 1796 à 18191 . Ce n’est que pendant la première période, jusqu’au début du XIXe siècle, qu’il expose des scènes de genre. Par la suite, il semble ne se consacrer qu’au portrait.

Les tendres scènes de genre d'HenriNicolas Van Gorp, à l'instar de cette aquarelle, sont à rapprocher de l’une de ses œuvres qui a été reproduite en gravure, dénommée Le déjeuner de Fanfan, qui reprend le même thème de la maternité, avec une inflexion sentimentale.

Le déjeuner de Fanfan, estampe par Jean-Baptiste Mallet; sous la direction de Louis-Marin Bonnet ; d'après une gouache de Henri-Nicolas Van Gorp, vers 1789-1792.

1 « Base de données « Salons et expositions de groupes 1673-1914 », salons.musee-orsay.fr, un projet du musée d’Orsay et de l’Institut national d’histoire de l’art soutenu par le Ministère de la Culture et de la communication, consulté le 03/12/2023

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Marie-Cunégonde HUIN (Strasbourg, 1767 – Metz, 1840)

Hébé.

Salon des artistes vivants, Paris, n°215, 1798.

Miniature sur ivoire.

H : 10,5 ; L : 9 cm.

Mise en valeur dans un riche cadre en bois doré, cette miniature représente la déesse de la jeunesse tournant un regard frontal vers le spectateur, son buste de trois-quarts et sa main tenant l’échanson des dieux arrêtée dans son mouvement.

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Marie-CunégondeHuinestunepeintre miniaturiste qui a grandi dans un milieu propice au développement de ses talents artistiques : son père, Charles-Alexis Huin, est peintre, et sa mère est une proche de JacquesLouis David avec qui elle entretient une correspondance redécouverte dans les années 19001. Elle fréquente l’atelier de ce dernier et expose au Salon de 1796 à 1801.

Marie-Cunégonde Huin. Miniature sur ivoire. Musée national de Varsovie.

Cette miniature sur ivoire d’une Hébé a été exposée au Salon de 1798. Il s’agit de la seuleœuvreconnuedel’artistereprésentant un sujet mythologique. L’art de la miniature étant un art réputé très féminin, Marie-Cunégonde Huin s’inscrit ici dans la lignée des peintres femmes qui se sont essayées aux sujets d’histoire, avec le choix d’une figure adaptée à cemédiumplutôtréservéauxportraits.Letrait sensible, l’expression de la figure ainsi que la précision dansletravail sont dignesd’uneélève de David.

1 Roger Peyre, « Quelques lettres inédites de Louis David et de Madame David », La Chronique des arts et de la curiosité, n.11-12, 17 et 24 mars 1900, pp. 97-98.

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Émilie Bounieu (Paris, 1767 - Paris, 1831)

Hélèneoccupéeàbroder,voitarriverLaodicé 1800.

Huile sur toile.

H : 131 ; L : 88 cm.

Expositions :

- Salon des Artistes Vivants, Paris, 1800, n° 50 : « Hélène, occupée à broder, voit arriver Laodice. ».

Critiques :

- Journal des débats et des décrets, 28 octobre 1800, p.2.

- Mercure de France, n° 9, 22 novembre 1800, p.44.

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Fille unique de Michel-Honoré Bounieu, peintre d’histoire membre de l’Académie royale, Émilie Bounieu grandit dans une famille particulièrement favorable à l’instructiondesjeunesfillesdanslesArtsetles Lettres. Nicole Vestier, proche parente, également fille d’académicien, est élevée suivant cette même pédagogie.

L’éducation que reçoivent les deux jeunes filles n’est pas une initiative isolée de leur famille et trouve plus largement écho auprès d’une certaine frange de l’élite artistique française. En 1785, deux membres éminents de l’Académie royale de peinture et de sculpture prennent ainsi publiquement positionen faveur de l’instruction des jeunes filles dans les Arts. Lorsqu’Antoine Renou déclare qu’il « ne faut pas, ce me semble, être plus robuste, pour tenir le pinceau que l’aiguille1 » ; Jean-Jacques Bachelier, dans son projet d’ouvrir une école de dessin destinée aux jeunes filles, présente un long argumentaire en faveur des artistes femmes en devenir :

« Pourquoi laisser dans l’ignorance nuisible à la société le sexe qui nous égale en courage, en intelligence et qui l’emporte sur nous dans la constance dans le travail ? Rien de plus simple et de plus facile que les moyens d’opérer cette heureuse révolution : il s’agit seulement d’éclaircir le sexe que nous avons éloigné des sciences et des arts2 . » Baignée depuis l’enfance dans cet environnement libéral en faveur de la pratique artistique féminine et après avoir étudié les rudiments du dessin auprès de son père, Émilie Bounieu se tourne vers la peinture sur miniature, art réputé plus féminin. Dans cette

spécialisation, elle se place probablement sous l’enseignement du célèbre François Dumont qui a épousé Nicole Vestier durant l’année 1789.

Dans le même temps, la jeune fille se fait remarquer pour son éloquence ayant, depuis sa jeunesse, suivie les leçons du poète Pierre-Nicolas André-Murville. Ce dernier lui dédie notamment des stances, publiées en 17923, dans lesquelles il loue tout autant ses talents en peinture et en chant qu’en poésie.

Le 14 juillet 1791, on retrouve la jeune Émilie Bounieu à la barre de l’Assemblée nationale4. En lieu et place de son père, elle propose le don d’un tableau allégorique à la Nation, œuvre qu’elle décrit longuement et avec force. Son intervention, couronnée de « vifs applaudissement », nous permet de saisir la réalité de ses qualités d’oratrice mais également la férocité de ses convictions révolutionnaires.

Totalement acquise aux nouvelles idées révolutionnaires la famille Bounieu se trouve particulièrement proche du Conventionnel Charles Duval5, également membre du Conseil des Cinq-Cents. Cette proximité avec les instances révolutionnaires offre des perspectives professionnelles à Michel-Honoré Bounieu qui est nommé de 1792à1794directeurduCabinetdesEstampes de la Bibliothèque. Durant cette période, plusieurs emprunts de recueils de livres de plantes et de fleurs sont inscrits à son nom6 Ces derniers sont en réalité destinés aux études de sa fille. En effet, Émilie Bounieu se consacre avec talentàla peinturenaturaliste sur vélin au cours du directorat de son père à la Bibliothèque et certaines de ces œuvres sont

1 Journal de Paris, n° 190, 9 juillet 1785, p. 187-189.

2 Ulrich Leben, L’Ecole royale gratuite de dessin de Paris (1767-1815), Saint-Rémy-en-l’Eau, Monelle Hayot éd., 2004.

3 Almanach des Muses ou Choix des Poésies fugitives de 1791, Paris, Delalain aîné et fils, 1792, p. 47-48

4 Archives parlementaires de 1787 à 1860, Première série, Tome 28, Paris, Paul Dupont, 1787, pp. 278-280.

5 Charles Vatel, Charlotte de Corday et les Girondins, Tome III, Paris, Henri Plon, p. 545.

6 Le Bibliophile français, Tome VI, Paris, Alcan-Lévy, p. 181.

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aujourd’hui conservées par le Musée d’histoire naturelle de Paris.

À la même période, Émilie Bounieu participepourlapremièrefoisauSalonen1793 et expose son Autoportrait occupée à peindre une miniature. Avec ce tableau, Bounieu est partie prenante d’un phénomène plus vaste ; la multiplication exponentielle du nombre d’autoportraits de femmes exposés publiquement7. Véritables faits de société, ces autoportraits portent tous le même message. Ils clament une réalité, celle d’un nombre de plus en plus important de femmes s’adonnant professionnellement à la peinture. Les peintres femmes veulent exister publiquement en tant qu’artistes et se représentent pinceaux en main, créant et diffusant largement une nouvelle iconographiedelapeintrefemme,digneetfière de leur vocation. Pour la première fois les peintres femmes sont visibles massivement en qualité d’artistes. Plus encore, elles se réclament égales aux hommes, rejetant leur qualificatif d’artistes de seconde zone.

Après plusieurs années d’absence, Émilie Bounieu réapparait au Salon de 1798 exposant « deux tableaux peints en miniature ». Comme elle, nombreuses sont les artistes femmes à exposer lors de cet événement. Toutefois, dès la fermeture du Salon, des voix s’élèvent mettant en garde contre le développement et la multiplicité des talents féminins. Au sein du Journal de Paris,

Charles-Paul Landon publie coup sur coup deux lettres ouvertes8 en ce sens.

Une réponse à Landon, de la main d’une artiste femme, ne se fait pas attendre. Sous le pseudonyme d’Anna Cléophile, une artiste anonyme prend la défense de son sexe dans les colonnes du même journal9. Nous sommes particulièrement tentés d’y reconnaître la plume d’Émilie Bounieu. Érudite dans son éducation, elle use ici d’un pseudonyme qui, sous couvert d’un véritable patronyme, s’avère être un jeu de mot en latin ; « Anna Cleophile » signifiant littéralement

« Celle qui aime la gloire ». Bounieu maîtrise le latin, ayant lu les Bucoliques de Virgile en version originale comme en témoigne le soustitre de sa Galatée au sein du livret du Salon de 1810 : « Malo me Galatea. / Eglog de Virg ».

De plus, il apparaît que le texte d’Anna Cléophile publié par le Journal de Paris s’accorde parfaitement avec le point de vue d’Émilie Bounieu sur la place des femmes dans les Beaux-Arts. Alors même que son père est peintred’histoire,ÉmilieBounieusetourne,tôt et à dessein, vers la miniature et la peinture naturaliste,artsdontlapratiqueestconvenable pour une femme selon les bonnes mœurs et la tradition. Sans nul doute, cette spécialisation s’est opérée sur les conseils de son père, Michel-Honoré Bounieu. En tant qu’académicien, ce dernier forme sa fille conformément aux recommandations de l’Académie royale qui n’a jamais reçu de peintre d’histoire femme en son sein10 et qui s’oppose à leur étude du modèle vivant. Anna Cléophile concède ainsi que « la peinture des fleurs convient, sous tous les rapports, à un sexe

7 Marie-Jo Bonnet, « Femmes peintres à leur travail : l’autoportrait comme manifeste politique (XVIIIe-XIXe siècles) » dans Revue d’histoire moderne et contemporaine, n° 49-3, 2002, p. 144.

8 Charles-Paul. Landon, Aux Auteurs du Journal dans « Journal de Paris », 25 pluviôse an VII (13 février 1799), pp. 636-639. ; C.-P. Landon, Suite de l’article : Sur les femmes Artistes dans « Journal de Paris », 11 germinal an VII (31 mars 1799), p. 884.

9 Réponse d’une Femme artiste aux deux Articles du citoyen Landon, peintre, insérés dans le Journal de Paris, les 25 Pluviôse et 11 Germinal an 7 dans « Journal de Paris », 8 floréal an VII (27 avril 1799), p. 959.

10 L’Académie royale de peinture et de sculpture a notamment compté parmi ses membres trois miniaturistes femmes que sont Anne-Renée Strésor (reçue en 1676), Catherine Perrot (reçue en 1682) et Marie-Thérèse Reboul (reçue en 1757). Perrot et Reboul sont spécialisées dans la miniature naturaliste. Enfin, Perrot est également l’auteur d’un traité de peinture en miniature Les leçons royales, ou La manière de peindre en mignature les fleurs et les oyseaux.

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délicat », et met en avant un cours d’anatomie destiné aux femmes comme substitut à l’étude du modèle vivant. Ce dernier est jugé implicitement par l’autrice comme incompatible avec la pratique artistique féminine. De plus, les propos d’Anna Cléophile rejoignent en plusieurs lieux l’expérience de la jeune Bounieu qu’il s’agisse de son étude de la peinture naturaliste lorsque son père dirigeaient la Bibliothèque que de son travail de portraitiste enminiature: « cellequiimitele mieux une fleur, envie souvent l’heureux talent de pouvoir retracer un être chéri, ou les différentes espèces de corps vivants qui animent le globe. ».

Enfin, Anna Cléophile ne cache pas plusieurs revendications en faveur de la condition féminine, comme l’accès des femmes à la connaissance : « précieux moyen d’instruction qu’il n’avaient pas dû supposer n’exister uniquement que pour les hommes ». Grâce aux cours d’anatomie pittoresque du docteur Sue mis en avant par l’autrice, les femmesdépassent selonelle les« difficultés qui jusqu’alors leur semblaient insurmontables », faisant de ce fait « reculer les bornes » qui jusqu’ici les condamnaient à la pratique des genres mineurs. Ces propos trouvent une fois de plus écho dans la personne d’Émilie Bounieu. Outre une éducation de qualité, il semblerait que Michel-Honoré Bounieu ait très tôt transmis à sa fille, et plus largement à ses élèves, l’idée que leur valeur en peinture est égale à celle des hommes. Durant les épisodes révolutionnaires, ces dernières se trouvent ainsi sûres de leurs valeurs et capacités dans les Arts, à l’égal des hommes. Lorsqu’en 1796, Élisabeth Quévanne-Chézy, élève de MichelHonoré Bounieu, voit sa candidature repoussée au poste de professeur de dessin à l’École centrale de Chartres en faveur d’un peintre masculin inconnu,ellen’hésite pas à se qualifier de victime et à s’estimer lésée « à cause de son

sexe »11. Elle rédige aussitôt une pétition qu’elle soumet au corps législatif et obtient finalement gain de cause.

Quoiqu’il en soit, le texte d’Anna Cléophile touche un auditoire certain et contraint Landon à rédiger une troisième lettre12 explicitementdestinéeàlajeuneartiste. Sans réponse d’Anna Cléophile, le débat semble clos à l’ouverture du Salon, le 18 août 1799. Cependant, un nouvel article, cette fois anonyme et particulièrement véhément, publié la veille de la fermeture de l’exposition, s’attaque une fois de plus aux artistes femmes et touche plus particulièrement les aspirantes à la peinture d’histoire :

« Peste ! Trente femmes se réunir chez Legacque, chez un restaurateur , pour fêter l’auteur de Marcus-Sextus ; voilà ce qui s’appelle se connaître en peinture. […] Mais voyez-vous quelle dignité ce dîner répand sur les arts ! David, Vien, Regnault, Vincent, et vingt autres peintres distingués, ont fêtés Guérin ; enfantillage que tout cela ! Belle consistance pour le jeune homme ! Mais Guérin au milieu de trente femmes Peintres, à table qui, dit-on, n’ont point parlé ; voilà de l’auguste : voilà ce qu’on peut appeler de la gravité dans les arts. Le tableau de Guérin et trente femmes sérieuses ! C’est ce qu’on ne voit pas deux fois dans un siècle. […] La belle chose que la peinture pour une femme. Soyez père, époux, enfant; si votre fille, votre femme, votre mère sont artistes-peintres, elles n’auront pas besoin d’autres vertus. Père, serez-vous infortuné? Elles peindront une Charité romaine. Époux, serez-vous soupçonneux ? Vous aurez tort ; ne savent-elles pas peindre une Lucrèce ? Enfant qui pleurez après le sein de votre mère, taisez-vous donc ; elle peint une louve qui allaite Romulus. Guérin, vous vous croyez de la renommée, parce que vos maîtres vous ont couronné ? Attendez donc que les femmes artistes vous aient donné l’immoralité. Nihil sub soli sans les femmes artistes. Oh ! L’heureuse république que celle où il y aura beaucoup de femmes artistes ! Que ces mères de famille formeront d’excellents citoyens !13 »

Ce dernier texte semble, en tout état de cause, un ressort essentiel qui va pousser Émilie Bounieu à exécuter son premier tableau

11 Séverine Sofio, Artiste femme. La parenthèse enchantée XVIIIe-XIXe siècle. Paris, CNRS Éditions, p. 193194.

12 Charles-Paul. Landon, Réponse à un Article d’une Femme Artiste, inséré dans la Flle du 8 floréal dans « Journal de Paris », 20 floréal an VII (9 mai 1799), p. 1011.

13 Journal des arts, des sciences et de littérature, n° 18, 30 vendémiaire an VIII (22 octobre 1799), p. 11-13.

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d’histoire, réponse matérielle à l’auteur anonymedu Journaldesarts etpreuvemanifeste des capacités féminines dans le genre.

Pour autant, il s’agit d’un véritable défi que se lance la jeune artiste, qui pratiquait surtout la peinture sur miniature qu’elle pratiquait jusqu’alors. Autre contrainte de taille, Émilie Bounieu ne bénéficie que de seulement huit mois pour terminer son œuvre. En effet, les artistes ont pour obligation de soumettre leurs productions terminées à un jury d’admission avant le 29 juin 180014. Elle obtient le 1er août 180015 un délai supplémentairedepresqueun mois,jusqu’au26 août 1800, pour terminer son ouvrage et le soumettre au jury. Ce retard constitue une preuve supplémentaire du caractère brutal et inopiné de la décision d’Émilie Bounieu de se confronter à un sujet d’histoire.

Ainsi, au Salon de 1800, elle expose sous le n° 50 une Hélène, occupée à broder, voit arriver Laodicé, tour de force technique et intellectuel, particulièrement abouti dans l’exécution et complexe dans ses subtiles références.

14 « Attendu le jugement à prononcer par le Jury, les ouvrages qui devront lui être soumis ne seront plus reçus passé le 10 Messidor, terme de rigueur ». Henri Lapauze, Procès-verbaux […]de la Société populaire et républicaine des arts (3 nivôse an II - 28 floréal an III), Paris, Imprimerie Nationale – Bulloz, 1903, p. 493.

15 « Les citoyens Vafflard , Pallier, […] et Mlle Emilie Bounieu demandent un délai pour terminer leurs ouvrages . La Commission leur accorde jusqu'au 8 fructidor après lequel terme les ouvrages seront de nouveau examinés. ». Idem, p. 507.

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Fig. 1. Pierre Narcisse Guérin, le retour de Marcus Sextus, 1799, huile sur toile, 217 x 243 cm, Musée du Louvre (Inv. 5180).

Fig. 2. Contre-épreuve du croquis d’Antoine-Maxime Monsaldy représentant l’Hélène d’Émilie Bounieu et exécuté à l’occasion du Salon de l’an IX. Paris, Bnf Richelieu, Estampes et photographie, AD-89 (A)PET FOL. Monsaldy ne bénéficiait probablement pas d’une bonne visibilité pour son dessin ; en cause l’accrochage, sûrement très en hauteur et mal éclairé, du tableau dont Monsaldy ne parvient à ébaucher que les grands lignes de composition après plusieurs ratures.

Le format, tout comme l’attitude du personnage et le coloris du costume, est un hommagesanséquivoqueàla Liberté deNanine Vallain (reproduit en p.13)qui ornait la salle de réunion du club des Jacobins jusqu’en 1794. Peint par une femme, ce dernier tableau a sans aucun doute été admiré longuement par Émilie Bounieu. Rappelons que la famille Bounieu connaît intimement Charles Duval qui exerce les fonctions de secrétaire puis de président du club des Jacobins du 26 mars au 6 avril 1794. Il n’est ainsi pas étonnant que la Liberté de Vallain, en tant que symbole des convictions révolutionnaires et féministes de la jeune Bounieu, ait servi de modèle à sa Hélène.

Bounieu n’en reste pas là en empruntant certains éléments au Marcus Sextus (fig. 1) de Pierre-Narcisse Guérin, chefd’œuvre unanimement loué lors du précédent Salon. N’était-ce pas aussi l’auteur du Marcus Sextus, admiré par « trente femmes Peintres » lors d’un repas en 1799, qui était au cœur de la virulente critique du Journal des arts à l’origine même de l’initiative de Bounieu en peinture d’histoire ?

Ainsi, le sujet choisi par Bounieu peut être interprété comme une déclinaison de Guérin, cette fois-ci du point de vue de

l’expérience féminine. Seule dans un pays étranger, passive et voyant les siens s’entretuer, Hélène n’est-elle pas représentative du sort des femmes en émigration durant les épisodes révolutionnaires ? Pour appuyer la filiation avec Guérin dans la même force dramatique, Bounieu utilise un nombre d'effets intéressants : lumière, visage pétrifié, décor, objets, couleurs. Et elle cite Guérin en représentant, notamment sur l’himation d’Hélène, le drapé coulant et mouillé si caractéristique du tableau de Guérin.

Enfin, il est probable que son autoportraitseconfondaveclevisaged’Hélène. Cela lui aura notamment été reproché par la critique, le Journal des débats et des décrets affirme que « il y a dans la tête pas assez de cette beauté idéale qui convient au sujet » et le Mercure de France, sur le ton de l’ironie, écrit que Mademoiselle Bounieu « a certainement pris pour son modèle une très jolie française, fort occupée au plaisir de se faire peindre ». Ces critiques montrent que son Hélène n'est pas passée inaperçue : parmi les dizaines d'oeuvres présentées au Salon, elle a su faire mouche auprès de deux des journaux les plus importants de l'époque.

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Elle réitère ainsi une idée déjà mise en œuvre dans l’Aspasie de Marie-Geneviève Bouliar,unchef-d’œuvreféminin unanimement loué lors de son exposition au Salon de 1795 et présenté de nouveau au public en 1796 compte tenu de son immense succès.

À la suite de sa participation au Salon de 1800, Émilie Bounieu présente systématiquement un tableau d’histoire à chaque exposition jusqu’en 1810 : Une Bacchante en 1801 ; Psyché sortant des enfers et venant d’ouvrir la boîte de fard de Proserpine en 1802 ; Vénus blessée par Diomède en 1804 ; Pygmalion amoureux de sa statue en 1806 ; Psyché puisant de l’eau à une fontaine après avoir endormi le Dragon en 1808 ; Galatée en 1810.

Aucun de ces six tableaux n’est signé. Aucun n’apparaît non plus en vente publique sous le nom de l’artiste depuis le début du XIXe siècle à la seule exception d’une gravure (fig. 3), représentant le tableau La Vérité dans le vin, exposé au Salon de 1808 et décrite comme suit dans le Journal des débats politiques et littéraires, 1808 :

« C'étoit une idée assez difficile que de rendre ce joyeux adage, in vino veritas. Voici que mademoiselle Bounieu a imaginé (N°67), une femme belle,nue,tenantdanssa mainunmiroir tout éclatant de rayons lumineux, accroupie dans un verre de vin »

Cette gravure offre un aperçu de l’iconographie originale employée par Bounieu, ainsi que du type fémini, proche de la Hélène.

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Fig. 3. La Vérité dans le vin, manière noire. Signée « Bounieu fecit ». Autrefois attribué à son père, Michel-Honoré Bounieu.

Jeanne LevachÉ dite JENNY DESORAS

(Saint-Symphorien-de-Lay,

1776 – Coutarnoux, 1858)

PortraitdeMarie-CharlotteGeorgetteNizondeSaint-Georges.

1807-1809.

Huile sur toile.

H. 27 ; L. 21 cm.

Ce précieux portrait de dame au teint frais représente, comme en témoigne l’inscription sur le châssis, Madame Marie-Charlotte Georgette Nizon de Saint-Georges. Elle est vêtue d’une robe blanche dont les jeux de transparence sont finement rendus par de légères couches de glacis. Ses bijoux, en corail, notamment son imposant collier en forme de croix et son peigne, permettent de dater le tableau assez précisément des années 1807-1809. Le détail du ruban satiné s’enroulant autour du chapeau et des doigts de la dame est traité comme une miniature, avec beaucoup de précision.

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Il a été possible de retracer la vie de cette mystérieuse artiste, dont rien n’était connuhormislenomaveclequelellesignaitses tableauxetapparaissaitauSalonrégulièrement de 1804 à 1835. En effet, seule sa première participation en 1804 se fait sous le nom de « Jenny Levaché-Desoras », puis elle se présente comme « Jenny Desoras » ou « Jenny Berger », du nom de son mari. Grâce à la découverte d’un jugement rendu en 1827, nous avons pu établir avec certitude que Jenny Levaché, Jenny Desoras et Jenny Berger étaient la même personne1

Fille de chapelier2, Jeanne Levaché grandit avec sa sœur cadette à Lay, en Loire, jusqu’à son adolescence. Rien ne prédispose alors la jeune fille à la peinture, devenue qui plus est orpheline à cette même époque. Son père disparaît subitement en 17913, sans laisser de trace, suivi par sa mère qui décède en 1794.

Grâce au réseau relationnel de son parrain, le maréchal Joseph George4, Jenny Levaché semble avoir été confiée aux soins d’une famille de notables de la région, les seigneurs de Soras5. Démontrant certainement des aptitudes marquées en dessin, ces derniers l’invitent probablement à poursuivre son apprentissage et espérer une carrière artistique.

La jeune artiste prend ses premières leçons chez un certain « Sermaize ». En tout état de cause, il semblerait qu’il s’agisse de Simon Jean Malard de Sermaize, avocat de la Sâone-et-Loire voisine et artiste en dilettante.

À sa majorité en 1800, Jenny Levaché s’installe à Paris et intègre le célèbre atelier féminin de Jean-Baptiste Regnault. Après quelques années à perfectionner son art, elle participe à son premier Salon en 1804. Au sein du livret6, elle se fait connaître sous le patronyme de Désoras-Levaché, nom d’emprunt qui raisonne comme un hommage et une marque de reconnaissance envers ses protecteurs de jeunesse. Elle n’expose ensuite que sous ce seul patronyme, en ajoutant celui de son mari à partir de 1813, puis en mentionnant « veuve Berger » après le décès de son mari en 1826

L’artiste connait un certain succès avec ses sujets de genre humoristique sur le thème de l’amour et du mariage, reproduits en gravure « Les amateurs du genre gracieux vont s’empresser de se procurer deux charmantes gravures, ayant pour intitulé : Deux jours de Mariage et Deux ans de Mariage, d’après les jolis tableaux de Mme Berger, née Jenny Desoras, exposés au Salon de 1819. 7».

1 Gazette des tribunaux, journal de jurisprudence et des débats judiciaires, n°409, 27 janvier 1827, p. 317. L’article stipule que « Mlle Levacher Desoras est auteure de plusieurs tableaux (…) en 1813, Mlle Desoras a épousé M. Berger. »

2 Archives départementales de la Loire, État civil, Lay, Baptêmes, Mariages, Sépultures - 1773-1780, Acte de baptême de Jeannette Levacher.

3 D'après un acte de notoriété du juge de paix du canton de Saint-Symphorien de Lay du 20 août 1811 cité dans l'acte de mariage du 10 septembre 1811 de sa fille Sophie, Barthelemy Levaché est alors absent de Lay depuis environ 20 ans et on est sans nouvelle de lui depuis. Archives départementales de l'Allier, État civil, 2 Mi EC 142 7, LE DONJON, Mariages et décès, 1801-1822, an X-1822, Acte de mariage d'Hubert Morgat - Sophie Levaché du 10 septembre 181.

4 Archives départementales de la Loire, État civil, Lay, Baptêmes, Mariages, Sépultures - 1773-1780, Acte de baptême de Jeannette Levacher.

5 Barthélémy Veyre de Soras étant capitaine de cavalerie et ancien gendarme de la Garde du Roi.

6 Explication des ouvrages de peinture et dessins, sculpture, architecture et gravure des artistes vivans... imprimerie des Sciences et des Arts, Paris, cat. 308.

7 Le Corsaire : journal des spectacles, de la littérature, des arts, des mœurs et des modes, n°22, 1er août 1823, p. 4.

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Nous savons également qu’elle travaillait à de nombreux portraits. Certains sont connus, et ils présentent une grande similarité dans l’exécution avec le notre. En effet, elle traitait les visages avec de larges paupières ourlées, des traits très dessinés, un teinttrèsfrais,unpaysagebrosséàlargestraits dans le fond, s’opposant à la précision des étoffes représentées. Le portrait de Madame Duschenoisacertainementétéréalisédurantla même période,. Nous y retrouvons la même inclinaisondu visageet leregard amical tourné vers le spectateur.

Un article médical ayant paru en 18068 , portant sur l’étude de la maladie qui la touche, témoigne de son travail. Il la décrit ainsi : « Son caractère gai, son imagination vive ; elle porte à l’excès l’amour de son art, et lui sacrifie souvent, par des études prolongées, ou dans l’enthousiasme de la composition, les heures de raps, du sommeil, de l’exercice » et précise que « la malade avoit pour la peinture une passion dominante ; elle continua à être assise 6 à 8 heures par jour devant ses modèles, ses pinceaux à la main ». Il est rare et touchant d’avoir accès à un tel témoignage sur la vie d’un artiste.

Desoras, chasseur et son chien, huile sur toile, 58x45 cm, 1823. Osenat, 3 juillet 2016, lot no 437.

8 Journal général de médecine, de chirurgie, de pharmacie, etc. ou recueil périodique de la Société de Médecine de Paris, Société de Santé de Paris, 1811, pp. 3-14.

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Jenny Desoras, portrait en demi-longueur de Catherine Josephine Duchesnois, Bibliothèque Paul-Marmottan, Ville de Boulogne-Billancourt, Académie des Beaux-Arts. Jenny

Augustin

THIERRIAT (Lyon, 1789 - 1870)

ÉtudedePavots.

Concours de la classe de la Fleur de l'école de dessin de Lyon, 1809.

Dessin au fusain et craie blanche sur papier gris.

H : 53 ; L : 40,5 cm.

Ce grand dessin représente des fleurs de pavots disposées dans une composition enlevée, qui se déploie sur la diagonale de la feuille. Les deux fleurs de pavot les plus épanouies se répondent en symétrie alors que le feuillage et les bourgeons s’échappent de cet agencement dans un mouvement donnant toute sa vie à la composition. La précision dans le travail des textures, les veines des feuilles, les très fines rainures présentes sur les pétales et le léger reflet des tiges, témoignent de la maîtrise technique de l’artiste.

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Augustin Thierriat est né à Lyon le 11 mars 1789 et mort à Lyon le 14 avril 1870. Orphelin de la Terreur, il fut placé chez un ami de son oncle, le peintre Alexis Grognard en 17961. Il est élève de l’Ecole de dessin de Lyon en 1806, puis il suit les cours de l’Ecole des Beaux-Arts de 1807 à 1813, avec pour maîtres Revoil, Grognard et Berjon. Il ouvre un cours de dessin pour dessinateurs de soieries en 1812 et devient professeur de la classe de Fleur à l’Ecole des Beaux-Arts de Lyon où il exerce jusqu’en 1854. Il expose régulièrement aux salons de Paris et de Lyon, où il est médaillé en 1817 et en 1822. Il devient le conservateur des Musées et du Palais des Arts de Lyon en 1830 et garde cette charge jusqu’à sa mort en 1870.

Spécialisé en premier lieu dans la représentation de fleurs qui lui donne le goût pour la précision dans la représentation, l’artiste s’est également illustré pour ses paysages et scènes de genre. Il était également un collectionneur chevronné dont le cabinet fut dispersé aux enchères en 1872.

Ce dessin constitue la première oeuvre référencée d'Augustin Thierrat, peintre de fleurs incontournable de l'école lyonnaise.

Le jeune Thierrat s'inscrit dès 1807 à l'École impériale des Beaux-Arts de Lyon et intègre la "classe de la Fleur" dirigée par un éminent professeur, Jacques Barraband. Dès l'ouverture de l'école, des concours à destination des élèves sont organisés à la fin de l'année scolaire pour chacune des classes (peinture, sculpture, architecture et peinture de fleurs) qui donnent lieu à des cérémonies officielles de remises de prix.

Notre dessin constitue la participation d'Augustin Thierrat au concours de l'année 1809 pour la "classe de la Fleur". Lors de la distribution desprix, qui se déroule le 31 juillet 18092, Thierrat est gratifié d'une mention

honorable3 Plusieurs annotations, visibles sur notre dessin, témoignent de ce verdict.

En bas à droite l'inscription "Bony pour Mr Barraband" fait référence aux professeurs de Thierrat à l'école de dessin ; Jacques Barraband et Jean-François Bony. Ce dernier est nommé en 1809 professeur suppléant pour la classe de la Fleur en remplacement de Barraband, dont l'état de santé se dégrade jusqu'à sa mort le 1er octobre 1809. Ainsi, Jean-François Bony, en lieu et place du professeur historique de l'école, valide l'oeuvre de Thierriat en vue du concours.

En bas à gauche, la "mention honorable" reçue par l'artiste est inscrite audessus des signatures des membres du jury. Nous y reconnaissons les noms de trois peintres lyonnais ; Jean-Michel Grobon, Claude Cochet et Fleury Épinat ; et d'un marchand brodeur ; Jacques Bellacla. La dernière signature n'a pas pu être identifiée.

1 « Thierriat (Augustin) », dans Adolphe Vachet, Nos Lyonnais d'hier : 1831-1910, Lyon, p. 355

2 Bulletin de Lyon, 2 septembre 1809, p. 2.

3 Marie-Claude Chaudonneret, "L’enseignement artistique à Lyon.Au service de la Fabrique ?" dans Le temps de la peinture, Lyon 1800-1914, Fage éditions, Lyon, pp.29-35.

Élisabeth Hardouin-Fugier, Fleurs de Lyon 1807-1917, catalogue exposition au Palais Saint-Pierre, Musée des Beaux-Arts Lyon Juin-Septembre 1982, Lyon, Musée des Beaux-Art, 1982, p. 329.

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Julie DUVIDAL de MONTFERRIER (Paris, 1797 – 1865)

LamortdeCléopâtre.

Vers 1818.

Huile sur toile.

H : 100 ; L : 80 cm.

Cette composition sobre, rapprochée, représente la reine égyptienne quelques minutes avant sa mort, mordueparunaspic.Cléopâtretournedéjàsonregard versl’au-delà,d’unemainellesaisitdélicatement l’agrafe de son vêtement pour découvrir son sein tandis que le serpent mortel s’enroule autour de l’autre. Le drapé de tissu rouge et lourd contraste avec la chair immaculée et le traitement précieux des bijoux qui ornent sobrement l’épaule et la tête de la reine.

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Il s’agit de l’une des premières toiles connues de Julie Duvidal de Montferrier, alors élève de François Gérard après avoir reçu une éducation particulièrement soignée auprès de Madame Campan dans la maison d’éducation de la Légion d’Honneur, qui mettait l’étude des Beaux-Arts en bonne place dans son programme. La toile date probablement de l’année précédant sa première présentation au Salon en 1819. Elle y expose un portrait de sa sœur qui témoigne de sa manière personnelle si caractéristique, manière qu’elle va continuer d’affirmer au fil des années.

de Julie

1819.

d’ornements très détaillés qui se détachent sur des drapés traités en larges touches.

L'Enfant malade, ou Clotilde demandant la guérison de son fils, 1819. Bourg-en-Bresse, musée du Monastère royal de Brou.

Cette toile a été réalisée lorsque la jeune artiste,encoreenapprentissageetplussûredeses talents, vers 20 ou 21 ans, choisit de s’essayer à un sujet d’histoire. L’influence de Gérard est perceptible dans l’expression du visage et ce drapé complexe et coulant. Cette même expression a été reprise par l’artiste au Salon de 1819 avec L'Enfant malade, ou Clotilde demandant la guérisonde sonfils :lamèreéploréelèvelesyeux vers le ciel et présente les mêmes touches

Mais Julie Duvidal de Montferrier exprima très tôt son individualité par rapport à son maître à travers des fondus très veloutés. David, dans sa correspondance avec Gros, parle d’ailleurs de « crème fouettée » et de « talents flatteurs »1. Des détails, comme la broche ou le diadème de Cléopâtre, traités avec beaucoup de précision et un trait plus acéré, ajoutent des points de lumière et du contraste dans la composition qui, par ses tons, et le fond traité dans un subtil monochrome, donnent l’effet dramatique de la scène. Elle aimait représenter des fonds largement esquissés, peu détaillés, afin de mettre en valeur la figure principale.

1 Wildenstein Daniel et Guy, Documents complémentaires au catalogue de l’œuvre de Louis David, Paris, 1937, n°1945, p. 227.

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Autoportrait Duvidal de Montferrier, Washington, National Museum of Women in the Arts.

Ce portrait présente beaucoup de similitudes avec la Cléopâtre : traitement du fond et, étonnament, elle reprit le même drapé rouge, des années plus tard.

Julie Duvidal de Montferrier, connue par la suite sous le nom de Julie Hugo après son mariage en 1827 avec Abdel Hugo, le frère de Victor Hugo, fit une brillante carrière dans le

domaine de la peinture. Elle est médaillée au Salon de 1824, passe une année à Rome et fut l’élève de François Gérard, de Marie-Eléonore Godefroid et de Jacques-Louis David. Ses toiles sont aujourd’hui exposées dans plusieurs musées tels que le musée de Compiègne, les musées des Beaux-Arts d’Orléans, de Caen, le musée de l’armée, le musée du Louvre, le château de Versailles et bien-sûr la maison de Victor Hugo.

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Portrait de Jeanne Campan, 1856, musée du château de Versailles. Tête d'Eve, 1822. Musée des Beaux-arts de Paris.

Attribué à Anthelme TRIMOLET (Lyon, 1798 – 1866)

Fileusedansunintérieur.

Vers 1820-1825.

Huile sur toile.

H. 65 ; L. 54 cm.

Assise devant une fenêtre, une femme file la laine enroulée autour de la quenouille qu’elle tient dans la main gauche, tandis que, de la main droite, elle fait tourner la roue de son rouet. La pièce dans laquelle se situe la scène est baignée d’une douce lumière, mettant en valeur quelques détails minutieux telsquelesrefletssurleboisdurouet,lepanierdelainefiléesurunrepose-pieds,lecuirdeschaussures délicatement posées sur le tapis, la petite boîte à bijoux sur la cheminée et le tison qui brille discrètement derrièrel’étoffe reposantsurlachaise.Untissusnouéretientnonchalammentlescheveux de la fileuse qui est vêtue d’une chemise dont le jeu de transparence sur les broderies, rendu par un très léger empâtement des lignes en bordure de l’étoffe, contraste avec le lourd jupon rouge qui couvre ses jambes.

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Cette toile est sans contestede lamain d’Anthelme Trimolet, peintre lyonnais, reconnu pour la grande minutie de son travail, inspirée des maîtres hollandais, réactualisée par son travail sur les scènes de genre du XIXe siècle.

Anthelme Claude Honoré Trimolet est né à Lyon. Son père, dessinateur en broderie s’était reconverti à la peinture sur métaux à la suite de la Révolution française. Il entre à l’école des Beaux-Arts de Lyon lors de sa création, à l’âge de dix ans. Il est récompensé dans plusieurs classes. Dès 1810, il se distingue avec la classe de Principes. En 1812 il remporte la médaille d’argent de la classe de Bosse, en 1813 pour la Figure d’après nature et, enfin, le tant convoité Laurier d’Or, en 1815, le dispensant de service militaire1. Il a comme maître le peintre Pierre-Henri Révoil (1776-1842) qui enseigne aussi à Claude Bonnefond (1796-1860), MichelPhilibert Genod (1795-1862), Augustin Alexandre Thierriat (1789-1870) ou encore Jean-Marie Jacomin (1789-1858), les têtes de file d’un mouvement qui sera pour la première fois qualifié d’ « école lyonnaise » lors du Salon de 1819.

Lors de ce même Salon, Trimolet gagne la médaille d’or pour son atelier du mécanicien, commandéparleprofesseurEnnemondEynard. Le sens habile du détail de l’artiste, développé suite à la découverte des maîtres hollandais lors de son premier voyage à Paris, est remarqué par le duc de Berry, qui lui commande un tableau, qui ne sera pas terminé avant l’assassinat de ce dernier en 1823. Il fait également la rencontre du Marquis Victor de Costa, proche du roi de Sardaigne, grâce auquel il obtient une commande pour le Prince de Carrignan.. Il s’agit de la première scène historique de grande envergure réalisée par l’artiste, les députés du concile de Bâle présentant la tiare à Amédée VII, qu’il présentera au Prince à Turin en 1831.

Anthelme Trimolet. Intérieur d'un atelier de mécanicien, huile sur toile, 1819 (Inv. A33). Musée des Beaux-Arts de Lyon.

Atteint de ce qu’il définit comme une « langueur »2, Anthelme Trimolet ne semble pas avoir cherché à développer sa carrière officielle malgré ses premiers succès. Pourtant, le nombre de portraits qu’il produit témoignent de sa notoriété auprès des aristocrates lyonnais, ainsi que le fait remarquer Aimé Vingtrinier dans le portrait qu’il dresse de l’artiste :

« Il fuyait l’éclat et le bruit, mais les hautes familles de la cité sollicitaient la faveur de poser devant lui. Ces toiles, conservées avec soin dans les galeries particulières, n’ont pas été soumises au jugement du public et à la critique des journaux ; elles ne grandisseront le nom de l’artiste que lorsque le pinceau sera tombé de sa main et que l’art aura contemplé avec effroi la perte qu’il a faite»3

1 Élisabeth Hardouin-Fugier, Étienne Grafe, Portraitistes lyonnais (1800-1924) (cat. exp., Lyon, musée des Beaux-Arts, juinseptembre 1986), Lyon, musée des Beaux-Arts, 1986

2 Archives municipales de Lyon. Cote 65II/129. Autobiographie et liste de ses œuvres peintes, écrite et donnée par lui-même à Aimé Vingtrinier.

3 Aimé Vingtrinier, La paresse d’un peintre lyonnais, Lyon, 1866, pp. 10-11.

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Son mariage avec l’une de ses élèves, EdmaSaunier(Lyon,1802-Saint-Martin-sousMontaigu, 1878) en 1824 le dote d’une grande fortune, sa femme étant la fille d’un riche propriétaire terrien. Les époux ont laissé, par le leg de leurs archives et de leurs collections, le touchant témoignage d’un couple attachant, curieux de tout, prolifique dans la création artistique à travers des carnets de croquis et des journaux. Les époux Trimolet amassent plus de 2000 œuvres à partir des années 1825, avec un goût prononcé pour la Haute Epoque et le Moyen-Âge. Ce véritable musée, constitué de livres, tableaux, meubles sculptures… est légué au musée de Dijon après le décès d’Edma Trimolet en 1878.

Grâce à ce leg, l’entièreté du fonds de dessins du couple est arrivé entre les murs du musée, mais seules quelques toiles d’Edma et d’Anthelme Trimolet sont aujourd’hui conservées par le musée. L’étude du fonds Trimolet renseigne néanmoins sur l’évolution de la carrière de l’artiste et nous permet de rattacher la Fileuse à la période qui suit le premier succès de Trimolet, à savoir l’Intérieur d'un atelier de mécanicien, de 1819. En effet, nous avons remarqué que, parmi les dessins datés, les scènes de genre domestiques et intimes se concentrent sur la période 1820-1830. Après 1830, nous ne connaissons que des portraits et quelques scènes inspirées de l’Enfer de Dante.

La manière du tableau que nous présentons se rapproche d’un tableau conservé par le musée de Dijon, Portrait de son père et de sa mère jouant aux cartes, qui n’est pas signé également. Ce dernier semble porter encore quelques raideurs de la jeunesse, ainsi qu’une finition dans le détail qui est moins poussée que la Fileuse mais il présente tous les traits caractéristiques qui feront la renommée de l’artiste : détails foisonnants, matières rendues pardelégersempâtements,veloutédelatouche, mains très dessinées et détaillées…

Tous ces éléments se retrouvent, plus aboutis, dans l’Intérieur d’un atelier de mécanicien. L’éclairage est donné par une fenêtre latérale, qui forme un halo plus clair autour de la tête des protagonistes, les drapés présentent la même

lourdeur veloutée et les détails sont ornés de points de lumière étincelants à la manière hollandaise.

Anthelme Trimolet, Portrait de son père et de sa mère jouant aux cartes, huile sur toile, 19ème siècle, Inv. CA T 120. Legs Anthelme et Edma Trimolet, 1878. © Musée des Beaux-Arts de Dijon/ François Jay.

Un autre dessin issu du fonds Trimolet du musée des Beaux-Arts de Dijon représentant une Femme à la lecture reprend le même type de composition,avecunlourddrapérevenantentre lesjambesdelaprotagoniste.L’attitudequelque peu retenue est également typique de l’artiste.

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Alors que dans le même temps, l’arrivée des romantiques remet en cause ces techniques picturales qui font la spécialité de l’artiste, il indique dans sa correspondance les contradictions dans le goût auxquelles il devait faire face :

« Cette polémique répandit promptement, et surtout en province, une défaveur sur l’art et les artistes. Il n’était plus de bon ton d’admirer la peinture, mais au contraire, de la critiquer. Ce qu’on avait loué en nous devenait alors notre plus grand défaut. – C’est du microscopique, mon cher ; faites donc large ! mettez épais de couleur et laissez aux religieuses ce travail d’aiguille. – Vos peintures ressemblent à de la porcelaine, - faites donc croustilleux et avec facilité ! – Voyez Bonington, voyez Delacroix, etc… ; - et chose singulière, ces mêmes individus venaient me trouver pour faire faire leur portrait, me recommandant de les peindre finement, et de ne pas épargner les détails que, disaient-ils, je faisais si bien ! – C’était à démoraliser la meilleure tête ! »4

4 Élisabeth Hardouin-Fugier, Étienne Grafe, Portraitistes lyonnais, op. cit.

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Anthelme Trimolet. Femme à la lecture, crayon noir sur papier, Inv. CA T 203. Musée des Beaux-Arts de Dijon.

Angélique MONGEZ

(Conflans-l’Archevêque, 1775 – Paris, 1855)

ÉtudedugroupedegauchepourlesSeptchefsdevantThèbes Vers 1825.

Pierre noire et encre brune sur papier.

3H : 25,3 ; L : 19,2 cm.

Ce dessin préparatoire présente quelques variations par rapport à la toile finale exposée au Musée des Beaux-Arts d'Angers, témoignant du processus de création de l'artiste et de la réflexion menée autour de chaque détail.

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Élève de Jacques-Louis David, mariée à un de ses plus proches amis, Angélique Mongez se dirige vers une peinture d’histoire monumentale et complexe dès ses débuts. Lors de sa première participation au Salon en 1802, Mongez remet en cause le privilège masculin sur la peinture d’histoire monumentale en présentant un grand format, Astyanax arraché à sa mère. Reprenant le style de son maître Jacques-Louis David, elle s’attaque, qui plus est, aux thèmes les plus « masculins » que connaît la peinture d’histoire. De 1802 jusqu’à la fin de sa carrière publique en 1827, elle présente systématiquement à chaque exposition une peinture d’histoire mythologique de très grand format.

Ses œuvres acquièrent rapidement la réputation d’« illustrer le pinceau d’un homme ». Admiratif du succès de son ancienne élève, Jacques-Louis David voyait en elle une digne héritière de son art et il n’hésite pas à la promouvoir auprès d’illustres collectionneurs, dont le prince russe Nicolaj Youssoupov.

Ultime chef-d’œuvre d’une carrière hors-norme, Les Sept chefs devant Thèbes (fig. 1), présenté au Salon de 1827, constituent l’œuvre la plus ambitieuse de l’artiste. Le sujet martial estprétexte àla représentation dedeux nusmasculins,l’undefaceet l’autrededos.Elle reprend à son compte l’attitude du Romulus de dos des Sabines de David

Entantquefemme,Mongezseprévaut tout de même d’une certaine pudeur dans son œuvre mais préserve entièrement la nudité de ses représentations. À l’occasion du Salon de 1814, le Journal de Paris met en lumière les soins que l’artiste donne à « arrondir, embellir, et offrir toutes entières à notre regard, certaines formes que le valeureux Persée ne montrait sûrement pas à l’ennemi ». Son Mars et Vénus de la même année, et plus encore Les Sept chefs devant Thèbes, ultime chef-d’œuvre dont nous offrons ici un dessin préparatoire, témoignent de cet attrait appuyé pour la cambruremasculine.Ellereprendàsoncompte l’attitude du Romulus de dos des Sabines de David en 1799.

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Angélique Mongez. Les sept chefs devant Thèbes, huile sur toile, 320x420 cm, musée des Beaux-Arts d’Angers (Inv. MBA J 140).

Jan Adam Kruseman (Haarlem, 1804 – 1862)

Ladiseusedebonneaventure. 1825.

Huile sur toile.

Signé et daté en haut à gauche.

H. 74 ; L. 80 cm.

Provenance :

Exposition des maîtres vivants (Tentoonstelling van Levende Meesters), Haarlem, 1825, n°240.

Chez Albertus Bernardus Roothan en 1825.

Collection Ryfsnyder ; sa vente, Amsterdam, 28 octobre 1872, numéro 124.

Sur un fond sobre, une femme âgée représentée de profil lit dans les lignes de la main d’une plus jeune femme tournée de trois quarts. Les deux figures sont vêtues d’un habit contemporain typique des années 1825. Le regard de la cartomancienne est levé vers le visage de sa cliente, tandis que cette dernière baisse ses yeux vers la lecture des lignes de sa main, ce qui oriente l’œil du spectateur vers un triangle avec, au centre, la main pointée de la vieille femme. Le cadrage serré amplifie le sentiment d’être absorbé dans leur conversation.

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Ce tableau est cité dans le catalogue raisonné de l’œuvre de Jan Adam Kruseman, sa localisation était alors inconnue1. Il a été exposé en 1825 à Haarlem sous le numéro 240 « Een Brabandsche Waarzegster »/ « Une diseuse de bonne aventure brabançonne »2 , lorsque le travail de Jan Adam Kruseman connaît ses premiers succès auprès du public.

Né à Haarlem en 1804 d’une famille bourgeoise originaire d’Allemagne, Kruseman quitte sa ville natale pour Amsterdam en 1819 où il rentre dans l’atelier de son cousin, Cornelis Kruseman, de sept ans son aîné. Il poursuit son apprentissage jusqu’en 1821, date dedépart desoncousin pourl’Italie.Il continue alors en autodidacte tout en réalisant ses premières commandes de portraits après avoir remporté un prix chez Felix Meritis.

En 1822, fort de ses premiers succès, il part compléter son apprentissage à Bruxelles auprès des deux plus influents artistes de son temps, François-Joseph Navez (1787-1869) et Jacques-Louis David (1748-1825). Sous la direction de ce dernier, il réalise de nombreux croquis d’étude et de la peinture d’histoire. Navez, quant à lui, exerce une influence classiciste sur son œuvre. Lorsqu’il rentre sous l’enseignement de Navez, ce dernier venait de rentrer d’Italie où il avait découvert la peinture d’Ingres, les nazaréens, dans sa recherche de réconciliation des tensions entre réalisme et idéalisme.

Kruseman réside à Paris au cours de l’année 1824 et son travail commence réellement à émerger auprès du public en 1825 lorsqu’il revient à Amsterdam. Il se marie le 11 mai 1826 avec Alida de Vries (1799-1862) avec laquelle il a cinq fils, deux filles et un fils adoptif, celui de sa sœur d’Alida.

La fin des années 1820 marque l’essor de l’artiste, il fait partie de la Société néerlandaise des Beaux-Arts et des Sciences en

1828, puis il est nommé directeur de la Royal Academy of Art d’Amsterdam.

En 1832, il ouvre son propre atelier et de 1834 à 1836, il effectue plusieurs voyages d’étude en Allemagne, en Angleterre et en Ecosse.

En 1844, il est nommé par le roi Wilhelm II membre de l’Institut Royal néerlandais. Il est également nommé chevalier de l’ordre du lion la même année. C’est un artiste accompli et particulièrement apprécié, comme en témoigne le commentaire accompagnantles œuvres qu’il présente lors du Salon des Artistes Vivants d’Amsterdam en 18413 : « J.A. Kruseman, à Amsterdam, a encore fourni quelques-uns de ces portraits qui sont autant de preuves des grands mérites de cet artiste (…) ; ce n’est donc pas sans raison que cet artiste est l’enfant chouchou du public ».

L’artiste entretient des liens avec les membres de la famille royale qui lui commandent des portraits et achètent ses œuvres à l’occasion de ses expositions. Il a notamment réalisé le portrait du roi Wilhelm II.

Il joue un rôle central sur la scène artistique de son époque, il est présent dans toutes les sociétés artistiques et reçoit des dizaines de distinctions tout au long de sa carrière. Il l’avoue lui-même, cela lui prend tellement de temps qu’il regrette ne pas pouvoir être plus présent auprès de sa famille4 Après 50 ans de vie familiale plutôt heureuse, les drames s’enchaînent au sein de la famille Kruseman et le peintre finit par succomber des suites d’une maladie le 17 mars 1862. Il est tellement apprécié et intégré dans la société néerlandaise que pas moins de 394 lettres de deuils sont adressées à sa famille.

1 Renting Anne-Dirk et al. Jan Adam Kruseman, 1804-1862. Nijmegen: G.J. Thieme, in samenwerking met Stichting Paleis Het Loo Nationaal Museum, 2002, cat. 55.

2 Levende Meesters, Haarlem, 1825, catalogue n. 240.

3 Levende Meesters, 1841.

4 Renting Anne-Dirk et al. Jan Adam Kruseman, op. cit.

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La diseuse de bonne aventure représente un jalon très intéressant et mal connu de la carrière de Kruseman, les tableaux connus de cette période artistique sont rares. En effet, on peutyvoirl’influencedeNavezparsoncadrage serré et le sujet, mais Kruseman exprime déjà une manière qui fera son succès lors de son retour au Pays-Bas en employant des costumes contemporains et en cherchant dans l’expression une douceur moins marquée par l’expression héroïque recherchée par David et Navez.

Après son retour à Amsterdam en 1825, Kruseman garde contact avec Navez mais il est aussi toujours sous l’influence de David qui se fait grande dans le sud des PaysBas. Il cherchait de l’expression dans ses portraits et on peut mettre en rapport l’autoportrait de Navez (1826), de David et de Kruseman (1827) pour leur expression forte : Navez se représente avec une expression héroïque tandis que Kruseman cherche à mettre en valeur un regard amical

Un détail touchant de ce tableau en témoigne : les yeux baissés de la jeune femme brille à travers ses longs cils et une légère moue se dessine sur son visage.

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François-Joseph Navez, autoportrait, huile sur panneau, 1826, Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique (Inv. 3790). Jan Adam Kruseman, autoportrait, huile sur toile, 1827, Rijksmuseum (Inv. BR2885)
*

Attribué à

Scheffer (Dordrecht, 1795 – Argenteuil, 1858)

Scèned’inondation.

Vers 1820-1825.

Aquarelle et gouache sur papier.

H. 61, 5 ; L. 81 cm.

Perchéssur le toit d’une maison autour de laquelle s’organise la composition, les habitants d’un village sont secourus par d’autres habitants menant une barque. Au centre, un homme prend appui sur une pierre pour menerune femme vers l’embarcation et unvieil homme s’avance pour l’aider. Une femme éplorée tend ses bras vers le ciel, une autre est couchée sur quelques effets personnels qui ont pu être sauvés tandis que dans le fond, d’autres personnages, inquiets, regardent dans différentes directions. Le dramatisme de la scène est soutenu par les expressions des visages, les flots boueux présents en premier en en arrière-plan qui enferment la scène, le ciel orageux et le mobilier qui dérive en premier plan. Le traitement pictural, qui allie large coups de brosse aquarellés et points de détail gouachés, rend l’aspect cotonneux d’une lumière obscurcie par la tempête.

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Cette œuvre peut être rapprochée de la seconde période artistique de Ary Scheffer (17951858), qui, après avoir exposé quelques œuvres à l’inflexion néoclassique, cherche sa voie à travers un romantisme dramatique.

Ary Scheffer est né à Dordrecht le 10 février 1795. Son père, Johann-Bernhard Scheffer (1764–1809), sa mère, Cornelia Scheffer (1769–1839) et son frère Henri Scheffer (1798-1862) sont artistes. Il apprend ainsi le dessin à leurs côtés dès le plus jeune âge puis à l’Académie de peinture d’Amsterdam entre 1806 et 1809. Il expose dès 1808 à l’exposition des maîtres vivants d’Amsterdam et s’installe à Paris en 1811. Elève présumé de Pierre-Paul Prud’hon (1758-1823), il entre ensuite dans l’atelier de Pierre Narcisse

Guérin1 (1774-1833) et participe au Salon dès 1812. Dans l’atelier de Guérin, il rencontre

Théodore Géricault (1791-1824) et Eugène Delacroix (1798-1863) et, à l’instar de ses camarades, emprunte le chemin du romantisme.

Il expose des toiles inspirées de l’histoire nationale et de la mythologie qui lui permettent d’exprimer de forts sentiments d’affliction, mêlées d’héroïsme, dès les années 1815. Il évolue au cours descinqannéesquisuiventetpeint enparallèledes œuvres plus sentimentales, montrant des scènes de drames quotidiens. Un tournant s’opère en 1827 avec Les femmes souliotes, le coloris devient alors plus cristallin,lespersonnages plus longilignes, les compositions plus rapprochées et habitées de moins de personnages. C’est pour cette dernière période que l’artiste est le plus célèbre, notamment pour ses œuvres inspirées du chef d’œuvre de Johann Wolfgang von Goethe (1849-1832), Faust.

Pourtant, la période d’une douzaine d’années s’étendant de 1815 à 1827 représente un véritable laboratoire pour la création fertile du jeune artiste. Ces premières années de la Restauration en France voient l’avènement d’une nouvelle peinture de genre prisée par la bourgeoisie alors naissante. Il s’agit de scènes de la vie du petit peuple empreintes de sentimentalisme larmoyant.Durantlesannées1820,ArySchefferse fait une spécialité de ces tableaux qui lui assurent

Fig. 1. Ary Scheffer, La tempête, vers 1820, huile sur panneau, 37x51,5 cm, Musée de la vie romantique (Inv. CSR P 7).

Le personnage central avance son pied avec force dans une posture inhabituelle que reproduit notre gouache.

une grande notoriété2 La composition, la touche, certaines attitudes et plusieurs faciès de protagonistes se retrouvent dans d’autres compositions de l’artiste, notamment La Tempête (fig.1) ou encore L’Incendie (fig.2). Son sujet est aussi étroitementlié àsa Scène d’inondation exposée au Salon de 1827 où l’action se déroule après le drame, au contraire de notre gouache.

Fig. 2. Ary Scheffer, L’incendie ou Scène d’exode, huile sur toile, 60x73 cm, Musée des beaux-arts de Rouen, (Inv. 975.4.207).

1 Ary Scheffer, sa vie et son œuvre, Leonardus Joseph Ignatius Ewals, ed. Nijmegen, 1987.

2 Antoine Etex, Ary Scheffer : étude sur sa vie et ses ouvrages, Lévy fils, Paris, 1859, p.12

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En effet, dans cette dernière, Scheffer s’attache à représenter le sauvetage in extremis de sinistrés réfugiés sur le toit de leur maison par une embarcation. Ary Scheffer immortalise ici avec une grande justesse la profonde souffrance du petit peuple. Il dépeint avec subtilité les émotions variéesface àl’inondation et au sauvetage, allantde la peur à la reconnaissance, en passant par la tristesse et les supplications.

Le coup de lumière porté sur les personnages centraux, alors que d’autres affligés restent dans l’ombre, est aussi reconnaissable de la manière de Scheffer. Nous le retrouvons notamment dans Les femmes souliotes (fig. 3) et La Tempête (fig. 1). L’utilisation de la brosse à larges traits, la touche libre pour la représentation de certains détails tels que la paille sur le toit de l’habitation font aussi la spécialité de l’artiste dans son travail de l’aquarelle, sûrement sous l’influence de la manière de Delacroix. La composition pyramidale avec une ligne d’horizon assez basse, une figure éplorée, de profil, et les mains jointes était aussi une formule employée par Scheffer pour la représentation d’autres scènes dramatiques

La figure de l’homme au centre, et du vieillard de l’Inondation, ont été réemployés notamment dans une scène gravée, Le village incendié par les cosaques (fig. 4&5), par Hippolyte Garnier et aujourd’hui perdue. Quant à la femme coiffée d’un bonnet, une figure très similaire a été également reproduite en gravure d’après une autre œuvre disparue de Scheffer (fig. 6).

4. Hippolyte Garnier, d’ap. Ary Scheffer, Le village incendié par les cosaques, lithographie, école nationale supérieure de Beaux-Arts de Paris.

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Fig. 5. Idem. Détail. Fig. 6. Alexis François Girard, d’ap. Ary Scheffer, La Chaumière dévastée, vers 1825, British Museum (Inv. 1917,1208.2078). Fig. 3. Ary Scheffer, Les femmes souliotes, huile sur toile, 260x350 cm, Musée du Louvre (Inv. 7857). Fig.

Christian Albrecht JENSEN (Bredsted, 1791 – København, 1870)

Portraitdejeunefille

Vers 1823-1825.

Huile sur toile.

H. 29 ; L. 19.

Placée sur un fond sombre, la jeune femme portraiturée présente une expression rêveuse avec un regard porté au loin. L’artiste joue habilement avec le contraste complémentaire de l’habit vert et du châle rouge, qui répond aux très fines boucles d’oreilles en corail.

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Connu pour ses nombreux portraits très recherchés de l’élite danoise du début du XIXe siècle, Christian Albrecht Jensen peut sans détour être qualifié de « Boilly du Nord » au sein de l’âge d’or de la peinture danoise.

Jensen partage avec son confrère français la petitesse de ses formats, limitant ainsi le temps de pose du modèle puis d’exécution de la toile. Le coût modéré de ces petits portraits, doublé par un effet de mode, conséquence d’une clientèle de plus en plus importante, a contribué à la célébrité du jeune Jensen.

En effet, ce dernier, après un voyage d’apprentissage de plusieurs années en Italie, est alors inconnu du grand public lors de son retour à Copenhague à la fin de l’année 1822. Toutefois, sa spécialisation rapide et sûre en tant que portraitiste prolifique lui assurent presque instantanément le succès. Il peint plus de 400 portraits au cours de sa carrière, représentant la plupart des figures marquantes de l'époque, dont l'écrivain Hans Christian Andersen, le peintre Christoffer Wilhelm Eckersberg, le sculpteur Bertel Thorvaldsen, le physicien Hans Christian Ørsted, le mathématicien Carl Friedrich Gauss et le théologien Nikolaj Frederik Severin Grundtvig.

Bien que précoce, notre portrait témoigne avec éloquence du style personnel de Jensen dès ses débuts. La jeune femme est représentée avec une savante économie de moyen. Par sa palette froide, sa touche franche et une certaine humilité dans le choix de l’attitude, Jensen se concentre sur l’humanité de son modèle, éloge de la simplicité chassant tout élément superflu.

Christian Albrecht Jensen, portrait de Mathilde Theresia von Irgens-Bergh, 1824, huile sur toile, 24,5x19,5 cm, Statens Museum for Kunst, Danemark (Inv. KMS1339).

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Jeuneromaineenprière,avecunenfantendormi, entouréed’unmoine etd’unefillette.

Second quart du XIXe siècle.

Huile sur toile.

H. 50 ; l. 41 cm.

Dans une église, une femme costumée à l’italienne tient un nourrisson entre ses bras. Elle semble lever les yeux vers l’autel tandis qu’un moine et une jeune fille sont en prière derrière elle. La perspective du tableau est ouverte par le riche décor de l’église représenté en arrière-plan, malgré un cadrage serré sur les personnages. La lampe à huile brillant au premier plan complète la mise en scènes tandis que l’expression délicate de la jeune romaine et la touche suave empreignent le tableau d’une ambiancedouce et mélancolique.

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À la différence de François-Joseph Navez (1788 - 1869) qui, parti à Rome, n’y séjourna que quatre années, quelques rares peintres belges contemporains firent le choix de s’y établir définitivement. C’est le cas de l’Anversois Martin Verstappen (1773 – 1852) et du Gantois JeanBaptiste-Louis Maes Si le premier a trouvé sa voie dans le domaine du paysage, le second s’est imposé, dès le milieu des années 1820, comme l’un des peintres les plus demandés à Rome dans le genre populaire de la scène à l’italienne.

Élève à l’Académie des Beaux-Arts de Gand, Jean- Baptiste-Louis Maes fit preuve d’un talent précoce1 . Il rafle ainsi les prix desconcours desécoles des Beaux-Arts auxquels il participe, à Malines en 1810, à Gand en 1817, à Bruxelles en 1818, à Anvers et à Amsterdam en 1819. Élu membre de la Société Royale des Beaux-Arts de Gand en 1820, il se voit accorder par savillenataleunepensionannuellepour deux années afin de poursuivre sa formation à l’étranger. De Paris où il séjourne en compagnie du paysagiste François Vervloet (1795 - 1872), il concours avec succès au Prix de Rome de l’Académie d’Anvers de 1821. Nanti d’un subside du gouvernement hollandais, il se met rapidement en route pour la Ville éternelle en compagnie de Vervloet. Partis de Paris à la mi-août 1821, les deux artistes arrivent à destination le 16 septembre suivant.

Lorsqu’il entre dans Rome, Jean-BaptisteLouis Maes est un artiste confirmé qui s’est déjà illustrédans différents genres : la peinture d’Histoire, l’allégorie, le portrait. De nouvelles commandes de tableaux lui parviennent de sa ville natale, dont un grand tableau d’autel : LaSainte Famille avec sainte Anne etsaintJoachimpour l’église Saint-Michel (insitu).

Ces marques d’intérêt pour sa peinture enthousiasment le peintre qui ambitionne encore d’être un peintred’Histoire :« Jeviens d’apprendre avec beau- coupdesatisfactionque l’église deSt.Michel[deGand] vient de m’ordonner un tableau pour la chapelle de St. Anne. »2 , écrit-il le 30 juin 1824 à Liévin De Bast, le

1 Sur J.B.L. Maes-Canini, on se reportera en priorité à L. De Bast,

secrétaire de la Société royale des Beaux-Arts de Gand, « maintenant je me trouve heureux de trouver l’occasion de pouvoir m’occuper entièrement au genre historique ; et je tâcherai de m’en acquitter avec honneur à l’attente générale du public et de mes concitoyens: ici je suis contentetheureuxmetrouvanttoujoursau milieudes chefsd’œuvre »3

Avec un petit groupe de compatriotes belgohollandais, Vervloet et Verstappen déjà cités, Hendrik Voogd (1768 - 1839), Cornelis Kruseman (17971857),Philippe Van Bree(1786- 1871), et le sculpteur Mathieu Kessels (1784 - 1836), Maes effectue des excursions dans la campagne romaine, visitant les Monts Albains, Castel Gondolfo, Genzano, Nemi, Palestrina, Zargalo, Fracati, Grottaferrata, des lieux réputés pour la beauté des villageoises et de leurs

2 Annales du Salon de Gand et de l’école moderne des Pays-Bas, Gand, chez P.F. De Goesin-Verhaeghe, 1823, p. 135-136 ; D. Coekelber- ghs, Les peintres belges à Rome de 1700 à 1830, Bruxelles-Rome, Institut historique belge de Rome, III, 1976, p. 404-406, et à A. Jacobs & P. Loze, in cat. expo. 1770-1830. Autour du Néoclassicisme en Belgique, Ixelles, Musée Communal, 1985/86, p. 243-245 &433.

Il s’agit de La Sainte Famille avec sainte Anne et saint Joachim, 1827, huile sur toile, 285 x 215 cm, Gand, église Saint-Michel.

3 Amsterdam, Rijksmuseum, inv. RP-D-2017-888.

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Fig. 2 J.-B.-L. Maes-Canini, Le bon Samaritain, Rome 1825, huile sur toile, 251 w 200 cm, Amsterdam, Rijksmuseum, inv. SKA-1078.

costumes bigarrés et chatoyants. Il fréquente également les milieux plus cosmopolites. Ainsi, il se retrouveenjuillet1823aucouventdeSantaScolastica à Subiaco, en compagnie d Vervloet, du mystérieux russe Abasettel, des Français Louis Étienne Watelet (1780 - 1866), Raymond Quinsac Monvoisin (17901870)etFrançoisAntoine Léon Fleury(1804-1858). Il côtoie enfin les artistes germaniques.

Stimulé par ses confrères et par l’atmosphère particulière de la cité éternelle, il se tourne de plus en plus vers le genre alors à la mode : la scène à l’italienne. Il annonce à Lièvin de Bast dans sa lettre du 30 juin 1824 : « J’ai l’honneur de vous annoncer que je viens d’expédier au commencement de ce mois trois tableaux ; représentant un St Sébastien, une vieille femme en prières, et le troisième les Pifferari devant une Madone : au commencement du mois prochain j’envoie un autre, dont le sujet est une jeune et belle Vignerola avec un vieillard, groupe de grandeur naturelle ». Ces tableaux figureront au Salon de Gand de 1824.

En1827,ilsemarieàRomeavecAnnaMaria, fille du graveur Bartolomeo Canini. Dorénavant, il joint le nom de son épouse au sien. De leur union naît un fils, en 1828, Giacomo, peintre comme lui. MAESCANINI demeure aussi un relais utile pour les artistes belgo- hollandais arrivant et séjournant à Rome.

À l’exception dequelquestableaux religieux,tel Le Bon Samaritain de 1825 (fig. 2) qu’il envoie en Belgique, Maes-Canini s’adonne désormais à la seule scène à l’italienne, devenant l’un des spécialistes à Rome de ce genre. Sa réussite est tellequ’en 1834,il dirige un atelier dans lequel il emploie plusieurs jeunes artistes, dont son fils, afin d’honorer ses nombreuses commandes. Doué d’une incontestable maîtrise du dessin et de la technique du modelé par d’adroits effets de lumières, il s’est complu à flatter les goûts de la clientèle cosmopolite de la Ville éternelle avec des représentations quelque peu minaudières du pittoresque peuple romain. Certainesdeses œuvres nesont passansévoquer,sur un mode doucereux, les tableaux de Léopold RoBERT (La-Chaux-de-Fonds1794-Venise1835)(fig.7),dont il a sans doute été en relation, ainsi que le suggère

Denis Coekelberghs.4 Il a peint des pèlerins, des ermites, des bergers, des contadini, des pifferari et enfin dejeunesetséduisantes Romaines.

Ces dernières ont été son thème de prédilection. Sous ses pinceaux, elles apparaissent le plus souvent de trois quarts, parfois en buste (fig. 3). Il les représente quelques fois dévêtues (fig.6), le plus souventdansleurscostumestraditionnelschamarrés Elles sont à leur toilette, se préparent au carnaval annuel sur le Corso (fig. 5 & 8), remplissent d’huile une lampe (fig. 4) etc.. Elles apparaîssent tantôt seules, tantôt accompagnées d’une servante plus âgée qui fait ressortir la fraîcheur et la délicatesse de leur jeunesse. Par le cadrage serré des compositions autour des figures, par l’intensité de clairs-obscurs, certains tableaux de MAES-CANINI offrent une variante suave du néo-caravagisme romain du second quart du 19e siècle (fig. 8).

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Fig. 3 J.-B.-L. Maes-Canini, Portrait d’une jeune ita- lienne, Rome 1828, 47 x 37 cm, Gand, Bijlokemuseum, inv. A65.02.029

Fig. 4. J.B.L. Maes-Canini, Jeune italienne à la lampe à huile, 1835, huile sur toile. Localisation actuelle inconnue.

5. J.B.L. Maes-Canini, Jeune italienne se préparant pour la carnaval, 1838, huile sur toile, localisation actuelle inconnue.

fig. 6. J.B.L. Maes-Canini, Jeune Italienne à sa toilette, 1839, huile sur toile, 99 x 74,5 cm. Localisation actuelle inconnue.

7. J.B.L. Maes-Canini, Jeune Italienne se préparant pour la carnaval, 1854, huile sur toile, 74,6 x 99 cm. Localisation actuelle inconnue.

8. J.B.L. Maes-Canini, Jeune italienne se préparant pour la carnaval, 1855,

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fig. Fig. Fig. huile sur toile, 100x200cm. Localisation actuelle inconnue.

Lajeuneromaineenprière.

Certains de ses tableaux ont connu le succès. C’est le cas de la jeune Romaine en prière. L’œuvre analysée ici est une des variantes répertoriées d’une même composition mettant en scène une jeune romaine, en costume de Frascati, priant dans une église, devant une imagepieuse.Celle-ci n’est pasreprésentéedansles tableaux, mais subtilement suggérée, notamment par la lampeencuivresuspenduedevantlesautels,comme il en existent beaucoup d’exemplaires à Rome.

L’artiste adéclinélesujetsousdeuxformes.Lapremière montre la jeune femme, seule, les mains jointes et les coudesposéessurunautelàcôté d’un bouquetdefleurs (fig. 9, 12 & 13). L’un des exemplaires porte la date de 1845.

La seconde variante du sujet nous est connu par plusieurs tableaux. Cette fois, la jeune Romaine tient un enfant emmailloté et endormi dans les bras (fig. 10 & 11). L’un d’eux porte également la date de 1845.

La particularité de notre version est que la jeune Romaine est entourée dans sa prière par un moine pèlerin et par une fillette. Détail piquant. Celle-ci a détourné son visage et semble attirée par un évènement se déroulant dans l’église.

Le décor de ces différentes versions est sensiblement le même. On aperçoit entre des colonnes antiques la vaste abside d’un chœur d’église aux murs ornés de mosaïques et de peintures murales, tandis qu’au milieu de ce cœur se dresse un ciborium en marbre.

On notera que Maes-Canini a exposé une Jeune Romaine en prière au Salon de Bruxelles de 1833 et qu’il existe une copie du tableau Jeune Romaine en prière au bouquet de fleurs, erronément signée Jean Portaels (Vilvorde 1818 - Bruxelles 1895), au Musée des Beaux-Arts de Charleroi ( inv. 574). Cette copie est une preuve supplémentaire du succès du tableau de Maes-Canini.

Ce tableau étudié ici est plus ambitieux que les autres versions connues du sujet. Il est un bel exemple de la peinture de Jean-Baptiste-Louis Maes-Canini Avec Navez, Van BreeetLouis Ricquier(1792-1884),il est l’un desprincipaux représentantsbelgesdelascène de genre à l’italienne du second quart du xIxe siècle, traitée sur un mode romantique, à la fois sentimental, poétique et idéaliste typique des écoles du Nord, auquelappartiennentégalementleRusseKarlBryulov (1799-1852), mort à Rome, les Danois Ernst Meyer (1797-1861) mort à Rome, Albert Küchler (18031886), le Tchèque Leopold Pollak (1806- 1880) mort à Rome, ou encore les Allemands August Riedel (1799 - 1883) mort à Rome, Adolf Henning (18091900), Johann Heinrich Richter (1803-1845), et Theodor Leopold Weller (1802-1880).

Alain Jacobs, 2024.

Nous souhaitons remercier Monsieur Alain Jacobs pour la rédaction de cette notice et son aide quant à l’identification de cette œuvre.

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fig. 9. J.B.L. Maes-Canini, Jeune Italienne pirant, 1845, huile sur toile, 30 x 23,8 cm. Localisation actuelle inconnue.

Fig. 10. J.B.L. Maes-Canini, Jeune Italienne en prière, tenant un enfant, 1837, huile sur toile, 99 x 74 cm. Berlin, Museum Berggruen, Alte und Neue Nationalgalerie.

fig. 11. J.B.L. Maes-Canini, Jeune Italienne en prière, tenant un enfant malade, 1845, huile sur toile, 30 x 23,8 cm. Localisation actuelle inconnue.

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fig. 12. J.B.L. Maes-Canini, Jeune Italienne pirant, s.d. (?), huile sur toile, 90 x 72 cm. Localisation actuelle inconnue. fig. 13. J.B.L. Maes-Canini, Jeune Italienne pirant, s.d., huile sur toile, 79 x 64 cm. Localisation actuelle inconnue.

Bouquetdefleursdansunvaseenterre.

Vers 1830.

Huile sur panneau.

Signé en bas à gauche sur la table : J.F. Eliaerts Fecit

H : 45 ; L : 37 cm.

Cette esquisse à l’huile représente un bouquet dans un vase reposant sur une tablette s’élevant en diagonale du panneau. Le médium employé permet un jeu de transparence sur les pétales des fleurs représentées et la spontanéité de la touche donne un aspect sauvage à cette nature domestiquée, composée de roses, d’œillets et d’anémones.

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Jean-François Eliaerts est un artiste belge qui expose régulièrement au Salon de Paris, de 1806 à 18481. Il est né à Deurne, près d’Anvers et étudie à l’Académie d’Anvers où il fit la rencontre de Frédéric Ziesel (1757-1809) et de Pieter Faes (1750-1814) et se spécialise dans la représentation de natures mortes.

Dans les années 1800, il émigre à Paris et enseigne à l’Institut de la Légion d’Honneur et se distingue au Salon pour ses représentations de compositions florales. Il introduit la peinture de nature morte flamande de la seconde moitié du XVIIIe siècle aux visiteurs français et à ses élèves. Jusqu’alors, c’est l’influence combinée des natures mortes italiennes et flamandes du XVIIe siècle qui

dominait dans les compositions de ses contemporains français.

Ses tableaux de fleurs s'inscrivent dans la tradition de la peinture florale du baroque tardif, telle qu'elle a été développée par Jan van Huysum (1682-1749) et reprise par Van Dael (1764-1850). Avec Pieter Faes et JorisFrederik Ziesel, il est l'un des plus importants représentants de ce type de peinture en Belgique à l'aube du XIXe siècle.

Par sa composition massive et tourmentée, notre bouquet s’inscrit dans cette tradition.

1 « Base de données « Salons et expositions de groupes 1673-1914 », salons.musee-orsay.fr, un projet du musée d’Orsay et de l’Institut national d’histoire de l’art soutenu par le Ministère de la Culture et de la communication, consulté le 11/01/2024.

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Henri Frédéric Schopin

(Lübeck, 1804 - Montigny-sur-Loing, 1880).

ManonLescautetD’Esgrieuxdansledésert.

Salon des Artistes Vivants, Paris, 1844, n° 1615.

Huile sur toile.

Signature effacée : « Sc…n » en bas à gauche.

H. 65 ; L. 48 cm.

Provenance :

Collection A. Binant, tableaux, objets d’art et d’ameublement, Paris, Hôtel Drouot, les mercredi 20 et jeudi 21 avril 1904, étude de M. Paul Chevalier, expert M. Durand-Ruel, n°63.

Dans un paysage rocailleux, Manon Lescaut est en train de bander le bras du chevalier Des Grieux. Les deux jeunes gens se portent un regard alangui. Le léger effet flouté des visages, marque de fabrique de Schopin, accentue la beauté des personnages, tandis que le velouté de sa touche sur les drapés donne de la préciosité à une scène qui annonce pourtant la fin de l’idylle entre les deux personnages puisque Manon meurt d’épuisement dans le désert représenté en arrière-plan. Cette issue dramatique semble annoncée par le crépuscule qui teinte le ciel d’orange et baigne la scène d’une douce lumière.

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Né en 1804 à Lübeck, Allemagne, Henri Frédéric Schopin est d’abord l’élève de son père, Jean-Louis-Théodore Chopin (vers 1747-1815), sculpteur, et travaille avec lui aux décors du palais impérial de Saint-Pétersbourg pour Catherine II de Russie. Lorsqu’il retourne en France, il intègre l’atelier du peintre d’histoire Antoine-Jean Gros (1771-1835) et se présente au grand prix de peinture dès 1826. Il remporte le second prix deRome en 18301 et le premier prix en 1831 avec son tableau Achille poursuivi par le Xanthe2. Pensionnaire de l’Académie de France à Rome, il rentre à Paris à la fin de l’année 1834 ou début 18353 et expose régulièrement au Salon de 1835 à 1879. Contrairement à ce quia été parfois dit4, il n’est pas le frère du pianiste Frédéric Chopin. Il a rajouté le « S » au début de son patronyme pour s’en distinguer en 1831.

Fort d’un enseignement académique tout empreint de néoclassicisme, Schopin a su néanmoins s’adapter à son temps, moins friand des scènes grandiloquentes davidiennes, en exposant aussi bien des scènes de genre que de grandes scènes d’histoire. L’artiste a donc trouvé sa clientèle à la fois à travers des commandes officielles et des achats de l’Etat, quatre tableaux furent choisis par l’empereur Napoléon III dans l’atelier de l’artiste qui lui rendit visite en personne en 18605 , qu’auprès des particuliers avec ses petits sujets de genre.

Ses scènes de genre connurent un grand succès auprès du public, notamment quelques séries inspirées de romans populaires telles que Paul et Virginie, Don Quichotte et Manon Lescaut. Ces scènes historiées sont accompagnées d’un extrait du livre dont elles sont tirées lors de leur présentation au Salon.

C’est le cas de Manon Lescaut6 qui est exposé sous le numéro 1617 en 1844 et décrit comme suit :

« Nous marchâmes aussi longtemps que le courage de Manon put la soutenir, c'est-à-dire environ deux lieues ; car cette amante incomparable refusa constamment de s'arrêter plus tôt. Accablée enfin de lassitude, elle me confessa qu'il lui était impossible d'avancer d'avantage. Son premier soin fut de changer le linge de ma blessure, qu'elle avait pansée elle-même avant notre départ »/ (Prévost).

Cette toile plaît au public mondain, commeentémoigneuncommentairedonnépar le Journal des femmes :

« Les deux petits tableaux de M. Schopin, dont le sujet est tiré du roman de Manon Lescaut, sont deux compositions spirituellement exécutées. Cette peinture-là est coquette et brillante à ravir »7

C’est donc tout naturellement que ce tableau fut reproduit en gravure, notamment par Hippolyte Louis Garnier dès 1844

1 Procès-verbaux de l'Académie des Beaux-Arts: 1830-1834. Tome cinquième. (2004). France: École des Chartes, p. 61.

2 Ibid. p. 127.

3 Archives de l’Académie de France à Rome. Pièce 20180611/5-136 - quittance pour les frais de retour en France, du peintre Frédérick Schopin à Horace Vernet, 1 novembre 1834, fol. 322.

4 Nouveau Larousse illustré, tome VII, 1904, p. 593.

5 Catherine Granger. L’Empereur et les arts. La liste civile de Napoléon III. Mémoires et documents de l’École des chartes, t. 79, 2005. Préface de Jean- Michel Leniaud, p. 622.

6 Explication des ouvrages de peinture, sculpture, architecture, gravure et lithographie des artistes vivants, exposés au Musée Royal le 15 mars 1844, Paris, Vinchon, fils et successeur de Mme Ve Ballard, imprimeur des Musées Royaux, rue J.-J. Rousseau, n°8. 1844, n°1617.

7 Journal des femmes : revue littéraire, artistique et d'économie domestique... n°6, juin 1844, p. 268

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Hippolyte Louis Garnier ( 1802-1855) d’après Henri-Frédéric Schopin, Tessari et Cie, Paris, Chez J. Daziaro

Augusta LEBARON-DESVES

(Paris, 1806 – 1894)

SainteMaraneetsainteCyr 1843-1844.

Huile sur toile. H : 62 ; L : 52 cm.

Exposition : - Salon des Artistes Vivants, Paris, 1844, n° 1117 : « Sainte Marane et sainte Cyr. ».

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Les deux jeunes femmes, Cyr et Marane, sont des religieuses venant de Bérée en Syrie au Ve siècle. Elles choisissent de vivre dans une réclusion stricte, emmurées, et n’ayant pour seul contact avec l’extérieur qu’une fenêtre par laquelle des fidèles pouvaient communiquer. Elles vécurent quarante-deux ans dans une ascèse totale. La composition reprend les éléments décrits dans La vie des Saints du père François Giry ; les protagonistes sont vêtus sobrement, accompagnés des attributs de leur vocation : la vanité, le crucifix et les écritures saintes.

À dessein, la perspective de la cour est traitée de manière archaïsante, rappelant l’art des primitifs. Augusta Lebaron s’inscrit ainsi dans le genre historique en vogue depuis les années 1830, digne héritière de Robert-Fleury, son maître en peinture.

Le choix du sujet, peu commun, laisse transparaître la volonté de l’artiste de montrer une certaine érudition religieuse. Augusta Lebaron-Desves a d’ailleurs présenté plusieurs sujets religieux lors de ses présentations au Salon et gagné une médaille de seconde classe en 1839

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57 GALERIE MAGDELEINE Galerie Magdeleine 60, rue de Verneuil 75007 PARIS +33 6 48 76 69 09 galeriemagdeleine@gmail.com www.galeriemagdeleine.com

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