Renaissance
France – Italie
1500-1600
Renaissance France – Italie 1500-1600
Galerie Sismann Exposition 25 mars - 30 avril 2021
Préface
Renaissance, France – Italie (1500-1600) marque le second temps de l’ambitieux voyage initié par la Galerie Sismann à la découverte de la sculpture ancienne européenne. Après un premier événement consacré à la sculpture gothique, Gabriela et Mathieu proposent ce printemps à tous les amateurs et curieux un itinéraire entre France et Italie à la découverte des multiples déclinaisons de l’art de la Renaissance. Notre lecteur débutera sa pérégrination en France où durant la première moitié du xvie siècle, dans certaines régions, la tradition gothique persiste et s’enrichit des premières innovations de la Renaissance importées de Flandre et d’Italie. En témoignent tout particulièrement deux chefs-d’œuvre présentés dans ce premier chapitre : une monumentale Charité de Saint-Martin provenant de l’ancienne prestigieuse collection Vérité, ainsi qu’une saisissante tête de Christ venant compléter le corpus du célèbre Maître de Chaource. Cette cohabitation cède ensuite progressivement la place au plein épanouissement de l’art maniériste qui se développe en France sous l’impulsion du grand chantier de Fontainebleau. Une superbe figure féminine en pied au drapé antiquisant sélectionnée pour l’occasion, ainsi qu’un grand émail peint inédit de Pierre Courteys font la démonstration dans les pages qui suivent de la sensualité et de la complexité de cet art sophistiqué et référencé tourné vers la fantaisie et le raffinement. Nous prendrons ensuite le chemin de l’Italie, berceau de la Renaissance et place de son apogée au xvie siècle. Les œuvres choisies de la collection Sismann illustrent à merveille le foisonnement et la variété dans cet espace géographique des thèmes et des formes investis par les artistes qui rivalisent entre eux pour donner vie au programme de la Renaissance, exprimer ses rêves, ses idéaux et ses valeurs. Cette exposition sera alors l’occasion de découvrir ou redécouvrir quelques-uns de ces créateurs de génie : Ghiberti avec un très beau stuc attribué à son atelier, Domenico Gagini avec une émouvante Vierge à l’Enfant ou encore Giovanni Battista da Corbetta et son monumental Christ aux liens, premiers noms d’une longue liste qui dévoilera également un portrait inédit du doge de gênes Battista Cicala Zoagli ou encore une superbe Amphitrite d’après un modèle jusqu’alors inconnu de Girolamo Campagna. Enfin, la dernière section de cet ouvrage est une invitation à pénétrer dans le studiolo de la Galerie Sismann, une récréation personnelle du cabinet de l’amateur de la Renaissance. Là, des œuvres plus intimes se livrent à la réflexion et à la contemplation. D’émouvantes madones y côtoient de sensuelles divinités antiques et tout un peuple de grotesques. Aujourd’hui extraites de leur contexte, toutes ces œuvres sont une invitation au voyage et nous exhortent à rêver aux temps éclatants de leur création. Les œuvres présentées dans ce catalogue ont été attribuées grâce à l’expertise et au travail méticuleux entrepris par l’équipe de la Galerie Sismann, dont le fruit des recherches a été synthétisé dans les pages qui suivent. Au même titre que le dossier documentaire complet de chacune des entrées du catalogue, ces notices sont disponibles en version bilingue sur demande. Au terme de ce travail nous tenons à exprimer notre gratitude aux personnes qui nous ont accompagnés tout au long de cette aventure : Luca Annibali, Andrea Bacchi, Béatrice Beillard, Gaël Bordet, Nicolas Bousser, Francesco Caglioti, Alessandro Cesati, Antoine Paszkiewicz, la commune de Méru, le diocèse de Troyes et la Paroisse de Magny-en-Vexin. Au plaisir de vous accueillir pour échanger sur ces créations singulières et vous les transmettre. Gabriela et Mathieu Sismann ainsi que leur collaboratrice Manon Lequio
Foreword
Renaissance, France – Italy (1500-1600) marks the second phase of the ambitious journey initiated by Galerie Sismann to discover European Old Master Sculpture. After a first event dedicated to Gothic sculpture, this Spring Gabriela and Mathieu are offering art amateurs and enthusiasts opportunity to discover the multiple variations of Renaissance Art between France and Italy. Our reader will begin their peregrination in France where the Gothic tradition persisted in some regions during the first half of the 16 th century and was enriched by the first Renaissance innovations imported from Flanders and Italy. Two masterpieces reveal the meeting of these two styles during this era : a monumental Charity of Saint-Martin from the former prestigious Vérité collection and a striking Head of a Christ completing the corpus of the celebrated Master of Chaource. The co-existence of these two syles in pieces such as these gradually gave way to the full blossoming of Mannerist art which developed in France under the impetus of the great Fontainebleau site. A superb full-length female figure with antique draperies selected for the occasion, as well as a large unpublished painted enamel by Pierre Courteys demonstrate in the following pages the sensuality and complexity of this sophisticated Mannerist art, which turn towards fantasy and refinement. We will then take the road to Italy, cradle of the Renaissance, where it peaked in the 16th century. Selected works from the Sismann collection will illustrate the abundance and variety in this geographical space of themes and forms developed by artists who strove to bring the Renaissance ideals to life, while expressing their dreams, their ideals, and their values. This exhibition will therefore be an opportunity to discover, or rediscover, some of the genius artists of the Renaissance : Ghiberti, represented here with a very beautiful stucco attributed to its workshop ; Domenico Gagini, represented with a moving Virgin and Child, and Giovanni Battista da Corbetta and his monumental Ecce Homo. These are only a few names in a long list of artists and works we will present to you, which will include a superb unknown model of a Amphitrite by Girolamo Campagna and an unpublished Portrait of the doge of Genoa Battista Cicala Zoagli. Finally, the last section of this work is an invitation to enter Galerie Sismann’s studiolo, a personal recreation of the cabinet of the Renaissance amateur where more intimate works engage in reflection and contemplation. Moving Madonnas exist side by side sensual ancient deities and a crowd of grotesques. Now taken out of their context, all these works are an invitation to travel and urge us to dream of the dazzling time of their creation. The works in this catalog have been attributed thanks to the expertise and meticulous work undertaken by the team at Galerie Sismann, whose research findings have been summarized in the following pages. These descriptions, together with the complete documentary file of each of the catalog entries, are available in bilingual version upon request. We would like to extend our sincere gratitude and appreciation for all the people who have accompanied us throughout this journey : Luca Annibali, Andrea Bacchi, Béatrice Beillard, Gaël Bordet, Nicolas Bousser, Francesco Caglioti, Alessandro Cesati, Antoine Paszkiewicz, the city of Méru, the diocese of Troyes et the parish of Magny-en-Vexin. We look forward to welcoming you to enjoy these singular artistic creations. Gabriela and Mathieu Sismann with their collaborator, Manon Lequio
Catalogue Recherches Gabriela et Mathieu Sismann Manon Lequio Rédaction Gabriela Sismann et Manon Lequio Bibliographie p. 162
France : Des persistances gothiques au triomphe du maniérisme
Galerie Sismann – Renaissance 2021
Saint Martin
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La Charité de saint Martin
Charity of Saint Martin
Pierre calcaire polychrome Bourgogne Premier quart du xvie siècle H. 83 ; L. 65 ; P. 27 cm
Limestone Burgundy First quarter of the 16th century H. 83 ; W. 65 ; D. 27 cm
Provenance : Ancienne Collection Vérité
Provenance : Former Vérité Collection
Si le xvie siècle est celui de la Renaissance, il est aussi en France, jusqu’aux années 1540, celui du gothique qualifié de « tardif ». Comme le formulait déjà avec ironie Jean Lestocquoy en 1938, « l’histoire de l’art a des divisions fort commodes : ainsi la coupure entre les traditions du passé, du Moyen Âge, et l’introduction du style à l’Antique semble bien nette » 1. Et pourtant. Ce saint Martin en pierre de Tonnerre, comme bien d’autres œuvres, témoigne que dans de nombreux centres européens, le début du xvie siècle est celui du plein épanouissement d’un art gothique aux formules riches et raffinées. Au même titre que les productions dites renaissantes avec qui elles cohabitent, elles sont les produits légitimes de la culture du xvie siècle. La Bourgogne, d’où est originaire notre sculpture, est un de ces centres où la tradition gothique exerce encore toute son influence sur la création artistique au début du siècle. Juché sur sa monture élégamment harnachée, notre cavalier richement vêtu et coiffé d’un bonnet aux larges bords relevés se saisit du bas de son manteau, prêt à le passer à la lame de son épée pour le tendre à un mendiant qui, aidé de sa béquille, s’en saisit. On reconnaît ici aisément un épisode de la légende hagiographique de saint Martin, celui de la Charité, durant lequel le futur évêque de Tours, encore soldat de l’Empire
romain, après avoir offert tout l’argent dont il disposait aux pauvres, coupe en deux son manteau pour en faire don à un homme transi de froid. Cet épisode, véritable catéchèse de la Charité connaît un succès retentissant dans la sculpture des années 1500, notamment en Bourgogne. En témoignent ses nombreuses figurations en ronde-bosse, parmi lesquelles celles bien connues de l’église d’Arcenant ou encore de Charmoy 2. Cette dernière présente des similitudes avec notre sculpture. Notons parmi celles-ci une même silhouette coiffée d’un important chapeau aux larges bords relevés, mais aussi la position du mendiant, dressé sur une béquille coincée sous son bras gauche, ou encore les
1. Lestocquoy, J., « La persistance du style gothique aux xviie et xviiie siècles », Revue du Nord, t. 24, n° 94, mai 1938, pp. 103-111. 2. Anonyme, La Charité de saint Martin, pierre, v. 1500, Arcenant (Côte-d’Or), église Saint-Martin. Anonyme, La Charité de saint Martin, bois, v. 1500, Charmoy (Saône-et-Loire), église paroissiale.
Fig. 1. Détail, Saint Roch, pierre, xvie siècle, Préty (Saône-et-Loire), église paroissiale.
traits menus et juvéniles du saint. Toutefois, sur l’œuvre étudiée, le canon plus trapu de la monture de Martin rappel davantage
celui du cheval du groupe contemporain de l’église de Scey-sur-Saône-et-Saint-Albin 3. Mais au-delà de ces rapprochements formels, les disparités stylistiques demeurent. Il faut se tourner vers le célèbre saint Roch de Préty pour trouver un équivalent dans le traitement si particulier de la chevelure de notre saint, en longues mèches scandées de larges boucles souples superposées (fig. 1) 4. Pour autant, de par l’expressivité inouïe qui se dégage du visage du mendiant et de la musculature puissante de son torse dénudé, notre sculpture apparaît comme une œuvre tout à fait singulière dans le paysage de l’art bourguignon du xvie siècle. Sous les traits ingrats de ce nécessiteux, le sculpteur semble ici donner vie à une allégorie de la misère dont la laideur contraste de manière frappante avec la beauté juvénile du saint. Cette image illustre la dualité des concepts du Beau et du Laid dans la tradition médiévale, synonymes du Bien et du Mal, et rend ici manifeste au travers de cette représentation de la Charité de saint Martin l’ascendant et l’influence qu’est capable de prendre le Divin sur ses contrefaçons.
3. Anonyme, La Charité de saint Martin, pierre, xvie siècle, Scey-sur-Saône-et-Saint-Albin (Haute-Saône), église Saint-Martin. 4. Anonyme, Saint Roch, pierre, xvie siècle, Préty (Saône-et-Loire), église paroissiale.
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Sainte Barbe
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Sainte Barbe
Saint Barbara
Pierre calcaire Champagne Premier quart du xvie siècle H. 65 cm
Limestone Champagne First quarter of the 16th century H. 65 cm
Provenance : Marché de l’art, Bretagne
Provenance : Art Market, Brittany
Condamnée par son père à épouser un homme qu’elle n’a pas choisi, sainte Barbe, princesse de Bithynie refuse cette union pour se consacrer au Christ. Furieux, le roi l’enferme dans une tour où elle est baptisée en secret. Apprenant sa conversion au christianisme, son père la conduit devant les autorités romaines qui la condamnent au supplice puis à la mort. Dès le xve siècle, le culte de sainte Barbe jouit d’un immense succès populaire et la martyre compte parmi les intercesseurs les plus plébiscités par les fidèles. Dans les églises de l’Est de la France, les représentations de la sainte se multiplient. À l’image de notre sculpture, celles-ci présentent Barbe avec ses attributs, le livre ouvert et la palme du martyr, debout à côté de la tourelle dans laquelle son père la condamna à l’isolement. Sculptée dans de la pierre de Tonnerre, cette sainte Barbe est due à un sculpteur actif entre Champagne et Bourgogne dans le premier quart du xvie siècle. Son manteau ramené en tablier devant ses hanches, l’ampleur de ses pieds chaussés de souliers aux extrémités larges et carrées dits « en gueule de vache », ainsi que son riche costume, sont autant d’éléments qui permettent de l’inscrire dans le corpus des œuvres produites autour de
1500 dans la région de Troyes et dans l’Est de la Champagne. À cette époque, cellesci sont davantage influencées par l’art des Anciens Pays-Bas intégré dans l’héritage gothique plutôt que par l’art italien. Dans notre cas, ce phénomène transparaît au travers de l’agencement du plissé du manteau de sainte Barbe, l’encolure de sa robe, sa coiffe ou encore ses parures qui se présentent comme un écho lointain aux sculptures de Bruxelles et de Malines. Au sein de la production champenoise, les caractéristiques stylistiques de notre sculpture énumérées plus haut sont génériques et permettent de la rapprocher de la très belle sainte Barbe de l’église Saint-Donnat de Rouilly-Saint-Loup 1, de celle de l’église Saint-Rémy d’Ormes ou encore de la Sainte Marguerite de Bouilly 2. Toutefois, bien qu’elle présente le même front haut et bombé que ces productions de l’Aube et les mêmes yeux en amande aux larges paupières couronnées d’arcades sourcilières, notre sainte Barbe, de par son nez fort et son air facétieux, se rapproche davantage de l’esprit plus populaire de la Sainte Barbe de Cresantignes ou encore de la Sainte Marguerite de l’église de Dommartin-Lettrée 3.
1. Sainte Barbe, pierre calcaire, Champagne, premier quart du xvie siècle, Rouilly-Saint-Loup (Aube), église paroissiale Saint-Donat. 2. Sainte Barbe, pierre calcaire, Champagne, xvie siècle, Ormes (Marne), église Saint-Rémy. Sainte Marguerite, pierre calcaire, Champagne, premier quart du xvie siècle, Bouilly (Aube), église Saint-Laurent. 3. Sainte Barbe, pierre calcaire, Champagne, premier quart du xvie siècle, Crésantignes (Aube), église paroissiale. Sainte Marguerite, pierre polychrome, Champagne, premier quart du xvie siècle, Dommartin-Lettrée (Marne), église Saint-Martin.
Vierge à l’Enfant assise
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Autour du Maître de la Vierge de Rouvroy
Circle of the Master of the Virgin of Rouvroy
Vierge à l’Enfant assise
Enthroned Virgin and Child
Noyer Champagne V. 1520-1530 H. 38 cm
Walnut Champagne C. 1520-1530 H. 38 cm
Provenance : Marché de l’art, Paris
Provenance : Art Market, Paris
Cette Vierge assise en noyer est un précieux témoignage de la qualité exceptionnelle qu’atteignent les sculptures champenoises au xvie siècle, ces créations emplies de charme, à la fois profondément ancrées dans la tradition médiévale, mais aussi ouvertes aux influences extérieures émanant du centre parisien, de la Vallée-de-la-Loire, de Flandre ou encore d’Italie.
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Cette œuvre s’offre à nous comme le parangon du type féminin champenois au début du xvie siècle en sculpture, tel qu’il a été en premier lieu défini par Raymond Koechlin et Jean-Joseph Marquet de Vasselot 1. Notons ainsi le visage ovale aux traits délicats de la Vierge, coiffé d’un haut front bombé, ses longues mains souples, les plis profonds cassés en V de sa robe et cette recherche manifeste de sensible qu’illustre à merveille la pose gesticulante de l’Enfant potelé, assis sur son genou gauche.
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De par ces caractéristiques, cette sculpture fait écho de manière éclatante à la célèbre Vierge de Rouvroy (Haute-Marne), chefd’œuvre de la sculpture champenoise réalisé dans le premier quart du xvie siècle et aujourd’hui conservé au musée du Louvre (fig. 1). Dans un esprit similaire de simplicité
Fig. 1. Vierge de Rouvroy, pierre calcaire, Champagne, premier quart du xvie siècle, Paris, musée du Louvre, rf 1386.
et d’élégance, les deux Vierge présentent un visage grave, d’un ovale parfait, marqué d’un nez fin et d’une bouche menue. Leurs petits yeux perçants aux paupières gonflées et abaissées partagent la même intensité mélancolique. Comme l’avait déjà souligné
1. Koechlin, R. ; Marquet de Vasselot, J. J., La sculpture à Troyes et dans la Champagne méridionale au seizième siècle, étude sur la transition de l’art gothique à l’italianisme, Paris, 1900.
Fig. 1. Détail.
Jacques Baudoin 2, ce type physique n’est pas sans évoquer celui de la Vierge et de la Madeleine de la Déploration de l’église Saint-Jean de Troyes 3, réalisée vers 1515-1530 et parfois donnée au ciseau du célèbre sculpteur Jacques Bachot 4.
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Sur la Vierge de Rouvroy comme sur notre sculpture, le voile court de Marie, retenu par une couronne d’orfèvrerie d’une grande sobriété, dégage une partie de sa chevelure ondée et encadre son visage d’un riche dégradé de plis. Dans un mouvement en tout point similaire, les deux Vierge dirigent le geste de bénédiction de l’Enfant.
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Certains de ces particularismes se retrouvent mis en œuvre avec plus de pompe sur d’autres sculptures originaires de l’ancien diocèse de Troyes. C’est le cas par exemple sur la Vierge de Brienne-la-Vieille 5, qui présente un visage grave aux traits comparables à ceux de notre Vierge et de celle de
Rouvroy ; mais également sur la Vierge de Thoult-Trosnay dont l’Enfant gesticulant constitue un point de comparaison éloquent avec notre sculpture 6. Assis sur le genou gauche de sa mère, ce dernier tient ici dans ses mains un livre fermé, symbole fort qui marque la clôture de l’Ancien Testament à l’avènement du Christ. Cette iconographie rencontra un important succès dans l’art français aux xive et xve siècles comme en témoigne la Vierge Thiébault-Sisson ou encore la célèbre NotreDame de Grasse 7. En réinvestissant ici le type canonique de la Vierge assise gothique, cette œuvre montre en dépit d’un style profondément novateur, l’attachement des sculpteurs champenois dans le premier tiers du xvie siècle aux thèmes traditionnels médiévaux.
2. Baudoin, J., La sculpture flamboyante en Champagne et Lorraine, Nonette, Créer, 1991, pp. 178-182. 3. Déploration, calcaire, v. 1515-1530, Troyes, église Saint-Jean-du-Marché. 4. Le Beau xvie siècle, Chefs-d’œuvre de la sculpture en Champagne, catalogue d’exposition, Troyes, église Saint-Jean-du-Marché 18 avril-25 octobre 2009, Hazan, 2009, p. 271-272. 5. Vierge à l’Enfant, pierre, début du xvie siècle, Brienne-la-Vieille, église Saint-Pierre-aux-Liens. 6. Vierge à l’Enfant, calcaire, Champagne, xvie siècle, Le Thoult-Trosnay (Marne). 7. Vierge assise de l’ancienne collection Thiébault-Sisson, pierre, Lorraine, premier tiers du xive siècle, Paris, musée du Louvre, rf 4511. Vierge à l’Enfant dite Notre-Dame de Grasse, calcaire polychrome, Toulouse, fin du xve siècle, Toulouse, musée des Augustins.
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Tête de Christ
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Maître de Chaource ou entourage
Master of Chaource or circle
Tête de Christ
Head of a Christ
Pierre calcaire Champagne (Région de Troyes) V. 1530 H. 20,5 cm
Limestone Champagne (Region of Troyes) C. 1530 H. 20,5 cm
Provenance : Collection privée, Bourgogne
Provenance : Private collection, Burgundy
Les premières décennies du xvie siècle s’ouvrent au crépuscule d’un des mouvements spirituels les plus influents de la période médiévale : la Devotio Moderna. Né dans les Anciens Pays-Bas du Sud à la fin du xive siècle, ce courant de pensée prône une relation intime et personnelle avec Dieu et invite le fidèle à suivre le modèle du Christ. En prêchant une mystique personnelle dans laquelle l’âme de chaque fidèle est le réceptacle de Dieu, et où l’intermédiaire des clercs n’est plus indispensable pour accéder à la présence divine, la Devotio Moderna
marque la fin de la spiritualité médiévale et annonce la Réforme protestante. Les œuvres d’art qui s’en font l’écho invitent le fidèle à la méditation par la contemplation. Elles mettent en avant les souffrances du Christ dans les derniers jours de sa vie afin d’émouvoir le croyant. Crucifixion, Déplo ration, Déposition et Sépulcre connaissent un succès retentissant. En France, ces thèmes ne seront jamais autant mis à l’honneur que par les sculpteurs actifs en Champagne dans la première moitié du xvie siècle. Cette tête de Christ en pierre de Tonnerre en est un vibrant témoignage.
Fig. 1. Détail, Maître de Chaource, Pietà, calcaire polychrome, v. 1510, Bayel, église Saint-Martin.
Fig. 2. Détail, Déploration, calcaire, v. 1515-1530, Troyes, église Saint-Jean-du-Marché.
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Ce nom de convention a été donné à l’auteur de la célèbre Mise au Tombeau de l’église Saint-Jean-Baptiste de Chaource 1, considérée comme un des plus grands chefsd’œuvre de la sculpture du xvie siècle, ainsi que d’un certain nombre de sculptures rassemblées sur la base de critères stylistiques. Pour Julien Marasi, ce style « identifiable entre tous » du Maître de Chaource se définit essentiellement par deux caractéristiques : des attitudes contenues et des sentiments intériorisés ainsi que, parallèlement, des physionomies aux traits récurrents 2. Ces derniers, énumérés par l’auteur, sont
exactement ceux précédemment relevés sur notre tête de Christ. On les retrouve sur l’Ecce Homo réalisé par le maître pour le couvent des Cordeliers de Troyes et aujourd’hui présenté dans la cathédrale Saint-Pierreet-Saint-Paul 3, mais aussi sur le Christ de Feuges ou encore sur la belle Pietà de Bayel 4. Qualifiée au début du xxe siècle par Raymond Koechlin et Jean-Joseph Marquet de Vasselot comme « l’un des monuments les plus remarquables de l’art français au commencement du xvie siècle » 5, cette Pietà met en scène un Christ à la physionomie très proche de celle du nôtre (fig. 1). Pourtant, quelques différences en l’apparence minimes méritent d’être soulignées. En effet, notre œuvre semble avoir été déposée de la gravité du Christ de Bayel et de son austérité, au profit d’une plus grande douceur. Le visage est plus charnu, ses yeux se sont affinés, les mèches de sa barbe enrichie par une moustache plus longue se sont assouplies. L’heure est ici davantage au raffinement. Notre tête se présente alors comme le reflet parfait de celle du Christ de la Déploration de SaintJean de Troyes (fig. 2) 6. Exclue du corpus du Maître de Chaource par certains 7, attribuée à l’artiste, à son atelier ou parfois à un suiveur par d’autres 8, le groupe de l’église Saint-Jean soulève bien des interrogations quant à notre œuvre. Doit-elle être considérée comme une œuvre tardive du Maître de Chaource, une évolution stylistique au cours des trente années de sa carrière ayant
1. Maître de Chaource (Jacques Bachot ?) et son atelier, Mise au Tombeau, 1515, Chaource, église Saint-Jean-Baptiste. 2. Marasi, J., Le Maître de Chaource, découverte d’une identité. Catalogue raisonné, Troyes, commune de Chaource et Centre troyen de recherche et Nicolas Pithou, 2015, pp. 17-18. 3. Maître de Chaource, Ecce Homo provenant de l’ancien couvent des Cordeliers de Troyes, calcaire, v. 1515, Troyes, cathédrale Saint-Pierre-Saint-Paul. 4. Maître de Chaource ou son atelier, Christ en croix, bois, v. 1500, Feuges, église Saint-Benoît. Maître de Chaource, Pietà, calcaire polychrome, v. 1510, Bayel, église Saint-Martin. 5. Marasi, op. cit., p. 103. Koechlin, R. ; Marquet de Vasselot, J. J., La sculpture à Troyes et dans la Champagne méridionale au seizième siècle, étude sur la transition de l’art gothique à l’italianisme, Paris, 1900, p. 102. 6. Déploration, calcaire, v. 1515-1530, Troyes, église Saint-Jean-du-Marché. 7. Marasi, op. cit., p. 26.
été mise en évidence par les chercheurs ? Ou faut-il plutôt y voir une œuvre de son atelier, voire le résultat d’une interprétation du style du maître par un sculpteur local indépendant de son atelier, sculptée dans les années 1530 ? Les spécialistes de l’artiste s’empareront sûrement de cette question. Nous pouvons en attendant nous réjouir de cette découverte qui vient enrichir un corpus majeur de l’histoire de la sculpture que Geneviève Bresc célébrait en 2015 en de si justes termes : « Ce corpus démontre l’infinie créativité d’un maître (et/ou d’un atelier) qui donne
une cohérence magistrale à la spiritualité de ces années 1500 en la saisissant dans l’instant du recueillement. La prière est intériorisée, mais cependant exprimée de façon à communiquer avec le spectateur, pour le saisir au plus profond de son être. Un art de la méditation où ce qui semble muet est parlant, ce qui semble triste est apaisant, ce qui semble trivial par sa simplicité est noble. La sculpture appelle la contemplation. Non seulement pour le savoir-faire technique […], la science de l’expression, mais pour un je-ne-sais-quoi qui va plus loin, dans la recherche de l’essentiel. » 9
8. Baudoin, J., La sculpture flamboyante en Champagne et Lorraine, Nonette, Créer, 1991, pp. 140-143 ; 178-182. Forsyth, W., The Entombment of Christ. French Sculptures of the Fifteenth and Sixteenth centuries, Cambridge, Massachussetts, Harvard University Press, 1970, pp. 56-57. Forsyth, W., The Pietà in French Late Gothic Sculpture : regional variations, New York, The Metropolitan Museum of Art, 1995, pp. 87-88. Le Beau xvie siècle, Chefs-d’œuvre de la sculpture en Champagne, catalogue d’exposition, Troyes, église Saint-Jean-du-Marché 18 avril-25 octobre 2009, Hazan, 2009, pp. 271-272. 9. Marasi, op. cit., p. 9.
Galerie Sismann – Renaissance 2021
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Ce visage ovale aux pommettes accentuées et au front large et fuyant est marqué par un nez à l’arête traitée en méplat, par une bouche fine entrouverte à la lèvre supérieure rétractée, et par des yeux clos aux paupières en franche saillie, le tout couronné d’arcades sourcilières presque rectilignes. Un soin tout particulier a été apporté au traitement de la pilosité du Christ. Ceinte d’une couronne d’épines, sa chevelure tombe en mèches finement séparées et torsadées. Rassemblée en mèches distinctes s’achevant par de petits crochets, la barbe s’organise, elle, symétriquement autour de l’axe longitudinal du visage. Ces caractéristiques très définies et identifiées rendent incontournable la confrontation de cette pièce au prestigieux corpus du Maître de Chaource.
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Deux anges
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Paire d’Anges
Pair of Angels
Pierre calcaire polychrome Bourgogne Seconde moitié du xvie siècle H. 97 ; L. 60 cm et H. 92 ; L. 67 cm
Polychrome limestone Burgundy Second half of the 16th century H. 97 ; W. 60 cm and H. 92 ; W. 67 cm
Provenance : Collection privée, Bourgogne (Yonne)
Provenance : Private collection, Burgundy (Yonne)
Dans le champ d’étude de la sculpture bourguignonne du xvie siècle, il apparaît avec évidence que plus l’on s’éloigne du siècle précédent, de son esprit et de ses formes, plus il devient difficile d’attribuer et de dater les sculptures provenant des églises rurales de la région. Comme le précisait déjà Pierre Quarré en 1970 dans un ouvrage sur les sculptures des xvie-xviie et xviiie siècles de trois cantons de Côte-d’Or 1, il n’est plus possible sur ces œuvres de distinguer « aussi clairement l’influence des grands courants ou celle des grands modèles. On ne peut y suivre l’évolution artistique aussi aisément que dans les villes où furent appelés à travailler des sculpteurs en contact avec les milieux officiels, qui ont laissé un nom en même temps que des œuvres ». Dans ce contexte, cette très belle paire d’anges sculptée dans de la pierre de Tonnerre ne fait pas figure d’exception. Si la provenance commune et la polychromie ancienne identique des deux anges attestent bien qu’ils émanent d’un même ensemble, il convient toutefois de souligner une certaine disparité de traitement au sein de la paire. En effet, les deux figures témoignent de façon spécifique, chacune à sa manière, de la pénétration des codes et critères de l’art classique dans la sculpture bourguignonne
de la seconde moitié du xvie siècle. Par exemple, l’ange présenté de profil gauche est vêtu d’une sobre tunique légère aux manches retroussées qui, sous l’effet de la brise, se soulève et découvre ses jambes nues. Là où l’accent est porté sur le dynamisme de la figure et sur le dévoilement du corps, son pendant, montré sous son profil droit, met en avant un caractère plus solennel et précieux. Coiffé de boucles sophistiquées, celui-ci est enveloppé dans une élégante tunique aux manches ballonnées et aux plis mouillés, scandée de riches fermaux orfévrés. Le raffinement de cet éloquent costume n’est pas sans rappeler ceux dont sont revêtus les belles sculptures champenoises contemporaines, comme l’archange Gabriel de l’église Saint-Jean-Baptiste de Chaource 2, ou encore les deux anges de l’Assomption de Provins 3. En Bourgogne, ces caractéristiques nous permettent de rapprocher nos anges de la belle Déploration de l’Hôpital de Dijon 4, ou encore du groupe de la Vierge de Pitié de l’église Saint-Pierre-le-Rond de Sens 5. Pareillement à ces ensembles, nos deux anges devaient autrefois s’intégrer dans un important groupe sculpté, et plus probablement dans une Assomption où ils auraient accompagné l’élévation de la Vierge.
1. Quarré, P., Sculptures du xvie au xviiie siècle dans les cantons de Pouilly-en-Auxois, Saint-Seine-l’Abbaye et Sombernon, Dijon, Palais des ducs de Bourgogne, 1970, pp. 24-25. 2. Ange de l’Annonciation, calcaire, second ou troisième quart du xvie siècle, Chaource, église Saint-Jean-Baptiste. 3. Groupe de l’Assomption, albâtre, xvie siècle, Provins, église Saint-Ayoul. 4. Déploration, calcaire, quatrième quart du xvie siècle, Dijon, hôpital. 5. Groupe sculpté : Vierge de Pitié, calcaire, second ou troisième quart du xvie siècle, Sens, église Saint-Pierre-le-Rond.
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Émail Farnésine Psyché
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Attribué à Pierre Courteys (1520-1581)
L’Introduction de Psyché aux dieux de l’Olympe Émail peint sur cuivre Limoges Seconde moitié du xvie siècle H. 30,5 ; L. 39,5 cm
Attributed to Pierre Courteys (1520-1581)
Psyche received on Olympus Painted enamel on copper Limoges Second half of the 16th century H. 30,5 ; W. 39,5 cm Provenance : Art Market, Pays de la Loire
Provenance : Marché de l’art, Pays de la Loire En France, dans le domaine des objets d’art, le xvie siècle marque le renouveau des ateliers de Limoges, spécialisés depuis le xiie siècle dans l’émaillerie, avec la mise au point de la technique de l’émail peint 1. Celle-ci consiste à ajouter à de la poudre d’émail un liant afin d’obtenir un mélange pâteux pouvant être déposé à la spatule ou au pinceau sur une plaque de cuivre. Cette dernière sert de support au décor. Elle est d’abord recouverte de fondant (émail translucide) sur ses deux faces et subit une première cuisson : l’envers est
ainsi solidifié et protégé des attaques du temps (c’est ce que l’on appelle le contre-émail), et l’endroit préparé à recevoir le décor. Ce dernier s’obtient ensuite par la superposition de nombreuses couches d’émail, déposées à la spatule, qu’un nombre identique de cuissons permet de fixer. L’auteur de notre décor, réalisé ici à la grisaille, a selon l’usage porté longuement son attention sur la couche d’émail blanc, déposée sur une couche noire sèche et minutieusement travaillée avant cuisson à la spatule et à l’aiguille.
Fig. 1. Sanzio Raffaello, La Loggia d’Amour et de Psyché : le conseil des dieux, fresque, 1518, Rome, Villa Farnésine. 1. Développé depuis l’Antiquité, l’art de l’émaillerie consiste à fixer de la poudre d’émail sur un support de métal par de courtes cuissons successives, de l’ordre de 800 °C. Ces cuissons successives sont imposées par le fait que toutes les couleurs ne réagissent pas aux mêmes températures. La poudre d’émail se compose d’un pigment à base d’oxyde métallique mêlé à un fondant, la silice, qui assure la vitrification de la couleur lors de la cuisson.
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Parmi les plus fervents représentants de cette technique complexe, peuvent être cités Léonard Limosin, Pierre Reymond ou encore Pierre Courteys, à qui nous proposons d’attribuer ce grand médaillon ovale bombé orné d’un décor historié en grisaille rehaussé d’or présentant l’introduction de Psyché aux dieux de l’Olympe. Ce célèbre épisode est extrait du roman l’Âne d’Or, écrit par l’auteur romain Apulée au iie siècle. Dans cet ouvrage, l’écrivain antique nous conte l’histoire d’Amour et de Psyché, cette princesse dont l’immense beauté provoqua la jalousie de Vénus. Souvent comparée à la déesse, cette dernière décida de la punir en envoyant son fils, Cupidon, la frapper d’une flèche qui la ferait s’éprendre de l’homme le plus laid de la terre. Mais lorsqu’il la vit, le dieu en tomba amoureux. Il chargea le vent d’ouest, Zéphir, de l’emporter dans son palais. Dans cette demeure où nul être ne vivait, la nuit,
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Fig. 2. Giovanni Jacoppo Caraglio, d’après Raphaël, Psyché devant l’Assemblée des Dieux, gravure, 1527, New York, The Metropolitan Museum of Art, 49.97.249.
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un célèbre cycle de fresques sur les murs de la loggia de la villa Chigi à Rome (fig. 1) 2, reprenant le mythe de Psyché afin d’immortaliser de manière métaphorique l’histoire d’amour de son mécène, Agostino Chigi, et les épreuves que ce dernier dut affronter pour épouser sa femme 3. L’œuvre de Raphaël fut diffusée dans toute l’Europe grâce à un grand nombre de gravures. Trente-deux gravures de la loggia de Psyché furent ainsi réalisées par le Maître au Dé, élève de Marcantonio Raimondi. Celles-ci furent transposées pour la première fois dans la technique de l’émail peint par Léonard Limosin, émailleur du roi à la cour de François Ier. Il reprit la Fable de Psyché notamment dans deux séries de plaques rectangulaires réalisées à la grisaille en 1534 et en 1543 4. Mais, contrairement à ces ensembles, notre émail n’a pas été réalisé d’après la gravure du Maître au Dé. En effet, sa version de l’introduction de Psyché aux dieux de l’Olympe présente d’importantes disparités avec notre composition 5. Celles-ci sont notables dans l’agencement des personnages au sein de la scène, mais également dans leurs physionomies, bien distinctes. Ainsi le Jupiter au physique mature du Maître au Dé, chevelure longue et barbe au menton, se métamorphose sur notre émail en un jeune homme imberbe à la chevelure courte, privé d’un de ses attributs, le foudre, comme sur la version
2. Sanzio Raffaello, La loggia d’Amour et de Psyché : Le conseil des dieux, fresque, 1518, Rome, Villa Farnésine. 3. Amélie Ferrigno, « Agostino Chigi et le mythe de Psyché », Cahiers d’études romanes, 27 | 2013, pp. 221-238. 4. Léonard Limosin, La Fable de Psyché, émail peint sur cuivre, Limoges, v. 1534, Paris, musée du Louvre, n 1248. Léonard Limosin, La Fable de Psyché, émail peint sur cuivre, Limoges, v. 1543, Paris, musée du Louvre, mrr 280, 281 ; Écouen, musée national de la Renaissance, ec 1907. 5. Maître au Dé, La Fable de Psyché : le conseil des Dieux, gravure, 1530-1560, New York, The Metropolitan Museum of Art, 62.635.917. 6. Giovanni Jacoppo, Caraglio, d’après Raphaël, Psyché devant l’Assemblée des Dieux, gravure, 1527, New York, The Metropolitan Museum of Art, 49.97.249. 7. Giovanni Jacoppo, Caraglio, d’après Rosso Fiorentino, La suite des Dieux dans les niches, gravure, 1527, New York, The Metropolitan Museum of Art.
originale de Raphaël. Le sphinx, qui avait disparu de la version du maître au Dé, réapparaît ici à senestre dans les nuées. L’intermédiaire gravé entre l’original de la villa Chigi et notre émail s’incarne dans une version de Psyché devant l’Assemblée des Dieux réalisée en 1527 par l’artiste italien Giovanni Jacoppo Caraglio (fig. 2) 6, autre élève de Marcantonio Raimondi, connu également pour ses gravures de la célèbre Suite des Dieux dans les niches d’après l’œuvre bellifontaine de Rosso Fiorentino 7. Cette transposition inédite de la planche de Caraglio dans le domaine de l’émaillerie est sans doute à attribuer à Pierre Ier Courteys. On retrouve en effet ici les caractéristiques du pinceau de cet artiste à la tête d’une grande dynastie d’émailleurs, actif entre 1544 et 1568. Les dimensions remarquables de cette plaque ainsi que la vigueur et la monumentalité des personnages qui peuplent son décor font la marque de cet émailleur, influencé par Pierre Reymond à ses débuts, qui excella dans les émaux de grandes dimensions et dans la grisaille rehaussée d’or. Ici, les nuées souples et veloutées font écho à celles que l’on retrouve sur un coffret à scènes mythologiques, ou sur le fond d’une coupe couverte, tous deux attribués à Pierre Courteys et aujourd’hui conservés au musée de Louvre 8. Les personnages qui peuplent leur décor présentent un profil semblable à celui de nos dieux dont les visages se détachent sur la couche d’émail noire grâce à la mise en œuvre d’un jeu
fondant d’ombre et de lumière. Le couvercle de la coupe du musée du Louvre est scandé de têtes de lions mais aussi de masques dont la forme et l’expression font écho à celles de la tête de sphinx qui s’échappe des nuages dans la partie inférieure droite de notre composition. Notre œuvre est à rapprocher d’un petit corpus de vaisselles émaillées ornées du mythe de Psyché et attribuées à Pierre Courteys. Celui-ci se compose entre autres de deux plats ovales conservés au Walters Arts Museum de Baltimore reprenant les Noces de Psyché 9, mais également de plusieurs assiettes 10. Toutes ces pièces, contrairement à notre médaillon, ont été réalisées d’après les modèles du Maître au Dé dont Pierre Courteys s’émancipe ici au profit de la version de Caraglio. En 1559, Courteys avait déjà eu recours au travail de ce graveur pour la réalisation d’une série de plaques monumentales tout à fait originales, en reliefs émaillés, reprenant sa Suite des Dieux dans les niches 11. Cet ensemble est aujourd’hui considéré comme le chef-d’œuvre de l’émailleur. De la même manière, notre émail se présente comme une pièce originale d’exception, unique, sans équivalent dans un corpus majoritairement nourri par les infinies variations nées d’une production sérielle qui décline et diffuse dans la seconde moitié du xvie siècle les modèles des grands maîtres.
8. Pierre Courteys, Coffret à scènes mythologiques, émail peint sur cuivre et paillon d’or, Limoges, seconde moitié du xvie siècle, Paris, musée du Louvre, oa 3897. Pierre Courteys, Coupe couverte : Jupiter entre Vénus et Mercure, émail peint sur cuivre, Limoges, milieu du xvie siècle, Paris, musée du Louvre, mr 2459. 9. Pierre Courteys, Plat ovale : Les Noces de Psyché, émail peint sur cuivre, Limoges, 1554, Baltimore, The Walters Arts museum, 44.286 ; 42210. 10. Pierre Courteyx, Assiette : Psyché porté par Zéphir au palais de Cupidon, émail peint sur cuivre, Limoges, v. 1560, Los Angeles, LACMA, 48.2.3 Pierre Courteyx, Assiette : L’adoration de Psyché, émail peint sur cuivre, Limoges, v. 1560, Los Angeles, LACMA, 48.2.4. 11. Pierre Courteys, Saturne, émail peint sur cuivre, Limoges, 1559, Écouen, musée national de la Renaissance, e. cl. 1501.
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Cupidon rejoignait Psyché dans sa couche mais lui interdisait de poser les yeux sur lui. Lassée par la solitude du lieu, Psyché obtint de Cupidon que ses deux sœurs puissent lui rendre visite. Avec le temps, celles-ci réussirent à la persuader de braver l’interdit du dieu afin de vérifier que cet époux qu’elle n’avait jamais vu n’était pas un être monstrueux. Alors une nuit, elle alluma une lampe et troublée par la beauté du jeune homme endormi qu’elle découvrit, laissa tomber sur lui une goutte d’huile brûlante. Réveillé, Cupidon s’envola pour rejoindre sa mère et lui avouer sa trahison, laissant seule Psyché dans le palais. Désespérée, celle-ci rechercha partout son amant et finit par s’adresser à Vénus elle-même qui, tenant sa vengeance, la maintint en esclavage et lui imposa une série d’épreuves insurmontables. Psyché triompha de chacune d’entre elles mais, lors d’un ultime test, sa curiosité lui coûta la vie. Toutefois, pardonné, Cupidon put partir à sa recherche et la ressuscita d’une de ses flèches. Il l’enleva sur l’Olympe où Zeus lui-même célébra leur union. Durant la Renaissance, l’ouvrage d’Apulée fut réédité et rencontra un succès considérable auprès des artistes italiens. Ils voyaient dans l’histoire de Psyché le symbole de la destinée de l’âme humaine qui après des épreuves s’unit à l’Amour Divin et accède à la Vie Éternelle. Le grand Raphaël est un de ces artistes. Entre 1516 et 1518, il réalise
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Deux pilastres
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Entourage de Girolamo Viscardi (doc. 1467 - avant 1522) ?
Entourage of Girolamo Viscardi (doc. 1467 - avant 1522) ?
Deux pilastres ornés de la Vierge et saint Jean
Two pilasters with figures of the Virgin and saint John
Hauts-reliefs en marbre Normandie (?) V. 1500-1510 H. 65 cm
Marble reliefs Normandy (?) C. 1500-1510 H. 65 cm
Provenance : Ancienne collection normande du xixe siècle
Provenance : Former 19th century Norman collection
Cet exceptionnel ensemble de deux pilastres en marbre sculpté dessine dans le paysage artistique européen autour des années 15001510 un pont entre France et Italie. Chacun de leur décor s’organise autour d’une figure en pied, saint Jean et la Vierge, représentée frontalement en haut-relief. Portés sur une sobre console, les deux personnages s’intègrent dans une structure architecturale aux lignes épurées couronnée par une arcade ornée d’une coquille. Le rendu suave des plis des drapés ainsi que l’expressivité prodigieuse des visages attestent du talent de notre sculpteur qui fait ici la démonstration de sa virtuosité. La qualité de ce travail et celle du matériau choisi pour son exécution laissent penser que ces pilastres ornaient autrefois un monument commandé par un mécène prestigieux. Les limites de la structure dans laquelle prennent place saint Jean et la Vierge demeurent aujourd’hui trop évasives pour rendre compte de la provenance et de la disposition originale de ces œuvres. Elles permettent toutefois de supposer que ces reliefs venaient autrefois s’intégrer dans un important monument religieux de type
tabernacle, tombeau ou encore décor de chapelle. Les figures installées dans des niches à coquilles s’inscrivent dans la tradition décorative italienne du Quattrocento. Ici, leur typologie et le canon des figures évoquent l’art génois du troisième quart du xve siècle. En effet, cette formule ainsi que les caractéristiques formelles de nos œuvres sont comparables à celles observées sur des Pilastres d’encadrement de tabernacle ou autel attribués à Pace Gagini (actif 1493-1522), aujourd’hui exposés au Victoria and Albert Museum à Londres 1, mais aussi sur les figures du soubassement du Monument funéraire du cardinal Giorgio Fieschi réalisé par Giovanni Gagini vers 1465 pour la cathédrale de Gênes 2, ou encore sur les vertus cardinales de l’autel majeur de l’église San Girolamo di Quart, sculptées par Giovanni d’Aria et Girolamo Viscardi 3. Cependant, il convient de relever sur nos pilastres une élaboration plus souple des drapés et un modelé plus graphique du corps qui évoquent davantage les commandes exécutées par ces artistes en France
1. Pace Gagini (actif 1493-1522), Lunette et pilastres d’un tabernacle, marbre, Londres, Victoria and Albert Museum, n° Inv. 7551-1861. 2. Giovanni Gagini, Monument funéraire du cardinal Giorgio Fieschi, marbre, v. 1465, Gênes, cathédrale San Lorenzo. 3. Giovanni d’Aria et Girolamo Viscardi, Autel majeur, marbre, v. 1467, Gênes, San Girolamo di Quart.
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Fig. 1. Détail, Girolamo Viscardi, Tabernacle du Précieux Sang, marbre, 1507, Fécamp, abbaye de la Trinité.
Les quatre évangélistes qui ornent ce monument présentent d’importantes similitudes avec nos deux figures dans le traitement plat de leurs mains ou encore dans celui très expressif de leurs faciès. Un rapprochement éloquent doit ainsi être fait entre le visage de notre saint Jean et celui de l’ange qui orne à dextre le tympan du monument, similairement coiffé d’une épaisse chevelure aux boucles libres spiralées (fig. 1). L’abbaye de Fécamp accueille également un maître-autel orné d’un ensemble de huit saints sculptés en ronde-bosse occupant des niches à coquille séparées par des pilastres, commandé à Girolamo Viscardi en 1507 par Antoine Bohier, cardinal et homme de confiance de Louis XII 7. Par sa physionomie très proche et sa grande expressivité, le
4. Zerner, H., L’art de la Renaissance en France : L’invention du classicisme, Paris, Flammarion, 1996, p. 35. 5. La ville de Gênes a joué un rôle primordial dans la diffusion des modèles italiens et a réussi à s’imposer comme le principal centre exportateur d’œuvres en marbre. C’est dans ce contexte qu’Antoine Bohier, figure importante de l’entourage de Louis XII, commanda à Girolamo Viscardi une série de sculptures en marbre réalisées pour l’abbaye de la Trinité à Fécamp en Normandie. Au début du xvie siècle, Girolamo Viscardi est l’un des artistes les plus importants de Gênes à l’heure où la ville connaît dans le domaine de la sculpture un renouveau sans précédent. Face à l’intérêt croissant des commanditaires français pour cet art, d’autres artistes génois participent à sa diffusion sur des chantiers normands et picards : Pace Gagini et Antonio Della Porta réalisent ainsi une fontaine pour la résidence du cardinal Georges d’Amboise à Gaillon (1506-1508), un tombeau pour le gouverneur de Gênes Raoul de Lannoy et sa femme Jeanne de Poix dans l’abbaye Saint-Jacques à Folleville (v. 1507-1513), ainsi qu’un autel pour Louis XII. 6. Girolamo Viscardi, Tabernacle du Précieux Sang, marbre, 1507, Fécamp, abbaye de la Trinité. 7. Girolamo Viscardi, Maître-autel, marbre, 1507, Fécamp, abbaye de la Trinité. 8. Girolamo Viscardi, Quatre anges provenant de l’autel de l’abbaye de la Trinité de Fécamp, marbre, 1507, Goderville, église Sainte-Madeleine.
saint Jean qui orne cet autel évoque celui qui occupe un de nos reliefs (fig. 2). De la même manière, les drapés souples des tuniques des saints Mathieu et Thomas, ramenés à la ceinture et tombant en cascade sur le flanc gauche des personnages, sont comparables aux plis qui animent le manteau de notre Vierge. Quatre anges de l’autel de l’abbaye de la Trinité 8, transférés au xixe siècle à Goderville, offrent également l’occasion de mesurer l’influence exercée par le style de Viscardi sur nos marbres. Au-delà du
Fig. 2. Détail, Girolamo Viscardi, Maître-autel, marbre, 1507, Fécamp, abbaye de la Trinité.
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autour de 1500, à l’heure de la « détente ». Tradition gothique et italianismes se mêlent alors sous l’effet de la présence en France d’artistes originaires de la péninsule, invités par Charles VIII, Louis XII et leur entourage au retour des campagnes italiennes. Comme le mentionnait Henri Zerner « la France a accueilli des artistes italiens, mais aussi des motifs ornementaux et décoratifs ; les Français ont commandé des œuvres toutes faites, ou, dans certains cas, accompagnées d’ouvriers chargés de les installer. Tout cela constitue une situation complexe, confuse, d’autant plus difficile à saisir que les faits sont souvent mal connus » 4. Quoiqu’il en soit, l’italianisme imprime définitivement sa marque dans le décor architectural français autour des années 1500. Ainsi, en 1502, Louis XII commande un tombeau à la mémoire de ses ancêtres, les ducs d’Orlé ans, qui introduit sous les arcades de son sarcophage des figures sculptées dans des niches à coquille antiquisantes. Aujourd’hui présenté dans la basilique Saint-Denis, ce tombeau est l’œuvre de Michele d’Aria, Donato Benti, Benedetto da Rovezzano et Girolamo Viscardi, mentionné plus tôt pour son activité à Gênes 5. Peu après, cette formule italienne de figures logées dans des niches à coquille se retrouve à Fécamp à nouveau sous le ciseau de Viscardi, sur l’encadrement du Tabernacle du Précieux Sang de l’abbaye 6.
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traitement analogue des mains plates des figures, ces anges présentent des physionomies similaires à celles de notre Vierge et de notre saint Jean, marquées par un traitement très spécifique des sourcils, froncés, et des lèvres, entrouvertes, aux commissures tombantes (fig. 3). Si l’origine septentrionale de ces pilastres venait à être prouvée, ces reliefs apparaîtraient dès lors comme un témoignage rare de l’assimilation des modèles génois par un atelier français autour de 1500, ou, plus exceptionnellement encore, comme les fragments d’un ouvrage produit par des artistes génois directement en France. La traditionnelle représentation de la Vierge Marie et de saint Jean l’Évangéliste au pied de la croix ainsi que la typologie de nos œuvres, des pilastres, formellement très proches de ceux ornant le tabernacle réalisé par Pace Gagini aujourd’hui conservé à Londres, pourraient alors laisser penser que ces plaques de marbres étaient autrefois insérées dans un décor de tabernacle français couronné par l’image du Christ.
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Fig. 3. Détail, Girolamo Viscardi, Quatre anges provenant de l’autel de l’abbaye de la Trinité de Fécamp, marbre, 1507, Goderville, église Sainte-Madeleine.
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Médaillon architectural
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Médaillon architectural à l’Antique provenant du décor du château de Pesselières Pierre calcaire Val de Loire Deuxième quart du xvie siècle H. 96 ; L. 71 ; P. 22 cm
Architectural “all’antica” medallion from the castle of Pesselières Limestone Val de Loire Second quarter of the 16th century H. 96 ; W. 71 ; D. 22 cm Provenance : Private collection, Normandy
Provenance : Collection privée, Normandie C’est dans une pierre calcaire extraite dans le Val de Loire que cette œuvre imposante à la modénature sobre et classique a été sculptée. Au cœur d’un médaillon mouluré, se dresse de face le buste d’un homme grandeur nature, habillé à la romaine, coiffé d’un casque et vêtu d’une toge fluide nouée sur son épaule droite dévoilant un torse puissant. Ambitieux tant par ses dimensions, que par son style et son sujet, ce haut-relief participe à la mode du portrait « à l’Antique », emblématique de la première Renaissance en France. Agrandi par un large encadrement rectangulaire permettant de l’encastrer dans une façade, ce tondo s’inscrit dans la tradition italienne du médaillon architectural sculpté, une typologie introduite en France après les guerres d’Italie et largement diffusée sur le territoire français dès la fin du xve siècle comme en atteste l’incontournable chantier de Gaillon. Sur les façades de cette résidence de l’archevêque de Rouen, Georges d’Amboise, on pouvait ainsi observer dans les cours des panneaux de pierre sculptés de grotesques et de grands médaillons en
marbre, inspirés par l’Antique, représentant des empereurs et des impératrices 1. D’autres exemples de même typologie peuvent être observés dans le centre de la France, dans la région tourangelle, le Poitou ou encore la Loire. Citons ainsi les médaillons des clefs de voûte du château de Bonnivet (1515) 2, les
1. Anonyme, Médaillon d’empereur romain pour la décoration des façades du château de Gaillon : Gordien III, marbre, Gênes ou Milan, v. 1500, Paris, musée du Louvre, rf 3097. Anonyme, Château de Gaillon – Fragment de sculpture (xvie siècle), gravure sur papier, in Revue Générale de l’Architecture et des Travaux Publics, Paris, 1883, Série 4, vol. 10, pl. 34. 2. Médaillon sculpté d’une tête barbue et casquée provenant du château de Bonnivet (Vendeuvre-du-Poitou), calcaire, v. 1515, Poitiers, musée Sainte-Croix, 2007.0.a.22.
néanmoins un traitement plus proche, avec des visages très étirés, un long nez et de petits yeux assez rapprochés de l’arête de ce dernier.
Fig. 1. Buste en médaillon d’un homme de dos provenant du château de Pesselières, pierre, Val de Loire, second quart du xvie siècle, château de Brécy (Cher).
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médaillons de la cour intérieure de l’hôtel de Beaune à Tours (1518-1520), ou encore ceux du caisson de l’escalier du château d’Azayle-Rideau réalisés vers 1515-1520 3.
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Cependant, notre œuvre se distingue de ces antécédents par l’intérêt tout particulier qu’elle accorde au haut-relief. Cette démarche inventive fleurit alors ponctuellement dans quelques ateliers régionaux où les sculpteurs, abandonnant peu à peu la typologie du profil en bas-relief, choisissent de faire émerger avec beaucoup de vie des figures de leur cadre. De par cet aspect, notre
médaillon peut ainsi être mis en parallèle avec le Buste de femme du musée des BeauxArts de Lyon 4, provenant d’une maison de Vienne mais sculpté dans le Val de Loire, ou encore, un peu plus éloigné géographiquement, avec les médaillons de la Maison des Chevaliers à Viviers en Ardèche 5. Si comme notre œuvre ces sculptures sont caractérisées par une même pratique du haut-relief, avec des bustes émergeant assez théâtralement de leur cadre, elles n’en demeurent pas moins stylistiquement différentes. Ce constat est sans détour pour le médaillon de Lyon, quand ceux de Viviers présentent
3. Médaillons du grand escalier du château d’Azay-le-Rideau, Val de Loire, v. 1515-1520, Azay-le-Rideau. 4. Buste de femme en médaillon provenant d’une maison de Vienne, calcaire, Val de Loire, 1532, Lyon, musée des Beaux-Arts, inv. d 792. 5. Buste en médaillon du premier étage de la façade de la Maison des Chevaliers, pierre, v. 1540, Viviers (Ardèche), maison des Chevaliers.
Pour autant, c’est bien dans le Val de Loire, au cœur du département du Cher, que les rapprochements stylistiques avec notre médaillon se font plus probants. Sur la façade du château de Brécy, de part et d’autre de la porte d’entrée, sont incrustés deux médaillons abritant respectivement le buste d’une figure masculine présentée de dos et couronnée (fig. 1) 6, ainsi que celui d’une femme pouvant être identifiée comme la Gorgone Méduse grâce aux serpents s’échappant de sa coiffure (fig. 2) 7. Cette dernière, bien qu’ayant subi quelques restaurations au cours des dernières décennies, présente exactement les mêmes caractéristiques stylistiques que celles de notre buste. On retrouve ainsi notre physionomie très particulière au visage allongé et aux mâchoires
6. Buste en médaillon d’un homme de dos provenant du château de Pesselières, pierre, Val de Loire, second quart du xvie siècle, château de Brécy (Cher). 7. Buste en médaillon de la Gorgone Méduse provenant du château de Pesselières, pierre, Val de Loire, second quart du xvie siècle, château de Brécy (Cher). 8. Jules Boussard, Médaillons du château de Brécy, gravure, in Buhot de Kersers, Statistique monumentale du département du Cher : Canton des Aix-d’Angillon, Paris, 1875, p. 23, pl. IX.
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Fig. 2. Buste en médaillon de la Gorgone Méduse provenant du château de Pesselières, pierre, Val de Loire, second quart du xvie siècle, château de Brécy (Cher).
supérieures prononcées, avec un nez très étiré et de petits yeux rapprochés. Les nœuds des étoffes sont tout à fait similaires de même que le traitement des corps, alors que ces derniers tentent de s’extraire de leur cadre, débordant de leur cartouche. Au-delà de ces premiers éléments de comparaison, il faut souligner que ces trois médaillons présentent une bordure ornée de moulures tout à fait identiques, et qu’ils présentent tous trois les mêmes dimensions (66 cm de diamètre). Ainsi, nous pouvons raisonnablement penser que ces trois médaillons aient été réalisés par un seul et même atelier, actif dans le Val de Loire dans le second quart du xve siècle. Il se pourrait même qu’ils aient été conçus dans le but d’orner le même château, celui de Pesselières. En effet, Alphonse Buhot de Kersers, un érudit local du xixe siècle, nous apprend dans son Histoire et statistique monumentale du département du Cher que les deux médaillons du château de Brécy ont été installés de part et d’autre de la porte peu avant 1875, et « qu’ils sont sortis, diton, du château de Pesselières, commune de Jalogne » 8. Dans ce château endommagé au xvie siècle par les guerres de Religion, puis à la fin du xviiie siècle par la Révolution, nos trois médaillons auraient pu intégrer un ensemble décoratif plus large, centré autour des grandes figures héroïques de la mythologie gréco-romaine qui auraient orné les façades et cheminées du château. Peut-être avons-nous alors ici sous les yeux le Persée ou l’Achille courroucé de ce programme architectural si emblématique de la première Renaissance en Val de Loire.
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Figure féminine maniériste
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Figure féminine maniériste
Mannerist female figure
Pierre calcaire Vexin français Seconde moitié du xvie siècle H. 103 ; L. 35 cm
Limestone French Vexin Second half of the 16th century H. 103 ; W. 35 cm Provenance : Art Market, Normandy
Provenance : Marché de l’art, Normandie Cette sculpture taillée dans un calcaire fin originaire de la vallée de l’Oise représente un très beau personnage féminin drapé. Debout, notre figure adopte l’attitude du contrapposto à l’Antique, jambe gauche tendue, jambe droite libre et légèrement fléchie. Elle est vêtue d’une fine étoffe qui, plaquée contre son corps, en révèle les formes avec sensualité. Son hanchement prononcé détermine une chute de plis mouillés à la grecque dans une composition complexe et tumultueuse. Cette silhouette serpentine est tout à fait caractéristique de l’art maniériste qui se développe en France dans la seconde moitié du xvie siècle et qui, sous l’impulsion de grands maîtres italiens comme Giulio Romano, Agnolo Bronzino, Rosso Fiorentino ou encore Le Primatice, manifeste dans une volonté anti-classique un intérêt tout particulier pour la torsion des corps, les postures complexes, précaires, pour la recherche du mouvement, la figuration sensuelle des anatomies et celle expressive et irrationnelle des drapés. Jean Goujon (1510-1565), personnalité éminente de la sculpture française du milieu du xvie siècle, est le premier à s’inspirer directement de cet art italien. Il développe une interprétation très personnelle de ce style, teinté d’un fort classicisme, qui connaît un succès retentissant à Paris. Ses modèles gracieux, au canon fin et allongé, sont
vêtus de tuniques aux drapés mouillés qui témoignent de la connaissance et de l’attachement tout particulier de l’artiste pour l’art héllénistique. Son style et ses motifs se diffusent largement en province par le biais de gravures, réalisées par des artistes rattachés à “l’École de Fontainebleau”, mais
Fig. 1. Détail, Saint Barthélémy provenant de l’ermitage SaintSauveur de Limay, pierre, seconde moitié du xvie siècle, FollainvilleDennemont, église Saint-Martin.
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également par ses élèves, comme l’attestent deux hauts-reliefs provenant de l’église paroissiale d’Anet, représentant la Force et la Foi, aujourd’hui conservés au musée du Louvre et attribués à l’école de Jean Goujon.
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De par ses accents antiquisants et son canon sensuel, notre sculpture peut faire écho à cet art goujonesque. C’est également le cas de trois apôtres en calcaire provenant de l’ermitage Saint-Sauveur de Limay, réalisés dans la seconde moitié du xvie siècle, et qui partagent avec notre œuvre une forte parenté stylistique. Celle-ci se fait évidente en analysant dans le détail le traitement du drapé de l’un des apôtres, le saint Barthélémy, aujourd’hui conservé à Follainville-Dennemont, dans les Yvelines, qui présente une étoffe relevée comme sur notre sculpture en un nœud centré, lâche et flou, tombant sous le bassin du personnage (fig. 1).
Si l’influence du Sépulcre de Pontoise (Nicolas Le Prince et atelier, vers 1560) se fait sentir au sein des trois statues de Limay, leur modèle a été formellement identifié par Guilaine Benoit Ecolan un peu plus à l’est. Il s’agit du collège apostolique de la chapelle du château d’Anet, édifiée entre 1549 et 1552 par le grand architecte Philibert de l’Orme. Comme le propose la chercheuse, il est tout à fait probable que l’auteur du groupe de Limay, un sculpteur local du Vexin, se soit familiarisé avec les sculptures d’Anet en participant à ce chantier d’envergure qui nécessita à l’époque une main-d’œuvre importante. Outre le collège apostolique, deux allégories féminines marquées par l’art de Jean Goujon ornaient la façade de la chapelle du château : une allégorie de la Foi et une autre de la Charité. Malgré un traitement des visages plus classique et un sens du détail peut être plus appuyé que sur notre œuvre, il fait peu de doute que notre sculpteur local, sans doute lui aussi actif sur le chantier d’Anet, ait pu s’inspirer de ces modèles. Tenant un fragment de livre dans sa main droite, et un autre attribut disparu autrefois fiché dans sa main gauche, notre figure féminine pourrait bien elle aussi être une allégorie, ou une sainte dont la palme du martyr aurait été égarée. Ainsi, par les références prestigieuses qu’elle véhicule, cette sculpture maniériste aux accents antiquisants teintés d’hellénisme se présente au côté du corpus de Limay parmi les œuvres de la Renaissance les plus novatrices de tout le Vexin français. Toutes témoignent de l’influence considérable qu’exercèrent les créations de Jean Goujon dans la région.
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Pilier décoratif
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Pilier décoratif aux têtes de lions
Decorative pilaster with lion heads
Pierre calcaire France (Bourgogne ?) Milieu du xvie siècle H. 109 ; L. 31 cm
Limestone France (Burgundy ?) Mid-16th century H. 109 ; W. 31 cm
Provenance : Collection privée, Bourgogne
Provenance : Private collection, Burgundy
C’est au travers du décor de ses châteaux et de ses résidences privées que se dévoile avec éclat la Renaissance française. Soustraits à leur vocation de place forte militaire et à leur rôle défensif, ces édifices se parent alors de riches décors sculptés ornementaux où s’exprime la Renaissance à travers l’usage de formes nouvelles tirées de l’Antique. Ce pilier décoratif taillé dans du calcaire en est un parfait exemple. Sculpté sur ses quatre angles, ce pilastre libre se présente sur une base composée, selon le vocabulaire architectural de l’antiquité romaine, d’une plinthe, d’un tore et d’un filet. Dans sa partie supérieure, il est couronné par un chapiteau à l’astragale et au tailloir quadrangulaires animé d’un jeu de tores et de moulures plates. Sur toute la hauteur et sur toutes les faces de son fût se déploie un décor chargé composé de têtes de lions aux expressions variées surmontées de volutes et crachant des guirlandes de fruits. L’analyse de ce décor permet de mettre en évidence les sources et pratiques des ornemanistes de la Renaissance française à partir du second quart du xvie siècle. Ces premières sont d’abord issues de l’Antiquité. Outre le réemploi du vocabulaire architectural classique, le protomé de lion est lui aussi un motif antique symbole de force et de courage associé dès les premiers siècles aux puissants de ce monde. La guirlande de fruits quant à elle est un ornement issu de l’antiquité romaine
symbolisant l’abondance, qui peuple bon nombre de ses productions artistiques, des plus remarquables comme l’Ara Pacis, aux plus modestes, comme des sarcophages et autres stèles funéraires. Tous ces ornements sont repris à profusion en Italie aux xve et xvie siècle par les artistes qui participent au mouvement de la Renaissance. En France, ils sont importés au xvie siècle par les maîtres italiens actifs sur le chantier de Fontainebleau. Ces derniers introduisent dans le royaume de nouveaux répertoires ornementaux issus
Fig. 1. Détail, « Pourtrait du 10 Terme », in Hugues Sambin, Œuvre de la diversité des termes dont on use en architecture, 1572.
Fig. 2. Détail, « Pourtrait du 18 Terme », in Hugues Sambin, Œuvre de la diversité des termes dont on use en architecture, 1572.
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de l’art italien antique et contemporain, et les mettent à disposition des artistes grâce à des modèles dessinés, réunis dans des carnets et diffusés à large échelle par le biais de l’impression. Quelques-uns de ces précieux carnets d’ornemanistes nous sont parvenus et convoquent de grands noms de l’art français comme ceux de Jacques Androuet du Cerceau ou encore d’Hugues Sambin. Né à Gray dans les années 1520, ce dernier est l’archétype même de l’artiste polyvalent de la Renaissance. Sculpteur, décorateur ou ornemaniste, architecte, ingénieur civil, militaire et hydraulicien principalement actif en Bourgogne et Franche-Comté, Hugues Sambin est présent à Fontainebleau en 1544. C’est là qu’il se familiarise avec ce nouveau répertoire ornemental bellifontain qu’il va par la suite adapter de façon très personnelle. Les menuiseries du palais de Justice de Dijon qu’il réalise vers 1583 en sont d’impressionnants témoignages. Son art s’y caractérise par un foisonnement inégalé de motifs décoratifs, dont certains tout particulièrement marquent l’œuvre du maître. Parmi eux, les choux bourguignons ou encore les termes que Sambin compile dans son célèbre ouvrage « Œuvre de la diversité des termes dont on use en architecture » qu’il destine dans un souci de diffusion « à servir à plaisir aux ouvriers et aux architectes ». Le protomé de lion crachant une couronne de fruit qui orne notre pilier fait également partie de ces motifs récurrents dans le répertoire décoratif mis en place par l’artiste (fig. 1 et 2). On le retrouve notamment sur la façade dijonnaise de la maison Maillard réalisée par le maître et son atelier en 1560 et sur celle de l’avocat Marc Fyot. C’est dans ce contexte artistique riche et sous influence de cette grande figure locale que fut réalisé ce pilier.
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Tête d’homme
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Tête d’homme
Head of a man
Pierre calcaire Île-de-France Milieu du xvie siècle H. 25,5 cm
Limestone Île-de-France Mid-16th century H. 25,5 cm
Provenance : Ancienne collection Jacqueline ; Ancienne collection Bresset
Provenance : Former Jacqueline collection ; Former Bresset collection
D’une grande qualité plastique, ce visage masculin au front ridé et à la barbe fleurie dévoile derrière son regard farouche aux orbites exacerbées couronnées de deux épais sourcils froncés une expression saisissante. L’acuité de ces traits « terribles » découle de l’art de la première Renaissance française, très influencé par l’Italie et ses nouveaux modes de représentation. Au début du xvie siècle, cet art s’illustre dans le Nord de la France sous le ciseau de la famille Juste, et trouve son parfait accomplissement dans le collège apostolique que réalise Antonio di Giusto, dit Antoine Juste (1479-1519) 1, pour la chapelle haute du château de Gaillon. Notre tête s’accorde parfaitement avec le langage naturaliste et la mimesis surprenante mise en œuvre dans le Christ, le saint Jacques et dans la tête d’apôtre de ce collège 2, ultimes vestiges de ce prestigieux ensemble. L’orientation du regard de notre figure, fortement déporté vers la gauche, laisse à penser que cette tête ne constitue pas le fragment d’une œuvre isolée mais que celle-ci se
rattachait autrefois à une sculpture intégrée dans un ensemble plus vaste. Ses dimensions importantes, sa taille en ronde-bosse et sa grande expressivité nous permettent d’envisager son intégration passée dans un groupe de Mise au Tombeau. Des analogies formelles sont en effet possibles avec les personnages de plusieurs Sépulcres d’Île-deFrance et de l’Oise. Le crâne chauve, le front large, la bouche ornée d’une longue moustache et d’une barbe bifide fournie sont des traits que l’on retrouve par exemple sur le Nicodème des Sépulcres de Saint-Germerde-Fly (Oise) 3, de Limay (Yvelines) ou encore de Méru (Oise) 4, tous exécutés vers le milieu du xvie siècle. Outre ces éléments formels, une communauté d’esprit et une tonalité particulière rapprochent ces œuvres aux physionomies renfrognées qui font écho aux figures de Nicodème et Joseph d’Arimathie de la Mise au tombeau de la cathédrale de Pontoise, chef-d’œuvre de la Renaissance attribué à Nicolas Leprince et sculpté dans le marbre vers 1550 5.
1. Antoine est issu d’une famille de sculpteurs toscans, « les Juste de Tours », comme on a pu les appeler au xixe siècle, qui s’installa progressivement en France et joua un rôle majeur dans l’introduction de l’art italien en France. 2. Antoine Juste (1479-1519), Collège Apostolique : Christ et saint Jacques, terre cuite polychrome, v. 1508-1509, Gaillon, église paroissiale. Antoine Juste (1479-1519), Collège Apostolique : tête d’apôtre, terre cuite, v. 1508-1509, Paris, musée du Louvre, rf 2574. 3. Mise au Tombeau, pierre, fin du xvie siècle, Saint-Germer-de-Fly, abbatiale. 4. Entourage de François Marchand, Tête du Nicodème de la Mise au tombeau de la chapelle de l’ermitage Saint-Sauveur de Limay, pierre calcaire, première moitié ou fin du xvie siècle, Limay, église Saint-Aubin. 5. Mise au Tombeau, pierre polychrome, seconde moitié du xvie siècle, Méru, église paroissiale Saint-Lucien.
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Buste d’enfant « Pilon »
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Buste d’enfant
Bust of a child
Marbre France Fin du xvie siècle H. 27 ; L. 14,5 cm
Marble France End of the 16th century H. 27 ; W. 14,5 cm
Provenance : Marché de l’art, Lyon
Provenance : Art Market, Lyon
Ce buste d’enfant sculpté dans le marbre évoque un corpus assez restreint de figurations et portraits de bambins en buste, réalisés en France autour de 1575-1590. Le musée du Louvre en conserve deux très beaux exemples dans ses collections 1, notamment celui d’une fillette vêtue d’une fraise et coiffée d’un bonnet côtelé. En ronde-bosse comme en bas-relief, ces représentations annoncent l’un des thèmes de prédilection de la sculpture française au xviiie siècle, celui de l’enfance. Pour autant, dénué ici de traits caractéristiques et privé de son costume d’époque, notre garçonnet pourrait aussi davantage relever d’une production plus générique, peut-être celle des angelots ou des génies, qui peuplent les décors et monuments sculptés de l’époque. Il n’est ainsi pas à exclure que notre œuvre constitue le fragment d’un de ces fastueux ensembles, retaillé a posteriori en buste. Le visage ovale de l’enfant, au grand front, aux joues pleines, au petit menton en boule et à la bouche dessinée, évoque la physionomie des angelots et chérubins sculptés autour de 1600 par Mathieu Jacquet (15451611) pour orner la « Belle Cheminée » du château de Fontainebleau 2, celle du château
Fig. 1. Mathieu Jacquet, Tête d’ange décorant le tombeau de Madeleine Laubespine, fin xvie-début xviie siècle, Magny-en-Vexin, Notre-Dame-de-laNativité.
de Villeroy 3, ou encore le prie-dieu du tombeau de Madeleine de Laubespine à Magnyen-Vexin (fig. 1) 4.
1. Buste d’Enfant, marbre, Paris, seconde moitié du xvie siècle, Paris, musée du Louvre, inv. 15158. Buste de fillette coiffée d’un bonnet côtelé, marbre, France, v. 1570-1580, Paris, musée du Louvre, rf 1634. 2. Mathieu Jacquet, marbre blanc, Génies de la Belle Cheminée de Fontainebleau, 1507-1600, Paris, musée du Louvre, mr 2749-2752. 3. Mathieu Jacquet, Cheminée monumentale du Château de Villeroy, v. 1600, Paris, musée du Louvre, mr 1657. 4. Mathieu Jacquet, Tête d’ange décorant le Tombeau de Madeleine Laubespine, fin xvie-début xviie siècle, Magny-en-Vexin, Notre-Dame-de-la-Nativité.
Comme dans les œuvres du maître, l’expression boudeuse de notre bambin n’est pas sans rappeler celle des anges qui ornaient le tombeau de Valentina Balbiani 5, exécuté par Germain Pilon (1528-1590) autour de 15731574. En effet, ces visages poupins empreints de gravité, au cou potelé souligné à sa base de plis de graisse et coiffés d’une chevelure aux boucles spiralées, sont caractéristiques du style de Germain Pilon et tout particulièrement de ses représentations naturalistes d’enfants dont semble ici s’inspirer notre sculpteur. En empruntant ces caractères, notre buste peut ainsi être rapproché d’un des chefs-d’œuvre du maître : le Génie funéraire destiné au tombeau de François I (fig. 2) 6.
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Fig. 2. Germain Pilon, Génie funéraire du tombeau de François Ier, Paris, v. 1558, Écouen, musée national de la Renaissance.
5. Germain Pilon, Tombeau de Valentina Balbiani, marbre, 1573-1574, Paris, musée du Louvre, rf 1333. 6. Germain Pilon, Génie funéraire du tombeau de François Ier, Paris, v. 1558, Écouen, musée national de la Renaissance.
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Ce marbre fait ainsi la démonstration de la qualité et des inclinaisons stylistiques de la sculpture française à la fin du xvie siècle. Sa découverte permet de mieux apprécier les rares témoignages sculptés de la fin du règne des Valois rattachés à la seconde École de Fontainebleau.
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Italie : Le temps des génies
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Groupe de l’Annonciation
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Autour de Giovanni Pietro et Giovanni Ambrogio Donati (documentés entre
Circle of Giovanni Pietro and Giovanni Ambrogio Donati (documented between
1478-1528 et 1484-1514)
1478-1528 and 1484-1514)
Groupe de l’Annonciation
Annunciation Group
Bois fruitier polychrome, peint et doré (peuplier ?) Lombardie V. 1500 H. 60 cm
Polychrome, painted and gilt fruit wood (poplar ?) Lombardy C. 1500 H. 60 cm
Provenance : Marché de l’art, Sud de la France
Provenance : Art Market, South of France
Autour de 1500, comme en France, les productions artistiques réalisées dans le Nord de l’Italie se font encore l’écho de la tradition gothique. Loin des innovations rigoureuses de la Renaissance florentine, cette Annonciation témoigne par son caractère précieux et sa poésie de la prévalence alors de ce goût pour le gothique tardif dans les cours princières. Gabriel se présente ici à la Vierge dans une attitude dynamique. Il vient de se poser pour annoncer à Marie le mystère de l’Incar nation : elle portera le fils de Dieu. Cette dernière accueille la nouvelle avec modestie, tête inclinée, les mains jointes en signe de prière. L’archange la bénit de sa main droite alors qu’il tenait autrefois dans sa gauche un lys, symbole de la virginité de la Vierge. Tous deux revêtent de longues étoffes qui dévoilent à la naissance du sol de menus chaussons. Elles dissimulent leurs corps graciles et hiératiques, drapés d’élégants plis tubulaires. Le caractère vertical affirmé de ce drapé, agencé en plis droits animés au niveau de la ceinture de Gabriel par un
effet de tissu froncé et bouffant, ainsi que les boucles de la chevelure de l’archange, qui rayonnent en cascade autour de son visage, sont des caractéristiques partagées par un nombre important de sculptures provenant du Nord de l’Italie. Si la typologie et la douceur des formes de notre groupe plaident pour une attribution lombarde, le traitement recherché de la coiffure de l’ange et les visages lisses aux traits peints réguliers des protagonistes semblent le rattacher plus précisément à un corpus d’œuvres réalisées autour de Milan à la fin du xve siècle et au début du xvie siècle. On compte parmi elles l’Ange musicien de l’église Sant’Ambrogio de Milan 1, attribué à Giacomo del Torre, et certaines figures d’anges réalisées par Giacomo del Maino et le Maître de Trognano. Les parentés formelles sont nombreuses, notons encore parmi elles les silhouettes pareillement animées d’un genou saillant, la simplicité des volumes ou encore le rythme calme des étoffes qui épousent les corps en plis tubulaires souples.
1. Giacomo del Torre, Ange musicien, v. 1470, Milan, Sant’Ambrogio.
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Fig. 2. Giovanni Pietro et Giovanni Ambrogio De Donati, L’Adoration, détail, v. 1495, Milan, Castello Sforzesco.
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Comme en atteste la Nativité de Rivolta d’Adda réalisée vers 1480 par Bongiovanni Lupi (fig. 1) 2, ce langage formel connaît une large diffusion dans le Nord de l’Italie. Mais ses plus brillantes mises en œuvre sont attribuables aux ciseaux des frères Giovanni Pietro et Giovanni Ambrogio De Donati, dont l’activité est documentée dans le duché de Milan entre 1478 et 1528. Leur Adoration de l’Enfant, exécutée vers 1495 et aujourd’hui conservée au Castello Sforzesco de Milan (fig. 2) 3, révèle une grande proximité avec notre ensemble. On peut y admirer la même prédilection pour les chevelures aux larges boucles réparties en corolle autour du visage
2. Bongiovanni Lupi, La Nativité, v. 1480, Rivolta d’Adda, église santa maria dell paladino. 3. Giovanni Pietro et Giovanni Ambrogio De Donati, L’Adoration, v. 1495, Milan, Castello Sforzesco.
Fig. 1. Bongiovanni Lupi, La Nativité, détail, v. 1480, Rivolta d’Adda, église Santa Maria dell Paladino.
du protagoniste, une manière semblable de marquer sa taille par une fronce bouffante de sa tunique et plus généralement cette exécution de la sculpture similaire, précieuse et raffinée. La confrontation de notre Annonciation avec l’Autel de la Piété d’Orselina 4, également réalisé par les deux frères, confirme cette parenté de style et d’esprit. Celle-ci témoigne de la connaissance qu’entretenait notre sculpteur des œuvres des frères Donati mais également du rôle indéniable que ces artistes ont pu jouer dans la diffusion du gothique tardif lombard autour de 1500.
4. Giovanni Pietro et Giovanni Ambrogio De Donati, Autel de la Piété, v. 1495, Orselina, Sacro Monte della Madonna del Sasso.
Vierge à l’Enfant
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Atelier de Domenico Gagini (1425-1492)
Workshop of Domenico Gagini (1425-1492)
Vierge à l’Enfant
Madonna and Child
Marbre avec traces de polychromie et dorure Sicile Seconde moitié du xve siècle H. 77 cm
Marble with traces of polychromy and gilding Sicily Second half of the 15th century H. 77 cm
Provenance : Marché de l’art, Paris
Provenance : Art Market, Paris
Cette sculpture en marbre constitue un témoignage rare des prémices de la Renais sance en Sicile, exaltée sur ces terres par le ciseau d’une dynastie de sculpteurs de génie : les Gagini.
à atteindre une renommée internationale. Après s’être formé à Florence, il retourne à Gênes en 1447 pour travailler entre autres sur le dôme de l’église Saint-Jean-Baptiste. Il rejoint ensuite la ville de Naples où il se met au service du roi d’Espagne, avant de s’installer définitivement en 1463, en Sicile. C’est sur cette île que lui et ses fils, Antonello et Antonio, à leur tour sculpteurs de renom, vont exercer une influence considérable sur la vie artistique locale.
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Ce marbre représente la Vierge debout, portant sur son bras l’Enfant Jésus. Ce dernier, le regard levé vers sa mère, pose délicatement sa main gauche sur le cœur de Marie, tandis que de la droite il s’empare de l’orbe, sphère symbolisant l’universalité du pouvoir du Christ ainsi que sa domination temporelle et spirituelle sur le monde.
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De par ses caractéristiques stylistiques, ce groupe d’une tendresse remarquable est à mettre en relation avec la production de Domenico Gagini (Bissone, 1425 ? - Palerme, 1492), un sculpteur italien formé auprès de Filippo Brunelleschi, qui travailla essentiellement à Gênes et en Sicile. Originaire de Bissone, la famille Gagini s’installe dans les premières années du xve siècle à Gênes. Issu d’une véritable dynastie de sculpteurs, Domenico fut le premier de sa famille
On doit à Domenico quelques-unes des plus belles sculptures décoratives de Sicile. Notre Vierge est l’une d’entre elles. En effet, bien que cette dernière s’inspire d’un modèle réalisé par l’artiste durant sa période génoise 1, modèle déjà décliné autour de 1457-1458 par le maître dans la crypte de la basilique della Santissima Annunziata de Naples 2, notre sculpture présente néanmoins la sobriété, la douceur et les visages évanescents si caractéristiques des œuvres réalisées par Domenico et son atelier en Sicile après 1459. Ces qualités s’observent tout particulièrement sur trois Vierge à l’Enfant sculptées par l’artiste qui
1. Domenico Gagini, Vierge à l’Enfant, marbre, Torcello, cathédrale. 2. Domenico Gagini et son atelier, Vierge à l’Enfant, v. 1457-1458, marbre, Naples, basilique della Santissima Annunziata Maggiore.
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Fig. 1. Domenico Gagini, Madonna del latte, marbre Palerme, Palazzo Abatellis.
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peuvent être rapprochées de notre œuvre : celle de la chiesa del Carmine Maggiore de Palerme 3, du Palais Abatellis ou encore du musée diocésain de Lamezia Terme (fig. 1) 4. Toutes présentent un drapé similaire à celui de notre Vierge, bien distinct de ceux mis en œuvre par Domenico lors de ses passages à Gênes et Naples, assagi, sculpté en larges aplats parallèles. De plus, leurs visages reprennent les mêmes traits sobres et fondus qui caractérisent celui de Marie sur notre œuvre et qui leur confèrent une douceur et
une pureté sans pareilles, merveilleusement soulignées ici par les qualités intrinsèques de marbre. Certains de ces accents perdureront dans la sculpture sicilienne jusqu’au second quart du xvie siècle à travers la production plus sophistiquée et emphatique de son fils, Antonello. Conservée dans une parfaite intégrité, donnant à voir d’importantes plages de sa dorure et polychromie d’origine, cette œuvre a certainement été commandée par une famille rattachée à l’élite sicilienne pour être incorporée dans un grand monument architecturé ou dans le tabernacle d’une chapelle.
3. Domenico Gagini, Vierge à l’Enfant, marbre, Palerme, chiesa del Carmine Maggiore. 4. Domenico Gagini, Madonna del latte, Palerme, Palazzo Abatellis. Domenico Gagini, Vierge à l’Enfant, marbre, xve siècle, Lamezia Terme, Museo Diocesano.
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Vierge à l’Enfant
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Atelier de Lorenzo Ghiberti (1378-1455)
Workshop of Lorenzo Ghiberti (1378-1455)
Vierge à l’Enfant
Virgin and Child
Stuc polychromé Florence Fin du xve siècle H. 64 ; L. 41 cm
Polychrome stucco Florence End of the 15th century H. 64 ; W. 41 cm
Provenance : Marché de l’art, Suisse
Provenance : Art Market, Switzerland
Cette Vierge à l’Enfant en buste est tout à fait emblématique de la production sérielle très étudiée et admirée des reliefs en stuc toscans, conduite par les plus grands noms de la sculpture florentine du xve siècle qui mettent en œuvre ses prototypes. Réalisé à Florence d’après un modèle de Lorenzo Ghiberti (1378-1455) créé dans les années 1420-1430, ce relief nous plonge au cœur du Printemps de la Renaissance.
confèrent à cette variation une profonde humanité.
Voilée, la Vierge est représentée en demibuste, serrant contre elle l’Enfant Jésus, joue contre joue. Cette iconographie pleine de tendresse s’inspire ici des icônes byzantines de la Vierge dite Glykophilousa, exaltant l’amour infini d’une mère pour son fils, comparable à celui que le Christ porte à l’humanité. Dans cette interprétation moins austère que les originaux grecs, le geste câlin de la Vierge, son regard mélancolique qui traduit sa prescience des événements de la Passion du Christ, et le mouvement confiant de celui-ci qui se blottit au creux de sa mère,
Les spécialistes proposent d’attribuer cette composition au grand Lorenzo Ghiberti (1378-1455) ou encore d’en faire une variation d’après un original de Filippo Brunelleschi (1377-1466) 1, son rival lors du célèbre concours des Portes nord du baptistère de Florence en 1401. Quoi qu’il en soit, une récente étude exhaustive a recensé une cinquantaine d’exemplaires réalisés d’après ce même modèle 2. Au sein de ce corpus, des variations plus ou moins importantes ont été mises en lumière principalement autour du motif du voile et du manteau de la Vierge. Les auteurs semblent aujourd’hui s’accorder pour identifier derrière certaines de ces variations la marque de l’évolution stylistique de Ghiberti. L’élégance gracile et le modelé très doux de notre groupe permettent ainsi de le rapprocher de plusieurs reliefs réalisés par l’atelier du maître dans les années 1425-1430.
1. Filippo Brunelleschi, La Vierge et l’Enfant (La Vierge de Fiesole), terre cuite polychromée et dorée, v. 1405-1410, Florence, musée Bardini (dépôt). 2. Atelier de Lorenzo Ghiberti, La Vierge à l’Enfant, stuc polychrome, Saint-Pétersbourg, musée de l’Ermitage. Lorenzo Ghiberti, La Vierge à l’Enfant, stuc polychrome, v. 1430, Berlin, Bode Museum. Atelier de Lorenzo Ghiberti, La Vierge et l’Enfant, stuc polychrome, Florence, v. 1425-1450, Londres, Victoria and Albert Museum, a.33-1910. D’après Lorenzo Ghiberti, La Vierge et l’Enfant, stuc, Florence, v. 1425-1440, New York, The Metropolitan Museum of Art, 18.70.19.
Parmi eux, il convient de mentionner les Vierge à l’Enfant des collections Bardini à Florence (fig. 1) 3, Chigi Saracini à Sienne et Jacquemart-André à Paris 4. La typologie du socle de notre œuvre, orné à ses extrémités de deux blasons autrefois peints des armes d’une famille de l’élite toscane, est d’ailleurs tout à fait comparable à celle que l’on retrouve sur le stuc de la collection Bardini.
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La belle qualité d’exécution de ce relief témoigne du niveau atteint par les ateliers florentins du xve siècle dans la mise en œuvre de moulages d’après des originaux en marbre ou en terre cuite. Comme en témoigne notre œuvre, le stuc était le support privilégié de cette technique de reproduction sérielle qui bénéficie à l’époque d’un immense succès auprès d’une clientèle friande de ces supports de dévotion privée conçus par les plus grands maîtres de leur temps.
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Fig. 1. Atelier de Lorenzo Ghiberti, La Vierge et l’Enfant, stuc polychromé, v. 1425-1430, Florence, musée Bardini, n° Inv. mcf-mb 1922-722.
3. Atelier de Lorenzo Ghiberti, La Vierge et l’Enfant, stuc polychromé, v. 1425-1430, Florence, musée Bardini, n° Inv. mcfmb 1922-722. 4. Atelier de Lorenzo Ghiberti, La Vierge et l’Enfant, stuc polychromé, v. 1425-1430, Sienne, collection Chigi Saracini. Atelier de Lorenzo Ghiberti, La Vierge et l’Enfant, stuc polychromé, v. 1425-1430, Paris, musée Jacquemart-André, n° Inv. 1874.
D’après Antonio Rossellino
After Antonio Rossellino
(1428-1479)
(1428-1479)
Vierge et l’Enfant
Vierge et l’Enfant (« Madone aux candélabres »)
Virgin with Child (« Madonna of the candelabra type »)
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Bas-relief en stuc polychromé et doré Florence Fin du xve siècle H. 93,5 ; L. 65 ; P. 10 cm Provenance : Marché de l’art, Sud de la France Présentée de trois-quarts sur ce relief, la Vierge trônant regarde avec mélancolie l’Enfant Jésus assis sur un coussin posé sur son genou gauche. Tenant un oiseau dans ses mains jointes, il tourne son regard au loin, déjà engagé dans son destin, conscient de ce qui l’attend. Ce tableau en stuc est inspiré d’un célèbre modèle réalisé par le sculpteur florentin Antonio Rossellino (1427-1479) surnommé la Madone aux candélabres en raison du candélabre festonné de guirlandes qui se déploie derrière les protagonistes. Si le prototype d’origine de cette œuvre demeure encore à ce jour inconnu, cette composition jouit d’une popularité exceptionnelle au xve siècle comme en témoignent de célèbres versions en terre cuite conservées à Londres 1, à SaintPétersbourg et à Florence 2, mais aussi en stuc à Paris et Écouen ou encore en cartapesta
Polychrome and gilt stucco Florence End of the 15th century H. 93,5 ; L. 65 ; D. 10 cm Provenance : Art Market, South of France
Fig. 1. Atelier d’Antonio Rossellino, La Vierge à l’Enfant entre deux candélabres, stuc peint et doré, Florence, seconde moitié du xve siècle, Écouen, musée national de la Renaissance, ds534.
à Venise (fig. 1) 3. Notre exemplaire, qui conserve l’essentiel de sa polychromie d’origine, constitue une variante sans arrièreplan de la version conservée à Paris au musée du Louvre, joyau de l’ancienne collection Campana 4. Selon la mode et l’usage en vigueur à l’époque, tous deux servaient de support à la dévotion privée dans l’intimité des demeures italiennes.
1. Antonio Rossellino, La Vierge et l’Enfant entre deux candélabres dite aussi Madone aux candélabres, terre cuite, Florence, début du xve siècle, Londres, Victoria and Albert Museum, n° Inv. 7365-1861. 2. Antonio Rossellino, La Madone aux candélabres, terre cuite, Florence, Saint-Pétersbourg, musée de l’Ermitage, n° Inv. 910. Antonio Rossellino, La Madone aux candélabres, terre cuite, Florence, église San Jacopo alla Cavallina. 3. D’après Antonio Rossellino, Madone aux candélabres, stuc, Florence, Paris, musée Jacquemart André, n° Inv. 1875. Atelier d’Antonio Rossellino, La Vierge à l’Enfant entre deux candélabres, stuc peint et doré, Florence, seconde moitié du xve siècle, Écouen, musée national de la Renaissance, ds534. D’après Antonio Rossellino, Madone aux candélabres, cartapesta, Florence, Venise, Museo Correr. 4. D’après Antonio Rossellino, La Vierge et l’Enfant entre deux candélabres dite aussi Madone aux candélabres, stuc peint, Paris, musée du Louvre, n° Inv. Campana20.
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Christ de la Résurrection
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Christ de la Résurrection
Risen Christ
Plaque en cuivre doré repoussé Florence Début du xvie siècle H. 29 ; L. 14,5 cm
Copper-gilt and embossed plaque Florence Early 16th Century H. 29 ; W. 14,5 cm
Provenance : Marché de l’art, Pays-Bas
Provenance : Art Market, Netherlands
Cette exceptionnelle plaque en cuivre doré repoussé, représentant le Christ de la Résurrection auréolé et drapé dans une étoffe tourmentée, nous offre un somptueux aperçu du travail des ateliers florentins d’orfèvrerie au début du xvie siècle. D’une formidable intensité psychologique, cette figure lyrique est à attribuer au ciseau assuré et précis d’un artiste sous influence directe des grands génies, actif en ce début de siècle sur les chantiers de la cité du Lys, tel qu’Andrea del Verrocchio (1435-1488). En effet, sur cette plaque, le visage aux traits rigoureux et raffinés du Christ peut être rapproché de ceux mis en œuvre par le maître dans le Monument du Cardinal Niccolo Forteguerri de la cathédrale de Pistoia 1, ou encore dans son tableau du Baptême du Christ (1472-1475), aujourd’hui conservé au musée des Offices de Florence 2. La chevelure du Sauveur, travaillée en épaisses mèches torsadées, et la morphologie de son visage, à la structure osseuse et angulaire, participent du langage formel qu’emploie Verrocchio sur le Christ qu’il modèle pour la Villa Careggi des Médicis en 1470 3, ou encore sur celui du groupe de L’Incrédulité de saint Thomas, commandé pour une des niches extérieures de l’église Orsanmichele de Florence (fig. 1) 4.
Fig. 1. Andrea Verrocchio, L’Incrédulité de saint Thomas, bronze, 1467-1483, Florence, Orsanmichele.
D’un point de vue technique, notre Christ de la Résurrection s’inscrit dans la longue tradition florentine du travail des métaux. En effet, le recours conjoint aux techniques du martelage, du repoussé et de la reprise des détails à la ciselure trouve dans le contexte florentin ses plus fameuses occurrences sous le ciseau de Lorenzo Ghiberti (13781455) et de Donatello (1386-1466), dans les ensembles qu’ils réalisent respectivement pour les Portes du Paradis du Baptistère San Giovanni et pour les deux chaires de la basilique San Lorenzo. Mentionné plus
1. Andrea Verrocchio, Monument du Cardinal Niccolo Forteguerri, marbre, v. 1483, Pistoia, cattedrale di San Zeno. 2. Andrea Verrocchio, Le Baptême du Christ, huile et détrempe sur bois, 1472-1475, Florence, musée des Offices, inv. 8358. 3. Andrea Verrocchio, Christ de la Résurrection provenant de la villa Careggi, terre cuite, v. 1470, Florence, musée du Bargello. 4. Andrea Verrocchio, L’Incrédulité de saint Thomas, bronze, 1467-1483, Florence, Orsanmichele.
tôt, Andrea Verrocchio s’illustre également dans ce domaine en participant à la réalisation d’un autel en argent, une œuvre collective commandée aux meilleurs orfèvres de la ville pour le baptistère San Giovanni de Florence 5. Sur le panneau de la Décollation de saint Jean-Baptiste, exécuté par Verrocchio vers 1480, le martyr, les gardiens de geôle et les bourreaux ont été réalisés à partir d’une plaque d’argent repoussée et martelée selon un savoir-faire tout à fait comparable à celui mis en œuvre au cours de la création de notre Christ. Confectionnées indépendamment les unes des autres pour être ensuite fixées sur une plaque au décor architectural très élaboré, les figures de cet ensemble
complexe se présentent comme de rares et importantes comparaisons formelles et techniques avec notre œuvre. Le format de notre œuvre, les clous de fixation qui ponctuent son revers et l’abri d’une bouche de serrure ménagée à dextre dans le drapé du Christ, nous renseignent sur la fonction de notre plaque et nous invite à considérer son intégration au sein d’un reliquaire liturgique dont elle aurait orné la porte du tabernacle. L’atelier d’Andrea Verrocchio est connu pour avoir réalisé une porte de tabernacle représentant le Christ de la Résurrection au sein de l’église Santa Maria de Peretola 6. Sur une photo d’archive
5. Andrea Verrocchio, La Décollation de saint Jean-Baptiste, argent, 1477-1480, Florence, Museo dell’Opera del Duomo.
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donnant à voir cette œuvre volée en 1919, le Christ recueille dans une coupelle le sang qui coule de ses plaies. Visible au niveau de l’autel, ce geste illustre le sacrement de l’Eucharistie célébré quotidiennement à cet emplacement lors de la messe. De manière tout à fait similaire, notre Christ de la Résurrection, main portée sur sa plaie ouverte pourrait également être interprété comme une évocation de l’Eucharistie, faisant allusion au verset biblique : « ceci est mon sang ».
Les figures contemporaines destinées à orner des portes de tabernacles et dont l’iconographie fait écho à la célébration de l’Eucharistie lors du culte sont extrêmement rares. Parmi elles, il convient de mentionner deux très belles plaques florentines du début du xvie siècle tout à fait comparables à notre œuvre. La première, aujourd’hui conservée au Metropolitan Museum, est attribuée à Pietro Paolo Nardi (fig. 2), tandis que la seconde, donnée à un anonyme toscan, orne toujours le tabernacle du chœur de la basilique Santissima Annunziata à Florence 7.
6. Atelier d’Andrea Verrocchio, Porte de tabernacle : Christ, bronze, Perretola, Santa Maria (volée en 1919). 7. Pietro Paolo Nardi, Christ Rédempteur, bronze doré, Florence, début du xvie siècle, New York, The Metropolitan Museum of Art, inv. 17.190.839. Anonyme, Christ Rédempteur ornant un tabernacle, bronze doré, xvie siècle, Florence, basilique Santissima Annunziata.
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Fig. 2. Pietro Paolo Nardi, Christ Rédempteur, bronze doré, Florence, début du xvie siècle, New York, The Metropolitan Museum of Art, inv. 17.190.839.
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Tête de Satyre
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Tête de Satyre
Head of a Satyr
Marbre Rome Milieu du xvie siècle H. 23 cm
Marble Italy Mid-16th century H. 23 cm
Provenance : Collection privée, Belgique
Provenance : Private collection, Belgium
Cette exceptionnelle tête de satyre en marbre constitue un ajout d’intérêt au corpus des sculptures de la Renaissance italienne inspirées par l’œuvre de Michel-Ange Buonarroti (1475-1564). Avec Léonard de Vinci, MichelAnge est l’un des premiers artistes de la Renaissance en Italie à revisiter des sujets antiques à la lumière de nombreuses études dites de « caractère », affectant l’aspect de têtes grimaçantes ou grotesques. Sa capacité remarquable à rendre ces images avec un grand naturalisme a permis de donner corps à la pensée humaniste qui prospérait alors dans la Florence des Médicis et particulièrement au sein de l’école de Lorenzo de Medici où Michel-Ange passa ses jeunes années. Les biographes de l’époque nous renseignent sur une commande passée par Lorenzo au jeune Buonarroti en 1489 d’une Tête de faune inspirée librement de l’Antique. Aujourd’hui perdue, cette œuvre mystérieuse nous est en partie connue grâce à une des fresques du Palais Pitti (fig. 1) 1. La grande expressivité de notre tête de satyre évoque celle dessinée par le maître lui-même sur un feuillet aujourd’hui conservé au musée du Louvre où l’artiste donne forme avec passion et
Fig. 1. Ottavio Vannini, Laurent de Médicis entouré d’artistes rencontre Michel-Ange, fresque, 1638-1642, Palazzo Pitti, musée degli Argenti.
minutie au visage mi-humain mi-animal de la créature 2, un sujet autour duquel il réalisera de multiples variations 3. Les disciples de Michel-Ange témoignèrent eux aussi par la suite d’une fascination toute particulière pour ce thème du Satyre, et s’inspirèrent souvent directement du modèle de leur maître. C’est le cas notamment de Bartolomeo Ammannati (1511-1592) pour sa Fontaine de Neptune 4, à Florence, mais aussi de Francesco da Sangallo (1494-1576) pour réaliser son Pan endormi aujourd’hui conservé au musée de Saint Louis 5.
1. Ottavio Vannini, Laurent de Médicis entouré d’artistes rencontre Michel-Ange, fresque, 1638-1642, Palazzo Pitti, musée degli Argenti. 2. Michel-Ange Buonarroti, Tête de satyre, plume et encre brune, 1514-1520, Paris, musée du Louvre, inv. 684, r. 3. Michel-Ange, Grimaces grotesques et esquisse d'un groupe de lutteurs (Hercule et Antée ?), sanguine, vers 1525-1528 ?, Londres, British Museum, 1859,0625.557. Michel-Ange, Tête de Satyre, crayon et encre brune, v. 1501-03, Londres, British Museum, 1895,0915.495. 4. Bartolomeo Ammannati, Fontaine de Neptune, 1559, Florence, place de la Seigneurie. 5. Francesco da Sangallo, Pan endormi, marbre, v. 1535, Saint Louis, Saint Louis Art Museum, inv. 138:1947.
Fig. 2. Satyre, marbre, ier siècle av. ou apr. J.-C. (corps), xvie siècle (tête), marbre, Rome, galerie Borghèse, inv. 2035.
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Notre sculpture se présentait-elle dès lors comme un écho au chef-d’œuvre disparu de Michel Ange ? La question mérite d’être posée. Quoi qu’il en soit, cette œuvre spectaculaire témoigne à merveille du goût de la statuaire romaine pour le sujet du Satyre, un intérêt que celle-ci manifeste depuis ses origines Antiques et qui se perpétue au Cinquecento (fig. 2) 6.
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6. Satyre, marbre, ier siècle av. ou apr. J.-C. (corps), xvie siècle (tête), marbre, Rome, galerie Borghèse, inv. 2035.
Autour de Bernardo Buontalenti (1531-1608)
Circle of Bernardo Buontalenti (1531-1608)
Mascaron grotesque
Mascaron Grotesque
Grotesque Mask
Marbre Florence Fin du xvie siècle H. 54 ; L. 38 cm
Marble Florence End of the 16th century H. 54 ; W. 38 cm
Provenance : Collection privée, Espagne
Provenance : Private collection, Spain
Au xvie siècle, l’art maniériste se met au service des plaisirs d’une société de cour avide de jeu d’esprit et de plaisir sensuel. Dans ce contexte, l’art des jardins allégoriques et fantaisistes prend son essor, sous l’influence d’un roman allégorique très apprécié des lettrés de l’époque : Le Songe de Poliphile. Imprimé à Venise en 1499, ce récit onirique écrit par Francesco Colonna en 1467, nous conte le voyage initiatique de son héros en direction de l’île de Cythère. Tout au long de son périple, Poliphile traverse des cités merveilleuses, des mondes aquatiques, des jardins aux buissons sculptés à la rencontre d’êtres fabuleux et de sculptures. Les descriptions détaillées de cet ouvrage sont reprises par les artistes maniéristes soucieux de faire
du jardin un lieu d’émerveillement intarissable au service de la célébration de son propriétaire. Le jardin maniériste fait dès lors le choix de l’espace, des grandes mises en scène sublimées par les jeux d’eau, et de la sculpture, qui orne à foison des grottes artificielles et de monumentales fontaines. Cette bouche de fontaine florentine, revêtant l’aspect d’un mascaron grotesque mi-homme mi-créature aquatique, constitue un vibrant témoignage de cet art. Son style imposant, à la fois puissant et sophistiqué, son éloquence ainsi que son caractère hybride conjuguent toutes les caractéristiques de cet art maniériste, friand de motifs issus du bestiaire marin, partisan d’un goût pour l’étrange et le mystère, prédicateur d’un art théâtral.
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Fig. 1. Attribué à Bernardo Buontalenti (1531-1608), Mascaron grotesque, marbre, Florence, milieu du xvie siècle, collection privée (Cambi, Casa d’Aste, mai 2018).
adopta de tels éléments pour réaliser à la fin du xvie siècle ses célèbres fontaines de la place de l’Annunziata et de la cour du Palais della Stufa 4.
1. Michelangelo Buonarroti (1475-1564), Mascaron hurlant du monument funéraire de Giuliano duc de Nemours, 1524-1534, Florence, San Lorenzo, Sacristie. 2. Andrea di Michelangelo Ferrucci (1526-1626), « Fonte dello Sprone », Florence, fontaine à l’angle de Borgo S. Jacopo et de la via dello Sprone. 3. Attribué à Bernardo Buontalenti (1531-1608), Mascarons grotesques, marbre, Florence, milieu du xvie siècle, collection privée (Cambi, Casa d’Aste, mai 2018). Attribué à Bernardo Buontalenti (1531-1608), Mascaron grotesque, marbre, Florence, milieu du xvie siècle, collection Bardini, inv. 277. 4. Pietro Tacca (1577-1640), Fontaine aux monstres marins, bronze, Florence, v. 1627-1641, Florence, piazza della Santissima Annunziata. Pietro Tacca (1577-1640), Fontaine de la cour du Palais della Stufa, bronze, v. 1619, Londres, Victoria & Albert Museum, 7676-1861.
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D’un point de vue formel, notre mascaron peut être rapproché du Mascaron hurlant qui orne le monument funéraire de Giuliano, duc de Nemours 1, ou encore de celui de la « Fonte dello Sprone », réalisé vers 1608 par Andrea di Michelangelo Ferrucci (15261626) à Florence, à la croisée de la via Maggio et de Borgo S. Jacopo 2. L’aspect de notre sujet, mi-homme minénuphars évoque quant à lui deux bouches de fontaine à motif végétal anthropomorphique dites Mascaron grotesque, attribuées à Bernardo Buontalenti (1531-1608) et conservées à ce jour dans des collections privées (fig. 1) 3. Les inventaires de l’époque témoignent du succès que rencontrèrent ces réalisations décoratives singulières auprès de l’aristocratie de l’époque et sur la place publique florentine. Ainsi, Pietro Tacca (1577-1640)
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Christ en croix
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Christ en croix
Christ on the cross
Bronze doré Rome Fin du xvie siècle H. 42 cm
Gilt bronze Rome End of the 16th century H. 42 cm
Provenance : Collection privée, Auvergne
Provenance : Private collection, Auvergne
Ce précieux Corpus en bronze doré représente le Christ sur la croix, résigné, la tête tombant sur sa poitrine, presque dans l’alignement de ses bras. Son abdomen, dont l’anatomie est restituée ici avec une grande acuité, dévoilant chacun de ses muscles, ses côtes et ses veines, est meurtri sur son flanc droit d’une plaie que le Christ se vit infliger par la lance du centurion Longin (Jean : 19,33-35). Son visage d’une grande délicatesse offre à la contemplation les traits fins et définis du Sauveur, ses yeux clos et sa bouche scellée. Comme assoupi ici, notre Christ fait écho aux préceptes et recommandations portés par la Contre-Réforme, qui prônait une représentation apaisée du sacrifice du fils de Dieu. Le style de notre Cristo morto, de même que son canon longiligne, sa pose et l’inclinaison si particulière de sa tête, semble s’inspirer d’une série de modèles réalisés par Guglielmo della Porta (1500-1577) 1. Ainsi, notre Christ peut être rapproché d’une variation du Christ sur la croix, fortement inspirée par le Christ Rédempteur de Michel-Ange (14751564) 2, mise en œuvre par Guglielmo. En 2016, la Galerie Sismann en publiait une
Fig. 1. Guglielmo della Porta, Christ en croix, bronze doré, Rome, 1569-1577, collection privée.
fonte dont la qualité et le raffinement de la ciselure soutiennent la comparaison avec notre œuvre (fig. 1) 3. D’autres analogies entre ces deux bronzes peuvent être soulignées : Les deux Christ présentent ainsi un visage
1. Les œuvres réalisées par Guglielmo della Porta étaient presque exclusivement destinées à la dévotion. En effet, le maître se spécialisa tout particulièrement dans la production de Christ en Croix alors très demandés. Il est attesté que l’artiste produisit un nombre considérable de crucifix destinés à un marché régional mais aussi international. Ces derniers, présentant de légères variations, faisaient ainsi partie des objets que les monarques, nobles et membres du clergé s’échangeaient à l’occasion de dons diplomatiques. Ainsi, à sa mort en 1577, les inventaires de Guglielmo recensaient pas moins de cinquante-huit crucifix, achevés et inachevés, dont les tailles variaient de 22 à 70 cm de hauteur. 2. Michel-Ange, Christ Rédempteur, 1519-1521, Rome, Santa Maria Sopra Minerva. 3. Guglielmo della Porta, Christ en croix, bronze doré, Rome, 1569-1577, collection privée.
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Fig. 2. Guglielmo della Porta, Christ en croix, bronze doré, Vienne, Kunsthistorisches Museum, gs e 14.
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encadré par la même chevelure aux larges mèches souples minutieusement divisées et un même buste juvénile au traitement idéalisé, soulignant subtilement la tension musculaire à laquelle est soumis le corps. Ces
caractéristiques sont partagées par un beau Crucifix en argent de Guglielmo, conservé aujourd’hui au musée Archéologique de Madrid 4. Ce dernier déploie une plastique similaire, caractérisée par cette grande ambiguïté sensuelle. Enfin, la position des jambes du Messie et la construction toute particulière de son périzonium, ajusté sur sa hanche droite, peuvent être rapprochées d’un autre crucifix réalisé par le maître en 1569, aujourd’hui exposé dans le Geistliche Schatzkammer du Kunsthistorisches Museum à Vienne 5 (fig. 2). Notre Christ se distingue toutefois de l’ensemble des exemples convoqués ici par le traitement remarquable de son périzonium, entièrement repris à la ciselure. Ce dernier crée un jeu habile de matière en rupture avec les chairs lisses du Sauveur, et confère à ce bronze la subtilité et le luxe des plus belles pièces d’orfèvrerie de l’époque.
4. Guglielmo della Porta, Christ en croix, argent, Madrid, musée archéologique, inv. 52078. 5. Guglielmo della Porta, Christ en croix, bronze doré, Vienne, Kunsthistorisches Museum, gs e 14.
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Ecce Homo
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Giovanni Battista Da Corbetta (v. 1500-1589) (?)
Giovanni Battista Da Corbetta (c. 1500-1589) (?)
Ecce Homo
Ecce Homo
Bois polychrome Italie du Nord, Milanais V. 1550 H. 109 ; L. 50 ; P. 27 cm
Polychrome wood Northern Italy, Region of Milano C. 1550 H. 109 ; W. 50 ; D. 27 cm
Provenance : Marché de l’art, Paris
Provenance : Art Market, Paris
Résumé de l’article de Susanna Zanuso, disponible sur demande.
Abstract of the entry by Susanna Zanuso available upon request.
Les caractéristiques stylistiques de cet Ecce Homo nous invitent dans le cadre de son attribution à orienter nos recherches vers la célèbre dynastie lombarde des « da Corbetta », une lignée de sculpteurs sur bois actifs durant tout le xvie siècle dans le duché de Milan. L’importance de la production de cette entreprise familiale n’a été révélée que récemment, à la suite de la découverte dans les archives locales de plusieurs documents relatifs à la vie et à l’activité d’Andrea « da Milano » ou Andrea « da Saronno », connu également sous le nom d’Andrea da Corbetta (vers 1492-1537). Ce dernier se révèle être à ce jour le membre le mieux connu du clan da Corbetta. Les archives nous renseignent ainsi sur ses multiples collaborations avec son père, Giovanni Pietro (documenté de 1491 à 1529), son oncle, Santino (documenté de 1480 à 1532) mais également son cousin, Giovanni Battista (vers 1500-1589). C’est à ce dernier que Susanna Zanuso propose d’attribuer cette sculpture d’une intensité émotionnelle inouïe. Loin de se traduire par des accents expansifs, celle-ci se déploie avec mesure au sein de
notre Ecce Homo dont l’attitude introspective et mélancolique évoque la force expressive tranquille de l’Adoration des Mages sculptée par Giovanni Battista dans la commune de Varèse 1. Les comparaisons avec cet ensemble peuvent être étendues à l’attitude gracieuse et souple des mains, aux draperies élégantes et sinueuses des étoffes, ainsi qu’au naturalisme poussé dans le rendu des anatomies. En cela, Giovanni Battista da Corbetta s’éloigne du style plus traditionnel qu’il avait assimilé dans l’atelier de son cousin, Andrea, pour se rapprocher davantage des nouvelles expériences maniéristes qui circulent alors dans le duché milanais. La confrontation des apôtres qu’Andrea sculpte pour le sanctuaire Santa Maria dei Miracoli de Saronno 2, et de l’impressionnant Dieu le Père, réalisé par Giovanni Battista en 1554, donne à voir cette évolution stylistique 3. Ainsi, les figures aux accents classiques d’Andrea se teintent sous le ciseau de Giovanni Battista de riches étoffes emphatiques et d’une puissante théâtralité. À ce titre, sa représentation de Dieu le Père constitue un intéressant point de comparaison avec notre sculpture.
1. Andrea et Giovanni Battista da Corbetta ?, Adoration des Mages, bois polychrome, Varese, Santa Maria del Monte. 2. Andrea da Corbetta, Apôtres, bois polychrome, Saronno, Santuario di Santa Maria dei Miracoli. 3. Giovanni Battista da Corbetta, Dieu le Père, bois polychrome, 1554, Milan, Museo del Duomo.
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Fig. 1. Giovanni Battista da Corbetta, Christ de la Flagellation, bois polychrome, Varallo, Pinacoteca.
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Parmi les œuvres attribuées à Giovanni Battista da Corbetta, son fascinant Christ de la Flagellation, aujourd’hui conservé à la Pinacoteca di Varallo (fig. 1) 4, présente lui aussi certaines analogies étroites avec notre Ecce Homo. En témoignent notamment le dessin et la morphologie de son visage, aux pommettes hautes et saillantes, l’arrangement des drapés de son périzonium, mais surtout la conception similaire de l’anatomie du sujet, vigoureuse mais sage, semblable à celle de notre Christ. Ces corps, retranscrits sous leur forme humaine, délicate et fragile, véhiculent une image d’un naturalisme puissant, sensible et dramatique.
Les archives nous renseignent sur la livraison entre 1552 et 1554 d’un Ecce Homo de la main de Giovanni Battista pour la chapelle du Rédempteur dans le sanctuaire de Santa Maria dei Miracoli à Saronno. Cette sculpture aujourd’hui disparue est considérée comme une œuvre perdue. En 1569 cette « image de piété sculptée » avait été déplacée de la chapelle du sanctuaire où elle logeait à l’intérieur d’une niche protégée par du verre. Avant de disparaître à nouveau, sa trace avait été retrouvée en 1652 alors que l’historien du sanctuaire Luigi Sampietro la mentionnait dans la sacristie, décrivant un Ecce Homo « estimé pour une excellente et belle figure ». Convaincue que notre sculpture est l’œuvre de Giovanni Battista da Corbetta, Susanna Zanuso propose d’y reconnaître cet Ecce Homo autrefois réalisé par le maître pour la chapelle du Rédempteur de Saronno. Les dimensions importantes de notre bois soutiennent selon elle cette théorie, excluant une destination privée au profit de sa présentation indépendante et magnifiée sur l’autel d’une chapelle publique.
4. Giovanni Battista da Corbetta, Christ de la Flagellation, bois polychrome, Varallo, Pinacoteca. Cette œuvre a été identifiée comme étant l’une des sept sculptures commandées à Giovanni Battista entre 1548 et 1559 pour les chapelles du Sacro Monte de Varallo.
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Buste de saint Pierre avec sa clef
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Entourage de Giambattista et Lorenzo Bregno
Circle of Giambattista and Lorenzo Bregno
(actifs 1480-1520)
(active 1480-1520)
Buste de saint Pierre avec sa clef
Bust of saint Peter with his key
Marbre de Candoglia Vénétie V. 1500 H. 28 ; L. 21 ; P. 23 cm
Marble of Candoglia Veneto C. 1500 H. 28 ; W. 21 ; D. 23 cm
Provenance : Marché de l’art, Orléans
Provenance : Art Market, Orleans
Ce marbre met en scène un homme d’âge mûr, épaules de face, la tête légèrement tournée vers senestre. Son visage aux traits vigoureux est orné d’une moustache fournie et d’une épaisse barbe bouclée. Vêtu d’une fine tunique plissée à col rond, il devait autrefois porter dans sa main droite une clef, dont on devine aujourd’hui le panneton qui se détache sur sa poitrine. Cet attribut nous permet d’identifier sous les traits de ce sujet saint Pierre, investi par Dieu des clefs du Paradis.
tradition antique et la manière moderne, desquelles se dégage une grande sensualité mise au service de l’élévation spirituelle de l’âme du spectateur. Le regard voilé de notre saint Pierre, aux iris et aux pupilles très dessinés remontant légèrement vers ses paupières supérieures, invite à explorer les pensées qui animent notre saint, saisi ici par le sculpteur en pleine communion spirituelle, bouche entrouverte.
Le modelé précis aux contours nets de notre buste témoigne de l’évolution des formes qui s’opère à la fin du xve siècle dans la sculpture de l’Italie du Nord sous l’impulsion de Tulio Lombardo (1455-1532). Le caractère monumental et la grande sensibilité de ce visage trouve ainsi un écho dans les premières expériences menées en Vénétie par le maître 1. Ce dernier met alors en place un type de physionomies conjuguant parfaitement la
Malgré une sensibilité commune, notre œuvre se distingue des productions de Tulio Lombardo par la puissance virile de son relief et par les traits heurtés de son sujet. La physionomie de notre saint Pierre est ainsi marquée par un nez aquilin, très arqué, qui la rapproche davantage des créations viriles et véristes réalisées à Venise dans le sillage des frères Giambattista et Lorenzo Bregno 2. Au sein de ce corpus, notre saint Pierre présente des affinités toutes particulières avec celui de la chapelle du Saint-Sacrement
1. Tulio Lombardo, Saint Marc. Tombeau du doge Andrea Vendramin, v. 1490, Venise, basilique San Zanipolo. Tulio Lombardo, Saint Marc trônant, v. 1490, Ravenne, cathédrale. 2. Giambatista et Lorenzo Bregno étaient les neveux d’Antonio Rizzo (1430-1499), brillant sculpteur vénitien de la fin du xve siècle, qui influença énormément leur vision artistique. Au sein de ce binôme, Giambattista (1467/77-1518/20) établit les modèles sculpturaux en s’inspirant largement des modèles iconographiques et du style de Rizzo.
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Fig. 1. Giambattista Bregno, Saint Pierre, marbre, v. 1500, Trévise, cathédrale, chapelle du Saint-Sacrement.
Fig. 2. Giambattista Bregno, Saint Théonistus, marbre, v. 1500, Trévise, cathédrale.
de la cathédrale de Trévise, exécuté par Giambattista (fig. 1) 3, ou encore avec celui de l’église San Martino à Venise, réalisé cette fois-ci par Lorenzo 4. La cathédrale de Trévise offre à la contemplation un saint Théonistus de la main de Giambattista (fig. 2) 5, qui présente également un faciès très proche de celui de notre sculpture.
Exécuté selon toute vraisemblance sous l’emprise de ces mouvances artistiques, ce buste d’une extraordinaire singularité constitue une découverte importante dans le domaine de la sculpture vénitienne de la Haute Renaissance, dominée autour de 1500 par le classicisme antiquisant de Tulio Lombardo et des célèbres frères Bregno.
3. Giambattista Bregno, Saint Pierre, marbre, v. 1500, Trévise, cathédrale, chapelle du Saint-Sacrement. 4. Lorenzo Bregno, Saint Pierre, marbre, v. 1500, Venise, église San Martino. 5. Giambattista Bregno, Saint Théonistus, marbre, v. 1500, Trévise, cathédrale.
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Modèle inédit d’Amphitrite
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Attribué à Girolamo Campagna (1549-1625)
Attributed to Girolamo Campagna (1549-1625)
Modèle inédit d’Amphitrite
Unrecorded model of Amphitrite
Bronze Venise V. 1590 H. 49,5 cm Provenance : Marché de l’art, Italie
Bronze Venice C. 1590 H. 49,5 cm Provenance : Art Market, Italy
Ce très beau nu féminin antiquisant met en avant une figure en position de contrapposto, jambe gauche en appui, jambe droite libre et légèrement fléchie. Le sujet porte sa main gauche à sa poitrine tandis que, coude dressé au-dessus de son épaule droite, elle plonge les doigts de sa dextre dans l’épaisseur de son abondante chevelure. Le geste esquissé par ce bras levé, évoquant l’abandon, la lascivité et le dévoilement, convoque le souvenir de célèbres antiques, telles l’Ariane endormie ou encore la Vénus céleste 1. Couronnée et juchée sur un dauphin, cette figure féminine peut être identifiée comme la néréide Amphitrite, épouse du dieu de la mer dans la mythologie gréco-romaine, dressée ici conquérante sur les flots. Cet important bronze se rattache aux productions vénitiennes de la fin du xvie siècle. Dans ce contexte tout particulier, il témoigne de l’engouement historique des Vénitiens pour les représentations d’Amphitrite et de Neptune, qui incarnent de manière symbolique et imagée la suprématie maritime de la Cité des Doges qui connaît au xvie siècle son apogée économique et artistique. Cette œuvre référencée et intime s’inscrit dans la
typologie de la statuaire de cabinet alors très en vogue en Italie, collectionnée par les grands de la péninsule. Il est ainsi permis d’imaginer ce bronze ornant le sommet d’une paire de chenets monumentaux, production phare des ateliers de bronziers vénitiens aux xvie et xviie siècles, surmontés selon l’usage de deux figures allégoriques antithétiques ou complémentaires. On peut ainsi imaginer que notre Amphitrite, personnifiant l’eau, ait pu être assortie à un personnage masculin symbolisant le feu. Ces incarnations de l’eau et du feu – comme celles de la paix et de la guerre – faisaient partie du répertoire traditionnel des sculpteurs vénitiens du Cinquecento, comme les célèbres bronziers Jacopo Sansovino (14861570), Tiziano Aspetti (1556/1557-1606) ou encore Girolamo Campagna (1549-1625). C’est à ce dernier que notre bronze semble devoir être attribué. Artiste vénitien de renom, formé dans l’atelier de Danese Cattaneo (1512-1572), Campagna développe une sculpture puissante et lumineuse, servie par une technique particulièrement expressive. Héritant de son maître un certain goût pour le détail décoratif, il
1. Ariane endormie, copie romaine, iie siècle apr. J.-C., d’après un original hellénistique du iiie-iie siècle, Vatican, musée Pio-Clementino, inv. 548. Vénus céleste, copie romaine, iie siècle apr. J.-C., d’après un original hellénistique, Florence, musée des Offices.
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sut marier, dans un style purement vénitien, les influences antiques et celles de l’Italie du Nord, annonçant déjà pour certains spécialistes, à sa manière, les prémices de l’art baroque. Au sein de ses figures cohabitent une évidente puissance des formes, une certaine liberté de mouvement, et la grâce de la ligne, autant de qualités synthétisées par notre Amphitrite. En effet, celle-ci présente des correspondances formelles et stylistiques évidentes avec la célèbre Venus Marina du maître, mise au point dans les années 15801590 et déclinée en nombreux exemplaires.
2. Girolamo Campagna, Venus Marina, bronze, fin du xvie siècle, Berlin, Bode Museum, inv. 7279. 3. Girolamo Campagna, Venus Marina, bronze, fin du xvie siècle, Vienne, Kunsthistorisches Museum. Girolamo Campagna, Venus Marina, bronze, fin du xvie siècle, New York, The Metropolitan Museum of Art, 68.141.19. 4. Girolamo Campagna, Venus Marina, bronze, fin du xvie siècle, Bologne, Museo Civico, inv. 1490 ; 1490 bis. 5. Girolamo Campagna, Venus Marina, bronze, fin du xvie siècle, Rome, Museo Nazionale del Palazzo di Venezia, inv. 10789. Girolamo Campagna, Venus Marina, bronze, fin du xvie siècle, Berlin, Kunsthandel Museum. 6. Girolamo Campagna (?), Junon, bronze, Venise, fin du xvie siècle, Padoue, Musei Civici. 7. Girolamo Campagna, Vénus accompagnée par Cupidon, bronze, Venise, fin du xvie siècle, Venise, Ca’d’Oro – Galleria Franchetti.
de Campagna. Notre déesse convoque ici une sensualité quasi érotique en opposant au caractère familier de sa posture une nudité triomphante, poitrine en avant. Ce contraste est sublimé par le traitement lisse de ses chairs et précis de sa coiffure sophistiquée, couronnée d’un sublime diadème. Toutefois, son coude droit dressé qui accompagne sa main dans les méandres de sa chevelure, propose une variation inédite
dans le corpus du Maître. Notre bronze se présente dès lors comme l’unique adaptation connue à ce jour d’un modèle inédit de Campagna. Cette formidable découverte couplée aux dimensions importantes de ce bronze, font de cette œuvre un témoignage précieux et majeur de l’activité de Girolamo Campagna, dont le style incarne l’apogée du maniérisme vénitien.
Galerie Sismann – Renaissance 2021
Galerie Sismann – Renaissance 2021
Fig. 1. Girolamo Campagna, Venus Marina, bronze, fin du xvie siècle, New York, The Metropolitan Museum of Art, 68.141.19.
Notre bronze soutient la comparaison avec trois de ses plus belles fontes aujourd’hui conservées au Bode-Museum de Berlin 2, au Kunsthistorisches Museum de Vienne et au Metropolitan Museum of Art à New York (fig. 1) 3. Plus globalement, le canon longiligne de notre Amphitrite, légèrement déhanché, aux cuisses en chair et aux hanches larges est tout à fait similaire à celui adopté par de nombreuses Vénus données à Campagna. Ainsi, les formes pleines, les cuisses généreuses et la poitrine haute et ronde de notre Amphitrite correspondent parfaitement au type féminin mis en œuvre par le maître et dans les Venus Marina du Museo Civici de Bologne 4, du Museo Nazionale del Palazzo di Venezia à Rome et du Kunsthandel Museum de Berlin 5. Pour ce qui est de sa physionomie, là encore notre sujet partage les caractéristiques du type campanesque, marqué par des traits suaves, un nez droit et court, un cou épais. Les paupières lourdes de notre néréide et ses lèvres charnues, typiques du travail de Campagna, se retrouvent sur une Junon attribuée à l’atelier du maître et aujourd’hui conservée aux Musei Civici de Padoue 6, mais également sur une de ses Vénus accompagnée par Cupidon, conservée à la Ca’d’Oro de Venise 7, qui présente par ailleurs une coiffure sophistiquée très proche de celle de notre Amphitrite. Notre bronze synthétise à lui seul l’élégance, la virtuosité technique et le goût pour les formes charnelles véhiculés par les créations
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Portrait inédit du doge de Gênes
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Portrait inédit du doge de Gênes Battista Cicala Zoaglio (1485-1566)
Unpublished portrait of the doge of Genoa Battista Cicala Zoaglio (1485-1566)
Marbre Gênes V. 1560-1565 H. 50 cm (67 cm avec piédouche)
Marble Genoa C. 1560-1565 H. 50 cm (67 cm with pedestal)
Provenance : Collection de Monsieur L., Paris
Provenance : Mister L. collection, Paris
Ce buste est le portrait d’un homme d’âge mûr aux tempes dégarnies, au visage ceint d’une chevelure courte aux mèches ondulées parsemées, et à la bouche ornée d’une longue moustache et d’une barbe. Vêtu d’un pourpoint à col austère fermé par quatre boutons ronds, ses traits s’animent sous l’effet d’un léger froncement de sourcils qui dessine sur son front quatre lignes d’expression. L’attitude de notre homme, pensive et lointaine, inscrit ce marbre dans la tradition des portraits idéalisés du Cinquecento où les sujets endossent un caractère éternel.
nous autorise à reconnaître sous les traits de notre modèle le portrait de celui qui fut le soixante-troisième doge de la République de Gênes de 1561 à 1563 et dont la physionomie fut également fixée en peinture par un anonyme génois 2. Figuré ici un peu plus âgé que sur le buste de la collection Cesati, Zoagli aurait pu être immortalisé dans le cadre de notre portrait à Gênes, par un artiste local, durant l’exercice de ses fonctions. En effet, le traitement de ce marbre au modelé ferme et aux plans lisses et vigoureux s’éloigne de la manière de Dosio pour désigner avec force le ciseau d’un sculpteur formé à Gênes dans la seconde moitié du xvie siècle 3. La restitution de la psychologie du modèle ainsi que le traitement de son regard, qui donne vie à la mélancolique effigie, font de ce portrait une œuvre d’une troublante intimité.
Ici, notre buste révèle une ressemblance frappante avec le Portrait de Battista Cicala Zoagli, attribué au sculpteur florentin Giovanni Antonio Dosio aujourd’hui conservé au sein de la collection Cesati de Milan (fig. 1) 1. Ce rapprochement saisissant
1. Giovanni Antonio Dosio, Portrait de Battista Cicala Zoagli, marbre, v. 1565, Milan, collection Cesati. 2. Artiste génois anonyme, Portrait de Battista Cicala Zoagli, huile sur toile, v. 1563, localisation inconnue. Cf. Boccardo, P. ; Di Fabio, C., EI Siglo de los Genoveses e una lunga storia di Arte e Splendori nel Palazzo dei Dogi, catalogue d’exposition, Genoa, 1999-2000, Milan, Electa, 1999. 3. Nous remercions sincèrement le spécialiste Luca Annibali pour sa contribution à nos recherches.
Fig. 1. Giovanni Antonio Dosio, Portrait de Battista Cicala Zoagli, marbre, v. 1565, Milan, collection Cesati.
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Buste de femme all’antica
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Buste de femme all’antica
Bust of a woman all’antica
Terre cuite Nord de l’Italie (Émilie Romagne ?) Seconde moitié du xvie siècle H. 30 ; L. 38 ; P. 17 cm
Terracotta North Italy (Emilia Romagna ?) Second half of the 16th Century H. 30 ; W. 38 ; D. 17 cm
Provenance : Collection privée, Paris
Provenance : Private collection, Paris
Ce buste de la Renaissance italienne représente une jeune femme au port altier figuré de face, à mi-corps. Son visage plein et sensuel accueille une bouche aux lèvres charnues dont les commissures s’étirent subtilement pour esquisser un sourire. L’expression gracieuse et fière de notre sujet ainsi que ses cheveux ondés arrangés en une coiffure sophistiquée laissent à penser qu’il pourrait s’agir ici du portrait d’une jeune femme issue de l’aristocratie italienne. Notre intrigant modèle est vêtu à l’antique, enveloppé dans une tunique légère maintenue au niveau des épaules et des avant-bras par des broches qui régissent un drapé élaboré, retombant en plis arrondis sur la poitrine de la jeune femme, interrompu au dessus de l’abdomen par un nœud. Ce col large et arrondi souligne le traitement sensuel de la poitrine de notre sujet dont les seins se dessinent en faible relief sous l’étoffe.
Stylistiquement, l’œuvre se rapproche des productions en terre cuite du centre de l’Italie et en particulier des sculptures de Prospero Clemente, (1516-1584) également connu sous le nom de Prospero Spani ou « Il Clemente », artiste très actif autour de la région de Modène et de Reggio Emilia au milieu du xvie siècle. En effet, notre buste trouve un écho dans le portrait en marbre de Lucrezia Scaruffi Malaguzzi réalisé par Clemente vers 1579 et aujourd’hui conservé au Musei Civici de Reggio Emilia 1. On y relève les mêmes yeux en amande incisés, le même traitement singulier des pupilles qui engagent le spectateur, une chevelure similaire aux mèches stylisées ondulées. Ces caractéristiques se retrouvent également sur deux autres bustes en marbre exécutés par Clémente vers 1550-1560, une Diane et une Minerve 2, ainsi que sur la Santa Daria de la cathédrale de Reggio Emilia 3. Ces bustes manifestent la spécificité du langage artistique mis au point par Clemente qui réinterprète avec brio le maniérisme romain à la lumière de la tradition sculptée du Nord de l’Italie dont il conserve les grandes leçons : les visages idéalisés sont ainsi plus doux, les proportions des corps
Cette image s’inscrit dans la pure tradition italienne du portrait idéalisé à l’antique, rehaussé d’une touche précieuse réservée à la célébration de la femme aristocrate, dite “Bella donna”.
1. Prospero Clemente, Lucrezia Scaruffi Malaguzzi, marbre, v. 1579, Reggio Emilia, Musei Civici, inv. 304,307. 2. Prospero Clemente, Buste de Diane, marbre, v. 1550-1560, Modène, Galleria Estense. Prospero Clemente, Buste de Minerve, marbre, v. 1550-1560, Modène, Galleria Estense. 3. Prospero Clemente, Santa Daria, marbre, v. 1550, Reggio Emilia, cathédrale Santa Maria Assunta.
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légèrement plus élancées, et les traits des sujets plus tempérés que ceux mis en œuvre par ses homologues romains. Avec son visage digne, sa chevelure aux mèches ondulées stylisées et la ligne gracieuse de ses sourcils hauts – traits caractéristiques de l’esthétique de Clemente mais également représentatifs du maniérisme
élégant qui fleurit alors dans les cours aristocratiques du Centre et du Nord de l’Italie dans la seconde moitié du xvie siècle – ce buste laïc délicat et décoratif provenant probablement d’un palais privé, offre un ajout intéressant au corpus des sculptures en terre cuite du Nord de l’Italie sous influence romaine.
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Enfant Jésus
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Enfant Jésus
Child Jésus
Terre cuite Toscane (Florence ?) Fin du xve siècle / début du xvie siècle H. 38,5 ; L. 33,5 cm
Terracotta Tuscany (Florence ?) End of the 15th century / early 16th century H. 38,5 ; W. 33,5 cm
Provenance : Marché de l’Art, Paris
Provenance : Art Market, Paris
Cette terre cuite pleine de tendresse s’inscrit dans la tradition sculptée florentine de la fin du Quattrocento et tout particulièrement dans la suite de l’art de Benedetto da Maiano (1442-1497) qui fut, au côté d’Antonio Rossellino (1427-1479), Mino da Fiesole (1429-1484) et Desiderio da Settignano (1430-1464), l’un des artistes toscans les plus doués de sa génération. Servie par un modelé au naturalisme inouï, cette terre cuite donne vie à un nourrisson potelé dont les rondeurs sont soulignées par des plis de chair massés au niveau de son ventre, de ses aines et de ses cuisses. L’attitude gesticulante de notre bambin est rendue ici avec une grande vivacité, introduite par une double torsion de ses épaules et de sa tête, dirigées vers sa gauche. L’ambition de notre artiste est de créer une statue conjuguant à la fois une certaine douceur dans ses formes et une vivacité dans son attitude. Ce dernier s’inscrit alors dans la lignée des productions de Benedetto da Maiano à qui il emprunte certaines caractéristiques : sinuosité de la ligne, délicatesse du modelé et raffinement de la composition. Aujourd’hui décontextualisé, l’isolement de cet enfant soulève bien des questions quant à la destination première de notre œuvre. Plusieurs hypothèses peuvent être avancées. La première voudrait que ce bambin eût autrefois fait partie intégrante d’une Vierge
Fig. 1. Benedetto da Maiano, Vierge à l’Enfant, terre cuite polychromée, v. 1480, Manchester, musée Currier, inv. 1945.3.
à l’Enfant en terre cuite, figurant Marie tenant dans ses bras Jésus, en appui sur le bras dextre de sa mère. Dans ce contexte, l’élégance et la simplicité du dessin de notre sujet, de même que la douceur et la grâce de ses expressions, trouvent un écho particulier dans la Madonna dell’Ulivo de Benedetto da Maiano réalisée vers 1480 pour la cathédrale de Prato 1, ou encore dans la Vierge et l’Enfant en terre cuite polychrome réalisée par le maître et aujourd’hui conservée au musée Currier (fig. 1) 2. On retrouve en genèse dans
1. Benedetto da Maiano, Madonna dell’Ulivo, terre cuite, v. 1480, Prato, cathédrale di Santo Stefano. 2. Benedetto da Maiano, Vierge à l’Enfant, terre cuite polychromée, v. 1480, Manchester, musée Currier, inv. 1945.3.
dans la droite lignée de ces créations décoratives, illustrées par une paire de Putti en terre cuite aujourd’hui conservée au BodeMuseum de Berlin 9.
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Fig. 2. Agnolo di Polo, Vierge à l’Enfant, terre cuite polychromée, v. 1520, Los Angeles, Los Angeles County Museum of Art, n° Inv. 50.33.17.
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ces œuvres la volonté de libérer les mouvements du Christ blotti contre sa mère, qui gagne en indépendance et en liberté au sein de la composition. Cette volonté se concrétisera quelques décennies plus tard dans une Vierge à l’Enfant d’Agnolo di Polo, exécutée vers 1520 (fig. 2) 3, dont l’inclinaison singulière du corps du Christ enfant peut tout à
fait être comparée à celle reprise sur notre terre cuite, de même que l’intérêt du sculpteur pour un type semblable de poupon, opulent, potelé, au ventre arrondi. Toutefois, notre terre cuite aurait également pu être autrefois rattachée à un groupe de sculptures plus important que celui de la Vierge à l’Enfant, un Presepe (une crèche), célébrant par le biais d’une composition habitée de multiples personnages quasi grandeur nature, la naissance du Christ et son Adoration. Ces mises en scène de terre cuite (ou de bois selon la région), connaissent à la Renaissance un succès retentissant, et tout particulièrement en Italie centrale. Dans ce contexte, notre œuvre peut être rapprochée cette fois-ci de deux figurations florentines
3. Agnolo di Polo, Vierge à l’Enfant, terre cuite polychromée, v. 1520, Los Angeles, Los Angeles County Museum of Art, n° Inv. 50.33.17. 4. Benedetto da Maiano, Enfant Jésus, v. 1480, ancienne collection Elia Volpi. Cf. Caglioti, F., « Nuove terracotte di Benedetto da Maiano », Prospettiva, no 126/127, avril-juin, 2007, pp. 15-45. 5. Antonio Rossellino, Enfant Jésus, terre cuite, fin du xve siècle, New York, The Metropolitan Museum of Art, 11.136.1-5. 6. Anonyme florentin, Enfant Jésus, terre cuite, fin du xve siècle, Washington, National Gallery of Art. 7. Atelier d’Antonio Rosselino, La Nativité, terre cuite peinte, Florence, xve siècle, New York, The Metropolitan Museum of Art, 11.136.1-5.
du Christ enfant en terre cuite, réalisées d’après un modèle de da Maiano 4 : On doit la première, aujourd’hui conservée au Metropolitan Museum of Art de New York, à Antonio Rosselino 5, et la seconde, exposée à la National Gallery of Art de Washington, à un sculpteur florentin anonyme du début du xvie siècle 6. La figure de l’Enfant Jésus positionnée au centre du célèbre groupe de la Nativité attribuée à Antonio Rossellino et son atelier, présente également quelques similitudes formelles et permet d’envisager que, de façon tout à fait semblable 7, notre Christ aurait pu être autrefois déposé à même le sol, émergeant d’une panière ou d’un matelas de paille (fig. 3). Après avoir considéré l’intégration de notre terre cuite au sein d’un groupe sculpté, reste à aborder l’hypothèse d’une œuvre indépendante. En effet, l’aspect général de notre bambin n’est pas sans évoquer la typologie des Putti inclinés en torsion sur un siège, dont le prototype reviendrait à Andrea del Verrocchio (1435-1488) 8. Il n’est ainsi pas à exclure que notre sculpture soit à inscrire 8. Cf. Pisani, L., Francesco di Simone Ferrucci, Leo S. Olschki editore, 2007, p. 129. Pisani, L., « Diramazioni e divagazioni verrocchiesche : un modello molto fortunato », Predella, n° 30. 9. Atelier de Francesco di Simone Ferrucci, Putti, terre cuite, Berlin, Bode-Museum, inv. 115-116.
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Fig. 3. Atelier d’Antonio Rosselino, La Nativité, terre cuite peinte, Florence, xve siècle, New York, The Metropolitan Museum of Art, 11.136.1-5.
Quelle que soit sa destination, cet Enfant en terre cuite fait la parfaite démonstration de la ligne esthétique qui se dessine au sein de la sculpture toscane à la fin du xve siècle et au début du xvie siècle. Caractérisée par une volonté de décliner l’enseignement de Benedetto da Maiano avec grâce et naturalisme, celle-ci nourrit le langage artistique de notre auteur qui intègre dans son vocabulaire ses formes et sa sensibilité.
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Le cabinet de l’amateur : le Studiolo
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Calice
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Calice
Chalice
Cuivre doré Sud-Ouest de la France (Roussillon) Premier quart du xvie siècle H. 22,5 cm
Gilt copper South West of France (Roussillon) First quarter of the 16th century H. 22,5 cm
Provenance : Collection privée, Sud de la France
Provenance : Private collection, South of France
De la splendeur et de l’excellence atteintes par les créations issues des ateliers des orfèvres français de la Renaissance, bien peu de témoignages nous sont aujourd’hui parvenus. En effet, investies comme bien d’autres avant elles du rôle de réserve monétaire, beaucoup des pièces d’orfèvrerie de la période souffrèrent de destructions lors des guerres de Religion mais également des fontes répétées orchestrées par l’administration royale. Celles-ci débutèrent dès les années 1550 et
connurent leur triste apogée sous le règne de Louis XIV. Comme le souligne Michèle BimbenetPrivat dans un essai sur l’orfèvrerie religieuse de la Renaissance 1, l’Île-de-France, située directement sous l’œil du pouvoir, paya face à ces événements le plus lourd tribut. Au contraire, les régions de l’Ouest et du Sud de la France, plus éloignées de Paris, furent relativement préservées. Cet élégant calice en témoigne.
Fig. 1. Détail, Calice, argent, Sud-Ouest de la France, xve-xvie siècle, Tech, ermitage SaintGuillem-de-Combret. 1. M. Bimbenet-Privat, « L’orfèvrerie religieuse à la Renaissance », Mémoires d’Orfèvres, Paris, Somogy, 2011, pp. 101-103.
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Fig. 2. Détail, Calice, argent, SudOuest de la France, xve-xvie siècle, Tech, ermitage Saint-Guillem-de-Combret.
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Il se compose d’une coupe large élevée sur une tige à pans coupés, scandée par un nœud hexagonal sur les faces duquel se déchiffre une inscription latine : « Vere filius dei erat iste » (« Vraiment, cet homme était le fils de Dieu »). Du xve au début du xviie siècle, il apparaît que les calices évoluent peu dans leur forme. Encore très influencés par la tradition gothique, la majorité d’entre eux doivent être envisagés comme des échos aux plus belles créations parisiennes de l’époque, prises pour modèles par les orfèvres de province qui les reproduisent de façon sérielle. En résulte pour la grande majorité d’entre eux, issus de cette production, un décor assez pauvre et peu représentatif de l’émergence de la Renaissance, comme l’illustre de façon édifiante le calice de l’église Saint-Julien-etSainte-Baselisse de Vinça 2, qui présente à la
base de sa tige un élément architecturé orné de contreforts semblable à celui observé sur notre calice. Pour autant, l’œuvre que nous étudions apparaît à contre-pied de cette tendance de par sa facture plus affirmative et son traitement plus raffiné qui le rapprochent davantage du très beau calice en argent de l’ermitage Saint-Guillem-de-Combret (Tech) (fig. 1 et 2) 3. Ainsi, en plus de l’édicule architecturé déjà mentionné qui orne la tige du calice, on retrouve sur ces deux œuvres le même décor fastueux réalisé à la ciselure et à la gravure qui orne le pied lobé de la coupe. Sur ce dernier se déploient autour des armas christi des rinceaux végétaux et des fleurs. Ce thème de la Passion illustré entre autres par le coq, la lance, les clous, l’échelle, trouve sa résolution dans l’inscription latine qui orne le nœud. Celle-ci extraite des évangiles est prononcée par l’officier qui surveillait l’exécution du Christ alors qu’un tremblement de terre survient au moment de sa mort. Pour les théologiens et les fidèles, cet événement annonce le Jugement Dernier mais aussi la Résurrection, que le Christ vient de rendre possible par son sacrifice sur la croix. Ce programme iconographique rentre alors en résonance avec la fonction de l’objet puisqu’associée à une patène, cette coupe était employée par le prêtre lors de la célébration de l’eucharistie pour la consécration du vin. Cette dernière permet au fidèle de se remémorer la Passion du Christ et de célébrer lors du culte sa présence, ressuscité et vivant, par la puissance du Saint-Esprit.
2. Calice, argent repoussé, ciselé, gravé et doré, Sud-Ouest de la France, xvie siècle, Vinça, église Saint-Julien-et-Baselisse. 3. Calice, argent, Sud-Ouest de la France, xve-xvie siècle, Tech, ermitage Saint-Guillem-de-Combret.
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Panneau de cuir
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Panneau de cuir représentant la Fontaine de Jouvence
Leather panel depicting the Fountain of Youth
Cuir teinté, peint et doré Venise Seconde moitié du xvie siècle H. 30 ; L. 53 cm
Tinted, painted and gilt leather Venice Second half of the 16th century H. 30 ; W. 53 cm
Provenance : Marché de l’art, Espagne
Provenance : Art Market, Spain
À la Renaissance, Venise s’impose comme une des villes les plus puissantes, les plus riches et les plus peuplées du monde. La Cité des Doges est depuis le xiiie siècle à la tête d’un vaste empire commercial. Malgré les revers qu’elle essuie dans certaines régions face à l’avancée ottomane, elle conserve sa domination sur les marchés du Levant et sa position de carrefour où convergent les routes du Nord de l’Europe et de l’Orient. Les fondaco fleurissent le long du grand canal, témoignant de cette intensification des échanges. Les créations artistiques s’en font l’écho et révèlent dans leurs formes, dans leurs choix de motifs ou
encore, comme pour notre tableau, par leurs techniques, l’influence majeure qu’exerça le Proche-Orient sur les ateliers locaux. Au xvie siècle, fort d’un savoir-faire importé par des artisans orientaux, Venise se spécialise dans la réalisation d’éléments de mobilier plaqués de cuir teinté et ciselé, peint et doré, similaires à notre panneau. Orné sur ses deux faces de scènes narratives, ce dernier illustre le thème courtois de la Fontaine de Jouvence, cette source mythique réputée pour restaurer la jeunesse de quiconque y boirait ou s’y baignerait. À l’avers du panneau, se déploient ainsi des personnages âgés qui s’y pressent et que l’on retrouve au
Fig. 1. Coffret de cuir au décor courtois, Venise, début du xvie siècle, Venise, Galleria Franchetti, cat. m. 1.
De par sa technique et son décor, notre panneau peut être rapproché de plusieurs cabinets de cuir vénitiens datés de la seconde moitié du xvie siècle, mais également de coffrets ou encore d’écritoires (fig. 1 et 2) 2. Tous, de par leur combinaison de la dorure, de l’argenture, de la peinture et d’ornements communs, peuvent être attribués à un même atelier ou à un petit groupe de maîtres travaillant pendant plusieurs décennies dans ce style plutôt inhabituel, original mais coûteux. L’ornementation des deux faces du panneau ainsi que l’usure exclusive du revers semblent indiquer qu’il s’agissait d’un couvercle de coffret qui révélait le miracle de la Fontaine de Vie lors de son ouverture, face préservée à l’abri de la lumière et des frottements. Ce type de couvercle plat tend à l’identifier plutôt comme celui d’un des nombreux écritoires qui peuplaient les studiolo de l’époque.
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Fig. 2. Écritoire, cuir sur peuplier, Venise, v. 1550-1580, New York, The Metropolitan Museum of Arts, 1975.1.2022.
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revers, toujours à côté de la fontaine, mais cette fois dans la fleur de l’âge, miraculeusement rajeunis. Cette peinture très décorative met ici en scène un sujet qui synthétise parfaitement le goût de la clientèle de l’époque pour le syncrétisme des cultures païenne et chrétienne. Le thème courtois de la Fontaine de Jouvence fait écho à celui chrétien de la Fontaine de
Vie, thème iconographique illustrant la promesse d’une vie éternelle à laquelle les croyants baptisés pourraient accéder après leur mort. Dans notre récit merveilleux, le corps est le destinataire d’une alchimie similaire à celle qui, par l’eau du baptême, lave l’âme du péché originel 1. Ainsi, comme toujours à la Renaissance, la forme païenne est mise au service du message chrétien.
1. Cf. Klapisch-Zuber, C., « La Fontaine de Jouvence. Bain et jeunesse entre xive et xvie siècle », Clio. Femmes, Genre, Histoire [En ligne], 42, 2015, pp. 181-190.
2. Coffret de la Renaissance Italienne, cuir peint et doré, Italie, v. 1600, Vic, Museu de l’Art de la Pell, inv. N° C/1134. Coffret de cuir au décor courtois, Venise, début du xvie siècle, Venise, Galleria Franchetti, cat. m. 1. Écritoire, cuir sur peuplier, Venise, v. 1550-1580, New York, The Metropolitan Museum of Arts, 1975.1.2022.
Putto
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Autour de NiccolÒ Roccatagliata (1593-1636)
Circle of NiccolÒ Roccatagliata (1593-1636)
Putto
Putto
Bronze Venise Début du xviie siècle H. 26 cm
Bronze Venice Early 17th century H. 26 cm
Provenance : Marché de l’art, Paris
Provenance : Art Market, Paris
Fig. 2. D’après un modèle de Roccatagliata, Putto tenant un vase, bronze, Venise, xviie siècle, Rome, Palazzo Venezia, inv. 10794.
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Fig. 1. Putto ailé tenant une coquille, bronze, Venise ?, fin du xvie siècle, Berlin, Bode-Museum, inv. Nr. 8723.
Ce charmant bronze est emblématique de la production du sculpteur Niccolò Roccatagliata, surnommé par Leo Planiscig le « Maître au putto ». La chevelure aux boucles serrées du garçonnet, ses paupières lourdes et ses cuisses rebondies sont autant de traits distinctifs qui caractérisent le style naturaliste de cet artiste. Durant le premier quart du xviie siècle, Roccatagliata réalise de nombreux putti en bronze qui font la gloire de la Sérénissime. Il met alors en place
un type, au charme enfantin, qu’il décline dans divers appareils et postures. Né à Gênes mais actif principalement à Venise, Niccolò Roccatagliata était célèbre pour son œuvre prolifique en bronze. Mettant à la fois en scène des sujets religieux, allégoriques et mythologiques, il honora de nombreuses commandes pour la sphère privée mais également pour les églises de la Cité des Doges. À sa mort, son fils Sebastiano Nicolini hérite de son atelier et continue à éditer et produire des bronzes dans le style du maître. Notre œuvre reprend un modèle longtemps associé à son père. Un certain nombre de fontes similaires attribuées à Roccatagliata ou à son entourage peuvent ainsi être rapprochées de notre putto. C’est le cas d’un Putto ailé tenant une coquille aujourd’hui conservé au Bode-Museum de Berlin (fig. 1) 1, mais également d’un Putto tenant un ballon,
1. Putto ailé tenant une coquille, bronze, Venise ?, fin du xvie siècle, Berlin, Bode-Museum, inv. Nr. 8723.
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conservé au Museo Civico Amedeo Lia de La Spezia 2, et d’un Putto tenant un vase, exposé au Palazzo Venezia à Rome (fig. 2) 3. Une filiation entre l’exemplaire romain et notre bronze apparaît évidente. Ainsi, les deux œuvres sont esquissées avec la même vivacité, le corps de l’enfant courbé par son mouvement, les deux bras tendus vers l’avant pour tenir un objet, aujourd’hui disparu dans notre version.
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2. Entourage de Niccolò Roccatagliata, « Putto con palla », bronze, Venise, début du xviie siècle, La Spezia, Museo Civico Amedeo Lia, inv. B19. 3. D’après un modèle de Niccolò Roccatagliata, Putto tenant un vase, bronze, Venise, xviie siècle, Rome, Palazzo Venezia, inv. 10794.
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Junon
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Atelier de Girolamo Campagna (1549-1625)
Workshop of Girolamo Campagna (1549-1625)
Junon
Juno
Bronze Venise Fin du xvie siècle H. 32 cm
Bronze Venice End of the 16th century H. 32 cm
Provenance : Marché de l’art, Paris
Provenance : Art Market, Paris
C’est à Padoue, au cœur du Veneto que naît dans la seconde moitié du xve siècle le genre du petit bronze renaissant. Dans cette cité évoluant dans l’orbite de domination vénitienne, siège d’une des plus anciennes universités européennes et terrain de découvertes de nombreux vestiges antiques, des artistes vont choisir de se spécialiser dans la réalisation de ces œuvres capables de véhiculer leur idéal calqué sur l’Antiquité. S’inspirant de marbres romains redécouverts, ils réalisent des œuvres autonomes fidèles à leur vision fantasmée de l’Antiquité et font revivre les techniques anciennes de fontes. Ces bronzes jouissent d’une fortune considérable auprès d’une clientèle fortunée captivée par leur charme et leur vitalité. Ils rejoignent les studiolo des collectionneurs, ces cabinets d’étude où les bronzes s’offrent dans l’intimité à la délectation des amateurs. Le plaisir de posséder ces objets fut tel qu’ils durent être produits en série à une époque où le concept d’œuvre originale présente bien peu d’intérêt aux yeux de la clientèle. Au sein des ateliers, « à partir d’un ou plusieurs exemplaires réalisés par un maître, les élèves modelaient eux-mêmes d’autres exemplaires que l’on confiait au fondeur et lorsque l’œuvre rencontrait un grand succès, l’atelier pouvait reproduire le modèle pendant plus d’une génération, tant que l’esthétique de celui-ci n’était pas démodée.
Au besoin, le sujet était adapté, et d’autres ateliers, moins inventifs, s’emparaient souvent du poncif et l’altéraient encore, au gré des commandes. On comprendra, devant un tel dynamisme de la production, que
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Fig. 1. Girolamo Campagna, Venus Marina, bronze, fin du xvie siècle, New York, The Metropolitan Museum of Art, 68.141.19.
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non seulement le public éclairé ne boudait pas cet art, mais encore que la demande était d’une formidable vitalité » 1. Cette belle Junon en pied accompagnée de son paon dérive d’un modèle réalisé à Venise par Girolamo Campagna (15491625). Célèbre sculpteur de la dernière
décennie du xvie siècle, Campagna fait partie avec Tiziano Aspetti, Alessandro Vittera ou encore Roccatagliata, d’une incroyable génération de bronziers vénitiens qui conféra dans le domaine ses lettres de noblesse à la Cité des Doges. À la tête d’un grand atelier de maîtres, d’apprentis et d’élèves, il se lance dans la production de sculptures en bronze en 1590. Le canon féminin de notre Junon, aux formes pleines, aux cuisses généreuses et à la poitrine ronde et haute rappelle celui de la Venus Marina signée par Campagna, aujourd’hui conservée au Metropolitan Museum of Art de New York (fig. 1) 2. C’est également le cas de ses paupières dessinées, de son nez court et de sa bouche étroite, bien que la qualité de leur définition la rapproche davantage d’une autre fonte issue du même modèle, attribuée cette fois à un suiveur du maître 3. À la lumière de ces rapprochements et de la position tout à fait similaire adoptée par notre Junon, qui esquisse pareillement un élégant contrapposto, main droite posée sur son sein gauche, bras opposé tombant le long du corps pour se saisir de l’animal et tête tournée de trois-quarts, notre bronze se présente comme une originale adaptation de la Venus Marina sortie de l’atelier de Campagna. Trois autres variations semblables ont pu être identifiées dans les collections publiques : une à la National Gallery de Washington 4, une autre au Musei Civici de Padoue et une dernière à celui de Ferrare 5. Au sein de ce corpus, notre Junon se distingue par sa plus grande fidélité au modèle d’origine de Campagna.
1. Girolamo Campagna, Venus Marina, bronze, fin du xvie siècle, New York, The Metropolitan Museum of Art, 68.141.19. 2. Cros, P., Bronzes de la Renaissance Italienne, Somogy, Fondation Bamberg, 1996, p. 16. 3. D’après Girolamo Campagna, Venus Marina, bronze, Venise, fin du xvie siècle-début du xviie siècle, New York, The Metropolitan Museum of Art, 14.40.694. 4. Chenet orné de la figure de Junon, bronze, Italie, xviie et xixe siècles, Washington, National Gallery of Art, 1942.9.144. 5. Girolamo Campagna (?), Junon, bronze, Venise, fin du xvie siècle, Ferrare, Musei Civici, c.g.f. 852. Girolamo Campagna (?), Junon, bronze, Venise, fin du xvie siècle, Padoue, Musei Civici.
Plaque ovale de bouclier de parade
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Plaque ovale de bouclier de parade avec Méduse
Oval plaque with Medusa from a parade Schield
Bronze avec infimes traces de dorure Italie du Nord (Milan ?) Deuxième moitié du xvie siècle H. 23 ; L. 18 cm
Bronze with slight traces of gilt Northern Italy (Milan ?) Second half of the 16th century H. 23 ; W. 18 cm
Provenance : Marché de l’art, Paris
Provenance : Art Market, Paris
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Fig. 1. Atelier milanais, Bouclier de parade, fer repoussé et doré, seconde moitié du xvie siècle Dresde, Staatliche Kunstsammlungen, inv. 0147.
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La Gorgone Méduse est une célèbre créature monstrueuse à la chevelure serpentine issue de la mythologie grecque, qui selon la légende avait le pouvoir de pétrifier les êtres qui croisaient son regard. L’auteur latin Ovide nous raconte comment celle-ci fut vaincue par la ruse du héros Persée, qui la décapita
après s’être approchée d’elle grâce à son bouclier qu’il employa en miroir afin d’éviter son regard fatal (Ovide, Métamorphoses, IV, 782-785). Même tranchée, la tête de la Gorgone est réputée conserver ses propriétés maléfiques : auréolée de serpents courroucés, cette dernière était convoquée par les anciens sous la forme d’un motif apotropaïque, le gorgoneion, capable de terrifier les ennemis et de repousser le mal. C’est au centre d’un exceptionnel bouclier de parure issu des ateliers milanais, aujourd’hui conservé à Dresde au Staatliche Kunstsammlungen (fig. 1) 1, que l’on retrouve le modèle de notre plaque ovale. D’une force étonnante, ce bouclier daté de la seconde moitié du xvie siècle, présente un extraordinaire travail d’orfèvrerie. Réalisé en fer repoussé et doré, son décor martial surprend par le choix des scènes qui y sont représentées. En effet, alternant des médaillons et des plaques en relief mettant en scène des figures et épisodes issues de la mythologie gréco-romaine et de l’histoire biblique (Méduse, Athéna, David et Goliath, Judith et Holopherne…), son programme iconographique se présente comme un parfait exemple du syncrétisme de la Renaissance, qui en mêlant librement ces sujets, place la culture païenne au service de la pensée chrétienne et de ses défenseurs.
1. Atelier Milanais, Bouclier de Parade, fer repoussé et doré, seconde moitié du xvie siècle, Dresde, Staatliche Kunstsammlungen, inv. 0147
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Sur le reste de sa surface, le bouclier est orné d’un réseau de cuirs découpés, d’entrelacs, de trophées guerriers, de rinceaux, de bouquets de fruits et de masques grotesques, autant de motifs empruntés au répertoire décoratif de l’art maniériste qui fleurit alors dans les cours européennes. Comme sur le bouclier de Dresde, le tour de force de cette Plaque de Méduse à l’expressionnisme farouche, réside dans la remarquable qualité d’exécution de ce visage saisissant, fixé dans une grimace horrifique, qui fait jaillir de sa gueule féroce un cri monstrueux. Ce gorgoneion, sublimé au centre d’un programme iconographique martial mythologique et légendaire, transforme l’arme défensive en une œuvre métaphorique qui enrichit l’image et la fonction du bouclier de parade, objet à la fois d’effroi et d’émerveillement. Dans l’état actuel de nos connaissances, notre œuvre constituerait l’unique exemple de ce modèle sous forme de plaque isolée, sans équivalent connu.
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Saint Jean-Baptiste prêchant
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Suiveur de Jean Bologne
Follower of Giambologna
(1529-1608)
(1529-1608)
Saint Jean-Baptiste prêchant dans le désert
Saint John the Baptist preaching in the desert
Plaque en bronze doré Flandre ? Seconde moitié du xvie siècle H. 18 cm ; L. 25 cm
Gilt bronze plaque Flander ? Second half of the 16th century H. 18 cm ; W. 25 cm
Provenance : Collection privée, Sud de la France
Provenance : Private collection, South of France
À la Renaissance, la vie de saint JeanBaptiste apparaît comme un thème majeur de l’iconographie chrétienne. Les peintres, sculpteurs et orfèvres, célèbrent avec passion l’histoire de celui qui fut le cousin du Christ et qui l’accompagna au cours de son existence. Cette plaque représente ici la Prédication de Jean le Baptiste venu annoncer l’arrivée du Messie à une foule de fidèles rassemblée dans le « désert » de Judée, qui semble davantage s’apparenter ici à une forêt luxuriante d’où jaillissent des arbres vigoureux. Conformément à la tradition iconographique, saint Jean endosse son habit d’anachorète, vêtu d’un manteau usé en poils de chameau. Autour de lui, le peuple juif coiffé de chapeaux et de turbans, des soldats romains et des femmes accompagnées de jeunes enfants, se sont tous réunis en une foule compacte pour écouter ses paroles. Afin de créer une illusion d’espace, notre artiste organise cette masse selon le principe de l’isocéphalie, qu’il vient rompre à propos en dégageant quelques têtes du groupe pour donner du rythme à sa composition. Les attitudes sont vives et animées.
Fig. 1. La Prédication de saint Jean-Baptiste, plaque en bronze doré, Flandre ou pays germaniques, deuxième moitié du xvie siècle, Baltimore, Walters Art Museum, inv. 54.1044.
Les expressions accentuées des protagonistes nous font découvrir et partager les réactions de la foule, qui se présente alors comme une image de l’humanité tout entière, dans sa diversité, recevant le message précurseur du Christ. Finement reprise à la gravure et à la ciselure, cette plaque reprend ici un modèle rare décliné en seulement deux exemplaires, conservés aujourd’hui au Walters Art Museum de Baltimore et dans la collection Mario Scaglia (fig. 1-2) 1. Notre œuvre vient
1. La Prédication de Saint-Jean-Baptiste, plaque en bronze doré, Flandre ou pays germaniques, deuxième moitié du xvie siècle, Baltimore, Walters Art Museum, inv. 54.1044. La Prédication de Saint-Jean-Baptiste, plaque en bonze doré, Flandre ou pays germaniques, deuxième moitié du xvie siècle, collection Mario Scaglia.
Fig. 2. La Prédication de Saint-Jean-Baptiste, plaque en bonze doré, Flandre ou pays germaniques, deuxième moitié du xvie siècle, collection Mario Scaglia.
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s’ajouter à cet ensemble attribué au ciseau d’un artiste flamand influencé par le travail de Jean Bologne. Les bords ourlés de notre relief indiquent que ce dernier était probablement à l’origine destiné à être inséré dans un décor plus vaste. Ce détail formel et son iconographie nous permettent dès lors d’imaginer que notre plaque ait pu embellir autrefois un autel ou un baptistère consacré à saint Jean-Baptiste.
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Médaille représentant le Christ
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D’après Giovanni Antonio De’Rossi (1513-v. 1575) et Giovanni Bernardi Da Castelbolognese (1493-1553)
After Giovanni Antonio De’Rossi (1513-v. 1575) and Giovanni Bernardi Da Castelbolognese (1493-1553)
Médaille : Buste du Christ et Crucifixion
Medal : Bust of Christ and Crucifixion
Face : D’après un suiveur de Giovanni Antonio de’ Rossi (1513-v. 1575), Christ en buste de profil gauche entouré de l’inscription EGO SVM VIA VERITAS ET VITA (Je suis le chemin, la vérité, la vie) Revers : D’après une taille en cristal de roche par Giovanni Bernardi (14931553) conservée au Cabinet national des Médailles (n° Inv. reg.H.2964), La Crucifixion
Obverse : After a follower of Giovanni Antonio de’ Rossi (1513-ca. 1575), Bust of Christ Legend : EGO SVM VIA VERITAS ET VITA (I am the path, truth and life) Reverse : After a cristal rock intaglio by Giovanni Bernardi (1493-1553) held at the Cabinet nationale des Médailles (Inv. reg.H.2964), The Crucifixion
Bronze Diamètre : 8,5 cm Rome Milieu du xvie siècle Provenance : Ancienne Collection Michael Hall À la Renaissance, l’art de la médaille prend son essor. Influencées dans leur forme par les monnaies antiques, les médailles, produites en série, adoptent un contour circulaire et présentent deux faces ornées. L’avers commémore ainsi traditionnellement le souvenir d’un personnage en étant orné de son portrait en buste de profil, tandis que le revers complète l’hommage par une devise, un emblème ou une scène allégorique. La médaille devient rapidement un objet de collection très prisé des élites qui les conservent et les exposent dans leurs cabinets de collections. Si cette production entretient un lien étroit avec le développement parallèle du culte profane de l’individualisme, les médailles
Bronze Diameter : 8,5 cm Rome Mid-16th Century Provenance : Former Michael Hall Collection
à thématique religieuse ne sont pas rares. Ainsi, la célébration du Christ figuré en buste de profil à l’avers de médailles, rencontre un succès considérable auprès des commanditaires de l’époque. Notre modèle s’inspire ici d’un poncif initié par le médailliste Giovanni Antonio de’ Rossi (1513-après 1575). Ce dernier était un graveur de pierres précieuses, de camées et de matrices pour pièces de monnaie et médailles, ainsi qu’un fabricant de grandes médailles moulées. Il travailla pour d’impor tants commanditaires, comme Cosme de Médicis, mais aussi pour la Monnaie papale, se voyant alors confier la réalisation de médailles et de pièces pour les papes Marcellus II, Pie IV, Pie V et Grégoire XI.
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Pour ce qui est de La Crucifixion qui orne notre revers, sa composition dérive d’un cristal de roche taillé par Giovanni Bernardi da Castelbolognese 1. Cette intaille décorait autrefois l’un des objets les plus exceptionnels de la Renaissance : la « Cassette Farnèse », également connue sous le nom de Cercueil Farnèse, aujourd’hui conservée à Naples au musée de Capodimonte 2. D’un raffinement extrême, ce chef-d’œuvre de l’orfèvrerie maniériste fut réalisé entre 1548 et 1561 par
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le Florentin Manno Sbarri et par Giovanni Bernardi qui, à la demande du cardinal Alexandre Farnèse II, rehaussa l’ensemble de six intailles en cristal de roche 3. Trois versions identiques de notre médaille sont aujourd’hui répertoriées dans les collections publiques : une au musée du Louvre à Paris 4, une au musée Civique de Castel Bolognese et enfin une dernière au Castello Sforzesco de Milan 5.
1. Giovanni Bernardi da Castelbolognese, Crucifixion, cristal de roche, taille en intaille, second quart du xvie siècle, Paris, BnF, Cabinet des médailles de la Bibliothèque nationale de France, reg.h.2964. 2. Manno Sbarri, Giovanni Bernardi, « Cassette Farnèse », argent doré, gaufré et ciselé, cristal de roche, émail, lapis lazuli, 1548-1561, Naples, musée Capodimonte. 3. Pièce d’orfèvrerie d’apparat en vermeil dont la fonction serait essentiellement décorative, la « Cassette Farnèse » est une œuvre pleinement évocatrice du goût et de la grande technicité que le maniérisme italien déployait dans le domaine des arts appliqués. Elle représente ce que la Renaissance italienne a produit de plus fastueux en termes d’objets d’art. Commencée en 1543, il aura fallu dix-huit ans pour que cette pièce de prestige pesant trente-cinq kilos soit finalisée. Manno di Bastiano Sbarri se chargea de l’exécution de l’âme en argent doré, tandis que Giovanni Bernardi la rehaussa de cristaux de roche gravés, exécutés d’après des modèles de Francesco Salviati et Perino del Vaga. En 1568, Giorgio Vasari écrivait que jamais aucune œuvre n’avait atteint selon lui une telle perfection. Le coffret fut offert par le cardinal Farnèse à Maria d’Aviz du Portugal qui, en 1565, épousa Alessandro Farnèse, futur duc de Parme et Plaisance, neveu et homonyme du prélat. 4. Médaille : Buste du Christ et Crucifixion, bronze, xvie siècle, Paris, musée du Louvre, Br.516. 5. Médaille : Buste du Christ et Crucifixion, bronze, xvie siècle, Castel Bolognese, Museo Civico. Médaille : Buste du Christ et Crucifixion, bronze, xvie siècle, Milan, Castello Sforzesco, m.o.9.2854.
Tête de femme
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Tête de femme
Head of a woman
Peuplier Toscane (probablement Florence) V. 1560-1580 H. 30 cm
Poplar Tuscany (probably Florence) C. 1560-1580 H. 30 cm
Provenance : Marché de l’art, Paris
Provenance : Art Market, Paris
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Fig. 1. Vincenzo Danti, Salomé, bronze, 1559-1560, Florence, baptistère SaintJean.
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Cette imposante tête incarne au cœur de la production sculptée du Cinquecento le nouveau regard porté par les artistes maniéristes sur la beauté idéale classique, qu’ils réinterprètent à l’aune de canons esthétiques inédits. Notre visage ovale aux plans lisses, présente ainsi un caractère affirmé marqué par de grands yeux en amande aux paupières épaisses, logés dans deux cavités oculaires très creusées dont la profondeur se voit accentuée par des arcades sourcilières aux chairs tombantes. Son nez fort et droit, de même que sa bouche aux lèvres sensuelles entrouvertes font écho au type féminin viril de Michel-Ange (1475-1564) dont semble s’inspirer ici notre artiste. La chevelure de notre sujet se répartit élégamment de part et d’autre de son visage,
Fig. 2. Bartolomeo Ammannati, Junon, marbre, 1556-1561, Florence, musée national du Bargello.
tombant au-dessus de ses oreilles en de larges mèches ondées qui se perdent dans sa nuque. Structurée par une raie soigneusement dessinée, cette coiffure sophistiquée est rehaussée par un ruban noué sur le front de la jeune femme, et par un chignon tressé sur l’arrière de sa tête. La physionomie de ce visage et sa coiffure apprêtée inscrivent cette sculpture dans le sillage des créations florentines de la Haute Renaissance. L’aspect décoratif et artificiel de l’arrangement de la chevelure de notre sujet présente en effet des affinités étroites
avec celui d'un corpus d’œuvres réalisées par Vincenzo Danti (1530-1576) (fig. 1) 1, Bartolomeo Ammanati (1511-1592) ou encore Giambologna (1529-1608) (fig. 2) 2, au cœur de la cité des Médicis, dans les années 15501580, tous promoteurs d’une traduction plus élégante du maniérisme dans ses formes.
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Notre tête exprime alors la personnalité originale d’un artiste qui, dans la droite
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tradition florentine du Cinquecento, donne vie à une sculpture exubérante et précieuse, qui n’a rien à envier à la statuaire en marbre de l’époque. La prouesse technique qui transparaît de ce bois, son visage à la fois avenant et inquiétant, et le caractère volontairement orné qu’il véhicule au travers de certains motifs, font de cette œuvre une brillante manifestation de la « grande maniera » qui se diffuse alors dans toute l’Europe.
1. Vincenzo Danti, Salomé, bronze, 1559-1560, Florence, baptistère Saint-Jean. 2. Bartolomeo Ammannati, Junon, marbre, 1556-1561, Florence, musée national du Bargello. Giambologna, Venus Cesarini, marbre, v. 1583, Rome, Palazzo Margherita. Giambologna, Bethsabée, marbre, 1571-1573, Los Angeles, J. Paul Getty Museum, 82.sa.37. Giambologna, Florence triomphant sur Pise, marbre, 1575, Florence, musée national du Bargello. Giambologna, Tête de Venus, marbre, fin du xvie siècle, New York, collection privée.
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Vierge de Nativité
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Vierge de Nativité
Virgin of Nativity
Terre cuite polychrome et dorée Italie du sud xvie siècle H. 32,5 cm
Painted and gilded Terracotta Southern Italy 16th century H. 32,5 cm
Provenance : Collection privée, Paris
Provenance : Private collection, Paris
Cette émouvante sculpture en terre cuite représente une Vierge de Nativité. Marie est agenouillée, les mains croisées sur sa poitrine, les paupières à demi-closes. Son visage aux traits juvéniles est bordé d’une chevelure ondulée dissimulée sous un élégant voile. La position de sa tête, légèrement inclinée vers l’avant, et la douceur de son regard maternel laissent deviner que la Vierge se recueillait autrefois devant son fils, le Christ né, déposé à ses genoux. Accompagnée dans le passé d’autres personnages, cette statuette faisait partie d’un ensemble figurant en trois dimensions la Nativité, devant une grotte, une étable ou encore, selon la tradition napolitaine, devant les ruines d’un temple romain symbolisant la fin du monde païen et l’avènement du christianisme. C’est au xiiie siècle que les premières représentations de ce sujet en trois dimensions apparaissent sous la forme de spectacles vivants à la suite du succès retentissant d’une célèbre mise en scène orchestrée par saint François d’Assise lui-même, à Greccio en Italie, la nuit de Noël 1223. La sculpture italienne s’en fait rapidement l’écho comme en témoigne la célèbre nativité d’Arnolfo di
Cambio, sculptée dans la pierre en 1288 et aujourd’hui exposée dans la basilique Santa Maria Maggiore à Rome 1. Tout comme La Nativité attribuée à l’atelier d’Antonio Rosselino ou encore celle de l’église de San Giovanni à Carbonara, chef-d’œuvre de Pietro et Giovanni Alemanno 2, cette œuvre préfigure le genre de la Crèche (Presepio) bien qu’elle soit encore dénuée de deux de ses caractères essentiels : l’autonomie et la mobilité des pièces 3. En effet, c’est seulement à la toute fin du xve siècle et au début du xvie siècle que de petits personnages autonomes et mobiles, en bois ou terre cuite, apparaissent. Ils sont alors généralement placés devant un tableau reproduisant un paysage comme arrière-plan de la crèche, le tout placé à l’intérieur des églises. Ces ensembles ont pour objectif d’exprimer de manière « vivante » la naissance du Christ afin d’aider le fidèle à avoir le sentiment qu’il participe à l’histoire sainte et à lui permettre de méditer le plus profondément possible sur la voie qui mène au Salut 4. Ils connaissent un succès retentissant tout particulièrement en Italie du Sud où des sculpteurs comme Pietro Belverte se spécialisent dans la réalisation de ces figurines 5. C’est
1. Arnolfo di Cambio, La Nativité, pierre, 1288, Rome, Santa Maria Maggiore. 2. Atelier d’Antonio Rosselino, La Nativité, terre cuite peinte, Florence, xve siècle, New York, The Metropolitan Museum of Art, 11.136.1-5. Pietro et Giovanni Alemanno, La Nativité, bois, 1478, provient de la chiesa di San Giovanni a Carbonara, Naples, Museo S. Martino. 3. Gockerell, N., Krippen, Nativity scenes, Crèches, Munich, Bayerisches Nationalmuseum, 1998, pp. 9-10. 4. Berliner, R., Die Weihnachtskrippe, Munich, 1955, p. 14. 5. Cf. Autour de Pietro Belverte, La Vierge et Joseph, bois peint, Italie du Sud, fin du xve-début du xvie siècle, collection privée.
très certainement dans ce contexte que dut être réalisée notre Vierge dont l’élégance sobre du drapé aux plis linéaires souples et les traits poupins font écho à ceux empruntés dans les figurines des presepio qui peuplent les églises de Campanie, des Pouilles et des Abruzzes, comme celles de la cathédrale de Bari, réalisée par Altobello Pesio (fig. 1) 6. Le revers évidé de notre sculpture indique que celle-ci devait autrefois être placée en fond de niche ou devant un panneau.
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Fig. 1. Altobello Persio, La Nativité, 1587, Bari, cathédrale d’Altamura.
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6. Cf. Nativité, terre cuite, xvie siècle, Leonessa, chiesa San Francesco. Atelier de Stefano da Putignano, Crèche, terre cuite polychrome, xvie siècle, Maranola, chiesa di Santa Maria dei Martiri. Altobello Persio, La Nativité, 1587, Bari, cathédrale d’Altamura.
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Médaillon profil soldat
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Médaillon représentant le profil d’un soldat
Medallion representing the profile of a soldier
Fer repoussé avec traces de polychromie et de dorure Espagne Début du xvie siècle Diamètre : 24 cm
Embossed iron with traces of polychromy and gilding Spain Early 16th century Diameter : 24 cm
Provenance : Collection privée, Paris
Provenance : Private collection, Paris bronze, très en vogue auprès des élites de l’époque, s’en fait l’écho, de même que celui du portrait peint, qui dans le climat humaniste du xvie siècle, exalte plus que jamais l’individu et témoigne de son émancipation.
Cette plaque en fer repoussé peinte et dorée s’inscrit dans la tradition italienne des médaillons d’inspiration antique mettant en avant une figure de profil, aux contours nets, se détachant sur un fond lisse à l’image des effigies célébrées de la Rome impériale. À la Renaissance, ces profils en médaillon sont remis au goût du jour et se diffusent dans toute l’Europe. L’art de la médaille en
Ici, ce type est transposé au cœur d’un médaillon ornemental cerné d’une couronne de laurier. En son centre se détache le profil d’un jeune homme coiffé d’un casque orné de rinceaux végétaux, ajusté sous son menton par deux lanières de cuir nouées. Moins intimiste qu’ostentatoire, ce médaillon all’antica se présente comme un élément de décor d’intérieur. Il pourrait ainsi vraisemblablement s’agir d’un élément de clôture de chapelle, de portillon ou encore de portail, dans l’esprit de l’Encadrement de porte espagnol conservé au musée Le Secq des Tournelles 1. La plupart de ces clôtures ayant été démembrées ou détruites au fil des siècles, ce médaillon se présente comme un témoignage exceptionnel de l’art des ferronniers du xvie siècle.
1. Encadrement de porte, fer, Espagne, xvie siècle, Rouen, musée Le Secq des Tournelles.
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Jeune femme au voile
Young woman with a veil
Pierre calcaire polychrome Bourgogne Milieu du xvie siècle H. 15 cm
Polychrome limestone Burgundy Mid-16th century H. 15 cm
Provenance : Collection privée, Paris
Provenance : Private collection, Paris
Si dans le premier tiers du xvie siècle la sculpture Bourguignonne témoigne de la persistance des formes gothiques, elle regorge également d’exemples qui attestent parallèlement de son inclination pour l’esthé tique renaissante. Son adoption se fait au prisme de la retranscription qu’en font les imagiers de la Loire et de la région de Troyes qui exercent alors sur elle une influence considérable. Ce visage féminin aux lignes douces et parfaites en est un excellent exemple. En effet, sculpté dans un calcaire extrait dans d’ancien nes carrières de la région de Tonnerre, qui fournit au xvie siècle une pierre statuaire exportée dans toute la Bourgogne mais aussi en Lorraine et en Île-de-France, il présente le caractère élégant et affable de la sculpture
du « Beau xvie siècle ». Toutefois, en dépit de ses yeux en amande et de sa bouche délicate et juvénile, quelques-uns de ses traits l’en éloignent pour le rapprocher davantage de la tradition bourguignonne. C’est le cas notamment de la rondeur du faciès, bien en chair, de son front court et de son nez épaté, leitmotivs de la sculpture originaire de cette région. Coiffée d’un léger voile qui laisse à moitié dégagée sa chevelure aux généreuses mèches ondées, cette tête fragmentaire peut être rapprochée de celle de la Vierge à l’Enfant de Commarin (Côte-d’Or) réalisée au milieu du xvie siècle 1. Sur ces deux œuvres, le voile est similaire, s’enroulant sur lui-même à la naissance de la nuque des deux femmes dont le visage rayonne du même discret contentement.
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Jeune femme au voile
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1. Vierge à l’Enfant, pierre calcaire polychrome, milieu du xvie siècle, Commarin, église Saint-Thibault.
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Médaillons de la Renaissance
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Rare médaillon de la Renaissance monté en pendentif : L’allégorie du Printemps (Flore ?) Pays germaniques du Sud (Augsbourg ou Nuremberg ?) Médaille en buis Milieu du xvie siècle Diamètre : 6,6 cm Montage moderne : torque souple en argent, cerclage et bélière en argent Inscription : 13956 NI:EI 16 Provenance : Ancienne Collection Panicali
Rare médaillon de la Renaissance monté en broche : Profil d’homme grimaçant Pays germaniques du Sud (Augsbourg ou Nuremberg ?) Médaille en buis Milieu du xvie siècle Montage moderne : cerclage et fermeture en argent Diamètre : 4,7 cm Inscription : 269
Galerie Sismann – Renaissance 2021
Provenance : Ancienne Collection Panicali
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Né dans l’Antiquité, le portrait en médaille connaît une résurgence en Europe à la Renaissance où, face à l’émergence d’un nouvel individualisme séculier et à un regain d’intérêt pour les civilisations classiques, il se constitue comme un genre à part entière. C’est en 1390 que la première médaille moderne aurait été réalisée. Celle-ci fut exécutée d’après une composition basée sur
Rare Renaissance medallion mounted as a pendant : Allegory of Spring (Flora ?) Southern Germany (Augsburg ou Nuremberg ?) Bowxood roundel Mid-16th Century Diameter : 6,6 cm Modern setting for necklace : Renaissance plaque mounted on a modern silver setting, one modern silver suspension brace and a modern flexible silver torc Registration : 13956 NI:EI 16 Provenance : Fomer Panicali Collection
Rare Renaissance medallion mounted as a brooch : Profile of a grimacing man Southern Germany (Augsburg ou Nuremberg ?) Bowxood roundel Mid-16th Century Modern setting for necklace: modern silver setting and clasp Diameter : 4,7 cm Registration : 269 Provenance : Fomer Collection Panicali
un sesterce romain pour célébrer la reprise de la cité de Padoue par Francesco Novello da Carrara 1. Cette innovation fut si notable qu’en 1402, Jean, duc de Berry, commanda une copie en plomb de cette œuvre pour sa collection. Toutefois, cette production prend véritablement son essor sous le ciseau de Pisanello, génie polyvalent de la première moitié
1. Médaille : Francesco II da Carrara, 1359-1406, seigneur de Padoue 1388-1405, argent, 1390, Washington, National Gallery of Art, 2006.115.1.a.
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Si en Italie, les premières médailles de la Renaissance sont réalisées en bronze, en
plomb, en étain, en argent et en or selon la technique de la fonte à la cire perdue, en Allemagne les sculpteurs semblent privilégier les modèles en bois et en pierre. En effet, dans le vaste empire des Habsbourg, l’art de la médaille devient très populaire dans les années 1500 où il se caractérise par la mise en avant de portraits au vérisme exigeant souvent associés à des motifs héraldiques éloquants qui ornent le revers de ces insignes. Dans le cadre des relations privilégiées qu’entretiennent les artistes de la Renaissance et leurs commanditaires, l’exécution d’une médaille à la gloire de son mécène représente pour certains sculpteurs allemands l’opportunité de nourrir leur propre renommée 2. Ces derniers rivalisent alors de technicité et d’invention pour en faire une brillante démonstration de leur talent.
2. Hans Daucher (?), Portrait de Friedrich III de Saxonie, bois, 1525, Vienne, Kunsthistorisches Museum, inv. Kunstkammer, 3879. Hans Schwartz, La Jeune fille et la Mort, buis, 1520, Berlin, Bode-Museum, inv. m 187. Friedrich Hagenauer, Portrait de Sebastian Liegsalz, bois fruitier, 1527, Munich, Bayerisches Nationalmuseum Münich, inv. r 466. Friedrich Hagenauer, Portrait de Matthaeus Schwarz, buis, 1530, New York, Frick Collection, inv. Chat. 49. 3. Hans Kels, Portrait de Carchesius, buis, 154, New York, The Metropolitan Museum of Art, 17.190.487. Anonyme, Portrait de Marie d’Autriche, buis, v.1 580, Londres, British Museum, inv. wb 249. 4. Christoph Weiditz, Portrait de Joachim Rehle, buis, 1529, Londres, Victoria and Albert Museum, a.504-1910. 5. Buste d’homme, buis, Allemagne, début du xvie siècle, New York, The Metropolitan Museum of Art, inv. 17.190.452 ; 30.135.2. 6. Portrait en médaille de Maximilien I, buis, milieu du xvie siècle, Berlin, Staatliche Museen.
Ayant triomphé des vicissitudes du temps, nos deux médaillons sculptés en buis se présentent ainsi comme de rares et remarquables témoignages de la production des
médailleurs de l’Empire à la Renaissance. Leur exécution virtuose les place en relation étroite avec le travail des plus grands médailleurs actifs à Augsbourg et à Nuremberg entre 1520 et 1580.
Galerie Sismann – Renaissance 2021
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du xve siècle, à la fois peintre, décorateur et bronzier pour les cours princières de la péninsule italienne, qui réalise en 1438 la célèbre médaille de l’empereur byzantin Jean VIII Paléologue. D’autres médailles exécutées dans les années 1440, comme celles de Francesco I Sforza, Filippo Maria Visconti, Leonello d’Este, Gianfrancesco Gonzaga et bien d’autres encore, scellent la réputation de grand médailleur de Pisanello. Dans son sillage, la mode des médailles se répand rapidement dans toute l’Italie, diffusée par des adeptes de premier plan comme Matteo de’Pasti (actif 1441-1468), qui travailla pour la famille Malatesta. Cette tradition s’établit ensuite au xvie siècle en Allemagne, dans les Anciens Pays-Bas et en France.
Ces enjeux sont palpables au sein de notre Allégorie du Printemps et de notre Portrait d’homme grimaçant. Ainsi, les sculpteurs ont ici fait le choix du buis, essence noble et difficile à travailler qui témoigne à elle seule de leur expérience et indirectement de l’importance que l’on accordait à ces commandes. La qualité de finition de ces œuvres, leur style et leur typologie les inscrivent dans un corpus exceptionnel de portraits en médaillon taillés dans du buis, rattachés aux Pays germaniques, dont très peu d’exemplaires ont survécu au fil des siècles. Marqués par un sens de la composition remarquable et par un souci de retranscription précise des caractères et individualités, nos médaillons marquent l’apogée de l’art du portrait renaissant allemand, et peuvent être rapprochés de créations similaires en buis comme le Portrait de Carchesius par Hans Kels le Jeune ou encore le Portrait de Marie d’Autri che réalisé par un artiste anonyme dans les années 1580 3. L’extrême précision qui caractérise le dessin et les contours de nos médaillons, très sensible dans ces modèles en buis, fait écho à celle du Portrait de Joachim Rehle 4, réalisé par Christoph Weiditz en 1529, ainsi qu’à celle de deux autres portraits d’hommes aujourd’hui conservés au Metropolitan Museum of Art à New York 5. Plus spécifiquement, un parallèle peut être établi entre notre Profil d’homme grimaçant et le Portrait en médaille de Maximilien I conservé au Staatliche Museen de Berlin 6, qui partagent tous deux cette même physionomie expressive teintée d’un vérisme jubilatoire.
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Recherches Gabriela et Mathieu Sismann Manon Lequio
Rédaction Gabriela Sismann Manon Lequio
Photographies Christophe Fouin
Illustrations complémentaires Nicolas Bousser : p. 10 (fig. 1). Francesco Caglioti : p. 113 (fig. 3). Mathieu Ferrier : p. 86 (fig. 1). Laurence et Henri Loreto : p. 116 (fig. 1) ; 118 (fig. 2). Solange Pajot : p. 43 (fig. 2). Mike Riddick : p. 138 (fig. 2). Gabriela Sismann : p. 18 (fig. 1-2) ; 26 (fig. 1) ; 36 (fig. 1) ; 37 (fig. 2) ; 38 (fig. 3) ; 46 (fig. 1) ; 48 (fig. 1) ; 50 (fig. 2) ; 54 (fig. 1) ; 56 (fig. 2) ; 62 (fig. 1) ; 63 (fig. 2) ; 66 (fig. 1) ; 70 (fig. 1) ; 72 (fig. 1) ; 74 (fig. 1) ; 78 (fig. 1) ; 80 (fig. 2) ; 92 (fig. 1) ; 96 (fig. 1-2) ; 146 (fig. 1-2) ; 152 (fig. 1). Cambi Casa d’Aste : p. 84 (fig. 1). Château de Brécy : p. 42 (fig. 1). Currier Museum of Art, Manchester (NH) : p. 110 (fig. 1). Galerie Cesati : p. 104 (fig. 1). Galleria Giorgio Franchetti, Venise : p. 122 (fig. 1). Kunsthistorisches Museum, Vienne : p. 88 (fig. 2) ; 134 (fig. 1). Los Angeles County Museum of Art : p. 112 (fig. 2). Palazzo Venezia, Rome : p. 126 (fig. 2). Skulpturensammlung und Museum für Byzantinische Kunst, Staatliche Museen zu Berlin : p. 126 (fig. 1). The Metropolitan Museum of Art, New York : p. 28 (fig. 2) ; 77 (fig. 2) ; 100 (fig. 1) ; 122 (fig. 2) ; 132 (fig. 1). Walters Art Museum, Baltimore : p. 140 (fig. 1).
Illustration de couverture : Autour de Bernardo Buontalenti (1531-1608), Mascaron Grotesque. Cliché Christophe Fouin.
Copyright 2021 © Gabriela Sismann et Manon Lequio Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation, même partielles, par quelque moyen que ce soit, et notamment par photocopie et technologie électronique, sont réservés pour tous pays. All rights for all countries, reproduction, adaptation, or tanslation, even partial, by any means whatsover, including photocopies, without the express written permission of the publisher is prohibited.