Editions Les Amis de l'Islam - Paris, 1984 ISBN 2-905290-00-5_
CHEIKH AHMED BEN MUSTAPHA AL ALAWI
Recherches philosophiques AL ABJ:lATH AL ALAWIYA FrL FALSAFA 'L lSLAMIYA
EDITIONS LES AMIS DE L'ISLAM 54, Avenue Henri Barbusse - 93700 DRANCY
DANS LA MÊME COLLECTION (A paraître)
Le Cheikh Ahmed Ben Mustapha AL ALAWI
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Cognitions Universelles Extraits du Diwan Sa Sagesse Le Dogme de l'Islam Réponses à l'Occident La mer en ébullition: Commentaire du Coran,
Léon LANGLET • Ainsi m'a parlé le Vénéré Cheikh Sidi Hadj Adda BENTOUNES,
Johan CAR77GNY •
Le Cheikh AL ALAWI :
Témoignages et Documents.
• EDITIONS LES AMIS DE L'ISLAM 54, Avenue Henri Barbusse - 93700 DRANCY
TABLE DES MATIÈRES
CHAPITRE 1
: INTRODUCTION GÉNÉRALE
CHAPITRE II
: LES ORIGINES DE L'HOMME
Pages 13
de la première recherche à la cinquième CHAPITRE III
: LEURS IMPLICATIONS INDIVIDUELLES
21
sixième et septième recherches CHAPITRE IV
: LES IMPLICATIONS SOCIALES
25
de la huitième recherche à la dixième CHAPITRE V
: LA RÉFUTATION DES THÉORIES DU MONDE MODERNE
31
de la onzième recherche à la vingtième CHAPITRE VI
: PHILOSOPHIE ET TRANSCENDANCE
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vingtième et vingt-et-unième recherches CHAPITRE VII : CIVILISATION ET RELIGION
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vingt-troisième recherche CHAPITRE VIII : LA LOI DIVINE
58
de la vingt-quatrième recherche à la vingtseptième CHAPITRE IX
: CONCLUSION GÉNÉRALE
68
CHAPITRE 1
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INTRODUCTION GENERALE Présenter la pensée du Cheikh AL ALA WI est sans doute quelque chose d'impossible. Pourtant nous nous sommes attachés à cette tâche dans la mesure de nos limites. Nous demandons au lecteur de nous pardonner d'avance toutes les erreurs, les mésinterprétations dont nous serions seuls responsables. Pourquoi publier ces recherches aujourd'hui? Ne sommes-nous pas déjà submergés par des philosophies aux origines les plus diverses? La réponse est peutêtre simplement que leurs traductions sont enfin terminées. Ou peut-être qu'elles attendaient des hommes pour les comprendre. Dieu seul le sait. Le Cheikh AL ALA WL son œuvre, sont fort peu connus du monde occidental. Voici donc l'occasion de nous frotter à son esprit. Ecrites dans les années 1920, enseignées à l'époque à ses seuls disciples, ces recherches renaissent aujourd'hui dans toute leur acuité intellectuelle et leur fraîcheur d'esprit. L'auteur écrivit aussi des traités d'astronomie, de sociologie, de droit, des recueils de poésie et bien d'autres encore. Son œuvre est donc considérable. Mais quelle est la nature de son inspiration philosophique? S'agit-il seulement de philosophie lorsque l'essence de cette dernière est la Révélation Coranique? Le Cheikh AL ALA WI nous propose un modèle qui n'est pas autre que celui du Prophète MOHAMMED (sur lui la Prière et la Paix). Il dit de lui: « Il est taxe du Tout, le phare de la sempiternité, un but pour l'humanité, et un point de départ pour les vérités Sacrées. » Il n 'y a donc pas de doute sur l'authenticité de son message. La simplicité de ses propos, l'usage d'un langage accessible à tous, viennent encore renforcer son orthodoxie. Grâce à une logique rigoureuse où l'honnête homme aurait quelques difficultés pour trouver une faille, mais aussi avec une courtoisie désarmante, le Cheikh AL ALA WI invite l'homme à l'aventure de la création. Ce chemin passe par l'acquisition des vertus dont le Prophète MOHAMMED (sur lui la Prière et la Paix) est l'exemple à suivre pour atteindre aux vérités Sacrées. Fidèle à la Tradition Islamique, il en développe toutes les applications depuis l'archétype en passant par l'homme. jusque dans la société. On y retrouve les caractéristiques de la Révélation Islamique où temporel et spirituel se rejoignent dans /'Unicité.
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RECHERCHES ALAWIYYA Dans la Philosophie Islamique AU NOM DE DIEU CLÉMENT ET MISÉRICORDIEUX
Louange à Dieu qui lia l'homme aux choses supérieures et célestes après l'avoir attaché à Lui et extrait de ses origines i1lfërieures ; ce quifit de lui la source de l'exisrence ('AYN AL WUJUD) et le centre du cercle des vertus (WA N NUQTA AL MARKAZIYYA LlDA 'IRATI AL FADA '1) et de la libéralité, et en tant qu'homme coriforme au sens voulu par sa création. Que le Salut et la Paix soient sur celui qui est pour l'humanité un but (GHAYA) et pour les Vérités sacrées un point de départ (BIDAYA). (H est) le phare de la sempitemité (NIBRASU AL ~ZAL), l'uxe du Tout (MIHWAR U AL KULL), qui appelle (les hommes) à Dieu avec Sa permission et qui connaît ses droits ainsi que ses devoirs. (Que le Salut et la Paix) soient également sur sa Famille, ses Compagnons et ses Proches. Parmi les choses importantes qu'il nous a été donné de comprendre et qu'il est de notre devoir de proposer, est la publication de ces recherches élémentaires se rapportant à l'enseignement Alawi, dispensé à des moments dj/férents et d'une façon irrégulière. Que le disciple enfasse son profit autant que ses capacités le lui permettent. Maintenant que ces recherches ont été dénombrées etpubliées et que notre but est d'en répandre l'usage, que celui qui les trauve utiles en fasse son profit! Dans le cas contraire: ({ C'est être bon musulman de ne pas s'occuper de ce qui ne vous regarde pas » (HADITH). CHEIKH AL ALAWI.
Il
CHAPITRE II
LES ORIGINES DE L'HOMME (Recherches 1 à 5) Elles sont doubles: - d'une part les choses supErieures et célestes; - d'autre part les choses in[erieures et terrestres représentées par les règnes minErai (MUTLAQ AL JISMIYA - littEralement la généralité des corps physiques ou le monde physique au sens strictement matEriel), végétal et animaL Le Cheikh AL ALA WI nous invite à considErer notre situation existentielle à travers une dialectique basée sur les règnes de la nature: - quel est notre degré de délivrance vis-à-vis des choses in[erieures; - quelle est l'intensité de notre rattachement aux choses supérieures. Ainsi l'origine de l'homme n'est pas posée comme un problème extErieur à luimême, qui remonterait à la nuit des temps. C'est une question personnelle à laquelle chacun se doit de répondre. L'action de la pensée, ce que le CheikhALALA Wl nomme "Al 'aql an nazari" c'est- à-dire en fait l'usage de toutes les facultés mentales propres à l'être humain et par lesquelles il traite les données accessibles à sa conscience, tel est le premier moyen à mettre en œuvre. Il nous pousse à rechercher la cause de ce vouloir qui place l'homme comme un trait d'union entre ces deux origines si opposées; il nous incite à perpétuer et transmettre cette connaissance. Mais cette action de la pensée n'est point suffisante: elle permet seulement un constat de départ. L'acquisition des vertus permet seule de se détacher des choses in[erieures afin de progresser. Plus l'individu développera son Humanité, plus il étendra sa sensibilité à travers les règnes. Son comportement et ses émotions s'en trouveront modifiés, le sens de la responsabilité le gagnera. plus celle-ci grandira, plus son poids fera de l'homme un serviteur du Miséricordieux un de ceux qui marchent humblement sur la terre. Ceci explique qu'un élément spécifique distingue l'homme de l'animaL Cependant cet élément est faible: il suffit de comparer nos manifestations corporelles à nos aspirations spirituelles pour le comprendre et en tirer les conclusions pour nousmêmes et pour autrui. 13
A ce srade de l'exposé, le Cheikh AL ALA WI en vient à définir l'homme. Il lui reconnaît un double aspect: - l'homme connu, c'est l'homme corporel; - l'homme ignoré. et c'est l'essence de l'homme. Chacun devrait pouvoir utiliser son intelligence afin de comprendre que ce qui fait l'homme, c'est cette Essence divine, et en dirigeant nos pas vers Elle, nous nous dirigeons vers nous- mêmes.
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PREMIÈRE RECHERCHE
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L'EXTRACTION DE L'HUMANITE DE SES TROIS ORIGINES
L'humanité a été extraite de ses trois origines, à savoir du règne minéral (MUTLAQ AL JISMIYYA . littéralemmt la généralité des corps physiques ou le monde physIque au sms strictemmt matérieO,du règne végétal (AL 'AJSAM AN NAMIYA) puis du rè~e animal (ALAfSAMALHAYAWANIYA). Et il est possible de dire
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de ces trois qu'elles sont soit inférieures à l'homme par rapport à sa position (AL MAKANA). soit supérieures quant à sa généralité (AL' A L1MMIYA). En effet, l'animalité est plus. générale que l'humanité; et à fortiori le minéral que le végétal. La séparation de l'homme du minéral fut acquise par sa capacité de croître (AN NUMUW), vibrer (ADH DHUBUI) et dépérir (AL HARAKA AL IRTI'ASHIYA). L'acquisition de ces caractères lui permit de participer au règne végétal duquel il se sépara encore grâce au flux vital (AL FAYAD AR RUHI) qui nécessite certaines qualités sensitives (AL 'IDRAKAT AL HISSIYA). Ces dernières qualités lui permirent d'intégrer le règne animal; duquel il se sépara par la raison spéculative (AL' AQL AN NAZARI . désigne généralemmt l'action de la pmsée plus pal1iculièremmt traditionnelle). De même que c'est sa raison spéculative qui a déterminé l'homme des choses inférieures et basses, de même c'est elle qui l'a rattaché aux choses supérieures et célestes. Aussi est-il considéré comme un trait d'union entre les deux positions opposées: la supérieure et l'inférieure. C'est uniquement à ce niveau que l'humanité peut exister. C'est au sujet de cette libération relative que Dieu a dit: « Et Il vous créa par étapes successives» ou encore.« Puis Nous le créâmes d'une création nouvelle» (Coran LXXXIII, 14).
Conclusion de la première recherche. Que chacun considère sa séparation et sa délivrance des choses inférieures et son rattachement aux choses supérieures, et surtout qu'il cherche bien la cause de cette séparation afm de la perpétuer et afin de ne pas faire partie des choses générales. 15
SECONDE RECHERCHE /
CE QU'EPROUVE L'HOMME A L'EGARD DE SES TROIS ORIGINES /
L'homme est solidement attaché à ses éléments inférieurs (en général) mais ses liens avec l'élément animal sont plus solides que ceux qu'il a avec l'élément végétal et ces derniers sont plus solides que ceux qu'il a avec le minéral. Aussi est-il sensible à l'animalité quand elle est perturbée; et ceci sans qu'on sache pourquoi au juste_ Au contraire, il s'émeut beaucoup moins à l'abattage des arbres, par exemple. De même il sémeut plus à la vue du monde végétal qu'à la vue du monde inerte. Sa sensibilité au monde animal est due à la force des liens qui le rattachent à lui et parce qu'il est tenu aussi de la prendre en considération, d'en prendre soin. La force des émotions de l'homme dépend aussi de la part d'humanité qu'il a en lui. Il serait capable, s'il était dépourvu de toute humanité, de ne pas éprouver la moindre émotion à la vue de l'anéantissement de l'espèce humaine toute entière, et de s'émouvoir au contraire à la vue du moindre animal. C'est à des gens pourvus d'humanité qu'il est fait allusion dans la Parole de Dieu (qu'Il soit glorifié) : « Les serviteurs du Miséricordieux sont ceux qui marchent humblement sur la terre et qui disent « Paix» aux ignorants qui sadressent à eux» (Coran XXV, 63). Le point important étant: « Qui marche humblement sur la terre ».
Conclusion de la seconde recherche. Que chacun considère son comportement et ses émotions (MU 'AMALATIH WA 'IHSASATIH) relativement à ses trois origines et qu'il remplisse ses obligations envers elles, selon la qualité des rappports qu'il entretient avec elles.
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TROISIÈME RECHERCHE
LA NATURE DES RAPPORTS DE L'HOMME , AVEC SES ORIGINES INFERIEURES
La chaîne des êtres est parfaitement agencée(MUHKAMATU T TANASUQ); aussi nécessairement rhumanité et ranimalité sont imbriquées rune dans r autre_ Et fimbrication de r élément animal dans r élément végétal est visible dans la coordination harmonieuse de ces deux éléments dans le processus natureL en plus de leur capacité commune de croître, de décroître et de se mouvoir. Ceci permet d'intégrer r animalité au règne végétal Et ceci nous semble vrai même si on fait abstraction de la Révélation, or celle-ci est claire: « Dieu vous a fait croître de la terre comme les plantes, puis Il vous y renverra et Il vous en fera ensuite surgir» (Coran LXXI, 17). Il est donc permis de dire que l'animal n'est qu'un végétal qui a été séparé de la terre et qui se nourrit par en haut, et que le végétal n'est qu'un animal qui a été fixé à la terre et qui se nourrit par en bas.« Dieu a créé tout animal à partir de l'eau» (Coran XXIV, 45) - est-il dit dans le Coran - et encore: «Nous créâmes toute chose à partir de l'eau» (Coran XXI, 30).
Conclusion de la troisième recherche. Que l'homme soit sûr que seule l'acquisition des vertus (IKIISAB AL FADA'II) peut le distinguer de ses origines inférieures. Dieu a dit: «Le plus
noble d'entre vous auprès de Dieu est le plus vertueux» (Coran XLIi 13).
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QUATRIÈME RECHERCHE
L'HOMME EST UN ANIMAL , QUI NE SE DISTINGUE , QUE PAR UNE CARACTERISTIQUE SPECIFIQUE SI ELLE SE TROUVE EN LUI
Il n'est pas nécessaire d'avoir une grande fmesse d'esprit pour mettre en évidence le lien qui unit Yhomme à r animalité. Si Yon admet que rhomme fait partie du genre animal et Que les animaux se divisent en plusieurs espèces, alors ce qui constitue Yhumanité en rhomme, c'est son Élément spécifique (AL KHASSIYA). Sans cet Élément spécifique il ne peut y avoir d'homme. Nous entendons par élément spécifique ce qui a différencié Yhomme du genre animal auquel il appartient et le place dans une position tout à fait à part Mais cet élément est moins fort en lui que r élément animal; aussi est- il plus animal qu'humain. Qu'il compare ses manifestations corporelles ('AWARlDAHU AL BADANIyyA) à ses aspirations spirituelles (NAWAZI'IHI AR RUHANIYYA) ; il constatera sans aucun doute, la faiblesse de ces dernières; aussi voit-on que les rapports des hommes entre eux ressemblent fort aux rapports des animaux entre eux, et même, dans certains cas, sont pires. Ainsi donc, le concept d'humanité paraît vide de tout contenu. Et si cette humanité avait quelque existence réelle, elle serait soit inefficace, soit subrepticement agissante (MA,DUMAW AT TA'THIR AW 'AMlIA FJ'L KHAFA) de crainte d'être dévorée par les bêtes féroces. Autrement elle aurait apparu en un lieu qui peut être remarqué.
Conclusion de la quatrième recherche. Que chacun constate autour de lui, dans quelle mesure ses semblables sont proches de Yhumanitéou de ranimalité; et qu'il n'oublie pas d'en tirer la leçon.
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CINQUIÈME RECHERCHE
RÉPONSE A LA QUESTION DE SAVOIR QU'EST-CE QUE L'HOMME?
L'homme est un être capable de se multiplier et de se gouverner luimême. Certes, on ne peut le définir ainsi que dans la mesure où on peut le voir et le toucher; mais si on prend e'n considération le fait que ses sens ne dépassent pas le stade de l'animalité, cette définition apparaît alors comme insatisfaisante. On est donc obligé de dire, pour défmir l'homme, que la notion d'homme a une double signification: - La première concerne l'homme corporel qu'on peut voir et toucher et caractérisé par sa particularité ct' espèce. - La seconde concerne l'homme en tant que possédant certaines qualités et caractéristiques dont la principale l'élève au-dessus de ses instincts naturels et de tout ce qui est de la nature du mal. La première pourrait être appelée «l'homme connu» (AL INSAN AL MA'QUI) et la seconde «l'homme ignoré,; (AL 'INSAN AL MAJHUI). Il ne nous reste plus qu'à répéter - « S'ils t'interrogent au sujet de l'esprit, dis: L'esprit procède du Commandement de mon Seigneur» (Coran XVII, 85).
C'est que nous ne pouvons reconnmtre cet « homme ignoré» derrière cette forme dense (ASH SHAKL AL KATIIIP) et ce tempérament dur (AT TAB' AL MUTAHAJJIR), que dans la mesure où il manifeste parfois de grandes capacités intellectuelles (MIN BU'D AL MADARIK) et une très fme sensibilité (WA RAQIQI ASH SHU'UR). Nous nous étonnons et nous disons alors: «A Dieu ne plaise! celui-ci n'est pas mortel! » (Coran XII, 31). Cependant nous désirons le connaître, bien qu'il soit un être humain. Qui peut nous renseigner sur lui, et nous rafraîchir ainsi le cœur et tranquilliser l'esprit? Les facultés de l'être humain peuvent-elles lui permettre ct' atteindre à une connaissance profonde de l'essence de l'homme (KUNH MA 'NA AL 'INSAN) ? La considération de l'analogie montre qu'il n'en est rien. rai constaté en effet que chacune de ses capacités ct'appréhension était incapable d'atteindre sa propre essence. L'œil par exemple est incapable de se 19
voir, et ainsi de suite... Même la raison, qui connaît ce qui peut être connaissable, se trouve incapable de savoir ce qui fait précisêment la raison. Ces exemples nous montrent que l'être humain est incapable ct' atteindre ce qui fait de lui un être humain, à moins que Dieu ne l'élève jusqu'à Lui. Mais il peut toutefois croire que l'essence humaine (AL JAWHARU AL 'INSANI) est la plus noble chose parmi tout ce que contient l'univers.
Conclusion de la cinquième recherche. Il faudrait que l'homme utilise son intelligence (ISTIKH DAM AL QARlHA WA 'STlLFATU AN NAZAR) et dirige son attention vers ce qui en fait un être humain, et ceci conformément à la parole divine: « Et en vousmêmes, ne voyez-vous pas?» (Coran U, 21). Peut-être trouvera-t-il ainsi ce qu'il cherche. Et aussi« Celui qui se connaît connaît son Seigneur », dit la tradition.
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CHAPITRE III
LES IMPLICATIONS INDIVIDUELLES (Recherches 6 et 7) Cette philosophie nous donne les moyens de répondre aux questions suivantes: - qui sommes- nous? - d'où venons- nous? Elle ne nous fournit pas la réponse mais nous ouvre un chemin pour y parvenir. En effet, cette découverte passe par un effort individuel où nul ne peut agir à notre place. L'héritage que l'homme reçoit des règnes précédents est le lieu de travail du chercheur. Ces traces sont à la fois une oppormnité issue d'un Vouloir divin mais aussi une limitation et un voile vis-à- vis des Vérités célestes. Par l'effort l'éducation la volonté, l'homme se confondra au Projet divin dans lequel la soumission active la plus parfaite est le terme Ultime. En considérant ses origines inferieures, l'homme constatera leur implication dans ses mouvements corporels et mentaux, Ainsi s'établira une hiérarchie humaine dont l'élite est faite d'hommes aux actions volontaires et cohérentes. Ce petit groupe d'hommes est le véritable moteur de la société; Il est responsable d'elle, Ces êtres d'élite marchent humblement sur la terre, ils sont consacrés au service d'autrui. Que chacun trouve la place qui lui revient« en craignant Dieu dans l'objet de son choix ».
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SIXIÈME RECHERCHE
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LA REPERCUSSION SUR L'HOMME , DE SES ETATS ORIGINELS
L'homme garde nécessairement quelques traces de ses origines ou plutôt des (trois) étapes élémentaires par lesquelles il a dû passer. Sa capacité de s'abstraire de ces dernières dépend de l'état de sa substance humaine. (Telle substance humaine) ne peut se défaire totalement de son élément le plus lointain. à savoir l'élément minéral, et manifeste une dureté (lUM UV) qui le relie à son origine solide. Il apparaît alors aussi dur qu'une pierre, sinon plus. Telle autre substance humaine qui arrive à se défaire, grâce à ses prédispositions (lSTI'])ADIH), de son élément lointain, ne tarde pas à subir les effets de son élément médian, à savoir r élément végétal. Il est soumis alors à des mouvements désordonnés, généralement peu appréciés qui sont le propre des végétaux. Ces mouvements apparaissent sous r effet des tendances plus que sous l'effet de la volonté. Telle autre substance humaine encore arrive, gràce à ses prédispositions à se défaire aussi bien de son élément médian que de son élément lointain; mais son élément proche, â savoir r élément animal. ne manque pas d'agir sur elle, car il en fait partie. Il est cependant vrai que cette partie peut être éduquee et utilisée rationnellement si le tempérament naturel est bon. C'est pourquoi, des soins sont exigés et une éducation est indiquée.
Conclusion de la sixième recherche. Que chacun regarde bien si une influence quelconque de ses trois origines ne s'est pas infiltrée dans sa substance subtile (lA WHARUHU AL LATIF) ; et qu'il s'en défasse alors, fût-ce en forçant la nature.
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SEPTIÈME RECHERCHE
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LES CATEGORIES HUMAINES DU POINT DE VUE DU MOUVEMENT ET DE L'INERTIE
Il existe deux espèces de mouvements chez l'être humain: le mouvement mental et le mouvement corporel. Relativement au mouvement mentaL les hommes se divisent en plusieurs catégories hiérarchiques. Certains sont dénués de tout mouvement spéculatif (AIAMU AN NATIQIYYA). Cette catégorie est dans le monde rationnel ('AIAMU AL MA'QUIA]) comme la pierre dans le domaine sensible (:AIAMU AL MAHSUSA]) ; elle ne se meut que grâce à une autre force. n en est qui sont doués de mouvement, mais d'un mouvement tout anarchique, non gouverné par la volonté et qui ressemble fort à une agitation désordonnée. Le mouvement de cette catégorie peut être utilisé dans le domaine intelligible comme l'est le mouvement des arbres et autrès plantes dans le domaine sensible; mais ce genre de mouvement est peu intéressant car soumis aux caprices. Il en est qui sont doués d'un mouvement régulier et volontaire; mais ce mouvement est utile pour les autres plus qu'il ne l'est pour son auteur. L'utilité de cette catégorie dans le domaine intelligible, est analogue à celle des animaux soumis à l'homme dans le monde sensible. Il en est qui sont doués d'un certain mouvement auquel les autres espèces de mouvements mentaux (AL HARAKAT AL FIKR1YYA) sont soumis: ce sont les grands penseurs qui caractérisent chaque époque; et leur fonction dans le domaine intelligible est analogue à la fonction de l'homme dans le monde sensible. Cette classe d'êtres est la plus élevée; parmi ses membres figurent les prophètes et r-élite. Quant au mouvement corporel (AL HARAKA AL BADANIYYA) il est analogue au mouvement mental dans la mesure où les hommes se divisent là aussi en plusieurs catégories. Il en est qui sont comme inertes. Ils ne sont utiles ni à eux-mêmes ni à autrui. De tels individus sont dans la société humaine semblables à un membre mort dans un corps humain. n en est dont l'action est soumise aux caprices et manque de cohérence. Une telle action est 23
tantôt bénéfique à la société tantôt nuisible. Il en est dont r action est soumise à la volonté et est cohérente; une telle action est utile à son auteur et r est aussi à la société; à condition cependant que la personne concernée soit au service d'autrui. Quant à rélite des gens d'action et qui sont doués d'une forte personnalité, leur effet sur les hommes est semblable à celui de rhomme sur les animaux. Cette classe d'hommes comporte les princes".les rois, et les puissants. Dieu a dit: « Nous avons élevé les uns au-dessus des autres, afin que les premiers réduisent les autres en servitude» (Coran xun, 32).
Conclusion de la septième recherche. Que chacun repère bien sa place entre toutes ces catégories, qu'il choisisse ce qu'il préfère et qu'il craigne Dieu dans r objet de son choix.
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CHAPITRE IV
LES IMPLICATIONS SOCIALES (Recherches 8. 9 et 10) Le Cheikh ALAIA WI utilise une symbolique corporelle dans sa démonstration des implications sociales. En effet, selon lui, les mêmes archétypes président à l'organisation du corps humain et à celle des sociétés humaines. Il s'agit encore d'un fait d'observation très simple où la description de telle ou telle fonction permet de faire le lien entre les deux domaines. Si l'on regarde de près notre propre corps, par exemple, on est émerveillé de cette harmonie si paifaite qu'elle se fait oublier. Chaque partie de nous-mêmes semble correspondre à une fonction indispensable; c'est ainsi qu'il ne nous viendrait pas à /'idée de préferer nos mains à nos pieds. Il devrait en être de même si l'on considère une société. Pourtant il existe une hiérarchie. Si nous possédons une tête pour nous guider, la société humaine a tout autant besoin de dirigeants "à sa tête". Les principes d'organisation de la vie sociale relèvent aussi de la double nature humaine: les lois temporelles dans leur rôle de barrage vis-à-vis de l'animalité de l'homme, l'homme "connu", ainsi que les Lois divines (qui sont la source des lois temporelles) mais qui concernent l'homme "ignoré" en nous. Toutes ces lois président à sa protection et à son développement afin de mener à terme cette seconde naissance. Si le couple "menace-promesse" était et reste le gardefou de l'humanité, cependant sa formulation nécessite quelques adaptations pour répondre aux besoins de notre époque. Ainsi, pouvoir spirituel et pouvoir temporel se prolongent l'un l'autre pour la sauvegarde de l'humanité. Le danger réside non seulement dans la non- reconnaissance des Lois divines universelles, mais aussi dans leur falsification.
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HUITIÈME RECHERCHE
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L'HOMME EST A LA SOCIETE CE QUE LE MEMBRE EST AU CORPS Les hommes constituent une vérité unique (MUITAHID AL HAQIQA), même s'ils sont nombreux et cette vérité n'agit qu'en vue de fortifier l'humanité en l'homme. C'est qu'en réalité, l'homme n'est point multiple. Dieu a dit : « Votre création et votre résurrection sont pour Lui comme celle d'un seul être» (Coran XXXI, 28). Ceci montre que Yindividu humain est, par rapport à la société comme le membre par rapport au corps. Or, les membres et organes du corps diffèrent entre eux; car diverses sont leurs fonctions. On ne peut se dispenser cl' aucun d'entre eux, quel qu'il soit, sous prétexte qu'il existe un autre membre ou organe plus noble. Chacun d'entre eux est noble en raison de sa nécessité et de r avantage que le corps peut en tirer; c'est que les besoins du corps sont liés à ses membres et à ses organes. Il en est de même de la société humaine: ses besoins sont liés aux membres qui la constituent Chaque groupe a la responsabilité de certains besoins de. l'homme, et il doit les satisfaire. En aucun cas on ne peut se dispenser de ce groupe. Il en est de même de chaque membre de la communauté; « Chacun peut faire ce pour quoi il a été créé » dit un Hadith. Tant qu'un membre du groupe travaille pour le bien de la communauté plus que pour lui-même, il peut être considéré comme un membre dynamique de la société. Dans le cas contraire il serait semblable à une partie du corps atteinte de paralysie et dont r existence fait au corps plus de mal que de bien. A cet égard. les membres et organes du corps sont très instructifs. L'activité de chacun d'eux profite beaucoup plus aux autres parties du corps qu'à lui-même et tous ensemble s'unissent pour le bienfait du même corps; par exemple, tandis que les sens participent tous ensemble à r augmentation de la perception (TAQVVIYYATIJ ALHISSI ALMUSHTARAK), la raison choisit ce qui est utile au corps. Même la raison n'agit pas pour elle-même mais pour l'ensemble du corps; aussi, loin de viser un bien égoïste, l'activité des organes des sens et des facultés morales (AL IDRAKAT AL BATINA) visent le bien de l'ensemble des parties du corps. 26
A partir de là, il est facile de généraliser la thèse. Ce que nous essayons de faire comprendre, c est que l'individu humain doit être considéré par rapport au corps social comme l'organe par rapport au corps proprement dit Il doit donc agir plus en vue du bien de la collectivité qu'en vue de son bien propre. Bien entendu il aura la part qui lui revient, car en tant que membre de la collectivité, il est heureux ou malheureux selon qu'elle- même est heureuse ou malheureuse. Si l'ensemble de la collectivité décide de faire respecter cette règle pour chacun de ses membres, nul doute que tôt ou tard, elle connaîtra le bonheur et son prestige parmi les nations. Ceci devrait être l'objectif de tout RÉFORMATEUR (MUSLlH).
L'une des meilleures références à ce propos est la parole du Prophète, sur lui la Paix et le Salut, (selon laquelle) : «les croyants sont semblables à un seul corps; si l'un de ses organes est malade, tout le corps est atteint par l'insomnie et la fièvre ». Comment en effet, expliquer que tout le corps soit ainsi atteint si ce n'est parce que l'organe dont il sagit est plus utile au corps qu'à lui-même. Il en est de même de l'individu qui est utile à la société; si celui-ci se plaint de quelque mal, celle-ci ne tardera pas à en souffIir.
Conclusion de la huitième recherche. Que chacun repère bien la place qui lui revient dans r ensemble de la société et qu'il sinterroge sur son activité ou son inertie ainsi que sur la valeur et r utilité de son action.
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NEUVIÈME RECHERCHE
DE CE QUI FAIT LA VALEUR DE L'HOMME , AU SEIN DE LA COMMUNAUTE L'homme est considéré dans sa société relativement aux besoins, aux nécessités et aux choses complémentaires qu'il est capable de satisfaire au profit du corps social. Ceci explique l'adage selon lequel: « La valeur d'un homme réside dans ce qu'il fait de bien ». En cela, les hommes sont semblables aux organes d'un même corps. La valeur (utilitaire) de l'œil par exemple, n'est pas la même que celle de la paupière ni celle de la paupière celle des sourcils; mais aucun organe n'est inutile. Il en est de même de l'homme dans la société. Bien que de valeurs différentes, aucune créature n'est vaine. C'est ainsi que les êtres humains n'ont point été créés inutilement. bien que leurs actes ne soient pas toujours bons. A ce propos le Coran affirme:« Croyez-vous que nous vous avons créés vainement et que vous ne serez point vers Nous de retour? » (Coran XXIII. ilS). Il arrive toutefois que l'on ne perçoive pas toujours la secrète raison (WAJHU AL HIKMA) pour laquelle telle personne se trouve dans telle situation; mais on devient plus conscient du fait que l'égalité parfaite est utopique. Par conséquent personne ne devrait sous-estimer la fonction qui est la sienne dans la société quelle que soit la modestie de cette fonction. Ceci à condition qu'il ne se départisse point d'un certain réalisme, car il ne peut violer les lois naturelles (FITRATU AL LAH) auxquelles Dieu a soumis les hommes. C'est que Dieu a donné à chacune de ses créatures la part qui lui revient Que chacun agisse donc conformément à la nature de ses capacités, et qu'il développe (ces dernières) autant qu' il le peut C'est mieux pour lui et plus utiles pour ses semblables. La vérité d'une chose ne peut se tranformer en son contraire, même si on s'efforçait d'y parvenir; l'ouïe ne pourra jamais voir ni la main parler; et aucun organe ne peut faire autre chose que ce pour quoi il a été créé.
Conclusion de la neuvième recherche. Tout ceci peut être utile à l'être humain dans la mesure où cela lui permet de pénétrer le secret des choses ('ASRARU AL KA 'INAT) et de le percevoir dans les plus petites créatures. Il ne peut alors dédaigner aucune d'elles quel que soit le degré inférieur où elle se trouve. 2&
DIXIÈME RECHERCHE
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LA SOCIETE HUMAINE A BESOIN DE DIRIGEANTS
Nous avons vu dans les analyses précédentes que Yhomme était plus ancré dans son « animalité» qu'il ne Yest dans son humanité; autrement dit il est plus animal qu'humain. Aussi a·t-il besoin d'un guide. C'est pourquoi aussi, la Sagesse divine a-t-elle fait en sorte qu'il soit comme assujetti à des lois célestes (AWDA' SAMAWIYYA). En fait Yhomme a volontairement choisi cette situation et ceci en raison de sa croyance en un monde de YAu-delà. Cette croyance a pour origine le couple « menace - promesse» (AT TARGHIB WAT TARHIB) et constitue pour la société humaine un garde-fou par rapport à son humanité. Par contre son animalité a besoin d'un barrage (MUWAZIR) et ce barrage n'est autre que les lois édictées par le pouvoir temporel (AL QAWANIN AS SULTANIYYA). La Sagesse divine a fait en sorte que ces lois viennent compléter les ordres divins en vue de guider Yhomme et de maitriser extérieurement son animalité. La religion et le pouvoir politique apparaissent comme associés en vue d'éduquer le comportement de Yhomme, de sorte que chacun ct' eux a besoin de Yautre. Si par exemple, la religion venait à rester silencieuse sur quelque point d'ordre éthique ou autre, le pouvoir politique interviendrait et la compléterait sur ce point Il est donc nécessaire qu'il y ait les deux ensemble. Quant à celui qui prétend que le pouvoir politique n'a pas besoin de la religion et peut à lui seul garantir les droits et les devoirs des citoyens, celui-là est dans Yerreur. L'incroyant, en effet, ne respecte les lois que lorsqu'il est en public et nullement en secret C'est que les sanctions rigoureuses prévues à Yencontre de tout contrevenant aux lois ne sont appliquées que sur preuves concrètes; elles ne sont donc dissuasives que tant qu'il se sent observé. Mais qui Yempêche, lorsqu'il se trouve seul avec de Yargent qui ne lui appartient pas ou une femme qui n'est pas la sienne, de commettre un forfait s'il sait qu'il n'est pas observé. Par Dieu! Nul ne peut Yen empêcher sauf s'il craint Dieu le Seigneur des mondes. Celui qui, dans Yélaboration des normes fait fi des interdictions ct' origine peut être suspecté dans sa foi; c'est comme s'il permettait la transgression des 29
lois chaque fois que r on se trouve à r abri des regards indiscrets. Il est homme en public et animal dans le secret Mais le fait que nous estimions nécessaire Yintervention d'un pouvoir sacré et tout interne (SULTA DINIITA BATINIITA) pour aider le pouvoir externe (AS SULTA AZ ZAHIRIITA) qu'est le pouvoir politique afin de protéger la liberté de l'homme dans son corps, ses biens et son honneur et afin qu'il soit protégé dans le secret et en public, ne signifie pas que nous concevions ce pouvoir sacré comme une simple institution (MUJARRAD SIYASA) appelée « loi divine ». Quelqu'un qui soutiendrait une telle conception, le ferait en pensant que cette loi divine ne sadresse pas à lui et qu'il est parfaitement au courant de la situation réelle. Un tel individu fait donc nécessairement partie de ceux qui estiment que la violation des lois dans le secret est pe=ise. Or c'est cela contre quoi nous avions mis en garde précédemment L'homme ne peut être totaIementà l'abri de rerreurque s'il considère les impératifs divins (AL 'AWAM!R AL 'fLAHlITA) de la même façon qu'il considère les lois humaines(AL QAWAN!N ASSULTANIITA), c'est-à-dire des lois au sens propre et non pas au sens figuré ('ALA AL HAQ!QA LA AL MAJAZI. C'est alors seulement qu'il rentre dans la catégorie de ceux qui croient en Dieu et au jugement dernier.
Conclusion de la dixième recherche. Qu'il soit clair que le rôle de la religion dans la protection des droits de l'homme n'est pas moins important que celui du pouvoir politique.
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CHAPITRE V
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LA REFUTATION DES THEORIES DU MONDE MODERNE (Recherches Il à 20) La pensée du Cheikh AL ALA WI ne prétend pas devoir s'accorder à celle des philosophes modernes. C'est tout l'inverse. A vec courtoisie mais fermeté, il analvse les mécanismes de cette dernière à la lumière de la Parole de Dieu. Pour lui, la croyance en un Être Unique dirigeant l'univers est une donnée constitutive de l'homme quelle que soit laforme qu'elle revêt. A l'échelle de l'humanité la négation de cette croyance est unfait limité à lafois dans le temps et l'espace même si aujourd'hui elle donne l'apparence d'un fait tenu pour certain. Seul un petit groupe d'hommes a pu se séparer de la chaîne des mondes et du cercle de l'Unicité. C'est l'acte d'infidélité par excellence, puisqu'il s'oppose à un principe inné et qu'il ouvre la porte à toutes les autres infidélités. Le Cheikh reprend alors point par point les justificatifs allégués par ceux qui s'excluent de l'Unicité, - la conscience morale: son échec s'affirme tous les jours dans les faits. Comment en aurait-il pu être autrement quand elle s'est séparée du principe? - la pensée rationnelle: quand on constate qu'elle peut déjà se tromper dans son propre domaine, elle n'en est que plus incertaine dans ce qui la dépasse. - la liberté de conscience: c'est une arme à double tranchant. Elle fait la noblesse du caractère de l'homme mais cause aussi souvent sa perte. Elle devrait être un moyen de réalisation et non de rupture avec le Divin. Autant que la négation du Divin il critique l'image d'un dieu personnalisé. Cette représentation de la Divinité était chose plus courante à son époque, mais contrairement aux matérialistes qui en font un motifde leur incroyance, il replace Dieu en un Infini qui est son ordre propre. La réfutation des tenants de la pensée moderne ne sous-entend pas un rejet des progrès sur le plan matériel. L'homme tire en effet un orgueil unilatéral de ceux-ci, sans percevoir qu'ils sont la manifestation d'un Vouloir divin.
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ONZIÈME RECHERCHE
THÈSE DE CEUX QUI ESTIMENT QUE LA VOlX DE LA CONSCIENCE PEUT REMPLACER LA RELIGION DANS L'EMPÊCHEMENT DES, HOMMES DE COMMETTRE DES MEFAITS
Il se peut qu'on dise ceci: « Si les Anciens étaient ct' accord pour estimer que l'observation des lois divines était nécessaire pour garantir à l'homme ses droits et ses devoirs, c'est parce que cela était rendu nécessaire par les conditions (historiques) de l'époque et parcè qu'il fallait bien atteindre l' objectif visé par tout réformateur, à savoir de faire régner la paix et d'en créer les conditions chez l'homme. (Par contre) aujourd'hui les idées ont évolué et les esprits ont progressé à tel point qu'on peut organiser ses propres affaires sans avoir besoin de recourir aux lois divines. Pour ne pas faire ce qu'il ne faut pas faire, il suffit maintenant à l'homme que la voix de la conscience (SA WTU AD DAMIR) le réprimande de l'intérieur. » A notre avis ceci est une plaisanterie (KHUZA :ABALA) qui ne peut tromper que les faibles, et une thèse sans fondement démentie par les faits. Le nombre des crimes quotidiens est là pour le prouver; et ces crimes sont généralement le fait d'individus irréligieyx; qu'ils sont loin alors, ces individus, de la voix de leur conscience morale, si conscience morale il y a comme on le prétend! Quand le libertinage (AL IBARA) s'introduit dans une communauté,il chasse la foi qui s'y trouvait et s'installe à sa place. Il ne tarde pas alors à lever tous les barrages dont fait partie la voix de la conscience. Cette dernière constitue, en effeL un barrage entre l'individu et ses désirs, et le libertin la considère èomme une entrave dont l'élimination permema enfin (de goûter) au repos ou bien à la tranquillité. D'ailleurs si cette conscience morale s'oppose à son action, elle reste néanmoins très faible et ne donne aucun résultat (positif). C'est que ses énergies sont aussi faibles que la croyance en l'Au-delà Dans la mesure où le libeitin ne se réfere à aucun Au-delà, une telle idée (si elle l'effleure) est considérée plutôt par lui comme une sorte de mauvaise pensée à laquelle il vaut mieux ne pas prêter attention. Il s'agit au contraire de réserver le plus clair de son temps à la satisfaction de ses désirs. 32
D'une façon générale, aucune personne impartiale ne peut accorder de crédit à la thèse selon laquelle la voix de la conscience peut être le garant des droits et des devoirs des hommes. Celui qui est gouverné par ses instincts ne pense (en réalité) qu'à la satisfaction de ses désirs par n'importe quel moyen.
Conclusion de la onzième recherche. Qu'on soit sûr d'une chose: Rien ne vaut le sentiment religieux et la conscience de ce qu'il y a après la mort pour aider le pouvoir politique à protéger les droits et les devoirs des gens.
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DOUZIÈME RECHERCHE
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DE ,LA CONSIDERATION DES LOIS , ELABOREES PAR L'HOMME PAR RAPPORT AUX NORMES DIVINES
Les juristes modernes estiment que l'homme est actuellement un être majeur et ne peut plus être considéré comme un incapable. Il peut élaborer ses propres nonnes, selon ses propres besoins, sans se sentir lié à aucune loi ancienne. C'est ce que pensent (les juristes modernes). Abstraction faite de la Vérité de ce qu'avance ce groupe (de gens), nous estimons qu'on ne peut rien en dire avant de comparer les deux types de nonnes: les nonnes divines (AT TASHRI AL HAQQI) et les nonnes humaines (AT TASHRI AL KHALQI). Le juriste lui-même reconnaJ.t qu'il lui est généralement impossible, au cours de l'élaboration des lois, de ne pas prendre en considération certaines questions personnelles ou certains intérêts particuliers. Ceci est général dans les régimes républicains et à fortiori quand il s agit d'un pouvoir personnel et tyrannique. Aussi. le droit élaboré porte-t-il parfois non pas son propre nom, mais le nom de celui qui l'a institué. En outre il ne peut être appliqué que s'il est accompagné de la force ; donc c'est la force qui fonde ce droit et non pas la justice (AL HAQQ) et la sagesse (AL HIKMA). G est pourquoi dès que la force échappe à celui qui la détient (ce qui est nonnal chez une créature), le droit se transfonne en son contraire ou n'est plus appliqué. La force étant passée au camp opposé, celui-ci ne manquera pas de la mettre au service de ses intérêts. C'est pourquoi on voit le peuple et surtout les classes les plus faibles ne jamais arriver à se soustraire aux conséquences des intérêts particuliers. On le voit soumis au bon vouloir de ceux qui font le droit et qui disposent de lui et de ses biens comme ils l'entendent et selon leur bon plaisir. Voilà la vérité de sa situation. Quant aux nonnes divines, elles sont de nature fixe et ne peuvent être changées; elles sappliquent à la fois au maître et au sujet (AR RAIS WAL 34
MAR'US) et ne souffrent point d'exception. Celui qui vit à leur ombre est
assuré pour toujours contre les changements (humains) qui arrivent sans cesse et ceci grâce au pouvoir que Dieu y a déposé.
Conclusion de la douzième recherche. Contrairement aux lois élaborées par les hommes, les lois divines ne sont pas influencées par des intérêts particuliers quelconques.
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TREIZIÈME RECHERCHE
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DE LA PRISE EN CONSIDERATION DE CELUI QUI DIRIGE L'UNIVERS, A SAVOIR DIEU, GLORIFIE ET MAGNIFIE SOIT-IL
L'origine profonde (AL :ASLAL :ASI!) de ce que nous venons de dire, à savoir qu'un «pouvoir» religieux qui aide le pouvoir politique à sauvegarder les droits de l'homme est nécessaire, (cette origine) découle de la croyance en l'existence d'un Etre qui gouverne l'univers. Les nations anciennes et modernes qui peuplent la terre, malgré la diversité de leurs croyances, reconnaissent l'existence d'un tel Etre. Malgré la multiplicité de leurs doctrines, elles croient toutes en l'existence d'une Divinité, elles different uniquement dans l'idée qu'elles se font de la Vérité; c'est-à-dire de son essence et de sa qualité (AL MAHIYA WAi KAYF). Chacun essaye de s'en faire une idée en recourant soit à la réflexion personnelle ('IJTIHADUHA) soit au livre (qui lui a été révélé). C'est la raison pour laquelle il y a tant de communautés et tant de sectes. Quoi qu'il en soit, le point de rencontre de toutes les oppositions est la croyance (en l'existence d'un tel Etre) ; seul un petit groupe faisant exception a nié Son existence et s'en est remis à titre de justification à des incompétents en la matière. Ah ! si ce groupe avait reconnu la divinité comme fondement de justification! il aurait alors (implicitement) admis, d'une certaine manière l'existence (de Dieu) et aurait fait partie, malgré la non-adéquation de sa croyance, du cercle de ceux qui croient en l'Unicité. Mais ce groupe de gens, ayant écarté (de ses convictions) un élément important s'est trouvé opposé à ce que la majorité de l'humanité avait admis. Il en subira donc nécessairement les conséquences ici-bas et dans l'Au-delà. (Il en est ainsi) parce qu'il s'agit de l'infidélité par excellence et que tous les autres actes d'infidélité en dérivent Dieu a dit: «Il en est ainsi, Dieu est le Maitre des croyants. Les infidèles ilen ont point » (Coran XLVII, 1 J). Autrement dit, ils ne croient pas en Lui. Une telle attitl)de est susceptible de heurter ceux qui croient, quels qu'ils soient Outre leur refus de croire, on les voit s'affairer à répandre avec enthousiasme leur doctrine (:AIA NASHRI MADHHABlHIM), croyant qu'ils ont ainsi 36
là, l'un des savoirs dû au progrès humain. Ils ne savent pas que leur incroyance en Dieu est une force de sauvagerie. Ceci devrait etre considéré comme une blessure dans le flanc de l'humanité ou comme un reste d'animalité. S'il est vrai quune telle croyance ait été celle des Anciens ainsi que le montre le Coran qui dit: « Ils disent: Il n'y a pour nous que notre vie présente, nous vivons et nous mourrons, le temps seul nous anéantit» (Coran XLV, 24). On ne peut donc considérer cette croyance comme étant l'un des meilleurs aspects de notre époque dite de progrès. Cette croyance est le fruit cr époques reculées et de peuples primitifs et il n'est pas étonnant que la conduite de gens de ces époques anciennes ait été comme ra rapporté le Coran: « Ils ne sont comparables qu à des bestiaux, et plus égarés encore, loin du chemin droit» (Coran XXV, 44). L'étonnant est que de telles doctrines soient professées par des hommes de valeur (MIN 'ARBABI AL 'AHAMMIYYA) qui, s'ils s'amendaient, le monde entier serait amendé à son tour.
Conclusion de la treizième recherche. Il faut tenter de convaincre le sceptique (AL MUTASHAKKIK) de rentrer dans le cercle de ceux qui croient en l'Unicité (DA'IRATU AL MUIHBITIN), même avec le minimum requis pour cela Car la Vérité ne peut sortir du cercle de l'affirmation de l'Unicité ('AN DA'IRAT AL 'ITHBAT) et ne peut être saisie que là.
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QUATORZIÈME RECHERCHE
LA RAISON POUR LAQUELLE CERTAINS PHILOSOPHES MODERNES , REJETTENT L'IDEE DE DIEU Certains se demandent si la raison pour laquelle les Anciens ont rejeté ridée d'un Dieu-gouverneur du monde était leur intelligence bornée (JUMUDU ADH DHIHN) et leur tempérament rustre (SAIABAT AT TAS?, comme l'affirme le Coran: « Ils ne sont comparables qu'à des bestiaux» (Coran XXV, 44). Comment expliquer que des hommes modernes puissent professer des opinions semblables alors qu'ils diffèrent des Anciens par un savoir plus vaste et une sensibilité plus fine? La réponse à une telle question est certes, nécessaire. Si on regarde bien, on constate que la raison d'une telle attitude n'est autre que la conception erronée qu'ils se font de Dieu; c'est une conception qui n'est pas conforme à la réalité des choses. En effet, avant d'entreprendre l'étude qui l'a amené à nier l'existence d'un Dieu:gouvemeur du monde, tout philosophe a certainement eu une croyance qui lui est venue par héritage (SABIL AL WARAmA) ; et quel que soit Yimpact qu'une telle croyance a eu sur lui, il ne peut s'imaginer le Dieu du monde autrement que sous la forme d'un Homme se situant dans les cieux, assis sur un trône ou quelque chose de semblable ou susceptible d'être perçu par les sens. Telle est ridée qu'il se fait de Dieu. Quel que soit le savoir qu'il peut acquérir ou les certitudes qu'il peut atteindre par l'expérimentation scientifique (ATTAJRIBAT AL 'ILMIYYA), les découvertes théoriques (AL IKTISHAFAT AL :AQLIYYA) ou l'observation par télescope, il ne peut déboucher en fin de compte que sur la vision d'un vide immense où se meuvent des étoiles en nombre incommensurable. Certaines de ces étoiles sont des astres, d'autres des soleils et d'autres des satellites; leur mouvement dépend de l'attraction qu'elles exercent les unes sur les autres et d'autres lois de la nature (AN NAWAMIS AT TABI'lYYA) .. Le Philosophe acquiert alors la certitude que tout est lié, que les effets dépendent de leurs causes et que la Nature agit elle-même sur ses éléments. Toutefois, il ne peut manquer de sentir qu'au-delà de tout ce qu'il a pu connaître, quelque chose d'autre doué d'un grand pouvoir existe encore. Mais malgré rintuition de cet Autre'chose, il s'empresse d'affiriner qu'il ne s'agit encore que de Nature. 38
Dieu a dit: « L'homme est toujours pressé» (Coran XVII, II). Ainsi il affirme sa négation du Créateur. Mais si on l'interroge convenablement on constatera que sa négation n'est relative qu'au Dieu tel qu'il se Yimaginait, c'est-à-dire semblable à une personne, localisé dans l'espace et susceptible d'être perçu par les sens. Il est vrai qu'un Dieu qui a de telles caractéristiques est plus noble que l'Oiseau fabuleux des légendes. Ainsi leur négation concerne plutôt les caractères imaginés de Dieu et non pas le véritable Dieu qui est un pur mystère. Je crois que si on disait à l'un de ces philosophes que Dieu est une Puissance extérieure impossible à percevoir (M.uTA'ADH DHlRATAL 'lDRAK), absolument différente de la matière (TUBA YINU AL MAD DA), en contact avec l'homme de près et de loin, qu'Elle est plus proche de lui que sa veine jugulaire, que son essence est encore ignorée (MAJHULA TU AL KUNH). que ni l'intuition ni les sens ne peuvent l'atteindre et que c'est à son sujet que le Coran dit: « Les regards des hommes ne L'atteignent pas, mais Il scrute les regards. Il est le Subtil. Il est parfaitement informé» (Coran VI, 103). Ou encore: « ruen n'estsemblable à Lui! Il est celui qui entend et qui voit parfaitement! » (Coran XLII, Il). Si on disait cela à un philosophe, il ne serait peut-être pas empressé à nier comme il l'avait fait auparavant alors qu'il sentait que quelque chose d'autre existait et qui dépasse ses possibilités. Dieu a dit: « Leur science ne peut L'atteindre» (Coran Xx. 110). Le philosophe aurait pu patienter jusqu'à ce que des certitudes (AL BA YAN) pour croire ou nier viennent le convaincre. Il n'aurait pas dû s'empresser de nier car la négation peut n'avoir pour origine que la faiblesse des facultés (DU'FU AL 'lDRAK). Cest pourquoi d'ailleurs celui qui affirme l'existence de Dieu peut être considéré comme un argument contre celui qui nie.
Conclusion de la quatorzième recherche. Ce qui précède nous montre que les tenànts de la négation ne nient en réalité que le Dieu tel qu'ils se l'ont imaginé; leur négation aurait été sans objet s'ils avaient eu la moindre connaissance touchant les articles de foi de l'Islam.
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QUINZIÈME RECHERCHE
DE LA COURTOISIE DANS LES DISCUSSIONS Quand j'ai la chance de rencontrer une personne de valeur, je discute souvent avec elle avec courtDisie. C'est ainsi qu'il m'arriva un jour de rencontrer une importante personnalité moderniste (AL 'ASRIYY/N) qui ne croit à rien d'autre qu'à la nature (AT TABI'A AL MAHDA). Après avoir commencé la discussion comme il convient c'est·à-dire de la manière la plus courtoise, je lui dis: « Je suppose que vous avez atteint la perfection (AL GHAYA) dans votre art et qu'ainsi vous avez atteint la quasi certitude de l'inexistence de Dieu » Il répondit: « Il me semble! » Je lui dis: «Etpourtantil ne serait pas exclu qu'un reste de doute subsiste au fond de vous- même et qui consiste à admettre l'existence d'une Puissance (QUWl11A) qui dépasse tout ce que vous avez pu concevoir, d'une Puissance impossible à connaître, qui maintient r équilibre de l'Univers et qui empêche celui-ci de sombrer dans le désordre (AL 'IKHTILAI) et la disparition (AT TALASHI) progressive. » Il répondit: « Il y a toujours hésitation à admettre quelque chose qui soit difficilement perceptible et d'essence inconnue» (MAJHUL AL KUNH). Je lui dis : «Dans ce cas vous seriez d'accord que quelqu'un d'autre puisse affirmer ce que vous hésitez à admettre. Les possibilités intellectuelles des gens sont en effet inégales et l'homme est plus près de l'ignorance que de la connaissance parfaite» (AL 'IHATA) , Il répondit: « C'est exact! » Je lui dis: « Dans la mesure où vous reconnaissez, comme d'autres, rexistence d'une Puissance inaccessible que tente de circonscrire aussi bien celui qui doute que celui qui suppose ou celui qui est certain, alors qu'ensemble Elle les circonscrit tous comme il est dit dans le Coran: « La Science de Dieu s'étend à toute chose» (Coran IV, 126). Quel est le nom qu'on pourrait lui donner? » Il répondit: «Je ne sais pas. » Je lui dis: « Quel inconvénient y a-t-il à lui donner le nom de Divinité? » 40
Mon interlocuteur me dit: «Je ne suis même pas arrivé à Yimaginer, à plus forte raison à lui donner un nom » Je lui dis: « Le fair de ne pouvoir imaginer une chose dont on sent r existence est la substance de la foi (ZUBDATU AL 'tTIQAD), aussi demeurez sur votre position jusqu'à ce que la certitude arrive; car il est fort possible que le Dieu Vrai soit cette Puissance mystérieuse qui échappe à la raison la plus saine. Dieu a dit: «Leur science ne peut L'atteindre» (Coran XX, 110). Ou encore: « Les regards des hommes ne L'atteignent pas, mais Il scrute les regards. Il est le Subtil, Il est parfaitement informé» (Coran VL 103). Ou encore: «Rienn'estsemblable à Lui !.Ilestcelui qui entend et qui voit parfaitement! » (Coran XLII. 1I). C'est alors que mon interlocuteur me dit : «Si Dieu est tel que vous venez de Le décrire, alors je crois à Son existence. » Je lui répondis: «Les croyants sont frères» (Coran XL, 10). Avant de nous séparer en très bons amis, il me promit de ne dire ni d'écrire sur YIslam que du bien.
Conclusion de la quinzième recherche. Dieu nous invite à employer les moyens les plus nobles dès qu'il s'agit de transmettre la connaissance de rUnicité Divine, selon Sa parole: «Appelle les hommes dans le chemin de ton Seigneur, par la Sagesse et une belle exhortation; discute avec eux de la meilleure manière » (Coran XVL 12 5).
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SEIZIÈME RECHERCHE ;
DE LA LIBERTE DE CONSCIENCE
L'homme peut être fier de r indépendance de son esprit et de la liberté de sa conscience mais il importe qu'il manifeste à leur égard une certaine prudence. C'est que cette liberté peut prendre possession de lui comme un tyran Il en est ainsi de celui qui professe la doctrine du libre arbitre. Ne vois· tu pas qu'en voulant n'adhérer à aucune école quelle qu'elle soit:, il tombe dans ce qu'il voulait éviter. Il revient ainsi à ce qu'il fuyait:, et il Yrevient d'une façon plus vile encore qu'auparavant car au commencement au moins avait· il un modèle (MUQTADI), alors qu'en fin de compte il devient un modèle (MUQTADA) que l'on suit en un domaine où il est lui-même dépourvu de l'argument décisif venu de son Seigneur. Il assumera donc malgré lui, la responsabilité de ceux qui le suivent, et sa nouvelle doctrine fera l'objet comme toutes les écoles précédentes d'éloges et de critiques (MADHAN WA DHIMMA). I.e matérialisme (AD DAHRIYA) lui-même, n'est qu'une exagération de la liberté de conscience. Voulant fuir toutes les doctrines (AL MADHAHIB) , ils n'ont fait que créer une doctrine de plus; ce qui a eu pour conséquence de provoquer dans la société humaine le désordre et la confusion (TASHWlSHAN WA 'RTIBAKAN).
Avant l'apparition de cette doctrine matérialiste, la quasi- totalité des hommes croyait en un Dieu qui gouverne l'Univers. Les divergences ne portaient que sur la conception de c~ Dieu car ils s'accordaient sur le fait que les choses ne peuvent se diriger d'elles-mêmes. Le croyant trouve toujours en lui-même à un degré ou un autre ce qui l'empêche de commettre des actes condamnables ou de transgresser les lois, quelle que soit la défmition qu'il donne de Dieu ou la manière dont il l'affirme. C'est le meilleur de ce que la société peut espérer du bienfait de la croyance. Compte tenu de ce qui précède, je ne nie pas que la chose de valeur dont l'humanité peut être fière, c'est cette liberté de conscience. Mais il faut reconnaître qu'elle est loin de pouvoir tout embrasser. Sentir r existence de cette force mystérieuse qu'on appelle Dieu, celui-là à qui on obéit:, quoi qu'il ne nous soit pas visible, quiconque n'a point cette sensation, n'est humain que 42
dans sa forme extérieure ('INSAN FTS SURA) mais pas plus. C' està ces derniers que le Coran fait allusion en disant: « Ils ont des cœurs avec lesquels ils ne comprennent rien» (Coran VII, 179). Le véritable être humain est celui qui possède suffisamment de sensibilité (SHU 'UR) pour réaliser combien il est incapable et faible devant cette Force mystérieuse (AL QUWWA AL GHAYBIYYA) et cette Puissance Universelle (AL QUDRA SH SHAMlLA) qui englobe toute chose qu'elle soit près ou loin, présente ou absente. Cette Puissance est plus près de l'homme que luimême: « Nous avons créé l'homme: Nous savons ce que son âme lui suggère; Nous sommes plus près de lui que la veine de son cou» (Coran L 16).
Conclusion de la seizième recherche. Il ne faut pas que le penseur exagère dans l'usage de son indépendance d'esprit; quelque soit l'orgueil qu'il peut avoir de sa pensée, qu'il n'oublie pas que d'autres ont également une pensée; et qu'il évite de les sous-estimer.
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DIX-SEPTIÈME RECHERCHE
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COMME TOUTE AUTRE FACULTE, LA RAISON (AL 'AQI) EST SUJETTE A L'ERREUR
Il résulte de tout ce que nous venons de dire que les philosophes sont incapables de connaître les vérités métaphysiques (MA WARA:A L-MADDA). Cela signifie qu'on ne peut recourir à eux, à propos de tout ce qui a trait au Divin (ALJLAHIYA7), comme on serait en droit de l'attendre lorsqu'il s'agit de problèmes d'ordre physique (AL MADDIYA7). Ceci est dû à leur usage de la raison dans un domaine qui la dépasse et à son intervention dans ce qu'elle ne saurait connaître sans s'appuyer sur une preuve (DAL JO évidente ou un argument (BURHAN) irréfutable. Aussi la raison revient-elle lassée, épuisée. Il ne faut pas s étonner qu'elle recule devant ce qui est au-dessus de ses forces. On constate souvent qu'elle se trompe dans ce qu'elle a l'habitude de traiter. La meilleure preuve en est que les philosophes divergent même sur les questions accessibles à la pensée (AL MA 'QULA7). La Vérité n'étant pas multiple, et étant donné leurs divergences, on ne peut dire que ces derniers sont dans le vrai. Et sil en est ainsi dans les domaines accessibles à la raison, qu'en sera-t-il lorsque celle-ci saventure dans les voies qui sont en dehors de sa portée. D'une manière générale, tous les organes des sens de l'homme peuvent se tromper; autrement comment comprendre que l'homme puisse tomber parfois dans l'erreur. Ne voit-on pas comment Dieu « Le Très-Haut» a créé les cinq sens pour percevoir les choses sensibles: l'odorat, le goût, l'ouïe, la vue, le toucher. Comme chacun de ces sens peut se tromper, Dieu a institué la raison pour les juger et non le contraire, afin qu'ils soient source de vérité et non d'erreur. - La vue n'a-t-elle pas l'impression que les hautes montagnes ou la mer touchent le ciel? - De même, il arrive chez certaines personnes malades de "sentir' le miel comme amer. Il en est.ainsj de tous les autres sens internes (AL IDRAKAT AL-BATINIYYA) et externes de l'homme. Aussi ce genre de perceptions erronées sont-elles considérées par la raison comme parfaitement vaines, car elle sait que les sens sont sujets à l' e~ur. Et comme la raison elle-même n'est pas infaillible, Dieu (qu'Il soit exalté) a institué la Loi sacrée (Shar) pour sa norme. Etant donné que la Loi 44
sacrée est la Lumière qui guide, la raison est tenue de s'y référer sunoutpour ce qui n'est pas de son domaine. « Celui à qui Dieu ne donne pas de lumière, ila pas de lumière» (Coran XXIV, 40).
Conclusion de la dix-septième recherche. Ce qui précède nous montre que lorsqu'il s'agit de questions divines, on ne peut se fier aux spéculations philosophiques que dans la mesure où elles sont corroborées par le Coran ou la Tradition. En dehors de ces questions, le problème est tout autre.
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DIX-HUITIÈME RECHERCHE
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DE LA FAIBLESSE DES ARGUMENTS AVANCES , PAR CERTAINS MATERIALISTES CONTRE L'EXISTENCE DE DIEU
En résumé, les tenants de la non-existence d'un Dieu Régisseur du monde (NAFY AL MUDABBIR) se divisent relativement à leurs arguments en deux groupes: Alors que les uns invoquent tel argument, les autres invoquent son contraüe pour défendre la même thèse. Globalement, on constate que leurs argumentations se contredisent et s opposent Ainsi, chaque tendance nous fournit ce dont nous avons besoin pour réfuter les arguments de chacune d'elles. Pour être plus clair, disons que Yun des deux groupes estime que Yunivers est apparu dans sa fo=e achevée; autrement dit. la nature a créé toutes choses et chacune d'elles est parfaitement en ha=onie. Selon eux, les choses sont liées les.unes aux autres et les effets (MUSABBABA1) à leurs causes (ASBABlHA) sans rupture d'équilibre (IKHTIIAIJ en aucun cas. C'est ainsi que les choses ont été faites et c'est ainsi qu'elles continuent d'être soumises aux lois naturelles. Ces gens-là estiment que sil y avait en plus de Yunivers et extérieur à lui quelque chose qui s'appellerait Dieu, il aurait laissé des traces (A THAR UR) tels qu'un fait extraordinaire (KHARQŒADA) ou une violation d'une loi de la nature (NAQD TABl:4). Nous aurions eu alors la preuve qu'il existe un Dieu hors de YUnivers. Mais puisque rien n'est venu troubler Yordre universel alors on ne peut que nier son existence. On a l'impression que ce groupe de gens voudrait que Dieu ressemble à Yhomme, revenant aujourd'hui sur ce qu'Il a décidé hier. Tel est en substance leur argument Nous estimons pour notre part, que cet argument prouve plutôt YAffi=ation (ITHBA1) de Dieu que Sa négation (NAFY). Le second groupe affi=e avoir étudié à fond et mené une enquête approfondie sur certaines créatures: « Nous avons constaté, disent-ils, que certaines d'entre elles sont contre-nature (KHlIAF AL 'ADA) ou plus exactement inutiles. Ainsi, par exemple, il existe une espèce d'insecte dontla force reproductrice est telle que si elle était laissée à elle-même, elle ne tarderait pas à couvrir la face de la terre en un temps record. Et pourtant nous constatons 46
que cette espèce est bien peu nombreuse par rappon à cf autres en raison de toutes sones de contraintes naturelles menant à sa destruction. Dans ces conditions, quel est r avantage de leur existence? » Ils disent encore: « Il existe aussi une espèce animale dont chaque individu possède les caractéristiques du sexe masculin et féminin. Ne nécessitant aucune fécondation extérieure, il il a aucun profit au contact des individus de son espèce. S'il en est ainsi, on peut dire que r existence de cette espèce il est qu'une pulsion gratuite et incohérente de la nature. S'il y avait vraiment un Dieu Puissant qui régit toute chose, comme on le prétend, il n'y aurait pas de tels faits qu'on pourrait qualifier presque d'absurdes. » Tels sont en gros les arguments avancés par ces groupes. On a fimpression que ces derniers n'admettent pas que quelque chose se rapponant à la nature des êtres puisse leur échapper; autrement:, ils n'auraient pas tiré argument de ce qu'ils ignorent pour prouver finexistence de Dieu.
Conclusion de IfI dix-1l,uitième recherche. Il est bon pour le croyant de connaître les thèses de ces groupes. Ainsi, il ne s'imaginera pas que leurs arguments (HUJJATVHUM) sont plus forts que ceux énoncés par les proclamateurs (AL MUTHBITVN) de rExistence de Dieu.
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DIX-NEUVIÈME RECHERCHE
" L'ETRE HUMAIN EST TROP FAIBLE POUR EMBRASSER TOUTES LES CONNAISSANCES
Toute personne serait prête à reconnaître sa propre incapacité d'atteindre la parfaite connaissance de ce qu'elle étudie si r orgueil et la fierté de se croire, à tort, un esprit indépendant, ne ren empêchaient Une telle personne s'abandonne inconsidérément à ses théories et affirme ou nie selon son bon vouloir, comme si elle embrassait toute la science. Pourtant, la vérité exige de l'homme de ne pas nier une chose dont l'existence est possible, avant d'avoir scruté chacune d'elle en profondeur, s'être interrogé sur ce qu'il peut y avoir au-delà et sur ses possibilités de parvenir au secret de toute connaissance. Et si, comme il est probable, il ne peut atteindre parfaitement au connaissable (AL MA 'LUMA1) , comment le pourrait-il pour les choses inconnaissables (AL MAJAHII) qui commencent là où les facultés humaines (IDRAK AL INSAN) finissent A une telle question, la personne interrogée ne saura foumir de réponse. Quant au sage, il est convaincu que l'homme est trop faible pour atteindre la connaissance intégrale des phénomènes, ce qu'il est et ce qui. fait de lui un être humain. Et s'il en est ainsi, comment se permet-il de nier l'existence d'une chose pour la simple raison que sa pensée ne l'a point conçue; sa pensée serait-elle l'unique critère universel (AL MIZAN AL ADI) et ce qui lui échapperait n'aurait-il point d'existence? Je pense, au contraire, que tout peut lui échapper. Qu'est-ce qui r empêcherait d'avoir cette même conception alors que sa compréhension d'aujourd'hui est plus grande que celle d'hier et' d'avant-hier ? Peut-il admettre que sa compréhension puisse encore augmenter? La réponse ne peut être qu'affirmative. De ce fait la compréhension peut diminuer comme elle peut augmenter. Le sage peut se féliciter d'avoir compris que ce qu'il ignore encore des secrets de la création est infiniment supérieur à ce qu'il en connaît; sinon son éloignement de la sagesse serait égal à son éloignement de cette vérité inscrite dans le coeur de tout sage. D'une manière générale, le plus grand des savants est le plus modeste, le plus émerveillé devant l'immensité du mystère de la création. C'est à ceux-là que fait allusion le Coran en disant: «Il ne vous a été donné que peu de science» (Coran XVII, 85). 48
Conclusion de la dix-neuvième recherche. Attirons r attention de rhomme sur le fait que ce qu'il ignore est plus grand que ce qu'il connaît afin qu'il soit prêt à recevoir renseignement de plus savant que lut conformément à cette parole de Dieu: « Au-dessus de tout savant il y a plus savant» (Coran Xlt 76).
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CHAPITRE VI
PHILOSOPHIE ET TRANSCENDANCE (Recherches 20 à 22) La perception unitaire de la pensée islamique ne dissocie pas philosophie et religion si le terme de philosophie est pris au sens de « métaphysique ,> . Loin de couper l'homme de son principe créateur, une telle philosophie est une étape sur le chemin qui mène par delà les voiles denses de la matérialité vers ce que: « Nul œil n'a vu, nulle ouïe n'a entendu, et nul esprit ne peut concevoir. » (Hadith). Avant defranchir cette porte, le doute est un obstacle naturel. Il ne faut pas le voir dans son seul aspect négatif mais plutôt comme une position de retrait provisoire. liée aux limitations de l'état humain. La patience devient alors une vertu. un acte de foi. L'incertitude est déjà une Grâce divine. Rien. en effet, ne force l'homme à croire en une divinité et il faut donc qU'une certaine part en lui rait rencontrée, expérimentée, afin de pouvoir en douter. Le contact a été peut-être trop bref ou trop subtil pour qu'il en garde un souvenir net. Le développement des "sens" intérieurs aidera l'homme à préciser cette perception. Mais celui dont la sensibilité est faible n'a point à préjuger de ce qu'il ignore. Cependant il y aura toujours, quelle que soit la valeur des preuves apportées, des hommes décidés à ne rien admettre au-dessus d'eux-mêmes si c'est cela qui est à l'origine de leur existence. Pour les autres, l'immense majorité de l'humanité. la réalité de ce lien est une évidence; le nier serait se nier soi-même. C'est pourquoi interdire à l'homme cette prise de conscience. c'est chose impossible. La vie de chacun d'ailleurs. n'est rien d'autre qu'une tentative, plus ou moins réussie, de reconquérir sa place au sein de la dimension universelle.
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VINGTIÈME RECHERCHE
LA VRAIE PHILOSOPHIE NE CONTREDIT PAS LA DOCTRINE , DE LA PURE UNICITE
Il est très courant de constater que dans la compréhension commune des gens, le ternIe de philosophie est devenu le symbole de la doctrine corrompue (SU'U AL 'AQIDA). Ceci est dû à l'athéisme (AL ILHAD) professé par certains philosophes. En réalité cette position est celle des seuls intrus ou des philosophes qui n'arrivent pas à dépasser les choses sensibles pour arriver à ce qu'elles cachent de subtil. Or, c'est un principe premier de la philosophie que celui de chercher à connaître la nature d'une chose, selon la capacité (ATTAQA) et les dispositions (AL 'TSTI 'DAD) du chercheur. Nul doute que celui qui va, dans sa démarche, au fond des choses, avec un regard sincère et une intelligence pénétrante (BI NAZARIN SADIQ WA BASIRA NAFIDHA) ne manquera pas d'arriver au point de percevoir le lien reliant cette chose à un monde invisible: objet de recherche du sage et fraîcheur des yeux des gens de l'Unicité (AL MUWAHHIDUN).
A ce point les conceptions des philosophes rencontrent ou s approchent de celles des grands hommes de toutes les religions. Dans ces conditions la poursuite d'une telle recherche ne peut mener qu'à la pure Unicité, même si au début on risque de s'égarer. Mais ceci n'est possible que s'ils ne s'arrêtent pas à la peau, mais vont à la pulpe à l'inverse des matérialistes qui ont décidé de n'accorder aucune importance à ce qui est au-delà de la matière, c'est-àdire aux choses spirituelles. Au contraire, ceux qui ont regardé au-delà du matériel, ont vu des idées vierges (ABKAR AL MA 'ANI) leur sourire à travers les phénomènes. Ce qui les amena à déclarer qu'il existe une main agissante .derrière les voiles denses de la matérialité, possédant seule le pouvoir exécutoire et le jugement catégorique. Ils ont maintenant la certitude qu'il existe un pouvoir caché dont les actions se manifestent aux sens à travers les phénomènes et qu'au-delà, il y a ce que « Nul oeil n'a vu, nulle ouïe n'a entendu et nul esprit ne peut concevoir» (Hadith). Ainsi sont-ils arrivés à reconnaître la nécessité de baisser la tête et de courber l'échine devant cette extraordinaire Puissance que la nature humaine ne peut imaginer. 5\
Telle est, en résumé, la conception de cette catégorie de gens. Elle se trouve à la limite de ce qu'on peut atteindre en métaphysique. Aussi est-il précisé dans le Coran: « Alors que leur science ne peut L'atteindre « (Coran Xx. 110).
Conclusion de la vingtième recherche. Il ne faut pas croire que la philosophie, par sa nature, mène nécessairement à la négation de Dieu (ILHAD). Il est vrai cependant qu'elle est cause de chute pour celui qui n'est pas préparé. Ajoutons qu'il s'agit ici de la métaphysique (AL lLAHIYYA7) et non des autres parties de la philosophie.
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VINGT-ET-UNIÈME RECHERCHE
LE DOUTE EN UN RECTEUR (MUDABBIR) DU MONDE EST L'UNE DES PREUVES DE SON EXISTENCE
Il n'est pas exclu qu'il existe dans la nature originelle de l'homme ce qui le guide pour trouver à partir de toute chose la preuve de l'Existence de Dieu et ceci, dans la mesure où il utilise son intelligence et une sensibilité saine. Mais très souvent l'être humain refuse de reconnaître la preuve, même lorsqu'il la trouve: « Certes, l'homme est ingrat envers son Seigneur »(Coran C, 6). Etant donné que rien n'est absolument vide de signes de l'Existence d'un Régisseur du monde, il convient à l'homme sage de ne pas négliger ce qui lui permet d'affirmer l'Existence du Créateur de l'univers. D'autant plus qu'il est capable de déduire d'une chose son contraire. Comment peut-il négliger les sagesses lumineuses contenues dans les créatures et les mystères cachés (AL MUGHAYYABAT AL MUSTATARAT) derrière elles, alors qu'il est certain que ce qui lui en échappe est plus grand que ce qu'il en connaît Mais hélas! Pourquoi ne considère-t-iJ pas que la Vérité fait partie de ce qui lui est caché, et ne patiente-t-il pas un peu quitte à rester encore dans le doute. Et qu'il regarde bien, peut-être y trouvera-t-il même la preuve de l'existence de ce dont il doute; car ce doute est une chose; or, en toute chose il ya un signe (A YA) de Dieu. Il n'est pas étonnant alors qu'il puisse y trouver un signe prouvant l'existence de Dieu. En effet il suffit de lui accorder up. minimum d'attention pour constater qu'il est composé de deux contraires: la Négation (NAFY) et l'Affirmation (lTHBAT). Ceci sans que l'un veuille prendre la place de l'autre. Ce fait est un signe spécifique qui se rencontre rarement D'autre part, si on se penche sur ces deux contraires, on constate que les données de l'affirmation se conçoivent seulement grâce à une influence extérieure. Quelle est donc cette source d'influence qui a nécessité un tel degré d'affirmation dans un cœur libre de tout lien? Il serait illogique de dire que cette affirmation est apparue de rien; ou alors, il faut admettre qu'un homme intelligent puisse nier une existence du domaine du possible. Or, ce qui est impossible est impossible, et on ne peut hésiter sur son inexistence. (FITRA)
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Nous dirons en résumé que l'affirmation de l'Existence de Dieu a été rendue possible par les sens intérieurs (AL ISHASAT AL BATINA), et que l'homme ne peut être insensible. Mais il ne faut pas que celui dont la sensibilité est faible juge ceux dont la sensibilité est plus forte. Ce qui vient d'être dit sur l'affirmation considérée comme l'effet d'une cause extérieure ne peut s'appliquer à la négatioIL Car celle-ci est l'expression d'une absence de lien; elle est liée à l'inexistence de l'être humain. « Dieu vous a fait sortir du ventre de vos mères, vous ne saviez rien» (Coran XVI, 78). Une fois l'être humain parvenu à maturité (ISTAKMALA AL WUJUD); alors il commence à sentir l'existence d'une puissance inconcevable se trouvant à l'extérieur ou en un lieu ignoré. Tantôt il l'affirme, tantôt il la nie. Sa part de foi en elle est égale au degré de son affirmation intérieure qui est l'une des propriétés essentielles de cette Puissance. Un tel fait est considéré comme éminemment précieux même s'il est infime. Quand il se produit, il devient l'échelle (MI 'RAJ) permettant à l'homme d'atteindre le mystère de la foi en Dieu. Il peut également, tout en étant attentif à ce degré d'affirmation, méditer sur certaines causes qui le mèneront jusqu à cette foi. Elle finira par prendre dans son intérieur une place non négligeable. Et s'il reste confiant (SAKANA), il trouvera la Paix dans sa conscience: surtout s'il ajoute sa propre foi à la cenitude d'autrui, vu les arguments se fortifiant les uns les autres. Ajoutons que la situation de celui dont nous avons parlé dans cette recherche est celle de celui qui adhère au Mystère divin (AL GHAYE) et non de celui qui rejette le témoignage (ASH SHAHADA) de l'Unicité. Que Dieu nous vienne en aide.
Conclusion de la vingt-et-unième recherche. Il s'agit ici d'un simple examen en vue d'attirer l'attention du lecteur. Il est en effet difficile de faire admettre une preuve à l'opposant décidé à n'en admettre aucune, fusse celle de l'univers entier.
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VINGT-DEUXIÈME RECHERCHE
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LE CULTE EST INNE EN L'HOMME
La Nature divine (AL FITRA L-lLAHIYA) déposée au sein de Yhumanité ne cesse d'inciter l'homme responsable à revenir vers son Créateur et à se soumettre à Ses obligations et Ses interdictions. C'est un sentiment impossible à étouffer entièrement quoi qu'on fasse. Tout le monde sait l'attirance qu'éprouve malgré lui Yêtre humain pour un tel principe: « Selon la nature que Dieu a donnée à l'homme en le créant» (Coran XXx. 30). I! est donc impossible d'enlever ce principe enraciné dans l'être quels que soient les efforts faits dans ce sens par l'homme moderne. Oui, il a essayé, mais en vain. I! constate son impuissance devant la Nature éternelle enracinée dans 'l'homme (AN NUZU' AL KHALID AL TAB'FI L BASHAR) depuis son apparition. Attirance qui durera tant que durera l'homme, même si elle peut perdre certains de ses caractères. Et il est presque certain qu'il n'existe pas de conscience qui en soit dépourvue. Certains le reconnaissent ou pourraient le reconnaître, si ce ilest la tyrannie de l'amour propre qui les empêche d'affirmer hautement la vérité des faits. Disons en un mot que la servitude (AL 'UBUDlYA) en l'homme est plus attirée par le principe d'adoration (ALMA'BUDlYA) que le fer par l'aimant Ce qui le prouve est que l'homme le recherche dans les choses extérieures; tantôt il se l'imagine dans les pierres, tantôt dans le feu. Comme l'assoiffé dans le désert voyant un mirage, il se dirige vers lui croyant que c'est de l'eau. « Mais quand il l'atteint, il ne trouve rien sinon Dieu » (Coran XXIV, 39).
Conclusion de la vingt-deuxième recherche. Que l'on médite sur la sagesse de la Parole de Dieu. «Tous ceux qui sont dans les cieux et sur la terre se présentent au Miséricordieux comme de simples serviteurs» (Coran XIX, 93).
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CHAPITRE VII
CIVILISATION ET RELIGION (23" Recherche) Le Cheikh AL ALA WI nous démontre ici que civilisation et religion sont une seule et même chose. Le terme de religion est toujours pris dans ces recherches au sens de lien (de religere ou relier) et non pour désigner une institution. Si ton regarde bien révolution de l'humanité de ses débuts jusqu'à nos jours, on constate une tendance générale à se dégager des origines inférieures et plus particulièrement de l'animalité. Chacune de ces étapes s'est accompagnée d'un élargissement de la conscience comme si l'humanité constamment se dirigeait vers son origine supérieure. Malheurement ce mouvement n'est pas continu, et certains sursauts de l'animalité viennent freiner cette ascension. Et le Cheikh de préciser: « L'homme moderne a plus besoin de religion que le primitif n'a besoin de civilisation. ». L'extraordinaire dans une telle pensée c'est que, comme celle de tout grand réformateur, elle ne nie aucun des acquis de l'homme. La Tradition ne se limite pas à l'irruption en ce monde de sa révélation, mais est un phénomène permanent, quotidien, obéissant à un Vouloir divin toujours présent. Dans ce contexte le progrès de l'homme ignoré et les progrès de sa connaissance de la matière, sont les deux pôles d'une réalité en mutation perpétuelle.
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VINGT-TROISIÈME RECHERCHE
L'HOMME MODERNE A PLUS BESOIN DE RELIGION QUE LE PRIMITIF N'A BESOIN DE CIVILISATION Cette recherche s'adresse à ceux qui s'imaginent que la religion est une chose et la civilisation en est une autre. Mais en réalité la religion de chaque peuple représente la civilisation qui était la sienne avant qu'il ne tombe dans la facilité voire même la déchéance. Telle est la Loi naturelle (AN NAMUS) qui convenait pour l'homme à chaque époque et qui était également l'œuvre de Dieu. Mais supposons que la religion et la civilisation soient deux choses différentes, nous dirons alors que l'homme moderne a plus besoin aujourd'hui de religion qu'il ri a eu besoin de civilisation aux époques antérieures. Mais en fait, l'homme n'a jamais cessé, ne serait-ce qu'un jour, de tendre vers la civilisation. Depuis l'époque où il grimpait aux arbres, se nourrissant de leurs fruits et se couvrant de leurs feuilles, et jusqu'à ses stades ultérieurs, l'homme ri a cessé de progresser dans l'échelle de l'évolution, avec épanouissement de sa conscience. A aucun moment de ses stades évolutifs il ne perùit sa tendance à se civiliser. Il a toujours lutté contre la nature pour se différencier de son espèce générale, et s'éloigner de sa condition d'hier jusqu'à ce qu'il arrive au stade actuel. Il passera par d'autres stades encore que Dieu Seul connaît et que l'avenir dévoilera. Quoi qu'il en soit, il faut bien constater que l'homme moderne a plus besoin aujourd'hui de religion qu'il n'avait besoin de civilisation dans le passé. Autrement il est plus proche de la régression que du progrès. « Bientôt le jour se lèvera ». « Selon la coutume que Dieu a eue envers leurs devanciers, car tu ne trouveras pas de changement dans la coutume de Dieu» (Coran XXXIII,62).
Conclusion de la vingt-troisième recherche. Il semble qu'une civilisation sans dimension religieuse ne peut être assurée de continuité dans le progrès. Mais toute science appartient à Dieu. 57
CHAPITRE VIII
LA LOI DIVINE (Recherches 24 à 27) Elle est le garant des fondements de /'être humain, la protection de ses intérêts essentiels. Durant l'existence humaine, la Loi divine intervient sur tous les centres d'intérêts de l'homme. Ceux-ci peuvent se subdiviser en trois catégories: les éléments nécessaires à son existence : - les choses utiles à sa vie; - les éléments complémentaires. Ensemble ils forment le tissu humain Si bien qu'on ne peut toucher à l'un sans léser l'autre, à l'exemple de toute organisation sociale. De même qu'à chaque fonction correspond un organe, à chaque besoin correspond une nécessité. Si l'on en arrivait à nier les éléments complémentaires ou les choses utiles de la vie, on porterait préjudice aux éléments nécessaires fondamentaux de son existence. Ceux-ci sont: la vie humaine, la raison la croyance, la perpétuation de l'espèce, les biens matériels. La Loi divine est venue pour les protéger. Pourtant son action semble porter plus sur les choses utiles et les éléments complémentaires. Pourquoi? Les éléments nécessaires font partie intégrante de /'instinct humain Personne ne doute qu'il ne lui faille respirer, boire, manger. C'est une Loi divine implicite. Par contre, plus on s'éloigne du noyau de base, plus la liberté de choix est possible. En intervenant sur les autres plans, la Loi divine devient plus apparente car plus sujette aux critiques humaines. Elle vient prôner les vertus dans la manière de se comporter, de vivre en société. Elle nous demande un effort pour nous dégager de l'animalité. La raison humaine ne peut envisager sereinement tous les aspects d'un problème, car d'une part elle se présente souvent sous l'aspect d'avis personnels contradictoires, d'autre part elle privilégie certains besoins de l'homme au détriment d'autres. Dans la tradition islamique, la ré[erence exemplaire est le Prophète Mohammed (sur lui la Prière et la Paix), celui qui a parcouru le cercle des vertus, l'axe du Tout. Mais le principal rôle de la Loi divine, peut-être plus caché, est de protéger les éléments nécessaires dont la croyance est le pilier central. En protégeant ce qui fait précisément l'homme et en lui permettant sa réalisation, la Loi divine se garantit elle58
même de l'ignorance humaine. Mais comment la difTerencier des lois humaines? Elle n'est pas le fruit d'une institution. Elle est universelle, donc valable pour tous. Elle vise à la protection des éléments nécessaires à l'homme en se dévoilant dans les choses utiles et les éléments complémentaires. Elle s'occupe mieux des affaires générales de l'homme qu'il ne le fait lui-même de ses affaires particulières. Hors de ces critères, une Loi divine serait bien humaine. A condition de se conformer à ses enseignements, le bonheur de l'homme sera assuré.
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VINGT-QUATRIÈME RECHERCHE
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LES LOIS DIVINES N'ONT ETE PRESCRITES QUE POUR GARANTIR LES FONDEMENTS " , DE L'ETRE HUMAIN ET PROTEGER , " SES INTERETS ESSENTIELS
On sait que r être humain a un nombre d'intérêts qu'il serait fastidieux de dénombrer, mais dont on peut dire qu'ils se ramènent à trois catégories: les éléments nécessaires à son existence (DAR URIYA T LI WUJUDIH) ; - les choses utiles à sa vie (HAJIYAT LI QAWAMIH) ; - les éléments complémentaires lui permettant d'élargir le champ de ses rapports avec la société (TAKMILIYAT LI TAWASSU'ATIH FIL MU 'AMAIA1).
Chacune de ces catégories dépend de celle qui la précède. On ne peut prendre en considération les choses utiles avant les éléments nécessaires, ni les éléments complémentaires avant les choses utiles. Quoi qu'il en soit de la subdivision adoptée, nous dirons que les choses nécessaires se ramènent à cinq éléments fondamentaux que la Loi divine est venue protéger; ce sont: la vie humaine (AN NAFS) ; la raison (AL 'AQI) ; la ctoyance (AL 'AQIDA) ; la perpétuation de Yespèce (AN NASI) ; les biens matériels (AL MAI). La plupart du temps, J'existence humaine ne se perpétue que par rensemble de ces éléments de base dont chacun soutient à son tour d'autres éléments fondamentaux. En d'autres termes, chaque élément nécessaire fondamental dépend d'autres éléments nécessaires. A plus forte raison pour ce qui est des choses utiles et des éléments complémentaires. Si nous considérons les éléments nécessaires à la préservation de la vie par exemple, nous constaterons qu'ils sont au nombre de cinq éléments principaux : la nourriture (AL MAT 'AM) ; - la boisson (AL MASHRAB) ; 60
l'air qu'on respire (AL HAWA ) ; le vêtement qui protège (AS SITR) ; et le logement qui abrite (AL MA'WA). Il en est de même pour chacun de ces derniers; en effet chacun d'eux requiert les moyens nécessaires à son obtention. S'agissant des choses utiles, nous dirons que ce sont les choses dont l'être humain peut se dispenser parfois, mais au prix de grosses difficultés (MAA DANlŒN FI 'AYSHIHI) dans sa vie sociale. Quant aux éléments complémentaires ce sont des choses ajoutées et qui peuvent paraître inutiles à la préservation de la vie humaine. En réalité ils complètent les choses utiles comme ces dernières complètent les éléments nécessaires. Ainsi le rejet total des éléments complémentaires porte-t-il atteinte aux choses utiles comme le rejet total de ces dernières porte atteinte aux éléments nécessaires. Quant à la Loi divine, elle ne permet pas qu'une quelconque atteinte soit portée aux intérêts de l'être humain. ni que ces derniers soient diminués. C'est pour cette raison et parce qu'elle ne reconnaît pas la maturité de l'homme, qu'elle sest réservée le droit d'intervenir dans tous les aspects de sa vie. Certes, elle ne reconnaît pas la nature de l'homme; autrement elle l'aurait laissé agir à sa guise. D'ailleurs qu'aurait-il fait de plus que ce qu'il a fait maintenant et ce qu'il a fait dans le passé ou de ce qu'il fera plus tard « L'homme est vraiment très injuste et très ingrat» (Coran XIV, 34).
Conclusion de la vingt-quatrième recherèhe. Qu'on sache que la Loi divine a plein droit pour intervenir et préserver les intérêts de l'être humain; ceci dans tous les aspects de sa vie et dans toutes les situations. Et il en sera ainsi avec ou sans raccord de l'homme.
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VINGT-CINQUIÈME RECHERCHE
L'EFFET DE LA LOI DIVINE EST PLUS APPARENT , " , DANS LES ELEMENTS COMPLEMENTAIRES , , , QUE DANS LES ELEMENTS NECESSAIRES ".
Les instincts humains contiennent en eux ce qui incite à la préservation des élément~ nécessaires (AD DARURIYA1), ce qui est différent pour les choses utiles (AL HAlIYA1) et surtout pour les éléments complémentaires (AT TAKMILlYA1). Il n'y a rien dans la nature humaine qui incite à la réalisation de ces derniers; parfois même c'est le contraire qui se produit C est pourquoi nous voyons la Loi divine s'intéresser particulièrement à eux. Cela se voit dans le cas de la préservation de la vie par rapport à la sauvegarde de la vertu humaine par exemple; alors que pour la raison, toutes les deux doivent être préservées, pour la Loi divine, il peut arriver que la première doive être sacrifiée pour la seconde. Pourtant on ne trouve pas dans la nature humaine quelque chose qui incite à la préservation de la vertu humaine, et sur laquelle on puisse compter. e est que pour la nature humaine, les vertus morales relèvent des élément~ complémentaires dont on peut se passer généralement Au contraire, la Loi divine les voit d'une manière toute différente et leur accorde la plus grande importance. Ce qui le montre c'est la parole du Prophète (hadith) : « J'ai été envoyé pour parfaire les vertus morales ». La valeur des vertus qui sont considérées par le « Moi» (NAFS) comme de simples compléments, apparaît mieux si on compare ces vertus à rexigence de manger qui est une nécessité pour rhomme. En effet la nature humaine comporte des instincts qui incitent à manger, quant à la manière bonne ou mauvaise de se procurer cette nourriture, le Moi (NAFS) ne peut répondre. Il en est de même lorsqu il s'agit de faire ses besoins; ceci est une nécessité pour r être humain dont la nature se charge de leur évacuation. Quant aux autres modalités tels que le choix du lieu, rusage d'un abri, r emploi des moyens de propreté, etc .. , rien dans la nature. ne nous y incite. Certes cela peut être indiqué par la raison, mais que peut-elle seule devant les divergences des opinions individuelles. 62
Conclusion de la vingt-cinquière recherche. Il convient de connaître rutilité de la Loi divine pour la protection des intérêts de r être humain. Une telle connaissance permet en effet de mieux voir sa nécessité pour r existence humaine.
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VINGT-SIXIÈME RECHERCHE
DES ORJECTIFS DE LA LOI (FI MAQASIDI SR SHARJ VISANT LA PROTECTION , , , DES ELEMENTS NECESSAIRES
Nous avons vu précédemment que la Loi divine était plus apparente dans les choses utiles et les éléments. complémentaires que dans les éléments nécessaires. C'est que la préservation de rutile et du complément, est la condition même de la préservation du nécessaire que la Loi est venue protéger. En dernière analyse les buts de la Loi divine ne vont pas au-delà de la préservation des cinq éléments nécessaires fondamentaux : la vie humaine; la raison; la croyance ; la perpétuation de r espèce ; les biens matériels. Si nous procédons à une analyse philosophique de toutes les normes (AHKAM) de la Loi, nous ne manquerons pas de constater qu'elles ont toutes pour fin dernière la préservation des cinq éléments. D'ailleurs il semble que la philosophie moderne ne dise pas autre chose que cela, du moins dans la mesure où ses enseignements visent le bonheur de l'homme, comme elle le prétend. A moins que cette philosophie n'estime que la croyance n'est pas un élément nécessaire à l'existence humaine, position tout à fait possible si on définissait le concept d'homme sans référence à son besoin de communication (AN NATIQIYA).Or, l'homme est un animal doué de parole qui ne peut, sans croyance, évoluer vers l'Unité. D'autre part une telle conception aura pour conséquence logique de nier la sensibilité intérieure (IHSASATIH AL BATINIYA). la force spirituelle qui fait de lui précisément un être humain. Cette position est absurde. On ne peut imaginer l'être humain sans croyance aucune, car la négation, tout en supposant qu'elle existe chez quelqu'un, est précisément sa croyance personnelle. Négation qui le pousse à commettre des actes allant à rencontre de ce qui fait de lui l'Homme. 64
Etant donné que Yhomme ne peut réaliser pleinement son sens sans la croyance, il est naturel que celle-ci fasse partie des éléments nécessaires que la Religion s'est attachée à préserver.
Conclusion tf,e la vingt-sixième recherche. Qu'il soit clair que la Religion garantit à Yêtre humain son bonheur, à condition qu'il se conduise conformément à ses enseignements.
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VINGT-SEPTIÈME RECHERCHE
LA LOI DIVINE , , S'OCCUPE DES AFFAIRES GENERALES DE L'HOMME MIEUX QUIL NE LE FAIT , LUI-MEME DE SES AFFAIRES PARTICULIERES ~
Les préoccupations de la Loi divine visent uniquement à procurer des bienfaits à l'homme et à éloigner de lui les maux, et cela avec une subtilité que l'être humain est incapable cl' atteindre. En effet, quelle que soit l'évolution de ses facultés, l'homme n'a pas la capacité suffisante lui permettant de se protéger contre ses mauvais désirs. Ces derniers l'amènent à 5 occuper de ses intérêts personnels sans tenir compte du fait que cela porte parfois aux intérêts cl' autrui. «Selon la nature que Dieu a donnée aux hommes, en les créant» (Coran XXX, 30). Tout homme porte en lui une certaine quantité d'injustice; aussi fera-t-il du mal à son prochain chaque fois qu'il en a l'occasion. Ce fait est confirmé par la parole du Prophète (sur lui la Prière et la Paix) : « L'injustice est sous r aisselle de tout homme. Et c'est l'exercice du pouvoir qui la dévoile. » Il vaut mieux pour l'être humain se placer sous l'autorité de la Loi divine que sous celle de son semblable. Nous pensons que l'homme équitable comprendra ce à quoi nous faisons allusion et admettra notre théorie dans la mesure où il prend pour guide sa propre expérience. « L'âme (NAFS) est, certes, instigatrice du Mal Sauf pour celui à qui Dieu accorde Miséricorde, (Coran XII, 53).
Conclusion de la vingt-septième recherche. Il s'agit d'inviter l'être humain à entrer dans le cercle de ceux qui pensent que les choix faits par la Loi divine sont meilleurs pour l'homme que ceux préférés par lui-même. 66
A ceux-là, Dieu fait allusion: « Quand Dieu et Son Prophète ont décidé, Il ne convient ni à un croyant ni à une croyante de maintenir son choix» (Coran XXXIII, 36).
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CHAPITRE IX
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CONCLUSION GENERALE Il ne s'agit pas de conclure, alors que la philosophie du cheikh AL ALA WI touche à l'Infini, mais de voir en nous- mêmes à quelle aspiration elle peut répondre. Si l'homme d'aujourd'hui a soif d'universel, a soif de justice, d'amour, alors oui le message de l'Unicité, le message du Cheikh AL ALA WI, sont la réponse. Mais serons-nous assez sages pour l'entendre? Il est pourtant d'une simplicité limpide qui touche à la provocation. Il ne lui est pas utile de se cacher derrière des constructions savantes, il se suffit à lui- même lorsqu'il nous montre la mesquinerie de nos vies, la prison de nos habitudes, la chaîne de nos raisonnements matérialistes. L'homme aurait-il oublié pourquoi il a été créé? S'appuyant sur la Révélation coranique, prenant exemple sur le Prophète Mohammed (sur lui La Prière et la Paix), il est l'ouverture par excellence sur la transcendance. Le Cheikh AL ALA WI, lorsqu'il traite de projets de société, ne vient pas, comme certains, avec la prétention d'apporter des réponses toutes faites. Il se contente de poser les questions essentielles et de nous proposer les moyens d'y répondre qui passent par l'acquisition des vertus. Il esquisse ensuite une trame sur le modèle des Lois divines reliant le ciel à la terre, l'Universel à l'Unicité. Aux hommes réalisés et sages il appartient de remplir le vide médian, de tisser le vêtement du siècle à vemr. Il récuse les principales objections faites à la religion: Le véritable athéisme n'existe pas. Tout homme a besoin de croire, ne serait-ce qu'en lui-même. L'incroyant s'invente seulement un dogme personnel pour le substituer à la véritable religion. Même le doute est une affirmation de Dieu puisqu'il suppose d'être entré en contact avec Lui. Ainsi la négation devient affirmation lorsqu'elle rencontre l'esprit du Cheikh AL ALA WI. Le lien avec la transcendance est aussi manifesté à l'homme dans ses rapports avec la nature. Minéraux, végétaux. animaux font partie intégrante de luimême: ils sont sa chair. Comment pourrait-il leur manquer de respect? Certains hommes en sont déjà conscients, pourtant leurs déclarations restent sans écho. La doctrine de l'Unicité est peut-être ce petit quelque chose de plus, attend~ qui touchera l'humanité. 68
Même si le Cheikh AL ALA WI porte un regard critique sur l'état actuel du monde, il n'est pourtant pas de ceux qui rejettent tout l'acquis de l'évolution humaine, et s'enferment dans un fallacieux dogmatisme stérile ou fanatique. Au contraire le monde actuel est un Vouloir Divin à l'image de notre éloignement du principe universel. Il ne nous appartient pas alors d'en juger. Mais l'homme. aveuglé par luimême, y a vu une raison de nier ou douter. Il s'est arrangé la paternité de cette évolution. comme si Dieu seul n'avait pas ce pouvoir. Il s'est privé volontairement des bienfaits du respect des Lois Divines. C'est pourquoi les sociétés humaines, y compris celle d'aujourd'hui, dont la puissance, la richesse n'ont jamais été égalées sont pourtant incapables de résoudre des problèmes élémentaires. La philosophie du Cheikh AL ALA WL n'a jamais encore eu l'occasion d'être appliquée par les hommes: peut-être n'est-il pas trop tard? L'un des Noms de Dieu n'est-il pas «Le Miséricordieux» ? Vingt-sept recherches viennent ainsi d'être publiées, d'autres viendront plus tard, si Dieu le veut. Elles ne sont pas un appel d'outre-tombe aux hommes de bonne volonté. Elles sont. comme tout message universel au présent Leur parution aujourd'hui,' une nécessité. une urgence, celle de révéler aux hommes la pensée du Cheikh AL ALA WL porte-parole de l'Unicité en ce siècle.
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