Unravel
04 16
Portfolio // 2011 - 2016
Émilie AKLI www.cargocollective.com/EmilieAkli
Émilie AKLI www.cargocollective.com/EmilieAkli
Emilie Akli
*1977, Suresnes ( F ) vit et travaille à Paris depuis 2007
Depuis plusieurs années, Emilie Akli interroge la fragilité discrète du ténu, l’urgence, le jeu de langage, l’absurde et la géographie. Son travail découle d’une recherche théorique et empirique à entrées multiples : relevé d’occurrences, exploration des différents aspects de la photographie, répétition du geste ou topographies subjectives. Le quotidien, la recherche du point de rupture et l’image, se donnent ainsi comme des terrains d’expérimentation illimités. Elle en suit les états, les archive, les collectionne ou les transposent à différents médiums. L’auscultation de l’insignifiant a également conduit Emilie à s’intéresser de près aux rythmes, à la systématisation de la prise de vue envisageant la photographie comme un mode d’enregistrement constamment mis en échec, une zone intermédiaire et versatile chargée d’illusionnisme. Par la mise en place de protocoles précis, son travail aborde les relations conflictuelles entre l’image et idée, le vicéral et l’intellectuel lorsque le langage est en jeu. Ses investigations se donnent pour objet l’examen de ce qui se joue dans l’oscillation réciproque entre ces termes. Le dessin, la dactylographie, l’imagerie narrative, l’écriture et la sur-peinture viennent parfois s’y adjoindre pour remplir de possibles intervalles aveugles.
EXPOSITIONS PERSONNELLES
COMMISSARIAT
2016 (en préparation) UNRAVEL, Galerie Artéfacts, Paris
1er – 30 Novembre 2014 Populaire, populaire #3 - Festival du Mois de la Photo>OFF2014, Saint-Denis : Expositions collectives, collage urbain, projection, édition, rencontres et ateliers au 6b et évènements hors les murs à Saint-Denis, Curateur : Roberto Martinez et Emilie Akli. Avec la participation de : Emilie Akli, Alain Bernardini, Raphaël Boccanfuso, Valérie Jouve, Claude Lévêque, Clémentine Mélois, Bernard Marcadé, Roberto Martinez, Tania Mouraud, Régis Perray, Françoise Quardon, Eric Tabuchi, Vue du Gras collectif.
2015 Dessins, L’Amitié Rit, Montreuil EXPOSITIONS COLLECTIVES 2017 (en préparation) Mapping at Last - Galerie Eric Mouchet, Paris. 2016 Allotopie Strsbrg - Syndicat Potenciel, Strasbourg. 2015 Nubo - Le Noir Club, en partenariat avec EMMAÜS, Montreuil Atrabile, sublime abîme - Le Noir Club, Montreuil Tant pis pour l’(In)visible - Mains d’oeuvres, Saint-Ouen. Still Training, Pathernay, Poitou-Charente. 2014 Populaire, populaire #3 - Festival du Mois de la Photo>OFF 2014, le 6b et Hors les Murs à Saint-Denis. Migrations et Citoyenneté - LarOcafé, Romainville. 365, le 6B, Saint-Denis.
BIBLIOGRAPHIE Actions et édition “Tract’eurs N°19” (Mars 2016) Éditions de tracts à 1000 exemplaires conçus par 16 artistes et distribués dans l’espace urbain strasbourgeois. Edition Roberto Martinez et Antonio Gallego Revue KIOSK 73 (Emilie Akli et Thibault Petrissan) 05/2015, Editions DEL’ART à l’invitation de Clémentine Roy. “ Transcrire - Patrick Tosani” in La photographie en Acte(s) : Répéter, représenter, reproduire/ Traduire, Transcrire, transmettre. dir. Jacinto Lageira et Michelle Debat, Filigranes Editions, Trézélan, 2014, ( pp.233-235)
2013 Die – Las Noches de los Muertos - Le Noir Club, Montreuil Prisme #2 : Chemins de Traverses - Le 6B, Saint-Denis
Actions et édition “Tract’eurs N°18” (novembre 2014) Éditions de tracts à 1000 exemplaires conçus par 16 artistes et distribués dans l’espace urbain pendant la durée de Populaire, populaire #3 Mois de la photo >OFF 2014 avec Roberto Martinez
2011 Déjà lu, exposition de mots - œuvre collective en ligne à l’initiative du curateur indépendant Emile Ouroumov.
“Square Magazine”, Issue N°502 (2014), UK publication texte et portfolio “des échantillons lunaires ont pros la poussières”. http://www.squaremag.org
RÉSIDENCES
Oeil du vivant (L’), Presses Universitaires de Vincennes ENSAP Arles, 2013.Contribution à l’ouvrage collectif à l’initiative de Michelle Debat et Christian Gattinoni au terme d’un échange avec l’ENSP en Arles.
2015 - 2016 Résidence de création, Abbaye de La Prée, Association P.Q.E.V., Ségry. 2016 Résidence d’exposition, Hors les murs #5, Asso. L’art en partage, Romainville 2014 Résidence de création, Le prétexte de la Cabane, Pyrénées. 2013-2015 Résidence de création, le 6B, Saint-Denis.
Revue Area N°28 Danser : Acte visible de vie Mention et illustration dans un entretien conduit par Alin Avila avec Christian Gattinoni sur l’oeil du vivant Ed. PUV FORMATION 2015 MASTER Photographie et art contemporain, UFR Arts plastiques, Université Vincennes-Saint-Denis (Paris 8) sous la direction de Michelle Debat et Arno Gisinger. 2000 Maîtrise Psychologie sociale, UFR Psychologie, Université Pierre Mendès France Grenoble 2 sous la direction de Fabrizion Butera.
What you see is what you get
Mai 2015 Photographies, papier affiche, formats variables, collage libre, Paris
Nombreux sont les exemples de pratiques artistiques visant à aborder l’espace publique comme utopie concrète. Les nouvements tel que DADA ou Fluxus s’inscrivent dans une volonté de sortir de l’atelier et du musée pour investir la rue et les espaces communs. De ces approches, il est ici retenu la démarche de changement de régime de vérité induit par l’appropriation de l’espace commun et la teneur sociale et politique de ce glissement. Dès la fin des années 1950 en France comme aux États-unis, on assiste dans le même temps à l’infiltration du banal, dans l’art et à l’emmergeance de pratiques appropriationnistes et conceptuelles contribuant à une redifinition des rapports entre les médium, les supports et les pratiques artistiques rendues de plus en plus porreuses entre elles. La question de la matérialité, du statut et de la valeur d’usage des images sont alors fortement mobilisées. Les travaux issus de l’Arte Povera, du “Banalisme” et de la performance radicales ont fortement influencés les artistes et les curateurs dans le champs de la photographie contemporaine. Parmis eux, on peut citer Claude Lévèque, Valérie Jouve, Roberto Martinez, Christain Boltansky, Patrick Tosani ou Raphaël Boccanfuso et beaucoups d’autres. Bien qu’aillant des approches très différentes les unes des autres, ils ont en commun de questionner l’espace publique, la nature des relations sociales et politiques par des pratiques appropriationnistes et la revendication du prosaïque. De ces démarches, j’ai choisit de retenir la valeur accordée au concept, la volonté d’une approche ouverte de la photographie pour exprimer une sensibilté, une poétique, une urgence, une tension, ou une forme de menace à travers des dispositifs simples.
Le projet en cours “What you see is what you get” consiste en une série d’actions artistiques, ici des collages libres dans l’espace publique. Les images ne sont ni signées, ni limitées en tirage et sont destinées à être réactivées suivant le même protocole à n’importe quel moment. Ces actions éphémères sont ensuite documentées au moyen de la photographie au téléphone portable. Lorsqu’elles font appel à l’appropriation, la source des images est indiquées en filigrane. Issues et réintroduites dans le quotidien, ces images cherchent à questionner la présence, le caractère accessible et la visibilité de l’art dans et hors des lieux dédiés à l’exposition.
Tract’eurs n°18 - Populaire, Populaire #3 Radis (Nov. 2014), Photocopie laser, 10 x15 cm, 1/1000 ex
à l’invitative de Roberto Martinez, Emilie Akli. Le 6B à l’occasion du Mois de la Photo>OFF 2014. Tracts édités à 1000 exemplaires distribués par leurs auteurs au marché de Saint-Denis (93). Contributeurs : Emilie Akli, Alain Bernardini, Valérie Bert, Raphaël Boccanfuso, Stéphanie Ditche, Pierre Fraenkel, Antonio Gallégo, Valérie Jouve, Claude Lévêque, Bernard Marcadé, Roberto Martinez, Clémentine Mélois, Tania Mouraud, Régis Perray, Françoise Quardon, Éric Tabuchi, Ouvrier - pomme de terre.
Populaire, populaire #3 Nov. 2014 - Expositions collectives sous la forme de photographies, affiches et de tracts. Contributeurs : Emilie Akli, Raphaël Boccanfuso, Stéphanie Ditche, Pierre Fraenkel, Antonio Gallégo, Denis Guéville, Laurent Lacotte, Claude Lévêque, Roberto Martinez, Clémentine Mélois, Ouvrier - pomme de terre.
Dans le cadre du Mois de la Photo >OFF 2014, Roberto Martinez et moi avons co-commissarié l’exposition Populaire, populaire #3 au 6b et hors les murs à Saint-Denis ( 93). Pour cet évènement, nous avons demandé aux artistes invités d’articuler selon leur réthorique propre une réponse à la question “ Que signifie le mot populaire aujourd’hui ?” sous trois formes : la photographie pour l’exposition collective (le 6B), l’affiche pour un collage urbain sur les panneaux électoraux de la Ville de Saint-Denis (ci-contre) et le tract ( voir tract’eurs n° 18 ) pour une distribution au marché de Sant-Denis. ( voir annexe dossier de présentation de Populaire, populaire #3)
De Rien à Rien 1.0 et 1.1 2013 Installation mixte, 128 impressions laser de l’itinéraire pédestre google (21 cm x 29, 7cm), captures écrans, carte (118, 9 x 84,1 cm.)
Phase 1.0 de Rien en France à Rien en Hollande
Il s’agirait ici de parcourir, du regard dans un premier temps, les 3200km qui séparent Rien de Rien puis Rien afin de collecter un fond de données constitutives et/ou destinées à la production d’oeuvres ultérieures. À la fois intention et oeuvre en soit ce projet est voué à s’inscrire dans la durée et l’espace à travers une série de photographies et un ensemble de documents relatifs à ce parcourt pour produire une installation évolutive.
De Rien à Rien 1.0 (2013) en est la première étape et se présente sous la forme dérivée du cartel d’exposition en ce qu’ils proposent un contenu informationnel obtenu à partir d’un itinéraire produit avec Google map visant à documenter l’oeuvre-idée. Le choix d’une esthétique pauvre vient renforcer la citation du conceptualisme recontextualisée à l’ère numérique. Un vélo d’appartement ou un tapis de marche pourrait être également intégré à cette installation afin d’inviter le regardeur à expérimenter pour lui même l’idée d’un chemin vers Rien.
De Rien à Rien 2.0 (2014 voir ci après) constitue la deuxième étape de ce travail visant à transmettre une expérience physique de ce chemin par le passage de la carte au calque puis à l’image. Le protocole inspiré de la pensée Deuleuzienne a consité en une transcription manuelle de l’ensemble des étapes de ce trajet pédestre. Il en résulte la réalisation de trois calques de 30cm x 11m. Il a fallut pour chacun, trois semaines de travail à raison de 8h par jours ce qui correspond à la durée du parcours en temps réel ainsi qu’à la longueur du trajet à l’échelle 1cm pour 1km. Hommage aux partisants de l’absurde et de la forme Oulipienne, ce projet s’inscrit également en référence aux travaux d’Édouard Levé où la mise en acte liée au jeu littéraire viennent se déborder l’un, l’autre. Le déplacement et la dérive situationniste constituent également le filigrane de ce projet de même que les travaux de Richard Long et Denis Oppenheim où le déplacement et la marche font oeuvre en ce qu’ils matérialisent un chemin de possibilités infinies, de micro-interventions et de sublimation du banal.
Phase 1.1 de Rien Ă Rien par Rien
De Rien à Rien 2.0
2013 Installation mixte, Photographies anonymes, formats et quantités variables. Vélo d’appartement Transcription manuscrite de la première portion de l’itinéraire entre Rien en France et Rien en Hollande sur calque végétal, 38 cm x 1100 cm, 1/1) Cette dimension correspond en largeur au champs de vision maximum sur terrain plat et en longueur à une représentation à l’échelle de 1/1000 de la distance réelle de ce trajet.
Vue d’exposition - Tant pis pour l’(in)visible, Mains d’Oeuvres, Saint-Ouen du 26 au 29 Mars 2015
2° 20’ 14,0245’’ E 2011 Oeuvre co-signée avec Emile Ouroumov, série de 135 polyptiques composés chaquns de cinq photographies (20x20cm) légendés selon leur latitude, Tirage Lambda, 1/1 + 2 épreuves d’artistes.
Le projet 2° 20’14,0245”E consiste en une exploration photographique de Paris selon une procédure systématisée, prenant appui sur l’axe Nord-Sud entre la Porte Montmartre et les abords de la Porte d’Orléans. Cet axe se situe à environ deux degrés de longitude Est par rapport au Méridien de Greenwich. Il s’agit de l’ancien Méridien de Paris, matérialisé à certains endroits par une série de cent trente cinq médaillons en bronze, oeuvre de l’artiste hollandais Jan Dibbets à la mémoire du scientifique François Arago. Ce dernier est d’ailleurs très lié à la photographie dans la mesure où il défendit le daguerréotype à l’Académie des Sciences en 1839. Comme toute métropole sujette à des transformations architecturales profondes, Paris est aussi le théâtre de nombreux travaux photographiques visant à rendre compte du paysage urbain à un instant précis. L’éventail d’exemples de prises de vue systématiques s’étend de la période pré-Haussmannienne immortalisée par Eugène Atget au XIXème siècle aux environnements virtuels des projets tels que Google Earth et Quick Time Virtual Reality 360°, mêlant réseaux, cartographie et photographie. Dans le champ de l’art contemporain, on peut notamment citer certains représentants de l’Ecole de Düsseldorf (Thomas Struth, Thomas Ruff, Andreas Gursky). A la suite de Bernd et Hilla Becher, ils se sont essayés à toutes les déclinaisons du document, produisant des images « pures » et non manipulées. Au-delà de cet héritage photographique qui se veut neutre et sériel, le projet 2° 20’ 14,025”E représente également une filiation aux pratiques situationnistes consistant à arpenter une ville selon un parcours déterminé.
De ces approches, il a été retenu la rigueur et le systématisme dans la mesure où ils s’opposent au caractère éphémère de certains éléments (piétons, véhicules, travaux publics, affichages…) entrant dans le champ de l’appareil. Si l’on reproduisait l’expérience à intervalle régulier, les lieux (les différents quartiers), le moment ou l’époque seraient davantage caractérisés par ces objets transitoires que par les éléments pérennes du cadrage (architecture et voirie). Ainsi, la rigueur de cadrage permet paradoxalement de mieux rendre compte de ce qui est fugace et aléatoire. La recherche de ces médaillons s’est rapidement transformée en expédition urbaine, avec GPS, carte et boussole à l’appui. Certains semblent avoir disparu sous les couches successives de bitume, d’autres ont été descellés, rendant encore plus difficile leur localisation. Leur positionnement Nord-Sud aléatoire rend les prises de vue d’autant plus imprévisibles. L’aspect technique de la réalisation implique une série de cinq vues successives pour chaque point. La première est prise verticalement, en plongée sur le médaillon. Les quatre suivantes sont effectuées en pivotant successivement l’appareil vers chacun des quatre points cardinaux, dans l’ordre Nord, Est, Sud, Ouest.
Épuisement d’une situation d’urgence
Paris et Londres ( 2014, 2015 ) Texte dactylographié et Rotring sur calque végétal, 200 x 250 cm 1/1 Texte dactylographé et Impression numérique sur calque 84 x118 cm, 1/8 Texte dactylographié et Découpes Vynil formats variables (oeuvres in-situ) 1/1
Par l’urgence, nous tendons vers l’essentiel, presque en ligne droite et à travers des combinaisons de possibles en fonction des temps, de l’espace, du terrain et de la nécessité qui nous y pousse. Comment épuiser cette « géographie » en une forme plastique finie? Bien que volontairement neutre et en apparence dénuée d’affect ou de narration, cette image se donne comme une prise, un lien, un déplacement : un instantané d’état d’urgence. De fait, aborder un territoire inconnu semble d’emblée poser une nécessite vitale ou non : voir d’un point à l’autre, établir des repères ne serait-ce qu’en terme d’orientations afin de s’y faire une place tout en conservant une identité. NI D’ICI NI D’AILLEURS
La visite (ou la thèse de l’accident) depuis 2011 Pour cet ensemble, plusieurs formes sont envisagées en fonction du lieu d’exposition et du contexte. Il existe un dispositif de projection multiple, un carnet annoté, des tirages lambda (1/5).
Relevé d’observations constatées par hasard, ce phénomène de diffraction est produit par l’inclinaison des rayons solaires lorsqu’ils frappent le bord d’un miroir biseauté ou tout autre prisme selon un angle précis. Son occurrence poétique, sur le mur de ma chambre ou parfois sur divers support, fut répertoriée de 2011 à 2012 entre les mois de Mai et Septembre puis ensuite à l’extérieur. La taille des images est déterminée par le degré de subjectivité et de réconfort que ces apparitions ont suscité. La forme éclatée vient déconstruire une linéarité temporelle pour ne traduire qu’un ensemble de ruptures tout comme la lumière se rend ici visible par déconstruction. Après 2012 et la période d’errance qui suivit, cette série a continué de s’étendre pour conjurer le manque d’une chambre à soi sous la forme d’un journal intime. Dissimulée derrière le systématisme, ces images traduisent une certaine urgence à conserver et inventorier des constantes malgré le chaos, à garder des points d’ancrages dans le réel à travers la répétition. Contrairement à l’œuvre récente de Sugimoto, le charme de cette apparition n’est pas construit pour la production d’une image mais réside dans l’accidentel. C’est par la répétition de l’observation de cet évènement et la surprise suscitée que l’œuvre se constitue. Pour Paul Virilio , “Péché originel ou Accident de l’origine, comme la fin, le commencement est une limite, et les sciences et les techniques n’échappent pas plus que la philosophie à cette tare originelle.” La thèse de l’accident selon lui décrète l’urgence d’un musée des catastrophes.
Eurythmies 2013 / 2015 Photographies, (extraites de la série), Lambda print, 40x40 cm, 1/5
Comment traduire la danse autrement que par le mouvement d’une instabilité, la suspension et le micro balancement d’un objet prêt à tomber ? Formes-transitions cristallisées, ces images s’inspirent d’une histoire partagée sur un coin de table qui donnèrent lieu à une série d’expériences en studio. Ces images s’inscrivant comme rapport d’activité constituent le point de départ d’un travail sur deux axes de recherche : le langage de objets et la danse, la façon dont ceux-ci se manifestent conjointement dans le quotidien. Si modeste et ténu soit-il, l’objet posé en équilibre instable créer chez le regardeur une gène instinctive, une envie de le retenir. En tentant de chercher ce point de rupture et de le figer en une image dont le point focal se fait levier, il était question de traduire ici une autre réalité abordant davantage la photographie que le photographique tout en exploitant son biais. Créant l’illusion d’une supercherie bricolée en studio, c’est bien la captation simple de l’instant comme rupture qui est mobilisée pour transcrire un glissement vers le moment. Rudolf Steiner, dans son allocution introductive à la conférence Le caractère fondamental de l’art (1918) abordait la notion d’ “eurythmie” en ces termes : “l’eurythmie nous fait remonter jusqu’au caractère primordial, toucher aux origines mêmes de l’art, c’est à dire à la relation qui unit le macrocosme et le microcosme. L’univers entier – le macrocosme – s’exprime dans l’être humain – le microcosme. Si on le prend dans sa totalité, l’être humain est bien l’image du macrocosme et quand on comprend cela, on accède alors à ce qui fait l’essence des différents arts. Tout art se rattachant ainsi au macrocosme et au microcosme, peut manifester à sa manière ce qui relie l’un à l’autre, l’homme et l’univers. L’eurythmie, elle, ne se rattache à rien d’arbitraire, d’inventé, mais bien à ce qui vit en l’être humain. Son point de départ c’est le langage humain.”
HaĂŻku 2013 Extrait de la sĂŠrie ( Several attempts to catch a cloud) Photographies, diasec, 72x48 cm et 96x72 cm, 1/5
Cette oeuvre est extraite de la série intitulée Several attempts to catch a cloud qui dans le prolongement des Eurythmies (2012), se donne pour objet d’explorer les possibilités de transcription d’une poétique épurée, involontaire et domestique. Ce triptyque s’inspire de la forme littéraire de la poésie japonnaise extrêmement brève et codifiée visant à dire “l’évanescence des choses, une impression de la nature ou à traduire une émotion” : ici, celle d’une agonie ordinaire dans une une cuisine en hiver.
Ranger le printemps 2012 Extrait de la sĂŠrie ( Several attempts to catch a cloud) Polyptyque, photographies, lambda prints, 40x50 cm 1/3
Petites ĂŠnergies et puissances timides 2014 Extrait de la sĂŠrie ( Several attempts to catch a cloud) Triptyque, photographies, lambda prints, formats variables 1/3
Détournement
2013 Clip-board, réglette en carton, impression laser sur calque 29,7 x 42 cm, 1/5
“La loi” devient “l’illusion”, “le gardien de la porte” devient “la photographie” : Texte inspiré de l’Oulipo à partir de la parabole “Métaphore de la loi” dans le Procès de Franz Kafka.
Devant l'illusion se dresse le photographie. Un homme de la campagne se présente et demande à entrer dans l'illusion. Mais la photographie dit que pour l'instant elle ne peut pas lui accorder l'entrée. L'homme réfléchit, puis demande s'il lui sera permis d'entrer plus tard. «C'est possible», dit la photographie, «mais pas maintenant». La photographie s'efface devant la porte, ouverte comme toujours, et l'homme se baisse pour regarder à l'intérieur. La Photographie s'en aperçoit, et rit. «Si cela t'attire tellement», dit-il, «essaie donc d'entrer malgré ma défense. Mais retiens ceci: je suis puissant. Et je ne suis que le dernier des gardiens. Devant chaque salle il y a des gardiens de plus en plus puissants, je ne puis même pas supporter l'aspect du troisième après moi.» L'homme de la campagne ne s'attendait pas à de telles difficultés ; l'illusion ne doitelle pas être accessible à tous et toujours, mais comme il regarde maintenant de plus près la photographie dans son manteau de fourrure, avec son nez pointu, sa barbe de Tartare longue et maigre et noire, il en arrive à préférer d'attendre, jusqu'à ce qu'on lui accorde la permission d'entrer. La photographie lui donne un tabouret et le fait asseoir auprès de la porte, un peu à l'écart. Là, il reste assis des jours, des années. Il fait de nombreuses tentatives pour être admis à l'intérieur, et fatigue la photographie de ses prières. Parfois, la photographie fait subir à l'homme de petits interrogatoires, elle le questionne sur sa patrie et sur beaucoup d'autres choses, mais ce sont là questions posées avec indifférence à la manière des grands seigneurs. Et elle finit par lui répéter qu'elle ne peut pas encore le faire entrer. L'homme, qui s'était bien équipé pour le voyage, emploie tous les moyens, si coûteux soient-ils, afin de corrompre la photographie. Celle-ci accepte tout, c'est vrai, mais elle ajoute: «J'accepte seulement af in que tu sois bien persuadé que tu n'as rien omis». Des années et des années durant, l'homme observe la photographie presque sans interruption. Il oublie les autres portes. La première lui semble être le seul obstacle. Les premières années, il maudit sa malchance sans égard et à haute voix. Plus tard, se faisant vieux, il se borne à grommeler entre les dents. Il tombe en enfance et comme, à force d'examiner la photographie pendant des années, il a fini par connaître jusqu'aux puces de sa fourrure, il prie les puces de lui venir en aide et de changer l'humeur de la photographie ; enfin sa vue faiblit et il ne sait vraiment pas s'il fait plus sombre autour de lui ou si ses yeux le trompent. Mais il reconnaît bien maintenant dans l'obscurité une glorieuse lueur qui jaillit éternellement de la porte de l'illusion. À présent, il n'a plus longtemps à vivre. Avant sa mort toutes les expériences de tant d'années, accumulées dans sa tête, vont aboutir à une question que jusqu'alors il n'a pas encore posée à la photographie. Il lui fait signe, parce qu'il ne peut plus redresser son corps roidi. La photographie doit se pencher bien bas, car la différence de taille s'est modifiée à l'entier désavantage de l'homme de la campagne. «Que veux-tu donc savoir encore?» demande la photographie. «Tu es insatiable». «Si chacun aspire à la loi», dit l'homme, «comment se fait-il que durant toutes ces années personne autre que moi n'ait demandé à entrer?». La photographie, sentant venir la fin de l'homme, lui rugit à l'oreille pour mieux atteindre son tympan presque inerte : «Ici nul autre que toi ne pouvait pénétrer, car cette entrée n'était faite que pour toi. Maintenant, je m'en vais et je ferme la porte.»
PULP : Des échantillons lunaires ont pris la poussière 2011-2013
Extrait d’une série de 50 polaroïdes, 8,8cmx10,7cm, 1/1ex.
“Si les soucoupes volantes existent, elles enlèveront à quelques-uns, qui y tiennent encore passionnément, la conviction de plus en plus faible, que la science, malheureuse erreur d’orientation particulière à certains sur cette planète, aurait pu ne pas se produire.” Henri Michaux in Poteaux d’angle
Issue d’une collection de captations numériques commencée en 2011, cette série en constante expansion se construit à partir de films et séries cultes du genre S.F. Cette œuvre comprend une collection de 50 polaroides au format 8,8 x 10,7cm (3.5 x 4.2 in.) Ces images empruntent, recontextualisent et introduisent un déplacement par hybridation entre l’iconicité du film de Science Fiction, caractérisée par un illusionnisme plus ou moins bricolé visant à cristalliser espoirs et angoisses de son temps, et le Polaroid devenu synonyme d’une emprunte immédiatement délivrée sans intermédiaire. Au delà d’une « prétendue véracité », ici caduque, Pulp tente d’interroger la façon dont s’imbriquent l’iconicité et l’indicialité lorsque qu’il s’agit de photographies numériques modifiées. Pour Tom Gunning, l’illusionnisme en photographie serait déjà si communément établie que l’enjeu en deviendrait plus ludique que transgressif dans l’exploration des multiples degrés de la vraisemblance. Le Polaroid comme la Science Fiction trouvent cependant leurs points de contact en ce qu’ils mobilisent un marché captif et s’inscrivent dans la sphère familiale, tout comme ils sont traditionnellement associées à une esthétique « pauvre » et intimiste dont certains artistes, dès les années 1960’s, se sont emparés pour repousser les limites de l’art. Qu’en est-il aujourd’hui ? Le numérique favoriserait-il à son tour le dépassement de questions esthétiques autour du photographique, de la matérialité, de l’originalité, de l’adhérence au support, de sa nature versatile exerçant pourtant toujours la même fascination perceptuelle ?
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