Le chantier

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LE CHANTIER

A u r é l i e n R a m o s travail personnel de fin d’études formation paysage ensapBx directrice d’étude : Hélène Soulier n o v e m b r e 2 0 1 2



LA FABRICATION/LE PROJET L’EAU MODERNE CONTEMPORAIN NEUF LE PAYSAGE URBAIN LATENCE TABULA RASA LE LAC LE VIDE LA FRICHE LA PÉRIPHÉRIE LES AUBIERS CIEL-HORIZON VITESSE/LOINTAIN LA VOITURE COMMERCES DE MASSE ERRANCES SQUAT FRANGES/MARGES RENCONTRES SECRÈTES ERRANCES2 CONSTRUCTION NUISANCE DÉCHETS LE TRAVAIL/LA DIVISION CORPS SANS ORGANES LE CHAOS PALISSADE EXCLUSION DRAME/SPECTACLE DANGER ENGINS BRUITS POUSSIÈRES TAS POPULATION HABITANTE POPULATION INTÉRIMAIRE POPULATION FUTURE IMAGE/SIMULACRE OPACITÉ/SECRET LA PROMOTION ORNEMENT (VÉGÉTAL) LA MODE LE DISCOURS/RÉCIT ANTI-VILLE ? UTOPIE URBAINE L’INACHEVÉ



i. collection


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DENOMINATEURS COMMUNS

ii. inventaire


LE TANGIBLE

LE VIVANT


L’IDÉE

iii. classement a


LE PASSÉ LE PRÉSENT


LE FUTUR

iv. classement b


LE TEMPS

L’ESPACE

LES CHOSES


LES MOTS

v. classement c


LE TIER TERRITOIRE

LE PASSIF/PASSÉ

LA PROJECTI


CORRELATION AUX DENOMINATEURS COMMUNS

CORRELATION HIERARCHIQUE

CORRELATION EXTERNE

CORRELATION INTERNE

CORRELATION PRIMAIRE

vi. constellation

ION

LE CHANTIER



LE CHANTIER A u r é l i e n R a m o s travail personnel de fin d’études formation paysage ensapBx directrice d’étude : Hélène Soulier n o v e m b r e 2 0 1 2

Soutenance : 12 novembre 2012 Jury Hélène Soulier Cyrille Marlin Leïla Cantal-Dupart Cristian Dragnea


SOMMAIRE Glossaire Introduction

Note méthodologique Genèse du territoire Carte d’identité du projet Ginko Tabula rasa

Tabula rasa III Les adieux à la friche La périphérie

Gestion des friches du chantier Le système chantier

Les tableaux vivants : le regard sur le mouvement RAID

Poétique du tas Les populations

Frichepark 2010-2015 : le bien commun L’histoire et la géographie, manuel à l’usage des nouveaux habitants L’image et la représentation

Belvédère publicitaire Conclusion inachevée

2

Annexe Bibliographie suivi photographique août 2011-août 2012


p.4 p.8 p.12 p.14 p.28 p.40 p.54 p.68 p.72 p.98 p.108 p.122 p.126 p.144 p.148 p.168 p.172 p.174 p.186 p.196 p.204 p.206 p.210

3


GLOSSAIRE

57 FRAGMENTS ANTI-VILLE ? BRUITS CHAOS (LE) CIEL-HORIZON COMMERCES DE MASSE CONSTRUCTION CONTEMPORAIN CORPS SANS ORGANES DANGER DÉCHETS DISCOURS/RÉCIT (LE) DRAME/SPECTACLE EAU (L’) ENGINS ERRANCES ERRANCES2 EXCLUSION FABRICATION/LE PROJET FRANGES/MARGES FRICHE (LA) IMAGE/SIMULACRE INACHEVÉ (L’) LAC (LE) LATENCE LES AUBIERS MODE (LA) MODERNE NEUF NUISANCE OPACITÉ/SECRET ORNEMENT (VÉGÉTAL) PALISSADE PAYSAGE URBAIN (LE) PÉRIPHÉRIE (LA) POPULATION FUTURE POPULATION HABITANTE POPULATION INTÉRIMAIRE POUSSIÈRES PROMOTION (LA) RENCONTRES SECRÈTES SQUAT TABULA RASA TAS TRAVAIL/LA DIVISION (LE) UTOPIE URBAINE VIDE (LE) VITESSE/LOINTAIN VOITURE (LA)

RÉFERENCE DIRECTE p. 190 pp. 73, 112, 116, 190 p. 142 pp. 85, 87, 112, 142, 190 p. 115 pp. 14, 26, 42, 112, 114, 115, 118, 173, 174, 183, 196 p. 74 pp. 74, 116, 142, 143, 180 p. 82 pp. 52, 75, 80, 160, 164 p. 110 pp. 14, 38, 42, 52, 58, 73, 85, 114, 116, 117, 118, 140, 141, p. 25 pp. 14, 25, 38, 58, 160, 179 p. 114 pp. 38, 114, 116 p. 140 pp. 78, 112, 116, 117, 140, 190, 200 p. 112 pp. 22, 111, 112, 115, 143, 145 p. 179 pp. 14, 24, 25, 28, 58, 73, 114, 118, 164, 174, 177, 179, p. 118 pp. 24, 38, 42, 69, 118, 147, 177, 196 p. 22 pp. 22, 52, 74, 96, 38, 183, 178 p. 141 pp. 38, 112, 118, 140, 141, 142, 162, 164 p. 85 pp. 14, 42, 85, 96 p. 96 pp. 14, 42, 85, 96 p. 117 pp. 58, 80, 117, 141, 177, 190 p. 14 pp.22,24,25,26,38,42, 52,58,69,79,85,112,114,117,118,140,160,164, p. 86 pp. 38, 42, 56, 73, 74, 75, 85, 86, 88, 140 p. 58 pp. 36, 42, 52, 55, 58, 78, 87, 88, 112, 160 p. 174 pp. 22, 24, 25, 26, 38, 42, 73, 110, 118, 164, 174, 177, p. 200 pp. 24, 58, (38), (164), (193), 200 p. 52 pp. 14, 20, 22, 24, 25, 28, 42, 52, 55, 74, 75, 78, 79, 82, 85, p. 38 pp. 14, 38, 58, 114, 115, 177, 183 p. 78 pp. 24, 78, 82, 160 p. 179 pp. 24, 52, 178, 193 p. 24 pp. 24, 117, 164 p. 25 pp. 25, 73, 112, 118, 162, 173 p. 112 pp. 38, 87, 112, 118, 140, 142, 164 p. 177 pp. 14, 78, 85, 86, 88, 112, 115, 162, 164, 177, 183, p. 178 pp. 107, 178 p. 110 pp. 38, 110, 112, 115, 116, 140, 142, 200 p. 26 pp. 26, 52, 178, 190 p. 73 pp. 14, 52, 73, 75, 80, 82, 85, 86, 88, 96, 115, 160, 190 p. 164 pp. 52, 78, 114, 121, 160, 162, 167, 173, 174 p. 160 pp. 80, 112, 116, 160, 164, 168 p. 162 pp. 14, 33, 113, 116, 140, 141, 142, 143, 162, 164, 173 p. 142 pp. 112, 142 p. 183 pp. 22, 38, 42, 73, 82, 118, 164, 174, 177, 183, 190 p. 88 pp. 52, 58, 87, 88, 96, 179 p. 87 pp. 53, 58, 87, 96 p. 42 pp. 24, 42, 52, 58, 96, 193 p. 143 pp. 14, 52, 112, 115, 143 p. 113 pp. 52, 115, 117, 140, 141, 142, 143, 162 p. 193 pp. 22, 26, 42, 73, 117, 190 p. 52 pp. 14, 22, 42, 52, 58, 73, 74, 75, 86, 96, 114, 160, 164, 174, p. 75 pp. 74, 75, 80, 82, 115, 190 p. 80 pp. 75, 80, 82


142, 143, 174, 177, 178 183, 190, 200, 201 182, 174, 177, 190, 200 183, 200 90, 142, 167, 187 190, 199 177, 200

RÉFERENCE SECONDAIRE p 76, 82 pp. 9, 49, 170 pp. xvi, 147 pp. 187, 55, xxix, xxxii pp. iii, x, 10, xvi, xxvi, xxix, xl, xliii, 54, 61, 69, 102, 106, 123, 125, 126, 147, 168, 170, 187, 196, 200 p. 10 p. 10 pp. x, 55, 120, 126, 128-129, 130-131, 132-133, 134-135, 136-137, 138-139 pp. 10, 12, 13, xvi, 170, 196, 198, pp. xxviii, xxi pp. xxix, xl, x pp. ii, xxix, xli, xliv pp. 173, 198 pp. iii, 10, 12, 18, xxviii, 49, 103, 106, 107, 123, 125, 168, 187, 196, 199 p. xviii pp. 10, xvi, xxv, xxviii, xxix, xxxii, xv, xxviii, xxxvii, xli, xlii, xliii, 121, 125, 139, 168, 196 pp. 48-49, 111, 168, 173, 176, 180-181, 187, 198 pp. xiv, xvi, xxi, xxv, xliii pp. 103, 107, 170 pp. xiv, xxi, xxix, xxxvii, xl, 54, 55, 75, 03, 106, 168, 169 pp. 10, xiv pp. x, xxix, 61,198 pp. 10, 200 pp. 107, 147, 168, 175, 187 p. 198 pp. xviii, xxi, xxxvi, xxxvii, 168, 177, 187 p. 169 pp. ii, iii, xvi, xxxvii, 28, 169 pp. xi, xxi, xxvi, xxix, xxxii, 118, 119, 147, 168, 169 pp. ii, 173 p. 180 pp. xviii, xxiv, xxv, xliii, pp. 90-91, 107, xx, xxix pp. 44, 47, 48-49, 54, 55, 56, 59, 60-61, 68-69, 95, 106, 122-123 pp. 144-145 pp. 55, 98, 120, 126, pp. xiv, xxviii, 170, 173, 187 pp. xviii, xxi, 98, 144 pp. xvi, xvii, xliii, 168, 180, 193 5




1 Jean BAUDRILLARD Simulacres et simulation, p.108 2 Michel FOUCAULT Des espaces autres Dits et ĂŠcrits, tome IV, 1994 Ci-dessus Azulejos - Lisbonne photo prise par Marion Howa

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4. Ils dirent : bâtissons-nous une ville et une tour dont le sommet touche aux cieux ; faisons-nous un signal, peut-être serons-nous dispersés sur toute la terre. Genèse, XI

INTRODUCTION Sur les murs de Lisbonne, il y a des visages en morceaux qui nous suivent du regard. Il y a des scènes entières, plaquées aux façades des palais, qui restent en pièces et racontent des histoires inquiétantes. C’est la rencontre de deux systèmes qui s’ignorent : l’un fait d’aplats monochromatiques dont la variation d’intensité de bleu de cobalt dessine les différents plans, évoluant dans un espace infini, fluide, presque aquatique ; l’autre est une trame de frontières, faussement régulière certes, mais rectiligne, plus ou moins orthogonale en tout cas. C’est un réseau d’interstices dont profite le temps pour s’immiscer et ronger le tableau de l’intérieur. C’est depuis ces interstices que viennent les altérations, les écaillures, les éclats. Les deux systèmes cohabitent, ils se juxtaposent, ils n’ont pas vraiment le choix. Alors parfois, à la faveur d’une distraction, d’un oubli ou d’une humeur particulière, la cohabitation échoue complètement, les deux systèmes sont renvoyés dos à dos et le sens capitule. Dans les fresques d’azulejos, le chaos n’est jamais très loin. La structure, le cadre et l’aménagement ne sont pas un gage d’ordre. Bien au contraire, on frôle si facilement la folie, il suffit de peu. Tout l’intérêt de ce désordre est qu’il naît et reste à l’intérieur du système global dans lequel il est pris et que son impact en est d’autant plus visible. Il s’agit moins de faire voler le sens en éclat que de produire une implosion au sein de la structure. Ces hiatus involontaires sont à l’image du changement de paradigme qui s’est produit dans la société après la Seconde Guerre Mondiale et que décrit Baudrillard : d’un système rationnel opérant par violence libératrice, explosive donc, (violence du capital, libération des forces productives, extension des domaines du savoir, conquête de l’espace) nous sommes passé à un système implosif qui procède par saturation et rétraction. L’espace ne s’étend plus que sur lui-même, son terrain d’expansion n’est plus que sa propre dimension, il est tautologique, pléonastique et essentiellement égocentrique.« Nous sommes à l’époque du simultané, nous sommes à l’époque de la juxtaposition, à l’époque du proche et du lointain, du côte à côte, du dispersé. »2

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La fabrication de l’espace aujourd’hui est une implosion, qui concentre et disperse en même temps. Le chantier est ce moment paradoxal de la fragmentation spatiale, temporelle, sociale, économique et sa concentration absolue. Ce moment de la fabrication passe par la dispersion simultanée du sens : la matière première est l’espace physique mais aussi l’espace du discours sur le passé, l’espace projeté dans le futur de la forme achevée qui préexiste à sa construction effective, c’est dans le même temps l’espace des flux financiers et politiques qui pilotent le tout. Dans le moment du chantier cohabitent et se juxtaposent ces différents systèmes qui évoluent dans des dimensions parallèles, et qui soudain produisent jusqu’à la saturation des réseaux infinis, jusqu’au brouillage total, à la constitution d’une structure close et opaque, impénétrable. La matrice du chantier contient indistinctement toutes ses couches non hiérarchiques, dispersées selon leur intensité au sein d’un même volume, grand bain dont les organes disparates mais indissociables suivent des trajectoires qui leur sont propres. La pensée académique est mise en échec. La complexité a laissé place à l’intensité et on est plus habitué à avoir affaire à des nœuds à dénouer ou des équations à résoudre qu’affaire à des énergies. Il faut essayer un autre mode de pensée, moins linéaire, plus modulaire, il faut déconstruire la pensée rationnelle et totalisante qui édulcore le système par soucis d’efficacité, cette forme de pensée qui cautionne et garantie l’opacité de l’ensemble. Entrons plutôt dans le système en implosion. Pour ça, il faut bien en passer par une déconstruction préalable pour voir ce qu’il reste. Il ne s’agit pas de rechercher l’exhaustivité – le système n’a ni début ni fin – mais plutôt de mettre ma pensée à l’épreuve, de produire un processus singulier, autonome, subjectif.

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Pascal Quignard situe la naissance de la littérature moderne à la fin du XVIIe siècle avec la publication, après des années de gestation, du premier volume des Caractères par Jean de La Bruyère. Elle coïncide avec le moment où se généralise l’usage du français, langue encore récente à cette époque qui s’impose face aux dialectes régionaux et surtout face au latin, langue des Classiques. Les Caractères est la première œuvre de la littérature française intentionnellement fragmentaire. Cet « ouvrage ne peut-être appelé livre, que parce qu’il y a une couverture, et qu’il est relié comme les autres livres », dirons ses contemporains, « Ce n’est qu’un amas de pièces détachées [...] ». 3 La Bruyère en mettant en pièces sa pensée témoigne de l’inadéquation entre le monde qui l’entoure et la langue


dans laquelle les penseurs de l’époque s’expriment (le latin). Les lambeaux qu’il produit traduisent sa gêne mais aussi son besoin d’inventer un nouveau mode de pensée avec cette langue nouvelle. Peut-être se trouve-t-on aujourd’hui dans une situation similaire. Le système implosif de la production de l’espace procédant par saturation et rétraction, où le réseau et l’instantanéité sont devenus hégémoniques, la ville mondialisée, satellisée, dispersée, péri urbanisée telle qu’elle se fabrique désormais sont des phénomènes qui ne peuvent plus être appréhendés avec le vocabulaire d’hier, avec les outils du passé. Il s’agit d’inventer, ou de moins de tester une forme qui soit issue des intensités en jeu aujourd’hui, et non plus en fonction des schémas éculés d’hier. La pensée est docile, elle permettrait volontiers de se tordre pour faire entrer coûte que coûte les structures actuelles dans un cadre satisfaisant, car elle en a l’habitude. Il faut donc chercher à déplacer le point d’ancrage depuis lequel on mène la réflexion. La déconstruction est un postulat intellectuel pour éviter la linéarité, la rationalité traditionnelle et scolaire de la pensée. Car l’espace qui est produit aujourd’hui autour de nous est moins cartésien que veulent le faire croire les aménageurs (dont le paysagiste fait trop souvent partie), colporteurs des modèles collectifs servant à appréhender le réel.

3 Pascal QUIGNARD citant les critiques de Donneau de Visé et Thomas Corneille, Une gêne technique à l’égard des fragments, p.18 Ci-contre OSSIANE Implosion eau gelée à l’intérieur d’une Dame-Jeanne

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NOTE METHODOLOGIQUE

Le travail sur le territoire de Bordeaux Nord et sur le chantier de l’éco-quartier Ginko a été mené selon une méthode accumulative et discontinue. Face à un territoire archétype de l’espace urbain par son artificialité, face à un processus de fabrication séquencé, segmenté, morcelé dans le temps et dans l’espace, il faut adopter un mode de pensée acentré, discursif, fragmentaire, mettre en place un système de réflexion en rhizome, selon la définition qu’en font Deleuze et Guattari : contrairement à un mode de pensée hiérarchique, arborescent où le sens et la cohérence d’ensemble préexiste à l’idée, les deux auteurs opposent le système-radicelle. En prenant l’image du rhizome, il s’agit d’atteindre un certain degré d’hétérogénéité, de multiple et de mobilité de la pensée. Le rhizome présente des formes très diverses selon les fonctions qu’il remplit, il peut être segmenté à n’importe quel endroit et reproduire lui-même un nouveau système contenant exactement la même information génétique. « A ces systèmes centrés, les auteurs opposent des systèmes acentrés, réseaux d’automates finis, où la communication se fait d’un voisin à un voisin quelconque, où les tiges ou canaux ne préexistent pas, où les individus sont tous interchangeables, se définissent seulement par un état à tel moment, de telle façon que les opérations locales se coordonnent et que le résultat final global se synchronise indépendamment d’une instance centrale. »1 Ce travail est donc construit sur une accumulation de fragments qui sont traversés indistinctement par le relevé d’éléments physiques liés au territoire, à la matérialité du site ; par des notions historiques et des projections dans le discours sur la ville afin de situer la réflexion dans un cadre temporel extensif ; par des propositions dépassant le cadre analytique pour amener à projeter sur l’existant ; par des références diverses permettant de mettre en réseau la réflexion avec une pensée théorique sur la production de l’espace ; par des éléments d’ordre fictionnel, projetant la situation actuelle dans l’espace du possible afin de mettre en perspective la plasticité de l’espace et l’imbrication entre réel et virtuel. Ces fragments indépendants les uns des autres constituent un réseau. Chacun de ces morceaux de texte entretient des relations avec un certain nombre d’entre eux. Chacun d’eux est identifié par un mot –pouvant être considéré comme son nom – qui est inclus au sein du fragment. Il apparaît alors en gras dans le texte. Les fragments peuvent donc être lus au grès des références, suivant les connexions qu’ils proposent. La lecture dépend uniquement du parcours emprunté par le lecteur. (voir glossaire p. 4)

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Ma vision du paysage se veut dynamique. Je le regarde comme un processus toujours en cours, inscrit dans l’espace et dans le temps. Je voudrais abolir la limite entre analyse et discours, entre espace physique et image, entre réalité et fiction. « Quand à nous, nous prenons les documents littéraires comme des réalités de l’imagination, comme les purs produits de l’imagination. Car pourquoi les actes de l’imagination ne seraient-ils pas aussi réels que les actes de la perception ? »2 Le paysage est fait d’une matière qui est à la fois physique et fictionnelle. Elle est plastique, support au récit, support à la création. Le projet académique, et tant attendu, j’ai du le dispersé, non pas le considérer comme l’aboutissement, la conclusion, le point d’orgue d’un travail d’analyse rondement mené, mais l’inscrire au sein du processus de réflexion. Le projet émerge au milieu du cheminement, ça n’est pas une impasse mais une voie nouvelle qui s’ouvre, ça n’est pas une réponse mais une bifurcation potentielle. Ça n’est pas la promesse d’un avenir meilleur mais une fiction qui peut aussi bien réinventer le futur (comme l’on nous l’apprend à l’école) que le modifier en transfigurant le passé, en rétroprojetant. 1 Gilles DELEUZE Félix GUATTARI Introduction : Rhizome dans Mille plateaux, p.26 2 Gaston BACHELARD Poétique de l’espace, p.148

Comme le processus qui construit un paysage dans le temps, comme les irrégularités dans la matière spatiale qui le compose, il y aura dans ce travail des hésitations, des retards, des excès. Mais il y aura toujours du mouvement, afin que les interactions soient constantes. C’est déjà en marche. C’est déjà pris par le temps.

a’’. c. a’.

a.

c’. c’’.

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b’’.

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LE PROJET LA FABRICATION. Il s’agit ici d’un processus, d’une mise en branle du territoire, cette vibration que connaît la ville par pics d’intensité, qui se calme parfois mais ne meurt jamais. On aurait tort de croire que le projet est fini une fois la construction terminée, d’ailleurs d’une certaine manière la construction non plus ne s’arrête jamais. Le projet se poursuit bien audelà de la finalisation formelle – ça n’est pas un mur achevé qui bloque le cheminement d’une idée – et la construction commence, après la fin de sa phase initiale, une lente période de maturation où les ajustements, les rénovations, les modifications sont les conditions de son existence. Pourtant nous avons besoin de jalonner le processus urbain, plus encore, de lui reconnaître des aboutissements, des fins. Pour cela, il nous faut faire entrer l’idée dans des structures fixes avec une porte d’entrée et une porte de sortie. La pensée du projet est organisée sur une fine ligne qui va d’un point A à un point B. Le projet Ginko est un éco-quartier. Il se défini comme une entité autonome de la ville, il est une catégorie spatiale qui s’inscrit dans tout un tas de référents contemporains et historiques. Il entretient des relations raisonnées avec son environnement immédiat (petites lucarnes dirigées vers les éléments structurants comme le lac par exemple, mais pas Auchan-Lac), c’est un tout satisfaisant pour la pensée. Tout cela est bien artificiel. Comme le décrivent Deleuze et Guattari, on ne produit pas des pensées hermétiques, on ne génère pas des idées opaques, imperméables, qui s’enchaînent comme dans une arborescence par relations de subordination ou de hiérarchie. « Pas facile de percevoir les choses par le milieu, et non de haut en bas, ou inversement, de gauche à droite ou inversement. »1. Mais tout pousse, autour de nous, à un mode de pensée linéaire, et il en est de même pour la projection sur la ville. Pourtant, les exemples sont nombreux qui témoignent de l’incapacité de ces formes urbaines finies à rester figées dans un état unique, absolu. Bordeaux Nord, gagné sur les eaux – où les éléments géographiques mêmes résultent d’une planification globale – est le théâtre d’une occupation informelle, l’espace des errances périphériques, poche de résistance, pied de nez à un ordre spatial trop contraint. Ginko s’inscrit dans cette généalogie et comble le vide pour maîtriser l’espace. Le projet, pourtant est ce moment de foisonnement, une énergie entre le récit et la construction, non pas une ligne mais une succession d’états de la pensée et de la forme. En somme, c’est ce que nous montre le paysage du chantier, cette latence en ébullition où la rencontre entre l’idée et l’espace donne d’abord naissance au chaos. 14

1 Gilles DELEUZE Félix GUATTARI Introduction : Rhizome dans Mille plateaux, p.34

BORDEAUX METROPOLE

POPULATIONS HABITANTES

COMMERCES DE MASSE

LA PROMOTION

LA VOITURE

CONSTR LA VITESSE/ LOINTAIN

OPACITE/SECRET

CONTEMPORAIN

RENCONTRES SECRETES

SQUAT


POUSSIERES

CIRCULATIONS

LES AUBIERS

PAYSAGE URBAIN

NUISANCE

DIVISION DU TRAVAIL

POPULATION FUTURE

POPULATION INTERIMAIRE

ENGINS

CORPS SANS ORGANES

TAS

CHAOS NEUF

LA PERIPHERIE

DRAME SPECTACLE

RUCTION

DECHETS

LA FABRICATION LE PROJET

IMAGE SIMULACRE TABULA RASA

VIDE

LATENCE

DISCOURS RECIT DANGER

FRICHE

PALISSADE

ERRANCES

BRUITS

EAU

MARGES/FRANGES

ANTI-VILLE?

EXCLUSION

ORNEMENTS (VEGETAL)

ERRANCES2

CIEL/ HORIZON

UTOPIE URBAINE

LA MODE

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chantier de l’Êco-quartier Ginko



2012 INVENTAIRE DES GRANDS PROJETS DE LA CUB LA VILLE EN CHANTIER

Bordeaux Aéroparc

Bioparc Pessac

18


pôle chimie Ambès

grand port maritime Ecoparc Blanquefort

ZAC du Tasta ZAC Ginko ZAC Ravezies

Génicart

PAE Bassins à flots

Campus

ZAC Niel la Benauge ZAC Bastide ZAC berges de Floirac ZAC Arena Euratlantique îlot Armagnac Terres Neuves

chantier programmé ou émergeant chantier en cours chantier récemment réceptionné 19


CHRONOLOGIE DES CHANTIERS A BORDEAUX NORD

1958 le lac

ANNテ右S 80 zone commerciale

20

2009 ZAC Le Tasta et Ravezies


1966 plan d’urbanisme

ANNÉES 70 2e phase du plan d’urbanisme

2010 ZAC Ginko

2013 Bassins à Flots

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L’EAU. Bordeaux Nord est un Moïse urbain. Sauvé des eaux par Chaban-Delmas, extirpé des marais croupissants. Les racines de ce quartier de la ville baignent dans les eaux dormantes. Toute son histoire est empreinte de cet humide héritage. Si la terre a été gagnée sur l’eau, au prix de grands travaux d’assèchement et de canalisation, c’est avant tout dans un but financier. Il s’agissait d’agrandir la ville au nord, de lui donner plus d’ampleur dans son développement urbain. Les marais ont été supprimés, des lots ont été découpés et depuis, voilà maintenant cinquante années, c’est cette même logique qui prévaut. Bordeaux nord se rempli, autour du grand vide du lac, morceau par morceau. Ginko est une des dernières pièces du puzzle. L’eau, on y revient maintenant, mais par des chemins détournés. On l’invoque comme une image idéale. C’est l’identité aqueuse à laquelle Ginko veut répondre. Bassins et fossés plantés, on reste dans l’esprit. Pourtant l’eau de Bordeaux nord est malade : le lac est pollué, il souffre d’eutrophisation, le manque d’entretien entraîne un développement de plantes aquatiques invasives. Loin des images promotionnelles du projet Ginko, le territoire dans lequel il s’insère est marqué par les années de grands chantiers qui l’ont profondément perturbé. Terre de remblais, sol retourné, eau polluée, déchets enfouis, Bordeaux nord n’est pas cette utopie périurbaine que les panneaux publicitaires vantent. Il s’agit d’assumer l’artificialité de ce site, car c’est aussi un vecteur de création insolite.

Double page précédente MICHEL-ANGE La création d’Adam, Chapelle Sixtine, Rome, 1511 Page de droite Nicolas POUSSIN L’épouse de Pharaon trouvant l’enfant Moïse, 1638


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MODERNE. L’héritage immédiat du quartier Bordeaux Nord est une structure inachevée, empreint d’une pensée de l’espace qui n’a pas eu le temps ou les moyens de ses ambitions. Comme si souvent. Le plan d’urbanisme de 1962 par Jean Royer puis le projet de zone urbaine mené à partir de 1966 par Xavier Arsène-Henry ont amené une vision pour ce territoire, un véritable récit a été élaboré, les contours d’une ville moderne, ouverture, lumineuse, spacieuse et fluide. Aujourd’hui il n’en reste que des fragments dispersés autour du lac, des isolats orphelins qui composent un paysage insolite, stoppé à mi-chemin entre des ambitions métropolitaines et des crises économiques successives. De symbole de l’espace et de l’architecture moderne, ils sont devenus, comme tant d’autres au même moment, dans d’autres lieux, le symbole d’un échec méthodologique, voire idéologique. Les Aubiers en tête. L’ironie du sort fait que dans la querelle classique opposant les Anciens aux Modernes, les positions se sont renversées et que naturellement, les Modernes sont, aujourd’hui, assassinés par les acteurs de la jeune production. Tabula rasa. Si ça n’est physiquement, c’est un rejet de principe en tout cas. Alors on recommence. Avec de nouvelles images et de nouveaux récits, La ville verte, lumineuse, ouverte et spacieuse, tiens donc, avec une nouvelle dimension toute actuelle, le développement durable. Et tout ça se passe, dans une sorte de revanche sur l’histoire, de vengeance urbaine, sur les lieux même du drame, pied de nez aux Aubiers. La critique des Modernes est aisée, mais n’est-il pas plus intéressant de s’interroger sur les acteurs de l’espace actuel en acceptant les mouvements du temps et ses petites exaltations sans lendemains qui font et défont les modes, ou encore, osons le, la mode ?

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CONTEMPORAIN. C’est ce qui existe nécessairement par rapport à un référent temporel identique. Le contemporain est le seul moyen pour atteindre un point qui suit la course du temps. C’est donc une poursuite sans fin. Un paysage qui se construit sur un référent coïncidant exactement avec lui-même, avec le moment de sa propre fabrication, c’est essentiellement le paysage du chantier. « Je suis l’espace où je suis »1.

1 Noël ARNAUD L’ état d’ébauche, cité par Gaston BACHELARD dans Poétique de l’espace p.70 2 Rem KOOLHAAS Junkspace p. 24

NEUF. Avant le neuf il n’y a rien. Le neuf c’est ce qui n’était pas et apparaît soudain. Dans la ville, c’est ce qui vient d’être construit, c’est propre et lisse, ça brille. Nouveaux bâtiments, nouveaux aménagements, voirie toute neuve. Pourtant il a bien fallu que quelqu’un nettoie et fasse briller avant. C’est le temps du chantier. Paysage laborieux de production du neuf. L’éco-quartier Ginko est tout tendu vers cette dimension du neuf. Avant Ginko, il n’y avait rien, il ne peut rien y avoir eu. Jamais rien n’a été construit ici, c’est un projet ex nihilo. Ginko est le premier à poser son pied sur ces terres. Il incarne le mythe de la nouveauté. Il se démarque, matériaux, formes, discours, valeurs. Construire à neuf c’est le symbole de l’économie productiviste, c’est « la nouveauté comme forme esthétique du progrès »2 pour Koolhaas. Faire du neuf, c’est créer de l’emploi, créer de la production, créer de l’image. Le paysage neuf, celui qui se met en place sous nos yeux peu à peu durant le chantier, est très souvent emballé ou plastifié. Il s’agit de ne pas altérer le neuf avant que ce soit terminer, puisque par définition, le neuf a une durée de vie très courte. Alors on protège les mats des luminaires flambants neuf avec un textile, on n’a pas encore retiré les plastiques de protection des surfaces vitrées, l’emballage des arbustes a été enfoui avec la plante. Les arbres eux-mêmes sont encore jeunes. Un arbre neuf c’est un arbre qui est déjà relativement vieux étrangement, en fonction du prix qu’on y met bien entendu. En tout cas ça n’est jamais une jeune tige. Ça n’est pas un arbre une jeune tige, et on veut des arbres neufs. En somme, le paysage neuf est déjà vieux, celui de Ginko aura déjà presque une dizaine d’années lorsqu’on le regardera comme tel.

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LE PAYSAGE URBAIN. Un paradoxe en soi. Dans la tradition française, le paysage est nécessairement associé à un modèle esthétique traditionnel rural, utopie d’une nature ordonnée ou les formes géographiques et les marques de la main de l’homme se donnent à lire dans une belle harmonie (esthétique mais aussi culturelle, économique). Le paysage est essentiellement une forme consensuelle, mi-figue mi-raisin, chèvre et chou. L’espace urbain tout au contraire est l’absence spatiale de consensus, ou plutôt le consensus même, mais à un tel degré, à une telle intensité qu’il devient combat. Espace saturé de normes, surqualifié et sur-référencé, duquel paradoxalement seul naît le chaos. Force est de constater qu’à mesure que la haine de la ville augmente, que l’opposition ville-campagne est consommée (depuis la révolution industrielle en France), la notion de paysage pour qualifier l’espace rural s’impose (à l’œil citadin). Fascination d’une part pour un espace originel idyllique, et répulsion (fascination) d’autre part pour l’espace vécu, actuel, quotidien. Soyons iconoclastes. Retirons les piédestaux. Il ne s’agit pas de naturaliser l’espace urbain, il ne s’agit pas d’esthétiser le désordre ni de désordonner un modèle esthétique du paysage. Il faut accepter la coïncidence remarquable entre espace et temps dans la ville qui rend au paysage son immédiateté. Le chantier en est le moment archétypique. Pas de recul contemplatif passif car l’espace est à l’œuvre sous nos yeux. C’est le paysage du mouvant, de l’évolutif, de la transformation, de la fabrication. C’est celui qui ne se donne pas seulement à voir mais surtout à vivre, celui qui n’existe que dans la confrontation. L’espace urbain génère un paysage tout à la fois frappant par son immédiateté, insaisissable par la rapidité de ses phénomènes et étrangement distancié, autoréflexif, contenant en soi ses propres couches analytiques millénaires, à la fois objet et acteur principal de sa mise en cohésion. La simultanéité et la densité dans l’espace et dans le temps des phénomènes physiques et des regards donnent naissance au paysage urbain avant même qu’on ait le temps de lui façonner son traditionnel tableau harmonieux. Il faut accepter de ne pas le saisir. Il faut travailler à des compositions, à des images dont tout l’attrait est d’avoir une durée de vie, celle qui les ancrent dans l’espace de la ville et qui leur donne leur corps, même (et peutêtre plus encore ?) après leur disparition.

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CHRONOLOGIE 2004 septembre la CUB lance la consultation pour l’aménagement d’un nouveau quartier 2006 février (24) Bouygues Immobilier remporte le marché 2008 le dossier de réalisation est adopté 2008 décembre premier permis de construire déposé 2009 la ZAC des Berges du Lac devient la ZAC Ginko 2010 démarrage des travaux de la première phase 2012 septembre arrivée des premiers habitants 2013 arrivée du tram à Ginko terminus de la ligne C 2011-2014 deuxième phase des travaux 2013-2016 troisième phase des travaux 2017 Livraison finale : fin du chantier

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LE CHANTIER DE L’ECO QUARTIER GINKO

phase 1 2010-2012

phase 2 2011-2014

phase 3 2013-2016

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maîtrise d’ouvrage

contrôleurs techniq bureaux d’étude Communauté Urbaine de Bordeaux

experti

maîtrise d’oeuvre Ville de Bordeaux aménageurs

Bouygues Immobilier Aquitanis Immochan Mésolia Cofely Pro BTP

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architectes

Agence d’Architec La Nouvelle Agenc Agence Devillers e Plateform / Reiche Dugravier & Sémo Poggi et Garrigue Rousselle & Laisné Lubiato & Layat Latour & Salier Joly & Loiret FHY Baggio-Piéchaud Gazeau Hernandez Hessamfar & Veron MSVD Souto de Moura Tétrarc Vezzoni


I3C Ingénieurie Sogreah CEBTP/Solen Ginger GEREA Arcadis/M. Plumelle Terre Eco Veritas IPL

LE CHANTIER DE L’ÉCO QUARTIER GINKO FRAGMENTATION FONCTIONNELLE

SPS Norisko Bilan carbone Carbone 4

que

ise sol et hydraulique communication

cture Brochet-Lajus-Pueyo ce et associés en & Robert et associés ondès

é

INOXIA Atelier Bilto Ortéga AXYZ

paysagistes

SIGNE Ouest Atelier de Paysage Gastel Pierre Dabilly

ns

31


ZAC Ginko 32,6 ha

implosion : fragmentation en 33 ilôts

SIGNES Ouest EUROVIA

Pierre Dabilly

CESA

SERE

BRETTES

CHAMPEAU MORICEAU SMAC SEGONZAC SNEGSO ISOWEK Brochet Lajus Pueyot

Ilôt A4.1 division maîtres d’ouvrage coordonateurs 32

COMATELEC

SCHINDLER

OLIVAR

Bernard Moreau

SERCLIM

implosion : fragmentation en 16 lots


LE CHANTIER DE L’ÉCO QUARTIER GINKO FRAGMENTATION PAR MARCHÉS

ilôt A4.1

exemple : ilôt A4.1 SNEGSO

(gros oeuvre terrassement)

Chef d’agence SNEGSO Directeur de travaux Conducteur de travaux Chef de chantier manoeuvre

Chef d’équipe

ouvrier qualifié

exemple : SNEGSO fragmentation hiérarchique au sein de l’entreprise 33


Parc 45 000 m² Résidence hôtelière 4 300 m²

EHPAD 25 180 m²

Equipement public 21 380 m²

Surface commerciale 32 000 m²

Total ZAC Ginko 32,6 ha

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Logement 169 799 m²


LE CHANTIER DE L’ÉCO QUARTIER GINKO

FRAGMENTATION PROGRAMMATIQUE

2150

LOGEMENTS

20% logements en accession libre 32,5% logements en accession locatif conventionné 47,5% logements en accession modéré

T2 25%

T5 et + 10%

T4 25% T3 40% 35


2009

2010

2013 CHRONOLOGIE DES ÉTATS DU CHANTIER

maison du projet base vie friche en attente stock gros oeuvre finitions achevé 36

2016


2011

2012

2014

2015

2017

2018 37


LATENCE. Points de suspension. Entre parenthèses. Il faut attendre maintenant. Le chantier est ce moment tendu entre l’idée et la forme, entre le passé et le futur, essentiellement et continuellement contemporain. Il s’y joue l’immédiateté entre le discours sur l’espace et sa fabrication. Le chantier n’est, dans l’histoire d’une ville, qu’une non-forme préliminaire nécessaire de la croissance urbaine. Il ne devrait pas exister. Il n’existe pas, il s’impose toujours, comme nuisance. Pourtant, dans notre société de contrôle, il y a un dedans mais pas de dehors. Simplement des emplacements légèrement à l’écart, prévus à cet effet. Périphéries, lieux en marge, ces espaces écartés sont mis en attente dans le but d’une utilisation ultérieure. C’est dans ces lieux qu’émergent les chantiers. Bordeaux Nord n’est qu’une construction planifiée, de la terre gagnée sur l’eau dans le seul but d’être lotie. Elle attend. Le chantier est une sorte de puberté de la ville, moment nébuleux de la production d’hormones et de cellules et d’organes. Ce temps de latence, où l’on passe d’un espace à un autre, n’a semble-t-il pas sa place dans notre société. C’est pourquoi il est rendu secret, nécessairement caché derrière des palissades bien fragiles pour masquer l’énormité de la chose fabriquée. Le chantier est le corps sans organe, l’espace mis à nu. Il est le désir en fabrication, celui qui est affiché sur les images promotionnelles de l’état achevé du lieu rêvé. Le processus qui amène à l’assouvissement du désir d’espace ne doit pas être exhibé. Seule sa consommation une fois le produit fini est autorisé. Et on lève le rideau, on coupe le ruban. Entre-temps c’est l’attente. Pourtant ce drame qui se joue, caché à nos yeux, c’est maintenant, hic et nunc, spectacle époustouflant de l’espace naissant. Paysage de construction et paysage en construction, il résiste sans cesse à notre lecture car son visage à chaque instant prend une nouvelle forme et une nouvelle expression. Il y a toujours un trou dans les planches de la palissade au travers duquel on jette un œil, il y a toujours un vieux accroché au grillage qui regarde le ballet des engins.

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TABULA


RASA


TABULA RASA. Au Commencement il n’y avait rien. C’est le point de départ. Toute chose doit être vierge avant de pouvoir exister. Une réminiscence de la Création peutêtre, que l’on rejoue sans cesse, car il faut à chaque fois repartir du rien pour advenir à quelque chose. Dans la construction de la ville, le phénomène de tabula rasa s’inscrit dans un cycle où la suppression précède la fabrication. L’espace urbain est contraint, c’est une sorte de palimpseste où s’empile les couches d’histoire. Mais entre ces couches coagule le chaos de la destruction nécessaire. La ville procède par élimination plus que par accumulation en quelque sorte. On pourrait rapprocher le processus urbain de celui décrit par Deleuze pour expliquer l’émergence du multiple : « toujours n-1 [...] c’est seulement ainsi que l’un fait partie du multiple, en étant toujours soustrait »1. Dans le cas du projet Ginko, cette tabula rasa ne s’inscrit pas dans le cycle de la ville, au contraire, elle constitue une sorte d’élimination hygiénique. Là est le problème. Ginko, comme vision hyperréelle de la ville ne peut pas exister dans un contexte nécessairement imparfait. C’est le Nouveau Monde. L’éco-quartier est une nouvelle forme d’utopie (urbaine) au XXIe siècle, où les structures naturelles du contexte immédiat participent du fondement identitaire de l’espace construit. Ils réapparaissent édulcorés, climatisés et toilettés dans les simulacres, les images promotionnelles du projet. Tout le paradoxe de Ginko réside dans le fait qu’il se réclame d’un environnement (le lac, les berges, les canaux, les boisements) tout en le supprimant. Ne sont conservés que les éléments du paysage pouvant intervenir comme toile de fond, sans trop interférer avec l’espace du projet. Il ne s’agit pas là de verser dans la fascination pour la friche qui préexistait à la place du chantier actuel. Elle était certes un espace en marge, lieu de l’informalité, des errances, mais il ne faut pas surestimer son rôle social dans l’espace de Bordeaux Nord. Il est plus intéressant de prendre en compte dans le processus de fabrication d’un paysage les phases de néant, de mise à vide, ces zones de turbulences qui font partie de la temporalité dramatique urbaine.

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1 Gilles DELEUZE Félix GUATTARI Introduction : Rhizome dans Mille plateaux, p.13 Page de droite NASA Mount Sharp image prise sur Mars par le robot Curiosity, le 21 août 2012


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1936

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1967

TABULA RASA1


1943

1972

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1987

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2006


2003

2012

TABULA RASA2 47


MINATEUR COMMUN DENO

TABULA RASA

dé c

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LE PROJET

n tio ent em

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Utopie urbaine Discours Image Chantier

48

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LE SYSTÈME TABULA RASA Dans un système d’économie productiviste où la croissance est le maître-mot le phénomène de tabula rasa constitue une condition à la production de l’espace. Mais la tabula rasa génère deux types de phénomène : soit l’occupation de l’espace mis à nu par la fabrication d’un lieu qui vient inventer un nouveau paysage ex-nihilo répondant à ses propre règles ; soit par l’abandon de l’espace mis à nu auquel cas, une végétation pionnière peut s’y développer. Elle témoigne à la fois de la généalogie du terrain et de la végétation existante avant la tabula rasa mais aussi de la destruction du sol qui crée des blessures ainsi que des opportunités nouvelles. Dans un tel système, l’étape de la tabula rasa permet seule de passer de l’espace existant à l’espace du projet. Grâce à cela, ayant mis à distance l’espace existant, le projet peut librement revenir vers lui et piocher ce qui l’intéresse en construisant ainsi un simulacre que l’on appelle volontiers “identité” du lieu. La suppression de l’existant le faire exister en retour sous forme d’image qui n’a plus qu’elle-même comme seul référent. LA DESTRUCTION CREATIVE

ab

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D’après Joseph Schumpeter ce concept tiré de l’enseignement de Nietzsche et appliqué à la science économique exprime le processus par lequel la nouveauté rend moins performante, voire obsolète une technologie antérieure. Il s’agit d’une manifestation intrinsèque à la production capitaliste et joue le rôle de moteur essentiel à la croissance économique en alimentant la compétitivité. LE TIERS PAYSAGE

Friche

Reconstition d’un sol

Retour progressif de la faune locale

n spontanée Usages des marges

“Les délaissés résultent de l’abandon d’une activité. Ils évoluent naturellement vers un paysage secondaire. Une forêt secondaire peut provenir d’un délaissé. Une forte dynamique caractérise les paysages secondaires. Un jeune délaissé accueille rapidement des espèces pionnières qui bientôt disparaissent au profit d’espèces de plus en plus stables jusqu’à l’obtention d’un équilibre. Les paysages secondarisés sont hétérogènes et chaotiques.” Gilles CLEMENT Manifeste du Tiers Paysage

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BORDEAUX NORD. Emprise du projet Ginko


LE VIDE. Le vide a un coût. Il coûte cher. Bien plus cher que le plein. Dans la société capitaliste, ce qui compte c’est les mouvements, les circulations, les flux de biens, de capitaux, et d’hommes, accessoirement. L’argent ne dort pas bien. Ainsi dans l’espace de la ville où la matière première est la finance, ne pas toucher, oublier, abandonner, laisser vivre c’est perdre de l’argent. Car l’inaction a une valeur bien entendu, lorsqu’il n’y a pas de mouvement, la quantité d’échanges financiers ne s’interrompt pas, elle décroit. Il faut toujours se placer du point de vue des échanges potentiels. Dès lors qu’il n’y en a plus, c’est la perte par rapport à ce qui aurait pu hypothétiquement LE LAC. Avec son petit club de voile et ses être échangé. Ginko a été la pédalos, sa plage de sable et ces pins certifiés solution pour combler un gros vide ONF, le lac projette Bordeaux nord bien auurbain inadmissible. C’était tout à delà de ses limites. On est loin des échangeurs fait intolérable. Car le vide a une autoroutiers, des commerces de masse bruyants échelle, il n’entre dans le champ et des zones d’activités sur leur nappe de bitume. de vision de la puissance financière C’est un ailleurs au milieu de la périphérie. Car, qu’à partir d’une certaine taille. aussi étrange que cela puisse paraître, le lac est En dessous, on ferme volontiers le centre de la périphérie, un centre périphérique les yeux. Le vide avant-Ginko en somme. C’est un espace indépendant, un avait profité à une végétation vide qui génère son propre paysage intérieur. La spontanée, une faune sauvage, ville périurbaine se distribue autour et étend son à des rencontres secrètes. Le rayonnement. C’est une structure géographique, paradoxe réside dans le fait que issue de la démesure d’un pouvoir municipal pour combler ce vide, ce gouffre moderniste qui à partir de 1958 entreprit des financier donc, il a fallu en passer travaux semi-pharaoniques pour l’assèchement par une tabula rasa, matérialisation de 1000 hectares de marais et la construction d’un dans l’espace de la virtualité des lac de 160 hectares. L’eau partout canalisée et échanges financiers. Il a donc fallu structurée pour un paysage périurbain maîtrisé. détruire le vide. Ou bien vider le Mais la ville a la mémoire courte et transfigure vide. Le capitalisme a le pouvoir bien souvent ses espaces au grès des tendances. de re-anéantir ce qu’il a lui-même La ville est coquette, elle est à la pointe de la rendu inexistant. Et la friche est mode. Aujourd’hui le lac est certes toujours un passée dans le domaine des flux vide structurant, identitaire même, au point que économiques : sol nu, terre en l’on s’y réfère mais pour y vanter son caractère attente. C’est près, on est parti, on naturel supposé. L’eau en ville est source de peut enfin spéculer. mystère, les berges humides et foisonnantes où

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tout un tas d’animaux et d’insectes grouillent gaiement adoucissent le dur visage de la ville de pierre au moyen du mythe naturaliste. Ginko, éco-quartier, s’y connaît en nature, et prend appui sur cette assise locale, cette aubaine naturelle qu’est le lac. Magnifique pour les chanceux futurs habitants des derniers étages, excellent pour la bonne conscience, également. Le lac, symbole d’un territoire travaillé, construit de toutes pièces dans ses fondements mêmes, devient le garant d’une nature urbaine. Il est temps de rendre hommage à un paysage du labeur, où le chantier, en soi, est une condition d’existence.


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marais et terres inondables

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II

projet d’éco-quar tier Ginko

2017


1958 TABULA RASA1

2010 TABULA RASA2

novembre 2047 1. Ecologie et développement durable sont devenus des termes éculés en ce milieu du XXIe siècle. Après des décennies de restrictions et de contraintes, le monde est en passe d’atteindre son équilibre écologique. La mondialisation est devenue un processus de veille écologique global et l’économie ver te fixe les cours des marchés financiers. 2. Cécile Duflot a été élue Présidente de la République aux dernières élections après la fusion entre le PS et Europe Ecologie Les Ver ts. 3. Le quar tier Ginko, construit dans les années 2010 a été déclassé, les normes HQE* et les labels BBC/THPE** étant désormais largement dépassés par les avancés technologiques en matière de construction et d’aménagement durable. 4. Le quar tier des Aubiers jouit en revanche d’une cer taine notoriété depuis son récent classement au patrimoine mondial de l’UNESCO. En effet, les effor ts de Gilles Ragot et son équipe ont fini par payer : après avoir obtenu le classement de l’œuvre architecturale de Le Corbusier au titre du patrimoine mondial de l’UNESCO, un cer tain nombre de cités françaises emblématiques des années 1960 ont profité de cette reconnaissance du patrimoine moderniste, très en vogue depuis une dizaine d’années. Avec sa rénovation dans les années 2015, Les Aubiers sont devenus un quar tier très prisé par une population jeune fuyant les prix exorbitants de l’immobilier dans le centre-ville. 5. Bordeaux n’est toujours pas devenue une métropole malgré le travail des maires précédents et malgré les effor ts socialistes de délocalisation et décentralisation des années 2010. Elle reste une ville moyenne à l’ombre du Grand Paris, mégalopole tentaculaire qui s’étend du Havre à Reims.

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6. Vincent Feltesse est devenu maire de Bordeaux et s’emploi à faire table rase des décennies de politique de droite en matière d’urbanisme.

1 *HQE Haute Qualité Environnementale **BBC/THPE Bâtiment Basse Consommation/ Très Haute Performance Énergétique


FICTION

2037 TABULA RASA III

7. Suite à la crise de 2013 qui a durement frappé l’économie française, le chantier de Ginko s’est interrompu, la deuxième phase a été achevée tant bien que mal, mais la troisième phase ainsi que le gymnase promis à l’interface entre les Aubiers et le nouveau quar tier n’ont jamais été réalisé. Une nouvelle fois, une friche s’est développée sur les décombres de l’ancienne, constituant une ceinture végétale foisonnante autour de Ginko. 2047 TABULA RASA3

8. En raison d’une saturation de l’offre commerciale sur la CUB avant la grande crise, les commerces ne se sont jamais vraiment développés à Ginko et le centre commercial Bordeaux Lac dépéri à mesure que sa fréquentation diminue.

9. La friche est devenue un bois où se pratique le trafic de drogues dures telles que l’héroïne, le LSD ou l’Ecstasy – le cannabis, légalisé depuis plusieurs années par le gouvernement, étant cultivé en grande quantité dans les fermes périurbaines de Bordeaux nord. Le bois est fréquenté par les jeunes toxicomanes de Ginko et de toute la Communauté Urbaine de Bordeaux. Il est devenu très dangereux de s’y aventurer la nuit. Le climat de violence et de dégénérescence qui y règne est difficle à tolérer à côté de la cité des Aubiers, le maire se devait d’agir. 10. Vincent Feltesse a donc programmé la troisième tabula rasa de l’histoire de Bordeaux nord. 11. Cette par tie de la ville se trouve en contact immédiat avec les espaces naturels classés les plus impor tants du dépar tement : en effet le périmètre de la Réserve Naturelle des Marais de Bruges a été inscrit dans le Parc National des Vignobles et Jalles du Médoc, qui s’étend de Bordeaux au Verdon. Il s’agit, pour le maire de poursuivre le travail de connexion des trames ver tes et bleues jusqu’au centre de Bordeaux, sous l’œil bienveillant du CEMAGREF* et de la SEPANSO**. La friche sera donc reconver tie en espace naturel protégé. 1 *CEMAGREF Centre de Recherche en Science et Techniques de l’Environnement **SEPANSO Fédération des Sociétés pour l’Étude, la Protection et l’Aménagement de la Nature dans le Sud-Ouest

12. De plus, ayant conservé sa résidence principale à Blanquefor t qui est son fief d’origine, Vincent Feltesse a souhaité pouvoir continuer à venir à vélo chaque matin au Palais Rohan en ne traversant que des espaces naturels. 13. Des espèces endémiques vont être réintroduites afin de reconstituer le milieu naturel à la place de la friche. Parallèlement, les espèces végétales et animales invasives vont faire l’objet d’un travail d’élimination systématique par les employés du Parc. 14. Les engins ont donc fait hier, leur entrée dans le bois de Ginko pour, une fois de plus, détruire la friche en place, sous le regard des habitants qui voient disparaître leur paysage quotidien.

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TABULA RASA III


FRICHE. Ah, la friche. Objet de tous les fantasmes, véritable mythologie urbaine contemporaine. Elle incarne l’alternative par excellence, l’espace de liberté gagné sur la ville contraignante et menaçante. On irait bien s’y perdre ou s’y ressourcer, car dans la friche, on y respire, ouf, enfin de l’air et de l’espace, du vrai. On irait bien y jouer les héros en la débusquant derrière un grillage éventré ou un mur croulant. On y invoquerait la toute puissante Nature (avec un grand n) qui reprend ses droits, et on s’empresserait de marcher dans ses pas, voire de s’y vautrer de toute notre sauvagerie perdue. Et puis alors on se l’approprierait, tout en dénonçant les méfaits de la privatisation de l’espace urbain, et on la garderait jalousement comme un trophée, dérobée au nez et à la barbe du capitalisme. Pourtant la friche est un pur produit du système décrié par les amateurs de friches. A Bordeaux Nord, la friche est le fruit de l’échec du plan d’urbanisme de 1966, elle est le résultat d’un inachevé durable, une latence convenue, sorte de moment normal du processus de fabrication de la ville qui se fait par la consommation de ses espaces vides. La friche ou bien les friches de Bordeaux Nord sont tout sauf des vides urbains. Issues d’une crise économique puis sociale, elles jouent un rôle qui n’a plus rien de secret pour quiconque, celui de marges nécessaires à la ville, où se pratique tout ce qui sort du cadre, tout ce qui dévie de l’ordre. C’est également, au minimum, un lieu de projection des phantasmes pour ceux qui ne les y pratiquent pas. Squats, rencontres secrètes et activités parallèles. Défaisons-nous donc du romantisme qui empreint notre regard sur ces délaissés urbains. Car « Qui nous dit que les vides urbains les plus intéressants, les plus décisifs sont ceux que l’on voit (les friches) ? ».1 Le chantier comme système exclusif, sorte d’espace de non-droit public constitue réellement, malgré les apparences, un vide social et urbain total. Le projet Ginko est le fruit d’une friche de plus de 30 hectares, une de celles qui vivent un destin normal de friche, tabula rasa puis construction. Il s’agit donc non pas de regarder le processus de chantier sous l’angle nostalgique d’une nature perdue mais bien plus d’interroger la plasticité de l’espace et notre capacité de fabrication d’un récit nouveau, celui d’un paysage fondé sur une projection idéelle et, peu ou prou idéale. 58


ANS APHIE CARTOGR DESVÉTÉR

État des lieu post tabula rasa 2010 des sujets ayant survécus à la destruction

1 Luc BABOULET Entre chien et loup in Le Visiteur n°8 p.78 Page de gauche (haut) Johann Ludwig GOTTFRIED La sauvagerie Le Livre des Antipodes, faune fantastique du Guatemala, 1630 Page de gauche (bas) Deux vues aériennes Google Earth août 2006 avant tabula rasa août 2010 après tabula rasa

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trottoir

voirie et stationnement latéral

2010

2011

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trottoir

voirie élargie et stationnement latéral intégré


SUBSTITUTION MIMÉTIQUE

La tabula rasa s’applique à un espace clos, près à l’emploi dont les limites sont très nettes avec ce qui l’entoure. A sa périphérie, à l’interface entre espace détruit et espace laissé inchangé se produit un phénomène de transformation par substitution mimétique. La voirie, les trottoirs sont refait quasiment à l’identique mais entièrement à neuf. Substitution d’un trottoir de béton par un trottoir en calle bordelaise. Substition d’un candélabre par un autre. Substitution d’un arbre de 50 ans par un arbre de 10 ans. Dans la ville telle qu’on la produit aujourd’hui, on accepte difficilement de faire cohabiter l’existant avec le neuf. On ne peut élargir une voirie sans la refaire en entier d’un pied de façade à l’autre. Cela amène parfois à des situations absurdes et s’apparente à de la destruction gratuite. Le système du marché de la construction est fondé, comme tout dans la société de consommation, sur le renouvellement continu dans le temps (cycle de l’obsolescence nécessaire). La destruction est moteur de marché même si la reconstruction n’apporte peu ou pas de plus-value pour l’objet produit. C’est la transaction qui compte.

2012

coupe rue Testaud 1.100

61


rue André Reinson 2009

rue André Reinson 2009


rue André Reinson 2012

rue André Reinson 2012


avenue Marcel Dassault 2009

avenue Marcel Dassault 2009


avenue Marcel Dassault 2012

avenue Marcel Dassault 2012


avenue des 40 journaux 2009

avenue des 40 journaux 2009


avenue des 40 journaux 2012

avenue des 40 journaux 2012


http://www.dailymotion.com/video/xbdyg8_destruction-des-tours-chalon-5-dece_news?search_algo=2

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LA DESTRUCTION CATHARTIQUE Châlon-sur-Saône samedi 5 décembre 2009 14h30 00 : 07

[voix d’hommes inaudible] [voix de femme 1] Ah celle de gauche, elle descend on la voit bien ! [voix de femme 2] Ah oui ! Ça y est ! Ça y est ! [voix de femme 1] Celle de gauche, là, on la voit bien, celle de gauche, sur l’axe [voix de femme 2] Ça y est ! Ah ouais, ouais! [voix d’homme 1] Ça y est ! Ça y est ! Ça commence !

00 : 18

[voix de femme 2] Au milieu, au milieu,oui, au milieu, au milieu ! [voix de femme 1] Ah ! [voix de femme 2] Je crois que cette fois-ci c’est... [voix de femme 1] Ça y est ! Ça y est ! [hurlements, brouhaha] [voix de femme 2] Aaah !!!

00 : 13 [Brouhaha, confusion] [voix de femme 1] Oh lala ooh ! [voix de femme 2] Ooooh attention !!

00 : 40

[cris de joie, hurlements, applaudissement de la foule] [voix de femme 2] Ouaiiiis ! Ahahah ! [voix de femme 2 étranglée] Le boulot est terminé ! [voix de femme 1] Ça y est c’est propre ! [voix de femme 2] Bravo !!

00 : 57 [voix-off] La démolition constituait la première phase des travaux. Le quartier des Prés-Saint-Jean devra prendre un autre visage. Fin 2015 selon le grand Châlon, 230 nouveaux logements seront construit, 1042 seront réhabilités et le centre

commercial rénové.

LE DEUIL REFOULÉ La destruction fascine. Peut-être plus encore que la construction. On lit plus aisément la puissance humaine dans sa capacité à détruire qu’à fabriquer. Objet de fascination, la mise à mort des bâtiments constitue un véritable spectacle où se joue chez les spectateurs tout d’abord l’effroi puis la libération par l’acte de destruction et enfin l’explosion des émotions. C’est un processus de purification, cérémonie de départ de l’objet habité, moment d’adieu nécessaire au lieu du passé. Le phénomène de tabula rasa, préalable au projet urbain est souvent mis en scène lorsqu’il s’agit de bâtiments. Pourquoi ne pas imaginer une cérémonie d’adieu à la forêt détruite? Le projet Ginko s’impose en anéantissant la friche sous les fenêtres des Aubiers. Pourquoi ne pas mettre en scène ce moment de destruction de la matière végétale, où selon la dialectique classique, l’homme et la machine se mesurent enfin à la nature?

69



LES DIEUX À LA FRICHE

A


1 Rem KOOLHAAS Junkspace p.?? 2 Ibid.

72

3 Jean BAUDRILLARD Simulacres et simulation p. 118


LA PERIPHERIE. Comment saisir la périphérie dès lors que son référent se trouve nécessairement à l’extérieur d’elle-même? Car, bien sûr, on voit la périphérie depuis le centre. Sans périphérie, pas de centre, pas de rayonnement possible. Bordeaux, ville radioconcentrique qui étale son influence à plat, se dilue en agglomération jusqu’à la rupture. « Orphelin conceptuel, la périphérie voit sa condition aggravée par le fait que sa mère vive encore, lui vole la vedette et mette en lumière les défauts de sa progéniture. »1 Les crispations sur les questions d’identité des lieux, sur les efforts constants que demande le centre – qui « en tant que ‘lieu le plus important’ [...] doit paradoxalement être à la fois le plus ancien et le plus neuf, le plus fixe et le plus dynamique »2 – l’occupent avec des chantiers d’entretien, et renvoient la périphérie à sa vacuité historique. En marge, la périphérie se cantonne aux restes et produit en retour un modèle halluciné d’espace urbain. C’est le lieu des chantiers de construction, car c’est là que l’on veut à la fois reproduire la ville (imitation) et la réinventer afin de la soigner (antiville ?). Avec les bribes de la ville, la périphérie produit un espace hyperréel où les apparences de l’urbain deviennent des fondements programmatiques. Le discours et les images promotionnelles de Ginko construisent une véritable utopie urbaine qui, par définition, a besoin pour se réaliser, d’un non-lieu, d’une absence d’espace. Ça tombe bien, on est en périphérie. Bordeaux Nord est depuis longtemps mis en orbite, son référentiel est désormais perdu. On tourne à vide. Pour Baudrillard, ces lieux d’hyperréalité sont ceux de toutes les simultanéités, sans passé, sans avenir, lieux potentiels aussi de toutes les crises et toutes les catastrophes3. A la lumière de la dernière grande crise urbaine en France (celle des banlieues), la révolution viendrait-elle de la périphérie ?

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CIEL/HORIZON. A Bordeaux, c’est au nord que l’on s’approche le plus des confins. Pas au sud, d’où vient la Garonne, pas à l’est depuis qu’un pont relie les deux rives. L’endroit où la ville va à la rencontre des limites c’est bien au nord. L’estuaire, le Médoc, le bout des terres. On est en marge. Déjà à Bordeaux Nord on est presque dehors. Le ciel y annonce presque déjà l’océan. Il est plus vaste que nulle part ailleurs dans la ville. On y est écrasé au sol, on rampe, il y a l’eau, partout, le ciel pèse plus lourd ici qu’ailleurs. Les coteaux même sont minuscules derrière la Garonne invisible. Et la terre s’étend à l’infini vers le nord. Il n’y a que des éléments plaqués au sol ou des structures suspendues : Le pont d’Aquitaine, les lampadaires routiers, les panneaux publicitaires et la signalétique. C’est un territoire qui parle d’un changement d’échelle, le lac, le parc des expositions, le centre commercial. On est déjà sorti de la ville, on entre dans la région. Le chantier Ginko a généré un trou béant, un vide qui, associé au lac, dégage largement l’horizon vers le nord. Paysages de la vitesse et du lointain moins proche de son espace immédiat que des grands espaces médocains. Mais c’est un horizon en mouvement qui peu à peu se comble. Skyline en construction qui après le ballet des grues se crénèle de profils architecturaux plus ou moins audacieux. La ligne d’horizon s’opacifie, se bouche lentement à mesure qu’émergent de nouveaux plans successifs. C’est par l’horizon que Bordeaux Nord devra bien faire son entrée dans la ville.

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1 Gaston BACHELARD Poétique de l’espace p.159 Ci-dessous Jacob VAN RUISDAEL Champs de blanchiment près de Haarlem, 1670


parc des expositions palais des congrès

autoroute A630

VITESSE/LOINTAIN. Le rythme de la ville s’accélère à sa périphérie. Comme si, à l’approche des marges urbaines, on était aspiré vers une dimension nouvelle. L’appel du lointain, l’espace qui se déroule permet l’accélération, l’élargissement de la voie, l’ouverture des perspectives. La périphérie c’est évidemment un espace de la voiture. La rocade est cette nouvelle fortification urbaine vrombissante, voie d’accélération des autoroutes régionales. Le rythme s’accélère en périphérie parce qu’on y a fluidifié tous les mouvements motorisés. Espace des commerces de masse, où l’efficacité de la consommation se mesure à sa vitesse. L’espace périphérique vit à un rythme d’enfer. Ou s’endort. Il est plus un processus qu’un lieu. Il s’inscrit dans une temporalité trépidante. Paradoxalement c’est aussi l’espace de recul, celui depuis lequel on peut regarder la ville se faire et se défaire parce qu’on est presque dehors, avec déjà un pied dans le lointain. Les territoires périphériques sont ceux du changement de perception des échelles, où l’espace prend une autre ampleur, où le minuscule et l’immense sont troublés par la vitesse de la perception. « Dans les miniatures du lointain, les choses disparates viennent se composer. Elles s’offrent alors à notre possession niant le lointain qui les a créées. Nous possédons de loin, et combien tranquillement ! »1. Il est facile de faire entrer le lointain dans la ville, il flirte déjà avec le proche, entre les lacets de l’échangeur autoroutier, sur le parking désert d’Auchan Lac, sous les grues de Ginko.

grand stade

national

chantier éco quartier Ginko ligne SNCF du Médoc

ZA Aliénor d’Aquitaine vélodrome

régional

les boulevards le lac

Auchan Lac le golf

communauté de communes

les cours

les Aubiers

municipal

quartier du Tasta quartier Ravezie

quartier Bacalan

local

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LES DE LES USAGES DE LA PERIPHERIE LES USAGES DE LA PERIPHERIE LES USAGES USAGES DE LA LA? PERIPHERIE PERIPHERIE HYPERVILLE / ANTIVILLE HYPERVILLE / ANTIVILLE ?

T TR RA AV VA AIILLLE LER R

OFFICIELS OFFICIELS

espèces exogèn espèces exogèn échappé des ja échappé des ja rud entreprises tertiaires espèces espèces rud entreprises tertiairesvégétation spon végétation spon entreprises des chantiers entreprises des chantiers faune exo faune exo commerces commerces

services municipaux services municipaux

CC

O O NS N S O MM O MME ER R

TTIRIR SSEEDDIVIVEERR

shopping shopping de de masse masse restauration autoroutière restauration autoroutière MM CONSSO marché CON OMM marché asiatique asiatique sauvage sauvage vélodrome vélodrome

spectacle spectacle

futur futur grand grand stade stade voyeurs casino voyeurs casino

randonnée randonnée vélo et VTT vélo et VTT sport sport

sport à sport à sensations sensations 76

rencon rencon

adultère adultère course course à à pied pied golf golf

voile voile Bicross Bicross

gay gay

échangism échangism

pêche pêche en en ch piste d’accélération des motos ch piste d’accélération des motos


quartier nouveau Eco quartier Ginko Quartier du Tasta

HABITER

quartier ancien

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ardins

Les Aubiers squat végétal et animal

dérales ntanée faune périurbaine

ogène parasite

e

MER

HABITER squat humain campement des gens du voyage squat de marginaux campement de Roms

ntres secrètes

OFFICIEUX

me nomade solitaire marginaux

n étang hasse aux lapins

dérive périurbaine

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LES AUBIERS. C’est une île. Ou bien c’est Robinson lui-même, devenu sauvage par la force de l’éloignement. Exilé, à l’écart de la ville, mais morceau de la ville depuis toujours et à jamais, coupé de son référent. Finalement c’est spatialement très déterminé, pas de flou dans les contours, pas de zone trouble mais de claires barrières (au sud la friche ferroviaire, à l’est le boulevard Aliénor d’Aquitaine), une enclave en somme, dans un écrin de verdure, tel qu’en 1979 les urbanistes de Bordeaux Nord se représentaient la cité champêtre au bord du lac. Car les arbres ont poussé comme les bâtiments dépérissaient. Refermant le quartier sur lui-même, orphelin, dépourvu de voisins. Les Aubiers, c’est une sorte de synecdoque maladroite et involontaire : C’est la partie d’un tout qui n’est jamais arrivé. C’est l’image préliminaire et avortée d’une globalité fantomatique. Puis la ségrégation sociale s’est accrue à mesure que l’écran de végétation s’élevait et que le quartier partait à la dérive, perdant même de vue la côte parfois. Et, comme chacun sait, la distance créée le mystère et la peur. Opacité et secret. Les Aubiers sont devenus dangereux. Le quartier a connu ce processus de déterritorialisationreterritorialisation défini par Deleuze et Guattari : il diffère de son environnement par tous ses aspects (type et origine de population, mode de vie, situation sociale, économique), se construit dans un autre domaine vers une autre direction, loin très loin, puis a été, par la force des évènements et le pouvoir des médias, très vite reterritorialisé1 : la banlieue. Mot-territoire générique pour un lieu non spatialisé seulement écarté. Le même partout en France. Les Aubiers font partie de la grande famille. Une reterritorialisation violente qui éclabousse le quartier et l’aveugle. Personne ne connaît, mais tout le monde connaît les Aubiers. D’éternel isolat, les Aubiers, avec l’arrivée des populations futures à Ginko, vont devenir des voisins, eux qui les ont longtemps attendus mais n’en ont jamais eus eux-mêmes. Ginko vient redonner à Bordeaux nord l’urbanité que les Aubiers ont toujours échouée à créer. C’est le vaisseau qui a ramené Robinson en Angleterre mais qui dans le même temps, comme on le sait, fait du sauvage (Vendredi) un éternel serviteur dévoué. On est sauvé. 78


1 Gilles DELEUZE et Félix GUATTARI L’Anti-Oedipe p.162 Page de gauche Robinson Crusoé et Vendredi peinture, XIXe siècle http://www.dailymotion.com/video/xfdy7v_presentation-du-projet-de-zone-urbaine-nord_news

Vidéo INA, février 1966 Présentation du projet d’amenagement de la zone urbaine nord de Bordeaux, quartier du lac. C’est un concours d’architectes dont l’intitulé est “La nature dans la ville, la ville dans la nature” qui a permis d’exposer les projets proposés. Après dépouillement des plis, Xavier ARSENE-HENRY est déclaré lauréat. Dans la salle de présentation des divers plans et maquettes, interview du maire de Bordeaux, Jacques CHABAN DELMAS et du préfet Gabriel DELAUNAY. Leurs réactions sur la qualité des oeuvres proposées, du projet retenu et de l’avenir du Grand Bordeaux.


LA VOITURE. A la périphérie de la ville, c’est le règne du véhicule qui gravite à toute vitesse autour du centre. Dans un grand brassage démocratique se croisent indistinctement et sans se toucher de préférence, les voitures individuelles des citadins et celles des périurbains – voire même des ruraux – les poids lourds de toutes l’Europe et aussi des voitures étrangères de touristes. Pêle-mêle dans un bourdonnement quasi ininterrompu, ce sont des centaines de milliers de capsules individuelles ou familiales qui sont mis en orbite chaque jour. Ce sont les principaux habitants de la périphérie. Mais des habitants nomades. Le système de circulation des autoroutes et des rocades est fondé sur un principe exclusif, où chacun est renvoyé à sa propre solitude dans l’espace extensif de la vitesse. Les parkings des commerces de masse, des zones de bureaux et des cités de la périphérie sont les interfaces nécessaires où se produit la sortie de la capsule individuelle pour pénétrer une enceinte dédiée à la masse. Les parkings sont ces lieux de friction entre intime et collectif. Puis on réintègre sa capsule et on repart. On ne fait que passer en périphérie. Pourtant, il y a ceux qui ne passent plus mais qui vivent en périphérie (populations habitantes des Aubiers par exemple) et ceux qui viennent s’y installer (futures populations). Comment vit-on dans un espace où l’on ne fait que passer ? Que se passe-t-il lorsque l’on s’arrête dans un espace de flux ?

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A630. no


106 668

A630. nombre de vĂŠhicules moyen journalier annuel Ă Bordeaux Nord moyenne pour la rocade de Bordeaux 95 534

dont 6,30% trafic poids lourds source : DIRA circulation auto

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COMMERCES DE MASSE. Auchan à 150m. Auchan à 10 minutes. L’entrée de l’hypermarché ou du centre commercial est généralement annoncée longtemps à l’avance mais il est d’usage, semble-t-il, d’en sousestimer la distance réelle. Superficie CommeZAC Ginko 326 000 m² s’il était soudain difficile de mesurer l’espace, ou comme si celui-ci n’avait tout simplement plus grande importance. Ce qui compte, c’est l’extraordinaire rayonnement de ces lieux de concentration des commerces. En réalité, le centre commercial existe bien avant qu’on pénètre dans son enceinte ou même que l’on aperçoive son bâtiment, il fait partie intégrante de tout un système, celui de la périphérie de ville avec ces échangeurs, ces autoroutes, ces rondspoints et ces nappes de parking, fondé sur la vitesse et la primauté données aux circulations. Le centre commercial « préexiste à l’agglomération [...] [il] est l’expression de tout un mode de vie où ont disparu non seulement la campagne mais la ville aussi pour laisser place à l’agglomération – zoning urbain fonctionnel entièrement signalisé, dont il est l’équivalent, le micromodèle sur le plan de la consommation.»1 Par son nom seul il témoigne à la fois de son indépendance fonctionnelle de la ville-centre, sa mère vieillissante, et de son incapacité à se démettre de cette nécessité centralisatrice. Il devient une forme d’hyperréel, où la ville y est plus vraie que nature, singée mais surtout amplifiée au moyen d’éclairages artificiels ultra performants, de circulations parfaitement fluides, de concentrations de fonctions impeccablement agencées. La ville est donc dépassée par l’antiville. Le centre commercial d’Auchan-Lac ne sera pas rattrapé par la ville, c’est lui qui la focalise. Ginko d’ailleurs lui tourne le dos, car Ginko n’a qu’une mère, c’est la ville de pierre, la vraie. La ligne de tramway programmée en plein cœur du nouveau quartier (et non à l’interface entre la zone commerciale existante et le futur quartier habité), les commerces de proximité et tous les services implantés au rez-de-chaussée des futurs bâtiments, dans les futures rues : Ginko est la ville. Auchan-Lac n’existe tout simplement pas dans les descriptions promotionnelles pour le nouveau quartier. Pourtant, dans ce territoire de la voiture, entre ces lacets d’autoroute et sous ces panneaux publicitaires, Auchan-Lac fonctionne comme commerce de proximité. Depuis les Aubiers, plus qu’un centre commercial, c’est le centre-ville. Il n’est pas rare de voir aux alentours, des caddies vides et isolés, échappés de leurs pré-carrés que sont les zones de parking.

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1 Jean BAUDRILLARD Simulacres et simulation p.116 Page de gauche Duane HANSON Supermarket-Shopper, 1970

625 709 m² 625 709 m² 625 709 m² 625 709 m²

Surface commerciale périphérique totale totale CUB CUB Surface commerciale périphérique Surface commerciale périphérique totale CUB Surface commerciale périphérique totale CUB

Superficie ZAC Ginko 326 000 Superficie ZAC Ginko 326m² 000 m² Superficie ZAC Ginko 326 000 m² Superficie ZAC Ginko 326 000 m²

dont 107 032 dont 107m²032 m² dontCentre 107 032 m² Bordeaux Centre commercial Lac Lac commercial Bordeaux 107 032 Bordeaux m² Centredont commercial Lac Centre commercial Bordeaux Lac

source source : chiffres: chiffres juin 2008 du Commerce et de l’Industrie juinChambre 2008 Chambre du Commerce et de l’Industrie source : chiffres juin 2008 Chambre du Commerce et de l’Industrie source : chiffres juin 2008 Chambre du Commerce et de l’Industrie

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1

3

2

4

1. espace lisse. Feutre - table de billard 2. espace lisse. Steppe - Mongolie 3. espace strié. Patchwork - Crazy Quilt, 1870 4. espace strié. Rue Rossi - St Pétersbourg

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1 Gilles DELEUZE et Félix GUATTARI Mille Plateaux p.598

ERRANCES. Le paysage de Bordeaux nord a des trous. Il est percé de toute part, ce qui forme une sorte de maillage secret du territoire, de galeries souterraines, de réseaux mystérieux et inaccessibles. Le chantier, comme forme spatiale essentielle de la périphérie participe de cette activité compulsive de forage. A mesure que la ville remplie ces trous (lac, constructions, nouveaux quartiers) d’autre se reforment ailleurs. Ces trous, et les galeries qui les relient, s’abstraient des infrastructures qui tiennent le territoire. Il s’agit de réseaux parallèles, qui coexistent en se greffant sur la ville organisée. La périphérie, avec ses espaces lacunaires, est un lieu d’errances, de parcours aléatoires, de trajectoires incalculables. Deleuze et Guattari parle de l’espace lisse pour signifier l’espace des nomades et de l’espace strié pour celui de l’ordre et du contrôle. La ville, espace strié par excellence, qui possède le pouvoir de strier le territoire qu’elle domine, génère en elle des espaces lisses qui occupent les hiatus dans la maille urbaine. Bordeaux nord est un territoire où se joue la tension entre la force de striage (aménagement, planification) et la résistance par le lissage coûte que coûte. « La perception y est faite de symptômes et d’évaluations, plutôt que de mesures et de propriétés. C’est pourquoi ce qui occupe l’espace lisse, ce sont les intensités, les vents et les bruits, les forces et les qualités tactiles et sonores, comme dans le désert, la steppe ou les glaces. »1 Les trajectoires des populations nomades ne tiennent pas compte des démarcations parcellaires, des limites communales et des frontières politiques. Il émerge de tant en tant, des villages de caravanes sur des délaissés autoroutiers, sur des bordures de voies trop larges, en marge d’emprises privées abandonnées. Ces installations temporaires, sauvages mettent en lumière les espaces oubliés dans la structure urbaine. Sur les berges du lac, le marché asiatique nomade, qui disparaît une partie de l’année, témoigne des errances de la périphérie urbaine, au contact non plus seulement des territoires proches, mais bien totalement inscrit, plus encore que la ville centre, dans la mondialisation. Les errances de la périphérie sont une adaptation à un territoire fait d’intensités et de mouvements, où il y a moins d’implantations durables que de projets, de crises, de destructions, de constructions et d’évacuations. 85


FRANGES/MARGES. C’est ce qui donne toute son ampleur à un texte. Le vide qu’il génère autour de son petit paquet de mot, c’est ce qui donne de la grandeur à ces pattes de mouche. La marge est toujours reléguée à la périphérie, elle est loin du cœur, elle tourne autour du sujet. Pourtant, on produit rarement de la marge, car on part du centre et on y reste. Et c’est précisément comme ça qu’avec le temps, malgré nous, apparaissent des franges qui s’effilochent. C’est le début de la fin. Ginko est un de ce projet urbain autarcique, morceau de ville en soi. Le chantier de Ginko accentue l’opacité du projet, et son imperméabilité à l’espace environnant. Mais cet œuf clos n’a pas les bords lisses, il laisse échapper des franges à sa périphérie. Il faut ménager les marges, être attentif aux franges parce que dans ces endroits où s’épuise le sens, où le contrôle s’essouffle et perd de son pouvoir sur l’espace, il est possible d’inventer une autre existence. Comme Foucault, il faut réussir à voir depuis les marges, l’espace de la norme et non l’inverse, ce qui implique d’en sortir. C’est un renversement de paradigme, et c’est pas gagné.

Ci-contre rue sans nom - Bordeaux Google Earth, août 2011 Page de droite avenue de Tourville -Bordeaux Google Earth, août 2011

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SQUAT. Ce qu’on a vu d’abord, de loin, c’est un peu de fumée. Puis on s’est approché, à reculons certes. Dans la friche on a perdu les repères sauf le bruit de fond de l’autoroute derrière. Car c’est un véritable paysage intérieur. C’est très composée, une friche, les essences s’organisent entre elles de façon harmonieuse. La main de la nature est encore plus respectueuse du site que celle de l’homme on dirait. En somme, la nature dans la friche, c’est une caricature d’elle-même. Là, il y avait une clairière, comme toutes les clairières dans les contes de fées, celles où il y a des créatures qui se sont installées, ce qui les rend assez humaines d’ailleurs. On s’attendait donc à une créature. La première c’est une tente démesurée, ou plutôt un conglomérat de tentes qui forme un Frankenstein globuleux. La deuxième c’est l’énorme chien qui court vers nous. La troisième c’est pas une créature, mais une ménagère de moins de 50 ans qui engueule le chien et vient nous serrer la main. Friche : espace du sauvage. Là, on était au comble de la sociabilité. On a été invité à entrer dans le jardin, on a discuté météo, chasse aux lapins, nuisance du voisinage, en usant de tous les codes de la politesse, de la cordialité. En somme, une rencontre des plus honnêtes entre gens bien élevés. La dernière créature c’était nous en fait, avec nos appareil-photos et nos carnets, on apportait l’anonymat et l’incivilité modérée qui est de mise en ville. C’était nous qui étions en marges, hors cadre par rapport à l’ordre de la friche. Le squat c’est essentiellement être autre selon la définition du Mouvement Européen des Squatteurs. Pourtant, là, c’était plutôt être ailleurs mais avec tous les codes en vigueur à l’extérieur de la friche. Un ailleurs qui a été rattrapé aujourd’hui par un ici global, celui qu’impose le chantier de Ginko et qui seul, force à devenir autre.

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RENCONTRES SECRETES. Au fil des années, sur les remblais du chantier du lac, s’est développée une friche, qui en fonction de son exposition à l’activité humaine ou au passage, a accueilli une population végétale et animale plus ou moins riche. Les écologues nous disent que ce sont dans les résidus de friche, qui ont échappé au lotissement urbain à la faveur d’un enclavement particulier, que la faune comme la flore, isolés de toute interaction avec le milieu urbanisé sont les plus riches. La végétation y est dense et touffue, elle dissuade facilement les promeneurs les plus courageux et offre un abri aux animaux les plus vulnérables. Ce sont aussi ces lieux qui sont les plus propices aux rencontres secrètes. Le développement végétal et animal spontané est une condition pour l’expérience secrète et/ou marginale. La périphérie, mère de la rencontre hybride entre la ville et la campagne, enfante ces espaces de marges, qui seuls permettent de donner un lieu pour des pratiques réprimées voire opprimées. Adultères, actes sexuels cachés, les franges nocturnes de la ville assurent des rencontres sous le signe du secret, de l’inconstance et de l’anonymat. Les recoins obscurs, les sous-bois, taillis et buissons épais peuvent être les lieux de liberté pour des activités qui demandent, pour exister, d’être cacher aux yeux de la ville. La condition d’existence de tels espaces est leur prétendue absence. Tout réside dans le consensus social qui accepte, à sa périphérie effrayante, le maintien d’un lieu précautionneusement hors-norme, soigneusement hors contrôle. Mais un jour, un paysagiste veut valoriser la biodiversité périurbaine et le charme factice de la nature retrouvée. L’amateur de rencontres anonymes et les animaux secrets devront désormais souffrir le promeneur potentiel et/ ou une table de pique-nique. Peut-être fautil apprendre à ne pas toujours intervenir, car ne rien faire, c’est déjà un choix. Comme Bartleby, le personnage de Melville, parfois, « je préfèrerais ne pas ».

Ci-dessus rue du Pont-Neuf, Bruges, Aquitaine, France, Google Earth - street view, novembre 2010 Ci-contre www.lieuxdedrague.fr


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lieu d’installation berge du lac nombre de familles 8 à 10 date d’apparation entre le 15 et le 20 août 2012 durée d’occupation de 1 à 20 jours

lieu d’installation terrain non loti, remblais nombre de familles 10 à 20 date d’apparation 90

entre 2011 et 2012 durée d’occupation d’une saison à plusieurs années


SQUAT

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ÉTAT DES LIEUX AU 10 SEPTEMBRE 2012

RELEVÉ FLORISTIQUE DES FRICHES ET DÉLAISSÉS DU CHANTIER


Chénopode blanc Chenopodium album Vergerette de Sumatra Erigeron sumatris Saule roux Salix atrocinerea Peuplier Populus Datura stramoine Datura stramonium Molène Bouillon-Blanc Verbascum Jussie Ludwigia peploides Massette Typha latifolia JoncJuncus sp. Phytolacca Phytolacca americana Plantain lancéolé Plantago lanceolata Oseille Rumex L. Carotte sauvage Daucus carota Molène noire Verbascum nigrum Robinier Robinia pseudoaccacia Ronce Rubus sp. Trèfle Trifolium pratense Amaranthe Amaranthus deflexus Mauve Malva sylvestris Buddleia Buddleja davidii Chardon Carduus pycnocephalus Sureau noir Sambucus nigra Sweetgrass Hierochloe odorata Queue de lièvre Lagurus ovatus Iris des marais Iris pseudacorus Achillée millefeuille Achillea millefolium Myosotis Myosotis L.


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CYCLE DE SUCCESSION VÉGÉTALE APRÈS TABULA RASA

pionniers herbacés pionniers ligneux buissonnants à arbustifs pionniers ligneux (arbres) arbres

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ERRANCES2. Dans le territoire à trous de Bordeaux Nord, il y a plusieurs types de populations en errance. Il y a bien sûr les campements de caravanes qui s’installent, se retirent pour réapparaître plus loin, au grès des accords et des conflits avec la municipalité, mais aussi des vides administratifs et juridiques. Il y également les populations végétales qui ont un mode de vie similaire. La périphérie est l’espace des grandes migrations et des grandes hybridations. La ville foisonne à sa périphérie. Parce que le tissu est distendu, parce qu’on a presque un pied dehors déjà, qu’on est en contact avec les premiers territoires agricoles, toute une flore se développe et occupe l’espace vacant et hésitant. Cette végétation n’hésite pas, elle erre certes, mais s’installe clairement. Fruit de la rencontre avec la végétation agricole, avec les sols retournés, avec les remblais, une végétation spontanée apportée par les animaux, l’eau et les vents trouve des terrains libres pour se déployer. Ici se mêlent des échappées des jardins retournées à la sauvagerie, des plantes exogènes et exotiques, des plantes rudérales. Parasite, nuisible, invasive, cette végétation témoigne du brassage planétaire des populations. La périphérie est fille de la mondialisation. Cette végétation squatte. Bords de route trop contraint où les machines d’entretien ne passent pas, Terrain abandonnés, remblais, chantier en attente, la végétation spontanée de la périphérie est mobile, elle s’adapte : cycle de vie ultra-rapide, système de succession super sélectif, physiologie ultra polymorphe. Ces poches de végétations disparaîtront sans doute, au profit d’espaces plus solides, au profit d’un aménagement ou d’une nouvelle tabula rasa. Mais on les retrouvera ailleurs, quelques mètres plus loin déjà en place, réinventant de nouveau et sans cesse un nouvel espace de vie. « Le Tiers paysage territoire électif de la diversité, donc de l’évolution, favorise l’invention, s’oppose à l’accumulation »1. 96


1 Gilles CLÉMENT Manifeste du Tiers Paysage XI. rapport à la société (17) p. 22

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TEMPORALITÉ DES FRICHES DURANT LE CHANTIER L’emprise du chantier, selon son phasage, laisse de côté durant des durées derminées des morceaux de terres mises à nu par la tabula rasa. En fonction du temps où cette portion du site n’est pas touchée par les travaux, une végétation spontanée peut se développer. Selon le type de sol, les transformations dues à la tabula rasa, et l’hérédité du terrain, des combinaisons de pionniers vont s’installer à une vitesse plus ou moins rapide. On peut faire la cartographie dans le temps des espaces gagnés par l’enfrichement, de leur évolution et de leur durée de vie selon leur emplacement. On se rend ainsi compte que jusqu’à la fin du chantier, des zones sont laissées de côté. Des stades différents d’enfrichement peuvent cohabiter selon le temps d’abandon de ces portions du chantier. En fonction des espaces, on pourrait travailler au soutient du développement de cette friche tout en gardant en tête sa durée de vie limitée. Des modes de gestions différenciés pourraient être mis en place pour valoriser la richesse végétale de ces friches. Ce travail s’inscrit plus que jamais dans le processus du chantier mais aussi dans celui des cycles de végétation qui l’accompagne. Il s’agit d’affirmer le caractère éphémère des situations de paysage, de travailler le végétal non comme un élément immuable mais comme un matériau vivant qui est donc voué, à terme, à mourir. Les friches du chantier Ginko pourraient constituer un jardin en mouvement à plusieurs vitesses dont l’issue fatale n’interdit pas de le mettre en scène, bien au contraire.

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pionniers herbacés pionniers ligneux buissonnants à arbustifs pionniers ligneux (arbres) arbres

2009

+

8 DE

TA BU LA

S AN

2010

RA SA

2011 1à2

8

S AN

AN S

3

NS 2à3A

à

2016

2015

2014

2012

2013

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GESTION DES FRICHES DU CHANTIER

pionniers herbacés pionniers ligneux buissonnants à arbustifs pionniers ligneux (arbres) arbres

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1 la nouvelle rue tapis jaune Mise en scène et annonce de la construction de la future rue de Québec, axe structurant central du quartier Ginko. Occupation du temps de latence en plantant, pour une année, un mélange de moutarde et chou colza. Depuis les Aubiers on peut ainsi dérouler le tapis jaune au futur projet. Le jaune garantie à la fois un effet visuel sur le terrain à nu et charge cet acte de tous les contrastes que cette couleur symbolise (Joie ou trahison? Egoïsme ou amitié?)

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2 friche primaire plan fant么me

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Ci-contre LARS VON TRIER Dogville, 2003

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2 friche primaire plan fantôme (voir double page précédente)

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La phase 1 et le début de la phase 2 du chantier se concentrent sur les parties ouest du site, laissant ainsi environ trois ans à la partie la plus à l’est pour sa reconquête par une végétation spontanée pionnière, sur la terre retournée de la tabula rasa et sur les remblais successifs. Ce grand espace, face au chantier, de l’autre côté de la nouvelle rue de Québec qui coupe le terrain en deux, constitue l’espace de recul depuis lequel on peut admirer l’ensemble du chantier. Il est le premier plan du chantier depuis l’avenue des 40 journaux et depuis le zone commerciale. Cette friche pourrait être gérée de sorte à mettre en scène le processus de construction et à participer de l’effet d’annonce du projet à venir. On pourrait imaginer de faire à échelle réelle, un plan fantôme du futur projet de construction, entretenir la friche afin de matérialiser l’emprise des futurs bâtiments par des massifs de plantes et de faucher l’emprise des futures voiries. A la manière d’un jardin classique, les massifs orthogonaux s’appuyant sur des axes de cheminement pourront constituer un lieu de promenade structurée. Depuis les Aubiers, le projet sera ainsi clairement lisible, comme un parterre de broderies à la française à base de plantes de friche.


3 les bases vie ornement pionnier Autour des bases vie, ces lieux ressources sommaires accolées aux parkings où se trouvent les bureaux de chantier, les sanitaires et les vestiaires, l’absence de travaux permet à une végétation spontanée de s’installer jusqu’au déplacement de la base vie (durée de vie moyenne 3 ans). Cela laisse le temps de s’implanter à des haies de peuplier arbustifs, à des buddléias de devenir de véritable arbustes etc. L’entretien de ces végétaux pourrait permettre de structurer l’espace (haies, bordures) de produire de l’ombre devant les préfabriqués, d’amener de la fraîcheur pour la pause-cigarette.

4 friche du gymnase frichepark Cette partie au sud du chantier est la seule à n’être aménagée qu’à la fin de la phase 3 (à partir de 2015). Coupée du reste du chantier par l’aménagement du parc en phase 1, c’est une friche absolument protégée qui ne sera pas perturbée par le passage d’engins et qui ne présente aucune utilité pour le chantier. Elle est en revanche l’espace le plus proche des Aubiers. Il s’agit d’utiliser le temps assez long de latence (4 à 5 ans environ) pour favoriser le développement de sujets arbustifs et arborescents afin d’aménager cet espace en véritable parc de friche. Des foyers de peupliers, de robiniers et de saules constituent déjà des bosquets qui composent un espace dont les caractéristiques autoriseraient volontiers la délicieuse qualification de parc paysager. (voir développement du projet pp.168-171)

5 les abords squat programmatique A la lisière du chantier, entre les palissades et la route, des micro-espaces sont délaissés. Inaccessible aux machines cette lisière est envahie par une flore rudérale pionnière, occupant les brèches ouvertes dans le sol, colonisant les grillages, les palissades, squattant les zones de déchargement. Ces espaces périphériques ne seront pas nettoyés avant la fin du chantier. Il s’agit de mettre en valeur les situations où les végétaux les plus prometteurs pourraient être protégés et conservés à la fin des travaux et nourrir ainsi le projet final d’un peu de végétation spontanée. 107


a’’.structure construite c.opacité et compacité

de la structure génératrice a’.processus en construction

b.connexion aux réseaux de matières premières 108

b’’’.connexion aux réseaux politiques


LE SYSTÈME CHANTIER STRUCTURE RHIZOME c’.stockage de matériaux a.structure en attente

de construction

c’’.barrière hermétique à

l’extérieur

b’.connexion au réseau de

force de travail b’’.connexion aux

réseaux financiers

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CONSTRUCTION. « En réalité, il y a recommencement dans le faire englobant qui commence. Ou mieux : sur le chantier, tout commencement implique un recommencement. La lente maturation et les multiples associations de l’abri raniment les images usées de la genèse – même si le ventre est amer. On dit ‘’ouvrir un chantier’’, au sens inaugural, générateur. Rares sont les autres activités urbaines qui découvrent, comme celles qui installent l’œuvre ; les tranchées, les trous, la boue et la terre, agressivement remués, éveillent des sensations diffuses et divergentes de rancœur et de mémoire. Découvrir, comme déterrer des racines ou des morts. La palissade défend, cache, dresse un obstacle à la vue : les perforations, les ouvertures béantes revécues, évitent le ‘’voyeur’’. La pâte visqueuse du béton les remplira ensuite et élèvera des structures géométriques. Le rythme de la scie, l’instantané des coups de marteau, l’accalmie de l’ajustement, plier, déverser, mélanger, aplanir, polir, gratter : autant d’actes élémentaires qui texturent le temps de leur allure et le colorent de qualités grasses. Jours, mois, phases ont des densités, des poids spécifiques, des tonalités, des transparences : l’heure est encore faite de chair. La durée se dédouble dans la main en harmonie et résonances – et fureur [...]».1

1 Sérgio FERRO Dessin/Chantier p.53

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ESPACE TEMPS ÉCONOMIE POPULATION CONSOMME

INDUIT FICTION IMAGE COMMUNICATION

ESPACE PAYSAGE REGARD TRANSFORME

GÉNÈRE ESPACE TEMPS POPULATION ÉCONOMIE DÉCHETS

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NUISANCE. Le chantier est un nuisible urbain. Il s’immisce dans la structure de la ville, s’impose, l’altère. L’espace urbain est plastique, il se défini par son caractère modulable, c’est un processus toujours en cours. Pourtant, c’est paradoxalement un espace de crispation, de conservation, qui accepte mal les transformations. Le chantier en ville est toujours source de complications, il perturbe. C’est une sorte de cancer nécessaire. Les habitants des Aubiers auront comme première relation de voisinage, le contact avec l’espace en chantier. Comment vivre un espace de nuisance ? Comment faire cohabiter la ville avec la poussière, le bruit des engins, le danger ? Quelle place pour une forme contenue du chaos dans l’espace urbain ?

1 Jean BAUDRILLARD La société de consommation p. 49

DECHETS. Tout le paradoxe de la fabrication réside dans le fait qu’elle génère du déchet. Construire signifie non seulement détruire mais aussi jeter. Le neuf engendre du surplus dont il faut se débarrasser. Dans le chantier il ne s’agit pas seulement de substituer un espace à un autre à l’aide de matériaux ajoutés mais également de produire par ce processus un excédent à évacuer. Le chantier est un corps sans organe où absorption et déjection sont intrinsèquement liées et se croisent au mépris de toute logique digestive. Ainsi pour reprendre la chronologie : la friche est rasée et les restes évacués ; les nouveaux matériaux sont apportés et assemblés ; une fois l’étape d’assemblage terminée, il y a du surplus issu de la fabrication qui est lui-même évacué. Moins par plus est égal à moins, en quelque sorte. Les déchets du chantier sont parfois même traités sur place avant évacuation. C’est un système de production à part entière, et ce genre de système dans une société de consommation génère nécessairement du déchet. Généralement on n’aime pas beaucoup voir les déchets. Tas, amas, agrégats, gravats. Il est de bon ton de les cacher dans des sacs en plastique opaque (sauf en cas de plan Vigipirate bien sûr), dans des caissons isolants ou derrière des palissades. Il fut un temps où il était d’usage de les enfouir. Et laissons faire la nature. C’est sur ce terreau que se construisent aujourd’hui les bâtiments éco-responsables et les vertes prairies de Ginko. Un avenir meilleur sur les décombres pourrissant de la ville d’hier. Au sens propre. Baudrillard dans La société de consommation explique que l’abondance devient une valeur non pas lorsqu’il y a assez mais lorsqu’il y a trop. « [...] c’est dans la consommation d’un excédent, d’un superflu que l’individu comme la société se sentent non seulement exister mais vivre.»1 La ville est le lieu de l’abondance, le quartier Ginko se veut être cette ville avec un surplus essentiel : la nature. Que signifie une ville qui cherche ses modèles dans le contraire d’elle-même, contre ellemême, dans l’anti-ville ? Le caractère d’une ville réside-t-il uniquement dans le surplus qu’on y ajoute, ce petit rien qui va la rendre supportable (généralement à grands coups de fleurissement paysagers) ? Le paysagiste est-il l’agent de nettoyage de la ville du XXIe siècle ? Le chantier est ce moment de faiblesse de la société de consommation où fabrication et gaspillage cohabitent dans le même espace. C’est le moment d’y intervenir. 112


1 Karl MARX Le Capital p. 870 ci-dessus Acéphalie du système ouvrier hst10 hauteur 170 cm ref HSTC02

LE TRAVAIL/LA DIVISION. « La coopération d’ouvriers salariés n’est qu’un simple effet du capital qui les occupe simultanément. Le lieu entre les fonctions individuelles et leur unité comme corps productif se trouve en dehors d’eux dans le capital qui les réunit et les retient. L’enchaînement de leurs travaux leur apparaît idéalement comme le plan du capitaliste et l’unité de leur corps collectif leur apparaît pratiquement comme son autorité, la puissance d’une volonté étrangère qui soumet leurs actes à son but. Si donc, la direction capitaliste, quant à son contenu, a une double face parce que l’objet même qu’il s’agit de diriger est, d’un côté, processus de production coopératif et, d’un autre côté, processus d’extraction de plus-value, la forme de cette direction devient nécessairement despotique. Les formes particulières de ce despotisme se développent à mesure que se développe la coopération ». 113


CORPS SANS ORGANES. 12 septembre 2011. 20 minutes. En fait c’est plus compliqué. Dans ce volume tout est explosé. C’est un volume de dispersion. Tout est latent à l’intérieur du chantier : l’air, l’ordre, les limites. C’est cette latence qui génère et cimente l’ensemble. Je cherche le centre, le cœur, la tête pour réussir à lire le reste, pour réussir à hiérarchiser le chaos qui occupe ce volume chantier. Je rassemble trois entités qui aussitôt se dispersent : une entité construction (mobile, immatérielle, effervescente), une entité stationnement (fragmentaire, illimitée, individuelle) et une entité habitat (précaire, instable, isolée). Rien ne les sépare. Rien ne les uni que l’absence de différenciation. Ces entités seront bien entendu mobiles et se déplaceront (descente d’organes) au cours du processus de chantier. L’entité habitat apparaît comme étant la plus provisoirement fixe. Ce sont des constructions préfabriquées, modulaires, empilées, agencées de sorte à produire l’effet d’un espace urbain. Il s’agit là d’un conglomérat des différentes entreprises individuellement impliquées dans le chantier. Tout le monde semble indépendant des autres et du lieu. Personne ne semble lui appartenir, pas plus qu’il n’appartient à quiconque. Moi-même, étranger au système chantier (attitude, vêtements, trajectoire) ne suis ni particulièrement accueilli ni particulièrement rejeté. L’indifférence et le désintérêt anonyme. Les corps sont en mouvement dans ce volume et ne se déterminent que par les intensités de leurs actions. C’est un corps sans organes. « [Il] fait passer des intensités, il les produit et les distribue dans un spatium luimême intensif, inétendu. Il n’est pas espace ni dans l’espace, il est matière qui occupera l’espace à tel ou tel degré – au degré qui correspond aux intensités produites. »1 Ce n’est pas un vide, c’est un corps avant le corps, un œuf intense bouillonnant où se joue la simultanéité entre espace effectif et fabrication de l’espace. Mue par un discours qui est le résultat de sa matérialisation programmée, il génère par accumulation et procède par soustraction. Soustraction de la population intérimaire par la population future, des matériaux par les bâtiments, de l’espace de chantier par l’espace habité.

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1 Gilles DELEUZE et Félix GUATTARI Corps sans organes, dans Mille Plateaux p. 189 Ci-dessus Francis BACON Self-portrait, 1971


1 Manola ANTONIOLI “Chaoïde” in Le vocabulaire de Gilles Deleuze, Les Cahiers de Noesis n°3, p. 55 ci-dessous Enrique GOMEZ DE MOLINA WTF, Hybrid taxidermy, 2008

LE CHAOS. Un tas de gravats, des déchets entassés, c’est le paysage du chantier et c’est déjà un ordre. Le chaos c’est l’impensé et l’impensable, ce qui reste insaisissable par la pensée, ce dont on ne peut faire l’expérience sans en être soi-même happé. Si la pensée s’oppose au chaos, l’espace lui y résiste beaucoup moins et le génère même bien volontiers. Espace d’intensités, de vibrations et de vitesse, la périphérie, dans sa relation constante à son référent essentiel, contient le chaos aux portes de la ville. La périphérie produit du secret, elle est opaque mais se donne, si facilement. Le chantier est une composante de la périphérie, il en est un moment fondamental, occupant le temps de latence dans la révolution continue des espaces périurbains. Le chantier, derrière ses mystérieuses palissades qui ne trompent personne, est une forme contenue du chaos : « Le chaos n’est pas un état informe, ou un mélange confus et inerte, mais plutôt le lieu d’un devenir plastique et dynamique, d’où jaillissent sans cesse des déterminations qui s’ébauchent et s’évanouissent à vitesse infinie (...). »1 Espace-temps entre-temps, aller-retour, entre-deux, le chantier hésite encore entre l’idée et la forme, entre le passé et le futur. Il est volontairement maintenu dans son état chaotique, c’est un espace nécessairement à tenir hors de contrôle. Il est l’absolu inverse de l’espace public : c’est un espace technique, un espace de travail, utilitaire, corporatif, professionnel. Il s’y joue non pas le contrôle public pour un maintient de l’ordre social mais des règles secrètes qui vont bien au-delà du droit du travail et qui n’ont rien à voir avec le bien-être collectif. Ces poches hors-normes sont tolérées en plein cœur de l’espace urbain, car c’est d’elles seules que la ville naît. Les fondations obscures et chaotiques, hérédité noire de la ville, la font trembler sur sa base. Le chantier bouscule la ville. La naissance, c’est toujours un moment un peu sale en somme.

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PALISSADE. Il n’y a pas à proprement parler d’entrée, pas même un portail. Il y a plutôt des passages ou des interruptions dans le linéaire de palissades. Des passages que rien n’annonce et qui semblent pouvoir disparaitre d’un endroit et réapparaitre indifféremment ailleurs. C’est comme un volume à l’enveloppe poreuse qui montre tout sans rien dévoiler. Opacité et secret. Pourtant, le passage est difficile. Il y a, depuis l’extérieur, clairement un dehors et un dedans. Je suis dehors. C’est dedans. Pour passer dedans, il faut franchir un seuil qui pourtant, n’existe pas dans l’espace. Disons alors qu’il y un dehors et un dehors. Le dehors où je suis est cependant entièrement opposé au dehors où je ne suis pas. Est-ce que je peux me trouver dans un dehors ? Ou bien est-ce que je peux me trouver hors du dehors ? Manifestement oui. Derrière les palissades c’est encore un dehors dont je suis exclu. Un dehors visible et qui oppose aussi peu d’obstacles à ma vue que le dehors dans lequel je me trouve. A l’intérieur je suis toujours dehors et pleinement dans le chantier. Je reste pourtant à côté et je le resterais toujours semble-t-il. Spatialement c’est vraiment très clair : il y a une palissade qui encercle de façon plus ou moins continue un volume. Je suis dans un espace fermé et pourtant dans un espace encore plus ouvert qu’à l’extérieur. La terre nue, la surface plane, les émergences squelettiques des grues et des structures en construction. C’est un trou béant. C’est un grand morceau d’espace et de ciel enfermé dans un volume arbitrairement séparé du reste de la ville. La palissade ne sert donc qu’à maintenir ensemble des morceaux d’espace distendu ou un corps sans organes. Elle sépare plus exactement encore deux systèmes, et permet surtout au chantier d’être un dehors. Essentiellement un dehors. Le dehors de la ville parcourue, vécue, et le dehors du chantier, inconnu, tenu à l’écart, au dehors donc. Ce qui l’écarte c’est son système foncièrement autonome et autarcique. Il existe par ségrégation. Ségrégation des populations intérimaires et habitantes, ségrégation par le danger, ségrégation au fondement du système de production. La palissade est toujours plus ou moins de fortune. Son apparente fragilité n’a d’égale que sa puissance symbolique : elle produit une ex-clave urbaine, essentiellement en dehors de la ville, une anti-ville ? 116


1 Don MITCHELL The right to the city, 2003 [De plus en plus fréquemment, les espaces de la ville moderne sont produit pour nous plutôt que par nous]

Page de gauche Edgard DEGAS Femme sortant du bain, 1877

EXCLUSION. Chantier interdit au public. Précisément, l’espace du chantier constitue un moment de la ville essentiellement privé. Il s’agit de déclasser, de façon temporaire, le temps de la construction, un terrain appartenant à la puissance publique et de le faire passer aux mains d’entreprises privées. Si la puissance publique reste maîtresse des ressources, propriétaire du terrain – la Ville de Bordeaux et la CUB restent les commanditaires et les maîtres d’ouvrage – ceux qui occupent, pratiquent et gèrent l’espace sont des acteurs privés. La fabrication de la ville passe aujourd’hui nécessairement par sa privatisation temporaire. « More and more the spaces of the modern city are being produced for us rather than by us »1. Le système productif mais aussi la division du travail dans la société capitaliste engendrent une nécessaire exclusion du public afin de laisser s’opérer tranquillement les rouages secrets de la fabrication de la ville dans la sphère privée. Nous ne sommes pas acteurs de la construction de l’espace dans lequel nous vivons mais clairement spectateurs. Bien entendu, il s’agit avant tout de sécurité publique face au danger que représente le chantier, pour toute personne qui en est extérieure. Le travail industriel a certes, pour des raisons à la fois de sécurité et de productivité, toujours été maintenu dans des espaces clos, mais en ce qui concerne le secteur de la construction, tout ce qui ne peut être manufacturé et produit en série doit bien être fabriqué sur place, et le processus de production se trouve devoir être fait in situ et en plein air. Ainsi, c’est au grand jour, dans l’espace commun que se constitue un isolat privé qui se définit beaucoup plus en négatif par rapport à l’extérieur que par la spécialisation ou le corporatisme à l’intérieur du chantier. La grande utopie urbaine de mixité ne s’intéresse pas aux moments intermédiaires, aux processus économiques et sociaux qui sont pourtant à l’origine de la fabrication de l’espace de la ville. Le fameux vivre-ensemble, le bien-être urbain, concerne uniquement une masse citoyenne informe, dépouillée de ses activités, circonscrite à un espace social lui-même réduit à sa plus simple expression. 117


DRAME/SPECTACLE. Il faut se demander en réalité si le chantier en est un. δράμα« action sur scène ». C’est qu’il s’y passe quelque chose, c’est le moment où la ville dans son processus connait une accélération qui met l’espace en action. Le paysage n’est plus le résultat somnolent du temps lent que l’on découvre en démêlant les strates historiques, mais le fruit de l’effort concentré dans une unité d’espace, une unité de temps et une unité d’action. Tragédie urbaine ? Car le chantier c’est la destruction et la construction, la violence des engins, les nuisances des machines, c’est une source de chaos par les perturbations et les transformations temporaires ou durables qu’il engendre. Il influe directement sur la vue (la masque, la transforme), il modifie les parcours (piétons emprunter le trottoir d’en face, déviation, route barrée). Le chantier métamorphose surtout l’aboutissement inéluctable d’un espace, d’un bâtiment, d’un lieu neuf. Mais ce qui domine à l’égard du chantier c’est le mépris. Dédain et ignorance. Il n’existe pas car il est trop présent. Là où il existe surtout c’est dans les images promotionnelles, dans le récit dont il se drape. Le projet Ginko existe déjà, il préexiste au chantier comme simulacre. Finalement il compte beaucoup plus que le chantier. Le projet de construction, c’est finalement la société qui se met en scène dans sa puissance productive et consommatrice « ... en tant que secteur économique avancé qui façonne directement une multitude croissante d’images-objets, le spectacle est la principale production de la société actuelle. »1. Et le chantier est le moment de faiblesse dans ce processus spectaculaire, le moment où l’on est forcé de s’éloigner de l’image et où les forces économiques en jeu sont mises à nu. Quelle meilleure scène pour la puissance économique urbaine que de s’installer là où elle a échoué? Quoi de plus ironique que de se donner en spectacle sous les fenêtres illuminées des Aubiers ? Le chantier de Ginko est ce temps intermédiaire, cet espace temporaire où le système au sommet de sa toute puissance montre ses faiblesses. Il faut s’en saisir comme source cathartique.

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1 Guy DEBORD La société du spectacle, p.15 Page de droite Diego VELÁSQUEZ Les Menines, 1856


« Parce que nous ne voyons que cet envers, nous ne savons qui nous sommes, ni ce que nous faisons. Vus ou voyant ? Le peintre fixe actuellement un lieu qui d’instant en instant ne cesse de changer de contenu, de forme, de visage, d’identité. Mais l’immobilité attentive de ses yeux renvoie à une autre direction qu’ils ont suivie souvent déjà, et que bientôt, à n’en pas douter, ils vont reprendre : celle de la toile immobile sur laquelle se trace, est tracé peut-être depuis longtemps et pour toujours, un portrait que ne s’effacera jamais plus » Michel FOUCAULT Les mots et les choses p. 21

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Dans le cadre de la biennale d’architecture Agora, le chantier Ginko a été ouvert au public, le temps d’un après-midi. Monsieur P., responsable du chantier chez Bouygues Immobilier pilote la visite au pas de course. Je faisais partie du groupe des visiteurs inscrits.

Veuillez me suivre, nous n’avons malheureusement pas beaucoup de temps. Le chantier est un espace de travail, gardez votre casque sur la tête et restez bien derrière moi afin de ne pas vous mettre en danger.

Le regard de l’ouvrier 1


La première phase du chantier est sur le point d’être achevée. Les premiers Ginko-habitants vont pouvoir s’installer la semaine prochaine. Tout a été mis en oeuvre pour leur éviter les interactions avec les zones en travaux. Nous avons fait en sorte que ces futurs habitants aient non pas l’impression de vivre dans un chantier mais d’avoir les mêmes conditions de vie qu’à Bordeaux centre. Vous voyez, les rues, les espaces publics sont achevés, le gazon est en train d’être posé, des commerces de proximités vont même prochainenement s’installer en rez-de-chaussée des immeubles. C’est une vraie ville avec toutes les commodités, un quartier normal en somme que nous garantissons aux premiers arrivants de l’écoquartier Ginko.

blabla bla sécurité blabla confort de vie bla bla blabla blabla durable blabla économie blabla bla bla bla bla blablablabla bla bla blabla bla blablabla écologie blabla efficacité blabla propriété blabla bla ...

Alors que tout le monde prenait des photos, le regard de l’ouvrier sur notre groupe m’a fait exactement ressentir ce que décrit Foucault dans son analyse du tableau des Ménines de Velasquez. Ça n’était pas le chantier que l’on prenait en photo, ni même les ouvriers. C’était nous le sujet. En por tant un regard sur le chantier c’est nous-même que l’on voyait, le reflet de notre société telle qu’elle se produit. Le regard de l’ouvrier c’est le miroir retourné. Nous, spec ta teur s qui nous croyons confor tablement p a s s i f s sommes en fait, le sujet même de tout ce déploiement d’énergie et de labeur qu’est le chantier. Le regard de l’ouvrier 2


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TABLEAU VIVANT #1 PERSISTANCE DE LA TABULA RASA

Le chantier est un paysage en mouvement dans lequel on peut encore lire les traces de ce qu’il a été et les prémisses de ce qu’il sera. Mais ces moments s’enchaînent au grès des phases de construction et l’on perd les repères. Il faudrait donner à voir le chantier selon différents référents temporelles afin de prendre la mesure du processus en cours, afin de voir ce que le chantier produit en terme d’espace. On peut imaginer deux types d’installation. La première devrait permettre de regarder le chantier avec toujours à l’esprit (ou plutôt à l’oeil), ce dont il est parti, d’où émergent les nouveaux bâtiments. Dans le cas du projet Ginko, la base est la tabula rasa. Dès lors, on peut imaginer une longue-vue dont la lunette matérialiserait la ligne de tabula rasa. On pourrait alors regarder le chantier se poursuivre, les bâtiments s’élever, émerger, l’espace construit s’étendre au dessus de cette ligne de destruction qui a permi de donner naissance à ce nouveau paysage. Les berges ouest du lac offrent des points de vues lointains qui permettent d’embrasser le chantier dans son ensemble, selon des angles différents. Des postes d’observation du chantier pourraient être disposés à plusieurs endroits autour du lac. Voici ici un exemple de l’un de ces points de vue.

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TABLEAU VIVANT #2 PRÉVISION DE PROFIL

Le deuxième type d’installation qui pourrait permettre de voir le processus de chantier à l’oeuvre devrait juxtaposer l’inachevé en cours avec la forme finie. Pour cela, on peut imaginer une longuevue qui, à l’inverse de la précédente ne produit pas la persistance d’un état avant le chantier mais qui projette dans l’état final. Elle devra être braquée sur un bâtiment en particulier. Sa lunette sera obscurcie afin de ne laisser entrer que le bâtiment visé dans sa forme achevée. Au fur et à mesure de la construction, le profil du bâtiment va se remplir peu à peu jusqu’à occuper tout l’espace de la forme achevée. Ces points d’observation devront être installer à proximité du chantier. On peut utiliser le recul offert par les terrains en attente à l’est du site en chantier pour viser les bâtiments en construction sur la partie ouest. Voici ici un exemple de point de vue sur le bâtiment B “Canopée” dans l’îlot A4 Ginko2

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RAID DEUX PARCOURS SUBJECTIFS DANS LE CHANTIER DE GINKO

Entrer sur ce territoire interdit c’est se confronter au danger annoncé. Á deux reprises, avec deux équipes différentes, nous avons fait l’expérience de la traversée anonyme de cet espace de travail. Innocemment et sans casque de sécurité, nous avons donné naissance au paysage du chantier en traversant dans un même espace continu, les différents états d’un lieu en construction. Une forme d’immersion dans un paysage avant le paysage.. (voir les plans en annexe)



Intensité d’activité

Dangerosité

Plasticité de l’espace

20% 10%

10%


Sentiment du privé

80%

Capacité évocatrice

30%

i. la base-vie


Intensité d’activité

0%

Dangerosité

10%

Plasticité de l’espace

60%


Sentiment du privé

Capacité évocatrice

80% 10%

ii. la friche en attente


Intensité d’activité

Dangerosité

20%

30%


Plasticité de l’espace

Sentiment du privé

90% 100%

Capacité évocatrice

90% 10%

iii. la zone de stock


Intensité d’activité

Dangerosité

90%

90%


Plasticité de l’espace

90%

Sentiment du privé

60%

Capacité évocatrice

60%

iv. gros oeuvre


Intensité d’activité

50%


Dangerosité

30%

Plasticité de l’espace

Sentiment du privé

20%

60%

Capacité évocatrice

10%

v. espace en finitions


Intensité d’activité

0%

Dangerosité

Plasticité de l’espace

0% 10%


Sentiment du privé

80%

Capacité évocatrice

20%

vi. la chantier achevé


DANGER. Selon Foucault, dans la société de contrôle, il ne s’agit pas d’éliminer le danger. Il s’agit plutôt de le conserver à son niveau minimum, juste assez pour qu’il exerce une pression suffisante sur chacun de nous et justifie ainsi un déploiement sécuritaire qui constitue, en soi, tout un pan de notre économie. Le danger c’est s’exposer à un malheur potentiel, à l’altération ou la modification d’un état physique. Tout l’objectif de la fabrication de la ville – haut-lieu de la potentialité, donc du risque, donc du contrôle – est d’éviter au maximum de provoquer les situations dites « à risque ». Ces situations sont souvent spatialisées, elles sont volontairement mises en marge, elles sont condamnées à l’errance. La saturation de l’espace urbain doit amener non pas à sa maîtrise totale mais bien plus à sa couverture règlementaire maximale. « La seule, la bonne question désormais, est de savoir s’il est encore possible de ne pas tout interdire absolument ».1 Dommage, le chantier est un moment à haut risque potentiel : nuisances, engins, pollutions, nouvelles populations. Lieu du travail à l’air libre où se confrontent espace public et espace professionnel. D’un côté de la palissade on cherche à séparer, à éviter au maximum la confrontation, en assurant une ségrégation entre la ville et le chantier, de l’autre côté – où il faut bien vivre avec le danger – est déployé un appareil réglementaire visant à encadrer, à calibrer les gestes, les attitudes, les parcours des ouvriers. Plan Particulier de Sécurité et de Protection pour la Santé (PPSP), Consignes de Sécurité, Mesures de Protection. C’est le règne nécessaire du « en cas de », frêle mais néanmoins unique palliatif à l’agressivité des espaces en construction. Finalement, le danger est omniprésent dans l’espace de la ville, mais on ne vit pas avec, on vit avec la peur d’y être confronté. Sait-on encore vivre des espaces qui nous soumettent au danger ? Les espaces orientés vers une fonction de fabrication ou de production n’ont plus droit de cité par crainte du danger mécanique. Lorsque la crainte du danger humain aura tout à fait gagné les espaces publics que restera-t-il alors ?

140

1 Philippe MURAY L’empire du bien p. 71


1 Sérgio FERRO Dessin/chantier p. 36

ENGINS. Le domaine de la construction n’est pas le règne de la machine. Le chantier n’est pas encore un processus totalement industriel. Si beaucoup de matériaux sont transformés à l’extérieur du chantier – qui devient le lieu de l’assemblage d’objets, de morceaux de constructions manufacturés et/ou préfabriqués – les métiers du bâtiment impliquent une association étroite entre l’ouvrier et la machine. C’est sur le chantier donc que l’on peut percevoir le mieux l’assujettissement de l’un à l’autre. « De toute façon, l’ouvrier est transformé en une sorte de complément dispersé de la machine. Les liens favorisés par le savoir et la pratique quotidienne sont remplacés par l’intermédiaire mécanique ».1 Moins une extension du corps de l’ouvrier, l’engin seul, par ces limites techniques, détermine les actes de son propriétaire. Non seulement la construction se plie nécessairement aux contraintes de la machine, mais tout l’espace même du chantier est conditionné : circulations, stationnements, rayon de braquage façonnent le site. La population intérimaire des ouvriers, dans ses déplacements pédestres (toujours réduits au minimum), se plie à un espace technique aménagé, non pour lui mais pour les véhicules, et un espace du projet en construction naturellement non adapté à lui mais à une population future d’habitants. Dans cet espace d’intensités, où se sont les circulations moins que les personnes qui comptent, ce sont les véhicules motorisés qui dictent les mouvements. La maîtrise de ces machines confère en retour un caractère distinctif à l’ouvrier. La machine est génératrice de pouvoir dans l’espace du chantier. Le manœuvre, comme son nom l’indique, est nécessairement en bas de la pyramide socioprofessionnelle du chantier car il n’a, comme force de travail, que ses propres mains. Les engins déterminent un espace exclusif et imposent une ségrégation. La confrontation entre machine et individu est toujours problématique dans l’espace urbain. L’intensité mécanique du chantier met la ville en crise. Il s’agit de savoir dans quelle mesure cette crise est source de création.

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BRUITS. Des voiliers sur le lac, sirène de semi-remorque. Le chantier génère non seulement un espace nouveau mais aussi une série de sons nouveaux. Les bruits du chantier appartiennent aux nuisances qui émanent du lieu en construction. La particularité du son c’est de n’être pas localisable, de rester insaisissable. Il ne peut être circonscrit spatialement derrière des palissades, il déborde, il transfigure nécessairement l’espace alentour sans l’altérer physiquement pour autant. Le bruit des engins, le choc des matériaux, les voix des ouvriers, les machines au travail. Quignard explique : « il n’y a pas de paysage sonore parce que le paysage suppose l’écart devant le visible. Il n’y a pas d’écart devant le sonore. Le sonore est le pays qui ne se contemple pas. Le pays sans paysage.»1

1 Pascal QUIGNARD La haine de la musique, p.110

POUSSIERES. L’air du chantier est épais. Son espace est chargé de micro particules de matériaux qui enveloppent les structures construites émergeantes. Le sol, au passage des engins, s’évapore en nuages de poussière dans le ciel immense de Bordeaux nord. Les machines, les squelettes des grues, les bâtiments construits, les ouvriers sont autant de silhouettes mystérieuses dans cette atmosphère poudreuse qui évolue au grès des vents et des conditions météorologiques. Véritable nuisance potentielle pourtant, au regard des populations voisines, la poussière imprégne le paysage du chantier bien au-delà de ses limites. Le chantier déborde de toute part, c’est une mise en suspension nébuleuse de l’espace urbain.

142


TAS. « Un tas de gravats déversé au hasard : le plus bel ordre du monde » (Héraclite). Si le chantier est un espace technique où la machine accompagne le travail de l’ouvrier, il n’en reste pas moins un lieu relativement primitif dans son rapport aux matériaux. Construire, finalement est peut-être un acte primitif. Le tas est une sorte de symbole de l’activité primaire du chantier, la persistance continue d’une préhistoire de la construction. Le chantier gère des stocks de matériaux utiles, utilisés ou déchets. Le rangement passe par le classement, la ségrégation par tas. Entasser, empiler, c’est encore la manière la plus simple de classer. Le chantier, au grès de son évolution, produit une microtopographie de tas qui hérissent, de ci de là, pour des durées déterminées, suivant une sorte d’activité tectonique imaginaire, l’espace plastique et en constante modification de son emprise. Tas de sable, tas de gravier, tas de planches, autant de mini chaînes de montagnes qui s’élèvent, créent des micros univers, profitent au développement d’une végétation rudérale et offrent, sous le ciel du chantier et de Bordeaux nord, des belvédères plus ou moins instables.

sierra

crète

pic vallée

pénéplaine

canyon corniche col

combe

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DETERRER

Sur le chantier, il existe deux types de tas. Pour les tas de matériaux dans lesquels on vient puiser au fil des travaux, on peut imaginer un belvédère que l’on exhume peu à peu dans une sorte de processus d’archéologie aérienne (au dessus du niveau du sol). Le temps d’utilisation potentielle du belvédère dépend de la vitesse d’extraction du matériau constituant le tas. Lorsque le tas est épuisé, le belvédère devient inaccessible et meurt.

1

2

3

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4


ENTERRER

L’autre type de tas est celui composé des déchets du chantier par exemple. Celui-ci s’élève à mesure que les matériaux y sont deversés. On peut imaginer un belvédère fonctionnant à l’inverse du précédent. Il existe comme espace inacessible. On ne peut y grimper que lorsque le tas de matériaux est suffisamment haut pour l’atteindre. Les paliers successifs permettent de faire patienter, le temps que les matériaux s’amoncellent.

1

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MON VIEUX Il était là tous les jours, depuis le début du chantier, à tel point qu’on avait fini par croire qu’il appartenait à une équipe d’ouvriers détachée en observation à la périphérie du site. Il se tenait debout, sur le mirador, au dessus de la palissade, dos à la route, les mains croisées dans le dos sur son pardessus râpé. On voyait sa silhouette courbée se détacher sur le ciel immense, tout seul là-haut. Il avait l’air continuellement absorbé par le ballet des engins. Il semblait n’avoir jamais bougé de son observatoire aérien. Lorsque, en revenant du centre commercial, on passait le long des structures en bordure du chantier, on jetait toujours un œil vers lui, comme pour vérifier s’il était bien à son poste. Et il l’était toujours. On ne l’avait jamais vu ailleurs que là-haut. Pourtant, il aurait pu s’installer dans les grandes nacelles en bois depuis lesquelles on avait aussi une vue superbe sur la partie ouest du site ; il aurait pu aussi s’allonger dans les bancs qui permettaient de se —er dans le chantier presque aussi haut que les grues. On l’avait jamais vu non plus dans les allées de peupliers ni dans les esplanades surplombant le parc en construction. En fait, on ne savait même pas s’il venait des Aubiers ou s’il était originaire de plus loin encore. Lors des grandes fêtes de chantier, autour des guinguettes illuminées, je crois qu’on parlait de lui parfois. Ici, tout le monde se connaît il faut dire, les étrangers ont les voit venir. Même les nouveau arrivants, ceux qui vivent dans le chantier, on les a vite repérés. Ils empruntent beaucoup Page de gauche Belvédère inacessible Mise en scène du processus d’entassement

plus les chemins sillonnant entre la station de tramway et le cœur du quartier ; on les croise dans les allées qui se sont peu à peu totalement couvertes de lierre et de ronces. Ils commencent même à s’aventurer jusqu’aux Aubiers et à faire des apparitions près des installations et des terrains de jeux. Mais lui, le vieux du mirador, jamais. Au moment des grandes averses du mois dernier il était là, la tête rentrée dans son col, debout sous le ciel lourd et la pluie écrasante. Cet été, dans la chaleur et sous le soleil implacable, il était là, il ne ratait rien du spectacle. Un soir, alors que les ouvriers avaient quitté le chantier depuis plusieurs heures déjà, que les illuminations s’étaient mises en marche, il m’a semblé encore apercevoir sa silhouette maigre, derrière les jeux de néons opalescents et les phares éclatants. Seul, là-haut. Mais les installations se détériorent chaque jour un peu plus, et lui ne bouge pas. Déjà, les plantations ont repris plus loin, les structures construites disparaissent sous le poids de la végétation et sont déplacées ailleurs. Le mirador, frêle, suspendu dans le ciel, penche déjà un peu. Il semble presque vaciller sur ces quatre pieds fragiles. Le vieux, lui, semble immuable. Il ne descendra sans doute jamais. Il est le seul à détenir l’histoire de ce chantier. Il disparaîtra avec lui, peut-être.

le 17 août 2012 à Montauban, par 42°c, avec Julie et Pauline

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POPULATION HABITANTE. Dans cette terra incognita artificielle qu’est le territoire de Bordeaux nord, il se trouve qu’il préexiste une population indigène, celle-là même qui est livrée avec le site. Les Aubiers et le Lauzun. Ils étaient là avant. Ils font figure de population isolée, rassemblée au loin, encerclée par les infrastructures de circulation et de commerces de masse, reléguée à la périphérie de la ville, là où ça n’est déjà presque plus la ville. Autochtones et contemporains du chantier. Ils sont les premiers témoins de la fabrication mais pas les bénéficiaires. Bien sûr, il y aura des retombées positives : les nouveaux espaces publics, le parc, les commerces, ils y auront droit aussi. Cette population qui était son propre voisin, avec nul autre référent spatial que l’espace dans lequel elle était confinée, va elle-même devenir une voisine. Essentiellement la population voisine. Habitués à cohabiter avec le désert, le vide de la friche, les habitants des Aubiers vont se retrouver confrontés à un espace aménagé, structuré et surtout habité. Ils sont les spectateurs du chantier, les témoins d’une histoire qu’ils auront suivie depuis le début. Ils porteront seuls, le mythe fondateur de Ginko. Mais comment vit-on au quotidien, avec un chantier comme voisin ? Et comment vivra-t-on avec les populations futures de Ginko qui lui succéderont ?

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Double page précédente façade du Lauzun donnant sur le chantier Ci-dessus Arrivée de Christophe Colomb gravure, XVe siècle Page de droite Albert UDERZO et René GOSCINNY Le Domaine des Dieux p.4


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POPULATION INTERIMAIRE. Il y a un type seul sur la grande voie tracée au milieu de rien. Les trottoirs et les lampadaires sont en place. Tout est flambant neuf. Il ne manque que la ville autour. La rue est là. Le type défonce au marteau piqueur le bitume d’une place de stationnement. Il est tout à fait seul. Il n’existe que par son action, incompréhensible et mystérieuse. Le chantier est peuplé d’individus qui ne l’habitent pas. Ils sont une substitution préalable et provisoire à la population future à qui est dédié l’espace qu’ils bâtissent. Ils ne font que passer. Ils ne sont qu’action, déplacement, mouvement. Ils n’existent là que par la matière physique qu’ils déplacent, assemblent ou produisent. Se sont des individus, mais il existe une structure sociale dans laquelle ils s’inscrivent tous. C’est une sorte de conglomérat corporatif d’individus isolés, une organisation grégaire hiérarchisée de façon pyramidale. Dans ce corps sans organe, ce sont les connexions machiniques qui dictent les agencements et la distribution des intensités1. Les engins, associés aux ouvriers, construisent l’espace dynamique dans lequel pourtant ils baignent eux-mêmes. Cette structure globale, c’est un tout fragmenté dont il est difficile d’avoir une vision d’ensemble. Le chantier est un espace de divisions et de recompositions, les lots se multiplient, les entreprises et les intervenants se croisent selon des trajectoires déterminées, selon une chorégraphie globale complexe. Plus on est pris dans son mouvement, moins on en perçoit l’axe directeur. Les ouvriers baignent dans une opacité volontairement maintenue. La division du travail est un moyen de conserver le pouvoir sur l’ouvrier en lui masquant le but du produit fini. Le chantier est un espace hétéronome, c’est à l’extérieur de son enceinte qu’il trouve sa détermination. 2 Le mouvement des individus est réglé dans le temps plus que dans l’espace, où très souvent, on en voit errant, solitaire face à une tâche isolée. Le temps est le seul élément réellement fédérateur semble-t-il. Ballet des ouvriers à midi qui désertent le chantier et se dispersent aussitôt. Le même le soir. Espace du labeur, espace technique, le chantier n’est pas à vivre. La dénomination « base vie » qui désigne le lieu ressource pour les ouvriers et les entreprises (bureaux, salles de réunion, vestiaires, toilettes) masque une situation spatiale où ce qui domine est moins un supplément de confort habitable qu’une réponse purement fonctionnelle. 162

1 Gilles DELEUZE et Félix GUATTARI Mille Plateaux p.189 2 Sérgio FERRO Dessin/chantier p. 51


LES ACTIONS PERIPHERIQUES DU CHANTIER

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1 et 2 attendre 3 et 4 se déplacer en équipe 5 déjeuner sur l’herbe 6 déjeuner seul 7 s’isoler virtuellement 8 s’isoler virtuellement (femme) 9 et 10 faire une pause 11 et 12 surplomber et contempler

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164

POPULATION FUTURE. Septembre 2012. C’est la date à laquelle des habitants vont poser le pied pour la première fois sur la terre vierge de Ginko. Le lieu n’a jamais été habité auparavant. Ce sont presque des colons. Bien qu’ils appartiennent, jusqu’à cette date, au futur, ils sont bien vivants, ils sont mêmes un pilier central du récit de Ginko. Le projet bien plus qu’un espace, propose surtout un mode de vie. Il a généré un type d’être humain nouveau. Cet homo urbanicus des temps modernes, c’est « l’éco-habitant ou plutôt, le Ginko-habitant ! »1 Cet êtrelà est, à l’instar de son logement éco-responsable et technologique, une véritable fabrication fictionnelle, pur produit marketing aussi lisse et bien peigné que les berges verdoyantes du canal. Ginko vend un modèle de vie fondé sur une norme urbaine (loisirs, commerces de proximité, espace public), sur un schéma familial classique (biparentalité avec enfants) sur un pouvoir d’achat individuel moyen à fort. Cet habitant-type est paradoxalement bien moins virtuel que les habitants réels qui, un jour de septembre, poseront leur valises à Ginko. Il est non seulement une image, un objet promotionnel, mais aussi un investisseur. Aujourd’hui, les espaces émergeants, des espaces qui n’existent presque pas encore, ont déjà des propriétaires. On peut acheter du vide. Le vide a une valeur financière. On peut le posséder. Les futurs habitants, au travers des images, des visites virtuelles, des plans, ont acheté de l’espace à vivre. La première phase du projet achevée est déjà à 70% acquise pour de l’investissement locatif. Dès lors, il faudra s’attendre à ce que les populations intégrant le quartier, les locataires futurs, diffèrent légèrement du modèle culturel et social proposé par Ginko. Si on peut acheter un mode de vie, peuton simplement le louer ? Le Ginko-habitant des premiers temps devra cohabiter avec un voisinage qui n’est, semble-t-il, pas prévu par les images promotionnelles : la population habitant des Aubiers, le déjà-là, mais surtout avec le chantier, ses engins, ses nuisances, sa population intérimaire d’ouvriers du bâtiment. L’espace technique opaque du chantier est plastique. Il va devoir se tordre pour intégrer l’habitation définitive. Il faudra bien alors, que le chantier fasse partie de la vie urbaine.

1 www.ecoquartier-ginko.fr Page de droite American pioneers, fin du XIXe siècle


165


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source : www.ecoquartier-ginko.fr


PORTRAIT ROBOT

LA FAMILLE-TYPE DU GINKO HABITANT

couple hétérosexuel couple marié famille biparentale au moins un des deux parents actif classe moyenne supérieure

l’époux est dynamique mais pas surmené (pratique les loisirs sportifs)

ouverture aux arts et à la création sensibilité écolo

forcément sexy

l’épouse prend soin de son corps l’enfant unique (sans doute très sage)

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FRICHEPARK 2010-2015 LE BIEN COMMUN Le chantier produit des espaces juxtaposés. Les morceaux en construction doivent cohabiter tant bien que mal et constituent un paysage insolite à mi-chemin entre la construction et la destruction. Le chantier entraîne aussi la juxtaposition de différentes populations dans un même espace partagé (mais morcelé). Pour le chantier de Ginko qui s’étale dans le temps en différentes phases, il y a les populations intérimaires (ouvriers du bâtiment) qui occupent l’espace en construction ; les populations habitantes qui occupent l’espace périphérique, non transformé physiquement par le chantier ; et les populations futures qui à partir de septembre 2012 (fin de la phase 1) viendront s’installer dans l’espace achevé du quartier Ginko, encore encerclé par le chantier en cours. Dans ce processus, il est prévu que les populations intérimaires n’entrent en intéraction avec aucun des autres types de population. Les travailleurs sont cantonnés à l’espace du chantier et tout est fait pour que les populations futures n’interagissent pas avec eux. Quant aux populations habitantes, elles sont certes releguées à la périphérie mais elles sont surtout mises à contribution par le projet Ginko : il s’agit de les “intégrer”. Pour cela, les écoles ont été mobilisées, les éducateurs et les centres sociaux des Aubiers ont été appelés, les graffeurs du coin ont été invités. Les enfants ont parrainés des plantes du futur parc de Ginko et les graffeurs ont fait de beaux graffs sur les panneaux de bois prévus à cet effet et cloués sur la palissade face aux Aubiers. Les populations habitantes sont donc récupérées par et pour le projet afin d’alimenter non la vie future de ce lieu mais seulement son image. Il faudrait imaginer une autre forme d’intéraction entre toutes ces populations dans un espace interface. A l’extrémité sud du chantier est prévue la construction d’un collège et d’un complexe multisports pour la fin de la troisième phase du chantier (soit vers 2015). C’est un espace à l’écart du chantier, au contact avec les Aubiers et le Lauzun et avec le parc de Ginko achevé à l’été 2012 mais fermé au public. Cet espace présente toutes les qualités, au regard de sa situation et de sa durée d’existance avant les travaux pour en faire un bien commun. Patrick Bouchain a déjà expérimenté et théorisé les vertues de la cabane de chantier, véritable lieu ressource pour les ouvriers et le public. Il s’agit ici de développer cette idée. Sur ce modèle, on pourrait imaginer : +Le déplacement de la maison du projet (espace de communication sur le projet) à un endroit plus judicieux, à savoir au point de contact avec la ville existante et le nouveau quartier (et non isolé au milieu du chantier) +La création d’un lieu ressource pour les ouvriers qui complèterait la fonction des bases vie en offrant un espace pour les réunions de chantier, un lieu de rassemblement (en réponse à la fragmentation professionnelle) et un lieu de restauration (alternative au centre commercial et à la voiture) +Un lieu ressource pour les habitants des Aubiers et du Lauzun qui ne partagent pas d’autres espace commun que la station de tramway, pour les réunions de quartier et celles de chantier, un lieu de restauration partagé avec les ouvriers +Un espace de rencontre et d’information pour les populations futures +Un lieu enfin à l’interface entre l’achevé et l’inachevé, entre l’existant et le projeté, entre l’histoire et l’avenir, un lieu sans futur puisque voué à disparaître avec la fin du chantier, dans lequel pourra donc être plus facilement projeté des évènements éphémères, poussés par l’énergie de l’urgence.

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population intĂŠrimaire

population future

maison du projet Ginko

espace en chantier

espace en finition population habitante le Lauzun

espace habitĂŠ population habitante les Aubiers

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FRICHEPARK 2010-2015 LE BIEN COMMUN Espace physiquement à l’interface, c’est également un espace symbolique où est mise en scène la rencontre entre les différents fragments en jeu sur ce territoire en chantier : +Les accès mettent en scène la fonction de carrefour de ce lieu +Les aménagements matérialisent la confrontation et l’imbrication entre les différentes états des espaces autour Cet espace occupe non seulement un vide du chantier, la latence dans le processus de construction, mais aussi et surtout la vacuité du discours sur la vie durant le chantier. Il est le symbole de l’implosion temporaire, du chaos et de la fertilité de telles situations de métamorphose de l’espace matériel et social.

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Porte de Ginko

Porte du Lauzun

plantations collectives ephémères restaurant ouvrier + cuisine de quartier

terrasse et grandes tablées maison du projet déplacée

friche jardinée

Porte des Aubiers espace disponible aux installations évènementielles

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LES PIO 172


ONNIERS le MARDI 4 SEPTEMBRE 2012 à 8h30 le chantier Ginko a cessé d’être le domaine exclusif des ouvriers du bâtiment et des entreprises de travaux. Neuf élèves ont fait leur rentrée des classes à l’école primaire de Ginko en cours de finitions. Tout autour c’est le chaos du chantier, les engins et la poussières d’un côté, le vide des terrains à nu de l’autre. Heureusement la voirie est tracée, au milieu de rien, mais en tout cas, il y a les places de parking pour que les mamans puissent se garer, et même un trottoir avec candélabres et poubelles sur lequel elles pourront attendre. Avant même que les logements soient habités, ces neuf élèves privilégiés viennent expérimenter en avant-première la vie dans le chantier. A l’image du guide du Ginkohabitant délivré aux nouveaux arrivants, il faudrait imaginer un document préparant les futurs habitants à la vie dans un chantier, les éduquant à la géographie des lieux qu’ils vont être amenés à habiter. Il serait également l’occasion de combler le vide historique et mythologique laissé par le projet Ginko naît de la tabula rasa. Il s’agit de préparer la première génération d’habitants du nouvel éco-quartier à être la mémoire des lieux, afin qu’ils soient porteurs de la préhistoire et de l’histoire de leur lieu de vie. 173



L’ HISTOIRE ET LA GÉOGRAPHIE DE GINKO EN CHANTIER Á BORDEAUX NORD

Manuel à l’usage des nouveaux habitants

novembre 2012



AVANT PROPOS

Vous avez la chance d’être les premiers habitants de Ginko en chantier. Soyez les bienvenus ! Vous avez choisi de venir vous installer dans un quartier en chantier, vous en avez de la chance ! Fini la monotonie des banlieues qui s’endorment, fini la raideur implacable du patrimoine immuable de la ville de pierre ! Dans le chantier Ginko, à chaque jour son nouveau paysage. Profitez de voir votre quartier se faire (et se défaire) sous vos yeux. Prenez part à cette grande opération qui sera un peu la vôtre en quelque sorte. On a rarement la possibilité d’être au cœur de l’action, vous avez le privilège d’y habiter. Vous pouvez participer à l’élaboration de votre quartier, alors à l’occasion, n’hésitez pas à donner votre avis ! Vous écrivez l’histoire de Ginko ! Mobilité, transfiguration et évolution, dans un tourbillon de poussière et d’engins, votre quartier se construit en même temps que votre nouvelle vie. Apprenez à profiter de l’instant, car dans le chantier Ginko, tout est fugace, rien de reste, tout se modifie. Vivre le chantier Ginko, c’est rencontrer de curieux voisins, c’est une nouvelle façon d’occuper l’espace, c’est choisir un nouveau mode de vie.

ii


LE MOT DE MARTIN BOUYGUES

Chers nouveaux habitants de l’éco-quartier Ginko en chantier,

Vous connaissez l’attachement de l’entreprise Bouygues pour les valeurs qui ont fait son fondement : innovation technique, respect du client, créativité et défi. Vous entrez aujourd’hui dans un chantier symbole de la diversité mais aussi de la coordination des pôles d’excellence de l’entreprise Bouygues. La conjugaison de nos différentes filiales a permis à ce projet exceptionnel de voir le jour dans votre ville. Bouygues Construction© pour le chantier et Bouygues Immobilier© pour l’aménagement, tous nos collaborateurs sont aujourd’hui à pied d’œuvre pour vous offrir un environnement de vie agréable, alliant excellence technique et performances écologiques. Vous allez être amenés à habiter le chantier, car ce projet qui nous tient à cœur est un processus en cours de fabrication. C’est l’occasion pour vous de vivre depuis l’intérieur la construction de votre écoquartier. Vous allez participer, au quotidien à l’élaboration de l’histoire qu’écrit Bouygues à Bordeaux Nord. En quelque sorte, nous pouvons dire que vous faîtes déjà partie de l’entreprise ! Au nom de l’ensemble du groupe Bouygues et de tous nos collaborateurs, je vous souhaite la bienvenue dans cette grande famille !

Martin BOUYGUES iii




SOMMAIRE

AVANT PROPOS .ii LE MOT DE MARTIN BOUYGUES

.iii

L’HISTOIRE .x Le mythe fondateur .xi Hercules locaux .xii Histoires des Aubiers, du bois de Lauzun et des friche du lac

.xvi

LA GÉOGRAPHIE .xviii Géographie de la périphérie .xix Géographie (mobile) du chantier .xxviii EXERCICES PRATIQUES .xxxvi

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Votre nouveau chez-vous




L’HISTOIRE

I.

LE MYTHE FONDATEUR

Introduction Vous pensez peut-être arriver sur une terre vierge, dans un quartier flambant neuf où l’histoire reste à écrire ? Certes, pourtant ce territoire étrange, loin de l’histoire flamboyante de Bordeaux, fait partie de ces lieux brumeux peuplés de mythes et d’histoires secrètes. Ginko à Bordeaux Nord possède une pré-histoire toute enveloppée de mystères. Méfiez-vous de l’eau qui dort… a. L’hydre de Lerne De tout temps, les marais et autres eaux stagnantes ont été combattus par l’homme. Les anciens déjà avaient identifié combien ces sols impropres à la culture généraient autour d’eux un environnement délétère. L’insalubrité de l’air, les exhalaisons pestilentielles de ces eaux troubles constituaient un danger pour la santé de tous. Ainsi, nous apprenons que dans la campagne d’Arcadie appelée Stymphalus un marais rendait le pays voisin inhabitable. Des hommes étrangers vinrent en ce pays et y creusèrent sillons et canaux afin de porter l’eau jusqu’au fleuve voisin. Cette construction apparue comme un prodige et fut attribuée à Hercule. Il fut le premier maître dans l’assèchement des marais dont l’histoire fasse mention et fut suivi de nombreux successeurs. Les marais de Lerne étaient habités par l’hydre à sept têtes qui étaient l’emblème des maladies paludéennes. Nombreux furent les x


hommes à tenter de débarrasser le pays de cette bête à l’haleine fétide. A mesure que l’on coupait une de ses têtes, elle repoussait aussitôt. Elle crachait alors son venin nauséabond qui s’écoulait dans une autre direction, créant une nouvelle source pestilentielle. Hercule parvînt à couper d’un seul coup les sept têtes de l’hydre qui en mourut. Les eaux saines, débarrassées du venin, purent à nouveau retrouver le chemin du fleuve et s’y écoulèrent dans des fossés qu’elles creusèrent. Le pays pu ainsi reconquérir ce territoire et le cultiver librement.

Hercule terrassant l’hydre de Lerne

xi


II.

Hercules locaux : Les grands bâtisseurs

Introduction L’histoire de Bordeaux nord est peuplée de grands personnages qui ont façonné le territoire. Des couples célèbres jalonnent l’histoire des lieux jusqu’à aujourd’hui. Hommes de pouvoir et bâtisseurs sont à l’origine du paysage dans lequel vous venez vous installer. Plus de nature depuis longtemps, c’est la main puissante de l’homme qui a tout fabriqué autour de vous ! a. Le siècle des Hollandais Le premier couple célèbre à avoir façonné le territoire de Bordeaux Nord est un ménage à trois. Le Roi Henri IV par l’édit du 8 avril 1599 chargea l’ingénieur hollandais Humfroy Bradley du dessèchement des lacs et marais du royaume. Celui-ci donna la responsabilité d’assécher les marais de Bordeaux, Bruges et Blanquefort à son compatriote Conrad Gaussen. Par leurs travaux, les deux hollandais marquaient la volonté royale d’assainir le royaume et imposèrent à la population des propriétaires terriens bordelais – pas toujours conciliante – le rachat des terres et leur assèchement. Mais les travaux entrepris par les hollandais au début du XVIIe siècle furent LE SAVIEZ-VOUS ? nord est un territoire étonnant : perturbés et interrompus à de nombreuses Bordeaux vous allez être projetés dans l’exotisme riant reprises face à la résistance qu’opposait des paysages flamands ! effet, ce sont les ingénieurs hollandais la population locale au pouvoir royal. Et les En qui au XVIIe siècle régnaient sur le territoire, ayant seuls les compétences techniques marais perdurèrent plusieurs siècles encore. pour aménager ces zones marécageuses et inondables. “La petit Hollande” – c’est ainsi que l’on nomme parfois le Médoc voisin – est à votre porte ! Quelle aubaine !

xii


superposition de l’emprise actuelle du lac et de Ginko

Plan de Bordeaux 1888


b. Les Modernes Il fallut attendre plus de trois siècles pour retrouver un couple célèbre qui prit en main ce territoire perdu. C’est en juin 1958 que la municipalité bordelaise dirigée par le maire Jacques Chaban-Delmas se rend propriétaire d’une vaste zone de terrains inondables au nord de la ville. L’assèchement des marais est entrepris et un lac de 160 ha est construit. En février 1966 Xavier Arsène Henry gagne le concours d’urbanisme pour l’aménagement du nouveau quartier Bordeaux-Lac. La politique volontariste de modernisation et de croissance urbaine trouve son levier d’action dans les plans de l’architecte vainqueur, fortement influencé par la vision des Modernes. La ville dans la nature, la nature dans la ville, selon l’intitulé du concours d’urbanisme, LE SAVIEZ-VOUS ? à la ville comme à la campagne ! Voilà le tel est le paradigme de cette époque. Mais Vivre rêve de l’architecte Xavier Arsène Henry - ce qui les travaux n’aboutiront jamais et le plan n’est pas san rappeler les principes du projet de éco-quartier. Il imaginait autour du lac d’Arsène Henry ne sera que partiellement votre des « clairières habitées » dont le seul exemple réalisé. La cité des Aubiers isolée en est le construit est la cité des Aubiers entourée de son boisement touffu. Clairière certes, mais résultat. au milieu d’un grand vide que Ginko vient aujourd’hui heureusement combler !

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c. La métropole verte Le dernier couple à œuvrer à Bordeaux nord est encore le fruit d’une histoire passionnée entre un homme politique et un architecte. Alain Juppé, maire de Bordeaux porte à bout de bras une vision millionnaire de sa ville. Mais une ville durable, en harmonie avec son histoire et son environnement. Il possède comme main d’œuvre l’architecte Olivier Brochet dont la renommée dans la ville n’est plus à faire. Lorsqu’en 2004 la CUB lance sa consultation pour l’aménagement d’un éco-quartier dans le nord de Bordeaux, l’homme politique et l’architecte voient l’opportunité de participer, à leur tour, à l’écriture de la ville de demain. En 2008 l’architecte remporte le concours et entend s’inscrire dans la généalogie des bâtisseurs de Bordeaux nord en “[reprenant] l’urbanisme de Xavier Arsène-Henry, que la crise avait stoppé, trente ans après“ (SUD OUEST 29 novembre 2010). Reprise cinquante ans plus tard du même paradigme également, celui de la “ville verte”, où doivent se conjuguer urbanisme et nature. Mais quel sera l’avenir de cette idéologie ? Ce dernier couple sera-t-il celui qui parviendra à achever enfin la ville à Bordeaux nord ? xv


III.

Les histoires des Aubiers, du bois de Lauzun et des friches du lac

a. Los Aubios LE SAVIEZ-VOUS ? Difficile de retrouver des traces de ces Los Aubios ? Un quartier de Madrid ou ? Mais non, voilà le sobriquet que les histoires qui peuplent le territoire de Barcelone jeunes de la cité ont trouvé pour leur quartier. Ne passez plus pour un ringard et adoptez dès Bordeaux nord. Car il s’agit surtout à présent le parler local lorsque vous irez faire d’histoires secrètes. Racontars et autres vos emplettes au Proxi de Los Aubios ! affabulations, qui connaît vraiment la part de vérité dans ces récits mystérieux ? Il y a bien des choses qui circulent sur ce territoire, entre réalité et fiction, fantasmes et faits réels. Les Aubiers est un quartier connu de tous, dont le rayonnement fictionnel couvre toute la ville. Pourtant très peu s’y sont vraiment aventurés. On raconte les voitures brûlées et les cages d’escaliers obscures, les pannes d’ascenseurs et les appartements exigus, les frictions communautaires et l’isolement social. L’histoire d’un petit garçon enlevé également et c’est alors toute la cité qui frémit au nom de Larbi. Qui sait vraiment ce qu’il s’y passe ? Pourtant le parc y est magnifique et les grands volumes blancs des tours d’habitations qui s’élèvent dans le ciel rappellent que tout n’a pas été un échec dans la ville des Modernes. La vie y a l’air paisible au bord de la friche de Cracovie, et les enfants organisent des tournois de foot le mercredi après-midi. Alors quartier tranquille ou banlieue enflammée ? b. Les mystères du Lauzun Le bois de Lauzun et les friches alentours, dont la plupart ont aujourd’hui disparues sous les constructions de Ginko, sont enveloppés d’un mystère d’autant plus épais que ce sont des lieux souvent parfaitement méconnus. C’est l’espace des reclus, des pratiques cachées, des campements sporadiques de populations nomades et solitaires, on y retrouve des cadavres de machines à laver et des carcasses de voitures. Seules ces traces nous disent un peu des histoires qui ont peuplées ces bois. On raconte que c’était aussi un raccourci qu’empruntaient quelques couples de retraités habitant les Aubiers pour rejoindre le centre commercial Bordeaux Lac. On y faisait parfois des balades et en automne, il n’était pas impossible d’y trouver des champignons. Aujourd’hui en lieu et place du bois, il y a le nouveau parc de Ginko et le chantier en cours. Mais les histoires sont toujours là et elles peuplent l’imaginaire des populations locales.

LE SAVIEZ-VOUS ?

Vous connaissez déjà les Aubiers, mais pourtant attention aux méprises ! Ce que l’on désigne vulgairement sous la dénomination “quartier des Aubiers” représente en réalité deux quartiers : celui des Aubiers avec ses tours connues de tous, et celui du Lauzun, qui lui fait face, avec son architecture alvéolaire tout à fait remarquable. Ne vous y trompez pas, les deux quartiers n’ont rien à voir entre eux !

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le raccourci du Lauzun octobre 2010

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LA GEOGRAPHIE

I.

Géographie de la périphérie

Introduction Le territoire de Bordeaux nord dans lequel vous venez de vous installer se caractérise par son dynamisme. Aux portes de la ville, il est une interface majeure où se jouent les mouvements de populations et d’activités. La mobilité est une composante essentielle du territoire, dominé par l’usage de la voiture. De plus, les zones commerciales et les zones d’activités génèrent un trafic routier intense. Les camions et poids lourds qui approvisionnent les grandes surfaces et qui transportent les matériaux sont les maîtres de la route. Ces activités commerciales et tertiaires assurent par ailleurs le dynamisme économique du territoire. En outre, les chantiers sont nombreux et constants à cette entrée de la ville. Nouveaux quartiers émergeants, renouvellement continu de la zone d’activité sur elle-même, le secteur du bâtiment y est florissant. Renouvellement et vitesse sont les maîtres-mots de votre nouveau territoire ! a. La population Vous avez déjà de nombreux voisins ! Car c’est aussi un territoire habité. La mixité urbaine n’a pas été oubliée. Grâce à son infrastructure, Bordeaux nord est un espace de prédilection pour les campements de populations migrantes : la proximité des réseaux de communications nationaux, l’importance des surfaces de parking ainsi que la présence de nombreux terrains vacants sont les atouts essentiels de ce territoire. Gens du voyage, mais aussi Roms ou mêmes nomades marginaux seront demain vos voisins. Au grès des saisons et des négociations avec les services municipaux, vous pourrez voir se faire et se défaire des campements en bordure des voies et sur les parkings abandonnés. Que de rencontres exotiques vous attendent ! Quelques aires d’accueil ont été aménagées, mais leur capacité est trop petite pour contenir l’ensemble des flux de migrants qui traversent le territoire. xviii


VOUS ÊTES ICI

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CARTOGRAPHIE DES DYNAMIQUES SOCIALES

Aire municipale d’accueil des gens du voyage zone de campement sauvage des gens du voyage zone de campement sauvage des populations Rom zone de squat de populations migrantes et/ou isolées

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b. culture, sport et loisirs Au-delà de son dynamisme économique et social, Bordeaux nord est un territoire du loisir qui combine les avantages de la ville pour la densité de l’offre et les avantages de la campagne pour la tranquillité des activités. Outre les services offerts par le centre commercial Bordeaux-Lac en termes de divertissement ou de restauration, vous pourrez profiter de toutes les activités au grand air. Les terrains de sport sont nombreux : terrain de foot, de tennis, vélodrome etc. Mais c’est en dehors que la pratique sportive vous réservera le plus de surprise. De même, si le réseau de pistes cyclables à Bordeaux nord n’est pas parfaitement développé, cela vous permettra de découvrir des situations urbaines tout à fait inédites. Si vous aimez les sensations fortes, empruntez la voie en bordure de l’autoroute, ou le long du boulevard Aliénor d’Aquitaine, émotions garanties. Les nombreux parkings, les surfaces de bitume plus ou moins inoccupées sont également un lieu de prédilection pour la pratique des sports de vitesse motorisés. Ainsi, si vous êtes amateur de courses de moto rendez-vous le samedi soir sur la piste d’accélération des motos, pilotée par le Moto Club Bordeaux Accélération. Vrombissement des moteurs, fumées d’échappement et odeur de pneu brûlé, profitez de ce spectacle pittoresque en buvant une bonne bière ! En ce qui concerne l’offre de restauration, la périphérie urbaine regorge de possibilités de consommation rapide d’une très grande diversité culinaire : le centre commercial Bordeaux Nord bien sûr, mais aussi les enseignes de restauration routière ou les grands magasins vous proposent un choix de plats aussi exotiques que variés dans un cadre agréable et confortable (Buffalo Grill, restaurant IKEA par exemple). Plus près de chez vous et dans un esprit assez “couleur locale”, le Kebab café aux Aubiers vous accueillera jusqu’à tard dans la nuit pour vos fringales intempestives ! Mais si vous préférez déjeuner dehors, il existe également de nombreux camion-snacks qui profitent des importantes surfaces de parking et qui répondent par ailleurs à la demande de consommation rapide et sur place des différentes populations en transit sur ce territoire (ouvriers, salariés d’entreprise, routiers etc). Ne manquez surtout pas, durant la période estivale, le marché de produits asiatiques sur les berges du lac au pied de Ginko. L’occasion d’y déguster une délicieuse soupe Pho au poulet !

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VOUS ÊTES ICI

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CARTOGRAPHIE DES LOISIRS ET AUTRES PLAISIRS PÉRIPHERIQUES

piste d’accéleration des motos piste d’essai motos terrain de BMX piste cyclable à sensations sports nautiques terrains de jeux restauration autoroutière et fast food restauration mobile zone de pêche zone de chasse au lapin zone de rencontres secrètes (échangisme) zone de rencontre secrètes (gay)

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Les amis de la nature seront comblés ! Le territoire se caractérise par la diversité de ses espaces naturels : lac, étangs, bois et friches offrent d’innombrables possibilités de randonnées sauvages qui ne manqueront pas de vous surprendre. Vous pourrez pratiquer la pêche en eau douce dans le lac ou, si vous cherchez un peu plus de tranquillité, au bord de l’étang (voir en particuliers celui situé derrière Décathlon) dont les berges enherbées invitent à d’agréables siestes à l’ombre des saules. Vous pourrez également pratiquer la chasse au lapin dans une des nombreuses friches en bordure des zones d’activité (voir plan). Le bois de Bordeaux et ses abords jouit d’une fréquentation d’initiés où il est possible de faire des rencontres des plus étonnantes et en toute intimité. Sous-bois ombragés et buissons au détour des chemins cachés constituent des lieux étonnamment vivants de jour comme de nuit. Adeptes ou simples curieux, n’hésitez pas à aller vous faire votre propre idée !

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CARTOGRAPHIE DES DYNAMIQUES SPATIALES état en novembre 2012

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II. Géographie (mobile) du chantier Introduction Le quartier Ginko est un espace en ébullition. Ici, rien n’est fixe, tout se modifie à toute allure ! Chaque jour vous réserve un spectacle nouveau. Ginko en chantier, c’est le charme fugace de la création, la beauté brute de la construction. Vivre un quartier inachevé c’est jouir de toute la liberté d’y projeter ce que l’on veut. Fini les espaces policés, les quartiers proprets où l’on s’ennuie le dimanche. A Ginko en chantier, votre imagination sera votre plus grande alliée. Sachez en profiter car toutes les bonnes choses ont une fin : si le projet est déjà bien avancé dans le temps, cette période de fabrication ne durera pas éternellement. En attendant, profitez de cette époque de légèreté, de ce flottement éphémère dans l’histoire de votre quartier, de ces dernières hésitations avant l’achèvement. A vous de faire de votre vie un chantier ! a. Géographie fantôme du projet Ginko Avant même d’habiter un quartier, vous devez savoir que vous habitez un projet. Tout l’espace autour de vous est minutieusement étudié, dessiné, retravaillé et représenté dans les ateliers de nos architectes, urbanistes et paysagistes. Rien ne leur échappe ! Sachez donc détecter autour de vous les lieux susceptibles de se métamorphoser. Vous pouvez jouer à un petit jeu : apprenez à décoder la géographie fantôme de votre quartier en chantier ! Si aujourd’hui votre appartement donne sur une grande friche où, le matin, vous regardez s’ébattre les lapins, qui sait si demain vous n’aurez pas comme spectacle époustouflant le ballet des grues et des ouvriers autour d’un nouvel immeuble sortant de terre ? Et bientôt, les bâtiments encore vides en face de chez vous n’accueilleront- LE SAVIEZ-VOUS ? ils pas de nouveaux voisins, venus Vous venez habiter le quartier en chantier Ginko mais seulement d’où vient ce nom ? eux-aussi faire l’expérience de la savez-vous Le Gingko biloba, aussi appelé « arbre aux quarante écus » est une des plus anciennes espèces d’arbre au monde, puisqu’il vie au chantier ? Tout est question préexistait d’une quarantaine de millions d’années à de rythme : si Ginko en chantier vit l’apparition des dinosaures. C’est un symbole de longévité nos amis chinois. On raconte qu’après l’explosion à 200 à l’heure, toute cette énergie chez de la bombe nucléaire sur Hiroshima et Nagasaki, ce fut ne se déploie pas uniformément le premier arbre à renaître du sol calciné. Voilà qui place nouveau quartier sous bon augure ! Pourtant méfiance, sur l’ensemble du site. Observez ce ne vous laissez pas duper par son délicat feuillage : l’arbre femelle produit des ovules qui, en murissant dégagent une les espaces en attente, ils sont la nauséabonde de vomissure. Voilà le mythe rattrapé préhistoire de votre nouveau quartier. odeur par des considérations bien triviales ! Entre immortalité et désagréments génitaux, le quartier Ginko vous réserve sans doute un avenir tout en contrastes !

achevé et habité

base vie

finitions

bassins de rétention chantier

gros oeuvre projeté

rue projetée

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b. Géographie de la vie au chantier Vous n’allez pas vous ennuyer ! Ginko est un quartier vivant, c’est le moins que l’on puisse dire ! Partout la population ouvrière, les engins, les machines grouillent autour de vous. Si tout ces gens travaillent, cela ne doit pas vous empêcher de profiter de la vie en toute tranquillité, bien au contraire ! Soyez curieux, allez à la rencontre de ces étranges et laborieux voisins. Vous avez un territoire immense à explorer, rien que pour vous ! Les grandes friches en attente aux abords de chez vous seront des lieux de promenade et de cueillette exceptionnels. Sachez reconnaître les plantes comestibles et familiarisez-vous avec toute cette flore et cette faune de gentils squatteurs. L’immensité du site vous permet de jouir de points de vue panoramiques sur votre quartier en construction. Des endroits propices à la méditation contemplative sur le monde en train de se faire… Si vous êtes sensibles à la poésie du ballet des grues qui virevoltent au dessus de vos têtes, suivez leur parcours au grès de l’avancement du chantier. Attention ! Leur présence est éphémère, profitez-en, vous êtes des privilégiés ! Enfin, LE SAVIEZ-VOUS ? Habiter un chantier ? Mais qu’est ce que cela n’oubliez pas l’histoire de votre quartier : c’est signifie ? Un peu d’étymologie s’impose. Le mot chantier vient du latin cantherius, lieu l’eau qui est la mère de tout ce qui est autour de stockage. Ce nom fut donné par la suite à une pièce de bois sur laquelle on s’appuit de vous. Alors sachez en bénéficier : les pour construire un objet. C’est un support à canaux déjà construit et les retenues d’eau la construction. Contrairement à l’anglais construction site et à l’allemand Baustelle, temporaires seront des havres de fraîcheur la notion spatiale est quelque peu évacuée. lors des après-midi caniculaires, pourquoi ne Qu’à cela ne tienne, à vous de démontrer pas aller y faire trempette après le boulot ? que le chantier c’est votre quartier ! En ce qui concerne la vie pratique, pas de panique ! Si Ginko est encore dans les premiers temps peu pourvu en services, n’oubliez pas que le quartier voisin des Aubiers présente une offre de commerces de proximité tout à fait satisfaisante. Deux superettes, dont une halal, un café et même un petit bureau de poste. L’occasion de se mêler à la population locale et de partager son mode de vie ! BON PLAN Votre appartement est certes neuf mais vous le trouvez exigu ? N’hésitez pas à imiter vos voisins des Aubiers qui utilisent leurs balcons comme des extensions de leur appartement. Vous pouvez construire vous-même une nouvelle pièce, un jardin d’hiver ou une serre pour vos plantations fragiles sur vos balcons ! Les constructions légères sont faciles de mise en œuvre et vous trouverez tout le matériel que vous ne parviendrez pas à récupérer chez Leroy Merlin à moins de 3 minutes à pied de chez vous ! Alors, vous n’avez plus d’excuse ! Auto-construisez !

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VOUS ÊTES ICI

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CARTOGRAPHIE DES ACTIVITÉS ET POTENTIELS LOCAUX

Zone d’escalade de butte

Point de vue sur le chantier

Espace de rencontre avec la population ouvrière Zone de promenade et cueillette de friche

Zone d’observation du ballet des grues

Zone de baignade

Bureau de poste

Bibliothèque de quartier

Commerces de proximité

Kebab Café

BON PLAN Le quartier Ginko en chantier, dans un souci de cohérence esthétique et pour rappeler le centre-ville bordelais présente des aménagements urbains qui sont source d’inspiration et d’initiative chez vos voisins du centre : en effet vous avez pu remarquer que vos trottoirs sont couverts de calle bordelaise. Cette brique flambée présente le double avantage d’être posée sur un lit de sable et de s’enlever assez facilement. A l’instar de l’association Friche and Cheap qui pratique la plantation de rue avec succès dans les quartiers sud du centre de la ville, n’hésitez pas, vous aussi à vous munir de vos outils et à fleurir vos pas de porte, le bas de vos immeubles et le chemin de l’école ! Ipomée, vigne vierge, tournesol ou rose trémière fleuriront votre quotidien. Car finalement, vous vivez dans un écoquartier n’est-ce-pas ?

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Habitez

bien plus qu’un Êco-quartier



TRAVAUX PRATIQUES

PARCOURS THÉMATIQUES

Introduction Grâce à ce manuel, vous voilà désormais familiarisé avec l’histoire du territoire dans lequel vous venez de vous installer mais aussi avec sa géographie. Alors, pas question de rester enfermé chez vous ! Vous n’avez plus d’excuse ! Partez donc à l’aventure ! De votre quartier en chantier jusqu’aux endroits les plus insolites de la périphérie, c’est tout un nouvel univers d’exploration qui s’offre à vous ! Notre équipe a imaginé pour vous trois parcours thématiques vous permettant de découvrir votre territoire. Nous avons cherché à mettre en lumière les situations emblématiques à la fois de votre quartier en chantier mais aussi de tout le territoire. Nous voulons ainsi valoriser les connexions entre le chantier dans lequel vous vivez et son environnement. Vous verrez, elles sont nombreuses ! Il s’agit ici de simples suggestions. A vous de nous surprendre !

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Parcours 1 : sortir en ville ( voir p.40) De votre quartier en ébullition pour les dernières finitions avant l’arrivée des prochains habitants, jusqu’aux Bassins à Flots en voie de transformation urbaine, en passant par le quartier animé des Aubiers, une dérive périurbaine à réaliser en famille. Idéal pour une belle fin d’après-midi d’été. Parcours 2 : chercher la nature ( voir p.42) La vie grouille autour de vous ! Il suffit d’ouvrir l’oeil. Une randonnée en dehors de sentiers battus qui vous amènera des friches de Ginko et ses buttes à escalader jusqu’aux grandes enclaves boisées et aux prairies abandonnées de l’autoroute. Munissez-vous d’un panier, vous pourriez bien trouver sur votre route tous les ingrédients pour votre souper!

BON PLAN

Vous vouliez vivre dans un éco-quartier ? Profitez donc du chantier pour vivre avec la nature ! La biodiversité est déjà là. Sur les remblais, une flore étonnante s’est développée. Les plantes de friche, trop souvent méconnues, vous réservent quelques surprises. Pratiquez la cueillette de friche pour agrémenter vos repas ! Quiche au chénopode, soupe d’ortie ou infusion d’achillée, nourrissez vous de friche ! Voici une recette pleine de saveurs à réaliser chez vous, de la friche à l’assiette ! SALADE DE PLANTAIN

pour 4 personnes une romaine, une grosse poignée de plantain, une douzaine de filets d’anchois allongés à l’huile d’olive, huile d’olive, vinaigre, sel, poivre, 1 ou 2 gousses d’ail, croutons de pain. Lavez, et coupez les feuilles de salade et de plantain, Ajoutez les anchois coupés en petits morceaux. Préparez la vinaigrette et ajoutez à la salade. Servir avec des croutons frottés à l’ail. Bon appetit !

Parcours 3 : les sensations fortes ( voir p.43) Pour ceux qui ont le goût du frisson et pour qui la périphérie urbaine est un terrain d’expérimentation, où l’on joue avec ses propres limites! Un parcours tout en intensités, riche en émotion. Des zones les plus reculées et mystérieuses de Bordeaux Nord jusqu’aux périlleux entrelacs autoroutiers ! Un circuit idéal à découvrir en vélo tout terrain. Âme sensible s’abstenir !

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0,2

km

0,5

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km


PARCOURS 01

sortir en ville

DÉPART

LA VILLE EN FINITION Habiter un quartier en finition c’est vivre dans un immense terrain de jeu rien que pour vous ! Observez les ouvriers qui finissent les derniers détails. Ils seront bientôt remplacés par une autre population laborieuse : celle des femmes de ménage qui passent derrière pour éliminer toutes les traces laissées par les hommes et le chantier.

ÉTAPE 01

LE CANAL

Traversez le quartier voisin en construction. A l’heure du déjeuner, vous croiserez peut-être un ouvrier isolé assis sous le pin vétéran. En escaladant les buttes de terre profitez du panorama sur le chantier par delà le bassin de retenu. Le parc est facile d’accès bien qu’il ne soit pas encore ouvert au public. Profitez du calme pour faire une baignade dans le canal. L’eau y est fraîche et claire ! Vous pourrez ensuite vous sécher dans l’herbe en regardant le ballet des grues au dessus de vos têtes.

ÉTAPE 02

LE KEBAB CAFÉ La traversée des terrasses du Lauzun vous réservera sans doute des surprises ! Vous pourrez vous arrêter pour boire un thé à la menthe ou manger un morceau en passant Cours des Aubiers au Kebab Café !

ÉTAPE 03

FOOT AUX AUBIERS

1,5

Ce soir il y a match entre les jeunes du bâtiment C2 et de la tour B1. Peut-être aurez-vous l’opportunité d’être parmi les remplaçants?

km

ARRIVÉE

“L’HUîTRE À FLOTS”

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Finissez votre périple en dégustant quelques huîtres arrosées d’un petit verre de blanc sec devant les bassins et la Base sous-marine illuminée.


DÉPART

LA VILLE EN FINITION En sortant de chez vous, empruntez donc la future venelle verte, aujourd’hui axe de circulation des engins et zone de stockage des matériaux. C’est la colonne vertébrale du chantier !

ÉTAPE 01

LES TAS MOBILES Dans la zone de stock des matériaux laissez vagabonder votre imagination devant ce paysage de dunes. Partez à la recherche des traces de pas lunaire, pratiquez l’escalade, profitez du sommet pour apprécier le panorama sur le chantier.

ÉTAPE 02

LA FRICHE DE GINKO

1k

m

Une promenade au coeur de la grande friche vous permettra de vous familiariser avec la végétation qui s’est développée sur les remblais du chantier. Découvrez la diversité de plantes tout en grignotant des graines de carotte sauvage. Soyez attentif ! Un lapin pourrait surgir à tout moment !

ÉTAPE 03

0, 5

km

L’ETANG DECATHLON Un moment de détente au bord de l’étang ombragé, au calme derrière le magasin Décathlon. Vous y croiserez peut-être quelques pêcheurs solitaires. Promenez vous dans le petit bois autour, il réserve bien des surprises !

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PARCOURS 02

chercher la nature

ÉTAPE 04

LA FRICHE DE L’AUTOROUTE

2k

m

2, 5

km

Vous voici dans une des plus grandes friches de la ville ! Véritable enclave, cette friche présente des boisements de plus de 15 ans. Les colonies de lapins y sont nombreuses. Paysage intérieur coupé du reste de la ville, vous aurez tout le loisir d’y imaginer ce que bon vous semble ! Cette friche est habitée par des populations isolée, plutôt dans les parties boisées. Un grand campement de Roms s’est installé en bordure est.

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ARRIVÉE

PONT D’AQUITAINE Après avoir retrouvé la piste cyclable de l’autoroute, finissez votre parcours en profitant du coucher de soleil depuis le haut du tablier du pont d’Aquitaine !


ÉTAPE 03

RENCONTRE SECRÈTES Ces contres-allées de l’autoroute réservent bien des surprises : les bois et buissons alentours sont étonnamment animés. Voitures stationnées en bordure de chemin, personnages surgissant des fourrés, si le coeur vous en dit, c’est l’occasion de faire des rencontres surprenantes !

ÉTAPE 02

LES BERGES DU LAC De multiples parcours possibles au coeur des bois du lac. Le passage sous l’autoroute est particulièrement spectaculaire.

ÉTAPE 01

LES FRICHES DU TASTA Des terrains en attente de construction, emprises idéales pour vous exercer à vos figures de BMX.

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PARCOURS 03

2 km

les sensations fortes ÉTAPE 04

LE PARKING DU PARC DES EXPOSITIONS C’est là que les moto-écoles viennent s’entraîner et en profiter pour effectuer quelques dérapages contrôlés. Fumées d’échappement et poids lourds aux alentours, montée d’adrénaline assurée !

1 km

ÉTAPE 05

L’ÉCHANGEUR Vous vous devez d’effectuer la traversée de l’échangeur autoroutier : cet entrelac de voies où circulent comme dans un manège des bolides lancés à toute allure, renferme des isolats de végétation autarciques. Le passage par la piste cyclable, à pied où à vélo garantie les plus belles émotions !

0,5 k m

ARRIVÉE

BUFFALO GRILL

DÉPART

LA VILLE EN FINITION Avant de quitter le quartier, allez vous faire des frayeurs au coeur du chantier de Ginko² ! Engins et machines, attention où vous mettez les pieds !

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Terminer ce périple en empruntant la voie latérale du boulevard Aliénor d’Aquitaine. Dégustez un plat exotique et épicé dans le décor haut en couleur du Buffalo Grill au son du juke-box et des camions sur le boulevards !




IMAGE SIMULACRE. « C’est désormais la carte qui précède le territoire »1. L’interprétation avant l’expérience sensible. Le paysage est une image avant d’être un espace, et il le reste très souvent au-delà. C’est une construction intellectuelle naît de la rencontre entre une projection idéelle, des références imaginaires subjectives et individuelles avec un espace. Notre regard n’est pas plus vierge que le paysage sur lequel il se porte. Karl Marx a écrit « Les hommes ne peuvent rien voir autour d’eux qui ne soit leur visage, tout leur parle d’eux-mêmes, leur paysage même est animé ». C’est parce que le miroir que nous tend le territoire est une image dont la référence est manquante. Comme l’explique Baudrillard, simuler c’est feindre d’avoir ce que l’on n’a pas. Toute la fabrication du paysage, tout le processus du projet se trouve résumé ici, avec comme point de départ, un vide. Celui depuis lequel peut se construire une image au-delà même des notions de vrai et faux, de réel et d’imaginaire. Ce sont les images promotionnelles qui font exister Ginko, qui lui donne toute sa substance, ce sont sur ces images que les futurs populations d’habitants investissent, se projettent et vivent bientôt. « Le temps et l’espace sont ici sous la domination de l’image. », explique Bachelard « L’ailleurs et le jadis sont plus forts que le hic et nunc. L’être-là est soutenu par un être de l’ailleurs »2. Le simulacre abolie le dualisme et consacre la coexistence, la simultanéité. Dans la construction de la ville, il y a un moment d’accélération, où cette simultanéité entre en ébullition : le chantier est cette interface où l’image (discours) rencontre l’espace physique. La rencontre engendre le chaos. Il ne s’agit pas d’essayer de lire la distance qui apparaît inévitablement entre la réalité et l’image au moment de la construction. Ni de vérifier si l’espace construit est à la hauteur des images produites ou inversement d’ailleurs, mais plutôt d’observer la mutabilité, la plasticité du simulacre dans l’âpreté de l’espace en chantier. Le paysage du chantier est une image en mouvement dont le référent questionne sans cesse notre position d’observateur et bouscule nos codes esthétiques sur l’espace. 1 Jean BAUDRILLARD Simulacres et simulation, p.10 2 Gaston BACHELARD Poétique de l’espace p. 188

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Affiche du projet Ginko placardĂŠe sur la palissade du chantier, rue Marcel Dassault 175


PRÉSENT

PASSÉ

( existence virtuelle post-mortem

FUTUR

) existence virtuelle prématurée

paysage post mortem

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paysage prématuré


Page de gauche 1 avenue Marcel Dassault, Bordeaux, Aquitaine, France prise de vue août 2008, Google Earth 2 image du projet Ginko http://www.ecoquartier-ginko.fren-images.html

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OPACITE/SECRET. La ville se fait désormais sous les yeux de tous. Sorte de largesse de la démocratie triomphante, il s’agit désormais de communiquer et de concerter. Bordeaux ma ville, clament les slogans publicitaires. Tout le monde est inclus dans le processus d’appropriation. Les grands projets urbains sont décrits durant d’interminables réunions de présentation où « tout le monde » est convié, mais malheureusement « tout le monde » ne se sent pas toujours concerné. Et les sièges restent vides. On pourra pas dire qu’on n’a pas été informé. Pourtant la ville ne se fait pas dans les réunions de concertation. La ville est une mécanique politique et financière, dont les rouages, soigneusement graissés, restent dissimulés au regard de la population. Ce qu’on lui offre ce sont les simulacres de la ville, images promotionnelles, projections nourries de modèles préétablis (épanouissement individuel, vivre-ensemble, loisirs, confort et sécurité). Le simulacre élève le conformisme au rang de valeur fondamentale. Mais si la communication est abondante sur le projet fini, son processus de construction reste en revanche totalement opaque. Le chantier, est une véritable ellipse temporelle, un vide dans le discours urbain. Cette latence est spatialement masquée derrière des paravents ornés d’images et de récits repoussés à la périphérie du site en chantier (maison du projet, panneaux promotionnels, affiches etc). Le chantier a besoin d’un espace où peuvent librement évoluer les forces techniques et économiques qui construisent l’espace urbain. Le trouble est volontairement maintenu, la ville tenue à l’écart, le lieu de fabrication mis à distance. Le projet Ginko se présente comme une forme spectaculaire de la construction de la ville, non comme un processus. Il s’agit de rester confortablement assis à sa place et de regarder l’écran de cinéma. Quand on est spectateur, on est déjà une partie du spectacle. Impossible de faire demi-tour. Impossible d’avoir du recul. Pourtant, il ne s’agit pas de singer une pseudo-démocratie tout azimut où l’espace public devrait être la norme absolue. Il ne s’agit pas de rendre le chantier à la ville, mais bien plus d’accepter au cœur du processus urbain, l’instabilité de la fabrication, de permettre l’existence non exclusive et sans ségrégation de moments d’irrégularité et de mystère.

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ORNEMENT (VEGETAL). « Ginko offre un cadre naturel exceptionnel au bord du lac, là où l’eau et le végétal se confondent pour créer un paysage riche et varié qui va favoriser la biodiversité. A la fois ‘citéjardin’ et ‘ville d’eau’, l’éco-quartier alterne jardins privés, espaces verts publics, canaux et places arborées qui procurent un sentiment de bien-être et de sérénité... et autant de lieux de promenade, de repos et de loisirs ».1 Quel est ce monde merveilleux où des aménagements spatiaux procurent des sentiments ? ‘Ginko’, ou bien sûr Ginkgo (biloba), c’est tout un symbole, celui de la renaissance d’abord, l’arbre qui, le premier, a repoussé après la bombe nucléaire à Hiroshima. La nature, sous ses aspects superficiels et décoratifs, se substitue à l’ornement et lui redonne ses lettres de noblesse. L’excuse végétale masquerait-elle la vacuité des choix spatiaux ? On s’arme désormais de l’ornement végétal (c’est très en vogue) pour saturer l’espace de références et de sens. L’aménagement de l’espace par l’ornement c’est la simulation d’un ordre utopique dans un réel franchement décevant. Un ordre indiscutable qui se veut d’autant plus moral et universel puisqu’il parle le langage des fleurs. Le paysage urbain ne devrait pas être mis au service d’une pseudo-naturalité, le vocabulaire de l’ornementation ne devrait pas verser dans le moralisme végétal. Acceptons plutôt de voir le paysage urbain comme une construction complexe où l’espace bâti comme l’espace végétal coexistent, où ni l’un, ni l’autre ne peuvent prétendre échapper aux cycles de la mode.

1 champ lexical de l’éco-quartier www.ecoquartier-ginko.fr

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1 www.ecoquartier-ginko.fr Page de droite images du projet Ginko http://www.ecoquartier-ginko.fren-images.html

DISCOURS/RECIT. Eco-quartier, habitat durable, développement durable, préservation de l’environnement, réduction des gaz à effet de serre, logement écologique, architecture bioclimatique, énergie solaire, impact écologique minimal, investissement durable, énergies renouvelables, venelle verte (ou corridor végétal), cité lacustre, cité-jardin, ville d’eau, pédibus, vivre au cœur de la verdure, Grenelle de l’environnement, toitures végétalisées, terrasses et balcons végétalisés, jardin intérieur, paysage de verdure, cadre naturel exceptionnel, espaces naturels, économie locale, panneaux solaires thermiques et photovoltaïques, labellisation BBC/THPE, norme HQE, certification EVE, excellence environnementale, 100% d’énergie renouvelables biomasse, économies d’eau, performance énergétique, prix de la sobriété énergétique et des énergies renouvelables, Ministère de l’écologie, de l’énergie du développement durable et de la mer, bâtiments à basse consommation, normes environnementales, faible consommation d’eau, espace vert écologique, campagne publicitaire éco-conçue, Eco-publicité, papier recyclés, coton bio, excellente isolation thermique, réduction de la facture énergétique, Bilan carbone.1


1 Jean BAUDRILLARD La société de consommation p. 87

LA MODE. On sait bien qu’elle ne va pas durer. Cette futilité, on la balaie volontiers d’un revers de main. Si la mode est un terme que les créateurs de vêtements s’approprient bien volontiers, les concepteurs d’espaces eux, ont beaucoup plus de mal à l’accepter. Etrangement, ces mêmes concepteurs sont loin de se considérer en dehors de la mode, bien au contraire : l’intelligence stylistique, le goût et l’esthétique se portent bien repassés lors des apéros mondains. Comme s’il était plus facile d’affirmer son intérêt pour des formes et des couleurs sur ses vêtements que pour les espaces que l’on construit. Mais c’est parce qu’il faut le justifier. On ne justifie guère le choix de tel ou tel vêtement en revanche, on se doit de le faire lorsqu’il s’agit d’un bâtiment ou d’un jardin. Car on ne rigole pas avec l’espace, c’est du sérieux. Pourtant, tous le monde se marre, mais sous cape, et de façon un peu honteuse. La production d’espace n’est pas exempt de courants en matière d’esthétique. Il s’agit, comme dans de nombreux autres domaines de création, de se distinguer, se démarquer. L’espace urbain est saturé de références et d’influences, et il est difficile d’y échapper tout à fait « Le discours de la ville, c’est la concurrence même : mobiles, désirs, rencontres, stimuli, verdict incessant des autres, érotisation continuelle, information, sollicitation publicitaire : tout cela compose une sorte de destin abstrait de participation collective, sur un fond réel de concurrence généralisée »1. La production d’espace s’inscrit également dans un marché, elle doit se vendre et doit donc déployer un argumentaire stylistique qui lui confère une distinction. Aujourd’hui, en paysage plus encore qu’en architecture, on se saisit de l’argument écologique pour justifier la production. C’est très louable. Un éco-quartier, c’est plein de bonnes intentions. Là, on n’est pas censé rigoler du tout, on joue avec l’avenir de la planète. A Ginko, il n’est pas question de mode, on est trop occupé à copier maladroitement les principes écologiques dont on se réclame haut et fort. Pourtant la mode elle est là, dans les bassins déconnectés du réseau d’eau de Bordeaux Nord qui évoque l’image des jalles environnantes, sans avoir le courage d’en être ; elle est aussi dans ces cultivars de plantes locales qui singent une flore protégée transformée en produit de consommation. La mode est une impulsion créative, essentiellement ancrée dans un espace contemporain. Il ne s’agit pas de la nier mais bien plus de détecter ce qu’elle nous raconte de nous-mêmes, dans tel choix de matériaux, dans tel choix de couleur ou de végétaux.

Ci-dessus images du projet Ginko http://www.ecoquartier-ginko.fren-images.html

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ANALYSE ICONOGRAPHIQUE : L’ECO QUARTIER

+ Caractères généraux Au travers d’une sélection de sept images de synthèse produites pour la promotion de différents projets d’éco-quartiers dans plusieurs villes de France, un certain nombre de caractères partagés peuvent être déterminés. Toutes s’inscrivent dans un mode de représentation inspiré de la tradition esthétique pittoresque (point de vue interne, pas de symétrie, goût du détail, structure d’ensemble mimant un ordre naturel). La composition générale produit un effet de profusion (matériaux, textures, couleurs et formes). Le type d’espace représenté constitue un paysage intérieur, il n’y a pas d’évocation du contexte dans lequel il s’inscrit, pas d’information permettant de le localiser géographiquement. On se situe vraisemblablement en périphérie urbaine, ou en limite de ville moyenne. Le tissu bâti est distendu. Le végétal tient une place prépondérante dans chacune de ces représentations. Il n’y a pas réellement de porosité entre les bâtiments et la végétation mais une simple superposition de plans, de calques en quelque sorte. Les situations représentées évoquent des espaces urbains à faible densité d’usage, tels que des cœurs d’îlot, des fonds de parcelles piétonnes, des jardins ou des parcs de proximité. Ces espaces n’ont pas vocation à accueillir d’importantes affluences (axes de circulation réduits, passages étroits). C’est une échelle de quartier qui est convoquée. Toutes les représentations mettent en scène des personnages (hommes et femmes de profil européen, généralement par groupe familial, les enfants sont privilégiés). Les voitures sont absentes des représentations (sauf sur la vue 5). +Débordement hors cadre Végétation : feuillage, tige ou portion d’arbre, herbes hautes. +Premier plan Tronc d’arbre et base de houppier (1), bassins et passerelles flottantes (4-5), masse végétale (1-2-3-5-6), allée piétonne avec promeneurs (2-6), rue (5-7), bâtiments alignés sur une voie (1-2-6) +Second plan Bâtiments (3-4-5-7) composés de matériaux hétéroclites, façades complexes (balcons, terrasses, loggias, murs végétaux) +Arrière-plan Front végétal, pas de bâtiment, produisant un effet de lisière (1-3), perspective lointaine sur un fond urbain mixte (bâtiments et végétal) (24-5-6-7). Ciel clair, radieux, lumière zénithale (2-3-4) ou soleil déclinant (début d’après-midi 1-5-6 à fin d’après-midi, 7)

Page de droite

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1 Albana Beauzelle - Toulouse, 2013 2 Heudelet - Dijon, 2012 3 Eco-quartier - Villenave d’Ornon, 2010 4 City-Hub - Paris, 2011 5 Saint Chaumon - Saint Etienne, abandonné 6 Luciline - Rouen, 2013 7 ZAC de Rungis - Rungis, 2012

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Mosaïque d’éco-quartiers

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Double page suivante 42*Lago/Souto de Moura Ginko2/4 octobre 2012 relevé photographique de la campagne de publicité dans le centre-ville de Bordeaux pour la présentation d’un futur bâtiment à Ginko

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“Portes ouvertes les 5 et 6 octobre au pavillon Ginko (face au lac) Derniers jours pour profiter de la loi Scellier! (1) le non respect des engagements de location entraîne la perte du bénéfice de la réduction d’impôt. Votre future résidence imaginée par Souto De Moura, Prix Pritzker 2011, considéré comme le ‘Prix Nobel’ d’architecture”


LA PROMOTION. Sur l’affiche, on ne voit même pas les bâtiments. Seulement des berges engazonnées verdoyantes et moelleuses, un canal à l’eau limpide et une forêt touffue et fraîche en arrière-plan. Des passerelles flottent sur l’eau et quelques promeneurs s’ébattent gaiement sur les aménagements paysagers aux formes courbes et généreuses. Le tout baigne dans une lumière crépusculaire qui prête volontiers à la méditation contemplative. C’est la théâtralisation de l’offre. Ginko n’offre pas un logement, mais un mode de vie. C’est le supplément d’âme essentiel, celui sur lequel est fondée toute la politique promotionnelle du projet. Par l’image, l’espace projeté prend une valeur financière, le lecteur devient consommateur. La promotion affirme le caractère absolument virtuel de la fabrication de la ville : la valeur fictionnelle de l’image d’un espace imaginaire dépasse le réel et ne trouve son égal que dans la valeur économique (donc tout autant virtuelle) qui l’accompagne. La promotion transforme un flux financier en récit illustré. Elle participe de l’opacité du moment du chantier, elle permet d’enjamber cette latence chaotique pour projeter au-delà. C’est la salle d’attente, le sas de transition avant que le premier îlot ouvre ses grilles aux nouveaux habitants, c’est l’apéritif pour faire patienter les invités pendant que la maîtresse de maison s’affaire en cuisine. L’espace promotionnel est plastique et polymorphe, il ne fait qu’une bouchée de l’espace urbain. Mais parviendra-t-il à engloutir totalement l’espace du chantier sous ses images vernies? 183




la scène en cours

observateur dans le champ

observateur hors champ

belvédère cadrage

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BELVÉDÈRE PUBLICITAIRE SOYEZ DANS LE CHAMP La ville est productrice d’images. Dans l’espace public, les sollicitations visuelles sont constantes. Mais c’est à la sortie des villes que la production d’images a le plus d’impact, occupant un espace vide de projection. La périphérie est truffée de panneaux publicitaires. Ces objets sont autant de fenêtres ouvertes sur des univers féeriques, les mondes merveilleux de la consommation où les couleurs sont chatoyantes et la lumière toujours tamisée. Ce sont aussi des paravents bien pratiques qui occupent le paysage périurbain que l’on a bien du mal à qualifier. Les panneaux publicitaires participent de la déconnexion de la périphérie avec son territoire en le projetant bien au-delà, et ailleurs surtout. La périphérie nous parle moins d’elle que de mondialisation. Ainsi le centre commercial de Bordeaux Lac ne vante pas son bâtiment ou le lieu qu’il occupe mais les produits qu’il vend ou encore les ambiances qu’il génére. De même, les entreprises et autres commerces mettent en scène des situations fictionnelles de leurs produits mais pas de leur espace de travail. C’est ainsi que le chantier est passé sous silence. S’il existe sous forme d’évènement à sa périphérie c’est en employant les mêmes procédés que ceux utilisés par la publicité : affichage aux couleurs vives sur les palissades, gros titres et panneaux tapageurs. On pourrait imaginer détourner ces outils qui sont devenus aujourd’hui le vocabulaire de la périphérie et en faire de véritables objets de mise en scène du paysage périurbain et du chantier. Le panneau publicitaire est disposé de sorte à capter l’attention de l’automobiliste. L’image elle-même est composée de manière à être instictivement compréhensible. Le cadrage de l’image est un procédé qui n’est pas inconnu de la tradition paysagiste. La composition en tableau permet de réveler à l’observateur la cohérence et la lisibilité de l’espace représenté et de faire émerger ainsi, l’idée de paysage. On pourrait alors mettre en scène le chantier en installant des panneaux publicitaires vides qui constituraient un cadrage parfait sur la scène de chantier en cours. Ces panneaux publicitaires autoroutiers présentent la particularité d’être équipés de plateformes techniques accessibles avec une échelle fixe pour l’installation des publicités. Ces plateformes pourraient être utilisées comme balcon sur le projet. Ce dispositif permet à la fois de mettre en scène le processus de construction, mais aussi de projeter l’observateur à l’intérieur du cadre du chantier. Le panneau publicitaire donne ici une image de contemplation par un individu de l’époque et du monde dans lequel il vit, dans la plus pure tradition picturale romantique.

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ANTI-VILLE ? « Raison n° 1 : la ville sans ses inconvénients : Vous aimez la ville mais vous n’en appréciez pas le tumulte, le bruit, la densité... vous aimez la nature mais vous refusez de vivre en périphérie lointaine... [...] l’éco-quartier Ginko vous offre un habitat durable conciliant proximité urbaine et cadre de vie d’exception»1. Ginko n’est pas la ville. C’est bien mieux. La promotion pour ce nouveau quartier développe un discours qui convoque à la fois le mythe urbain le plus total (utopie urbaine) et sa négation absolue. Le projet se situe au-delà de l’idée de la ville, il se situe après avoir ingéré puis digéré la ville. Il est temps désormais de la rendre. Selon Baudrillard, la ville « se refait à partir d’une sorte de code génétique qui permet de la répéter un nombre de fois indéfini à partir de la mémoire cybernétique accumulée. [...] Fin de la représentation et implosion [...] de tout l’espace dans une mémoire infinitésimale, qui n’oublie rien, et qui n’est celle de personne »2. Ginko offre un modèle hyperréel de ville qui intègre des composantes qui appartiennent à la fois au récit pour la ville et contre la ville. Une simulation d’espace urbain qui par définition, dépasse de loin en satisfaction l’espace réel. On y sera bien parce que ça n’est pas la ville, c’est encore mieux l’hyperville. « Circulations douces », « espaces verts publics », « biodiversité », « ouverture sur le paysage », « terrasses de café », toutes les composantes de la ville sont magnifiées et érigées en valeurs programmatiques fondamentales. Dans cet hyperréel tout n’est qu’imitation d’un modèle perdu. Et le paysage urbain produit en est la manifestation malheureuse dans l’espace. Mais même l’hyperréel demande à passer par le concret pour être fabriqué. Le moment du chantier est aux antipodes du projet hyperréaliste de Ginko, il est exclusif, opaque et progressif. Il flirte avec le danger, et expose au grand jour des mécaniques économiques grossières. En soi, dans l’espace actuel de la ville, c’est le symbole de l’anti-ville. Pourtant, c’est un moment et un lieu qui a, jusqu’à présent, réussi à ne pas être touché par la maladie urbaine actuelle qui vise à la « conversion implacable de l’espace utilitaire en espace “public” ». 3 Il s’agira de ne pas tomber dans le piège mais bien plus de voir ce que l’anti-ville, ville hyperréelle ou ville que l’on ne veut pas voir, nous raconte de la ville réelle.

1 www.ecoquartier-ginko.fr 2 Jean BAUDRILLARD Simulacres et simulation, p.108 3 Rem KOOLHAAS Junkspace p. 49

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Page de droite AXYZ image promotionnelle pour l’éco-quartier Ginko Rêve, www.ecoquartier-ginko.fr


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192 Affiche du projet Ginko


UTOPIE URBAINE. «AFTER GREEN. So then we’ve done it. We’ve created a completely sustainable world. We’ve overcome the current green epoch and its frantic obsession with limitations and restrictions. In its place we have created a sustainable, responsible foundation that has liberated mankind, its architecture and its urbanism again. Now we can relax and do whatever we want. Energy is abundant and the obsession with saving it has disappeared. Houses with no walls are possible again ; Mies van der Rohe will be surpassed in lightness. We’ve stopped feeling guilty about driving, flying, taking long showers, or throwing away newspapers. Does it mark end of a collective mission? Or will new shortages and problems appear? What challenge will we face now that Green is over? »1. Et si Ginko était déjà, avant d’être achevé, la ville d’hier? Si l’utopie urbaine de la « ville verte » était déjà dépassée ? Que resterait-il de Ginko, archaïsme écologique désuet et surfait ? Une mode comme une autre en somme qui prend corps dans un non-lieu naît de la tabula rasa, un simulacre d’ordre social, économique et culturel sans racines, déconnecté de la réalité, étouffé par le mensonge. Comme les canaux de Ginko faussement reliés au lac et qui, déjà, sont couverts de plantes invasives. L’utopie à la sauce financière laisse souvent un goût amer.

1 WINY MAAS After Green, [APRES L’ECOLOGIE. Donc ça y est. Nous avons construit un monde complètement durable. Nous avons dépassé l’ère actuelle de l’écologie et son obsession frénétique de prescriptions et de restrictions. A la place, nous avons instauré un système durable et responsable qui a permis de rendre la liberté à l’humanité et à son mode de production de l’architecture et de l’urbanisme. Maintenant on peut respirer un peu et faire ce que l’on veut. L’énergie est abondante et la nécessité obsessionnel d’économiser a disparu. Les maisons sans mur sont de nouveau possible ; l’architecture de Mies van der Rohe sera dépassée en légereté. Nous avons arrêté de nous sentir coupable de prendre la voiture ou l’avion, de rester longtemps sous la douche ou de jeter nos journaux à la poubelle. Est-ce que tout cela marque la fin de l’entreprise collective ? Ou bien de nouvelles pénuries, de nouveaux problèmes vont-ils apparaître ? A quel défi allons-nous devoir faire face maitenant que l’écologie est dépassée ?]

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Dans le processus du chantier se joue un paradoxe qui hante toute l’histoire de la construction : le défi humain de la croissance et la fatalité de l’échec par l’inachèvement. Ces deux notions antagonistes se confrontent au moment du chantier et s’alimentent l’une l’autre. Dans la ville de tradition judéo-chrétienne cohabitent la volonté d’expansion et la crainte de Dieu. On n’en a pas fini avec . Maintenant qu’on a été dispersé, maintenant qu’on ne s’entend plus, il s’agit de poursuivre la construction tant bien que mal mais avec la peur de l’échec. Brueghel en 1563 avait clairement dépeint ce moment de démesure, de puissance et d’extraordinaire vulnérabilité des hommes durant le chantier : c’est le chaos nécessaire. D’une part, la tour s’impose dans le paysage, elle écrase les éléments, défie la géographie, c’est le symbole du pouvoir humain avec le roi Nemrod au premier plan, un de ces premiers monarques démiurges dont l’histoire regorge ; d’autre part l’achevé côtoie l’inachevé, on voit les mécanismes à l’œuvre, la tour montre ses entrailles grouillantes, la vie est à nu. On hésite devant ce tableau, construction ou destruction ? Le chantier est parfois si proche de la ruine. Car la tour porte sa mort en elle, comme le chantier qui n’a pour seul but que l’achèvement par sa disparition. En effet, on peut lire dans la partie construite de la tour le début d’une forme conique. Or cette forme géométrique n’est pas infinie, elle se termine, elle est vouée à l’achèvement. Babel est un chantier qui ne s’est jamais achevé, le seul aboutissement possible a été l’échec de cette entreprise démesurée. Ce mythe de la déchéance nécessaire traverse l’histoire des villes judéo-chrétienne : le processus de fabrication sur elle-même de la ville a-t-il une autre fin possible que la catastrophe ? Babylone et Rome, ces cités déchues qui restent dans leur chute même, les modèles depuis lesquels on défini la ville. Le moteur inconscient de la croissance urbaine serait-il une puissance eschatologique essentielle ? Construire sans cesse, ne jamais atteindre un état achevé pour tout le temps repousser un peu plus loin le destin funeste du développement urbain ? Le drame de la construction urbaine est-il une tragédie ? Mais la ville masque tout processus, toute mémoire apocalyptique sous le vernis du produit fini. La frénésie des chantiers est enveloppée d’un discours sur la nécessité qui situe le résultat dans un état utopique hypothétique et douteux auquel personne ne croit vraiment. On ne garde du chantier que la gloire de la puissance à l’œuvre, de la démonstration de force cristallisée dans l’acte fondateur de la visite officielle par le représentant politique : Alain Juppé posant la première pierre. C’est tout une ville qui se raconte dans ce geste. Et le sourire crispé de l’élu doit bien vite nous faire oublier nos craintes.

Babel

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Ci-dessus Pieter BRUEGHEL l’Ancien La tour de Babel, 1563

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LA MORT DU PAYSAGE ? Les places arborées, les promenades le long des canaux, cette villejardin que vante le projet Ginko a quelque chose de morbide. Pourtant c’est une image douce et chatoyante que suggèrent ces descriptions charmeuses, une harmonie parfaite entre les éléments, un agencement confortable et pratique. En fait tout ça semble un peu rebattu. Ce qui dissone, c’est l’association de ce discours avec celui sur le neuf, sur l’innovation. Car on a déjà entendu ça quelque part. Pour le concours “la nature dans la ville, la ville dans la nature” de 1966 qui posait les bases du projet de Bordeaux-Lac par exemple, et pas plus tard que tous les jours, et partout, pour tous les chantiers urbains en cours et/ou projetés dans la CUB. Pourquoi a-t-on besoin de ressusciter une vision éculée du paysage lorsque l’on imagine la ville de demain ? Le paysage auquel on se réfère est encore celui théorisé au XVIIIe et XIXe siècle dans la tradition picturale. C’est désormais un objet d’étude, un académisme (soit un objet mort) au travers duquel on veut lire les situations actuelles. Comme l’expliquait déjà François Dagognet en 1982, le paysage est mort, et à deux reprises : géographiquement, par le brouillage des limites entre les notions anciennement antinomiques de ville et campagne ; et esthétiquement, par le retournement du regard de l’artiste sur son propre regard, avec l’abstraction qui a mis à mal toute représentation – même impressionniste – des « forces qui habitent les formes », seules les « masses délocalisées » subsistent.1 Le paysage que véhiculent les discours sur la ville européenne aujourd’hui sont ceux issus d’une vision bourgeoise qui n’a plus lieu d’être. La ville de la densité et de l’exclusion, du brassage ethnique et culturel, la ville de la mondialisation, des réseaux de communication et de l’espace virtuel n’entre pas dans cette définition. « Le paysage appartient au passé, la puissance de l’homme le détruit ou le déclasse .»2 Dans le cas du projet Ginko, la résurrection forcée de la vision d’un paysage urbain qui n’a jamais existé est d’autant plus déplacée que l’on se situe en périphérie de la ville. Cette vision est non seulement anachronique mais aussi totalement uchronique, la dissonance est totale. Charger de sens un paysage avant même qu’il existe est le meilleur moyen de l’assassiner. C’est dommage. Ginko aurait pu inventer un

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discours sur la ville à la périphérie, dans un espace périurbain où tout reste à dire, à faire, à penser. Car ce qui fascinait réellement dans le paysage d’hier c’est qu’il parlait une langue ancestrale mystérieuse et incompréhensible. Aujourd’hui, avec l’opacité des processus de fabrication de la ville mondialisée, face à l’impénétrable réseau de flux de capitaux et de transactions financières qui façonnent l’espace urbain et surtout périurbain, on se trouve de nouveau devant un paysage naît des ténèbres de notre temps, tout entouré d’ombres inquiétantes et insaisissables. Il ne reste plus qu’à l’inventer. « Nous serions, devant nos villes et même nos campagnes, dans le même dénuement perceptif (esthétique) qu’un homme du XVIIe siècle face à la mer et à la montagne. C’est un « affreux pays », qui ne suscite que la répulsion. […] Pour l’heure, nous nous complaisons dans la crise, mais c’est peut-être de cette délectation critique que sortiront les modèles de demain »3. Alors, le paysage est mort, vive le paysage ? Non, peut-être faudrat-il aller jusqu’à se débarrasser aussi du mot lui-même, devenu aujourd’hui largement galvaudé.

1 François DAGOGNET et al. La mort du paysage? p.32 2 Ibid. 3 Alain ROGER Court traité de paysage, p.113

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L’INACHEVE. Force est de constater la gêne technique à l’égard de l’inachevé. C’est bien inconfortable de se trouver devant un travail à moitié fini. Ça pendouille par ici, ça tremblote par là, il y a des morceaux partout, on détourne le regard avec dégoût. En plus, généralement, on s’en met plein les bottes, on s’y embourbe, bref on a du mal à s’en dépêtrer, car ça n’est pas un endroit très praticable. Il n’y a même pas de chemin par où passer, on ne sait pas où on est, on s’y perd complètement en somme. Surtout on n’y comprend rien : évidemment, ça n’est pas fini, nous répond-t-on. C’est bien pour ça qu’on met des palissades, paravents pudiques pour masquer la laideur du processus. Derrière, il y a de sérieuses lacunes qu’il faut camoufler coûte que coûte, du vide qui fait frémir dont il faut très vite se protéger de peur qu’il contamine la ville autour. Car le vide est un espace extensif bien sûr, les trous noirs sont partout. Alors il faut calfeutrer les endroits où il se faufile, comme on calfeutre les portes l’hiver contre le souffle du vent glacé. Et puis c’est bien pratique de cacher ce qui est imparfait, car ça évite qu’on pose trop de questions. Avant, les chantiers étaient tout à fait opaques. Fallait pas poser de question, c’est tout. Maintenant on a évolué, dieu merci. Le chantier de Ginko communique, il parle, même quand on ne l’interroge pas. Mais pas de lui, bien sûr. Il nous jette à la figure ses intentions avec force images bigarrées et rêves riants d’avenir. La société du contrôle devance nos questions éventuelles, elle se charge elle-même de nous les souffler. Ainsi le chantier est remplacé par les intentions louables du projet achevé dans une sorte d’anachronisme essentiel. Car seul le produit du travail accompli compte, seul le résultat final a vraiment de l’importance. Alors, pour lire l’inachevé, il ne suffit pas seulement de soulever le voile, d’aller voir derrière la barricade, de regarder par le trou de la serrure, de faire tomber les masques ou même de détruire la palissade. Au contraire il faut bien la regarder, droit dans les yeux, et foncer, droit dans le mur. Il a plein de chose à nous dire. Parfois, pour mettre son regard en danger, on peut décortiquer la coquille et analyser les débris. C’est déjà pas mal. Il faut mettre en chantier la pensée, il faut produire des idées ouvertes. Déconstruire la construction. Il ne faut pas obligatoirement finir, bien sûr, car l’inachevé est inscrit dans un cercle qui tourne sans fin, à vide, avec pour seul but lui-même. Au-delà, c’est déjà autre chose. Il s’agit donc de ne pas vouloir nécessairement arriver quelque part, de n’être pas vraiment sûr, d’essayer de douter, d’hésiter beaucoup avant de sauter. J’ai bien essayé d’arracher l’arbre qui est dans ma tête.1 L’inachevé n’est pas une fin en soi, naturellement. Il est une condition de la fabrication d’histoires. Il est support aux récits, aux racontars, aux rumeurs, aux mythes. Il dit plus parce qu’il n’a pas encore eu le temps de se maquiller un discours.

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Le projet est là, non pas dans le discours policé mais dans le balbutiement, dans le chantier qui le précède. Il n’est jamais une forme achevée. L’hésitation, l’inconnu est l’essence de la projection. Si l’on connaît précisément la distance à laquelle on situe sa projection, ça n’est plus du projet mais de la programmation. Le projet est dans les histoires qu’on raconte et qui laissent de côté pas mal de choses. Il faut accepter de laisser des choses de côté. J’aimerai que le chantier Ginko ne se termine jamais, qu’il y ait toujours un muret à refaire, une conduite d’eau à réparer, un arbre à replanter, une brèche à colmater, une bordure à réaménager, un bassin à vider. On peut les laisser croire que c’est comme ça qu’on atteindra un jour l’achèvement. Mais on sait bien que ça n’existe pas. En attendant, il se passe quelque chose.

1 Gilles DELEUZE et Félix GUATTARI Mille Plateaux “Beaucoup de gens ont un arbre planté dans la tête, mais le cerveau lui-même est une herbe beaucoup plus qu’un arbre.” p.34 Ci-dessus Joseph LANGE Portrait inachevé de Mozart, 1789

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BORDEAUX METROPOLE

POPULATIONS HABITANTES

POPULATIO COMMERCES DE MASSE

LA PROMOTION

LA PERIPHERIE

LA VOITURE

CONSTRUCTION LA VITESSE/ LOINTAIN

OPACITE/SECRET

LATENCE

FRICHE

CONTEMPORAIN

MARGES/FRANGES

RENCONTRES SECRETES

CIEL/ HORIZON

UTOPIE URBA

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SQUAT


POUSSIERES

CIRCULATIONS

LES AUBIERS

PAYSAGE URBAIN

NUISANCE

DIVISION DU TRAVAIL

ON FUTURE

POPULATION INTERIMAIRE

ENGINS

CORPS SANS ORGANES

TAS

CHAOS NEUF

E

DRAME SPECTACLE

DECHETS

LA FABRICATION LE PROJET

IMAGE SIMULACRE TABULA RASA

VIDE

DISCOURS RECIT DANGER

PALISSADE

ERRANCES

BRUITS

EAU

ANTI-VILLE?

EXCLUSION

ORNEMENTS (VEGETAL)

ERRANCES2

AINE

LA MODE

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ANNEXE



BIBLIOGRAPHIE SUR LE CHANTIER : OUTIL DE PROJET ARMENGAUD, Marc HQAC : le temps du chantier, nouveau matériau de l’art, entretien avec l’artiste Stefan Shankland, D’A n°185, 2009, pp 22-24 BERNARD, Pierre Le chantier, Criticat 02, 2008, pp 99-112 BOUCHAIN, Patrick Construire autrement, Paris, Acte Sud, 2006 CATSAROS, Christophe Le lieu unique le chantier 1 acte culturel, Paris, Acte Sud, 2006 CHIARADIA Alain « Le Conservatoire d’Uzeste » Architecture d’Aujourd’hui n°374, nov-déc 2009, pp 131-144 COMMENGES Emmanuel (Collectif Monts et Merveilles) Ferdinand en chantier, Bordeaux, N’a qu’1 œil, 2011 DELEUZE Emilie Peau neuve, film, production haut et court, 1999 Pour un chantier lieu d’expérimentation, entretien avec Patrick Bouchain, Urbanisme n° 338, 2004, pp 20-22 ZIMMERMANN, Annie Pour un chantier lieu d’expérimentation, entretien avec Patrick Bouchain URBANISME n°338, sept-oct 2004, pp 20 21 SUR LE CHANTIER : PROCESSUS DE FABRICATION DESMOULINS Christine Les enjeux du chantier : qui maîtrise quoi ? D’A, n°189, mars 2010, pp 37 51 FERRO Sergio Dessin/Chantier, Grenoble, La Villette, 2005 JOUNIN Nicolas Chantier interdit au public, Enquête parmi les travailleurs en bâtiment, Paris, La Découverte, 2008 SUR LE PAYSAGE URBAIN BLANCHON-CAILLOT, Bernadette Pour une genèse de la compétence paysagiste, Projets de paysage, 2009, disponible sur <http://www.projetsdepaysage.fr> BLANCHON-CAILLOT, Bernadette Les paysagistes français de 1945 à 1975, l’ouverture des espaces urbains, Les Annales de la recherche urbaine n°85 BLANCHON-CAILLOT, Bernadette Pour une genèse de la compétence paysagiste, Projet de Paysage, 2009, disponible sur <http://www.projetsdepaysage.fr> BOUTINET, Jean Pierre A propos de paysage, repères anthropologiques, Carnets, 2001, pp 65-83

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CARROZA, Maria Luiza Paysage urbain : matérialité et représentation, Les Cahiers du Centre de Recherches Historiques, 1996, disponible sur <http://ccrh.revues.org/2600 ; DOI : 10.4000/ccrh.2600> DAGOGNET François, Mort du paysage ? Philosophie et esthétique du paysage, Lyon, Champs Vallon, 1982 DELEUZE, Gilles, GUATTARI, Félix Année zéro : visagéité, in Mille Plateaux, capitalisme et schizophrénie 2, Paris, les éditions de minuit, 1980 HEBERT, Florent Le paradoxe du paysage urbain dans les discours paysagistes, Strates n°13, 2007, disponible sur <http://strates.revues.org/5493> MAROT, Sébastien L’alternative du paysage, Le Visiteur, 2001, pp 54-81 POUSIN, Frédéric La création de paysage au risque de l’urbain, Les annales de le recherche urbaine n°85, 2000, pp 33-41 ROGER, Alain, Court traité de paysage, Paris, Gallimard, 1997 SUR LA FABRICATION DE LA VILLE DELBAERE Denis, La fabrique de l’espace public, Ville, paysage et démocratie, Paris, Ellipse, 2010 KOOLHAAS Rem, Junkspace, manuels Payot, 2010 LE ROUX, Aurélien Destruction démolition reconstruction : une histoire naturelle, Ecole nationale supérieure d’architecture de Paris-Belleville, 2009 MAROT, Sébastien L’art de la mémoire, le territoire et l’architecture, Paris, La Villette, 2010 MITCHELL, Don The right to the City Social Justice and the Fight for Public Space, Guilford Press, 2003 UDERZO Albert, GOSCINNY, René Le Domaine des Dieux, Les Aventures d’Asterix le Gaulois, album 17, Paris, Hachette Livre, 1971 VIRILIO, Paul Vitesse et Politique, Paris, Galilée, 1977 WIGLEY, Marc Resisting the City, TransUrbanism, Rotterdam ,2002 pp 103-121 ZOLA, Emile Les Rougon-Macquart, 5 tomes, et plus particulièrement La Curée, Le Ventre de Paris et L’argent, Paris, La Pléiade,1960

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SUR LA PRODUCTION DE L’ESPACE BACHELARD, Gaston La poétique de l’espace, éd PUF, 1957 CONSTANT, Benjamin The principle of disorientation, Situationist art, politics, urbanism, Barcelone, 1996, p. 86 DELEUZE, Gilles, GUATTARI, Félix Comment se faire un corps sans organe ?, Le lisse et le strié, in Mille Plateaux, capitalisme et schizophrénie 2, Paris, les éditions de minuit, 1980 FOUCAULT, Michel Des espaces autres in Dits et Ecrits, tome IV, Paris, Gallimard, 1994 FOUCAULT, Michel Le corps utopique, les hétérotopies, Paris, Lignes, 2009 KANT, Emmanuel L’esthétique transcendentale 1e partie sur l’espace et 2e partie sur le temps in Critique de la raison pure, Paris, PUF, 2001 LEFEBVRE, Henri La production de l’espace, Paris, Anthropos, 1974 PEREC, Georges Espèces d’espaces, Paris, Galilée, collection L’espace critique, 1974 SUR LA FRICHE BABOULET, Luc Entre chien et loup, Le Visiteur n°8, Paris, 2002 MACHON, Nathalie, MOTARD, Eric, Sauvage de ma rue, Guide des plantes sauvages des villes de France, éd Le Passage, 2012 SUR LA REPRÉSENTATION BAUDRILLARD Jean, Simulacres et simulation, Galilée collection Débats, 1957 FOUCAULT Michel, Les mots et les choses, Gallimard, 1966 SUR LA SOCIÉTÉ BAUDRILLARD Jean, La société de consommation, ses mythes, ses structures, Paris, Denoël, 1970 DEBORD Guy, La société du spectacle, Paris, Buchet-Chastel, 1967 DELEUZE Gilles, Post-scriptum sur la société de contrôle, 1990 FOUCAULT, Michel Cours au Collège de France « Sécurité, territoire, population, 1978 » Archives Audio, disponible sur <http://www.lib.berkeley.edu/MRC/foucault/stp.html> OTTAVIANI, Didier, BOINOT, Isabelle L’humanisme de Michel Foucault, Belgique, Ollendorff & Desseins, 2008 208


MURAY, Philippe L’empire du bien, Paris, Les Belles Lettres, 2010 SUR LE TERRITOIRE BORDELAIS MOUCHAGUE, Damien Identité de l’agglomération ou agglomération d’identités – radioscopie du territoire bordelais, Conseil du développement Durable de l’agglomération bordelaise, Bordeaux, Atelier PAO de la CUB, 2010 Direction Générale de l’Aménagement, 2030 Vers le grand Bordeaux, une métropole durable, sous la direction de LARUË-CHARLUS Michèle, Mairie de Bordeaux, 2009 SUR LE TERRITOIRE DE BORDEAUX NORD Direction Générale de l’Aménagement Portrait(s) de quartier : Bordeaux maritime, sous la direction de LARUË-CHARLUS Michèle, Mairie de Bordeaux, 2009 Direction Générale de l’Aménagement Les Aubiers, premières rencontres I, sous la direction de LARUË-CHARLUS Michèle, Mairie de Bordeaux, 2011 De DIENNE, Histoire du dessèchement des lacs et marais en France avant 1789, Paris, 1891 JACQUEMIN Hélène, Les risques en quartiers sensibles : des mythes médiatiques aux réalités quotidiennes, M@ppemonde 77, disponible sur <http://www.mappemonde. mgm.fr/num5/articles/art05107.html> KRAISER, Isabelle, PICHELIN, Marc D’habitude, Bordeaux, Ouïe/Dire, 2012 SUR LA FORME FRAGMENTAIRE DELEUZE Gilles, GUATTARI Félix, Introduction : Rhizome in Mille Plateaux, capitalisme et schizophrénie 2, Paris, les éditions de minuit, 1980 QUIGNARD Pascal, La frontière, Paris, Gallimard, 1992 QUIGNARD Pascal, Une gêne technique à l’égard des fragments, Paris, fata morgana, 2003 KOOLHAAS Rem et MAU Bruno, S, M, L, XL, the monacelli press, 1998 SUR LA CARTOGRAPHIE DU MOUVEMENT BUREAU D’ETUDE, cartographies, disponible sur <http://www.bureaudetudes.org/> BRISSON, Jean-Luc et al. Cheminements, carnet du paysage n°11, éd. Acte Sud, 2004 DEBORD, Guy et al. les situationistes, la psychogéographie et la théorie de la dérive, disponible sur <http://i-situationniste.blogspot.fr> POISSON Mathias, Netablog, cartographie du déplacement, disponible sur <http://www. netable.org/ > 209


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janvier 2012

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mai 2012

août 2012

avec l’aide de Lucas Geoffriau


L a main de Jacques Chaban-Delmas sur le territoire B ordeaux Nord, vidĂŠo ina fĂŠvrier 1966,


http://www.dailymotion.com/video/xfdy7v_presentation-du-projet-de-zone-urbaine-nord_news


LE CHANTIER A u r é l i e n R a m o s travail personnel de fin d’études formation paysage ensapBx directrice d’étude : Hélène Soulier n o v e m b r e 2 0 1 2




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