Grands Reportages Sierra Nevada del Cocuy 2011

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Grands Voyageurs COLOMBIE La lagune de la Plaza, « la plus belle d’Amérique latine », depuis les cerros del Mortinol, vers 4 800 mètres d’altitude. C’est l’apothéose d’une semaine de marche, en autonomie totale, autour de la cordillère.

EL COCUY LA CORDILLÈRE ENCHANTÉE

Aux confins de la province de Boyaca, se dresse au-dessus du bassin amazonien une herse fantasmagorique entre 4 000 et 5 300 mètres d’altitude : la cordillère d'El Cocuy, concentrant quelques écosystèmes parmi les plus insolites d'Amérique latine. Exploration de cet éden encore inconnu en Europe, au fil d’une traversée à pied du nord au sud. TEXTE ET PHOTOS FRANCK CHARTON

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UN BOUT DU MONDE SURANNÉ ET ATTACHANT, ENTRE CONSERVATISME ET MUTATION

Le village d’El Cocuy est, à 2 700 mètres d’altitude, l’une des deux portes d’entrée du parc national éponyme, avec la localité voisine de Güicán. On y vit encore au rythme de la Colombie rurale d’antan.


Grands Voyageurs COLOMBIE Les mares ferriques (à haute teneur en fer, d’où la couleur rouge) de certaines cuvettes sédimentaires produisent des contrastes saisissants, comme avec ce cojin (« coussin ») vert tendre entre le col del Panuelo (4 400 mètres) et la lagune Oja larga (« longue feuille »), reliquat d’une tourbière d’altitude en cours de dégradation.

LA FASCINATION D’EL COCUY VIENT DE SES PAYSAGES ENSORCELANTS, ENTRE SAUVAGERIE ET ONIRISME


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PORTE D’ACCÈS AU PARC NATIONAL, LE VILLAGE D’EL COCUY RESPIRE LA DOUCEUR DE VIVRE

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n dirait un décor de film, avec ses petites maisons alignées au cordeau, toutes peintes en vert et blanc, ses balcons de bois et ses toits de tuiles orange. Sa large place aussi, où trône fièrement l’église, de taille disproportionnée. Un panneau indique que la fondation d’El Cocuy remonterait à 1541, à l’initiative du capitaine Gonzalo Garcia Zorro. D’emblée, un frisson de plaisir, et ce n’est pas la fraîcheur du soir : la bourgade coloniale recèle un charme fou, irrésistible. À 2 700 mètres d’altitude, ses ruelles pavées, pentues à souhait, flanquent un léger tournis quand on débarque de Bogotá. Douze heures de trajet en bus, alternant phases de somnolence léthargique et poussées d’adrénaline subite dans les épingles à cheveux attaquées à la hussarde ! Tout au bout de la cordillère orientale, El Cocuy serait la dernière bourgade andine avant l’immensité des Llanos, ces plaines tropicales inondées annonçant le bassin amazonien, et le Venezuela. Pour apprécier pleinement ce microcosme suranné, il faut s’arrêter dans les

innombrables bistrots épiceries aux deux-trois tables dépareillées, genre dînette, où l’on vient siroter une tisane aux fruits secs baptisée aromatico, ou un cafecito avec des biscuits faits maison, devant les photos jaunies punaisées au mur. Derrière le comptoir vermoulu se tient la petite mamie qui officie dans ce lieu minuscule où il n’est pas rare de trouver un urinoir d’angle, témoin d’une époque récente où les caballeros pissaient le plus naturellement du monde à côté des gens attablés. Aujourd’hui, près de huit mille habitants vivent encore dans ce bout du monde civilisé, qui connut son heure de gloire du haut de ses 30 000 âmes, il y a peu. « C’était avant la route », soupire Teresa, qui vend dans son estaminet de délicieuses arepa (galettes de maïs) fourrées à la pomme de terre, qu’on garnit soi-même de salade et du sempiternel alli, une sauce plus ou moins piquante à base d’oignons et de tomates. Comme partout en Colombie, l’exode rural vide les villages, au profit des villes. Un phénomène qui s’amplifie depuis la récente ouverture du pays, après

Don Marco Valderama, propriétaire de l’estancia La Esperanza, contemple le village d’El Cocuy, occupant un petit plateau à 2 700 mètres d’altitude.

Les hommes, dont la plupart portent encore le costume local, la ruana (poncho) et le sombrero de feutre, aiment à se retrouver au bistrot épicerie pour un cafecito.

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un demi-siècle de violence politique qui paralysa tout développement économique. Résultat : des bouts du monde restés complètement en marge, comme suspendus dans le temps et l’espace, où l’on a parfois le sentiment d’observer la Colombie des années cinquante. Mais tout le bel ordonnancement surréaliste d’une société rurale trop longtemps figée commence à voler en éclats. Aujourd’hui, seuls les locaux de plus de trentecinq ans portent encore la ruana, le petit poncho brun en laine écrue de mouton, et le sombrero de feutre ou de cuir. Et puis il y a le décor, en cinémascope encore, pour lequel on est venu jusqu’ici ! Ce sont les Andes en majesté : prairies bocagères d’abord,

où s’épanouit un élevage extensif, puis le fameux páramo, ou tourbières d’altitude des cordillères septentrionales humides, à partir de 4 000 mètres ; plus haut encore, l’univers des roches rouges gorgées de fer, des lagunes aux mille nuances de vert et de bleu et des glaciers étincelants. Enfin, une ribambelle de sommets de plus de 5 000 mètres taquinent le ciel bleu cobalt, aimantant le regard. Devant l’église d’El Cocuy, une maquette géante en carton-pâte déroule notre terrain de jeu des prochains jours : le circuit pédestre du tour des cerros, ou vuelta. La chaîne elle-même ne fait que 22 kilomètres sur 5, alignant 21 pics glaciaires de plus de 4 900 mètres. Mais ce n’est que la partie immergée de

El Cocuy

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DES DÉCORS INSOLITES, ALTERNANT DÉSERTS ABSOLUS ET ZONES HUMIDES

trempage, après moult cabrioles, dans un bassin antiparasites ; d’autres sont tondus manuellement, à l’aide de gros ciseaux de fer. Chaque opération donne lieu à de laborieux tris sélectifs, à l’aide de barrières qu’on ouvre et qu’on ferme successivement, mais qui se terminent souvent en chaos généralisé ! Enfin, c’est le jour J. Le pick-up de Juan Carlos nous hisse sur la mauvaise piste qu’emprunte chaque matin la tournée du lechero, le camion du laitier. Quelques campesinos à cheval, hâle prononcé, poncho au vent, seront les seules silhouettes aperçues en chemin, avec ce groupe de soldats qui campent sur un parador (éminence panoramique). L’armée forme un rempart contre l’éventuel retour des guérilleros qui, jusqu’à une époque récente, faisaient la loi à El Cocuy. D’abord accueillis avec crainte, ceux-ci furent ensuite soutenus par la population, qui applaudit quand ils mirent fin à l’impunité d’une poignée de notables usuriers et corrompus, faisant régner localement leur népotisme paternaliste. Avant de déchanter

l’iceberg : le parc national de la Sierra Nevada d’El Cocuy, l’un des plus grands d’Amérique latine, couvre en effet 300 000 hectares. Il concentrerait, des plaines tropicales des Llanos, à 600 mètres d’altitude, jusqu’aux cimes andines culminant au Ritacuba Blanco (5 300 mètres), l’une des plus fortes biodiversités mondiales. La zone de haute montagne que nous allons arpenter, au pied des grandes falaises au profil dolomitique, encapuchonnées de glace, ne constitue que 3% du parc ! Ce matin, après les emplettes au marché hebdomadaire pour compléter les vivres de notre semaine en autonomie, cap vers l’estancia El Esperanza, un lieu idéalement placé à 3 600 mètres au pied de la sierra,

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pour peaufiner notre acclimatation. Au milieu des pâturages, la vieille ferme ovine ne manque pas de cachet. Elle est gérée avec bonhomie par Don Marco Valderama, une figure locale, et ses deux fils, Guillermo et Sebastian. Nos marches d’entraînement nous mènent au rocher de l’Aigle, à 4 000 mètres, via une crête vertigineuse, ou vers le sanctuaire de la Cueva de la Cuchumba, une cascade sous grotte et une madone qui attirent les pèlerins locaux le 6 janvier ; ceux-ci laissant derrière eux, en guise d’ex-voto, des croix de bois artisanales. Vit aussi ici, dans une chaumière attenante, une famille de métayers, avec leurs six enfants, entre 3 et 17 ans. Avec ses murs penchés en adobe, l’unique bulbe dispensant

un halo tremblotant et ses fourneaux en terre cuite, la cuisine semble tirée de l’outretemps. Le soir, lorsque tout ce petit monde se rassemble pour la soupe autour de la longue planche qui fait office de table, on croirait « lire » un roman de Dickens ou de Zola. Derrière la sellerie emplie des remugles puissants de bétaillère, s’étendent les enclos à moutons, assemblage hétéroclite de corrals en bois de récupération. Plus d’une centaine de bêtes de race mérinos évoluent en petits groupes d’une vingtaine d’individus, dans les différents alpages du domaine. La toison épaisse qui recouvre entièrement leurs museaux leur donne des allures de spectres graisseux. Certains doivent être purgés par

Au-dessus du campement de la lagune Avellanal, à 4 400 mètres, un microcosme étrange réunit des éboulis cyclopéens formant des grottes et les fameux frailejones, ces étranges plantes emblématiques du páramo.

Un muletier local devant la lagune de la Isla, au pied du Boqueron de la Sierra, principale difficulté du trek à 4 650 mètres.

quand les « chevaliers blancs » commencèrent à multiplier rackets et exactions, se comportant en tyrans à leur tour. Ils furent finalement chassés des grottes où ils s’étaient installés, lors d’un vaste déploiement militaire en 2007-2008. Au terminus de la piste, à 4 050 mètres, Antonio nous attend avec sa mule. Il va nous aider à transporter notre fourniment sur les deux premières étapes. Ensuite, il faudra nous répartir les charges car l’itinéraire n’est praticable qu’à pied… Le premier col, le boqueron de Cardenillo, à 4 370 mètres, nous fait pénétrer au nord de la chaîne. Dans la langue des U’wa, le peuple autochtone de la sierra, cette échancrure ventée s’appelle Rayan Tera, l’extrémité de leur territoire. Très peu de choses sont connues à leur sujet. Éleveurs de vaches, traditionnellement animistes mais aujourd’hui souvent acculturés, ils restent farouchement à distance des étrangers, mêmes locaux, et leurs premiers villages sont situés à plusieurs jours de marche d’El Cocuy. L’autre porte d’entrée au parc, le village de Güicán, à une


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DERNIER BASTION DE CULTURE ANDINE AVANT UN UNIVERS AMAZONIEN, LE COCUY SE MÉRITE

de visiteurs étrangers. Au fond de la vallée, nous plantons le campement sur les berges de la lagune Grande de Los Verdes, vaste miroir cerné par les frailejones, une espèce de plante géante typique du páramo et concernant plusieurs pays d’Amérique latine (Venezuela, Équateur, Colombie, Pérou, Chili), rappelant étrangement les séneçons et lobélies rencontrés sur les pentes du Kilimandjaro ou du mont Kenya, également proches des latitudes équatoriales. Un berger qui vit ici dans une cabane à la belle saison nous offre quelques truites qui agrémenteront très décemment notre dîner. La nuit sera glaciale, je relève au matin zéro degré dans la tente… Chaque étape quotidienne nous réserve une ou plusieurs crêtes à franchir. Personne ou presque en vue. Nous ne croiserons pas plus d’une demi-douzaine de randonneurs en une semaine de marche, alors que nous sommes en haute saison ! Aujourd’hui, deux cols au programme, pour parvenir sur le flanc est de la cordillère, dont le Boqueron de la Sierra,

demi-heure de piste du premier, plus proche d’eux, reste leur seul point de contact avec la société colombienne. Ce matin, j’ai vu la falaise d’où, au XVIe siècle, un clan entier d’U’wa, et leur cacique guicani, se précipitèrent dans le vide devant la percée espagnole, préférant le suicide collectif à la honte de l’asservissement. En avril 1997, pour protester contre l’intrusion des engins de chantier de la société pétrolière Oxy sur leur réserve, les 5 000 U’wa menacèrent de répéter le mythe fondateur de leur tribu, et la multinationale américaine dut renoncer à ses forages. En écho à cet épisode qui marqua le début de la reconquête, par les peuples premiers, de leurs droits fondamentaux, propriété de

la terre et liberté de décision en matière de développement local, voici un extrait de la lettre que les U’wa adressèrent alors au monde, pour sensibiliser l’opinion au problème pétrolier sur leur territoire sacré : « Nous naissons en étant fils de la terre… Cela, nous les Indiens, ne pouvons pas le changer Et pas non plus le riowa (l’homme blanc). Nous autres, nous nous demandons : est-ce dans les coutumes des blancs de vendre leur mère ? Nous savons que le riowa a mis un prix sur tout ce qui vit, même sur la pierre ; il fait des affaires avec son propre sang et voudrait que nous fassions de même sur notre territoire sacré avec ruiria, le sang de la terre qu’ils appellent pétrole. Tout cela est étranger à nos

coutumes. Et nous demandons au riowa : comment fixe-t-on le prix de la mère et à combien s’élève ce prix ? Nous demandons cela parce que nous croyons que lui, qui est civilisé, connaît peut-être une façon de mettre un prix sur sa mère et de la vendre sans ressentir la honte que ressentirait un primitif. »(1) Aujourd’hui, les U’wa sont en conflit avec le parc national, car ce dernier interdit aux troupeaux les pâturages fragiles du páramo, or les Indiens revendiquent la cordillère comme un sanctuaire, qu’ils voudraient interdire aux touristes. D’après les guides locaux, les dégâts environnementaux causés par leur bétail et leurs brûlis seraient toutefois nettement plus importants que l’impact de la poignée

l’un des plus hauts passages obligatoires de la vuelta, à 4 650 mètres. Le terrain est rocailleux, l’altitude — toujours à plus de 4 000 mètres — se fait lourdement sentir dans les jambes et les poumons. Chaque jour aussi, plusieurs lagunes colorées viennent récompenser nos efforts. S’y mire une litanie de sommets tour à tour pointus ou arrondis, souvent parés de diadèmes glaciaires. Splendide ! Au troisième jour de trek, après avoir péniblement réparti dans nos sacs les charges de la mule qui s’en est retournée, nous pénétrons dans la fameuse vallée de Los Cojines («les coussins»), un étrange écosystème de 5 kilomètres de long sur 1 de large, formé par un marécage d’altitude occupé par des pelouses tourbeuses formant des coussinets vert tendre, très proches des pozzines corses ! Il faut, pour progresser, sauter de coussin en coussin, en enjambant les bras d’eau, où surnagent d’étranges racines blanches en filaments translucides. Le soleil, généreux en matinée, joue à cache-cache l’après-midi, et

La Piedra del Diamante est, à 4 700 mètres d’altitude, une curiosité géologique : une roche de la taille d’un immeuble, posée en équilibre au bord d’un abîme insondable.

Les métayers de l’hacienda La Esperanza se rassemblent à la tombée du jour pour prendre le souper dans la cuisine familiale en adobe.

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L’UNE DES PÉPITES NATURELLES LES MIEUX CACHÉES D’AMÉRIQUE LATINE

le décor éclatant de la cordillère se mue alors en un univers onirique et trouble, glacial et sourdement menaçant, où passent en chuintant des volutes de brumes délétères. Notre guide Arturo vient d’El Cocuy, notre cuistot, Carlito, de Güicán. Deux villages voisins, ennemis depuis toujours. Éternel clochemerle ! Chaque communauté avait créé son association — de guides à El Cocuy, pour la préservation de l’environnement à Güicán. Mais les frères ennemis ont su dépasser leurs jalousies ancestrales. Ils viennent de fusionner afin d’obtenir du gouvernement la gestion d’un des refuges majeurs du parc, qui donne accès au Pan de Azucar, un sommet emblématique de la cordillère. Une belle victoire en matière de développement communautaire. Dans la soirée du cinquième jour, nous rejoignons, éreintés, la lagune de la Plaza, « le plus beau lac de montagne d’Amérique latine », dixit la brochure du parc. Une petite mer intérieure à 4 300 mètres d’altitude, de 63 mètres de profondeur, et bordée de hautes tours rocheuses élégamment ciselées, dont la

contemplation se révèle en effet vite ensorcelante. Il faut une bonne demi-journée pour en faire le tour. Le réchauffement planétaire, ici aussi, cause la fonte inquiétante des glaciers, qui reculent en moyenne de 25 mètres par an. « Il y a trente ans, mon père, l’un des guides pionniers du Cocuy, m’a raconté que les glaciers descendaient de toute part jusqu’à la lagune. Aujourd’hui ils semblent tellement loin, presque inaccessibles » murmure pensivement Arturo. « À ce rythme, les glaciers auront totalement disparu avant 2025… » Je me remémore notre visite à Don Pastor, la mémoire d’El Cocuy, la veille du départ. Le vieux guide qui a tout vu, tout connu, est couché dans sa chambre encombrée de bondieuseries, avec une peinture différente pour chaque mur. Il porte encore beau, en veste et sombrero, même au fond de son lit. Je remarque son visage énergique, ses doigts crochus par l’arthrite, et sa belle personnalité. « J’ai toujours aimé courir la montagne. C’est grâce à elle si je suis de la graine de cente-

Les cerros de la Plaza et les glaciers suspendus du Pan de Azucar, 5 100 mètres, renvoient par réfraction optique un halo surnaturel, juste avant le premier soleil.

Peu avant la vallée de Los Cojines, une lagune turquoise exhibe la végétation typique des tourbières d’altitude, des archipels de « mousses » émergées, aux curieuses racines translucides.

naire ! Un soir, les guérilleros sont venus me rançonner au bivouac, sous prétexte que je guidais des touristes. Je leur ai dit : pourquoi vous donnerais-je mon argent ? Quel service m’avez-vous rendu, quelle marchandise m’avez-vous livrée ? Vous n’êtes ni médecins, ni épiciers ! Ils me malmenèrent quelque peu, mais repartirent sans un sou… » C’est le lendemain, au cours d’une journée d’anthologie passée à évoluer sur les crêtes en gradins surplombant ce bassin enchanteur, que nous prendrons la pleine mesure d’un paysage digne de figurer parmi le « top ten» des plus beaux sites d’altitude au monde. Traversant comme en songe plusieurs glaciers ludiques, nous poursuivons, juchés

sur un fil rocheux à l’altitude du mont Blanc, jusqu’à un bloc cyclopéen posé en équilibre au bord du vide, semblant déposé là par une main géante. Nous contemplons, grisés par tant d’espace et de lumière, un double panorama. D’un côté, vers l’est, mille mètres sous nos pieds, l’abîme de la vallée de Mortinol, dégringolant en une semaine de marche vers les jungles tropicales des Llanos. Et de l’autre côté, vers l’ouest, le camaïeu improbable de la myriade de lagunes azur, des poches de glace immaculées et des rampes rocheuses passées au pochoir des sédiments ferreux ou ferrique, en tout cas féeriques ! Il nous reste encore une grosse journée de marche et trois cols à franchir pour retrouver

la douceur du bourg d’El Cocuy et les thermes réparateurs de Güicán. Mais, pour l’heure, nous flottons dans l’éther de la félicité, tutoyant le ciel et enrichissant notre imaginaire de nouveaux horizons. Il est des lieux d’exception loin du fracas des armes et des tourments humains. La cordillère d’El Cocuy fait désormais partie de ces jardins secrets.

(1) Pour lire le texte complet de la Lettre des U’wa au monde : www.oilwatch.org/doc/paises/colombia /colombia2003fra.pdf http://mesamerindiens.canalblog.com/ archives/2011/02/16/20049863.html

Guide pratique pages 108 et 109.

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