TOME 1
Référentiel VIH et droits humains
VIH, Droits humains et Santé
Juin 2021
Référentiel VIH et droits humains
TOME 1 VIH, Droits humains et Santé
Référentiel VIH et droits humains Tome 1
Partenaires
OFFICE NATIONAL DE LA FAMILLE ET DE LA POPULATION Adresse : 07 rue Hattab Bouchnaq, Centre urbain nord, 1082 Tunis. Tél. : (+216) 70 729 090 Fax : (+216) 70 728 855 Adresse Email. : boc.onfp@rns.tn Portail : www.onfp.tn AVOCATS SANS FRONTIÈRES, BUREAU DE TUNIS Adresse : rue Azmir, Notre Dame, Tunis. Tél. : (+216) 71 894 002 Fax : (+216) 71 894 002 Site web : www.asf.com DIRECTION DES SOINS DE SANTÉ DE BASE/ PROGRAMME NATIONAL DE LUTTE CONTRE LES IST ET LE SIDA (PNLS) Adresse : Rue Elkortum, Tunis Belvédère Tél. : (+216) 71 789 148 Fax : (+216) 71 789 679 ASSOCIATION TUNISIENNE DE LA SANTÉ DE LA REPRODUCTION Adresse : 14 rue Ibrahim Ibn Abedelrafii, Cité El khadra 1003 Tunis Tél. : (+216) 71 808 935 / 71 808 952 Fax. : (+216) 71 808 953 Adresse Email. : atsr@atsrtn.org Site Web : atsrtn.org ASSOCIATION TUNISIENNE D’INFORMATION ET D’ORIENTATION SUR LE SIDA ET LA TOXICOMANIE Adresse : 43 Avenue Hédi saidi Beb Saadoun Tunis Adresse Email: atiost.sida.toxicomanie@gmail.com Tél. : (+216) 71 957 544 Fax. : (+216) 71 957 511 Site Web : www.atiost.org.tn 4
ASSOCIATION TUNISIENNE DE PRÉVENTION POSITIVE Adresse : 9, rue 7443, Ardh Hrichi, Manar 1 Tel : (+216) 36 381 108/07 Adresse Email. : association.atpp@gmail.com ASSOCIATION TUNISIENNE DE LUTTE CONTRE LES MALADIES SEXUELLEMENT TRANSMISSIBLES ET LE SIDA – BUREAU NATIONAL DE SFAX Adresse : Avenue 5 août, Rue du 19 juillet, 3002 Sfax Tél. : (+216) 74 203 500 Fax. : (+216) 74 228 397 Adresse Email. : atl.bn.sfax@gmail.com ; Site web : www.atlmstsida.com ASSOCIATION TUNISIENNE DE LUTTE CONTRE LES MALADIES SEXUELLEMENT TRANSMISSIBLES ET LE SIDA – SECTION DE TUNIS Adresse : 7, Rue El Khalil, Menzeh 8, 2037 Tél. : (+216) 70 866 186 Fax. : (+216) 70 866 588 Adresse Email. : atlsidatunis@gmail.com Site web : atltunis.org MÉCANISME DE COORDINATION TUNISIENNE POUR LA RIPOSTE AUX FLÉAUX SANITAIRES Adresse : 101 Avenue d’Afrique El Menzeh 5, 2091 Ariana Tunis, Tunisie Tél. : (+216) 71 230 396 Fax. : (+216) 71 230 396 Adresse Email. : ccm.tunisie@ccmtunisie.org.tn Site web: www.ccmtunisie.org.tn PROGRAMME COMMUN DES NATIONS UNIES SUR LE VIH / SIDA - BUREAU DE TUNIS c/o OMS Rue du Développement - Cité el Khadhra 1053 Tunis Tél. : (+216) 71 155 636 Fax. : (+216) 71 155 634 Email : SouaL@unaids.org Site web: www.unaids.org
5
Référentiel VIH et droits humains Tome 1
Comité de pilotage
Comité de pilotage
Auteur : Pr Ali Mrabet, Consultant, Professeur en médecine préventive et santé publique, Faculté de médecine de Tunis. Coordination et suivi : • Unité de gestion du programme Fonds Mondial, Office national de la famille et de la population, Tunisie. Dr Mohamed Kheireddine Khaled, Coordinateur du Programme Fonds Mondial de lutte contre le Sida, la tuberculose et le paludisme Dr Lamia Ben Hassine. Chargée de la communication et de la coordination entre les régions et point focal VIH et droits humains. • Avocats sans frontières -Tunisie Mme Najia Bounaimi, Directrice pays. Mme Amira Derbali, Coordinatrice de projet VIH et droits humains Assistance technique international du Fonds Mondial : M. Christian Tshimbalanga Mwata : Consultant international en santé et droits humains. Comité de pilotage : • Mécanisme de coordination Tunisienne pour la Riposte aux Fléaux Sanitaires (CCM) Pr Mohamed Chakroun, Président du CCM. Chef de service des maladies infectieuses, Centre Hospitalo-Universitaire Fattouma Bourguiba, Monastir, Tunisie.
8
• Programme national de lutte contre les infections sexuellement transmissibles et le Sida, Direction des soins de santé de Base (PNLS -DSSB- Ministère de la santé) Dr Faouzi Abid, Médecin principal de santé publique, Chef de service des maladies infectieuses et Coordinateur des programmes nationaux de lutte contre le Sida, la tuberculose et le paludisme.
• Programme commun des Nations unies sur le VIH/Sida (ONUSIDA) M Lassaad Soua. Directeur pays. • Représentant de l’Office national de la famille et de la population, Bénéficiaire principal de la subvention du Fonds Mondial Dr Fatma Temimi, sous-directrice des services médicaux et coordinatrice du programme Fonds Mondial à l’ONFP. • Représentants des ONG Sous récipiendaires Mme Irzek Knitech, Directrice exécutive. Association Tunisienne pour la Santé de la Reproduction. Mme Houyem Boukassoula, Psychologue clinicienne. Secrétaire Général. Association Tunisienne d’Information et d’Orientation sur le Sida et la Toxicomanie. Mme Souhaila Ben Said, Présidente. Association Tunisienne de Prévention Positive. Dr Faten Msakni, Asistante sociale. Association Tunisienne de Lutte contre les Maladies Sexuellement Transmissibles et le Sida, Bureau National, Sfax. Mr Oussama Bouagila, Juriste. Association Tunisienne de Lutte contre les Maladies Sexuellement Transmissibles et le Sida, Bureau Tunis. • Avocats sans frontières -Tunisie Mme Najia Bounaim. Mme Amira Derbali. M Lamine Ben Ghazi. Coordinateur de projets. • Unité de gestion du programme Fonds Mondial, Office national de la Famille et de la Population, Tunisie Dr Mohamed Khaled Kheireddine. Dr Lamia Ben Hassine. Comité de lecture et de révision linguistique du document : Dr Farouk Ben Mansour, Consultant chargé de la lecture et de la révision linguistique du document. Dr Lamia Ben Hassine. Mme Amira Derbali.
9
Référentiel VIH et droits humains Tome 1
Résumé
Résumé
Depuis l’apparition du virus de l’immunodéficience humaine (VIH) en Tunisie en 1984, Le nombre de nouveaux cas et de décès ne cesse d’augmenter d’une année à l’autre au mépris de la disponibilité des moyens de prévention. L’analyse des données montre que le VIH/SIDA se concentre auprès des populations les plus à risque et qui sont : les usagers de drogues injectables, les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes et les professionnelles de sexe. Elle indique de même que ces populations ne profitent, que dans une faible mesure, des offres de dépistage du VIH et des mesures préventives. Elles subissent des stigmatisations et des discriminations avilissantes avec violations de leurs droits à la dignité humaine de la part d’une frange importante de la société. C’est ainsi que l’environnement socioculturel présente une entrave majeure aux efforts fournis pour amortir la propagation du VIH et réduire ses répercussions. Les législations sur ce sujet diffèrent d’un pays à l’autre. Certaines contribuent directement ou indirectement à la violation des droits de personnes porteuses du VIH ; par son mutisme ou par sa condamnation claire des comportements et actes des personnes vivant avec le virus de l’immunodéficience humaine (PVVIH). La législation tunisienne condamne le commerce et l’usage des stupéfiants de même que l’homosexualité masculine et la prostitution hors des lieux autorisés. Le respect de la dignité des PVVIH, basée sur l’application et la défense des droits universels de l’Homme, est d’un grand appui pour la réussite des stratégies globales de lutte contre la propagation du Sida. Elle permet d’atteindre les buts de la stratégie nationale et de réaliser, dans les meilleures proportions « Les Objectifs de Développement Durable 2030 » des Nations Unies.
Le VIH en Tunisie 12
Afin de mieux saisir les motivations cachées derrière les comportements de la société tunisienne à l’égard du VIH et des PVVIH, nous présenterons quelques-unes de ses particularités. La Tunisie s’est distinguée depuis
son indépendance en 1956 des pays arabo-musulmans et africains par une politique de développement global et intégré touchant les différents secteurs pour mettre le pays sur la voie de la modernité. Beaucoup d’initiatives pertinentes ont été prises dans ce sens. Les plus marquantes sont le code du statut personnel, le programme national de planification des naissances, La couverture sanitaire du pays et la généralisation de l’éducation. Malheureusement le développement n’a pas été équitable et harmonieux puisqu’il a profité aux régions côtières au dépend des régions non côtières du Centre et du Nord du pays. Depuis la révolution de 2011, la situation s’est dégradée sur tous les plans et en particulier l’emploi, le pouvoir d’achat, la santé publique et l’enseignement. Pour ce qui est de la situation épidémiologique, la propagation du VIH était jusqu’au milieu des années 2000 peu active avec un faible taux de prévalence dans la population générale (0.1%). Différentes analyses ont montré que cette prévalence est en augmentation et qu’elle est concentrée auprès des « populations les plus à risque » et plus particulièrement chez les hommes appartenant à la tranche d’âge 30-34 ans. Le suivi de la situation montre que le chiffre des PVVIH ne cesse d’augmenter. La répartition par sexe dénote une augmentation du nombre des femmes sans toutefois atteindre celle des hommes. La répartition géographique indique que 90% des cas se concentrent au district du Grand Tunis et aux zones côtières. Les résidents étrangers en Tunisie représentent plus que la moitié des nouveaux cas. Il s’agit de libyens et d’étudiants originaires de l’Afrique subsaharienne. Ces personnes s’adressent essentiellement au secteur privé. Ainsi et après différentes analyses, l’épidémie en Tunisie se caractérise par sa basse prévalence, assez stable au niveau de la population générale, son hétérogénéité sur le plan géographique est «cachée» chez un pourcentage non négligeable de la population qui ignorent leur statut sérologique. Les modes de transmission du virus diffèrent en fréquence, les relations hétérosexuelles occupent la première place suivies de l’usage de drogues injectables et enfin de l’homosexualité masculine.
La riposte nationale au VIH Le «Programme national de lutte contre le Sida et les infections sexuellement transmissibles» (PNLS/IST) est la structure chargée de la riposte au VIH/SIDA. Il est le point focal national sur le sujet. Il est en charge de la collecte et de la diffusion des informations relatives à l’épidémie du VIH. Il coordonne les activités de soins, de traitement et de soutien à la population la plus vulnérable. Il œuvre pour une meilleure identification de la population cible, de sa surveillance et de son suivi par des enquêtes
13
sérocomportementales. Il procède à la cartographie des localités les plus touchées. Il explore et analyse la dynamique de transmission du virus et la manière selon laquelle les PVVIH interagissent avec le reste de la population. Il propose les aménagements éthiques et juridiques qui s’imposent pour assurer l’application des droits humains des PVVIH. A côté de ces actions il intervient sur le terrain en organisant des rencontres d’information, d’éducation et de communication. Afin de coordonner ses activités avec le « Programme des Nations Unies sur le VIH/Sida », la Tunisie s’est engagée en faveur du programme 2011-2015 appelé « Objectif zéro » pour la réduction de l’endémie avec zéro nouvelle infection, zéro décès lié au Sida et zéro discrimination. Le dernier « Plan Stratégique National 2018-2022» repose sur les orientations suivantes : 1) L’amélioration de l’état de santé des PVVIH avec réduction de nouvelles infections, de la mortalité liée au VIH et élimination de la transmission du VIH de la mère à son enfant. 2) La mise en œuvre des droits humains, basée sur les normes internationales des Droits de l’Homme afin d’inciter au respect des PVVIH et de dissuader toute stigmatisation à leur encontre. 3) L’amélioration de la gestion régionale du programme par le renforcement de la gouvernance régionale avec implication, dans les différentes phases, des divers acteurs : Les partenaires de la société civile, les représentants des PVVIH, les professionnels de la santé, les chercheurs et autres. 4) Le soutien des PVVIH pour une meilleure qualité de vie en levant les obstacles de leur accès aux services de prévention et de soins. 5) La décentralisation du management des activités afin que le programme puisse répondre aux spécificités régionales dans le respect des grandes orientations nationales.
14
Le dépistage du VIH est effectué dans le secteur public dans les « Centres de conseil et de dépistage anonymes et gratuits» (CCDAG), et certaines consultations des ONG actives dans le domaine. Cette stratégie gagnerait à être actualisée, du fait que certains CCDAG ne sont pas fonctionnels, qu’ils sont situés à une certaine distance des domiciles des populations cibles et que leurs horaires de travail, ne répondent pas aux disponibilités de ces populations du fait qu’ils ne sont ouverts qu’une demie journée seulement.
La prise en charge intégrée des PVVIH est gratuite pour les tunisiens dans les 4 services qui lui sont réservés. Elle rencontre certaines difficultés dues notamment au manque du personnel.
Stigmatisation et discrimination Les PVVIH souffrent d’une dépréciation qui les dénigre aux yeux de leurs concitoyens entraînant une stigmatisation qui porte sur leur état de santé et leurs comportements jugés contraires aux normes sociales. Elle est alimentée par des pensées et des jugements négatifs déjà présents dans la conscience collective de la population, qui considère le commerce du sexe, l’usage de la drogue et l’homosexualité notamment masculine comme étant immoraux. La discrimination fait suite à la stigmatisation et la renforce. Elle traduit la peur d’attraper le Sida, cette maladie jugée honteuse et mortelle. Elle accentue les inégalités sociales en déclassant les PVVIH vers le bas de l’échelle sociale, ce qui provoque chez elles un sentiment d’injustice devant lequel elles se trouvent impuissantes et désarmées. Elles finissent par se replier sur elles-mêmes ; habitées par des pensées de culpabilité et de honte conduisant à l’auto-stigmatisation qui prête le terrain au désespoir, à la dépression voir même au suicide. La discrimination se traduit par le harcèlement, la violence physique, la déconsidération et les reproches verbaux sur un ton parfois agressif contre une personne dont le statut VIH est confirmé ou supposé l’être. Elle s’observe à plusieurs niveaux tels que les services de soins, le milieu professionnel, certains milieux familiaux, les écoles, les marchés et autres lieux d’intérêt public. Il s’agit d’une violation franche des droits de l’Homme, qui aggrave l’impact socio sanitaire du VIH, accroît la vulnérabilité des personnes qui en sont porteuses et fait obstacle aux actions de riposte au Sida. Les médias et certaines chaines de télévision, empruntant le pas au reste de la société, présentent les PVVIH et le Sida avec des qualificatifs accusateurs lorsqu’elles parlent de «Maladie de femmes» ou «Maladie des noirs» ou «Maladie des gays». L’association du VIH aux groupes et aux pratiques déjà stigmatisés aggrave les inégalités existantes, renforce l’instauration et la reproduction de rapports de pouvoir inéquitables et privent une frange de la population de ses droits universels de liberté, d’égalité et de respect. L’ONU a souligné lors de l’assemblée générale de 2001, la nécessité de lutter contre les stigmatisations et les discriminations et réaffirmé que ces
15
agissements constituent une violation aux droits humains et qu’il revient aux Etats d’assurer l’application et le respect de ces droits pour le bien-être de la population entière. Une étude qualitative menée en 2019 auprès d’un échantillon de populations clés a essayé d’identifier les obstacles à la prévention et au dépistage du VIH/Sida chez ces populations. Les participants étaient unanimes à se plaindre de la stigmatisation et de la discrimination qu’ils rencontrent dans tous les domaines de la vie, et qui se manifestent par des actes désobligeants et irrespectueux tels que les regards péjoratifs et démoralisants, le pointage du doigt, l’évitement du rapprochement physique ainsi que d’autres attitudes décevantes. Suite à quoi les participants à cette étude ressentent des sentiments d’humiliation (93%), d’injustice (86%) et de tristesse (80%). Dans les milieux hospitaliers, c’est le personnel infirmier qui est le plus souvent mis en accusation (80%) dans de rares cas (13%) la discrimination est allée jusqu’au refus de livrer le traitement. Au niveau familial, la moitié des personnes se plaignent de changement des comportements, d’un évitement du rapprochement physique et d’une crainte de contamination. Le comble étant l’expulsion du domicile familial cité dans 13% des cas.
Promotion et protection des droits humains liés au VIH Puisque les PVVIH font l’objet de stigmatisation et de discrimination dans différents contextes, des initiatives de protection doivent être prises sur plusieurs fronts. Parmi les mesures de lutte, citons les actions médiatiques en faveur des droits des PVVIH en insistant sur la mobilisation des leaders d’opinion et l’aménagement des espaces de travail dans les structures sanitaires pour assurer la confidentialité des entretiens et des informations personnelles et leur implication dans des activités de soutien et de plaidoyer pour leur cause et l’application des mesures législatives qui conviennent pour s’opposer à la stigmatisation, à la discrimination et aux autres violations des droits des PVVIH. En conclusion, la riposte au VIH/SIDA en Tunisie, ne peut être efficace qu’avec une stratégie qui inclue le respect des PVVIH et l’application de leurs droits humains reconnus à l’échelle universelle.
Quant aux PVVIH parmi les migrants étudiants, leurs déclarations sur le sujet traduisent un manque d’information sur la situation en Tunisie et leurs droits et obligations dans le cadre de la prévention du VIH. Ils se plaignent des relations inter sociales et assurent que la stigmatisation et la discrimination dont ils font l’objet sont, pour eux, une tragédie. Il leur est demandé de présenter avant de rejoindre les structures universitaires (contrairement aux tunisiens) dans le dossier d’inscription ce qui prouve qu’ils ont effectué des prélèvements sanguins pour la recherche de maladies contagieuses dont le Sida. Une étude menée en 2016 déplore la situation des PVVIH étrangères, du fait qu’elles n’ont pas accès à la prise en charge et à la gratuité du traitement dans les structures du secteur public. Elles se rabattent, de ce fait, sur les services du secteur privé.
16
17
Référentiel VIH et droits humains Tome 1
Sommaire
Sommaire
Liste des tableaux ............................................................................ 24 Liste des figures ............................................................................... 25 Liste des abréviations ...................................................................... 27 Introduction .................................................................................... 31 Chapitre 1 : Le VIH en Tunisie ....................................................... 35
3.1. Stigmatisation et discrimination : des obstacles à la prévention 77 et au dépistage du VIH chez les populations clés en Tunisie ........... 3.2. Perception des PVVIH de la stigmatisation et de la discrimination 82
1.1. Rappel du contexte géographique, démographique, socio- 36 économique et sanitaire de la Tunisie .............................................
3.3. Témoignage et accès aux soins pour les migrants vivant avec 83 le VIH en Tunisie ..............................................................................
1.3. Riposte au VIH en Tunisie ........................................................ 49
3.5. Vécu des professionnels (lles) du sexe ..................................... 88
1.2. Situation épidémiologique du VIH en Tunisie ............................. 44 1.3.1. Le programme national de lutte contre le Sida et les maladies 50 sexuellement transmissibles (PNLS) ............................................... 1.3.2. Plan Stratégique National 2018-2022 .................................... 52 1.3.3. Vision de la riposte nationale au Sida à l’horizon 2030 ............ 53 1.3.4. Principaux résultats et défis de la riposte nationale ................. 54 Chapitre 2 : la stigmatisation et la discrimination .......................... 61 2.1. La stigmatisation : définition ...................................................... 62 2.2. La discrimination : définition ...................................................... 65 2.3. Liens entre Stigmatisation, Discrimination et Droits de la 67 personne ......................................................................................... 2.4. Répercussions de la stigmatisation et de la discrimination
20
Chapitre 3 : Vécu des PVVIH, populations clés et vulnérables 75 en matière de stigmatisation, discrimination et non respect de leurs droits .....................................................................................
69
3.4. Vécu des hommes ayant des rapports sexuels avec des 86 hommes ........................................................................................... 3.6. Vécu des jeunes populations clés ............................................. 88 3.7. Le VIH en situations d’exception ............................................... 88 3.7.1. Impact de la pandémie Covid-19 sur la prise en charge des 88 personnes à risque d’exposition au VIH et les PVVIH .....................
3.7.2. Violences sexuelles, VIH et conflits armés ............................ 90 Chapitre 4 : Promotion et protection des droits humains lies 95 au VIHET au Sida et le genre ........................................................ 4.1. Les mesures de lutte ................................................................. 97 4.2. Indicateurs d’une bonne action de réduction de la stigmatisation 99 et de la discrimination ...................................................................... Bibliographie .................................................................................
103
Annexe ...........................................................................................
111 21
Référentiel VIH et droits humains Tome 1
Tableaux & Figures
Liste des tableaux
Liste des figures
Tableau 1 : Population tunisienne au 1er Juillet
Figure 1 : Évolution du Sexe ratio des cas de VIH/SIDA notifiés de 1986 à 2016
Tableau 2 : Évolution des indicateurs démographiques en Tunisie 2010-2018
Figure 2 : Évolution de l’âge moyen des nouveaux cas de VIH/SIDA de 1986 à 2016 selon le genre
Tableau 3 : Évolution de la prévalence du VIH chez les populations clés Tableau 4 : Nombre de personnes vivant avec le VIH Tableau 5 : Statistiques sur l’état de l’épidémie de Sida en Tunisie Tableau 6 : Pourcentage d’adultes et d’enfants vivant avec le VIH connus pour suivre un traitement antirétroviral 12 mois après avoir commencé
Figure 3 : Distribution des modes de transmission des nouveaux cas de VIH/Sida par, genre en Tunisie de 2012 à 2016 Figure 4 : Le cycle de la stigmatisation et de la marginalisation Figure 5 : Le cycle de la stigmatisation, de la discrimination et des violations des droits de la personne Figure 6 : Ensemble des mesures, allant de la prévention à la prise en charge et au traitement
Figure 7 : Les répercussions de la stigmatisation et de la discrimination associées au sida sur l’ensemble des mesures, allant de la prévention à la prise en charge et au traitement Figure 8 : Les pourcentages de violation contre les PVVIH et Populations clés Figure 9 : Pourcentage des différents types des violations contre les PVVIH et les populations clés
24
Figure 10 : Accès aux soins pour les migrants vivant avec le VIH entre réalité et perspectives
25
Référentiel VIH et droits humains Tome 1
Abréviations
Abréviations
:
Association Tunisienne de Lutte contre les Maladies Sexuellement Transmissibles et le Sida
ONG
:
Organisation non gouvernementale
:
Centre de Conseil et de Dépistage Anonyme et Gratuit
PNLS
:
Programme National de Lutte contre le Sida
PSN
:
Plan Stratégique National
CNAM
:
Caisse Nationale d’Assurance Maladie
PVVIH
:
Personnes Vivant avec le VIH
CNLS
:
Comité National de Lutte contre le Sida
Sida
:
Syndrome d’Immunodéficience acquise
CNSS
:
Caisse Nationale de Sécurité Sociale
SSR
:
Santé Sexuelle et Reproductive
CSB
:
Centre de soins de santé de base
TARV
:
Traitement antirétroviral
DSSB
:
Direction des Soins de Santé de Base
TMI
:
Taux de mortalité infantile
:
Fonds mondial de lutte contre le Sida la Tuberculose et le Paludisme
PS
:
Professionnels(lles) du Sexe
UDI
:
Usagers de Drogues Injectables
:
Homme ayant des rapports Sexuels avec des Hommes
VIH
:
Virus de l’immunodéficience humaine
IEC
:
Information, Éducation et Communication
INS
:
Institut National des Statistiques
IST
:
Infections Sexuellement Transmissibles
MDO
:
Maladie à Déclaration Obligatoire
:
Middle East and North Africa (région du MoyenOrient et de l’Afrique du Nord)
:
Multiple Indicators Cluster Survey (Enquête Grappe à Indicateurs Multiples)
MST
:
Maladies Sexuellement Transmissibles
ODD
:
Objectifs de Développement Durable
ONFP
:
Office National de la Famille et de la Population
ATL MST Sida CCDAG
FM HSH
MENA MICS
28
29
Référentiel VIH et droits humains Tome 1
Introduction
Introduction
L’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), responsable du syndrome de l’immunodéficience acquise (Sida) chez l’Homme, constitue un problème mondial majeur de santé publique. En Tunisie, l’épidémie de l’infection par le VIH était considérée jusqu’au milieu des années 2000 comme peu active, avec un taux de prévalence inférieure à 0,1% dans la population générale. Cependant, les enquêtes sérocomportementales, réalisées entre 2009 et 2018, ont montré que la prévalence du VIH était « concentrée » auprès des populations les plus à risque ou « populations clés ». Depuis 2010, le nombre de décès liés au Sida a augmenté de +306% et le nombre de nouvelles infections a augmenté de +22%. Malgré la mise à disposition d’un éventail de plus en plus vaste d’outils et de méthodes efficaces de prévention du VIH, les populations clés en Tunisie qui devraient être la cible prioritaire des interventions d’offre de dépistage représentent une faible proportion des personnes qui en sont bénéficiaires. Les résultats des actions de prévention du VIH en 2018 montrent que seulement 7,8% des professionnelles du sexe (PS) ont fait un test de dépistage et que seulement 34,8% des hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH) ont utilisé des préservatifs lors de leur dernier rapport sexuel. Ainsi l’épidémie du VIH, plus particulièrement chez les populations clés, continue d’être alimentée par la stigmatisation et la discrimination, l’inégalité de genre, la violence, le manque de capacitation des communautés, les violations des droits de l’homme, ainsi que les lois et politiques criminalisant la consommation d’alcool(4),(5) et diverses formes d’identité sexuelle. Ces facteurs socio-structurels constituent des obstacles majeurs à la prévention de l’infection à VIH, à la fourniture de soins, d’appui et de traitement, et à l’atténuation de l’impact de l’épidémie. Shuper PA, Neuman M, Kanteres F, Baliunas D, Joharchi N, Rehm J. Causal considerations on alcohol and HIV/AIDS: A systematic review. Alcohol and Alcoholism. 2010;45(2):159-66. 5 Hahn JA, Samet JH. Alcohol and HIV disease progression: Weighing the evidence. Curr HIV/AIDS Rep. 2010 ;7 :226-33.
En effet, la lutte contre le VIH repose entre autres sur le respect des droits Humains, du genre et de l’équité afin de réduire la discrimination des Personnes Vivant avec le VIH (PVVIH) et des populations clés et vulnérables. C’est dans ce cadre que les Objectifs de Développement Durable (ODD), la Déclaration politique sur le VIH/Sida de 2016 et la stratégie de l’ONUSIDA 2016-2021, visent l’accélération de la riposte pour atteindre zéro nouvelle infection à VIH, zéro décès liés au Sida et zéro discrimination et la fin de l’épidémie du Sida. Une approche fondée sur les droits de l’homme est essentielle pour en finir avec le Sida comme menace de santé publique. Les approches fondées sur les droits créent un environnement propice à la réussite des ripostes au VIH et affirment la dignité des PVVIH ou exposées au virus.(6) Ainsi, quatre chapitres sont développés, à savoir : - La problématique du VIH c.à.d. la situation épidémiologique en Tunisie et la stratégie nationale mise en œuvre pour riposter à ce problème de santé ; avec un rappel du contexte géographique, démographique, socio-économique et sanitaire de la Tunisie. - La stigmatisation et la discrimination : définir, comprendre et analyser ces phénomènes, dans le cadre du VIH. - Une synthèse et certains récits de vécu des PVVIH, populations clés et vulnérables en matière de stigmatisation, discrimination et non-respect de leurs droits ; ainsi que le VIH en situations d’exception. - Des recommandations dont l’objectif principal est de promouvoir et protéger les droits humains liés au VIH et au Sida et le genre afin de converger vers la vision zéro nouvelle infection au VIH, zéro discrimination et zéro décès liés au Sida en Tunisie. Ces recommandations reposent sur : - La réduction de la stigmatisation et de la discrimination des PVVIH et des populations clés en milieu de santé ; - La protection des droits humains des PVVIH et des populations vulnérables en milieu institutionnel ; - La réduction des obstacles à l’accès des populations vulnérables aux services de santé.
4
32
6
ONUSIDA, Notre Action. Droits de l’homme. http://www.unaids.org/fr/topic/rights
33
Référentiel VIH et droits humains Tome 1
Premier chapitre
Le VIH en Tunisie 1.1. Rappel du contexte géographique, démographique, socio-économique et sanitaire de la Tunisie 1.2. Situation épidémiologique du VIH en Tunisie 1.3. Riposte au VIH en Tunisie
Premier Chapitre
1.1. Rappel du contexte géographique, démographique, socio-économique et sanitaire de la Tunisie. La Tunisie a incontestablement un parcours original, la distinguant de tous les pays arabo-musulmans et africains. L’abolition de la polygamie, intervenue dès l’indépendance (1956) associée à une politique de planification familiale et aux progrès du système de santé, explique en grande partie, le modèle de transition observé en Tunisie.
enfants ; En 1961, la loi n°61/7 du 9 janvier 1961 modifie la législation qui régissait jusque-là la contraception, en levant l’interdiction qui frappait l’importation, la vente, la publicité des moyens contraceptifs ; l’âge minimal au mariage est encore rehaussé en 1964 à 17 ans pour les femmes et 20 ans pour les hommes ; en 1965 l’avortement est autorisé, dans les trois premiers mois de la grossesse, pour les femmes ayant déjà cinq enfants. Le 23 septembre 1973, la clause du nombre d’enfants disparaît, et l’avortement devient libre.) et aux progrès du système de santé, explique en grande partie, le modèle de transition observé en Tunisie. La population totale du pays a été multipliée par 2,6 depuis l’indépendance, passant de 3.780 millions habitants en 1956 à 10.329 millions habitants en 2010, et 10.673 millions habitants en 2011. Elle serait de 12.028 millions d’habitants vers la fin de l’année 2020.(4),(5) Tableau 1 : Population tunisienne au 1er Juillet (Source : Institut National de la Statistique)
1.1.1. Contexte géographique de la Tunisie La Tunisie est un pays d’Afrique du Nord qui s’étend sur une superficie de 162155 km². La Tunisie est située sur la côte méditerranéenne et en bordure du désert du Sahara. Elle est limitée à l’ouest par l’Algérie, au sudest par la Libye, au nord et à l’est par un littoral de 1300 km ouvert sur la Méditerranée dans un ensemble sous régional dénommé le Maghreb. La Tunisie constitue un carrefour entre l’Europe, d’une part et le MoyenOrient et l’Afrique, d’autre part. La Tunisie fait partie du groupe MENA (acronyme de « Middle East and North Africa »), région qui comprend généralement tous les pays du MoyenOrient et de l’Afrique du Nord. La région MENA détient une part importante de ressources humaines inexploitées, avec le plus haut taux de chômage des jeunes et le plus faible taux de participation de la population active des femmes au monde.
1.1.2. Contexte démographique de la Tunisie
36
La Tunisie s’est distinguée de tous les pays arabo-musulmans et africains par un parcours original. L’abolition de la polygamie, intervenue dès l’indépendance (par la promulgation par décret beylical du 13 août 1956 instaurant le Code du statut personnel qui consiste en une série de lois progressistes tunisiennes visant l’égalité entre l’homme et la femme dans nombreux domaines ; associée à une politique de planification familiale (dès 1960, loi limitant l’octroi des allocations familiales aux seuls quatre premiers
Année
2010
2015
2016
2017
2018
2019
Population au 1er Juillet
10.565.704
11.162.666
11.304.483
11.434.994
11.551.448
11.658.341
La Tunisie a dépassé le cap des dix millions d’habitants en 2005, ce qui correspond à un triplement de sa population depuis l’indépendance en 1956 (3.448.000 habitants) et à un doublement depuis le début des années 1970. La baisse de la mortalité infantile a eu pour conséquence un accroissement de l’espérance de vie à la naissance qui est passée de 37 ans à la fin des années 1940 à 52 ans à la fin des années 1960 et à 74,5 ans en 2009 (72,5 ans pour les hommes et 76,5 ans pour les femmes). Le taux de mortalité infantile (TMI) qui avoisinait les 200 pour mille en 1956, atteint 17,8 pour mille en 2009. Selon les projections de l’Institut National des Statistiques, le TMI serait de 10,0 pour mille en 2020 et de 8,0 pour mille à l’horizon 2030.
1.1.3. Contexte socio-économique de la Tunisie La Tunisie a certes connu une réduction considérable de la pauvreté et une amélioration des indicateurs sociaux(6), toutefois d’importantes disparités socio-économiques subsistent. Le problème des disparités régionales était au cœur de l’agitation sociale qu’ont connue les villes de Sidi Bouzid, Kasserine et Tala dans la région centre-est du pays. Globalement, la côte orientale est plus développée que les régions de l’ouest et du sud. La poInstitut National de la Statistique. www.ins.tn. Mise à jour 22/09/2020. Institut Tunisien de la Compétitivité et des Études Quantitatives. Le profil démographique de la Tunisie. Septembre 2011. 6 Document de stratégie pays intérimaire 2012-2013. Banque africaine de développement. 4 5
37
pulation et l’activité économique sont principalement concentrées dans le nord-est (gouvernorat de Tunis) et dans le centre-est (gouvernorat de Sfax), 75% des emplois non agricoles se trouvant dans la région côtière. Il s’ensuit une importante variabilité de la consommation moyenne et de la pauvreté d’une région à l’autre. En 2000, si l’indice de pauvreté (moyenne nationale) s’élevait à 18,4%, il variait en fait de 6,9% dans le district de Tunis à 30,8% dans le centre-ouest. De même, le chômage est tout particulièrement aigu dans l’arrière-pays. En moyenne, depuis 2004, le taux de chômage dépasse 22,6% dans les régions de Jendouba, Le Kef, Kasserine et Gafsa. Tableau 2 : Évolution des indicateurs démographiques en Tunisie 2010-2018 (Source : Institut National de la Statistique)
2015
2016
2017
2018
Taux brut de Natalité
Pour 1000 Habitants
19,3
19,9
19,4
18,2
17,5
Taux brut de Mortalité
Pour 1000 Habitants
5,1
5,9
5,5
6,0
5,9
Taux brut de Mortinatalité
Pour 1000 naissances
9,8
10,2
11,3
11,8
11,5
Taux brut démographiques de Nuptialité
Pour 1000 Habitants
18,2
19,4
17,4
16,7
16,1
Pourcentage
1,4
1,4
1,4
1,2
1,2
Indice
2,3
2,3
2,3
2,2
2,2
Pour 1000 naissances
16,8
15,3
14,2
14,1
..
Espérance de vie à la naissance
An
74,2
75,1
75,4
75,4
..
Espérance de vie à la naissance chez les Hommes
An
71,8
74,5
74,5
74,5
..
Espérance de vie à la naissance chez les Femmes
An
76,8
77,8
78,1
78,1
..
Part de la population urbaine par Pourcentage rapport à la population totale
66,0
..
..
..
..
Densité de la population au km²
67,7
..
..
..
..
Taux d’accroissement Naturel Indice synthétique de fécondité Taux de mortalité infantile
38
2010
Nombre
Selon le rapport de la Banque Mondiale d’octobre 2017, la faible croissance économique et la forte augmentation des dépenses publiques, notamment les salaires, auxquelles viennent s’ajouter des retards dans la mise en œuvre de réformes essentielles, ont pour effet de maintenir les déficits budgétaires et courants à des niveaux élevés. Le taux de chômage reste élevé, en particulier pour les jeunes, les femmes et les régions de l’intérieur du pays. L’analyse selon les variables géographiques ou socio-économiques(7) démontre de fortes disparités sur certains indicateurs. La proportion d’enfants de 3-4 ans révolus déclarés être inscrits dans un programme d’encadrement de type préscolaire, de 44% en moyenne, varie de 81% pour les enfants des ménages les plus riches à 13% pour ceux des ménages les plus pauvres, soit une variation de 1 à 6 fois (variation plus forte que la variation selon le milieu qui est de 3 fois ou celle entre les régions qui est de 4 fois). La proportion de femmes enceintes pratiquant les quatre consultations prénatales varie elle aussi selon ces différentes variables, mais on note que la variation est plus forte selon le niveau d’étude de la mère et peut être particulièrement faible dans certaines régions ou gouvernorats. La cartographie de l’incidence de pauvreté dans le pays(8) indique qu’il existe une forte concentration de pauvreté dans le Centre-Ouest et le NordOuest de la Tunisie. Bien que l’incidence dans les régions côtières du Grand Tunis et du Nord-Est et du Centre-Est soit très faible, il existe cependant quelques délégations ayant une incidence relativement élevée.
La concentration de personnes pauvres est principalement observée dans les régions non côtières du Centre et du Nord de la Tunisie. Les trois délégations qui enregistrent les taux de pauvreté les plus importants sont les suivantes : Hassi El Frid, Djedeliane et El Ayoun, toutes concentrées au centre de la Tunisie. Les délégations autour de Tunis, en particulier d’El Menzah, La Goulette et l’Ariana Ville comptent parmi les délégations les moins pauvres en Tunisie8. Depuis la révolution de 2011, la situation sociale dans le pays a été marquée par de fortes tensions qui s’expriment par des revendications salariales, des manifestations des demandeurs d’emplois, et des grèves qui affectent le fonctionnement des services publics mais également des entreprises privées. Selon l’inspection du travail, sur les six premiers mois de l’année 2011, le nombre des grèves était en augmentation de 130% par rapport à la même période de 2010.
7 8
Multiple Indicators Cluster Survey : Enquête Grappe à Indicateurs Multiples (MICS4) Institut National des Statistiques, Banque Mondiale. Carte de la pauvreté en Tunisie. Septembre 2020
39
Le chômage, en particulier celui des jeunes diplômés qui a atteint 23% en 2010 alors qu’il était de 15% en 2005, a émergé au premier rang des problèmes sociaux et politiques révélés par la révolution. Ce chômage structurel résulte en partie d’une inadéquation entre le système de formation universitaire et les besoins du secteur privé et de la qualité même de la formation qui produit des diplômés n’ayant pas suffisamment de compétences requises pour intégrer le monde de l’entreprise. En outre, le chômage touche davantage les femmes que les hommes, respectivement 27,4% et 15%, selon l’enquête nationale sur l’emploi de 2011. Contrairement, à l’accès à l’éducation, les femmes se trouvent encore confrontées à diverses difficultés pour s’insérer dans le marché du travail, pour gérer de manière efficace leur carrière professionnelle et pour bénéficier d’opportunités égales à celles des hommes. A ces éléments s’ajoutent aujourd’hui, les besoins d’une extension des services de prévention, de soins et de soutien et leur rééquilibrage en faveur des régions défavorisées. En effet, le contexte socio-économique, démographique et sanitaire de la Tunisie tel que décrit met en évidence des facteurs structurels susceptibles d’alimenter les comportements à risque et la vulnérabilité des populations face aux IST et au VIH. Ces facteurs structurels influencent non seulement l’accès à la prévention et aux soins, mais également les comportements sexuels des populations les plus socialement vulnérables. Toute riposte en matière de lutte contre le VIH/sida qui se veut globale et efficace doit en tenir compte. C’est à travers ces impératifs sanitaires, socio-économiques et en synergie avec les secteurs de développement que les priorités des stratégies de prévention doivent être conçues.
1.1.4. Contexte sanitaire de la Tunisie
L’État tunisien a toujours considéré la santé publique et l’éducation comme des priorités nationales en leur allouant des moyens financiers importants(9). La politique de santé en matière de vaccination permet à plus de 90% des enfants tunisiens de moins d’un an d’être vaccinés, en particulier contre la tuberculose, la diphtérie, le tétanos, la coqueluche, la poliomyélite, la rougeole, l’hépatite virale B et Haemophilus influenzae type B. Le système de soins est assez développé (dans les différents secteurs : public, parapublic et privé) avec trois niveaux de prise en charge (primaire, secondaire et tertiaire). 40
9
Boukef K. Étude de la réglementation des médicaments en Tunisie. Essaydali N°76. Juin 2000.
i. Le secteur sanitaire public est le principal fournisseur des soins de santé, surtout pour les prestations de première ligne et la médecine préventive ainsi que pour les soins hospitaliers. Sa part représente environ 40% de la consommation en médicaments. i.1. Organisation du secteur public : Il est organisé en trois niveaux : - Niveau 1 : Les Centres de Soins de Santé de Base (CSB) assurent les soins courants et les actions de prévention. Ils sont également considérés comme structures de premier niveau les hôpitaux de circonscription et les maternités périphériques. - Niveau 2 : Les hôpitaux régionaux. Installés le plus souvent au niveau du chef-lieu de chaque gouvernorat, ils assurent au minimum des prestations de médecine générale, chirurgie générale, obstétrique, pédiatrie, ORL et ophtalmologie. - Niveau 3 : Les hôpitaux universitaires ou centres hospitalo-universitaires. Ils ont pour mission principale de dispenser des soins hautement spécialisés. Ils sont localisés dans les régions abritant les 4 facultés de médecine (Tunis, Sousse, Monastir, Sfax) et les gouvernorats limitrophes aux régions universitaires (Ariana, Ben Arous, Manouba, Bizerte, Nabeul, Mahdia, Kairouan, Gabès). i.2. Les structures de première ligne : - Les CSB : Concernant la première ligne, les 2.200 CSB (structures de première ligne de santé publique) sont repartis sur l’ensemble du territoire tunisien et assurent un paquet minimal des soins primaires intégrés avec des actions de prévention (gratuites pour l’ensemble de la population) et des soins courants. Les programmes nationaux de santé de base sont gérés par la DSSB du Ministère de la Santé. - Structures de l’ONFP : Par ailleurs, l’ONFP a aussi une approche intégrée de la santé reproductive et dispose des structures au niveau des chefs-lieux des 24 gouvernorats du pays fournissant des services gratuits y compris la prise en charge des IST. - Les CCDAG : Vingt-cinq Centres de Conseil et de Dépistage Anonyme et Gratuit (CCDAG) ont été créés depuis 2009, pour assurer anonymat et gratuité, afin de lever les barrières de stigmatisation, de discrimination et de besoin d’argent. Ces centres, gérés par des équipes préalablement formées, assurent à l’occasion, le conseil des clients, en même temps que le dépistage sans demander l’identité du client ou un document de soins (Annexe 1). Mais ces CCDAG, réalisation importante dans le domaine du
41
dépistage et de la prévention, n’ont pas complètement atteint leurs objectifs, faute de promotion, et de moyens et de qualité de service pour attirer les populations les plus à risque (HSH, UDI, PS). i.3. Les services de première ligne : - Prérogatives : Les structures de première ligne assurent les services de prévention et de prise en charge des affections de médecine générale. Les programmes nationaux notamment ceux ciblant la santé de la mère et de l’enfant sont bien implantés. L’intégration des services de PTME a concerné dans un premier lieu les maternités et vient d’être généralisée dans les CSB depuis juillet 2014 ; de plus, la proposition du test VIH chez les femmes enceintes en consultation prénatale est disponible dans les 24 gouvernorats depuis début 2019. Mais le renforcement de la première ligne constitue une des priorités sanitaires en Tunisie pour améliorer l’accessibilité aux services et la qualité des soins. - Difficultés : Cependant, des faibles taux d’utilisation de certains services (prise en charge des IST, dépistage de l’infection à VIH) de la part de certaines catégories de la population (les hommes, les jeunes célibataires et les personnes les plus exposés au risque au VIH c’est-à-dire les HSH, les UDI et les PS) indiquent que les CSB ne sont pas utilisés de manière efficace dans la riposte du système de la santé au VIH. Le manque des capacités et l’attitude parfois stigmatisante et moralisatrice des prestataires de services entravent l’accès des personnes les plus à risque aux services de prévention, de soins et de soutien. Les services de prévention et de prise en charge des IST et du VIH ne sont pas suffisamment adaptés pour répondre aux besoins spécifiques des populations les plus à risque. En effet, il a été bien démontré que les IST représentent un important facteur qui contribue à la transmission du VIH. Toutefois, en Tunisie, leur prise en charge reste payante, ce qui n’encourage pas les personnes atteintes de se présenter rapidement aux soins. Les centres de soins VIH ont du mal à prendre en charge ces patients pour les traiter, les éduquer et leur proposer un test VIH en raison des frais inhérents. La gratuité des soins aux IST favoriserait l’accès au traitement des IST et la prévention du VIH.
42
i.4. Le niveau sanitaire régional : Il est représenté par le service régional des soins de santé de base qui assure la mise en œuvre des différents programmes nationaux au niveau des gouvernorats en collaboration avec les équipes des circonscriptions sanitaires installées au niveau des délégations (deuxième niveau administratif venant juste après le local). Toutefois,
ces services régionaux avec leur équipe médicale (y compris un médecin point focal Sida dans chaque région) ne disposent pas toujours des moyens et des capacités nécessaires pour assurer la gestion et la coordination du PNLS au niveau du gouvernorat. i.5. Le niveau 3 : les hôpitaux universitaires : La prise en charge médicale des PVVIH est assurée par quatre services hospitalo-universitaires à : Tunis, Sousse, Monastir et Sfax. ii. secteur sanitaire parapublic : A côté du secteur public, s’est développé en Tunisie un secteur sanitaire parapublic assez important qui comprend les polycliniques appartenant à la CNSS qui offrent des services de soins aux salariés du secteur privé et les services médicaux autonomes de certaines grandes entreprises, ainsi que les services de santé de certains ministères (Intérieur, Défense, Justice). iii. Le secteur sanitaire privé est constitué du réseau de médecine générale ou spécialisée, des grossistes-répartiteurs, des pharmacies d’officine, des laboratoires d’analyse médicale, et d’un certain nombre de structures d’hospitalisation (cliniques polyvalentes ou spécialisées). Ce secteur représente 7% du personnel paramédical, 48% du personnel médical, 83% des pharmaciens et 72% des médecins dentistes. Les cliniques représentent environ 11% de l’offre globale mais cette offre est caractérisée par une très forte disparité géographique puisqu’elle est localisée essentiellement le long des côtes et dans les zones où vivent les populations les plus solvables. Certaines prestations réalisées essentiellement ou exclusivement dans des structures privées, par exemple l’hémodialyse, sont entièrement prises en charge par la CNAM. Le secteur privé est en train de se développer, cependant les médecins de ce secteur qui peuvent être sollicités par les personnes les plus à risque ne sont pas suffisamment informés de la stratégie nationale de lutte contre le VIH. En plus, le nombre des médecins de libre pratique ayant les compétences de fournir des soins aux PVVIH reste assez limité. Les pharmacies privées qui sont, selon les enquêtes comportementales, les premières structures de recours pour les populations les plus à risque pour l’achat des préservatifs ou des seringues et aussi l’achat des médicaments pour les IST (automédication) ne sont pas toutes sensibilisées à la problématique du VIH et pourraient parfois refuser des services aux populations les plus à risque. 43
1.2. Situation épidémiologique du VIH en Tunisie
Tableau 3 : Évolution de la prévalence du VIH chez les populations clés
1.2.1. Agent causal. Les souches circulant en Tunisie sont quasi exclusivement le VIH de type 1 avec moins de 20 souches de VIH-2 identifiées au cours des 30 dernières années. Un séquençage de 24 souches de VIH-1 a été réalisé en 1999 : 23 étaient de sous-type B et 1 sous-type A/C10. En 2009, 63 souches ont été génotypées par séquençage : 55 génotypes B, 5 CRF-02 : recombinant A-G (8%), 2 double recombinants et 1 génotype D(10). Outre l’intérêt épidémiologique, le typage des souches des virus identifiés chez les personnes vivant avec le VIH est important pour le suivi de la résistance aux traitements antirétroviraux.
Population clé UDI*
L’épidémie de l’infection par le VIH était considérée jusqu’au milieu des années 2000 comme peu active en Tunisie, avec un taux de prévalence inférieure à 0,1% dans la population générale. Cependant, les quatre dernières études sérocomportementales, réalisées en 2009, 2011, 2014 et en 2018, ont montré que la prévalence du VIH était « concentrée » auprès des populations les plus à risque ou « populations clés ». Cette prévalence a été estimée en 2018 à :
2,7%
PS*
0,43%
HSH*
4,9%
13%
3,9%
6,0%
0,94%
1,21%
9,1%
11,2%
Tableau 4 : Nombre de personnes vivant avec le VIH
Nombre d’adultes âgés de plus de 15 ans vivant avec le VIH
2997
Nombre d’adultes et d’enfants nouvellement infectés par le VIH
320
Nombre d’adultes et d’enfants décédés à cause du Sida
80
Selon l’UNAIDS data 2019(12), les estimations épidémiologiques du VIH en Tunisie sont représentées dans le Tableau 5. Tableau 5 : Statistiques sur l’état de l’épidémie de Sida en Tunisie
(Source: UNAIDS. UNAIDS data 2019. Joint United Nations Programme on HIV/AIDS. Geneva Switzerland. 2019 12)
Nouvelles infections à VIH Nouvelles infections à VIH (tous les âges)
- 6% pour les usagers de drogues injectables (UDI) ;
Nouvelles infections à VIH (femmes, 15+)
Mais ces chiffres ne cessent d’augmenter selon ces études sérocomportementales (Tableau 3).
0,61%
2018
(Source : Plan Stratégique National de la riposte au VIH/Sida et aux IST 2018-2022)
Nouvelles infections à VIH (0–14)
Ainsi, le statut de l’épidémie en Tunisie est de type « concentrée » au niveau des populations clés : les usagers de drogues injectables, les hommes ayant des rapports sexuels avec les hommes et les professionnelles du sexe.
2,4%
2014
En Tunisie, on estime le nombre de personnes vivant avec le VIH (PVVIH) selon le modèle SPECTRUM de l’ONUSIDA à 2997 soit un taux moyen de <0,1%(11) (Tableau 4).
- 1,2% pour les professionnelles du sexe (PS) ; - Et 11,2% pour les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH).
2011
*UDI : usagers de drogues injectables, PS : professionnelles du sexe, HSH : hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes
1.2.2. Principaux éléments de l’épidémie de VIH en Tunisie L’analyse de la situation épidémiologique du VIH en Tunisie s’est appuyée sur la triangulation de données de notification des cas du VIH et des programmes de dépistage et des données programmatiques des ONG, ainsi que sur les résultats des études sérocomportementales auprès des populations clés (enquêtes bio-comportementales de 2009, 2011, 2014 et 2018).
2009
Nouvelles infections à VIH (hommes, 15+) Incidence du VIH pour 1000 population Décès liés au Sida Décès liés au Sida (tous les âges) Décès liés au Sida (0–14)
2 010
2 015
2 018
<500 [<200– <500] ... [...–...] <100 [<100– <200] <200 [<100– <500] 0.02 [0.01–0.03]
<500 <500 [<200– <500] [<200–520] ... ... [...–...] [...–...] <100 <100 [<100– <200] [<100– <200] <200 <200 [<100– <500] [<100– <500] 0.02 [0.01–0.04] 0.02 [<0.01–0.04]
<100 [<100– <100] ... [...–...]
<100 [<100– <200] ... [...–...]
<100 [<100– <200] ... [...–...]
Ministère de la Santé, Direction des Soins de Santé de Base, Programme National de Lutte contre le Sida et les IST. Plan Stratégique National de la riposte au VIH/Sida et aux IST 2018-2022. 12 UNAIDS. UNAIDS data 2019. Joint United Nations Programme on HIV/AIDS. Geneva Switzerland. 2019. 11
44
Ben Halima M, et al. First molecular characterization of HIV-1 Tunisian strains. J Acqui Immune Defic Syndr. 2001 ;28(1) :94-6.
10
45
Décès liés au Sida (femmes, 15+) Décès liés au Sida (hommes, 15+) Personnes vivant avec le VIH Personnes vivant avec le VIH (tous les âges) Personnes vivant avec le VIH (0–14) Personnes vivant avec le VIH (femmes, 15+) Personnes vivant avec le VIH (hommes, 15+) Prévalence du VIH (15–49)
2 010 <100 [<100– <100] <100 [<100– <100]
2 015 <100 [<100– <100] <100 [<100– <100]
2 018 <100 [<100– <100] <100 [<100– <200]
1400 2300 2800 [980–2200] [1500–3400] [1700–4400] ... ... ... [...–...] [...–...] [...–...] <500 720 890 [<500–640] [<500–1000] [580–1300] 970 1600 1900 [650–1500] [1000–2400] [1100–2900] <0.1 [<0.1– <0.1] <0.1 [<0.1– <0.1] <0.1 [<0.1– <0.1]
1.2.3. Distribution des cas de VIH selon le sexe L’analyse des tendances évolutives des cas de VIH par genre montre qu’il y’a une tendance à la baisse du sexe ratio en faveur des femmes sans pour autant dépasser les hommes. En effet, le sexe ratio des nouvelles infections déclarées est passé de 3,02 avant l’année 2000, à 2,1 hommes pour 1 femme en 2016 (Figure 1). Ceci serait un aspect spécifique à la Tunisie, résultant de l’émancipation de la femme dès les années 1956 avec l’abolition de la polygamie ainsi que l’adoption des lois progressistes visant l’égalité entre l’homme et la femme (car à l’échelle mondiale, les femmes ont un risque plus élevé que les hommes de contracter le VIH)(13).
Figure 1 : Évolution du Sexe ratio des cas de VIH/sida notifiés à la DSSB de 1986 à 2018.
Les hommes constituent toujours le plus grand moteur de l’épidémie en Tunisie, malgré que l’épidémie VIH semble connaitre une croissance récente parmi les femmes témoignant de la prédominance de la transmission hétérosexuelle.
1.2.4. Distribution des cas de VIH selon l’âge Depuis le début de l’épidémie, les jeunes étaient les plus affectés, avec un âge moyen de 34,5 ans (35,9 ans pour les hommes et 32,1 ans pour les femmes). La distribution des nouveaux cas de VIH par tranches d’âge était marquée par la prédominance des jeunes âgés de moins de 30 ans qui ont représenté la moitié des nouveaux cas avant 1995. Cette tranche d’âge est devenue de moins en moins touchée au profit des adultes jeunes âgés de 30 à 44 ans qui ont représenté 41% des nouveaux cas en 2016 contre 29% pour les jeunes âgés de moins de 30 ans (Figure 2). 46
P r o m o t i o n s a n t é Va l a i s . w w w . gesundheitsfoerderungwallis.ch/fr/femmes-sont-elles-plus-exposees-risque-infection-24.html
13
Figure 2 : Évolution de la distribution par tranches d’âge des cas de VIH/sida annuels notifiés de 1986 à 2018.
1.2.5. Distribution des cas de VIH par région La distribution des cas notifiés à la DSSB entre1986 et 2016 par grandes régions montre que le Grand-Tunis et les régions côtières ont totalisé 88% de l’ensemble des cas depuis le début de l’épidémie.
47
L’épidémie de VIH est classée comme une épidémie urbaine avec une concentration dans les zones côtières.
1.2.6. Distribution des cas de VIH en fonction de la nationalité Depuis l’année 2000, on assiste à une augmentation de plus en plus importante de cas de VIH parmi les personnes étrangères (c.à.d. d’autres nationalités). Le ratio autres nationalités tunisiens est passé de zéro en 1986 à plus de 2 en 2013. Le nombre annuel de nouveaux cas notifiés chez les tunisiens et les personnes de nationalité étrangère était 253 nouveaux cas en 2013 et 327 cas au 31 décembre 2014, donnant ainsi un cumul de 2047 cas jusqu’au 31 décembre 2014. En 2015 les données de notification auprès du PNLS indiquent : 156 cas et 164 cas en 2016. Les personnes étrangères représentent une grande proportion de plus de 50% : pour la plupart des ressortissants libyens non-résidents venant pour des soins médicaux, quelques résidents de diverses nationalités et des étudiants originaires des pays de l’Afrique subsaharienne. Ces PVVIH sont essentiellement prises en charge par le secteur privé dans deux grandes villes : Tunis et Sfax. Entre 500 et 600 PVVIH de nationalité libyenne sont suivies par des médecins infectiologues de libre pratique. Alors que les PVVIH de nationalité tunisienne sont essentiellement prises en charge dans le secteur public dans quatre pôles de diagnostic et de prise en charge : Tunis, Sousse, Monastir et Sfax.
1.2.7. Analyse des modes de transmission du VIH en Tunisie L’analyse des données du programme de 1986 à 2018 a montré que le mode de transmission hétérosexuel était le plus fréquent et a représenté 49% des cas (46% pour les hommes et 85% pour les femmes). L’usage de drogues intraveineuses et les rapports sexuels entre hommes constituaient le deuxième et le troisième mode chez les hommes avec respectivement 19% et 7% des cas. Le mode de transmission reste inconnu pour 20,68% des hommes et 10% des femmes (Figure 3). Ainsi, l’épidémie du VIH en Tunisie est caractérisée par une : - Épidémie de basse prévalence : Une épidémie de type concentrée parmi les populations clés, puisque la séroprévalence a été supérieure à 5% au cours des enquêtes sérocomportementales réalisées ; 48
Figure 3 : Distribution des modes de transmission des cas de VIH/Sida par genre en Tunisie de 1986 à 2018.
- Épidémie stable au niveau de la population : Ce qui marque l’importance de la réponse en termes de prévention et de prise en charge. La sex-ratio montre que les hommes sont deux fois plus touchés que les femmes, ce qui confirme la répartition des modes de transmission ;
- Épidémie hétérogène sur le plan géographique : Plutôt urbaine (Grand-Tunis et les régions côtières) ; - Épidémie « cachée » : Un pourcentage important de personnes ne connaisse pas leur statut sérologique. Similitude épidémiologique de la région du Maghreb et du Moyen Orient.
1.3. Riposte au VIH en Tunisie Une riposte nationale efficace devrait fournir une information, des services et un soutien dans le domaine du VIH aux populations les plus vulnérables ou dont le risque d’être exposées est le plus élevé. Ces populations peuvent être mieux identifiées grâce à la répétition de la surveillance de deuxième génération par la réalisation d’enquêtes sérocomportementales de qualité, une cartographie participative et des consultations avec les populations vulnérables, les PVVIH et les prestataires de services. Pour mieux connaitre son épidémie, le pays devrait mieux comprendre la dynamique de la transmission du VIH dans les populations touchées et la manière dont ces groupes interagissent avec d’autres groupes et avec la population dans son ensemble.
49
1.3.1. Le programme national de lutte contre le Sida et les maladies sexuellement transmissibles (PNLS) Deux mois après la notification du premier cas d’infection par le VIH en décembre 1985, la Tunisie a mis en place un Comité National multisectoriel et multidisciplinaire de lutte contre le Sida. Par la suite, un Programme National de Lutte contre le Sida (PNLS) a vu le jour en 1987. Ce programme est axé sur les 4 composantes suivantes ; - Surveillance épidémiologique du VIH/Sida. - Prise en charge médicale et psycho-sociale des personnes vivant avec le VIH (PVVIH). - Aspect éthique et juridique. - Information, Education et Communication (IEC). En 1998 et tenant compte de la relation synergétique entre l’infection par le VIH et les Maladies Sexuellement Transmissibles (MST), la stratégie nationale de lutte contre les MST a été intégrée dans le programme, qui depuis porte le nom de PNLS/MST. Dans ce cadre et dans l’optique de réduire la propagation de l’infection à VIH, il y’a eu introduction et généralisation de la trithérapie depuis l’année 2000. Malgré la faible prévalence de l’infection par le VIH et dans l’objectif de renforcer davantage la riposte nationale, une analyse de la situation de l’infection par le VIH a été faite en 2005 lors de l’élaboration du PSN de lutte contre les IST/VIH/Sida (2006-2010) dans la perspective de mettre en place un cadre politique pour la gestion de la subvention attribuée par le Fonds mondial de lutte contre le Sida, la Tuberculose et le Paludisme (GFATM). Ainsi, il y’a eu la mise en place d’un système de dépistage dans des centres appropriés assurant anonymat et gratuité : les Centres de Conseil et de Dépistage Anonyme et Gratuit (CCDAG). Cette expérience a commencé en 2008 par la mise en place des CCDAG dans des structures publiques et dans des locaux de certaines ONG après avoir modifié la loi 92/71 et l’émission de l’amendement 12/2007 qui permet aux médecins et biologistes de faire les tests pour la détection du VIH sans obligation de nommer ou de déclarer les cas positifs.
50
Dans le cadre de la surveillance de deuxième génération du VIH, des études sérocomportementales ont été réalisées auprès des populations clés (HSH, PS et UDI), grâce au programme d’appui du Fonds mondial. En effet, le principal objectif de la surveillance de deuxième génération consiste à
établir un suivi de l’infection à VIH et des tendances, sur la durée, des comportements à haut risque afin de fournir des informations essentielles nécessaires à la préparation d’interventions et à l’évaluation de leur impact(14). La Tunisie a réaffirmé, auprès des différentes instances internationales son engagement à œuvrer avec la communauté internationale en vue de lutter contre cette maladie et d’en contenir la propagation. La Tunisie a adopté la vision de l’ONUSIDA « Zéro nouvelle infection à VIH, zéro discrimination, zéro décès lié au Sida » Parvenir à « zéro nouvelle infection » : - Réduction de moitié de la transmission sexuelle du VIH, y compris parmi les jeunes, les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes et dans le contexte du commerce du sexe. - Élimination de la transmission verticale du VIH et réduction de moitié des décès maternels liés au Sida. - Prévention de toutes les nouvelles infections à VIH parmi les personnes qui consomment des drogues. Parvenir à « zéro décès liés au Sida » : - Accès universel au traitement antirétroviral pour les personnes vivant avec le VIH admissibles au traitement. - Réduction de moitié des décès imputables à la tuberculose des personnes vivant avec le VIH. - Prise en compte des personnes vivant avec le VIH et des ménages affectés par le virus dans toutes les stratégies nationales de protection sociale et fourniture d’un accès aux soins essentiels et à l’appui pour ces populations. Parvenir à « zéro discrimination » : - Réduction de moitié du nombre de pays dotés de lois et de pratiques punitives concernant la transmission du VIH, le commerce du sexe, la consommation de drogues ou les rapports sexuels entre hommes. - Suppression des restrictions à l’entrée, au séjour et à la résidence liées au VIH dans la moitié des pays appliquant de telles restrictions. - Prise en compte des besoins spécifiques des femmes et des filles en Organisation mondiale de la Santé, Programme commun des Nations Unies sur le VIH/SIDA. Directives pour la surveillance de deuxième génération du VIH. 2000. https://apps.who.int/iris/bitstream/ handle/10665/66483/WHO_CDS_CSR_EDC_2000.5_fre.pdf?sequence=1
14
51
rapport avec le VIH dans la moitié au moins de l’ensemble des ripostes nationales au VIH. - Tolérance zéro en matière de violence sexiste.
1.3.2. Plan Stratégique National 2018-2022 Le Plan Stratégique National (PSN) 2018-202211 vise la réduction des nouvelles infections parmi les adultes et les adolescent(e)s, l’élimination de la transmission du VIH de la mère à l’enfant (vers 2020), la réduction de la mortalité liée au VIH, le soutien pour l’amélioration de la qualité de vie des PVVIH, la lutte contre toutes les formes de discrimination et la promotion des droits humains ainsi que le renforcement de la gouvernance pour une riposte durable et efficiente. Pour que toutes les personnes qui vivent en Tunisie puissent se prémunir et être protégées du VIH. Les principes directeurs du PSN 2018-2022 : Les « Trois principes » sont un cadre d’action contre le VIH/Sida qui offre une base pour la coordination nationale de la riposte sous l’égide d’une autorité nationale (CNLS/PNLS) pour la mise en œuvre des interventions en partenariat avec toutes les parties prenantes, société civile, représentants des PVVIH, des populations clés, des professionnels de santé, des chercheurs nationaux et partenaires internationaux qui agissent dans le cadre du référentiel PSN IST/VIH 2018-2022 avec un système convenu de suivi et d’évaluation au niveau du pays. L’approche respectant les Droits Humains et le genre est un cadre conceptuel pour le processus du développement humain. Elle est basée sur les normes internationales des droits humains. Dans le cadre du PSN, cette approche œuvre pour la promotion et la protection de ces droits pour lever les obstacles de l’accès à la prévention et aux soins. Elle incite à tenir compte consciemment et systématiquement des droits humains et du genre dans tous les aspects du développement des politiques et programmes institutionnels et associatifs.
52
L’approche participative et partenariale assure l’implication des divers acteurs : société civile, représentants des PVVIH, des populations clés, des professionnels de santé, des chercheurs nationaux et partenaires internationaux dans les différentes phases de la planification, de la conception, à la mise en œuvre et au suivi et évaluation des programmes et des interventions. L’approche participative et le partenariat augmentent la qualité, l’efficacité et la pertinence des politiques et programmes, notamment par le renforcement des systèmes communautaires.
La décentralisation favorise une riposte plus appropriée aux contextes régionaux et locaux. Il est primordial de renforcer les capacités des acteurs responsables régionaux afin qu’ils puissent répondre aux besoins spécifiques de la région, tout en respectant les grandes orientations nationales selon l’approche différenciée de la prévention, du dépistage et des soins et d’un système de santé résilient et pérenne. Ainsi, le PSN 2018-2022 prévoit l’amélioration de la qualité de vie des PVVIH et des populations clés et vulnérables, à travers la prise en compte des droits humains et du genre. La stratégie élaborée, vise à mettre en place un cadre harmonieux d’action et de programmation intégrant une approche des droits humains et genre, pour assurer une riposte efficace à l’infection par le VIH, susceptible de réduire la stigmatisation et la discrimination et de protéger les droits des catégories à risque, en situation de vulnérabilité et des PVVIH. Dans le domaine des droits humains : La promotion de services pour la protection et le respect des droits humains s’articulent autour de diverses interventions. La lutte contre toutes les formes de discrimination et de stigmatisation, le droit des PVVIH à la santé, à l’équité, à la dignité et au travail, l’accompagnement des PVVIH pour le recours aux services juridiques, les actions de plaidoyer auprès des leaders communautaires, des autorités administratives, ainsi que les actions pour l’acceptation sociale des PVVIH au sein de la population générale. Ce PSN 2018-2022 vise la concrétisation du troisième but de la déclaration politique sur le VIH/Sida « Éliminer la stigmatisation et la discrimination liées au VIH d’ici 2020 » notamment les objectifs « 10. Éliminer les inégalités entre les sexes et mettre fin à toutes les formes de violence et de discrimination contre les femmes et les filles », et « 13. Éliminer la stigmatisation et la discrimination dans les établissements de santé ». Les résultats d’effet attendus sont : - En 2022 l’environnement social et juridique protège les PVVIH et les populations vulnérables contre la discrimination. - La stratégie nationale contribue à réduire l’inégalité entre les sexes et les violences basées sur le genre.
1.3.3. Vision de la riposte nationale au Sida à l’horizon 2030 La vision stratégique de la Tunisie est d’apporter une contribution effective et efficace, tant à l’échelle nationale qu’à l’échelle internationale pour
53
mettre fin à l’épidémie de VIH d’ici 2030 dans le cadre des objectifs de développement durable (ODD). La Déclaration Politique sur le VIH/Sida « Accélérer la riposte et mettre fin à l’épidémie de Sida d’ici à 2030 », a été adoptée le 8 juin 2016 lors de la Soixante-dixième session de l’assemblé générale des Nations Unies.
1.3.4. Principaux résultats et défis de la riposte nationale La Tunisie a réaffirmé son engagement à œuvrer avec la communauté internationale en vue de lutter contre cette épidémie et d’en contenir la propagation dans le monde et en Tunisie particulièrement. Le programme national de lutte contre le Sida et les maladies sexuellement transmissibles (PNLS) a été mis en place en 1987.Depuis 1992, le PNLS est appuyé par le Comité National de Lutte contre le Sida (CNLS) avec ses quatre sous-comités techniques. Toutefois les enjeux actuels de l’épidémie en Tunisie nécessitent de réviser le cadre institutionnel de la riposte et l’ériger en véritable autorité nationale dotée de ressources humaines et financières afin qu’il puisse jouer son rôle à travers son secrétariat exécutif le PNLS. Dans le domaine du dépistage : Le dispositif actuel de dépistage est centré sur les centres de conseil et de dépistage anonymes et gratuits (CCDAG). Les CCDAG sont au nombre de 25 et répartis dans 19 gouvernorats. A côté de service public, les associations thématiques ont entrepris de promouvoir le dépistage auprès des populations clés, à travers des actions de sensibilisation, des actions systématiques d’offre de dépistage durant les interventions de prévention. Les activités de dépistage ont connu une progression quoique lente et loin d’atteindre des résultats probants dans le 1ervolet des trois 90 (90% des PVVIH connaissent leur statut). La stratégie nationale de dépistage n’a pas été actualisée depuis 2014 et reste encore confinée aux CCDAG dont certains sont peu fonctionnels, notamment à cause de leur emplacement et de leurs horaires à caractère administratif non adaptés à la demande de dépistage de la part des populations.
54
Aussi le dépistage du VIH à l’initiative du prestataire n’est pas mis en œuvre dans tous les CSB, ce qui engendre beaucoup d’occasions manquées qui réduisent le nombre de personnes ayant connaissance du statut sérologique. Certaines associations ont démarré le dépistage communautaire en s’appuyant sur les professionnels de santé en leur sein.
En outre, les populations clés qui devraient être la cible prioritaire des interventions d’offre de dépistage représentent une faible proportion des personnes qui en sont bénéficiaires. S’agissant de la prévention combinée, le précèdent PSN 2015-2018 a adopté cette mesure pour les populations clés, toutefois le dispositif national prévu pour harmoniser cette intervention auprès de toutes les associations thématiques y compris les associations identitaires émergentes n’a pas été mis en œuvre et sera mis en œuvre dans le plan d’accélération de la subvention de2018. S’agissant de la PTME, il existe un plan national qui couvrait au début 10 gouvernorats et qui a permis de prévenir la transmission à l’enfant avec une adhésion importante des femmes et des professionnels de santé (Sage-femmes). Ce programme est actuellement généralisé dans les CSB ; et la proposition du test VIH chez les femmes enceintes en consultation prénatale est disponible dans les 24 gouvernorats depuis début 2019. Dans le domaine de la prise en charge : L’accès à la prévention et aux soins a été constant depuis plusieurs années, ce qui témoigne de l’engagement politique institutionnel ainsi que celui de la société civile constituée d’associations thématiques ainsi que l’émergence de groupes représentant les PVVIH. L’accès universel à la prise en charge de l’infection à VIH et particulièrement au TARV précoce est un enjeu mondial qui concerne tous les pays. Depuis Mai 2010, la prescription du TARV et le suivi clinique et immunologique des PVVIH sont harmonisés entre les différents services de prise en charge et reposent sur des recommandations nationales élaborées par un groupe d’experts nationaux. Ces recommandations thérapeutiques et de prise en charge globale n’ont pas été renouvelées depuis 2013, bien que l’impact de ces recommandations a été positif sur l’harmonisation des prescriptions d’antirétroviraux avec un taux de conformité des prescriptions dans les différents sites évoluant de 78% en 2010 à 98% en 2015. La prise en charge intégrée (médicale, immuno-virologique et la mesure de la charge virale ainsi que la prise psycho-sociale) est assurée gratuitement à toutes les PVVIH de nationalité Tunisienne dans quatre sites hospitalo-universitaires (Tunis, Sousse, Monastir et Sfax). Pour les étrangers, cette prise en charge est assurée grâce au financement du FMS et en collaboration avec l’OIM. Le Ministère de la Santé et le Ministère des affaires sociales travaillent, avec l’appui de l’OIM pour établir des mécanismes qui
55
facilitent l’accès des étrangers aux soins.
personnes engagées dans une prise en charge médicale.
Bien que la prise en charge holistique soit instituée, elle a du mal à être mise en œuvre de façon systématique à cause de plusieurs obstacles importants : l’indisponibilité de certaines ressources humaines stables/fixes telles que les accompagnateurs socio-sanitaires, les psychologues et les assistantes sociales formés sur les besoins spécifiques des PVVIH …
Parmi les recommandations les plus importantes de ce domaine, il y a la nécessité de renforcer la qualité de l’offre dans les sites de prise en charge et l’ouverture d’hôpitaux de jour en particulier dans les centres ou les files actives sont les plus importantes et de lutter contre la stigmatisation et la discrimination.
Le taux d’observance au TARV reste faible. Toutefois, il demeure un faible taux d’observance thérapeutique parmi les patients traités, estimé entre 35% et 50% ce qui expose au risque de résistance aux antirétroviraux, la disponibilité intermittente des tests de résistance, les difficultés d’accès aux antirétroviraux de troisième ligne et l’absence de stratégie nationale de récupération des perdus de vue sous TARV11 (Tableau 6). Tableau 6 : Pourcentage d’adultes et d’enfants vivant avec le VIH connus pour suivre un traitement antirétroviral 12 mois après avoir commencé
Année
2011
2012
2013
2014
2015
2016
Pourcentage (%)
96
91,5
96,4
82,3
78,8
83,7
Les estimations pour les commandes d’antirétroviraux sont certes orientées par les données de consommation, mais cela peut ne pas suffire à anticiper certaines pratiques de changement de prescriptions. A côté du faible taux d’observance, il faut souligner : - l’absence d’une stratégie nationale de récupération des perdus de vue sous TARV, - le manque de données nationales actualisées sur la résistance, - l’intermittence de la disponibilité des tests de résistance, - les prix chers des ARVs surtout de troisième ligne surtout avec la dévaluation du Dinar Tunisien.
56
En dépit du fait que tous les soignants fassent état d’une proportion de perdus de vue (PDV) élevée, entre 10% et 20% source selon les files actives, estimée à partir des décès et des personnes traitées qui ne reviennent pas régulièrement aux consultations médicales ou encore celles qui ont une « mobilité médicale », il est difficile de chiffrer les perdus de vue sans étude spécifique sur ce sujet. Tous les interlocuteurs rencontrés, soignants et acteurs associatifs, s’accordent sur les dangers de la « cascade de la prise en charge » c’est-à-dire un décalage entre les personnes dépistées et les
Dans le domaine de continuité des soins : L’analyse de la riposte en Tunisie, fait également ressortir que la continuité des soins, (terme plus approprié pour expliquer les autres dimensions de la prise en charge globale), pose encore problème malgré l’existence d’un « Dispositif National de prise en charge Psychologique et social des PVVIH en Tunisie »(15).
En effet, la prise en charge psychologique et sociale est intégrée à la prise en charge globale des PVVIH à travers les interventions coordonnées et cohérentes des psychologues, des assistantes sociales affectées dans les 4 pôles de prise en charge thérapeutique de l’infection par le VIH et les directions régionales de la promotion sociale. Les PVVIH démunies bénéficient de la gratuité de tous les soins, du transport et d’une indemnité mensuelle du Ministère des affaires sociales. A côté des professionnels, les acteurs associatifs issus des principales associations tunisiennes de lutte contre le Sida dont celles qui regroupent les PVVIH, et de prévention des toxicomanies, s’associent pour mettre en œuvre l’accompagnement psychosocial des PVVIH. Ainsi, les PVVIH ont été placées au cœur du dispositif en tant que bénéficiaires et acteurs de la continuité entre la prévention et les soins. Le dispositif, n’est pas fonctionnel dans tous les sites de prise en charge et les accompagnateurs socio-sanitaires (taux de réalisation est estimé à 33%) ne bénéficient pas de la reconnaissance de leur fonction. L’analyse de la riposte a constaté d’importantes disparités en matière de mise en œuvre de ce programme. Le paquet de services n’est pas systématique dans tous les centres et le plus souvent hétérogène d’un site de prise en charge à l’autre, qui se reflète par une faible utilisation de l’offre de soins et de continuité de soins attestée par un taux d’observance thérapeutique estimée entre 35% et 50% en 2012. A cet effet, la contribution conjuguée du secteur public, du secteur parapublic, du secteur de libre pratique et du monde communautaire avec l’ensemble de leurs ressources humaines et compétences (médecins spécialistes et généralistes, pharmaciens, paramédicaux et personnels psycho15
Dispositif National d’accompagnement psychologique et social des PVVIH en Tunisie 2008/2009.
57
sociaux) est fondamentale. Elle pourrait, en effet, permettre de mieux faire face aux besoins et accroître les niveaux de couverture dans le domaine des soins et du traitement dans un souci d’équité. En ce qui concerne la prise en charge des enfants et des femmes enceintes, d’importants efforts sont également nécessaires car il est aujourd’hui inacceptable que des enfants continuent d’être infectés par le VIH alors que des moyens efficaces existent pour prévenir leur infection. Comme il est inacceptable que leur accès aux soins soit moindre que celui des adultes. Le VIH continue d’avoir un impact disproportionné sur les populations clés en Tunisie (PS et clients, HSH, UDI) et le programme de prise en charge du VIH doit prendre en compte cette réalité en s’adaptant aux besoins spécifiques de ces populations, en prenant en compte les disparités régionales (dynamique de l’épidémie, poids de l’épidémie sur les populations clés) et en respectant les droits des PVVIH.
58
Référentiel VIH et droits humains Tome 1
Deuxième chapitre
La stigmatisation et la discrimination 2.1. La stigmatisation : définition 2.2. La discrimination : définition 2.3. Liens entre Stigmatisation, Discrimination et Droits de la personne 2.4. Répercussions de la stigmatisation et de la discrimination
Deuxième Chapitre
Pour pouvoir identifier les mesures potentielles afin de lutter contre la stigmatisation et la discrimination associées au VIH, il faut d’abord comprendre ce que recouvrent ces concepts, faire état de la manière dont ils se manifestent et analyser les relations existantes entre eux(16).
2.1. La stigmatisation : définition La stigmatisation a été décrite comme un processus dynamique de dévaluation qui ‘discrédite significativement’ un individu aux yeux des autres(17). Les caractéristiques sur lesquelles se porte la stigmatisation, par exemple la couleur de la peau, la manière de parler et la préférence sexuelle, peuvent être totalement arbitraires. Dans une culture ou une situation particulière, certains attributs sont choisis et définis par d’autres personnes comme peu honorables ou sans valeur. La stigmatisation associée au VIH s’observe à plusieurs niveaux, et tend à s’appuyer sur des pensées négatives déjà implantées et les renforce, en associant le VIH et le Sida à des comportements d’ores et déjà marginalisés comme le commerce du Sida, la consommation de drogues, l’homosexualité et la transsexualité. La stigmatisation renforce également le sentiment de peur face aux exclus et aux autres groupes vulnérables, par exemple les détenus et les migrants. On dit souvent que les personnes vivant avec le VIH ont mérité ce qui leur arrive car elles ont fait quelque chose de « mal ». En blâmant des personnes ou des groupes en particulier qui sont ‘différents’, les autres peuvent se dispenser de reconnaître leur propre risque, d’affronter le problème et de prendre en charge les personnes affectées. Les représentations des personnes vivant avec le VIH dans les médias et à la télévision, qui suggèrent qu’il s’agit d’une « maladie de femme », d’une « maladie de junkie », d’une « maladie de Noir » ou de la « peste gay », peuvent renforcer la stigmatisation. La conception du péché, dans la croyance religieuse, soutient et renforce aussi l’idée selon laquelle l’infection à VIH vient punir un comportement déviant. Maluwa M, Aggleton P, Parker R. HIV/AIDS stigma, discrimination and human rights: a critical overview. Health and Human Rights. 2002;6(1):1-15. 17 Goffman E. (1963) Stigma: notes on the management of a spoiled identity. New York: Simon and Schuster 16
62
La stigmatisation se manifeste par le langage. Depuis le début de l’épidémie, les métaphores puissantes associant le VIH à la mort, à la culpabilité et à la punition, au crime, à l’horreur et à ‘autrui’ ont construit et légitimé la stigmatisation. L’emploi de ce langage s’explique par un autre aspect sous-tendant et renforçant le processus de stigmatisation : les gens ont peur des maladies mortelles. La stigmatisation se fonde en partie sur la peur des gens face aux conséquences de l’infection à VIH, en particulier concernant les taux élevés de létalité (surtout lorsque les traitements ne sont pas largement accessibles), la peur de la transmission ou de voir une personne qui développe le Sida à un état avancé décliner à vue d’œil. La stigmatisation plonge ses racines dans le passé et se manifeste dans les valeurs de la vie quotidienne. Bien que les représentations associées au Sida varient, elles sont schématisées de manière à faire en sorte que la stigmatisation associée au Sida s’intègre dans les inégalités sociales existantes et les renforce(18). Ces inégalités, ce sont par exemple les inégalités entre les sexes, les inégalités fondées sur la race et l’ethnicité, et les inégalités liées à la sexualité en général. Par conséquent, les hommes et les femmes sont souvent traités différemment lorsque l’un ou l’autre est infecté par le virus ou supposé l’être : on blâmera probablement davantage une femme, quand bien même aurait-elle été infectée par son mari, et les femmes infectées sont probablement moins bien acceptées par leurs communautés. Ce phénomène est lié aux inégalités entre les sexes existant depuis longtemps, fondées sur les idéologies concernant la masculinité et la féminité qui ont fait porter depuis toujours aux femmes la responsabilité de la transmission des infections sexuellement transmissibles de toutes sortes, et la culpabilité d’une supposée « promiscuité sexuelle ». De la même manière, les accusations portées contre les homosexuels et les transsexuels se fondent sur la stigmatisation de longue date liée à leur style de vie et à leurs pratiques sexuelles. Les stéréotypes fondés sur la race et l’ethnicité sous-tendent également la stigmatisation associée au Sida(19). Par exemple, on a associé à l’épidémie des suppositions racistes concernant «la sexualité africaine » et une vision des pays en développement de « comportement immoral » en Occident. Enfin, la vulnérabilité au VIH des communautés vivant dans la pauvreté a renforcé la stigmatisation existante des personnes économiquement marginalisées. Parker R, Aggleton P. HIV and AIDS-related stigma and discrimination: a conceptual framework and implications for action. Social Science and Medicine. 2003;57:13-24. 19 ONUSIDA. Stigmatisation, discrimination et violations des droits de l’homme associées au VIH : études de cas des programmes réussis. ONUSIDA collection meilleures pratiques, Genève. 2005. p8. 18
63
La stigmatisation est, par ces associations d’idées, liée à la puissance et à la domination dans l’ensemble de la société, créant et renforçant les inégalités, et fait que certains groupes se sentent supérieurs alors que d’autres se sentent dévalorisés. L’association du VIH aux groupes et aux pratiques déjà stigmatisés aggrave les inégalités existantes, renforce l’instauration et la reproduction de rapports de pouvoir inéquitables. La stigmatisation préexistante accentue la stigmatisation liée au VIH, non seulement parce que les groupes déjà stigmatisés le sont encore plus lorsque le VIH y est associé, mais aussi parce que les personnes vivant avec le VIH sont censées appartenir à des groupes marginalisés.
manifester par un sentiment de honte, de culpabilité et de dévalorisation qui, associé au sentiment d’être en retrait de la société, peut conduire à la dépression, au repli, voire au désir de suicide.
2.2. La discrimination : définition La discrimination est la conséquence de la stigmatisation. La discrimination consiste à faire des choses ou à oublier de faire des choses découlant de la stigmatisation dirigée à l’encontre des personnes qui sont stigmatisées. La discrimination, telle que définie par l’ONUSIDA (2001) dans le protocole pour l’identification de la discrimination à l’égard des personnes vivant avec le VIH, renvoie à toute forme de distinction, d’exclusion ou de restriction arbitraires à l’égard d’une personne, généralement mais pas exclusivement, en fonction d’une caractéristique inhérente à cette personne ou perçue comme appartenant à un groupe particulier, par exemple dans le cas du VIH et du Sida, une personne dont le statut VIH est confirmé ou supposé positif, que ces mesures aient ou non une quelconque justification. La discrimination associée au VIH peut apparaître à plusieurs niveaux(20),(21),(22).
Figure 4 : Le cycle de la stigmatisation et de la marginalisation (Adapté de Parker et Aggleton(18))
La stigmatisation associée au VIH est donc un processus par lequel les personnes vivant avec le VIH sont discréditées. Ce phénomène peut affecter à la fois les personnes infectées ou supposées l’être et celles affectées par le Sida par association, telles que les orphelins ou les enfants et la famille des personnes vivant avec le VIH.
64
La stigmatisation peut apparaître à un autre niveau. Les personnes vivant avec le VIH peuvent intérioriser les réactions négatives des autres et résulter en une auto-stigmatisation ou une stigmatisation « intériorisée » comme certains l’ont appelée. L’auto-stigmatisation est associée à ce que certains auteurs ont parfois appelé la stigmatisation « ressentie » par opposition à la stigmatisation « effective », en ce qu’elle touche principalement aux sentiments de dignité et de valeur d’un individu ou d’une communauté affectée. Chez les personnes vivant avec le VIH, ce phénomène peut se
La discrimination peut survenir dans le contexte familial ou communautaire, ce qui est parfois décrit comme la stigmatisation « effective ». Il s’agit d’actes qui poussent les individus à faire des choses, ou à oublier de faire des choses, qui mettent les autres en danger ou à leur refuser des services ou des droits. A titre d’exemple de cette forme de discrimination envers les PVVIH, on cite : l’ostracisme conduisant à obliger les femmes testées positives au VIH à retourner dans leur famille lorsqu’elles présentent les premiers signes de la maladie, ou lorsque leur partenaire est décédé du Sida ; le fait de fuir la personne ou d’éviter d’être à son contact quotidiennement, le harcèlement verbal, la violence physique, la déconsidération et les reproches verbaux, le commérage, le déni des rites funéraires traditionnels sont également des formes de discrimination. La discrimination existe également dans le milieu institutionnel, en particulier sur le lieu de travail, dans les services de soins de santé, les prisons, les établissements d’enseignement et les centres sociaux. Cette discrimination concrétise la stigmatisation effective en des politiques et des ONUSIDA (2000) HIV- and AIDS-related stigmatization, discrimination and denial: forms, contexts and determinants. Research studies from Uganda and India. ONUSIDA, Genève. 2000. 21 Malcolm A, et al. HIV-related stigmatization and discrimination: its forms and contexts. Critical Public Health. 1998;8(4):347-70. 22 Aggleton P, Parker R, Maluwa M. (2002) Stigma, discrimination and HIV/AIDS in Latin America and the Caribbean. www.iadb.org/sds/publication/publication_3362_e.htm. 20
65
pratiques institutionnelles discriminant les PVVIH, ou au contraire en une absence de politiques antidiscriminatoires ou de procédures de réparation. Les exemples de cette forme de discrimination à l’égard des PVVIH sont entre autres : - Services de soins de santé : soins de qualité inférieure, déni d’accès aux soins et au traitement, dépistage du VIH sans consentement, violations de la confidentialité, notamment parler de la séropositivité d’une personne à ses proches ou à des organismes extérieurs, attitudes négatives et pratiques dégradantes de la part des professionnels de la santé. - Lieu de travail : refus d’accorder un emploi en raison du statut sérologique, dépistage du VIH obligatoire, exclusion des personnes séropositives des régimes de prévoyance ou des prestations médicales. - Écoles : refus d’inscrire des enfants affectés par le VIH, ou renvoi des enseignants séropositifs. - Prisons : ségrégation obligatoire des personnes séropositives et exclusion de ces dernières des activités collectives. Au niveau national, la discrimination peut refléter la stigmatisation ayant été officiellement sanctionnée ou légitimée par des lois et des politiques déjà mises en place, et promulguées sous forme de pratiques et de procédures. Ceci peut renforcer d’autant la stigmatisation des PVVIH et légitimer par voie de conséquence la discrimination. En effet, dans plusieurs pays, des lois ont été promulguées en vue de restreindre les droits des personnes et des groupes affectés par le VIH, tels que : - dépistage et test obligatoires de groupes et d’individus ; - interdiction de recruter des PVVIH pour certains postes et certains types d’emploi ; - isolement, détention et examen médical, et traitement des PVVIH obligatoires ; - restrictions concernant les voyages à l’étranger et les migrations, notamment le test VIH pour les personnes demandant un permis de travail et expulsion des étrangers séropositifs.
66
La discrimination peut survenir par omission, par exemple lorsque les lois, les politiques et les procédures visant à redresser et à sauvegarder les droits des PVVIH ne sont pas appliquées ou font défaut.
2.3. Liens entre Stigmatisation, Discrimination et Droits de la personne La stigmatisation et la discrimination sont étroitement liées, se renforçant et se légitimant mutuellement. La stigmatisation est à l’origine d’actes discriminatoires, et conduit les individus à des actions, ou à des omissions, qui mettent les autres en danger ou à leur refuser des services ou des droits. La discrimination est définie comme l’application de la stigmatisation. A son tour, la discrimination encourage et renforce la stigmatisation. La discrimination est une violation des droits de la personne. Le principe de non-discrimination, au cœur de la notion de reconnaissance de l’égalité pour tous, est consacré par la Déclaration universelle des droits de l’homme et par d’autres instruments fondamentaux relatifs aux droits de la personne. Ces instruments interdisent, entre autres, la discrimination fondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l’opinion politique ou autre, la propriété, la naissance, ou tout autre statut. Par ailleurs, la Commission des droits de l’homme des Nations Unies a déclaré dans ses résolutions que la discrimination fondée sur une séropositivité au VIH (réelle ou présumée) est prohibée par les normes existantes relatives aux droits humains. La stigmatisation et les actes discriminatoires violent le droit humain fondamental d’être à l’abri de la discrimination. Outre le fait de constituer une violation des droits de la personne en elle-même, la discrimination à l’égard des PVVIH ou de celles dont on pense qu’elles sont infectées par le VIH, viole également d’autres droits fondamentaux de la personne, comme le droit à la santé, à la dignité, à la vie privée, à l’égalité devant la loi, et de ne pas subir de traitement ou de châtiment inhumain et dégradant. Un environnement social qui favorise les violations des droits de la personne peut légitimer, à son tour, la stigmatisation et la discrimination. Il existe de nombreuses relations directes et indirectes entre l’épidémie de VIH et l’absence de protection des droits de la personne. Les violations de ces droits peuvent aggraver l’impact du VIH, accroître la vulnérabilité et faire obstacle aux ripostes positives à l’épidémie(23). - Impact : La violation des droits de l’homme que génère la discrimination accroît l’impact de l’épidémie sur les PVVIH et celles dont on pense qu’elles sont infectées, ainsi que sur leur famille et leurs proches.
23 ONUSIDA/UIP (1999) Guide pratique à l’intention du législateur sur le VIH/SIDA, la législation et les droits de l’homme : Mesures de lutte contre les effets dévastateurs du VIH/SIDA sur les plans humain, économique et social. Genève, Suisse.
67
entravée par des lois qui ne permettent pas aux ONG ou aux groupes ayant des membres particuliers (par exemple les PS) d’être officiellement enregistrés. Assurer la protection, le respect et l’application des droits de l’homme est un bon moyen de combattre la stigmatisation et la discrimination associées au Sida. La stigmatisation et la discrimination, ainsi que les violations des droits de l’homme qu’elles génèrent, peuvent être combattues par le biais de mécanismes visant à faire respecter les droits de l’homme existants. Ces mécanismes constituent un cadre dans lequel la responsabilité à l’égard des personnes vivant avec le VIH, et souffrant de discrimination fondée sur leur séropositivité réelle ou présumée, la reconnaissance et l’application de leurs droits vont s’exercer, leur permettant ainsi de s’opposer à de tels actes par le biais de procédures, de mécanismes institutionnels et de surveillance pour faire respecter les droits de l’homme et de pouvoir demander réparation des actions discriminatoires.
Figure 5 : Le cycle de la stigmatisation, de la discrimination et des violations des droits de la personne (Diagramme élaboré par Miriam Maluwa et Peter Aggleton(22)).
Par exemple, une personne licenciée pour cause de séropositivité est confrontée à d’autres problèmes venant s’ajouter à la maladie elle-même, et notamment au manque de ressources économiques pour les soins de santé, que ce soit pour elle ou pour les membres de sa famille à sa charge. - Vulnérabilité : Les gens sont plus vulnérables à l’infection lorsque leurs droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels ne sont pas respectés. Par exemple, la vulnérabilité des femmes à l’infection à VIH est renforcée lorsqu’elles n’ont pas les moyens juridiques de faire des choix, et de refuser des relations sexuelles non désirées, ou lorsque les enfants ne peuvent pas exercer leurs droits à l’éducation et à l’information. De même, l’impossibilité d’accéder aux services de prévention et de soins liés au VIH accroît la vulnérabilité des autres groupes vulnérables, tels que les UDI, les réfugiés, les migrants et les détenus. - Riposte : Lorsque les droits de l’homme ne sont pas respectés.
68
Par exemple si la liberté de parole ou d’association est restreinte, il est alors difficile pour la société civile de se mobiliser afin de riposter de manière efficace à l’épidémie. Dans certains pays, l’éducation par les pairs est
Les principes, les normes et standards internationaux relatifs aux droits de l’homme offrent un cadre cohérent et normatif au sein duquel on peut analyser et réparer la discrimination associée au Sida. Les Etats sont responsables et doivent rendre compte des violations directes ou indirectes des droits de l’homme, mais aussi garantir aux personnes de pouvoir exercer au mieux leurs droits. Les Directives internationales sur le VIH/Sida et les droits de l’homme, publiées en 1998 par l’ONUSIDA(24) et par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, précisent les obligations des Etats exposés dans les instruments existant en matière de droits de l’homme et comment les appliquer dans le contexte du Sida.
2.4. Répercussions de la stigmatisation et de la discrimination Depuis le début de l’épidémie de Sida, la stigmatisation et la discrimination ont alimenté la transmission du VIH et ont largement aggravé les répercussions négatives de l’épidémie. La stigmatisation et la discrimination associées au VIH continuent à se manifester dans tous les pays et dans toutes les régions du monde et constituent des obstacles majeurs à la prévention de nouvelles infections, à l’atténuation de l’impact et à la fourniture d’une prise en charge, d’un soutien et d’un traitement adéquats(25). Le VIH/SIDA et les droits de l’homme : directives internationales. Deuxième consultation internationale sur le VIH/SIDA et les droits de l’homme, Genève, 23-25 septembre 1996. ONUSIDA, Genève (Suisse). 2001. https:// data.unaids.org/publications/irc-pub02/jc520-humanrights_fr.pdf 25 ONUSIDA. Stigmatisation, discrimination et violations des droits de l’homme associées au VIH : études de cas des programmes réussis. UNAIDS/05.05E, avril 2005 24
69
La stigmatisation associée au Sida est provoquée par toutes sortes de facteurs, notamment une mauvaise compréhension de la maladie, les mythes concernant la transmission du VIH, l’insuffisance de l’accès au traitement, la manière irresponsable dont les médias parlent de l’épidémie, le fait que le Sida soit incurable, ainsi que les préjugés et les craintes liés à un certain nombre de questions sensibles d’ordre social comme la sexualité, la maladie et la mort, et la consommation de drogues.
autres de l’infection et de se protéger elles-mêmes d’une surinfection. Les personnes vivant avec le VIH doivent pouvoir vivre ouvertement et recevoir compassion et soutien au sein de leurs communautés. Leur exemple d’ouverture donne aux autres une perception du risque et de leur expérience, contribuant ainsi aux efforts de prévention, de prise en charge et de traitement.(27)(28)
La stigmatisation peut conduire à la discrimination et à d’autres violations des droits de l’être humain, ce qui affecte fondamentalement le bienêtre des personnes vivant avec le VIH. Partout dans le monde, on a observé des cas bien documentés de personnes vivant avec le VIH qui se voient refuser, entre autres, le droit aux soins de santé, à l’emploi, à l’éducation et à la libre circulation. La Déclaration d’engagement, adoptée en juin 2001 lors de la Session extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies sur le VIH/ Sida(26), souligne le consensus mondial sur la nécessité de lutter contre la stigmatisation et la discrimination liées au Sida. La Déclaration stipule que le combat contre la stigmatisation et la discrimination est une condition préalable à l’efficacité de la prévention et de la prise en charge, et réaffirme que la discrimination liée au statut sérologique d’une personne constitue une violation des droits de l’homme. La discrimination liée au VIH est non seulement une violation des droits de l’homme, mais il est également nécessaire de contrer la discrimination et la stigmatisation pour atteindre les buts en matière de santé publique et vaincre l’épidémie. Les ripostes au VIH et au Sida constituent un continuum, allant de la prévention à la prise en charge et au traitement, et les effets négatifs de la stigmatisation et de la discrimination peuvent être perçus dans tous ces éléments de la riposte. Dans l’idéal, chacun devrait pouvoir librement solliciter et recevoir le conseil et le test volontaires et confidentiels pour connaître son statut VIH sans en craindre les répercussions. Les personnes dont le test VIH est négatif doivent bénéficier de conseil sur la prévention afin de pouvoir rester négatives. Celles dont le test VIH est positif doivent être traitées et prises en charge, et recevoir des conseils sur la prévention afin de protéger les 70
Nations Unies. Déclaration d’engagement sur le virus de l’immunodéficience humaine et le syndrome d’immunodéficience acquise (VIH/Sida). Vingt-sixième session extraordinaire du 27 juin 2001. https://www. un.org/french/ga/Sida/conference/aress262f.pdf
26
Figure 6 : Ensemble des mesures, allant de la prévention à la prise en charge et au traitement (D’après McNeil et Anderson 199827, Busza 1999(28))
Si l’environnement social est stigmatisant, des obstacles se dresseront à tous les stades du cycle décrit ci-dessus étant donné que, par définition, la stigmatisation n’est pas un élément de soutien. La stigmatisation et la discrimination associées au VIH sapent les efforts de prévention car les individus ont peur de découvrir s’ils sont ou non infectés, de chercher à s’informer sur les moyens de réduire les risques d’exposition au VIH, et d’adopter un comportement plus sûr de crainte de susciter des doutes sur leur statut VIH. Ainsi, la stigmatisation et la discrimination nuisent à la capacité des individus et des communautés à se protéger. La crainte de la stigmatisation et de la discrimination décourage également les personnes 27 McNeil J, Anderson S. (1998) Beyond the dichotomy: linking HIV prevention with care. AIDS. 1998;12(Supplement 2):S19-S26. 28 Busza J. Challenging HIV-related stigma and discrimination in Southeast Asia: Past successes and future priorities. New York: Population Council Horizons; 1999.
71
vivant avec le VIH de dévoiler leur infection, même aux membres de leur famille et à leurs partenaires sexuels. Le secret qui entoure l’infection à VIH et résulte de la peur de la stigmatisation et de la discrimination fait que les gens imaginent qu’ils ne sont pas exposés au risque d’infection à VIH. La stigmatisation et la discrimination liées au VIH et au sida signifient également que les PVVIH recevraient moins de soins et d’appui. Même les personnes qui ne sont pas infectées mais sont associées à des individus infectés, telles que les conjoints, les enfants et les personnes qui dispensent des soins, soufreraient de stigmatisation et de discrimination. Cette stigmatisation et cette discrimination accroissent inutilement les souffrances personnelles associées à la maladie. La honte associée au sida (une des manifestations de la stigmatisation que certains auteurs ont décrite comme une stigmatisation ʺintérioriséeʺ) peut aussi empêcher les personnes vivant avec le VIH de chercher à obtenir traitement, soins et soutien et d’exercer d’autres droits, tels que de travailler, de fréquenter l’école, etc. Une telle honte peut avoir une énorme incidence psychologique sur la perception que les personnes vivant le VIH ont d’elles-mêmes et sur la façon dont elles s’adaptent à leur statut, ce qui les rend vulnérables à la culpabilité, à la dépression et à l’isolement qu’elles s’imposent. Ce phénomène peut s’accentuer si certaines personnes sont membres de groupes particuliers qui sont déjà mis à l’écart ou stigmatisés, tels que les UDI, les HSH et les PS, ou encore les travailleurs migrants. Dans les établissements où les soins médicaux sont accessibles et disponibles, la stigmatisation peut conduire à accepter plus difficilement de suivre un traitement.
Figure 7 : Les répercussions de la stigmatisation et de la discrimination associées au sida sur l’ensemble des mesures, allant de la prévention à la prise en charge et au traitement (Diagramme adapté de Busza 1999(28))
Cette tendance à refuser de révéler le statut et d’aller chercher traitement, soins et soutien alimente la stigmatisation et la discrimination, et renforce d’autant ce cycle. Et ce, parce que les stéréotypes et les craintes perdurent jusqu’à ce que les personnes vivant avec le VIH soient affaiblies et souffrent des symptômes de la phase finale du sida, et que le déni et le silence renforcent la stigmatisation vis-à-vis de ces individus déjà vulnérables. En ne révélant pas leur statut VIH, les familles ne sont souvent pas en mesure de s’organiser pour l’avenir, laissant dans le besoin les orphelins et les proches du disparu lorsque le soutien de famille décède, et souvent marginalisés si l’on apprend que leur situation est liée au sida.
72
73
Référentiel VIH et droits humains Tome 1
Troisième chapitre
Vécu des PVVIH, populations clés et vulnérables en matière de stigmatisation, discrimination et non respect de leurs droits 3.1. Stigmatisation et discrimination : des obstacles à la prévention et au dépistage du VIH chez les populations clés en Tunisie. 3.2. Perception des PVVIH de la stigmatisation et de la discrimination 3.3. Témoignage et accès aux soins pour les migrants vivant avec le VIH en Tunisie 3.4. Vécu des hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes 3.5. Vécu des professionnels (lles) du sexe 3.6. Vécu des jeunes populations clés 3.7. Le VIH en situations d’exception
Troisième Chapitre
3.1. Stigmatisation et discrimination : des obstacles à la prévention et au dépistage du VIH chez les populations clés en Tunisie Une étude qualitative, menée entre les mois de juin et novembre 2019 par Kalboussi Y. et Mrabet A., a essayé d’identifier les obstacles à la prévention et au dépistage du VIH/sida chez les populations clés en Tunisie(36).
Les PVVIH et même les membres des populations clés sous souvent particulièrement sujets à la stigmatisation, la discrimination et l’attitude négative de leur comportement par leurs familles, communautés et services de santé. Une telle stigmatisation est généralisée dans de nombreux cadres de santé et services d’application de la loi. Il peut sembler qu’ils aient été tacitement approuvés par l’absence de lois et politiques nationales contre la discrimination. Les effets d’une telle stigmatisation et discrimination liées au VIH peuvent retarder le dépistage et la prise en charge du VIH, la dissimulation du statut sérologique positif et une faible utilisation des services VIH(29),(30),(31),(32),(33). Ils peuvent saper les efforts des programmes nationaux de santé à établir un lien efficace entre les personnes et les soins VIH et les impliquer et les retenir dans les services de soins à long terme(34),(35).
Formes et expériences de la stigmatisation et la discrimination Les participants à l’étude ont mentionné que la crainte de subir des répercussions sociales s’ils demandaient un dépistage ou un autre service était la principale raison de leurs réticences et non-utilisation des services de prévention.
Des études tunisiennes ont essayé d’analyser le vécu des populations clés et des PVVIH en matière de stigmatisation, de discrimination et de violence fondée sur le genre.
Bien que les professionnels de la santé soient censés être une source de soutien et de réconfort, les participants des focus groupes ont affirmé que les professionnels de la santé étaient une source de stigmatisation.
Brou H, et al. When do HIV-infected women disclose their HIV status to their male partner and why? A study in a PMTCT program, Abidjan. PloS Medicine. 2007;4(12):e342. 30 Bwirire LD, et al. Reasons for loss to follow-up among mothers registered in a prevention-of mother to child transmission program in Rural Malawi. Transactions of the Royal Society of Tropical Medicine and Hygiene. 2008;102(12):1195-200. 31 HIV-related stigma. Late testing, late treatment: a cross analysis of findings from the People Living with HIV Stigma Index in Estonia, Moldova, Poland, Turkey, and Ukraine. Copenhagen, HIV in Europe, 2011. 32 Karim QA, et al. The influence of AIDS stigma and discrimination and social cohesion on HIV testing and willingness to disclose HIV in rural Kwa Zulu-Natal, South Africa. Global Public Health. 2008;3(4):351-65. 33 Stangl A, et al. A systematic review of interventions to reduce HIV-related stigma and discrimination from 2002 to 2013: have far have we come ? Journal of the International AIDS Society, 2013. 34 Poteat T, German D, Kerrigan D. Managing uncertainty: a grounded theory of stigma in transgender health care encounters. Social Science & Medicine. 2013;84:22-9. 35 Roberts TK, Fantz C. Barriers to quality health care for the transgender population. Clinical Biochemistry. 2014.
Un autre aspect de discrimination était la violation de la confidentialité, les enquêtés ont mentionné que les professionnels parlaient l’un à l’autre du motif de la consultation. La non-réponse à des questions posées par les populations clés était aussi une forme de discrimination citée lors des focus groupes. « Leurs réponses sont courtes et crues ».
29
76
La stigmatisation et la discrimination étaient les premiers obstacles identifiés par tous les participants à cette étude. Les expériences de la stigmatisation perçue, la peur de la stigmatisation anticipée et l’auto-stigmatisation ont eu un impact négatif sur la relation patient-prestataire, la qualité des services et la volonté des populations clés d’accéder à des services de prévention appropriés. Dans cette étude, la stigmatisation et la discrimination se manifestaient souvent par des actes de négligence, la violation de la confidentialité et un discours moralisateur. Cette stigmatisation a conduit à des comportements de non-recours à des services de prévention et à une non-divulgation des comportements lors des recours.
Selon leurs expériences, dans les établissements de santé, la stigmatisation et la discrimination se sont manifesté souvent par des actes de négligence, dès que la personne demande l’endroit où on effectue le test de dépistage, elle sent qu’elle est négligée.
Le discours moralisateur par les professionnels de santé a été un élément qui a apparu dans tous les focus groupes, les enquêtés ont estimé Kalboussi Y. Les obstacles à la prévention et au dépistage du VIH/Sida chez les populations clés en Tunisie. [Thèse]. Médecine. Université Tunis El Manar. 2020
36
77
que ce discours basé sur des principes sociétales et parfois religieux était assez répandu et que plusieurs personnes ont renoncé au recours à des CCDAG après avoir faire face ce type de discours.
services similaires. Les enquêtés ont mentionné que les personnes qui sont dans l’accueil de ces centres sont dans la majorité des cas des membres de leurs « communautés », ce qui facilite les interactions et les échanges.
Ce discours était varié selon la population clé concernée. Pour le groupe des HSH, c’est plutôt un discours présentant les HSH comme des victimes « d’une certaine maladie » avec des incitations à ne plus avoir des relations avec les hommes, vu que ces personnes « doivent se marier et avoir une famille ». Les TS ont identifié un discours se basant sur des messages les incitant à chercher un autre travail « plus digne » mais aussi un discours les accusant d’avoir des pratiques inacceptables sur le plan sociétal « ce que tu as fait est contre les règles et les principes de notre société ».
Quelques cas de stigmatisation intracommunautaire ont été mentionnés, l’esprit de compétition « pour les clients » chez les PS ou pour les substances chez les UDI peut causer des tensions intracommunautaires ce qui a conduit à l’isolement social ou même de la violence.
La stigmatisation a concerné aussi l’accueil (l’enregistrement, le personnel administratif,), car les enquêtés ont mentionné qu’une fois la personne entre dans le bureau du médecin, le dialogue s’engage à deux, dans de bonnes conditions de discrétion et de confort. « Je me trouve enfin devant un professionnel qui comprend mes problèmes et peut m’aider ». La peur de la divulgation des résultats et du manque de confidentialité était toujours présente. Les enquêtés ont exprimé des craintes relatives au respect de l’anonymat : exposition des résultats aux yeux des autres personnes présentes, discussion à voix haute des motifs des consultations et des résultats des tests. Les participants à l’étude ont exprimé que les CCDAG sont logés à l’intérieur d’autres structures publiques qui offrent toute une gamme de services sanitaires, en plus du VIH. De ce fait, lorsqu’une personne se présente dans une structure publique, il est systématiquement en contact visuel avec des personnes qui sont venues pour demander un service n’ayant rien à voir avec le VIH. Par exemple, une personne PS qui se présente au CCDAG, sis à l’avenue 9 avril à Tunis, va être en contact avec d’autres personnes venues pour des consultations de maladies chroniques. « Quand j’y vais, j’essaie de me cacher, parce que si quelqu’un du quartier te voit là-bas, à ton retour, tu trouves qu’ils ont annoncé à tout le quartier. »36
78
L’accueil et l’information semblaient être meilleurs dans CCDAGs gérés par les ONGs d’après les enquêtés. Ils ont exprimé qu’ils peuvent se permettre de passer plus de temps dans ces centres et avoir assez de temps pour poser des questions ou demander des services supplémentaires vu que toutes personnes présentes dans ces centres sont venues pour des
Auto-stigmatisation et stigmatisation intériorisée Une autre forme de stigmatisation assez répondue a été mentionnée lors des discussions, c’est l’auto-stigmatisation, ou la stigmatisation intériorisée qui a un effet négatif sur le bien-être mental des populations clés et sur la confiance et la motivation pour demander de l’aide et des services de prévention. Les populations clés ont exprimé un jugement négatif sur soi entraînant une honte et un sentiment d’inutilité. Plusieurs exemples ou l’auto-stigmatisation a affecté la capacité, la motivation et la volonté de la personne à un recours à des services de prévention. Le groupe des UDI est le groupe qui a insisté le plus sur cette notion d’auto-stigmatisation en mentionnant leurs quotidiens de quête continue des substances psychotropes et les conséquences de la dépendance : impossibilité de trouver du travail, état de stress en continue, des périodes de sommeil assez longues. Attitudes face à la stigmatisation Les participants à l’étude ont déclaré qu’ils ont adopté des stratégies assez communes pour essayer de se protéger contre la stigmatisation et la discrimination. Ces stratégies adoptées étaient l’isolement et la non-divulgation. Les populations clés préféraient rester isolées et ne pas avoir recours à des services de prévention plutôt que de faire face à la stigmatisation. Les enquêtés ont déclaré que la stigmatisation les a poussés à changer la manière avec laquelle ils ont recours aux services ou parfois à ne plus utiliser les services. Les expériences de discrimination ont été la principale cause du recours à des différents CCDAG pour les personnes qui veulent effectuer le test de dépistage. La non-disponibilité du test rapide dans les pharmacies ou dans le secteur privé a obligé les personnes qui voulaient faire le test à un
79
recours à un CCDAG diffèrent en cas de stigmatisation ou à renoncer à faire le test. D’autres participants ont mentionné le recours à des services en dehors des services typiques de la prévention comme le fait d’effectuer la charge virale dans les laboratoires privés sans avoir faire le test rapide ou se procurer des aiguilles et des seringues des voisins et des connaissances qui utilisent l’insuline. La non-divulgation des facteurs de risque et des pratiques a été une autre pratique fréquente chez les enquêtés. La majorité de ces derniers ont choisi de ne pas divulguer leurs informations à leurs familles mais aussi aux professionnels de santé. La principale raison de cette non-divulgation a été l’anticipation d‘une réponse réaction négative telle que le fait d’être enfermé, battu ou de perdre un soutien financier de la part de la famille. Les participants ont indiqué qu’ils sont conscients des stéréotypes négatifs associés à leurs statuts dans les centres de santé et qu’ils anticipent à chaque contact avec les services de santé la dévaluation et la discrimination et ont adopté la non-divulgation comme un comportement pour éviter un potentiel rejet social attendu. Les HSH ont décrit une stigmatisation multicouche qui vient d’autres HSH, de la famille et des amis, et dans des milieux professionnels. Ils ont signalé un manque de soutien familial et social, la nécessité de fournir un effort constant pour cacher leur sexualité et des problèmes de santé mentale persistants (par exemple la solitude, la privation émotionnelle). Bien qu’ils aient décrit de vastes réseaux sociaux, ils ont également souvent déclaré n’avoir qu’un nombre limité d’amis proches sur lesquels ils pouvaient compter. Barrières légales et structurelles Les populations clés enquêtées ont déclaré que les lois punitives qui existent en Tunisie représentent aussi un obstacle à l’usage des services de santé.
80
Ils ont déclaré qu’ils sont conscients des risques que représentent la pénalisation de l’homosexualité, la consommation de drogues et le travail de sexe. Les participants font bien le lien entre la criminalisation par le code pénal Tunisien qui prévoit des amendes et des peines d’emprisonnement et les pratiques répressives de la part des agents de force de l’ordre ainsi que la stigmatisation de la part des professionnels de santé.
« Si vous êtes susceptible d’être arrêté en tant que professionnelle du sexe, il est peu probable que vous divulguiez ces informations. Il est peu probable que vous demandiez de l’aide si vous devez divulguer ces informations dans le cadre de votre recherche d’aide ». Dans le focus groupe UDI, les participants ont mentionné que mêmes si les programmes d’échange de seringues existaient dans quelques villes, l’accès à du matériel d’injection sans danger était compromis, vu que les agents de la police pouvaient arrêter une personne en possession du matériel d’injection et l’emmenaient au poste de la police pour des questions, interrogations et parfois détention pour une durée de 24 heures. Parfois même, les agents communautaires des ONG qui distribuent les seringues et le matériel d’injection ont été aussi sujets à des « provocations de la part des policiers ». D’autres pratiques compliquent l’accès des UDI à du matériel d’injection ce qui a augmenté potentiellement le partage du matériel d’injection comme le refus de certaines pharmacies de vendre des seringues d’insuline pour les UDI. Les agents qui travaillent dans les pharmacies les considéraient comme une potentielle menace pour la réputation de l’officine et c’est pour cette raison ils refusaient de leurs vendre des seringues. « Même si une officine accepte de vendre les seringues une première fois, l’information va vitement circuler dans la communauté des UDI et un afflux important d’UDI va provoquer une réaction de refus de vente de la part des pharmaciens »(36). Les PS ont déclaré qu’elles étaient conduites dans la clandestinité et ont évité les services par peur de perdre leur gagne-pain vu que le travail du sexe était criminalisé, en particulier lorsque ces personnes craignaient le partage de leurs informations personnelles avec la police et d’autres autorités. Les PS ont déclaré que des personnes appartenant à leur communauté ont été arrêtées par la police juste pour le fait qu’elles avaient des préservatifs dans leurs sacs à main. L’accès aux informations et aux services liés au VIH était entravé chez HSH dans un pays où existe une loi sur la sodomie et dans un contexte ou des informations circulaient sur des pratiques où la police harcelaient les HSH. L’affaire des six étudiants du foyer universitaire de Rakkada (gouvernorat de Kairouan), qui ont été condamné par le tribunal de Kairouan le 10 décembre 2015 à 3 ans de prison pour homosexualité après avoir subi des
81
tests anaux en vue de prouver leur culpabilité, a été cité à plusieurs reprises comme exemple des raisons qui poussaient ces populations à vivre dans une culture assez fermée et ne pas demander l’accès à des services liés au VIH.
80% des PVVIH ont déclaré «un changement du comportement» de l’infirmier suite à l’annonce de la séropositivité du patient, 66% ont déclaré «un silence lourd» de la part de l’infirmier, 20% seulement des PVVIH déclarent n’avoir remarqué «aucune réaction» de la part des infirmiers traitants.
3.2. Perception des PVVIH de la stigmatisation et de la discrimination
En milieu familial : «le changement de comportement» est l’attitude de stigmatisation et discrimination la plus remarquée selon les PVVIH (88%), 63% déclaraient «un évitement», et 40% ont senti «une crainte de contamination», alors que 13% ont été expulsées du domicile familial.
Une autre étude, menée en juillet 2020 dans trois services hospitaliers de Tunis par Idrissi G. et Makroum R., a analysé la perception des PVVIH du regard de l’entourage et du personnel infirmier et a évalué les facteurs, les attitudes et les manifestations de discriminations faites aux PVVIH par leur entourage(37). Parmi les PVVIH enquêtées 93% pensent que la société tunisienne les considère comme des «êtres fautifs», 73% comme étant des «êtres coupables» et 60% les prennent pour «des êtres malsains». Selon 86% des PVVIH, le «niveau d’instruction» représente le principal facteur à l’origine de la stigmatisation, 73% pensent que c’est plutôt dû à la « propagation d’images choquantes sur le Sida », et 20% seulement que c’était en relation avec la religion. Les PVVIH se trouvaient stigmatisées par un «regard péjoratif et démoralisant» dans 93% des cas, du « pointage de doigt » dans 86% des cas, un “évitement physique” dans 73% des cas, des «mimiques et chuchotements» dans 60% des cas. Devant des attitudes de stigmatisation, les PVVIH se sentaient humiliées dans 93% des cas, avaient un sentiment d’injustice dans 86% des cas et étaient tristes dans 80% des cas. En milieu hospitalier : 80% des PVVIH enquêtées ont déclaré qu’elles ont été discriminées en milieu hospitalier de la prise en charge thérapeutique par l’infirmier.
82
Parmi les PVVIH enquêtées, 46% seulement ont déclaré avoir reçu un soutien psychologique, sociologique et économique de la part de leurs familles.
3.3. Témoignage et accès aux soins pour les migrants vivant avec le VIH en Tunisie L’Association Tunisienne de Lutte contre les Maladies Sexuellement Transmissibles et le Sida (ATL MST Sida Tunis) a étudié la situation de l’accès aux soins pour les migrants vivant avec le VIH en Tunisie en 2016(38). Situation de l’accès aux soins pour les migrants vivant avec le VIH - Les PVVIH « étrangers » (non tunisiens) généralement n’ont pas accès à la PEC médicale. - Ils ne bénéficient pas de la gratuité du traitement, et sont rejetés chaque fois qu’ils demandent les ARV de la pharmacie de l’hôpital. - La loi n’interdit pas la gratuité du traitement aux étrangers (non tunisiens). Accès aux soins pour « les migrants-étudiants » - Incapacité de la direction de la médecine scolaire et universitaire (DMSU) à couvrir tous les établissements universitaires.
Cela s’est manifesté par le non-respect du secret médical de la part du personnel infirmier (80%), le mépris (66%), par des mimiques et chuchotements de la part des infirmiers (40%) et parfois même un refus de soin (13%).
- Le non-respect de la loi par les établissements universitaires et écoles de formation professionnelle privés.
Idrissi G, Makroum R. Stigmatisation et discrimination des personnes vivantes avec le VIH. [Mémoire]. Sciences Infirmières. Université Tunis El Manar. 2020.
38
37
- L’absence de supervision de la part du Ministère de l’enseignement supérieur et le ministère de l’emploi pour ce qui concerne les formations professionnelles… Association Tunisienne de Lutte contre les Maladies Sexuellement Transmissibles et le Sida. Situation de l’accès aux soins pour les migrants vivant avec le VIH en Tunisie. ATL MST Sida Tunis. 2016.
83
- La discrimination entre étudiants du secteur public et étudiants du secteur privé. Obstacles devant l’accès aux soins - L’ignorance de la loi ; - L’ignorance ou le manque d’informations, de même que les idées préconçues et les peurs relatives au VIH et au sida ; - Les obstacles financiers et administratifs liés à la complication des procédures administratives surtout lorsqu’il s’agit d’une naissance ou d’un décès ou encore d’une régularisation de carte de séjour ; - Les réfugiés du Camps de Choucha (au sud tunisien) refusent l’intégration en Tunisie et veulent partir pour un pays d’Europe, en tant que réfugiés. Chiffres et statistiques à propos de l’accès aux soins Le pourcentage de violation d’accès aux soins le plus important était contre les PVVIH (44%) suivi des UDI (24%) et des migrants (20%)(38) (figure 8).
Figure 9 : Pourcentage des différents types des violations contre les PVVIH et les populations clés (Source : ATL MST Sida Tunis. 2016(38))
Témoignages des migrants - Manque d’information : « Ma présence en Tunisie est de faire une formation en Tourisme et Hôtellerie. L’école où j’envisage procéder à mon inscription m’a fait savoir que je serai soumis à des examens de santé dont le test VIH. Alors, je ne sais pas comment cela se passera si je suis infecté. Est-ce que je risque d’être interdit de séjour voire d’étudier ici en Tunisie ? Selon le témoignage entendu de certains anciens étudiants étrangers à Tunis : Il parait que parmi les tests obligatoires pour les futurs étudiants étrangers en Tunisie, figure le test VIH »(38). - « Est-ce que j’ai la possibilité d’avoir accès aux traitements, de bénéficier de la prise en charge et de médicaments ? J’ai le droit à la confidentialité ? d’avoir également droit au respect et à la dignité s’il vous plaît ?»(38)
Figure 8 : Les pourcentages de violation contre les PVVIH et Populations clés (Source : ATL MST Sida Tunis. 201638)
84
Différents types de violations contre les PVVIH et les populations clés ont été déclarés. Ils étaient fréquemment à type de stigmatisation discrimination en milieu hospitalier et accès aux soins (19%), avec la police (6%) et en milieu familial (4%)(38) (Figure 9).
- « Quand je suis allé à l’hôpital au lieu d’un ami à moi PVVIH pour me renseigner sur la prise en charge des PVVIH, j’ai subi des comportements stigmatisants et discriminants de la part du personnel soignant qui a insinué que j’ai le VIH et l’a diffusé à tout l’hôpital, pourtant ce n’était pas le cas. »(38). - Le sentiment de peur : « Je suis un africain de couleur et je suis ici en Tunisie depuis trois mois. J’habite dans le gouvernorat de Sousse et je fais une courte formation dans un institut privé. Je suis en situation légale ici en Tunisie mais je ne dispose pas de carte de résidence. Depuis que je suis en
85
Tunisie, je n’ai pas eu d’aventure sexuelle mais auparavant, dans mon pays j’ai été avec une personne dont j’ai appris après mon arrivée en Tunisie qu’elle serait infectée VIH. Alors je suis dans la peur pour plusieurs raisons : • La peur parce que je ne connais pas mon statut sérologique ; • La peur parce que je ne sais pas si en cas d’infection, je pourrai bénéficier de traitements antirétroviraux ici en Tunisie ; • La peur qu’en cas d’infection, est-ce que j’aurai droit au respect et à la dignité, à la confidentialité de mon statut ? Ou est-ce que je risque d’être interdit de séjour en Tunisie ?»(38).
Figure 10 : Accès aux soins pour les migrants vivant avec le VIH entre réalité et perspectives (Source : ATL MST Sida Tunis38)
3.4. Vécu des hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes. L’épidémie du VIH chez les HSH continue de se répandre dans la majorité des pays. Dans la majorité des zones urbaines, le taux de prévalence du VIH chez les HSH est en moyenne 13 fois plus important que chez la population générale(39). L’une des raisons expliquant ce taux de prévalence chez les HSH serait que la transmission du VIH par voie anale et sans préservatif est plus facile que par voie vaginale et sans préservatif, et les risques individuels d’infection du VIH chez les HSH incluent les relations sexuelles 86
World AIDS Day Report 2012. Geneva, Joint United Nations Programme on HIV/AIDS, 2012. www. unaids.org/en/media/unaids/contentassets/documents/epidemiology/2012/gr2012/jc2434_worldaidsday_ Résultats_en.pdf
39
anales passives non protégées, un nombre élevé de partenaires masculins et la consommation concomitante de drogues par injection(40),(41),(42). Une législation discriminatoire, une stigmatisation (y compris par les travailleurs de la santé) une violence homophobe dans de nombreux pays sont un frein de taille à la prestation de services liés au VIH destinés aux HSH et limitent leur utilisation des services existants. De nombreux pays criminalisent les relations sexuelles avec des partenaires de même sexe (soit homme-homme uniquement, soit homme-homme et femme-femme). À compter du mois de décembre 2011, les pratiques sexuelles entre personnes du même sexe étaient criminalisées dans 38 sur 53 pays d’Afrique(43). Dans les Amériques, en Asie, en Afrique et au Moyen-Orient, 79 pays sont dotés de lois pénales contre l’activité sexuelle entre hommes(44). L’éventail des sanctions juridiques et la mesure d’application de la loi pénale diffèrent d’un pays à un autre(45). En Tunisie, et à l’instar de tous les pays arabo-musulmans, le comportement sexuel demeure relativement peu exploré. Ceci est essentiellement en rapport avec des considérations religieuses et socioculturelles. Selon une publication de Haffani F.(46), l’école ne représente que 1,1% des sources d’informations sexuelles, contre 2% pour les parents, 14,1% pour les mass-médias et 82,8% pour les amis. De plus, seule la reproduction (qui est une partie infime de la sexualité) est enseignée en secondaire alors que le lycéen a déjà vécu ou est en train de vivre sa puberté. Selon la même étude, l’homosexualité représente la pratique sexuelle la moins tolérée par la société (81,6% des répondants dans le milieu urbain versus 66,3% des répondants dans le milieu rural). Ainsi, l’ouverture de la société tunisienne n’avait pas d’influence sur sa conception de l’homosexualité et que l’homophobie est restée ancrée dans les esprits des jeunes et des moins jeunes en Tunisie. Ces barrières entravent l’application et l’efficacité des programmes de prévention. Beyrer C, et al. Global epidemiology of HIV Infection in men having sex with men. Lancet. 2012;380(9839):367-77. 41 Hladik F, Mc Elrath MJ. Setting the stage: host invasion by HIV. Nature Reviews Immunology. 2008;8(6):44757. 42 Royce RA, et al. Sexual transmission of HIV. New England Journal of Medicine. 1997;336:1072-8. 43 Johnson CA. Off the map: How HIV/AIDS programming is failing same-sex practicing people in Africa. Canadian Journal of African Studies. Vol. 43, No. 1, New Perspectives on Sexualities in Africa (2009), pp. 195-198. 44 Leblanc D. 79 pays avec des lois anti-homosexuelles. Erasing 76 CRIMES. Publié le 17 Avril 2014, misà-jour le 19 octobre, 2014. https://76crimesfr.com/2014/10/19/79-pays-avec-des-lois-anti-homosexuelles/ 45 Poteat T, et al. HIV risk among MSM in Senegal: a qualitative rapid assessment of the impact of enforcing laws that criminalize same sex practices. PLoS One. 2011;6(12). 46 Haffani F. La sexualité des hommes Tunisiens. 2005. http://haffani.blogspot.com/2005/07/la-sexualitedes-hommes-tunisiens.html 40
87
3.5. Vécu des professionnels (lles) du sexe Les PS courent un plus grand risque d’infection au VIH en raison de leurs multiples partenaires sexuels et, parfois, de l’utilisation irrégulière des préservatifs, due au refus ou à la coercition des clients. Les questions juridiques, la stigmatisation, la discrimination et la violence constituent des obstacles à la prestation de services relatifs au VIH pour les PS(47),(48),(49),(50).
3.6. Vécu des jeunes populations clés Les jeunes populations clés (les adolescents) peuvent faire face, eux aussi, à une stigmatisation, une discrimination et une violence plus accentuée que celles auxquelles les personnes plus âgées des populations clés font face. De peur de faire face à une discrimination et ou des conséquences juridiques possibles, de nombreuses jeunes populations clés sont réticents à l’idée de recevoir des services de diagnostiques et de traitement. Par conséquent, ils sont effacés dans plusieurs programmes d’interventions essentielles en matière de santé, perpétuant ainsi leur exclusion(51),(52).
3.7. Le VIH en situations d’exception 3.7.1. Impact de la pandémie Covid-19 sur la prise en charge des personnes à risque d’exposition au VIH et les PVVIH La pandémie Covid-19, déclenchée en Chine dans la dernière journée de l’année 2019, a envahi progressivement tous les continents et la majorité des pays du monde. Le premier cas de contamination au Covid-19 en Tunisie est apparu le 2 mars 2020 à Gafsa, soit près de quatre mois après l’apparition des premiers cas de contamination dans la province de Wuhan en Chine. Les autorités tunisiennes ont pris, très tôt, dès la mi-mars, les dispositions nécessaires pour contenir la pandémie : mesures de distanciation Baral S, et al. Burden of HIV among female sex workers in low-income and middle-income countries: a systematic review and meta-analysis. Lancet Infectious Diseases. 2012;12:538-49. Bayer AM, et al. “Just getting by”: a cross-sectional study of male sex workers as a key population for HIV/ STIs among men having sex with men in Peru. Sexually Transmitted Infections. 2014;90(3):223-9. 49 Platt L, et al. Factors mediating HIV risk among female sex workers in Europe: a systematic review and ecological analysis. BMJ Open. 2013;3(7). 50 Tran BX, et al. HIV Infection, Risk Factors, and Preventive Services Utilization among Female Sex Workers in the Mekong Delta Region of Vietnam. PLoS One. 2014;9(1):e86267. 51 HIV and adolescents. Guidance for HIV testing and counseling and care for adolescents living with HIV: recommendations for a public health approach and considerations for policymakers and managers. Geneva, World Health Organization, 2013. http://www.who.int/iris/bitstream/10665/94334/1/9789241506168_eng.pdf 52 Organisation mondiale de la Santé. Lignes directrices unifiées sur la prévention, le diagnostic, le traitement et les soins du VIH pour les populations clés. Bureau régional de l’OMS pour l’Afrique, Genève. 2016. 47
48
88
sociale, instauration d’un couvre-feu, confinement total, isolement des personnes venant de l’étranger. Cela a permis de maîtriser relativement la pandémie et d’envisager un déconfinement progressif début mai. La principale ligne directrice des plans de lutte contre la Covid-19 a été d’éviter la saturation des services de santé, d’assurer leur pérennité et les protéger d’un effondrement désastreux(53). Mais cela a été à l’origine d’une limitation de l’accès aux soins des malades chroniques et des PVVIH. Dans son dernier rapport de juin 2020, le Programme des Nations Unies pour le Développement en Tunisie a fait une estimation de l’impact économique de la Covid-19 en Tunisie(54). Il a été précisé qu’à l’instar de ce qui est en train de se passer dans plusieurs pays, la pandémie Covid-19 s’est transformée en Tunisie, en une crise économique et sociale. Les impacts économiques de cette crise sont lourds, notamment pour les ménages vulnérables et les micros et petites entreprises. Partout dans le monde, elle s’accompagne d’une aggravation du chômage et d’une baisse des salaires des emplois précaires (avec une perte d’emplois dans le monde, allant de 5,3 à 24,7 millions, selon la sévérité des impacts considérés à travers différents scénarios). Pour un pays en développement tel que la Tunisie, il est primordial de prendre en considération le travail informel lors de l’analyse des impacts de la pandémie Covid-19 sur la pauvreté monétaire et multidimensionnelle. En effet, la pandémie actuelle se traduit par un choc sur la demande de travail et donc par une baisse significative des sources de revenus et du nombre d’heures de travail, générant une augmentation du nombre des travailleurs dans le secteur informel. Une attention particulière doit, par ailleurs, être accordée au travailleurs migrants, demandeurs d’asile et réfugiés (aides ménagères, baby-sitter, jardiniers, travailleurs journaliers dans les secteurs de la construction, du tourisme et de l’agriculture, etc.) dans le secteur informel, qui sont affectés de manière disproportionnée par les mesures de confinement. En effet, les franges les plus impactées par la Covid-19 sont les ouvriers, les chômeurs et les autres inactifs qui subissent une détérioration plus importante de leurs revenus relativement aux catégories de ménages. Ce sont les femmes ouvrières agricoles et non agricoles ainsi que les chômeuses 53 Ben Abdelaziz A, et al. Counter-Covid-19 pandemic strategy in the Maghreb Central. Qualitative study of the perceptions of health professionals. Tunis Med. 2020; 98(4): 266-82. 54 Programme des Nations Unies pour le Développement en Tunisie. Impact économique du Covid-19 en Tunisie. Analyse en termes de vulnérabilité des ménages et des micros et très petites entreprises. Tunis. 2020
89
qui subissent les impacts négatifs au premier degré. Pour les hommes, à ces deux catégories s’ajoute également la catégorie des autres inactifs. Les populations clés font partie entre autres de ces franges impactées par la Covid-19. En Tunisie, l’impact de la Covid-19 sur la riposte au VIH a été observé en termes d’accès aux soins, de disponibilité des ARVs (qui a connu quelques perturbations liées aux fournisseurs étrangers) et d’accès au dépistage et à la prévention (Ce qui retentirait dans le futur sur le nombre de nouvelles infections, les arrêts du traitement par les PVVIH et le développement de résistance aux ARVS). Pour alléger cet impact et afin de garantir l’observance de la prise en charge des PVVIH, le PNLS et certaines ONG ont assuré la distribution des médicaments aux PVVIH, pendant la période du confinement général en Tunisie. Sur le plan international, certaines initiatives ont été recommandées dans le contexte épidémique de la Covid-19. En France et afin de garantir la prise en charge des personnes à risque d’exposition au VIH et aux autres IST et notamment lors de la levée de confinement, la Haute Autorité de Santé française(55) a publié les mesures nécessaires à appliquer et le rôle des centres gratuits d’information de dépistage et de diagnostic tels que : - maintenir un dépistage régulier du VIH, des hépatites virales B et C, et des IST chez les personnes à risque d’exposition (personnes ayant un nombre élevé de partenaires sexuels, personnes sous PrEP, PS, migrants, personnes en situation de précarité…) - assurer à nouveau la réalisation de ce dépistage en début de période de sortie de confinement si celui-ci avait été interrompu pendant la phase de confinement. - maintenir une offre de soins dans le cadre du dépistage et du traitement des IST.
3.7.2. Violences sexuelles, VIH et conflits armés On entend par « violence sexuelle » la « violence physique ou morale menée par des moyens sexuels ou en recherchant la sexualité. Elle couvre les attaques à la fois physiques et psychologiques dirigées contre les caractéristiques sexuelles d’une personne »(56). Il faut ajouter aux chiffres Haute Autorité de Santé. Réponses rapides dans le cadre du Covid-19. Continuité du suivi des personnes vivant avec le VIH et de l’offre de soins en santé sexuelle dans la levée de confinement. Mise à jour. Juin 2020. 56 Dubuy M. Le viol et les autres crimes de violences sexuelles à l’encontre des femmes dans les conflits armés. dans Biad A. et Tavernier P. dir. Le droit international humanitaire face aux défis du XXIe siècle, ed. Bruylant, collection Credho, Université de Paris-Sud et Rouen, 2012, p. 185-186. 55
90
des viols ceux de « l’esclavage sexuel, la prostitution, la grossesse et la stérilisation forcées, ou toute autre forme de violence sexuelle de gravité comparable, perpétrées contre des femmes, des hommes ou des enfants ». Le CICR estime d’ailleurs qu’il faut ajouter à cette liste déjà longue «la maternité forcée, l’interruption forcée de grossesse, l’attentat à la pudeur, la traite des personnes, les examens médicaux déplacés et les fouilles corporelles avec déshabillage intégral »(57). En conflit armé, les violences sexuelles ne sont en aucun cas un phénomène nouveau des conflits du XXIe siècle. L’histoire de ces violences semble remonter aussi loin que remonte celle de la guerre. Pendant des siècles, « les femmes ont été […] reléguées au rang de butin »(58). Les violences sexuelles étaient perçues comme le résultat de la fatalité. Inévitables, les viols et autres actes sexuels forcés découlaient intrinsèquement du contexte chaotique des conflits armés. De la même manière qu’un seigneur envahit les terres d’un autre pour s’en approprier les richesses, ses guerriers, « dans un élan de toute puissance, appréhendent la femme comme un butin de guerre dont ils peuvent se servir librement »(59). Amnesty International(60) a rapporté qu’au Bengladesh, 200.000 femmes ont été les victimes d’une politique de « viol systématique » durant la guerre de sécession de 197160. Le Programme de communication sur le Génocide au Rwanda et les Nations Unies ont rapporté que depuis 1989, environ 40.000 femmes ont été violées au Libéria, 60.000 en Sierra Leone, 100.000 à 250.000 en seulement trois mois au Rwanda, 60.000 en ex-Yougoslavie et au moins 200.000 en République Démocratique du Congo(61). Concernant ce dernier État, en 2004 il était estimé que « huit à dix personnes étaient violées chaque jour » dans la seule région de l’Ituri(62). Les violences sexuelles des conflits armés ont des conséquences sanitaires destructrices à court comme à long terme. Les risques d’infertilités et de traumatismes psychologiques durables sont considérables, et la contamination par des maladies sexuellement transmissibles est également parLindsey-Curtet C, Tercier Holst-Roness F, Anderson L. Répondre aux besoins des femmes affectées par les conflits armés : Un guide pratique du CICR. CICR, 11.2004, p. 29. Ayat M. Quelques apports des Tribunaux pénaux internationaux, ad hoc et notamment le TPIR, à la lutte contre les violences sexuelles subies par les femmes durant les génocides et les conflits armés. International Criminal Law Review, 10, 2010, Leiden, p. 789. 59 Dubuy M. Le viol et les autres crimes de violences sexuelles à l’encontre des femmes dans les conflits armés. dans Biad A. et Tavernier P. dir. Le droit international humanitaire face aux défis du XXIe siècle, ed. Bruylant, collection Credho, Université de Paris-Sud et Rouen, 2012, p. 207. 60 Les crimes commis contre les femmes lors des conflits armés. Amnesty International. Nov. 2004, p. 28. 61 La violence sexuelle : un outil de guerre. Programme de communication sur le Génocide au Rwanda et les Nations Unies, Nations Unies, mise à jour en Mars 2014. 62 Kippenberg J. En quête de justice : Poursuivre les auteurs des violences sexuelles commises pendant la guerre au Congo. Human Rights Watch, Rapport. 2005;17(1):10. 57
58
91
ticulièrement élevée. « Les victimes reçoivent en quelque sorte une «double peine» »(63). « Certaines femmes et filles ont été rejetées » notamment par peur qu’elles n’infectent le reste de la communauté, en particulier par le virus du VIH. Ce dernier est en effet l’exemple le plus complet des conséquences médicales de ces violences(64). Josse E. rapporte que 66,7% des femmes violées durant le génocide [rwandais] sont séropositives(65). S’il n’existe pas de preuves certaines, selon certains experts le VIH aurait même parfois été utilisé volontairement comme « arme biologique et psychologique » pour contaminer les populations ennemies par le viol(66).
Violences sexuelles dans les conflits armés : questions et réponses. CICR, 10.11.2013. La République Démocratique du Congo. La guerre dans la guerre : violence sexuelle contre les femmes et les filles dans l’est du Congo. Human Rights Watch. Juin 2002. 65 Josse E. Violences sexuelles et conflits armés en Afrique. Résilience PSY. www.resilience-psy.com/spip. php?article107 66 Milleliri J-M. Le sida transforme le paysage des conflits armés en Afrique. Revue critique de l’actualité scientifique internationale sur le VIH et les virus des hépatites, Institut de médecine tropicale, Service de santé des armées (Marseille), n°110, 09.2003. 63 64
92
Référentiel VIH et droits humains Tome 1
Quatrième chapitre
PROMOTION et protection des droits humains liés au VIH/ SIDA et le genre 4.1. Les mesures de lutte 4.2. Indicateurs d’une bonne action de réduction de la stigmatisation et de la discrimination
Quatrième Chapitre
Puisqu’il existe un lien étroit entre stigmatisation, discrimination et violations des droits de l’homme, et que les personnes vivant avec le VIH font l’objet de stigmatisation et de discrimination dans différents contextes, des initiatives à volets multiples doivent être prises simultanément et maintenues dans le temps. Pour pouvoir créer un environnement où la stigmatisation, la discrimination et la violation des droits de l’homme ne seront plus tolérées ni pratiquées, il faut mettre en œuvre des programmes abordant la stigmatisation aux niveaux de la collectivité et de la communauté. Les programmes doivent donc agir en amont et s’attaquer à la stigmatisation avant que celle-ci ne se manifeste ou ne prenne la forme de différents actes discriminatoires, plutôt que d’y faire face une fois qu’elle est apparue. De plus, il faut élaborer et appliquer des lois et des politiques visant à protéger les PVVIH de la discrimination afin que celles-ci puissent exercer leurs droits. Une réforme juridique et politique est importante si l’on veut faire changer les valeurs sociales au sens large et établir certaines normes qui affaibliront probablement la stigmatisation et la discrimination dans les communautés et les milieux institutionnels. Une réforme juridique et politique qui protège les droits de l’homme offre à son tour un contexte favorable pour l’élaboration et la mise en œuvre de programmes efficaces de prévention du VIH et de prise en charge du SIDA. Dans l’ensemble, en l’absence de discrimination, les personnes et les communautés peuvent mobiliser leurs ressources et riposter de manière collective et positive à l’épidémie de Sida. Ainsi, il faut agir pour promouvoir et protéger les droits humains liés au VIH et au sida. Ces actions visent un changement au niveau de la société et des services de manière à réduire les attitudes négatives, les refus de traitements et les discriminations envers les PVVIH et les populations clés plus exposées aux risques d’infection. 96
L’objectif général de cette démarche est de promouvoir et protéger les droits humains liés au VIH, au sida et au genre afin de converger vers la vision zéro nouvelle infection, zéro discrimination et zéro décès liés au sida en Tunisie. Il s’agit de mettre en œuvre une riposte efficace en atténuant la discrimination et en favorisant la promotion, la protection et la diffusion des droits humains afin d’aboutir à l’impact sur l’épidémie du VIH. Cette riposte est à évaluer par des indicateurs d’une bonne action de réduction de la stigmatisation et de la discrimination.
4.1. Les mesures de lutte Les mesures visant à s’opposer à la stigmatisation et à la discrimination associées au VIH peuvent être divisées en trois grandes catégories :
4.1.1. Approches visant à atténuer la stigmatisation Ces mesures sont orientées sur les communautés, et se déclinent sous la forme d’un éventail d’activités de prévention et de prise en charge. Ces mesures comprennent des actions médiatiques visant à davantage de tolérance à l’égard des PVVIH et à davantage de compréhension des conditions dans lesquelles elles vivent. Les stratégies visant à atténuer la stigmatisation peuvent être à type de : - améliorer la qualité de vie des PVVIH par le biais de soins intégrés y compris les soins à domicile ; - mobiliser les chefs religieux pour favoriser respect et compassion à l’égard des PVVIH ; - remédier aux inégalités au sens large par le biais de l’éducation participative ; - créer un espace favorable et confidentiel pour pouvoir parler de sujets sensibles ; - fournir un traitement contre le VIH et une prise en charge du Sida complets, y compris l’accès à la thérapie antirétrovirale ; - habiliter les PVVIH à prendre en mains diverses activités de soutien et de plaidoyer ; 97
- mobiliser les responsables communautaires afin d’encourager une plus grande ouverture sur les questions liées à la sexualité et au VIH dans les communautés, en tirant parti des normes sociales positives ; - sensibiliser davantage le public par le biais des médias.
4.1.2. Mesures contre la discrimination Des mesures contre la discrimination ont généralement été mises en place dans les contextes institutionnels, en particulier sur le lieu de travail ou dans les services de santé, et visent à ‘désinstitutionnaliser’ la stigmatisation et la discrimination.
4.2. Indicateurs d’une bonne action de réduction de la stigmatisation et de la discrimination Il est évident que les effets positifs des programmes visant à s’opposer à la stigmatisation et à la discrimination et à promouvoir les droits humains mettent du temps à se manifester, et de nombreux facteurs peuvent influencer le résultat final. Néanmoins, parmi les différents projets, programmes et activités, certains impacts sont souvent observés et peuvent servir d’indicateurs d’un bon rapport entre les activités des programmes et leurs résultats(67).
4.2.1. Dans un contexte communautaire
Les stratégies employées pour s’attaquer à la stigmatisation et à la discrimination dans le cadre institutionnel peuvent être à type de : - mobiliser le secteur privé pour appliquer des politiques antidiscriminatoires ; - favoriser l’acquisition de connaissances sur le VIH et le sida en formant les cadres dirigeants et les employés ; - améliorer la qualité de vie des employés vivant avec le VIH en leur permettant d’accéder à des soins intégrés et en appliquant des politiques antidiscriminatoires sur le lieu de travail ; - veiller à ce que les cas de discrimination avérée soient réparés ; - améliorer la qualité des soins dispensés aux PVVIH dans les services de santé, en travaillant de manière participative avec les responsables des soins de santé et ceux qui les dispensent.
4.1.3. Approches juridiques fondées sur les droits humains Les approches fondées sur les droits humains sont les suivantes :
Il peut s’agir des indicateurs suivants : - volonté accrue des proches et des membres de la communauté de prendre soin des personnes séropositives ; - amélioration des soins pour une meilleure qualité de vie des PVVIH ; - volonté accrue des membres de la communauté de participer aux programmes de prévention et de prise en charge du VIH et du sida ; - plus grand nombre de PVVIH révélant leur séropositivité et participation et leadership accrus dans les domaines de la prévention, des soins et du plaidoyer ; - atténuation de l’auto-stigmatisation et plus forte estime de soi parmi les PVVIH et les populations clés ; - expression plus ouverte des comportements positifs dans les communautés à l’égard des personnes vivant avec et affectées par le VIH et des populations clés.
4.2.2. Dans les établissements de santé
- instituer une action juridique pour s’opposer à la discrimination et autres violations des droits humains dans divers contextes ; - organiser des campagnes de sensibilisation en matière de droits humains, en particulier promouvoir la compréhension de leurs droits parmi les PVVIH.
98
Les indicateurs de réussite peuvent être : - intérêt accru pour le conseil et le test VIH ; - accès élargi et meilleure acceptation en matière de traitement ; - réduction du nombre de plaintes pour discrimination de la part des PVVIH, des populations clés et de leur famille ; Brown L, Trujillo L, Macintyre K. (2001) Interventions to reduce HIV/AIDS stigma: what have we learned? Population Council: Horizons Project. www.popcouncil.org/horizons/reports/book_report/default.html.
67
99
- amélioration de la qualité des soins dispensés aux patients séropositifs entraînant une meilleure qualité de vie ; - volonté accrue de la part des professionnels de la santé de s’occuper des PVVIH et des populations clés de manière constructive ; - attitude plus positive de la part des professionnels de la santé à l’égard des PVVIH et des populations clés dans les établissements n’étant pas spécialisés dans la santé.
4.2.3. Dans le domaine du travail et sur le lieu de travail Les indicateurs de succès peuvent être : - baisse du nombre de plaintes liées à la discrimination ; - hausse du nombre de personnes participant volontairement à des programmes spécifiques au VIH sur le lieu de travail ; - davantage de franchise concernant la séropositivité des employés ; - volonté accrue des employés de travailler aux côtés de personnes dont on sait qu’elles vivent avec le VIH ; - intérêt accru pour le conseil et le test volontaires ; - davantage d’intérêt pour les services de traitement mis en place sur le lieu de travail ; - politiques et pratiques favorables en matière du VIH sur le lieu de travail. A titre d’exemple, la mise en application de l’accommodement raisonnable pour les travailleurs qui sont des personnes vivant avec le VIH.
100
Référentiel VIH et droits humains Tome 1
Bibliographie
Bibliographie
14. Organisation mondiale de la Santé, Programme commun des Nations Unies sur le VIH/SIDA. Directives pour la surveillance de deuxième génération du VIH. 2000. https://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/66483/ WHO_CDS_CSR_EDC_2000.5_fre.pdf?sequence=1 15. Dispositif National d’accompagnement psychologique et social des PVVIH en Tunisie 2008/2009
1. Shuper PA, Neuman M, Kanteres F, Baliunas D, Joharchi N, Rehm J. Causal considerations on alcohol and HIV/AIDS: A systematic review. Alcohol and Alcoholism . 2010;45(2):159-66. 2. Hahn JA, Samet JH. Alcohol and HIV disease progression: Weighing the evidence. Curr HIV/AIDS Rep. 2010 ;7:226-33. 3. ONUSIDA, Notre Action. Droits de l’homme. http://www.unaids.org/fr/ topic/rights 4. Institut National de la Statistique. www.ins.tn. Mise à jour 22/09/2020. 5. Institut Tunisien de la Compétitivité et des Etudes Quantitatives. Le profil démographique de la Tunisie. Septembre 2011. 6. Document de stratégie pays intérimaire 2012-2013 Banque africaine de développement. 7. Multiple Indicators Cluster Survey - Enquête Grappe à Indicateurs Multiples (MICS4) 8. Institut National des Statistiques, Banque Mondiale. Carte de la pauvreté en Tunisie. Septembre 2020 9. Boukef K. Étude de la réglementation des médicaments en Tunisie. Essaydali N°76. Juin 2000. 10. Ben Halima M, et al. First molecular characterization of HIV-1 Tunisian strains. J Acqui Immune Defic Syndr. 2001 ;28(1) :94-6. 11. Ministère de la Santé, Direction des Soins de Santé de Base, Programme National de Lutte contre le Sida et les IST. Plan Stratégique National de la riposte au VIH/sida et aux IST 2018-2022. 12. UNAIDS. UNAIDS data 2019. Joint United Nations Programme on HIV/AIDS. Geneva Switzerland. 2019.
104
13. Promotion santé Valais. www.gesundheitsfoerderungwallis.ch/fr/ femmes-sont-elles-plus-exposees-risque-infection-24.html
16. Maluwa M, Aggleton P, Parker R. HIV/AIDS stigma, discrimination and human rights: a critical overview. Health and Human Rights. 2002;6(1):1-15. 17. Goffman E. (1963) Stigma: notes on the management of a spoiled identity. New York: Simon and Schuster. 18. Parker R, Aggleton P. HIV and AIDS-related stigma and discrimination: a conceptual framework and implications for action. Social Science and Medicine. 2003 ;57 :13-24.) 19. ONUSIDA. Stigmatisation, discrimination et violations des droits de l’homme associées au VIH : études de cas des programmes réussis. ONUSIDA collection meilleures pratiques, Genève. 2005. p8. 20. ONUSIDA (2000) HIV- and AIDS-related stigmatization, discrimination and denial: forms, contexts and determinants. Research studies from Uganda and India. ONUSIDA, Genève. 2000. 21. Malcolm A, et al. HIV-related stigmatization and discrimination: its forms and contexts. Critical Public Health. 1998;8(4):347-70. 22. Aggleton P, Parker R, Maluwa M. (2002) Stigma, discrimination and HIV/AIDS in Latin America and the Caribbean. www.iadb.org/sds/publication/publication_3362_e.htm. 23. ONUSIDA/UIP (1999). Guide pratique à l’intention du législateur sur le VIH/SIDA, la législation et les droits de l’homme : Mesures de lutte contre les effets dévastateurs du VIH/SIDA sur les plans humain, économique et social. Genève, Suisse. 24. Le VIH/SIDA et les droits de l’homme : directives internationales. Deuxième consultation internationale sur le VIH/SIDA et les droits de l’homme, Genève, 23-25 septembre 1996. ONUSIDA, Genève (Suisse). 2001. https:// data.unaids.org/publications/irc-pub02/jc520-humanrights_fr.pdf 25. ONUSIDA. Stigmatisation, discrimination et violations des droits de l’homme associées au VIH : études de cas des programmes réussis. UNAIDS/05.05E, avril 2005.
105
26. Nations Unies. Déclaration d’engagement sur le virus de l’immunodéficience humaine et le syndrome d’immunodéficience acquise (VIH/sida). Vingt-sixième session extraordinaire du 27 juin 2001. https://www.un.org/ french/ga/sida/conference/aress262f.pdf 27. McNeil J, Anderson S. Beyond the dichotomy: linking HIV prevention with care. AIDS. 1998;12(Supplement 2):S19-S26. 28. Busza J. Challenging HIV-related stigma and discrimination in Southeast Asia: Past successes and future priorities. New York: Population Council Horizons; 1999. 29. Brou H, et al. When do HIV-infected women disclose their HIV status to their male partner and why? A study in a PMTCT program, Abidjan. PloS Medicine. 2007;4(12):e342. 30. Bwirire LD, et al. Reasons for loss to follow-up among mothers registered in a prevention-of mother to child transmission program in Rural Malawi. Transactions of the Royal Society of Tropical Medicine and Hygiene. 2008;102(12):1195-200. 31. HIV-related stigma. Late testing, late treatment: a cross analysis of findings from the People Living with HIV Stigma Index in Estonia, Moldova, Poland, Turkey, and Ukraine. Copenhagen, HIV in Europe, 2011. 32. Karim QA, et al. The influence of AIDS stigma and discrimination and social cohesion on HIV testing and willingness to disclose HIV in rural Kwa Zulu-Natal, South Africa. Global Public Health. 2008;3(4):351-65. 33. Stangl A, et al. A systematic review of interventions to reduce HIV-related stigma and discrimination from 2002 to 2013: have far have we come? Journal of the International AIDS Society, 2013. 34. Poteat T, German D, Kerrigan D. Managing uncertainty: a grounded theory of stigma in transgender health care encounters. Social Science & Medicine. 2013; 84:22-9. 35. Roberts TK, Fantz C. Barriers to quality health care for the transgender population. Clinical Biochemistry. 2014. 36. Kalboussi Y. Les obstacles à la prévention et au dépistage du VIH/ Sida chez les populations clés en Tunisie. [Thèse]. Médecine. Université Tunis El Manar. 2020
106
37. Idrissi G, Makroum R. Stigmatisation et discrimination des personnes vivantes avec le VIH. [Mémoire]. Sciences Infirmières. Université Tunis El Manar. 2020.
38. Association Tunisienne de Lutte contre les Maladies Sexuellement Transmissibles et le Sida. Situation de l’accès aux soins pour les migrants vivant avec le VIH en Tunisie. ATL MST Sida Tunis. 2016. 39. World AIDS Day Report 2012. Geneva, Joint United Nations Programme on HIV/AIDS, 2012. www.unaids.org/en/media/unaids/contentassets/documents/epidemiology/2012/gr2012/jc2434_worldaidsday_Résultats_en.pdf 40. Beyrer C, et al. Global epidemiology of HIV Infection in men having sex with men. Lancet. 2012;380(9839):367-77. 41. Hladik F, Mc Elrath MJ. Setting the stage: host invasion by HIV. Nature Reviews Immunology. 2008;8(6):447-57. 42. Royce RA, et al. Sexual transmission of HIV. New England Journal of Medicine. 1997; 336:1072-8. 43. Johnson CA. Off the map: How HIV/AIDS programming is failing same-sex practicing people in Africa. Canadian Journal of African Studies. Vol. 43, No. 1, New Perspectives on Sexualities in Africa (2009), pp. 195198. 44. Leblanc D. 79 pays avec des lois anti-homosexuelles. Erasing 76 CRIMES. Publié le 17 Avril 2014, mis-à-jour le 19 octobre, 2014. https://76crimesfr.com/2014/10/19/79-pays-avec-des-lois-anti-homosexuelles/ 45. Poteat T, et al. HIV risk among MSM in Senegal: a qualitative rapid assessment of the impact of enforcing laws that criminalize same sex practices. PLoS One. 2011;6(12). 46. Haffani F. La sexualité des hommes Tunisiens. 2005. http://haffani. blogspot.com/2005/07/la-sexualite-des-hommes-tunisiens.html 47. Baral S, et al. Burden of HIV among female sex workers in low-income and middle-income countries: A systematic review and meta-analysis. Lancet Infectious Diseases. 2012; 12:538-49. 48. Bayer AM, et al. “Just getting by”: A cross-sectional study of male sex workers as a key population for HIV/STIs among men having sex with men in Peru. Sexually Transmitted Infections. 2014;90(3):223-9. 49. Platt L, et al. Factors mediating HIV risk among female sex workers in Europe: A systematic review and ecological analysis. BMJ Open. 2013;3(7). 107
50. Tran BX, et al. HIV Infection, Risk Factors, and Preventive Services Utilization among Female Sex Workers in the Mekong Delta Region of Vietnam. PLoS One. 2014;9(1):e86267. 51. HIV and adolescents. Guidance for HIV testing and counseling and care for adolescents living with HIV: recommendations for a public health approach and considerations for policymakers and managers. Geneva, World Health Organization, 2013. http://www.who.int/iris/bitstream/10665/94334/1/ 9789241506168_eng.pdf 52. Organisation mondiale de la Santé. Lignes directrices unifiées sur la prévention, le diagnostic, le traitement et les soins du VIH pour les populations clés. Bureau régional de l’OMS pour l’Afrique, Genève. 2016. 53. Ben Abdelaziz A, et al. Counter-Covid-19 pandemic strategy in the Maghreb Central. Qualitative study of the perceptions of health professionals. Tunis Med. 2020; 98 (4): 266-82. 54. Programme des Nations Unies pour le Développement en Tunisie. Impact économique du Covid-19 en Tunisie. Analyse en termes de vulnérabilité des ménages et des micros et très petites entreprises. Tunis. 2020 55. Haute Autorité de Santé. Réponses rapides dans le cadre du Covid-19. Continuité du suivi des personnes vivant avec le VIH et de l’offre de soins en santé sexuelle dans la levée de confinement. Mise à jour. juin 2020. 56. Dubuy M. Le viol et les autres crimes de violences sexuelles à l’encontre des femmes dans les conflits armés. Dans Biad A. et Tavernier P. dir. Le droit international humanitaire face aux défis du XXIe siècle, ed. Bruylant, collection Credho, Université de Paris-Sud et Rouen, 2012, p. 185-186.
60. Les crimes commis contre les femmes lors des conflits armés. Amnesty International. Nov. 2004, p. 28. 61. La violence sexuelle : un outil de guerre. Programme de communication sur le Génocide au Rwanda et les Nations Unies, Nations Unies, mise à jour en Mars 2014. 62. Kippenberg J. En quête de justice : Poursuivre les auteurs des violences sexuelles commises pendant la guerre au Congo. Human Rights Watch, Rapport. 2005; 17(1):10. 63. Violences sexuelles dans les conflits armés : questions et réponses. CICR, 10.11.2013. 64. La République Démocratique du Congo. La guerre dans la guerre : violence sexuelle contre les femmes et les filles dans l’est du Congo. Human Rights Watch. Juin 2002. 65. Josse E. Violences sexuelles et conflits armés en Afrique. Résilience PSY. www.resilience-psy.com/spip.php?article107 66. Milleliri J-M. Le sida transforme le paysage des conflits armés en Afrique. Revue critique de l’actualité scientifique internationale sur le VIH et les virus des hépatites, Institut de médecine tropicale, Service de santé des armées (Marseille), n°110, 09.2003. 67. Brown L, Trujillo L, Macintyre K. (2001) Interventions to reduce HIV/ AIDS stigma: what have we learned? Population Council: Horizons Project. www.popcouncil.org/horizons/reports/book_report/default.html.
57. Lindsey-Curtet C, Tercier Holst-Roness F, Anderson L. Répondre aux besoins des femmes affectées par les conflits armés : Un guide pratique du CICR. CICR, 11.2004, p. 29. 58. Ayat M. Quelques apports des Tribunaux pénaux internationaux, ad hoc et notamment le TPIR, à la lutte contre les violences sexuelles subies par les femmes durant les génocides et les conflits armés. International Criminal Law Review, 10, 2010, Leiden, p. 789.
108
59. Dubuy M. Le viol et les autres crimes de violences sexuelles à l’encontre des femmes dans les conflits armés. dans Biad A. et Tavernier P. dir. Le droit international humanitaire face aux défis du XXIe siècle, ed. Bruylant, collection Credho, Université de Paris-Sud et Rouen, 2012, p. 207.
109
Référentiel VIH et droits humains Tome 1
Annexe
Annexe
République Tunisienne Ministère de la Santé Direction des Soins de santé de base Programme National de lutte contre le SDA et les IST
Cahier des Charges concernant la Mise en place, l’Organisation et la Gestion des Centres de Conseil et de Dépistage Anonyme et Gratuit (CCDAG) I - Mission et Objectifs : Le dépistage du VIH chez la population générale et en particulier celle à risque (jeunes, MSM, UDI, TS, population carcérale...) constitue un des piliers de la prévention de la transmission du virus et du ralentissement de l’évolution de la maladie à bas bruit vers l’aggravation chez les PVVIH qui ne connaissent pas leur statut. Pour diverses raisons, ces populations à comportements à risques ne trouvent pas dans les structures de santé « classiques » un accès facile et discret permettant de se présenter aux agents de santé pour un dépistage et connaitre leur statut sérologique. Afin de lever les barrières de stigmatisation, de discrimination, de besoin d’argent et autres, le Programme National (PNLS), avec ses partenaires, a mis en place un système de dépistage dans des centres appropriés assurant anonymat et gratuité ; que sont les CCDAG (Centre de Conseil et de Dépistage Anonyme et Gratuit). Ces centres, gérés par des équipes préalablement formées, assurent à l’occasion, le conseil des clients, en même temps que le dépistage sans demander l’identité du client ou un document de soins. 112
Cette pratique, déjà essayée dans les pays occidentaux, s’est avérée efficace pour attirer les jeunes et les populations à risque afin de se faire
dépister dans l’anonymat et profiter de conseils et d’aides pour améliorer les comportements préventifs et faciliter l’accès aux soins pour les cas qui se révéleraient positifs. En Tunisie, cette expérience a commencé en 2008 par la mise en place des CCDAG dans des structures publiques et dans les locaux de certaines ONG après avoir modifié la loi 92/71 et l’émission de l’amendement 12/2007 qui permet aux médecins et biologistes de faire les tests pour la détection du VIH sans obligation de nommer ou de déclarer les cas positifs. Toutefois, l’affluence reste faible par rapport aux comportements à risque et à la méconnaissance de l’infection, malgré la gratuité du service. Des efforts restent à déployer pour attirer les populations à risque vers ces structures à travers les services offerts dans les CDAG, la vulgarisation du dépistage par le renforcement de l’information, la levée des barrières culturelles, sociales et organisationnelles et l’amélioration de l’accès au service en proposant un accueil et un dépistage extramuros, en dehors des structures et locaux de santé publique et des ONG.
II - Fonctions de la structure et Principes à respecter : Les structures offrant le conseil et le dépistage anonyme et gratuit concernant l’infection à VIH assurent des activités intra et extra muros.
A. Dans le cadre des activités intra-muros Le personnel médical et paramédical de ces structures, préalablement formé, doit assurer les fonctions suivantes : 1- L’accueil et l’information, 2- L’écoute 3- L’entretien (évaluation et analyse des facteurs de risque d’exposition) 4- La visite médicale (Si nécessaire) : Le médecin peut, à l’occasion, faire un examen clinique, demander des analyses biologiques qu’il jugera nécessaires outre le test VIH, des conseils utiles en matière d’éducation sexuelle et d’éducation sanitaire (hépatites virales, cancers féminins, addictions…etc.) 5- Le test de dépistage du VIH : Il s’agit d’un test rapide avec seulement une goutte de sang recueillie au bout du doigt, qui permet d’obtenir en quelques minutes un résultat fiable. On propose le dépistage dans le cadre d’une discussion plus large sur la sexualité et la prévention.
113
Le test est réalisé dans l’anonymat par le médecin ou par un professionnel de santé formé préalablement à cet effet sous la responsabilité du médecin du CCDAG.
de l’infection à VIH, doivent être prises en compte, pour une orientation dans les meilleurs délais vers des structures de prise en charge appropriées.
Dans le cas où on opte pour un test conventionnel, la remise du résultat sera différée et la structure (CCADG) précisera le laboratoire de référence qui pratiquera cette analyse.
L’anonymat est assuré par l’utilisation d’un codage pour le test et la remise des résultats. Dans ce but, un numéro de code est remis au consultant par le prestataire. Il ne doit comprendre aucun élément permettant l’identification du consultant. Ce numéro ne comprendra pas, en particulier le nom, le prénom, l’adresse, la profession et la date de naissance du sujet. Il figurera sur les plaques, les bandelettes ou les tubes de prélèvement et sur tout document relatif au consultant pour suivre les analyses, l’orientation éventuelle vers les structures de prise en charge et sera exigé lors de la remise des résultats en cas de test conventionnel.
6- Le counseling : Il est assuré par le prestataire au cours de l’entretien avant et après la pratique du test Cet entretien individuel a pour objectif d’explorer le comportement à risque et de prodiguer des conseils de prévention, d’information et d’orientation éventuelle vers une structure de prise en charge appropriée. 7- Le délai de remise des résultats : Dans le cas du test rapide, le résultat est généralement obtenu dans 5 à10 mn, au cours desquelles le prestataire doit poursuivre le counseling et préparer l’annonce du résultat. 8- L’accompagnement : L’annonce de la séropositivité doit être associée à un accompagnement psychologique et une orientation, suivant le cas, vers le laboratoire de référence pour une confirmation par le Western Blot ou vers une structure de prise en charge appropriée (suivi médical et prise en charge thérapeutique, psychologique et sociale). Le personnel de ces structures est appelé à travailler en équipe et collaborer avec les structures de prise en charge médicale, psychologique et sociale. Un circuit clair de prise en charge des personnes séropositives doit être mis en place.
114
Remarque : certaines situations comme le traitement prophylactique suite à une exposition au VIH ou la prise en charge et le suivi thérapeutique
CIRCUIT DE PRISE EN CHARGE D’UN TEST POSITIF Toutes les prestations offertes dans les CCDAG sont gratuites et anonymes +++ Toutes les prestations offertes dans les CCDAG sont gratuites et anonymes +++
B. Dans le cadre des activités extra muros : Les professionnels de santé sont autorisés à organiser des séances de conseil et de dépistage anonyme et gratuit au profit de la population générale et en particulier les groupes de populations à risques dans des lieux publics en dehors des CCDAG. Néanmoins, cette activité doit être coordonnée avec la direction régionale de la santé et le responsable du CCDAG implanté dans la zone de l’activité programmée en précisant la date, le lieu, la plage horaire, la com-
115
position de l’équipe et le médecin responsable qui supervisera le dépistage. Dans le cas où le médecin du CCDAG local donne son accord pour superviser cette activité, il doit le mentionner préalablement par écrit.
• Le test de dépistage du VIH est réalisé par le médecin ou par un pro-
fessionnel de santé formé préalablement à cet effet, sous la responsabilité du médecin du CCDAG.
• Il doit respecter les procédures suscitées surtout en ce qui concerne
l’anonymat, la confidentialité et la gratuité.
1. Accessibilité :
• L’emplacement du CCDAG doit être accessible, notamment par les
transports en commun.
• La structure hébergeant le CCDAG doit être correctement signalée dans la commune. • La signalisation du « dépistage gratuit et anonyme » sur des enseignes
a) L’anonymat stipule qu’aucune information sur l’identité de l’individu ne doit être demandée (pièce d’identité ou carte de soins ou carte d’adhérent ou autre). Toutefois l’âge et les facteurs de risques peuvent être notés
ou des panneaux est à proscrire, afin d’éviter la stigmatisation des consultants.
b) La confidentialité doit être assurée dans tous les cas et les résultats sont transmis personnellement et discrètement à la personne concernée de manière verbale en respectant le codage.
documents de communication (dépliants EPLS, carte de suivi…), avec les informations détaillées sur les modalités d’accès et les horaires de service
c) La gratuité doit être garantie et contrôlée par le suivi (aucune rémunération n’est perçue)
approbation préalablement à leur diffusion.
• Dans le cas où un test s’avère positif, la personne est orientée vers une structure spécialisée en vue de la confirmation du résultat et, éventuellement, d’une prise en charge. • Le personnel de santé impliqué dans ces activités, devrait veiller à la bonne qualité de tous les services rendus (l’accueil, l’écoute, le counseling, l’accompagnement …) • Pour une meilleure efficacité de ces interventions de proximité, la prio-
rité sera donnée aux populations clés et chaque équipe mettra l’accent sur certaines populations à risque selon l’environnement socioculturel du CCDAG (MSM, UDI, PS...).
• Cette activité doit être planifiée et évaluée. • Les équipes des CCDAG sont appelées à coordonner leurs actions en
travaillant en réseau (OG, ONG) et à tenir des réunions semestrielles de programmation et d’évaluation.
• Pour les CCDAG des structures publiques, l’équipe doit transmettre au
préalable le plan d’action à la DRSP et la DSSB et obtenir une autorisation de sortie sur terrain. (ordre de mission) de la DRSP. 116
Accessibilité, locaux et équipements :
• Toutefois, ce type de prestation peut être signalé sur les supports et
• Ces supports d’information doivent être adressés, au PNLS/MST, pour
• Une permanence téléphonique assurée par une ligne directe, dédiée à cette activité sera un avantage pour faciliter le recrutement des consultants. • Les horaires d’ouverture et les modalités d’accès à la consultation doivent être affichés à l’entrée du centre et sur la carte du client. Pour les structures de santé publique, le service devrait être quotidien, répondant aux horaires habituels d’ouverture et assurant au moins une séance par semaine entre 12 et 14 heures. • Les structures non publiques doivent assurer au minimum 10 heures
par semaine, avec au moins 2 plages horaires entre 12 -14 heures ou 1820 heures.
• La possibilité d’associer les deux modes de consultation, avec et sans rendez-vous, est recommandée. 2. L’implantation :
• L’accessibilité intérieure et l’accueil doivent être adaptés aux besoins des populations les plus vulnérables et veiller à favoriser un climat de discrétion et de confidentialité parmi le personnel de la structure. • Les services de dépistage du VIH peuvent se faire dans des services
de soins déjà existants.
117
3. Les locaux et l’équipement :
• A la non stigmatisation, non-discrimination et au secret médical
Ils doivent être adaptés afin de garantir la confidentialité.
• Aux méthodes d’éducation pour la santé,
• Les locaux comprennent au minimum : - Un espace d’accueil visible dès l’entrée, - Une salle d’attente, - Une pièce pour l’entretien avec le médecin avec une armoire fermant
à clé pour le classement des dossiers et des résultats. Le prélèvement peut être réalisé dans la salle d’entretien (test actuellement simple facile et rapide).
- Une salle de prélèvement attenante à la salle d’entretien ou un box de
prélèvement au sein de la salle d’entretien peuvent être aménagés lorsque c’est possible.
• L’équipement doit répondre aux règles universelles d’hygiène en vi-
gueur, notamment pour l’élimination des déchets, et les règles de conservation et de transport des prélèvements pour analyses biologiques. Chaque structure doit prévoir une convention avec une structure hospitalière pour la gestion des déchets.
• L’équipement informatique est nécessaire pour le suivi de l’activité. III - Le personnel 1. Composition : La composition et l’effectif de l’équipe sont adaptés en fonction des locaux et aux besoins de l’activité de la consultation. Pour mener à bien les diverses taches assumées par le centre, il est possible de faire appel à la compétence de psychologues, d’assistantes sociales et autres compétences aidant à renforcer la prévention, l’écoute et la prise en charge. 2. Coordination : Tout le personnel impliqué dans cette activité de dépistage anonyme et gratuit doit être directement placé sous la supervision du médecin coordinateur du centre qui doit être désigné nominativement. 3. Formation : Tout le personnel doit obligatoirement justifier d’une formation adaptée, notamment : 118
• Aux techniques d’accueil et de communication interpersonnelle,
• A l’abord des thèmes sur la sexualité, la PEC des IST, les conduites addictives, cancers féminins… • A la connaissance des différents comportements à risque, • Aux mesures préventives adaptées aux différentes situations d’exposition et aux différents contextes socioculturels. De plus, et concernant des infections à VIH, VHC et VHB, le personnel médical sera formé sur :
• L’évaluation du risque de transmission, • Le diagnostic clinique et biologique dans leurs différentes phases, no-
tamment la primo-infection pour le VIH,
• L’annonce d’un résultat positif. • Les équipes formées de professionnels expérimentés et motivés sont à privilégier pour être assignées à cette fonction de dépistage anonyme et gratuit. Pour les CCDAG implantés dans les centres de santé de base, tout le personnel, médecins et autres, doit être formé en matière d’accueil garantissant la discrétion. A cet effet, la formation en cascade sera utile pour toucher un grand nombre et sera ensuite renforcée par les visites d’accompagnement et les supervisions formatives…
IV. - L’articulation avec le réseau médico-social local Les structures offrant ce type de service doivent :
- Établir un partenariat avec des services hospitaliers compétents pour la prise en charge des personnes séropositives et des personnes sujettes à exposition au risque de transmission du VIH. - S’intégrer et/ou développer des réseaux formels de services socio-médicaux, - être parties prenantes pour les campagnes de communication et notamment dans l’élaboration des outils de communication. V - Gestion des tests rapides, des préservatifs et des documents
• Cette tâche sera correctement assurée par le personnel des CCDAG sous la responsabilité du médecin coordinateur.
119
• Un contrôle de qualité externe des tests VIH sera assuré tous les 3
mois
• Un laboratoire de référence sera identifié à cet effet.
• Les membres formés des CCDAG procèdent à la formation du reste du personnel du centre • L’analyse et l’utilisation des données au niveau local est assurée.
VI - Suivi de l’activité : Une fiche de recueil d’information doit être établie pour chaque consultant afin de recueillir discrètement l’ensemble des données nécessaires à l’établissement des rapports d’activité du CCDAG et contiendra avec l’âge, le sexe et la nationalité, les données pertinentes sur les comportements à risque, le profil socioéconomique, etc... Ces données seront recueillies selon un format unique préétabli par le PNLS. Si possible les équipes opteront en plus, pour un recueil informatisé de ces données. Un bilan d’activité du CCDAG est élaboré par le médecin coordinateur, selon le format établi par le PNLS, et adressé mensuellement au programme national PNLS (DSSB) et la direction régionale de la santé territorialement compétente.
VII. Normes de fonctionnalité des CCDAG : Des indicateurs d’évaluation des activités des CCDAGs seront périodiquement mis à jour tels :
• Le nombre de conseils dépistages réalisés auprès de la population générale par centre et par mois (activités intra et extra CCDAG) • Nombre de conseils dépistages réalisés auprès des populations clés par centre et par mois (activités intra et extra CCDAG) • Le nombre de préservatifs distribués auprès de la population générale et des populations clés par centre et par mois (activités intra et extra CCDAG • Nombre de séances de sensibilisation spécifique au « conseil dépistage anonyme et gratuit » réalisées par le personnel du CCDAG. • Un plan d’action annuel partant d’une évaluation des activités et de la réalité locale est établi pour chaque CCDAG et parvenu au PNLS. • Un rapport d’activité du CCDAG est rédigé chaque mois. • Une autoévaluation est assurée chaque année. • Les médecins coordinateurs sont formés en suivi évaluation et ap-
120
pliquent son protocole
121
© ONFP/ ASF 2021 Programme d’appui du Fonds Mondial de lutte contre le Sida, la tuberculose et le paludisme pour la Tunisie: « Améliorer l’accès aux services de prévention et de traitement ainsi que les droits humains des populations clés en Tunisie ». Publié par: Office National de la Famille et de la Population 7 rue Hattab Bouchnaq, Centre Urbain Nord 1082 Tunis, Tunisie & Avocats Sans Frontières - Tunisie 6 Rue d’Izmir, Mutuelle ville,Tunis, Tunisie Date d’édition : Juin 2021
TOME 2
Référentiel VIH et droits humains
Droits humains, VIH, PVVIH populations clés et vulnérables en Tunisie : Vers la mise en place d’une approche droits humains dans la riposte Juin 2021
Référentiel VIH et droits humains
TOME 2 Droits humains, VIH, PVVIH populations clés et vulnérables en Tunisie : Vers la mise en place d’une approche droits humains dans la riposte
Référentiel VIH et droits humains Tome 2
Partenaires
OFFICE NATIONAL DE LA FAMILLE ET DE LA POPULATION Adresse : 07 rue Hattab Bouchnaq, Centre urbain nord, 1082 Tunis. Tél. : (+216) 70 729 090 Fax : (+216) 70 728 855 Adresse Email. : boc.onfp@rns.tn Portail : www.onfp.tn AVOCATS SANS FRONTIÈRES, BUREAU DE TUNIS Adresse : rue Azmir, Notre Dame, Tunis. Tél. : (+216) 71 894 002 Fax : (+216) 71 894 002 Site web : www.asf.com
ASSOCIATION TUNISIENNE DE LUTTE CONTRE LES MALADIES SEXUELLEMENT TRANSMISSIBLES ET LE SIDA – BUREAU NATIONAL DE SFAX Adresse : Avenue 5 août, Rue du 19 juillet, 3002 Sfax Tél. : (+216) 74 203 500 Fax. : (+216) 74 228 397 Adresse Email. : atl.bn.sfax@gmail.com ; Site web : www.atlmstsida.com
DIRECTION DES SOINS DE SANTÉ DE BASE/ PROGRAMME NATIONAL DE LUTTE CONTRE LES IST ET LE SIDA (PNLS) Adresse : Rue Elkortum, Tunis Belvédère Tél. : (+216) 71 789 148 Fax : (+216) 71 789 679
ASSOCIATION TUNISIENNE DE LUTTE CONTRE LES MALADIES SEXUELLEMENT TRANSMISSIBLES ET LE SIDA – SECTION DE TUNIS Adresse : 7, Rue El Khalil, Menzeh 8, 2037 Tél. : (+216) 70 866 186 Fax. : (+216) 70 866 588 Adresse Email. : atlsidatunis@gmail.com Site web : atltunis.org
ASSOCIATION TUNISIENNE DE LA SANTÉ DE LA REPRODUCTION Adresse : 14 rue Ibrahim Ibn Abedelrafii, Cité El khadra - 1003 Tunis Tél. : (+216) 71 808 935 / 71 808 952 Fax. : (+216) 71 808 953 Adresse Email. : atsr@atsrtn.org Site Web : atsrtn.org ASSOCIATION TUNISIENNE D’INFORMATION ET D’ORIENTATION SUR LE SIDA ET LA TOXICOMANIE Adresse : 43 Avenue Hédi saidi Beb Saadoun Tunis Adresse Email: atiost.sida.toxicomanie@gmail.com Tél. : (+216) 71 957 544 Fax. : (+216) 71 957 511 Site Web : www.atiost.org.tn 4
ASSOCIATION TUNISIENNE DE PRÉVENTION POSITIVE Adresse : 9, rue 7443, Ardh Hrichi, Manar 1 Tel : (+216) 36 381 108/07 Adresse Email. : association.atpp@gmail.com
MÉCANISME DE COORDINATION TUNISIENNE POUR LA RIPOSTE AUX FLÉAUX SANITAIRES Adresse : 101 Avenue d’Afrique El Menzeh 5, 2091 Ariana Tunis, Tunisie Tél. : (+216) 71 230 396 Fax. : (+216) 71 230 396 Adresse Email. : ccm.tunisie@ccmtunisie.org.tn Site web: www.ccmtunisie.org.tn PROGRAMME COMMUN DES NATIONS UNIES SUR LE VIH / SIDA - BUREAU DE TUNIS c/o OMS Rue du Développement - Cité el Khadhra 1053 Tunis Tél. : (+216) 71 155 636 Fax. : (+216) 71 155 634 Email : SouaL@unaids.org Site web: www.unaids.org
5
Référentiel VIH et droits humains Tome 2
Comité de pilotage
Comité de pilotage
Auteur : Pr Wahid Ferchichi, Consultant, Professeur agrégé en Droits public, Université de Carthage, Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis. Coordination et suivi : • Unité de gestion du programme Fonds Mondial, Office national de la famille et de la population, Tunisie. Dr Mohamed Kheireddine Khaled, Coordinateur du Programme Fonds Mondial de lutte contre le Sida, la tuberculose et le paludisme Dr Lamia Ben Hassine. Chargée de la communication et de la coordination entre les régions et point focal VIH et droits humains. • Avocats sans frontières -Tunisie Mme Najia Bounaimi, Directrice pays. Mme Amira Derbali, Coordinatrice de projet VIH et droits humains Assistance technique international du Fonds Mondial : M. Christian Tshimbalanga Mwata : Consultant international en santé et droits humains. Comité de pilotage : • Mécanisme de coordination Tunisienne pour la Riposte aux Fléaux Sanitaires (CCM) Pr Mohamed Chakroun, Président du CCM. Chef de service des maladies infectieuses, Centre Hospitalo-Universitaire Fattouma Bourguiba, Monastir, Tunisie.
8
• Programme national de lutte contre les infections sexuellement transmissibles et le Sida, Direction des soins de santé de Base (PNLS -DSSB- Ministère de la santé) Dr Faouzi Abid, Médecin principal de santé publique. Chef de service des maladies infectieuses et Coordinateur des programmes nationaux de lutte contre le Sida, la tuberculose et le paludisme.
• Programme commun des Nations unies sur le VIH/sida (ONUSIDA) M Lassaad Soua. Directeur pays. • Représentant de l’Office national de la famille et de la population, Bénéficiaire principal de la subvention du Fonds Mondial Dr Fatma Temimi, sous-directrice des services médicaux et coordinatrice du programme Fonds Mondial à l’ONFP. • Représentants des ONG Sous récipiendaires Mme Irzek Knitech, Directrice exécutive. Association Tunisienne pour la Santé de la Reproduction. Mme Houyem Boukassoula, Psychologue clinicienne. Secrétaire Général. Association Tunisienne d’Information et d’Orientation sur le Sida et la Toxicomanie. Mme Souhaila Ben Said, Présidente. Association Tunisienne de Prévention Positive. Dr Faten Msakni, Asistante sociale. Association Tunisienne de Lutte contre les Maladies Sexuellement Transmissibles et le Sida, Bureau National, Sfax. Mr Oussama Bouagila, Juriste. Association Tunisienne de Lutte contre les Maladies Sexuellement Transmissibles et le Sida, Bureau Tunis. • Avocats sans frontières -Tunisie Mme Najia Bounaim. Mme Amira Derbali. M Lamine Ben Ghazi. Coordinateur de projets. • Unité de gestion du programme Fonds Mondial, Office national de la Famille et de la Population, Tunisie Dr Mohamed Khaled Kheireddine. Dr Lamia Ben Hassine. Comité de lecture et de révision linguistique du document : Dr Farouk Ben Mansour, Consultant chargé de la lecture et de la révision linguistique du document. Dr Lamia Ben Hassine. Mme Amira Derbali.
9
Référentiel VIH et droits humains Tome 2
Résumé
Résumé
La question du VIH intéresse le droit tunisien à travers des textes qui ont trait à différents sujets tels que la loi relative aux maladies transmissibles, la Constitution de 2014, la loi relative à la lutte contre la traite des personnes, la loi relative à la lutte contre toutes les formes de discrimination raciale, le code du statut personnel, le code du travail, le code de protection de l’enfance et la loi inhérente à la protection des données personnelles. Ce droit, malgré certains textes qui demeurent discriminatoires permet d’intégrer le droit spécifique aux PVVIH.
L’approche « Droits Humains » : Rappelons que les droits humains sont les droits fondamentaux dont jouit toute personne humaine au monde. Ils sont universels, indivisibles et inaliénables. Ils ont vu le jour en 1946 avec la charte des Nations Unis. La Tunisie est signataire de neuf conventions internationales relatives aux droits de l’Homme qu’elle est dans l’obligation de respecter, de protéger et d’en faciliter l’application. A cet effet, ont été créés une douzaine de comités d’experts dont le rôle est de veiller à l’application des textes de ces conventions.
12
Il existe une relation étroite entre la spoliation des droits humains et la propagation du VIH à l’exemple de la dépossession du droit à l’information qui prive les personnes de connaitre les mesures préventives ou la conduite à tenir pour accéder à la prise en charge et au traitement. Le même résultat se voit suite à la stigmatisation et à la discrimination qui peuvent décourager la PVVIH de prendre contact avec les professionnels de la santé de peur d’être traitée avec mépris et indifférence. La réaction peut se traduire par le passage à la clandestinité qui mène aux mêmes résultats. Une PVVIH qui bénéficie et exerce l’ensemble de ses droits comme n’importe quel autre citoyen, cherche volontiers à améliorer son état de santé et contribue de ce fait à la réduction de l’incidence du sida.
Les droits socioéconomiques des PVVIH : - Le droit à l’intégrité physique n’est autre que le droit à la vie qui se concrétise à travers le droit au traitement qui est assuré par l’état selon de La constitution de 2014. - Le droit aux soins est consigné dans la constitution « L’État garantit la prévention et les soins de santé à tout citoyen “ l’article 1er de la loi de 1992 énonce : « nul ne peut faire l’objet de mesures discriminatoires à l’occasion de la prévention ou du traitement d’une maladie transmissible ». Le droit à la santé doit être procuré sans discrimination. Notons que la gratuité du traitement antirétroviral est assurée par l’état. - Le droit au travail est conditionné par l’aptitude physique du candidat attestée par un certificat médical délivré après un examen clinique et des explorations biologiques. Aucun texte n’oblige à pratiquer un test pour recherche du VIH. - Les droits à la sécurité sociale, aux crédits bancaires et au logement gagneraient à être revus et clairement précisés.
Les droits civils et politiques des PVVIH : - l’égalité et le principe de non-discrimination : « nul ne peut faire l’objet de mesures discriminatoires à l’occasion de la prévention ou du traitement d’une maladie transmissible » Ce texte ne couvre pas tous les aspects des droits des PVVIH. La constitution assure pour tous les citoyens l’égalité en droits et en devoirs «...ils sont égaux devant la loi sans discrimination». - Le droit à la protection de la vie privée : Il est assuré par la constitution « L’État protège la dignité de l’être humain ». « L’État protège la vie privée, l’inviolabilité du domicile et le secret des correspondances, des communications et des données personnelles ». Ce droit s’impose notamment aux professionnels de la santé ; mais aussi à toute personne qui accède à des informations relatives à l’état de santé d’une autre personne. L’importance de ce droit vient du fait qu’il est lié à l’honneur et à la dignité de la PVVIH et qu’il a un impact direct sur la vie familiale et dans la société. - Le droit de la famille : la Constitution reconnait dans son article 7 que « la famille est la cellule de base de la société, il incombe à l’État de la protéger ». Le droit au mariage est tributaire d’un certificat médical prénuptial institué par la loi et qui précise : « … l’attention du médecin
13
doit se porter particulièrement sur les affectations contagieuses, ou toutes autres maladies dangereuses pour le conjoint ou la descendance ». Ce qui favorise indirectement la pratique d’un test VIH. L’attention du future conjoint est attirée sur le droit du partenaire à connaitre son état de santé « toute personne, se sachant atteinte d’une maladie transmissible et qui par son comportement concourt délibérément à sa transmission à d’autres personnes, est passible d’un emprisonnement de 1 à 3 ans». Le nonrespect de cette disposition par une PVVIH peut porter préjudice à l’un des deux époux et lui octroie le droit de demander le divorce. Le code du statut personnel stipule « chacun des deux époux doit traiter son conjoint avec bienveillance, vivre en bon rapport avec lui et éviter de lui porter préjudice ». - La garde des enfants : Du fait que le VIH est transmissible, mais non contagieux et que le CSP précise que le titulaire à ce droit « doit être… indemne de toute maladie contagieuse… », rien ne peut empêcher le conjoint vivant avec le VIH d’assurer son droit à la garde des enfants en cas de besoin. - Le droit à l’information : Il est devenu un droit constitutionnel depuis 2014. Pour le cas du VIH/SIDA, le médecin est tenu aux termes de la loi à une obligation d’information au sujet du VIH au patient ou au tuteur lorsqu’il s’agit d’une personne mineure ; avec des précisions sur la pathologie et ses répercussions possibles sur l’état physique et psychique et sur la vie professionnelle, familiale et sociale. Il doit aussi attirer l’attention sur le risque de transmission du virus et les moyens de prévention. - Le droit d’accès à la justice est garanti pour tous les citoyens par la constitution. En pratique des personnes en situations vulnérables comme les PVVIH, peinent à obtenir justice. Les professionnels du droit demandent à ce que « Le cadre de l’aide juridictionnelle doit être réformé pour aboutir à l’égalité pour toutes les catégories de personnes ». Ils dénoncent «... La lenteur juridique et l’impossibilité d’apporter de l’aide aux personnes démunies « (dont les PVVIH et les groupes vulnérables).
Les entraves aux droits fondamentaux des PVVIH : La santé publique est un élément capital de l’ordre public. Cette mission protectrice de la santé est dévolue aux autorités publiques, mais aussi aux médecins et aux PVVIH elles-mêmes. 14
«La déclaration obligatoire de certaines maladies transmissibles», dont le sida, est une obligation légale pour les médecins. Cette mesure, qui fait exception au secret médical, permet le suivi épidémiologique des maladies transmissibles pour le bien-être de la population. Sa nature obligeante peut constituer une entrave au dépistage du VIH, en décourageant les personnes suspectes de recourir volontairement aux tests de dépistage. La création en 1992 des « centres de conseil et de dépistage gratuit et anonyme», a encouragé la population à risque à procéder au Test du VIH.
Le volet répressif de la loi de 1992 relative aux maladies sexuellement transmissibles : Cette Loi précise que lorsqu’une PVVIH refuse de prendre ou de poursuivre son traitement ou lorsqu’elle concoure délibérément à la transmission de son infection à d’autres personnes ; le ministre de la santé porte l’affaire en justice afin d’hospitaliser l’accusée dans une visée prophylactique. Il est également habilité par la loi à engager des poursuites contre les médecins et les biologistes qui ne s’acquittent pas des obligations d’information et de déclaration obligatoire des cas. Les juridictions pénales sont compétentes pour sanctionner le comportement de certains porteurs du VIH. Elles jouent, ainsi, un rôle dans la lutte contre la propagation du Sida.
Les carences et obstacles inhérents aux autres textes juridiques : « La législation tunisienne, pénalisant le travail du sexe, les rapports sexuels entre les hommes et l’usage de drogues affecte l’exposition à la violence et la capacité des travailleurs de sexe à avoir des rapports sexuels protégés et à appliquer la réduction des risques dans l’usage de drogues. Elle crée un climat qui favorise la violence civile et policière et rend impossible pour les victimes de porter plainte » (Étude du Ministère e la santé - 2015). Cette approche répressive ne peut que dissuader la population cible de profiter des mesures socio sanitaires de lutte contre le VIH/SIDA. Les législations sanctionnant les populations clés et vulnérables sont principalement : la législation relative aux stupéfiants, la pénalisation du travail du sexe non autorisé, et la pénalisation des comportements LGBT+. L’approche répressive en matière de stupéfiants : « L’application de la loi relative aux stupéfiants a entrainé de graves violations des droits
15
humains dont le droit à l’intégrité physique». En vertu de cette loi, des milliers de tunisiens sont condamnés chaque année à des peines de prison pour consommation ou possession de cannabis. Sur les 32 articles qu’elle comporte, la répression caractérise au moins 27 ! En 2015, 28% de la population carcérale est impliquée dans des affaires de drogue. - Le travail de sexe exercé par des femmes : Le Droit tunisien criminalise le travail du sexe clandestin et autorise et réglemente le travail du sexe étatisé. - La pénalisation des personnes LGBT (Lesbiennes-gays - bisexuels transgenres et autres). L’homosexualité est punie de trois ans de prison. Ces personnes sont souvent sujets à diverses formes d’agression dans les milieux publiques et même familiaux. - Le racolage et le proxénétisme sont réprimés par des sanctions pénales. - L’exploitation sexuelle d’une femme constitue un crime de traite de personne. - Le travail de sexe exercé par des hommes est poursuivi pour d’autres faits relatifs aux mœurs. - La transsexualité est interdite, le chirurgien qui intervient pour changer le sexe est poursuivi pour atteinte à l’intégrité corporelle. Le caractère discriminant de la législation : Malgré des avancées considérables en matière des droits humains notées dans la Constitution, et leur mise en application dans des lois, la législation tunisienne demeure discriminante pour :
- Les femmes, qui sont encore victimes de différents types de violence.
D’après une enquête publiée en 2010, 48% des femmes ont déclaré avoir subi une violence au moins une fois dans leur vie. L’homme est considéré comme étant le chef de famille et pas la femme. La femme ne jouit pas des mêmes droits que l’homme dans le choix du conjoint, il lui est interdit de se marier avec un non musulman et elle n’a pas les mêmes droits à l’héritage que l’homme.
16
- Les enfants, peuvent travailler dans les affaires agricoles à partir de 13 ans, alors que le principe est que l’âge minimum de travail est 18 ans. Il en est de même, des travailleuses domestiques qui pourraient être engagées à partir de 16 ans. Cette situation est en voie de changement par des textes publiés en 2017 qui condamnent le travail avant 18 ans pour les deux sexes.
- Les migrants n’ont pas droit à la gratuité du traitement du sida dans le secteur public. Ceci est incompatible avec l’esprit de la stratégie de lutte contre le VIH et l’article 38 de la constitution qui stipule que « la santé est un droit pour tout être humain ». - Les détenus qui sont soumis à la loi relative à l’organisation des prisons ne bénéficient pas en pratique, des droits octroyés dans la Constitution ; tels que le droit au secret sur leur état sérologique ou à la séparation du reste des détenus par peur de transmission du VIH.
Les recommandations issues du cadre juridique : Malgré les avancées réalisées dans le domaine des droits de l’Homme en général, il reste à déplorer qu’il demeure encore des dispositions qui entravent les droits des PVVIH. Afin de surmonter cette problématique les recommandations suivantes sont proposées sur les plans de la forme et du contenu des textes : Notons au préalable l’urgence de mettre en place la Cour Constitutionnelle pour une meilleure interprétation et application des droits des PVVIH. Sur le plan de la forme : • La consécration d’un chapitre spécifique au VIH/SIDA dans la loi 92-71 qui tire au clair la prévention, la prise en charge, le suivi et l’évaluation, les droits des populations cibles et le rôle des ONG actives dans le domaine. • L’adoption d’une loi spécifique aux PVVIH ainsi qu’aux populations clés conçue entièrement aux droits humains. Sur le plan du contenu : • Réviser les divers textes juridiques inhérents au VIH/SIDA et aux droits des PVVIH et les adapter aux exigences constitutionnelles et conventionnelles. • La prise en charge complète et l’assurance des droits sociaux des PVVIH tunisiens ou non. • Ajouter le sida sur la liste des maladies chroniques de la CNAM. • Considérer les PVVIH, parmi les personnes prioritaires en matière de logement social. 17
• Interdire clairement les stigmatisations et discriminations des PVVIH et préciser les sanctions qui conviennent. • Interdire tout licenciement ou acte discriminatoire à l’égard des PVVIH en milieu de travail. • Renforcer les droits civils et politiques des PVVIH et protéger les données de leur vie privée. • Considérer les associations des PVVIH comme étant d’intérêt public. Supprimer les pénalisations injustifiées des populations clés : Pour les travailleuses du sexe : Dépénaliser ce travail et se limiter à la loi contre la traite des personnes et à l›élimination de la violence à l›égard des femmes. Pour les LGBT+, dépénaliser l’homosexualité et autoriser le changement de sexe et la modification de l’identité de genre qui va avec.
• Reconnaissance claire des droits des migrants: - Adapter les DH des étrangers et notamment le droit à la santé aux évolutions constitutionnelles et conventionnelles. - Mettre en place une réglementation qui garantit les droits fondamentaux des migrants et condamne toute forme de racisme et lever les barrières à l’accès aux services de santé. • Protection des PVVIH dans les maisons d’arrêt avec formation du personnel : - La protection des informations relatives au statut sérologique des PVVIH - La gratuité des soins et traitements pour tous les détenus, y compris les étrangers. - La protection des PVVIH contre les agressions et la stigmatisation.
Pour les usagers de la drogue, adapter les textes pour une approche préventive et curative et mettre l’accent sur les trafiquants de drogue plutôt que sur le consommateur. • Renforcer les droits des femmes comme c’est noté dans la Constitution : - Établir l’autorité parentale à titre égal entre les deux parents. - Établir l’égalité parfaite en matière successorale. - Assurer le libre choix du conjoint quelle que soit sa confession. • Appuyer le statut de l’enfant : - L’interdiction, sans exception, du travail des enfants avant l’âge de 18 ans. - La distinction de la majorité sexuelle de celle pour le mariage et la reconnaissance du droit à une éducation sexuelle complète. - La révision du Code de protection de l’enfant en vue d’y intégrer la notion de « L’enfant victime d’exploitation sexuelle» - Réfléchir à d’autres lieux de placement des enfants plus acceptables psychologiquement. 18
19
Référentiel VIH et droits humains Tome 2
Sommaire
Liste des acronymes..................................................................... 25 Introduction générale ............................................................... 29 Chapitre introductif : l’approche droits-humains .................. 33 1. Fondamentaux de l’approche droits-humains ......................
34
Troisième Partie : Les recommandations issues du cadre juridique ..................................................................................... 113 Recommandation transversale : la cour constitutionnelle ........... 114 A. La forme de la modification ................................................
114
2. Approche droits humains dans la riposte contre le VIH et le Sida ............................................................................................. 37
1. Modifier la loi de 1992 ............................................................. 114
3. Droits humains dans le cadre juridique Tunisien ...................... 43
B. Le contenu de la réforme ..................................................... 116
Première partie : La consécration partielle des droits fondamentaux des PVVIH ........................................................ 53 1. Les droits socio-économiques des PVVIH ......................... 54 1.1. Le droit des PVVIH à l’intégrité physique : le droit à la santé 54 1.2. Le droit au travail .................................................................. 60 1.3. Le droit des PVVIH à la sécurité sociale .............................. 63
2. Adopter une loi spécifique aux PVVIH ..................................... 115 1. La prise en charge et les droits sociaux .................................. 116 2. Renforcer les droits économiques et sociaux des PVVIH ....... 116 3. Renforcer les droits civils et politiques des PVVIH .................. 116 4. Supprimer les pénalisations injustifiées des populations clés
117
5. Supprimer les discriminations à l’égard des populations minorées ..................................................................................... 117
1.4. Le droit aux crédits bancaires ............................................... 63 1.5. Le droit au logement ............................................................. 64 2. Les droits civils et politiques des PVVIH ............................ 65 2.1. L’égalité et le principe de non-discrimination ........................ 65 2.2. Le droit des PVVIH à la protection de la vie privée ............... 66 2.3. Les PVVIH et le droit de la famille ........................................ 68 2.4. Le droit à l’information .......................................................... 71 2.5. Le droit d’accès à la justice ................................................... 72 Deuxième Partie : Les entraves aux droits fondamentaux des PVVIH .................................................................................. 75 1. Carences et obstacles inhérents à la loi de 1992 ............... 76 1.1. L’implication des médecins : la déclaration obligatoire ........ 77 1.2. Le volet répressif de la loi de 1992 ....................................... 79 2. Carences et obstacles inhérents aux autres textes juridiques ................................................................................... 83 2.1. Les législations sanctionnant les populations clés et vulnérables ................................................................................. 84 22
2.2. La législation discriminante .................................................. 98
23
Référentiel VIH et droits humains Tome 2
Abréviations
AME : Aide médicale de l’État ARP : Assemblée des Représentants du Peuple ATDDS : Association Tunisienne de Défense du Droit à la Santé ATFD : Association Tunisienne des Femmes Démocrates ATIOST : Association Tunisienne d’Information et d’Orientation sur le Sida et la Toxicomanie ATL MST/Sida : Association Tunisienne de Lutte contre les MST et le Sida ATP+ : Association Tunisienne de Prévention Positive ATSR : Association Tunisienne de la Santé Reproductive ARV : Antirétroviraux CDESC : Comité des Nations Unies sur les droits économiques, sociaux et culturels CIPD : Conférence Internationale sur la population et le développement CNSS : Caisse Nationale de Sécurité Sociale CNAM : Caisse Nationale d’Assurance Maladie CSP : Code du statut personnel DCP : Droits Civils et Politiques DESC : Droits économiques, sociaux et culturels DUDH : Déclaration Universelle des Droits Humains DH : Droits humains ESP : Etablissement de Santé Publique
LGBTQI+ : Lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres, queers, intersexués et autres OIM : Organisation Internationale pour les Migrations OIT : Organisation Internationale du Travail OMS : -Organisation Mondiale de la Santé ONFP : Office National de la Famille et de la Population ONG : Organisation non-gouvernementale ONUSIDA : Programme commun des Nations Unies sur le VIH/ Sida PIDESC : Pacte International relatif aux Droits Économiques, Sociaux et Culturels PDCP : Pacte international relatif aux droits civils et politiques PNLS : Programme National de Lutte contre le Sida P V V I H : Personnes vivant avec le VIH RGS : Régime de gratuité des soins RTR : Régime de tarif réduit SSR : Santé sexuelle et de la reproduction SSU : Santé scolaire et universitaire TAR : Traitement Antirétroviral TS : Travailleur / travailleuse de sexe ; dites aussi professionnelles du sexe UNFPA : Fonds des Nations Unies pour la population UNHCR : Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés
HCDH : Haut-commissariat des Droits de l’Homme HTS : Hommes travailleurs du sexe (HTS) HSH : Hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes IVG : Interruption volontaire de la grossesse JORT : Journal officiel de la République Tunisienne 26
27
Référentiel VIH et droits humains Tome 2
Introduction générale
Introduction générale
La question du VIH intéresse le droit tunisien et ce depuis la promulgation de la loi n°92-71 du 27 juillet 1992, relative aux maladies transmissibles(1), telle que modifiée par la loi n°2007-12 du 12 février 2007(2), et mise en application par le décret n°93-2451 du 13 décembre 1993(3). Cette loi constitue le droit commun en la matière. Toutefois, nombreux sont les textes et les dispositions qui ont trait au VIH et aux droits des PVVIH. Il s’agit notamment de la Constitution tunisienne du 27 janvier 2014 et des lois organiques récemment adoptées, telles que la loi relative à la lutte contre la traite des personnes (3 août 2016) et la loi relative à l’élimination de la violence contre la femme (11 août 2017) ; la loi relative à la lutte contre toutes les formes de discrimination raciale (loin°2018-50 du 28 octobre 2018) …
Rappelons que le Droit tunisien n’a pas été conçu pour prendre en considération la situation particulière des PVVIH. Ceci se reflète à la fois dans le texte qui est censé s’appliquer directement à cette situation, la loi de 92-71 du 27 juillet 1992, relative aux maladies transmissibles, et dans le droit commun qui s’applique par nature à toutes les situations sans considération des spécificités liées aux PVVIH. Adoptée en 1992, la loi 92-71 du 27 juillet 1992, relative aux maladies transmissibles, n’a pas été conçue pour qu’elle soit une loi pour les PVVIH. L’objectif principal de la loi est de protéger l’ordre public contre la propagation des maladies transmissibles tout en garantissant le droit à la santé pour toute personne y compris les PVVIH. Ce choix originel continue à caractériser, vingt-cinq ans après, le cadre juridique relatif à la question. Dans son actif, la loi de 1992, consacre un certain nombre de principes et de mesures qui serviront certes de cadre global aux droits humains des PVVIH. Toutefois, nombreuses sont les carences de cette loi qui freinent l’accès à ces droits.
Ces évolutions récentes du cadre juridique Tunisien (post 2011), ne doivent pas occulter l’existence des lois couvrant tous les aspects des droits humains (civils, politiques, sociaux, économiques, culturels…) ; des textes dont certains sont très anciens (code pénal de 1913, code du statut personnel 1956, code du travail 1966), et d’autres adoptées après la promulgation de la loi de 1992 relative aux maladies transmissibles (le code de protection de l’enfance 1995, la loi relative à la protection des données à caractère personnel 2004, le décret-loi relatif aux associations 2011…). Ce droit avec ses différentes composantes spécifiques et communes se heurte à la question des PVVIH, des populations clés et vulnérables et témoigne d’un certain cadre favorable à l’intégration de cette donne, mais contient des aspects qui demeurent discriminatoires et stigmatisants pour les PVVIH, les populations clés ainsi que les populations vulnérables. JORT n°50 du 31 juillet 1992, p. 939. JORT n°14 du 16 février 2007, p. 484. 3 Décret fixant les conditions et les formes de déclaration des maladies transmissibles et des décès dus à ces maladies, JORT n°97 du 21 décembre 1993, p. 2140. 1 2
30
31
Référentiel VIH et droits humains Tome 2
Chapitre Préliminaire :
L’approche droits-humains 1. Fondamentaux de l’approche droits-humains 2. Approche droits humains dans la riposte contre le VIH et le Sida 3. Droits humains dans le cadre juridique Tunisien 4. Principes et objectifs mis en place par la loi de 1992 5. Droits humains en période de crise : COVID 19 comme exemple
Chapitre Préliminaire
- La convention internationale relative à la lutte contre toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (1979) ; - La convention internationale de lutte contre la torture et autres peines et traitements cruels et inhumains ou dégradants (1984) ; - Convention relative aux droits de l’enfant (1989)
1. Les fondamentaux de l’approche droits-humains : Les droits humains sont les droits fondamentaux dont jouissent tous les individus du fait d’être des êtres humains. Ils sont fondés sur l’idée que toutes les personnes sont égales et en droit d’être traitées avec dignité et respect, quels que soient leur race, leur sexe, leur genre, leur âge, leur handicap ou toute autre caractéristique. Ils sont universels ; interdépendants ; indivisibles et inaliénables et ne peuvent donc être transférés ou perdus(4). La construction du système des droits humains : la conception actuelle des DH a commencé à partir de l’adoption de la Charte de l’Organisation des Nations Unies (1946) et notamment avec l’adoption par l’Assemblée générale des Nations Unies de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme ; le 10 décembre 1948 ; Aujourd’hui la Tunisie compte neuf principaux traités internationaux relatifs aux droits humains(5) (Voir annexe 1). Chacun de ces traités a créé un comité d’experts chargé de surveiller l’application des dispositions du traité par les États parties. Certains des traités sont complétés par des protocoles facultatifs touchant à des préoccupations spécifiques(6). Il s’agit des conventions suivantes : - La Convention internationale relative à la lutte contre toutes les formes de discrimination raciale ; 1979 ; - Le Pacte international relatif aux droits économiques ; sociaux et culturels ; 1966 ; - Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ; 1966 ; VIH et droits humains ; Guide de bonnes pratiques ; Alliance Ensemble pour mettre fin au Sida ; p. 7; disponible sur le site suivant : http://www.aidsalliance.org/resources; Voir aussi : https://www.ohchr.org/FR/issues/Pages/WhatareHumanRights.aspx 5 https://tbinternet.ohchr.org/_layouts/15/Treaty BodyExternal/Treaty.aspx?CountryID=178&Lang=FR Consulté le 11 octobre 2020 6 https://www.ohchr.org/fr/professionalinterest/pages/coreinstruments.aspx 4
34
- Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (1990) ; - Convention relative aux droits des personnes handicapées (2006) ; - Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées ; (2006) ; Cet ensemble de textes internationaux forment (avec un grand nombre d’autres traités, pactes, conventions et protocoles) ce que nous appelons « le droit international des droits humains ». Ce corpus légal contient les obligations que les Etats sont tenus de respecter. En effet, lorsqu’un Etat devient partie à un traité, le droit international l’oblige à respecter, protéger et instaurer les droits humains qu’il a acceptés : - Respecter les droits humains, signifie que les Etats évitent d’intervenir ou d’entraver l’exercice des droits humains. - Protéger signifie que les Etats doivent protéger les individus et les groupes contre les violations des droits humains. - Instaurer signifie que les Etats doivent prendre des mesures positives pour faciliter l’exercice des droits humains. A ce niveau, en ratifiant les traités internationaux des droits de l’homme, les gouvernements s’engagent à prendre des mesures nationales et à adopter des lois compatibles avec les obligations découlant des traités. Lorsque les procédures légales nationales ne permettent pas de remédier aux violations des droits humains, il existe des mécanismes et procédures de plaintes individuelles ou de communications aux niveaux régional et international, qui permettent de garantir le respect, la protection et l’instauration des normes internationales des droits humains au niveau local(7).
7
https://www.ohchr.org/FR/ProfessionalInterest/Pages/InternationalLaw.aspx
35
A ce niveau ; il a été créé en vertu d’instruments relatifs aux droits humains des comités d’experts indépendants qui surveillent l’application des principaux traités internationaux relatifs aux droits de l’homme. Chaque État partie à un traité est tenu de prendre des mesures pour s’assurer que tous les citoyens peuvent jouir des droits énoncés dans le traité. Il existe dix organes créés en vertu d’instruments relatifs aux droits humains composés d’experts indépendants ayant une compétence reconnue dans le domaine des droits de l’homme, qui sont nommés et élus pour des mandats fixes renouvelables de quatre ans par les États parties. Il s’agit des organes conventionnels suivants(8) : Le Comité des droits de l’homme (CCPR) qui surveille l’application du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (1966) et ses protocoles facultatifs ; Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels (CESCR) qui surveille l’application du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (1966) ; Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD) qui surveille l’application de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (1965) ; Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) qui surveille l’application de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (1979) et son protocole facultatif (1999) ; Le Comité contre la torture (CAT) qui surveille l’application de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (1984) ; Le Comité des droits de l’enfant (CRC) qui surveille l’application de la Convention relative aux droits de l’enfant (1989) et ses protocoles facultatifs (2000) ; Le Comité des travailleurs migrants (CMW) qui surveille l’application de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et de leur famille (1990); Le Comité des droits des personnes handicapées (CRPD) qui surveille l’application de la Convention relative aux droits des personnes handicapées (2006) ; 36
8
https://www.ohchr.org/FR/HRBodies/Pages/Overview.aspx
Le Comité des disparitions forcées (CED) qui surveille l’application de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées (2006) ; et Le Sous-comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (SPT), qui créé en vertu du Protocole facultatif à la Convention contre la torture (OPCAT) (2002), visite les lieux de détention en vue de prévenir la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants(9). S’ajoute à cela ; Les procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme, à savoir les représentants spéciaux, les rapporteurs spéciaux des mandats thématiques et par pays, et les groupes de travail qui sont par ailleurs en mesure de surveiller le respect des droits des personnes touchées par le VIH.
2. Approche droits humains dans la riposte contre le VIH et le Sida : De manière générale, le droit international des droits humains n’a pas mis en place un texte contraignant en matière de VIH/PVVIH (pacte ; convention ou protocole).Cependant, sur le plan régional, le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits de la Femme en Afrique (Protocole de Maputo) qui a été ratifié par la Tunisie le 23 août 2018(10), est le premier instrument international des droits de l’homme, juridiquement contraignant, à reconnaître la corrélation entre les droits humains des femmes et le VIH. En son article 14 (1) (d) et (e) le Protocole de Maputo consacre le droit des femmes à se protéger et d’être protégées contre le VIH ainsi que leur droit d’être informées sur leur statut sérologique et le statut de leurs partenaires conformément aux normes et pratiques internationales en vigueur. A ce titre, le Protocole de Maputo se révèle être, dans la pratique, un outil important de réduction de l’effet disproportionné de la pandémie du VIH sur la vie des femmes en Afrique(11). En outre ; il existe un instrument international fort important en la matière. Il s’agit de la « Déclaration politique de l’Assemblée générale des Nations Unies sur le VIH et le sida 2011 : « Intensifier nos efforts pour Eliminer le VIH et le sida»12. Pour de plus amples informations sur le système de surveillance des DH par les mécanismes spécifiques, consultez : https://www.ohchr.org/FR/HRBodies/Pages/Overview.aspx 10 Voir aussi la Loi organique n° 2018-33 du 6 juin 2018, autorisant l’adhésion de la République Tunisienne au «Le Protocole de Maputo à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples» relatif aux droits des femmes en Afrique 11 https://www.achpr.org/fr_legalinstruments/detail?id=14 Consulté le 11 octobre 2020 9
37
Cette Déclaration politique, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies en 2011, est un engagement des dirigeants du monde à « redoubler d’efforts pour assurer d’ici à 2015 l’accès universel à la prévention, aux traitements, aux soins et soutien en matière de VIH ». Elle reconnaît, en outre, l’importance de lever tout obstacle qui empêche les personnes d’accéder à la prévention, aux traitements, aux soins et soutien du VIH dont elles ont besoin. Ceci implique de s’attaquer aux lois, politiques et pratiques qui perpétuent la discrimination, l’inégalité et la violence à l’égard des personnes vivant avec le VIH et des autres populations clés, notamment les femmes et les enfants. Les cibles pour 2015 comprennent les éléments suivants : - Réduire de 50 % le taux de transmission du VIH par voie sexuelle ; - Réduire de 50 % le taux de transmission du VIH parmi les consommateurs de drogues Injectables ; - Enrayer les nouvelles infections par le VIH chez les enfants et réduire sensiblement le nombre de décès maternels liés au sida ; - Assurer un traitement antirétroviral à 15 millions de personnes ; - Réduire de 50 % le nombre de décès dus à la tuberculose parmi les personnes vivant avec le VIH ; - Réduire le déficit mondial de moyens de lutte contre le sida et parvenir à un investissement moyen annuel de 2 à 24 milliards de dollars US dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire ; - Éliminer les inégalités fondées sur le sexe ainsi que la maltraitance et la violence basée sur le genre et renforcer la capacité des femmes et des adolescentes à se protéger du VIH ; - Éliminer la stigmatisation et la discrimination contre les personnes vivant avec le VIH et touchées par cette maladie à travers la promotion des lois et des mesures qui assurent la pleine réalisation de tous les droits humains et libertés fondamentales ; - Éliminer les restrictions qui touchent les personnes vivant avec le VIH en matière d’entrée, de séjour et de résidence dans un pays ;
38
- Éliminer les circuits parallèles de soins en matière de VIH pour intégrer davantage la riposte au sida dans les efforts mondiaux de santé et de développement.
Cette déclaration constitue ainsi, un cadre clair pour la reconnaissance et la mise en place d’une approche droits-humains en matière de riposte contre le VIH et en matière de garantie des droits des PVVIH. En effet, l’approche droits-humains consiste à reconnaitre tous les droits humains, tels que consacrés par les instruments internationaux et sans discrimination aucune aux PVVIH ; et à toute personne dans le cadre du VIH et du SIDA (les familles et proches des PVVIH ; les populations clés ; les professionnels de santé et les services sociaux qui œuvre en matière de VIH/SIDA ; les associations et organisations et activistes qui appuient les droits des PVVIH et des populations clés…). Partant du principe que les droits humains sont universels, inaliénables, interdépendants et irréversibles à toute personne sans discrimination aucune ; il est donc nécessaire d’examiner, dans la reconnaissance et la mise en application des droits humains dans le cadre du VIH et du SIDA et pour PVVIH, comment tous ces droits sont reconnus et pratiqués dans ce contexte. Ainsi ; l’approche droits-humains est globale et non partielle : elle reconnait tous les droits humains (sans réduction ni soustraction ou hiérarchisation) pour toutes les PVVIH, les populations clés et les groupes minorés ou discriminés ; L’approche droits-humains prend en considération les spécificités des détenteurs.trices des droits pour appuyer leurs droits et non pas pour les réduire. Ainsi, l’approche droits-humains, se base sur le principe d’égalité et de lutte contre les discriminations ; mais elle procède par des mesures favorisant l’égalité de chance. Ceci pourrait entrainer une certaine discrimination positive en faveur des personnes les plus démunies (notamment les PVVIH qui pourraient se trouver dans des situations de vulnérabilité et de précarité). Les obligations qu’ont les États de promouvoir et protéger les droits humains liés au VIH et au Sida sont définies dans les traités internationaux existants. Ces droits sont notamment le droit à la vie, le droit de toute personne à sa liberté et à sa sécurité, le droit de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible, le droit à la non-discrimination, à une protection égale et à l’égalité devant la loi, le droit à la liberté de mouvement, le droit de chercher et d’obtenir asile, le droit à la vie privée, le
39
droit à la liberté d’expression et d’opinion, le droit de recevoir et de divulguer librement une information, le droit à la liberté d’association, le droit de se marier et de fonder une famille, le droit au travail, le droit à l’égalité d’accès à l’éducation, le droit à un niveau de vie adéquat, le droit à la protection sociale, à l’assistance et au bien-être, le droit de bénéficier des progrès de la science et de ses avantages, le droit de participer à la vie publique et culturelle, et le droit de ne pas subir de torture ou toute autre peine ou traitement cruel, inhumain ou dégradant(12). On se pose ainsi la question : En quoi les droits humains sont-ils concernés par le VIH(13)? Les droits humains sont liés à la propagation et à l’incidence du VIH sur les individus et les communautés à travers le monde. Le non-respect des droits humains contribue à propager la maladie et à en renforcer l’incidence, dans le même temps que le VIH et le Sida affectent les progrès réalisés dans la mise en œuvre des droits humains. Ce lien apparaît nettement lorsqu’on considère l’incidence disproportionnée de la maladie sur certains groupes, notamment les femmes, les enfants, et plus particulièrement ceux qui vivent dans la précarité, et sa progression. La nature de l’épidémie et les conditions sociales, légales et économiques qui prévalent, jouent ici un rôle déterminant. Il est tout aussi apparent dans le fait que les pays en développement sont les plus touchés par cette épidémie, qui menace de réduire à néant les progrès vitaux qu’ils ont réalisés dans le domaine du développement humain. Dans de nombreux pays en développement, le sida et la pauvreté se complètent désormais pour entrainer le pire. Le lien existant entre le VIH, le Sida et les droits humains se manifeste dans trois niveaux : - Augmentation de la vulnérabilité : Certains groupes apparaissent plus vulnérables au VIH parce qu’ils sont incapables d’exercer leurs droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels. Par exemple, les personnes auxquelles on dénie le droit à la liberté d’association et à l’accès à l’information risquent de se retrouver écartées des débats sur le VIH et le Sida, des activités organisées par les organisations d’aide aux personnes touchées par le sida et par les groupes d’assistance, et empêchées de prendre des mesures de prévention contre l’infection du VIH. Les femmes, et en particulier les jeunes femmes, sont d’autant plus vulnérables à l’infection 40
12 13
https://www.ohchr.org/FR/Issues/HIV/Pages/HIVIndex.aspx https://www.ohchr.org/FR/Issues/HIV/Pages/HIVIndex.aspx
qu’elles sont privées de l’accès à l’information, à l’éducation et aux services indispensables pour garantir leur santé sexuelle et reproductive et prévenir les risques d’infection. Les pauvres, lorsqu’ils sont séropositifs, sont souvent incapables d’avoir accès aux soins et aux traitements, notamment aux thérapies antirétrovirales et aux autres médicaments contre les infections opportunistes. - Discrimination et stigmatisation : Les droits des personnes vivant avec le VIH sont souvent violés du fait de leur séropositivité présumée ou connue. Ces personnes sont doublement pénalisées, d›une part par la maladie elle-même, d›autre part par la perte que celle-ci entraîne de leurs autres droits. La stigmatisation et la discrimination peuvent leur bloquer l›accès au traitement, se répercuter sur leur emploi, leur logement... Cette discrimination dissuade les personnes séropositives et celles par ailleurs pénalisées en raison de la maladie de se faire connaître auprès des services de santé et des services sociaux. Il en résulte que ce sont précisément ceux qui auraient le plus besoin d’être informés, éduqués et conseillés qui se trouvent privés de ces services, même lorsque ces derniers sont disponibles. - Quand l’action devient inefficace : Les stratégies de lutte contre l›épidémie du VIH perdent de leur efficacité dans un environnement où les droits humains ne sont pas respectés. Par exemple, la discrimination et la stigmatisation des groupes vulnérables -les consommateurs de drogues injectables, les professionnel(le)s du sexe et les hommes qui ont des rapports sexuels avec des hommes- conduisent ces communautés à se réfugier dans la clandestinité. Cela rend plus difficile de conduire des actions de prévention en direction de ces populations et celles-ci deviennent plus vulnérables au VIH. De la même façon, en négligeant l›accès à l›éducation et à l›information sur le VIH et le Sida, aux traitements et aux services de soin et d’appui, on entretient la progression de l’épidémie du VIH. Il est indispensable de prendre en compte ces éléments si on veut riposter de manière efficace au VIH, en sachant que le non-respect des droits humains est un frein à toute efficacité. Que signifie une approche du VIH et du Sida du point de vue des droits humains ? Lorsque les individus et les communautés sont en mesure d’exercer leurs droits à l’éducation, à la libre association, à l’information et, à la non-
41
discrimination, les incidences du VIH et du sida sur les personnes et sur la société s’en trouvent amoindries. Lorsque les personnes séropositives vivent dans un milieu ouvert et favorable, à l’abri de la discrimination ; qu’elles soient traitées avec dignité ; qu’elles aient accès aux traitements, aux soins et à un appui, et lorsque le sida cesse d’être un objet de stigmatisation, les gens se prêtent d’autant plus volontiers aux tests de dépistage pour savoir s’ils sont ou non infectés. Dans le même ordre d’idées, les personnes séropositives peuvent mieux se prendre en charge, et par exemple bénéficier à leur propre demande d’un traitement et d’un soutien psychologique, prendre des mesures pour éviter de transmettre le virus, et réduire ainsi l’incidence du VIH et du Sida sur leur vie et sur celle des autres membres de la société. La protection et la promotion des droits humains sont de ce fait indispensables pour empêcher la propagation du VIH et atténuer l’incidence socioéconomique de cette pandémie. Et cela pour trois raisons. - Premièrement, la promotion et la protection des droits humains réduisent la vulnérabilité à l’infection du VIH en s’attaquant aux causes profondes de l’épidémie. - Deuxièmement, l’incidence négative du virus sur les séropositifs et sur les personnes qu’il touche s’en trouve amoindrie. - Troisièmement, les individus et leurs communautés peuvent ainsi mieux riposter à la pandémie. C’est la raison pour laquelle la lutte contre cette pandémie au niveau international doit reposer, pour être efficace, sur le respect de tous les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels, et sur le respect du droit au développement, en application des standards, normes et principes internationaux relatifs aux droits humains.
42
Enfin ; les instruments et les mécanismes mis en place par les Nations Unies dans le domaine des droits de l’homme représentent non seulement un cadre normatif légal, mais ils sont en outre des outils indispensables pour la mise en œuvre des droits des personnes touchées par le VIH. En examinant les rapports présentés par les États et en soumettant des observations et des recommandations concluantes ainsi que des commentaires généraux, les organes chargés de veiller à l’exécution des traités contribuent à aider les États à mettre en œuvre les droits des personnes touchées par le VIH.
On se posera ainsi la question relative à l’approche droits-humains dans le contexte tunisien en général et en ce qui concerne le cadre du VIH et des PVVIH en particulier.
3. Droits humains dans le cadre juridique tunisien 3.1. Une évolution constitutionnelle et législative constante : Le 14 janvier 2011 la Tunisie a connu une Révolution qui a fait tomber un régime autoritaire en place depuis 1956. Cette Révolution a permis à la Tunisie de vivre une transition des plus importantes. Cette transition démocratique qui se poursuit jusqu’à nos jours est passée par différentes phases : - 14 janvier au 26 octobre 2011 : une phase qui a mis en place les textes fondamentaux qui allaient régir la transition politique : la législation sur les élections, celle sur les partis politiques, celle sur les associations et celle sur les médias et la presse ; - 26 octobre 2011 au 27 janvier 2014 : une Assemblée nationale constituante élue démocratiquement, a gouverné le pays et a élaboré la constitution de la 2ème République. Une période de très grande tension, qui a été marquée par deux grands assassinats politiques : le 6 février 2013 (assassinat d’un grand leader de la gauche : Chokri Belaid) et le 25 juillet (l’assassinat d’un député de l’opposition Mohamed Brahmi). Toutefois, le Dialogue national entre les différents partis et mouvances politiques a été mené par les grandes organisations nationales (UGTT, UTICA, Ordre National des Avocats Tunisiens et Ligue tunisienne des droits de l’Homme) et a permis une sortie de la crise avec un consensus sur les prochaines étapes politiques. Cet effort a été récompensé par un Prix Nobel de la Paix au Quartet Tunisien en 2015. Cette étape a été marquée aussi par l’adoption de la Constitution. En effet, la constitution du 27 janvier 2014 consacre une place importante aux Droits Humains et un grand nombre de libertés : Primauté des droits (Article 2) égalité et lutte contre la discrimination (article 21), respect de la vie privée, protection des données à caractère personnel (article 24), intégrité physique et dignité humaine (article 23), le droit à la santé (article 38), le droit à l’éducation et à l’enseignement (article 39), les droits de la femme (article 46), les droits des enfants (article 47), les droits des personnes handicapées (article 48), restriction des révisions des lois pour
43
ne pas porter atteinte aux acquis en matière de droits de l’Homme et de libertés garantis par la Constitution( Article 49 al2)... etc. La constitution a prévu la mise en place d’instances nationales indépendantes : L’Instance des droits humains (article 128), l’instance de communications audiovisuelles (article 127), l’instance indépendante pour les élections (article 128), l’instance de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption (article 130) et l’instance de développement durable et des droits des générations futures (article 129). Parmi les innovations de la constitution de 2014 : la mise en place d’une Cour constitutionnelle (articles 118 à 124) et la reconnaissance du pouvoir local doté de prérogatives propres et d’autres partagées avec le pouvoir central (Chapitre 7 ; les articles 131 à 142). - 23 octobre 2014 au 24 octobre 2019 : Les élections de 2014 ont permis une alternance au pouvoir avec un premier parlement et un premier président de la Républiques élus après la Révolution. Cette période a été marquée par un premier exercice de mise en application de la constitution : des lois fondamentales ont été adoptées : la loi sur la cour constitutionnelle (loi organique n°2015-50 du 3 décembre 2015), la loi sur le conseil supérieur de la magistrature (Loi organique n°2016-34 du 28 avril 2016); la loi sur l’accès à l’information(loi organique n°2016-22 du 24 mars 2016), la loi sur la lutte contre la traite des personnes (Loi organique n°2016-61 du 03 août 2016) , la loi de lutte contre les violences faites aux femmes (Loi organique n°2017-58 du 11 août 2017) , les lois relatives aux instances indépendantes (à l’exception de l’instance de communications audiovisuelles)… De même, durant cette période un certain nombre de conventions internationales ont été ratifiées renforçant ainsi le corpus des DH en Tunisie qui a eu l’occasion de présenter son Rapport périodique universel le 2 mai 2017. Ces conventions viennent s’ajouter à un arsenal conventionnel déjà ratifié par la Tunisie. 3.2. Un processus de ratifications des conventions des DH croissant : En effet, la Tunisie a procédé à la ratification d’un très grand nombre de conventions internationales (et de certains protocoles additionnels) ayant trait aux droits humains et ce dès les premières années de l’indépendance. 44
Il s’agit principalement de la Déclaration universelle des droits de l’Homme ; des deux pactes de 1966 (relatifs le premier aux droits économiques,
sociaux et culturels et le deuxième aux droits civils et politiques) ; la Convention internationale contre toute les formes de discrimination raciale ; La convention relative à la lutte contre la torture ; la Convention de lutte contre toute les formes de discrimination à l’égard des femmes ; la convention internationale sur les droits de l’enfant…( Voir Annexe 1) Après la Révolution et lors de l’année 2011 ; la République Tunisienne a ratifié la convention sur les disparitions forcées ; le Statut de Rome sur la Cour pénale internationale… Plus récemment ; la Tunisie a adhéré à un ensemble de conventions et protocoles : il s’agit notamment de la Convention sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants (ratifiée par la loi n°2017-30 du 02 mai 2017); La Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels (Convention de Lanzarote ratifiée par la loi n°2018-2 du 15 janvier 2018) ; Le troisième protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communication, qui renforcerait les droits et la protection des enfants (ratifiée par la loi n°2018-34 du 06 juin 2018) ; l’adoption de la loi fondamentale n° 2018-33 du 6 juin 2018 concernant l’approbation de l’adhésion de la Tunisie au Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits de la femme en Afrique (dit protocole de Maputo)… Dans cette même période (2014-2019), et au niveau des droits et libertés individuels, le Président de la République a nommé (le 13 aout 2017) une commission (La COLIBE) chargée de relire les textes juridiques liberticides et de proposer des recommandations pour les modifier et/ou les remplacer. La commission a élaboré son rapport et l’a rendu public le 1er juin 2018(14)… La ratification des conventions internationales (mondiales et régionales) est très importante dans l’ordre juridique tunisien. En effet, l’article 20 de la Constitution reconnait une valeur supra-législative aux conventions dûment ratifiées. Ceci entraînera une obligation de respect de conventionalité des lois. Toutefois, un grand nombre de conventions internationales ne contiennent que des principes généraux et ont besoin d’être repris et Pour l’état des lieux du respect des engagements internationaux des DH par la Tunisie ; consulter : Les recommandations faites à la Tunisie par les mécanismes du système des droits de l’Homme des Nations Unies ; examens périodiques universels ; organes des traités et procédures spéciales » ; Bureau du Haut-commissariat aux droits de l’Homme en Tunisie ; mise à jour novembre 2017 ; 116 p. Disponible sur le lien suivant : http://adlitn.org/sites/default/files/les_recommandations_faites_a_la_tunisie_par_les_mecanismes_du_ systeme_des_droits_de_lhomme_des_nations_unies_1.pdf
14
45
détaillées dans des lois. Ces dernières peuvent ne jamais être promulguées ou peuvent ne pas être conformes à la Convention. En l’absence d’une cour constitutionnelle, le contrôle de conventionalité reste vœux pieux. Enfin, toutes ces avancées et tous ces acquis, demeurent confrontés à un certain héritage, juridique, institutionnel et social, très mitigé. 3.3. Défis et limites de l’approche tunisienne en matière des droits humains La thématique des droits fondamentaux, ne cessent d’attirer l’attention des chercheur-e-s, observateurs.ices et activistes de la société civile. La compréhension du législateur, du pouvoir exécutif et des juges de ces droits demeure fluctuante. Ainsi, en l’absence d’un travail de fond de la part de tous ces intervenants publics sur quelle politique des droits humains à adopter, les interprétations et les applications des lois et dispositions liberticides continuent à marquer un grand nombre de textes juridiques (y compris ceux adoptés après 2014), des décisions de la justice et même des décisions administratives. - Plus récemment, les campagnes électorales et les résultats des élections de 2019 (présidentielle et législative) ont dévoilé la montée d’un discours qui oppose libertés individuelles aux droits économiques et sociaux. Ce discours est d’autant plus dangereux qu’il prône que les libertés individuelles constituent un frein au développement économique et social. Ainsi, pour ce discours, les libertés individuelles ne constituent pas une priorité. La priorité doit être donnée au développement économique et social. Certains avancent même que « Le peuple ne veut pas de libertés individuelles, mais du travail, de santé, de l’éducation… ». Dans ce sens, dissocier les libertés individuelles du développement, c’est fragmenter les droits humains et établir une hiérarchie entre ces droits ; - Ce discours a été confronté, à partir de mars 2020 à la pandémie du COVID 19 qui a illustré à la fois la fragilité du système des prestations (notamment de santé) et les vulnérabilités sociales de très grandes composantes de la société : femmes, enfants, personnes âgées, personnes en situation de handicap, personnes à sexualité non-normatives… de même les menaces qui guettent les droits et libertés civils et politiques : droits associatifs, libertés de manifester, dépassements policiers… 46
Cette fragilité est d’autant plus renforcée avec l’absence d’Instances constitutionnelles ; prévues par la constitution, mises en place par la loi, mais jusque-là non fonctionnelles : la Cour constitutionnelle, les instances des droits humains, de lutte contre la corruption, du développement durable… Ce bilan mitigé en matière d’évolution des droits humains en Tunisie incite à voir l’évolution de ce droit en ce qui concerne la thématique du VIH et des droits des PVVIH. 3.4. Principes et objectifs mis en place par la loi de 1992 relative aux maladies transmissibles 1. Les principes mis en place par la loi de 1992 1.1. Un champ d’application qui se veut non-stigmatisant : la loi 92-71 s’applique aux maladies transmissibles et entre autres l’infection par les VIH/ sida. Cette approche évite de contribuer à la stigmatisation du VIH et du sida et des « personnes atteintes » par le VIH(15). Ainsi, le texte tunisien n’établit pas de distinction particulière entre le VIH et les autres maladies transmissibles ce qui revient à éviter la stigmatisation du VIH et de préserver le principe d’égalité devant la loi(16). Toutefois, cette démarche d’inscrire la question du VIH dans un cadre très général (les maladies transmissibles), ne permet pas de prendre en considération les spécificités du VIH, des PVVIH ni celles des populations clés et vulnérables. 1.2. Consécration claire du principe de non-discrimination : la loi consacre dès son article 1er le principe de la non-discrimination en raison des maladies transmissibles. Cette insertion du principe de non-discrimination correspond à une directive de base du programme des Nations Unies sur le VIH/Sida qui insiste sur le respect des principes d’égalité et de procédures équitables. Toutefois, la consécration de ce principe, et selon l’article 1er de la loi de 1992, s’applique à la prévention et au traitement, ne couvrant pas de ce fait tous les aspects des droits « des personnes atteintes », y compris les PVVIH. 1.3. Inscription de la loi dans le cadre des valeurs d’entraide et de solidarité qui constituent les piliers de toute politique et tout programme relatif à la Il s’agit là de l’approche recommandée par les directives internationales. Voir à titre d’exemple, la Commission des droits de l’homme des Nations Unies, protection des droits de l’homme dans le contexte du VIH et du sida, résolutions du 3 mars 1995 et du 4 mars 1994. 16 Voir pour l’ensemble de ces recommandations, Guide pratique à l’intention du législateur sur le VIH/ Sida, la législation et les droits de l’homme, Genève, ONUSIDA et Union interparlementaire, 1999. 15
47
prise en charge « des personnes atteintes », en l’occurrence les personnes vivant avec le VIH(17). A ce niveau, la Constitution tunisienne consacre le principe de « justice sociale »(18).
3.5. Droits humains ; droits des PVVIH dans les situations de crise : La COVID-19 comme exemple. Les droits humains durant les périodes d’exception
Cette prise en considération des principes des droits humains ne doit pas occulter une autre dimension dans la lutte contre le VIH, à savoir la protection de l’ordre public.
Il est vrai qu’à une situation exceptionnelle il faut des mesures exceptionnelles. Toutefois, même en période de crise il y a des règles à respecter et des libertés à protéger. A ce niveau, la constitution tunisienne et le pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966 (ratifié par la Tunisie) ont mis en place les garde-fous pour respecter les droits et libertés fondamentales. En effet, l’article 4 de ce pacte dispose :
2. Souci principal de la loi : La protection de l’ordre public L’examen de la loi n°92-71, nous révèle que le législateur a, d’une part, veillé à ce que « la personne atteinte », pour le cas sous examen, la personne vivant avec le VIH ne souffre pas de mesures discriminatoires (dans la prévention et le traitement de la maladie) et a d’autre part, veillé à protéger la société contre la propagation du VIH. La loi n°92-71 traduit en définitive un souci d’équilibre entre la protection de l’ordre public et la volonté de s’inscrire dans la mouvance de consacrer les droits humains pour la « personne atteinte ». - La loi de 1992 traduit la complexité de la situation : . Le respect des droits des personnes dans leurs rapports avec le VIH et les IST : une approche de droit de l’homme et de libertés fondamentales. - La protection de la société contre le VIH et les IST : approche de contrôle et de restriction des droits. - La loi de 1992 tout en constituant un cadre juridique clair et directement lié au VIH et aux IST ne doit pas être isolée du reste des textes juridiques qui ont trait aux différents droits et libertés qui peuvent avoir un effet sur l’infection par le VIH et les IST et sur les droits et libertés des personnes en rapport avec ces IST.
Dans ce cadre les directives internationales tendent à l’amélioration des plans de financement et des mécanismes d’orientation nécessaires pour assurer l’accès à des traitement abordables y compris aux médicaments antirétroviraux, aux diagnostics et aux technologies connexes ainsi qu’à des soins médicaux palliatifs et psychosociaux de qualité. Voir à ce niveau, la déclaration d’engagement sur le VIH/sida : A crise mondiale, action mondiale, Session extraordinaire de l’Assemblée Générale des Nations Unies sur le Sida 25-27 juin 2001. 18 Préambule et article 12 qui dispose : “l’État œuvre à la réalisation de la justice sociale”. 17
48
1. Dans le cas où un danger public exceptionnel menace l’existence de la nation et est proclamé par un acte officiel, les Etats parties au présent Pacte peuvent prendre, dans la stricte mesure où la situation l’exige, des mesures dérogeant aux obligations prévues dans le présent Pacte, sous réserve que ces mesures ne soient pas incompatibles avec les autres obligations que leur impose le droit international et qu’elles n’entraînent pas une discrimination fondée uniquement sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion ou l’origine sociale. 2. La disposition précédente n’autorise aucune dérogation aux articles 6, 7, 8 (par. 1 et 2), 11, 15, 16 et 18… « Rappelons que ces articles portent sur : le droit à la vie ; l’interdiction de la torture ; l’interdiction de l’esclavage et des formes de traite des personnes ; l’interdiction de la rétroactivité des infractions pénales, la liberté de pensée, de conscience, de religion, d’exercice de culte…». De même ; la Constitution Tunisienne dans son article 80 précise le régime à appliquer en cas de péril imminent menaçant la nation ou la sécurité du pays et entravant le fonctionnement régulier des pouvoirs publics. . Les violations des droits humains durant la période de confinement(19) Toutefois, lors de la période du confinement allant du 22 mars au 4 juin 2020 ; des dépassements en matière des droits humains ont été remarqués. Il en est ainsi de : - Absence de mesures claires et transparentes concernant les exceptions liées à la circulation à l’intérieur des villes et entre les régions. L’appareil sécuritaire chargé d’assurer cette tâche a été très contesté et a prouvé 19 Pour plus de détail concernant les droits humains lors du confinement ; consulter : « Les libertés individuelles aux temps du coronavirus : Rapport sur l’état des lieux des libertés durant le confinement marsjuin2020 » ; Association Tunisienne de Défense des Libertés individuelles (ADLI) 22 juillet 2020; disponible sur le lien suivant ; http://adlitn.org/sites/default/files/1._rapport_version_integrale_fr_ar_ang_0.pdf
49
sa faillite. En effet, il y a eu un encombrement des postes de police et de garde nationale d’un côté ; et l’absence de critère clairs pour l’octroi de ces autorisations en deuxième lieu. - Dépassements commis par les agents chargés d’exécuter les lois : mettre en application les mesures de lutte contre la COVID-19 ; même si ceci exige une fermeté dans l’application de la loi, ne devrait pas constituer une occasion pour des mauvais traitements infligés aux citoyennes et citoyens (insultes ; coups…) ; - Dépassements commis par les structures publiques (administration et appareil judiciaire) en ce qui concerne la liberté de pensée et d’expression. En effet, des journalistes ont été harcelés pour leurs propos critiquant les mesures prises en matière de lutte contre la COVID-19 ; des internautes (notamment des bloggeurs.es.) ont été interpelé.e.s par l’appareil judiciaire et dont certain.ne.s ont été traduit.e.s devant la justice et jugé.e.s sur la base de leurs opinions - Défaillances des organismes publics dans la protection de certaines catégories des plus vulnérables : à ce niveau la crise de la COVID-19 a révélé que les moyens ordinaires mis en place par les autorités publiques n’ont pas été efficaces pour protéger les femmes et les enfants contre les violences notamment familiales durant cette période.
à un très grand nombre de femmes d’accéder à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) et aux autres services de contraception. - Les enfants, ont constitué aussi une cible de violence et de mauvais traitements durant le confinement, la promiscuité et l’enfermement ont multiplié les cas de violence par 3. - Quant aux personnes souffrant de maladies chroniques et notamment les personnes vivant avec le VIH, et vu les restrictions en matière de circulation, elles ont été contraintes d’arrêter le traitement avec tous les impacts négatifs liés à cet arrêt. - Les personnes LGBTQI+, déjà objet de discrimination et de stigmatisation, sont par le code pénal(20), passibles de peine d’emprisonnement de 3 ans. Elles se sont retrouvées durant le confinement (pour une grande partie d’entre-elles) obligées de regagner leurs familles, car privées de tout revenu et ont été objet de violences, d’harcèlement, d’humiliation et de mauvais traitements…
De même, la crise liée à la lutte contre la COVID-19 n’a fait que renforcer un constat déjà existant. En effet, les catégories socio-économiques les plus touchées sont celles qui souffrent déjà de la précarité et de la discrimination. - Les jeunes et les femmes semblent être les plus affectés ; Il en est de même des migrant.e.s et notamment les personnes provenant des Etats d’Afrique Sub-saharienne, qui ont souffert durant le confinement d’absence de revenus et plusieurs parmi elles ont été contraintes à quitter leur domicile par manque de moyens pour payer le loyer ;
50
- Les femmes, obligées de rester chez-elles durant la crise ont été victimes de violence conjugale et familiale ; les rapports du Ministère de la Femme, de la Famille et des Personnes Agées relatent que les cas de violence ont été multipliés par 5 voire 7 durant le confinement ; Les femmes ont été privées aussi de leur droit d’accès aux soins sexuels et reproductifs. En effet, les services de santé sexuelle et reproductive n’assuraient durant la période de crise qu’un service minimum et urgent ce qui n’a pas permis
20
Article 230 du Code pénal, « la sodomie… est punie de l’emprisonnement pendant trois ans ».
51
Référentiel VIH et droits humains Tome 2
Première partie
La consécration partielle des droits fondamentaux des PVVIH 1. Les droits socio-économiques des PVVIH 2. Les droits civils et politiques des PVVIH
Première Partie
Le Plan Stratégique National (PSN) 2018-2022 est élaboré sur la base de quatre Résultats d’impact : Résultat d’impact 3 : La qualité de vie des PVVIH et des populations vulnérables est améliorée à travers la prise en compte des droits humains et du genre … Ministère de la Santé, DSSB, Plan Stratégique National de la riposte au VIH/Sida et aux IST 2018-2022 en Tunisie, p.10. Dans ce qui suit, on va s’interroger sur la nature des rapports entre l’infection par le VIH et les IST et la conception actuelle des droits humains et des libertés fondamentales. Nous allons adopter une approche droits-humains dans le but d’apprécier le degré d’influence de l’infection par les VIH sur l’ensemble des droits et libertés des PVVIH.
1. Les droits socio-économiques des PVVIH
L’examen de la question des droits sociaux des « personnes vivant avec le VIH » sera traité au niveau du droit à la santé, le droit au travail et à la sécurité sociale. 1.1. Le droit des PVVIH à l’intégrité physique : le droit à la santé L’intégrité physique consiste à conserver l’aspect matériel du corps humain. A ce niveau, les rapports entre l’infection par le VIH et l’inviolabilité de la personne passent nécessairement par la consécration d’un droit fondamental à savoir le droit à la vie qui se concrétise, dans le cas de la contamination, à travers le droit à la santé : le droit au traitement qui doit être reconnu (1) et procuré sans discrimination (2).
54
1.1.1. La reconnaissance du droit aux soins Le droit à la santé est constitutionnellement reconnu. En effet, l’article 38 de la Constitution du 27 janvier 2014 dispose : « L’État garantit la prévention et les soins de santé à tout citoyen et assure les moyens nécessaires à la sécurité et à la qualité des services de santé. L’Etat garantit la gratuité des soins pour les personnes sans soutien ou ne disposant pas de ressources suffisantes. Il garantit le droit à une couverture sociale conformément à ce qui est prévu par la loi ». Ceci rejoint l’article 12 du Pacte international relatif aux DESC qui dispose : « 1. Les Etats parties au présent Pacte reconnaissent le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale qu’elle soit capable d’atteindre. 2. Les mesures que les Etats parties au présent Pacte prendront en vue d’assurer le plein exercice de ce droit devront comprendre les mesures nécessaires pour assurer: a) La diminution de la mortinatalité et de la mortalité infantile, ainsi que le développement sain de l’enfant ; b) L’amélioration de tous les aspects de l’hygiène du milieu et de l’hygiène industrielle ; c) La prophylaxie et le traitement des maladies épidémiques, endémiques, professionnelles et autres, ainsi que la lutte contre ces maladies ; d) La création de conditions propres à assurer à tous des services médicaux et une aide médicale en cas de maladie ». Il en est de même pour le droit de l’enfant à la santé, garanti par l’article 47 de la Constitution. Ce droit est reconnu dans un sens large dans les législations tunisiennes relatives à la santé et aux établissements de soins. En effet, le ministère de la Santé Publique veille sur « la santé de la population..., de son adéquation au milieu naturel...par la lutte contre les causes de détérioration du bienêtre physique ou mental... »(21). Il en est de même pour ce qui est du code de déontologie médicale qui insiste sur le fait que « le respect de la vie et de la personne humaine constitue en toute circonstance le devoir primordial Article 1er du décret n°74-1604 du 28 novembre 1974, relatif à la définition de la mission et des attributions du ministère de la Santé Publique, JORT du 3 décembre 1974, p. 2653.
21
55
du médecin »(22). Ceci correspond à l’engagement de la Tunisie en vertu de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant. En effet, l’article 24 de cette convention dispose : 1. Les Etats parties reconnaissent le droit de l’enfant de jouir du meilleur état de santé possible et de bénéficier de services médicaux et de rééducation. Ils s’efforcent de garantir qu’aucun enfant ne soit privé du droit d’avoir accès à ces services. 2. Les Etats parties s’efforcent d’assurer la réalisation intégrale du droit susmentionné et, en particulier, prennent les mesures appropriées pour : a) Réduire la mortalité parmi les nourrissons et les enfants ; b) Assurer à tous les enfants l’assistance médicale et les soins de santé nécessaires, l’accent étant mis sur le développement des soins de santé primaires ; c) Lutter contre la maladie et la malnutrition, y compris dans le cadre de soins de santé primaires, grâce notamment à l’utilisation de techniques aisément disponibles et à la fourniture d’aliments nutritifs et d’eau potable, compte tenu des dangers et des risques de pollution du milieu naturel ; d) Assurer aux mères des soins prénatals et postnatals appropriés ; e) Faire en sorte que tous les groupes de la société, en particulier les parents et les enfants, reçoivent une information sur la santé et la nutrition de l’enfant, les avantages de l’allaitement au sein, l’hygiène et la salubrité de l’environnement et la prévention des accidents, et bénéficient d’une aide leur permettant de mettre à profit cette information ; f) Développer les soins de santé préventifs, les conseils aux parents et l’éducation et les services en matière de planification familiale. 3. Les Etats parties prennent toutes les mesures efficaces appropriées en vue d’abolir les pratiques traditionnelles préjudiciables à la santé des enfants. 4. Les Etats parties s’engagent à favoriser et à encourager la coopération internationale en vue d’assurer progressivement la pleine réalisation du droit reconnu dans le présent article. A cet égard, il est tenu particulièrement compte des besoins des pays en développement ». 56
Article 2 code de déontologie médicale, tel que promulgué par le décret n°93-1155 du 17 mai 1993, JORT n°40 du 28 mai et 1er juin 1993, p. 764.
22
En ce qui concerne « l’infection par le VIH », la loi n°92-71 institue un véritable droit au traitement en la matière. En effet, la mise en application des soins en matière de VIH et du Sida témoigne du passage d’un droit à la santé à un devoir de santé. A ce niveau, les soins et traitements procurés dans les établissements sanitaires publics sont gratuits. Cette gratuité est confirmée et mise en application dans le cadre de la circulaire du ministre de la Santé Publique n°16-2001 du 27 février 2001. Ce texte a élargi la gratuité à la trithérapie dont bénéficient les personnes vivant avec le VIH, confirmant un état de fait qui existe depuis octobre 2000. Ce droit de santé se transforme ainsi en un devoir, voire une obligation de soin, lors de l’hospitalisation d’office(23). Cette hospitalisation d’office, tout en portant atteinte aux libertés et notamment la libre circulation demeure une mesure strictement limitée aux cas déterminés par l’article 11 et ne peut être décidée que par le juge territorialement compétent. 1.1.2. Procurer les soins sans discrimination Le droit à la santé doit être procuré sans discrimination. Ce principe de base en matière de soins se justifie avec plus d’acuité en ce qui concerne « l’infection par le VIH ». En effet, si le médecin est généralement tenu « de soigner avec la même conscience tous ses malades sans discrimination »(24), il est tenu de faire de même en matière de VIH et du Sida et ce en application de l’article 1er de la loi de 1992. Selon cet article : « nul ne peut faire l’objet de mesures discriminatoires à l’occasion de la prévention ou du traitement d’une maladie transmissible ». Cette disposition rappelle que l’interdiction de la discrimination sur la base de la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l’opinion politique ou toute autre opinion, l’origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance ou toute autre situation, se renforce eu égard à l’état de santé de la personne et notamment lorsqu’il s’agit de maladies transmissibles. Cette évolution a pour effet de renforcer le principe de non-discrimination et le principe d’égalité de tous devant les soins.
23 24
Articles 11 et s. de la loi 92-71 du 27 juillet 1992,. Article 3, code de déontologie médicale.
57
Ce droit aux soins, nécessite aussi un cadre humain et institutionnel non discriminatoire et non stigmatisant. Toutefois, nombreuses sont les PVVIH, interviewées qui expriment leur malaise dans les établissements de soins et en contact avec certains professionnels de santé. Même le personnel soignant manifeste parfois des attitudes moralisatrices : « Le jour où il m’a trouvé en train d’écouter du Coran, il m’a dit en se moquant « vous vous tournez vers le Coran maintenant !? ». Cela m’a blessée […] normalement, il ne doit pas me culpabiliser »(25). Souvent, leur médecin est le seul, selon eux, à écouter leurs inquiétudes, à répondre à leurs questions, et à donner des conseils(26). Mais le rapport droit à la santé/ infection par les VIH pose un certain nombre de problèmes relatifs, d’une part, à l’interruption volontaire de grossesse pour cause de VIH et d’autre part le problème de dépistage obligatoire. 1.1.3. Droit aux soins et IVG Pour ce qui est de l’interruption volontaire de grossesse (IVG)(27) pour cause de VIH, le droit tunisien, tout en réglementant l’IVG ne s’opposera pas à une interruption volontaire pour des raisons liées à la contamination par le VIH. L’article 214 du code pénal autorise l’IVG même postérieurement aux trois mois, si « l’enfant à naître risquerait de souffrir d’une maladie ou d’une infirmité grave ». Cette condition semble trouver dans la contamination par le VIH une certaine application. En effet, dans l’état actuel de la recherche scientifique, il existe toujours un risque de transmission du VIH de la mère porteuse du VIH à son enfant lors de la grossesse ou au moment de l’accouchement. 1.1.4. Droit à la santé et recours au dépistage obligatoire Quant au rapport droit à la santé et recours au dépistage obligatoire, le problème posé est de savoir s’il faut procéder à un test VIH en cas de viol ou en cas de toxicomanie ? Témoignage d’une femme de 21 ans, célibataire, in «Tunisie : l’espoir de vivre « normalement »», 02/06/2016 Par Heni Yangui, propos recueillis par Sophie L’Huillier. 26 Tous les répondants, y compris celles et ceux qui ont recours à la médecine alternative, disent avoir une bonne relation avec leur médecin, le seul, selon eux, à écouter leur inquiétude, à répondre à leurs questions, et à donner des conseils pour vivre normalement. In «Tunisie : l’espoir de vivre « normalement »», 02/06/2016 Par Heni Yangui, propos recueillis par Sophie L’Huillier. 27 Article 214 du code pénal, tel que modifié par la loi n°65-24 du 1er juillet 1965 et par le décret-loi n°73-2 du 26 septembre 1973, adopté par la loi n°73-57 du 19 novembre 1973. 25
58
A ce niveau, et en cas de doute et dans l’intérêt de la victime d’un viol peut-on procéder à administrer une thérapie dans les premières heures du viol pour empêcher la transmission du virus ? Alors qu’il s’agit d’un objectif louable consistant à protéger une personne contre le VIH, l’illégalité de tel acte, à l’insu de la volonté de la personne, ne fait aucun doute et ce pour plusieurs raisons : D’une part, aucune disposition légale n’autorise les autorités sanitaires ou autres (militaires, de police, pénitentiaires...) à administrer ce traitement sans le consentement de l’intéressé ou de son tuteur légal. D’autre part, la conservation de l’intégrité physique et l’inviolabilité de la personne humaine constituent des principes fondamentaux auxquels il ne peut être dérogé qu’en présence d’une disposition légale claire or, en droit tunisien, ceci fait défaut. A ce niveau, l’article 23 de la Constitution dispose : « L’État protège la dignité de l’être humain et son intégrité physique et interdit la torture morale ou physique. Le crime de torture est imprescriptible ». Ceci correspond à l’engagement de la Tunisie en vertu de l’article 2 de la convention internationale de lutte contre la torture et autres peines ou traitements cruels ; inhumains ou dégradants qui dispose : « 1. Tout Etat partie prend des mesures législatives, administratives, judiciaires et autres mesures efficaces pour empêcher que des actes de torture soient commis dans tout territoire sous sa juridiction. 2. Aucune circonstance exceptionnelle, quelle qu’elle soit, qu’il s’agisse de l’état de guerre ou de menace de guerre, d’instabilité politique intérieure ou de tout autre état d’exception, ne peut être invoquée pour justifier la torture. 3. L’ordre d’un supérieur ou d’une autorité publique ne peut être invoqué pour justifier la torture ». Enfin, lorsqu’il s’agit d’un enfant, victime de viol, il faut le consentement de ses parents ou de son tuteur légal, ce qui peut retarder l’administration du traitement et fait perdre à cet acte toute utilité. Ce dernier doit intervenir dans les premières heures du viol. Le droit à la santé qui a pour objectif d’assurer l’intégrité physique des « personnes vivant avec le VIH » se renforce par la protection des composantes immatérielles de la personne humaine et notamment son honneur et sa dignité.
59
1.2. Le droit au travail En matière de travail, la contamination par le VIH et plus tard le Sida peuvent influer sur l’accès au travail et sur sa conservation. L’accès au travail est conditionné par l’aptitude physique du candidat. En effet, qu’il s’agisse de la fonction publique ou du secteur privé, on exige toujours un certificat médical justifiant l’aptitude physique du candidat à assurer les tâches pour lesquelles il postule(28). Cet examen médical comporte des « examens cliniques, radioscopiques et de laboratoire »(29). La question se pose donc de savoir s’il est autorisé de procéder à un test VIH dans le cadre des examens médicaux liés au recrutement ? Par conséquent peut-on refuser le dossier d’un candidat pour cause de contamination par le VIH ? Dans l’état actuel du droit tunisien, aucune disposition n’interdit clairement de pareilles exigences. Mais à notre connaissance, rares sont les dispositions qui instituent, un test VIH obligatoire pour les candidats (Défense Nationale et Sûreté). Nous rappelons tout de même qu’exiger un test VIH ne saurait que se contredire avec les principes des droits humains issus de la Constitution tunisienne et des conventions dûment ratifiées. En effet ; l’article 40 de la constitution dispose : « Le travail est un droit pour chaque citoyen et citoyenne. L’État prend les mesures nécessaires à sa garantie sur la base de la compétence et de l’équité. Tout citoyen et citoyenne a le droit au travail dans des conditions décentes et à salaire équitable ». De même ; l’article 6 du pacte international relatif aux droits économiques sociaux et culturels annonce clairement « le droit qu’a toute personne d’obtenir la possibilité de gagner sa vie par un travail librement choisi… »(30). En outre, avec les progrès de la médecine, le traitement antirétroviral bien suivi présente des avantages considérables. Un des bénéfices de prendre A ce niveau, l’article 17 de la loi n°83-112 du 12 décembre 1983, portant statut général des personnels de l’État, des collectivités publiques locales et des établissements publics à caractère administratif, stipule que « nul ne peut être nommé à un emploi de fonctionnaire … 5. s’il ne remplit les conditions d’aptitude physique et mentale nécessaires pour l’exercice des fonctions auxquelles il postule, sur tout le territoire de la République ». L’article 153-2 du code du travail dispose que « les services de médecine du travail…sont chargés notamment de l’examen et du suivi de la santé des travailleurs et de leurs aptitudes physiques à effectuer les travaux exigés d’eux aussi bien au moment de l’embauche qu’au cours de l’emploi … ». Il en est de même pour ce qui est de l’article 61 du code du travail qui exige l’examen médical d’aptitude des adolescents à l’emploi. 29 Selon l’expression de l’article 61 du code du travail. 30 Article 6 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, tel que ratifié par la Tunisie en vertu de la loi n°91-1664 du 4 novembre 1991, JORT n°81 du 2 novembre 1991, p. 1876. 28
60
un traitement antirétroviral est que la charge virale devient indétectable. Les appareils de mesure n’arrivent pas à détecter le virus dans le sang de la personne vivant avec le VIH. Le virus ne disparaît pas complètement du corps, mais il se cache très bien dans des réservoirs (qui sont des tissus). Une personne vivant avec le VIH, qui prend ses traitements et qui maintient une charge virale indétectable ne peut pas transmettre le virus à ses partenaires sexuel·le·s par voie vaginale, anale ou orale. Les avantages de prendre le traitement sont donc très nombreux, mais ils permettent surtout de vivre en santé, être productif, travailler normalement et d’avoir une espérance de vie semblable aux personnes non porteuses(31). Pour ce qui est de la fin du rapport du travail, peut-on imaginer la contamination par le VIH comme cause de rupture du contrat du travail ? A ce niveau, le contrat du travail à durée indéterminée prend fin « par la volonté de l’une des parties suite à une faute grave commise par l’autre partie »(32). La faute grave ne saurait être l’infection par le VIH ; mais cette infection et notamment la maladie peuvent être à l’origine d’une faute grave. En effet, la faute grave peut être « la réduction du volume de production ou de sa qualité…, l’absence ou l’abandon du poste de travail d’une façon évidente, injustifiée et sans l’autorisation préalable de l’employeur… »(33). Il s’agit de faute qui peut résulter de l’état de santé de l’employé. Rappelons que la maladie liée à la contamination par le VIH ainsi que le traitement pourraient affaiblir certaines PVVIH et par conséquent réduire leurs capacités productives. Ces PVVIH risqueraient ainsi de se faire licencier alors qu’elles ont besoin de prendre en charge leurs besoins ordinaires et les frais de leurs diagnostics et traitements. Le VIH et l’accommodement raisonnable en milieu de travail (34): L’accommodement raisonnable est un moyen qui permet de faire cesser une situation de discrimination fondée sur un motif donné propre à une personne (l’âge, les croyances, un handicap, l’état civil, etc.) et ce, dans une panoplie de domaines (services publics, école, structure de santé, milieu de travail, etc.).
https://pvsq.org/traitements-du-vih/ et https://www.lecrips-idf.net/professionnels/dossiers-thematiques/ vih-sida-bases-france/dossier-bases-traitements-VIH.htm Consulté le 11 octobre 2020 32 Article 14 du code du travail. 33 Article 14 quater, code du travail. 34 Voir : www.aidslaw.ca : Vivre avec le VIH. Connaître ses droits, Réseau juridique canadien VIH/sida, 2013 31
61
En milieu de travail, un employeur devrait adapter le poste et les conditions de travail d’une employée vivant avec le VIH qui lui en fait la demande si ces modifications sont justifiées et permettraient à cette. employée de conserver son emploi. Offrir un accommodement à une employée, c’est donc faire en sorte d’éliminer les obstacles qui l’empêchent d’accomplir les fonctions essentielles de son poste.(35)Le VIH est un handicap épisodique, ce qui signifie que les personnes vivant avec le VIH peuvent avoir des épisodes de bonne santé et des épisodes de maladie. À l’instar d’autres problèmes de santé, les effets du VIH sur l’individu peuvent varier au fil du temps ; les formes d’accommodement dont l’employé a besoin pourront varier également. L’accommodement variera toujours en fonction des besoins particuliers de chaque individu, qui doivent être pris en considération, évalués et accommodés au cas par cas. Les formes possibles d’accommodement raisonnable incluent, sans s’y limiter : • La modification physique d’un lieu de travail (p. ex., installer une rampe pour améliorer l’accessibilité, adapter l’éclairage à une déficience visuelle) ; • La modification d’un emploi ou la réaffectation à des fonctions moins exigeantes ; • L’évaluation ergonomique et l’achat d’appareils fonctionnels (p. ex., chaise avec soutien lombaire, logiciel à commande vocale) ou la modification de l’équipement existant ; • La modification des normes de rendement ou des cibles de productivité ; • Un horaire de travail flexible (p. ex., permettre à un employé de travailler à temps partiel, puis de revenir à temps plein, en réponse à des épisodes de maladie et de santé) ; • Des absences supplémentaires pour des rendez-vous médicaux ; • Des pauses supplémentaires ou la modification de l’horaire des pauses (p. ex., pour permettre à un employé de prendre ses médicaments aux heures prescrites ou de composer avec les effets secondaires de ses médicaments) ; • Le partage de poste ; 62
• Le congé autorisé. 35
http://cocqsida.com/vih-info-droits/accommodement.html Consulté le 11 octobre 2020
1.3. Le droit des PVVIH à la sécurité sociale : Les charges d’une PVVIH augmentent considérablement et ce vu le coût financier très élevé de la trithérapie. Il importe donc de revoir le droit des assurances en la matière. Rappelons-nous, à ce niveau que l’article 38 de la Constitution dispose : « L’Etat garantit la gratuité des soins pour les personnes sans soutien ou ne disposant pas de ressources suffisantes. Il garantit le droit à une couverture sociale conformément à ce qui est prévu par la loi ». De même ; l’article 9 du PDESC dispose clairement : « Les Etats parties au présent Pacte reconnaissent le droit de toute personne à la sécurité sociale, y compris les assurances sociales ». En droit tunisien des assurances il n’existe pas de dispositions relatives à la contamination par le VIH. Mais et dans certain nombre de pays (Grande Bretagne, États-Unis d’Amérique, Suède…) les compagnies d’assurance ont la possibilité d’exclure les séropositifs de l’assurance-vie, d’où elles exigent dans leurs contrats d’assurance, le dépistage systématique des maladies graves. Cette exclusion peut avoir des incidences négatives sur les droits et les avantages financiers des PVVIH. En effet, cette exclusion risque d’empêcher le séropositif d’obtenir un crédit tant que l’assurance-vie est un corollaire fréquent des emprunts(36). Il est regrettable que le coût financier de l’assurance des personnes vivant avec le VIH ne soit pris en charge que par l’État, qui dans le cas tunisien assure une prise en charge des personnes vivant avec le VIH. Cette couverture est encore possible tant que le nombre de personnes vivant avec le VIH demeure limité. Le budget de l’État serait-il en mesure de prendre en charge un nombre très élevé des PVVIH ? L’aspect financier constitue une donnée fort importante des problèmes que rencontrent les PVVIH, mais il n’est pas le seul élément à prendre en considération : les droits familiaux des personnes vivant avec le VIH sont aussi importants. 1.4. Le droit des PVVIH aux crédits bancaires : Au niveau des textes juridiques ; les PVVIH et comme tous les citoyens et citoyennes ont accès aux crédits bancaires. Toutefois ; et dans la pratique les banques exigent que les demandeurs de crédits fournissent des données relatives à leur état de santé ; et d’après un certain nombre de PVVIH J. Foyer et L. Khaiat (sous dir.), Droit et Sida Comparaison internationale, Paris, CNRS Editions, 1994, pp. 14-15.
36
63
interviewées ; leur séropositivité pourrait constituer un frein à leur octroi du crédit bancaire. Il s’agit là d’une crainte justifiée puisque la stigmatisation sociale représente souvent une source de privation des droits et services. 1.5. Droit au logement : Même si la Tunisie n’a pas procédé à la constitutionnalisation du droit au logement ; elle a mis à la charge de l’Etat dans le texte de la constitution de 2014 ; la responsabilité d’assurer aux citoyens et aux citoyennes des conditions d’une vie digne ». (art. 20 de la Constitution du 27 janvier 2020). De même ; la Tunisie a ratifié un grand nombre de textes internationaux et régionaux qui garantissent le droit à un logement décent. Il en est ainsi ; des instruments suivants : - La Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, dont (article 5) ; « … notamment dans la jouissance du droit au logement » (1967)(37) ; - le Pacte International des droits économiques, sociaux et culturels qui reconnaît : « le droit de toute personne à un logement suffisant, (article 11 § 1er)(38) ; - la Convention de Genève sur le statut des réfugiés (article 21)(39) ; - la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (article 14)(40) ; - la Convention sur les droits de l’enfant (article 27)(41). - la Convention sur les droits des personnes handicapées (article 28)(42). Convention Internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, adoptée par l’AG des Nations Unies le 7 mars 1966, ratifiée le 13 janvier 1967. La Tunisie vient d’adopter la loi organique n° 2018-50 du 23 octobre 2018, relative à l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (JORT n°, 86, 2018, p. 3582) 38 Loi n° 68-30 du 29 novembre 1968 autorisant l’adhésion de la Tunisie au Pacte International relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et au Pacte International relatif aux droits civils et politiques (JORT, n° 51 p. 1260) 39 Loi n° 68-26 du 27 juillet 1968 Portant adhésion de la Tunisie au protocole relatif au statut des réfugiés (JORT, n° 31 /1968, pp. 862-863). 40 Loi 85-68 du 12 juillet 1985 Portant ratification de la convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (JORT, n° 54/1985, P.919). Retrait des réserves : Décret-loi 103 du 24 octobre 2011 (JORT, n° 82/2011, pp. 246-247) 41 Loi n° 91-92 du 29 novembre 1991 portant ratification de la convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant (JORT, n° 82/1991, p. 1980). Retrait de la réserve n° 2 et de la déclaration n° 2 par la loi n° 2001-84 du 1er août 2001, portant approbation du retrait d’une déclaration et d’une réserve parmi les déclarations et réserves annexées à la loi n° 91-92 du 29 novembre 1991, portant ratification de la Convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant (JORT, n° 62, 2001, p. 1980). Retrait de la déclaration 1 et des réserves n° 1 et 3 par la loi n° 2008-36 du 9 juin 2008, portant approbation du retrait de la déclaration n° 1 et des réserves n° 1 et n° 3 annexées à la loi n° 91-92 du 29 novembre 1991, portant ratification de la convention des Nations Unies des droits de l’enfant (JORT n° 49, 1991, p.1860) 42 Loi n°2008-4 du 11 février 2008, portant approbation de la Convention relative aux droits des personnes 37
64
- le Protocole facultatif à la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples, relatif aux droits des femmes (le protocole de Maputo) (article 16). Toutefois et en pratique ; ce droit est tributaire d’un ensemble de conditions et notamment en ce qui concerne l’accès au logement social. Et selon les témoignages d’un très grand nombre de PPVH ; leurs demandes d’accès à ce droit (logement social) ne sont pas considérées comme prioritaires et les PVVIH peinent à accéder à ce droit. Surtout que ce logement n’est plus un monopole de l’État et des structures publiques. Et l’implication des promoteurs privés n’a pas permis une révision des prix permettant aux personnes vulnérables sur les plans économiques et sociales de jouir pleinement de ce droit.
2. Les droits civils et politiques des PVVIH 2.1. L’égalité et le principe de non-discrimination Selon l’article 1er de la loi n°92-71 du 27 juillet 1992, relative aux maladies transmissibles : « nul ne peut faire l’objet de mesures discriminatoires à l’occasion de la prévention ou du traitement d’une maladie transmissible ». Cette insertion du principe de non-discrimination correspond à une directive de base du programme commun des Nations Unies sur le VIH/Sida qui insiste sur le respect des principes d’égalité et de procédures équitables. Toutefois, la consécration de ce principe, et selon l’article 1er de la loi de 1992, s’applique à la prévention et au traitement, et ne couvre pas de ce fait tous les aspects des droits « des personnes atteintes », y compris les PVVIH. Cette application partielle du principe de non-discrimination, est largement dépassée aujourd’hui par la Constitution du 27 janvier 2014. En effet, l’article 21 dispose : « Les citoyens et les citoyennes sont égaux en droits et en devoirs. Ils sont égaux devant la loi sans discrimination ». Ainsi, l’application de cette disposition constitutionnelle élargit certes l’application du principe de non-discrimination à toutes les citoyennes et tous les citoyens et elle couvrira tous leurs droits humains. Ceci traduit un principe fondamental du droit international des droits humains largement consacré par la Déclaration Universelle des Droits de l›Homme (DUDH) (1948) ; la convention sur la lutte contre la discrimination raciale (1969) ; les deux pactes de 1966 relatifs, le premier aux Droits Economiques Sociaux et Culturels (DESC) et le deuxième aux Droits Civils et Politiques (DCP) ; handicapées et du Protocole facultatif se rapportant à cette convention et décret n° 2008-568 du 4 mars 2008 portant ratification de la Convention relative aux droits des personnes handicapées et du Protocole facultatif se rapportant à cette convention (JORT n° 20, 2008 p. 872)
65
la convention internationale relative à la lutte contre toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (1979) ; la convention relative aux droits de l’enfant (1989)… Toutefois, lors des entretiens avec les PVVIH, la grande partie des personnes interviewées ont exprimé la souffrance qu’elles ressentent eu égard à leur statut sérologique. Presque toute la population enquêtée a choisi de garder secret sur son statut sérologique, un choix qu’elle explique le plus souvent par la discrimination et la stigmatisation dont sont victimes les personnes atteintes. Certains ont choisi de ne pas communiquer leur infection de peur de plonger l’autre dans l’angoisse et le malaise. Éviter de prendre son traitement en public, de participer à des manifestations et des activités en relation avec le VIH/sida… sont également des stratégies courantes pour ne pas dévoiler son statut sérologique(43). 2.2. Le droit des PVVIH à la protection de la vie privée Dans la conception actuelle des droits humains, la protection de la dignité de la personne est une composante de ces droits et libertés. A ce niveau, l’article 23 de la Constitution dispose : « L’Etat protège la dignité de l’être humain ». Et pour garantir un aspect de ce droit, l’article 24 de la Constitution dispose : « L’Etat protège la vie privée, l’inviolabilité du domicile et le secret des correspondances, des communications et des données personnelles… ». Cette reconnaissance constitutionnelle est une traduction nationale des engagements internationaux de la Tunisie. En effet ; l’article Article 17 du PDCP reconnait que : « 1. Nul ne sera l’objet d’immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d’atteintes illégales à son honneur et à sa réputation. 2. Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes ». Disposition qui a été reprise par tous les instruments internationaux ultérieurs : CEDAW ; CDE.... L’Article 12 de la DUDH aussi consacre ce droit à la protection de la vie privée.(44) Tunisie : l’espoir de vivre « normalement », 02/06/2016 Par Heni Yangui, propos recueillis par Sophie L’Huillier. 44 Nul ne sera l’objet d’immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance ni d’atteintes à son honneur et à sa réputation. Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes.
L’importance de la protection des données personnelles est double : d’une part, pour des raisons personnelles et individuelles liées à l’honneur de la personne concernée et à sa dignité. Il s’agit là de protéger certaines valeurs et considérations immatérielles de la personne humaine. D’autre part, pour des raisons familiales et sociales. En effet, la situation sociale de la personne peut être affectée du fait de sa contamination par une quelconque maladie sexuellement transmissible. Cet impact sur la situation sociale peut avoir des conséquences sur la situation juridique de la personne concernée. L’infection par le VIH, les résultats des dépistages, l’hospitalisation, le traitement pour des raisons liées au Sida constituent des données personnelles qui doivent être protégées ; La protection des données personnelles se manifeste principalement à travers ce que l’on peut appeler « le droit au secret » au sens large. Ce droit s’impose aux professionnels et notamment aux corps médical et paramédical, mais aussi à toute personne qui d’une manière ou d’une autre accède à des informations relatives à l’état de santé d’une autre personne et notamment sa contamination par une quelconque maladie transmissible. Le secret professionnel demeure une obligation qui pèse sur un grand nombre d’agents qui sont tenus de préserver les données personnelles de leurs clients ou des différents bénéficiaires de leurs services(45). Cette obligation est reprise, entre autres, par le code de déontologie médicale(46). Ces données personnelles, si elles font objet de publication (presse, radio, télévision...), les personnes responsables de leur divulgation sont passibles de peines pénales. La divulgation de données personnelles par les journalistes ou par toute autre personne constitue une diffamation ou une injure. Peut-on considérer alors, le fait de traiter une personne de « séropositive » ou de « sidéenne », une atteinte à l’honneur ou à la réputation ? En se basant sur la nature de cette contamination et sur l’idée sociale qu’on se fait de la maladie liée à la contamination par la voie sexuelle, on peut dire que les propos relatifs à la séropositivité d’une personne constituent une diffamation ou une injure et doivent de ce fait être sanctionnées.
43
66
Article 254 code pénal. L’article 8 de ce code dispose : « le secret professionnel s’impose à tout médecin, sauf dérogations établies par la loi ».
45 46
67
Ces dispositions ont été renforcées dans le cadre de la loi n°2004-63 du 27 juillet 2004, relative à la protection des données à caractère personnel(47). Dans le cadre de cette loi, les données relatives à l’état de santé de la personne sont considérées comme des données dont le traitement est soumis à autorisation de la part de l’Instance nationale de protection des données à caractère personnel. Plus récemment, le 30 mai 2017(48), la Tunisie a ratifié la Convention numéro 108 du Conseil de l’Europe et son protocole additionnel numéro 181(49). La ratification de ces instruments, aura pour implication : le renforcement du système de protection des données à caractère personnel et notamment celles relatives à la santé et à la sexualité et la mise en place d’une structure autonome pour la protection des données à caractère personnel. 2.3. Les PVVIH et le droit de la famille Toute personne a droit à un traitement égal et respectueux de sa volonté et de sa dignité en matière des droits liés à la famille. A ce niveau, la Constitution tunisienne de 2014, reconnait dans son article 7 que « la famille est la cellule de base de la société, il incombe à l’État de la protéger ». Cette disposition constitutionnelle, très brève traduit partiellement un engagement plus large de l’État tunisien issu de la ratification d’un ensemble d’instruments internationaux. Il s’agit principalement du PDCP et notamment son article 23 qui dispose : 1. La famille est l’élément naturel et fondamental de la société et a droit à la protection de la société et de l’État. 2. Le droit de se marier et de fonder une famille est reconnu à l’homme et à la femme à partir de l’âge nubile. 3. Nul mariage ne peut être conclu sans le libre et plein consentement des futurs époux. 4. Les Etats parties au présent Pacte prendront les mesures appropriées pour assurer l’égalité de droits et de responsabilités des époux au regard du mariage, durant le mariage et lors de sa dissolution. En cas de dissolution, des dispositions seront prises afin d’assurer aux enfants la protection nécessaire ». JORT n°61 du 30 juillet 2004, p. 1988. Loi n°2017-42 du 30 mai 2017, portant ratification de l’adhésion de la Tunisie a la Convention du Conseil de l’Europe numéro 108, pour la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel, JORT n°45 du 6 juin 2017. La Tunisie a déposé le 18 juillet 2017 les instruments de ratification auprès du Conseil de l’Europe, elle deviendra membre de la Convention le 1er novembre 2017. 49 www.coe.int/fr/web/conventions/full-list/-/conventions/treaty/108 47 48
68
Cette disposition a été confirmée et détaillée ultérieurement dans la CEDAW (pour ce qui des droits de la femme en matière des droits de la famille et notamment le mariage, la garde des enfants, la tutelle parentale, le divorce, les droits successoraux…). 2.3.1. Le mariage, peut-il être affecté à cause de la contamination par le VIH ? La question se pose au niveau de la formation du contrat du mariage et au niveau du divorce. La loi n°64-46 du 3 novembre 1964, portant institution d’un Certificat médical prénuptial(50), dispose qu’au cours « de l’examen… l’attention du médecin doit se porter particulièrement sur les affections contagieuses… ou toutes autres maladies dangereuses pour le conjoint ou la descendance et notamment la tuberculose et la syphilis »(51). Cette disposition laisse entendre que le médecin peut procéder à un examen sérologique relatif au VIH. Cette idée est d’autant plus soutenable que l’article spécifie la syphilis comme une maladie dangereuse pour le conjoint, alors que le VIH peut aussi être dangereux sur le conjoint et la descendance que la syphilis. Mais l’examen du certificat médical prénuptial lui-même ne favorise qu’indirectement cette possibilité. En effet, aucune mention directe d’un test VIH ne figure dans ce certificat. Il est peut-être fait allusion à cette contamination dans l’observation insérée dans le certificat médical prénuptial qui prévoit que « toute personne, se sachant atteinte d’une maladie transmissible et qui par son comportement concourt délibérément à sa transmission à d’autres personnes, est passible d’un emprisonnement de 1 à 3 ans (loi n° 92-71 du 27 juillet 1992, relative aux maladies transmissibles) »(52). Le médecin n’est pas tenu de procéder à un test VIH, il s’agit là d’une option, puisque le médecin peut procéder à des examens complémentaires relatifs aux « groupe sanguin, hépatite virale B, radiographie du thorax par rayons x, hépatite virale C et autres »(53). Dans la rubrique « autres », le médecin peut procéder à un test VIH. Reste à noter que si le test est positif, JORT n°53 du 3 novembre 1964, p. 1275. Article 2, loi n°64-46 du 3 novembre 1964. 52 Voir le modèle du certificat médical prénuptial annexé à l’arrêté du ministre de la Santé Publique du 16 décembre 1995, fixant le modèle du certificat médical prénuptial et les mentions qu’il doit comporter. JORT n°103 du 27 décembre 1995. 53 Modèle du certificat médical prénuptial annexé à l’arrêté du ministre de la Santé Publique du 16 décembre 1995, fixant le modèle du certificat médical prénuptial et les mentions qu’il doit comporter. JORT n°103 du 27 décembre 1995 50 51
69
le médecin et la personne porteuse du virus sont tenus d’appliquer les dispositions de la loi n°92-71 du 27 juillet 1992. Toutefois ; et dans la pratique nous n’avons pas constaté le recours des médecins à ce type de test dans le cadre du certificat de mariage prénuptial. La question qui se pose est de savoir si le conjoint a le droit de connaître l’état de santé de son partenaire ? Il est intéressant de rappeler à ce niveau que l’article 23 du Code du statut personnel (CSP)(54) dispose que « chacun des deux époux doit traiter son conjoint avec bienveillance, vivre en bon rapport avec lui et éviter de lui porter préjudice ». Cette disposition met à la charge des conjoints de s’abstenir de se causer préjudice. La contamination par le VIH ne saurait être considérée que comme un grave préjudice, d’où il est du droit du conjoint de savoir si son/ sa partenaire est porteur/se d’une maladie sexuellement transmissible. C’est d’ailleurs dans cette logique qu’on peut engager une procédure du divorce. En effet, les deux époux doivent éviter de se porter préjudice, le cas échéant « le tribunal prononce le divorce à la demande de l’un des époux en raison du préjudice qu’il a subi »(55). Il semble évident que contaminer intentionnellement quelqu’un par le VIH constitue inévitablement un préjudice ouvrant droit au divorce et à la réparation du préjudice matériel et moral subi du fait de cette contamination. Mais cet état de santé aura-t-il une influence quelconque sur le droit de garde ? 2.3.2. La garde qui consiste « à élever l’enfant et à assurer sa protection dans sa demeure »(56), exige que le titulaire du droit de garde réunisse certaines conditions. En effet, et selon l’article 58 du CSP, le titulaire du droit de garde « doit être… indemne de toute maladie contagieuse… ». Ainsi, une application simple de cette disposition ne peut pas priver la PVVIH de la garde de ses enfants (Le VIH constitue une maladie transmissible et non contagieuse et la bonne prise en charge thérapeutique du VIH rend le VIH gérable). En effet, compte tenu des modes de transmission du VIH, il est possible d’élever un enfant et d’assurer sa protection tout en étant porteur du virus. Toutefois ; et dans la pratique nous avons remarqué une confusion Code du statut personnel, tel que promulgué par le décret du 13 août 1956, JORT n°104 du 28 décembre 1956. 55 Article 31, code du statut personnel. 56 Article 54, code du statut personnel. 54
70
entre maladies contagieuses et maladies transmissibles. Cette confusion pourrait entrainer le retrait de la garde et le droit de visite. Ceci pourrait affecter moralement le parent qui vit avec le VIH et fragilisera certes son état psychologique, qui est déjà affecté par le VIH et par la menace qu’il représente sur la santé et la vie de la PVVIH et de ses proches. 2.4. Le droit à l’information Depuis le 27 janvier 2014, le droit à l’Information est devenu un droit Constitutionnel. En effet, l’article 32 de la Constitution dispose : « L’Etat garantit le droit à l’information et le droit d’accès à l’information. L’Etat œuvre à garantir le droit d’accès aux réseaux de communication ». De même, et en application de cette disposition, a été adopté la loi numéro 2016- 22 du 24 mars 2016, relative à l’accès à l’information, et l’Instance d’accès à l’information a été instituée et ses membres et son président ont été élus le 18 juillet 2017. Ces avancées du droit tunisien constituent une continuité avec les engagements internationaux de la Tunisie ; notamment issus de l’article 19 du PDCP qui dispose : «1) Nul ne peut être inquiété pour ses opinions. 2) Toute personne a droit à la liberté d’expression ; ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix. 3) L’exercice des libertés prévues au paragraphe 2 du présent article comporte des devoirs spéciaux et des responsabilités spéciales. Il peut en conséquence être soumis à certaines restrictions qui doivent toutefois être expressément fixées par la loi et qui sont nécessaires : a) Au respect des droits ou de la réputation d’autrui ; b) A la sauvegarde de la sécurité nationale, de l’ordre public, de la santé ou de la moralité publiques. » Le système tunisien d’accès à l’information qui commence à prendre place aura certes une influence sur le droit d’accès à l’information en matière de VIH et pour les PVVIH. En attendant, le droit à l’information intéressera certes, pour le moment, les citoyennes et les citoyens y compris les PVVIH, dans leurs rapports avec les autorités médicales et a l’occasion du dépistage, des soins et du traitement.
71
A ce niveau, le médecin est tenu aux termes de la loi à une obligation d’information à l’égard du porteur ou du patient.
se faire qu’en concertation avec les acteurs institutionnels et associatifs engagés sur cette thématique.
Le médecin qui diagnostique ou traite l’infection du VIH ou le Sida est tenu aux termes de l’article 6 de la loi n°92-71 en premier lieu d’informer la personne vivant avec le VIH ou le tuteur légal de celle-ci si elle est mineure:
Or de nombreuses personnes, en particulier celles qui se trouvent en situation de vulnérabilité (y compris les PVVIH), peinent aujourd’hui à obtenir justice. Un constat partagé par les autorités et les professionnels du droit : « Le cadre de l’aide juridictionnelle doit être réformé pour aboutir à l’égalité pour toutes les catégories de personnes ». « Les obstacles sont notamment la lenteur juridique et l’impossibilité d’apporter de l’aide aux personnes démunies ». De plus, les années de dictature ont nourri chez les justiciables une certaine méfiance envers l’institution judiciaire. Le magistrat plaide donc pour la généralisation de la commission d’office, la présence de traducteurs et l’accompagnement des justiciables. Mais, décréter ne résout pas les défaillances. « Même si on a accompli des réformes de taille, y compris à travers l’adoption de la loi 5 qui octroie le droit à la présence d’un avocat dès la garde à vue, il y a encore de nombreuses difficultés pour assurer son effectivité*».
- d’abord, du genre de maladie dont elle est atteinte ou dont est atteint le mineur sous sa garde et de toutes ses conséquences possibles d’ordre physique et psychique ainsi que de ses répercussions sur la vie professionnelle, familiale et sociale. - ensuite, des dangers de contamination qu’entraînerait un comportement ne respectant pas les mesures préventives établies. - et enfin, des devoirs que lui imposent les dispositions de la loi ainsi que celles des textes pris pour son application. Rappelons à ce niveau un certain nombre de bonnes pratiques inspirées des exemples comparés : - l’intérêt supérieur de l’enfant et de l’adulte incapable doit toujours prévaloir s’ils doivent subir un test et si le résultat de ce test doit être divulgué à une autre personne. - Le mineur est informé de son statut sérologique, des actes et examens nécessaires à son état de santé, en fonction de son âge et de ses facultés de compréhension ou de son degré de maturité. Toutefois, Il est à noter que l’autorisation parentale préalable avant le dépistage des adolescents peut par exemple constituer un obstacle à ce service. D’où il serait préférable d’informer le délégué à la protection de l’enfance et de l’associer à la prise de décision en la matière. 2.5. Le droit d’accès à la justice :
72
La Constitution tunisienne de 2014 reprend (dans ses articles 26 à 30) un certain nombre de principes fondamentaux en la matière, comme le droit à un procès équitable dans un délai raisonnable ou celui de l’égalité de tous devant la justice. Elle consacre également l’accès à la justice et l’assistance aux plus indigents, qui doivent être concrétisées dans les textes de loi. De même ; L’aide juridictionnelle existe depuis longtemps en Tunisie, mais son fonctionnement ignore une part importante du public vulnérable. La réforme doit donc prendre en compte toutes les formes d’exclusion. Cela ne peut
73
Référentiel VIH et droits humains Tome 2
Deuxième Partie :
Les entraves aux droits fondamentaux des PVVIH 1. Carences et obstacles inhérents à la loi de 1992 2. Carences et obstacles inhérents aux autres textes juridiques
Deuxième Partie
Les carences et les obstacles devant une application pertinente des principes fondamentaux en la matière, proviennent à la fois de la loi de 1992 (1) et des textes juridiques ayant trait aux populations clés et vulnérables (2).
1. Carences et obstacles inhérents à la loi de 1992 La santé publique est l’une des composantes essentielles de l’ordre public. Comme l’action qui vise le maintien de l’ordre public se concrétise notamment par l’édiction de normes juridiques, pénalement sanctionnées, le recours à la législation est souvent perçu comme une panacée permettant d’interrompre ou de prévenir la propagation des maladies transmissibles telles que les VIH. La loi n°92-71 du 27 juillet 1992 est intervenue dans ce sens. Il est précisé dès l’article 1er que l’objet de la loi est de «...fixer, en raison du comportement du malade, des mesures particulières en vue de prévenir la propagation d’une maladie transmissible telle que l’infection par le VIH.» citée dans l’annexe II de la loi. L’article 4 de la même loi ajoute que « ...Le ministre de la Santé Publique devra établir par la suite les prescriptions et les mesures particulières à caractère préventif, curatif ou éducatif auxquelles seront soumises les personnes vivant avec le VIH.» L’absence d’une véritable percée scientifique de nature à éradiquer l’infection par le VIH, combinée à la gravité des conséquences de ces infections sur la survie même de la population d’une société donnée, a fait que le législateur ait dévolu la mission de protection de l’ordre public dans sa composante salubrité publique, non seulement aux autorités publique (3) mais aussi aux médecins (1) et aux PVVIH elles-mêmes (2). 76
1.1. L’implication des médecins : la déclaration obligatoire Il est possible de porter atteinte au secret des données professionnelles relatives au VIH et au Sida, et ce, dans deux cadres et pour deux objectifs différents : D’une part, dans le cadre du droit commun et sur autorisation du juge, toute personne professionnelle ou non, peut communiquer les données qu’elle connaît. Il s’agit là d’une exception légale qui nécessite l’aval d’un juge. A ce niveau, l’article 254 du code pénal qui institue une obligation de protéger le secret professionnel à l’encontre des médecins et autres officiers de santé dispose que ces personnes « demeurent libres de fournir leur témoignage à la justice sans s’exposer à aucune peine ». Il en est de même pour ce qui est du contenu d’une lettre, télégramme ou de tout autre document appartenant à autrui qui ne peut être divulgué que sur autorisation du juge(57). D’autre part, dans le cadre de la loi relative aux maladies transmissibles, il existe une exception légale au secret médical. En effet, la loi n°92-71 prévoit une déclaration obligatoire des maladies transmissibles(58). Il est curieux aussi de remarquer que cette loi considère que « les déclarations faites … ne constituent pas une violation du secret professionnel »(59). Cette disposition s’explique par deux arguments : - Le secret professionnel ne peut être divulgué qu’en vertu d’une autorisation légale, et ce, selon les textes mêmes de la constitution(60) et des dispositions du code pénal(61). - En matière de maladies transmissibles, la déclaration se fait (uniquement) aux autorités sanitaires(62) et ce pour des raisons de statistiques et pour pouvoir programmer les mesures et les actions de lutte et de prévention contre ces maladies. Mais quel que soit l’objectif de la déclaration, cette mesure constitue une atteinte, quoique légale au secret des données personnelles. Article 253 code pénal. Selon l’article 7 de la loi de 1992 « la déclaration des maladies prévues à l’article 3 est obligatoire ». 59 Article 7 loi n°92-71 du 27 juillet 1992. 60 Article 9 de la constitution. 61 Les articles 253 et s. code pénal. 62 Selon l’article 5 de la loi de 1992 : « au sens de la présente loi, est désigné par autorité sanitaire tout médecin, médecin dentiste, pharmacien ou biologiste relevant du ministère de la Santé Publique et agissant dans le cadre de ses attributions ou ayant reçu délégation spéciale pour exercer des prérogatives prévues par la présente loi ». 57 58
77
Le législateur ajoute qu’un décret fixera les conditions et les formes selon lesquelles seront faites ces déclarations obligatoires qui ne constituent pas une violation du secret professionnel. Le décret n°1993-2451 du 13 décembre 1993(63) spécifie que la déclaration par le médecin ou biologiste de l’infection par le VIH comporte : - D’abord, la notification du cas à la direction régionale de la santé publique territorialement compétente, sans délai, par écrit et par les voies les plus rapides et en respectant le secret médical. Il est du devoir de la direction régionale de la santé publique territorialement compétente par la suite et dès la réception de la notification d’aviser dans les mêmes conditions les services centraux du ministère de la Santé Publique(64). - Ensuite, l’envoi, sans délai, de 2 cartes-lettres l’une au ministère de la Santé Publique et l’autre à la direction régionale de la santé publique territorialement compétente. Ces cartes-lettres dont le modèle est fixé en annexe au décret, sont détachées d’un carnet à souche distribué gratuitement par le ministère de la santé publique aux médecins et aux laboratoires de biologie médicale et circulent en franchise(65). L’obligation de déclaration qui incombe aux médecins et aux biologistes à l’égard des autorités sanitaires s’étend au cas où ces derniers constatent qu’une personne vivant avec le VIH expose un ou plusieurs individus à contracter le VIH. En effet, ils sont tenus, dans ce cas, de prévenir sous pli confidentiel l’autorité sanitaire du danger créé pour autrui par ce malade(66). Cette mesure obligatoire peut constituer un argument dissuasif en matière de dépistage relatif au VIH. En effet, la crainte d’être répertorié et « d’avoir un fichier » auprès des autorités sanitaires, ne peut que décourager les personnes désirant procéder à un test du VIH. Ainsi, instituer un dépistage anonyme a augmenté le nombre de personnes procédant à des diagnostics relatifs aux maladies sexuellement transmissibles et notamment le VIH. Ainsi, et après la modification de loi n° 92-71 du 27 juillet 1992, relative aux maladies transmissibles(67), par la loi n°2007-12 du 12 février 2007(68) on a procédé à la création et l’institution d’une vingtaine de «Centre de conseil JORT n°97 du 21 décembre 1993, p. 2140. Article 3 du décret n° 2451 du 13 décembre 1993. 65 Articles 1 et 2 du décret n° 2451 du 13 décembre 1993. 66 Article 7 de la loi n°92-71 du 27 juillet 1992 relative aux maladies transmissibles. 67 JORT n°50 du 31 juillet 1992, p. 939. 68 JORT n°14 du 16 février 2007, p. 484. 63 64
78
et de dépistage anonyme et gratuit» (CCDAG), renforçant ainsi le droit au secret et permettent à un large public de procéder, en toute confiance, au test(69). 1.2. Le volet répressif de la loi de 1992 Différentes autorités publiques interviennent pour lutter contre la propagation du VIH. Il s’agit des autorités sanitaires et judiciaires. - Rôle contraignant du ministre de la Santé : En tant que titulaire de la police spéciale de la santé publique, il est normal que le ministre de la santé publique soit le catalyseur du processus de protection de la santé publique et par conséquent l’autorité chargée d’engager les poursuites contre les contrevenants aux dispositions de la loi. La loi n°92-71 précise que lorsque la PVVIH refuse d’entreprendre ou de poursuivre les traitements prescrits malgré l’injonction d’avoir à se faire traiter régulièrement et d’en faire la preuve ou lorsqu’elle concoure délibérément par son comportement à la transmission de son infection à d’autres personnes, le ministre de la Santé Publique ou son représentant doivent saisir par voie de requête visant l’hospitalisation d’office de cette personne, le tribunal de première instance compétent afin qu’il statue en référé sur leurs demandes(70). L’hospitalisation d’office qui vise l’isolement prophylactique est prononcée sans délai en chambre du conseil du tribunal, après avoir entendu le malade et le cas échéant son représentant. Il est procédé à l’exécution des décisions d’hospitalisation d’office sur minute. Cette mesure très dangereuse en matière des droits humains nécessiterait d’être revue et entourée des garanties légales et procédurales pour empêcher tout abus et toute violation des droits des personnes concernées. A ce niveau nous pourrions nous inspirer de la doctrine de L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), basée sur les « Principes pour la protection des personnes atteintes de maladie mentale et pour l’amélioration des soins de santé mentale (Principes MI) » adoptés par l’Assemblée générale des Nations unies en 1991, qui recommande un certain nombre de garanties supplémentaires pour protéger les droits des personnes détenues involontairement : - Il faut que deux médecins indépendants, examinent les patients séparément et indépendamment, procèdent à l’évaluation ; 69 70
Ces centres ont permis le dépistage d’environ 8000 personnes malgré leur récent établissement. Article 12 de la loi n° 92-71 du 27 juillet 1992 relative aux maladies transmissibles.
79
- Si la personne est jugée inapte à prendre des décisions concernant son admission dans un établissement de santé mentale, elle peut encore conserver la capacité de prendre des décisions concernant son traitement, et que le traitement involontaire, hors d’une période d’urgence que la législation de certains pays ne doit pas dépasser soixante-douze heures, viole les principes fondamentaux des droits de l’Homme. Ceci correspond à l’observation générale 14 à l’article 12 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC), qui prévoit que le droit à la santé comprend le droit de ne pas être soumis à un traitement médical involontaire ; - Un traitement thérapeutique involontaire ne peut pas être justifié sous prétexte d’une prise en charge prolongée en hôpital, sans raisons médicales. Il est conseillé d’obtenir le consentement éclairé du patient ou de ses représentants ; - Il est également important de prendre en compte le principe de « l’environnement le moins restrictif ». En d’autres termes, une personne ne peut pas être admise si d’autres alternatives moins restrictives, telles que les soins communautaires, peuvent être utilisées(71).
- D’une peine d’emprisonnement de 1 à 6 mois, toute personne hospitalisée d’office qui quitte l’établissement où elle est admise sans autorisation(74) . Il convient de signaler que ces sanctions d’emprisonnement sont, aux termes de l’article 20 de la loi, purgées en milieu hospitalier approprié. D’ailleurs l’un des principes de l’OMS est le principe de « l’environnement le moins restrictif ». En d’autres termes, une personne ne peut pas être admise si d’autres alternatives moins restrictives, telles que les soins communautaires, ou dans un milieux hospitalier peuvent être utilisées(75). En plus de ces sanctions prévues dans la loi n° 92-71, les juridictions pénales peuvent être prononcées à l’encontre des personnes vivant avec le VIH, dans le cas où leurs culpabilités est prouvée, les sanctions prévues par le code pénal en cas d’homicide intentionnel ou en cas d’homicide involontaire(76). Il en est de même pour les médecins et biologistes. Rappelons à ce niveau les recommandations formulées par La Commission Mondiale sur le VIH et le Droit. En effet, dans sa publication intitulée « Risques ; Droit et santé » ; en date de juillet 2012 ; la Commission préconise que « Pour assurer une réponse efficace et durable au VIH qui soit en cohérence avec les obligations en matière de droits de l’homme :
Le ministre de la santé publique ou son représentant sont également habilités par la loi à engager des poursuites contre les médecins et les biologistes qui ne s’acquittent pas des obligations d’information et de déclaration précitées (objet des articles 6, 7 et 8 de la loi n°92-71). Ces derniers sont alors passibles d’une amende de 100 à 500 dinars. En cas de récidive, la peine est portée au double(72).
- Les pays devront s’abstenir de promulguer des lois qui pénalisent de façon explicite la transmission du VIH, l’exposition au VIH ou la nondivulgation du statut VIH. Lorsqu’elles existent, ces lois sont contreproductives et doivent être abolies. Les dispositions de modèles de code qui ont été proposés pour appuyer la promulgation de telles lois doivent être retirées et amendées pour se conformer à ces recommandations.
- Rôle des juridictions : Elles interviennent dans la lutte contre le VIH. Les juridictions pénales sont compétentes comme il a été dit pour sanctionner les médecins et biologistes qui ne s’acquittent pas des obligations d’information et de déclaration (objet des articles 6, 7 et 8 de la loi n°92-71) et elles sont compétentes également pour sanctionner le comportement de certaines personnes vivant avec le VIH.
- Les services répressifs doivent s’abstenir de poursuivre des personnes dans des cas de non-divulgation du VIH ou d’exposition à celui-ci s’il n’existe pas de preuve qu’une transmission délibérée ou malveillante a eu lieu. Invoquer des sanctions d’ordre pénal dans des cas de rapports sexuels entre adultes, avec consentement et privés, est disproportionné et contre-productif en termes d’amélioration de la santé publique.
Elles peuvent sanctionner : - D’une peine d’emprisonnement de 1 à 3 ans, toute personne reconnue coupable de vouloir délibérément par son comportement transmettre le VIH à d’autres personnes(73). Livre ressource de l’OMS sur la santé mentale, les droits de l’Homme et la législation, 2000 ; lien : https:// ec.europa.eu/health/sites/health/files/mental_health/docs/who_resource_book_en.pdf 72 Article 17 de la loi n° 92-71 du 27 juillet 1992 relative aux maladies transmissibles. 73 Article 18 de la loi n° 92-71 du 27 juillet 1992 relative aux maladies transmissibles. 71
80
Article 19 de la loi n° 92-71 du 27 juillet 1992 relative aux maladies transmissibles. Livre ressource de l’OMS sur la santé mentale, les droits de l’Homme et la législation, 2000 ; lien : https:// ec.europa.eu/health/sites/health/files/mental_health/docs/who_resource_book_en.pdf 76 articles de 201 à 217 du code pénal. 74 75
81
- Les pays doivent changer ou abolir toute loi qui de façon explicite ou effective pénalise une transmission verticale du VIH. Pendant que le processus d’examen et d’abolition est en cours, les gouvernements devront instaurer un moratoire sur la mise en exécution de telles lois. - Les pays peuvent de façon légitime poursuivre en justice la transmission du VIH lorsque celle-ci est à la fois réelle et délibérée, en utilisant le Code pénal général, mais les poursuites judiciaires devront se faire avec prudence et exigeront des normes élevées de preuve et d’éléments probants. - Les condamnations de ceux qui ont été poursuivis pour exposition au VIH, non-divulgation et transmission de ce dernier devront être réexaminées. Ces condamnations devront être infirmées ou les accusés devront être immédiatement libérés avec pardon ou actions similaires pour assurer que ces inculpations soient supprimées de leur casier judiciaire ou dans un registre de délinquance sexuelle »(77). Les juridictions judiciaires, par le billet des tribunaux de première instance jouent un rôle très important dans la lutte contre la propagation du VIH et dans la protection de l’ordre public-salubrité publique. En effet, les décisions d’hospitalisation d’office, d’interruption de l’hospitalisation d’office et les décisions de renouvellement de la période d’hospitalisation sont tous ordonnées et prononcées par les tribunaux de première instance(78). L’article 16 de la loi n°92-71 dispose que « le tribunal statuant sur l’interruption de l’hospitalisation d’office, peut ordonner au malade d’avoir à se présenter, à des intervalles périodiques qui lui seront fixées, à l’établissement où il a été hospitalisé pour y être soumis aux examens de contrôle et aux traitements que nécessiterait son état ». Ainsi, il apparaît que le juge judiciaire intervient en amont des procédures visant le traitement du malade et donc la protection de la salubrité publique, mais aussi en aval, en assurant le suivi des soins et traitements qu’il a subis.
2. Carences et obstacles inhérents aux autres textes juridiques La législation tunisienne, pénalisant le travail du sexe, les rapports sexuels entre les hommes et l’usage de drogues affecte l’exposition à la violence et la capacité des TS à avoir des rapports sexuels protégés et à appliquer la réduction des risques dans l’usage de drogues. En effet, elle crée un climat qui favorise la violence civile et policière et rend impossible pour les victimes de porter plainte. La loi devient un moyen de chasse aux sorcières, de chantage économique et sexuel le cas échéant. La peur d’être arrêtées force des Travailleuses du sexe (TS) clandestines et des hommes travailleurs du sexe (HTS) et les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH) à se cacher, à s’abstenir de participer à des programmes de prévention du VIH et de risques au VIH ni même de porter des préservatifs sur soi : « pour lui (le policier) le présevatif est la preuve matérielle irréfutable de cette prostitution. Il nous a fallu un effort titanesque pour qu’il nous laisse en paix ». Est-il utile de rappeler à ce propos que l’organisation d’un focus groupe avec les HTS/HSH a pris beaucoup de temps et a demandé des mesures de précautions strictes par peur d’être arrêtés ? Tous ces facteurs exacerbent le risque d’exposition au VIH. Ministère de la Santé (DSSB), Étude Qualitative sur les Facteurs de Vulnérabilité au VIH des Travailleurs et travailleuses du Sexe en Tunisie, Tunis, septembre 2015, avec le soutien de l’UNFPA et Aids Fonds, pp. 68.
Ces carences et obstacles consistent principalement dans la pénalisation des populations clés et vulnérables. Il est connu maintenant que l’approche répressive à l’égard des populations clés et vulnérables ne peut avoir que des effets négatifs sur : - l’accès à ces populations ; - le travail et la consécration de programmes à ces populations ; - la crainte et la suspicion qui caractérise ces populations à l’égard des autorités ;
Commission Mondiale sur le VIH et le Droit, « Risques ,Droit et santé »,2012,lien : https://plateforme-elsa. org/wp-content/uploads/2014/03/FinalReport-RisksRightsHealth-FR.pdf 78 Articles 12 , 13, 15, 16 de la loi n° 92-71 du 27 juillet 1992 relative aux maladies transmissibles. 77
82
Nous allons mettre l’accent sur une ensemble de textes juridiques qui, soit pénalisent les populations clés et vulnérables, soit ils ne prennent pas en considération leurs spécificités.
83
2.1. Les législations sanctionnant les populations clés et vulnérables Il s’agit principalement des législations suivantes : la législation relative aux stupéfiants (1), la pénalisation du travail du sexe non autorisé (2) et la pénalisation des comportements LGBTQI+ ou orientation sexuelle et identité du genre (3). Selon les données du rapport d’activité sur la riposte au sida Tunisie 2014 (GARPR 2014 et 2019 présentent les mêmes chiffres) : les populations clés seraient estimées à 62000 personnes réparties comme suit : 28000 HSH, 9000 usagers de drogues par voie injectable (UDI) et 25000 travailleuses de sexe (FTS). Les enquêtes sérocomportementales auprès de ces populations ont montré que l’accès aux services de prévention du VIH est encore faible notamment pour les FTS malgré les interventions mises en place par les ONG thématiques auprès des populations clés.
Les infractions relatives aux drogues représentent 28% de la population carcérale totale. En décembre 2015, 7451 personnes ayant fait l’objet de poursuite pour des infractions liées à la drogue se trouvaient dans les prisons tunisiennes, dont 7306 hommes et 145 femmes (selon l’Administration générale des prisons et de la réhabilitation du ministère de la Justice). Environ 70% de ces personnes, soit environ 5200 personnesont été reconnues coupables d’utilisation ou de possession de cannabis ». Coalition de la société civile (UGTT, LTDH, ATFD, FTDES, AFTURD en partenariat avec Euromed Droits et Cairo Institute, Rapport des parties prenantes, soumis à l’Examen périodique universel 27ème session –Tunisie- mai 2017 », p. 7.
Cette dimension répressive se manifeste nettement dans les niveaux suivants : - La longue liste des actes, activités et attitudes incriminées ;
2.1.1. L’approche répressive en matière de stupéfiants « L’application de la loi 92-52 du 18 mai 1992, relative aux stupéfiants a entrainé de graves violations des droits humains dont le droit à l’intégrité physique de la personne humaine. En vertu de cette loi, des milliers de tunisiens sont condamnés chaque année à des peines de prison pour consommation ou possession de cannabis. Les forces de l’ordre font recours aux tests d’urine de manière systématique et sans accord préalable des accusées ». FIDH, OMCT, ASF, Doustourna, ADLI et Damj, Rapport des parties prenantes soumis à l’Examen périodique universel de la Tunisie, 3ème Cycle, mai 2017 », p. 13.
La lecture de la loi 92-52 du 18 mai 1992, relative aux stupéfiants confirme que cette loi s’inscrit dans une dimension plutôt répressive et ne touche aux aspects préventifs et curatifs que d’une manière limitée, voire marginalisée. - Une loi dominée par l’aspect répressif : L’aspect répressif constitue l’aspect qui gouverne la loi de 1992 même après les modifications, (1995, 1998, 2008 et 2017). Sur les 32 articles (y compris l’article 19bis ajouté en 1995) la répression caractérise au moins 27 articles de ladite loi.
- Une large liste des personnes inculpées ; - La longue liste des substances prohibées ; - La large palette des sanctions et - Le grand nombre d’intervenants et de contrôleurs. Nous rappelons à ce niveau, que sous la loi 92-52 du 18 mai 1992, avant sa modification en 2017 (par la loi 2017-39 du 8 mai 2017)(79), le juge n’avait aucun pouvoir discrétionnaire en matière de sanction. En effet, la loi de 1992, interdisait clairement au juge d’appliquer l’article 53 du code pénal qui permet au juge une certaine marge d’appréciation en appliquant des circonstances atténuantes et notamment pour ce qui est du délit de consommation. En effet, ce n’est qu’à partir du 8 mai 2017 que le juge a commencé à faire bénéficier, les personnes inculpées pour consommation de drogue, des conditions atténuantes. Il s’agit-là d’une « réformette » qui réduit certes le nombre de personnes à mettre en prison(80), mais qui ne change en rien l’approche en matière de stupéfiants qui demeure une approche répressive(81). JORT numéro 37 du 9 mai 2017, p. 1480. Depuis cette date, un grand nombre de jugements, dans les affaires de consommation, sont prononcés avec sursis à exécution. 81 Dans une Étude de terrain menée par Avocats Sans Frontières ; intitulée « L’échec de la loi 52 : la partie visible de l’iceberg » ; il a été clairement démontré que le nombre de personnes arrêtées, jugées et condamnées sur la base de la loi 52 n’a pas diminué par rapport à la période 2011-2017 ; mais bien au contraire le chiffre a augmenté. Étude sous-presse, Tunis, ASF ; 2020. 79 80
84
85
- Une dimension préventive quasiment absente de la loi de 1992 : La loi a consacré un Chapitre IV (articles 18 à 21) intitulé : DE LA PRÉVENTION ET DE LA GUÉRISON DES TOXICOMANES. Mais la lecture de ce chapitre révèle qu’il s’agit plutôt de guérison que de prévention. Sauf si la prévention est entendue dans le sens d’une prévention contre l’inculpation et la poursuite. Dans le reste des articles de la loi nous pouvons déceler un certain aspect préventif aux niveaux suivants : - L’obligation de destruction de toute espèce de plante narcotique, imposée à tout propriétaire, occupant, ou exploitant d’un terrain (art. 3) - La saisie et la liquidation de tous les produits stupéfiants, les plantations, les matières stupéfiantes… - Une dimension curative limitée : Cette limite découle du fait que la dimension curative dans la loi de 1992 demeure intimement liée à la répression. La dimension curative peut avoir deux aspects : - Un aspect volontaire, mais comme une échappatoire à la poursuite et à la répression. - Un aspect obligatoire, en cas de détention. Un aspect volontaire mais comme une échappatoire à la poursuite et à la répression (articles 18 et 20) Toute personne devenue toxicomane, peut avant la découverte des faits qui lui sont reprochés présenter une seule fois une demande à la commission des toxicomanies (prévue par l’article 119 de la loi n° 69-54 du 16 juillet 1969 relatives aux substances vénéneuses) en vue de suivre un traitement curatif de désintoxication ; Cette procédure a pour effet de ne pas engager de poursuite à l’encontre de cette personne, sauf si elle quitte l’établissement hospitalier ou interrompt le traitement sans l’accord de ses médecins ou de la commission : les poursuites légales seront déclenchées à son égard. Un aspect obligatoire, cas des détenus ou inculpés (articles 19 et 19bis).
86
- Le juge peut (pouvoir discrétionnaire du juge) en cas de condamnation d’un toxicomane, le soumettre à un traitement de désintoxication pour une période fixée par le médecin spécialisé dans un établissement public hospitalier ;
Si le condamné refuse le traitement, une ordonnance juridictionnelle l’obligerait à subir le traitement. Un aspect obligatoire, cas d’enfant consommateur ou détenteur de stupéfiant pour consommation (article 19bis) : le juge peut soumettre l’enfant à un traitement médical, un traitement psycho-médical et/ou un traitement médico-social et ce pour l’empêcher de récidiver. En définitive, La loi de 1992, malgré ses différentes modifications demeure caractérisée par une approche répressive où les dimensions curative et notamment préventive sont marginalisées ; Il est temps de reprendre les débats sur le projet de loi relatif aux stupéfiants, déjà discuté en commission (entre février et avril 2017) et adopter une nouvelle loi basée sur une approche globale, Intégrée, et surtout préventive. En ajoutant à la règle de droit une certaine dimension sociologique, pragmatique et plus efficace. 2.1.2. La pénalisation des personnes LGBTQI+(82) « Craignant des poursuites juridiques sur la base de l’article 230 du code pénal, plusieurs personnes LGBTQI+ renoncent à leurs droits... »(83). L’article 230 du Code Pénal tunisien(84) dispose que : « la sodomie, si elle ne rentre dans aucun des cas prévus aux articles précédents, est punie de l’emprisonnement pendant trois ans»(85). Les termes de l’article 230 du C.P. ne précisent pas le sens de la sodomie. Mais, le texte arabe, qui fait foi, traduit la sodomie, utilisée comme dans le texte français, en spécifiant l’homosexualité masculine et l’homosexualité féminine. La traduction exacte du texte arabe est la suivante : « E’liouat (l’homosexualité masculine) ou El Mousahaka (homosexualité féminine), si elles ne rentrent dans aucun des cas prévus aux articles précédents, sont punis de l’emprisonnement pendant trois ans ». 82 Pour les études les plus récentes en la matière, voir : - Ferchichi (Wahid), L’homosexualité en droit tunisien ou de l’homophobie de la règle juridique, in Etre homosexuel au Maghreb, LACHHEB (Monia), sous dir. Edition IRMC- KARTHALA, 2016, pp. 171-196. - FERCHICHI (Wahid) SAGHIEH (Nizar), Homosexual relations in the penal codes, General study relating in the laws in the Arab countries with a report on Lebanon and Tunisia, Beirut, HELM, 2009. - EL FEKI (Shereen), La révolution du plaisir, enquête sur la sexualité dans le monde arabe, Editions Autrement, 2014.367 p. - BEN ALAYA (Dorra), Facteurs psychosociaux et prévention du VIH/Sida chez les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes, in Le corps dans toutes ses libertés, sous dir Ferchichi (Wahid), Tunis, Edition ADLI, 2017, pp.219-248. 83 “Coalition Tunisienne pour les droits des personnes LGBTQI+, Rapport des parties prenantes, Examen périodique universel de la Tunisie, 3ème Cycle, mai 2017 », p. 22. 84 Ce code fut promulgué par le décret Beylical du 9 juillet 1913, Journal Officiel du 1er octobre 1913, n° 79. 85 Cet article n’a jamais fait l’objet de modification.
87
Ces précisions apportées par le texte arabe montrent une intention ferme d’incriminer le comportement homosexuel masculin et féminin. Cette incrimination claire et ferme de l’acte homosexuel, et qui a été prononcé à maintes reprises par le juge pénal, n’aide pas dans l’accès à cette population et à engager un travail de sensibilisation légalement reconnu(86). De même, une enquête séro-comportementale effectuée en 2014 auprès des HSH, montre que 26,8% d’entre eux subissent diverses formes de violence dans différents espaces (école, travail, transports publics, cafés…)(87). HTS/HSH et violence Contrairement aux violences subies par les FTS qui sont étroitement liées à l’activité exercée, la violence subie par un HTS/HSH provient plutôt de personnes homophobes qui les agressent et les volent. L’homophobie est souvent source de conflits dans :
- l’espace public comme l’atteste un HTS/HSH qui déclare « se disputer fréquemment avec les caissiers de grandes surfaces ou avec des clientes dans la file d’attente », - la famille : «quand il a découvert ma tendance sexuelle, mon père m’avait tellement battu que jusqu’à maintenant j’en tremble. Mon frère m’avait menacé de me tuer si je ne cesse pas. Pour moi quitter la maison est devenu carrément une affaire de survie. Vous savez à cette époque des années 1980, il était impossible pour une personne comme moi de rester dans le Sud», - les délinquants qui les agressent et les volent,
- les HSH entre eux : « utiliser la violence physique pour chasser quelques intrus de nos lieux habituels et le persuader de travailler ailleurs », - les policiers qui les harcèlent par le contrôle fréquent.
Ministère de la Santé (DSB), Étude Qualitative sur les Facteurs de Vulnérabilité au VIH des Travailleurs et travailleuses du Sexe en Tunisie, Tunis, septembre 2015, avec le soutien de l’UNFPA et Aids Fonds, pp. 58-60.
Consulter pour une vue globale et précise sur l’état des droits des personnes LGBTQI+=, “Coalition Tunisienne pour les droits des personnes LGBTQI+, Rapport des parties prenantes, Examen périodique universel de la Tunisie, 3ème Cycle, mai 2017 » 87 Ministère de la Santé (DSB), Étude Qualitative sur les Facteurs de Vulnérabilité au VIH des Travailleurs et travailleuses du Sexe en Tunisie, Tunis, septembre 2015, avec le soutien de l’UNFPA et Aids Fonds, p. 58. 86
88
Avec l’adoption de la nouvelle Constitution tunisienne le 27 janvier 2014, nombreuses sont les dispositions qui militent en faveur de l’abrogation de l’article 230 du code pénal, dont la teneur ne correspond ni aux fondements de la démocratie, des droits de l’Homme et du respect de la personne humaine, ni aux principes d’un État civil. Il convient en effet désormais de réfléchir à une meilleure adaptation du droit existant, et notamment des dispositions liberticides, aux principes et règles de la nouvelle Constitution en matière de respect de la vie privée (1), de protection de la dignité et de l’intégrité (2), de non-discrimination (3) et par rapport aux principes de nécessité et de proportionnalité (4). - La protection de la vie privée : Selon l’article 24 de la Constitution tunisienne de 2014 : « L’Etat protège la vie privée, l’inviolabilité du domicile et le secret des correspondances, des communications et des données personnelles… » (88). Cette disposition traduit l’engagement international de la Tunisie au titre de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme dont l’article 12 dispose ce qui suit : « Nul ne sera l’objet d’immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d’atteintes à son honneur et à sa réputation. Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes » ; ainsi qu’au titre du Pacte International des Droit civils et politiques(89) dont l’article 17 reprend intégralement l’article 12 précité. A la lecture de ces textes, il appert que la pénalisation d’un acte sexuel pratiqué en privé entre adultes consentants ouvre la voie à un ensemble de violations du droit à la vie privée, puisque pour prouver un tel acte, il serait souvent nécessaire de procéder à des recherches, des « descentes », des perquisitions et des fouilles dans les correspondances, notamment électroniques. Ainsi, au vu de ces conséquences négatives sur le droit à la vie privée, l’article 230 du code pénal apparaît nettement injustifié. - La protection de la dignité et de l’intégrité de la personne : L’article 23 de la Constitution tunisienne de 2014 dispose ce qui suit : « L’Etat protège la dignité de l’être humain et son intégrité physique, et interdit la torture morale et physique. Le crime de torture est imprescriptible »(90). Il s’agit là d’une confirmation de l’adhésion de la Tunisie aux différents instruments internationaux et notamment à l’article 5 de la Déclaration Universelle des 88 89 90
Traduction officielle, numéro spécial du JORT, 20 avril 2015. La Tunisie a ratifié ce Pacte en vertu de la loi n°1968-30 du 29 novembre 1968. Traduction officielle, numéro spécial du JORT, 20 avril 2015.
89
Droits de l’Homme, qui dispose que : « nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ». Il en est de même de l’article 7 du Pacte International des Droit civils et politiques qui dispose que : « Nul ne sera soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradant. En particulier, il est interdit de soumettre une personne sans son libre consentement à une expérience médicale ou scientifique ». Pour sa part, la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels ou inhumains (adoptée le 10 décembre 1984, entrée en vigueur le 26 juin 1987)(91) considère dans son article 1er la torture comme : « tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à une personne aux fins notamment d’obtenir d’elle ou d’une tierce personne des renseignements ou des aveux… de l’intimider ou de faire pression sur elle ou d’intimider ou de faire pression sur une tierce personne, ou pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination qu’elle qu’en soit, lorsqu’une telle douleur ou de telles souffrances sont infligées par un agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite… ». Dans ce cadre, le Comité des Nations Unies de lutte contre la torture a considéré les examens anaux comme étant un acte de torture (3 octobre 2014) et a recommandé l’interdiction de ce type d’examen pour garantir « le respect intégral de la dignité humaine ». - Le principe de non-discrimination : Le principe de la non-discrimination a été clairement formulé au niveau de l’article 21 de la Constitution tunisienne de 2014 qui dispose ce qui suit : « Les citoyens et les citoyennes sont égaux en droits et en devoirs. Ils sont égaux devant la loi sans discrimination »(92). Cette consécration du principe de non-discrimination correspond aux différents traités et conventions déjà ratifiés par la Tunisie ; A ce niveau, l’article 2 du pacte des droits civils et politiques dispose clairement ce qui suit : « Les Etats parties au présent Pacte s’engagent à respecter et à garantir à tous les individus se trouvant sur leur territoire et relevant de leur compétence les droits reconnus dans le présent Pacte, sans discrimination aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation ». La Tunisie a ratifié cette convention en vertu de la loi n°88-79 du 11 juillet 1988, publiée au Journal Officiel par le décret n°88-1800 du 20 octobre 1988. 92 Traduction officielle, numéro spécial du JORT, 20 avril 2015 91
90
La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW)(93) considère dans son article 1er que : « l’expression discrimination à l’égard des femmes, vise toute distinction, exclusion ou restriction fondée sur le sexe… »(94). Si l’orientation sexuelle ne figure pas expressément parmi la liste des motifs interdits selon ces instruments internationaux, on relève une certaine souplesse et flexibilité dans l’interprétation du terme « toute autre situation », ce qui permet d’intégrer l’orientation sexuelle parmi les motifs de discrimination. D’ailleurs, à ce niveau, l’observation générale n° 20 de 2009 (§ 27) du Comité des droits économiques, sociaux culturels a rappelé clairement que l’expression « toute autre situation » incluait bien la discrimination sur la base de l’orientation sexuelle(95). Enfin, le 15 juin 2011, la question de la discrimination a attiré l’attention du Conseil des Droits de l’Homme (de l’ONU) qui a adopté la résolution 17/19(96), première résolution des Nations Unies sur l’orientation sexuelle. A ce niveau, le Conseil des droits de l’Homme a été le premier organe intergouvernemental à exprimer sa « grave préoccupation concernant la violence et la discrimination contre les individus en fonction de leurs orientations sexuelles »(97). Quel sens donner au principe de non-discrimination alors que des personnes demeurent toujours discriminées à cause de leur orientation sexuelle ? Toutes les instances des droits de l’Homme s’accordent aujourd’hui à considérer la pénalisation de l’homosexualité comme faisant partie des actes de discrimination. Ainsi, l’article 230 ne se justifie plus sous l’angle de la lutte contre toute forme de discrimination.
La Tunisie a ratifié cette convention en vertu de la loi n°85-68 du 12 juillet 1985 et publiée au Journal Officiel par le décret n°91-1821 du 25 novembre 1991 94 Il en est de même de la Convention contre la torture qui annonce clairement l’interdiction de toute forme de torture infligée à une personne « pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination quelle qu’elle soit » (article 1er). La Convention internationale relative aux droits de l’enfant adoptée le 20 novembre 1989, rappelle dans son article 2 que « les Etats parties s’engagent à respecter les droits qui sont énoncés dans la présente Convention et à les garantir à tout enfant relevant de leur juridiction, sans distinction aucune… ou toute autre situation ». La Tunisie a ratifié cette convention en vertu de la loi n°91-92 du 29 novembre 1991 et publiée au Journal Officiel par le décret n°91-1865 du 10 décembre 1991). 95 Observations géniales numéro 20 paragraphe 32, numéro 19 en ce qui concerne le droit à la sécurité sociale paragraphe 29, observation numéro 18 concernant le droit au travail paragraphe 12, observation numéro 15 droit de l’eau paragraphe 13, observation numéro 14 droit au meilleur état de santé possible paragraphe 18 96 (A/HRC/RES/17/19) 97 Assemblé Générale des Nations Unies 14 juillet 2011 : Résolution adoptée par le conseil des droits de l’Homme 17/19 : Droits de l’Homme, orientation sexuelle et identité de genre. 93
91
Sur le plan régional : Il est pertinent de rappeler l’Article 2 de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples qui dispose : « Toute personne a droit à la jouissance des droits et libertés reconnus et garantis dans la présente Charte sans distinction aucune, notamment de race, d’ethnie, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation ». Il en est de même ; de la 275ème Résolution sur la protection contre la violence et d›autres violations des droits humains de personnes sur la base de leur identité ou orientation sexuelle réelle ou supposée(98). Cette Résolution a condamné un ensemble de violations et de dépassements et elle a formulé une recommandation pour les Etat membres. En effet ; la résolution a condamné : - La violence croissante et les autres violations des droits de l’Homme, notamment l’assassinat, le viol, l’agression, la détention arbitraire et d’autres formes de persécution de personnes sur la base de leur identité ou orientation sexuelle réelle ou supposée ; - Les attaques systématiques perpétrées par des acteurs étatiques et non étatiques contre des personnes sur la base de leur identité ou orientation sexuelle réelle ou supposée ; Elle a par ailleurs ; invité les Etats à s’assurer que les défenseurs des droits de l’Homme exercent leurs activités dans un environnement propice exempt de stigmatisation, de représailles ou de poursuites pénales en raison de leurs activités de défense des droits de l’Homme y compris les droits des minorités sexuelles ; Elle a prié les Etats de mettre un terme aux actes de violation et d’abus, qu’ils soient commis par des acteurs étatiques ou non étatiques, notamment en promulguant et en appliquant effectivement des lois appropriées interdisant et sanctionnant toutes les formes de violence, y compris celles ciblant des personnes sur la base de leur identité ou orientation sexuelle réelle ou supposée, en garantissant une enquête appropriée et la poursuite diligente des auteurs, ainsi que des procédures judiciaires adaptées aux besoins des victimes. 92
98 Adoptée lors de la 55ème Session ordinaire de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples tenue du 28 avril au 12 mai 2014, à Luanda, Angola Lien : CADHP/Res.275(LV)2014 : https://www.achpr.org/fr_sessions/resolutions?id=322
2.1.3. La réglementation du travail de sexe 2.1.3.1. Le travail de sexe exercé par des femmes : stricte réglementation et sanctions Le Droit tunisien distingue entre deux situations différentes en matière de travail sexuel : il criminalise le travail du sexe clandestin d’une part et autorise et réglemente le travail du sexe étatisé ; légal et juridiquement reconnu d’autre part. - Prostitution clandestine : En effet, ce qui caractérise l’arsenal juridique tunisien est la criminalisation de toutes les formes de travail sexuel chez les femmes, menant au renchérissement de la liste des actes pénalement sanctionnés en la matière. La notion de prostitution est effectivement dépourvue de définition légale. Par ailleurs, la terminologie nébuleuse et vague qui s’y rapporte ainsi que la complexité de son régime juridique en Droit tunisien et précisément dans le Code pénal représentent un obstacle devant la compréhensibilité de la nature des phénomènes et actes criminalisés et laissent le champ libre à de nombreuses interprétations, menaçant de la sorte d’empiéter sur les droits et libertés des travailleuses du sexe et de toucher à certains principes fondamentaux du Droit tels que celui de la protection de la vie privée. Les dispositions de l’article 231 du code pénal, abritées sous la soussection III intitulée : « de l’excitation à la débauche » de la section III : « Attentats aux mœurs » du chapitre Ier du Code : « Attentats contre les personnes », et selon lesquelles : « […] les femmes qui, par gestes ou par paroles, s’offrent aux passants ou se livrent à la prostitution, même à titre occasionnel, sont punies de 6 mois a 2 ans d’emprisonnement, et de 20 à 200 dinars d’amende », omettent de citer les éléments constitutifs du délit de prostitution, ouvrant ainsi la voie à la criminalisation de nombreux actes qui relèvent de la sexualité à travers une interprétation large de la notion de prostitution. Le législateur a, en effet, laissé ce soin à la jurisprudence. La Cour de cassation a donc eu, après coup, son mot à dire pour reconnaitre l’existence de deux conditions fondamentales nécessaires à la qualification du délit de prostitution, qui sont : la nature répétée ou habituelle de l’activité et la vénalité du comportement, au sujet desquelles l’article 231 reste muet.
93
La vénalité du comportement qui renvoie à la notion de « rémunération » peut aussi être prise au sens large pour inclure, en plus de l’argent, les objets à valeur marchande et même les services, puisque le juge a assimilé la prostitution à la réalisation d’un gain matériel ; pécuniaire ou autre.» Quant aux sanctions qui s’appliquent au délit de prostitution, elles sont assez spéciales. L’alinéa dernier de l’article 231 du code pénal ne considère comme auteur principal de ce délit que la femme qui se livre à la prostitution ; la prostitution masculine n’y étant pas abordée, l’homme ne peut être considéré que comme complice de ce délit et seules les femmes sont réprimées. D’ailleurs, les hommes qui s’y livrent sont généralement poursuivis pour d’autres incriminations relatives aux mœurs. Cette approche s’applique même aux personnes prostituées mineures de sexe féminin. En effet, l’homme qui recourt aux services d’une prostituée mineure ne se voit réprimé que pour avoir été complice du délit de prostitution clandestine sans courir le risque d’être poursuivi pour détournement de mineur. En Tunisie, les sanctions pénales répriment aussi le racolage et le proxénétisme. Bien que le racolage soit normalement passible de peines légères puisqu’il ne s’agit que d’une tentative de prostitution, les condamnations qui y sont prévues sont plutôt celles appliquées au délit de prostitution et ce, pour punir les femmes dont l’attitude sur la voie publique est « de nature à provoquer la débauche ». La seule présence de la personne prostituée dans la rue peut donc causer son arrestation. La notion de racolage est, en effet, une notion très vague dont les éléments constitutifs sont l’exhibition sexuelle en public et la conscience d’offenser volontairement ou par négligence la pudeur publique. Le racolage peut être actif comme il peut être passif. Il est donc possible pour la police de juger le racolage sur les apparences de la femme (tenue vestimentaire, maquillage, marche, paroles, etc.) et conduire à des pratiques d’abus du pouvoir, ce qui pourrait menacer la liberté de circulation ainsi que la liberté vestimentaire des femmes. Il s’agit donc d’une disposition redoutable mise entre les mains des appareils répressifs judiciaire et policier.
94
Se trouvant dans l’illégalité, en l’absence totale de toute forme de soutien, devant les faibles ressources matérielles et afin de contourner ces agressions ou d’en amortir l’impact, les FTS sont obligées de fournir un service gratuit ou de payer régulièrement une somme d’argent. Il apparait donc que le travail du sexe lui-même expose à un risque accru de violence qui est aggravé par un comportement à haut risque comme l’usage de drogues injectables. Les informations recueillies auprès de ces groupes concordent avec les résultats d’études à l’échelle internationale sur la diversité des sources de violence. Ainsi, le comité national sur le sida (CNS) en France rapporte qu’une étude réalisée en 2004 a montré que 70% des FTS interrogées ont identifié des actes de violence contre elles au cours des six derniers mois. Ces violences surviennent entre les FTS ou émanent des proxénètes, des clients, des forces de police ou des institutions. Ministère de la Santé (DSSB), Étude Qualitative sur les Facteurs de Vulnérabilité au VIH des Travailleurs et travailleuses du Sexe en Tunisie, Tunis, septembre 2015, avec le soutien de l’UNFPA et Aids Fonds, p. 55.
En ce qui concerne le proxénétisme, la Tunisie dispose d’un arsenal répressif complet en la matière. Toutes les formes de proxénétisme sont réprimées. En effet, le Code pénal criminalise Le proxénétisme par aide, protection ou assistance, par partage des produits de la prostitution ou réception des subsides ainsi que le recrutement, l’entraînement et l’entretien de personnes en vue de la prostitution, afin de protéger les femmes de toute exploitation. Il réprime aussi le proxénétisme par cohabitation avec une personne prostituée si le ménage n’a pas d’autres revenus que ceux issus de la prostitution ou si son train de vie ne correspond pas aux revenus non issus de la prostitution, interdisant aux personnes prostituées d’avoir une vie privée « normale » et contredisant de la sorte le principe du respect de la vie privée. Il est donc loisible de noter que le Droit tunisien aujourd’hui applicable distingue mal la différence entre la prostitution volontaire pratiquée par une femme en échange d’une contrepartie et la prostitution contrainte ; donc son exploitation par un tiers, pour sanctionner sévèrement les relations sexuelles en échange d’une contrepartie en dehors du cadre régissant ce métier.
95
Rappelons aussi que la loi organique n° 2016-61 du 3 août 2016, relative à la prévention et la lutte contre la traite des personnes, définit l’Exploitation sexuelle, comme étant : « L’obtention d’avantages de quelque nature que ce soit en livrant une personne à la prostitution ou tout autre type de services sexuels notamment, son exploitation dans des scènes pornographiques, à travers la production ou la détention ou la distribution, par quelconque moyen, de scènes ou matériels pornographiques »(99). Et de ce fait, l’exploitation sexuelle d’une femme constitue un crime de traite de personne, et soumise au régime mis en place par la loi du 3 août 2016 et notamment en matière de l’obligation de signalement. En effet, selon l’article 14 de cette loi, le signalement de cas de traite n’est plus facultatif, il s’agit d’une obligation et le non-signalement constitue une infraction. A ce niveau l’article 14 de la loi dispose : « Est puni d’un an d’emprisonnement et d’une amende de cinq mille dinars quiconque, s’abstient sciemment de signaler aux autorités compétentes, sans délai et dans la limite des actes dont il a eu connaissance, les faits, les informations, ou les renseignements concernant la commission des infractions de traite des personnes prévues par la présente loi.
d’exercer la prostitution légale. Conformément à cette circulaire, les personnes prostituées doivent se plier à des obligations dérogatoires du Droit commun. En effet, les femmes désirant exercer le commerce du sexe doivent s’inscrire sur les registres du Ministère de l’Intérieur où l’on classe les travailleuses du sexe suivant leurs lieux d’activité, subir des examens médicaux et biologiques périodiquement et se conformer à des conditions exceptionnelles de surveillance ou de déclaration, exercer leur activité uniquement à l’intérieur d’un local dont les caractéristiques sont définies par la circulaire à ne quitter que sur autorisation du poste de police du quartier. La circulaire a également souligné que la qualification « légale » ne justifie pas l’exhibition sexuelle sur la voie publique qui demeure toutefois interdite. Néanmoins, le jugement de valeur chargé de stigma que porte la circulaire de 1977 sur cette activité demeure palpable ; elle définit les travailleuses de sexe comme étant les femmes qui se prêtent « moyennant rémunération » a des contacts physiques « afin de satisfaire les besoins sexuels d’autrui » . De surcroit, il faut démontrer avoir une manière « honnête » de gagner sa vie et obtenir l’accord de la police et du personnel médical chargé du contrôle sanitaire pour sortir du registre de la prostitution.
Est coupable de l’infraction de non signalement, quiconque tenu au secret professionnel et s’abstient à accomplir le devoir de signalement prévu par l’alinéa précédent si la victime est un enfant ou une personne incapable ou souffrant d’une infirmité mentale, ou qui s’abstient à signaler les faits, les informations, ou les renseignements, dont il a eu connaissance, relatifs à l’éventuelle commission des infractions de traite des personnes prévues par la présente loi ».
Quant aux critères d’adhésion au métier que doivent remplir les travailleuses du sexe, la circulaire a exigé deux types de conditions. Elle dispose que les femmes intéressées à rejoindre le métier doivent être majeures, célibataires et n’ayant pas dépassé les 50 ans d’une part, et d’autre part, elles sont appelées à fournir un certificat médical de bonne santé provenant d’un médecin de la santé publique ou d’un médecin chargé d’examiner la santé des prostituées prouvant leur intégrité des maladies contagieuses, des maladies infectieuses, et surtout des maladies neurologiques, gynécologiques, pulmonaires, cancéreuses ainsi que des myélopathies. Elles doivent aussi jouir de leur pleine intégrité mentale. La loi a également soumis les lieux de prostitution légale, dont le fonctionnement découle d’une organisation voulue et gérée par l’Etat, a une réglementation précise. En effet, ces établissements doivent être reclus dans des zones réservées de la ville, desquelles les prostituées ne peuvent sortir sans autorisation de la police. Elles doivent être à l’écart de tout établissement pénitentiaire ou sanitaire, des casernes et des mosquées, et ne doivent porter aucune indication sur la nature des activités qui s’y déroulent comme elles doivent respecter les règles de salubrité, d’hygiène et de sécurité. Ces maisons sont dirigées par des proxénètes légaux, qui doivent être des femmes de plus de 35 ans et avec permission de leurs maris.
De même, la loi n° 2017-58 du 11 août 2017, relative à l’éradication de la violence à l’égard de la femme(100), considère la violence sexuelle faite aux femmes, comme crime passible de peine privative de liberté. L’importance de ces deux textes réside aussi dans le fait qu’ils considèrent la femme comme étant une victime d’exploitation et d’agression sexuelle et non pas comme étant une délinquante, et un auteur principal du crime, comme fut le cas dans le code pénal. En ce qui concerne le travail de sexe réglementé, la circulaire N°399 de 1977 du Ministère de l’Intérieur a reconnu aux femmes le droit 96
99 100
JORT n° 66 du 12 août 2016, p. 2524. JORT n° 65 du 15 août 2017, p. 2586.
97
2.1.3.2. Le travail de sexe exercé par des hommes ou des personnes ayant une sexualité non-conventionnelle : le déni et le châtiment Il est à noter que toutes les personnes interviewées représentant des organismes gouvernementaux n’évoquent pas spontanément le commerce du sexe masculin. En les interrogeant, ils répondent que celuici, même s’il existe, ne s’élève pas au rang de phénomène social. Ministère de la Santé (DSSB), Étude Qualitative sur les Facteurs de Vulnérabilité au VIH des Travailleurs et travailleuses du Sexe en Tunisie, Tunis, septembre 2015, avec le soutien de l’UNFPA et Aids Fonds, p. 31.
- Pour ce qui est du commerce du sexe exercé par des hommes: La définition légale de la prostitution ne faisant pas état de la prostitution masculine, les hommes qui s’y livrent sont généralement poursuivis pour d’autres faits relatifs aux mœurs, et notamment aux dispositions de l’article 230 du code pénal qui prévoit jusqu’à 3 ans de prison pour rapports sexuels entre adultes consentants du même sexe en dehors des crimes sexuels décrits dans ledit code, lesquels s’ajoutent, évidemment, à la peine (101). - En outre, la transsexualité est complètement ignorée et largement interdite en Tunisie. En effet, les interventions chirurgicales volontaires pour changement de sexe sont strictement interdites et renvoient le chirurgien auteur à des poursuites judiciaires pour atteinte à l’intégrité corporelle. Cette disposition médicolégale est enseignée aux étudiants en médecine dans le cours de la « Responsabilité médicale pénale ». Le harcèlement, les arrestations et les poursuites des personnes ayant une apparence non-conventionnelle se font souvent sur la base des articles 226 et suivants du code pénal qui pénalisent toute atteinte à la pudeur et à la moralité publique. 2.2. La législation discriminante La législation tunisienne et malgré des avancées considérables en matière des droits humains, comprend toujours de nombreuses poches de discrimination. Ces discriminations touchent principalement, les femmes, les enfants, les migrant-e-s et les détenu-e-s.
98
Propose cités in, Ministère de la Santé (DSB), Étude Qualitative sur les Facteurs de Vulnérabilité au VIH des Travailleurs et travailleuses du Sexe en Tunisie, Tunis, septembre 2015, avec le soutien de l’UNFPA et Aids Fonds, p.31. 101
2.2.1. Les femmes, majoritaires et pourtant discriminées(102) : Deux enquêtes nationales ont été faites, l’une publiée en 2010 indique que 47,6% des femmes âgées de 18 à 64 ans ont subi une violence au moins une fois dans leur vie. Le taux de violence le plus élevé concerne la vie privée et l’auteur en est le partenaire intime. Puis vient la violence dans l’espace familial et enfin, la violence dans l’espace public avec principalement des violences sexuelles. L’autre enquête, publiée en 2016, sur les violences dans l’espace public montre un taux de prévalence de 53,5% avec un taux de violence morale de 78,1%, de violence physique 41,2% et enfin de violences sexuelles de 75,4%. Coalition de la société civile (UGTT, LTDH, ATFD, FTDES, AFTURD en partenariat avec Euromed Droits et Cairo Institute, Rapport des parties prenantes, soumis à l’Examen périodique universel 27ème session, Tunisie, mai 2017 », p. 7.
Basée sur les principes d’égalité, de dignité et de liberté, la Constitution tunisienne du 27 janvier 2014, dispose dans son article 21 : « Les citoyens et les citoyennes sont égaux en droits et en devoirs. Ils sont égaux devant la loi sans discrimination. L’État garantit aux citoyens et aux citoyennes les libertés et les droits individuels et collectifs. Il leur assure les conditions d’une vie digne ». De même, elle a consacré un article clair et global sur les droits des femmes. En effet, l’article 46 de la Constitution dispose : « L’État s’engage à protéger les droits acquis de la femme et veille à les consolider et les promouvoir. L’État garantit l’égalité des chances entre l’homme et la femme pour l’accès aux diverses responsabilités et dans tous les domaines. L’État s’emploie à consacrer la parité entre la femme et l’homme dans les assemblées élues. L’État prend les mesures nécessaires en vue d’Eliminer la violence contre la femme ». Ces dispositions constitutionnelles ont été mises en application dans deux lois : la loi relative à la traite et celle portant sur la violence à l’égard des femmes : 102 Consulter: - BEN ACHOUR (Sana), Violences à l’égard des femmes : Les lois du genre, Tunis, Publication d’EuroMed Droits, mai 2016, 133 p. - CREDIF, La violence fondée sur le genre dans l’espace public en Tunisie, Tunis, Éditions CREDIF, 2016, 191 p. - ATFD, Enquête sur les conditions de travail des femmes en milieu rurale, Publications de l’ATFD avec le soutien du FNUD, septembre 2014, 71 p. - ATFD et FIDH, Guide des cent mesures pour l’éradication de violences a l’encontre des femmes et des petites filles, Publications de l’ATFD et de la FIDH, 2017, 70 p.
99
- Loi organique n° 2016-61 du 3 août 2016, relative à la prévention et la lutte contre la traite des personnes(103), interdit toute forme de traite : « détournement, le rapatriement, l’hébergement ou l’accueil de personnes, par le recours ou la menace de recours à la force ou aux armes ou à toutes autres formes de contrainte, d’enlèvement, de fraude, de tromperie, d’abus d’autorité ou d’une situation de vulnérabilité ou par l’offre ou l’acceptation de sommes d’argent ou avantages ou dons ou promesses de dons afin d’obtenir le consentement d’une personne ayant autorité sur une autre aux fins d’exploitation, quelle qu’en soit la forme, que cette exploitation soit commise par l’auteur de ces faits ou en vue de mettre cette personne à la disposition d’un tiers ». De même, qu’elle définit l’Exploitation sexuelle, comme étant : « L’obtention d’avantages de quelque nature que ce soit en livrant une personne à la prostitution ou tout autre type de services sexuels notamment, son exploitation dans des scènes pornographiques, à travers la production ou la détention ou la distribution, par quelconque moyen, de scènes ou matériels pornographiques ». Et de ce fait, l’exploitation sexuelle d’une femme constitue un crime de traite de personne, et soumise au régime mis en place par la loi du 3 août 2016 et notamment en matière de l’obligation de signalement. En effet, selon l’article 14 de cette loi, le signalement de cas de traite n’est plus facultatif, il s’agit d’une obligation et le non-signalement constitue une infraction. A ce niveau l’article 14 de la loi dispose : « Est puni d’un an d’emprisonnement et d’une amende de cinq mille dinars quiconque, s’abstient sciemment de signaler aux autorités compétentes, sans délai et dans la limite des actes dont il a eu connaissance, les faits, les informations, ou les renseignements concernant la commission des infractions de traite des personnes prévues par la présente loi. Est coupable de l’infraction de non signalement, quiconque tenu au secret professionnel et s’abstient à accomplir le devoir de signalement prévu par l’aliéna précédent si la victime est un enfant ou une personne incapable ou souffrant d’une infirmité mentale, ou qui s’abstient à signaler les faits, les informations, ou les renseignements, dont il a eu connaissance, relatifs à l’éventuelle commission des infractions de traite des personnes prévues par la présente loi ». Cette loi constitue une illustration de la disposition constitutionnelle, engageant l’État à éradiquer la violence à l’égard des femmes, toutefois la loi relative à la traite des personnes ne constitue qu’un aspect de cette 100
103
JORT n° 66 du 12 août 2016, p. 2524.
violence exercée sur les femmes, d’où l’adoption de la loi du 11 aout 2017. - La loi n° 2017-58 du 11 août 2017, relative à l’éradication de la violence à l’égard de la femme(104), est une loi intégrale qui a pour objectif de mettre en place toutes les mesures capables d’éradiquer toutes les formes de violences faites aux femmes en adoptant une approche intégrale basée sur la prévention, la poursuite des coupables, la protection des victimes et leur prise en charge(105). Ainsi, la loi couvre les différentes formes de violence : physique et matérielle, morale et psychologique, sexuelle, économique et elle lutte contre toute les formes de discrimination à l’égard de la femme en vue de réaliser une « égalité totale et effective »(106). La loi impose à l’État d’adopter une stratégie nationale de lutte contre la violence et met à la charge des différents intervenants publics (ministères de l’Éducation, de l’Enseignement, de la Santé, de l’Intérieur, de la Justice, de la Femme…), l’élaboration de programmes de sensibilisation, d’éducation et de formation en la matière(107). De préciser les droits des femmes victimes de violence et les enfants qui les accompagnent(108), de modifier les dispositions du code pénal en faveur de la reconnaissance de la spécificité des crimes contre les femmes et notamment le viol, le harcèlement sexuel, l’inceste, les mutilations génitales, le harcèlement conjugal(109), le harcèlement dans les espaces publics(110)… La loi a créé des Unités spécialisées auprès de la police et de la garde nationale, dans les affaires de violence faites aux femmes(111). La loi a développé les moyens de protection et les services liés à la prise en charge des victimes(112) et la création d’un observatoire national de lutte contre la violence faite aux femmes(113).
JORT n° 65 du 15 août 2017, p. 2586. Article 1er de loi 2017-58 du 11 août 2017, déjà citée. 106 Article 2 de loi 2017-58 du 11 août 2017, déjà citée. 107 Les articles 6 à 12 de loi 2017-58 du 11 août 2017, déjà citée. 108 Article 13 de loi 2017-58 du 11 août 2017, déjà citée. 109 Les articles 15 et 16 de loi 2017-58 du 11 août 2017 qui ont procédé à modifier et à compléter les articles 208, 218, 219, 221, 222, 223, 224, 226ter, 227, 227bis, 228 et 229. 110 Article 17 de loi 2017-58 du 11 août 2017, déjà citée. 111 Article 24 de loi 2017-58 du 11 août 2017, déjà citée. 112 Article 22 et ss. de loi 2017-58 du 11 août 2017, déjà citée. 113 Article 40 de loi 2017-58 du 11 août 2017, déjà citée 104 105
101
Ces grandes avancées apportées par la loi du 11 août 2017, ne doivent pas occulter les nombreuses dispositions discriminantes qui caractérisent encore la législation tunisienne et qui portent sur un ensemble de droits civils et politiques et certains droits économiques et sociaux des femmes. - Les inégalités au niveau des droits civils et politiques : Les femmes ne jouissent pas des mêmes droits civils que les hommes. En effet, le droit de la famille constitue encore une grave poche d’inégalité ce qui se traduit au niveau des droits suivants : • L’homme est toujours considéré dans le code du statut personnel (CSP) comme étant le Chef de famille(114), et de ce fait c’est lui qui a la tutelle sur les enfants (115); • La femme ne jouit pas des mêmes droits dans le choix du conjoint : alors que rien ni le Code du statut personnel ni les autres lois ne font allusion à la religion du futur époux, la femme tunisienne se voit contrainte, selon une circulaire du ministre de la Justice en date du 5 novembre 1973, de n’épouser qu’un homme de confession musulmane, et d’ailleurs quel que soit la confession de la femme, • La femme tunisienne n’octroie automatiquement pas sa nationalité à son époux non tunisien : La loi relative à la nationalité (article 13) reconnait à l’épouse étrangère d’un tunisien d’accéder à la nationalité sur simple déclaration. Toutefois, la même loi (article 21) ne reconnait pas ce droit aux époux étrangers des femmes tunisiennes qu’en procédant à la naturalisation ! - Les inégalités au niveau des droits socio-économiques : L’inégalité en matière d’héritage. Le droit tunisien est encore marqué par des inégalités flagrantes en matière successorale. En effet, les frères héritent le double de leurs sœurs (article 103 du CSP), le veuf s’il n’a pas d’enfants, hérite la moitié (article 101 du CSP) alors que la veuve dans la même situation (si elle n’a pas d’enfants) n’hérite que le tiers (article 107 du CSP) !
102
114 115
Article 23 dernier paragraphe, du Code du statut personnel. Article 154 dernier paragraphe, du Code du statut personnel
2.2.2. Les enfants, protection inachevée (116): Selon l’article 47 de la Constitution : « La dignité, la santé, les soins, l’éducation et l’instruction constituent des droits garantis à l’enfant par son père et sa mère et par l’État. L’État doit assurer aux enfants toutes les formes de protection sans discrimination et conformément à l’intérêt supérieur de l’enfant ». Cette disposition constitutionnelle fort importante est en fait la consécration dans le texte suprême, d’un Droit tunisien assez développé en matière de protection de l’enfant. En effet, la Tunisie a ratifié la Convention internationale relative aux droits de l’enfant(117), et a adopté depuis 1995, un code de protection de l’enfance(118). Un code qui a mis en place les principes et les mécanismes ayant pour objectif la protection de l’enfant et notamment ceux en danger. Toutefois, le droit tunisien qui constitue un cadre favorable à la protection de l’enfant, contient des aspects discriminatoires injustifiés : - Pour ce qui est du travail de l’enfant, alors que le principe est que l’âge de travail est 18 ans et le stage ou l’apprentissage pourrait commencer à 16 ans, nous remarquons que le droit tunisien, notamment le code du travail, permet d’engager des enfants dans les travaux agricoles et dans des travaux non agricoles (accompagnés d’un de leurs parents) à partir de 13 ans(119). Il en est de même, des travailleur-s-es domestiques qui pourraient être engagées à partir de 16 ans(120). Ces dispositions qui créent des situations discriminatoires à l’égard des enfants et ce en raison de leurs situations civiles, économiques, sociales et de santé sont très dangereuses en fragilisant les enfants et en les mettant dans des situations de vulnérabilité extrêmes. Ils/elles deviennent ainsi des cibles faciles des abus et d’exploitation. 116 Voir pour ce qui est des évolutions récentes en matière de protection de l’enfance : HAMMAMI-MARRAKCHI (AFEF), coordination., Les droits de l’enfant à la lumière de la constitution, Sfax, .CAEU Med Ali Éditions, 2016, 124 p 117 Loi numéro 91-92 du 29 novembre 1991, portant ratification de la Convention des Nations-Unies sur les droits de l’enfant, publiée au JORT par le décret numéro 91-1865 du 10 décembre 1991, JORT spécial numéro 84 du 10 décembre 1991, p. 1946. 118 Loi numéro 95-92 du 9 novembre 1995, relative à la promulgation du code de protection de l’enfance. 119 L’article 55 du code du travail dispose que l’âge d’admission des enfants au travail est abaissé à 13 ans dans les travaux agricoles légers non nuisibles à la santé et au développement normal des enfants et ne portant pas préjudice à leur assiduité et leur aptitude scolaire ni à leur participation aux programmes d’orientation ou de formation professionnelle agréés par les autorités publiques compétentes. 120 Loi numéro 65-25 du 1er juillet 1965, relative aux employés de maison, telle que modifiée par la loi numéro 2005-32 du 4 avril 2005.
103
Cette faille législative, commence à être dépassée, au niveau des textes juridiques récents : en effet, la loi 2017-13 du 13 mars 2017, a prévu des mécanismes pour la formation professionnelle obligatoire pour les enfants qui arrêtent leurs études de base à 16 ans(121). De même, la loi 2017-58 du 11 août 2017, sanctionne toute personne qui engage un enfant (n’ayant pas accompli ses 18 ans, d’après la définition de la même loi) ; comme travailleur domestique, d’une manière directe ou indirecte, de 3 à 6 mois d’emprisonnement et d’une amende de 2 mille à 5 mille dinars(122). - Pour ce qui est de la protection de l’enfant-victime : Le code de protection de l'enfance, qui constitue un acquis pour l›enfant tunisien, comporte une contradiction majeure: d'une part, il considère l'enfant victime d'exploitation sexuelle commerciale comme un enfant en danger ou menacé et d'autre part, l'enfant trouvé en situation d›exploitation sexuelle commerciale, est considéré, selon le même code, comme enfant en conflit avec la loi et risque la détention pour cause de « prostitution ou incitation à la débauche»(123). Cette situation doit être dépassée, et ce, après l’adoption de la loi relative à la traite des personnes (loi du 3 aout 2016) et la loi relative à l’éradication de la violence à l’égard de la femme (loi du 11 aout 2017). En effet, un des apports majeurs de ces textes est qu’ils considèrent l’enfant comme étant une victime d’exploitation et d’agression sexuelle et non pas comme étant un délinquant, et un auteur du crime, comme fut le cas dans le code pénal. D’ailleurs la loi de 2017, a modifié un ensemble d’articles du code pénal, pour l’harmoniser avec les droits de l’enfant et notamment, l’abrogation de l’article 227bis qui permettait le mariage du violeur et de la mineure. - Pour ce qui est des droits sexuels de l’enfant : le droit tunisien demeure un droit de déni des droits sexuels, pour les adultes mais et surtout pour les enfants. En effet, l’approche du droit tunisien en la matière est très marquée par la dimension pénale. En effet, la protection de l’enfant contre les agressions sexuelles ne doit pas faire de l’enfant un « objet ignorant en la matière ». Cette dimension on la rencontre même dans les textes le plus récents. En effet, la loi 2017-58 relative à l’éradication de la violence à l’égard de la femme, considère tout acte sexuel avec un enfant et entre enfants, sans recours à la violence, ni à la contrainte comme étant un crime JORT numéro 22 du 17 mars 2017, p. 228. Article 20 de la loi 2017-58 du 11 août 2017. 123 Ministère de la Santé (DSB), Étude Qualitative sur les Facteurs de Vulnérabilité au VIH des Travailleurs et travailleuses du Sexe en Tunisie, Tunis, septembre 2015, avec le soutien de l’UNFPA et Aids Fonds, p.75. 121 122
104
passible de 5 ans de prison. Cette disposition constitue un déni total de toute vie sexuelle des adolescentes. Ceci fait que la vie sexuelle de cette tranche d’âge est complètement ignorée et surtout sanctionnée. D’autant plus qu’aucune disposition légale n’exige une éducation sexuelle intégrale adaptée aux différents âges. 2.2.3. Les migrant-e-s, ignoré-e-s et discriminé-e-s : « L’accouchement, c’était la pire expérience de ma vie... La sage-femme a marqué sur mon dossier en rouge, en grands caractères, VIH... Tous les malades pouvaient le voir... Après on m’a mise toute seule dans une chambre... Sur la porte était affiché VIH positif... Tout ce que je voulais, c’était partir, sortir et rentrer chez moi... C’est une maladie du diable ». (R. migrante originaire du Gabon) Cité in, Médecins du Monde, Plaidoyer pour l’accès des migrants au droit à la santé en Tunis, Rapport, Tunis, décembre 2016, p. 50.
La Constitution tunisienne de 2014 reste complètement muette à l’égard des droits des migrants et des migrantes. La seule mention relative à la question ne porte que sur le droit d’asile politique (article 26 de la Constitution). Globalement, le droit tunisien n’est pas un droit qui procède par approche droits-humains pour ce qui est des étrangers. D’ailleurs, cette réglementation qui remonte à 1968 constitue un cadre très protecteur de l’ordre public contre les étrangers. En effet, la loi de 1968-7 du 8 mars 1968, relative à la condition des étrangers en Tunisie réglemente d’une façon sommaire la procédure d’interdiction du séjour en Tunisie, prévoyant la possibilité de décision d’expulsion à l’encontre de tout étranger dont la présence sur le territoire tunisien constitue une menace pour l’ordre public. « La généralité du concept d’ordre public utilisée comme fondement de la décision d’expulsion permet à l’administration d’y inclure les considérations d’ordre public sanitaire, sans que l’appréciation discrétionnaire de l’administration ne puisse être contrôlée par le juge. En effet, le décret de 1968 d’application de la loi prévoit qu’en cas de décision d’expulsion, le titre de séjour est retiré au migrant et qu’il doit donc quitter le territoire tunisien dans un délai de 8 jours (art.38) ; ce qui implique l’impossibilité de recours
105
en justice contre une éventuelle décision administrative d’expulsion qui serait prise sur la base de motif de santé, en l’occurrence l’infection au VIH »(124). Quant aux droits des étrangers en matière de VIH, la loi de 1992 relative aux maladies transmissibles telle que modifiée en 2007, prévoit un certain nombre de garanties des droits des personnes, en matière de prévention et de traitement des maladies transmissibles, dont l’infection au VIH, et qui s’appliquent à toutes et à tous, nationaux ou étrangers en Tunisie. Certes, la loi ne se réfère pas expressément aux droits des migrants, et aucun texte législatif n’a d’ailleurs été prévu à cet effet, néanmoins, la généralité de ses dispositions permet d’affirmer son application à toute personne concernée par le dispositif de la loi. La loi prévoit, en effet, le principe d’égalité et de non-discrimination à l’égard de toute personne, en matière de prévention et de traitement de ces maladies : « Nul ne peut faire l’objet de mesures discriminatoires à l’occasion de la prévention ou du traitement d’une maladie transmissible » (art 1er). Par ailleurs, la loi prévoit que les personnes atteintes des maladies listées comme maladies transmissibles, peuvent faire l’objet de mesures particulières, à caractère préventif, curatif ou éducatif, propres à chacune de ces maladies, prévues par des textes réglementaires. Cependant, ces mesures ne peuvent pas être attentatoires aux libertés et droits fondamentaux des personnes auxquelles elles s’adressent. La loi prévoit l’obligation de déclaration des maladies transmissibles, comme procédure permettant le suivi épidémiologique, à condition que ceci soit fait auprès des autorités sanitaires et dans le cadre de la confidentialité, préservant le secret médical, ainsi que l’a bien souligné le conseil constitutionnel dans son avis relatif à l’article 7 de la loi de 1992. La révision de la loi en 2007 a prévu que « le dépistage anonyme peut être effectué de façon volontaire par toute personne (...). Dans ce cas, les médecins sont tenus à l’occasion de ce dépistage, de ne pas divulguer l’identité du malade qui a opté pour le dépistage anonyme ».
106
124 Médecins du Monde, Plaidoyer pour l’accès des migrants au droit à la santé en Tunis, Rapport, Tunis, décembre 2016, p. 50.
Toutefois, la mise en application de la loi de 1992 en matière de droits d’accès aux soins et aux traitements, a été faite dans le cadre de la circulaire n° 16-2001 du 27 février 2001 relative à la lutte contre le VIH Sida, qui prévoit la limitation de l’accès gratuit aux traitements ARV aux patients tunisiens résidant en Tunisie, excluant ainsi les migrants de l’accès aux traitements. Ceci est clairement incompatible avec le cadre légal et stratégique en matière de lutte contre le VIH. Elle est en violation certaine de la loi de 1992 qui prévoit l’interdiction de discrimination en matière de traitement, et des engagements pris par la Tunisie sur le plan international à cet égard, et en contradiction avec les objectifs et les axes stratégiques arrêtés par le plan stratégique national de la riposte au VIH 2018-2022. Et pour réduire les effets discriminants de cette circulaire, le comité technique pour la prévention et la lutte contre le Sida, a établi des critères de priorité pour permettre l’accès des migrants à la trithérapie, privilégiant les étudiants et les femmes enceintes(125). Rappelons à ce niveau, que cet ensemble de droits, même limités, paraissent s’appliquer aux étrangers en situation légale en Tunisie, qu’en est-il des étrangers en situation illégale ? Le droit tunisien est très contraignant à l’égard des étrangers en situations illégales, d’où leur droit d’accès aux soins et traitements restent nonreconnus. Toutefois, la loi organique n°2016-61 du 3 août 2016, relative à la prévention et la lutte contre la traite des personnes(126), pourrait constituer un fondement pour apporter la prise en charge nécessaire aux migrants et migrantes dans la clandestinité. En effet, l’article 2 de cette loi définit la situation de vulnérabilité comme étant : « Toute situation dans laquelle une personne croit être obligée de se soumettre à l’exploitation résultant notamment du fait que c’est un enfant, de sa situation irrégulière, d’état de grossesse pour la femme, de son état d’extrême nécessité, d’un état de maladie grave ou de dépendance, ou de carence mentale ou physique qui empêche la personne concernée de résister à l’auteur des faits ». Ainsi, la personne en situation irrégulière (une migrante ou un migrant dans la clandestinité), pourrait bénéficier d’une protection de par les dispositions de 125 Rappelons à cet égard que les lignes directrices de l’OMS reconnaissent que les difficultés et limites de moyens peuvent amener les Etats à prévoir des critères de priorités. Néanmoins, ces critères ne devraient pas être discriminatoires sur la base de l’appartenance nationale, mais viser les besoins thérapeutiques des patients d’une manière non discriminatoire et équitable. In, Médecins du Monde, Plaidoyer pour l’accès des migrants au droit à la sante en Tunis, Rapport, Tunis, décembre 2016, p. 52. 126 JORT n° 66 du 12 août 2016, p. 2524.
107
cette loi. Cette reconnaissance claire de la protection de tout être humain quelle que soit sa situation vis-à-vis de la loi correspond parfaitement à l’approche droits-humains qui devrait constituer la norme en matière de droit d’accès à la santé.
Cette loi, qui s’inscrit dans la mouvance droits-humains des années 2000, nous semble intéressante au niveau des principes qu’elle institue. Toutefois, nombreuses sont les zones d’ombre qui sont utilisées pour entraver les droits humains des PVVIH, qui sont en prison.
De même, la récente loi relative à l’éradication de la violence à l’égard de la femme, reconnait dans son article 3 la protection de toutes les femmes et les enfants quelle que soit « la nationalité »(127).
- Des principes bénéfiques pour les PVVIH : La loi de 2001, renvoie clairement à un objectif « d’assurer l’intégrité physique et morale du détenu, de le préparer à la vie libre, et d’aider à sa réinsertion » et à cette fin « le détenu bénéficie de l’assistance médicale, et psychologique, de la formation et de l’enseignement, ainsi que de l’assistance sociale tendant à préserver les liens sociaux »(130).
Rappelons enfin, que la Constitution tunisienne dans son article 38 dispose clairement : « La santé est un droit pour tout être humain ». Cette notion d’être humain réunit toutes les personnes indépendamment du lien de nationalité, de présence légale ou illégale sur un territoire étatique donné. 2.2.4. Les détenu-e-s et le VIH : « L’incarcération est un véritable cauchemar… dès l’arrestation le mauvais traitement à cause de ma maladie commence… insultes, m’appeler à haute voix et devant tous les autres -eh le sidéen- … discriminé, isolé des autres détenus… qui même si je partage quelques moments de la journée ou quelques espaces avec eux, ils ne manifestent que la haine et quelques fois l’agression verbale et morale… mais rarement l’agression physique… mes meilleurs moments c’est lorsqu’on m’emmène aux soins… ». Témoignage d’une PVVIH qui a été incarcérée pour consommation de drogues. L’article 30 de la Constitution dispose : « tout détenu a droit à un traitement humain qui préserve sa dignité. Lors de l’exécution des peines privatives de liberté, l’Etat doit considérer l’intérêt de la famille et veiller à la réhabilitation du détenu et sa réinsertion dans la société». Toutefois le droit relatif aux prisons en Tunisie n’a pas été mis à jour après l’adoption de la constitution en 2014(128). En effet, la réglementation des prisons est soumise à la loi numéro 200152 du 14 mai 2001, relative à l’organisation des prisons(129). Article 3 loi 2017-58 du 11 août 2017, loi déjà cité. Seule la réglementation relative à l’arrestation et a la détention ont fait l’objet d’un amendement du code de procédure pénale, en vertu de la loi numéro 2016-05 du 16 février 2016, portant modification de certaines dispositions du Code de procédure pénale, (CPP). 129 JORT numéro 40 du 18 mai 2001, p. 1132. 127 128
108
La loi a essayé de lutter contre la discrimination à l’égard des détenue-s. En effet, la classification des détenues se fait sur la base de critères objectifs : l’âge, le sexe, la nature de l’infraction et la situation pénale des détenu-e-s (selon que le détenu soit primaire ou récidiviste)(131). Ainsi, les critères basés sur la religion, la langue, la couleur et l’état de santé ne doivent pas être à l’origine de la classification des détenues. La loi reconnait la gratuité des soins et des médicaments à l’intérieur des prisons, et à défaut dans les établissements hospitaliers, et ce sur avis du médecin de la prison(132). Cette disposition est très importante dans le cas des PVVIH en prison. Ainsi, les PVVIH (quelles que soient leurs nationalités) ont le droit à la gratuité des soins et médicaments. Le droit à l’assistance sociale : les articles 37 à 39 de la loi de 2001, mettent en place un système d’aide sociale assurée par des bureaux spéciaux créés au sein de chaque prison. Cette assistance a pour objectif d’aider à la réhabilitation et à la réinsertion des détenues. Cette disposition pourrait servir les PVVIH détenu-e-s, à la formation, l’enseignement, et à réintégrer la société après avoir purgé leurs peines. Ces principes qui semblent être bénéfiques pour les détenu-e-s y compris les PVVIH, peuvent être remis en cause par des dispositions de la même loi d’une part et par des pratiques discriminatoires et stigmatisantes d’autre part. - Des dispositions ouvrant la voie devant la discrimination et la stigmatisation : La loi de 2001, soumet à tout-e détenu-e, dès son 130 131 132
Article 1er de la loi 2001-52 du 14 mai 2001, déjà citée. Article 6 de la loi 2001-52, déjà citée. Article 17 de la loi 2001-52, déjà citée.
109
incarcération, à la visite médicale du médecin de la prison, s’il s’avère qu’il est atteint d’une maladie contagieuse, il est isolé dans un pavillon aménagé à cet effet ». Cette disposition, même si elle ne s’applique qu’aux maladies contagieuses (alors que le VIH est transmissible et non contagieux), pourrait être utilisé, vu l’amalgame entre contagieux et transmissibles, contre les PVVIH et procéder à les isoler dans des pavillons spécifiques. De même, la divulgation des informations relatives au statut sérologique des détenu-e-s entraine souvent un comportement discriminatoire et stigmatisant à l’égard des PVVIH.
110
Référentiel VIH et droits humains Tome 2
Troisième Partie :
Les recommandations issues du cadre juridique A - La forme de la modification B - Le contenu de la réforme
Troisième Partie
Après 28 ans de la promulgation de la loi 92-71 du 27 juillet 1992, relative aux maladies transmissibles, 28 ans depuis la création de la première association tunisienne active dans le domaine de lutte contre le VIH, le Sida et les IST, le bilan du droit tunisien en la matière reste mitigé. Des avancées certes en matière des Droits Humains, mais un grand nombre de dispositions qui freinent encore les droits des PVVIH et des populations clés et vulnérables. Pour dépasser ces lacunes et faire du droit applicable aux PVVIH et aux populations clés et vulnérables un droit en harmonie avec les dispositions de la Constitution du 27 janvier 2014 et les différentes conventions dûment ratifiées par la Tunisie, nous recommandons les reformes suivantes : Recommandation préalable et transversale : Il est important de mettre en place la Cour constitutionnelle et d’en élire ou désigner les membres. Cette dernière pourrait aider à traduire les dispositions de la constitution en ce qui concerne les principes d’égalité, de liberté et de dignité. Ainsi, elle aura à se prononcer sur l’ensemble des droits humains des tunisiens et tunisiennes et notamment les PVVIH et les personnes clés et vulnérables en tenant aussi compte des principes et standards des droits humains consignés dans les traités et conventions internationaux relatifs aux droits humains dûment ratifiés par la Tunisie.
A. La forme de la modification La loi de 1992 n’est pas une loi ayant pour objectif la protection des droits des PVVIH, et elle ne s’inscrit pas dans une approche droits-humains intégrale, d’où la nécessité de l’adapter aux exigences des DH en la matière. Pour assurer cette adaptation du cadre juridique de 1992, nous proposons deux scenarii : 1. Modifier la loi de 1992 : 114
La modification de la loi 92-71 entrainera certes la consécration d’un chapitre spécifique au VIH et au Sida.
Ce chapitre mettra l’accent sur : - L’approche globale dans le traitement de la question du VIH et du Sida : observation, prévention, traitement, lutte, populations clés et vulnérables, évaluation et suivi… - L’officialisation du Programme nationale de lutte contre le VIH/Sida (PNLS) et la clarification de la procédure de son élaboration et mise en application. Ce chapitre s’articulera autour des sections suivantes : la prévention (section 1), la prise en charge (section 2), le suivi et l’évaluation (section 3), les droits des PVVIH et des populations clés et vulnérables (section 4) et le rôle des ONG et des défenseur-e-s des droits des droits des PVVIH (section 5). 2. Adopter une loi spécifique aux PVVIH : Pour doter le VIH, le Sida et les PVVIH ainsi que les populations clés et vulnérables d’un cadre spécifique conçu originellement pour la thématique et dans une logique entièrement droits humains, il serait pertinent de proposer un projet d’une loi organique relative aux droits des PVVIH et des populations clés et vulnérables. Ce projet mettra clairement l’accent sur : - Les principes qui gouvernent la matière : l’égalité, la non-discrimination, la lutte contre la stigmatisation y compris à l’égard de certaines populations clés et vulnérables telles que les migrant-e-s ou les personnes se trouvant sur le territoire tunisien, les HSH, les utilisateurs des drogues injectables, les FTS, les HTS, les détenus, les adolescent.e.s… - Le droit des PVVIH à la prise en charge médicale, sociale, psychologique et à l’aide juridique ; - Le renforcement des droits des PVVIH et leur protection dans le milieu du travail, leurs droits familiaux, leur droit à une vie digne (y compris le droit au logement) ; la couverture sociale intégrale… - La prise en considération de la spécificité de certaines populations clés : TS, UDI, LGBTQI++.. - La prise en considération de la spécificité de certaines populations minorées et/ou discriminées : les femmes, les enfants, les migrant-e-s, les détenues…
115
- L’appuie du rôle des ONG et des défenseur-e-s des droits humains des PVVIH ;
- Appuyer les droits des PVVIH à la liberté d’association, et considérer les associations des PVVIH comme étant des associations d’intérêt public ;
- Le renforcement et l’adaptation des sanctions et des infractions commises à l’égard des PVVIH,
- Reconnaitre clairement les droits civils des PVVIH : droit de constituer une famille ou non, droit à la garde et à la visite en cas de divorce…
- L’insistance sur les peines alternatives sous forme de travail d’intérêt public au profit des PVVIH et des associations de défense de leurs droits.
B. Le contenu de la réforme : Quelle que soit la forme à adopter (modification de la loi de 1992 ou promulgation d’une loi spécifique aux PVVIH), le cadre juridique portant sur le VIH et le Sida (la loi de 1992) et sur les droits des PVVIH (l’ensemble des textes juridiques : code du travail, code de protection de l’enfance, code du statut personnel, loi relative aux prisons…) doit être revu et adapté aux exigences constitutionnelles et conventionnelles. A ce niveau nous avançons les recommandations suivantes : 1. La prise en charge et les droits sociaux - Il faut que la prise en charge complète soit le principe pour l’ensemble des PVVIH (se trouvant sur le territoire tunisien : tunisiens résidents ou nonrésidents, étrangers en situation légale ou illégale) ; - Considérer le Sida comme étant une maladie chronique dans la liste de ces maladies (liste de la CNAM), et lui appliquer le régime juridique qui va avec ; - Considérer les PVVIH, parmi les personnes prioritaires en matière de logement social ; 2. Le renforcement des droits économiques et sociaux des PVVIH - Formuler clairement l’interdiction de toute forme de discrimination ou de stigmatisation à l’égard des PVVIH, et des populations clés et vulnérables et sanctionner cette infraction ; - Interdire formellement tout licenciement (pour cause du VIH ou du Sida) ou traitement discriminatoire à l’égard des PVVIH dans le milieu du travail ; 3. Le renforcement des droits civils et politiques des PVVIH
116
- Protéger la vie privée et les données se rapportant au statut sérologique des personnes et sanctionner lourdement (forte amende et travail pour l’intérêt public) toute divulgation de ces données,
4. supprimer les pénalisations injustifiées des populations clés - Pour les TS : Les recommandations des instances internationales vont vers la dépénalisation du travail du sexe comme moyen d›amélioration de l’accessibilité des TS aux soins et de garantir leurs sécurité et dignité. Ainsi, nous recommandons de supprimer la pénalisation des TS de l’article 231 du code pénal et de se limiter aux dispositions de la loi du 3 aout 2016 relative à la lutte contre la traite des personnes qui pénalise toute exploitation sexuelle des femmes et les dispositions de la loi du 11 aout 2017, relative à l’élimination de la violence à l’égard des femmes ; - Pour les personnes LGBTQI+ : Réforme du code pénal en abrogeant l’article 230 pénalisant l’homosexualité, et les articles 226 et suivants se rapportant à l’atteinte à la pudeur, qui s’appliquent souvent aux personnes ayant une sexualité non conventionnelle. Permettre le changement de sexe et la modification de l’identité de genre qui va avec ; - Pour les usagers de drogues : Adopter le nouveau projet de loi relatif aux stupéfiants, qui abrogera et remplacera la loi 92-52 du 18 mai 1992. Un projet qui sera basé sur une véritable approche préventive et curative. Un projet qui dépénalisera la consommation et la détention en vue de consommation, et qui mettra l’accent sur le combat du trafic et des grands trafiquants ; 5. Supprimer les discriminations à l’égard des populations minorées - Le renforcement des droits des femmes : Les nombreuses discriminations à l’égard des femmes, n’ont plus de justification aujourd’hui. En effet, la Constitution du 27 janvier 2014 déclare l’égalité des citoyens et des citoyennes devant la loi sans discrimination (article 21) et l’obligation faite à l’État de conserver les acquis en matière des droits des femmes et leur promotion, et l’éradication de toutes les formes de violence faites aux femmes (article 46), y compris les violences institutionnalisées (celles contenues dans des textes juridiques datant des années 1913- le code pénal-, 1956 –le CSP-, 1966 – code du travail…).
117
La loi organique du 11 août 2017, relative à l’éradication de la violence à l’égard de la femme, qui constitue aujourd’hui un fondement juridique de valeur supérieure, servira à établir « une égalité complète et effective dans les domaines civils, politiques, économiques, sociaux et culturels… et d’éradiquer toute forme de discrimination basée sur la couleur, la religion, la langue, l’opinion, l’âge, la nationalité, l’origine ethnique, ou les considérations économiques, sociales, l’état civil, ou l’état de santé, ou le handicap… ». Ainsi, il est temps d’établir cette « égalité complète et effective » dans tous les domaines et à commencer par le Droit en le nettoyant des résidus des systèmes inégalitaires et discriminatoires : • Établir l’autorité parentale à titre égal entre le père et la mère, • Reconnaitre à la femme tunisienne l’octroi automatique de sa nationalité à son époux étranger, - Établir l’égalité parfaite en matière successorale, - Abroger les circulaires inconstitutionnelles et illégales entravant le droit de la tunisienne au libre choix de son conjoint quelle que soit sa confession… - L’appui du statut de l’enfant : Le droit tunisien de l’enfant devrait être renforcé par l’interdiction ferme du travail des enfants avant l’âge de 18 ans, et le développement pour ceux/ celles qui arrêtent leurs études avant cet âge des programmes de formation et d’insertion ; La distinction de la majorité sexuelle de la majorité pour le mariage ; La reconnaissance du droit à une éducation sexuelle complète ; La reconnaissance d’un statut clair à l’enfant vivant avec le VIH ou affecté par le VIH ; La révision du Code de protection de l’enfant en vue d’intégrer la notion de « l’enfant victime » qui permettra de protéger les enfants contre toutes les formes d’exploitation sexuelle et ne plus traiter les enfants en « situation d’exploitation sexuelle commerciale » comme des enfants en conflit avec la loi.
118
De même, réfléchir à d’autres modes et lieux pour placer les enfants : il est vrai que la protection de l’enfant contre un environnement familial et social
le mettant en danger d’exploitation sexuelle commerciale est une mesure qui s’impose parfois mais son placement dans un centre correctionnel risquerait de nuire à son développement psychologique surtout lorsque la prise en charge globale et intégrée est insuffisante et le suivi après la fin de la période de placement fait défaut. - La reconnaissance claire des droits des migrant-e-s Cette reconnaissance passe en premier lieu par un engagement clair de l’État Tunisien pour garantir le statut et les droits des migrants. . La révision la réglementation, notamment la circulaire de 16-2001, en vue de garantir la gratuité des examens obligatoires et l’extension de la couverture de l’assurance maladie à tous les étudiants étrangers inscrits dans les établissements de l’enseignement publics ou privés ; • Réviser la loi 68-7 du 8 mars 1968, relative à la situation des étrangers en Tunisie et l’adapter aux évolutions constitutionnelles et conventionnelles en matière des DH des étrangers et notamment le droit à la santé reconnu a « tout être humain » par la constitution de 2014 ; • Mettre en place une réglementation de la migration qui, garantit le respect de la dignité et des droits fondamentaux des migrants, et ce, en accélérant la finalisation et l’adoption du projet de loi en cours ; • Adopter une loi condamnant expressément le racisme et la discrimination dans toutes ses formes ; accélérer l’adoption du projet de loi déposé depuis décembre 2016 auprès de l’ARP, • Prévoir des mécanismes de plainte et de recours efficaces pour les migrantes victimes de discrimination ou de pratiques abusives relatives à l’accès aux soins et aux services de santé ; • Mettre en place une cellule auprès de l’Instance des droits de l’Homme, l’actuelle Commission nationale des droits de l’Homme et des libertés fondamentales et la reconduire dans la future Instance des DH, prévue par l’article 128 de la Constitution et dont le projet de loi est en cours de finalisation ; • Mettre en œuvre l’interdiction de discrimination prévue par la loi sur les maladies transmissibles en matière de prévention et de traitement de ces maladies, en supprimant la limitation de l’accès au traitement ARV aux seuls nationaux ;
119
• Prévoir l’interdiction de discrimination à l’égard du migrant sur la base de son statut viral ; • Prévoir un système pour la prise en charge et la couverture sanitaire des migrants ; • Intégrer les catégories les plus vulnérables parmi les migrants, dans les systèmes d’aide sociale à la santé ; - Plus de protection des PVVIH dans les prisons : • Cette protection nécessite une formation des cadres et agents du milieu carcéral en matière de VIH, de sa transmission et des droits des PVVIH. • La protection des informations relatives au statut sérologique des PVVIH en détention ; • La gratuité parfaite des soins et traitements pour tous les détenues, y compris les étrangers. • La prise en considération de la spécificité des PVVIH dans les pavillons, au niveau de leur protection contre les agressions et la stigmatisation. • Procéder par des peines alternatives pour les PVVIH.
120
Référentiel VIH et droits humains Tome 2
Annexe
Annexe
Description du traité /de la Convention
Liste des conventions internationales relatives aux droits humains ratifiées par la Tunisie Description du traité /de la Convention
Nom
Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants
CAT
Protocole facultatif à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants Pacte international relatif aux droits civils et politiques Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes
124
Date de signature
Date de ratification, d’adhésion (a), de succession (d)
26 août 1987
23 sept. 1988
CAT-OP
29 juin 2011 (a)
CCPR
30 avr. 1968
18 mars 1969
CED
06 févr. 2007
29 juin 2011
CEDAW 24 juil. 1980
Nom
Date de signature
Convention internationale sur l’élimination de toutes CERD 12 avr. 1966 les formes de discrimination raciale Pacte international relatif aux droits économiques, CESCR 30 avr. 1968 sociaux et culturels Convention relative aux CRC 26 févr. 1990 droits de l’enfant Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, CRC22 avr. 2002 concernant l’implication OP-AC d’enfants dans les conflits armés Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente CRC22 avr. 2002 d’enfants, la prostitution des OP-SC enfants et la pornographie mettant en scène des enfants Convention relative aux droits des personnes CRPD 30 mars 2007 handicapées
Date de ratification, d’adhésion (a), de succession (d) 13 janv. 1967
18 mars 1969 30 janv. 1992
02 janv. 2003
13 sept. 2002
02 avr. 2008
Source : Haut-commissariat des Nations-Unies pour les Droits de l’Homme
20 sept. 1985
125
Référentiel VIH et droits humains Tome 2
Bibliographie
Bibliographie
1. JORT n°50 du 31 juillet 1992, p. 939. 2. JORT n°14 du 16 février 2007, p. 484. 3. Décret fixant les conditions et les formes de déclaration des maladies transmissibles et des décès dus à ces maladies, JORT n°97 du 21 décembre 1993, p. 2140 4. VIH et droits humains ; Guide de bonnes pratiques ; Alliance Ensemble pour mettre fin au Sida ; p. 7; disponible sur le site suivant : http://www. aidsalliance.org/resources; Voir aussi : https://www.ohchr.org/FR/issues/Pages/WhatareHuman Rights.aspx 5. https://tbinternet.ohchr.org/_layouts/15/TreatyBodyExternal/Treaty. aspx?CountryID=178&Lang=FR Consulté le 11 octobre 2020 6. https://www.ohchr.org/fr/professionalinterest/pages/coreinstruments. aspx 7. https://www.ohchr.org/FR/ProfessionalInterest/Pages/InternationalLaw. aspx 8. https://www.ohchr.org/FR/HRBodies/Pages/Overview.aspx 9. Pour de plus amples informations sur le système de surveillance des DH par les mécanismes spécifiques, consultez : https://www.ohchr.org/FR/ HRBodies/Pages/Overview.aspx
12. https://www.ohchr.org/FR/Issues/HIV/Pages/HIVIndex.aspx 13. https://www.ohchr.org/FR/Issues/HIV/Pages/HIVIndex.aspx 14. Pour l’état des lieux du respect des engagements internationaux des DH par la Tunisie ; consulter : Les recommandations faites à la Tunisie par les mécanismes du système des droits de l’Homme des Nations Unies ; examens périodiques universels ; organes des traités et procédures spéciales » ; Bureau du Haut-commissariat aux droits de l’Homme en Tunisie ; mise à jour novembre 2017 ; 116 p. Disponible sur le lien suivant : http://adlitn.org/sites/default/files/les_recommandations_faites_a_la_ tunisie_par_les_mecanismes_du_systeme_des_droits_de_lhomme_des_ nations_unies_1.pdf 15. Il s’agit là de l’approche recommandée par les directives internationales. Voir à titre d’exemple, la Commission des droits de l’homme des Nations Unies, protection des droits de l’homme dans le contexte du VIH et du sida, résolutions du 3 mars 1995 et du 4 mars 1994. 16. Voir pour l’ensemble de ces recommandations, Guide pratique à l’intention du législateur sur le VIH/ Sida, la législation et les droits de l’homme, Genève, ONUSIDA et Union interparlementaire, 1999. 17. Dans ce cadre les directives internationales tendent à l’amélioration des plans de financement et des mécanismes d’orientation nécessaires pour assurer l’accès à des traitement abordables y compris aux médicaments antirétroviraux, aux diagnostics et aux technologies connexes ainsi qu’à des soins médicaux palliatifs et psychosociaux de qualité. Voir à ce niveau, la déclaration d’engagement sur le VIH/sida : A crise mondiale, action mondiale, Session extraordinaire de l’Assemblée Générale des Nations Unies sur le Sida 25-27 juin 2001. 18. Préambule et article 12 qui dispose : “l’État œuvre à la réalisation de la justice sociale”.
10. Voir aussi la Loi organique n° 2018-33 du 6 juin 2018, autorisant l’adhésion de la République Tunisienne au «Le Protocole de Maputo à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples» relatif aux droits des femmes en Afrique
19. Pour plus de détail concernant les droits humains lors du confinement ; consulter : « Les libertés individuelles aux temps du coronavirus : Rapport sur l’état des lieux des libertés durant le confinement mars-juin2020 » ; Association Tunisienne de Défense des Libertés individuelles (ADLI) 22 juillet 2020; disponible sur le lien suivant ;
11. https://www.achpr.org/fr_legalinstruments/detail?id=14 Consulté le 11 octobre 2020
http://adlitn.org/sites/default/files/1._rapport_version_integrale_fr_ar_ ang_0.pdf
129
20. Article 230 du Code pénal, « la sodomie… est punie de l’emprisonnement pendant trois ans ».
29. Selon l’expression de l’article 61 du code du travail n°73-2 du 26 septembre 1973, adopté par la loi n°73-57 du 19 novembre 1973.
21. Article 1er du décret n°74-1604 du 28 novembre 1974, relatif à la définition de la mission et des attributions du ministère de la Santé Publique, JORT du 3 décembre 1974, p. 2653.
30. Article 6 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, tel que ratifié par la Tunisie en vertu de la loi n°91-1664 du 4 novembre 1991, JORT n°81 du 2 novembre 1991, p. 1876.
22. Article 2 code de déontologie médicale, tel que promulgué par le décret n°93-1155 du 17 mai 1993, JORT n°40 du 28 mai et 1er juin 1993, p. 764.
https://pvsq.org/traitements-du-vih/ et https://www.lecrips-idf.net/ professionnels/dossiers-thematiques/vih-sida-bases-france/dossier-basestraitements-VIH.htm Consulté le 11 octobre 2020
23. Articles 11 et s. de la loi 92-71 du 27 juillet 1992, 24. Article 3, code de déontologie médicale JORT n°40 du 28 mai et 1er juin 1993, p. 764. 25. Témoignage d’une femme de 21 ans, célibataire, in «Tunisie : l’espoir de vivre « normalement »», 02/06/2016 Par Heni Yangui, propos recueillis par Sophie L’Huillier. 26. Tous les répondants, y compris celles et ceux qui ont recours à la médecine alternative, disent avoir une bonne relation avec leur médecin, le seul, selon eux, à écouter leur inquiétude, à répondre à leurs questions, et à donner des conseils pour vivre normalement. In «Tunisie : l’espoir de vivre « normalement »», 02/06/2016 Par Heni Yangui, propos recueillis par Sophie L’Huillier. 27. Article 214 du code pénal, tel que modifié par la loi n°65-24 du 1er juillet 1965 et par le décret-loi n°73-2 du 26 septembre 1973, adopté par la loi n°73-57 du 19 novembre 1973. 28. A ce niveau, l’article 17 de la loi n°83-112 du 12 décembre 1983, portant statut général des personnels de l’État, des collectivités publiques locales et des établissements publics à caractère administratif, stipule que « nul ne peut être nommé à un emploi de fonctionnaire … 5. s’il ne remplit les conditions d’aptitude physique et mentale nécessaires pour l’exercice des fonctions auxquelles il postule, sur tout le territoire de la République ».
130
L’article 153-2 du code du travail dispose que « les services de médecine du travail…sont chargés notamment de l’examen et du suivi de la santé des travailleurs et de leurs aptitudes physiques à effectuer les travaux exigés d’eux aussi bien au moment de l’embauche qu’au cours de l’emploi … ». Il en est de même pour ce qui est de l’article 61 du code du travail qui exige l’examen médical d’aptitude des adolescents à l’emploi.
33. Article 14 du code du travail. 34. Voir : www.aidslaw.ca : Vivre avec le VIH. Connaître ses droits, Réseau juridique canadien VIH/sida, 2013 35. http://cocqsida.com/vih-info-droits/accommodement.html Consulté le 11 octobre 2020 Article 14 quater, code du travail. 36. J. Foyer et L. Khaiat (sous dir.), Droit et Sida Comparaison internationale, Paris, CNRS Editions, 1994, pp. 14-15. 37. Convention Internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, adoptée par l’AG des Nations Unies le 7 mars 1966, ratifiée le 13 janvier 1967. La Tunisie vient d’adopter la loi organique n° 2018-50 du 23 octobre 2018, relative à l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (JORT n°, 86, 2018, p. 3582) 38. Loi n° 68-30 du 29 novembre 1968 autorisant l’adhésion de la Tunisie au Pacte International relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et au Pacte International relatif aux droits civils et politiques (JORT, n° 51 p. 1260) 39. Loi n° 68-26 du 27 juillet 1968 Portant adhésion de la Tunisie au protocole relatif au statut des réfugiés (JORT, n° 31 /1968, pp. 862-863). 40. Loi 85-68 du 12 juillet 1985 Portant ratification de la convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (JORT, n° 54/1985, P.919). Retrait des réserves : Décret-loi 103 du 24 octobre 2011 (JORT, n° 82/2011, pp. 246-247) 41. Loi n° 91-92 du 29 novembre 1991 portant ratification de la convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant (JORT, n° 82/1991, p. 1980). Retrait de la réserve n° 2 et de la déclaration n° 2 par la loi n° 2001-84
131
du 1er août 2001, portant approbation du retrait d’une déclaration et d’une réserve parmi les déclarations et réserves annexées à la loi n° 91-92 du 29 novembre 1991, portant ratification de la Convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant (JORT, n° 62, 2001, p. 1980). Retrait de la déclaration 1 et des réserves n° 1 et 3 par la loi n° 2008-36 du 9 juin 2008, portant approbation du retrait de la déclaration n° 1 et des réserves n° 1 et n° 3 annexées à la loi n° 91-92 du 29 novembre 1991, portant ratification de la convention des Nations Unies des droits de l’enfant (JORT n° 49, 1991, p.1860) 42. Loi n°2008-4 du 11 février 2008, portant approbation de la Convention relative aux droits des personnes handicapées et du Protocole facultatif se rapportant à cette convention et décret n° 2008-568 du 4 mars 2008 portant ratification de la Convention relative aux droits des personnes handicapées et du Protocole facultatif se rapportant à cette convention (JORT n° 20, 2008 p. 872) 43. Tunisie : l’espoir de vivre « normalement », 02/06/2016 Par Heni Yangui, propos recueillis par Sophie L’Huillier. 44. Nul ne sera l’objet d’immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance ni d’atteintes à son honneur et à sa réputation. Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes. 45. Article 254 code pénal. 46. L’article 8 de ce code dispose : « le secret professionnel s’impose à tout médecin, sauf dérogations établies par la loi ». 47. JORT n°61 du 30 juillet 2004, p. 1988. 48. Loi n°2017-42 du 30 mai 2017, portant ratification de l’adhésion de la Tunisie a la Convention du Conseil de l’Europe numéro 108, pour la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel, JORT n°45 du 6 juin 2017. La Tunisie a déposé le 18 juillet 2017 les instruments de ratification auprès du Conseil de l’Europe, elle deviendra membre de la Convention le 1er novembre 2017. 49. www.coe.int/fr/web/conventions/full-list/-/conventions/treaty/108 132
50. JORT n°53 du 3 novembre 1964, p. 1275.
51. Article 2, loi n°64-46 du 3 novembre 1964. 52. Voir le modèle du certificat médical prénuptial annexé à l’arrêté du ministre de la Santé Publique du 16 décembre 1995, fixant le modèle du certificat médical prénuptial et les mentions qu’il doit comporter. JORT n°103 du 27 décembre 1995. 53. Modèle du certificat médical prénuptial annexé à l’arrêté du ministre de la Santé Publique du 16 décembre 1995, fixant le modèle du certificat médical prénuptial et les mentions qu’il doit comporter. JORT n°103 du 27 décembre 1995 54. Code du statut personnel, tel que promulgué par le décret du 13 août 1956, JORT n°104 du 28 décembre 1956. 55. Article 31, code du statut personnel. 56. Article 54, code du statut personnel 57. Article 253 code pénal. 58. Selon l’article 7 de la loi de 1992 « la déclaration des maladies prévues à l’article 3 est obligatoire ». 59. Article 7 loi n°92-71 du 27 juillet 1992. 60. Article 9 de la constitution. 61. Les articles 253 et s. code pénal. 62. Selon l’article 5 de la loi de 1992 : « au sens de la présente loi, est désigné par autorité sanitaire tout médecin, médecin dentiste, pharmacien ou biologiste relevant du ministère de la Santé Publique et agissant dans le cadre de ses attributions ou ayant reçu délégation spéciale pour exercer des prérogatives prévues par la présente loi ». 63. JORT n°97 du 21 décembre 1993, p. 2140. 64. Article 3 du décret n° 2451 du 13 décembre 1993. 65. Articles 1 et 2 du décret n° 2451 du 13 décembre 1993. 66. Article 7 de la loi n°92-71 du 27 juillet 1992 relative aux maladies transmissibles. 67. JORT n°50 du 31 juillet 1992, p. 939. 68. JORT n°14 du 16 février 2007, p. 484.
133
69. Ces centres ont permis le dépistage d’environ 8000 personnes malgré leur récent établissement.
de la règle juridique, in Etre homosexuel au Maghreb, LACHHEB (Monia), sous dir. Edition IRMC- KARTHALA, 2016, pp. 171-196.
70. Article 12 de la loi n° 92-71 du 27 juillet 1992 relative aux maladies transmissibles.
- FERCHICHI (Wahid) SAGHIEH (Nizar), Homosexual relations in the penal codes, General study relating in the laws in the Arab countries with a report on Lebanon and Tunisia, Beirut, HELM, 2009.
71. Livre ressource de l’OMS sur la santé mentale, les droits de l’Homme et la législation, 2000 ; lien : https://ec.europa.eu/health/sites/health/files/ mental_health/docs/who_resource_book_en.pdf 72. Article 17 de la loi n° 92-71 du 27 juillet 1992 relative aux maladies transmissibles. 73. Article 18 de la loi n° 92-71 du 27 juillet 1992 relative aux maladies transmissibles. 74. Article 19 de la loi n° 92-71 du 27 juillet 1992 relative aux maladies transmissibles. 75. Livre ressource de l’OMS sur la santé mentale, les droits de l’Homme et la législation, 2000 ; lien : https://ec.europa.eu/health/sites/health/files/ mental_health/docs/who_resource_book_en.pdf 76. articles de 201 à 217 du code pénal . 77. Commission Mondiale sur le VIH et le Droit, « Risques ,Droit et santé »,2012,lien : https://plateforme-elsa.org/wp-content/uploads/2014/03/ FinalReport-RisksRightsHealth-FR.pdf 78. Articles 12 , 13, 15, 16 de la loi n° 92-71 du 27 juillet 1992 relative aux maladies transmissibles. 79. JORT numéro 37 du 9 mai 2017, p. 1480. 80. Depuis cette date, un grand nombre de jugements, dans les affaires de consommation, sont prononcés avec sursis à exécution. 81. Dans une Etude de terrain menée par Avocats Sans Frontières ; intitulée « L’échec de la loi 52 : la partie visible de l’iceberg » ; il a été clairement démontré que le nombre de personnes arrêtées, jugées et condamnées sur la base de la loi 52 n’a pas diminué par rapport à la période 2011-2017 ; mais bien au contraire le chiffre a augmenté. Etude sous-presse, Tunis, ASF ; 2020. 134
82. Pour les études les plus récentes en la matière, voir : - Ferchichi (Wahid), L’homosexualité en droit tunisien ou de l’homophobie
- EL FEKI (Shereen), La révolution du plaisir, enquête sur la sexualité
dans le monde arabe, Editions Autrement, 2014.367 p.
- BEN ALAYA (Dorra), Facteurs psychosociaux et prévention du VIH/Sida chez les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes, in Le corps dans toutes ses libertés, sous dir Ferchichi (Wahid), Tunis, Edition ADLI, 2017, pp.219-248. 83. “Coalition Tunisienne pour les droits des personnes LGBTQI+, Rapport des parties prenantes, Examen périodique universel de la Tunisie, 3eme Cycle, mai 2017 », p. 22. 84. Ce code fut promulgué par le décret Beylical du 9 juillet 1913, Journal Officiel du 1er octobre 1913, n° 79. 85. Cet article n’a jamais fait l’objet de modification. 86. Consulter pour une vue globale et précise sur l’état des droits des personnes LGBTQI+=, “Coalition Tunisienne pour les droits des personnes LGBTQI+, Rapport des parties prenantes, Examen périodique universel de la Tunisie, 3eme Cycle, mai 2017 » 87. Ministère de la Santé (DSB), Étude Qualitative sur les Facteurs de Vulnérabilité au VIH des Travailleurs et travailleuses du Sexe en Tunisie, Tunis, septembre 2015, avec le soutien de l’UNFPA et Aids Fonds, p. 58. 88. Traduction officielle, numéro spécial du JORT, 20 avril 2015. 89. La Tunisie a ratifié ce Pacte en vertu de la loi n°1968-30 du 29 novembre 1968. 90. Traduction officielle, numéro spécial du JORT, 20 avril 2015. 91. La Tunisie a ratifié cette convention en vertu de la loi n°88-79 du 11 juillet 1988, publiée au Journal Officiel par le décret n°88-1800 du 20 octobre 1988. 92. Traduction officielle, numéro spécial du JORT, 20 avril 2015. 135
93. La Tunisie a ratifié cette convention en vertu de la loi n°85-68 du 12 juillet 1985 et publiée au Journal Officiel par le décret n°91-1821 du 25 novembre 1991.
102. Consulter: - BEN ACHOUR (Sana), Violences à l’égard des femmes: Les lois du genre, Tunis, Publication d’EuroMed Droits, mai 2016, 133 p.
94. Il en est de même de la Convention contre la torture qui annonce clairement l’interdiction de toute forme de torture infligée à une personne « pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination quelle qu’elle soit » (article 1er). La Convention internationale relative aux droits de l’enfant adoptée le 20 novembre 1989, rappelle dans son article 2 que « les Etats parties s’engagent à respecter les droits qui sont énoncés dans la présente Convention et à les garantir à tout enfant relevant de leur juridiction, sans distinction aucune…ou toute autre situation ».La Tunisie a ratifié cette convention en vertu de la loi n°91-92 du 29 novembre 1991 et publiée au Journal Officiel par le décret n°91-1865 du 10 décembre 1991).
- CREDIF, La violence fondée sur le genre dans l’espace public en Tunisie, Tunis, Editions CREDIF, 2016, 191 p.
95. Observations génales numéro 20 paragraphe 32, numéro 19 en ce qui concerne le droit à la sécurité sociale paragraphe 29, observation numéro 18 concernant le droit au travail paragraphe 12, observation numéro 15 droit de l’eau paragraphe 13, observation numéro 14 droit au meilleur état de santé possible paragraphe 18 96. (A/HRC/RES/17/19) 97. Assemblé Générale des Nations Unies 14 juillet 2011 : Résolution adoptée par le conseil des droits de l’Homme 17/19 : Droits de l’Homme, orientation sexuelle et identité de genre. 98. Adoptée lors de la 55ème Session ordinaire de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples tenue du 28 avril au 12 mai 2014, à Luanda, Angola Lien : CADHP/Res.275(LV)2014 : https://www.achpr.org/fr_sessions/ resolutions?id=322 99. JORT n° 66 du 12 août 2016, p. 2524. 100. JORT n° 65 du 15 août 2017, p. 2586. 101. Propose cités in, Ministère de la Santé (DSB), Étude Qualitative sur les Facteurs de Vulnérabilité au VIH des Travailleurs et travailleuses du Sexe en Tunisie, Tunis, septembre 2015, avec le soutien de l’UNFPA et Aids Fonds, p.31. 136
- ATFD, Enquête sur les conditions de travail des femmes en milieu rurale, Publications de l’ATFD avec le soutien du FNUD, septembre 2014, 71 p. - ATFD et FIDH, Guide des cent mesures pour l’éradication de violences a l’encontre des femmes et des petites filles, Publications de l’ATFD et de la FIDH, 2017, 70 p. 103. JORT n° 66 du 12 août 2016, p. 2524. 104. JORT n° 65 du 15 août 2017, p. 2586. 105. Article 1er de loi 2017-58 du 11 août 2017, déjà citée. 106. Article 2 de loi 2017-58 du 11 août 2017, déjà citée. 107. Les articles 6 à 12 de loi 2017-58 du 11 août 2017, déjà citée. 108. Article 13 de loi 2017-58 du 11 août 2017, déjà citée. 109. Les articles 15 et 16 de loi 2017-58 du 11 août 2017 qui ont procédé à modifier et à compléter les articles 208, 218, 219, 221, 222, 223, 224, 226ter, 227, 227bis, 228 et 229. 110. Article 17 de loi 2017-58 du 11 août 2017, déjà citée. 111. Article 24 de loi 2017-58 du 11 août 2017, déjà citée. 112. Articles 22 et ss. de loi 2017-58 du 11 août 2017, déjà citée. 113. Article 40 de loi 2017-58 du 11 août 2017, déjà citée 114. Article 23 dernier paragraphe, du Code du statut personnel. 115. Article 154 dernier paragraphe, du Code du statut personnel 116. Voir pour ce qui est des évolutions récentes en matière de protection de l’enfance: HAMMAMI-MARRAKCHI (AFEF), coordination., Les droits de l’enfant à la lumière de la constitution, Sfax, Med Ali Editions, 2016, 124 p. 117. Loi numéro 91-92 du 29 novembre 1991, portant ratification de la Convention des Nations-Unies sur les droits de l’enfant, publiée au JORT
137
par le décret numéro 91-1865 du 10 décembre 1991, JORT spécial numéro 84 du 10 décembre 1991, p. 1946. 118. Loi numéro 95-92 du 9 novembre 1995, relative à la promulgation du code de protection de l’enfance.
130. Article 6 de la loi 2001-52, déjà citée. 131. Article 17 de la loi 2001-52, déjà citée. portant modification de certaines dispositions du Code de procédure pénale, (CPP).
119. L’article 55 du code du travail dispose que l’âge d’admission des enfants au travail est abaissé à 13 ans dans les travaux agricoles légers non nuisibles à la santé et au développement normal des enfants et ne portant pas préjudice à leur assiduité et leur aptitude scolaire ni à leur participation aux programmes d’orientation ou de formation professionnelle agréés par les autorités publiques compétentes. 120. Loi numéro 65-25 du 1er juillet 1965, relative aux employés de maison, telle que modifiée par la loi numéro 2005-32 du 4 avril 2005. 121. JORT numéro 22 du 17 mars 2017, p. 228. 122. Article 20 de la loi 2017-58 du 11 août 2017. 123. Ministère de la Santé (DSB), Étude Qualitative sur les Facteurs de Vulnérabilité au VIH des Travailleurs et travailleuses du Sexe en Tunisie, Tunis, septembre 2015, avec le soutien de l’UNFPA et Aids Fonds, p.75. 124. Médecins du Monde, Plaidoyer pour l’accès des migrants au droit à la santé en Tunis, Rapport, Tunis, décembre 2016, p. 50. 125. Rappelons à cet égard que les lignes directrices de l’OMS reconnaissent que les difficultés et limites de moyens peuvent amener les Etats à prévoir des critères de priorités. Néanmoins, ces critères ne devraient pas être discriminatoires sur la base de l’appartenance nationale, mais viser les besoins thérapeutiques des patients d’une manière non discriminatoire et équitable. In, Médecins du Monde, Plaidoyer pour l’accès des migrants au droit à la sante en Tunis, Rapport, Tunis, décembre 2016, p. 52. 126. JORT n° 66 du 12 août 2016, p. 2524. 127. Article 3 loi 2017-58 du 11 août 2017, loi déjà cité. 128. Seule la réglementation relative à l’arrestation et a la détention ont fait l’objet d’un amendement du code de procédure pénale, en vertu de la loi numéro 2016-05 du 16 février 2016, JORT numéro 40 du 18 mai 2001, p. 1132. 138
129. Article 1er de la loi 2001-52 du 14 mai 2001, déjà citée.
139
© ONFP/ ASF 2021 Programme d’appui du Fonds Mondial de lutte contre le Sida, la tuberculose et le paludisme pour la Tunisie: « Améliorer l’accès aux services de prévention et de traitement ainsi que les droits humains des populations clés en Tunisie ». Publié par: Office National de la Famille et de la Population 7 rue Hattab Bouchnaq, Centre Urbain Nord 1082 Tunis, Tunisie & Avocats Sans Frontières - Tunisie 6 Rue d’Izmir, Mutuelle ville,Tunis, Tunisie Date d’édition : Juin 2021
TOME 3
Référentiel VIH et droits humains
Écrire et communiquer sur le VIH, les PVVIH et les droits humains.
Juin 2021
Référentiel VIH et droits humains/ Tome 3
Référentiel VIH et droits humains
TOME 3 Écrire et communiquer sur le VIH, les PVVIH et les droits humains.
1
Référentiel VIH et droits humains Tome 3
Partenaires
OFFICE NATIONAL DE LA FAMILLE ET DE LA POPULATION Adresse : 07 rue Hattab Bouchnaq, Centre urbain nord, 1082 Tunis. Tél. : (+216) 70 729 090 Fax : (+216) 70 728 855 Adresse Email. : boc.onfp@rns.tn Portail : www.onfp.tn AVOCATS SANS FRONTIÈRES, BUREAU DE TUNIS Adresse : rue Azmir, Notre Dame, Tunis. Tél. : (+216) 71 894 002 Fax : (+216) 71 894 002 Site web : www.asf.com DIRECTION DES SOINS DE SANTÉ DE BASE/ PROGRAMME NATIONAL DE LUTTE CONTRE LES IST ET LE SIDA (PNLS) Adresse : Rue Elkortum, Tunis Belvédère Tél. : (+216) 71 789 148 Fax : (+216) 71 789 679 ASSOCIATION TUNISIENNE DE LA SANTÉ DE LA REPRODUCTION Adresse : 14 rue Ibrahim Ibn Abedelrafii, Cité El khadra 1003 Tunis Tél. : (+216) 71 808 935 / 71 808 952 Fax. : (+216) 71 808 953 Adresse Email. : atsr@atsrtn.org Site Web : atsrtn.org ASSOCIATION TUNISIENNE D’INFORMATION ET D’ORIENTATION SUR LE SIDA ET LA TOXICOMANIE Adresse : 43 Avenue Hédi saidi Beb Saadoun Tunis Adresse Email : atiost.sida.toxicomanie@gmail.com Tél. : (+216) 71 957 544 Fax. : (+216) 71 957 511 Site Web : www.atiost.org.tn 4
ASSOCIATION TUNISIENNE DE PRÉVENTION POSITIVE Adresse : 9, rue 7443, Ardh Hrichi, Manar 1 Tel : (+216) 36 381 108/07 Adresse Email. : association.atpp@gmail.com
ASSOCIATION TUNISIENNE DE LUTTE CONTRE LES MALADIES SEXUELLEMENT TRANSMISSIBLES ET LE SIDA – BUREAU NATIONAL DE SFAX Adresse : Avenue 5 aout, Rue du 19 juillet, 3002 Sfax Tél. : (+216) 74 203 500 Fax. : (+216) 74 228 397 Adresse Email. : atl.bn.sfax@gmail.com ; Site web : www.atlmstsida.com ASSOCIATION TUNISIENNE DE LUTTE CONTRE LES MALADIES SEXUELLEMENT TRANSMISSIBLES ET LE SIDA – SECTION DE TUNIS Adresse : 7, Rue El Khalil, Menzeh 8, 2037 Tél. : (+216) 70 866 186 Fax. : (+216) 70 866 588 Adresse Email. : atlsidatunis@gmail.com Site web : atltunis.org MÉCANISME DE COORDINATION TUNISIENNE POUR LA RIPOSTE AUX FLÉAUX SANITAIRES Adresse : 101 Avenue d’Afrique El Menzeh 5, 2091 Ariana Tunis, Tunisie Tél. : (+216) 71 230 396 Fax. : (+216) 71 230 396 Adresse Email. : ccm.tunisie@ccmtunisie.org.tn Site web: www.ccmtunisie.org.tn PROGRAMME COMMUN DES NATIONS UNIES SUR LE VIH / SIDA - BUREAU DE TUNIS c/o OMS Rue du Développement - Cité el Khadhra 1053 Tunis Tél. : (+216) 71 155 636 Fax. : (+216) 71 155 634 Email : SouaL@unaids.org Site web: www.unaids.org
5
Référentiel VIH et droits humains Tome 3
Comité de pilotage
Comité de pilotage
Auteur : Pr Sadok Hammami, Consultant, Maître de conférences, Institut de Presse et des Sciences de l’information. Coordination et suivi : • Unité de gestion du programme Fonds Mondial, Office national de la famille et de la population, Tunisie. Dr Mohamed Kheireddine Khaled, Coordinateur du Programme Fonds Mondial de lutte contre el Sida, la tuberculose et le paludisme Dr Lamia Ben Hassine. Chargée de la communication et de la coordination entre les régions et point focal VIH et droits humains. • Avocats sans frontières -Tunisie Mme Najia Bounaimi, Directrice pays. Mme Amira Derbali, Coordinatrice de projet VIH et droits humains Assistance technique international du Fonds Mondial : M. Christian Tshimbalanga Mwata : Consultant international en santé et droits humains. Comité de pilotage : • Mécanisme de coordination Tunisienne pour la Riposte aux Fléaux Sanitaires (CCM) Pr Mohamed Chakroun, Président du CCM. Chef de service des maladies infectieuses, Centre Hospitalo-Universitaire Fattouma Bourguiba, Monastir, Tunisie.
8
• Programme national de lutte contre les infections sexuellement transmissibles et le Sida, Direction des soins de santé de Base (PNLS -DSSB- Ministère de la santé) Dr Faouzi Abid, Médecin principal de santé publique. Chef de service des maladies infectieuses et Coordinateur des programmes nationaux de lutte contre le Sida, la tuberculose et le paludisme.
• Programme commun des Nations unies sur le VIH/sida (ONUSIDA) M Lassaad Soua. Directeur pays. • Représentant de l’Office national de la famille et de la population, Bénéficiaire principal de la subvention du Fonds Mondial Dr Fatma Temimi, sous-directrice des services médicaux et coordinatrice du programme Fonds Mondial à l’ONFP. • Représentants des ONG Sous récipiendaires Mme Irzek Knitech, Directrice exécutive. Association Tunisienne pour la Santé de la Reproduction. Mme Houyem Boukassoula, Psychologue clinicienne. Secrétaire Général. Association Tunisienne d’Information et d’Orientation sur le Sida et la Toxicomanie. Mme Souhaila Ben Said, Présidente. Association Tunisienne de Prévention Positive. Dr Faten Msakni, Asistante sociale. Association Tunisienne de Lutte contre les Maladies Sexuellement Transmissibles et le Sida, Bureau National, Sfax. Mr Oussama Bouagila, Juriste. Association Tunisienne de Lutte contre les Maladies Sexuellement Transmissibles et le Sida, Bureau Tunis. • Avocats sans frontières -Tunisie Mme Najia Bounaim. Mme Amira Derbali. M Lamine Ben Ghazi. Coordinateur de projets. • Unité de gestion du programme Fonds Mondial, Office national de la Famille et de la Population, Tunisie Dr Mohamed Khaled Kheireddine. Dr Lamia Ben Hassine. Comité de lecture et de révision linguistique du document : Dr Farouk Ben Mansour, Consultant chargé de la lecture et de la révision linguistique du document. Dr Lamia Ben Hassine. Mme Amira Derbali.
9
Référentiel VIH et droits humains Tome 3
Résumé
Résumé
Référentiel presse et communication PREMIERE PARTIE Ecrire sur le VIH, les PVVIH et les Droits Humains Introduction
Ce référentiel traite des conditions à remplir pour écrire sur le VIH et ses porteurs, tant d’un point de vue éthique qu’éditorial. Il s’adresse principalement aux journalistes et aux professionnels des médias. Il peut également intéresser des créateurs de contenus de santé et des influenceurs de l’opinion publique de divers domaines. Il présente et analyse le traitement médiatique des problématiques liées au VIH /Sida sur des bases éthiques et professionnelles. Rôle des médias dans la lutte contre la discrimination et la stigmatisation: Les médias informent les citoyens sur divers aspects de la vie et recherchent des faits crédibles documentés, permettant aux destinataires de réfléchir et de prendre des positions appropriées en étant bien informé sur les sujets présentés de manière objective et responsable. 1) Rôle des médias dans la riposte au VIH:
Au début du Sida, les médias, comme la télévision tunisienne, n’étaient pas persuadés de la nécessité de mener des campagnes de sensibilisation sur sa gravité du VIH et que des mesures préventives devraient être prises. Leur intérêt au sujet était occasionnel, tel que la célébration de la Journée mondiale de lutte contre le Sida. Le rôle de la presse est de rechercher la vérité et d’informer les citoyens sur les événements de la vie politique, sociale et culturelle. Il ne doit pas devenir un outil de promotion pour les institutions et organisations travaillant dans le domaine de la lutte contre le sida, qui peuvent s’appuyer sur leurs propres moyens de sensibilisation.
12
2) Cadre juridique du journalisme et des droits humains::
Ce cadre se compose de la constitution, de chartes, de lois et de décrets. La constitution comprend des dispositions relatives aux libertés d’opinion, d’expression, d’information, de publication et du droit d’accès à l’information. Ce cadre définit également les contrôles liés aux droits et libertés auxquels il est possible de recourir dans des cas exceptionnels. 3) Cadre normatif du journalisme tunisien:
On entend par, cadre normatif, un ensemble de références éthiques et professionnelles auxquelles adhèrent les professionnels, basé sur la Charte du Syndicat National des Journalistes avec ses quatorze principes, dont le premier est «la recherche de la vérité». le dernier principe, ajouté en 2014, insiste sur «La défense des valeurs d’égalité et le rejet de toute forme de discrimination». En outre, de nombreuses institutions se sont engagées à respecter des pactes éditoriaux fondés sur les valeurs démocratiques, la liberté et les traités internationaux. 4) Le Journalisme basé sur les droits humains:
Le respect des droits humains par les journalistes les transforment en principes professionnels et en fait des journalistes des défenseurs et des soutiens. Dans cette perspective, le journalisme guette les violations de ces droits et les transforme en informations. Les droits humains sont basés sur la non-discrimination ainsi que le respect des normes internationales et des principes humanitaires. Parmi les plus importants de ces principes figurent: 1) La non-discrimination qui prend en compte les groupes vulnérables. 2) La responsabilité pour garantir l’exactitude des informations obtenues. 3) Voir et juger dans quelle mesure l’autorité respecte les droits de l’Homme. 4) La collaboration avec les intéressés, en faisant en sorte que les groupes vulnérables présentent les propositions et solutions qu’ils imaginent pour surmonter les problèmes dans lesquels ils vivent. 5) Renforcer les capacités de ces groupes. 6) Rechercher les moyens de communiquer avec les médias pour faire entendre leurs voix.
13
5) Informer, interpréter et donner la parole:
L’un des avantages du journalisme des droits humains est qu’il raconte les histoires humaines des groupes séropositifs, leurs problèmes et leurs situations, de diverses manières; telles que des reportages, des rapports d’interprétation, des articles, des rapports, des enquêtes et des portraits. Le journaliste reste libre dans la méthode qu’il choisit pour présenter le sujet. Les connaissances du grand public sur le VIH et le SIDA sont très modestes. Le journalisme d’interprétation peut aborder ce sujet en clarifiant et en expliquant ses diverses dimensions ambiguës, afin que le lecteur puisse trouver la réponse aux questions qui lui viennent à l’esprit. Pour ce qui est du journalisme de solutions, il peut jouer un rôle important dans la promotion des initiatives de la société civile visant à lutter contre le VIH ou à défendre les porteurs de ce virus. 6) Conseils et principes de la couverture journalistique du VIH:
Nous rapportons dans ce qui suit quelques conseils d’experts tunisiens pour faire face au VIH. Sensibiliser et éduquer les citoyens à travers les médias de masse tels que les films de sensibilisation / éducation. Mettre l’accent sur l’importance du dépistage du VIH et des compagnes de sensibilisation. Etendre la couverture médiatique sur le VIH tout au long de l’année et ne pas se limiter à l’événementiel ( La journée mondiale du 1er Décembre) Établir un partenariat stratégique entre les associations actives dans le domaine et les organisations médiatiques. Encourager les journalistes à approfondir leurs connaissances dans le domaine du VIH/SIDA. Utilisez un langage non discriminatoire à l›égard des populations clés et des PVVIH selon une approche indépendante et dans le respect de l›éthique journalistique.
Stratégies de communication dans le cadre de la riposte au VIH Introduction: Cette deuxième partie traite de la gestion de la communication dans le domaine de la lutte contre le VIH et concerne les communicants chargés de communication, de relations publiques...etc, dont le rôle diffère de celui des journalistes. Précisons d’abord que La communication consiste, ici, à sensibiliser et à éduquer. Elle vise à changer les comportements et à corriger la perception de la population générale sur les PVVIH et les persuader de renoncer à la stigmatisation et à la discrimination. La transmission du VIH se produit par actes et gestes qui sont autres que les interactions sociales communes de la vie en société. 1) L’émergence, le développement et la transformation de la communication et des stratégies de communication dans le domaine de la lutte contre le VIH:
Les acteurs de la communication dans le domaine du VIH en Tunisie sont: La direction des soins de santé de base et la direction de la médecine scolaire et universitaire au sein du Ministère de la santé et l’Office National de la Famille et de la Population ainsi que certaines organisations non gouvernementales de la société civile. Les messages de sensibilisation étaient de nature institutionnelle et sont parfois inadaptés au contexte tunisien, car influencés par des références étrangères provenant des bibliographies de pays de culture différente. L’absence d’une stratégie nationale structurée et convenue a dispersé les efforts des acteurs et a limité le changement des comportements à l’échelle nationale. 2) La Gestion des campagnes de communication:
Elle implique la préparation au préalable d’un certain nombre d’étapes afin de garantir l’arrivée aux objectifs tracés. Préparer le plan de communication, avec la définition du public cible, les activités à entreprendre pour atteindre les objectifs fixés, le budget, le calendrier d’exécution du plan de travail et l’évaluation des indicateurs de succès. Diagnostiquer l’état de la communication. Cela nécessite une analyse préalable des connaissances du public sur le sujet, par un brainstorming dans un groupe de discussion ou par un sondage sur les réseaux sociaux.
14
Déterminer les données à transmettre pour changer les comportements
15
et fixer des objectifs mesurables. Identifier les groupes cibles afin d’adapter le contenu du discours de sensibilisation à leurs caractéristiques sociétales et à l’intérêt qu’ils portent au sujet. Il existe de nombreux moyens de communication tels que les affiches, les brochures, les flashs radiophoniques ou télévisés, les séminaires et l’utilisation des médias numériques. 3) L’importance des médias dans les campagnes de communication:
Les campagnes de communication tiennent compte de l’importance des médias, de leur diversité, de leurs politiques éditoriales et de leur audience. Dans ce contexte, la scène médiatique tunisienne est davantage concernée par la diversité idéologique et politique. Nous notons également que la plupart des médias en Tunisie ont une dimension globale, à l’exception de certains cas, comme «la radio culturelle», alors que la dimension locale demeure encore limitée. La consommation des médias tunisiens: Une enquête sur l’utilisation des médias en Tunisie a montré que 99% des Tunisiens sont équipés de la télévision, 88% la regardent au moins une fois par jour, 92% possèdent un téléphone portable et 86% l’utilisent au moins une fois par jour. Et que 39% des familles possèdent un ordinateur de bureau et 34% un ordinateur portable. Les résultats de cette enquête ont montré que la télévision est le média le plus utilisé pour accéder aux informations. 4) Conseils pour éviter la stigmatisation des groupes clés par la communication:
Se concentrer sur les faits de la vie. - Mesurer l’impact pour valoriser les contenus réussis et initier l’amendement si nécessaire. Se concentrer sur la catégorie des personnes vivant avec le VIH. - Impliquer les décideurs, les célébrités ou les personnes influentes. - Promouvoir la formation et l’apprentissage hors des studios fermés vers le monde des personnes vivant avec le VIH. Améliorer la qualité du contenu des actualités dans le domaine. 5) Normes pour traiter avec la presse: 16
Normes éthiques: Elles sont nécessaires à la mission du journaliste pour
établir une relation de confiance avec le destinataire. Dans cet esprit, les journalistes tunisiens ont créé un code d’honneur et un code d’éthique journalistique qui garantissent l’honnêteté, l’intégrité et le respect de la morale publique. Normes professionnelles: Respecter la périodicité des publications et les heures de diffusion pour les émissions radio ou télévisées. Les relations à travers les médias n’obéissent pas à des occasions particulières du fait qu’elles sont stratégiques et basées sur la confiance, la coopération et le respect de l’éthique professionnelle. Elles font partie d’une politique de communication plus globale et à long terme basée sur des objectifs clairs. 6) Ce qu’un journaliste devrait savoir sur le VIH:
Le VIH est un virus qui infecte les cellules du système immunitaire lesquelles aident le corps à combattre les infections. L’intervalle de temps entre la transmission du virus et l’apparition des signes de l’infection est en moyenne de 10 ans. Le virus se transmet par les pratiques sexuelles, le lait maternel et l’usage collectif des seringues d’injection des drogues. Le traitement du sida avec les antirétroviraux n’entraîne pas l’éradication totale et complète du VIH mais limite sa reproduction, permettant ainsi au système immunitaire de fonctionner normalement. Lorsque le virus a une faible charge dans le corps, la détection de sa présence ne peut pas être faite. Ce qui nécessite le recours à une analyse approfondie qu’est la mesure de «la charge virale» dans le sang. De telles situations ne dispensent pas du traitement antirétroviral. Les maladies qui peuvent affecter les personnes vivant avec le VIH sont essentiellement la tuberculose, les hépatite de type «B» et «C». A mesure que les porteurs du VIH vieillissent, apparaissent des maladies cardiovasculaires , des cancers et le diabète. Le virus est détecté en recourant à un test rapide d’une goutte de sang. En cas de doute on a recours à une analyse de laboratoire (Test Elisa ou Western-Blot). Les personnes les plus exposées au virus sont celles qui pratiquent des rapports sexuelles non protégées, les utilisateurs des drogues injectables en groupe avec la même seringue et l’utilisation de tout matériel souillé par
17
un sang suspect. La transmission du VIH peut être évitée en utilisant les préservatifs au moment des rapports sexuels, en évitant le partage de la même aiguille lors de l’utilisation de drogues injectables. 7) Comment prévenir la transmission verticale du virus?
Le virus peut être transmis de la mère à l’enfant pendant la grossesse, l’accouchement ou l’allaitement. Cela peut être évité avec des médicaments antirétroviraux pour la mère et le nouveau-né. Parmi les mesures préventives figurent la prévention des grossesses non désirées chez les femmes porteuses du VIH et l’abstention de l’allaitement au sein dès la naissance. 8) Quelle est la signification d’un traitement préventif avant la survenue d’une infection par le virus?
La prophylaxie pré-exposition est un traitement avec des médicaments antiviraux que les personnes non infectées peuvent prendre pour ne pas contracter le virus lors d’un comportement à risque. Il est recommandé pour les groupes les plus vulnérables à l’infection au VIH.
Remarque: Le texte original comporte en additif les documents suivants: Ce que doit savoir le journaliste au sujet du VIH. La charte pour une bonne couverture médiatique des questions d’asile et de migration mixte en période de crise: La crise de l’épidémie du virus Covid-19 en Tunisie. Le code d’éthique du «Syndicat des journalistes tunisiens».
18
Référentiel VIH et droits humains Tome 3
Sommaire
8. Informer, expliquer, donner la parole : approches éditoriales novatrices pour un journalisme sensible aux droits humains 68
Sommaire
8.1. Les genres d’information
68
8.2. Experts tunisiens et couverture journalistique de la riposte au VIH 70 8.3. Idées d’articles sur le VIH et les PVVIH pour les journalistes tunisiens 71 Première partie : Écrire sur le VIH, PVVIH et droits humains 1. Introduction
8.4. Comment les journalistes peuvent-ils échapper aux stéréotypes sociaux 72 39 40
2. La lutte contre la discrimination et la stigmatisation des populations clés et la promotion des droits humains 41 3. Le rôle des médias tunisiens dans la riposte contre le VIH / Sida 45 3.1. Les faiblesses de la couverture médiatique du VIH
3.2. Journalisme ou communication : la distinction nécessaire
46 47
3.3. Les effets de la censure et de l’autocensure et le droit de la représentation 48 3.4. Les obstacles à une bonne couverture du VIH
4. Ce que les journalistes doivent savoir sur le VIH
50 52
5. Le cadre juridique du journalisme tunisien et les droits humains 57
10. Recommandations pratiques pour le traitement journalistique responsable et éthique du VIH et du Covid 19 75 10.1. Conseil de la "South African Media Aids "pour le traitement du VIH et des PVVIH dans les médias 75 10.2. Les principes d’un traitement responsable du Coronavirus : Recommandations de "Ethical Journalism Network" (EJN) pour un traitement responsable et éthique du coronavirus 76 10.3. Couvrir le COVID-19 : Les conseils du professeur d'épidémiologie de Harvard Bill Hanage 76 10.4. Comment parler du Coronavirus sans tomber dans la désinformation 77 Deuxième partie : La communication sur le VIH, le Sida et les droits humains : Principes et méthodes 79
5.1. Le Pacte International relatif aux droits civils et politiques
57
5.3. Le décret-loi n° 115 2011 de l’impression et de l’édition
58
2. Émergence et évolution de la communication sur le VIH et le Sida en Tunisie 81
60
3. Les caractéristiques de la communication sur le VIH et le Sida 82
5.2. L’article 31 de la nouvelle constitution tunisienne 5.4. Le décret-loi n° 2011-116 du 2 novembre 2011 5.5. Les cahiers des charges établis par la HAICA 6. Le cadre normatif du journalisme tunisien
58 59 62
7. Le journalisme basé sur l’approche fondée sur les droits humains 65 7.1. Définition du journalisme sur les droits humains
7.2. Fondement du journalisme sur les droits humains 22
9. Terminologie : Les mots que les journalistes doivent éviter en traitant du VIH 73
65 66
1. Introduction
80
4. Les campagnes de communication
84
4.2. L’analyse de la situation
85
4.1. Importance d’un plan de communication et de planification
84
4.3. Comment définir les objectifs des campagnes de communication 85 4.4. Les cibles de la communication
86
23
4.5. Définir le public cible
87
4.6. Les messages de communication
87
4.7. Les actions de communication
87
4.8. Le Budget
87
4.9. Les indicateurs de réussite pour mesurer la réalisation des objectifs 88 5. L’importance des médias dans les campagnes de communication 89 5.1. La consommation des médias
90
5.2. Les relations presse et leurs outils
90
5.3. Les dispositifs de plainte non judiciaire contre un programme ou un contenu journalistique 94 6. Les recommandations pour combattre la stigmatisation des populations clés par la communication 95 7. Mots à éviter pour les communicants
97
Troisième partie : Contacts utiles pour les journalistes
101
Annexes
112
Bibliographie
24
119
25
Référentiel VIH et droits humains Tome 3
Abréviations
Abréviations
ASF
ATIOST ATLMST ATP+
ATSR
CAPFVV CCM-Tunisie
CeTuMA CRT
DAMJ
DSSB FIJ
GFATM HAICA MdM MST
OMS
ONFP
28
ONG
: Avocats Sans Frontières.
: Association Tunisienne d’Information et d’Orientation sur le SIDA et de la Toxicomanie.
: Association Tunisienne de lutte contre le Sida et les Maladies Sexuellement Transmissibles. : Association Tunisienne de Prévention Positive.
: Association Tunisienne de la Santé de la Reproduction.
: Centre d’Assistance Psychologique aux Femmes Victimes de Violences.
: Country Coordianting Mechanismou Mécanisme de Coordination Nationale pour le programme du Fonds mondial de lutte contre le Sida, la tuberculose et le paludisme). : Centre de Tunis pour la Migration et l'Asile. : Croissant Rouge Tunisien.
PIDCP
: Pacte International relatif aux droits civils et politiques.
PVVIH
: Personnes vivant avec le VIH.
PNUD SIDA
SMART SNJ
SNJT SPJ
TAP
TROD VIH
: Programme des nations unies pour le développement. : Syndrome d’immunodéficience acquise.
: Specific, Measurable, Achievable, Relevant and Time-bound. : Syndicat National des Journalistes français.
: Syndicat National des Journalistes Tunisiens.
: Society of Professional Journalists/ Association Américaine des Journalistes Professionnels. : Agence Tunis Afrique Presse.
: Test Rapide d’Orientation Diagnostique. : Virus de l’immunodéficience humaine :
: Association Tunisienne pour la justice et l’égalité. : Direction des Soins de Santé de Base.
: Fédération Internationale des journalistes.
: Fonds mondial de lutte contre le Sida, la tuberculose et le paludisme.
: Haute Instance Indépendante de la Communication Audiovisuelle. : Médecins du Monde.
: Maladies Sexuellement Transmissibles. : Organisation mondiale de la santé.
: Office National de la Famille et de la Population. : Organisation Non Gouvernementale.
29
Référentiel VIH et droits humains Tome 3
Encadrés
Encadrés
Listes des encadrés de la première partie
Listes des encadrés de la deuxième partie
Encadré n°1 : Le rôle du journalisme démocratique et protection des droits humains
Encadré n° 1 : La communication sur le VIH et le Sida en Tunisie, un aperçu historique.
Encadré n°2 : Les médias tunisiens et le VIH
Encadré n° 2 : Les recommandations du Cadre de communication sur le VIH/Sida.
Encadré n°3 : Le journaliste n’est pas un communicant
Encadré n° 3 : Douze conseils pour les PVVIH pour réussir son interview par un journaliste.
Encadré n°4 : Que signifie le terme populations clés utilisé dans ce référentiel guide ? Encadré n°5 : Le point de vue d’un acteur de la riposte contre le VIH/Sidasur les médias et leur rôle. Encadré n°6 : Quelles lois régulent la pratique du journalisme en Tunisie ? Encadré n°7 : Le cadre normatif du journalisme tunisien en bref Encadré n°8 : Terminologie à éviter : Ce qu’il faut retenir
32
33
Référentiel VIH et droits humains Tome 3
Remerciements
Remerciements
- L’auteur de ce guide tient à exprimer sa gratitude àDocteure Lamia Ben Hassine, Chargée de la communication et de la coordination entre les régions et point focal VIH et Droits humains à l’unité de gestion du programme Fonds Mondial pour la lutte contre le Sida, la tuberculose et le paludisme. Ce travail n’aurait pas pu voir le jour sans son soutien constant et son aide précieuse. Ce Référentiel guide a bénéficié aussi de l’aide de plusieurs experts à qui l’auteur présente tous ses remerciements. - Pr Abdelhamid Zahaf, Président de l’Association Tunisienne de lutte contre le Sida et les Maladies Sexuellement Transmissibles, Bureau National à Sfax, Ancien Doyen de la faculté de Médecine de Sfax et Ex président du CCM-Tunisie. - Pr Mohamed Ridha Kamoun, dermatologue, Président de de l’Association Tunisienne de lutte contre le Sida et les Maladies Sexuellement Transmissibles, Section de Tunis. - Pr. Mohamed Chakroun, Chef de service des maladies infectieuses CHU Fattouma Bourguiba. Président du CCM-Tunisie pour le programme du Fonds mondial de lutte contre le Sida, la tuberculose et le paludisme.
- Dr. Faouzi Abid, Chef du département d'épidémiologie à la Direction des soins de santé de base, Ministère de la santé, coordinateur des programmes nationaux de lutte contre le VIH/Sida, la tuberculose et le paludisme. - Dr Faouzi ZRIBI,Membre de l’Association Tunisienne de lutte contre le Sida et les Maladies Sexuellement Transmissibles, Bureau National à Sfax. Par ailleurs ce manuel s’est inspiré de quelques guides de référence dans ce domaine. - « Le guide pour les professionnels des médias de l’océan indien » paru en 2010. - « Reporting HIV/AIDS « a guide for Kenyan journalists ». - « HIV/AIDS media guide IFJ media guide and research report on the media’s reporting of HIV/AIDS ».
- Mr. Laasad Soua, UNAIDS Country Manager, bureau d'ONUSIDA en Tunisie.
36
37
Référentiel VIH et droits humains Tome 3
Première partie
Écrire sur le VIH, PVVIH et droits humains 1. Les droits socio-économiques des PVVIH 2. Les droits civils et politiques des PVVIH
Première Partie
- Une analyse du rôle des médias dans la riposte contre le VIH/Sida - Des conseils pour les journalistes portant sur les principes éthiques à respecter, ou les approches éditoriales et les techniques pour mieux couvrir les thèmes du VIH et des PVVIH. - Un glossaire des termes techniques et des définitions permettant aux journalistes de comprendre les différents aspects du VIH/Sida et les questions fréquemment posées. - Une liste des mots et termes à éviter.
1. Introduction Ce référentiel porte sur les standards éthiques et éditoriaux que doit respecter une couverture éthique, responsable, non discriminatoire et d’un traitement journalistique non stigmatisant du VIH et des personnes vivants avec le VIH (PVVIH) en Tunisie. Plus généralement ce référentiel examine les conditions d’un journalisme spécialisé dans le Virus d’immunodéficience humaine (VIH) qui se doit d’être éthique, responsable et respectueux des droits humains. Ce référentiel concerne principalement les journalistes (et les médias) professionnels c’est-à-dire tous ceux qui ont comme profession la pratique du journalisme et qui évoluent dans des organisations médiatiques à l’instar des télévisions et des radios reconnues par la Haute Autorité indépendante de la communication audiovisuelle (HAICA). Mais ce référentiel concerne aussi les producteurs de contenus dans les médias citoyens tels que les radios associatives ou les radios web dans les maisons de jeunes, voire même les « influenceurs » et tous ceux qui sont concernés par la production d’un discours public médiatisé sur le VIH et les PVVIH en Tunisie. En ce sens, ce référentiel comporte un aspect novateur dans la mesure où il n’existe pas encore, en Tunisie, de réflexion au sein des professionnels des médias sur les standards éthiques et les modalités rédactionnelles d’un traitement responsable au sujet du VIH et des PVVIH. Il est important de signaler dans ce sens que les problèmes du traitement éditorial et déontologique du VIH sont rarement posés dans les milieux professionnels et académiques, voire pas du tout, malgré le développement, depuis la révolution, de formes plus au moins élaborées de réflexivité dans ces milieux sur l’éthique journalistique. 40
Ce référentiel, à l’instar des guides internationaux sur la question du journalisme et du VIH, s’articule autour des axes suivants :
- Un mapping des ressources nécessaires pour les journalistes. Certains médias à l’instar de «Mosaïque FM», la télévision et la radio nationales, «Diwan FM» ou encore «Shems FM» ont établi des chartes éditoriales qui font des références aux traités internationaux et aux droits de l’homme. Certaines questions ont fait l’objet de chartes éthiques spécifiques à l’instar du terrorisme(1) et de la migration(2). Les formations ciblées des journalistes4 et l’élaboration de chartes éthiques et éditoriales ont montré une certaine efficacité dans le changement des pratiques éditoriales. D’autres approches peuvent être expérimentées.
2. La lutte contre la discrimination et la stigmatisation des populations clés et la promotion des droits humains. Les médias en général et les médias d’information en particulier remplissent plusieurs fonctions dans les sociétés démocratiques. Ils informent les citoyens sur les différents événements de la vie politique, sociale et économique en mettant à la disposition de leurs publics des connaissances sous différentes formes (enquêtes, reportages, opinions et commentaires de l’actualité). Dans leur ouvrage de référence « The Elements of Journalism »(3) Bill Kovach et Tom Rosenstiel identifient les éléments fondateurs du journalisme tel qu’ils doivent être pratiqués dans une démocratie. Le but premier du journalisme est la recherche de la vérité. Cette recherche est sans doute ce qui différencie le journalisme de toutes les autres formes de communication. Charte sur le terrorisme établie par les rédacteurs en chef et des journalistes dans le cadre d’une initiative lancée par le Centre Africain de formation des journalistes et communicateurs. [En ligne] https://bit. ly/2K8foLH 2 Voir les projets des chartes éthiques élaborées par l’Institut Arabe des Droits de l’Homme. [En ligne] https://asile.tn/ccd.php 3 Bill Kovach and Tom Rosenstiel, The Elements of Journalism: What Newspeople Should Know and the Public Should Expect, Completely Updated and Revised Paperback – April 24, 2007. [En ligne] https://www. americanpressinstitute.org/journalism-essentials/what-is-journalism/elements-journalism/ 1
41
En effet, dans une société démocratique, les citoyens doivent disposer d’informations fiables sur les faits et les événements de la vie politique et sociale, afin de pouvoir se constituer une opinion éclairée. De ce fait, la vérité journalistique n’est pas d’ordre philosophique ou ontologique. Car elle est d’une nature différente, « pratique et fonctionnelle » selon l’expression de Kovach et Rosenstiel. Cette vérité fonctionnelle et pratique aide toutefois le citoyen libre à s’autodéterminer, c’est-à-dire à pouvoir s’informer, opiner et agir de façon autonome. En ce sens, le journalisme est défini comme une forme de connaissance de la réalité basée sur des informations fiables et vérifiées permettant aux citoyens de penser, de juger et d’agir de façon autodéterminée. Le journalisme participe à la construction et au maintien de la société démocratique en tant qu’organisation politique formée de citoyens libres et égaux. D’autre part, le journalisme n’est pas simplement et uniquement une pratique qui consiste à chercher, collecter, traiter et éditer les informations comme le définissent souvent les manuels de journalisme. En effet, cette définition technique ne doit pas occulter la dimension normative du journalisme en tant que pratique de la recherche de la vérité permettant aux citoyens de s’autodéterminer et de participer aux communications dans la sphère publique. La pratique du journalisme et les productions médiatiques participent à des droits humains fondamentaux : les droits de penser et de s’exprimer librement dans la sphère publique. Dans ce sens, les restrictions à la pratique du journalisme constituent aussi une atteinte aux droits d’opinion et d’expression des citoyens et aux droits humains. En effet, selon l’Article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques(4) : - « Nul ne peut être inquiété pour ses opinions ». - « Toute personne a droit à la liberté d’expression ; ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix. ». - L’exercice des libertés (paragraphe 2 du présent article) comporte des devoirs spéciaux et des responsabilités spéciales. Il peut en conséquence être soumis à certaines restrictions qui doivent, toutefois, être expressément fixées par la loi et qui sont nécessaires : 42
Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Haut-commissariat des droits de l’homme. Nations unies. [En ligne] https://www.ohchr.org/fr/professionalinterest/pages/ccpr.aspx
4
a) Au respect des droits ou de la réputation d’autrui. b) A la sauvegarde de la sécurité nationale, de l’ordre public, de la santé ou de la moralité publique. Le journalisme, en tant que pratique, ne relève donc pas uniquement des droits humains mais il participe aussi à la protection et à la promotion de ces droits. En effet, le journalisme permet de relever les violations aux droits humains par le pouvoir politique ou par tout autre pouvoir, tel que le pouvoir judiciaire. En ce sens, les médias ont donc, une fonction de surveillance (watchdog) des pouvoirs pour révéler à l’opinion publique leurs abus. Il s’agit de définir le rôle du journaliste non pas comme acteur ou relais passif du processus d’information mais en tant qu’observateur qui cherche, découvre, dévoile…. Les journalistes ne sont pas uniquement des observateurs des pouvoirs mais aussi des enquêteurs sur leurs abus. Ils sont aussi la « voix aux sans voix », puisqu’ils offrent des possibilités aux populations marginales et vulnérables de se rendre visibles dans l’espace médiatique et public. Dans une société démocratique, le rôle des journalistes est de : - Enquêter sur les abus de pouvoir, notamment ceux qui portent sur les droits humains. - Représenter la diversité de la société y compris les catégories sociales marginalisées et vulnérables. - Être le garant du « droit de savoir » des citoyens c’est-à-dire le droit de connaitre le fonctionnement des institutions publiques. Mais les journalistes, et les médias aussi, peuvent être à l’origine de menaces contre les droits de l’homme. D’abord les journalistes peuvent perdre leur indépendance de leur propre gré en nouant des relations d’intérêt idéologiques, politiques et matériels avec des groupes idéologiques, des partis politiques ou des acteurs économiques ou en subissant les pressions directes ou indirectes dans leurs propres médias. Les chartes éthiques ont prévu ces dérives professionnelles, listées par certaines d’entre elles à l’instar de la charte du Syndicat National des Journalistes français (SNJ). Ces dérives portent sur l’accusation sans preuve, l’intention de nuire, l’altération des documents ou encore la déformation des faits(5). Par ailleurs, le respect du droit à la vie privée est l’un des droits les plus importants que l’éthique journalistique et les médias doivent respecter. En Charte d’éthique professionnelle des journalistes. SNJ, 1918/38/201, Paris. [En ligne] https://www.snj.fr/content/charte-d%E2%80%99%C3%A9thique-professionnelle-des-journalistes
5
43
effet, il apparait dans la charte de Munich sous cette formule : le journaliste « ...s’oblige à respecter la vie privée des personnes… »(6). De son côté, la charte de l’Association Américaine des Journalistes Professionnels (SPJ) invite les journalistes à ne pas causer de préjudices ou de torts au public. Paradoxalement, dans certains pays, les médias peuvent promouvoir un discours de haine comme l’attestent les cas rwandais ou balkaniques. En Tunisie, des médias ont participé aussi, d’une façon ou d’une autre, à la propagation du discours de haine, comme l’attestent certains rapports de monitoring des médias. En 2016, le Syndicat National des Journalistes Tunisiens a publié les résultats d’un rapport de monitoring sur le traitement du terrorisme et le discours de haine(7) qui a relevé, à partir d’un échantillon de 20 médias, 1925 dépassements relatifs à la couverture des affaires de terrorisme et 142 dépassements ayant trait au traitement des discours haineux. Il s’agit, pour l’essentiel, de la reprise de concepts propres aux groupes terroristes et de la publication des éléments de leur propagande sans traitement critique »(8). Encadré n°1 : Le rôle du journalisme démocratique et la protection des droits humains Dans une société démocratique, le rôle des journalistes est de : * Enquêter sur les abus du pouvoir, notamment ceux qui portent sur les droits humains. * Représenter la diversité de la société y compris les catégories sociales marginalisées et vulnérables. * Être le garant du « droit de savoir » des citoyens c’est-à-dire le droit de connaitre le fonctionnement des institutions publiques.
3. Le rôle des médias tunisiens dans la riposte contre le VIH /Sida(9) Il existe peu de données sur le rôle joué par les médias dans la riposte contre le VIH. Les expériences médiatiques dans ce domaine sont peu ou pas documentées.
Les témoignages des pionniers de la lutte contre le VIH nous permettent toutefois de restituer l’histoire, même de façon brève, de l’approche des médias et des journalistes tunisiens du VIH et du Sida. Selon le Professeur Mohamed Ridha Kamoun, dermatologue et président de l’ATL MST-SIDA/Tunis., la communauté médicale était convaincue que les médias et l’information sont des éléments fondamentaux de la riposte contre le virus du Sida dès sa propagation. Par ailleurs, l’absence de traitement rendait la prévention, la sensibilisation et la communication essentielles, garantes du changement de comportement des gens. Pour ces raisons les milieux médicaux cherchaient à impliquer les médias dès l’apparition des premiers cas d’infection du VIH en 1986 (le premier cas était apparu aux USA en 1981). Les premières années de la propagation du VIH en Tunisie étaient marquées aussi par une forte stigmatisation de certaines populations. Le virus était d’abord perçu comme étant transmis par les touristes. Ensuite ce sont les émigrés en Europe qui étaient stigmatisés comme étant importateurs du virus. Progressivement des personnes les plus vulnérables sont stigmatisées et la transmission du virus est perçue uniquement comme le résultat des rapports sexuels ou la conséquence de la prostitution et de la drogue(10).
L’histoire du premier spot vidéo illustre bien les transformations du rôle des médias dans la riposte contre le VIH. En effet, le ministère de la santé(11) avait conçu un spot de quelques secondes qui mettait en scène une femme marchant sous la pluie tenant un parapluie. Le spot ainsi fait allusion à l’importance de la protection. Mais malgré sa dimension purement allusive, le spot a été rejeté par les responsables de la télévision. Ce n’est qu’après l’intervention des pouvoirs publics que le spot a été diffusé : Au début, le spot était diffusé dans des heures tardives. Cette partie du guide relative à l’analyse de la situation de l’information sur le VIH-Sida et le rôle des médias dans la riposte contre le VIH – Sida a été réalisée à partir d’entretiens avec les experts suivants : Dr Faouzi Abid, chef du département d’épidémiologie de la direction des soins de santé de base du ministère de la santé, et coordinateur des programmes nationaux de lutte contre le VIH/sida, la tuberculose et le paludisme. Pr. Mohamed Ridha kamoun, Dermatologue, Président de l’ATL – MST SIDA- Tunis. Pr. Mohamed Chakroun, Chef de service des maladies infectieuses CHU Fattouma Bourguiba, Président du CCM-Tunisie (Country Coordinating Mechanism ou Mécanisme de Coordination Nationale pour le programme du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme). Mr. Laasad Soua, UNAIDS Country Manager, bureau d’ONUSIDA en Tunisie. 10 Pr. Mohamed Ridha Kamoun, Président d’ATL – MST SIDA - Tunis. 11 Pr. Kamoun,Idem. 9
Déclaration de Munich version 2017, Syndicat National des Journalistes CGT. [En ligne] https://snjcgt.fr/2017/06/16/charte-de-munich-version-2017/ 7 Étude de monitoring réalisé au cours de la période allant de décembre 2015 à janvier 2016. 8 Tunisie -Terrorisme : Selon un rapport du SNJT, certains médias ne respectent pas la déontologie journalistique. Tunis Afrique Presse, le 25 février 2016. [En ligne] https://www.webmanagercenter.com/2016/02/25/168511/tunisie-terrorisme-selon-un-rapport-du-snjt-certains-medias-ne-respectent-pas-la-deontologie-journalistique/ 6
44
45
3.1. Les faiblesses de la couverture médiatique du VIH. Dans le rapport d’activités sur la riposte au Sida- Tunisie (Avril 2014), on peut lire que « Les ONG pensent que la conjoncture sociopolitique de la Tunisie post révolution constitue, en partie, un obstacle pour le respect total des droits de l’Homme et que les médias, malgré le climat de liberté, n’ont pas aidé à la lutte contre la stigmatisation et la promotion des droits de l’homme »(12). Les témoignages des experts de la riposte contre le VIH, interrogés dans le cadre de ce référentiel, pointent une série de faiblesses de la couverture médiatique du VIH qu’ils considèrent tous comme insatisfaisante. Certains de ces témoignages sont très sévères sur le traitement journalistique et médiatique du VIH –Sida : « les médias ne sont pas très présents dans la riposte contre le VIH/Sida, voire même Absents »(13). De ce fait, il est difficile de les considérer comme acteurs de la riposte. Les contenus journalistiques sur le VIH/Sidas ont disparates et épisodiques. Le rôle des médias n’est pas suffisant en termes de finalité, de masse critique et de disponibilité. D’abord les journalistes et les médias se concentrent sur la journée mondiale de la lutte contre le Sida ainsi leur intérêt pour le VIH est conjoncturel et reste lié à un événement et ne s’étend pas par exemple aux périodes de l’année telles que les périodes estivales et les vacances par exemple (au mois de juin et de juillet) qui sont des périodes favorables à des comportements à risque. Encadré n°2 : Les médias tunisiens et le VIH * Un désintérêt total pour le VIH. * Un intérêt circonstanciel (la journée mondiale de lutte contre le Sida). * Peu ou pas de productions analytiques, explicatives et d’investigation. Manque de journalistes et de journalisme spécialisés capables d’expliquer et d’analyser la riposte contre le VIH –Sida. * Les médias tunisiens jouent un rôle très limité en matière de sensibilisation, d’information et d’éducation. * Les médias tunisiens peuvent parfois être à l’origine de stigmatisation contre les populations clés et les PVVIH. Ministère de la Santé Publique, Rapport d’activité sur la riposte au Sida- Tunisie, Onusida et Unicef, Avril 2014, Tunisie. [En ligne] https ://www.unaids.org/sites/default/files/country/documents//file%2C94767%2Cfr.pdf 13 Mr Laasad Soua, UNAIDS Country Manager, bureau d’ONUSIDA en Tunisie. 12
46
3.2. Journalisme ou communication : la distinction nécessaire Il est d’une importance capitale d’évoquer le rôle du journaliste dans le cadre de la riposte contre le VIH. De façon générale, le rôle des journalistes et des médias est la recherche de la vérité comme cela est indiqué dans la majorité des chartes éthiques journalistiques telles que la charte de la Fédération Internationale des Journalistes(14), la charte des droits et des devoirs de Munich(15), la charte du Syndicat National des Journalistes Tunisiens(16), ou encore la charte de la «Society of Professional Journalists»(17) (SPJ). Le rôle principal des journalistes est d’informer les citoyens sur les évènements de la vie politique, sociale, culturelle et économique. Ainsi le journalisme permet, en quelque sorte, à une société de se connaitre ellemême par la recherche, la collecte, le traitement et l’édition de l’information ou par le débat public qu’il organise et régule. Dans ce sens, Il est important de préciser que le rôle des journalistes et des médias ne doit pas être confondu avec la communication et les relations publiques : défendre et promouvoir les droits humains ne doit pas faire des médias et des journalistes des auxiliaires des organisations publiques et associatives qui promeuvent les causes des droits humains et des populations clés. Ces organisations sont censées mettre en place leurs propres stratégies et dispositifs de communication et de relations publiques pour améliorer leurs images ou des stratégies de communication destinées aux populations clés, sans pour autant transformer les journalistes en simples relais de leurs messages : le rôle des journalistes peut même, au contraire, concerner l’investigation de ces organisations publiques ou privées. Ainsi, le rôle des médias apparait dans l’importance qu’ils accordent à certaines questions de société, dès lors qu’ils participent à la formation de l’agenda politique et de l’opinion publique. En effet, les médias sélectionnent des questions ou des évènements particuliers et décident de leur importance, sans oublier la hiérarchisation des informations et des thèmes. Toutefois, dans les sociétés démocratiques, tous les médias ne sont pas identiques dans la mesure où le paysage médiatique se caractérise par sa pluralité. Charte mondiale d’éthique des journalistes. [En ligne] https://www.ifj.org/fr/qui/regles-et-politique/chartemondiale-dethique-des-journalistes.html 15 Déclaration de Munich version 2017. [En ligne] https://snjcgt.fr/2017/06/16/charte-de-munich-version-2017/ 16 Pacte d’honneur. Syndicat national des journalistes Tunisiens. [En ligne] https://bit.ly/3nSbgOn 17 Society of professional Journalists code of ethics, Society of professional Journalists. [En ligne] https:// www.spj.org/ethicscode.asp 14
47
Dans les sociétés démocratiques, outre leur rôle de sélection et de hiérarchisation des informations et des évènements, les médias procèdent aussi à un cadrage de ces évènements. Ils traitent les questions, les thèmes, les évènements à partir de représentations de « codes », de « Frames ».(18) Encadré n°3 : Le journaliste n’est pas un communicant(18) * Si les médias peuvent être un vecteur d’information, de sensibilisation et acteur de la prévention contre le VIH, les journalistes ne sont pas pour autant des auxiliaires des organisations publiques et des ONG impliqués dans la riposte au VIH. * Bien au contraire, leurs rôles sont surtout d’enquêter sur les politiques des organisations publiques et de révéler aux citoyens les dysfonctionnements des organisations publiques et ONG et les insuffisances de leurs politiques en matière de riposte contre le VIH et de révéler au grand public la manière avec laquelle les ONG utilisent les fonds publics, les aides internationales et les possibilités d’abus.
ni aucun phénomène social, culturel ou politique, sauf pour des raisons éthiques ou éditoriales. L’autocensure est pour les journalistes et les médias un frein à leur travail, un obstacle au bon fonctionnement du journalisme de qualité, soucieux d’assurer ses fonctions. Les journalistes et les médias doivent, par conséquent, accorder à toutes les catégories sociales et politiques un égal intérêt, sans oublier les minorités ethniques et sexuelles. Ils assurent dans ce sens le droit à la représentation de tous les citoyens et de toutes les opinions. En ce sens, l’autocensure est souvent considérée comme une dérive professionnelle car les journalistes et les médias ne doivent pas se soumettre aux « tabous » et aux « interdits » même secrétés par l’ordre moral conservateur qui condamne des faits et des phénomènes au silence. Le rôle des médias est la recherche de la vérité et la révélation des réalités sociales, politiques et culturelles. La société se donne ainsi à se voir à travers les médias qui sont son miroir et son espace public où tous les phénomènes et les évènements seront représentés.(19)
3.3. Les effets de la censure et de l’autocensure et le droit de la représentation Encadré n° 4 :
L’autocensure est l’un des principaux problèmes ou obstacles que peut rencontrer les journalistes tunisiens dans le traitement des questions du VIH et du Sida dans une société encore imprégnée par les valeurs conservatrices liées au sexe et à la sexualité comme le montre les débats dans la sphère publique ainsi que les choix électoraux dans les différentes élections.
Que signifie le terme «Populations clés(19)? * « Les populations clés sont des groupes classés par un comportement ou une identité sexuelle, qui sont à risque élevé de contracter le VIH. Il s’agit des professionnelles du sexe, des hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, des personnes transgenres et des personnes qui utilisent des drogues injectables. Leur risque de porter le VIH est lié à leurs comportements mais aussi à des facteurs structurels tels que la discrimination, la stigmatisation, la violence, la pauvreté, la criminalisation et le manque d’accès aux services de santé. * Le terme «Population clé» s’utilise à titre individuel ou communautaire.
Si la censure pratiquée par les pouvoirs politiques constitue un frein à la pratique libre du journalisme et plus généralement à la pratique du droit à la liberté d’expression, l’autocensure peut, elle aussi, avoir les mêmes effets sur la pratique libre du journalisme. Notamment quand il s’agit de traiter des questions comme le VIH et les droits humains de catégories sociales telles que les « populations clés ». Le monde social et l’actualité de ces catégories peuvent être ignorés et marginalisés par l’effet de l’autocensure et du conformisme social et culturel. Dans ce sens, il est du rôle du journaliste et des médias, d’accorder à toutes les catégories sociales, y compris les minorités, la visibilité qu’elles méritent. En ce sens, le journaliste, ne doit occulter aucun évènement 48
Voir la section: « Challenge the government: ask the hard questions », « HIV/AIDS media guide IFJ media guide and research report on the media’s reporting of HIV/AIDS ».
18
Key Population Program Implementation Guide. Washington (DC): FHI 360/LINKAGES; Mars 2016. www.fhi360.org/sites/default/files/media/documents/linkages-program-implementation-guide-french.pdf
19
49
3.4. Les obstacles à une bonne couverture du VIH. Selon le guide de la Fédération Internationale des journalistes(20), les journalistes peuvent rencontrer des difficultés pour informer le grand public sur le VIH/Sida. Parmi ces difficultés : - Un manque d’informations précises sur l’épidémie. - Une compréhension limitée du VIH et de son évolution. - Un manque de ressources financières et matérielles pour mener des investigations. - Des dilemmes éthiques : respects de la confidentialité et des vies privées des PVVIH et le besoin de leur donner la parole. - Une limitation imposée à la liberté de traiter les questions liées au VIH. - Une autocensure comme référence aux contraintes des tabous : Les questions sexuelles.
Encadré n°5 : Le point de vue d’un acteur de la riposte anti VIH Sida sur les médias et leur rôle dans la riposte Pr Docteur Chakroun, Chef de service des maladies infectieuses CHU Fattouma Bourguiba, Président du CCM-Tunisie (Instance Nationale de Coordination pour le programme du Fonds mondial de lutte contre le Sida, la tuberculose et le paludisme). * Comment peut-on évaluer la manière avec laquelle les médias tunisiens ont traité la question du VIH, depuis les années 80 ? Franchement, je pense que les médias ne se sont pas intéressés réellement au VIH. La couverture des médias est faible et je n’ai pas vu d’articles sur la question du VIH, mise à part, peut-être, quelques émissions à l’occasion de la journée mondiale contre le Sida. Je ne vois donc pas d’intérêt de la part des médias pour participer aux efforts d’information et de sensibilisation sur le dépistage par exemple. Les médias tunisiens hésitent à parler du VIH, peut être par méconnaissance, parce qu’il s’agit d’un sujet tabou ou aussi, parce qu’ils appréhendent de poser certaines questions dans le contexte post révolutionnaire …. Pour résumer, je dirais que je ne comprends pas pourquoi ce sujet n’est pas traité de façon convenable par les médias. * Comment expliquez-vous cette situation, qui en est responsable : les journalistes, les ONG spécialisées, les organisations gouvernementales… ? Pour toucher les journalistes, il faut constituer des réseaux avec les milieux journalistiques : personnellement, je n’oserais jamais contacter un journaliste pour lui demander de parler du VIH. Je pense que le journaliste doit prendre l’initiative (et non le contraire) d’aborder le sujet du VIH. C’est à lui de faire le premier pas et d’aller vers les personnes concernées. Avant la révolution par exemple, Radio Monastir faisait appel à moi pour traiter du VIH. Paradoxalement, elle ne le fait plus depuis la révolution. Ce que je constate donc c’est que les journalistes ne s’intéressent pas au VIH et ne font pas de reportage pour comprendre la situation épidémiologique en Tunisie, les obstacles et les traitements. Il y a une certaine réticence à traiter le sujet du VIH qui parait compliquée. Il n’y a pas d’articles de synthèse sur toutes ces questions. C’est peut-être aussi le « journalisme du moindre effort » qui pourrait être expliqué par le manque d’audace ou le manque d’ambition.
50
International Federation of Journalists, HIV/AIDS media guide IFJ media guide and research report on the media’s reporting of HIV/AIDS, 2006, Bruxelles. [En ligne] file:///C:/Users/Lamia%20Ben%20Hssine/ Downloads/160-AsiaPacific-HIV.pdf
20
* Comment remédier à ce problème ? Je pense que les médias et les journalistes tunisiens doivent participer à une certaine banalisation de la problématique du VIH en les présentant de façon simple, car les PVVIH peuvent vivre simplement et normalement. Par banalisation, j’entends considérer désormais le VIH comme toute autre maladie chronique.
51
jour. Seul un test de dépistage permet de savoir si on est ou non séropositifve au VIH.
Les journalistes doivent démystifier la maladie pour ne plus la traiter comme une maladie taboue dont l’origine est « mauvaise ». En général, les gens ordinaires y compris l’élite, ont tendance à stigmatiser les PVVIH ce qui entrave leur identification. En effet, il existe en Tunisie environ 6 milles personnes vivant avec le VIH dont plus de 2000 seulement sont identifiées et connues par les organismes sanitaires. Ce gap est dû entre autres à la stigmatisation des personnes atteintes par la maladie. De notre côté, nous sommes disposés à aider les journalistes, notamment les jeunes, pour produire des articles simples et didactiques qui expliqueraient la maladie.
Le test de dépistage recherche les anticorps contre le VIH que l’organisme produit pour essayer de se protéger du virus. Si le testest positif, cela signifie qu’on est séropositif-veau VIH (porteur du virus). Si le test est négatif plus de 6 semaines (ou 3 mois) après le risque, cela signifie qu’on est séronégatif-ve au VIH (non porteur du virus).
4. Ce que les journalistes doivent savoir sur le VIH
(21)
- Qu’est-ce que le VIH ? L’abréviation VIH signifie virus de l’immunodéficience humaine. Il s’agit d’un rétrovirus qui infecte les cellules du système immunitaire de l’être humain (en particulier les lymphocytes T CD4 et les macrophages) et détruit ou dérègle leur fonctionnement, il agit en fragilisant progressivement le système immunitaire jusqu’au stade de l’immunodéficience. Le système immunitaire est considéré comme déficient lorsqu’il n’est plus en mesure de remplir son rôle, à savoir combattre les infections. À ce stade, les malades sont plus vulnérables à de nombreuses formes d’infections et de cancers, dont la plupart touchent rarement le reste de la population. Les maladies associées à une immunodéficience grave sont qualifiées d’infections opportunistes, du fait qu’elles profitent de la fragilité du système immunitaire pour se manifester. - Qu’est-ce que le Sida ? L’abréviation Sida signifie «syndrome d’immunodéficience acquise». Elle décrit l’ensemble des symptômes et des infections liés à une déficience acquise du système immunitaire. Il a été prouvé que le Sida est la phase finale d’une contamination par le VIH. Des indicateurs comme le niveau d’immunodéficience ou l’apparition de certaines infections servent à déterminer le passage de l’infection du stade du VIH à celui du Sida. - Qu’est-ce qu’être séropositif(22) ?
52
- Qu’est-ce qu’une personne séronégative(23) Le terme « séronégatif «désigne une personne dont le sérum ne contient pas les anticorps spécifiques à un agent infectieux, révélant son absence dans l›organisme, et donc l›absence de la maladie recherchée. Ce terme s›oppose à séropositif, communément employé pour les personnes contaminées par le VIH. Il existe plusieurs méthodes pour mettre en évidence la séronégativité d’une personne. Pour le Sida, le test le plus pratiqué est la méthode Elisa. Une prise de sang préalable est nécessaire. - Le test de dépistage du VIH(24) Le test de dépistage du VIH peut se faire de différentes façons et à différents moments : L’autotest se pratique en toute autonomie. Il permet le dépistage du virus du Sida. Il est réalisé à partir d’une goutte de sang grâce à un auto-piqueur (Il peut être réalisé dans les conditions qui vous conviennent le mieux : seul(e), avec un(e) ami(e), avec son médecin, etc.). Le TROD (Test Rapide d’Orientation Diagnostique) est réalisé par des associations ou des services médicaux. Il permet d’avoir un résultat en 30 minutes maximum. Il est totalement fiable 3 mois après un éventuel contact avec le VIH. Il peut être effectué à n’importe quel moment, que l’on ait mangé ou pas. Le test rapide est anonyme et confidentiel.
Être séropositif-ve au VIH signifie qu’on est porteur du virus. Cela ne veut pas dire qu’on est forcément arrivé au stade Sida, ni même qu’on y sera un
Le dépistage par prise de sang est un examen biologique qui peut être prescrit par tout médecin.
21 ONUSIDA, Foire aux questions : VIH et sida. [En ligne] https://www.unaids.org/fr/frequently-asked-questions-about-hiv-and-aids 22 20 Questions sur le VIH que vous n’osiez pas poser. [En ligne] https://www.sida-info-service.org/20-question-sur-le-vih-que-vous-nosiez-pas-poser/
23
www.futura-sciences.com/sante/definitions/medecine-seronegatif-13542/ Comment faire un test du VIH ? https://www.sida-info-service.org/comment-faire-un-test-du-vih/ [En ligne] https://www.sida-info-service.org/ comment-faire-un-test-du-vih/
24
53
- Où se trouve le VIH dans le corps ?
- Quels sont les symptômes du VIH ? La plupart des personnes infectées ne savent pas qu’elles ont été contaminées. Aussitôt après l’infection, au cours de la séroconversion, certaines d’entre elles contractent une mononucléose infectieuse (accompagnée de fièvre, d’éruptions cutanées, d’articulations douloureuses et d’un gonflement des nœuds lymphatiques). La séroconversion correspond à la production d’anticorps contre le VIH et apparaît généralement un ou deux mois après le premier contact avec ce dernier. Même si l’infection au VIH ne s’accompagne pas habituellement de symptômes, une personne nouvellement contaminée au VIH peut transmettre le virus à d’autres personnes. Effectuer un dépistage (ou test du VIH) est le seul moyen pour savoir si une personne est contaminée ou non. L’infection au VIH affaiblit graduellement le système immunitaire et finit par le détruire. Le corps devient, ainsi, plus vulnérable aux infections et aux cancers, ce qui peut faire évoluer l’état de santé vers le stade du Sida.
- Comment se transmet le VIH ? Le VIH se transmet par pénétration (anale ou vaginale) lors d’un rapport sexuel, par transfusion sanguine, par le partage d’aiguilles contaminées dans les établissements de soin et chez les toxicomanes, mais aussi de la mère à l’enfant au cours de la grossesse, de l’accouchement et de l’allaitement au sein. · La Transmission par voie sexuelle :
Le terme « Sida » correspond aux stades ultimes de l’infection par le VIH.
Le VIH se transmet par pénétration lors d’un rapport sexuel. Le risque de contamination est faible au cours d’une pénétration vaginale. Les études montrent que le taux de transmission au cours d’un rapport anal est 10 fois plus élevé que pour une pénétration vaginale. Une personne porteuse d’une infection sexuellement transmissible non traitée, causant en particulier des ulcères ou des sécrétions, est 10 fois plus exposée à une transmission ou à une contamination par le VIH.
En absence de traitement, la majorité des personnes porteuses du VIH développent les signes du Sida 8 à 10 ans après leur contamination.
Le sexe oral est considéré comme une pratique à faible risque de transmission du VIH.
- À quel moment une personne a-t-elle le Sida
?
Certaines infections permettent d’identifier ce syndrome. Le stade 1 du VIH est asymptomatique et n’est pas catégorisé en tant que Sida. Le stade 2 (est caractérisé par des symptômes mineurs muco-cutanés avec infections récurrentes des voies respiratoires supérieures, entre autres). Au stade 3, le patient souffre de diarrhées chroniques inexpliquées de plus d’un mois ou encore d’infections bactériennes graves et de tuberculose pulmonaire. Au cours de La quatrième phase, le système immunitaire devient très faible. Les personnes sont alors à risque de développer des infections qui peuvent être graves voir même mortelles. La plupart de ces pathologies sont des infections opportunistes qui se laissent facilement soigner chez les sujets sains. - Combien de temps faut-il à une personne infectée par le VIH pour développer le Sida ?
54
Le VIH se situe dans les fluides corporels tels que le sang, le sperme, les fluides vaginaux et le lait maternel.
La durée varie grandement selon les personnes. Il peut s’écouler 10 à 15 ans, parfois plus, parfois moins, entre l’infection au VIH et les symptômes du Sida. Une thérapie antirétrovirale peut aussi empêcher l’évolution vers le Sida en réduisant la charge virale chez une personne contaminée.
· La Transmission par partage d’aiguilles ou de seringues : Le risque de transmission du VIH est très élevé lors de la réutilisation et du partage d’aiguilles ou de seringues. Les personnes s’injectant des drogues peuvent réduire considérablement ce risque en utilisant systématiquement des aiguilles neuves et des seringues jetables ou en stérilisant correctement les aiguilles et les seringues réutilisables avant utilisation. Par ailleurs, la transmission dans le cadre sanitaire peut être réduite si le personnel de soin respecte les précautions universelles.
· La Transmission de la mère à l’enfant : Une mère peut transmettre le VIH à son enfant au cours de la grossesse, de l’accouchement et de l’allaitement. Le risque de transmission de la mère à l’enfant est généralement de 15 % à 30 % avant et pendant l’accouchement. Il dépend de plusieurs facteurs, en particulier de la charge virale de la mère au moment de l’accouchement (le risque augmente avec la charge). La mère peut également transmettre le virus à son enfant pendant l’allaitement. Le taux de transmission du VIH à l’enfant est extrêmement faible si la mère suit une thérapie antirétrovirale au cours de la grossesse et de l’allaitement.
55
· La Transmission au cours d’une transfusion sanguine : Le risque de contracter le VIH est extrêmement élevé (supérieur à 90 %) au cours d’une transfusion de sang et de produits sanguins contaminés. Toutefois, la mise en place de normes de sécurité du sang garantit des réserves de sang et de produits sanguins sans danger. La sécurité du sang implique de soumettre tous les dons de sang à un dépistage du VIH et d’autres agents pathogènes transmissibles par le sang, ainsi que de sélectionner correctement les donneurs. - Le VIH peut-il être traité ? Il n’est pas possible de traiter le VIH. Il existe toutefois un traitement efficace, qui, s’il est commencé rapidement et pris régulièrement, permet à une personne vivant avec le VIH d’avoir une qualité et une espérance de vie similaires à celles des personnes saines. - Quels sont les traitements disponibles ? Des médicaments antirétroviraux sont utilisés pour traiter l’infection au VIH. Ils bloquent la prolifération du VIH dans l’organisme. Ainsi lorsqu’une personne vivant avec le VIH suit une thérapie antirétrovirale efficace, elle n’est plus source de transmission du virus. - En quoi consiste un test du VIH ? Un test du VIH permet de déterminer l’infection ou non d’une personne par le VIH. Les tests du VIH généralement utilisés détectent les anticorps produits par le système immunitaire en réponse au VIH. Ces anticorps sont beaucoup plus faciles à détecter que le virus et cette méthode coûte beaucoup moins chère. Les anticorps sont disponibles dans le sang. Chez la plupart des personnes, ils ont besoin d’un mois pour se développer. - Comment les populations clés devraient-elles se protéger du VIH au cours de la pandémie de COVID-19 ?
56
Les populations clés, notamment les toxicomanes, les professionnel(le) s du sexe, les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, les personnes transgenres et incarcérées doivent continuer de s’assurer qu’elles disposent des moyens fondamentaux de protection contre une infection au VIH, comme des aiguilles et seringues stériles ou un traitement de substitution aux opiacés, des préservatifs et la prophylaxie pré-exposition (PPRE).
- Comment garantir le respect des droits humains et réduire la stigmatisation et la discrimination au cours de la pandémie du COVID-19 ? L’ONUSIDA enjoint à tous les pays de trouver un équilibre pour protéger la santé, éviter les problèmes économiques et sociaux et respecter les droits humains. L’ONUSIDA et des partenaires travaillent pour garantir que les droits humains ne soient pas rognés au cours de la riposte au COVID-19, que les personnes vivant avec le VIH ou touchées par le virus jouissent du même accès aux services que le reste de la population et que les services liés au VIH continuent à fonctionner sans interruption. Les conséquences de la surpopulation carcérale dans de nombreux établissements qui nuit à l’hygiène, à la santé, à la sécurité, ainsi qu’à la dignité humaine, ne doivent pas être traitées uniquement par une riposte sanitaire au COVID-19 dans des environnements clos. L’ONUSIDA appelle les leaders politiques à élaborer et mettre en place des mesures préparatoires et des ripostes au COVID-19 dans des environnements clos en respectant les droits humains fondamentaux.
5. Le cadre juridique du journalisme tunisien et les droits humains Le cadre juridique du journalisme et des médias en Tunisie est constitué par les chartes internationales, la constitution, les lois, les décrets lois et les textes réglementaires (tels que les cahiers des charges). 5.1. Le Pacte International relatif aux droits civils et politiques Le Pacte International relatif aux droits civils et politiques comprend plusieurs dispositions qui concernent directement la pratique journalistique. En ce sens, il constitue une des références essentielles du cadre normatif du journalisme tunisien, dans la mesure où les textes de loi régulant ce journalisme s’en inspirent directement, de même que certains textes éthiques. Parmi les articles qui concernent directement le journalisme tunisien, on peut citer l’Article 17 qui stipule que « Nul ne sera l’objet d’immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d’atteintes illégales à son honneur et à sa réputation. ». Selon l’article 19 du pacte « Nul ne peut être inquiété pour ses opinions. » et « que toute personne a droit à la liberté d’expression; ce droit comprend
57
la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix. » Toujours selon l’article 19 les restrictions à ces libertés sont nécessaires uniquement quand il s’agit du « respect des droits ou de la réputation d’autrui » et de « la sauvegarde de la sécurité nationale, de l’ordre public, de la santé ou de la moralité publique ». 5.2. La nouvelle constitution tunisienne L’article 31 de la nouvelle constitution tunisienne adoptée en 2014 stipule que « les libertés d’opinion, de pensée, d’expression, d’information et de publication sont garanties. Aucun contrôle préalable ne peut être exercé sur ces libertés. ». L’article 32 de la Constitution précise aussi que « L’État garantit le droit à l’information et le droit d’accès à l’information. L’État œuvre en vue de garantir le droit d’accès aux réseaux de communication. ». Les libertés « d’opinion, de pensée, d’expression, d’information et de publication » en tant que libertés fondamentales ne peuvent faire l’objet de loi qui peuvent « porter atteinte à leur substance ». La loi, selon l’article 49, « fixe les restrictions relatives aux droits et libertés garantis par la Constitution et à leur exercice. Ces restrictions ne peuvent être établies que pour répondre aux exigences d’un État civil et démocratique et en vue de sauvegarder les droits d’autrui ou les impératifs de la sûreté publique, de la défense nationale, de la santé publique ou de la moralité publique tout en respectant la proportionnalité entre ces restrictions et leurs justifications. Les instances juridictionnelles assurent la protection des droits et libertés contre toute atteinte ». Le journalisme est une pratique qui requiert la liberté d’expression, car il n’y a pas de journalisme sans liberté d’enquêter, de chercher, de collecter les informations, d’interviewer et de sélectionner les sujets et les actualités que les journalistes considèrent comme importants selon leurs choix et la ligne éditoriale de leurs institutions. Toutefois le journalisme est aussi une pratique régulée par la loi car le journaliste ne peut se soustraire à l’autorité de la loi. 5.3. Le décret-loi n° 115 2011 de l’impression et de l’édition 58
Le décret-loi n° 1152011 de l’impression et de l’édition précise dans son chapitre 1er que « le droit à la liberté d’expression englobe la liberté
d’échanger, de publier et de recevoir les informations, les opinions et les idées quelles qu’elles soient. » Et « Le droit à la liberté d’expression est garanti et s’exerce conformément aux articles du pacte international des droits civils et politiques, aux autres conventions s’y rapportant, adoptées par la République tunisienne et aux dispositions du présent décret-loi ». L’article 9 stipule qu’il est « interdit d’imposer des limitations qui entravent la liberté d’échanger les informations, qui entravent l’égalité des chances des différents établissements d’information quant à l’accès aux informations ou qui entravent le droit du citoyen à une information libre, pluraliste et transparente ». L’article 52 stipule que « est puni d’un an à trois ans d’emprisonnement et d’une amende de 1000 à 2000 dinars, celui qui, par les moyens mentionnés à l’article 50 du présent décret-loi, aura directement, incité à la haine entre les genres, les religions ou les populations, et ce en appelant à la discrimination et en utilisant des procédés hostiles ou la violence ou la propagation d’opinions fondées sur la ségrégation raciale ». 5.4. Le décret-loi n° 2011-116 du 2 novembre 2011 Le décret-loi n° 2011-116 du 2 novembre 2011, relatif à la liberté de la communication audiovisuelle et portant création d’une Haute Autorité Indépendante de la Communication Audiovisuelle (HAICA) stipule que «L’exercice de la liberté de communication audiovisuelle et le droit d’accès à l’information et à la communication audiovisuelle se fait sur la base du principe du respect des conventions et pactes internationaux relatifs aux droits de l’Homme et aux libertés publiques, de la liberté d’expression, de l’égalité, du pluralisme d’expression, des idées et opinions, de l’objectivité et de la transparence ». De même « l’application de ces principes est soumise aux règles relatives au respect des droits d’autrui ou leur réputation et notamment : Le respect de la dignité de l’individu et de la vie privée, le respect de la liberté de croyance, la protection de l’enfant, la protection de la sécurité nationale et de l’ordre public et la protection de la santé publique ». Selon l’article 5 du décret-loi 116, «la Haute Autorité Indépendante de la Communication Audiovisuelle (HAICA) veille à l’organisation et à la régulation de la communication audiovisuelle selon, entre autres, les principes du renforcement de la démocratie et des droits de l’Homme et la consécration de la suprématie de la loi, le renforcement et la protection de la liberté d’expression, la consécration d’un paysage médiatique audiovisuel
59
pluraliste, diversifié et équilibré de nature à respecter les valeurs de liberté, de justice et d’exclusion de la discrimination de race, de sexe ou de religion ».
Encadré n°6 : Quelles lois régulent la pratique du journalisme en Tunisie ? * La pratique du journalisme est régulée en Tunisie par des lois et des textes réglementaires, qui reconnaissent tous les pactes et les traités internationaux en matière de liberté d’expression. * La constitution adoptée en 2014 et notamment les articles 27, 37, 48, 49. * La Loi organique relative au droit d’accès à l’information » (Loi n°2016-22) du 24 mars 2016, * La Loi organique n° 2019-9 du 23 janvier 2019, modifiant et complétant la loi organique n° 2015-26 du 7 août 2015, relative à la lutte contre le terrorisme et à la répression du blanchiment d’argent. * Le Décret-loi n°2011-116 du 2 novembre 2011, relatif à la liberté de la communication audiovisuelle et portant création d’une Haute Autorité Indépendante de la Communication Audiovisuelle (HAICA). * Le Décret-loi n° 2011-115 du 2 novembre 2011, relatif à la liberté de la presse, de l’impression et de l’édition. * Les cahiers des charges établies par la HAICA, fixant les conditions d’octroi d’une licence de création et d’exploitation d’une chaine de télévision privée ou associative et d’une radio privée ou associative sur le territoire tunisien.
Les cahiers des charges définissent aussi le type de programmation que les opérateurs doivent mettre en place et qui doit exprimer « l’ouverture de la culture nationale sur les valeurs humaines, afin de réaliser la démocratie, à travers la garantie de la diversité culturelle et la liberté d’expression pour tous les courants de pensée et de création». (Article premier) Parmi les obligations du bénéficiaire de la licence (chapitre 5), le respect des conventions et pactes internationaux relatifs aux droits humains et aux libertés publiques ratifiés par la République tunisienne ainsi qu’une série de principes. Il est ainsi tenu de respecter des principes tels que la liberté d’expression, l’égalité et la non-discrimination, le pluralisme d’idées et d’opinions, le respect de la dignité de l’individu et de la vie privée, le respect de la liberté de croyance, la non-incitation à la violence et à la haine, la protection des droits de la femme et l’abolition des stéréotypes entachant son image dans les médias, la protection des droits des personnes âgées, des handicapés et des catégories vulnérables. Dans son Article 14(26) et l’article 13(27) « le titulaire de la licence est tenu de respecter les conventions et pactes internationaux relatifs aux droits humains et aux libertés publiques ratifiés par la République tunisienne et les législations et réglementations en vigueur. Il est aussi tenu de respecter les principes suivants :
- La liberté d’expression, - L’égalité et la non-discrimination,
5.5. Les cahiers des charges établis par la HAICA Les cahiers des charges établis par la HAICA(25), fixant les conditions d’octroi d’une licence de création et d’exploitation d’une chaine de télévision ou de radio privée ou associative sur le territoire tunisien comportent aussi des dispositions à caractère normatif renvoyant à une série de droits humains « visant à instaurer un paysage audiovisuel pluraliste, diversifié et équilibré qui consacre les principes de liberté et d’équité, diffuse les valeurs de citoyenneté et des droits humains et qui respecte la souveraineté nationale ». (Article premier). Dès sa création la HAICA a mis en place 04 types de cahiers des charges (Voir site web : haica.tn) : - Cahier des charges pour l’octroi d’une licence pour la création et l’exploitation d’une chaine de TV privée. - Cahier des charges pour l’octroi d’une licence pour la création et l’exploitation d’une chaine de radio privée. - Cahier des charges pour l’octroi d’une licence pour la création et l’exploitation d’une chaine de TV associative. - Cahier des charges pour l’octroi d’une licence pour la création et l’exploitation d’une chaine de TV associative.
25
60
- Le pluralisme d’idées et d’opinions, - L’objectivité et la transparence. ». « Ces principes incluent également : Le respect de la dignité de l’individu et de la vie privée ; Le respect de la liberté de croyance ; La non-incitation à la violence et à la haine ; La protection de l’enfance et la garantie du droit de l’enfant à participer au paysage médiatique ; La protection des droits de la femme et l’abolition des stéréotypes entachant son image dans les médias ; La protection des droits des personnes âgées, des handicapés ; et des catégories vulnérables ; La protection de la santé publique et de l’environnement ; l’encouragement de la culture et de la production audiovisuelle nationale »(28). Cahiers des charges de la TV et la radio privées. Cahiers des charges de la TV et la radio privées. 28 Article 14 et Article 13, Idem. 26 27
61
Tous les cahiers des charges précisent (Article 24(29) et Article 23(30)) que le titulaire de la licence « s’engage à ce qu’aucune émission ne porte atteinte à la dignité de la personne humaine. Il doit respecter les droits de la personne relatifs à sa vie privée, son honneur et sa réputation et à ne pas diffuser des témoignages susceptibles d’humilier les personnes ou les entités, des propos incitant à l’intolérance, à l’exclusion et à la marginalisation et d’interdire les propos diffamatoires ou injurieux à l’encontre des personnes ». Le titulaire s’engage ainsi à ne pas exploiter la détresse des personnes comme matière à sensation dans les émissions et à ce « que la participation de non-professionnels à des débats, à des émissions interactives, à des émissions de jeu ou de divertissement ne s’accompagne d’aucune renonciation de leur part, à titre irrévocable ou pour une durée indéterminée, à leurs droits fondamentaux, notamment le droit à l’intimité de la vie privée et le droit d’exercer un recours en cas de préjudice ». Les cahiers des charges (Article 28(31) et Article 27(32)) précisent aussi que le titulaire de la licence « s’engage à garantir l’équilibre et l’équité dans les émissions de débat, sur la base d’une charte éditoriale (…) à garantir la diversité des points de vue et la représentation des différentes sensibilités politiques et culturelles, des différents intérêts sectoriels et l’égalité entre les sexes ». Selon l’article 59(33) et l’article 58(34), « Les messages publicitaires doivent obéir à certaines règles déontologiques de base dont notamment : le respect de la dignité humaine et la non-discrimination basée sur le sexe, la religion, l’âge, l’origine, l’apparence physique, etc. ».
6. Le cadre normatif du journalisme tunisien.
Par cadre normatif du journalisme tunisien, il faut entendre les standards éthiques et professionnels qui constituent la référence à ce qui est considéré par la profession tout entière comme le journalisme légitime ou le journalisme « digne de ce nom » selon l’expression utilisée par la charte de la Fédération Internationale des Journalistes (FIJ). Ce cadre normatif est d’abord basé sur la charte éthique du Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT). Celle-ci est constituée de 14 Cahiers des charges de la TV et la radio privées. Cahiers des charges de la TV et la radio associatives. 31 Cahiers des charges de la TV et la radio privées. 32 Cahiers des charges de la TV et la radio associatives. 33 Cahiers des charges de la TV et la radio privées. 34 Cahiers des charges de la TV et la radio associatives. 29 30
62
articles, dont la première porte sur la recherche de la vérité considérée comme la première des obligations des journalistes tunisiens. Parmi les principes de la charte liés aux droits humains on trouve le 14ème principe ajouté lors de l’actualisation de la charte en 2014 et selon lequel le journaliste s’engage à défendre les valeurs d’égalité entre les sexes et à refuser toute forme de discrimination et à défendre les libertés individuelles et collectives. Ainsi le journalisme tunisien se définit comme un journalisme de liberté et de progrès et ses valeurs sont essentiellement démocratiques et intimement liées aux droits humains. En plus de la charte éthique du SNJT, il existe un nombre de chartes éditoriales adoptées par un nombre de médias. Longtemps et jusqu’à 2011 les pratiques d’autorégulation chez les journalistes tunisiens ont été très limitées, voire totalement absentes pour preuve l’absence des chartes d’éthiques éditoriales internes. Un projet d’une charte du Conseil de presse a été lancée s’inspirant de plusieurs textes fondamentaux en la matière. Ce projet exigera de l’honnêteté intellectuelle, le respect de la vie privée, de la distinction entre l’information et le commentaire et également entre le journalisme et la communication. L’interdiction de discours de haine, de racisme, de sexisme et de régionalisme font aussi partie des règles et devoirs à traiter par cette charte. Au lendemain de la révolution et de la chute de l’ancien régime, plusieurs médias tunisiens, notamment publics, ont adopté des chartes éthiques en tant que référence à leur nouvelle pratique journalistique. La charte de Mosaïque FM(35), la première en son genre en Tunisie, a été établie quelques mois après la révolution. Elle se définit à partir des valeurs démocratiques, de la philosophie d’une information libre et elle fait référence aux standards internationaux. Son article 9 recommande « le recours au lexique neutre et professionnel inscrit dans un recueil linguistique comme référence pour décrire les individus et les événements ». L’article 12 de ladite charte stipule que Mosaïque FM « s’attelle à éviter toute promotion ou propagation d’images stéréotypées de femmes ou d’hommes, et tout ce qui serait de nature à dénigrer et calomnier tout citoyen, toute institution ou tout groupe dans son intégrité ou exposerait l’un d’eux au rejet et à l’exclusion, au mépris et à la haine […] ». 35
Charte de Mosaïque FM. [En ligne] https://www.mosaiquefm.net/fr/page/51/charte-editoriale-mosaique-fm
63
La charte de la TAP(36) s’appuie sur la constitution tunisienne et reconnait la liberté de l’opinion et de l’expression ainsi que les chartes internationales. La charte proclame que « le journaliste veille à ne pas diffuser au nom de l’Agence une nouvelle ou autre matière journalistique ou photographique qui porterait atteinte à la vie privée et à l’intégrité physique et psychique des personnes ». La charte « interdit aux journalistes de diffuser des informations et des opinions qui insisteraient à la violence ou à la discrimination sociale, religieuse, confessionnelle ou de genre et de faire l’apologie de l’extrémisme sur toutes ses formes ». La charte de la télévision tunisienne(37) comporte, quant à elle, plusieurs principes relatifs à la protection des enfants et des enfants vulnérables. La charte insiste sur la non diffusion des contenus discriminants qui incitent à la violence et la ségrégation raciale sous toutes ses formes (culturelle, religieuse et confessionnelle). Dans le chapitre relatif à l’intérêt général, la charte insiste sur l’obligation pour la télévision, de traiter de tous les sujets qui préoccupent les citoyens quel que soit leurs catégories sociales. La charte éditoriale de la radio tunisienne(38) comporte une indication franche sur l’engagement des journalistes contre la discrimination sous toutes ses formes (sociales religieuses, éthiques, confessionnelles ou basées sur le sexe et le genre). La charte de la Radio Diwan Fm(39) s’appuie sur les principes universels du journalisme tels que dictés par la charte de la fédération internationale des journalistes. Encadré 7 : Le cadre normatif du journalisme tunisien en bref *La pratique journalistique en Tunisie est autorégulée par l’éthique professionnelle. *Les principes éthiques sont codifiés dans des chartes dont essentiellement : *La charte de la Fédération Internationale des journalistes (FIJ). *La charte du syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT). *La charte du conseil de presse. *Le public a le droit de demander des comptes aux journalistes et aux éditeurs soit à travers les dispositifs de médiation et de plainte mis en place par les médias eux-mêmes ou par la HAICA, soit auprès de la commission des plaintes du conseil de presse. Charte de la TAP. [En ligne] https://www.tap.info.tn/fr/charte-r%C3%A9daction-tap Charte de la télévision tunisienne. [En ligne] https://bit.ly/3fFPrP5 38 Charte éditoriale de la radio tunisienne. [En ligne] https://bit.ly/3nTbXXC 39 Charte de la Radio Diwan Fm. [En ligne] https://www.diwanfm.net/mithe9.html 36 37
64
7. Le journalisme basé sur l’approche fondée sur les droits humains Le respect par les journalistes des droits humains dans leur pratique journalistique transforme ces droits en principes professionnels et fait aussi des journalistes des défenseurs et promoteurs des droits humains.
vise à permettre aux médias de poursuivre les violations des droits en les rapportant comme des informations. Ils participent ainsi à préserver et à améliorer les droits ainsi qu’à contribuer à la démocratisation »(40). En ce sens, l’approche du journalisme fondée sur les droits «
7.1 Définition du journalisme sur les droits humains Le journalisme des droits humains est défini comme « un journalisme qui cherche à développer un traitement de l’actualité et d’enquêtes qui favorise la réflexion critique sur les expériences et les besoins des victimes et des auteurs de violations (physiques, culturelles et structurelles) des droits de l›homme. Il tente de comprendre les raisons de ces violations afin de les prévenir et de limiter la violence »(41). Le journalisme des droits humains promeut ainsi les voies alternatives. En ce sens, il est un journalisme sans frontières, fondé sur les droits humains et la justice mondiale, qui remet en question les déséquilibres politiques, économiques, sociaux et culturels aux niveaux local et mondial(42). Le journalisme basé sur les droits humains est donc un type particulier de journalisme qui prend en compte « l’approche fondée sur les droits de l’homme ».Celle-ci est définie par le Haut-commissariat des nations unies aux droits de l’Homme comme suit : « Une approche fondée sur les droits de l’homme est un cadre conceptuel de développement humain dont la base normative est constituée par les règles internationales définies dans ce domaine et qui vise concrètement à promouvoir et à protéger ces mêmes droits. Elle s’emploie à analyser les inégalités au cœur des problèmes de développement et à corriger les pratiques discriminatoires et les répartitions injustes de pouvoir qui entravent le processus de développement. »(43). 40 Meltem Bostanci, “Rights-based Approach to Journalism in Turkey”, Journalism and Mass Communication, May 2017, Vol. 7, No. 5, 244-248 doi: 10.17265/2160-6579/2017.05.002 41 Shaw, I. S. Human rights journalism: A critical conceptual framework of a complementary strand of peace journalism. Expanding peace journalism: Comparative and critical approaches, p.107, 2011. 42 Shaw, I. S. Idem. 43 Haut-Commissariat des nations unis pour les droits de l’homme, « Questions fréquentes au sujet d’une approche de la coopération pour le développement fondée sur les droits de l’homme », Nations unies, Genève, 2006, p 15. [En Ligne] https://unsdg.un.org/sites/default/files/FAQfr.pdf
65
Selon Gabrielle Bemanet et Daniel Calderbank, auteurs du manuel « The Human Rights-Base Approach to Journalism »(44), cette approche examine tous les aspects de la question des droits de l’homme, en prenant en considération les facteurs locaux, étatiques et nationaux, les politiques gouvernementales et l’environnement juridique pour s’assurer qu’il existe une compréhension globale des raisons pour lesquelles un droit n’est pas réalisé(45). Elle repose sur les principes de Responsabilité, de la Non-discrimination, de l’Autonomisation et du respect des normes internationales. 7.2 Fondement du journalisme sur les droits humains Le journalisme fondé sur les droits de l’homme repose ainsi sur les fondements suivants : a) La mise en valeur des droits humains Le journalisme fondé sur les droits humains vise à mettre en valeur l’actualité et à vulgariser les concepts qui lui sont liés auprès du public. b) La non-discrimination L’approche du journalisme fondée sur les droits humains tient compte des groupes et des communautés vulnérables et de la manière dont ils peuvent être affectés par des problèmes spécifiques. Les données statistiques et les faits sur un problème doivent être rapportés et présentés, lorsque cela est possible, de façon détaillée par sexe, origine ethnique, statut socioéconomique, âge, handicap, etc.. ; afin de pouvoir les interpréter en fonction des problématiques des droits humains. Lors des entretiens, le journaliste soucieux d’une approche basée sur les droits de l’homme, doit être conscient des rapports inégaux qui s’instaurent entre lui et les personnes qu’il interviewe, du fait qu’elles soient intimidées par le journaliste. Elles peuvent ainsi livrer des informations inauthentiques, pourvu qu’elles correspondent à ce que le journaliste désire entendre. c) La Redevabilité Lorsque les journalistes signalent des problèmes liés aux droits humains, ils doivent s’assurer que les informations correspondent à des faits
66
44 Gabrielle Beman &Daniel Calderbank, « The Human rights-based approach to journalism: training manual, Viet Nam », UNESCO Office Bangkok and Regional Bureau for Education in Asia and the Pacific, 2008, 41 pages. [En ligne] http://ndl.ethernet.edu.et/bitstream/123456789/31380/1/1237937374hrba_journalism_EN.pdf 45 «Vienna Declaration and Programof Action», World Conference on Human Rights, 25 June, 1993, Copyright 1996-2000, Office of the United Nations High Commissioner for Human Rights, Geneva, Switzerland http://www.unhchr.ch/huridocda/huridoca.nsf/(Symbol)/ A.CONF.157.23.[En ligne] https://www.ohchr.org/ en/professionalinterest/pages/vienna.aspx
incontestables, concrets et vérifiés. Lorsqu’ils interrogent pour la première fois des personnes, ils doivent avoir toutes les informations sur leurs profils, identifier exactement les informations qu’ils cherchent auprès d’elles et connaitre la manière avec laquelle ils vont rapporter ces informations. Le journaliste doit aussi demander aux personnes interviewées la manière avec laquelle elles veulent être identifiées dans l’article (de façon reconnue ou anonyme), Par ailleurs, le contexte est un élément important à prendre en compte. Il serait mieux ainsi de confier à une journaliste femme d’interviewer des femmes. Le journaliste doit tenir compte de la sécurité des personnes interviewées (endroit sûr de l’entretien), de leurs anonymats si elles le désirent, de la protection de leurs données personnelles, de les avertir des risques qu’elles prennent pour elles-mêmes ou pour leurs entourages en livrant ce genre d’informations. Dans tous les cas la protection des sources est non seulement un devoir professionnel et éthique mais aussi un devoir lié au respect des droits de l’homme. d) Le contrôle du gouvernement Le journaliste doit attirer l’attention (alerter) dans ses articles sur le non-respect du gouvernement de ses engagements consignés dans les conventions et les chartes internationales qu’il a signées. Ce rôle de « Watch dog » est important car les journalistes doivent surveiller le gouvernement et le respect de ses obligations en matière de protection des droits humains. e) La Participation Les productions prenant pour objet des groupes particulièrement défavorisés sont importantes car elles permettent aux journalistes de rapporter les opinions et les voix de ces populations et de leur accorder une place dans l’espace public. De plus l’approche du journalisme orientée vers les droits humains doit donner la possibilité à ces populations de proposer des solutions aux problèmes auxquels elles sont confrontées. f) Le renforcement des capacités des populations L’approche du journalisme orientée vers les droits humains se soucie de la protection et de la sécurité des populations dont il couvre les affaires et les réalités. Dans ce sens, les journalistes peuvent aussi fournir à ces populations des informations sur la manière avec laquelle elles peuvent
67
contacter les médias et faire entendre leurs voix, de sorte qu’elles soient en mesure, en cas de problème, de s’adresser directement à un journaliste qui les soutiendrait pour informer le public sur ces problèmes.
8. Informer, expliquer, donner la parole : approches éditoriales novatrices pour un journalisme sensible aux droits humains La prise en compte par le journalisme des droits humains dans le contexte tunisien nécessite de nouvelles approches novatrices. Il s’agit d’un journalisme à visage humain susceptible de promouvoir et de respecter les droits humains et de rendre compte des récits humains, notamment pour favoriser la représentation des populations clés (les réalités des populations clés) dans les médias. 8.1 Les genres d’information Il est indéniable que les populations clés et les problèmes liés au VIH et PVVIH sont très peu visibles dans les médias tunisiens, voire totalement absents. De ce fait le choix des genres journalistiques est d’une importance capitale, dans le contexte du journalisme tunisien, dans la mesure où ces genres peuvent favoriser ou non l’accès aux réalités humaines. Les genres journalistiques sont de deux types : d’information et d’opinion. Nous nous intéressons ici uniquement aux genres d’information dans la mesure où ils concernent productions éditoriales habituellement produites par les rédactions. Les genres d’information sont des genres ayant pour objectif d’offrir des informations sur des évènements répondants aux 6 questions : qui, quoi, quand, où, comment, pourquoi ? Parmi les genres d’information, on trouve : a) Le « compte rendu », qui est le genre d’information le plus courant et le plus utilisé. Comme son nom l’indique, il est un genre qui consiste à rapporter, relater les faits : une conférence de presse, une manifestation, un séminaire ou colloque, promotion d’un livre ou une manifestation quelconque.
68
b) Le reportage est un genre très spécifique : il consiste à décrire de façon imagée et narrative sur un lien ou un évènement. Il rend compte par la description de l’ambiance en restituant les sons, les images…. En effet, son objectif est de restituer des scènes de la vie humaine. Le reportage peut être utilisé par les journalistes pour restituer les réalités quotidiennes des populations clés dans leurs contextes de vie.
c) L’enquête, consiste à apporter des connaissances approfondies sur une question donnée ou sur un phénomène donné. Elle a pour objectif de permettre la compréhension d’un phénomène complexe. d) L’investigation est un genre plus approfondi encore que l’enquête et consiste à dévoiler ce que généralement les pouvoirs de toutes sortes cherchent à dissimuler. Par exemple les journalistes peuvent enquêter sur les politiques gouvernementales en matière de lutte contre le Sida ou encore sur le monde des professionnels du sexe. Les journalistes, plus généralement, peuvent aussi enquêter sur les abus contre les droits humains. e) Le portrait est l’un des genres journalistiques le plus propice à la représentation des populations clés. Le portrait (présenté sous forme d’enquête ou d’interview) est un genre qui consiste à décrire, en profondeur, une personne permettant au lecteur, au public d’explorer la personnalité, son parcours, ses particularités, son monde. Un journalisme à visage humain poursuit plusieurs missions et s’incarnent dans diverses approches éditoriales : l’information, l’explication, la vérification, l’investigation, l’enquête, le commentaire et l’analyse. Nous intéressons ici à deux types de journalismes ou approches éditoriales en particulier peu pratiquée dans le journalisme tunisien : l’explication et le journalisme de solutions. Le journalisme d’explication s’est développé depuis plusieurs années, dans le contexte de la complexification croissante des réalités politiques, humaines, sociales et économiques. Pour le prix Pulitzer, le journalisme d’explication « permet d’éclairer un sujet important et complexe. »(46). Un« explainer » est un nouveau genre journalistique qui consiste à expliquer une information, une actualité ou un évènement. En général « l’explainer » est rédigé ou conçu sous forme d’articles répondant à une série de questions que le lecteur pourrait se poser concernant les thèmes de l’article. Le journalisme d’explication est aussi dit un journalisme pédagogique parce qu’il a une finalité de connaissance qui permet aux publics d’apprendre et d’acquérir de nouvelles connaissances. Il se révèle donc propice à aider les publics à apprendre de nouvelles connaissances sur les populations clés et aussi réduire les stéréotypes et les stigmatisations dont ils sont victimes.
46
Explanatory Reporting. [En ligne] https://www.pulitzer.org/prize-winners-by-category/207
69
Le journalisme de solutions28 propose une approche éditoriale alternative au journalisme classique et ses paradigmes. En effet, les journalistes sont habituellement formés pour couvrir les évènements qui constituent une rupture dans de la vie publique, c’est-à-dire en d’autres termes, ce qui ne fonctionne pas normalement. En ce sens, le journalisme tel qu’il est habituellement pratiqué s’intéresse aux « Trains qui n’arrivent pas à l’heure ». Le journalisme de solutions procède autrement, en ce sens qu’il «se préoccupe de rendre visible des initiatives positives ». Il est défini comme un journalisme qui « s’emploie à développer et à diffuser la connaissance d’initiatives qui apportent des réponses concrètes reproductibles à des problèmes de société : économiques, sociaux, écologiques ». En Tunisie, le journalisme de solution peut être susceptible de montrer, les différentes initiatives dans les associations de la société civile pour apporter leurs solutions aux populations clés. 8.2 Experts tunisiens et couverture journalistique de la riposte au VIH(47) - L’apport des médias ne doit pas se limiter à la couverture journalistique et à l’information mais doit aussi porter sur la sensibilisation à travers des spots télévisuels ou radiophoniques par exemple.
- Il faut aussi renforcer les capacités des associations qui travaillent
sur le terrain, en matière de communication sur les populations clés.
- L’intérêt des journalistes et des médias doit porter de façon prioritaire sur certaines questions essentielles dans le contexte tunisien, dont par exemple le dépistage. En effet la fréquence des personnes affectées par le VIH est en progression en Tunisie. Actuellement selon les estimations de l’ONUSIDA « 6500 cas infectés par le VIH en Tunisie en 2020 »(48), uniquement 20% (1300 cas) sont connues et identifiées, ce qui veut dire que 80% des personnes atteintes par le VIH ignoraient qu’elles portent le virus. A cet effet, le dépistage doit être inscrit dans l’agenda des médias.
70
47 Extraits des entretiens réalisés avec : - Pr. Faouzi Abid, chef du département d’épidémiologie de la direction des soins de santé de base du ministère, coordinateur des programmes nationaux de lutte contre le VIH/sida, la tuberculose et le paludisme, - Pr. Mohamed Ridha kamoun, Dermatologue, Président de l’ATL – Tunis, -Pr. M. Chakroun, Chef de service des maladies infectieuses, CHU Fattouma Bourguiba et Président du CCM-Tunisie (Country Coordinating Mechanism ou Mécanisme de Coordination Nationale pour le programme du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme). 48 Country factsheets Tunisia 2019, UNAIDS epidemiological estimates, 2020. [En ligne] https://www.unaids. org/fr/regionscountries/countries/tunisia
- L’intérêt des médias doit porter sur toutes les périodes de l’année telles que les périodes estivales et les vacances par exemple (au mois de juin et de juillet). - Les organisations publiques (par exemple la direction des soins de santé de base au ministère de la santé publique) et les associations membres de la riposte nationale contre le Sida doivent développer des partenariats spécifiques avec certains médias. - Il faut aussi inciter les journalistes à renforcer leur connaissance en matière de VIH pour qu’ils puissent en parler avec les spécialistes. Donc la spécialisation est une condition nécessaire pour couvrir de façon profonde les questions du VIH. Car, parfois les journalistes trouvent des difficultés à rapporter les propos des spécialistes. - Les médias doivent veiller à utiliser une terminologie adéquate. On ne doit pas dire par exemple « sidéens » mais plutôt « Personne vivant avec le VIH ». De même qu’on ne doit pas dire « prostituée » mais « Professionnelles de sexe ». 8.3 Idées d’articles sur le VIH et les PVVIH pour les journalistes tunisiens : - L’accès au traitement des PVVIH : l’État met-il à la disposition des PVVIH les conditions adéquates d’un accès libre et facile au traitement ? - Les PVVIH face aux comportements de stigmatisation. - Des histoires humaines relatives au PVVH. - La situation des migrants portant le VIH (accès aux soins, aux traitements…) - Le réseau associatif travaillant dans la riposte contre le VIH. - La stigmatisation au quotidien (exemple : accouchement des femmes atteintes par le VIH/SIDA). - Les obstacles à l’accès aux services de santé en dehors des traitements de l’infection (dentiste, accouchement). - Le traitement des professionnels du sexe par la police (port de préservatif) contradiction de la politique publique et manques d’harmonisation. - Portrait d’acteurs engagés dans la riposte contre le VIH. 71
8.4 Comment les journalistes peuvent-ils échapper aux stéréotypes sociaux : - Quitter les salles de rédactions et s‘engager dans le monde social : Les journalistes sont des acteurs sociaux socialisés par les standards professionnels et éthiques, mais ils vivent aussi en société et sont socialisés par les catégories sociales (nomes et valeurs). Ils peuvent aussi reproduire les stéréotypes sociaux. En privilégiant le terrain, l’enquête, l’investigation et le reportage, le journaliste abandonne les sentiers battus (sa zone de confort) et privilégie l’immersion dans la réalité sociale.
9. Terminologie : Les mots que les journalistes doivent éviter en traitant du VIH(49): Termes à éviter
Sida, s’il s’agit de parler du VIH
- Développer la réflexivité dans les rédactions : Divers éléments entrent en jeu dans la représentation que les journalistes se font de la réalité et des faits, tels que Les normes sociales qu’ils acquièrent lors de la socialisation dans leurs familles et les contextes sociaux dans lesquels ils ont vécu. Mais les journalistes sont aussi contraints par la ligne éditoriale du média (rédaction) ou les orientations de la profession. Les débats professionnels au sein des rédactions permettent de révéler les choix éditoriaux, et de développer un regard critique et réflexif sur ces choix. Ce débat critique et contradictoire interne permet de révéler ce qui est de l’ordre de la routine dans la pratique journalistique, les choix, les standards, les principes….
72
Virus du Sida ou virus du VIH Les victimes du Sida, ceux qui souffrent du Sida. Taux de prévalence Porteur du Sida, infecté par le Sida, victime du Sida
Termes à utiliser de préférence
Infection au VIH, séropositif, personne vivant avec le VIH. Le sida se rapporte à une variété de conditions qui surviennent lorsque le système immunitaire de la personne est sérieusement attaqué par le VIH. Quelqu’un qui est infecté par le VIH a des anticorps du virus mais il peut ne développer aucune des maladies qui constituent le Sida.
Le virus qui cause le Sida. Il n’existe pas de virus du Sida. Il y a uniquement le VIH (Virus de l’Immunodéficience Humain) –. Le terme VIH signifie le Virus de l’Immunodéficience Humaine.
Personne porteuse du VIH ou personnes vivant avec le VIH (ou le Sida) ou personne vivant avec le VIH / Sida. Le langage invoque des images de faiblesse et d’incapacité.
Utiliser prévalence du VIH. Le terme « taux » implique le passage du temps. Il s’agit de «Personne vivant avec le VIH / Sida ». Le terme est profondément stigmatisant et offensant à l’encontre de plusieurs personnes vivant avec le VIH et le Sida. Le mot « victime » a une connotation d’impuissance. N’utiliser le terme Sida que si l’on se réfère à une personne chez laquelle un diagnostic de Sida a été posé.
Groupe à risque
Les communautés atteintes, comportement à risque (rapport sexuel non protégé, partage de seringue). Le terme « groupe à risque » fait comprendre que faire partie d’un groupe particulier, davantage que le comportement, est le facteur déterminant dans la transmission du VIH.
Liquide de l’organisme
Préciser lequel des liquides de l’organisme contient du VIH, en quantité suffisante pour permettre sa transmission : Le sang, le sperme, les liquides séminaux, les sécrétions vaginales, le lait maternel. Le VIH ne se transmet pas par des liquides comme la salive, la sueur, les larmes ou l’urine.
« Guide pour les professionnels des médias de l’océan indien ». Commission de l’océan indien, AIRIS-COI, UNAIDS - Projet d’appui à l’initiative régionale de prévention des IST/VIH/SIDA, Maurice, 2010. [En ligne] https://peidd.fr/IMG/pdf/Guide_Media_Ocean_Indien_VIH_sida.pdf
49
73
Prostituée Junkie, accroc à la drogue
Malade du Sida
Test du Sida Enfants orphelins du Sida
Travailleur/euse du sexe : le terme prostitué est en voie de disparition et ne reflète pas le fait que le travail avec le sexe est une forme d’emploi pour le travailleur du sexe et non un mode de vie.
Personne qui s’injecte de la drogue, usager de drogue par injection, personne qui s’injecte de la drogue illicite. Personne vivant avec le VIH ou le Sida, personne séropositive. Il faut encourager les journalistes à ne pas utiliser des termes tels que « victime du Sida » ou « personne souffrant du Sida » comme pour la plupart du temps. De la même manière « malade du Sida » peut ne pas correspondre à la situation de malade, à la détresse et aux stéréotypes négatifs. Il faut encourager les journalistes à utiliser plutôt « personne vivant avec le VIH / Sida » car cela veut dire la reconnaissance du fait que beaucoup de personnes vivant avec le VIH mènent des vies heureuses et pleines de sens. Utiliser test VIH ou test des anticorps du VIH. Il n’y a pas de test du Sida.
Enfants rendus orphelins par le Sida. Cette expression étiquette les enfants comme étant séropositifs, alors qu’ils ne le sont pas nécessairement. Identifier un être humain par son état de santé traduit un manque de respect pour la personne voire même une humiliation.
Encadré n° 8 : Terminologie à éviter : Ce qu’il faut retenir Langage stigmatisant * Victime du Sida * Mauvais sang / Sang sale * Porteur du Sida * Le Sida est une sentence de mort. * Les groupes à risques * Les groupes à haut risque * Le VIH/Sida * Orphelin du Sida
74
Langage non stigmatisant * Personne séropositive * Personne vivant avec le VIH * Personnes vivant avec le Sida * VIH et Sida * Patient séropositif
10. Recommandations pratiques pour le traitement journalistique responsable et éthique du VIH et du Covid 19 : 10.1 Conseil de la «South African Media Aids «pour le traitement du VIH et des PVVIH dans les médias La « South African Media Aids » a mis au point un guide pour un traitement responsable, éthique et professionnel du VIH et des PVVIH. Les recommandations proposées portent sur les aspects suivants :
- Éviter la discrimination, les préjugés et la stigmatisation au niveau du langage et des images. - La précision est essentielle : les informations factuelles obtenues et diffusées par les journalistes doivent être précises notamment les données scientifiques et statistiques. - Les sources devraient être identifiées : une des manières de fonder un rapport de confiance entre le journaliste et le public est d’identifier les sources et de donner les informations nécessaires au public pour évaluer la pertinence des sources. - Les histoires rapportées devraient être mises dans le contexte : Le
contexte apparait comme un élément fondamental dans la couverture journalistique responsable et éthique. Car il permet de mieux rendre compte des significations de l’événement et de l’actualité rapportée.
- Les idées fausses doivent être démystifiées : il existe souvent, de fausses informations ou des connaissances erronées ou imprécises qui circulent concernant les patients et qui doivent être démystifiées. - La clarté signifie être prêt à discuter clairement des questions délicates relatives au sexe pour qu’elles soient comprises par le grand public.
75
- Les journalistes devraient demander des comptes aux pouvoirs politiques.
- Distinguer «ce qui est connu pour être vrai» de ce que « l’on pense être vrai» - et ce qui est spéculation ou opinion.
- Les journalistes devraient veiller à ce que les voix et les photos des personnes vivant avec le VIH et le Sida soient entendues et vues.
- Les journalistes devraient aborder avec beaucoup de précautions les opinions et les spéculations exprimées par les chercheurs.
- La pandémie doit être rapportée de façon humaine. Cette représentation doit tenir compte de la pluralité et de la diversité.
- Utiliser avec prudence les résultats de recherche tirés de « prépublications » ou d’articles scientifiques non publiés et qui n’ont pas encore été totalement validées selon les modalités de la recherche scientifique dans les revues spécialisées. Les journalistes doivent donc les exploiter avec prudence.
- Le respect des droits des personnes vivant avec le VIH. - Le respect des droits de toute personne interrogée : Demander dans tous les cas le consentement éclairé des personnes interrogées ou citées dans le cadre des articles et cela suppose par exemple de ne pas divulguer les informations concernant les séropositifs à leur insu ainsi que le droit à la vie privée des enfants. 10.2 Les principes d’un traitement responsable du Coronavirus : Recommandations de «Ethical Journalism Network» (EJN) pour un traitement responsable et éthique du coronavirus - Éviter le sensationnalisme et l’alarmisme dans le langage et les images. Par exemple des photos d’étagères de supermarchés vides pourraient accroître l’anxiété, ce qui peut attiser les tensions et créer plus de panique. - Protéger les personnes concernées, en évitant de citer les noms, de reproduire les images ou tout autre élément d’identification sans l’autorisation des personnes concernées. - La précision des faits : Il faut éviter les rumeurs et les spéculations. - L’importance de l’avis des experts scientifiques possédant des qualifications nécessaires et reconnues. - Fournir un contexte aux informations pour qu’elles acquièrent plus de clarté et de pertinence et orienter les gens vers des sources d’information fiables et crédibles. 10.3 Couvrir le COVID-19 : Les conseils du professeur d’épidémiologie de Harvard Bill Hanage
76
- Le choix rigoureux des experts. Tous les scientifiques ne sont pas habilités à parler du coronavirus : « un prix Nobel ne fait pas de quelqu’un une autorité sur tous les sujets scientifiques ». Le professeur d’épidémiologie de Harvard Bill Hanage exhorte les journalistes à prendre le temps de retrouver les chercheurs ayant des connaissances et une expérience avérée sur les sujets qu’ils couvrent.
10.4 Comment parler du Coronavirus sans tomber dans la désinformation - Faire appel aux experts en maladies infectieuses et en santé publique pour obtenir des informations exactes et éviter les personnes qui prétendent disposer d’un savoir scientifique ou ceux qui prétendent proposer des traitements miracles. - Traduire le jargon médical et scientifique en termes clairs, simples et assimilables par le public. - Démystifier les fausses nouvelles. Les journalistes doivent chercher et vérifier les fausses informations massivement diffusées dans les médias sociaux. Ils doivent proposer un savoir alternatif aux fausses informations. - Valoriser l’explication : expliquer les questions qui peuvent paraitre compliquées comme par exemple : comment une personne asymptomatique peut infecter une autre personne. - Inclure le contexte. Le contexte peut toujours aider les lecteurs à mieux comprendre. Par exemple, les donnée sur le fonctionnement du système de santé, les publications scientifiques, le comportement du système immunitaire, l’action des virus ... etc. De telles données peuvent aider les lecteurs à mieux situer les informations et à comprendre leurs significations.
77
Référentiel VIH et droits humains Tome 3
Deuxième Partie :
La communication sur le VIH / SIDA et les droits humains : Principes et méthodes 1. Carences et obstacles inhérents à la loi de 1992 2. Carences et obstacles inhérents aux autres textes juridiques
Deuxième Partie
Le changement des perceptions, effet relatif à la transformation de la manière avec laquelle un individu perçoit et se représente le monde et la réalité. En ce sens la communication vise par exemple à réduire et à combattre la stigmatisation des PPVIH ou des populations clés. Ce référentiel comporte des « conseils » méthodologiques destinés, essentiellement, à tous ceux qui sont chargés de mettre en place des actions de communication en matière de lutte contre le VIH et le Sida.
1. Introduction Cette deuxième partie du référentiel porte sur la communication. Celleci comme nous l’avons indiqué dans la première partie de ce document est à distinguer de façon claire, de l’information, assurée par les médias d’information et les journalistes(50). La communication fait partie en effet d’un large diapositif qui comporte différentes actions portant sur la sensibilisation, l’éducation, le changement des comportements mais aussi la transmission de l’information et des connaissances vers différentes catégories du public. Ce dispositif essentiel à la riposte contre le VIH et le Sida est l’œuvre des organisations gouvernementales et non gouvernementales. Les actions d’information concernent : - L’opinion publique - Des catégories spécifiques de populations telle que les populations clés ou les PVVIH. - Les journalistes qui constituent des médiateurs entre les organisations publiques et les ONG en tant que sources d’information pour l’opinion publique, l’accès des citoyens aux informations et régulateurs du débat public. Mais la communication ne comporte pas uniquement un processus d’information mais aussi un processus d’influence qui cherche à transformer les comportements ainsi que les perceptions. Le changement des comportements porte par exemple sur la prévention tel que l’usage du préservatif ou encore le dépistage, en persuadant tous ceux qui ont des comportements à risque à accepter l’acte de dépistage. 80
50
Voir Encadré n° 1 - Première partie.
A ces aspects méthodologiques et pratiques, cette partie du référentiel propose un diagnostic au sujet de la communication sur le VIH et le Sida dans le contexte tunisien. Confronté à un manque important de données sur le sujet, l’auteur a procédé à une série d’entretiens avec des experts, des chercheurs et des activistes de la société civile engagés dans la riposte contre le VIH et le Sida.
2. Émergence et évolution de la communication sur le VIH et le Sida en Tunisie. Cette partie introductive est consacrée à une analyse du contexte d’émergence et d’évolution de la communication sur le VIH et le Sida. Cette partie a été réalisée sur la base d’entretiens avec des acteurs de la société civile ou des organisations publiques(51) sur les pratiques de la communication en matière de VIH/Sida en Tunisie. Dès le départ, de la propagation du virus VIH du Sida, La communauté médicale était convaincue, selon le Professeur Ridha Kamoun, que les médias, l’information et la communication sont des éléments fondamentaux. L’absence de traitement rendait ainsi la prévention essentielle, car elle était garante du changement de comportement des gens. Pour ces raisons, les milieux médicaux cherchaient à impliquer les médias dès l’apparition des premiers cas de VIH (le premier cas a été notifié en Tunisie en 1985). On a su, affirme le Professeur R. Kamoun « que le rôle de la société civile comme celui des médias est fondamental au départ. Maladroitement il y a une certaine compétition entre le gouvernement (Ministère de la santé et les institutions publiques) et les associations. On était resté dans cette approche plusieurs années jusqu’à ce qu’on a compris que nous sommes 51 Entretiens avec les acteurs œuvrant dans la lutte contre le VIH Sida en Tunisie : - Dr Zahaf, Président de l’Association Tunisienne de lutte contre le Sida et les Maladies Sexuellement Transmissibles (ATL MST/SIDA, Bureau national, Sfax). Ancien Doyen de la faculté de Médecine de Sfax et Ex président du CCM - Tunisie. - Faouzi Zribi, membre de ATL MST SIDA Bureau National, Sfax. - Lamia Ben Hassine, Docteure en sciences de l’information et de la communication. Chargée de la communication et de la coordination entre les régions et point focal VIH et droits humains à l’unité de gestion du programme Fonds Mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme (Tunisie).
81
complémentaires et que chacun a son rôle à jouer. Depuis les choses se sont calmées ». Les acteurs de la communication sur le Sida et le VIH en Tunisie, sont d’abord les organisations publiques (DSSB, l’ONFP) et de l’autre côté les ONG nationales, mais aussi les personnes vivant avec le VIH et certains organes médiatiques qui diffusent des messages d’information ou de sensibilisation.
3. Les caractéristiques de la communication sur le VIH et le Sida Les messages véhiculés par ces acteurs sont donc « soit des messages de base ou des messages occasionnels ». « Ils se caractérisent par un aspect institutionnel, voire unilatéral qui traite de la maladie plutôt que des malades. D’autre part les messages sur le VIH sont des messages homogènes peu adaptés aux différentes catégories des populations clés et des catégories spécifiques. Très peu de contextualisation des messages sont établis par les organisations internationales »(52). La communication est « occasionnelle » et s’inscrit dans une démarche globalisante et d’injonction centrée sur la transmission des connaissances. Elle est ainsi centrée sur la vulnérabilité, la souffrance, voire la peur plutôt que sur les droits. En ce sens la communication sur le VIH et le Sida n’a pas encore intégré totalement les nouvelles approches des organisations internationales dont la communication est centrée sur les droits : droit à l’expression, droit à la santé, droit à l’éducation…(53) Les ONG de leur côté, œuvrent dans la lutte contre le Sida et fournissent un effort considérable en matière de communication et d’éducation sur le VIH en particulier, à travers le travail de proximité auprès des populations clés. Leur nombre reste toutefois réduit et leurs actions sont concentrées dans les grandes villes. Dans certaines régions du pays « l’éducation autour du VIH est presque inexistante ». Les acteurs associatifs notent l’absence de stratégie de communication sur le VIH au niveau du Ministère de la santé et des ONG ainsi que les faiblesses du traitement médiatique du VIH, à l’exception de quelques émissions ou interventions à l’occasion de la journée mondiale de la lutte contre le Sida(le 1er décembre de chaque année), problème déjà évoqué dans la première partie de ce référentiel. Quant aux réseaux sociaux très 82
52 53
Entretien avec Dr Lamia Ben Hassine, Idem. Entretien avec Dr Lamia Ben Hassine, Idem.
populaires auprès des tunisiens, ils ont pour rôle d’assurer la visibilité. De façon générale, les ressources allouées pour la communication sur le VIH sont limitées. Encadré 1 : La communication sur le VIH et le Sida en Tunisie, un aperçu historique Entretien avec le Professeur Abdelmajid Zahaf., Président de l’Association Tunisienne de Lutte contre le Sida et les Maladies Sexuellement Transmissibles (ATL MST/SIDA), Ancien Doyen de la faculté de Médecine de Sfax et Ex-président du CCM-Tunisie Une première question s’impose d’abord. Qu’est ce qui explique que la naissance de la première association soit à Sfax et non dans la capitale ? Oui effectivement cela pourrait un peu étrange, car d’habitude tout est centralisé dans la capitale, car on est dans un système centralisé où tout se fait traditionnellement à Tunis. Pour moi c’était un choix personnel, une sorte d’engagement de créer cette association à Sfax. Je dois dire aussi que l’Association Tunisienne de Lutte Contre les MST et le SIDA (ATL) est la continuité de l’association de la lutte contre la lèpre qui était créée en 1983. En 1974, quand je suis rentré de Toulouse à Sfax, j’ai commencé à organiser des conférences de sensibilisation dans tous les lycées notamment auprès des bacheliers et nous avons sollicité, à cette fin, l’implication de plusieurs médecins à Sfax pour sensibiliser les jeunes lycéens au MST. Quand il y a eu les premiers cas de Sida j’ai fondé l’association pour avoir un cadre juridique. Nous avons réalisé plusieurs actions de sensibilisation au Sida, je peux vous en citer quelques-unes qui sont assez osées : en 1991, j’ai installé à Bab Diwan à Sfax la première tente de sensibilisation contre le Sida. J’ai sollicité le gouverneur de Sfax à l’époque pour avoir l’autorisation de mener une action de sensibilisation contre le Sida mais il a refusé catégoriquement et m’a traité carrément de fou et m’a dit « vous voulez surement que le gouvernement me limoge » ! Au cours de cette première action on a déroulé des préservatifs sur un pénis en bois devant le regard curieux de femmes et de jeunes. Cette action a eu un écho retentissant aussi bien au niveau local qu’au niveau national, tant les questions du VIH et du Sida constituaient des tabous et certains experts et collègues arabes croyaient même qu’il s‘agissait d’une blague.
83
Parmi les autres activités qu’on peut citer et qui illustrent bien le contexte d’émergence de la communication sur le VIH et le Sida, l’action qu‘on avait menée sur le plan national en collaboration avec une marque de Dejean prisée, à l’époque par les jeunes, et qui consistait à afficher sur les bus la photo d’un jean avec un préservatif posé dans la poche arrière. Cette action a couté 80 milles dinars. Comment évaluez-vous les efforts en matière de communication depuis 1987 via les médias ? En général la vielle du 1er décembre de chaque année, la première chaine nationale diffuse une émission dans laquelle des spécialistes sont invités pour parler du Sida et des moyens de prévention mais ça reste quand même très insuffisant. L’action du Ministère de la santé reste très insuffisante car mis à part quelques actions périodiques il n’y a pas d’actions considérables en matière de sensibilisation. Les ONG ont besoin de fonds pour mener à bien leurs actions de sensibilisation. Mais force est, de constater que les pouvoirs publics ne l’ont jamais fait. Existent-ils des obstacles culturels au développement d’une communication sur le VIH et le Sida ? En 1992, Professeur Nabiha Gueddena présidente de l’ONFP, avait importé 10 machines de distributeur de préservatifs pour les installer dans des lieux sensibles (Hôtels, Gares…). De ces 10 machines, une seule était opérationnelle, celle qu’on avait installé dans une pharmacie à Sfax à proximité des foyers universitaires. Après 2011, les gens ont commencé carrément à avoir peur des mouvements extrémistes qui ont appelé à fermer les maisons closes. En 2016, des étudiants conservateurs se sont même opposés à l’organisation des campagnes de communication et de sensibilisation au Sida au sein des universités.
4. Les campagnes de communication. La mise en œuvre d’une campagne de communication doit prendre en compte dans tous les cas certains principes méthodologiques afin d’assurer son efficacité. 4.1 Importance d’un plan de communication et de planification Le plan de communication apporte une dimension rationnelle, organisée et mesurable aux activités de communication. Il permet de déterminer de façon précise les objectifs, les cibles, les actions à développer, le budget, le calendrier et les indicateurs pour mesurer l’efficacité. 84
En général, les campagnes de communication doivent s’intégrer dans un plan de longue durée (annuel par exemple) afin de leurs assurer les conditions de réussite. Les responsables de communication doivent toujours se poser les questions suivantes : quels sont les objectifs stratégiques que la campagne doit poursuivre ? Quels sont les messages à délivrer ? Qui sont les destinataires ? Quelles actions faut-il développer pour atteindre les objectifs stratégiques à court et à long terme ?Quel budget faut-il prévoir ?Quel calendrier suivre et avec quels indicateurs ? Faut-il mesurer l’efficacité des campagnes ? L’importance de la planification se traduit par la mise en place d’un planning précis de mise en œuvre, intégrant la date de réalisation, les réunions de préparation, la répartition des tâches, les phases de conception et de réalisation. 4.2 L’analyse de la situation La mise en place d’une campagne de communication pour la promotion des droits humains ou dans le domaine du VIH et des PVVIH, nécessite d’abord une analyse de la situation en cherchant des réponses aux questions suivantes : - L’état de connaissance des publics sur l’objectif à atteindre, - Que savent les journalistes au sujet des droits humains, du VIH et des PVVIH. - Que sait l’opinion publique du VIH et du Sida ? - Quelles perceptions a-t-il des populations clés ? …. Pour avoir des réponses à ces questions, il faut en général disposer de ressources matérielles nécessaires pour pouvoir engager une campagne de communications à partir d’un diagnostic rigoureux de la situation. Ces ressources permettent de réaliser des sondages d’opinion ou encore des focus group. Mais cela n’est toujours pas possible. Dans ce cas, l’organisation (ONG ou autres institutions) peut se limiter à un sondage en ligne organisé sur les différents médias sociaux (Facebook…). 4.3 Comment définir les objectifs des campagnes de communication: Pour les organismes publics et les ONG évoluant dans le domaine du VIH et des droits humains, ils peuvent poursuivre aux moins trois objectifs. D’abord, un objectif lié à l’image : comment l’ONG (ou l’organisme) est
85
perçue, sa réputation, sa notoriété auprès du grand public ou auprès des populations clés ; un objectif d’information lié aux informations que l’association (ou l’organisation) souhaite transmettre aux publics, et enfin les objectifs affectifs ou cognitifs qui sont les plus difficiles à atteindre, car il s‘agit de changer des comportements et des attitudes. Dans une campagne de sensibilisation les objectifs sont souvent définis à long terme, car la transformation des mentalités et des comportements se réalise sur le long terme. Dans ce sens les objectifs de sensibilisation et de communication doivent être clairs et SMART. Les objectifs SMART (Specific, Measurable, Achievable, Relevant and Time-bound)sont spécifiques, mesurables, atteignables, et temporellement définis. Quant aux objectifs à court terme, ils doivent être adaptés à la situation, graduelle et novatrice. Selon la méthodologie proposée par l’Organisation Mondiale de la Santé(54), pour réaliser les objectifs, il faut aussi identifier des problèmes et des ouvertures. En effet, toute méthodologie de compagne de communication doit comporter une définition du problème et doit tenir compte des obstacles et des difficultés liés par exemple aux contextes politiques publiques. Une bonne méthodologie exige, selon les recommandations de l’OMS, une identification des ouvertures, c’est à dire les possibilités d’action (par exemple solliciter le soutien des groupes ou d’individus influents (les influenceurs). 4.4 Les cibles de la communication Les publics (ou les cibles) sont définis en fonction de chaque objectif. Une ONG évoluant dans le domaine du VIH pourrait avoir les publics cibles suivants : - L’opinion publique ou (le grand public). - Les médias et les journalistes. - Les populations clés et les PVVIH. - Les prisonniers et les migrants. - Les milieux éducatifs. - Les décideurs. - L’administration publique centrale et locale. 86
Halte à l’épidémie mondiale de maladies chroniques : guide pratique pour une sensibilisation réussie, OMS, Genève, 2006, 5 pages. [En ligne] https://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/43527/9242594466_fre. pdf?sequence=1&isAllowed=y
54
4.5 Définir le public cible Selon la méthodologie de l’OMS, la définition des publics cible exige une compréhension des obstacles et des ouvertures, tels que les attitudes des pouvoirs publics, la contribution des ministères, autre que le ministère de la santé (ministères de l’éducation par exemple). A cet effet, les médias sont parmi les publics cible de toute campagne de communication. L’influence du public cible exige une connaissance précise des motivations du public, ses pratiques médiatiques et de l’état de ses connaissances sur le VIH. Ses pratiques peuvent être identifiées par des sondages d’opinion ou des focus group. Aussi, selon la méthodologie proposée par l’OMS, les décideurs sont une des cibles essentielles des campagnes de sensibilisation. Les décideurs sont des personnes qui sont capables ou susceptibles de prendre des décisions, tels que les hommes politiques, les partis politiques et les personnes qui ont une influence sur les décideurs. 4.6 Les messages de communication Les messages : quelles sont les informations qu’on doit transmettre : les contenus d’une brochure, d’une vidéo, d’un communiqué de presse. Les messages doivent être clairs, percutants, concis, cohérents, convaincants et susceptibles d’être repris par plusieurs sources. Les messages doivent correspondre aux objectifs à atteindre et aux motivations qui font agir les publics : qu’est ce qui fait agir les sensibilités culturelles et politiques du public ? En général les bons messages reposent sur un mix entre les messages rationnels et les messages affectifs. 4.7 Les actions de communication : Il existe différentes formes de communication : une campagne par l’affichage urbain, les spots télévisés et radiophoniques, la diffusion de supports écrits (brochures, flyers…), une campagne de relations presse orientée vers les médias et les journalistes en utilisant le communiqué de presse, la conférence de presse…Les campagnes d’information ou de sensibilisation utilisant les médias numériques et notamment les plateformes des médias sociaux (Facebook, Instagram). 4.8 Le Budget Toute campagne de communication réussie repose sur le budget fixé au préalable de chaque action. Par exemple le coût de production d’une brochure (conception, impression), distribution d’une vidéo, d’une campagne
87
d’affichage, d’une conférence de presse ou d’une visite de terrain pour les journalistes.
* L’importance des médias participatifs et du dialogue. Cela pourrait permettre aux gens de participer aux décisions qui touchent à leur vie, plutôt que de voir leur vie façonnée par d’autres. Les médias à assise communautaire ont la possibilité d’éduquer, de divertir et d’informer, tout en fournissant des opportunités de discussion et de débat sur des questions telles que le VIH/SIDA. ».
4.9 Les indicateurs de réussite pour mesurer la réalisation des objectifs Il existe plusieurs indicateurs pour mesurer la réussite ou l’échec d’une campagne de communication à savoir :
* La diversification des messages : La fragmentation du paysage médiatique rend problématique la communication d’un message unique à un public national. Malgré ces défis, la diversité de plus en plus grande des médias offre aux communicants davantage d’occasions de disséminer les messages de santé opportuns.
- Couverture médiatique : nombre de citations dans les médias : articles, reportages dans les télés et news dans les radios. - Nombre de brochures distribuées.
* La complémentarité des médias de masse et de la communication interpersonnelle Le nouveau cadre de la communication insiste sur l’idée que l’association des médias de masse et de la communication interpersonnelle permet d’aborder les préoccupations de divers individus et groupes.
- Nombre de commentaires sur la page Facebook. - Nombre d’appels téléphoniques. - Nombre d’adhésions.
- Nombre de consultations du site.(55)
Encadré n°2 : Les recommandations du Cadre de communication sur le VIH et le Sida(55) Un projet ONUSIDA/ PENN STATE, ONUSIDA (version française, juin 2000) Le Cadre de communication sur le VIH/SIDA est un projet ONUSIDA/ PENNSTATE. Ce nouveau cadre de communication privilégie la prise en compte du contexte social et environnemental plutôt que le comportement individuel. Il repose sur une idée centrale selon laquelle il existe « cinq domaines contextuels » qui influencent de « manière quasi universelle les efforts de communication visant à promouvoir des comportements favorables à la prévention du VIH ». Ces cinq domaines sont : la politique gouvernementale, le statut socio-économique, la culture, les relations entre les sexes et la spiritualité. De ce fait les politiques et les interventions de communication doivent tenir compte de l’importance et de l’interaction de ces cinq éléments. L’importance accordée aux éléments liés au contexte présuppose, selon le rapport, que Le comportement individuel est considéré comme un élément de cet ensemble de domaines, plutôt que comme le déterminant le plus important du changement de comportement en matière de santé. ». Les recommandations du rapport insistent sur : 88
ONUSIDA, « Cadre de communication sur le VIH et le SIDA-Nouvelle orientation », un projet ONUSIDA/PENNSTATE., ONUSIDA, 2000, 116 pages. [En ligne] https://data.unaids.org/publications/irc-pub01/ jc335-commframew_fr.pdf
55
5. L’importance des médias dans les campagnes de communication Toute action de communication doit prendre en compte les spécificités des médias, de leur ligne éditoriale et de leur audience. Dans ce sens, le paysage médiatique tunisien se caractérise, généralement, par sa diversité idéologique et politique. Les courants idéologiques et politiques sont représentés dans les médias tunisiens, même si c’est de façon inégale. La majorité des médias tunisiens sont de type généraliste par conséquent, on trouve peu de médias d’information spécialisés (une seule chaine culturelle : radio culturelle). La dimension locale est limitée malgré la présence d’un certain nombre de radios locales principalement publiques. La presse régionale est aussi très limitée. Toutefois, il est à signaler que les radios associatives jouissent d’une place notable, notamment, régionale. La presse écrite, par ailleurs, souffre d’une crise aiguë et sa diffusion est très limitée. Il est à signaler aussi l’existence de médias dits alternatifs à l’instar des sites web d’information comme Inkyfada(56), Nawaat(57) et plus récemment alkatiba(58). Inkyfa. [En ligne] https://inkyfada.com/fr/ Nawaat. [En ligne] https://nawaat.org/ 58 Alkatiba. [En ligne] https://alqatiba.com/ 56 57
89
On peut ainsi dire que la majorité des médias tunisiens sont de type généraliste. Sur le plan quantitatif il existe 23 radios privées, 10 radios associatives, 11 radios publiques, 11 chaines de télévisions privées, 2 chaines de télévisions publiques, 23 titres de journaux en arabe, dont 6 quotidiens et un nombre croissant de sites d’informations. 5.1 La consommation des médias La communication avec les différents publics via les médias exige une réflexion sur la confiance dans les médias, élément fondamental dans l’efficacité des campagnes de communication. En juin 2013, The BBC media action a réalisé une enquête sur les usages des médias en Tunisie. L’échantillon est constitué de mille Tunisiens âgés de plus de 15 ans. L’enquête a montré que : - 99% des Tunisiens sont équipés d’un poste de télévision. - 88% des Tunisiens regardent la télévision au moins une fois par jour. - 92% des ménages tunisiens possèdent un téléphone mobile. - 86% des Tunisiens utilisent leurs téléphones mobiles au moins une fois par jour. - 39% des ménages tunisiens disposent d’un ordinateur de bureau et 34% d’un ordinateur portable. - 60% des Tunisiens utilisent l’internet au moins une fois par jour. Les résultats de cette enquête montrent que la télévision est le principal média d’information pour les tunisiens. Par ailleurs ils tunisiens lisent de moins en moins les journaux. De son côté, la presse électronique ne semble pas concurrencer les médias traditionnels de façon massive en tant que source d’information. De façon générale on peut dire que la télévision est le principal média en tant que source d’information, régulateur de la sphère publique et du débat public et aussi source de divertissement. 5.2 Les relations presse et leurs outils a) Les relations presse
90
La communication avec les médias est nécessaire pour les associations et les organisations engagées dans la riposte contre le VIH-Sida. En effet, une sensibilisation réussie exige une collaboration avec les médias.
Selon la méthodologie établie par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS.2006), la communication avec les médias présente plusieurs avantages : son coût est abordable : elle peut générer des effets efficaces en matière de sensibilisation. En effet, La sensibilisation à travers les supports publicitaires est très coûteuse. Aussi la publicité (parfois contrôlée) a moins d’effet que la presse. Les relations avec les médias se composent de deux volets :« L’éducation par les médias » (Radio, télévision), à travers des programmes de divertissement pour faire passer des messages de sensibilisation, et « Les relations presse » qui concernent les journalistes et les médias d’information. Les « relations presse « sont un dispositif essentiel de la communication. Elles reposent sur un ensemble d’outils utilisés de façon efficace et pouvant faire des journalistes un partenaire de la sensibilisation du grand public. La communication avec les médias est une forme de communication qui présente l’information de l’émetteur (organisation publique ou association) et la diffuse au moyen d’outils spécifiques (communiqués de presse, dossiers de presse, conférences de presse, études, articles, etc.). Ses objectifs consistent à entretenir avec les journalistes des relations privilégiées afin d’obtenir ce qu’on appelle des «citations» et susciter leurs intérêts pour publier des articles d’information, des reportages ou tout simplement des informations…. b) Les outils des relations presse Les outils de relations presse sont nombreux tels que «le communiqué de presse», «le dossier de presse”, “l’espace presse ou presse room» sur le site web d’une organisation. L’efficacité des relations presse reposent souvent sur les outils tels que : - Le fichier presse : Il s’agit d’une base de données qui recense les journalistes qui sont ciblés par le service des relations presse. - Le fonds documentaire : qui permet à une ONG de mettre à la disposition des médias et des journalistes des informations relatives à l’ONG, tels que son historique, ses activités et les causes qu’elle défend. - Une base de données qui recense les journalistes qui sont ciblés par le service des relations presse et permet de les identifier selon le journal, la rubrique, la spécialisation, la responsabilité (directeur de la rédaction, rédacteur en chef, responsable de rubrique, responsable de programme, journaliste ou animateur). Elle contient aussi toutes les coordonnées des
91
journalistes (téléphone, adresse-mail…) pour pouvoir leur transmettre les informations à tout moment
- Une couverture, intitulé de l’événement, dates, nom de l’association (ou l’organisation), logo.
- Le communiqué de presse est un document court qui n’excède pas une page. Il est utilisé pour diffuser une information exclusivement auprès des journalistes. Il est écrit sous forme d’un article d’information prêt à la diffusion.
- Un sommaire qui présente de façon claire les éléments constituants du dossier de presse.
Le communiqué de presse répond aux six questions : Qui ? Quoi ? Quand ? Où ? Comment ? Pourquoi ? Il ne délivre qu’une seule information liée à un événement précis.
- Des fiches techniques détaillant différents aspects liées aux activités de l’association.
Le communiqué de presse interpelle aussi le journaliste à qui il est adressé afin de l’inciter soit à écrire un article, soit à assister à un événement (conférence de presse), soit à prendre contact pour demander de plus amples informations. Le communiqué de presse doit toujours comporter la mention « Communiqué de presse », la date de publication et le nom de l’organisation en général et son logo : Le titre résume en une seule phrase tout le communiqué. Ensuite le « chapô » ou « lead » sous forme de paragraphe introductif résume en 2 ou 3 lignes l’essentiel du communiqué et le message essentiel. Ensuite vient le « corps » et le pied du communiqué ainsi que les détails pratiques (exemple, personnes à contacter pour plus d’informations). - La conférence de presse est un événement organisé à l’attention des journalistes pour leur transmettre de façon directe des informations. Elle est un moment d’échange entre l’organisation et les journalistes à travers le jeu des questions réponses. Etant destinée aux journalistes, elle doit être toujours justifiée par un événement important qui incite les journalistes à y assister. Le choix des journalistes est un facteur important pour sa réussite. Il doit tenir compte de plusieurs paramètres, dont essentiellement, la spécialisation, l’audience du média, la périodicité…etc.
92
- Le dossier de presse est souvent transmis avec le communiqué de presse. Il contient des éléments d’information ainsi que des documents en relation avec le communiqué de presse. Il doit être bien structuré, toujours clair, apportant les informations nécessaires aux journalistes désireux d’aller plus loin dans la découverte et la compréhension. Il doit comporter les éléments suivants :
- Un mot de présentation traitant de l’organisation, de ses activités, de ses succès….
- Une revue de presse. - La dernière page est réservée aux contacts : nom et adresse de la structure, mail, téléphone, site internet et personne en charge des relations presse. Encadré n °3 : Douze Conseils pour les PVVIH afin de réussir une interview par un journaliste * Demander des informations sur le journaliste et le média (sa ligne éditoriale…) en faisant des recherches sur internet et dans les réseaux sociaux... * Demander des informations sur la finalité de l’entretien et l’usage des données qu’il va recueillir auprès de vous. En général les journalistes obtiennent des déclarations qu’ils insèrent dans un article sous forme de témoignages. * Demander au journaliste s’il enregistre ou non la communication téléphonique. En effet, Certains journalistes enregistrent les personnes qu’ils interviewent sans les informer. * Il est possible de livrer des informations qui ne seront pas destinées à la publication. Dans ce cas, il faut insister sur l’aspect « off record » de ces informations et obtenir la promesse ferme du journaliste de ne pas les publier. * Demander aux journalistes des informations sur l’usage qu’il peut faire des photos qu’il désire prendre ou des enregistrements vidéo. * Si vous avez des doutes sur l’honnêteté du journaliste et ses intentions, ne lui délivrez pas vos données personnelles (nom de famille, photo, enregistrement vidéo, confidences personnelles). Demander toujours des informations sur la publication de l’article (date) ou la diffusion du programme (Radio, TV). * Après la publication de l’article ou la diffusion de l’émission, observez comment vos propos ont été repris. 93
* Si vous considérez que vos propos ont été déformés ou utilisés dans un autre contexte qui changent radicalement ou même partiellement leur signification. Contactez les journalistes et demander des explications. * Si vous considérez que ces explications ne sont pas satisfaisantes vous pouvez demander un droit de réponse. * Le droit de Réponse a été prévu par le décret-loi 115, par les cahiers des charges des TV et des Radios et par le code éthique du conseil de presse (voir dans les annexes les dispositifs du décret 115 et des cahiers des charges relatives au droit de réponse.) * Si le journaliste ou le média refuse, vous pouvez vous adresser à la HAICA pour les programmes et vous adressez au conseil de presse ou à la justice pour les journalistes.
5.3 Les dispositifs de plainte non judiciaire contre un programme ou un contenu journalistique. Les journalistes et les producteurs de contenus sont toujours susceptibles de commettre des infractions de types éthiques et professionnelles. La HAICA a mis en place un dispositif qui permet au public de porter plainte contre les médias(59). Certains médias comme Mosaïque FM a mis en place un système de médiation et permet aux auditeurs d’envoyer leurs remarques, observations auprès du médiateur de la radio.(60) La télévision tunisienne a, de sa part, mis en place un dispositif de médiation ainsi qu’un mécanisme de médiation avec le public pour recevoir les réclamations et les plaintes(61). De même, un conseil de presse indépendant des pouvoirs politiques vient d’être mis en place. Sa fonction première est de promouvoir l’éthique journalistique et de favoriser des formes de médiation entre médias et journalistes d’une part et le public d’autre part.
6. Les recommandations pour combattre la stigmatisation des populations clés par la communication Les recommandations suivantes ont été proposées par Sophie Chalk dans le guide « HIV and Stigma : The Media Challenge »(62) dont l’objectif est de donner un aperçu des initiatives médiatiques qui cherchent à réduire la stigmatisation liée au VIH et de tirer les conclusions et les recommandations sur les bonnes et mauvaises pratiques du traitement médiatique du VIH. Le rapport montre, après l’analyse et l’évaluation de plusieurs expériences médiatiques, que la stigmatisation reste un obstacle majeur à la prévention et au traitement. Elle se manifeste de différentes manières et notamment par la peur qui empêche les gens de se présenter pour le dépistage et le traitement du VIH. Dans ce sens, les populations clés - le professionnel (le) s du sexe et leurs clients, les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, la communauté transgenre et les consommateurs de drogues injectables – sont particulièrement touchées. Tout en rappelant que le rôle que jouent les médias dans la lutte contre la stigmatisation liée au VIH est crucial. Le rapport insiste sur les obstacles qui empêchent les médias de jouer ce rôle. Parmi ces obstacles, on cite les difficultés liées à la mesure de l’impact des initiatives médiatiques. Parmi les enseignements de ce rapport : la diminution de l’intérêt des médias pour le VIH mais en même temps l’amélioration de la qualité du traitement journalistique. Le rapport souligne par ailleurs que la principale difficulté que confrontent les gouvernements et les bailleurs de fonds réside dans la mesure de l’impact des médias sur leur capacité de provoquer un changement sociétal, notamment dans un contexte marqué par le recul de l’intérêt des médias pour la couverture du VIH. Le rapport recommande aussi de porter un intérêt particulier à la formation des journalistes afin de les sensibiliser très tôt à rendre compte des histoires humaines.
Formulaire de plainte - HAICA . HAICA. [Enligne]http://plainte.haica.tn/?06a81a4fb98d149f2d31c68828fa6eb2&lang=fr 60 Site Web Mosaique Fm: https://www.mosaiquefm.net/fr/page/56/mediateur-mosaique-fm 61 Dispositif de médiation de la télévision Tunisienne. [Enligne]https://bit.ly/3gfRDgH 59
94
Pour les ONG travaillant dans la riposte contre le VIH et mettant en œuvre des compagnes de communication, le rapport avance les recommandations suivantes : Sophie Chalk, “HIV and Stigma: The Media Challenge”, International planned parenthood federation and international broadcasting trust, London, 2014, 24 pages. [En ligne] https://www.ippf.org/sites/default/files/ ippf_ibt_hivstigma__final_060814.pdf
62
95
- Une approche factuelle : Tous les projets médiatiques visant à réduire la stigmatisation liée au VIH initiés par les ONG doivent être le fruit d’un travail de recherche, visant une audience spécifique et impliquant le public. - Mesure de l’impact : Chaque fois qu’un contenu médiatique montre un impact évident dans la réduction de la stigmatisation, il doit faire l’objet d’un renforcement en moyens et ressources notamment au niveau local. - Focus sur les populations clés : Davantage de ressources doivent être consacrées à la représentation et l’engagement des populations clés, en particulier celles qui sont affectées de manière disproportionnée. - Les médias doivent être mobilisés pour cibler et impliquer les décideurs, « influenceurs » et célébrités pour les engager dans la lutte contre la stigmatisation liée au VIH. - Les journalistes ont besoin de formation et de ressources : les formations des journalistes doivent les inciter à sortir des salles de rédaction pour explorer les réalités humaines et rapporter des expériences de façon humaine. Les ONG doivent aider les journalistes à s’engager dans ces réalités et trouver des sujets qu’ils peuvent couvrir de façon inédite et humaine. - Adopter un style dramatique : Le théâtre a l’avantage d’engager les gens émotionnellement et peut conduire à un changement d’attitude. Pour cela il faut accroître la capacité des médias à produire des feuilletons dramatiques télévisés et radiophoniques qui pourraient, grâce à leur dimension culturelle et sociale, toucher l’opinion publique.
7. Mots à éviter pour les communicants(63) A éviter
Cible
Contexte
A privilégier
impliquer, Éviter la forme verbale cibler dans des Associer, formulations comme cibler les hommes concevoir à l’intention ayant des rapports sexuels avec des de, et collaborer avec. hommes (HSH) qui impliquent une approche imposée d’en haut excluant l’idée de participation. Privilégier des expressions comme associer à la programmation les HSH, les impliquer dans la riposte à l’épidémie ou programmes conçus à l’intention des HSH et en collaboration avec eux, etc.
prioriParler de populations clés (« clé » si- Populations populations gnifiant essentiel dans la dynamique de taires, clés. Populations l’épidémie et pour la riposte). cibles Le substantif cible est toutefois acceptable, en rapport avec un objectif ou un but à atteindre.
Pandémie
Une épidémie s’étendant à des régions ou des continents entiers, voire à l’ensemble de la planète, est parfois qualifiée de pandémie. Toutefois, ce terme est imprécis.
Employer épidémie en précisant l’échelle concernée : locale, nationale, régionale ou mondiale.
- Améliorer la qualité et le ton du contenu informationnel : Le contenu informationnel à la télévision et à la radio doit être de qualité afin de tisser une relation interactive avec le public, évitant ainsi le ton direct et autoritaire. - Incarner la cause du VIH dans des modèles : Il y a un besoin urgent pour les médias de trouver et de présenter des modèles à suivre pour les personnes vivantes avec le VIH. Plus tôt cela se produit, plus vite le VIH sera normalisé. - Les ONG doivent coopérer et coordonner leurs efforts pour augmenter leur productions médiatiques et communicationnelles afin d’obtenir un impact plutôt que de produire des contenus similaires.
96
- Une approche à long terme : Toutes les organisations qui travaillent à changer les attitudes face à la stigmatisation liée au VIH doivent adopter une approche à long terme et mettre tous les moyens pour y parvenir.
63 ONUSIDA 2019, « Guide de terminologie de l’ONUSIDA 2019 », Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida, 2019, 64 pages. [En ligne] https://www.unaids.org/sites/default/files/media_asset/2015_terminology_guidelines_fr.pdf
97
A éviter
Contexte
A privilégier
Il est préférable d’éviter certains termes pour désigner les personnes vivant avec le VIH (PVVIH). Par exemple, l’expression « patient atteint du Sida » ne devra être employée que dans un contexte médical. Ces termes impliquent que la personne en question est impuissante et n’a pas la maîtrise de son existence. Qualifier des PVVIH de « Victimes innocentes » (ce qui est fréquent lorsqu’il s’agit d’enfants séropositifs ou de personnes chez qui l’infection est d’origine médicale) implique à tort que les infections contractées selon d’autres modes constituent en quelque sorte un châtiment mérité.
Les termes à privilégier sont personnes vivant avec le VIH et enfants vivant avec le VIH car ils soulignent que ces personnes peuvent continuer à bien vivre et rester productives pendant de nombreuses années.
Personnes vivant avec le VIH et le Sida, PVS, PVVIH, patient atteint du Sida, victime du Sida, personne souffrant du Sida Il ne faut jamais utiliser un sigle comme PPVIH qui est déshumanisant mais préférer l’expression en toutes lettres du nom ou de l’identité du groupe. Les sigles sont toutefois admis dans les tableaux ou graphiques où l’espace est compté.
Prostitué(e) ; Prostitution
98
L’expression personnes affectées par le VIH englobe les membres de la famille et les personnes à charge qui peuvent être impliqués dans les soins ou qui sont affectés de toute autre manière par la séropositivité d’une personne vivant avec le VIH.
Un terme qui veut dire qu’une personne Pour les adultes, utiest impliquée dans une entreprise de liser : Commerce du sexe, travailleur (se) vente de service sexuel. du sexe, commerce Les termes « prostitué(e) » et « pros- ou vente de services titution » sont à proscrire car ils véhi- sexuels. culent un jugement de valeur. Pour les enfants (moins de 18 ans), utiliser exploitation sexuelle d’enfants.
A éviter
VIH/Sida ; VIH et Sida
Virus du Sida ; Virus VIH
Contexte
A privilégier
L’expression VIH/Sida doit être évitée dans la mesure du possible car elle peut prêter à confusion. La plupart des personnes vivant avec le VIH n’ont pas le Sida.
Personne(s) vivant avec le VIH, prévalence du VIH, prévention du VIH, riposte au VIH, dépistage du VIH, maladie liée au VIH, diagnostic du Sida, enfants rendus vulnérables par le Sida, programme national contre le Sida, organisation d’actions contre le Sida.
L’expression « prévention du VIH/Sida » est encore plus inacceptable, car la prévention du VIH suppose l’usage correct et constant de préservatifs, l’utilisation de matériel d’injection stérile, une évolution des normes sociales, etc., tandis que la prévention du Sida comprend un traitement antirétroviral, une bonne alimentation, une prophylaxie médicamenteuse, etc. Il est préférable d’utiliser le terme le plus spécifique et le mieux adapté au contexte.
Les termes épidémie de VIH et épidémie de Sida sont tous deux acceptables mais le premier est plus inclusif (ou « a une portée plus large »).
Le sida est un syndrome clinique. Il est VIH donc incorrect de parler de virus du Sida ; le VIH finit par provoquer le Sida. VIH signifiant virus de l’immunodéficience humaine, l’expression « virus VIH » est redondante
99
Référentiel VIH et droits humains Tome 3
Troisième Partie :
Contacts utiles pour les journalistes
Troisième Partie
Professeur Hanène TIOUIRI BENAISSA
Professeur à la faculté de médecine de Tunis Chef de service des maladies infectieuses. Hôpital La Rabta -Tunis
Secrétariat : +216 71 57 88 25 Fax : +216 71 57 49 18
E-mail : hanene.tiouiribenaissa@gmail.com 1. Coordonnées de certains experts œuvrant dans le domaine du VIH et les droits humains Professeur Mohamed CHAKROUN
Président du CCM, Chef de service des maladies infectieuses. Hôpital Fattouma Bourguiba, Monastir
Tél : +216 73 106 028
E-mail : chakrounm@outlook.com chakrounme@gmail.com Docteur Mohamed Ridha KAMOUN Président de : ATL MST SIDA Tunis
E-mail : mohamedridha.kamoun@gmail.com Professeur Habib GHEDIRA
Président-Directeur Général - C.E.O Office National de la Famille et de la Population
ONFP- Rue Hattab Bouchnak - Centre Urbain Nord, 1082 Tunis Tél : (+216) 70 729 090 / 71 754 794 Fax : (+216) 70 728 855
E-mail : pdg.onfp@gmail.com Docteur Fatma TEMIMI
Direction des services médicaux à l’Office national de la Famille et de la population (ONFP) Coordinatrice du programme Fonds Mondial de lutte contre le Sida, la Tuberculose et le Paludisme pour l’ONFP, Bénéficiaire principal
E-mail : fatma.temimi@yahoo.fr Professeur Abdelmajid ZAHAF
102
Professeur Wahid FERCHICHI
Professeur en Droit public. Université de Carthage, Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis Président de l’association ADLI
E-mail : wahidferchichi2014@gmail.com Professeur Amel LETAIEF
Chef de services des maladies infectieuses, Hôpital Farhat Hached Sousse
E-mail : ameletaief@gmail.com Professeur Mounir BEN JEMAA
Chef de services des maladies infectieuses, Hôpital Hédi Chaker -Sfax
E-mail : mounir.benjemaa61@gmail.com Docteur Houyem BOUKASSOULA Psychologue clinicienne
E-mail : h_boukassoula@yahoo.fr Professeur Raoudha LAABIDI
Présidente de l’Instance nationale de la lutte contre la traite des personnes en Tunisie.
5, Rue Ibn Charaf, Cite des Jardins, Tunis Belvédère 1002. Professeur Lassaad LAABIDI
Professeur à l’INTES et expert en migration
E-mail : lassaadlabidi1964@yahoo.fr Professeur Hassen BOUBAKRI
Ex doyen de la faculté de médecine de Sfax. Infectiologue, Président ATL MST SIDA - Sfax
Professeur de géographie à l’Université de Sousse et Président du Centre de Tunis pour la Migration et l’Asile (CeTuMA)
Tél. : +216 74 403 133
E-mail : hassan.boubakri@gmail.com
Fax : +216 74 40 48 66
E-mail : zahaf.abdelmajid@yahoo.fr
103
Mr. Lasaad SOUA
Chef de bureau ONUSIDA UNAIDS Country Manager -Tunis, Tunisie
Ministère de la Santé Publique
Tél : +216 71 155 636
Adresse : Bab Saadoun – 1006 Tunis
www.unaids.org
Fax : +216 71 577 000
Fax: +216 71 155 634 M. Senim BEN ABDALLAH Sociologue et enseignant à l’IPSI
E-mail : senimbenabdallah@yahoo.fr Professeur Hayfa ZALILA
Professeur en psychiatrie (addictologie)
E-mail : hzalila@yahoo.fr Professeur Chokri ARFA
Économiste spécialisé en l’impact et analyse du VIH sur l’économie
E-mail : chokri_arfa@yahoo.fr Docteur Nabil BEN SALAH
Président de la Société tunisienne d’addictologie
E-mail : nabil.bensalah1952@gmail.com Docteur Yassine KALBOUSSI
Public Health Consultant Human Rights specialist
E-mail : yassine.kalboussi@tuncph.org kel.yassine@gmail.com Pr Amine SLIM
- Chef de service du laboratoire de virologie de l’hôpital Charles Nicolle - Président de l’Observatoire national de surveillance de la grippe saisonnière - Professeur en microbiologie - Faculté de Médecine Tunis
Tél. : +216 71 578 186
E-mail : amislim@yahoo.com
104
2. Coordonnées d’institutions gouvernementales
Tél. : +216 71 577 000 E-mail : msp@rns.tn
Web : www.santetunisie.rns.tn Direction des Soins de Santé de Base (DSSB), Ministère de la Santé Publique
Adresse : 31, Rue Khartoum- le Belvédère, 1002 Tunis- Tunisie Tél. : +216 71 789 148 Fax : +216 71 789 679
Web : www.santetunisie.rns.tn
Contact : Dr Amel Ben Said – Dr Faouzi Abid Office national de la famille et de la population (ONFP) Adresse : 07 Rue Hattab Bouchnaq, Centre Urbain nord, 1002- Tunis- Tunisie Tél : +216 71 789 148 / 70 729 090 Fax : +216 71 789 679
E-mail : boc.onfp@rns.tn Centre d’Assistance Psychologique aux Femmes Victimes de Violences (CAPFVV) Adresse : 14 rue du Pakistan – 2013 Ben Arous Tél. : 71 385 585 Fax : 71 385 585
E-mail : cap@onfp.tn
Site internet : www.onfp.tn
105
Services des maladies infectieuses aux centres hospitalo-universitaires Service des Maladies Infectieuses à l’Hôpital Universitaire La Rabta - Tunis Adresse : Rue Jbel Lakhdhar, 1002 Tunis
Association Tunisienne de Prévention Positive - (ATP+) Adresse : 9 rue 7443, villa n°9 - Manar I - 2092-Tunis E-mail : atppluscontact14@gmail.com
Tél. : +216 71 578 825
Association Tunisienne de Lutte contre les Maladies Sexuellement Transmissibles (ATLMSTSIDA - section de Tunis)
Tunis
Tél. : +216 70 866 587
Service des maladies infectieuses à l’Hôpital Universitaire Fattouma Bourguiba - Monastir
E-mail : infosida@atlsida.org
Tél. : +216 73 106 000 (poste 1639)
Association Tunisienne de Lutte contre les Maladies Sexuellement Transmissibles (ATLMSTSIDA – Bureau National)
Fax : +216 71 574 918
Adresse : Avenue 1er Juin 1955. 5019 Monastir Fax : +216 73 425 261
Service des maladies infectieuses à l’Hôpital Universitaire Farhat Hached - Sousse
Adresse : Rue Ibn Jazzar, 4031, Ezzouhour, Sousse, Tunisie Tél. : +216 73 211 183 / 73 102 516 Fax : +216 73 211 183 / 73 226 702 Service des maladies infectieuses à l’Hôpital Universitaire Hédi Chaker - Sfax Adresse : Route d’El Ain Km 0.5 - Avenue Majida Boulila. 3029 - Sfax, Tunisie Tél. : +216 74 246 906 Fax : +216 74 541 384
3. Coordonnées de certaines ONG impliquées dans la lutte contre le VIH et le sida Instance Nationale de coordination (CCM Tunisie), Programme Fonds Mondial de lutte contre le Sida, la tuberculose et le paludisme Adresse : 101 Avenue d’Afrique. El Manzah 5 - Ariana - 2091 - Tunisie Tél. : +216 71 230 396 Fax : +216 71 230 396
Adresse : 8 Rue Haifa- 2037 el Manzah 8 Fax : +216 70 866 588 Web : www.atlsida.org
Adresse : Avenue du 5 août, Rue du 19 juillet – 3200 Sfax Tél. : +216 74 203 500
E-mail : contact@atlmstsida.com Web : www.atlmstsida.com
Croissant Rouge Tunisien (CRT)
Adresse : 19, rue d’Angleterre –Tunis 1000 Tél. : +216 71 325 572 / +216 71 320 630 Fax : +216 71 320 151
E-mail : hilalahmar@planet.tn
Web : www.tunisianredcrescent.org Association Tunisienne de la Santé de la Reproduction ATSR) - Tunis Adresse : 14 rue Brahim Ibn Abderrafii - Cité El Khadhra – 1003 Tunis Tél. : 71 808 935 Fax : 71 808 953
E-mail : atsr@atsrtn.org
Site internet : www.atsrtn.org
E-mail : ccm.tunisie@gmail.com Web : www.ccmtunisie.org.tn
106
107
Association Tunisienne d’Information et d’Orientation sur le SIDA et de la Toxicomanie (ATIOST) Adresse : 43 rue Hédi Saidi, 1005 Tunis
4. Coordonnées des institutions gouvernementales : L’initiative Mawjoudin pour l’égalité
Tél. : +216 71 957 544
Adresse : 67 rue Om Kalthoum, 2ème étage, Bloc C – 1000 Tunis
E-mail : atiost.sida.toxicomanie@gmail.com
E-mail : mawjoudin.tn@mawjoudin.org
Fax : +216 71 957 51
Association BEITY pour les femmes sans domicile Adresse : 5 avenue Kheireddine Pacha – 1002 Tunis Tél. : +216 71 906 692
E-mail : beity.tunisie@gmail.com Association NESS pour la prévention combinée E-mail : association.ness.pc@gmail.com fetenbouhaha1@gmail.com
nadhem.o.oueslati@gmail.com
Tél. : +216 71 255 698
ali.bousselmi@mawjoudin.org
www.facebook.com/mawjoudin.tn Médecins du Monde - MdM
Adresse : 9 rue Amine El Abbassi, 1002 Le Belvédère Tunis E-mail : contact.tunisie@medecinsdumonde.be Avocats Sans Frontières
Adresse : 6 rue Izmir, Notre Dame - Mutuelle ville, 1002 Tunis Web : www.asf.be
Adresse : 6 rue Mohamed Agrebi – La République 1001 Tunis
Maison du Droit et des Migrations de Tunis Adresse : 17 rue Khaled Ibn El Oualid - Quartier Mutuelleville - 1002 Tunis
baaboubadr@yahoo.fr
E-mail : contact@maison-migrations.tn
https://www.damj.co
Programme Commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA)
DAMJ, Association Tunisienne pour la justice et l’égalité E-mail : damj.association@gmail.com
https://www.facebook.com/pg/damj.tunisie
Tél. : (+216) 71 287 484
Adresse : 11, Rue du Développement. Cité El Khadhra. 1003 Tunis Tél : +216 71 155 600
Lignes directes : +216 71 155 636 / 637 Fax : +216 71 155 634
E-mail : benmamoum@unaids.org
Web : www.unictunis.org.tn/onusida.htm http://www.unaids.org
108
109
Programme des nations unies pour le développement (PNUD) Adresse : 41 bis, Avenue Louis Braille, Impasse Louis Braille Cité El Khadra 1003. Tunisie Tél. : +216 71 904 011 Fax : +216 71 900 668
E-mail : registry.tn@undp.org Web : www.tn.undp.org
Organisation mondiale de la santé - Bureau de Tunis (OMS) Adresse : Rue du développement. Cité El khadra 1003 Tél. : +216 71 155 600 Fax : +216 71 155 634
E-mail : wrtunisia@emro.who.int Fonds des Nations Unies pour la population Adresse : 54 Avenue Tahar Ben Achour, Mutuelle ville Tunis 1083 Tunisie Tél. : +216 71 282 383 / 71 282 384 Fax : +216 71 282 386
E-mail : boughzene@unfpa.org Web : tunisie-unfpa.org
110
Référentiel VIH et droits humains Tome 3
Annexe
Annexe
Décret-loi n°2011-115 du 2 novembre 2011 relatif à la liberté de la presse, de l’imprimerie et de l’édition. Section 5 : Des rectifications et du droit de réponse Article 39 : Toute personne est en droit de demander la rectification de tout article comportant des informations erronées, à condition d’avoir un intérêt direct et légitime dans sa rectification. Le texte rectificatif ne devant pas excéder la longueur de l’article objet de la rectification. Le périodique publie le rectificatif, impérativement et gratuitement, dans l’un des trois numéros suivants la date de réception du rectificatif pour les journaux quotidiens et dans le numéro suivant pour les autres périodiques. Article 40 : Toute personne qui a été citée expressément ou tacitement de manière portant préjudice à ses droits personnels est en droit d’exercer le droit de réponse. Article 40 : Toute personne qui a été citée expressément ou tacitement de manière portant préjudice à ses droits personnels est en droit d’exercer le droit de réponse.Le périodique publie la réponse impérativement et gratuitement dans l’un des trois numéros suivants la date de réception de l’article de réponse pour les journaux quotidiens et dans le numéro suivant pour les autres périodiques. La réponse est insérée dans la même place, en mêmes caractères, dans la même longueur que l’article objet de la réponse, et sans aucune intercalation, non compris l’adresse, les salutations, les réquisitions d’usage et la signature.la réponse ne peut dépasser 200 lignes même si l’article est plus long. Tout commentaire ouvre un nouveau droit de réponse selon les mêmes règles. Il n’est pas permis que la réponse comporte des termes contraires à la loi, à l’intérêt légitime des tiers ou qui sont de nature à porter atteinte à l’honneur et à la considération de l’auteur de l’article. 114
Article 42 : Le tribunal de première instance du lieu du siège social de l’établissement qui publie le périodique examine les actions relatives
au refus d’insertion du droit de réponse, conformément aux procédures de référé. Il examine également les actions visant à mettre un terme au droit de réponse dans le cas où il comporte des termes contraires à la loi, à l’intérêt légitime des tiers ou qui sont de nature à porter atteinte à l’honneur et à la considération de l’auteur de l’article. Le tribunal statue dans les dix jours suivants la date du recours, il peut décider que le jugement ordonnant l’insertion est exécutoire sur minute nonobstant opposition ou appel, dans la limite toutefois du chef relatif à l’insertion. En cas d’appel la juridiction compétente statue dans les quinze jours suivants la date d’enregistrement du recours en appel au greffe de la juridiction. Article 43 : Le délai d’insertion indiqué à l’article 42 du présent décret-loi est réduit à vingt-quatre heures lors des périodes électorales pour les journaux quotidiens. Dans ce cas le droit de réponse doit parvenir au journal qui a publié l’article objet de la réponse six heures avant l’heure de son tirage. Le journal doit, à compter du début de la période électorale, informer le ministère public de l’heure du commencement de son tirage, sous peine de s’exposer aux sanctions prévues à l’article 41 du présent décret-loi. Il est possible que la citation soit d’heure en heure sur ordonnance du président du tribunal de première instance compétent. Le tribunal peut ordonner l’exécution du jugement d’insertion sur minute, nonobstant toute opposition ou appel, dans la limite toutefois du chef de l’insertion. Le condamné qui refuse d’obtempérer au jugement d’insertion dans un délai de vingt-quatre heures à compter de la date de son prononcé, est puni d’une amende de trois mille à cinq mille dinars. Article 44 : Le droit de réponse mentionné à l’article 39 du présent décret-loi peut être exercé par les associations habilitées par leur statut à défendre les droits de l’homme, dans le cas où une personne ou un groupe de personnes seraient visées dans des périodiques par des accusations qui seraient de nature à porter atteinte à leur dignité ou à leur honneur en raison de la race, du sexe ou de la religion. Aucune association ne peut exercer ce droit sans autorisation expresse de l’intéressé s’il s’agit d’accusation concernant une personne ou des personnes bien déterminées. Article 45 : Le tribunal compétent peut refuser l’action en rectification ou de réponse si le périodique procède de son propre chef à la publication d’un rectificatif qui conduit de manière effective à la réparation du préjudice qu’il a causé à autrui. Article 46 : L’action en insertion se prescrit après six mois, à compter de la date de publication du numéro du périodique objet de la réponse.
115
Décision de la Haute Autorité Indépendante de la Communication Audiovisuelle N°2 de l’année 2014, datée du 5 mars 2014, relative à la publication du cahier des charges fixant les conditions d’octroi d’une licence de création et d’exploitation d’une chaine de télévision privée sur le territoire tunisien. Section V : Rectification et droit de réponse Article 34 Le titulaire de la licence s’engage à recevoir les plaintes des téléspectateurs, qu’il s’agisse de personnes physiques ou morales. Il est tenu d’y répondre, de corriger les erreurs et de présenter, éventuellement, les excuses dans un délai ne dépassant pas une semaine. Ce délai est réduit à 24 heures pendant les périodes électorales. Article 35 Toute personne a le droit de demander la rectification de données la concernant et jugées erronées et diffusées dans l’une des émissions de la chaîne, à condition que cette demande soit légitime et justifiée. Article 36 Toute personne physique ou ses héritiers ou toute personne morale qui estime avoir subi un préjudice suite à la diffusion d’informations la concernant, de manière explicite ou implicite, est en droit de demander un droit de réponse sur la même chaine et de manière gratuite. Article 37 Le droit de réponse ne peut être invoqué que si l’information en question porte atteinte à l’honneur et à la réputation de la personne concernée.
Article 39 Le titulaire de la licence peut refuser d’accorder le droit de réponse. Dans ce cas, sa décision doit être rendue dans un délai maximum de 48 heures, à compter de la date de la demande. Sa décision doit être écrite et motivée. Le silence est considéré comme étant un refus. Le plaignant peut attaquer la décision de refus devant la HAICA, dans un délai ne dépassant pas une semaine, en période ordinaire, et 24 heures pendant les périodes électorales. Le droit de réponse doit obéir aux conditions suivantes : - La demande doit être adressée dans un délai maximum de trois mois après la dernière diffusion des données incriminées - Le droit de réponse doit être diffusé dans le même programme et le même horaire de diffusion - Le droit de réponse doit occuper la même durée que les données incriminées. Cette durée doit être d’au moins une minute. Article 40 L’acceptation du droit de réponse oblige le titulaire de la licence à ne plus diffuser les données incriminées et à ne plus les publier sur le site électronique de la chaine. Article 41 Le droit de réponse ne peut plus être invoqué après trois mois de la dernière diffusion des données incriminées. Article 42 Le droit de réponse doit être conservé pendant 90 jours pour s’assurer qu’il n’a fait l’objet d’aucune déformation.
Le droit de réponse ne doit pas comporter des propos contraires à la loi ou portant atteinte à la dignité et à l’honneur des personnes Article 38 Le titulaire de la licence s’engage à garantir le droit de réponse dans un délai ne dépassant pas une semaine. Ce délai est réduit à 24 heures pendant les périodes électorales.
116
Le titulaire de la licence s’engage à faciliter les conditions d’exercice du droit de réponse, en garantissant l’environnement nécessaire à la réalisation de l’objectif visé. Le demandeur d’un droit de réponse peut déléguer quelqu’un pour user de ce droit à sa place.
117
Référentiel VIH et droits humains Tome 3
Bibliographie
Bibliographie
Livres et guides - « Guide pour les professionnels des médias de l’océan indien ». Commission de l’océan indien, AIRIS-COI, UNAIDS - Projet d’appui à l’initiative régionale de prévention des IST/VIH/SIDA, Maurice, 2010, 66 pages. [En ligne] https://peidd.fr/IMG/pdf/Guide_Media_Ocean_Indien_ VIH_sida.pdf - « Halte à l’épidémie mondiale de maladies chroniques : Guide pratique pour une sensibilisation réussie », OMS, Genève, 2006. - « Key Population Program Implementation Guide », Washington (DC) : FHI 360/LINKAGES ; Mars 2016. [En ligne]https://www.fhi360.org/sites/ default/files/media/documents/linkages-program-implementation-guide.pdf - «Ethics and principles for HIV reporting». [En ligne] https://www. hivmediaguide.org.au/media-tool-kit/principles-reporting-hiv-and-aids/ index.html - «Media ethics, safety and mental health: reporting in the time of Covid-19». [En ligne] https://ethicaljournalismnetwork.org/media-ethicssafety-and-mental-health-reporting-in-the-time-of-covid-19 - Airhihenbuwa, Collins O., Makinwa, Bunmi, FRITH, Michael, et al. Communications framework for HIV/AIDS: A new direction. In: Communications framework for HIV/AIDS: a new direction. 1999. - Bill Kovach and Tom Rosenstiel, « The Elements of Journalism: What News people Should Know and the Public Should Expect, Completely Updated and Revised Paperback »– April 24, 2007. [En ligne] https:// www.americanpressinstitute.org/journalism-essentials/what-is-journalism/ elements-journalism/
120
- Bostanci, M. (2017). «Rights-based Approach to Journalism in Turkey», Journalism, 7(5), 244-248.
- Country factsheets Tunisia 2019, UNAIDS epidemiological estimates, 2020. [En ligne] https://www.unaids.org/fr/regionscountries/countries/tunisia - Denise-Marie Ordway, «Covering COVID-19 and the corona virus: 5 tips from a Harvard epidemiology professor», March 6, 2020; in; The Journalist’s Ressource informing the news. [En ligne] https://journalistsresource.org/ studies/society/public-health/covid-19-coronavirus-epidemiology/ - Gabrielle Beman &Daniel Calderbank, « The Human rights-based approach to journalism: training manual, Viet Nam », UNESCO Office Bangkok and Regional Bureau for Education in Asia and the Pacific, 2008, 41 pages. [En ligne] file:///C:/Users/Lamia%20Ben%20Hssine/ Downloads/179185eng.pdf - Halte à l’épidémie mondiale de maladies chroniques : guide pratique pour une sensibilisation réussie, OMS, Genève, 2006, 5 pages. [En ligne] https://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/43527/9242594466_fre. pdf?sequence=1&isAllowed=y - Haut-commissariat des nations unis pour les droits de l’homme, « Questions fréquentes au sujet d’une approche de la coopération pour le développement fondée sur les droits de l’homme », Nations unies, Genève, 2006, p 15. [En Ligne] https://unsdg.un.org/sites/default/files/FAQfr.pdf - International Federation of Journalists, «HIV/AIDS media guide IFJ media guide and research report on the media’s reporting of HIV/AIDS», 2006, Bruxelles. [En ligne] https://documentation.lastradainternational. org/doc-center/2103/hiv-aids-media-guide-ifj-media-guide-and-researchreport-on-the-media%E2%80%99s-reporting-of-hiv-aids - International Federation of Journalists, « HIV/AIDS media guide IFJ media guide and research report on the media’s reporting of HIV/AIDS », 2006, Brussels, Belgium.[En ligne]https://documentation.lastradainternational. org/lsidocs/hiv_aids_media_0607.pdf - Kihu Irimu, « Reporting HIV/AIDS: A guide for Kenyan journalists », ed. Friedrich-Ebert-Stiftung, Nairobi, 2003 - V, 27 S. = 56, 136 KB, PDF-Files. - Kovach, B., & Rosenstiel, T. (2014). The elements of journalism: What news people should know and the public should expect. Three Rivers Press (CA). - Krüge, F. (2005). «Ethical journalism in a time of AIDS», African Journal of AIDS Research, 4(2), 125-133. 121
- Laura Helmuth, «Tip Sheet: Covering the Coronavirus Epidemic Effectively without Spreading Misinformation», March 2, 2020. [Enligne] https://www. theopennotebook.com/2020/03/02/tipsheet-covering-the-coronavirusepidemic-effectively-without-spreading-misinformation/ - Meltem Bostanci, «Rights-based Approach to Journalism in Turkey», Journalism and Mass Communication, May 2017, Vol. 7, No. 5, 244-248 doi: 10.17265/2160-6579/2017.05.002 - ONUSIDA, « Cadre de communication sur le VIH et le SIDA-Nouvelle orientation », un projetONUSIDA/PENNSTATE., ONUSIDA, 2000, 116 pages. [En ligne] https://data.unaids.org/publications/irc-pub01/jc335commframew_fr.pdf - ONUSIDA, « Foire aux questions : VIH et sida ». [En ligne] https://www. unaids.org/fr/frequently-asked-questions-about-hiv-and-aids - Organisation des Nations Unies (ONU) et Haut-commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH). (2006). « Questions fréquentes au sujet d’une approche de la coopération pour le développement fondée sur les droits de l’homme ». - Shaw, I. S. (2011), «Human rights journalism: A critical conceptual framework of a complementary strand of peace journalism». Expanding peace journalism: Comparative and critical approaches, 96-121. - Sophie chalk, «HIV and stigma: The Media Challenge, International Broadcasting Trust», 2014 - Tunisie -Terrorisme : Selon un rapport du SNJT, certains médias ne respectent pas la déontologie journalistique. Tunis Afrique Presse, le 25 février 2016. [En ligne]https://www.webmanagercenter.com/2016/02/25/168511/ tunisie-terrorisme-selon-un-rapport-du-snjt-certains-medias-ne-respectentpas-la-deontologie-journalistique/*
Chartes nationales et internationales
- Charte de la télévision tunisienne. [En ligne] https://bit.ly/3fFPrP5 - Charte de Mosaïque FM. [En ligne] https://www.mosaiquefm.net/fr/ page/51/charte-editoriale-mosaique-fm - Charte éditoriale de la radio tunisienne. [En ligne] https://bit.ly/3nTbXXC - Charte mondiale d’éthique des journalistes. [En ligne] https://www.ifj.org/ fr/qui/regles-et-politique/charte-mondiale-dethique-des-journalistes.html - Charte sur le terrorisme établie par les rédacteurs en chef et des journalistes, Centre Africain de formation des journalistes et communicateurs. [En ligne] https://bit.ly/2K8foLH - Chartes éthiques élaborées par l’Institut Arabe des Droits de l’Homme. [En ligne] https://asile.tn/ccd.php - Society of professional Journalist’s code of ethics [En ligne] https://www.spj.org/ethicscode.asp
Pactes et déclarations internationales - « Vienna Declaration and Program of Action», World Conference on Human Rights, 25 June, 1993, Copyright 1996-2000, Office of the United Nations High Commissioner for Human Rights, Geneva, Switzerland http:// www.unhchr.ch/huridocda/huridoca.nsf/(Symbol)/ A.CONF.157.23. [En ligne] https://www.ohchr.org/en/professionalinterest/pages/vienna.aspx - Déclaration de Munich version 2017, Syndicat National des Journalistes CGT. [En ligne] https://snjcgt.fr/2017/06/16/charte-de-munich-version-2017/ - Pacte d’honneur. Syndicat national des journalistes Tunisiens. [En ligne] https://bit.ly/3nSbgOn - Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Haut-commissariat des droits de l’homme. Nations unies. [En ligne] https://www.ohchr.org/ fr/professionalinterest/pages/ccpr.aspx
- Charte d’éthique professionnelle des journalistes. SNJ, 1918/38/201, Paris. [En ligne] https://www.snj.fr/content/charte-d%E2%80%99%C3%A9thique-professionnelle-des-journalistes - Charte de la Radio Diwan Fm. [En ligne] https://www.diwanfm.net/ mithe9.html 122
- Charte de la TAP. [En ligne] https://www.tap.info.tn/fr/charte-r%C3%A9daction-tap
123
© ONFP/ ASF 2021 Programme d’appui du Fonds Mondial de lutte contre le Sida, la tuberculose et le paludisme pour la Tunisie: « Améliorer l’accès aux services de prévention et de traitement ainsi que les droits humains des populations clés en Tunisie ». Publié par: Office National de la Famille et de la Population 7 rue Hattab Bouchnaq, Centre Urbain Nord 1082 Tunis, Tunisie & Avocats Sans Frontières - Tunisie 6 Rue d’Izmir, Mutuelle ville,Tunis, Tunisie Date d’édition : Juin 2021
TOME 4
Référentiel VIH et droits humains
Approche religieuse des droits des PVVIH
Juin 2021
Référentiel VIH et droits humains
TOME 4 Approche religieuse des droits des PVVIH
Référentiel VIH et droits humains Tome 4
Partenaires
OFFICE NATIONAL DE LA FAMILLE ET DE LA POPULATION Adresse : 07 rue Hattab Bouchnaq, Centre urbain nord, 1082 Tunis. Tél. : (+216) 70 729 090 Fax : (+216) 70 728 855 Adresse Email. : boc.onfp@rns.tn Portail : www.onfp.tn AVOCATS SANS FRONTIÈRES, BUREAU DE TUNIS Adresse : rue Azmir, Notre Dame, Tunis. Tél. : (+216) 71 894 002 Fax : (+216) 71 894 002 Site web : www.asf.com
ASSOCIATION TUNISIENNE DE LUTTE CONTRE LES MALADIES SEXUELLEMENT TRANSMISSIBLES ET LE SIDA – BUREAU NATIONAL DE SFAX Adresse : Avenue 5 août, Rue du 19 juillet, 3002 Sfax Tél. : (+216) 74 203 500 Fax. : (+216) 74 228 397 Adresse Email. : atl.bn.sfax@gmail.com ; Site web : www.atlmstsida.com
DIRECTION DES SOINS DE SANTÉ DE BASE/ PROGRAMME NATIONAL DE LUTTE CONTRE LES IST ET LE SIDA (PNLS) Adresse : Rue Elkortum, Tunis Belvédère Tél. : (+216) 71 789 148 Fax : (+216) 71 789 679
ASSOCIATION TUNISIENNE DE LUTTE CONTRE LES MALADIES SEXUELLEMENT TRANSMISSIBLES ET LE SIDA – SECTION DE TUNIS Adresse : 7, Rue El Khalil, Menzeh 8, 2037 Tél. : (+216) 70 866 186 Fax. : (+216) 70 866 588 Adresse Email. : atlsidatunis@gmail.com Site web : atltunis.org
ASSOCIATION TUNISIENNE DE LA SANTÉ DE LA REPRODUCTION Adresse : 14 rue Ibrahim Ibn Abedelrafii, Cité El khadra 1003 Tunis Tél. : (+216) 71 808 935 / 71 808 952 Fax. : (+216) 71 808 953 Adresse Email. : atsr@atsrtn.org Site Web : atsrtn.org ASSOCIATION TUNISIENNE D’INFORMATION ET D’ORIENTATION SUR LE SIDA ET LA TOXICOMANIE Adresse : 43 Avenue Hédi saidi Beb Saadoun Tunis Adresse Email: atiost.sida.toxicomanie@gmail.com Tél. : (+216) 71 957 544 Fax. : (+216) 71 957 511 Site Web : www.atiost.org.tn 4
ASSOCIATION TUNISIENNE DE PRÉVENTION POSITIVE Adresse : 9, rue 7443, Ardh Hrichi, Manar 1 Tel : (+216) 36 381 108/07 Adresse Email. : association.atpp@gmail.com
MÉCANISME DE COORDINATION TUNISIENNE POUR LA RIPOSTE AUX FLÉAUX SANITAIRES Adresse : 101 Avenue d’Afrique El Menzeh 5, 2091 Ariana Tunis, Tunisie Tél. : (+216) 71 230 396 Fax. : (+216) 71 230 396 Adresse Email. : ccm.tunisie@ccmtunisie.org.tn Site web: www.ccmtunisie.org.tn PROGRAMME COMMUN DES NATIONS UNIES SUR LE VIH / SIDA - BUREAU DE TUNIS c/o OMS Rue du Développement - Cité el Khadhra 1053 Tunis Tél. : (+216) 71 155 636 Fax. : (+216) 71 155 634 Email : SouaL@unaids.org Site web: www.unaids.org
5
Référentiel VIH et droits humains Tome 4
Comité de pilotage
Comité de pilotage
Auteur : Pr Mounir Ben Jemmour, Consultant, Professeur en Sciences Théologiques, Institut supérieur de théologie, Université de la Zitouna. Traduction : Dr Farouk Ben Mansour, Consultant Expert en santé sexuelle et reproductive. Coordination et suivi : • Unité de gestion du programme Fonds Mondial, Office national de la famille et de la population, Tunisie. Dr Mohamed Kheireddine Khaled, Coordinateur du Programme Fonds Mondial de lutte contre el Sida, la tuberculose et le paludisme Dr Lamia Ben Hassine. Chargée de la communication et de la coordination entre les régions et point focal VIH et droits humains. • Avocats sans frontières -Tunisie Mme Najia Bounaimi, Directrice pays. Mme Amira Derbali, Coordinatrice de projet VIH et droits humains Assistance technique international du Fonds Mondial : M. Christian Tshimbalanga Mwata : Consultant international en santé et droits humains. Comité de pilotage : • Mécanisme de coordination Tunisienne pour la Riposte aux Fléaux Sanitaires (CCM) Pr Mohamed Chakroun, Président du CCM. Chef de service des maladies infectieuses, Centre Hospitalo-Universitaire Fattouma Bourguiba, Monastir, Tunisie.
8
• Programme national de lutte contre les infections sexuellement transmissibles et le Sida, Direction des soins de santé de Base (PNLS -DSSB- Ministère de la santé) Dr Faouzi Abid, Médecin principal de santé publique. Chef de service des
maladies infectieuses et Coordinateur des programmes nationaux de lutte contre le Sida, la tuberculose et le paludisme. • Programme commun des Nations unies sur le VIH/sida (ONUSIDA) M Lassaad Soua. Directeur pays. • Représentant de l’Office national de la famille et de la population, Bénéficiaire principal de la subvention du Fonds Mondial Dr Fatma Temimi, sous-directrice des services médicaux et coordinatrice du programme Fonds Mondial à l’ONFP. • Représentants des ONG Sous récipiendaires Mme Irzek Knitech, Directrice exécutive. Association Tunisienne pour la Santé de la Reproduction. Mme Houyem Boukassoula, Psychologue clinicienne. Secrétaire Général. Association Tunisienne d’Information et d’Orientation sur le Sida et la Toxicomanie. Mme Souhaila Ben Said, Présidente. Association Tunisienne de Prévention Positive. Dr Faten Msakni, Asistante sociale. Association Tunisienne de Lutte contre les Maladies Sexuellement Transmissibles et le Sida, Bureau National, Sfax. Mr Oussama Bouagila, Juriste. Association Tunisienne de Lutte contre les Maladies Sexuellement Transmissibles et le Sida, Bureau Tunis. • Avocats sans frontières -Tunisie Mme Najia Bounaim. Mme Amira Derbali. M Lamine Ben Ghazi. Coordinateur de projets. • Unité de gestion du programme Fonds Mondial, Office national de la Famille et de la Population, Tunisie Dr Mohamed Khaled Kheireddine. Dr Lamia Ben Hassine. Comité de lecture et de révision linguistique du document : Dr Farouk Ben Mansour, Consultant chargé de la lecture et de la révision linguistique du document. Dr Lamia Ben Hassine. Mme Amira Derbali. 9
Référentiel VIH et droits humains Tome 4
Résumé
Résumé
Le discours religieux sur le sujet du VIH était basé, au cours des dernières décennies, sur les données scientifiques et médicales, avec une touche religieuse portant sur l’aspect de la prédication et le besoin d’auto-préservation. Aujourd’hui, il est nécessaire de modifier son contenu en y intégrant les droits des «Personnes Vivant avec le Virus de l’Immunodéficience Humaine Acquise» (PVVIH), de militer pour leur application et d’établir un système juridique approprié avec une référence islamique. Cependant, ce travail ne peut être réalisé qu’en tenant compte du «Nondit» et en mettant à nu ce que la majorité des gens gardent sous silence à propos des violations flagrantes des droits des PVVIH qui se manifestent dans tous les domaines de la vie sociale. La propagation du SIDA dans divers pays et le nombre croissant de porteurs du virus ont créé une crainte injustifiée chez de nombreuses personnes qui ont la phobie de la contamination par le VIH. Cette crainte traduit une ignorance des vraies modes de transmission de la maladie telles que prouvées par la médecine. En conséquence, le phénomène de stigmatisation et de discrimination à l’égard des PVVIH est progressivement apparu et s’est développé, ce qui s’est traduit par la violation de leurs droits fondamentaux matériels et moraux. Pour mieux appréhender ce phénomène d’un point de vue islamique, il était nécessaire de rechercher parmi les principes de la jurisprudence ce qui convient pour établir une référence religieuse inhérente aux droits des PVVIH. Ceci est possible lorsque le sujet est abordé à travers les trois convictions islamiques suivantes : L’unicité de Dieu - L’honneur divin attribué à l’être humain - l’affliction divine.
12
1) L’unicité de Dieu : Dieu est un en lui-même et ses attributs, unique dans la création de l’homme, de l’univers, de la vie et de la mort. Dans le Coran, nous lisons : «Allah, il n’y a d’autres dieux que lui». Nous pouvons aussi lire : « Béni soit, celui qui détient la royauté suprême et qui est puissant sur toute chose». La doctrine du monothéisme éveille la
conscience, stimule les volontés et suscite le côté intérieur et bienveillant de l’Homme. La croyance en l’unicité du Créateur inculque à la personne des convictions avec lesquelles elle peut construire des attitudes raisonnables et justes. Dieu déclare : «C’est lui qui a créé pour vous tout ce qui est sur la terre.» Conformément à ces dires, il est du droit inaliénable des PVVIH de bénéficier de ce que Dieu a créé, d’en disposer et d’en gérer. Il en découle l’ensemble des droits matériels tels que la vie, la santé et le travail. De même, la conviction de la PVVIH qu’il n’y a pas de créateur autre que lui et qu’aucune autre idole ne doit être déifiée ou glorifiée, lui procure la force de tenir au principe de sa liberté. Elle est libre d’établir sa relation avec Dieu sans intermédiaire, et que la maladie est un test de Dieu qui exige une récompense pour tous ceux qui en sont patients ; sans toutefois, omettre la nécessité de recourir aux médicaments pour traiter les maladies. 2) Honorer l’être humain : La PVVIH est une personne d’emblée honorée et valorisée selon la manière dont Dieu Tout-Puissant l’a créé, et il n’y a aucune différence entre elle et les autres personnes sauf par le travail bénéfique, comme le dit le Tout-Puissant : « Les plus honorables d’entre vous auprès de Dieu sont les plus pieux ». Compte tenu du principe de la Valorisation divine de l’homme, il n’est pas permis, selon la charia, de soumettre la PVVIH à la stigmatisation et à la discrimination, ni à la violation des droits de l’Homme sous aucun prétexte. 3) L’affliction divine : l’infection par le VIH est une affliction et un test divin, et il n’est pas approprié pour celui qui croit au Seigneur de considérer l’atteinte par le virus comme une punition imposée à titre correctionnel, alors qu’il ne s’agit que d’un test. Dieu a dit « Nous vous éprouverons plus ou moins par la peur et la faim... annonce la bonne nouvelle à ceux qui auront patienté ». Le porteur du virus ne devrait pas être passif, découragé et en désespoir, vivant dans l’isolement. Il devrait plutôt accepter avec courage et résignation son état et se rapprocher de son Créateur par la prière et la supplication. Le Tout-Puissant a dit : « Appelez-moi, je vous répondrai », comme il l’a promis au patient en disant : « Annonce la bonne nouvelle pour les patients ». Ainsi, étant donné que le SIDA est une affliction divine pour l’être humain, nul n’a le droit de se comprter le porteur du virus avec des attributs tendancieux destinés à rabaisser sa valeur en tant qu’être humain et à le distinguer négativement des autres, du fait qu’il est, comme tout le monde entre les mains du Créateur qui connait le fin fond de toutes les pensées humaines.
13
Le système de valeurs et les droits des PVVIH : Les valeurs morales régissant le comportement individuel et les relations sociales, telles que la justice, l’égalité, la liberté et la tolérance, font partie intégrante des enseignements de l’Islam que les savants ont extrait de la révélation divine. Ce système de valeurs est caractérisé par trois concepts qui sont : la constance, la globalité et la suprématie. La reconnaissance du droit de la PVVIH à la liberté est une reconnaissance de son humanité en premier lieu, et une réponse à l’appel de l’instinct par la suite. Toujours est-il que la violation des droits des PVVIH reste un comportement condamnable ; car il secontredit avec les principes de la légalité et perpétue. Les droits des PVVIH dans l’Islam ne peuvent être appréhendés indépendamment de l’évocation de la vérité doctrinale et de la présence des valeurs. Ils apparaissent à travers la législation islamique par deux composantes : la première étant les fondements juridiques globaux et la seconde les finalités jurisprudentielles. 1) En ce qui concerne le premier point, les savants d’al-Maqasid ont défini le cadre législatif de ces droits dans ce qui est exprimé dans les « Globalités de la chariaa », que sont : la préservation de la religion, de l’âme, de la descendance, de l’argent et de la raison, en plus de la dignité. La préservation de ces droits constitue le plus haut niveau de préoccupation visé par la législation musulmane. L’auto-préservation signifie le droit à la vie et à l’autoprotection contre la disparition. Il est basé sur le droit de la PVVIH à vivre en sécurité. Quant à la préservation de la religion, elle donne à l’Homme le droit à la liberté de religion, de la croyance et de la pratique religieuse. La préservation de la progéniture, quant à elle, implique le droit au mariage et à fonder une famille. Ce droit n’est pas tributaire de l’état de santé, il ne s’abroge pas en cas de maladie. Il reste médicalement possible et juridiquement acceptable. La préservation de la dignité donne droit à lutter contre toute stigmatisation ou discrimination. La sauvegarde de ces droits est dépendante de leur mise en pratique par les PVVIH qui sont les premiers bénéficiaires de leur application.
14
2) En ce qui concerne le deuxième point, les règles jurisprudentielles sont valables pour appréhender les situations naissantes, et ce, compte tenu de leur caractère absolu, complet et réaliste. Parmi les règles qui nous intéressent à cet égard, on retient les deux suivantes : « Le dommage est à
supprimer » et « La difficulté implique la facilité ». Les objectifs fondamentaux de la loi islamique sont assujettis dans le comportement personnel et les relations inter sociales ; de manière à garantir justice et miséricorde dans la définition et l’exercice des droits ; de telle façon que toute personne s’interdise de faire du mal à ses semblables ou de violer leurs droits. La protection des droits des PVVIH ne se réalise qu’en les préservant du préjudice. L’appel de la religion à supprimer les dommages est en mesure d’activer les droits humains des PVVIH et de les appliquer.
Les droits des PVVIH dans le droit musulman : 1 - Le droit de se marier et d’avoir des enfants :
Les juristes autorisent à la personne malade de se marier s’il y a intérêt à le faire et s’il ne conduise pas à une viciation. On sait que la possibilité de transmettre le virus du sida du porteur au conjoint et au nouveau-né reste possible, mais la médecine confirme aujourd’hui que ce genre de mariage est possible, car des moyens de protection efficaces sont disponibles. De même, la prévention du passage du virus de la mère au fœtus ou au nouveau-né est faisable, du moment que le suivi médical des femmes enceintes et leur traitement avec des médicaments anti-VIH à des moments précis avant la naissance, permettent d’éviter la transmission du virus de la mère au nouveau-né. 2 - La jouissance des droits humains : Les droits de la PVVIH dans la jurisprudence islamique comportent une note d’humanisme par excellence, il en découle que cette personne se doit de préserver et de défendre ses « Droits Humains » sans négligence ni découragement. Ces droits ont une fonction sociale qui se traduit par l’empathie de toutes les composantes de la société envers les PVVIH afin de leur assurer la sécurité et la sérénité dans un environnement sans distinction ni préjugés. Cette conscience collective reste à activer par des messages d’éducation et d’information appropriés. Mais ceci reste insuffisant s’il n’est pas accompagné de mesures légales coercitives que le gouvernement devrait mettre en œuvre. L’État, de point de vue islamique, est le premier responsable du bien-être social de ses citoyens, et en particulier, du soutien moral et matériel à fournir aux populations faibles et aux PVVIH. En conclusion, le discours des imams et des prédicateurs reste un message d’espoir et de travail. Le communicateur convainquant est celui qui garantit aux PVVIH une lueur d’espoir dans un environnement social,
15
souvent mal informé et parfois injuste et agressif. Tenant compte de cette réalité, le message religieux se doit d’être rationnel, appelant à appréhender les comportements négatifs au regard de la chariaa selon deux critères, qui sont : - D’une part, «La responsabilité», en rappelant que tout être humain est en charge de ses actes, particulièrement la stigmatisation et la discrimination des PVVIH sous ses diverses formes et qu’il doit en assumer les conséquences. - Et d’autre part «La Morale», du fait que le croyant est intègre par nature, et persuadé de la bonté innée de ses semblables ; il ne peut que plaider pour la vérité, la justice, le respect et la dignité de l’Homme, indépendamment de sa religion, de sa langue, ou de toute autre considération formelle.
16
Référentiel VIH et droits humains Tome 4
Approche Religieuse
Approche Religieuse
Préambule Les chercheurs en sciences religieuses et ceux qui ont travaillé sur le sujet du VIH / SIDA pendant des décennies se sont consacrés à la construction d’un discours à connotation médicale et scientifique, ils se sont intéressés, par la suite à l’aspect religieux en prônant chasteté et sincérité, et en mettant l’accent sur l’auto-préservation, qui est la plus haute valeur législative. Aujourd’hui, il est nécessaire de sortir le discours religieux classiquement basé sur la sensibilisation aux dangers du VIH, ainsi que sur ses modes de transmission, vers l’introduction des droits des « Personnes Vivant avec le Virus de l’Immunodéficience Humaine» (PVVIH) et de leur application face à ce que nous constatons de la marginalisation croissante de ce groupe et des atteintes à sa « Dignité Humaine » par la stigmatisation et la discrimination dans les différents domaines de la vie. Nous assistons à l’émergence de positions hostiles aux droits de ce groupe, comme s’il était écrit qu’il devrait subir la double peine, du sida et de la violation de ses droits. Compte tenu de ces données, les décideurs auraient dû élargir le cercle du discours religieux pour y inclure la discussion de ces droits, à la fois sur les plans conceptuel et pratique. Dans le cadre de l’activation du programme du «Fonds Mondial» de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, en partenariat avec l’Office National de la Famille et de la Population (ONFP), et sous la supervision de l’Association «Avocats sans Frontières» (ASF), je présente dans ce qui suit le thème des droits des PVVIH en explorant le point de vue islamique sur le sujet.
20
Il ne fait aucun doute que la relance de ce travail après une décennie tire sa légitimité, en plus de ce qui a été mentionné, du discours religieux lui-même. En effet, le souci de l’Islam sur ce sujet est la prévention des maladies contagieuses et transmissibles afin de préserver le droit de
l’Homme à la vie et à la bonne santé. Ceci rentre dans le cadre général de l’intérêt qu’il porte à l’établissement des droits humains dans toutes leurs dimensions ; notamment dans les cas d’urgence que nous vivons et les situations exceptionnelles auxquelles nous sommes confrontés. C’est dire que l’arbitrage de l’autorité islamique pour établir les droits des PVVIH est non seulement possible mais nécessaire. En fait la vérité religieuse, dans sa dimension fonctionnelle, soutient la vérité scientifique médicale et l’aspect juridique ainsi que les approches psychologique et sociale. Il n’est donc pas approprié d’arbitrer l’approche religieuse indépendamment des autres références susmentionnées, ni de les soustraire, car la complémentarité s’impose à cet égard dans la forme et le fond. Le but de ce guide, dans sa nouvelle formulation, est de présenter les «Droits» des PVVIH à travers une perspective islamique objective, facile à saisir, et basée sur les 3 axes suivants : · L’examen des références de l’islam en tant que doctrine, législation et source de valeurs, afin que ces droits soient tirés au clair sans arbitraire ni déchéance. · L’arbitrage de la législation islamique basé sur l’analyse du texte coranique et de sa finalité en premier lieu, afin d’en puiser ce qui convient en tenant compte des contraintes sanitaires, sociales, économiques et psychologiques de ce groupe, dans le but de récuser l’embarras que ressentent les PVVIH et d’assurer leur pleine intégration dans la société. · Aborder le sujet des PVVIH dans le cadre d’un système de droits humains avec une connotation religieuse, loin de tout jugement moral ou de valeur ; tel que vérité, mensonge, obéissance, désobéissance, incrédulité, foi, péché, corruption, déviation ou remordes... etc. Ces épithètes et autres sont loin du but de ce travail, sans parler du fait que ce sont des descriptions propres au Créateur, qui les contrôle et en détient le sens profond. J’ai traité le sujet dans sa dimension réaliste qui est en lien avec les préoccupations des PVVIH, à la recherche de ce qui permettrait d’atteindre l’efficacité souhaitée sans aborder des questions théoriques abstraites qu’il n’est pas propice de soulever. Il a été formulé en termes clairs et précis, à travers lesquels les acteurs religieux peuvent se rendre compte de la légitimité de traiter la question des droits des PVVIH. Ce texte vise à corriger certains concepts qui circulent dans les milieux privés et publics et qui ont conduit au maintien de la stigmatisation et de la discrimination envers les PVVIH. Il ne fait aucun doute, que l’adoption d’un nouveau concept en lien avec les souffrances que vivent ces personnes
21
autres que celui qui sévit actuellement dans l’environnement social, créera l’envie de défendre leurs droits et de chercher des moyens qui offrent des solutions radicales aux problèmes qu’elles vivent au quotidien. Ce référentiel présente au lecteur les mécanismes qui permettent de réorienter le dialogue sur le VIH du champ de sa définition vers celui des droits humains des PVVIH, d’une manière qui permet à l’imam ou au prédicateur, d’aller au-delà des simples sentiments de miséricorde et de compassion vers l’activation des comportements de solidarité et de coopération entre tous les citoyens et de démocratiser les principes de justice, d’égalité et de liberté. Ces principes qui se trouvent, de nos jours, bafoués par des violations flagrantes des droits humains de part plusieurs groupes sociaux. Ce document comporte trois sections principales :
Le sida est considéré comme l’une des maladies virales les plus graves qui pourrait mettre en jeux le pronostic vital, en raison de l’absence d’un médicament permettant son éradication définitive. Toutefois, les progrès de la recherche médicale et la mise sur le marché de nouveaux médicaments de plus en plus efficaces contre le VIH (Virus de l’immunodéficience humaine), a permis de réduire cette gravité et d’améliorer l’espérance de vie des personnes atteintes dans des états de santé acceptables. Ce qui a créé, chez beaucoup de PVVIH, l’espoir de mener une vie sans injustice ni intimidation. Ce traitement ne peut être efficace qu’en appliquant deux recommandations : - Sa continuité conformément aux consignes médicales.
- La première traite de la structuration doctrinale, du système des valeurs et de l’enracinement des droits des PVVIH.
- La prise des dispositions qui s’imposent afin de ne pas transmettre le virus aux autres.
- La seconde concerne les droits des PVVIH dans le système législatif.
Il ne fait aucun doute que les maladies sont un test de Dieu Tout-Puissant, que nous surmontons avec patience, imploration et espoir, sans exclure ou arrêter le traitement médicamenteux. Maladie et guérison obéissent aux normes universelles qui régissent le monde conformément à une organisation divine bien agencée. Mais ceci n’exclue pas la nécessité pour toute PVVIH d’être informée sur les modes de transmission du virus afin de les éviter pour ne pas contribuer à sa propagation.
- La troisième se rapporte au discours religieux en faveur des droits des PVVIH. Il peut constituer, de ce fait, un point de départ pour la diffusion de cette culture dans le milieu public afin que toute PVVIH puisse vivre en toute quiétude et avec une pleine confiance en soi dans son environnement social. Ceci est réalisable par la structuration de nouvelles références issues d’une vision intégrée de l’Islam en tant que doctrine, loi et valeurs ; telles que décrites ci-dessus. Pour que ce référentiel puisse atteindre ses objectifs, il faudrait assurer, pour les imams et les prédicateurs, les compétences nécessaires de communication avec les autres à travers un discours religieux efficace et motivant. Ce qui souligne l’intérêt de la formation dans les techniques de communication et de la prise de parole en public.
Préalables pour la rupture du silence
Il n’est possible, à mon avis, d’établir un système de droits de l’homme pour les PVVIH selon la référence religieuse, qu’en brisant la barrière du silence et en mettant à nu le non-dit sur ce sujet, souvent gardé sous silence par peur, timidité ou ignorance. En fait, la question ne dépend pas du sida en soi, ni de sa transmission ou de ses symptômes, mais plutôt des violations flagrantes des droits des PVVIH qui apparaissent dans différents domaines de la vie. 22
1. Sida et messages d’espoir :
La diffusion des informations relatives aux différentes façons de transmission du virus contribue à rompre le silence qui entoure le sida et à éviter des comportements agressifs envers les PVVIH. · Modes de transmission du virus : Il convient de rappeler que le VIH n’infecte pas une personne en bonne santé de la même façon que les infections bactériennes classiques. Il est, en fait, transmis d’une personne porteuse vers un personne saine. Cette transmission se fait de 3 façons : - Suite à des rapports sexuels non protégés entre une personne saine et une autre porteuse du virus. - Par l’introduction du sang (ou de ses dérivés) souillé par le virus dans un organisme sain, suite à l’utilisation d’objets contondants contaminés qui traversent la peau et les muqueuses tels que les seringues et les outils de perçage des oreilles ou de tatouage... etc. Notons que les transfusions sanguines, sont de nos jours, sécurisées. 23
- La transmission de la mère à son enfant pendant la grossesse, l›accouchement ou lors de l’allaitement au sein. · Pratiques qui ne transmettent pas le virus : Compte tenu de ces données scientifiques, le lecteur devrait corriger toute information discordante qui pourrait alimenter directement ou indirectement la violation des droits des PVVIH, les excluant de la société, ou les décourageant de se faire traiter. Voici un ensemble de pratiques quotidiennes qui ne transmettent pas le virus : - Toucher une personne porteuse du virus, par exemple lui serrer la main ou la prendre dans ses bras ou interagir avec elle dans l’environnement familial, scolaire ou communautaire. - Se mêler avec elle dans les marchés et les grands espaces qui obligent au rapprochement corporel et à l’échange d’argent. - Toucher les portes et autres objets communs à tout le monde. - Partager les transports en commun, les piscines, les robinets et les toilettes. - Partager les repas en utilisant des assiettes, des cuillères, des couverts, des tasses, etc. - Le contact avec des produits physiologiques tels que la sueur et la salive. - Le rhume, l’éternuement ou la toux. Le but de la présentation des modes de transmission du VIH et des actes de pratiques quotidiennes qui ne constituent pas de menace, est de construire une base objective et solide pour la défense des droits des PVVIH. En effet, les signes de la maladie et de sa transmission sont connus et accessibles à tous, contrairement aux droits des PVVIH, qui sont ignorés par beaucoup de gens ou carrément niés avec des justifications infondées. 2. Attitudes et actes qui s’opposent avec les droits des PVVIH :
· Dans le domaine social, ce groupe souffre d’exclusion, de marginalisation et de répression, même de la part des proches. Il n’a souvent pas accès aux services sociaux nécessaires, dont en premier lieu, le droit au travail ! Le mépris et la violence sociale sont alimentés, pour certaines personnes, par la peur d’attraper le virus. Pour d’autres, tels que les extrémistes religieux, le sida est un châtiment mérité pour les personnes désobéissantes et dépravées qui commettent des actes immoraux de libertinage et d’obscénité. Pour d’autres, Le sida est considéré comme une punition purifiante et exemplaire... · Dans le domaine législatif, certains pays ont mis en place des lois qui maltraitent les porteurs du virus et menacent de les emprisonner et de les isoler. Le simple fait de dissimuler son infection par VIH, voir même une simple situation d’exposition au risque du virus, constitue une infraction pénale. Certaines sources affirment que ces lois nourrissent et entretiennent la violence et les abus dans les lieux de détention. Dans ce même contexte, certains pays imposent des restrictions de voyages aux PVVIH, pensant qu’il s’agit de mesures préventives nécessaires pour limiter la propagation du virus. · Dans le domaine de la santé, la peur de la transmission du virus contribue à l’isolement des PVVIH. Ainsi certaines institutions hospitalières refusent de recevoir ce groupe social. Certaines personnes évitent de se rapprocher d’elles ; d’autres, y compris le personnel de santé, cèdent à la panique et perpétuent l’isolement social en plaçant les porteurs du virus dans des chambres à part et en réduisant au minimum l’offre des services médicaux qui leur sont dispensés. A l’extrême, certains personnels de santé, sont allé jusqu’au refus de pratiquer des césariennes aux femmes porteuses du virus. De ce qui précède, et avec le temps, il semble que la barrière du silence a été brisée, et que la coexistence avec le VIH est maintenant une donnée réelle de plus en plus acceptée. Les données scientifiques actuelles permettent et garantissent la mise en place d’une approche religieuse qui prend compte de la dimension intégrale de la religion islamique en tant que doctrine, jurisprudence et moralité.
Le phénomène de stigmatisation et de discrimination à l’égard PVVIH s’est intensifié, et avec lui des attitudes et des comportements dédaigneux et blessants envers ces personnes. Ce qui a conduit à la violation de leurs droits fondamentaux, matériels et moraux ; et ce, en dépit des efforts déployés par les gouvernements et les organisations nationales et internationales pour réduire la gravité de ces pratiques. 24
25
Référentiel VIH et droits humains Tome 4
Premier chapitre
Les fondements de la croyance islamique et les droits des PVVIH 1. Les droits socio-économiques des PVVIH 2. Les droits civils et politiques des PVVIH
Premier Chapitre
Cette référence islamique est valable pour former un discours de sensibilisation rationnel, car le monothéisme suscite en soi l’enthousiasme, mobilise les forces et éveille, au fond de l’homme, le sens du «Bien”. La croyance de l’homme en Dieu, créateur unique qui veille à la gestion de tout ; renforce les convictions dans lesquelles il construit des positions, à savoir :
La doctrine islamique est fondée sur des vérités métaphysiques prônant l’unicité de Dieu dans la création et la gestion du monde. Ce qui implique la croyance en des choses imperceptibles qui sont acceptées avec conviction par le raisonnement inférentiel, tels que les prophètes, les messagers, les livres révélés, les anges et le jour dernier ainsi que le destin avec ce qu’il apporte de bien et de mal, de sorte que tous ces principes se combinent pour former une unité objective et intégrée sur laquelle se base la religion islamique. Ces données sont adaptées pour établir une référence religieuse pour les droits des PVVIH d’une manière objective et solide. Nous pensons que cette approche permet de résoudre sérieusement la problématique des PVVIH lorsqu’elle est abordée à travers les trois vérités religieuses suivantes : L’unicité de Dieu - Le respect et l’estime de l’Homme - L’affliction divine. 1) L’unicité de Dieu : Dieu n’est qu’UN en lui-même, unique dans la création de l’homme, de l’univers, de la vie et de la mort, monopolisant la gérance, les soins et la gestion avec sagesse et miséricorde, sans partage aucun avec quiconque de ses créatures. N’est-ce pas lui qui s’est exprimé en ces termes : «...Dieu ! Il n’est point d’autre Dieu que lui, le Vivant, l’Éternel. Ni l’assoupissement, ni le sommeil n’ont de prise sur lui...» (Sourate La vache - Verset 255). Il a, de même, déclaré : « Béni soit celui en la main de qui est la royauté suprême et qui est puissant sur toute chose. Qui a créé la mort et la vie pour vous éprouver et connaitre les meilleurs d’entre vous à leurs œuvres...» (Sourate La royauté - Verset 1).
28
L’approfondissement objectif dans la compréhension du principe du monothéisme, qui résume par l’image et l’action, l’esprit de la croyance islamique, est le moyen qui nous permet d’user les outils de connaissance nécessaires pour formuler un solide système des droits humains qui cible le groupe des PVVIH.
1. L’univers, la vie et l’homme n’ont pas été créés en vain ou par hasard, mais plutôt pour une fin. A ce propos le Tout-Puissant s’est exprimé ainsi : «...Ce ne fut point par simple divertissement que nous créâmes les cieux, la terre et ce qui est entre eux - Nous les avons créés dans un but sérieux, en œuvre de vérité...» (Sourate La fumée - 36 et 37). L’existence de cet univers est destinée à faire bénéficier l’Homme de ce que Le Tout-Puissant a créé. Il a, par ailleurs déclaré : «...C’est lui qui créa pour vous tout ce qui est sur la terre ...» (sourate La vache - verset 29). 2. En se basant sur ce qui vient d’être cité, les PVVIH sont en plein droit de bénéficier de ce que Dieu a créé, en plus du droit d’agir et de gérer. De ces deux confirmations découlent tous leurs droits matériels tels que la vie, la santé et le travail. Ces personnes sont comme tout autre humain des créatures du Tout Puissant qui connait leurs secrets et ce qui est caché au fin fond de leurs pensées. 3. Il n’y a pas de créateur autre que lui, ni d’autre idole !! C’est cette croyance qui donne à la PVVIH la force de persister dans le principe qu’elle est libre de ses actes et qu’il n’y a pas d’intermédiaire entre elle et son Créateur et qu’elle ne se soumet qu’à la piété divine, qu’à sa conscience et qu’à la loi. La liberté est, aujourd’hui, un droit garanti par les lois, bien que l’établissement de sa légitimité soit souvent soutenu par le principe de croyance. 4. La liberté dans le cadre de l’autorité religieuse est préservée fondamentalement par le contexte intérieur de la pensée qui veut que tous les hommes sont des serviteurs de Dieu qui les a façonné, avec générosité, dans la parfaite image et que l’Homme n’est sous aucune prise autre que celle de son Créateur. C’est dans cet ordre d’idées que l’Islam dénie la stigmatisation, la discrimination et toute atteinte à la dignité humaine. 29
2) Le respect et l’estime de l’Homme : La PVVIH est une personne qui est honorée selon l’image qui lui a été donnée par Dieu, au même titre que toutes les autres personnes. La distinction entre humains est corrélée au travail bénéfique accompli. Dieu dit «... Les plus honorables d’entre vous auprès de Dieu sont les plus pieux...» (Sourate Les appartements - Verset 13). Ces paroles définissent ce qui est considéré comme étant le Droit Originel sur lequel sont basés tous les droits civiques, culturels, économiques, sociaux et autres. Dans la perspective islamique, parmi toutes les créatures du Tout Puissant, seul l’Homme a bénéficié de la distinction divine. On peut lire dans le Coran : « ...Nous avons singulièrement avantagé les fils d’Adam...» (Sourate Le Voyage nocturne - Verset 70), Dieu a créé l’homme à la perfection de l’esprit, du corps et de l’âme ; il dit : «...Qui est-ce donc, Ô mortel, qui a pu t’abuser à ce point au sujet de ton noble Seigneur ? - Lui qui t’a créé, t’a constitué, t’a donné de si justes proportions...» (Sourate Le ciel qui s’entrouvre - Versets 6 et 7). L’Homme de par sa création est doté de certaines aptitudes innées, de talents et de capacités qui lui permettent d’accomplir ses fonctions dans le monde d’une manière qui réalise le bien et le bénéfice pour tous. L’univers est mis au profit de l’homme ainsi que la terre pour s’y investir et créer. Il a dit : «... Ne voyez-vous pas que Dieu vous a tout soumis sur la terre ...» (Sourate Le Pélérinage - Verset 65). La façon dont l’homme bénéficie de ce que Dieu a créé, se fait sur la base de la justice et de l’égalité, auxquels sont associés ses « Droits » à la libre responsabilité dans le comportement, dans l’usage de son corps, dans ses sens et ses sentiments (Pour qui veut approfondir l’analyse, voir « Maqasid al-Shariaa », de Mohamed Tahar Ben Achour, p.168). Quiconque a compris le principe de l’honneur divin devrait en premier lieu, lutter contre la stigmatisation et la discrimination qui poursuivent les PVVIH où qu’elles se trouvent, sans détourner son attention de l’appel à combattre le VIH. Dieu a confié le monde à l’Homme, ce qui est un grand honneur pour lui. Dans la pensée islamique, les disparités apparentes entre les personnes telles que l’aspect physique, le sexe, la couleur, l’état de santé ou toute autre signe distinctif, ne peuvent servir de références pour une valorisation préférentielle entre humains.
30
Conformément au principe de l’honneur divin que porte l’être humain, il n’est pas permis par la loi de faire du sida un motif de stigmatisation et de discrimination, ni une justification pour la violation des droits de l’homme.
3) L’affliction divine : L’infection par le VIH est un test divin auquel il soumet certaines de ses créatures. Il n’est pas approprié pour quelqu’un qui croit au Seigneur, le Tout Puissant, le Miséricordieux, l’Unique dans la création et la gestion du monde, de considérer que cette infection est comme une punition imposée aux PVVIH alors que ce n’est qu’une épreuve. A ce propos Dieu a dit : « Nous vous éprouverons plus ou moins par la peur et la faim, par les pertes dans vos biens et dans vos personnes ; par des dégâts dans vos récoltes annonce une suite heureuse à ceux qui auront souffert avec patience. « (Sourate La Vache - Verset 156). Une croyance sincère en Dieu le Tout-Puissant est le baume de guérison à partir duquel la PVVIH reçoit un message d’espoir, et se munie de détermination et de volonté. La PVVIH qui accepte son statut d’affliction divine, ne doit pas être passive vivant dans un monde de désespoir et de déception en recourant à l’isolement et l’introversion. Tout au contraire, elle se doit de se rapprocher de son Créateur par la supplication et l’imploration. Pour ce faire, le conseil divin rapporté dans le coran est « Invoquez-moi : je vous exaucerai !» (Sourate : Le Croyant - Verset 60). Le porteur du virus devrait s’armer de sérénité et de patience, en croyant fermement à la guérison. Dieux a dit : « Croyants : Usez de la patience et de la prière comme réconfort, car Dieu est avec les patients.» (Sourate La Vache - Verset 153). Ailleurs il demande aux croyants de se résigner avec sang-froid en ces termes : « Oh vous qui croyez, soyez patients !» (Sourate La Famille d’Imran - Verset 200). Sur la base de ce qui a été mentionné, nous avançons les conclusions objectives suivantes : - Nul n’a le droit de décrire la PVVIH de sorte à la rabaisser en tant que personne et à la distinguer négativement des autres, car elle est entre les mains de son Créateur et lui seul est le plus informé de ses secrets. Le Seigneur a dit à propos de celui qui humilie ou injure une autre personne : « Ceux qui, sans motif avéré, offensent les croyants et les croyantes, commettent une infamie et se chargent d’un grave péché ! » (Sourate Les Coalisés - Verset 58). - La PVVIH n’a pas le droit d’être placée en isolement ou en quarantaine, et il n’est pas logique pour elle d’accepter ces pratiques dégradantes. Au contraire, elle a le droit de s’intégrer dans la société avec un esprit positif qu’elle tire de sa profonde croyance en Dieu, qui l’a affligée comme tant d’autres, y compris les prophètes ; à l’exemple de Jacob qui éleva sa plainte vers Dieu en disant « ...Seigneur, je suis durement éprouvé, je souffre : et tu es le Compatissant sans égal ! » (Sourate Les prophètes - Verset 83).
31
II. Le système de valeurs islamiques et les droits des PVVIH : Le système de valeurs est une unité intégrée de valeurs morales qui précise le comportement individuel et les relations sociales dans le cadre de la tâche existentielle confiée à l’être humain ; comme la justice, l’égalité, la liberté, la tolérance et le pardon. Ces valeurs font partie intégrante des enseignements tolérants de l’islam que les savants ont extraits de la révélation divine. Ces références émanent de l’esprit de l’Islam qui se résume par la parole du Tout-Puissant à son prophète Mohammed : « Nous ne t’avons envoyé qu’en tant que miséricorde pour l’univers.» (Sourate Le Pèlerinage - Verset 107). De ce fait, il est clair que La cruauté, la haine, l’injustice, la discrimination et la stigmatisation sont des manifestations comportementales qui contredisent le principe de miséricorde ! Ce dogme islamique est caractérisé par des particularités, qui sont : · La stabilité ; qui découle de la vérité de la croyance. C’est-à-dire la justice entre querelleurs, le pardon à l’autre, la compassion pour le faible et le malade. Ces valeurs qui se traduisent en comportements sont issues d’un sentiment de contrôle divin. · L’universalité de ces valeurs réside dans leur dimension humaine. Ils transcendent toutes les barrières et les différences formelles et occasionnelles, et sont compatibles avec le bon sens et l’esprit logique. · La Globalité leur confère une souplesse qui permet leur adoption en tout temps et lieu afin de générer un dynamisme de transformation sociale positive. À ce niveau, l›exercice des droits des PVVIH se révèle être réalisable comme il se doit. L’objectif final peut être résumé en ce qui suit : - La reconnaissance des droits de la PVVIH à la liberté est une reconnaissance de son humanité d’abord et une réponse à l’appel de l’instinct par la suite. - La stigmatisation et la discrimination ne respectent pas le principe d’égalité, mais le détruisent. - La violation des droits de la PVVIH est un comportement qui contredit le principe de justice, et ne fait que perpétrer l’iniquité ! 32
Par stigmatisation, discrimination et empiètement sur les droits et libertés des PVVIH, l’individu viole le système des valeurs islamiques et s’écarte
des enseignements de l’Islam sans s’en rendre compte, car l’adoption des valeurs tolérantes est “in fine” le but ultime de la religion. Le Messager, que Dieu le bénisse et lui accorde la paix, dit : « je suis envoyé pour compléter la noblesse de la morale !». Dieu recommande d’être juste et équitable, car c’est lui qui a dit : « ... Et que votre haine de tel homme ou de tel peuple ne vous incite point à commettre une injustice. Soyez juste : La justice est sœur de la piété... « (Sourate : La Table - Verset 8). Il nous a également averti que tous les individus sont égaux et que la différence n’est tributaire que du travail honnête et bénéfique. Il a ainsi, exhorté tous les humains au Pardon, à l’Amabilité et à la Coexistence pacifique. La PVVIH est digne de disposer des chances à la vie mondaine que Dieu a créé pour toutes les sociétés. Il n’y a aucune excuse à l’exclusion ou à la stigmatisation avec diverses sortes d’épithètes honteuses, que l’Islam prohibe sans ambiguïté. Dieu a dit : « Croyants, ne vous moquez pas les uns des autres. Ceux dont on se moque valent parfois mieux que ceux qui se sont moqué d’eux !... » (Sourate Les Appartements - verset 11). Sans nul doute, La montée de la stigmatisation et de la discrimination, l’escalade de la violence et de l’extrémisme envers les porteurs du virus dans de nombreuses sociétés et pays, sont des phénomènes négatifs que certains ont tenté de justifier par des arguments religieux en recourant, à leur convenance, à des interprétations personnelles des textes, sous prétexte de «réforme religieuse qui appelle à la vertu, au refus du vice et de la corruption morale». En réalité l’Islam est innocent de tout cela, puisque ses valeurs tolérantes refusent de telles pratiques fondées sur des interprétations fausses. Le procès des PVVIH selon des normes morales négatives est un fait qui n’est pas juste en droit. Les qualifier de perverses, de dépravées ou des corrompues, comporte une lourde tribu d’injustice et de transgression. Dieu a dit : « ... Il n’y aura point déni de droit de votre part, hormis à l’encontre des injustes » (Sourate La Vache - Verset 193). Quel est la faute commise par un bébé lorsqu’il se trouve infecté par sa mère porteuse du virus ? De quel droit condamner une mère infectée par un mari infidèle ou par viol malgré elle par une personne porteuse du VIH ? Comment peut-on considérer des personnes transfusées avec du sang contaminé à leur insu comme étant pervers ? Tous sont en fait victimes de la société. Quant aux autres à qui le virus a été transmis en raison de relations sexuelles non protégées ou de consommation par injection de drogue, il n’est pas approprié de les qualifier
33
de délinquants qui méritent punition, ou comme des pécheurs qui ont besoin d’être lavés de leurs péchés. Si ceci ou cela est prouvé, les affaires devraient, dans ces cas, être transférées devant les tribunaux. Sinon, la question est remise devant Le Seigneur, qui a tout en main, et qui ne s’est pas fait d’intendants sur terre pour régner en son nom, et se venger des innocents suite à de fausses accusations. La religion n’est pas - dans sa réalité - un facteur de trouble ni un moyen de violer les droits de l’Homme et particulièrement ceux qui ont besoin de soutien psychologique. Elle est, par contre, le procédé qui convient le mieux pour transmettre et diffuser les nobles valeurs de Justice, de Liberté et d’Égalité. Préserver les droits matériels et moraux des PVVIH, s’abstenir de les stigmatiser et de les distinguer des autres membres de la société et de respecter leur humanité et leur liberté, font partis de la promotion de la vertu et de la prévention du vice. Ces valeurs se groupent sous le titre de « travail généreux et bienfaisant» cité à maintes reprises dans le Saint Coran en association avec « La foi ».
34
Référentiel VIH et droits humains Tome 4
Deuxième chapitre
Droits des PVVIH dans le système législatif islamique
Deuxième Chapitre
1) Les contextes thématiques : Quoi ? Pourquoi ? Comment ? Quoi ? Ce que l’on entend par approche législative des droits des PVVIH, c’est d’appliquer les décisions et lois qui permettent de contrôler la conformité des comportements de certaines personnes à l’égard des porteurs du virus, afin que celles-ci puissent préserver leur existence et réaliser leurs intérêts matériels et moraux, afin de vivre dans le confort et la tranquillité. Pourquoi ? Étant donné que la Charia (législation islamique) est une loi générale pour tous les peuples, elle exige, en vertu de ses dispositions partielles, de ses règles globales et de ses finalités, l’application et le respect des droits de l’homme dans toutes leurs dimensions. Elle insiste pour les préserver et appelle à leur diffusion, leur défense et leur mise en pratique dans la réalité de tous les jours. Il ne fait aucun doute que les droits de l’Homme avec une référence juridique sont capables de s’adapter à diverses situations et de fournir aux gens des dispositions qui tiennent compte de l’impact des crises et répondent à l’appel du pur instinct humain. À la lumière du phénomène croissant de stigmatisation et de discrimination qui affectent les PVVIH, les voix des sages et des leaders d’opinion ont fait prendre conscience du danger de ces attitudes et de leur gravité en matière des droits de l’Homme. La loi islamique est devenue, de nos jours, l’une des sources référentielles pour la mise au point des droits des PVVIH. Comment ? Il convient au chercheur en droit des PVVIH d’aborder de façon objective les concepts suivants : 38
· L’appel à prévenir la transmission du virus et à prendre les mesures de précaution pour empêcher sa propagation ne constitue pas nécessairement
une justification pour violer les libertés et les droits des PVVIH, et ouvrir la voie à la stigmatisation et à la discrimination. · La reconnaissance par la Charia des droits de ce groupe et de ce qu’il subit est conditionnée par l’équilibre entre les différents intérêts de la personne, et par l’équilibre entre ses droits individuels et les droits d’autrui. · Il n’est pas approprié de comprendre les droits des PVVIH à la lumière de la loi islamique indépendamment de l’évocation de la «réalité doctrinale» et du «concept des valeurs». Ces deux notions, sont la source de l’autocontrôle qui est principalement activé par la prédication et le conseil, et qui précède le discours de la force prononcé par l’autorité gouvernante. · Les droits des porteurs du virus apparaissent à travers l’approche législative islamique sous deux volets ; le premier étant les entités fondamentales de la législation islamique et le second comporte les branches jurisprudentielles. Ces deux volets sont détaillés dans ce qui suit :
2) Les entités fondamentales de la législation islamique : A. Les finalités juridiques : La personnalité de la PVVIH, comme celle de toute autre personne, n’est émancipée que si elle jouit de tous ses droits et les incarne dans ses activités spirituelles, sociales, politiques, économiques ; scientifiques et vitales. Les érudits du domaine ont établi le cadre législatif de ces droits dans ce qui est appelé «Les Cinq Entités» à savoir : La personne - La religion- La progéniture - L’argent et L’esprit ; certains ont ajouté -La personne moraleLeur préservation constitue le plus haut niveau d’intérêt visé par la législation. 1) La préservation de la personne : Appelé aussi «le droit à la vie ». Cela signifie, que chaque être humain a le droit de vivre et de jouir des plaisirs du monde que le Tout-Puissant a créé à son profit, selon ses capacités et tenant compte de ses talents. La préservation de la personne signifie également sa protection contre la mort. Il en découle un droit inaliénable de toute PVVIH à mener une vie décente, à avoir un logement convenable, à être en bonne santé physique et morale, à avoir un accès à la prise en charge médicale ainsi qu’à la sécurité de
39
sa personne. On peut y adjoindre, le droit à l’inviolabilité physique et à la protection contre la torture, la violence, la punition sévère et tout autre comportement inhumain. 2) La préservation de la religion : La PVVIH a le droit de jouir de la liberté de religion dans la croyance et la pratique. Le Miséricordieux a déclaré : « Point de contrainte en matière de religion...» (Sourate La Vache - Verset 256). Nul n’est autorisé à obliger une personne à embrasser une religion ou à quitter une autre ; tout comme les autres qui n’ont pas le droit de le tenir responsable d’un acte fait au nom de sa religion ou de sa morale. 3) La préservation de la progéniture : Préserver la progéniture implique le droit des PVVIH au mariage, au fondement d’une famille et à la sauvegarde de la lignée. Ce droit ne se perd pas en raison de son état de santé, puisque les médicaments lui permettent de mener une vie normale et que la législation le reconnait. Dans le même sens d’idées, la PVVIH ne peut être déchue de ses responsabilités familiales pour des raisons d’adultère. 4) La préservation de l’esprit :
En plus de ces six nécessités liées aux besoins de la vie courante, on peut ajouter les bonnes habitudes et coutumes de la vie telles que l’esthétique dans le but de recouvrer un aspect physique normal et fonctionnel ou bien la réparation d’une malformation acquise ou innée. La garantie des droits des PVVIH est subordonnée à leur mise en pratique dans le respect des conditions suivantes : · La responsabilité des porteurs du virus à profiter d’une vie décente selon les circonstances et les moyens dont ils disposent ainsi que des efforts fournis pour faire valoir leurs droits. · Développer des stratégies d’information pour faire connaître ces droits et sensibiliser à leur importance à travers des plateformes de dialogue, des séances d’éducation, des cours de formation et l’implication des médias. · Prévoir le financement de ces activités. · Légiférer ces données dans des textes juridiques obligeants, dans des traités et des conventions.
IL s’agit de le protéger d’un défaut de raisonnement qui conduit à un manque de discipline, lequel comporte un danger en soi. Cela comprend, entre autres, l’interdiction des boissons alcoolisées et de l’usage des drogues qui bloquent le raisonnement et la logique.
· Appliquer ces données dans la réalité de tous les jours avec justice et équité ; avec arbitrage des règles d’équilibre entre les intérêts en respectant l’égalité des chances d’une part, et de la priorité de ceux qui ont des besoins spécifiques d’autre part. Ce travail est à confier aux dirigeants.
La préservation de l’esprit implique, de même, la liberté d’opinion et d’expression et la poursuite de la quête du savoir pour tous.
Les PVVIH sont en principe, couvertes par les soins de la société, dans le cadre des intentions de la Charia fondées sur la recherche de l’intérêt et la prévention du mal. Mais ceci ne dégage en aucun cas la responsabilité de tout un chacun dans le renforcement des droits humains des PVVIH. Le Prophète disait : « Chacun d’entre vous est à l’image du berger, qui assume la responsabilité de son troupeau ».
5) La préservation de l’argent : C’est-à-dire le gain honnête de l’argent loin de toute forme de corruption et/ou de gaspillage. Cela se traduit par une répartition de la richesse entre tous dans un climat de justice sociale basée sur le mérite. De cette façon la PVVIH aura plus de chances de disposer de son droit au travail, à la propriété et aux prêts bancaires. 6) La préservation de la personne morale :
40
mouvements et déplacements et participer pleinement à la vie publique. Dieu a dit : « Croyants, ne vous moquez pas les uns des autres... » (Sourate Les Appartements - verset 11).
Cette protection s’exprime dans le droit des PVVIH par la dignité, loin de tout espionnage, médisance, commérages, ragots, moqueries, injures et de toute sorte de stigmatisation, ainsi que de toute forme d’insulte, de marginalisation et d’exclusion, afin qu’elles puissent être libres dans leurs
B. les branches jurisprudentielles : L’arbitrage des règles jurisprudentielles dans l’établissement des droits des PVVIH est une question de grande importance, car ces règles se résument à des phrases brèves qui résument bon nombre de sousdispositions homogènes quant à leurs intentions, même si elles diffèrent dans leur contenu et parce qu’elles sont valables pour englober les questions émergentes, compte tenu de leur caractère d’ouverture, de globalité, de complétude et de réalisme. Parmi les règles qui nous intéressent à cet
41
égard, deux que sont :» Le préjudice est à supprimer» et « La difficulté apporte la facilité». 1) Le préjudice est à supprimer : C’est l’une des règles générales qui englobe de nombreuses branches de la jurisprudence dans divers domaines. Son principe de base est la parole du prophète : « Pas de préjudice, pas de recherche à nuire ». Ce précepte fait allusion aux comportements personnels, aux transactions financières et aux relation sociales ; afin de conforter la justice et la compassion dans l’attribution et l’exercice des droits. L’intention de cette règle, est «…qu’une personne ne fait pas de mal à autrui en première intention ou en réaction à un préjudice ». (Ibn Najim Tome 1, p. 87). Ce qui signifie qu’elle n’a pas le droit de nuire à l’autre ou de lui faire tort ni de violer ses droits, car c’est une injustice qui est légalement rejetée. Toutes les personnes sont égales en cela et si quelqu’un est exposé à un préjudice, il est autorisé à le repousser autant que possible, mais non à le contrer par un préjudice similaire. Le traitement de la situation des PVVIH d’un point de vue juridique appelle à évoquer cette règle, qui a tiré sa légitimité de la Charia et a été acceptée par d’autres écoles de jurisprudence. En application de cette règle, je dis que la protection des droits des personnes, ne peut se faire qu’en les mettant à l’abri du tort. Cette recommandation est au cœur de la Charia islamique, puisqu’elle tend à : · Éliminer, les dommages physiques et psychiques, tels que la maladie, la négligence, le manque de médicaments de même que le manque d’argent comme le besoin, la pauvreté et l’exposition à l’exploitation et à l’extorsion. · Écarter les dommages moraux infligés à la dignité et à l’honneur, ou aux sentiments tels que la stigmatisation, la discrimination, la marginalisation ; de même que ceux qui touchent les croyances ou l’affection
.
· L’appel de la religion à lutter contre ces dommages sur la base de l’élimination du préjudice est bien suffisante à mon avis pour activer les droits de la PVVIH tels que dictés par sa situation sans abus ou transgression du texte religieux. 42
· Peut-être que la question devient plus claire lorsque nous invoquons les sous-titres régissant la règle générale (le préjudice est à supprimer),
car il vaut la peine de l’appliquer dans la vie de tous les jours et de l’user pour soutenir la légitimité des droits des PVVIH. L’application de la règle qui «autorise le recours à l’interdit en cas de besoin» exige d’évaluer à l’avance ce besoin à sa juste valeur. Le préjudice spécifique est toléré pour écarter un préjudice plus général. Si deux maux se présentent, le plus grand sera pris en considération et on choisira le « moindre mal », parce que le rejet du mal est préféré à la recherche du bien. C’est ainsi que le besoin prend le statut de nécessité ; générale ou spécifique. Ce référentiel ne convient pas à plus de détails sur la question. (Pour qui en veut, Voir Ibn Najim, Maj.1, p. 87 et suivantes - Jalal Al-Din Al-Suyuti: AlAshabat et Al-Nazaer, p. 83 et suivantes.) 2) La difficulté apporte la facilitation : Cette règle générale résume toutes les autorisations et facilitations de la loi islamique, en particulier en ce qui concerne les actes de culte, car une personne peut se trouver dans des situations particulières ou d’urgence qui l’empêchent d’exécuter les recommandations de la loi de la manière requise, comme c’est le cas de la maladie. C’est ainsi que la législation exceptionnelle basée sur la règle de la facilitation a été le point de référence pour supprimer l’embarras de la personne en question. Le Tout-Puissant a dit : «...Il ne vous astreignait à aucune gêne dans votre religion ...» (Sourate Le Pèlerinage - Verset 87). Dans le même sens, il a aussi dit »... Dieu veut pour vous la facilité et ne veut pas les difficultés...» (Sourate La Vache Verset 185). La personne vivant avec le virus est couverte par la miséricorde divine avec soin comme tout autre patient dans le respect de son droit à une vie décente. Il a été de cette façon aidé, dans les actes de culte, à l’exemple des ablutions en absence d’eau, de rater la prière en groupe, d’accomplir ses prières de la manière qu’il peut, même en faisant des gestes, de ne pas s’orienter vers la Qibla en cas de méconnaissance des lieux, de ne pas pratiquer le jeûne du Ramadan en cas de maladie incompatible avec le jeûne, de sursoir au pèlerinage en cas de faiblesse physique exposant à l’épuisement et au risque de mort ou à l’aggravation d’une pathologie avec retardement de la guérison... etc. Le critère pour tout cela est que la préservation des âmes afin d’établir les intérêts de la religion est plus importante que de les exposer à une perte de culte ou d’adoration.
43
Compte tenu de la règle «La difficulté apporte la facilitation», la PVVIH a droit à un traitement sur le budget public, et il lui est même permis de se traiter avec ce qui renferme des impuretés ou des substances interdites, et il est permis aux médecins, même non musulmans, de voir les parties intimes du corps, et d’user des stupéfiants pour anesthésier le corps afin de préserver le droit à la vie et à la bonne santé. Dieu a dit : « ...Maintenant que vous a été expliqué en détail ce qui vous est interdit... » (Sourate : Le troupeau - verset 119. Face à ces solides faits juridiques, les fatwas (avis juridique donné par un spécialiste de la loi islamique en réponse à une situation inédite) qui apparaissent de temps à autres sur Internet et sur les réseaux sociaux sont parfois des publications faussement rapportées à l’Islam et qui vont dans le sens contraire de ce qu’on vient de confirmer, soit par simple ignorance ou par illusion à plus de piété. Cela est, en fait, contraire à l’esprit de la vraie Chariaa. 3) Droits des PVVIH dans la jurisprudence islamique 1- Responsabilité du citoyen dans la sauvegarde des droits des PVVIH : Ce qu’il faut noter en premier lieu, c’est que les droits de l’homme dans la jurisprudence islamique sont rattachés à la Charia (La charia représente dans l’islam diverses normes et règles doctrinales, sociales, cultuelles et relationnelles édictées par la révélation). Elle se distingue par le fait qu’elle est en harmonie avec «les besoins innés de l’homme» dans toutes ses dimensions et qu’elle s’étend à toutes les personnes sans discrimination. Le chercheur, en droits des PVVIH, devrait puiser de cette richesse jurisprudentielle, en examiner les contenus, et s’enquérir de ce qui peut convenir pour mettre en place un système de droits de l’Homme pour ces personnes, loin de tout abus ou controverse. C’est la jurisprudence islamique, en tant que lois partielles tirées du texte Coranique et de la Sunna (les enseignements en dire et en actes du prophète), qui précisent les conduites des personnes et déterminent leurs droits civiques, sociaux, économiques et autres, conformément à l’équité. Et comme la question des droits des PVVIH est un problème récent due à un mode de vie que les anciens exégètes ignoraient, mes efforts se limiteront à rechercher, autant que possible, ce qui est approprié dans la jurisprudence islamique pour le traitement de ces questions, dont la plus importante est liée au Statut Personnel. 2- Le droit des PVVIH au mariage et à la reproduction 44
Le mariage est une pratique universelle approuvée et souhaitée par la Charia, qui en a fait un droit humain. Il est considéré comme une charte
prescrite pour procréer, fonder une famille et satisfaire, par la même, l’instinct sexuel dans une atmosphère émotionnelle dominée par l’affection, l’amour et la compassion. Les juristes ont précisé différentes causes qui peuvent empêcher le mariage, nous citerons, ci-après, les plus importantes : - L’intention préméditée de nuire à des héritiers. - L’incapacité physique du conjoint à accomplir l’acte sexuel ou à la réalisation du plaisir ; à l’exemple du pénis de petite taille ou de l’incapacité de l’érection. Ce type de défaut que la femme découvre après la signature du contrat de mariage lui autorise de demander la séparation, d’autant plus qu’il s’agit de problèmes médicalement ou chirurgicalement non traitables. Le problème ne se pose plus dans le cas où elle accepte ces faits. - Ce même principe est applicable à la femme. - Les maladies graves : Folie, lèpre, vitiligo, paralysie, boiterie et autres défauts apparents qui sont soumises aux conditions sus citées. L’objet de ce travail ne nous permet pas de rapporter les différentes situations qui entravent l’accomplissement du mariage, tel que publiées par les anciens juristes. La PVVIH est une personne qui souffre d’une pathologie secondaire à la pénétration et à la réplication du VIH dans son corps. Ceci entraine une baisse de ses défenses immunitaires et l’expose aux maladies opportunistes. Un certain nombre de questions se posent à ce propos : - La personne infectée par le VIH a-t-elle le droit de se marier ? - A-t-elle le droit de procréer et de fonder une famille ? - Le conjoint demande-t-il le divorce pour préjudice s’il est prouvé que l’autre partie est porteuse du VIH ? - Le mari peut-il retirer à l’épouse porteuse du virus le droit de garde des enfants ? a) Le droit au mariage : La majorité des juristes disent que le mariage du malade est permis s’il comporte un intérêt et ne conduit pas à d’autres préjudices. Or, nous savons maintenant que la PVVIH pourrait transmet le virus à son conjoint qui peut le transmettre au nouveau-né. La science confirme que la prévention de la transmission du virus est faisable. Notons auparavant que le certificat prénuptial est obligatoire et que la médecine moderne a permis de surmonter les risques éventuels par le suivi médical
45
de la grossesse et la prise du traitement antirétroviral pendant une durée précise avant l’accouchement. De cette façon le risque d’avoir un enfant porteur du VIH est presque nul. Plusieurs cas ont été notés d’un parent porteur du VIH, ayant eu des enfants indemnes suite à l’application des mesures de prévention.
qui réagit dans son ensemble avec la fièvre lorsqu’un de ses organes se plaint d’infection».
b) Le droit au divorce : Le divorce pour cause de préjudice est un droit légitime du mari et de la femme. Il est prononcé par le juge qui statue sur le cas. il n’est prononcé qu’en cas de préjudice grave et attesté sans équivoque ou par expertise technique. Le divorce ne doit être ni une sanction, ni un outil pour aggraver la discrimination et la stigmatisation à l’encontre de la PVVIH.
- Le droit de la PVVIH au mariage et aux enfants ne posent pas problème, tant que la médecin est parvenue à contrôler le VIH.
c) Le port du VIH par l’un des deux conjoints : Il ne peut être considéré comme préjudice pouvant justifier le divorce, sauf dans le cas où l’un des conjoints indemnes est lésé par un fait qui porte préjudice à ses droits essentiels tel : le droit à l’existence, le droit à avoir une vie sexuelle normale et le droit à fonder une famille. d) Le droit à la garde des enfants : Cette garde est tributaire du stade évolutif de la maladie et c’est le médecin qui détermine dans quelle mesure la mère porteuse du VIH dispose de la capacité physique d’exercer son droit de garde et d’en assumer la responsabilité. Ce droit lui est légalement établi, car inhérent à sa nature, de sorte qu’il ne lui est enlevé qu’avec une justification légitime fondée uniquement sur la prépondérance de l’Intérêt de l’enfant.
Avis juridiques - Vivre avec le VIH ne signifie pas avoir une anomalie sexuelle.
- Accorder à la PVVIH le droit de se marier et d’avoir des enfants, est en soi un moyen de protéger les autres contre le virus et de limiter sa propagation. - Le droit de la PVVIH à se marier et à fonder une famille, exige du conjoint le devoir de loyauté. - Le fait de n’avoir pas eu la chance de se marier n’annule en rien l’obligation à la chasteté et à l’utilisation de moyens de protection lors d’éventuelles relations sexuelles. - La coexistence avec le virus ne fait pas perdre le droit de garde des enfants à la mère ; à moins qu’il ne soit prouvé qu’elle est incapable de subvenir aux besoins du nouveau-né ou s’il y a risque d’une éducation douteuse. Le critère d’attribution de la garde en cas de contestation est tributaire de l’intérêt de l’enfant. - Vivre avec le VIH n’est pas un défaut sexuel qui nécessite le divorce pour raison de préjudice.
3) Droits des PVVIH dans la jurisprudence islamique : Parler des droits des PVVIH dans la jurisprudence islamique est un sujet hautement humain qui appelle à la recherche des dispositions générales requises par le bon sens, et que toute PVVIH devrait connaitre. Le citoyen devrait lui aussi en prendre connaissance et s’engager en leur faveur conformément à sa conscience et à l›obéissance à son Créateur, le Miséricordieux.
46
Ces droits ont également une fonction sociale car ils s’adressent à la société avec ses diverses composantes et en tant que personne morale pour intégrer les PVVIH à travers une conscience collective apte à garantir la vie et la sécurité pour tous en application à la parole de Dieu : « Aidezvous à faire le bien et à vous rendre pieux, et non à faire le mal ». (La Table, Verset 2). Dans le même sens le Prophète avait dit : « L’exemple des croyants dans leur affection et leur compassion est comme le corps humain
47
Référentiel VIH et droits humains Tome 4
Troisième chapitre
Le discours religieux pour activer les droits des PVVIH
1- Rôles des chefs religieux, tels que les imams et les prédicateurs : La tâche entreprise par les chefs religieux, tels que les imams, les prédicateurs et les guides, est d’une grande importance, car ils s’adressent aux croyants dans la mosquée ou à l’extérieur avec des paroles qui vont droit aux cœurs et suscitent la motivation, mobilisent les esprits, éveillent les consciences et préparent les bonnes volontés pour transformer ces idées et valeurs en une réalité tangible. Il ne fait aucun doute que ces objectifs éducatifs ne sont atteints que si le discours est basé sur des concepts concordants, car la conscience religieuse par le biais de la prédication et de l’orientation ne peut atteindre ses objectifs hors de la réalité vécue et des faits médicaux. Si nous appliquons ces critères, la situation sera la suivante :
Le prédicateur intelligent est celui qui garantit aux PVVIH un message d’espoir dans une réalité de crise, passant du stade de la description de la situation avec le discours de la raison et de la science à son traitement dans une vision conforme à la Charia selon les deux critères suivants : - La recommandation : Du fait que la stigmatisation et la discrimination sous ses diverses formes, ainsi que la diffamation sont interdites par la Charia quelle que soit la personne visée : le respect des droits des PVVIH à cet égard prend forme d’une obligation.
a) Briser la barrière du silence et faire entendre la voix de la sagesse en :
- La norme éthique : Le musulman est par nature bienveillant et est enclin à espérer le bien dans la vie sociale. Il lui est demandé de plaider pour la vérité, la justice et le respect de la dignité de l’être humain quelle que soit sa religion, sa langue ou toute autre considération formelle. Il se doit d’être un exemple pour prêcher la bonne parole, la charité, la bonté et répandre la miséricorde et l’amour parmi les gens.
- Attirant l’attention sur la stigmatisation et la discrimination qui affectent les PVVIH de la part de beaucoup de personnes et dans différents domaines de la vie.
La PVVIH a besoin de ces valeurs qui découlent, à la fois, de la conscience de l’autre et de son propre instinct. Ces valeurs sont enracinées dans la conscience et gardé par un self-watcher devant les législations dissuasives.
- Faisant le lien de tout cela avec la violation des droits des PVVIH.
Un code de conduite :
- Relevant les conséquences potentielles de certaines pratiques racistes (atteinte à la dignité humaine, insulte, exclusion, obstacles à la communication avec les PVVIH, obstacles à la jouissance de leurs droits, obstacles à la connaissance de leurs préoccupations...)
La profondeur de la question et le poids de la tâche confiée à la garde des imams et des prédicateurs ainsi que le droit des PVVIH à une vie décente nécessitent de tracer les paramètres de la mission religieuse qui travaille sur ce sujet avec précision.
b) Briser le mur de l’ignorance en élevant la voix de la science par :
Peut-être que la tentative que je présente dans ces lignes atteindra ce but.
- L’éducation à la santé sur la réalité du VIH et de ses modes de transmission, pour que l’auditeur puisse retenir : ü Qu’il n’y a pas de contagion infectieuse, mais plutôt une transmission du virus qui se fait par les voies décrites précédemment. ü Que la PVVIH ne transmet le virus aux autres que par ces voies. Et par conséquent, il n’y a pas d’embarras ni de peur de traiter avec elle dans toutes les transactions et relations sociales. - Le fait que la PVVIH n’est pas une criminelle et ne mérite pas d’être punie par l’exclusion et la violation de ses droits. 50
2- Un message d’espoir et de travail :
Honorables imams, messieurs les prédicateurs Vous êtes des prédicateurs, pas des juges, cette dénomination est pour vous un titre d’honneur que vous portez avec fierté. Votre savoir est une lumière dans les situations d’ignorance, d’égoïsme et d’injustice. Les PVVIH sont, certes malades, mais non contagieuses. Votre rôle est consultatif, et non punitif. A toi Imam ! A toi prédicateur ! - Tu assumes un travail haut de gamme et portes une énorme responsabilité dans la défense des droits des personnes vulnérables sur terre, du fait que ton sermon du Vendredi a pour mission de guider l’auditoire vers le
51
droit chemin, vers une meilleure connaissance de la religion et incite à transmettre aux autres le savoir reçu. À l’exemple du Messager, que Dieu le bénisse et lui accorde la paix, qui, dans ses sermons répétait cette phrase : «Que chacun d’entre vous ici présent, informe les absents de ce qu’il vient d’entendre» Le but final étant de toucher la conscience collective qui inclut présents et absents. - Tu es en charge de rappeler aux gens leurs droits conformément à la parole du Tout-Puissant : « Souvenez-vous, car le souvenir profite aux croyants » (Al-Dhariat - Verset 55), de les mettre en garde contre la perte de leurs droits et de dénoncer ceux qui les violent directement ou d’une façon voilée. Les PVVIH et les personnes opprimées et vulnérables n’attendent de toi qu’une parole qui exhorte ton auditoire, du prêche du Vendredi à soutenir et à défendre la Vérité. - Il ne te revient pas de prévenir les gens uniquement des dangers de la transmission du VIH ou de l’interdiction de l’adultère ou de la consommation de la drogue, mais ta position te permet aussi d’attirer l’attention sur les difficultés que rencontrent les PVVIH tels que discrimination, stigmatisation et calomnies par diverses épithètes et descriptions honteuses. - Ne fais pas de tes paroles un simple discours sermonique basé sur le commandement, l’interdiction et l’avertissement ; mais fais-en plutôt un message de sensibilisation, qui puise son contenu de la réalité de tous les jours que vivent les populations vulnérables. Essaye de puiser dans les données qui attirent l’attention de l’auditoire et le rend réceptif à tes conseils. - Sois audacieux dans la proclamation de la vérité, n’hésites pas à la défendre et à la promouvoir avec force, nonobstant des critiques qui te seraient lancées. Certaines personnes ont peur d’évoquer la question des droits des PVVIH, tandis que d’autres expriment des positions hostiles et haineuses. Ne te décourage pas et continues à transmettre le bon prêche. - Méfie-toi de soutenir le discours de haine et de violence envers les PVVIH, car tu en est responsable devant Le Tout-Puissant, et sois certain que tu ne seras à l’aise que si tes discours soutiennent le principe de justice et d’équité, conformément aux directives du Noble Coran et des conseils du Prophète.
52
- N’oublie pas que la force de ton discours réside dans la sagesse et les bons conseils. Il est sage de s’adresser aux gens en tenant compte de leur niveau intellectuel, de leur environnement social. L’un des avantages de la prédication est de leur rappeler les nobles valeurs de l’Islam, qui sont en lien
avec la question des droits des PVVIH. N’oublions pas que le simple citoyen n’est pas un représentant de Dieu sur terre pour punir ceux qui glissent vers le péché, et que violer l’honneur des gens par la moquerie, l’espionnage, la médisance, les insultes et la méfiance sont une désobéissance à Dieu d’abord, et une propagation de la sédition qui est plus grave que le meurtre. Les médisants ne gagnent en conséquence que la perte évidente dans ce monde et dans l’au-delà. - Apprends-leur que tout humain est exposé à l’affliction et que le VIH peut être transmis involontairement par un porteur aux personnes les plus proches. Informe les gens que la foi d’un musulman est imparfaite tant qu’il n’a pas aimé aux autres ce qu’il aime pour lui-même, et que l’égoïsme n’habite pas les âmes croyantes. - Ne manque pas d’avertir les PVVIH de leur droit à une bonne santé, en suivant les conseils et recommandations du médecin traitant notamment le respect de l’observance des prises médicamenteuses sans interruption. Mets-les en garde contre le fait de traiter avec les conjurateurs, les fraudeurs, les sorcières et les diseurs de bonne aventure de peur de nuire à leur état de santé et afin d’échapper aux risques d’extorsion matérielle ou sexuelle.
Conclusion
Cet article est une tentative de développer un système islamique qui traite des PVVIH, et qui soit basé sur des notions holistiques dont les plus importantes sont : - La PVVIH est une personne qui est honorée selon la manière dont Dieu l’a créée dans le corps, l’esprit et l’âme comme tous les autres humains et qui tire sa force de la foi en Un Dieu Unique dans la création et la gestion du monde. Et c’est sur cette base qu’elle construit ses attitudes et son approche de la vie, car elle demeure libre avec sa croyance et est digne de réaliser ses droits matériels et moraux comme toute autre personne afin de bénéficier de ce que Dieu a créé dans notre univers, dans le cadre de son interaction avec la fonction de «l’Istikhlaf» de l’Homme sur terre. - Conformément à la croyance en la vérité, le système juridique islamique porte en lui les droits de la PVVIH qui n’embrasse pas la religion musulmane. Du fait que toute créature humaine est honorée par Dieu, et que la liberté religieuse est assurée aux non-musulmans, et qu’il n’y a pas de différences de religions en ce qui concerne les droits de l’Homme. Le Tout-Puissant a dit : « La vérité est là, qui émane de votre Seigneur. Y croira qui voudra, et la reniera qui voudra» (sourate La Caverne - verset 29)
53
Référentiel VIH et droits humains/ Tome 4
© ONFP/ ASF 2021 Programme d’appui du Fonds Mondial de lutte contre le Sida, la tuberculose et le paludisme pour la Tunisie: « Améliorer l’accès aux services de prévention et de traitement ainsi que les droits humains des populations clés en Tunisie ». Publié par: Office National de la Famille et de la Population 7 rue Hattab Bouchnaq, Centre Urbain Nord 1082 Tunis, Tunisie & Avocats Sans Frontières - Tunisie 6 Rue d’Izmir, Mutuelle ville,Tunis, Tunisie Date d’édition : Juin 2021 54