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Les fondamentalismes religieux dans les milieux indigènes du Chiapas et la violation des droits des femmes Colectivo de Encuentro entre Mujeres (COLEM)

Étude de cas

Les fondamentalismes religieux dans les milieux indigènes du Chiapas et la violation des droits des femmes

Guadalupe Elizalde Molina et Martha Guadalupe Figueroa Mier Edition réalisée par Luz Maceira Ochoa

Le contexte La présente analyse fait la synthèse de deux cas ayant eu lieu au Chiapas, à des femmes de la communauté indigène Tzeltale, dans le sud-est du Mexique. Nous avons intégré deux cas dans une seule étude car le contexte et les modes de fonctionnement des fondamentalismes religieux dans ceux-ci, sont semblables. La marginalisation et l’exclusion sociale vécues par les femmes indigènes marquent négativement l’exercice de leurs droits. Elles sont touchées par l’environnement dans lequel se produisent ces pratiques et idées fondamentalistes religieuses promues par différents acteurs locaux et étatiques, qui s’imbriquent de manière complexe dans la situation des femmes. Aussi, la participation du Colectivo de Encuentro entre Mujeres (Collectif pour la rencontre entre femmes, COLEM, selon l’acronyme espagnol) dans ces deux cas, exige une série d’hypothèses, de logiques d’actions et de stratégies communes. Un des cas en question fait référence à l’expulsion d’une femme de sa communauté en raison de problèmes liés à la religion et aux us et coutumes de son environnement, à la fin des années 90. L’autre cas porte sur le viol d’une jeune handicapée à qui on a empêché d’exercer le droit d’interrompre sa grossesse. Elle et sa famille ont été discriminées lorsqu’ils ont tenté d’accéder à la justice. Les deux affaires ont en commun la violation de divers droits des femmes par des individus et des dirigeants communautaires, ainsi que les actions ou les omissions des autorités locales et des institutions de l’État, qui ont aggravé ces violations. Les croyances religieuses, les pratiques et les idées associées à certains us et coutumes indigènes, le sexisme et la discrimination ethnique sont, entre autres, la toile de fond de ces cas d’injustice et de violence contre les femmes dans les communautés indigènes du Chiapas. C’est également dans ce contexte que, plusieurs femmes et organisations

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qui luttent pour les droits des femmes ont développé un travail juridique, de communication, des alliances et des démarches politiques visant à promouvoir ces droits et à éliminer le contexte où les croyances et les pratiques associées aux fondamentalismes religieux, évangéliques et catholiques, créent une situation qui porte atteinte aux femmes et à leurs droits, comme on le verra dans ce texte. Cette étude de cas vise, tout d’abord, à améliorer la compréhension des phénomènes fondamentalistes religieux, compréhension acquise grâce à l’expérience du COLEM et à l’analyse critique de son travail de plaidoyer en faveur des droits des femmes au Chiapas. Par la suite, nous décrirons certaines caractéristiques générales du contexte du Chiapas et en particulier de la région de Los Altos, où ont eu lieu les deux cas d’étude, suivies d’une présentation individuelle de ceux-ci. Finalement, nous proposerons quelques vues d’ensemble et conclusions générales sur les deux cas présentés. Les noms qui apparaissent ici sont réels. Les femmes en ont convenu afin de dénoncer leur situation et dans le cadre de la demande de leur droit à la vérité.

Les fondamentalismes religieux Les fondamentalismes religieux sont des systèmes d’idées d’origine religieuse qui sont imposés par des individus ou des groupes de pouvoir sur une population donnée, une communauté, une nation ou une région du monde. Ces idées impliquent la définition de certains modèles de comportements sociaux et de critères pour les juger car elles supposent, en outre, l’attribution du pouvoir de sanctionner ou de punir de différentes manières, les gens qui se comportent différemment de ce qui est établi. Les systèmes d’idées et de pratiques fondamentalistes trouvent leur référence dans les textes religieux et/ou dans une manière spécifique de les interpréter, qu’il s’agisse d’une interprétation littérale et hors contexte des textes sacrés d’une religion en particulier —ce qui limite certaines habitudes et peut s’opposer aux progrès culturels et scientifiques propres à notre époque— ou de la réinterprétation/actualisation de ces textes fait d’une manière qu’ils soutiennent et justifient le contrôle et le pouvoir que les dirigeants/tes ou les autorités religieuses ou morales exercent sur leurs paroissiens/nes. Les fondamentalismes ont un caractère doctrinal, hermétique à toute révision, critique et/ou dialogue avec d’autres idées. Dans ces systèmes, la religion, au-delà d’être une source de pouvoir, constitue le moyen de l’exercer, car ces systèmes entraînent le contrôle des sphères matérielles et spirituelles et donc se traduisent par un contrôle économique, social et politique. Ceci est dû, entre autres, au fait qu’ils se 2

fondent sur des idées liées au « salut », la « sainteté », la « vérité » et le « bonheur », qui sont considérées comme les raisons ultimes de l’existence humaine. Ces idées sont acceptées d’emblée, car elles génèrent une identité et un sentiment d’appartenance à un « nous », que se soit le « peuple élu » ou tout simplement un groupe dont la source d’identification est Dieu. Au sein de ces groupes, ils trouvent la sécurité affective ou émotionnelle, l’appartenance, les paramètres de coexistence et pour l’existence, parce qu’ils pensent connaître et suivre les commandements de Dieu, car celui-ci est aussi un « père » qui prend soin de ses « enfants ». Cela rend ces systèmes motivants ou attrayants et sont renforcés par le fait qu’ils bénéficient d’une base solide et d’un large spectre d’action qui se traduit dans de nombreux domaines ou dimensions de la vie sociale. Les groupes fondamentalistes exploitent le pouvoir d’identification à une communauté religieuse pour contrôler de nombreux aspects de la vie de cette communauté. Les idées et les groupes fondamentalistes entravent habituellement le plein exercice des libertés fondamentales, en particulier les droits des femmes, transposées et reconnues dans les instruments internationaux et locaux du droit. Ceci est dû au fait qu’un des axes majeur de leurs idées religieuses est lié à la vie sociale : les rôles des hommes et des femmes sont considérés comme « naturels », désignés par Dieu, immuables et qui doivent être conformes aux types de relations et d’existences préétablis. Dans ce contexte, la subordination des femmes est courante et « naturelle » et leur rôle est essentiellement axé sur la reproduction. Au Chiapas, différents groupes et acteurs sociaux, politiques et institutionnels agissent selon des croyances et à travers des logiques fondamentalistes religieuses qui affectent directement les femmes, comme le montrent les cas de Maria de Jesús et de Hilda que nous présentons dans cette étude.

Le contexte Le Chiapas est un État situé au sud-est du Mexique, à la frontière avec le Guatemala et qui possède une grande quantité de population indigène. Le Mexique a plus de 7 millions d’habitants indigènes provenant de 72 villages, ce qui le classe à la 8ème place parmi les pays avec le plus grand nombre de peuples autochtones. Le Chiapas est le 2ème État avec la plus grande population indigène du pays, celle-ci correspond à près d’un million d’habitants (13,5% de la population indigène nationale et 25% de la population totale de cet État)1. Les groupes indigènes du Chiapas sont les : Tzeltal (37,9%), Tzotzil (33,5%), Chol (16,9%), Zoque (4,6%) et Tojolabal (4,5%). Il existe également d’autres groupes plus réduits dont : les Chuj, Kanjobal, Mam, Jacalteco, Mochó, Cakchiquel et les Lacandon ou maya caraïbes. COLEM . Étude de cas

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Une grande partie de ces groupes indigènes (81,5%) est concentrée dans trois régions du Chiapas : les Altos, le Nord et la Jungle.  Carte du Chiapas et ses régions2

I Centro II Altos III Fronteriza IV Frailesca V Norte VI Selva VII Sierra VIII Soconusco IX Istmo-Costa

Il existe au Chiapas de considérables différences et inégalités ethniques, économiques, sociales et culturelles, qui sont le résultat d’une longue histoire de colonisation et d’exploitation. Pour ne citer que quelques données, c’est l’un des États du pays où il y a le moins de personnel/le de santé par habitant, étant la deuxième entité avec la plus forte mortalité maternelle et une de celles qui a les taux de pauvreté et de retard social le plus élevé3. C’est également un des États avec le taux d’analphabétisme le plus important du pays (21%)4. Cette marginalité élevée existe malgré le fait que le Chiapas est riche en ressources naturelles, y compris en eau et en pétrole, et aussi du fait que géopolitiquement il bénéficie d’une place stratégique dans différents plans économico-commerciaux et de voies terrestres (comme le Plan Puebla Panama, le Corridor méso-américain, le Mégaprojet de l’isthme, etc.) Les problèmes liés à la terre et aux territoires font partie intégrante de l’histoire du Chiapas. Sa richesse naturelle a conduit à une lutte pour le contrôle et l’exploitation de ses ressources entre différents acteurs, y compris les peuples autochtones - propriétaires de ces terres - et les gouvernements provinciaux et fédéraux, ainsi qu’avec des groupes d’investissement privé locaux, nationaux et étrangers. L’exploitation inconsidérée des ressources a provoqué une crise écologique et, de surcroit, une pauvreté croissante et l’exploitation des populations locales5. Aussi bien la question du droit à la propriété de la terre que celle du droit au territoire, qui impliquent le droit à la libre détermination, constituent des problèmes actuels. Les peuples autochtones ont été touchés dans leur 4

capacité d’organisation politique, économique, socioculturelle et de développement car historiquement il leur a été imposé une forme de gouvernement national. Dans de nombreuses communautés indigènes du Chiapas, comme au sein d’autres communautés du pays, il coexiste, avec la structure politique fédérale, le système des us et coutumes. C’est à dire, en plus des institutions et des autorités propres à l’État-nation, il y a aussi des gouvernements traditionnels, régis par un système de postes (figures d’autorité ou de pouvoir, hiérarchies, règles, rôles et mécanismes de décisions sur des questions collectives) associés au cycle festif-religieux de la communauté. Dans le cas des communautés indigènes, les structures de pouvoir du gouvernement traditionnel se combinent avec d’autres structures intermédiaires typiques des zones rurales (telles que les « juntas ejidales »6, « assemblées communales » traduction libre de l’espagnol), avec les autorités locales, régionales et nationales. Dans chaque groupe ethnique et dans chaque région, existent des différences dans la manière dont ces différentes formes politico-organisatrices s’entrecroisent et dans les conflits qui découlent de la complexité de ces situations. Un des autres problèmes se présentant dans la région est lié au caciquisme, à savoir une forme d’exercice du pouvoir - personnel, autoritaire et exclusif - sur un certain territoire, qui est présent dans certaines régions du Mexique, entrainant des conditions idéologiques, socioculturelles, politico-économiques, démographiques et géographiques particulières. Il est le résultat du métissage culturel et de la propre histoire du pays. Le cacique n’est pas nécessairement une autorité formelle, bien qu’il puisse l’être aussi, mais une sorte d’intermédiaire entre la population et la structure politico-administrative du pouvoir formel. Il exerce un pouvoir non légal sur l’accès et l’exploitation des ressources humaines, naturelles, économiques et politiques dans une localité ou une région dans son ensemble (il a un rôle de gatekeeper ou de « gardien » en français) et établit une relation de clientélisme avec la population, à laquelle il peut surveiller et mobiliser7. La relation de clientélisme consiste en des relations de patronage, de tutelle et/ou de coercition politique envers des personnes ou des groupes sociaux en particuliers. Dans certaines communautés tzotziles, dans la municipalité de Chamula, les caciques ont concentré les terres et monopolisé les activités de production de la région, en assumant les pouvoirs économiques, politiques et religieux. Ils peuvent également effectuer des activités illégales comme le trafique de sans papiers, de drogues ou d’armes8. Au milieu de cette marginalisation et de cette défavorable situation politique, en janvier 1994, avec la signature du Tratado de Libre Comercio entre los países de América del Norte (TLCAN/NAFTA selon les sigles en espagnol et en anglais. Accord de libre-échange nord-américain - ALENA, en français), l’Ejercito Zapatista de Liberación National (Armée Zapatiste COLEM . Étude de cas

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de Libération Nationale, EZLN selon les sigles en espagnol), organisation politico-militaire, a pris les armes pour exiger une série de demandes liées aux droits des peuples indigènes, la démocratie, la justice et la liberté, contre les situations d’exclusion sociale déjà mentionnées mais également contre la répression (persécutions, menaces, emprisonnement, disparitions forcées, torture et assassinats) dont ont été victimes les mouvements paysans, ouvriers et populaires depuis des années dans le pays, parmi d’autres injustices. L’affrontement militaire a été de courte durée car une cessation des hostilités a été demandée et un processus de dialogue de paix a été défini. Cependant ce processus a été entravé et demeure toujours non résolue à ce jour. Il existe aujourd’hui au Chiapas des communautés zapatistes, des communautés sympathisantes et des non sympathisantes (dans les trois cas, elles appartiennent à différentes communautés religieuses et populations indigènes), une forte occupation militaire9, ainsi que des groupes paramilitaires qui ont fait grimper la violence de manière extrême dans la région. Des communautés entières ont été obligées à se déplacer et cela a créé une situation de tension sociale profonde, ainsi que l’aggravation de la crise économique. L’autre visage de cette tension a trait au fait que, dans le Chiapas, en particulier dans la région des Altos, entre 1970 et 1990, plusieurs groupes religieux se sont installés dans une zone traditionnellement catholique10. L’arrivée d’autres groupes, au-delà d’ouvrir la voie à la diversité religieuse, a plutôt conduit à des tensions et à de fortes divisions sociales qui se sont ajoutées à la marginalisation extrêmes et aux conflits politiques préexistants. Par exemple, dans la municipalité de Chamula11, qui possède une population principalement tzotzile, il y a trois Églises : l’évangélique et deux autres qui appartiennent à deux branches différentes du catholicisme : la catholique, du diocèse de San Cristobal et l’Église orthodoxe ou de San Pascualito12, cette dernière étant la plus influente. Là, le pouvoir religieux s’est mélangé au pouvoir politique. Pendant la période « priiste », c’est-à-dire durant laquelle le Parti Révolutionnaire Institutionnel (PRI) a gardé entre ses mains le contrôle du pays, en contrôlant le pouvoir exécutif (et en grande partie, les organes du législatif et du judiciaire) de 1928 à 2000 à travers un régime antidémocratique, corrompu et répressif, les caciques de Chamula négociaient l’élection des autorités municipales avec le PRI. Ces négociations étaient si importantes qu’il était courant que le PRI remporte les élections avec 100% des voix. Toute situation qui pourrait altérer ce contrôle s’est convertie en menace, c’est ainsi que l’existence de groupes de la théologie de la libération (branche catholique associée au diocèse de San Cristobal) et les protestants (les évangélistes en particulier), avec des idées politiques et/ou religieuses différentes, a été une source de conflits et de nombreuses expulsions violentes de familles entières de Chamula13.

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Dans ce contexte difficile où la polarisation de différents groupes ethniques, politiques, partisans, religieux, sociaux et économiques et où les niveaux croissants de marginalisation et d’inégalités économiques et sociales de la population de l’État, les femmes s’en sont retrouvées doublement affectées. A la tension et la fatigue causées par la marginalisation, l’instabilité et les conflits dans la région, s’ajoutent le fait qu’elles sont les plus pauvres parmi les pauvres, elles constituent le groupe avec le taux d’analphabétisme le plus élevé et souvent, elles sont formellement exclues ou, dans le meilleurs des cas, sous-représentées dans les systèmes traditionnels de gouvernement et des postes à pouvoir. Elles sont également exploitées, maltraitées, victimes de discrimination, tant dans l’espace domestique que communautaire. D’autres conditions de vulnérabilité sociale, telles que l’ethnicité, les capacités physiques, l’âge, etc., compliquent davantage la marginalisation et la discrimination des personnes dans ce contexte.

Le fondamentalisme religieux dans le contexte des conflits ethniques et politiques dans la région des Altos au Chiapas Dans de nombreux contextes, des religions se sont adaptées aux habitudes et usages indigènes d’origine préhispanique. L’influence des différentes religions dans la région a varié et a adopté différentes formes de croissance. Le syncrétisme peut donner des variantes qui incluent une relation formelle des hiérarchies religieuses avec le système de postes, un cycle de cérémonies ajoutant des festivités saintes au calendrier agricole et/ou des rituels qui impliquent la consommation d’alcool, entre autres choses. Leur proximité à la culture et aux traditions locales leurs permettent de gagner des adeptes. C’est ce qui explique, en partie, les conditions favorables qui permettent de combiner le leadership politique et religieux, ce qui a entraîné dans certains groupes de Chamula, de considérer comme normal le fait que pour appartenir à un groupe religieux il faut être obligatoirement affilié au PRI. Ceci explique aussi l’importance du monopole de certains produits tels que la vente d’alcool, puisqu’il a un rôle rituel et un intérêt économique certain. Les structures du pouvoir se renforcent mutuellement. La région des Altos, qui comme nous l’avons dit est celle où ont eu lieu les cas que nous examinons ici, s’est caractérisées par la concentration du plus grand nombre de conflits religieux entre 1960 et 2001. Dans les années 90, particulièrement, le nombre total de conflits (235) a représenté près de 70% du total enregistré au cours des dernières décennies au Chiapas14.Chamula a été identifié par le gouvernement comme le lieu où les conflits étaient principalement ou en partie liés à la religion, engendrés par l’intolérance des dirigeants orthodoxes (de San Pascualito) et des COLEM . Étude de cas

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caciques, qui ont agressé et/ou expulsé de leurs communautés ceux qui s’étaient convertis au culte évangélique. Les agressions prennent toutes sortes de formes: menaces d’expulsion ou insultes, interdictions de fréquenter l’école publique ou d’utiliser les services publics, l’annulation des permis de construire de temples ou fermeture et destruction de ceux-ci, destruction et pillage de biens, agressions physiques, détention et emprisonnement, enlèvement, expulsion, voire dans certains cas, assassinat. A Chamula, les expulsions ont commencé en 1974. Des phénomènes de déplacements et d’expulsions, qui ont forcé des personnes à quitter leur communauté, ont été observés à cause de leurs différentes appartenances partisanes et religieuses. En premier lieu, il y a eu les expulsions orchestrées par les membres de l’Église de San Pascualito contre les catholiques et les évangélistes (ainsi que d’autres groupes protestants), par la suite, les expulsions ont été causées par le fait d’appartenir à un autre parti politique que le PRI. Il y a également un troisième type d’expulsion. Ce sont les cas où, pour des raisons économiques et culturelles, des membres de la communauté sont contraints d’émigrer pour chercher des meilleures conditions de vie et de travail. Dans ce dernier cas, il s’agit d’une migration forcée par un contexte menaçant, comme c’est le cas de ces filles entre 12 et 17 ans qui fuient leur communauté pour échapper à un imminent mariage arrangé par leurs parents, selon les coutumes locales. Le nombre de personnes expulsées de Chamula à cause de l’intolérance religieuse a été estimé à environ 30 000 pour les seules années 8015. Ceux qui ont été expulsés, se sont organisés et installés à la périphérie de la ville voisine de San Cristobal de las Casas, en créant de nouveaux quartiers et colonies16. Nueva Esperanza, créée en 1977, a été la première colonie d’évangélistes et a été suivie par d’autres17.Au sein de ces colonies, des populations expulsées de leur communauté d’origine pour des raisons religieuses, se sont mélangées à d’autres immigrants indigènes qui arrivaient à la ville en quête de travail. Dans de nombreux cas, ces colonies ont été fondées par l’empiètement de terrains de la municipalité et de particuliers également.  Région des Altos, Chiapas18

Des leaders ont surgi au sein des groupes évangélistes expulsés. Ils ont intégré le Consejo de Representantes Indígenas de los Altos de Chiapas (Conseil des représentants indigènes des Altos de Chiapas, CRIACH, selon les sigles en espagnol), une organisation représentant les expulsés de cette région. Par la suite, d’autres organisations similaires se sont formées, telles que l’Organización Indígena de los Altos de Chiapas (Organisation indigène des Altos Chiapas, ORIACH, selon les sigles en espagnol), la Sociedad de Cooperativas por el Mejoramiento de Nuestra Raza (Société de coopération pour l’amélioration de notre Race, SCOPNUR, selon l’acronyme espagnol), l’Organización de Pueblos Evangélicos de los Altos de Chiapas (Organisation des peuples évangélistes des Altos de Chiapas, OPEACH, selon l’acronyme en espagnol), entre autres. Ces organisations ont connu des conflits, des divisions, des regroupements et des affrontements et dans un climat initial d’impuissance et de préjugés, beaucoup de ses leaders ont reproduit les formes de pouvoir qu’ils avaient fui, devenant des caciques au sein de leurs colonies ou zones d’influence, en accumulant du pouvoir et même des armes, passant du rôle de victimes à celui d’oppresseurs, pour des raisons de « légitime défense ». Ces groupes ont vécu de graves conflits entre eux en raison de disputes pour les terres et pour le contrôle politique et économique. Par exemple, certains des expulsés se sont alliés au PRI en dépit du fait que c’est le parti qui les avait expulsé de Chamula, et d’autres se sont alliés avec le Partido de la Revolución Democrática (Parti de la révolution démocratique, PRD selon les sigles en espagnol) ou avec d’autres factions politiques partisanes. En outre, d’autres se sont alliés au EZLN et d’autres pas. Dans d’autres cas, les réactions de certains leaders et communautés face à des projets de développement et d’investissements privés dans la région ont varié, certains ont coopéré et négocié avec des projets qui affectaient d’autres groupes. Cela a conduit à des affrontements qui ont même abouti à l’assassinat d’un des leaders et à des agressions armées. Aussi, dans certains cas, des groupes de style militaire ont été créé, prétendant suivre des desseins divins —comme l ‘« Armée de Dieu » créé en 2006— et propageant la parole de Dieu19. Ils se sont également « défendus » ou ont réglé des comptes avec les personnes avec qui ils étaient en conflit ou avaient des différences, qu’ils soient caciques ou leaders communautaires ou religieux ou même avec l’armée mexicaine et le gouvernement. La puissance de ces groupes est telle que dans de nombreux cas, lorsque les autorités municipales tentent d’avoir une influence dans ces zones et de faire respecter la loi en leur sein, elles sont menacées de perdre le soutien politique octroyé par les caciques, ou ils organisent des actions de style conflit militaire contre la police ou le gouvernement municipal, sans que ceux-ci puissent répondre efficacement, limiter le pouvoir de ces caciques, ni combattre l’impunité et la criminalité au sein de ces colonies.

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Dans ce contexte, la violence contre les femmes a également été fréquente et intense. En 1989, à la suite des constantes dénonciations de violences sexuelles contre des femmes à San Cristobal de las Casas, un groupe de femmes s’est organisées pour remédier à cette situation. Ce groupe a initié son action par des marches et des protestations et ensuite à travers une association civile, le Groupe de femmes de San Cristobal de las Casas, désormais appelé Colectivo de Encuentro entre Mujeres (Collectif de rencontre entre femmes, COLEM, selon l’acronyme espagnol) au sein duquel des cas de viols collectifs ont été traités20, ainsi que de violence familiale et structurelle de genre, y compris des cas d’épouses et de filles d’hommes expulsés, qui ont été battues, insultées et même publiquement violées par des membres de leur propre communauté, qui ont brûlé leurs maisons, tué leurs animaux et détruit leurs articles ménagers, entre autres. Il s’agit d’une situation où des groupes opposés (des caciques Chamula appartenant à l’Église de San Pascualito et les chefs évangéliques dans leurs zones d’influence), imposent la défense d’un système de croyances et de pratiques aussi bien culturelles que religieuses, dans ce cas, par le biais de différentes sanctions qui peuvent inclure la violence physique extrême. Les femmes sont agressées si leur comportement, très réglementé, n’est pas conforme aux pratiques et idées religieuses et morales, mais elles sont également victimes de violence parce qu’elles sont filles, épouses ou parents d’un homme mêlé dans un conflit politico-religieux. D’autre part, des groupes catholiques - liés au diocèse de San Cristóbal - n’ont pas engendré le même genre de contrôle, de confrontation ou de représailles sur la totalité d’une communauté. Dans certaines régions et dans certains aspects, ils ont même contribué au progrès social et culturel des groupes indiens. Toutefois, concernant les droits des femmes, ils ont souvent eu tendance à renforcer les schémas patriarcaux car personne ne les a questionnés. Par exemple, des groupes catholiques associés à la théologie de la libération ont donné lieu à un travail de revendication et de libération des peuples indigènes, mais sans influencer forcément le développement des droits des femmes en tant que groupe. Il s’agit d’une situation complexe, car bien que les femmes aient bénéficié de l’alphabétisation et/ou de la promotion et l’exercice de certains droits, il est vrai aussi que lorsqu’ils ont brandi l’étendard de la défense des coutumes locales, les pratiques qui violent les droits des femmes sont restées intactes. Ces pratiques comprennent le mariage des 10

filles à 12 ou 13 ans convenu unilatéralement par le père contre des avantages économiques et sociaux pour lui21, ou d’autres pratiques traditionnelles profondément ancrées dans les communautés indigènes qui influent sur l’exercice des droits des femmes: elles n’ont pas droit à la terre, très peu d’importance est attribuée à leurs études, elles sont agressées physiquement, elles ont un accès extrêmement limité aux services de santé, etc. Les groupes religieux ne se sont pas voués à éradiquer ces inégalités. Ces dernières années, des transformations importantes se sont produites au sein de la société mexicaine en général et en particulier dans les communautés indigènes, produites aussi bien par la migration et la transformation de la composition et l’organisation des communautés que par les luttes et les mobilisations de groupes idéologico-politique (partisans, sociaux ou religieux). Ils ont réussi à consolider un environnement de revendication des droits humains tels que la liberté, la paix et la démocratie dans les peuples indigènes, etc., la position et le statut des femmes ont changé aussi, mais à un rythme très différent et beaucoup plus lent et inégal selon le contexte. Dans le processus de politisation de plusieurs communautés indigènes, le programme pour les droits humains des femmes ne semble pas être pris en compte. L’organisation des femmes a suivi sa route de forme parallèle mais rarement intégrée dans la lutte plus globale de leurs communautés. Leurs revendications ont été partiellement intégrées dans certains cas et dans d’autres, elles restent en marge. Bien qu’il existe de nos jours, plus de sensibilité à ces questions ou que certaines conditions de vie ce soient améliorées dans certains endroits, les idées et les pratiques qui dévalorisent les femmes et qui les affectent subsistent, comme nous le verrons dans les cas présentés ici.

Les cas de violation des droits des femmes à Los Altos au Chiapas et leur défense

L’histoire de María de Jesús22 Maria de Jésus est une femme tzeltale originaire de la municipalité d’Amatenango del Valle. Lorsque son père est mort quand elle était enfant, elle a émigré à San Cristobal de las Casas. Depuis, elle a travaillé comme femme de ménage. Pendant ses études à l’école primaire, elle a rencontré son partenaire qui, avant qu’elle ne finisse son cycle d’enseignement secondaire, lui a demandé d’aller vivre avec lui. Maria de Jesús raconte : « Je voulais continuer à étudier, mais (il) ne m’a pas laisser faire ». Elle est allée vivre avec son partenaire vers 1991 et a vécu à divers endroits, y compris en dehors du Chiapas, toujours à la recherche de travail pour finalement retourner dans son État. A partir de là, ils COLEM . Étude de cas

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ont commencé à avoir des problèmes parce qu’il la trompait et « passait certaines périodes avec d’autres femmes ». En 1994, les dirigeants évangélistes qui étaient en train de former de nouvelles colonies d’expulsés ont commencé à vendre des lots dans la Nueva Maravilla23. Maria de Jésus et son partenaire ont décidé d’en acheter un. Ils ont donné un acompte puis un premier versement aux « représentants » de la colonie. Elle payait les mensualités de manière ponctuelle et assistait aux réunions de quartier où étaient discutés les problèmes communautaires tels que le manque d’eau courante et de drainage, dont la résolution demandait le paiement de quotes-parts ou une « coopération », cependant, cet argent n’était pas utilisé à la résolution de ces problèmes. Plus d’un an plus tard, alors qu’ils étaient sur le point d’achever le paiement total, Maria de Jesús et sa famille ont construit une « maison de bois et de tôle » et se sont installés dans celle-ci, malgré que son compagnon passait toujours des périodes avec d’autres femmes, jusqu’au jour où il l’a abandonné elle et ses trois enfants. En 1997, Maria de Jesús vivait toujours au même endroit. Elle avait 26 ans. Le 1 juin, alors qu’elle quittait le marché, les autorités de Colonia La Hormiga, une autre colonie d’évangélistes Chamula expulsés, sont venus à sa rencontre. Maria de Jesús a été accusée par une femme —qu’elle ne connaissait pas « de sortir avec son mari ». Même si elle a nié l’accusation, les autorités de La Hormiga l’on prise de force, la trainant jusqu’à la « prison » de La Hormiga et ont pris ses enfants. La « prison » était une maison utilisée secrètement par les dirigeants de la colonie pour enfermer clandestinement les soi-disant transgresseurs des règles. L’emprisonnement de Maria de Jesús - totalement illégal - a été communiqué aux représentants de la Nueva Maravilla, afin qu’ils cherchent le partenaire de Maria de Jesús pour lui donner ses enfants. Le motif de l’accusation contre Maria de Jesús était qu’elle « était dans le péché » pour avoir commis « l’adultère ». Ils ne la laisseraient pas sortir de « prison » jusqu’à ce qu’elle avoue sa faute. Elle a été menacée d’être envoyée à la prison de Cerro Hueco, le pénitencier d’État dans la ville de Tuxtla Gutierrez. Face à cette perspective, certains voisins présents lui ont suggéré d’avouer afin d’être relâchée et pouvoir fuir. Moyennent la promesse qu’elle pourrait sortir et récupérer ses enfants, Maria de Jesús a accepté l’accusation. Pour les voisins, les autorités et les représentants de la Nueva Maravilla, la colonie de Maria, elle représentait une « femme pécheresse, un mauvais exemple pour la colonie » et ils décidèrent donc de l’expulser de la colonie. Ils prirent sa maison et ses enfants, sans lui donner l’opportunité d’emporter ses biens ni ses effets personnels. Quand elle quitta la prison 12

clandestine, elle passa sur le lieu de travail du père de ses enfants, les retrouvant sur place. Il lui dit qu’il ne pouvait pas s’occuper d’eux et les lui livra. Maria de Jesús arriva la nuit dans le village de sa mère avec ses enfants et y séjourna pendant quelques jours, paralysée par la peur. Maria de Jesús est revenu par la suite à la ville et alla demander l’aide du Groupe des femmes de San Cristobal de las Casas. Bien qu’elle ait été accusée à tort, battue et illégalement privée de sa liberté, dépouillée de sa famille et de ses biens, elle ne prétendait pas entreprendre des représailles contre les autorités de La Hormiga ou la Nueva Maravilla, elle voulait juste retirer ses biens de la maison, essayer d’obtenir ne fusse qu’un gain minimal de ses terres ou de l’investissement économique qu’elle avait fait, et surtout, prendre des dispositions pour que le père de ses enfants lui verse une pension pour pouvoir leur louer un toit. El Centro de Apoyo a la Mujer (Centre de soutien pour les femmes, CAM, selon les sigles en espagnol) de COLEM a demandé l’aide de l’Unité juridicosociale de la municipalité pour les négociations de la pension alimentaire avec le père des enfants de Maria. La réponse a été négative, parce que les forces de police avaient été attaquées par le passé lorsqu’elles avaient essayé de faire appliquer la loi à La Hormiga et au sein d’autres colonies voisines. Ainsi, compte tenu de l’inaction des autorités locales, les autorités du CAM ont cité les autorités de la Nueva Maravilla, avec qui ils ont entamé un processus de dialogue. Maria a été autorisée à récupérer les objets personnels qu’elle avait dans son ancienne maison et à vendre le terrain où se trouvait son ancienne propriété. Le paiement de la pension alimentaire par l’ex-conjoint (du moins pendant un certain temps) a également été obtenu. Dans la colonie où vit Maria actuellement, des voisines subissent également de la violence. Maria sait aussi qu’à Nueva Esperanza, d’autres cas similaires au sien se sont produits.

Les stratégies employées pour répondre aux violations des droits humains de Maria de Jesús Les stratégies conçues par le COLEM et par d’autres [organisations] similaires ont été développés de plusieurs manières. Nous bénéficions d’une expérience de plus de 19 ans d’activisme en faveur des femmes, presque toujours accompagnée d’actions légale en faveur des victimes, ainsi que d’actions dans les médias et même des protestations sociales. Les activistes engagées dans la défense du cas de Maria de Jesús et dans les démarches visant à compenser ne fut-ce qu’une partie des dommages lui ayant été causés, ont développé une stratégie incluant des action juridiques, de communication, de dénonciation et de divulgation publique ainsi que d’alliances sociales et politiques. En même temps, un soutien médical et psychologique à été donné à Maria, dans le cadre d’une aide complète aux victimes. COLEM . Étude de cas

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Les actions juridiques : la première chose ayant été faite pour s’occuper de l’expulsion de Maria a été de lutter contre l’impunité, dans sont cas et dans d’autres, où il semble que la complicité et la passivité du gouvernement soient de mise. Se préoccuper des actions liées à l’accomplissement de la justice a constitué une de nos priorités en tant qu’avocates, pour faire appliquer la loi de manière effective. Des procédures administratives et légales ont été entamées auprès de la municipalité contre les autorités de la colonie. Il y eu plusieurs actions visant à modifier les attitudes des autorités judiciaires - qui taxaient ce genre de cas de « politique » et non comme une affaire de violations des droits fondamentaux - pour qu’ils s’acquittent de leur obligation à les traiter. Une demande familiale a également été déposée contre le père des enfants de Maria, ce qui a permis de poursuivre le procès concernant la pension alimentaire. En vue de la défense juridique de l’affaire, le CAM a entrepris un litige stratégique. Celui-ci est basé sur des actions qui contribuent à l’autonomisation de la femme qui a été victime, en la soutenant et en favorisant le fait qu’elle ne soit pas l’objet de/dans le processus judiciaire mais bien le sujet. Cette stratégie implique également de recourir au système international des droits humains pour faire pression sur les autorités locales dans la prise en charge de l’affaire et pour typifier les violations en cause. Dans ce sens, le CAM a déposé une plainte auprès de la Commission des droits humains du Chiapas, mais la procédure a été très longue et n’a pas abouti à des résultats favorables. La diffusion et la dénonciation : la diffusion de l’affaire dans les médias locaux a fait partie de la pression exercée sur les autorités afin d’obtenir des changements tant dans la politique que dans la conscience des personnes concernées. Le cas de Maria de Jesús, ainsi que d’autres, ont été diffusés sur l’émission de radio « Voces de mujer » (Voix de femmes), qui était diffusée dans onze municipalités du Chiapas. Il a également été rendu public dans différents espaces (cours, forums et ateliers) dans lesquels étaient présents les membres du COLEM. Des plaintes ont également été déposées auprès du bureau du procureur de l’État, de députés locaux et de la Commission pour l’équité et le genre de la Chambre des députés, ainsi que dans d’autres forums de discussion sur la législation, la violence, etc. Des protestations publiques ont eu lieu auprès des autorités. L’organisation et le soutien collectif : une autre partie de la stratégie a impliqué l’organisation, l’unité et la solidarité avec les victimes et avec les avocates chargées de l’affaire, par d’autres organisations et réseaux de femmes. Celles-ci ont été très importantes car elles ont constitué le soutien nécessaire pour discuter avec les autorités. 14

Les alliances entre les femmes du COLEM et des diverses organisations ont facilité l’analyse des cas et la promotion de la stratégie juridique et de communication, en autres. Une importante action conjointe pour la promotion et la défense des droits humains a été entreprise ainsi que pour l’intégration de réseaux de droits humains et féministes, tant au niveau régional, national qu’international. La participation au sein de ces réseaux à pour but de donner de la force au mouvement, de réaliser des actions conjointes de diffusion, de faire des déclarations publiques contre ces violations, de rendre visible cette problématique et aussi d’entreprendre des actions de plaidoyer pour promouvoir les décisions politiques concernant les facteurs qui influent sur nos droits et développements. Grâce à ces actions il a été possible de rendre visible les pratiques illégales et la façon dont elles touchent particulièrement les femmes, en analysant leur cas dans une perspective de genre ainsi que leurs causes et leurs effets. La stratégie visait à la fois les communautés indigènes, comme les autorités du droit mexicain positif, mais aussi les instances des droits humains au niveau international. Les points clés de ces stratégies : l’objectif principal de ces stratégies a été d’empêcher que les groupes de leaders fondamentalistes (évangélistes dans ce cas) continuent de violer les droits les plus fondamentaux des femmes. Celles-ci, pour des raisons d’appartenance ethnique et sociale mais aussi économique, vivent soumises aux règles internes des colonies d’expulsés/es évangéliques qui revendiquent une autorité morale sur la communauté et exercent un pouvoir et un contrôle brutal sur elle. Le but était également de montrer que les soi-disant « us et coutumes » des groupes indigènes ne sont pas des systèmes de valeurs et de normes entièrement hérités de l’époque préhispanique, mais que ceux-ci ont changé et ils ont même été transformés et utilisés à la convenance des groupes luttant pour le pouvoir, en utilisant les « us et coutumes » comme une excuse pour commettre des abus sous le couvert de défendre les soi-disant « traditions » ou même « commandements divins ». Il est nécessaire d’intervenir dans la défense des femmes soumises par ces fondamentalismes pour que ces violations ne soient pas impunies et pour affaiblir les idées et les pratiques fondamentalistes ainsi que le pouvoir de leurs leaders. En ce sens, une rupture réellement importante et COLEM . Étude de cas

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symbolique a consisté à faire face à ces leaders. Être défié par un groupe de femmes avec des ressources juridiques, un soutien social, etc., a constitué un point de rupture dans leur leadership et domination.

Les ressources pour le développement des stratégies Nous avons utilisé les ressources humaines, matérielles et financières de COLEM, qui ont été reçues, en partie, de donateurs/rices qui soutiennent l’assistance aux femmes victimes de violence en Amérique latine. Avec cela, nous avons pu donner une attention complète à Maria, payer des transferts et les procédures juridiques nécessaires, ainsi que développer la stratégie décrite ci-avant. Le discours a constitué une ressource clé de la stratégie de résistance aux fondamentalismes. Le discours qui nous a permis d’ouvrir le dialogue avec les dirigeants de la colonie et les autorités traditionnelles indigènes a été celui des droits humains. Nous avons parlé en brandissant l’étendard de la connaissance de la loi en notre faveur. Cela a été important car l’une des causes profondes de ce type de fondamentalisme est l’ignorance, qui permet la manipulation. Faire face aux leaders et sensibiliser les communautés avec des arguments [solides] a été utile. La conformation intergénérationnelle du groupe a également été une ressource qui a plaidé en faveur de la cause, car elle a permis de partager des expériences et des connaissances. Le facteur clé qui a permis de prendre en charge la défense de cette affaire a été la reconnaissance du COLEM dans la zone, grâce à sa prise en charge et la défense des cas de femmes indigènes. Le COLEM avait déjà une présence, et a continué à la renforcer, vis-à-vis des groupes fondamentalistes dans les communautés. L’emplacement physique du CAM, pratiquement dans la zone même où se trouvent ces colonies évangéliques, a contribué à la reconnaissance de celui-ci et à son impact sur la vie de plusieurs voisines, car elles viennent demander de l’aide quand elles sont agressées et avec les années, les dirigeants mêmes sont venus accompagner des femmes battues au CAM. Un élément important pour arriver à cette position a été la résistance et la persévérance. Les obstacles du travail de plaidoyer pour les droits des femmes sont nombreux, mais le COLEM a poursuivi son travail pendant des années, ce qui constitue et exprime sa force. La somme des actions des différents/es acteurs/rices sociaux a constitué une autre ressource importante. Dans la zone, il existe d’autres mouvements ou groupes qui s’opposent aussi aux fondamentalismes. Le Centro de Derechos Humanos de la Mujer en Chiapas (Centre pour les droits 16

humains des femmes au Chiapas), qui lutte et défend le droit des femmes à la propriété de la terre, le Movimiento Independiente de Mujeres en Chiapas (Mouvement indépendant des femmes du Chiapas), qui réunit des femmes activistes dans des organisations sociales de femmes et mixtes ; les groupes pro-droits collectifs des peuples indigènes et les organisations de défenseurs/ses des droits humains, comme le Centro de Derechos Fray Bartolomé de las Casas (Centre des droits Fray Bartolomé de las Casas), entre autres, composent ce réseau d’acteurs/rices qui font face à diverses expressions du fondamentalismes et qui renforcent la résistance face à elles, en plus de favoriser une attaque plus complète et intégrale face à l’attaque des fondamentalistes.

Réflexions sur les stratégies employées dans ce cas, son processus et son environnement En accord avec ce que nous avions recherché, la défense du cas de Maria de Jesús et d’autres femmes indigènes dans le nord de San Cristobal de las Casas a abouti à la visibilité des problèmes de ces femmes, dans lesquels s’entrecroisent les traditions autochtones, les fondamentalismes religieux et les conséquences des conflits religieux, politiques et économiques de la région. Elle a également mis en avant la capacité organisationnelle des femmes et nos possibilités d’action. La somme des stratégies a aussi rendu le COLEM plus visible et a permis de diversifier ses activités, ce qui a obligé ses membres à se former à certaines questions afin de pouvoir utiliser toutes les instances juridiques contre les fondamentalismes et contre l’impunité. De même, grâce à sa persévérance, le COLEM a obtenu une reconnaissance locale, nationale et même internationale en tant que modèle dans la lutte pour les droits des femmes et comme organisation féministe. Évidemment, cette reconnaissance comporte également des risques dans la mesure où l’organisation a été désignée par les groupes fondamentalistes et/ou par certains leaders comme une organisation s’opposant à eux ou à leurs intérêts. Pendant le développement de la stratégie globale, il a été possible de mieux comprendre comment les groupes fondamentalistes fonctionnaient. Nous avons appris que dans un contexte de conflits religieux, d’autres divisions sociales se produisent. Nous constatons aujourd’hui, un phénomène de durcissement des fondamentalismes religieux dans les communautés indigènes où l’intolérance et le pouvoir de sanction de ses leaders ne se limitent plus à leurs paroissiens, car d’autres personnes qui, pour des raisons diverses, vivent dans ou à proximité des communautés dirigées par des fondamentalistes, sont touchées. Elles peuvent être discriminées ou agressées. En outre, il existe des conflits entre groupes religieux mais en leur sein également. Quand le conflit interreligieux COLEM . Étude de cas

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n’est pas si intense, la supervision et le contrôle sur les membres de leur propre congrégation ou communauté augmente. Les femmes sont particulièrement touchées vue que la question de leurs droits et libertés reste très sensible car elle est à la base d’un énorme pouvoir de domination. Face à la confrontation ou à la résistance à ce contrôle, les leaders réagissent en rejetant ceux qui s’opposent à eux, ou même, des alliances implicites ou explicites avec d’autres acteurs politiques peuvent se créer, comme avec l’État lui-même, afin de renforcer leur pouvoir de domination. Les pactes informels ou des alliances entre groupes de différentes tendances ou affiliations religieuses et partisanes peuvent se créer pourvu que la subordination des femmes se maintienne. Dans ce cas, nous avons constaté que l’État a cédé ou tout simplement omis de faire respecter la loi. La même chose est vraie pour les leaders des différentes colonies et communautés indigènes qui peuvent s’unir, même s’ils appartiennent à des groupes religieux différents, quand il s’agit de se renforcer. Après l’analyse de la situation à posteriori, nous estimons qu’il est nécessaire que de nouvelles formes d’organisation de femmes se créent afin que l’on puisse tenir un registre des événements et un suivi des mesures entreprises. Dans le cas de Maria de Jesús il y a eu, avant la période où le COLEM est intervenu, un certain nombre de violations (privation illégale de liberté, blessures, vol) dont les conséquences n’ont pas été réparées par l’État durant le procès à cause du manque de preuves concernant les faits. Il est nécessaire d’établir des mécanismes pour connaître les faits et documenter les preuves. Le procès aurait pu conduire à d’autres instances, mais Maria, en raison de sa situation émotionnelle, économique et familiale, n’a pas voulu le faire. Le respect pour sa décision, de la part du COLEM, a supposé de ne pas porter son cas aux instances internationales. Il est important de respecter les décisions des femmes victimes en ce qui concerne l’intervention et l’orientation de leur cas.

L’histoire de Hilda Álvarez24 Hilda est tzeltale, elle est née en 1984, avec des problèmes de santé permanents et incurables: elle souffre du syndrome de Down profond, de sorte que son apparence physique est celle d’une jeune fille de 12 ans et son âge mental est de 3 ans. Elle mesure 1,40 mètre. Elle avait une insuffisance rénale et cardiaque, en plus d’une malnutrition si aiguë qu’elle ne pesait que 38 kilos quand elle était enceinte de cinq mois25. Venant d’une famille de pauvres indigènes agriculteurs et d’une communauté de montagne, petites et isolée, elle est soutenue et prise en charge par ses parents, en particulier sa mère Celia Hernández López. Hilda ne peut pas parler, elle peut se 18

lever et s’asseoir toute seule, elle erre et est capable d’effectuer de simples actions, comme aller aux toilettes, manger, s’habiller et certaines tâches domestiques comme égrener et moudre le maïs, mais elle ne peut pas préparer de nourriture. Elle n’a jamais reçu de soins médicaux ou psychologiques pour traiter son handicap car sa communauté, l’Ejido San José la Nueva de la municipalité indigène de Huixtán, est à deux heures à pied du centre habité le plus proche, et là, il n’y a pas non plus d’institution publique ou privée pour traiter les personnes avec ce genre de problématique. En 2002, Hilda a été victime à plusieurs reprises d’abus sexuels de son voisin Celestino Hernández López. Elle est tombée enceinte. Celia, la mère de Hilda, ne s’en ait rendu compte que lorsque qu’elle a noté l’absence de menstruation chez sa fille. Le 17 janvier 2003, Celia a amène Hilda à l’hôpital public du Secrétariat de la Santé de l’État de Chiapas à San Cristobal de las Casas, à plus de six heures de route de leur communauté, pour recevoir des soins médicaux. À l’hôpital, on l’informe que Hilda a environ dix semaines de grossesse et qu’évidemment, il s’agit d’un viol en raison de ses évidentes conditions physiques et mentales. Celia se rend au Ministère public26 et dénonce le viol et la grossesse de Hilda. On l’informe verbalement de la possibilité de mettre fin à cette grossesse, mais ne reçoit aucune communication écrite ou légale pour le faire. Une première enquête et des démarches sont lancées pour le crime de « violación equiparada27 y los que resulten ». Celia, préoccupée par la santé de sa fille et par les autres possibles conséquences du viol et de la grossesse, considère que l’option d’avorter serait la plus judicieuse et conduit Hilda au même hôpital pour pratiquer l’interruption de grossesse. Le gynécologue responsable refuse d’exécuter l’interruption de grossesse, en arguant qu’il s’agit d’un « péché » que de tuer un innocent. Il intimide Celia en lui disant que Hilda pourrait mourir pendant cet acte et qu’elle, en tant que sa mère, serait poursuivie et emprisonnée. Il lui a reproché de ne pas s’occuper de sa fille, tout en réitérant sa culpabilité d’avoir pensé à « tuer un enfant » (l’embryon). Le médecin justifie le refus de faire l’avortement par crainte de la colère divine. Celui-ci assure qu’il y a moins de risques pour Hilda et le bébé si la grossesse arrive à terme, puis termine la consultation et refuse de fixer des consultations ultérieures, en sachant qu’il s’agit d’une grossesse à haut risque avec des possibilités évidentes de malformations. Il est important de noter qu’il s’agit d’un hôpital public, c’est-à-dire d’un service public d’un État soi-disant laïc, dans un pays où les lois fédérales aussi bien que celles des États, permettent l’interruption de grossesse dans trois cas et l’un d’eux est le viol28. Dans cet hôpital —où il y avait des icônes et autres représentations catholiques (telles que des illustrations de la Vierge Marie), ainsi que du personnel de congrégations religieuses COLEM . Étude de cas

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(prêtres et religieuses) offrant certains services médicaux, d’infirmeries et administratifs —le personnel a fait valoir des raisons de type morales et religieuses pour ne pas fournir un service qui est obligatoire selon la loi. « Vous ne pouvez pas décider de la vie d’un innocent... Dieu seul donne la vie et lui seul sait quand la reprendre », sont des phrases ayant été dites à Celia lorsqu’on lui a refusé le service et pour la sanctionner moralement. Le reste du personnel a agi avec complaisance et tolérance ou même avec complicité, face à cette situation. Des valeurs catholiques ont été imposées portant clairement atteinte à l’exercice des droits humains des femmes dans l’application de la loi. Personne n’a aidé Hilda, forcée à poursuivre sa grossesse, qui a pris fin un mois plus tard (au sixième mois de grossesse) avec une naissance prématurée. Hilda a dû se rendre jusqu’à l’hôpital à pied, elle est arrivée en très mauvais état, le « produit » n’était pas viable et Hilda a été hospitalisée plus de 15 jours dans un état très grave, même si on l’a autorisée à quitter l’hôpital. Au même moment, le juge d’instruction a ouvert une enquête et a délivré un mandat d’arrêt contre Celestino Lopez, mais celui-ci n’a pas été exécuté par les agents judiciaires qui prétendent être incapables de se déplacer jusqu’à son domicile, car il s’agit d’une communauté indigène à laquelle ils n’ont pas accès. Le procédé juridique est plein de négligence, peu d’attention est portée sur l’affaire, l’enquête, le recueil de déclarations, les preuves et l’expertise, tout se fait lentement et mal. En outre, Celia doit endurer des humiliations, ils disent d’elle que c’est une mère irresponsable et essayent de lui faire assumer le fait que les abus sexuels ont été causés, possiblement, par un membre masculin de sa propre famille, comme le père, ou le cousin de Hilda. Autrement dit, des innocents sont inculpés ce qui d’une part empêche l’arrestation de l’accusé et d’autre part, renforce la punition de la mère de Hilda, une femme « négligente » et qui souhaite « causer des problèmes » à la communauté, à travers la sanction ou la condamnation de son mari ou d’autres proches, ce qui implique également la menace de les perdre. Vu que les agents judiciaires refusent d’exécuter le mandat d’arrêt contre Celestino Lopez, ce mandat ne pourra être exécuté qu’avec la collaboration des autorités officielles indigènes de la municipalité Huixtán (qui jouissent d’une reconnaissance juridique et des liens formels avec les autorités juridiques). Cependant, celles-ci refusent de coopérer. Elles font savoir que le fait d’arrêter le violeur, conformément au mandat d’arrêt, se traduirait dans la communauté par des conflits sociaux qu’ils ne sont pas aptes à gérer. Les autorités font savoir également que Celia, qui vit dans cette juridiction, a « ignoré leur autorité » en faisant recours à des agences de la justice étatique, alors que chez eux on gouverne selon les us et coutumes et que l’assemblée communautaire ne reconnait pas la responsabilité de la personne accusée, de sorte qu’elles n’aideront pas, ni ne permettront aux 20

autorités externes (telles que les agents judiciaires) de l’arrêter. En outre, elles précisent qu’elles ne sont pas « des autorités exécutrices » (c’est-à-dire qu’elles non pas l’intention de faire le travail que d’autres autorités leur ordonnent). Ces arguments montrent le conflit de pouvoir existant entre les différents types d’autorités et la sorte de « pacte » de non-ingérence sur leurs zones d’influence respectives. Ils montrent surtout, que les femmes et leurs droits n’ont que peu de valeur dans ce contexte. Face au refus des autorités indigènes, la police judiciaire fait savoir à Celia que c’est elle qui devra attirer Celestino Lopez dans la ville de San Cristóbal, afin qu’elle leurs dise où il se trouve et qu’ils puissent ainsi l’arrêter. Sinon, elle et sa famille devront l’arrêter et l’emmener jusqu’aux locaux du Ministère public. On laisse donc la responsabilité de l’administration et de l’application de la justice sur les épaules d’une mère célibataire et d’une femme handicapée. À ce jour, l’impunité demeure car le responsable mis en cause dans le dossier pénal 79/2003, n’a toujours pas été arrêté. Celestino Lopez a de nouveau violé et fait un enfant à Hilda, qui en avril 2008 a donné naissance à un bébé prématuré avec le syndrome de Down, avec un sous-développement glandulaire et autres problèmes de santé. Ce bébé et Hilda sont sous la responsabilité de Celia. Cette fois, Celia n’a pas dénoncé le viol, ni pris rendez-vous avec les services de santé. Le découragement face à l’absence de résultats, la pression des autorités traditionnelles et de sa communauté pour défaut de « loyauté » envers son peuple, le climat d’hostilité envers sa personne et la crainte de subir d’autres sanctions communautaires, ainsi que le manque de ressources pour se déplacer en ville, ont freiné son envie de poursuivre toute action judiciaire. Celia passe son temps à soigner deux personnes qui requièrent beaucoup d’attention. Elle est épuisée et malade. Ce cas, implique l’action de deux acteurs gouvernementaux différents avec des arguments distincts en apparence, mais qui suivent une logique et qui arrivent à des résultats similaires. D’un côté, il y a le personnel de santé et les agents judiciaires qui font parti des institutions publiques, qui sont clairement influencés par l’action des groupes fondamentalistes religieux dans la société et l’État lui-même, dont les agissements invalident les droits humains des femmes. D’un autre côté, il y a les acteurs locaux, tels que les autorités communautaires, qui se référent à un système d’us et coutumes fondé sur des croyances religieuses et culturelles fondamentalistes pour nier l’exercice des droits des femmes. Dans ces deux groupes d’acteurs et sur base des arguments qu’ils défendent, nous constatons la faible importance ou la nonimportance totale qu’ont les femmes et le respect de leurs droits humains. Les acteurs suivants ont commis des actes et des omissions qui constituent une violation multiple aux droits humains : la procureure chargée de COLEM . Étude de cas

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l’instruction de l’affaire, ses assistants/tes et leur supérieur immédiat ; le directeur du contrôle de l’enquête préliminaire ; la police judiciaire ; la police communautaire ; le juge de paix et la Conciliación Indígena de Huixtán (conciliation indigène de Huixtán) et les assistants du juge indigène de Huixtán. Leurs actions ou leur absence d’actions, dissimulent des idées et des pratiques fondamentalistes, comme les croyances religieuses liées aux grossesses par volonté divine, et l’inviolabilité et le caractère sacré de la vie humaine - dans laquelle on inclus et soutient principalement le « produit » de la conception, tandis que l’avortement est criminalisé. Il est important de souligner qu’il existe d’autres préjugés liés aux préjugés religieux et moraux : sexistes, racistes et de classes qui, bien qu’ils ne soient pas issus du fondamentalisme religieux, se combinent de manière négative pour affecter les femmes, soit à travers la violence soit par la discrimination face à l’accès à la justice. Ces faits sont confirmés par la quantité de cas enregistrés par les organisations de défense des droits humains des femmes indigènes29.

Les stratégies utilisées pour faire face aux violations des droits humains de Hilda Alvarez Plusieurs stratégies ont été développées, y compris la prise en charge, l’accompagnement et le suivi de Hilda dans ses démarches auprès des diverses institutions et autorités sanitaires ainsi qu’auprès des responsables de la justice. Elle a également été assistée dans le litige stratégique, convenu avec la victime et sa famille, et les actions de communication. Actions juridiques : nous considérons que le cas de Hilda est paradigmatique car il reflète, dans une seule victime, les grands besoins d’accès à la justice et la négligence des autorités mexicaines, qui ont fait passé leurs propres croyances religieuses avant la loi, en violant ainsi les droits d’une femme indigène, handicapée, isolée, pauvre et avec une faible capacité à se défendre. Nous avons eu recours à la documentation et la systématisation de cas paradigmatiques sur le refus des services publics à interrompre légalement des grossesses, car il y en a eu d’autres dans la région et même dans d’autres États du Mexique, comme le cas de Paulina30. Cette information nous a permis de définir une stratégie de lobbying et de plaidoyer auprès des autorités, ainsi que des alliances avec d’autres organisations pour obtenir que justice soit faite pour cette femme ainsi que pour les précédentes. Nous avons pensé à dénoncer le cas auprès des instances internationales des droits humains, comme cela a été fait dans d’autres cas de violence sexuelle, car les réponses sont plus favorables à ce niveau. Cela n’a été fait 22

qu’en partie. Le litige stratégique a impliqué la diffusion et la présentation du cas aux autorités telles que les Commissions nationale et régionale des droits humains en mars 2007, ainsi que son inclusion dans le rapport du Rapporteur spécial sur la situation des droits humains et des libertés fondamentales des indigènes des Nations Unies lors de sa visite au Chiapas, en juin 2004. Des plaidoiries étayées par les instruments internationaux relatifs aux droits humains (CEDAW31, Convention de Belem do Pará32, Convention 169 de l’Organisation internationale du travail33, etc.) ont été soumises aux autorités et organismes de référence. Ceci a permis de mettre le cas en avant et de le diffuser auprès d’autres organisations de la société civile et mouvements sociaux de la région des Altos au Chiapas, en particulier dans les municipalités de Tuxtla Gutierrez, Huixtán et San Cristobal de Las Casas. L’affaire n’a pas été portée devant la Commission interaméricaine des droits de l’homme parce que le recours aux instances locales n’a pas encore été épuisé (la procédure pénale est toujours ouverte) et parce que la famille devrait s’engager dans ce processus, pour lesquels ils n’on pas les moyens. Communication : la diffusion et l’information vers la société a été très importante. Des émissions radio ont été utilisées pour faire connaître le cas et pour dénoncer les autorités responsables. Des activités ont été réalisées dans des écoles pour parler de la violence à l’égard des femmes, des grossesses non désirées, des droits sexuels et reproductifs, à travers un travail de sensibilisation sur cette affaire et de conscientisation de base sur ces questions. La stratégie proposait de créer l’indignation face à la situation de Hilda et celle des autres femmes indigènes dans des situations vulnérables (en raison de leur sexe, pauvreté, manque d’éducation, santé, origine ethnique, etc.) qui ont souffert la violation répétée de leurs droits, à commencer par le droit à la justice. Ainsi, la visibilisation des femmes en tant que citoyennes, sujets des mêmes droits devant la loi, ayant été abusées en raison de l’irresponsabilité de l’État, des inéquités et des obstacles de genre du système juridique du Chiapas et en particulier du mauvais comportement du personnel de l’administration et de la justice, de la santé et des instances de l’autorité indigène, qui affectent les droits de ces citoyennes, a été un élément important. Une autre stratégie clé a consistée à promouvoir le cas de Hilda avec celui de Paulina34. Dans les deux cas, il s’agit de jeunes filles qui pourrait être la fille ou la sœur de qui que ce soit, et pour qui l’avortement était plus que justifié. Les deux, par leur jeunesse et leur innocence, ont conduit à l’empathie et à la solidarité sociale. Elles ont cassé les stéréotypes associés à celles qui prônent l’avortement, qui supposent que les femmes qui le demandent sont « libertines » ou « irresponsables ». Hilda et Paulina sont des jeunes femmes visiblement abusées, accueillies par la solidarité COLEM . Étude de cas

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populaire et soutenues dans leur demande de justice. Leurs situations présentent une perspective différente à la société sur l’abus sexuel sur des filles, des indigènes et des personnes avec des limitations physiques et/ou malades. Dans ce scénario, la situation de Hilda devient d’intérêt public et oblige les autorités à faire face à leurs croyances religieuses et leurs préjugés sociaux en matière de santé, de sexualité et de droits.

Nous avons également réussi à ce que le groupe défenseur intègre les activités politiques importantes, telle que la visite du Rapporteur pour les peuples indigènes, qui a été obtenu grâce aux activités de gestion et d’alliances, qui à leurs tour ont encouragé la diffusion et la collaboration de différents acteurs dans le cas.

La diffusion de l’affaire a été cruciale, car une action urgente était nécessaire, de sorte que les voies de communication et d’information pour faciliter cette tâche étaient essentielles.

Les ressources pour le développement des stratégies

L’établissement d‘alliances : une autre partie de la stratégie a également consisté à établir des alliances et des relations avec différents groupes de la société civile, y compris le Colectivo Feminista Mercedes Olivera (Collectif féministe Mercedes Olivero, COFEMO, selon l’acronyme espagnol) et le Grupo de Mujeres de San Cristóbal de las Casas (COLEM), en collaborant dans la documentation et l’attention du cas de Hilda.

Le coût du litige a été couvert par COFEMO. Les coûts de l’entièreté du processus ont été supportés par d’autres organisations travaillant dans des domaines spécifiques tels que la santé, qui ont donné à Hilda des soins médicaux spécialisés, des médicaments, etc.

Nous avons traité avec les instances du pouvoir juridique et politique aux niveaux local, régional et national. Dans certains cas, la relation a été obligatoire dans le cadre du suivi de l’affaire (comme avec le Ministère public de l’État du Chiapas, son contrôleur général, le Ministère public indigène, le Tribunal de San Cristobal de las Casas, son contrôleur général, le Comité de la magistrature de l’État du Chiapas, le ministère de la Santé de l’État du Chiapas et du gouvernement fédéral ainsi que le Tribunal de paix et de conciliation de Huixtán). Dans d’autres cas, des alliances stratégiques se sont formées pour surmonter les obstacles qui se sont présentées dans le processus. Par exemple, nous avons fait recours à la Commission nationale d’arbitrage médical, la Commission des droits humains de l’État du Chiapas, la Commission nationale des droits humains, l’Institut de développement humain de l’État du Chiapas, et la Secretaría para la Atención de los Pueblos Indios de Chiapas (Secrétariat pour la prise en charge des peuples indiens du Chiapas). Des démarches et/ou des actions de lobby ont été entreprises auprès de ces instances et d’autres, pour obtenir leur collaboration ou une résolution en faveur de la victime. Ceci n’a pas toujours été atteint et dans ce sens, la relation n’a pas signifié une véritable alliance. Cependant, la stratégie envisageait la définition préalable d’une cartographie des acteurs, des institutions et des organisations publiques et privées, avec qui il serait possible d’établir une interaction35. Une autre action a consisté à introduire au sein de différents réseaux et coalitions préexistants, des sujets liés à l’affaire, favorisant la diversification de leurs programmes, tels que : les droits sexuels et reproductifs, les jeunes, les droits des indigènes ou l’État laïc, entre autres.

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Nous avons utilisé des ressources logistiques, financières, humaines et la connaissance des organisations de défense.

Le fait que les organisations de défense impliquées soient des références a constitué une ressource importante, car cela a signifié un soutien et une capacité de dialogue avec les autorités. Cela a également signifié une capacité à mobiliser et à obtenir le soutien d’autres organisations civiles et sociales dans la région, qui ont répondu aux appels à la solidarité, aux actions urgentes, à la défense du cas et/ou aux sujets qui découlent de celui-ci. La connaissance de la région, de la perspective culturelle des genres et des droits humains ainsi que l’expérience dans ces domaines ont constitué les autres ressources mobilisées pour donner du poids à la défense du cas. Comme dans le cas de Maria de Jesús, le discours est devenu une ressource essentielle dans le cas de Hilda. Nous avons déjà parlé de la manière par laquelle nous avons combiné la diffusion des cas de Paulina et Hilda pour renverser les préjugés sur l’interruption légale de grossesse et pour récupérer et positionner les principes et les instruments relatifs aux droits humains comme références pour l’affaire. De même, le discours défendant la laïcité a été fondamental, car il a placé la question dans une perspective non seulement nationale, mais étatique également, qui transcende le cas particulier d’une personne en l’incluant dans une revendication sociale plus large. La défense de l’État laïc a mobilisé un secteur important du pays en raison de la présence et de l’augmentation du pouvoir des partis de droite, se joindre à ce débat sensible et visible pour la société a été important. Aussi, il ne faut pas oublier que les victimes, malgré ces discours plus larges, ont constitué un élément central de la stratégie. Car ce discours commence par : « Maintenant, sont nom est Hilda ... ». Parler de Hilda sert à dénoncer sa situation et à remettre en question la structure et la situation sociale dans laquelle de nombreuses femmes vivent. COLEM . Étude de cas

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Réflexions sur la stratégie, son processus et son contexte Avec le recul, il est possible de mesurer l’importance de l’inclusion du cas et/ou des questions au programme d’autres coalitions ou réseaux, car, en plus de renforcer sa diffusion et sa défense, elle a également aidé à porter l’attention sur d’autres cas ou situations liés aux nombreux facteurs favorisant les multiples violations des droits humains. La même chose s’applique à la stratégie de défense juridique alternative, qui, dans ce cas, implique un argumentaire de dénonciation de plusieurs violations de droits contre Hilda dans le contexte de l’obtention et de l’exécution de la justice, conformément aux conventions du système des Nations Unies. Parmi celles-ci, il est possible de reprendre des typifications des violations des droits, la mise en œuvre d’éléments de preuve, les formes d’argumentation, les mesures de protection, les sanctions, etc. pour la défense locale de l’affaire de Hilda et/ou pour se baser sur celle-ci pour faire de nouvelles réformes. Ce type de défense suppose également, en accord avec la victime, de connaître la portée du litige, c’est-à-dire, bien que cette affaire réunissent tous les éléments pour devenir paradigmatique, elle ne sera pas portée devant les tribunaux internationaux si le coût émotionnel ou si les souffrances pour la victime et sa famille sont trop lourds. Il est important de former des réseaux spécialisés dans les litiges stratégiques et dans la promotion de politiques publiques à partir de cas réussis ou paradigmatiques. Travailler en réseaux améliore la résolution des cas individuels car ils les rendent plus visibles, ce qui oblige les autorités à prendre des solutions semblables pour des problèmes similaires (même s’il s’agit de différents cas, personnes, viols, États, etc.) et pour aider à identifier des problèmes sous-jacents communs comme l’abus de pouvoir et les comportements et les idéologies discriminatoires soutenus ou transformés en fondamentalismes religieux. Un apprentissage à retenir concerne la nécessité de modifier certaines des actions du litige stratégique, en particulier celles qui sont liées à la pression sur les autorités et la diffusion du cas. Il est nécessaire d’élaborer, documenter et présenter des preuves spécifiques pour expliquer plus clairement l’importance du préjudice, car avant par exemple, seules les preuves physiques et médicales pouvaient prouver le viol, aujourd’hui, grâce à ce genre de travail, il est commun de réaliser une expertise psychologique afin d’identifier les dommages émotionnels et l’expertise anthropologique est de plus en plus acceptée pour mesurer les dommages sociaux. Il est nécessaire d’intensifier ce type d’actions.

domaine des droits des enfants, qui n’ont pas été invités à se joindre à la défense et la promotion de cette affaire, bien que cela aurait été approprié. La diffusion d’un cas peut avoir des effets de différents types. Elle peut protéger et minimiser les conséquences négatives pour les victimes et/ou leurs défenseurs/ses, ou au contraire, les augmenter. Parfois un exploit peut se convertir en problème. Le cas de Hilda a réactivé le débat social sur l’avortement. Il peut certainement servir dans la lutte pour la réglementation de l’avortement dans les cas qui ne sont pas sanctionnés par la loi et pour sa dépénalisation. Toutefois, des groupes sociaux liés à la religion catholique ont réagi à travers une campagne pour rejeter le sujet et l’affaire. Lorsque le débat se réactive, il est possible de distinguer les positions des différents groupes féministes et sociaux du Chiapas et de nouvelles divisions et tensions se créent entre eux. En ce sens, il est important d’encourager la diffusion de l’information pour faciliter la discussion, la révision et la reconnaissance des différentes positions afin de ne pas accroître les tensions et de contribuer à un changement d’attitude. Par exemple, engendrer la sympathie et la compréhension pour les femmes en situation de vulnérabilité, telles que Hilda, peut aider à éliminer les préjugés (sur l’avortement et ses liens présumés avec les femmes libertines ou irresponsables), à reconnaître les effets négatifs du fondamentalisme et à trouver des points communs pour la défense des droits humains pour tous les groupes dans cette situation. Les idées et les pratiques fondamentalistes entravent les droits fondamentaux des femmes. Dans ce cas, les croyances religieuses ont tendance à voir les femmes comme des objets ou des sujets qui doivent être contrôlés selon l’idée biblique qui attribue à la femme la responsabilité de la perte du paradis. Ces idées, dans le cas de Hilda, s’aggravent et s’entrecroisent avec d’autres préjugés religieux et ethniques ainsi qu’avec son handicap. Selon certaines croyances, en tant qu’indigène, elle peut être considérée comme une «âme impure» manipulée par le diable. Le syndrome de Down, maladie stigmatisée dans ce contexte, peut vouloir dire qu’elle porte le diable en elle, à cause d’un péché commis par sa mère— qui est l’ultime responsable de ce qui se passe— ou comme elle n’a pas la maîtrise de soi, elle peut être « utilisée » par n’importe qui. En outre, selon la pensée occidentale qui méprise les indigènes, elle peut être considérée comme une personne dénuée de pensée développée et moderne, jouissant d’une citoyenneté incomplète. Hilda est sur-stigmatisée, plusieurs croyances —religieuses ou d’autres types— agissent contre elle.

Et après Maria de Jesús et Hilda? ... Regarder vers l’avenir

Un autre apprentissage à retenir fait référence à l’importance de créer des alliances avec des groupes de jeunes et des associations travaillant dans le 26

COLEM . Étude de cas

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Quelques conclusions Les relations observées entre les différents groupes, idées et pratiques fondamentalistes se reflètent dans les institutions indigènes et étatiques qui administrent la justice ainsi que dans les services de santé publique. Il existe une méconnaissance, un manque de respect et même un mépris des lois et des droits humains des femmes, en plus de la prédominance des idéologies religieuses (catholiques et protestantes) sur les droits de celles-ci. Le péché est la cause qui, dans ces cas, est derrière l’absence de justice, la pratique sexuelle « impure » et l’« assassinat d’un innocent » deviennent les principales préoccupations des autorités, et non pas les problèmes de santé, de violence et d’accès à la justice des femmes. La construction d’un environnement de respect des droits humains des femmes requiert un travail conjoint entre femmes et hommes dans plusieurs directions : la diffusion des droits humains et des instruments internationaux qui les protègent ; la visibilisation des expériences réussies de défense qui peut se faire, notamment, à travers l’organisation de forums de discussion avec d’autres organisations défendant mais aussi contestant, pourquoi pas, les droits des femmes, car le dialogue entre différents groupes est important dans un État laïc et démocratique. Un autre genre de travail impliquera de réaliser des actions de recherche et d’éducation variées. D’une part, il est important de tenir compte des aspects anthropologiques, sociaux et juridiques des communautés et peuples indigènes, ce qui exige d’être former à ces sujets. Les cas de Maria de Jesús et de Hilda nous démontrent qu’il est nécessaire de comprendre les modes de fonctionnement spécifiques des fondamentalismes religieux, pour lancer des contre-stratégies performantes permettant l’exercice et une meilleure défense des droits humains des femmes. En ce sens, comprendre et recueillir des données sur d’autres cas similaires seraient nécessaires pour comprendre les différents « ressorts », pratiques et formes de concrétiser les fondamentalismes dans des situations différentes ainsi que ses effets. Il est particulièrement important de connaître les interprétations ou les idéaux religieux propres à chaque groupe, la façon à travers laquelle ils s’expriment et se structurent avec d’autres aspects ou systèmes sociaux ainsi qu’avec d’autres sources de stigmatisation et/ou de préjugés. Ceci est nécessaire pour pouvoir montrer leurs incohérences, pour informer ou pour réduire le manque de connaissances sur certaines questions qui favorisent la manipulation. Nous devons aussi reconnaître les personnes ou les acteurs derrière la mobilisation des groupes fondamentalistes, leur portée, leurs arguments, etc., pour que la stratégie prenne en compte leurs activités (qu’elles soient politiques, juridiques, de communication, etc.)36 Il est également nécessaire de montrer, à l’intérieur et à l’extérieur des communautés indigènes, que les soi-disant « us et coutumes » sont des systèmes qui ont changé au fil du temps, que la culture est dynamique et 28

non statique, que des éléments religieux, culturels et politiques « externes » s’y sont mélangés et que leurs contenus et formes, bien qu’ils aient l’air « traditionnels », ont déjà été transformés et peuvent continuer à l’être. Souvent, à la défense des droits humains, et en particulier ceux des femmes, s’opposent des arguments qui les qualifient comme des valeurs étrangères aux traditions locales, contraires aux principes inhérents à la coutume indienne. Ainsi, les valeurs collectives - des peuples ou des communautés sont prioritaires sur celles de ses membres, en particulier des femmes. Dans ce contexte, il est important d’identifier les sources et l’évolution de ces systèmes et des groupes ainsi que la manière dont ils sont construits, reproduits et parfois aussi utilisés. Cela est essentiel pour contrer les forces du fondamentalisme religieux. La manière de briser certains mythes, d’enlever leur côté « attractif » pour la population, ce fait à travers d’arguments et d’informations aidant à reconnaître leurs contradictions, leurs effets négatifs - et même inhumains -, pour montrer comment ils affectent la communauté et pour les rendre ainsi « politiquement incorrect » et logiquement ou scientifiquement injustifiables. En outre, ce travail permet de remettre en question les dirigeants qui arborent et utilisent ces croyances, afin d’engager un processus de dialogue - ou de confrontation – qui leur fasse comprendre que leur pouvoir ou leur leadership n’est pas absolu ou qu’il peut cesser de l’être. De fait, dans le cas de l’Église catholique, par exemple, le fait d’exposer la double morale de certains de ses membres qui font actuellement face à des plaintes de pédophilie, est un moyen d’affaiblir leur poids moral et leur influence. Ce type d’actions implique un travail éducatif entrainant un questionnement, une transformation et/ou la construction de modèles, de visions du monde et de croyances qui font partie de l’identité et de la subjectivité des valeurs et des connaissances qui serviront de modèles et/ou de sens, à la vie elle-même. D’autre part, il est nécessaire de mettre en œuvre d’autres activités éducatives telles que la formation des femmes afin de leur permettre de les conscientiser, de leur faire connaitre leurs droits et d’obtenir leur autonomisation en termes plus larges. Il est aussi important de former les défenseurs/ses des droits des femmes et/ou ceux/celles qui dispensent la justice, afin qu’ils/elles reconnaissent le caractère obligatoire des lois en faveur des femmes. COLEM . Étude de cas

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La création d’actions et de politiques de formation pour l’autonomisation économique et politique des femmes afin qu’elles occupent des domaines stratégiques au sein de leurs communautés et régions sont également utiles pour changer la vision sociale et personnelle d’« être une femme ».

et pour faciliter le travail des organisations et des groupes de défense. Il devra être joint à l’analyse et à la diffusion des arguments qui dans d’autres États ont été utilisés pour dépénaliser l’avortement, ainsi que les arguments juridiques qui ont bloqué la décriminalisation, dans d’autres.

Il y a des aspects des stratégies mises en œuvre ici qui peuvent être appliqués dans d’autres contextes. La défense juridique est très importante pour que la victime puisse jouir de ses droits et pour que les dommages soient réparés. Cette défense doit se fonder sur une perspective de genre et des droits humains et avoir une projection à l’intérieur et en dehors des communautés, c’est à dire, dans les domaines locaux, nationaux et même internationaux, car ce sont la diffusion et la pression qui, à la longue, favoriseront l’engagement de l’État dans la construction d’une culture de respect des droits des femmes.

Il est nécessaire de défendre la laïcité de l’État. À cet égard, en plus de la pression politique, la mobilisation sociale, le travail éducatif, la diffusion des connaissances scientifiques et de l’information, etc., il est important de pouvoir compter sur des études juridiques et d’autres recherches sur le fondamentalisme religieux intégrant une perspective de genre et montrant la violence exercée contre les femmes. Il est urgent de défendre la laïcité de l’État car, au Mexique, la droite et des groupes fondamentalistes gagnent du pouvoir et de l’influence car ils se trouvent dans des positions stratégiques aux niveaux politique, économique, social et religieux, et même si on a réussi à définir légalement le caractère « laïc » de l’État dans la Constitution mexicaine (en février 2010), les attaques et les pratiques à son égard sont nombreuses.

Une telle projection doit se baser sur la documentation des cas en question et sur d’autres cas semblables ainsi que sur leur diffusion. Cette dernière devrait insister sur le fait qu’il ne s’agit pas d’un problème isolé, mais qu’il s’agit d’un problème social qui concerne bien d’autres demandes comme la santé, la justice, le logement, la vie. Cela exige le suivi, par la société civile, des événements et des cas pour établir des rapports et des diagnostics montrant la réelle situation de la protection des droits humains et reflétant l’état de conformité du Mexique avec ses obligations internationales dans ce domaine. La projection doit aussi partir du positionnement local, national et international des femmes défenseuses des droits humains et des réseaux qui ont adhéré à la cause. Leur légitimité, leur visibilité et leur soutien sont essentiels. Pour cela, les pactes et les alliances avec d’autres mouvements et organisations sympathisants restent fondamentaux, même si leurs axes de travail relèvent d’autres domaines. Pendant le processus du cas de Hilda, nous avons réalisé une systématisation et une documentation de celui-ci afin de le diffuser et de l’utiliser, surtout, comme un modèle. Des inégalités et des obstacles dans le processus juridique formel ont été identifiés en raison de problèmes liés à la discrimination de genre, l’ethnicité, la classe et d’autres conditions de marginalisation sociale au Chiapas. Nous avons également rédigé un document qui synthétise l’expérience du droit alternatif avec une perspective de genre, qui comprend des propositions de services et d’accès à la justice pour les femmes victimes de violence, en tenant compte de leur situation spécifique et de leurs conditions pour qu’elles puissent accéder à la justice dans des conditions équitables. Ce document s’est fondé sur différents cas plaidés par les organisations qui travaillent pour les droits des femmes. Ce matériel sera important pour la défense de nouveaux cas 30

En fait, nous sommes confrontés/es aujourd’hui au défi d’homologuer la dépénalisation de l’avortement au Mexique. Ce processus a souffert plusieurs revers depuis 2008, car dans plusieurs législations locales (au moins dans 17, début 2010) l’avortement a été pénalisé et des lois similaires sont actuellement en débat dans d’autres États. Il est donc urgent de prévenir et d’inverser cette tendance et faire en sorte que le droit à l’avortement ainsi que d’autres droits soient exigibles comme des droits fondamentaux aux niveaux local et fédéral. Il est donc nécessaire de mettre en place une stratégie qui combine des actions sur ces deux niveaux ainsi qu’au niveau international, pour empêcher de produire des nouvelles lois portant atteinte aux femmes. L’action coordonnée entre les personnes et les organisations de défense des droits humains ou de type syndical ou sectoriel comme les avocates, médecins ou professionnelles de la santé, entre autres, est nécessaire pour arriver à cette fin. Il faut reconnaitre que dans les cas analysés ici, le refus des autorités de faire appliquer la loi, et avec ceci, la confirmation de l’injustice et du pouvoir des leaders des colonies ou du personnel des institutions publiques, constituent un environnement d’impunité qui affaiblit ou qui empêche les femmes à revendiquer leurs droits. Maria de Jesús et Celia, comme d’autres femmes, étaient convaincues qu’il était impossible de faire quelque chose d’autre contre les agressions reçues, ce qui a été confirmé dans le processus et qui les a amené à cesser de poursuivre toute action en justice. Ce découragement et cette méfiance sont les éléments que nous devons combattre. L’existence d’instruments juridiques internationaux qui obligent les États, en l’occurrence le Mexique, à reconnaitre et à protéger les droits humains des COLEM . Étude de cas

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femmes est l’un des facteurs les plus importants pour leur développement et leur défense. De même, l’existence de groupes et de mouvements sociaux travaillant à la défense de ces droits, reste essentielle ainsi que pour le suivi des cas et des actions et le lobbying proposant des changements législatifs et politiques résultant dans le plein exercice des droits humains.

territoire indigène et qu’ils conservent partiellement certains éléments de leur culture. Gouvernement de Chiapas. www.chiapas.gob.mx 2

Carte extraite de l’Enciclopedia de los Municipios de México (l’encyclopédie des municipalités du Mexique). www.e-local.gob.mx 3

CONEVAL. Informe de evaluación de la política de desarrollo social en México 2008. Mexique, Consejo Nacional de Evaluación de la Política de Desarrollo Social, 2008.

Brève notice biographique des auteures : Guadalupe Elizalde Molina est avocate et activiste pour les droits humains des femmes depuis 1996. Pendant sept ans, elle a fourni une assistance légale directe aux victimes de violence domestique et sexuelle au COLEM, elle réalise également de nombreuses activités de facilitation d’ateliers pour femmes indigènes, conseils, coordination et recherche de forme indépendante. Elle donne des cours universitaires de Droit et elle coordonne des groupes d’élèves pour les former à l’avocature dans une perspective de genre. Martha Guadalupe Figueroa Mier est féministe et avocate pour femmes suivant une méthodologie basée sur le droit alternatif et la perspective de genre. Elle possède une expérience dans les systèmes communautaires indigènes, y compris dans l’Autónomo Zapatista, le système positif mexicain et l’international. Elle est donatrice et membre de plusieurs organisations et réseaux tels que le COLEM, le Colectivo Feminista Mercedes Olivera, la Red Milenio Feminista, l’Observatorio Nacional del Feminicidio, l’Observatorio de Género, la Coalición de Abogados y Abogadas en la Comisión Interamericana de Derechos Humanos, entre autres. Elle possède un diplôme en droits humains, droits indigènes, droits des femmes, entre beaucoup d’autres sujets. Elle est membre du Consejo Técnico Consultivo de la Comisión del Fomento de las Actividades de las Organizaciones de la Sociedad Civil (Conseil technique consultatif de la commission de développement des activités des organisations de la société civile), représentante légale des victimes femmes en situation de conflit armé à cause de la torture, violation sexuelle et exécution extra judiciaire face à la CIDH, conférencière, intervenante, auteure et coauteure de textes sur les différents sujets dont elle est spécialiste.

Brève notice biographique de l’organisation : Le Colectivo de Encuentro entre Mujeres (Collectif de rencontres entre femmes, COLEM, selon l’acronyme espagnol), appelé anciennement Grupo de Mujeres de San Cristóbal de las Casas (Groupe de femmes de San Cristóbal de las Casas) au Chiapas, est une organisation féministe sans but lucratif qui a travaillé dans les Altos de Chiapas au Mexique depuis 1990 pour les droits des femmes et contre la violence sexuelle et domestique, à travers des actions d’assistance, de diffusion, de communication, d’éducation populaire et de recherche.

Notes de fin : 1

Les critères pour comptabiliser la population indigène peuvent variés. Ce chiffre correspond uniquement aux personnes parlant une langue indigène, il ne prend pas en compte les indigènes ne parlant pas de langues autochtones même s’ils vivent dans un 32

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INEGI. Perfil Sociodemográfico. II Conteo de Población y Vivienda 2005. Mexique, Instituto Nacional de Geografía y Estadística, 2005. 5

Si vous souhaitez lire davantage sur la situation des droits humains au Chiapas, voir : Centro de Derechos Humanos Fray Bartolomé de las Casas. Balance anual 2008, sobre la situación de los derechos humanos en Chiapas. Frayba, Centro de Derechos Humanos Fray Bartolomé de las Casas, San Cristóbal de las Casas, Chiapas, Mexique, 2009. 6

Note de la rédaction (NDLR) : de « ejido »: Champs collectifs où les habitants d’un même village font paître leur bétail ou établissent des parcelles. 7

BUVE, Raymond. Caciquismo, un principio de ejercicio de poder durante varios siglos. Relaciones, núm. 24(96): 17-39, 2003. 8

BELLINGHAUSEN, Hermann. El nuevo camino de Chamula. La Jornada, Mexique, 28 septembre 2009. 9

Selon les données du Centro de Información y Análisis de Chiapas (Centre d’information et d’analyse du Chiapas, CIACH, selon l’acronyme espagnol), il existe de nos jours près de 70 000 effectifs militaires. www.laneta.apc.org/ciach 10

Les premiers couvents et églises catholiques ont été fondés à l’arrivée de l’ordre des dominicains au Mexique, à partir de 1526. Au Chiapas une province a été fondée, formée par plusieurs couvents d’une région qui incluait même l’Amérique centrale, en 1551. Vers la moitié du XVII siècle, la religion catholique s’est répandue dans une bonne partie du Chiapas, à l’exception du Soconusco et de la zone lacandona, qui ont été évangélisés des années plus tard. ROMERO, Manuel Jesús. Los dominicos en América Latina y El Caribe. Un esbozo histórico. s/f, Conferencia Interprovincial de Dominicos de América Latina y el Caribe (Conférence interprovinciale des dominicains d’Amérique latine et des Caraibes, CIDALC, selon l’acronyme espagnol). 11

Il s’agit d’une des municipalités tzotziles des Altos de Chiapas, la plus peuplée. Elle est composée de 87 « parages » qui participent aux mêmes cérémonies religieuse et festivités, qui ont les mêmes autorités religieuses et politiques avec une structure très rigide et autoritaire. Les « parages » sont des communautés avec un traditionalisme très ancré qui acceptent difficilement les influences externes ou les changements. Par exemple, quand ils perçoivent des comportements « bizarres » d’un de leurs membres, c’est-à-dire, des conduites qui vont à l’encontre des coutumes, ils sont qualifiés de délits graves qui peuvent donner place à des arrestations sans avertissement, des diffamations et des expulsions.

COLEM . Étude de cas

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12

L’Église catholique orthodoxe mexicaine, connue dans la zone comme l’Église de San Pascualito, apparait au Mexique en 1925, indépendante de Rome, associée à la politique anticléricale que le président de l’époque, Plutarco Elías Calles avait manifesté. Il n’y a pas de données expliquant comment elle est arrivée aux Chiapas, mais se fut dans la ville de Tuxtla Gutiérrez où le culte à San Pascualito a commencé et il s’est étendu à d’autres temples du Chiapas. En 1969, des prêtres de l’Église de San Pascualito sont arrivés à Chamula, au même moment où les prêtres du diocèse catholique de San Cristóbal de las Casas se font expulsés, à cause de leurs liens avec la théologie de la libération. Dans ce contexte associé aux luttes de pouvoir entre les différentes factions au sein de la communauté, les autorités locales ont demandé à l’Église catholique orthodoxe mexicaine d’envoyer un prêtre pour les services religieux. RIVERA Farfán, Carolina. Expresiones del cristianismo en Chiapas. Pueblos y fronteras, 1; 68-91, UNAM, Mexique. 13

BELLINGHAUSEN, Hermann. Chamula, el primer pueblo indio que disputa mecanismos de poder a mestizos. La Jornada. Mexico D.F., 9 février 2003. 14

RIVERA, LISBONA y GARCÍA. Chiapas religioso. En: Lecturas para entender a Chiapas. Gobierno del Estado de Chiapas, Dirección de Divulgación de la Secretaría de Educación, Mexique, 2004. 15

BELLINGHAUSEN, Hermann. Impune, asesinato de tzotzil en Mitzitón. La Jornada, Mexique, 26 juillet 2009b.

22

L’étude de cas de Maria de Jesús a été réalisée par Guadalupe Elizalde Molina, du COLEM, où la priorité a été donnée à l’axe de travail de l’organisation sur la violence contre les femmes. 23

Les expulsés se sont installés sur des terrains qui ne leur appartenaient pas. Cependant, lorsqu’ils étaient installés, les leaders ont commencé à offrir des parcelles ou des fractionnements de terrain, à travers un système de crédit informel. Moyennant des paiements périodiques, les terrains finissaient par appartenir à l’acheteur. Pour les caciques, en plus de bénéficier de cette affaire illicite, la vente des terrains signifiait l’installation de plus en plus de personnes sur ces terres et donc, il serait plus difficile pour le gouvernement de les déloger. Les autorités avaient peur de créer de nouveaux conflits dans la zone des Altos, qui pourraient renforcer le Zapatisme, ils n’ont donc pas voulu stopper la croissance de ces colonies. 24

Cette partie de l’étude de cas a été réalisée par Martha Guadalupe Figueroa Mier. Le COLEM s’est intéressé à l’axe des droits sexuels et reproductifs de ce cas. 25

16

Le terme « colonie » est une définition juridictionnelle. Au Mexique, les municipalités ou communes sont divisées en colonies.

38 kilos/1, 40 mètres correspondent à 84 lbs/4’7”. Ces données enregistrées dans le rapport médical, montre la gravité de l’état de santé de Hilda et le risque élevé que représentait pour elle de poursuivre cette grossesse.

17

26

Telles que : San Antonio de los Montes, la Hormiga, Getzemaní, Diego de Mazariegos, La Quinta, Santa Cruz Cascajal, Paraíso, Nueva Palestina, Nueva Tlaxcala, Morelos, Benito Juárez, La Selva, Artículo 115 et la Ex-Carmen. Entre ses colonies ou quartiers nous trouvons aussi la Nueva Maravilla et La Hormiga, les colonies où se développent les cas étudiés ici. 18

Carte extraite de l’Enciclopedia de los Municipios de México (l’encyclopédie des municipalités du Mexique). www.e-local.gob.mx 19

BELLINGHAUSEN, Hermann, 2009b, ob. cit. 2009.

20

Des viols réalisées par plusieurs hommes sur une même personne, dans ce cas, sur une femme. 21

Actuellement ces arrangements consistent à recevoir de l’argent et du Coca-Cola, dont la vente est contrôlée par les caciques de la communauté, elle est utilisée pour des rituels religieux et aussi à la fin des audiences de conciliation ou de justice en symbole de la conformité de l’accord conclu entre les parties. Cette boisson est devenue un produit précieux dans plusieurs sens, l’offrir à un visiteur peut être une marque d’importance de cette personne et ne pas en offrir, un geste d’avarice ou de manque de respect. Les autorités communales peuvent imposer une amende de la Commission des délits mineurs à acquitter avec des coca-colas, qui seront distribuées entre les autorités. Dans d’autres communautés, les caciques qui monopolisent sa vente ont imposé une consommation hebdomadaire obligatoire pour toute la population afin de s’assurer des rentrées et ils

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sont même capables d’exercer des actions violentes contre ceux qui refuseraient d’en consommer. Les représailles peuvent mener jusqu’à l’incendie d’une maison. Ces récits peuvent être consultés sur le blog Kalpulli tlahuikayotl, «Coca-cola en Chiapas: agua, contaminación y pobreza» (Coca-cola au Chiapas : eau, contamination et pauvreté).

Le Ministère public est la figure ou le nom communément attribué aux entités où sont reçues les plaintes, où se réalisent les enquêtes, où sont intégrées les preuves et où les délits sont configurés, en plus d’identifier le responsable. 27

NDLR : Violación equiparada s’agit du viol d’une personne incapable de résister physiquement ou psychiquement à l’acte, à cause de souffrances physiques ou mentales, de son âge ou d’autres conditions de manque de défenses. Référence : Portal de la Universidad Nacional Autónoma de México: http://www.tuobra.unam.mx/ publicadas/030316154012-CONCEPTO.html 28

Il existe aujourd’hui au Mexique, au niveau fédéral, trois cas dans lesquelles les femmes peuvent avortées: le viol, le danger de mort ou de santé de la mère ou du « produit ». Cependant, il n’existe aucun règlement qui permette une exécution correcte de cette loi, par conséquent, dans la pratique, son exercice est entravé. 29

En plus du manque de données sur ce sujet informant sur la situation, il est possible de voir les rapports et les bulletins de la Red Todos los Derechos Para Todos y Todas (Réseau tous les droits pour tous et toutes), le rapport livré au Rapporteur spécial sur la situation des droits humains et des libertés fondamentales des indigènes des Nations Unies lors de sa visite aux Chiapas. Aussi, ceci se reflète sur le nombre de femmes indigènes incarcérées. Ceci a été analysé dans quelques études d’anthropologie juridique et dans des rapports académiques dont, entre autres, celui de CIESAS. HERNÁNDEZ Castillo, R. Aída. El derecho positivo y la costumbre jurídica: Las mujeres indígenas de Chiapas y sus luchas por el acceso a la justicia. In: TORRES Falcón, Marta (compilatrice).

COLEM . Étude de cas

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Violencia contra las mujeres en contextos urbanos y rurales. Mexique, El Colegio de México, Programa Interdisciplinario de Estudios de la Mujer, 2003. 30

Le cas de « Paulina » est particulièrement important. Paulina Ramírez, une adolescente mexicaine de l’État de Basse Californie, a souffert une grossesse à 13 ans à conséquence d’un viol collectif en 1999. On ne l’a pas laissé avorter, également à cause des croyances personnelles et religieuses des agents de l’État qui l’on reçu. Le cas a été dénoncé publiquement, une grande partie de la société l’a soutenu et des groupes féministes ont appelé à manifester. Le cas a pu être porté à la Commission Interaméricaine des droits humains. Celle-ci a obligé le Mexique à reconnaitre sa responsabilité et à s’engager à promouvoir des réformes législatives pour éviter que des cas similaires surviennent. De mesures de dédommagement ont été prévues ainsi que le paiement des frais de procédure qui a été assumé par l’État mexicain. Certaines de ces mesures concernent seulement l’État de Basse Californie, d’autres concernent tout le pays. 31

Convención sobre la Eliminación de todas las Formas de Discriminación Contra la Mujer (Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes) http://www.un.org/womenwatch/daw/cedaw/text/fconvention.htm 32

Convención Interamericana para Prevenir, Sancionar y Erradicar la Violencia Contra la Mujer (Convention interaméricaine pour prévenir, sanctionner et erradiquer la violence à l’égard des femmes). (www.oas.org/juridico/spanish/tratados/a-61.html) 33

Convention 169 de l’Organisation internationale du travail concernant les peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants. http://www.ilo.org/ilolex/cgi-lex/ convdf.pl?C169 (version française). 34

Ibid.

35

Il convient de noter que dans le contexte complexe du Chiapas, qui se trouve également en situation de conflit armé et paramilitaire, l’alliance entre des organisations civiles avec des instances gouvernementales est non seulement difficile mais pourrait être aussi «politiquement incorrecte». Les possibilités, les convenances et la manière de créer des liens avec les différents acteurs publics et privés sont donc limitées et varies selon la situation. 36

Il ne faut pas oublier que le maintien d’un groupe fondamentaliste dépend de ses leaders mais aussi de ses partisans. Dans ce cas, les hommes et les femmes, notamment les femmes âgées, les «gardiennes» de la tradition ou de la moralité, jouent le rôle de censeures face à d’autres jeunes femmes ou face à d’autres femmes de leur communauté qui ne répondent pas aux normes établies, afin qu’elles répondent aux modèles stéréotypés propres aux femmes. Reconnaître leur rôle et établir des stratégies relatives à ce rôle est également nécessaire.

36

COLEM . Étude de cas

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