LIVRES...
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Un narrateur blasé jeune, fringant, attachant, qui se raconte, sans se la raconter. Le style - certains diraient la tchatche - rattrape la déveine du personnage central trop plein d’incertitudes. Des femmes seules, seules même en couple. Une conscience aigüe de l’absence de l’amour tant recherché dans les relations. Des partenaires de lit plutôt que des partenaires de vie. Cette énergie morte, maintes et maintes fois ressentie au sortir de coucheries désillusionnées de part et d’autre, comme pour rappeler que la chair est triste. Sur un autre registre, l’auteur livre de belles analyses pro revendications sur l’éternelle question identitaire. La déculturation et son corollaire - ce que j’appellerais moi les tentatives de re culturations (retour en Afrique, activisme noir, etc.) - la dichotomie entre le souci de vivre sa part africaine en donnant par exemple tous les mois à la mère créancière autoproclamée, et l’influence naturelle de l’individualisme occidental instillant une force contraire. Ces deux mondes se rencontrent pour ne jamais se comprendre. Hélas. Le style de ce roman rappelle Houellebecq (la mère impossible à aimer) mais tempère toujours les piques de cynisme. Elgas reste dans les limites de la politesse. C’est bien la seule qualité africaine que je retrouve dans son livre ; Une pudeur bienveillante. Tout le reste est franco-français. L’étudiant sénégalais est devenu un bon Tubaab (Blanc). Il fait presque tout comme eux, souffre des mêmes maux. Mais écrit diablement bien, comme les meilleurs d’entre eux. Oubliez les romans plein de dictons africains, vous n’en trouverez pas un seul dans celui-ci. Ahmadou Kourouma s’en retournerait dans sa tombe. L’africanité se perd, n’allez pas la rechercher…ici. Pas une seule phrase en langue !
6
Dans les 230 pages du livre. Peut-être aurait-il dû être plus long… Mais, trêve de critiques mineures, cela n’enlève rien au plaisir remarquable de tourner les pages des confessions du Mâle Noir. Elgas a livré là un précipité de la vie ni dure ni douce du jeune intello noir en France dans une langue formidable. Africain imparfait, Français imparfait, oui et alors ? N’est-ce pas être un humain tout court ? Aminata Fall